ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 110

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

62e année
22 mars 2019


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

539e session plénière du CESE, 12.12.2018-13.12.2018

2019/C 110/01

Avis du Comité économique et social européen sur Les coûts de la non-immigration et de la non-intégration (avis d’initiative)

1

2019/C 110/02

Avis du Comité économique et social européen sur la Bioéconomie durable inclusive — De nouvelles possibilités pour l’économie européenne (avis d’initiative)

9

2019/C 110/03

Avis du Comité économique et social européen sur Faciliter l’accès au financement de l’action climatique pour les acteurs non étatiques (avis d’initiative)

14

2019/C 110/04

Avis du Comité économique et social européen sur La situation des femmes roms (avis exploratoire demandé par le Parlement européen)

20

2019/C 110/05

Avis du Comité économique et social européen sur l’Égalité entre les hommes et les femmes sur les marchés européens du travail (avis exploratoire à la demande du Parlement européen)

26

2019/C 110/06

Avis du Comité économique et social européen sur la Mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans les domaines de la qualité de l’air, de l’eau et des déchets (avis exploratoire)

33


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

539e session plénière du CESE, 12.12.2018-13.12.2018

2019/C 110/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Adapter le commerce de détail de l’Union européenne aux exigences du XXIe siècle[COM(2018) 219 final]

41

2019/C 110/08

Avis du Comité économique et social européen sur le Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2017[COM(2018) 482 final]

46

2019/C 110/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/1588 du Conseil du 13 juillet 2015 sur l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales[COM(2018) 398 final — 2018/0222 (NLE)]

52

2019/C 110/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’action de l’Union européenne à la suite de son adhésion à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques[COM(2018) 365 final — 2018/0189 (COD)]

55

2019/C 110/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), le règlement (UE) no 1094/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), le règlement (UE) no 1095/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), le règlement (UE) no 345/2013 relatif aux fonds de capital-risque européens, le règlement (UE) no 346/2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens, le règlement (UE) no 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) 2015/760 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme, le règlement (UE) 2016/1011 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement, le règlement (UE) 2017/1129 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé; et la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme[COM(2018) 646 final — 2017/0230 (COD)]

58

2019/C 110/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant l’action commune 98/700/JAI du Conseil, le règlement (UE) no 1052/2013 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil — Contribution de la Commission européenne à la réunion des dirigeants à Salzbourg les 19 et 20 septembre 2018 — [COM(2018) 631 final — 2018/0330 (COD)]

62

2019/C 110/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne — Une contribution de la Commission européenne à la réunion des dirigeants à Salzbourg les 19 et 20 septembre 2018[COM(2018) 640 final — 2018-0331 (COD)]

67

2019/C 110/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 en ce qui concerne une procédure de vérification relative aux infractions aux règles en matière de protection des données à caractère personnel dans le contexte des élections au Parlement européen[COM(2018) 636 final — 2018/0328 (COD)]

72

2019/C 110/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds européen de la défense[COM(2018) 476 final]

75

2019/C 110/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM)[COM(2018) 380 final]

82

2019/C 110/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme Europe créative (2021 à 2027) et abrogeant le règlement (UE) no 1295/2013[COM(2018) 366 final]

87

2019/C 110/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux exigences minimales requises pour la réutilisation de l’eau (programme glissant)[COM(2018) 337 final]

94

2019/C 110/19

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’alignement des obligations en matière de communication d’informations dans le domaine de la politique environnementale et modifiant les directives 86/278/CEE, 2002/49/CE, 2004/35/CE, 2007/2/CE, 2009/147/CE et 2010/63/UE, les règlements (CE) no 166/2006 et (UE) no 995/2010 et les règlements (CE) no 338/97 et (CE) no 2173/2005 du Conseil[COM(2018) 381 final — 2018/0205 (COD)]

99

2019/C 110/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche et abrogeant le règlement (UE) no 508/2014 du Parlement européen et du Conseil[COM(2018) 390 final — 2018/0210 (COD)]

104

2019/C 110/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une Europe qui protège: de l’air pur pour tous[COM(2018) 330 final]

112

2019/C 110/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil et modifiant les règlements (CE) no 768/2005, (CE) no 1967/2006, (CE) no 1005/2008 du Conseil et le règlement (UE) no 2016/1139 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le contrôle des pêches[COM(2018) 368 final — 2018/0193 (COD)]

118

2019/C 110/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2008/106/CE concernant le niveau minimal de formation des gens de mer et abrogeant la directive 2005/45/CE[COM(2018) 315 final — 2018/0162 (COD)]

125

2019/C 110/24

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil établissant le programme de recherche et de formation de la Communauté européenne de l’énergie atomique pour la période 2021-2025 complétant le programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe[COM(2018) 437 final — 2018/0226]

132

2019/C 110/25

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2007/198/Euratom instituant une entreprise commune pour ITER et le développement de l’énergie de fusion et lui conférant des avantages[COM(2018) 445 final — 2018/0235 (NLE)]

136

2019/C 110/26

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil établissant le programme d’assistance au déclassement de la centrale nucléaire d’Ignalina en Lituanie (programme Ignalina), et abrogeant le règlement (UE) no 1369/2013 du Conseil[COM(2018) 466 final — 2018/0251 (NLE)] et la Proposition de règlement du Conseil établissant un programme de financement spécifique pour le déclassement d’installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs, et abrogeant le règlement (Euratom) no 1368/2013 du Conseil[COM(2018) 467 final — 2018/0252 (NLE)] et le Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation et la mise en œuvre des programmes d’assistance de l’Union européenne au déclassement d’installations nucléaires en Bulgarie, en Slovaquie et en Lituanie[COM(2018) 468 final]

141

2019/C 110/27

Avis du Comité économique et social européen sur la Recommandation de décision du Conseil autorisant l’ouverture de négociations relatives à une convention instituant un tribunal multilatéral chargé du règlement des différends en matière d’investissements[COM(2017) 493 final]

145

2019/C 110/28

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’instrument d’aide de préadhésion (IAP III)[COM(2018) 465 final — 2018/0247 (COD)]

156

2019/C 110/29

Avis du Comité économique et social européen sur L’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale et l’instrument relatif à la coopération en matière de sûreté nucléaire[COM(2018) 460 final — 2018/0243 (COD)]

163


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

539e session plénière du CESE, 12.12.2018-13.12.2018

22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Les coûts de la non-immigration et de la non-intégration»

(avis d’initiative)

(2019/C 110/01)

Rapporteur:

Pavel TRANTINA

Corapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Décision de l’Assemblée plénière

15.2.2018

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

7.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

149/9/13

1.   Synthèse des conclusions et recommandations

1.1

Le CESE considère que l’immigration a une influence positive sur la croissance de la population et de la main-d’œuvre. Si la croissance naturelle de la population devient négative, l’immigration peut contribuer à maintenir à un niveau constant à la fois la population totale et la population active. Il est vrai que l’immigration n’est pas la solution idéale pour faire face aux conséquences du vieillissement de la population en Europe. Elle pourrait toutefois également constituer une solution pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre et de compétences qui ne sont pas liées à l’évolution démographique.

1.2

Un scénario de non-immigration en Europe aurait les conséquences suivantes:

les économies des États membres pâtiraient de manière substantielle; les marchés de l’emploi seraient probablement soumis à une pression insupportable, des industries entières feraient faillite, la production générale chuterait et le secteur de la construction ne réussirait plus à satisfaire la demande,

les problèmes démographiques s’aggraveraient; les systèmes de retraite pourraient devenir insoutenables, le secteur de la santé et des soins risquerait de s’effondrer, le dépeuplement de certaines zones se poursuivrait à un rythme soutenu; par conséquent, la cohésion sociale serait fragilisée,

une interdiction totale de la migration légale entraînerait inévitablement une forte augmentation du nombre de tentatives d’immigration irrégulière, qui à son tour donnerait lieu à un excès de mesures en termes de sécurité, de répression et d’intervention policière, et dès lors à une hausse considérable des coûts; cela favoriserait les marchés du travail au noir, l’exploitation et l’esclavage moderne, ainsi que des tentatives désespérées de regroupement familial,

le racisme et la xénophobie seraient encore plus présents qu’aujourd’hui; les citoyens issus de l’immigration déjà installés sur le territoire, y compris des deuxième et troisième générations, subiraient la méfiance et l’hostilité populaires.

1.3

Par contraste, l’on peut mettre en évidence le potentiel suivant que représente l’immigration dans les pays d’accueil: elle permet de pourvoir aux offres d’emploi et de combler les déficits de compétences, elle permet de maintenir la croissance et les services à une population qui vieillit lorsque les jeunes ne sont plus assez nombreux sur place. L’écart entre les pensions de retraite peut être comblé grâce aux contributions des nouveaux travailleurs migrants. Les immigrants sont porteurs d’énergie et d’innovation. La diversité culturelle et ethnique enrichit les pays d’accueil. Les zones qui se dépeuplent peuvent être redynamisées, y compris les écoles qu’il est alors possible de transformer. Les pays d’origine bénéficient des transferts de fonds envoyés par les migrants, paiements qui sont supérieurs à l’aide étrangère. Les migrants qui rentrent au pays rapportent des économies, des compétences et des contacts internationaux.

1.4

Réaliser tout le potentiel que recèle la migration requiert d’adopter une approche, qui, entre autres, tire un meilleur parti des compétences de la population des migrants. Le CESE est convaincu de la nécessité de soutenir cette démarche au moyen de politiques et de mécanismes appropriés de validation et il demande à l’UE et à ses États membres d’en soutenir le développement rapide. En outre, la mise en œuvre adéquate des partenariats en matière de compétences avec des pays qui n’appartiennent pas à l’UE profiterait tout autant à cette dernière qu’aux pays d’origine des migrants.

1.5

L’UE devrait adopter des politiques et des mesures qui visent une migration sûre, structurée et régulière et qui renforcent l’inclusion et la cohésion sociale.

1.6

La non-intégration implique des risques et des coûts économiques, socioculturels et politiques. Par conséquent, la meilleure garantie contre d’éventuels coûts, problèmes et tensions à l’avenir consiste à investir dans l’intégration des migrants. Les politiques publiques doivent lutter contre les peurs, les craintes et les préoccupations de différentes composantes de la population dans les sociétés européennes afin d’éviter les discours xénophobes et anti-européens. À cet effet, les politiques devraient prévoir un catalogue clair, cohérent et motivé d’obligations pour les migrants, mais également une dénonciation cohérente de toute rhétorique et de tout comportement hostile aux migrants.

1.7

Le CESE fait valoir que favoriser l’intégration est essentiel pour renforcer les valeurs et les principes fondamentaux de l’UE, parmi lesquels la diversité, l’égalité et la non-discrimination font figure de clefs de voûte. L’intégration concerne l’ensemble de la société, y compris les migrants qui s’installent dans un pays d’accueil, quels que soient leur statut ou leur origine. Néanmoins, il convient d’adopter des politiques spécifiques à l’intention des personnes souffrant de vulnérabilités particulières (telles que les réfugiés) et une approche ciblée et s’appuyant sur les communautés est susceptible de produire de meilleurs résultats qu’une approche universelle. C’est pourquoi il est impératif que les États membres de l’Union européenne apprennent les uns des autres et s’efforcent honnêtement de favoriser un environnement propice à l’intégration des migrants et permettant d’éviter les risques.

2.   Contexte et objectifs du présent avis

2.1

Les plus importants flux migratoires vers l’Europe depuis la Deuxième guerre mondiale suscitent chez les citoyens des inquiétudes par rapport à de nouveaux flux migratoires non contrôlés et soulignent l’importance d’une approche commune dans la lutte contre la migration irrégulière et de garantir la capacité de l’UE à agir. Les États membres de l’UE sont confrontés à des défis en termes de gestion, de financement et de communication en matière de migration, ainsi qu’aux craintes des citoyens à cet égard. Si la situation a été exploitée de manière abusive par certains responsables politiques, le CESE est convaincu qu’il est urgent de faire évoluer le discours sur la migration et de revenir à un débat rationnel sur la base de faits. Les réfugiés et les migrants doivent être perçus non pas comme une menace, mais bien comme une chance pour le modèle économique et social européen.

2.2

Les politiques actuelles qui font du contrôle des migrations l’une des préoccupations premières dans le domaine des affaires étrangères sapent la position de l’UE dans ce même domaine, car elles rendent celle-ci vulnérable au chantage et à une perte de crédibilité concernant les questions de droits de l’homme. Le CESE estime que l’UE et ses États membres doivent aller au-delà du modèle actuel et faire en sorte de promouvoir des voies d’accès régulières qui facilitent une migration ordonnée et une inclusion réussie. Des voies sûres et légales peuvent réduire la pression que subit le régime d’asile de l’UE.

2.3

Dans le même temps, aussi longtemps que les marchés de l’UE alimentent la demande de main d’œuvre, des migrations se produiront, régulières ou autres. Dans certaines professions, à tout le moins, la demande se développera (secteur des soins, travail domestique, services sociaux, construction, etc.) (1).

2.4

À l’occasion des Journées de la société civile tenues en juin 2017, Mme Federica Mogherini, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a prononcé une allocution intitulée «L’Europe dans le monde et son rôle dans la paix et la stabilité» (2). Elle a déclaré que, pour des raisons économiques et culturelles, la migration est une nécessité pour l’Europe. Elle a proposé au CESE d’élaborer une étude ou un rapport sur les coûts de la non-migration; en effet, elle avait l’impression que si, du jour au lendemain, tous les immigrés disparaissaient, certains secteurs de nos économies s’effondreraient. Ce rapport, reprenant le point de vue des acteurs économiques et sociaux, dresserait le tableau d’une Europe sans migrants. Le présent avis d’initiative constitue le prolongement de son idée.

2.5

La migration présente de nombreux aspects; elle peut être régulière, irrégulière ou encore, comme ce fut le cas ces trois dernières années, revêtir un caractère humanitaire, dans le sillage de la guerre en Syrie et dans d’autres régions du monde. Les flux migratoires sont également mélangés et la migration de main-d’œuvre peut être saisonnière ou encore concerner des travailleurs manuels ou hautement qualifiés. Le présent document s’attachera principalement à une migration de main-d’œuvre sécurisée (et au regroupement familial lié), organisée et soutenue par l’UE; il prendra également note d’autres formes d’immigration en Europe et de la contribution potentielle des migrants arrivant dans le cadre d’une migration humanitaire (temporaire) (cas des demandeurs d’asile) et de la migration irrégulière.

3.   Observations générales

3.1   Démographie — Le vieillissement de la population et la baisse des chiffres dans l’UE

3.1.1

Au début du XXIe siècle, l’Europe est confrontée au vieillissement de sa population, à une stagnation, voire à une diminution de sa population indigène, à un taux de chômage élevé ainsi que — pour certains de ses principaux membres — à une faible croissance économique. Dans le même temps, l’Europe demeure l’une des principales destinations de la migration (3).

3.1.2

L’évolution du volume de la main-d’œuvre représente l’un des principaux défis dans l’Union européenne. Même si l’offre (le volume) de la main-d’œuvre ne se développe pas indépendamment de la demande de main-d’œuvre, il est possible d’estimer ses futures trajectoires en combinant différents scénarios de participation au marché du travail, assortis de projections démographiques telles que celles effectuées par les auteurs de la fiche européenne de données démographiques (European Demographic Data Sheet) pour l’année 2018 (4). À l’heure actuelle, dans l’Union européenne, la main-d’œuvre est estimée à environ 245 millions de travailleurs. Afin d’estimer l’offre future de main-d’œuvre jusqu’en 2060, les auteurs ont défini trois scénarios en ce qui concerne la participation au marché du travail, qui comptent avec 214, 227 ou 245 millions de travailleurs.

3.1.3

Selon d’autres prévisions, telles que celles présentées dans la fiche d’information de la Commission européenne à l’occasion du sommet social de Göteborg en 2017, en 2060, il n’y aura que deux personnes en âge de travailler pour chaque personne âgée. Aujourd’hui, il y en a quatre. En découleraient des risques critiques pour le maintien du modèle social européen tel que nous le connaissons aujourd’hui.

3.1.4

D’autre part, l’immigration a une influence positive sur la croissance de la population et de la main-d’œuvre. Si la croissance naturelle de la population devient négative, l’immigration peut contribuer à maintenir à un niveau constant à la fois la population totale et la population active. L’immigration pourrait également constituer une solution pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre et de compétences qui ne sont pas liées à l’évolution démographique. Toutefois, comme le fait observer l’Institut d’économie internationale de Hambourg (HWWI) dans son rapport intitulé The Costs and Benefits of European Immigration (Coûts et bénéfices de l’immigration en Europe) (5), l’immigration n’est pas la solution idéale pour faire face aux conséquences du vieillissement de la population en Europe (étant donné que les migrants aussi vieillissent).

3.2   Le potentiel de la migration de la main-d’œuvre en provenance de pays tiers

L’on peut prévoir les incidences suivantes (6):

3.2.1

sur les pays d’accueil:

les vacances d’emploi et les pénuries de compétences peuvent être comblées,

la croissance économique peut être maintenue,

les services à une population vieillissante peuvent être maintenus même lorsqu’il n’y a pas suffisamment de jeunes sur place,

l’écart entre les pensions de retraite peut être comblé grâce aux contributions des nouveaux jeunes travailleurs, lesquels paient aussi des impôts,

les immigrants sont porteurs d’énergie et d’innovation,

la diversité culturelle et ethnique enrichit les pays d’accueil,

les zones qui se dépeuplent peuvent être redynamisées, y compris les écoles où le nombre d’élèves est en diminution;

3.2.2

sur les pays d’origine:

les pays en développement bénéficient des transferts de fonds envoyés par les migrants, paiements qui sont désormais souvent supérieurs à l’aide étrangère (7), mais aussi des échanges culturels,

le chômage diminue et les jeunes migrants améliorent leurs chances de réussite dans la vie,

les migrants qui rentrent au pays rapportent des économies, des compétences et des contacts internationaux.

4.   Coûts de la non-immigration

4.1   Maintenir la croissance économique et répondre aux besoins du marché du travail

4.1.1

L’immigration provenant des pays tiers a une incidence directe et indirecte sur la croissance économique; il apparaît une corrélation manifeste entre la croissance de la main d’œuvre du fait de l’immigration et la croissance agrégée du PIB. Par exemple, ces dernières années, la Suède a accordé des milliers de permis de travail à des développeurs dans les technologies de l’information, à des cueilleurs de baies et à des cuisiniers. L’immigration de main-d’œuvre contribue dans une large mesure à l’économie suédoise: les entreprises qui recrutent des travailleurs migrants se développent plus rapidement que les entreprises comparables. Chaque année, le travail des immigrés non issus de l’UE ou de l’EEE contribue pour plus de 1 000 millions d’euros au PIB suédois et plus de 400 millions d’euros aux recettes fiscales du pays (8).

4.1.2

Entre 2004 et 2014, la population des migrants a généré une croissance de 70 % de la main d’œuvre en Europe (9). Il est difficile de cerner les incidences produites par une pénurie de main d’œuvre d’une telle ampleur au sein de l’économie européenne et dans chacun des États membres. En outre, la population d’origine étrangère s’insère habituellement dans des niches de marché (segmentation) soit qui connaissent une croissance rapide soit qui sont en déclin, fournissant un surcroît de souplesse pour réagir aux demandes du marché de l’emploi de l’UE.

4.1.3

De la même manière, la population des migrants participe à l’état de l’emploi dans chaque pays en contribuant à la consommation et à la création de nouveaux emplois. Les entrepreneurs issus de l’immigration contribuent à la croissance économique et à l’emploi, bien souvent en donnant un nouveau souffle à des secteurs délaissés du commerce et de l’artisanat et participent de plus en plus à la fourniture de biens et de services à valeur ajoutée (10). Dès lors, le Comité recommande, si l’on entend renforcer «la créativité et la capacité d’innovation» des entrepreneurs immigrés, de prendre des mesures spécifiques au niveau de l’UE, des États membres et à l’échelon local, avec pour objectif d’éradiquer la discrimination et de créer des conditions d’égalité pour tous, afin que tous puissent contribuer à la croissance inclusive et à la création d’emplois de qualité (11).

4.1.4

Le CESE est également d’avis que du fait de leur propension toute particulière à œuvrer dans les secteurs des prestations de soins et des activités de l’économie du partage et de l’économie circulaire, les entreprises de l’économie sociale ont la capacité d’encourager et de soutenir non seulement de nouveaux emplois, mais également l’esprit d’entreprise et l’accès aux activités économiques pour les migrants en dehors de l’UE (12).

4.1.5

Mesurer l’impact budgétaire de l’immigration est une question complexe. Toutefois, l’OCDE affirme (13) que les migrants ont eu une incidence budgétaire nulle au cours des cinquante dernières années, c’est-à-dire que toutes les dépenses qu’ils ont pu engendrer ont été couvertes par les recettes issues du produit des impôts collectés.

4.1.6

Une étude des chercheurs d’Oxford Economics (14) a conclu que les travailleurs migrants ont contribué à maintenir une offre de main-d’œuvre appropriée pour alimenter le boom économique de 2004-2008. Il semblerait que la présence de travailleurs migrants ait permis à certaines entreprises de survivre ou de ne pas de délocaliser la production à l’étranger (les auteurs citent une étude réalisée auprès de 600 entreprises, dont 31 % ont déclaré que les migrants ont joué un rôle important dans la survie de leur organisation, un chiffre qui atteint 50 % dans les secteurs de la santé et de l’aide sociale et de l’agriculture).

4.1.7

Il ne fait aucun doute que l’immigration peut être bénéfique d’un point de vue économique, pour les pays d’origine comme pour les pays d’accueil. Toutefois, compte tenu des structures économiques et commerciales actuelles, ce sont les pays riches et puissants qui en retirent le plus grand bénéfice. La migration a également le potentiel de rassembler les peuples autour de la culture et de favoriser la compréhension mutuelle, mais des frictions apparaissent si aucun effort n’est fait pour dissiper les malentendus, les préjugés ou les mythes qui ont cours au sein de la population locale, mais également de la population des migrants.

4.2   Combler le déficit de compétences

4.2.1

En général, chaque année, l’économie européenne accuse une perte de plus de 5 % de productivité du fait de l’inadéquation entre les compétences des travailleurs et les besoins du marché du travail, selon une étude réalisée par l’Institute for Market Economics (IME, Institut pour l’économie de marché) (15), commandée par le CESE et publiée le 24 juillet 2018. Selon cette étude, cette perte s’élève à 80 cents par heure travaillée. Les professions les plus touchées sont celles du secteur de l’informatique et des communications, les médecins et de manière plus générale, celles des domaines de la science, des technologies et de l’ingénierie. Ce phénomène touche également les enseignants, les infirmières et les sages-femmes. Les auteurs indiquent que cette tendance s’aggrave du fait du déclin démographique et de l’évolution des technologies. Ce déficit de compétences pourrait être comblé, en partie, par les travailleurs migrants.

4.2.2

Cependant, réaliser tout le potentiel que représente la migration dans ce domaine requiert d’adopter une approche, qui, entre autres, tire un meilleur parti des compétences et des qualifications de la population des migrants. Les immigrants sont souvent surqualifiés par rapport aux postes qui leur sont offerts (16).

4.2.3

Il n’est possible de combler en partie le déficit de compétences que si les migrants obtiennent la validation de leurs compétences et qualifications. Toutefois, les mécanismes de validation de l’UE sont toujours en cours d’élaboration et dépendent des États membres. L’outil de profilage des compétences de l’UE n’est pas suffisamment utilisé par les États membres et les acteurs sur le terrain. Néanmoins, il existe en la matière des initiatives non gouvernementales, telles que les «cartes de compétences» ou l’auto-évaluation professionnelle en ligne (17) proposées par la fondation Bertelsmann.

4.2.4

Mettre en œuvre de manière adéquate des partenariats en matière de compétences avec des pays qui n’appartiennent pas à l’UE profiterait tout autant à cette dernière qu’aux pays d’origine des migrants.

4.3   Soutenir le secteur des soins de santé

4.3.1

Les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur des soins de santé constituent une «bombe à retardement». La crise en la matière est persistante (18) et les pénuries de main d’œuvre iront croissant si des mesures appropriées ne sont pas engagées pour y répondre. En 1994 déjà, la Commission européenne qualifiait les services à la personne de secteur stratégique. En 2010, elle adressait une mise en garde en indiquant qu’il manquerait d’ici 2020 deux millions de professionnels du secteur de la santé si aucune action n’était entreprise d’urgence afin de juguler la pénurie au niveau de l’offre de travail, attendu qu’il manquait jusqu’à un million de prestataires dans le secteur des services de longue durée à la personne (19).

4.3.2

Dans de nombreux États membres, on relève une pénurie de main-d’œuvre dans les professions des services à la personne. Le recrutement de prestataires de services à la personne, qu’ils soient en situation régulière ou sans-papiers, atténue le manque de travailleurs dans le secteur des soins. Les systèmes de santé du Sud de l’Europe, en particulier, s’appuient massivement sur ces prestataires de services à la personne logés à domicile. En Italie, ceux de ces prestataires qui sont des immigrés représentent ainsi les trois quarts environ des effectifs des services à la personne assurés à domicile (20).

4.3.3

Les pays d’Europe centrale et orientale sont également affectés par la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur des services à la personne, ainsi que par la demande croissante pour ces services en Europe occidentale. La Pologne, par exemple, fournit à d’autres pays de nombreux prestataires de services à la personne, alors ses ressources en travailleurs s’épuisent dans le secteur des soins. Ce déficit de personnel est comblé par l’arrivée sur son territoire de travailleurs en provenance d’Ukraine et d’autres pays tiers (21).

4.3.4

Il est aussi important de noter l’importante contribution économique des femmes migrantes, aux familles et aux communautés, grâce à un travail rémunéré, et la nécessité de lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes sur les marchés du travail (22). Les recherches montrent que la majorité des travailleuses migrantes sont employées dans le secteur des services (par exemple, restauration, services à domicile et soins de santé). Le travail clandestin, le sous-emploi et le travail temporaire pourraient générer le désavantage auquel sont confrontées les femmes migrantes sur les marchés du travail de l’UE, et il convient de développer davantage des mesures destinées à garantir l’égalité de traitement et d’assurer la protection des personnes vulnérables.

4.4   Lutter contre l’exode de la population des zones rurales et isolées

4.4.1

Les zones rurales, montagneuses et insulaires se dépeuplent, ce qui enclenche un déclin économique et sociale qui gagne en puissance au fur et à mesure que s’accroît la migration des habitants vers les villes. Cette saignée démographique débouche sur une réduction de la masse monétaire en circulation dans la communauté qui, par ricochet, affecte la viabilité des entreprises, commerces et lignes de transport du cru, ainsi que la disponibilité des infrastructures et services de base.

4.4.2

Dans certaines régions de l’UE, comme en Irlande ou au Brandebourg, ce phénomène est contrecarré grâce à l’installation de migrants. Dans le cas par exemple de l’agriculture, la contribution des travailleurs migrants a été essentielle en Irlande du Nord pour y assurer la survie d’un secteur qui connaît de graves problèmes concernant l’offre de main d’œuvre et le vieillissement de cette dernière. La population des migrants est prête à accepter des emplois à des salaires et à des conditions que refuse la population locale, ainsi qu’à vivre dans des villages fortement menacés de dépeuplement, bien qu’il puisse s’agir d’un secteur qui échappe largement à toute réglementation et qui présente un risque élevé d’exploitation des travailleurs (23).

4.4.3

Des possibilités sont offertes dans le cadre de la politique de développement rural de l’Union européenne visant à aider les communautés rurales locales à faire face à l’arrivée de migrants. Un certain nombre d’organisations de développement rural ont souligné l’aide que les zones rurales pourraient proposer aux migrants, dont l’arrivée pourrait jouer un rôle dans la revitalisation des zones subissant un sous-peuplement et/ou un déclin économique. Le Parlement européen a souligné l’importance du soutien à l’inclusion sociale et à l’intégration des migrants sur le marché du travail dans son étude de 2017 (24).

4.5   Gérer la diversité culturelle

4.5.1

Le manque de population migrante contribuerait à appauvrir la diversité dans les pays de l’Union européenne et déboucherait sur des discours marqués par la xénophobie et l’autosatisfaction, contraires aux principes directeurs de l’Union européenne. L’on se priverait, de même, de la contribution à l’épanouissement de valeurs telles que l’égalité de traitement et la non-discrimination, que la visibilité de la population d’origine immigrée a contribué à faire progresser au cours des dernières années.

4.6

Pour toutes ces raisons, la non-immigration vers l’UE doit être considérée comme un scénario irréaliste, impossible à mettre en œuvre et extrêmement dommageable.

5.   Les coûts de la non-intégration (et la manière de les éviter)

5.1

Pour exploiter pleinement le potentiel de la migration vers l’Europe, comme indiqué ci-dessus, et, dans le même temps, réduire au minimum les risques liés et durables et les coûts socioéconomiques, il est de la plus haute importance de réunir les conditions propres à garantir une intégration réussie des migrants.

5.2

Les principaux éléments permettant de comprendre ce qu’entend l’UE à cet égard figurent dans les principes de base communs de la politique d’intégration des immigrants dans l’Union européenne, adoptés par le Conseil en 2004 (25). L’intégration y est décrite comme «un processus dynamique, à double sens, d’acceptation réciproque entre tous les immigrants et résidents des États membres». Cette interprétation contredit la conception erronée, et largement répandue, de l’intégration comme synonyme d’assimilation — un processus à sens unique dans lequel les individus abandonnent leurs caractéristiques nationales et culturelles pour adopter celles de leur nouveau pays de résidence (26). Toutefois, comme il a été réaffirmé en 2016 dans le plan d’action de l’UE sur l’intégration des ressortissants de pays tiers, un élément essentiel de la vie et de la participation au sein de l’UE est la compréhension et la souscription à ses valeurs fondamentales (27).

5.3

Il convient de souligner que l’intégration concerne tous les migrants dans un pays d’accueil, quels que soient leur statut ou leur origine. Néanmoins, il est besoin de politiques spécifiques à l’intention des personnes souffrant de vulnérabilités particulières (telles que les réfugiés) et une approche s’appuyant sur les communautés est susceptible de produire de meilleurs résultats qu’une approche universelle.

5.4

L’emploi est un élément essentiel du processus d’intégration. Les États membres et les partenaires économiques et sociaux perçoivent donc l’insertion des migrants sur le marché du travail comme une priorité. En effet, la demande de travailleurs migrants continue d’être l’un des premiers moteurs essentiels de l’immigration.

5.5

Parmi les principales autres variables qui déterminent l’intégration des migrants de la part de l’État d’accueil figurent: le caractère certain et prévisible du statut de la migration; les possibilités et obstacles à l’obtention de la citoyenneté, les possibilités de regroupement familial, l’organisation de cours de langue, les exigences en matière de connaissances linguistiques et culturelles, les droits politiques, l’ouverture générale de la société et sa volonté d’accueillir, d’aider et d’interagir avec les nouveaux venus et vice-versa.

5.6

En outre, l’intégration des migrants est étroitement liée à une multitude de politiques sociales en matière de protection sur le lieu de travail, de logement, de soins de santé, d’éducation, de droits des femmes, d’égalité et de non-discrimination pour ne citer que quelques exemples.

5.7

Dans un effort pour quantifier les politiques en place, l’index des politiques d’intégration des migrants (MIPEX) a été mis en place, et il fournit des données comparables sur les États membres de l’UE et plusieurs autres pays (28). Ses résultats soulignent les divergences existantes entre les États membres, y compris la persistance de la fracture entre l’Est et l’Ouest.

5.8

Si l’on suit la logique du scénario de la «non-intégration des migrants», l’on peut identifier les coûts et/ou risques suivants:

5.8.1   Économiques

Exclusion de la main-d’œuvre formelle (et explosion du travail non déclaré)

Coûts accrus de traitement des problèmes sociaux une fois qu’ils se sont déclarés, plutôt que d’avoir été prévenus

Incapacité des migrants à réaliser pleinement leur potentiel (souvent transféré aux générations suivantes)

5.8.2   Socioculturels

Absence d’identification avec les valeurs et les normes du pays d’accueil et absence de leur acceptation

Aggravation des différences socioculturelles entre les migrants et les communautés d’accueil

Discrimination structurelle des migrants, et notamment absence d’accès approprié aux services

Montée accrue de la xénophobie et de la méfiance réciproque

Perpétuation des barrières linguistiques

Ségrégation spatiale conduisant tout droit à la ghettoïsation

Éclatement de la cohésion de la société dans son ensemble

5.8.3   Sécurité

Augmentation des discours et crimes de haine

Baisse de l’application de la loi et augmentation possible des taux de criminalité, en particulier dans les zones d’exclusion sociale

Radicalisation potentielle et soutien accru aux idéologies extrémistes (tant au sein des communautés de migrants que dans la société d’accueil)

5.9

Compte tenu de ce qui précède, la meilleure garantie contre d’éventuels problèmes et tensions à l’avenir consiste à investir dans l’intégration des migrants.

5.10

Les politiques à cet effet devraient prévoir un catalogue clair, cohérent et motivé d’obligations pour les migrants, mais également une dénonciation cohérente de toute rhétorique et de tout comportement hostile aux migrants.

5.11

C’est pourquoi il est impératif que les États membres de l’Union européenne apprennent les uns des autres et s’efforcent honnêtement de favoriser un environnement propice à l’intégration des migrants et permettant d’éviter les risques exposés ci-dessus.

5.12

Il y a lieu d’affirmer avec force que les efforts des gouvernements visant à présenter les migrants comme des criminels ou à favoriser toute autre forme de marginalisation des migrants, à alimenter le nationalisme ethnique et à pratiquer des coupes dans le financement des mesures d’intégration (y compris la non-distribution des fonds mis à disposition par l’Union) — comme cela a été récemment observé dans certains États membres — sont en contradiction directe avec ces objectifs et peuvent causer un préjudice irréparable à long terme.

5.13

En dernier lieu, et non le moindre, favoriser l’intégration est essentiel pour renforcer les valeurs et les principes fondamentaux de l’UE, parmi lesquels la diversité, l’égalité et la non-discrimination font figure de clef de voûte.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Par exemple, sur les 4,3 millions d’immigrés présents dans l’UE en 2016, l’on estime à 2 millions les citoyens issus de pays tiers, à 1,3 million les personnes ayant la nationalité d’un autre État membre que celui dans lequel elles vivent, à environ 929 000 les personnes qui ont migré vers un État membre de l’Union dont elles avaient la nationalité (par exemple, des ressortissants de retour dans leur pays ou nés à l’étranger), et à quelque 16 000 les apatrides.

(2)  Allocution d’ouverture de Mme Federica Mogherini lors des Journées de la société civile 2017 (en anglais).

(3)  Portail de données sur les migrations (en anglais).

(4)  «European Demographic Data Sheet 2018» (en anglais).

(5)  «The costs and benefits of European immigration», Econstor («Coûts et bénéfices de l’immigration en Europe», en anglais).

(6)  Ce paragraphe s’inspire — et reprend — des conclusions de «The pros and cons of Migration», Embrace.

(7)  «Perspectives du développement mondial 2017», OCDE.

(8)  DAMVAD Analytics (2016): «Labour immigration contributes to Swedish economic development».

(9)  OCDE (2014), «Is migration good for the economy?» (en anglais). Débats sur la politique migratoire.

(10)  J. Rath, Eurofound (2011), «Promoting ethnic entrepreneurship in European cities» («Promouvoir l’entrepreneuriat ethnique dans les villes européennes»), Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg.

(11)  JO C 351 du 15.11.2012, p. 16.

(12)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 1.

(13)  «Perspectives des migrations internationales 2013», OCDE.

(14)  Ministère britannique de l’emploi et de l’apprentissage: «The Economic, Labour Market and Skills Impacts of Migrant Workers in Northern Ireland» (Les incidences des travailleurs migrants sur l’économie, le marché du travail et les compétences en Irlande du Nord) (en anglais).

(15)  CESE (2018): Skills Mismatches — An Impediment to the Competitiveness of EU Businesses («L’inadéquation des compétences: un obstacle à la compétitivité des entreprises de l’UE», pour l’heure en anglais uniquement), (ISBN: 978-92-830-4159-7).

(16)  LABOUR-INT: «Integration of migrants and refugees in the labour market through a multi-stakeholder approach» («L’intégration des migrants et des réfugiés au sein du marché du travail par le biais d’une approche multipartite», en anglais).

(17)  Meine Berufserfahrung zählt.

(18)  UNI Europa, Unicare (2016).

(19)  Commission européenne, 2013.

(20)  Service de recherche du Parlement européen (2016) (en anglais).

(21)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 7.

(22)  Rapport technique «Migrant women in the EU labour force» («Les femmes migrantes dans la main d’œuvre de l’UE», en anglais). Résumé des conclusions, CE.

(23)  Nori, M. (2017). «The shades of green: migrants’ contribution to EU agriculture: context, trends, opportunities, challenges» («Nuances de vert: la contribution des migrants à l’agriculture de l’UE: contexte, tendances, occasions et défis»).

(24)  «EU rural development policy and the integration of migrants», PE. («La politique de développement rural de l’UE et l’intégration des migrants», en anglais).

(25)  «Common Basic Principles for Immigrant Integration Policy in the EU» («Principes de base communs de la politique d’intégration des immigrants dans l’Union européenne», en anglais).

(26)  Pour en savoir plus sur cette différence conceptuelle, voir par exemple:Assimilation vs integration, Centre for the Study of Islam in the UK, RE teachers Resource Area (en anglais).

(27)  Plan d’action sur l’intégration des ressortissants de pays tiers.

(28)  Migrant Integration Policy Index 2015: How countries are promoting integration of immigrants («Indice 2015 des politiques d’intégration des migrants: Comment les pays favorisent l’intégration des immigrants», en anglais).


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/9


Avis du Comité économique et social européen sur la «Bioéconomie durable inclusive — De nouvelles possibilités pour l’économie européenne»

(avis d’initiative)

(2019/C 110/02)

Rapporteur:

Mindaugas MACIULEVIČIUS

Corapporteure:

Estelle BRENTNALL

Décision de l’Assemblée plénière:

15.2.2018

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

25.9.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

205/3/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Mettre en place des mesures incitatives et un cadre stratégique à long terme, cohérent et transparent visant à promouvoir la bioéconomie. Un engagement politique à haut niveau est nécessaire si l’on veut relever les nombreux défis transversaux qui se posent pour la société, et la politique environnementale de l’Union européenne pourrait être plus favorable aux bioproduits innovants et aux matières premières produites dans l’Union européenne de manière durable. Des incitations financières ou fiscales pourraient contribuer à favoriser les investissements nécessaires, étant donné que ce sont les États membres et les régions qui sont compétents dans ces domaines, et non l’Union européenne. Les grappes d’entreprises qui regroupent des PME, ainsi que les producteurs primaires de biomasse durable, jouent un rôle essentiel dans le développement des relations entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Réaliser un inventaire qui serait tenu constamment à jour (1) et mesurer parallèlement les effets de la bioéconomie permettrait d’identifier les grappes d’entreprises actives dans le domaine des bio-industries, et des mesures devraient être prises pour promouvoir la création de nouveaux pôles là où il en manque, aux niveaux européen, régional et national.

1.2.

Le rôle des agriculteurs, des propriétaires de forêts et de leurs coopératives est indispensable pour assurer une utilisation efficace des ressources naturelles et contribuer à une bioéconomie circulaire. Un cadre financier pluriannuel, une politique agricole commune et une stratégie forestière européenne qui soient solides sont nécessaires pour soutenir les services de conseil, la formation et l’échange des connaissances, afin de mieux répondre aux besoins des agriculteurs et des coopératives agricoles. Il convient de promouvoir des exemples concrets afin de sensibiliser le public et lui montrer les avantages que revêt la bioéconomie pour l’ensemble de la chaîne de valeur. Cela permettra d’inciter les jeunes agriculteurs et les nouveaux entrants à créer de nouvelles entreprises dans ce domaine. Les organisations de producteurs et les coopératives devraient également être encouragés en tant qu’elles constituent des outils importants pour renforcer la mobilisation et la valeur ajoutée de la biomasse existante dans l’Union européenne. Par conséquent, il est essentiel de soutenir les secteurs de l’agriculture et de la sylviculture de l’Union européenne pour poursuivre les investissements et l’innovation dans la production durable de biomasse.

1.3.

Soutenir la création de marchés et aider les consommateurs et les citoyens à choisir au quotidien les produits et industries qu’ils soutiennent en connaissance de cause. Afin de pallier la sensibilisation insuffisante des consommateurs et de diffuser des messages cohérents et précis sur les bioproduits, l’Union européenne doit élaborer une stratégie de communication associant tous les partenaires de la chaîne de valeur, ainsi que toutes les autres parties prenantes. La définition de normes européennes précises relatives aux bioproduits a constitué une première étape importante, qui pourrait ouvrir la voie à l’adoption de mesures de création de marchés afin d’inciter davantage les consommateurs et les acheteurs publics à adopter les bioproduits européens.

1.4.

Fournir un retour sur investissement durable par l’intermédiaire d’un fonds unique. Une réglementation intelligente et une mise en œuvre cohérente à plusieurs niveaux dans l’ensemble de l’Union devraient constituer une priorité afin d’éliminer les obstacles et de réduire les charges administratives, tout en garantissant un développement durable. Ainsi, un outil en ligne pourrait aider à identifier les financements disponibles et à déterminer si le demandeur remplit les critères permettant de bénéficier de ce mécanisme. Cette structure fournirait aussi les liens et ressources nécessaires pour introduire directement une demande auprès du mécanisme de financement. Elle pourrait servir de marché, en publiant les informations sur les financements disponibles et en mettant en contact les demandeurs avec les bailleurs de fonds potentiels (un site de financement participatif, par exemple). La poursuite de l’entreprise commune Bio-industries (EC Bio-industries 2.0) au-delà de l’actuel cadre financier pluriannuel est essentielle pour favoriser la création et le renforcement des chaînes de valeur des bioproduits et renforcer la compétitivité des installations de production existantes, ainsi que pour contribuer au développement rural par la création d’emplois et la promotion de la création d’entreprises.

1.5.

La politique de développement régional de l’Union européenne pour l’après-2020 devrait fournir suffisamment de fonds pour continuer à développer les zones rurales. L’accent devrait être mis principalement sur le soutien à l’investissement dans les infrastructures et les services qui sont nécessaires pour des entreprises rurales efficaces et durables dans le secteur de la bioéconomie.

1.6.

Tirer parti des possibilités scientifiques et soutenir l’adoption des innovations grâce à un cadre juridique souple, proportionné et robuste. La recherche est déterminante afin de promouvoir, introduire et évaluer l’innovation dans la bioéconomie. L’exploitation commerciale ne dépend pas seulement de l’excellence de la recherche, mais également d’un cadre stratégique, juridique et sociétal qui soit propre à garantir des transferts rapides de connaissances vers l’industrie. Les pionniers doivent bénéficier de l’espace et du soutien nécessaires pour innover et avancer dans les limites de la réglementation. Il convient de conclure des accords d’innovation et des accords «verts» avec les parties prenantes, dans les cas où la réglementation pourrait favoriser davantage le développement de la bioéconomie dans son ensemble et où des solutions créatives sont nécessaires. En outre, l’innovation joue également un rôle crucial dans le renforcement de la viabilité de la production de biomasse dans l’Union européenne.

1.7.

Renforcer les programmes d’éducation, de formation et de développement des compétences pour les nouveaux talents et les travailleurs actuels. La libération du potentiel de la bioéconomie pourrait déboucher sur la création de nouveaux emplois. Cependant, l’introduction de nouvelles technologies engendre d’importantes difficultés sur les plans de l’organisation du travail et des exigences en matière de compétences imposées aux travailleurs. Par conséquent, il est de la plus haute importance de garantir l’adaptation et le développement constants de leurs compétences tout au long de leur carrière. Il est primordial que tous les acteurs concernés — producteurs de biomasse, prestataires de services éducatifs, entreprises, syndicats, services publics de l’emploi et pouvoirs publics — s’engagent à améliorer la qualité et la rapidité d’adaptation de l’enseignement et des formations professionnelles afin de réduire l’inadéquation des compétences, en renforçant les liens entre les systèmes éducatifs et le marché du travail. Toutefois, d’une manière générale, le développement des compétences et l’adéquation des politiques devraient faire partie intégrante d’un ensemble de mesures plus vaste incluant les politiques relatives à l’emploi, à l’industrie, aux investissements, à l’innovation et à l’environnement.

1.8.

Explorer les utilisations de la biomasse. Une utilisation plus efficace de l’approvisionnement en biomasse existant doit être une priorité afin de faire face à l’accroissement de la demande de matières premières. Ensuite, il convient également d’améliorer la qualité et la quantité des sols productifs destinés à l’agriculture et de fournir des incitations à l’utilisation des terres abandonnées, marginales ou sous-utilisées. Les producteurs de matières premières, et surtout les agriculteurs et les propriétaires forestiers, jouent un rôle crucial dans le développement de la bioéconomie. Il convient de les sensibiliser aux possibilités qui pourraient s’offrir à eux (en recourant à différentes cultures), et de garantir le développement d’infrastructures pour la collecte, le stockage et le transport de la biomasse. La simplification des dispositifs de déclaration sur le développement durable ainsi que l’amélioration des capacités de production et de transformation de la biomasse de manière polyvalente peuvent également jouer un rôle clé. L’utilisation des déchets et des résidus en tant que sources de biomasse alternatives et la gestion durable des forêts européennes offrent des possibilités pour la bioéconomie et la bioénergie. Une valorisation des flux de déchets durables s’impose, de même que de nouveaux investissements dans la mobilisation des ressources de bois et des résidus. En outre, il convient de développer des technologies permettant de faire face à la variabilité inhérente à ce type de produits. Dans certains cas, les politiques nationales risquent de devoir s’adapter pour permettre l’utilisation des déchets dans la production de bioproduits.

2.   Observations générales

2.1.

La bioéconomie englobe la production de ressources biologiques renouvelables et leur transformation en denrées alimentaires, aliments pour animaux, bioproduits et bioénergie. Il s’agit notamment des secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’alimentation, de la production de pâte à papier et de papier, ainsi que de certains segments des secteurs de la chimie, des biotechnologies et de l’énergie. Pour les besoins du présent avis, la recherche sur les génomes, les processus cellulaires et la bio-informatique n’est pas spécifiquement considérée. La stratégie de l’Union européenne en faveur de la bioéconomie de 2012 visait à «[…] faciliter l’avènement d’une société plus innovante, plus économe en ressources et plus compétitive qui concilie la sécurité alimentaire et l’utilisation durable des ressources renouvelables à des fins industrielles tout en garantissant la protection de l’environnement». En 2017, la Commission a procédé à un réexamen de ladite stratégie de 2012, et en a conclu qu’elle avait démontré la pertinence de ses objectifs et que l’importance des possibilités offertes par la bioéconomie était de plus en plus reconnue en Europe et au-delà de ses frontières.

2.2.

Néanmoins, bien que les objectifs de la stratégie de l’Union européenne en faveur de la bioéconomie de 2012 conservent leur pertinence face aux défis en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, et que le plan d’action qui l’accompagne ait atteint les objectifs proposés, il est jugé nécessaire d’en recentrer les actions et d’en évaluer le champ d’application à la lumière des développements récents des politiques, y compris les objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) et la convention sur les changements climatiques (COP 21). La population mondiale devrait presque atteindre les dix milliards d’habitants d’ici 2050 et les ressources biologiques doivent être exploitées plus efficacement, en vue de pouvoir produire des denrées alimentaires sûres, nutritives, de qualité et abordables pour davantage de personnes en réduisant l’incidence environnementale et climatique par unité produite, et en produisant suffisamment de matières biologiques renouvelables pour remplacer dans une proportion importante ce que nous produisons aujourd’hui à partir de pétrole brut d’origine fossile, tout en recourant à l’énergie éolienne et solaire et aux autres énergies renouvelables.

2.3.

Dans ce contexte, la bioéconomie durable est un secteur économique qui est transversal aux différents secteurs et constitue la pierre angulaire de stratégies économiques durables à l’échelle mondiale. La bioéconomie peut jouer un rôle décisif dans la compétitivité européenne et il importe désormais de recenser et d’exploiter les possibilités qu’elle offre, à la fois au niveau de l’Europe et à celui des États membres et des régions. À titre d’exemple, des pays tiers tels que les États-Unis ont expérimenté une approche descendante du développement d’une bioéconomie, laquelle a permis de générer près de 400 milliards de dollars (USD) et de soutenir plus de quatre millions d’emplois grâce à des contributions directes, indirectes et induites (2).

2.4.

La bioéconomie propose des solutions qui peuvent contribuer à diminuer les émissions de CO2, ainsi qu’à réduire la dépendance vis-à-vis des ressources fossiles importées. Par exemple, les forêts de l’Union européenne séquestrent une quantité de carbone correspondant à 10 % des émissions annuelles de l’Union, tout en assurant un approvisionnement durable et constant de biomasse pour les énergies renouvelables. En outre, d’après les estimations, les 100 000 produits chimiques actuellement en production peuvent, en théorie, être conçus à partir de matières premières renouvelables. Cela ne signifie pas que tous doivent l’être, mais que c’est théoriquement possible. Cela permettra non seulement de produire localement et durablement les articles ménagers utilisés quotidiennement, mais également de contribuer à la création d’emplois et à la croissance en Europe, qui conserve une avance technologique forte.

2.5.

Toutefois, d’importants obstacles subsistent sur la voie du développement de l’innovation dans la bioéconomie de l’Union européenne. Un obstacle majeur consiste en la compétitivité des coûts des produits, par rapport tant aux combustibles fossiles qu’aux produits équivalents provenant d’autres parties du monde. La compétitivité des coûts est déterminée par de nombreux facteurs, dont le niveau de maturité technologique, le coût du travail, les subventions aux combustibles fossiles et l’amortissement, ainsi que le faible niveau du soutien des bioproduits par le marché. À cette question de la compétitivité s’ajoutent des difficultés d’accès au financement pour les projets novateurs et les installations de production, la sensibilisation souvent insuffisante des utilisateurs finaux aux bioproduits, ainsi que le manque de compétences et de relations opérationnelles pour faire progresser ce secteur. En outre, les procédures d’autorisation pour les nouveaux projets bioéconomiques deviennent longues et pesantes, ce qui conduit à d’importantes incertitudes sur le plan juridique et à des risques financiers pour les acteurs économiques.

3.   Observations particulières

3.1.

L’on estime que les secteurs de la bioéconomie dans l’Union européenne représentent un chiffre d’affaires annuel avoisinant les 2 000 milliards d’EUR et emploient quelque 19,5 millions de personnes (3), dont la plupart sont installées dans des zones rurales et côtières, ce qui représente environ 8,5 % de la main-d’œuvre dans l’Europe des Vingt-huit. Le développement du secteur des bioproduits au sein de l’Union européenne devrait créer des emplois et générer des revenus pour l’agriculture, le secteur forestier et les populations rurales. La transformation de la biomasse et la fabrication des bioproduits ouvrent de nouvelles possibilités commerciales, consistant en la culture et la commercialisation de divers produits agricoles. Associées aux cultures conventionnelles telles que celles des céréales, des graines oléagineuses, des pommes de terre et des betteraves sucrières, les cultures novatrices telles que les graminées, les cultures forestières, les algues et les microalgues sont considérées comme potentiellement génératrices de revenus dans les zones rurales et côtières.

3.2.

Les bioraffineries qui sont déjà en activité sont une source de revenus et d’autonomisation économique pour les familles et les populations rurales. Les bioraffineries, c’est-à-dire les usines qui utilisent des matières premières renouvelables (biomasse, sous-produits et coproduits, ainsi que les déchets) en lieu et place des ressources fossiles, jouent un rôle central dans la bioéconomie: elles sont installées dans des zones rurales et côtières, à proximité des matières premières renouvelables qu’elles transforment, au cœur de la production de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux, de produits industriels, de bois et d’énergie.

3.3.

Les bioraffineries mettent en valeur chaque composant végétal traité, en produisant un minimum de déchets. Grâce à l’utilisation de technologies efficaces et/ou innovantes, les bioraffineries installées dans l’Union européenne fabriquent un large éventail de produits, tels que des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des produits chimiques, des fibres et des carburants qui combinent différentes caractéristiques: ils sont renouvelables, réutilisables, recyclables, compostables ou biodégradables. La polyvalence des bioproduits et de leurs ingrédients est si grande qu’ils peuvent être utilisés à des fins très diverses, par exemple la nourriture pour poisson, les matériaux de construction, les cosmétiques, le carton, les détergents, les carburants, les lubrifiants, la peinture, le papier, les médicaments, les matières plastiques et autres produits industriels, substituant ainsi des matières renouvelables aux matériaux fossiles.

3.4.

Créer de nouvelles bioraffineries, développer et étendre les bioraffineries existantes revient à investir dans une industrie pionnière. Les bioraffineries sont à forte intensité de capital, ont de longs délais d’amortissement et sont exposées à des risques liés aux technologies et au marché. Par conséquent, il est important de définir un cadre réglementaire et financier clair, stable et favorable afin de promouvoir ces investissements en Europe. Divers instruments sont aujourd’hui disponibles, y compris Horizon 2020 (la nouvelle législation proposée dans le cadre d’Horizon Europe est un programme d’innovation et de recherche ambitieux, fort bienvenu) et l’entreprise commune Bio-industries, les Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI), le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), InnovFin, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), et enfin, et ce n’est pas le moindre instrument, la Banque européenne d’investissement (BEI) pour les prêts et les garanties. Y accéder peut toutefois s’avérer difficile. Un guichet unique permettant aux entreprises d’accéder à des informations personnalisées et détaillées qui répondent à leurs besoins permettrait de supprimer ces goulets d’étranglement.

3.5.

Dans ce contexte, le dialogue avec la société civile, les agriculteurs, les propriétaires forestiers et l’industrie, dans l’objectif de favoriser un débat sur le façonnement d’une bioéconomie plus compétitive pour l’Europe, qui soit profitable à tous, est absolument indispensable. Il est crucial de contribuer à communiquer sur les avantages de la bioéconomie afin de parvenir à ce renversement de modèle que constitue le passage à une économie fondée sur les énergies renouvelables à faibles émissions de carbone. À cet égard, des systèmes de certification et d’étiquetage crédibles pourraient être des outils importants dans la perspective de la mise en place d’une bioéconomie durable et fiable, et pour inspirer confiance aux clients industriels, aux acheteurs publics et aux consommateurs.

3.6.

L’Union européenne, les États membres et les autorités régionales peuvent jouer un rôle capital dans le développement de la bioéconomie, en stimulant la demande du marché en matière de produits et services renouvelables, intelligents et économes en ressources. Les États membres devraient inclure dans les futurs plans stratégiques de la PAC des mesures concrètes pour développer et/ou soutenir davantage les investissements et promouvoir des solutions durables pour les agriculteurs et les propriétaires forestiers de l’Union européenne ainsi que leurs coopératives afin d’accroître leur compétitivité et leur efficacité. Lorsque l’on peut potentiellement substituer de façon durable des bioproduits aux équivalents conçus à partir de ressources fossiles ou émettrices de carbone, le catalyseur pourrait être l’élaboration d’une nouvelle législation, telle que le train de mesures sur l’économie circulaire, associée à une éventuelle révision d’autres dispositions législatives existantes pertinentes, afin d’encourager le remplacement des traditionnels produits d’origine fossile ou émetteurs de carbone par des bioproduits de substitution produits localement. En outre, les activités de normalisation existantes, telles que le cadre TC411 et les régimes de certification déjà en place, et/ou de nouveaux systèmes d’étiquetage volontaires, tels que l’initiative Biobased %, peuvent être mises à profit.

3.7.

Les acheteurs publics aux niveaux national et régional devraient se référer davantage à ce type de certification et d’étiquetage fiables du contenu biologique des produits. Par exemple, en 2016, l’organisme de normalisation néerlandais (NEN) a lancé un nouveau système de certification des bioproduits: Biobased % (http://www.biobasedcontent.eu/). Ce système permet d’établir la quantité de biomasse contenue dans un produit. Il aide les entreprises à fournir des informations crédibles et transparentes sur le contenu biologique d’un produit, dans le cadre de la communication entre entreprises et entre entreprises et consommateurs. Il repose sur la norme européenne EN 16785-1: 2015 (qui fournit une méthode permettant de déterminer le contenu biologique des produits solides, liquides et gazeux au moyen de l’analyse du radiocarbone et de l’analyse élémentaire). Les évaluations de la conformité sont effectuées par des organismes de certification, qui ont conclu un accord avec le NEN. Cette certification étant mise sur pied, il est important d’accroître la visibilité des matières premières renouvelables et d’encourager leur utilisation dans la législation européenne actuelle et future.

3.8.

Dans la sylviculture, les systèmes de certification jouent un rôle important pour garantir une mobilisation durable de la biomasse. Par exemple, 60 % des forêts de l’Union sont certifiées dans le cadre du programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC) et/ou du système du Conseil de bonne gestion forestière (FSC). En outre, le secteur forestier de l’Union européenne assure sa production dans le cadre des normes environnementales les plus élevées du monde, issues de textes législatifs tels que le règlement de l’Union européenne sur le bois, les règles relatives à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF), les directives «Oiseaux» et «Habitats» et le train de mesures sur l’économie circulaire.

3.9.

Il est dès lors primordial d’améliorer la communication entre les entreprises et entre les entreprises et les consommateurs. Sensibiliser le grand public, en lui donnant des informations précises, pertinentes et accessibles, est essentiel si l’on veut garantir le développement d’une bioéconomie intelligente, durable et inclusive, créer un marché de bioproduits durables et promouvoir une consommation et une production plus durables. Des mesures de sensibilisation du grand public sont nécessaires, notamment au niveau local et régional, y compris des prix ou des récompenses, ainsi que des expositions sur le rôle de la science et de la technologie dans la bioéconomie.

3.10.

Il est donc très important d’élaborer des messages clairs et précis à l’attention du grand public. Dans la mesure où la bioéconomie offre plusieurs possibilités de relever les défis de société, il est nécessaire de la mesurer par l’intermédiaire d’une évaluation économique complète. Celle-ci consistera à fournir des informations sur la taille de la bioéconomie, qui couvre différents secteurs, ainsi que sur sa contribution à la croissance économique et sur les effets connexes pour le marché du travail. À cet égard, la communauté scientifique a un rôle central à jouer. C’est également la raison pour laquelle il est essentiel de renforcer l’investissement dans la recherche fondamentale interdisciplinaire, afin que l’Union européenne puisse réaliser son potentiel pour ce qui est de contribuer, au niveau mondial, à la recherche et à l’innovation en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, de compétitivité et de bioéconomie fondée sur la connaissance. Il est indispensable que la position législative de l’Union européenne soit pleinement informée en se fondant sur les données scientifiques les plus avancées et les expériences engrangées dans le monde entier et que les processus de décision en matière de surveillance réglementaire soient transparents.

3.11.

L’éducation des écoliers et des étudiants de l’enseignement secondaire est primordiale si nous voulons former une nouvelle génération qui comprenne les défis posés par la bioéconomie et qui profite des possibilités offertes par celle-ci. Ainsi, l’enseignement des principes de la circularité et de l’action à l’échelle à la fois mondiale et locale («glocal») ainsi que la sensibilisation aux expérimentations aideront la nouvelle génération à trouver sa place. De nouveaux programmes d’études ont déjà été conçus dans les universités, qui combinent les sciences du vivant, l’ingénierie et le marketing, par exemple. Ces passerelles établies entre des disciplines différentes, associées à un environnement propice aux jeunes entreprises, peuvent contribuer à faire des étudiants des entrepreneurs de la bioéconomie. La formation professionnelle doit évoluer afin de répondre aux besoins de compétences dans la production primaire, l’industrie manufacturière, les transports et d’autres secteurs pertinents. Par ailleurs, au cours de leur carrière, les travailleurs doivent actualiser leurs aptitudes et compétences. Des programmes d’apprentissage tout au long de la vie qui mettent en relation prestataires de services éducatifs et producteurs, employeurs et travailleurs, ou encore chercheurs et innovateurs, peuvent y contribuer.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  https://biconsortium.eu/news/mapping-european-biorefineries

(2)  Voir la fiche d’information du ministère de l’agriculture des États-Unis (USDA) intitulée «An Economic Impact Analysis of the U.S. Biobased Products Industry: 2016 Update» («Analyse de l’impact économique du secteur des bioproduits aux États-Unis — Mise à jour 2016»), à l’adresse: https://www.biopreferred.gov/BPResources/files/BiobasedProductsEconomicAnalysis2016FS.pdf

(3)  Tous les chiffres cités sont extraits du rapport du Centre commun de recherche intitulé «JRC science for policy report: 2016 Bioeconomy Report», disponible à l’adresse suivante: http://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC103138/kjna28468enn.pdf


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/14


Avis du Comité économique et social européen sur «Faciliter l’accès au financement de l’action climatique pour les acteurs non étatiques»

(avis d’initiative)

(2019/C 110/03)

Rapporteur:

Cillian LOHAN (IE-III)

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Décision de l’assemblée plénière

15.2.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

27.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

114/6/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Bien que des sommes importantes aient été engagées dans des pactes de financement climatique, le CESE tient à mettre l’accent sur le problème que rencontrent les petits acteurs non étatiques de l’action en faveur du climat pour accéder à des financements, afin de faire en sorte que les initiatives potentiellement porteuses de transformation soient soutenues et puissent être menées à bien.

1.2

Les flux de financement climatique au sein de l’Union européenne doivent être contrôlés et cartographiés de toute urgence, pour pouvoir mesurer plus facilement leur incidence sur les acteurs climatiques non étatiques et évaluer les progrès réalisés sur la voie d’une transformation plus large de l’économie vers un modèle à faible intensité de carbone.

1.3

Les sources de financement sont disparates, tout comme le sont les initiatives émanant des acteurs de terrain qui nécessitent un accès. Les mécanismes pour remédier à ce décalage ne sont pas en place. Pour pallier ce problème, il y a lieu de créer à l’échelle de l’UE un Forum inclusif pour le financement de l’action climatique.

1.4

Le CESE propose de créer un Forum pour le financement de l’action climatique afin de traiter les principaux problèmes, en réunissant les principales parties prenantes pour déterminer les obstacles et élaborer des solutions, mais aussi dans le but de définir les mécanismes les plus efficaces en vue d’une meilleure répartition du financement, y compris une sorte de service de mise en relation qui permettrait de relier les projets et les sources de financement climatique adéquates.

1.5

Il convient de créer un mécanisme (et de développer une communication efficace à ce sujet) permettant d’atteindre les initiatives qui nécessitent des montants inférieurs, et qui serait caractérisé par:

une procédure de demande simplifiée,

des exigences de déclaration simplifiées,

le cofinancement,

le soutien des projets en phase de conception et une demande préalable de financement,

une aide au renforcement des capacités, à la constitution de réseaux, à l’échange ainsi qu’au développement de plateformes à l’échelon local, régional, national et européen.

1.6

L’accent mis sur le financement consacré à la lutte contre le changement climatique ne peut l’être au détriment du financement responsable dans d’autres domaines. Tous les financements devraient intégrer la question du changement climatique, afin de garantir que tous les fonds et les financements autres que ceux spécifiquement destinés à l’action climatique ne nuisent pas aux engagements et aux objectifs en faveur du climat. Il y a lieu de respecter ce principe en application de l’article 2, paragraphe 1, point c), de l’accord de Paris, qui dispose que les flux financiers existants doivent être rendus compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.

1.7

Il convient de concevoir une «boîte à outils», assortie d’une stratégie de communication claire, qui donnerait aux acteurs non étatiques, à tous les niveaux, les clés pour comprendre le financement de la lutte contre le changement climatique et pour pouvoir en bénéficier. Cette «boîte à outils» devrait aider les développeurs de projets à concevoir des projets qui contribuent à la transition vers une économie à faible intensité de carbone et résiliente au changement climatique.

2.   Introduction

2.1

Le présent avis s’appuie sur les avis antérieurs du CESE intitulés «Une coalition pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris» (1) et «Promouvoir des actions en faveur du climat par des acteurs non étatiques» (2), ainsi que sur la récente étude du CESE (3) qui a mis en évidence les obstacles entravant la participation accrue des acteurs non étatiques dans la lutte contre le changement climatique.

2.2

En 2018, le CESE a appelé de ses vœux un «dialogue européen de l’action non étatique pour le climat» (DE-ANEC) en vue de renforcer et d’élargir la portée et l’ampleur de cette action au niveau européen. Il a affirmé que le dialogue ne devrait pas seulement servir à mettre en lumière et à présenter des actions, mais aussi à répondre aux besoins des acteurs non étatiques en suscitant de nouveaux partenariats entre les acteurs étatiques et non étatiques, en favorisant l’apprentissage mutuel, la formation et le partage de conseils entre les acteurs non étatiques, en augmentant les financements disponibles et en facilitant l’accès à ces derniers.

2.2.1

Le terme d’acteurs non étatiques se réfère aux acteurs qui ne sont pas parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cette large acception recouvre divers types d’activité, notamment les petites et moyennes entreprises et les micro-entreprises, les investisseurs, les coopératives, les villes et les régions, les syndicats, les communautés locales et les groupes de citoyens, les organisations confessionnelles, les mouvements de jeunesse et d’autres organisations non gouvernementales.

2.2.2

Le processus proposé de dialogue européen sur l’action non étatique en faveur du climat devrait favoriser l’accès au financement pour les actions non étatiques. Il s’agirait notamment:

de recenser les possibilités de financement,

de donner des conseils au sujet des projets susceptibles d’être financés,

d’examiner comment la chaîne de valeur financière actuelle (tant publique que privée) assure le financement des investissements en matière de climat auxquels aspirent les acteurs non étatiques,

d’examiner les possibilités d’attribution effective des fonds et/ou financements aux projets à plus petite échelle qui ont le potentiel d’être porteurs de transformation,

d’analyser les procédures actuelles de dialogue et de consultation avec les acteurs non étatiques, en vue de mettre en place de nouvelles techniques et de bonnes pratiques visant à accroître le recours aux fonds existants aux niveaux européen et international,

de plaider pour que le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne serve les ambitions plus hautes en matière de climat et encourage les acteurs non étatiques à mener des actions,

d’explorer les possibilités de financements innovants (entre pairs, financement participatif, microfinancement, obligations vertes, etc.).

2.3

Le financement consacré à la lutte contre le changement climatique peut être interprété de nombreuses manières, mais le comité permanent du financement de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) le définit comme «le financement qui a pour but de réduire les émissions et de renforcer les puits de gaz à effet de serre, et qui vise à réduire la vulnérabilité des systèmes écologiques et humains aux incidences négatives du changement climatique, et à maintenir et renforcer leur résilience».

2.4

Le présent avis s’intéresse au financement de l’action climatique par rapport aux États membres de l’Union, et à ceux parmi eux qui ne sont pas parties prenantes à la CCNUCC, en permettant aux organisations de la société civile, aux municipalités et aux collectivités locales d’accéder aux instruments financiers nécessaires pour contribuer à la conception et à la mise en œuvre de projets, d’initiatives et d’activités qui contribuent à la réduction des émissions, ainsi qu’à la résilience des communautés en matière de changement climatique.

2.5

Il importe de considérer le présent avis dans le contexte de la justice climatique (4), comme le moyen de garantir que les coûts de la lutte contre le changement climatique ne reposent pas de manière disproportionnée sur les éléments les plus pauvres et les plus vulnérables de la société.

2.6

Le financement des premières étapes de la transition vers une économie à faible intensité de carbone, ainsi que de l’adaptation et l’atténuation, est essentiel pour assurer une transition juste et pour accélérer les actions à l’échelon local.

2.7

Pour les microprojets et petits projets, il peut être difficile d’accéder à des montants de l’ordre de 2 000 à 250 000 EUR. Des mécanismes efficaces sont nécessaires pour garantir que des actions menées par des acteurs locaux d’envergure limitée ne soient pas exclues du potentiel de transformation offert par le financement de la lutte contre le changement climatique.

2.8

Au cours de la dernière décennie, l’UE a mis en place avec succès une série de mécanismes de financement adaptés à de tels besoins — programme «Démocratie et droits de l’homme» de l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH), Alliance mondiale contre le changement climatique (AMCC), instruments financiers de cofinancement des ONG et de coopération décentralisée — qui pourraient constituer une source d’inspiration pour l’élaboration d’instruments appropriés en matière de lutte contre le changement climatique.

3.   Problèmes recensés

Contexte

3.1

Le CESE est résolument engagé envers le programme de développement durable à l’horizon 2030 fixé par les Nations unies et l’accord de Paris. Pourtant, la trajectoire que nous suivons actuellement permettrait au mieux de limiter la hausse de la température à 3 oC ou plus, bien au-delà de ce que prévoit l’accord de Paris. La transition vers la durabilité exigera des efforts conséquents et des investissements significatifs. D’après le rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 oC par rapport aux niveaux préindustriels, les investissements totaux annuels moyens à réaliser sur la période 2015-2050 dans le domaine de l’énergie à des fins d’atténuation du changement climatique dans un contexte de limitation du réchauffement à 1,5 oC sont estimés à quelque 900 milliards d’USD.

3.2

Si les investissements nécessaires à la lutte contre le changement climatique représentent des sommes importantes, ils ne sont pas aussi élevés que ceux qu’il a fallu consentir pour sauver de l’effondrement le secteur financier ces dernières années. À cette occasion, ce sont 2 500 milliards d’EUR d’investissements qui ont été mobilisés. Le possible effondrement des écosystèmes qui nous font vivre mériterait à tout le moins une réponse équivalente.

3.3

Trop souvent, les discussions sur le financement de l’action climatique se concentrent sur la création de nouvelles lignes de financement spécifiques, alors que l’accord de Paris demande que tous les flux de financement s’inscrivent dans la transition vers un développement à faibles émissions de gaz à effet de serre et résilient face au changement climatique.

3.4

Le partenariat de Marrakech et le plan mondial d’action en faveur du climat représentent des opportunités d’associer les acteurs non étatiques au processus officiel de la CCNUCC. Le recensement des actions au sein de l’Union européenne et le financement de ces actions afin de maximiser leurs effets potentiels ne bénéficient pas d’une attention particulière lors de la conception des formules de financement.

3.5

Si des avancées en matière de financement de la lutte contre le réchauffement et ses effets ont été obtenues, elles sont insuffisantes. Le dernier rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (5) indique clairement que nous traversons une période décisive, qui requiert de mener des actions radicales au cours de la prochaine décennie afin de limiter les incidences à un niveau supportable. La priorité politique doit être donnée à une finance et une économie durables, en particulier au moyen d’une législation claire, stable et incitative.

3.6

Il ne suffit pas d’allouer un pourcentage fixe d’un budget au financement de l’action climatique si un autre volet de ce budget est consacré à des activités qui nuisent au climat. Toutes les dépenses doivent être considérées par rapport à leur incidence sur le climat. D’après les estimations d’un document de travail du Fonds monétaire international, les subventions directes et indirectes qui sont consacrées chaque année aux énergies fossiles représentent, au niveau mondial, pas moins de 5 300 milliards d’USD, soit plus de 15 milliards d’USD par jour. Même le budget annuel escompté du Fonds vert pour le climat, à hauteur de 100 milliards d’USD, ne saurait compenser les incidences négatives de ces subventions.

3.7

La transition énergétique ne pourra être menée à bien dans les délais impartis, et dans le respect des engagements européens au titre de l’accord de Paris, si la question de la précarité énergétique est négligée politiquement. Il y a lieu d’assurer une répartition équitable, entre tous les niveaux de gouvernement et tous les acteurs du marché, y compris les citoyens, des coûts et des bénéfices tant sociaux que financiers associés à la transition énergétique durable de l’Europe. L’étude scientifique réalisée par Heat Roadmap Europe (6) indique que l’Europe est capable de réduire, d’ici à 2050, ses émissions de gaz à effet de serre de 86 % par rapport aux niveaux de 1990 grâce aux technologies existantes, et ce d’une manière abordable présentant un bon rapport coût/efficacité.

3.8

Les recherches effectuées dans le cadre du présent avis ont mis en évidence le manque d’informations relatives à la cartographie des flux financiers consacrés spécifiquement à l’action climatique au sein des États membres. Il est difficile de déterminer si les fonds sont divisés en différents financements de moindre envergure ou encore l’effet transformateur du financement. Cette absence de suivi et de rapports accroît l’ambiguïté autour du problème perçu, et entrave le développement des solutions les plus efficaces.

Accès des entreprises et des PME

3.9

L’accès au financement, et notamment les multiples difficultés rencontrées par les PME et les entreprises de plus grande taille, reste un problème considérable pour toutes les catégories d’acteurs non étatiques. Le relever suppose non seulement la disponibilité de financements accrus ou de financements supplémentaires, mais aussi la clarté des mécanismes de financement existants.

3.10

Définir ce qui constitue un «investissement écologique» n’est par ailleurs pas chose aisée. Les investisseurs se préoccupent avant tout des questions de risque et de retour sur investissement; il leur est difficile d’évaluer l’incidence potentielle d’un projet donné sur le climat et de mesurer ses chances de réussite. Les bailleurs de fonds privés rechigneront à financer un projet en l’absence d’une vision claire des risques d’investissement et de mécanismes d’atténuation du risque, c’est-à-dire en l’absence de garanties.

Accès des collectivités locales et régionales

3.11

Plusieurs facteurs limitent l’accès des autorités infranationales au financement, parmi lesquels une cote de crédit peu favorable, une capacité limitée à mobiliser des financements privés en raison de la taille insuffisante du marché des investissements dans les infrastructures à faible intensité de carbone et de profils de risque et de rendement non attractifs, ainsi que les limites souveraines définies par les gouvernements nationaux concernant les montants qu’une autorité infranationale est autorisée à emprunter auprès du secteur privé, pour peu qu’elle soit autorisée à emprunter.

Accès au titre d’initiatives émanant d’acteurs locaux

3.12

Il existe actuellement des milliers d’initiatives de terrain en matière de changement climatique et de durabilité en Europe. Ces initiatives apportent une contribution significative à la réalisation des objectifs de l’Union en matière de climat, d’énergie et de développement durable, mais elles reposent, pour l’essentiel, sur l’action de bénévoles, et le manque de financement et de soutien professionnel constitue un obstacle majeur à leur développement et à leur déploiement. Souvent, ces initiatives requièrent des ressources très modestes, sans lesquelles elles peinent à progresser et à lancer des projets. Le potentiel de transformation de ces initiatives n’est pas mis à profit.

3.13

Dans de nombreux cas, les initiatives locales émanant du terrain trouvent difficile d’accéder aux sources traditionnelles de financement. Souvent également, le montant minimal sur lequel doit porter une demande de financement est trop élevé et dépasse de loin les besoins ou la capacité de gestion de ces initiatives locales à petite échelle. Les exigences applicables en matière de cofinancement créent des obstacles supplémentaires.

3.14

Le respect des conditions de financement, les formalités excessives et la complexité des procédures sont quelques-uns des problèmes recensés par les groupes les plus petits en matière d’accès au financement. Bien que ces types de projets et/ou d’initiatives soient limités sur le plan individuel, leurs effets cumulés peuvent être considérables. Lorsque ces petits programmes élaborés à l’échelle locale sont soutenus par un financement adéquat, ils sont également synonymes de nombreux autres avantages et retombées positives au niveau local.

3.15

La plupart, si ce n’est la totalité, des financements sont axés sur les projets et ne tiennent pas compte des ressources qu’il faut engager pour soutenir les processus à différents niveaux, de l’organisation des acteurs de terrain et du renforcement de leurs capacités à l’échelon local aux activités de mise en réseau, d’échange et de création de plateformes à l’échelon régional, national et européen. Le financement des mesures de soutien dans ces domaines pourrait contribuer sensiblement à accroître le niveau d’engagement des citoyens et des acteurs de terrain en faveur de l’action pour le climat, ainsi qu’à assurer un niveau suffisant d’organisation et de collaboration pour soutenir le déploiement des projets à plus grande échelle et contribuer à l’élaboration des politiques.

Accès au titre du financement de l’innovation

3.16

Les entrepreneurs en phase de démarrage sont également confrontés à un certain nombre de difficultés liées à l’accès au financement, au manque de connaissances et d’expérience, à l’accès aux marchés et à l’expansion de leur projet au-delà de la phase de démarrage. Le financement de l’innovation est un élément déterminant de la solution à la crise du climat, mais il convient tout autant de faire preuve d’innovation en ce qui concerne les mécanismes de financement et leur mise à disposition. Des initiatives telles que l’«EIT Climate-KIC» doivent permettre de relever ces défis en assurant la prise en compte systématique de la question du climat sur les marchés financiers, en démocratisant l’information sur le risque climatique et en soutenant les investissements dans les jeunes entreprises innovantes.

4.   Solutions proposées

4.1

Le CESE propose de créer à l’échelon de l’Union européenne un Forum consacré au financement de l’action climatique, accompagné d’un réseau décentralisé. Cette structure permettrait de réunir toutes les parties concernées et de faciliter une réaction coordonnée aux problèmes recensés dans le présent document. Elle servirait de catalyseur au développement des mécanismes nécessaires, conformément au constat effectué dans le présent avis.

4.2

Ce Forum pour le financement de l’action climatique devrait notamment servir de plateforme de dialogue destinée à favoriser les liens entre les solutions non étatiques efficaces et particulièrement prometteuses, d’une part, et les investisseurs privés et institutionnels, d’autre part. Il convient par ailleurs de mettre particulièrement l’accent sur le potentiel de déploiement à plus grande échelle et de reproduction de ces solutions dans les différents États membres de l’UE et ailleurs, pour leur assurer un maximum d’impact. Le CESE, qui dispose d’un réseau de groupes représentant la société civile organisée dans toute l’Europe, occupe une position de choix pour participer à un Forum pour le financement de l’action climatique, dans la mesure où il porte la voix de ceux qui connaissent sur le terrain des problèmes d’accès au financement.

4.3

Une communication de qualité jouera un rôle clé dans le succès de toute stratégie visant à résoudre les problèmes liés au financement de l’action en faveur du climat. La communication doit couvrir toutes les directions, en identifiant clairement le public cible et en présentant efficacement, dans des termes précis et adaptés, les diverses possibilités de financement, les moyens d’y accéder et les perspectives qu’elles ouvrent.

4.4

La Commission européenne et d’autres institutions de l’Union devraient élaborer des documents d’orientation à l’intention des acteurs non étatiques, afin qu’ils puissent faire appel aux mécanismes de financement existants. Il convient de développer un système qui recense, analyse, résume et diffuse l’information concernant les diverses sources de financement disponibles en matière d’action climatique déployée par des acteurs non étatiques. Ce système pourrait s’appuyer sur les travaux menés actuellement par le Comité européen des régions, lequel répertorie les mesures qui permettront de développer une «boîte à outils» comprenant des informations claires à destination des collectivités locales et régionales sur les fonds et financements disponibles en matière d’action pour le climat.

4.5

Un mécanisme de suivi est nécessaire pour cartographier de manière précise les flux de financement de l’action climatique, ce qui faciliterait l’inventaire des blocages et permettrait de se concentrer sur les solutions pratiques pour éliminer ceux-ci. Cette première étape s’impose de toute urgence. Un processus de cartographie constituerait également une étape cruciale dans la compréhension des obstacles que rencontrent les petits acteurs non étatiques pour accéder au financement. La cartographie des financements contribuera également à déterminer les lacunes en matière de recensement des actions climatiques positives qu’il conviendrait d’intégrer au processus du programme mondial en faveur de l’action climatique.

4.6

Le CESE invite l’UE à jouer un rôle de chef de file en proposant un modèle qui permettrait de cerner la contribution des acteurs non étatiques à la réalisation des objectifs en matière climatique. Les acteurs européens non étatiques de l’action en faveur du climat, et en particulier les plus petits d’entre eux, attendent des institutions européennes qu’elles leur viennent en aide pour mobiliser des fonds consacrés au climat et pour accéder plus aisément au financement, grâce à des procédures et un système de rapport simplifiés. De telles démarches faciliteraient la mise en avant des nombreuses actions qui passent inaperçues dans la lutte contre le changement climatique. Les projets d’un montant inférieur à 50 000 EUR, par exemple, pourraient bénéficier d’un document de candidature simplifié, sur une seule page, et d’un formulaire de rapport d’une page.

4.7

Un financement supplémentaire sous la forme de subventions à petite échelle est nécessaire, allant de pair avec des procédures simplifiées de candidature et de rapport, ciblant en particulier les actions locales de terrain dans les domaines du changement climatique et du développement durable, et n’appliquant pas de taux de cofinancement prohibitifs. Des mécanismes permettant le regroupement de projets pourraient être élaborés afin d’améliorer l’impact du financement et de faciliter l’accès à celui-ci. Ces instruments doivent être mis en place de toute urgence.

4.8

Il y a lieu de développer un mécanisme de soutien qui permette aux projets de recourir à des experts avant même l’étape de la demande de financement, de manière à ce que les projets soient conçus efficacement et présentés de manière adéquate.

4.9

Une réflexion globale sur les mécanismes de financement novateurs doit être menée au niveau de l’UE. Les acteurs non étatiques doivent être associés dès l’origine au débat, afin de garantir la simplicité et la clarté des critères d’octroi.

4.10

En règle générale, il y a lieu de mettre en place une coopération plus étroite entre les fonds et les programmes financiers existants destinés à la protection du climat et au développement durable d’une part, et les réseaux d’acteurs non étatiques d’autre part. Il s’agit d’une question de partage des connaissances, de communication et de dialogue. Un Forum pour le financement de l’action climatique peut faciliter ce processus.

4.11

Des mesures financières pourraient également encourager l’action non étatique ou les comportements écoresponsables des acteurs non étatiques. Par exemple, des déductions fiscales au niveau national pourraient contribuer à une production à faible intensité de carbone et stimuler la participation des acteurs non étatiques à l’action en faveur du climat.

4.12

Lors de l’élaboration du nouveau cadre financier pluriannuel de l’UE, on pourrait prévoir des mesures afin de permettre l’action climatique non étatique émanant de la base, de manière à rendre plus efficaces les engagements pris par l’Union européenne en faveur du climat dans le cadre de l’accord de Paris. À cet égard, le CESE demande une augmentation d’au moins 40 % des dépenses de l’Union en faveur des objectifs de la lutte contre le changement climatique (7). Il demande en outre d’engager rapidement un processus de suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles et d’éviter tout (co)financement direct ou indirect des énergies fossiles par des fonds européens.

4.13

Un outil d’évaluation des risques en matière de climat doit être développé de manière à garantir qu’aucune dépense publique ne viendra soutenir des activités aggravant la crise climatique. Cette mesure devrait également s’appliquer aux programmes de financement privés. L’octroi de fonds spécifiques au financement de la lutte contre le changement climatique ne devrait pas signifier que les autres volets d’un budget ou d’un financement sont octroyés à des activités allant à l’encontre des objectifs en matière de climat. L’objectif défini à l’article 2, paragraphe 1, point c), de l’accord de Paris doit être atteint.

4.14

L’approche de développement local mené par les acteurs locaux (DLAL) est le principal instrument financier de l’UE en appui du développement local émanant de la base. Elle est parfaitement à même de soutenir ces initiatives ascendantes étant donné qu’elle dispose du potentiel pour octroyer des subventions et des aides à la mesure des besoins locaux. En décembre 2017, le CESE a adopté un avis sur «Les avantages de l’approche DLAL pour un développement local et rural intégré» (8), qui priait instamment la Commission européenne d’examiner et d’analyser en profondeur les possibilités de créer un fonds de réserve pour la DLAL à l’échelle de l’UE. En tout état de cause, il a recommandé que la Commission européenne veille à ce que tous les États membres disposent d’un fonds national destiné au DLAL, auquel contribueraient les quatre Fonds ESI (Feader, FEDER, FSE et FEAMP). Cette structure d’appui au DLAL pourrait être l’un des canaux de soutien au microprojets et petits projets visés au paragraphe 2.7.

4.15

Afin d’accroître la durabilité de la chaîne de valeur financière dans son ensemble, le CESE soutient la feuille de route sur le financement de la croissance durable (9) de la Commission européenne, adoptée en mars 2018. Le CESE a formulé des recommandations concrètes en ce qui concerne ce plan d’action dans ses différents avis sur ce thème (10).

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis du CESE sur le thème «Une coalition pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris» (JO C 389 du 21.10.2016, p. 20).

(2)  Avis du CESE sur le thème «Promouvoir des actions en faveur du climat par des acteurs non étatiques» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 35).

(3)  Étude du CESE sur une «Boîte à outils pour des partenariats multipartites en matière de climat — Un cadre d’action visant à stimuler des actions émanant de la base en matière de climat».

(4)  Avis du CESE sur la «Justice climatique» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 22).

(5)  Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 oC par rapport aux niveaux préindustriels (octobre 2018).

(6)  «Horizon 2020 research and innovation programme under grant agreement No. 695989» — Heat Roadmap Europe.

(7)  Avis du CESE sur le «Pacte européen “finance-climat”» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 8).

(8)  Avis du CESE sur «Les avantages de l’approche de développement local mené par les acteurs locaux» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 36).

(9)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action: financer la croissance durable.

(10)  Avis du CESE sur les thèmes suivants «Plan d’action en faveur du financement durable» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 73), «Finance durable: taxinomie et valeurs de référence» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 103) et «Obligations des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d’actifs en matière de durabilité» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 97).


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/20


Avis du Comité économique et social européen sur «La situation des femmes roms»

(avis exploratoire demandé par le Parlement européen)

(2019/C 110/04)

Rapporteur:

Ákos TOPOLÁNSZKY

Consultation

Parlement européen, 30.5.2018

Base juridique

Article 304, premier alinéa, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

7.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

196/2/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Une grande partie des femmes (et filles) roms est exposée à une discrimination multiple et intersectorielle, ce qui les maintient dans une situation où l’exercice de leurs droits est limité. Les femmes roms forment le groupe minoritaire le plus vulnérable de l’UE. Mettre fin à cette situation constitue pour les démocraties européennes un devoir et une obligation de première importance.

1.2

Le CESE remercie les nombreuses femmes roms pour leur détermination actuelle ou passée à lutter courageusement contre les structures discriminatoires et la violence institutionnelle au profit du vivre ensemble en toute liberté dans une Europe sans discrimination.

1.3

Il convient de mettre un terme sans attendre à l’enseignement ségrégué, dont le faible niveau est justement lié à la discrimination qui le caractérise, tout en veillant à ce que les jeunes filles roms aient également accès à tous les éléments d’un enseignement public de qualité. Les modalités relatives aux écoles spécialisées et aux procédures d’orientation devraient faire l’objet d’un réexamen rigoureux dans les meilleurs délais.

1.4

Le CESE attend des États membres qu’ils accordent la priorité à la suppression des pratiques de santé violant les normes de service répondant aux exigences déontologiques raisonnables et la législation s’y rapportant, et qu’ils érigent en infractions pénales les pratiques illégales telles que la stérilisation forcée, le refus de soins de santé fondé sur l’appartenance ethnique ou encore les prestations de services de moindre qualité.

1.5

Il convient que les États membres suppriment immédiatement les formes et modalités d’emploi discriminatoires et mettent dans le même temps en œuvre des politiques élaborées augmentant les chances des femmes roms de trouver un emploi.

1.6

Il importe de définir, d’adopter et de faire respecter comme un droit fondamental, le cas échéant en la consacrant dans la constitution des États membres, une norme minimale acceptable pour le logement et les services publics.

1.7

Il convient d’agir avec fermeté et sans discrimination contre toutes les formes de traite des êtres humains et de crimes de haine dont sont victimes les Roms et, plus précisément, les femmes de cette communauté.

1.8

Les femmes roms ont très peu de possibilités de développer et d’évaluer les politiques susceptibles d’influencer leur propre destin. Leur participation à de tels programmes devrait être garantie dans une proportion adéquate.

1.9

Contrairement à ce qui se fait actuellement dans la plupart des États membres, il y a lieu d’accorder une attention particulière aux préoccupations et aux intérêts des femmes roms dans les stratégies européennes et nationales de rattrapage de l’après-2020.

2.   La situation des femmes roms dans l’Union européenne

2.1

Une grande partie des femmes (et filles) roms est exposée à une discrimination multiple et intersectorielle, ce qui les maintient dans une situation où l’exercice de leurs droits est limité. Les femmes roms forment le groupe minoritaire le plus vulnérable de l’UE. Cette situation est à considérer comme une atteinte systémique à la démocratie, à l’état de droit et aux droits fondamentaux, affaiblissant profondément l’idée européenne fondée sur les valeurs énoncées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne (1) ainsi que dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2). Peu de progrès ont été accomplis dans ce domaine au cours des dernières années.

2.2

En dépit de l’indisponibilité de données ventilées en fonction de l’appartenance ethnique et du sexe dans la plupart des États membres, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) donne une image précise de la situation défavorable dans laquelle se trouvent les femmes roms (principalement dans le cadre de l’enquête EU-MIDIS II (3)). Il apparaît que, dans tous les secteurs de la société, les femmes roms sont défavorisées non seulement par rapport à la population générale, mais également par rapport aux hommes de leur propre communauté.

2.3

Le CESE a la conviction que la force de l’idée européenne mentionnée précédemment est proportionnelle à la mesure dans laquelle les plus faibles parmi les citoyens de l’UE peuvent en bénéficier. C’est la raison pour laquelle adopter les mesures nécessaires pour améliorer la situation des femmes et des filles roms et promouvoir leur autonomisation n’est pas seulement une obligation pour les institutions et les États membres de l’UE, mais constitue aussi un test pour la qualité de leur organisation démocratique et la maturité de leur état de droit.

3.   Observations générales

3.1

L’article 2 du traité sur l’Union européenne cite entre autres, parmi les principales valeurs qui sous-tendent l’idée européenne, l’égalité et le respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. L’on ne peut parler d’application effective de ces droits que si des changements concrets sont garantis aussi au bénéfice des groupes sociaux les plus marginalisés et discriminés, la discrimination, la ségrégation et l’antitsiganisme constituant autant de refus manifestes de ces valeurs.

3.2

L’autonomisation économique des femmes roms, de même que l’application des droits de l’homme et des libertés fondamentales dont il est fondé qu’elles bénéficient sur le plan politique, économique, social, culturel et civil et qui doivent être garantis constitutionnellement, passent par l’égalité des droits entre les hommes et les femmes roms.

3.3

Dans ce contexte, le CESE, dans le droit fil de ses avis antérieurs (4), approuve les objectifs de la stratégie-cadre de l’UE, tout en attirant plus particulièrement l’attention sur la nécessité d’une mise en œuvre cohérente ainsi que sur l’insuffisance des progrès réalisés.

3.4

Il relève également que l’antitsiganisme peut être observé à presque tous les niveaux d’activité des États membres, dans les administrations comme dans les institutions, ce qui prive les Roms d’un accès équitable aux services publics, et les empêche de faire valoir l’égalité de leurs droits et l’obligation d’égalité de traitement à leur égard, de prendre à la prise de décision politique sur des questions qui les concernent une part correspondant à leur proportion dans la population totale, et de se protéger contre les conséquences des discriminations. Tout cela est d’autant plus vrai pour les femmes roms.

3.5

Afin de dresser l’inventaire des violations systématiques des droits des femmes roms, le Comité réclame la préparation de «livres blancs», avec le concours des organisations indépendantes et crédibles de la communauté rom, en les consultant et en les reconnaissant officiellement, de manière à jeter les bases d’une réconciliation historique.

3.6

Le CESE remercie les nombreuses femmes roms pour leur détermination actuelle ou passée à lutter courageusement contre les structures discriminatoires et la violence institutionnelle au profit du vivre ensemble en toute liberté dans une Europe sans discrimination.

4.   Domaines spécifiques de politique publique (5)

4.1   Éducation

4.1.1

L’enseignement ségrégué est toujours illicite et conduit nécessairement à une issue défavorable. Les conséquences négatives de la ségrégation scolaire pèsent de manière accentuée sur les jeunes filles roms et leur ferment les possibilités de mobilité sociale. Il convient dès lors d’utiliser l’ensemble des moyens légaux et aides ciblées de politique publique, et de garantir les dépenses additionnelles nécessaires pour remédier, conformément aux attentes de l’UE, au faible niveau de l’enseignement ségrégué, qui est dû à la discrimination, tout en veillant à ce que les jeunes filles roms aient également accès à tous les éléments d’un enseignement public de qualité. Les gouvernements doivent veiller à ce que les ressources humaines, les formations et les programmes pédagogiques appropriés soient disponibles.

4.1.2

La pose d’un diagnostic non fondé de retard mental et la ségrégation scolaire dont peuvent être victimes les enfants roms doivent être considérées comme l’une des plus graves atteintes portées à leurs droits, ruinant leur avenir, ces évaluations devraient être vérifiées régulièrement par des instituts spécialisés indépendants. Il y a lieu de veiller à ce que la procédure de vérification puisse être lancée sans entrave à la demande de toute partie concernée, en premier lieu un parent ou un tuteur, ou aussi l’école.

4.1.3

En cas de suspicion d’erreurs de jugement récurrents, et notamment systématiques, ayant pour but ou pour résultat une ségrégation, il y a lieu de veiller à ce que les États membres soient tenus de mener dans les meilleurs délais une enquête approfondie sur les causes, d’en publier les conclusions, d’évaluer celles-ci dans le cadre des mécanismes nationaux de lutte contre la ségrégation et de prendre les mesures législatives et d’application du droit appropriées qui s’imposent.

4.1.4

En attendant, il y a lieu de veiller au rapprochement du niveau pédagogique des classes spécialisées de celui de l’enseignement général, de manière à ce qu’elles ne soient pas uniquement des «mouroirs» pédagogiques.

4.1.5

Le CESE préconise une limitation, un gel, ou, dans le cas de problèmes systématiques, le retrait pur et simple des fonds européens pour les pays où la ségrégation scolaire ne diminue pas, voire augmente. Le Comité espère que dans de telles situations, les mécanismes de protection juridique de l’Union européenne (article 7 et mécanisme de sauvegarde de l’état de droit) seront mis en œuvre rapidement et efficacement.

4.1.6

Il y a lieu de mettre en place à l’intention des femmes roms, pour augmenter leurs chances en matière d’enseignement et diminuer le risque de décrochage scolaire, un ensemble de programmes de formation et de formation continue de la seconde chance, afin qu’elles puissent accéder à autre chose que des emplois subventionnés par les pouvoirs publics ou des emplois de seconde zone, partiellement déclarés ou atypiques, qui les privent de leurs possibilités de mobilité sociale.

4.2   Santé

4.2.1

Les femmes roms, qui vivent souvent dans des zones ghettoïsées ou difficiles d’accès, se heurtent souvent à des situations de rejet, de dénigrement, voire de violence physiques et psychologiques dans le cadre de la prestation de soins de santé. En matière de santé génésique, elles n’ont généralement qu’un accès très limité à leurs droits. Le CESE demande instamment aux États membres de créer et d’exploiter des unités mobiles dotées des équipements et des capacités adéquates à l’intention des populations vivant en situation de ségrégation. Il réclame également une révision du fonctionnement des services liés à la maternité et à la grossesse ainsi que la mise en œuvre des améliorations nécessaires.

4.2.2

Le CESE attend des États membres qu’ils accordent la priorité à la suppression des pratiques de santé violant les normes déontologiques raisonnables et la législation qui s’y rapporte, et que le cas échéant, ils engagent systématiquement des poursuites. Il convient de garantir des voies de recours gratuites et facilement accessibles pour faire valoir les droits en matière de santé, ainsi que des prestations spéciales reflétant les besoins réels des personnes concernées, telles que la mise en place de points d’information sur la santé, la formation et le déploiement de médiateurs de santé ou la mise en œuvre d’initiatives de santé publique englobant les populations ghettoïsées.

4.2.3

Il est urgent que les gouvernements s’engagent clairement et publiquement en faveur du principe de l’égalité d’accès aux soins de santé et de sa mise en œuvre concrète, ainsi qu’à lutter contre les pratiques allant à l’encontre de celui-ci, et qu’ils mettent en place des programmes de sensibilisation à l’intention de toutes les personnes concernées. Il importe de déployer les moyens législatifs nécessaires pour s’assurer que les femmes et les enfants roms ne disposant pas d’une assurance de santé de base soient couverts.

4.3   Stérilisation forcée

4.3.1

Dans nombre de pays où des violations systématiques des droits génésiques des femmes ont été commises dans le passé, et où la stérilisation forcée et contrainte a été massivement mise en œuvre et utilisée comme un instrument politique d’État, le niveau politique n’a même pas présenté d’excuses ni assumé de responsabilité. Là où cela a été fait, il n’y a pas eu de réparation juridique ou financière. Le Comité propose que le législateur européen mette tout en œuvre pour que, dans le cadre de l’harmonisation de la législation pénale européenne, les États membres prolongent de manière significative, voire suppriment totalement, le délai de prescription pour ce type d’infractions pénales — dont le contenu est assimilable à celui des crimes contre l’humanité — et adoptent une législation spécifique afin que les victimes puissent obtenir une réparation effective et une compensation financière.

4.3.2

Il y a lieu de faire, de bonne foi, toute la lumière sur cette situation et d’assurer une totale transparence, afin de susciter la réconciliation et de rendre impossible toute infraction future de la part des pouvoirs publics. Par conséquent, le CESE recommande que, dans les États membres concernés, des comités d’historiens indépendants, en collaboration avec les victimes et leurs représentants, se penchent sur les infractions commises dans le passé en la matière, et publient les résultats dans le cadre d’un processus de réconciliation sociétale, à l’instar de ce qui a été fait en Suède avec le «livre blanc».

4.4   Emploi

4.4.1

Sur le marché du travail, les femmes roms connaissent une situation encore bien pire que celle des hommes de leur communauté; tous les indicateurs liés à l’emploi qui les concernent sont à un niveau dramatiquement bas.

4.4.2

Le CESE appelle les États membres à prendre les mesures ciblées et globales qui s’imposent pour favoriser l’autonomisation économique des femmes roms et les doter des compétences nécessaires à cette fin. La promotion des entreprises de l’économie sociale, la mise en place de programmes de micro-crédit et l’accès libre et sans discrimination aux allocations liées au marché du travail revêtent une importance particulière dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

4.4.3

Les entrepreneurs ont pris de l’importance en tant que créateurs d’emplois et acteurs clés du bien-être des communautés locales et régionales. Cet aspect est particulièrement pertinent pour les communautés roms. Il y a lieu de prendre, dans le cadre des politiques relatives aux besoins des femmes roms entrepreneures et des PME, des mesures spécifiques non seulement en faveur de l’autonomisation des femmes roms, mais aussi afin de soutenir leurs initiatives concernant des projets communautaires et la création d’entreprises. Cette politique spécifique, conçue spécialement pour soutenir les femmes roms faisant à l’heure actuelle totalement défaut dans la plupart des États membres, le CESE appelle de ses vœux un engagement à exploiter les possibilités qu’elle pourrait offrir.

4.4.4

Le Comité invite les pouvoirs publics à tous les niveaux de la société à organiser des formations au marché du travail, à créer de l’emploi, ainsi que des formes d’emploi subventionné en quantité suffisante. Il importe qu’ils prévoient des indemnités de déplacement et des aides à la formation continue et au perfectionnement professionnel, et soutiennent au moyen d’outils de politiques publiques ciblés la possibilité pour les femmes roms en situation de vulnérabilité de concilier vie professionnelle et vie familiale.

4.4.5

Les États membres doivent mettre tout en œuvre pour sortir les femmes roms de leur position vulnérable sur le marché de l’emploi et éradiquer les formes de travail (quasi) forcé, au gris ou illégal dont elles sont victimes.

4.4.6

À cette fin et compte tenu de l’importance de l’intégration de ces femmes sur le marché du travail, il importe de mettre en place des programmes de la deuxième chance en matière d’emploi et de prévoir à leur intention l’assistance de médiateurs ainsi que des indemnités de déplacement et des aides à la formation. En outre, il y a lieu de mettre tout en œuvre afin d’éradiquer la discrimination sur le lieu de travail et de sensibiliser les chefs d’entreprise.

4.5   Logement, services publics

4.5.1

Dans les situations de ségrégation, ce sont les femmes et les enfants qui souffrent le plus des conséquences désastreuses de la ségrégation sur la vie quotidienne. Le CESE insiste dès lors sur la nécessité de créer également sur ces territoires une norme minimale acceptable pour le logement, les services publics et les infrastructures, laquelle devrait être appliquée en tant que droit fondamental, et de préférence ancrée dans les constitutions des États membres.

4.5.2

Le CESE propose que la satisfaction de ces besoins (grâce, par exemple, à la fourniture d’eau potable, l’électricité, l’assainissement ou le traitement des eaux usées, l’asphaltage des routes, l’enlèvement des déchets, l’accessibilité des services publics, etc.) soit une condition préalable à la poursuite des investissements dans le développement urbain ainsi qu’à l’obtention et à l’utilisation des subventions.

4.5.3

Il convient de mettre un terme aux procédures d’expulsion injustifiées et illégales, et de veiller à ce que les femmes roms qui en sont victimes puissent bénéficier d’une protection juridictionnelle spécifique, disponible et accessible. Les femmes traumatisées par ces expulsions forcées doivent pouvoir être indemnisées.

4.6   Suppression des structures de la violence

4.6.1

Les femmes et les filles roms sont particulièrement vulnérables dans les situations de discrimination et de ségrégation, et deviennent facilement les victimes d’infractions et d’actes de violence. Elles sont touchées de manière disproportionnée par toutes les formes connues d’exploitation et de traite des êtres humains.

4.6.2

Le Comité convient que toutes les formes de traite des êtres humains et la violence à l’égard des femmes roms constituent des violations flagrantes des droits fondamentaux de l’homme expressément interdites par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et que les États membres devraient agir sur cette base (6). Il s’agit d’infractions pénales graves, qui répondent à une demande et s’avèrent, sous des formes très diverses, excessivement rentables pour la criminalité transnationale organisée, et auxquelles les femmes et les enfants roms sont exposés de manière disproportionnée.

4.6.3

Le CESE espère que les États membres incorporeront sans attendre dans leur droit pénal national l’incrimination pour ces nouvelles formes d’infractions en constante évolution, et qu’ils prendront contre elles des mesures judiciaires coordonnées et ciblées et interrompront, voire supprimeront dans la mesure du possible, les canaux de profits obtenus sous la contrainte. Il y a lieu de se pencher sur le contexte socioéconomique plus large dans lequel ces infractions sont commises, de cerner les situations de misère, de discrimination et de vulnérabilité, et de mettre en place de manière cohérente les outils (stratégiques, législatifs, financiers, éducatifs, de recherche et autres) de politique sociale qui permettront d’y remédier.

4.6.4

La violence que subissent les femmes roms peut émaner tant de la société en général que de leur propre communauté. En tout état de cause, il importe d’agir avec détermination contre toutes lesformes ponctuelles et organisées de violence dans le cadre d’une approche centrée sur la victime, sexospécifique, qui tienne compte de la vulnérabilité particulière des femmes et des enfants et de la protection spéciale dont ils doivent bénéficier, et soit axée sur les droits de l’homme.

4.6.5

Le Comité se réjouit qu’avec la signature de la Commission européenne, l’UE soit devenue partie contractante à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, généralement connue sous le nom de Convention d’Istanbul. Il demande instamment à tous les États membres de l’UE de la ratifier et de commencer à la mettre en œuvre, sans réserve et avec détermination, en prenant en compte l’exposition toute particulière des femmes roms dans ce domaine.

4.6.6

Les femmes et les filles roms sont par ailleurs, de manière tout autant disproportionnée, les cibles et les victimes de crimes de haine et notamment de discours haineux. Il convient d’adopter des mesures visant à faciliter l’accès à la justice des personnes concernées et de mettre en place, avec l’aide des organisations de la société civile, les outils qui permettront de conscientiser à la détection de ce type d’infractions pénales.

4.6.7

Le CESE soutient l’élargissement géographique et la mise en œuvre de JUSTROM, le programme conjoint du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne, afin de garantir l’accès des femmes roms à la justice.

4.6.8

Le Comité attire l’attention sur le fait que toutes les formes institutionnelles d’antitsiganisme et de ségrégation peuvent également être considérées comme une forme d’infraction violente. Il souligne l’importance d’assurer une protection contre ce type d’infractions dans les services institutionnels financés par l’État (instituts de protection de l’enfance, services sociaux et de soins de santé) ainsi que dans les structures étatiques de maintien de l’ordre et associées (services de police, justice pénale et établissements pénitentiaires), autant de contextes où la vulnérabilité des femmes roms est particulièrement significative. Le Comité attire l’attention sur l’importance de garantir un accès aisé et gratuit à la protection juridique dans ces cas.

4.6.9

Le droit national et international doivent assimiler la notion de mariage précoce forcé à une forme de traite des êtres humains et agir en conséquence. L’ensemble des outils et programmes de prévention et de protection prévus dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains doivent être mis à la disposition des victimes de mariages forcés d’enfants.

4.7   Inclusion et participation

4.7.1

Les femmes roms ont très peu de possibilités de développer et d’évaluer les politiques susceptibles d’influencer leur propre destin. Le CESE souligne par conséquent que, sur la base du principe du «rien sur nous sans nous», il est absolument indispensable d’associer, à une échelle appropriée, les femmes roms à la conception, la planification, la mise en œuvre et l’évaluation de tout programme les concernant ou concernant leurs communautés. Le CESE propose que la participation des femmes roms actives corresponde au moins à une majorité pour les programmes visant spécifiquement les femmes roms, et au moins à 30 % pour les programmes destinés aux communautés roms. Un système d’évaluation permettant de mesurer ces ratios de manière fiable devrait être mis en place.

4.7.2

Le CESE propose que ces taux de participation soient mis en œuvre de manière vérifiable au sein des organismes responsables des politiques d’inclusion nationales et régionales (conseils de coordination nationaux, régionaux et départementaux, commissions de lutte contre la ségrégation, etc.).

4.7.3

Il invite les gouvernements et les autorités à engager un véritable dialogue politique de fond avec les représentants des femmes roms à tous les niveaux d’organisation sociétale et à mettre en place les structures institutionnelles d’un tel dialogue. À cette fin, le Comité recommande de créer des institutions juridiques spécifiques, par exemple des comités féminins dans le cadre des plateformes nationales pour les Roms, au sein desquels les femmes roms pourraient assurer leur représentation de manière ciblée, ou la mise en place d’un médiateur indépendant pour les femmes roms.

4.7.4

Le Comité fait observer que le point de vue des femmes roms fait souvent défaut, ou n’est que peu représenté, tant dans la stratégie-cadre européenne actuelle que dans les stratégies nationales d’intégration des Roms. Il y a lieu d’accorder beaucoup plus d’attention à l’avis des représentants des femmes roms, dans le cadre non seulement des processus pour l’après-2020, mais aussi de l’élaboration des futures stratégies d’inclusion sociale.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A12012M%2FTXT

(2)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:12012P/TXT&from=fr

(3)  En anglais uniquement: http://fra.europa.eu/en/project/2015/eu-midis-ii-european-union-minorities-and-discrimination-survey/publications

(4)  JO C 248 du 25.8.2011, p. 16, JO C 67 du 6.3.2014, p. 110, JO C 11 du 15.1.2013, p. 21.

(5)  Parmi les nombreuses propositions formulées à ce jour par la communauté rom, les organisations de la société civile œuvrant en faveur des droits des Roms, les milieux scientifiques, les organismes internationaux et le CESE, le présent avis ne fera ici mention que de celles qui revêtent une pertinence particulière pour la mise en œuvre des droits des femmes roms.

(6)  Article 5, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/26


Avis du Comité économique et social européen sur l’«Égalité entre les hommes et les femmes sur les marchés européens du travail»

(avis exploratoire à la demande du Parlement européen)

(2019/C 110/05)

Rapporteure:

Helena DE FELIPE LEHTONEN

Consultation

Parlement européen, 3.5.2018

Base juridique

Article 29, paragraphe 1, du règlement intérieur

Décision de l’Assemblée plénière

DD/MM/YYYY

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

7.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

151/2/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère que pour améliorer l’égalité entre les sexes sur les marchés du travail, il s’impose d’élaborer une stratégie européenne intégrée et ambitieuse qui combatte les obstacles systémiques et structurels en la matière et débouche sur des politiques, dispositions et programmes de financement de l’Union européenne qui soient propres à réaliser des progrès vers cette égalité et à favoriser ainsi «une indépendance économique plus équitable entre les femmes et les hommes». Une telle démarche apporterait par ailleurs une contribution appréciable à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux.

1.2.

Dans le présent document, le CESE répète qu’il est nécessaire de mieux relever certains défis qui sont déjà bien connus et sur lesquels il a déjà émis des avis, comme l’écart de rémunérations entre hommes et femmes (1).

1.3.

Le CESE est d’avis qu’il y a lieu de consentir des efforts supplémentaires pour traiter le problème persistant de l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Il soutient pleinement les objectifs de la Coalition internationale pour l’égalité salariale, qui entend œuvrer pour que d’ici à 2030, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes soit comblé. Il déplore le faible taux de mise en œuvre de la recommandation sur la transparence des rémunérations que la Commission européenne a émise en 2014 et demande aux États membres et à l’Union européenne de prendre les mesures voulues pour en accélérer l’application.

1.4.

Le CESE rappelle que la transparence et les audits en matière de rémunérations ont un rôle important à jouer, s’agissant de résorber le fossé salarial entre hommes et femmes (2). Pour favoriser une approche sans distorsion dans le domaine des traitements et du recrutement, il recommande de recourir à des systèmes salariaux neutres du point de vue de l’égalité des sexes.

1.5.

Le CESE s’accorde à reconnaître qu’il est nécessaire de renforcer les mesures destinées à réduire la ségrégation de type horizontal entre hommes et femmes en matière d’éducation et de formation, ainsi que sur le marché du travail. Il conviendrait d’entreprendre des campagnes de sensibilisation, ainsi que d’arrêter d’autres mesures, pour lutter contre les stéréotypes et la ségrégation sexistes qui ont cours dans le domaine de l’éducation, de la formation et des choix de carrière, en mobilisant pleinement à cette fin les ressources des nouvelles technologies. Un des moyens d’inciter davantage d’hommes à investir des secteurs où les femmes prédominent pourrait être d’améliorer les salaires et les conditions de travail dans ces métiers.

1.6.

Il conviendrait de redoubler d’efforts afin d’intégrer sur le marché du travail les femmes issues de groupes vulnérables et les faire accéder à l’autonomie, en veillant à adopter une démarche intersectionnelle (3).

1.7.

Le CESE apprécie les efforts que la Commission déploie afin que les services de garde d’enfants et de soins de longue durée aux personnes soient suivis de plus près dans le cadre du semestre européen. Il conviendrait que ce suivi reste une priorité à moyen et long terme. Le CESE se prononce pour le lancement d’une réflexion renouvelée avec les États membres sur les objectifs de Barcelone, fixés en 2002, dans le domaine des infrastructures d’accueil de l’enfance, le but étant de les rendre plus ambitieux et d’étendre la démarche aux soins dispensés aux autres personnes dépendantes.

1.8.

Le CESE appelle le Parlement européen et le Conseil à établir, au sein des Fonds structurels européens futurs, des indicateurs nouveaux et appropriés, afin de mieux cerner la contribution financière que l’Union européenne apporte aux différents services de soins à la personne et à l’égalité entre les hommes et les femmes.

1.9.

Le CESE accueille favorablement le Fonds social européen plus (FSE+) proposé au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, qui entend favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que, dans le domaine de la politique de l’emploi, promouvoir la participation féminine au marché du travail, grâce à des mesures qui améliorent l’équilibre entre vie professionnelle et privée et l’accès aux services de garde d’enfants et autres prestations de soins aux personnes. Il juge toutefois que les financements de l’Union européenne devraient être alloués d’une manière qui soit plus attentive à la question de l’égalité entre les hommes et les femmes et qu’il conviendrait de lui donner rang d’objectif à part entière, plutôt que de la fusionner, pour en faire un seul et unique critère, avec les objectifs de lutte contre la discrimination et contre le racisme.

1.10.

Le CESE fait également bon accueil à la proposition de nouveau programme InvestEU pour la période 2021-2027, qui soutient les investissements dans les infrastructures sociales. Le CESE appelle le Parlement et le Conseil à apporter un soutien vigoureux pour que la voie qui s’ouvre ainsi incite à investir comme il se doit dans l’accueil d’enfants, y compris postscolaire.

1.11.

L’entrepreneuriat féminin accuse un retard et il convient de l’encourager, de façon à ce qu’il tire parti du potentiel considérable de l’économie numérique et de l’innovation technologique. Il s’impose d’améliorer l’accès aux financements et la transition entre les différents statuts professionnels.

2.   Contexte et enjeux

2.1.

Le présent avis du CESE a été rédigé pour répondre à une demande d’avis exploratoire du Parlement européen sur le thème de l’«égalité entre les hommes et les femmes sur les marchés européens du travail». Comme souhaité par le Parlement, il étudie l’impact qu’ont produit les mesures exposées dans la recommandation de la Commission sur le «renforcement du principe de l’égalité des rémunérations des femmes et des hommes grâce à la transparence» et examine si des initiatives supplémentaires sont nécessaires pour tâcher de résorber le fossé salarial entre les sexes.

2.2.

L’article 2 et l’article 3, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne, ainsi que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, reconnaissent que le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes constitue l’une des valeurs fondamentales de l’Union et qu’à ce titre, il représente un important impératif à mettre en œuvre. Tout comme le principe de la même rémunération pour un travail de valeur égale, le socle européen des droits sociaux sanctionne cette égalité, en la rangeant parmi les vingt principes clés à respecter pour que les marchés du travail et les systèmes de protection sociale soient équitables et opérants.

2.3.

L’Union européenne et les États membres ont encouragé l’égalité entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, en recourant à une panoplie d’instruments, législatifs ou autres, de recommandations, d’orientations politiques et de soutien financiers. Dans son engagement stratégique pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2016-2019, la Commission européenne a confirmé les enjeux prioritaires à aborder en la matière, à savoir une indépendance économique égale pour les femmes et les hommes, une rémunération identique pour un travail de même valeur et l’égalité dans la prise de décision, la dignité, l’intégrité et la fin des violences à fondement sexiste, ainsi que la promotion de cette égalité entre les sexes au-delà des frontières de l’Union européenne.

2.4.

En 2017, le taux d’emploi féminin a poursuivi sa croissance, à un rythme lent mais régulier, analogue à celui des hommes, et est parvenu ainsi au chiffre record de 66,5 %, contre 78,1 % pour la population masculine. Depuis 2013, cependant, l’écart entre celui des hommes et des femmes est resté inchangé, à 11,5 points de pourcentage. En outre, selon toute vraisemblance, l’objectif qu’il parvienne à 75 % pour les deux sexes, tel que fixé par la stratégie Europe 2020, ne devrait pas être atteint. Les scores mesurés dans l’Indice d’égalité de genre ont augmenté, passant de 62 points en 2005 à 65 en 2012, mais à seulement 66,2 en 2015, pour partie sous l’effet de la crise économique. Dans plusieurs États membres, les mesures prises pour la surmonter n’ont pas prêté l’attention voulue à ses retombées négatives sur l’égalité entre les hommes et les femmes.

2.5.

Malgré les progrès généraux qui ont été enregistrés en matière d’égalité de sexes sur les marchés du travail européens, les inégalités entre hommes et femmes persistent. Ségrégation horizontale et ségrégation verticale constituent deux grands facteurs qui concourent à créer l’écart entre les hommes et les femmes en matière de rémunérations horaires brutes, qui se situe actuellement aux alentours de 16 %. Ce retard s’aggrave du fait de la prépondérance des femmes dans les emplois à temps partiel et dans les secteurs à faibles rémunérations, ainsi que de la part plus élevée qui est la leur dans le recours aux dispositifs de congé parental, qui ayant pour effet qu’elles effectuent des interruptions dans leur parcours professionnel et que par rapport aux hommes, elles ne progressent pas autant dans leur carrière et accumulent moins de droits à pension.

2.6.

Le fossé qui sépare actuellement les femmes des hommes en matière d’emploi représente pour l’Union européenne une perte économique et sociale de taille, d’un montant estimé à 370 milliards d’EUR par an. Face au défi de sa démographie et de la baisse de sa population en âge de travailler, l’Europe se doit d’exploiter pleinement le potentiel que l’ensemble des femmes représentent pour le marché du travail, en tenant compte des effets intersectionnels qu’elles peuvent subir du fait de leur race, origine ethnique, classe sociale, âge, orientation sexuelle, nationalité, religion, sexe, handicap, ou statut de réfugiés ou de migrants, qui sont autant de facteurs susceptibles de leur poser des obstacles pour intégrer ce marché.

2.7.

Alors que les femmes tendent à travailler de manière prédominante dans les emplois moins rémunérés et plus faiblement qualifiés et dans des secteurs tels que les soins de santé, les services sociaux, l’enseignement, l’administration publique et le commerce de détail, les hommes sont davantage représentés dans l’ingénierie, la construction et le transport. La présence déficitaire des hommes dans les métiers de l’enseignement, des soins de santé et des services sociaux est en train de s’aggraver, et elle est accentuée par l’absence de modèles de rôles à imiter, ainsi que, bien souvent, par des conditions de travail et de rémunérations moins attrayantes. Il en va de même de la sous-représentation féminine dans les professions du secteur des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM). En 2016, les femmes ne comptaient que pour 17 % des spécialistes en technologies de l’information et de la communication.

2.8.

Alors que le Conseil de l’Union européenne débat actuellement d’une nouvelle législation européenne, en l’occurrence la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et privée, les femmes continuent à pâtir de l’effet pénalisant que la maternité produit dans les métiers qu’elles exercent et qui reste un problème persistant dans bon nombre d’États membres, y compris durant leur grossesse ou après l’accouchement. Le différentiel du taux d’emploi des femmes par rapport à celui des hommes est particulièrement important dans le cas de celles qui sont mères et qui assument des responsabilités de soins à des proches. En 2016, plus de 19 % des femmes inactives l’étaient parce qu’elles devaient prendre soin d’enfants ou d’adultes. En moyenne, les femmes ayant un enfant de moins de 6 ans ont un taux d’emploi inférieur de 9 % par rapport à celles qui n’en ont pas, et dans certains pays, l’écart n’atteint pas moins de 30 %.

2.9.

Le CESE est extrêmement préoccupé par l’ampleur du harcèlement sexuel que les femmes subissent sur le lieu de travail et constate avec inquiétude que le cyberharcèlement à leur encontre se répand largement. Il rappelle la nécessité de mieux mettre en œuvre la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil (4), qui bannit le harcèlement et les discriminations sur les lieux de travail (5).

2.10.

Le CESE appelle également à prendre des mesures, tant intégrées dans les autres politiques que de nature spécifique, qui s’adresseront aux femmes appartenant à des catégories vulnérables, car elles butent souvent sur de plus grandes difficultés que d’autres pour intégrer le marché du travail. Il souligne la nécessité d’une démarche intersectionnelle, visant à augmenter les chances dont disposeront sur le marché de l’emploi celles qui sont confrontées à des formes multiples de discrimination.

2.11.

L’entrepreneuriat féminin est encore peu développé. Alors qu’elles forment 52 % de la population européenne, les femmes ne représentent, dans l’Union européenne, que 34,4 % du nombre total d’indépendants et 30 % de celui des créateurs d’entreprises novatrices. Quand elles sont indépendantes, elles sont moins aisées que leurs homologues masculins: dans les 28 États membres de l’Union européenne, 76,3 % des travailleuses à leur compte sont des indépendantes sans employés, contre 69 % dans le cas des hommes. En conséquence, ces derniers sont plus souvent des chefs d’entreprises employant des salariés, tandis que les femmes concernées ont tendance à ne pas en avoir et sont davantage exposées au risque de revenus faibles. La créativité et le potentiel entrepreneurial des femmes représentent un gisement de croissance économique et d’emplois qui est sous-exploité et doit être développé plus avant, pour encourager l’éclosion d’entreprises prospères.

2.12.

Le travail à temps partiel peut constituer un instrument précieux pour favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et privée pour l’un et l’autre sexe. Toutefois, les femmes travaillent plus fréquemment à temps partiel que les hommes, puisqu’elles comptent pour plus de 70 % des travailleurs ainsi employés, et l’on a relevé qu’elles ont une présence accrue dans les emplois moins bien payés, comme la vente au détail, le nettoyage et l’assistance. Les niveaux que le travail à temps partiel non volontaire atteint, tant pour les femmes que pour les hommes, reste une source de préoccupation. L’objectif fixé par la stratégie Europe 2020 de parvenir à un taux d’emploi de 75 % ne pourra être concrétisé que grâce à une stratégie intégrée, prenant la forme d’une combinaison cohérente de politiques et de mesures qui favorisent la participation au marché de l’emploi, procurent des emplois de qualité, assurent l’égalité de traitement au travail et encouragent un partage plus équilibré des tâches domestiques entre les parents et les personnes qui prennent soin de membres de leur famille en situation de dépendance.

3.   Domaines se prêtant à un renforcement des actions destinées à réaliser l’égalité entre les hommes et les femmes sur les marchés européens de l’emploi

3.1.   Traiter la question de la transparence salariale pour combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes

3.1.1.

L’écart de rémunération entre les hommes et les femmes constitue l’un des obstacles les plus tenaces pour leur égalité sur les marchés de l’emploi et dans la société, ainsi que pour la croissance économique. Le CESE soutient pleinement la Coalition internationale pour l’égalité salariale (EPIC), une initiative mondiale qui, sous la houlette de l’Organisation internationale du travail (OIT), d’ONU Femmes et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et avec la participation de pouvoirs publics, d’employeurs, de syndicats et d’acteurs de la société civile, se donne pour objectif de combler d’ici à 2030 le fossé salarial entre les sexes. Le CESE presse l’Union européenne de renforcer son action pour qu’à la même date de 2030, cet écart de rémunération ait disparu sur son territoire.

3.1.2.

Le CESE réitère les recommandations qu’il a formulées à propos du plan d’action de l’Union européenne sur l’élimination de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes (6). Par ailleurs, il reconnaît que la version refondue de la directive 2006/54/CE sur l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, d’une part, et la recommandation 2014/124/UE de la Commission relative au renforcement du principe de l’égalité des rémunérations des femmes et des hommes, d’autre part, ont apporté une contribution essentielle pour réduire ce fossé des rémunérations et qu’elles restent des instruments valables. Des efforts supplémentaires n’en restent pas moins nécessaires. Dans son rapport de 2013 sur l’application de la directive 2006/54/CE, la Commission tirait la conclusion que l’un des points les plus problématiques concernant ce texte consistait dans l’application pratique des dispositions relatives à l’égalité de rémunération dans les États membres.

3.1.3.

L’EPIC a souligné que le manque de transparence en matière de rémunérations constitue un facteur important dans les disparités salariales entre les hommes et les femmes et qu’il est possible de contribuer à résorber ce fossé en rendant les salaires plus transparents. Cette transparence salariale a un rôle important à jouer dans la lutte contre les éventuelles discriminations en matière de rémunérations. Le CESE s’inquiète de constater que la recommandation de 2014 concernant ladite transparence n’a été mise en œuvre que dans une faible mesure. Si la plupart des États membres ont pris quelques mesures visant à rendre les rémunérations plus transparentes, un tiers d’entre eux sont dépourvus de toute disposition en ce sens. Le CESE appelle les pays de l’Union européenne à accélérer la mise en œuvre de la recommandation de 2014, par exemple en soutenant le droit des personnes à demander des informations sur les niveaux de rémunération ou en donnant aux employeurs, à partir d’une taille d’entreprise à définir, la faculté d’élaborer des rapports sur les rémunérations ou d’effectuer des audits salariaux, étant donné qu’une telle action favoriserait une démarche équitable en matière de recrutement et de rétributions. Il conviendra également de prendre en considération l’impératif d’un respect total de la vie privée des salariés, ainsi que de leurs données, et des relations sociales générales.

3.1.4.

Pour mettre en œuvre le principe de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes et affronter le problème de l’écart entre leurs rémunérations, il y a lieu d’améliorer les synergies entre les différentes mesures disponibles. Parmi ces démarches, il est vivement recommandé d’instaurer des systèmes de rémunération neutres du point de vue de l’égalité des sexes, car ils favorisent une approche exempte de distorsions dans le domaine du recrutement et des traitements.

3.1.5.

Ce sont les partenaires sociaux qui sont les mieux placés pour réexaminer la valeur des compétences et des métiers. Le dialogue social et la négociation collective jouent un rôle primordial pour atteindre cet objectif et aborder le problème du différentiel entre les salaires masculins et féminins.

3.1.6.

Au niveau européen, la question de l’écart des rémunérations entre les hommes et les femmes est également prise en considération dans le cadre du semestre européen. En 2017, la problématique de l’écart salarial a été soulevée dans les rapports nationaux adressés à neuf États membres, tandis qu’ils ont été douze à recevoir des recommandations spécifiques par pays qui prenaient pour cible les investissements dans les infrastructures de garde d’enfants et les dispositions fiscales dissuadant l’activité, ainsi que d’autres mesures en rapport avec ce fossé.

3.1.7.

Il conviendrait de veiller tout particulièrement à donner davantage conscience des présupposés inconscients et à renforcer la lutte contre les écarts de rémunération sexospécifiques au moment du recrutement et dans les phases de promotion. Un autre élément pertinent pour réduire la fracture salariale réside dans l’assistance apportée par les organisations d’entreprises, s’ajoutant à la coopération que les partenaires sociaux, les pouvoirs publics et les organismes chargés de l’égalité mènent afin de dégager des solutions appropriées.

3.2.   Éducation, ségrégation et stéréotypes

3.2.1.

C’est dès le plus jeune âge qu’il convient de contrer la ségrégation horizontale qui, en matière d’éducation et de formation, ainsi que sur le marché du travail, persiste sous l’effet des stéréotypes et des barrières existant sur ce marché. Une forte corrélation existe entre cette discrimination et l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Il conviendrait d’attirer plus clairement l’attention sur cette tendance à déprécier certaines professions, y compris en ce qui concerne leurs postes d’encadrement. La revalorisation des salaires et des conditions de travail dans les secteurs où les femmes prédominent pourrait avoir pour effet d’encourager davantage d’hommes à s’investir dans ces métiers et, par là même, aiderait à prendre en considération le problème de la ségrégation professionnelle entre les sexes.

3.2.2.

Alors qu’elles obtiennent de meilleurs résultats dans l’enseignement, les femmes se heurtent à de nombreuses barrières pour poursuivre une carrière dans certains secteurs dominés par les hommes, comme les technologies de l’information et de la communication. Même si certaines filles choisissent de faire leurs études dans le domaine de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques, elles ne sont que 10 %, par la suite, à poursuivre leur parcours professionnel dans ces secteurs. Pour remédier à ce déséquilibre, il est nécessaire d’insister avec plus de vigueur sur la lutte contre la ségrégation et les stéréotypes dans l’enseignement et de mieux promouvoir ces branches d’activité auprès des femmes.

3.2.3.

Le déficit masculin dans le secteur de l’enseignement, de la santé et des services sociaux est en train de prendre des proportions alarmantes. Le CESE préconise de lancer, au niveau de l’Union européenne et à celui de ses États membres, des campagnes pour sensibiliser et promouvoir des modèles de rôle, le but étant d’encourager les femmes à embrasser des carrières dans les technologies de l’information et de la communication et dans les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, ainsi que d’attirer les hommes vers celles de l’enseignement, de la santé et des services sociaux.

3.3.   Des services de soins à la personne pour favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et privée

3.3.1.

Parvenir à concilier vie professionnelle, privée et familiale constitue une gageure des plus lourde pour les parents et autres personnes qui assument des responsabilités de soins à des proches. Ces obligations reposent de manière disproportionnée sur les épaules des femmes, car ce sont elles qui, généralement, sont responsables de prendre soin des membres de leur famille qui sont en situation de dépendance. C’est pour les parents isolés et les membres de catégories vulnérables qu’il est particulièrement ardu de parvenir à mieux concilier vie professionnelle et privée. Le CESE s’est félicité que la Commission ait pris l’initiative d’accroître le taux de participation au marché du travail des parents avec enfants et de les aider à mieux accorder leur travail et leur vie privée.

3.3.2.

Le partage des responsabilités parentales et des autres tâches d’assistance constitue un objectif important pour assurer une participation égalitaire au marché du travail (7). En général, les pères n’exploitent guère la possibilité de prendre un congé de paternité, et ils ne le font habituellement que s’il est rémunéré. Il est primordial de prendre des mesures qui les encouragent à s’engager davantage dans la vie de leur famille, tout en prenant en considération les coûts éventuels et les efforts d’organisation que cette démarche implique pour les entreprises, en particulier celles de petite taille et les microentreprises.

3.3.3.

Dès lors que l’une des principales raisons de la faible participation des femmes au marché du travail réside dans les responsabilités de soins qu’elles doivent assumer vis-à-vis de leur famille, les objectifs de Barcelone apparaissent revêtir une importance cruciale. Or ils n’ont été réalisés que dans une mesure insuffisante. Les données disponibles montrent qu’il existe une corrélation positive entre la présence de structures d’accueil à l’enfance et le taux d’emploi féminin. Le Comité déplore que plus de quinze ans après leur adoption, les États membres qui sont parvenus à atteindre les objectifs de Barcelone soient si peu nombreux. Il lance un appel pour leur révision éventuelle, qui fixerait des pourcentages cibles plus ambitieux, afin d’inciter à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes.

L’abordabilité et l’accessibilité des services de garde d’enfants et des autres prestations de soins à la personne continuent à poser problème, en particulier pour les familles à faibles revenus. Aussi importe-t-il de parvenir à une combinaison adéquate des offres publiques et privées en la matière. Par ailleurs, les heures d’ouverture des crèches restent un véritable obstacle pour les parents qui travaillent.

3.3.4.

Le CESE attire également l’attention sur la nécessité d’offrir aux parents qui exercent une activité professionnelle des services d’accueil extrascolaire pour leurs enfants. Il conviendrait qu’ils soient mis à leur disposition dans les pays où la journée scolaire se termine tôt, étant donné qu’ils ont tendance à combler ce vide en optant pour le travail à temps partiel. Il serait opportun de recueillir davantage de données pour appréhender l’étendue que revêt ce problème structurel, ainsi que ses répercussions sur l’égalité entre les sexes sur le marché du travail.

3.3.5.

La montée en puissance du secteur des soins à la personne, qui recèle un potentiel d’emplois inexploité, nécessite une attention particulière, du fait qu’il témoigne d’une ségrégation persistante entre les hommes et les femmes et, dans de nombreux cas, n’offre que de mauvaises conditions de travail et de faibles salaires. Comme le CESE l’a déjà demandé, il y a lieu de de collecter des données adéquates sur les différents aspects des systèmes de prestations rémunérées de soins à la personne et sur les préférences en la matière en Europe, dont, notamment, le développement rapide de ces soins dispensés à domicile et le cas spécifique de leurs prestataires qui sont logés sur place (8), dont bon nombre vivent l’expérience de la mobilité au sein de l’Union européenne ou sont des migrants de pays tiers et font état de mauvaises conditions de travail et de modestes rémunérations. Le Comité lance un appel à la Commission pour qu’elle adopte une stratégie intégrée en faveur de ce secteur des soins à la personne.

3.3.6.

Le CESE apprécie les efforts déployés par la Commission pour que les services de garde d’enfants et de soins de longue durée aux personnes fassent l’objet d’un suivi plus étroit dans le cadre du semestre européen et des recommandations spécifiques adressées à chaque État membre.

3.4.   Financer l’égalité entre les hommes et les femmes: le cadre financier pluriannuel

3.4.1.

Le CESE salue le Fonds social européen plus (FSE+) proposé au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, qui entend favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes, celle des chances et la non-discrimination, ainsi que promouvoir, dans le domaine de la politique de l’emploi, la participation des femmes au marché du travail grâce à des mesures qui améliorent l’équilibre entre vie professionnelle et privée et l’accès aux services de garde d’enfants. Il exhorte les institutions de l’Union européenne et ses États membres à mettre en œuvre la recommandation qu’il a émise sur l’évaluation du soutien du Fonds social européen plus à l’égalité entre les hommes et les femmes (9).

3.4.2.

Le CESE est d’avis que les financements de l’Union européenne devraient être alloués d’une manière qui soit plus attentive à la question de l’égalité entre les hommes et les femmes. Il s’inquiète de constater que si les objectifs concernant respectivement l’égalité des sexes, la lutte contre les discriminations et celle contre le racisme sont fusionnés en un seul et unique critère, leur visibilité sera compromise, tout comme la transparence des ressources financières octroyées à chacun d’entre eux. Il conviendrait de réfléchir à la meilleure façon de réagir à cette difficulté.

3.4.3.

Le CESE souligne que dans ce domaine, il s’impose d’investir dans une offre et des équipements de haute qualité, accessibles et à tarifs abordables pour tous. La proposition de la Commission d’instaurer un Fonds social européen plus (FSE+) pose un jalon dans la bonne direction, celle d’un renforcement des investissements pour les services d’accueil à l’enfance. Il conviendrait d’encourager davantage encore ce financement, en capitalisant sur des bonnes pratiques que la Commission européenne se devrait de recueillir.

3.4.4.

Le CESE salue également le nouveau programme InvestEU, qui a été a proposé au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, et se félicite qu’une de ses priorités soit d’encourager les investissements dans les infrastructures sociales, car pareille démarche pourra influer positivement sur l’égalité entre les hommes et les femmes.

3.4.5.

Le CESE s’alarme de relever qu’aucune évaluation n’a été effectuée concernant la manière dont les États membres ont utilisé les fonds de l’Union européenne pour apporter un soutien à l’offre de services de soins à la personne. Dans les prochains programmes de financement, il conviendra de traiter ce problème, en établissant, au sein des Fonds structurels européens du futur, dont le Fonds social européen plus, de nouveaux indicateurs, qui soient soigneusement conçus pour assurer un meilleur suivi de la contribution financière que l’Union européenne apporte à ces prestations de soins à la personne dans toute leur diversité, ainsi qu’à l’égalité entre les hommes et les femmes.

3.5.   Les régimes de prélèvements et de prestations sociales

3.5.1.

Les données disponibles indiquent qu’au moment où elle intègre le marché du travail ou lorsqu’elle souhaite travailler davantage, la population féminine doit souvent affronter de sérieux obstacles, étant donné que le régime des prélèvements et des prestations sociales est configuré de telle manière qu’il peut avoir un effet dissuasif pour le membre d’un ménage qui est susceptible d’apporter un second salaire — et qui est le plus souvent une femme. Pareils freins ont pour conséquence directe que les cotisations de la personne concernée à des régimes de pension sont plus faibles, voire inexistantes, et que par la suite, elle touchera une retraite plus basse, ou basculera même dans la pauvreté.

3.5.2.

Le semestre européen a déjà souligné la nécessité d’adapter les systèmes de prélèvements et prestations sociales, pour éviter qu’ils n’exercent un fort effet de dissuasion sur ces seconds membres de ménage pouvant générer un revenu, quand ils souhaitent prendre un emploi ou augmenter leur activité professionnelle. Les évolutions qui se produiront en la matière nécessiteront un suivi étroit.

3.6.   L’entrepreneuriat féminin

3.6.1.

L’entrepreneuriat peut offrir aux femmes un tremplin pour acquérir l’indépendance économique, en ce qu’il crée des emplois de qualité, leur ouvre des parcours professionnels brillants et les extrait de la pauvreté et de l’exclusion sociale, contribuant ainsi à rééquilibrer leur représentation par rapport à celle des hommes dans la prise de décision. Il convient d’apporter un soutien à l’entrepreneuriat féminin, en améliorant l’accessibilité et la qualité des dispositifs de protection sociale (10) et en intégrant l’initiation à l’esprit d’entreprise dans l’ensemble du système éducatif et formatif.

3.6.2.

En matière d’activité sous statut indépendant, les femmes sont plus souvent des travailleuses sans personnel, confrontées à un risque plus élevé d’être pauvres tout en travaillant, alors que les hommes figurent plutôt parmi les propriétaires de sociétés employant des salariés. En outre, elles doivent affronter davantage d’obstacles structurels pour accéder à des financements, vaincre les préjugés et surmonter un manque de confiance. Il convient d’éliminer ce genre d’entraves. Le mentorat, les investisseurs providentiels et les nouvelles formes de financement peuvent constituer des instruments utiles à cet égard et il conviendrait de promouvoir plus activement et faire connaître les réseaux en place dans les organisations professionnelles.

3.7.   L’économie numérique

3.7.1.

Les changements qui se produisent sur le marché du travail, sous l’effet de la mondialisation, des évolutions technologiques et de la modification de la démographie, ouvrent de nouvelles perspectives pour les salariés comme pour les entrepreneurs. Les secteurs en phase d’émergence ou de croissance, tels que les technologies de l’information et de la communication, l’économie verte, l’industrie 4.0 ou le commerce électronique, peuvent offrir aux femmes nombre d’occasions à saisir, dans des métiers bien payés. Le CESE a également attiré l’attention sur l’écart numérique entre les hommes et les femmes, qui pose une série de défis à relever. Par ailleurs, il a émis des recommandations visant à éliminer les déséquilibres en rapport avec le système éducatif et le marché de l’emploi (11).

3.7.2.

Pour que les hommes et les femmes puissent se mouvoir avec confiance dans l’économie numérique, il est nécessaire de procéder, au niveau national, à une clarification des questions de statut touchant aux droits et aux prestations de sécurité sociale et aux obligations, tant au travail que dans les contrats d’entreprise à entreprise. L’éducation et la formation devraient être au cœur des stratégies destinées à promouvoir la présence féminine dans les technologies de l’information et de la communication, les métiers des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques, ou encore les carrières vertes, et il conviendrait d’intégrer la dimension de l’égalité entre les hommes et les femmes dans la stratégie pour un marché unique numérique.

3.8.   Une coopération renforcée entre tous les acteurs

3.8.1.

La mission que les partenaires sociaux assurent dans la négociation des conventions collectives représente un outil de choix pour traiter sous toutes ses facettes la question de l’égalité entre les hommes et les femmes et celle des rémunérations sur les marchés européens du travail. En 2005, les partenaires sociaux de l’échelon européen ont adopté un cadre d’action pour l’égalité des sexes, qui a été suivi, au plan national, du lancement d’actions conjointes visant à aborder la question des rôles sexospécifiques, promouvoir la participation des femmes à la prise de décision et lutter contre l’écart de rémunération entre travailleurs masculins et féminins. En 2008, ils ont procédé à la révision de leur accord de 1996 sur le congé parental [directive 2010/18/UE du Conseil (12)] et en 2012, ils ont développé une boîte à outils destinée à promouvoir l’égalité hommes-femmes sur le terrain.

3.8.2.

Les organisations de la société civile peuvent elles aussi contribuer utilement à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, en particulier pour ce qui concerne les groupes vulnérables.

3.8.3.

Le CESE appelle à lancer, au niveau de l’Union européenne, une stratégie rénovée et ambitieuse qui, visant à réaliser l’égalité entre les hommes et les femmes sur les marchés européens du travail, devra être conçue en cohérence avec toute future démarche européenne en matière d’emploi, le socle européen des droits sociaux et la dimension européenne du programme des Nations unies pour le développement durable à l’horizon 2030.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 44; JO C 262 du 25.7.2018, p. 101.

(2)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 44.

(3)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 20.

(4)  JO L 204 du 26.7.2006, p. 23.

(5)  JO C 351 du 15.11.2012, p. 12; JO C 242 du 23.7.2015, p. 29; JO C 367 du 10.10.2018, p. 20.

(6)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 101.

(7)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 44.

(8)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 7.

(9)  Voir l’avis du CESE sur «Le Fonds social européen plus» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 165).

(10)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.

(11)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 37.

(12)  JO L 68 du 18.3.2010, p. 13.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/33


Avis du Comité économique et social européen sur la «Mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans les domaines de la qualité de l’air, de l’eau et des déchets»

(avis exploratoire)

(2019/C 110/06)

Rapporteur:

Arnaud SCHWARTZ

Consultation

Parlement européen, 3.5.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

 

Avis exploratoire

Décision du Bureau

17.4.2018 (en prévision de la saisine)

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

27.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

117/2/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) salue l’objectif de l’Environmental Implementation Review (EIR) qui est de fournir une vue d’ensemble éclairée de la situation de chaque État membre mettant en évidence leurs principales lacunes dans la mise en œuvre du droit de l’Union dans le domaine de l’environnement, ainsi que de recommander des mesures correctrices et d’apporter un soutien aux États membres qui accusent un retard dans l’application de ce droit, notamment au moyen d’un nouvel outil d’assistance technique entre pairs.

1.2.

Toutefois, dans son avis (1) sur ce sujet, selon le CESE, l’examen de l’EIR révèle que, dans de nombreux États membres, l’application insuffisante, fragmentée et inégale de la législation environnementale européenne constitue un problème sérieux. Aujourd’hui comme hier, derrière les causes profondes de cette mise en œuvre lacunaire que l’EIR met en avant, il semble encore qu’il y ait, de la part de nombreux gouvernements des États membres, un manque de volonté politique de faire de l’amélioration notable de cette mise en œuvre une priorité et de fournir des ressources suffisantes à cette fin (par exemple dans le cadre du cadre financier pluriannuel — CFP). Le CESE rappelle donc que la mise en œuvre adéquate de l’acquis environnemental de l’Union est dans l’intérêt des citoyens européens et présente de véritables avantages sur le plan économique et social.

1.3.

De même, le CESE, tel que stipulé dans l’avis dont il est question plus haut (2), réaffirme que la mise en œuvre efficace des mesures de protection de l’environnement dépend en partie de l’octroi d’un rôle actif à la société civile — employeurs, salariés et autres représentants de la société. Aussi, le CESE réitère sa demande en faveur d’une participation plus forte et structurée de celle-ci, qui serait de nature à renforcer les EIR. Pour le CESE, les organisations de la société civile au niveau national doivent être mises en mesure de contribuer, par leurs connaissances et leurs compétences, aux rapports par pays ainsi qu’aux dialogues structurés nationaux et à leur suivi. C’est pourquoi le CESE demeure prêt à faciliter le dialogue de la société civile au niveau de l’Union européenne dans le cadre d’une économie véritablement circulaire et durable.

1.4.

Afin d’améliorer le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale (3), le CESE, s’appuyant sur son avis sur les «Actions de l’Union européenne destinées à améliorer le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale», insiste à nouveau sur le fait que les manquements actuels sapent la confiance des citoyens à l’égard de l’efficacité de la législation de l’Union européenne, et renouvelle donc sa demande aux États membres et à la Commission de mobiliser d’importants financements destinés à l’embauche de personnel supplémentaire, afin de contrôler la mise en œuvre de la gouvernance et de la législation environnementales.

1.5.

Le CESE souligne que, dans certains cas, les investissements dans le domaine de l’environnement, la sensibilisation du public ou des chaînes répressives solides sont également nécessaires et que, même s’il existe déjà des inspecteurs environnementaux, l’Europe et ses États membres ont également besoin de juges et de procureurs spécialisés.

1.6.

Le CESE rappelle aussi, tel qu’indiqué dans son avis (4), qu’en complément d’actions auprès des États membres et des publics concernés visant à communiquer et sensibiliser sur les règles à respecter, il faut prendre des mesures qui relèvent du suivi ou du contrôle de l’application au niveau de l’Union par la Commission européenne en sa qualité de «gardienne des traités». Le plan d’action (5) fait notamment l’impasse sur des facteurs de non-respect des règles, comme ceux relevant de l’opportunisme ou du manque de volonté politique. S’il est nécessaire de soutenir les États membres, le CESE précise une fois de plus que les mesures non contraignantes du plan d’action proposé ne sauraient constituer l’unique stratégie pour améliorer le respect de la législation environnementale.

1.7.

Aussi bien l’EIR que le plan d’action précité suivent un cycle de deux ans. Le CESE met ainsi l’accent sur le fait qu’il devrait jouer un rôle actif dans le suivi et l’évolution régulière du contenu de ceux-ci pour faire entendre la voix de la société civile dans ce processus d’amélioration continue des politiques environnementales de l’Union européenne.

1.8.

En outre, tels que le montrent divers travaux de la Commission européenne, un grand nombre de manquements provenant d’un défaut de coopération entre les divers niveaux de gouvernance (national, régional, local) chargés de mettre en œuvre la législation environnementale, le CESE appelle également l’Union européenne à intégrer la société civile au suivi et à l’évaluation en continu de cette mise en œuvre.

1.9.

Les citoyens de l’Union estiment que la protection de l’environnement revêt une importance capitale. Or, la majorité des européens pensent que l’Union et les gouvernements nationaux n’agissent pas assez pour protéger l’environnement. Par conséquent, le Conseil, le Parlement et la Commission devraient d’avantage travailler de concert avec le CESE pour répondre aux attentes des citoyens. En particulier, cette ambition pourrait se traduire par une demande au CESE d’un avis exploratoire sur la manière dont la société civile pourrait contribuer davantage à l’élaboration et à l’application de la législation environnementale de l’Union.

1.10.

Dans l’immédiat, le CESE invite la Commission à partager la liste de l’EIR de toutes les lacunes constatées par les États membres dans le cadre de la mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union en ce qui concerne la qualité de l’air, de l’eau et des déchets. La liste doit être basée, en partie, sur des indications transmises à la Commission et sur la consultation de la société civile organisée. Il invite également la Commission à définir et ensuite appliquer des voies de recours pour corriger ces défaillances. Le CESE est prêt à contribuer à cette définition, ainsi qu’à participer à l’évaluation de la future mise en œuvre de pareils remèdes, dans la limite de ses moyens et de son expertise.

1.11.

Le CESE pense que la Commission devrait non seulement proposer des mesures législatives, mais aussi faciliter et soutenir l’application des lois, ainsi que rendre les textes existants plus cohérents entre eux et également plus en phase avec les avancées scientifiques et les engagements internationaux visant à protéger la santé des populations et à rétablir un bon fonctionnement des écosystèmes sans lesquels aucun développement économique, ni aucune justice sociale ne sont possibles. En particulier, la mise en œuvre de la législation environnementale est essentielle pour la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies (ODD) et pour la mise en œuvre des accords sur le changement climatique. Le CESE attire donc l’attention des autorités compétentes sur divers exemples d’amélioration de la législation environnementale en matière de qualité de l’air, d’eau et de déchets figurant dans le présent avis.

1.12.

Enfin, à l’instar de la récente proposition de directive sur les produits en plastique à usage unique, il semble acquis que le niveau élevé d’acceptation des mesures proposées découle des actions d’information et des campagnes médiatiques menées sur la pollution plastique des océans, qui ont permis de sensibiliser davantage les citoyens à ce problème. Le CESE estime qu’il en va de même pour de nombreuses autres mesures susceptibles d’offrir aux habitants de l’Union un cadre de vie sain, une adaptation au dérèglement du climat et de mettre un terme à l’effondrement de la biodiversité. Le CESE réaffirme en ce sens la nécessaire participation engagée de la société civile en faveur d’une éducation populaire et l’attendu redoublement des efforts de sensibilisation complémentaire des citoyens, ainsi que des décideurs publics et privés (en particulier dans les petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries), de la part des autorités européennes, nationales et locales à ces enjeux majeurs du XXIe siècle.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE salue la volonté de coopérer que le Parlement européen exprime par sa demande du présent avis exploratoire, consacré à la mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans les domaines de la qualité de l’air de l’eau et des déchets.

2.2.

La mise en œuvre de la législation environnementale européenne dans les domaines de la qualité de l’air, de l’eau et des déchets touche des domaines intéressant tout particulièrement la protection des écosystèmes; elle ouvre également la voie à de nouvelles opportunités économiques et à des évolutions favorables à la santé des européennes et des européens. Ladite mise en œuvre ne pose pas seulement la question de la transposition des directives en droit interne — celle-ci ne constitue qu’une première étape — elle induit aussi la mise en place des autorités publiques nécessaires ou la mise à disposition des moyens existants en termes de ressources humaines, de compétences et de responsabilités, de savoir-faire et de moyens financiers. Dans de nombreux cas, des investissements environnementaux (publics et/ou privés) sont nécessaires (par exemple, pour le traitement de l’eau et des déchets) et, dans d’autres cas, les activités ayant un impact environnemental négatif doivent être réglementées (par exemple, pour préserver la qualité de l’air).

2.3.

L’amélioration de la mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne devrait être prioritaire pour tous les États membres et les autorités publiques chargées de ces questions devraient être renforcées. De nombreux avis du CESE ont déjà pu, par le passé, formuler des recommandations en ce sens et, plus largement, en ce qui concerne la mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union existante dans les domaines de la qualité de l’air de l’eau et des déchets. Aussi, le CESE invite-il à s’y référer, qu’il s’agisse d’avis portant sur l’air (6), l’eau (7) ou les déchets (8).

2.4.

Au-delà de ces avis de nature thématique, il convient également de souligner que des avis du CESE ayant une portée plus générale comportent également des recommandations pouvant répondre à la présente demande. Il s’agit notamment des avis sur «L’accès à la justice» (9) ou «La mise en œuvre actuelle de la législation et de la gouvernance» (10) et «La protection des intérêts collectifs des consommateurs» (11), les avis à caractère stratégique (12), et ceux visant un cadre géographique dépassant celui de l’Union européenne et traitant notamment des ODD (13), des accords de libre échange (14) ou du climat (15).

2.5.

Outre la mise en œuvre du droit existant qui facilite l’établissement d’un marché unique propice à une concurrence libre et non faussée, digne de la confiance des citoyens, qu’ils soient producteurs ou consommateurs — un droit qui soit capable de faire valoir des normes élevées de qualité et de sécurité en ce qui concerne la protection des populations et de leur environnement — il semble indispensable de chercher à pallier les lacunes de la législation actuelle en veillant en parallèle à ce que l’Union, dans le cadre de négociations commerciales bilatérales ou multilatérales, obtienne systématiquement l’équivalence de sa législation sociale et environnementale pour les produits importés.

2.6.

Dans ce contexte, il faut donc considérer l’ensemble des observations, recommandations et conclusions listées dans cet avis exploratoire, non pas comme un risque, mais bien comme une opportunité pour orienter nos activités de façon à créer des avantages, qu’ils soient concurrentiels ou coopératifs, porteurs de sens et d’avenir sur les plans économique, social et environnemental.

2.7.

Pour finir, rappelons — que ce soit pour l’air, l’eau ou les déchets —, qu’il faut éviter les disparités d’un État membre à l’autre dans l’application du droit européen, au risque d’engendrer des distorsions de concurrence, des inégalités environnementales et sociales ou encore des frontières artificielles entravant la gestion de ressources qui sont communes et par essence transfrontalières. Aussi, pour renforcer l’ensemble des mesures existantes et à venir, il faudrait également se donner les moyens d’une harmonisation fiscale en matière de taxes sur les pollutions et les ressources et répondre au besoin de mieux calibrer les outils existants en fonction des externalités à couvrir. Les politiques environnementales ne doivent plus servir de variable d’ajustement mais devenir un levier majeur d’une réorientation stratégique pour les activités humaines, artisanales, agricoles et industrielles au sein de l’Union et, par effet de contagion positive, s’imposer également au sein des autres régions où se trouvent ses partenaires politiques et commerciaux.

3.   Observations particulières

3.1.   La mise en œuvre de législation environnementale de l’Union dans le domaine de la qualité de l’air

Au même titre que les secteurs de l’eau, de la protection de la nature et des déchets, la qualité de l’air apparaît comme l’un des secteurs où les cas d’infraction observés sont les plus nombreux. En mai 2018, la Commission a intensifié l’application de mesures de coercition à l’encontre de six États membres ayant enfreint la réglementation européenne en matière de qualité de l’air, renvoyant ces derniers devant la Cour de justice (16). Le CESE prend note que la Commission entreprend actuellement un bilan de qualité de la directive sur la qualité de l’air, évaluant les performances des directives concernant la qualité de l’air ambiant au cours de la période 2008-2018. En particulier, les efforts visant à améliorer la mise en œuvre de la législation relative à la qualité de l’air extérieur contribueraient à la réalisation de l’ODD 11 sur les villes durables.

Concernant la qualité de l’air, rappelons que l’effet de la pollution atmosphérique est triple:

1)

sur la santé, à tel point que la pollution de l’air intérieur et extérieur continue de constituer un risque majeur au sein de l’Union européenne (17) et ailleurs. Il s’agit même du principal risque sanitaire et environnemental à l’échelle du monde (18) avec 6,5 millions de décès précoces par an et un coût élevé pour la société, pour les systèmes de santé, pour l’économie et pour tous ceux dont la santé s’en trouve affectée. En Europe, on évalue à quelque 400 000 par an le nombre des morts prématurés, selon un récent rapport de la Cour des comptes européenne consacré à la pollution atmosphérique, qui observe que la santé des citoyens européens n’est toujours pas suffisamment protégée et que l’action de l’Union européenne n’a pas eu les effets escomptés;

2)

sur la biodiversité (effets sur les cultures, les forêts, etc.);

3)

sur le bâti courant et, bien évidemment, sur le bâti historique, qui se trouve lui-même en lien avec des activités touristiques.

3.1.1.   Air intérieur

a)

Pour améliorer la qualité de l’air intérieur, il conviendrait, grâce à l’étiquetage, de porter à la connaissance du consommateur les émissions des produits achetés, qu’il s’agisse, par exemple, de matériaux de construction, de produits de décoration, d’ameublement ou encore de produits ménagers. Pour ce faire, à la suite d’une comparaison des législations de ses États membres, l’Union devrait se doter d’un cadre cohérent basé sur les meilleures pratiques actuelles.

b)

Passée la phase de construction et de livraison d’un bâtiment, il faudrait instaurer une obligation d’entretien et de surveillance régulière de la qualité de la ventilation. Ce suivi des bâtiments à long terme aurait évidemment un impact positif sur le plan sanitaire, mais également énergétique.

c)

Afin de protéger les populations fragiles dont le système respiratoire est affaibli ou en phase de développement, et nécessite une meilleure qualité d’air, il conviendrait aussi de mettre en œuvre des plans d’action à cette fin dans les établissements recevant du public, et plus particulièrement de jeunes enfants.

d)

Enfin, il serait utile d’harmoniser les pratiques en matière d’épuration de l’air. L’Union devrait donner une définition de critères pour en mesurer l’efficacité et l’innocuité, notamment afin d’éviter toute dérive commerciale, voire sanitaire, induite par une relative absence de règles à l’heure actuelle.

3.1.2.   Air extérieur

a)

Pour une meilleure qualité de l’air et pour plus de confiance entre citoyens et institutions européennes, il faudrait, non seulement que la réglementation actuelle soit plus sérieusement mise en œuvre et son non-respect plus strictement sanctionné, mais il conviendrait également que les normes établies dans les directives européennes tiennent enfin compte des recommandations manquantes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lorsque celles-ci sont plus protectrices pour la santé des populations.

b)

Aujourd’hui, seules les particules PM10 et PM2,5 sont surveillées (échelle du micromètre). Or en terme sanitaire, certaines particules ultrafines (PUF) ont beaucoup plus d’effets sur la santé (échelle nanométrique), car elles pénètrent beaucoup plus profondément dans le corps humain et peuvent s’accumuler dans les organes vitaux. Il faudrait donc que la législation européenne prenne en compte cette réalité et prévoie que ces particules soient surveillées pour que leur présence dans l’air soit, elle aussi, progressivement réduite.

c)

Il faudrait agir de même pour les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et divers autres polluants qui ne sont pas encore contrôlés, notamment ceux liés aux incinérateurs, aux transports par bateaux, aux véhicules terrestres, engins de chantiers etc., et ce d’autant plus que l’avancée continue des connaissances scientifiques et des capacités techniques permettrait d’atteindre dès à présent une meilleure protection de la santé et des écosystèmes.

d)

À cet effet, la directive sur les plafonds d’émission nationaux (PEN) (19) est primordiale afin que les États membres réduisent leurs émissions de polluants atmosphériques. Toutefois, elle ne propose que des mesures indicatives, conformément au principe de subsidiarité, afin de permettre aux États membres de respecter les engagements en matière de réduction des émissions. La flexibilité de mise en œuvre qu’elle offre rend cette réglementation bien trop faible.

e)

Un autre point d’amélioration réside dans le fait que la directive n’a pas proposé d’objectif de réduction du méthane, un polluant atmosphérique essentiel, dans la mesure où il est précurseur d’ozone, ainsi qu’un puissant gaz à effet de serre.

f)

Afin d’assurer une harmonisation entre les différentes réglementations européennes, la Politique agricole commune (PAC) devrait introduire des objectifs sur la pollution de l’air en provenance du secteur agricole. À titre d’exemple, ce dernier est responsable de plus de 95 % des émissions d’ammoniac, un polluant concerné par la directive PEN. Afin que les États membres atteignent leurs objectifs de réduction en la matière, la PAC devrait offrir des outils adéquats.

g)

Enfin, rappelons que la quantification des polluants est actuellement basée sur leur poids (en μg/m3), alors même que, depuis de nombreuses années, des toxicologues soulignent dans les réunions scientifiques qu’il serait préférable de les quantifier en nombre de particules. Une telle approche a d’autant plus de sens qu’on s’intéresse aux éléments ultrafins que l’on respire (20).

3.2.   La mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans le domaine de l’eau

Pour ce qui est de la question de l’eau, soulignons que la directive-cadre en la matière est globalement satisfaisante mais que sa mise en œuvre reste insatisfaisante, et que la plupart des États membres ont échoué à établir le bon état écologique attendu en 2015. Il en va de même en ce qui concerne Natura 2000, du fait d’un échec généralisé de l’instrument contractuel. Diverses améliorations et nouveautés peuvent être apportées, liées notamment aux progrès scientifiques relatifs, d’une part au fonctionnement des sols et, d’autre part, à la dispersion et à l’interaction de certains polluants. Ce point est examiné ci-dessous. Des progrès dans la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne sur l’eau permettrait d’atteindre plusieurs objectifs liés à l’ODD 6 relatif à l’eau potable et à l’assainissement.

L’un des domaines les plus problématiques liés à l’eau réside dans la mise en œuvre de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires où l’on constate de fortes différences sur le plan de la conformité entre les États membres, et ce, en raison d’une conjonction de problèmes de gouvernance et de financement. Même si la Commission a consenti des efforts importants lors du mandat en cours, les besoins de financement et les problèmes liés à la gouvernance demeurent considérables dans ce domaine. Sur la base de l’expérience attestée dans la gestion des déchets solides, il convient d’explorer de nouvelles voies permettant d’amener les producteurs à prendre en charge le financement de nouveaux projets de traitement des eaux résiduaires visant à capter en compte des polluants émergents, tels que les produits pharmaceutiques et les microplastiques.

3.2.1.   Eaux de surface

a)

Pour améliorer la situation des eaux de surface, et aussi pour éviter des régressions du droit et de la gouvernance en matière d’environnement, il serait préférable de définir certaines notions comme celles, par exemple, de «continuité écologique», de «cours d’eau» et de «zone humide». Il est, par exemple, indispensable que les règles de caractérisation des zones humides soient précisées au niveau européen, sachant que la seule approche reposant sur la finalité de la protection est trop complexe pour être valablement transposée en droit interne, tout du moins dans certains États membres.

b)

De même, il serait utile de disposer d’un cadre unifié permettant une conduite des évaluations qui soit claire et partagée par l’ensemble des acteurs concernés par la mise en œuvre du droit en la matière.

c)

Que ce soit pour les nanoparticules, par exemple celles issues des industries textiles et agroalimentaires, ou pour les perturbateurs endocriniens, par exemple ceux issus de l’industrie pharmaceutique et de l’agriculture, il conviendrait de réduire à la source leur diffusion dans l’environnement et établir des limites à ne pas dépasser dans les eaux de surface et les eaux souterraines au vu de leur impact sur les écosystèmes, et tout particulièrement sur les chaînes trophiques incluant les êtres humains. Il conviendrait à cet effet de se donner enfin les moyens de déterminer aussi à terme des seuils par effet cocktail entre ces substances, les diverses substances déjà surveillées et leurs sous-produits de dégradation.

3.2.2.   Eaux souterraines

a)

Concernant la législation sur l’eau, les dispositions relatives à la récupération des coûts induits par les différentes catégories d’utilisateurs, l’internalisation des externalités et une tarification conforme aux coûts — telles qu’elles sont définies par la directive établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (21) — ne sont ni assez contraignantes ni assez précises pour pouvoir produire un effet suffisant.

b)

Avec le changement climatique, la recharge des nappes d’eau souterraines peut devenir d’autant plus problématique, qu’en certains lieux, les pratiques urbanistiques ou agricoles mènent à une forme non souhaitable de rupture du cycle de l’eau, du fait de sols imperméabilisés ou à trop faible activité biologique qui favorisent le ruissellement, l’érosion et les coulées de boues, plutôt que l’infiltration, l’épuration et le stockage naturels. Afin que ces phénomènes ne s’aggravent pas davantage, il faudrait que l’Union adopte enfin une réglementation en faveur des sols vivants, qui aurait également pour avantage de répondre à la fois à des problèmes de qualité et de quantité d’eau disponible pour les écosystèmes, la consommation humaine, ainsi que pour les activités agricoles et industrielles.

c)

Compte tenu du rôle qui est le leur pour provoquer la pluie par évapotranspiration, ainsi que pour filtrer, épurer et stocker l’eau dans les sols et les nappes phréatiques, les forêts et les haies composées d’arbres et d’arbustes, et aussi, dans une moindre mesure, les prairies permanentes et les sols cultivés à long terme sans labour, devraient bénéficier d’une plus grande attention de notre part et être, autant que possible, présents et répartis sur l’ensemble du territoire européen, et ceci à plus forte raison qu’ils représentent aussi une aide non négligeable pour les autres êtres vivants, y compris les nombreux auxiliaires de culture, face aux pics de chaleur et aux autres événements climatiques extrêmes qui se multiplient de façon croissante.

3.2.3.   Directive établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

Dans l’optique d’une meilleure mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau, il conviendrait de modifier le texte de la directive sur certains aspects en partie évoqués précédemment, portant sur les points suivants:

a)

le statut de l’eau en préambule «l’eau n’est pas un bien marchand comme les autres», serait à remplacer par «l’eau n’est pas un bien marchand»;

b)

l’application des principes de prévention et de précaution exigent, compte tenu de l’état des eaux en Europe, de supprimer toutes les dérogations, par exemple, celles figurant à l’article 4, paragraphe 5 ou à l’article 7, paragraphe 4;

c)

en raison de l’état des eaux, une évaluation environnementale doit être exigée pour tous les projets susceptibles de porter atteinte à l’eau et aux milieux aquatiques. Il faudrait donc supprimer la «procédure simplifiée d’évaluation» (article 16);

d)

le principe pollueur-payeur doit être revu, notamment quant à ses modalités d’application avec:

une reformulation de l’article 9: au lieu de «Les États membres tiennent compte du principe de la récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau, y compris les coûts pour l’environnement et les ressources, eu égard à l’analyse économique effectuée conformément à l’annexe III et conformément, en particulier, au principe du pollueur-payeur», il faudrait écrire: «Les États membres appliquent la récupération des coûts directs et indirects liés à l’impact des activités humaines sur l’eau conformément au principe du pollueur-payeur»;

suppression des exceptions visées à l’article 9, paragraphe 4;

ajout de tous les secteurs, en précisant les trois domaines (agriculture, industrie, ménages), pour lesquels les États établissent des règles visant à supprimer l’externalisation des coûts. Un rapport annuel préciserait, par secteur, les modalités de mise en œuvre de ce processus.

e)

Il faudrait aussi remplacer toutes les formulations du type «veillent à ce que» par une obligation réelle (par exemple, à l’article 11, point 5, ou à l’article 14, premier alinéa).

f)

De même, il semble nécessaire d’abaisser les seuils des polluants, y compris en combinant avec d’autres directives (comme celles sur les nitrates, les produits chimiques, etc.), et de mettre à jour les substances prioritaires (en intégrant par exemple les composés perfluorés, les nanotechnologies, etc.).

g)

Il est nécessaire d’améliorer la participation du public (article 14), en ce qui concerne principalement les planifications. Celle-ci doit être étendue aux programmes de mesures de base et complémentaires, ainsi qu’à tous les contrôles administratifs préalables.

h)

Concernant le contentieux (article 23), il faudrait ajouter qu’en application de la convention d’Aarhus, les États doivent instaurer des règles et procédures favorisant l’accès du public au contentieux de l’eau.

3.3.   La mise en œuvre de la législation environnementale de l’Union européenne dans le domaine des déchets

L’analyse d’impact sur laquelle s’est appuyée la législation sur les déchets récemment adoptée a recensé plusieurs problèmes liés à la mise en œuvre: des problèmes juridiques/réglementaires, ainsi que des questions liées à la gouvernance et à la sensibilisation. Les défauts dans la mise en œuvre de la directive-cadre sur les déchets sont souvent dus à un manque d’instruments économiques, ceux, par exemple, permettant de rendre le recyclage plus intéressant que la mise en décharge. Toutefois, la mise en place de tels instruments économiques peut être un problème pour les municipalités. Bien souvent, les collectivités locales n’ont pas la capacité de traduire les mesures et instruments européens à l’échelon local, ce qui est révélateur d’un problème de gouvernance. L’exécution constitue également un problème important dans plusieurs États membres. Le CESE prend note du fait que la Commission a, au cours des dernières années, coopéré avec les États membres afin de corriger lesdits défauts de mise en œuvre, par exemple en fournissant une aide technique et des lignes directrices spécifiques sur les modifications qu’il convenait selon elles d’apporter, dans le cadre des deux exercices de promotion de la conformité menés en 2012 et 2015.

Les propositions législatives sur les déchets qui viennent d’être adoptées devraient permettre de résoudre certains problèmes de mise en œuvre et contribuer à la réalisation de l’ODD 12 sur la consommation et la production durables, mais ceux liés à la gouvernance et à l’exécution doivent encore être traités au niveau national. Le CESE, conjointement avec la Commission, a mis en place une plateforme européenne des parties prenantes de l’économie circulaire qui a déjà obtenu des résultats non négligeables en promouvant la collecte, l’échange et la diffusion l’expertise et les bonnes pratiques entre les différents acteurs concernés. Cette plateforme est un outil essentiel qui mériterait de faire l’objet d’une diffusion plus large pour encourager la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne dans ce domaine.

3.3.1.   Prévention des déchets

a)

La révision récente de la politique concernant les déchets (22) est l’occasion de soutenir avec force des mesures propres à réduire à la source nos besoins (y compris nos besoins en matières premières et en matières première secondaires) ainsi que la création de futurs déchets, en particuliers ceux de nature dangereuse pour les écosystèmes et la santé humaine, ce qui signifie qu’il faut questionner nos besoins et nos productions, la façon de les concevoir, de faire durer leur vie, puis de les transformer avec le moins de perte matérielle possible, celle-ci impactant en général environnement, souveraineté énergétique et durabilité économique.

b)

Pour pouvoir parler de «matériaux durables» plutôt que de «déchets» et d’économie circulaire, il faut, dès la conception de nos productions, éliminer les composants présentant une toxicité ou une dangerosité de nature à compliquer une future phase de recyclage.

c)

En matière d’emballages, la sobriété devrait primer, et il serait utile d’évoluer au maximum, progressivement et de façon obligatoire, pour éviter toute distorsion de concurrence en ce qui concerne les différents systèmes de consignation et de réutilisation.

d)

La prévention des déchets passe aussi par la capacité de nos sociétés à pouvoir réutiliser et réparer nos productions. Pour ce faire, il faudrait une législation européenne ambitieuse qui se dote d’objectifs obligatoires à atteindre plutôt que de se limiter à des mesures basées sur le volontariat.

e)

Afin de découpler le développement économique de la consommation des ressources naturelles et des impacts environnementaux qui en découlent, il est nécessaire que l’Union se fixe des objectifs plus ambitieux afin d’accroître l’efficacité de l’usage des ressources dans nos systèmes de production.

3.3.2.   Gestion des déchets

a)

Afin de gagner et conserver la confiance de la population, des producteurs aussi bien que des consommateurs, il faut que l’économie circulaire — en tenant régulièrement compte des connaissances scientifiques les plus actuelles — se prémunisse de tout futur scandale, notamment sanitaire, qui pourrait être lié à la concentration ou à la dispersion de polluants dans des matériaux recyclés (brome ou perturbateurs endocriniens, par exemple) ou dans l’environnement (nanomatériaux ou microplastiques).

b)

Une telle démarche sera d’autant plus crédible et efficace que, pour améliorer le taux de recyclage de tous les types de matériaux, une traçabilité de leurs composants aura été mise en place dès le stade de leur production et qu’une transparence aussi grande que possible aura été garantie jusqu’à leur rencontre avec le consommateur.

c)

Ainsi, le même niveau de protection de la santé humaine et de l’environnement doit s’appliquer aux matériaux recyclés ou aux matériaux vierges au sein de l’Union européenne. Les matériaux recyclables ne devraient pas laisser perdurer l’utilisation de produits chimiques dangereux dans des concentrations plus élevées. Par conséquent, lors de la restriction et de la fixation de limites pour les produits chimiques dans le cadre du règlement REACH (23), l’Agence européenne des produits chimiques devrait fixer les mêmes limites pour les matériaux recyclés. Les matériaux ne respectant pas ces limites doivent être traités de telle sorte que la substance soit retirée ou rendue inéligible pour réutilisation ou recyclage.

d)

Au-delà de l’écoconception à laquelle les smartphones et autres produits électriques et électroniques devraient être soumis, il convient que l’Union développe et assume aussi une politique de gestion de ses déchets digne de ce nom sur son territoire plutôt que de laisser ceux-ci partir à l’étranger.

e)

Avec la prise en compte de l’analyse du cycle de vie (ACV), toutes les options de recyclage sont supérieures à l’incinération (notamment à cause de l’énergie grise, dans les plastiques par exemple), à l’exception du bois dans certains cas spécifiques, ainsi que de certains produits/matériaux contenant des déchets dangereux. Cette dernière, tout comme l’enfouissement, doit progressivement disparaître et des objectifs ambitieux en ce sens doivent être fixés.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis sur «L’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’Union européenne» (JO C 345 du 13.10.2017, p. 114).

(2)  Voir note de bas de page 1.

(3)  Avis sur les «Actions de l’Union européenne destinées à améliorer le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale» (JO C 283 du 10.8.2018, p. 83).

(4)  Voir note de bas de page 3.

(5)  COM(2018) 10 final.

(6)  Avis sur «Un programme “Air pur pour l’Europe”» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 134) et sur le thème «Éradiquer l’amiante de l’Union européenne» (JO C 251 du 31.7.2015, p. 13).

(7)  Avis sur le «Plan d’action pour le milieu naturel, la population et l’économie» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 90); sur la «Gouvernance internationale des océans: un programme pour l’avenir de nos océans» (JO C 209 du 30.6.2017, p. 60) et sur la «Qualité des eaux destinées à la consommation humaine» (JO C 367 du 10.10.2018, p. 107).

(8)  Avis sur «La limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses (LdSD)» (JO C 345 du 13.10.2017, p. 110); sur «Les solutions possibles pour les questions à l’interface entre les textes législatifs relatifs aux substances chimiques, aux produits et aux déchets» (JO C 283 du 10.8.2018, p. 56); sur «Une stratégie sur les matières plastiques dans une économie circulaire» (incluant le traitement des déchets des navires) (JO C 283 du 10.8.2018, p. 61); sur «Le rôle de la valorisation énergétique des déchets dans l’économie circulaire» (JO C 345 du 13.10.2017, p. 102); sur le paquet «Économie circulaire» (JO C 264 du 20.7.2016, p. 98).

(9)  Avis sur «L’accès à la justice en matière d’environnement» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 65).

(10)  Voir notes de bas de page 1 et 3.

(11)  Avis du CESE sur «Une nouvelle donne pour les consommateurs» (JO C 440 du 6.12.2018, p. 66).

(12)  Avis sur «La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 44) et sur les «Nouveaux modèles économiques durables» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 57).

(13)  Avis sur «Le programme à l’horizon 2030 — Une Union européenne engagée en faveur du développement durable à l’échelle mondiale», adopté le 20 octobre 2016 (JO C 34 du 2.2.2017, p. 58) et sur «Le rôle clé du commerce et des investissements dans le respect et la mise en œuvre des Objectifs du Développement Durable (ODD)» (JO C 129 du 11.4.2018, p. 27).

(14)  Avis sur les «Chapitres sur le commerce et le développement durable dans les accords de libre-échange conclus par l’Union européenne» (JO C 227 du 28.6.2018, p. 27).

(15)  Avis sur le «Protocole de Paris — Programme de lutte contre le changement climatique planétaire après 2020» (JO C 383 du 17.11.2015, p. 74) et sur la «Justice climatique» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 22).

(16)  http://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-3450_fr.htm

(17)  Selon l’Agence européenne de l’environnement.

(18)  Selon l’OMS.

(19)  Directive PEN.

(20)  https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969711005730?via%3Dihub

(21)  Directive cadre sur l’eau.

(22)  http://ec.europa.eu/environment/waste/target_review.htm

(23)  Règlement REACH — Règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil (JO L 396 du 30.12.2006, p. 1, tel que rectifié au JO L 136 du 29.5.2007, p. 3).


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

539e session plénière du CESE, 12.12.2018-13.12.2018

22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/41


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Adapter le commerce de détail de l’Union européenne aux exigences du XXIe siècle»

[COM(2018) 219 final]

(2019/C 110/07)

Rapporteur:

Ronny LANNOO

Corapporteur:

Gerardo LARGHI

Consultation

Commission européenne, 18.6.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

21.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

171/3/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la communication de la Commission relative à la modernisation du secteur du commerce de détail. Le Comité souligne une fois de plus l’importance économique et sociale de ce secteur pour l’ensemble des parties prenantes et pour la société dans son ensemble (1). Le CESE rappelle avoir déjà, dans des avis précédents, recommandé la création d’un environnement économique ouvert, visant à garantir une concurrence loyale propre à produire les conditions favorables à la cohabitation positive et à la coopération entre détaillants, qu’il s’agisse d’entreprises grandes, moyennes et petites ou de microentreprises.

1.2.

La défense et la promotion de la diversité dans le secteur du commerce de détail sont essentielles pour satisfaire aux besoins des consommateurs ainsi que pour défendre et promouvoir le système productif européen. Le CESE estime par conséquent qu’un équilibre doit être trouvé entre des mesures en faveur de la grande distribution, très précisément définies dans la communication, et celles répondant aux besoins des microentreprises et des petites entreprises.

1.3.

Le CESE constate que la proposition de la Commission est trop axée sur le «prix», qu’elle considère comme l’élément le plus intéressant aux yeux du consommateur, au détriment d’autres aspects essentiels tels que l’information, la qualité et la personnalisation du produit, la proximité, la mobilité, l’économie circulaire et la durabilité, le rapport qualité-prix et le service reçu avant ou après l’achat. La diversification des produits devrait être dûment protégée par la Commission dans l’intérêt de toutes les parties.

1.4.

Le Comité estime que le droit d’établissement doit être traité dans le respect du principe de subsidiarité, et que la meilleure façon de répondre aux besoins de toutes les parties concernées passe par la conclusion d’accords au niveau national, régional et local.

1.5.

En particulier, le CESE estime que certaines entraves à la liberté d’établissement et certaines restrictions d’exploitation qui s’observent actuellement dans plusieurs États membres agissent comme autant d’obstacles à la création d’entreprises, mais qu’une libéralisation totale du marché ne permettra pas d’assurer l’équilibre nécessaire entre les grandes sociétés, les petites entreprises et les entreprises familiales.

1.6.

Le CESE estime que les réglementations nationales en matière d’horaires d’ouverture des magasins et de temps de travail sont cruciales pour garantir des conditions de concurrence équitables entre entreprises de tailles différentes et, au tout premier chef, pour assurer une protection sociale adéquate aussi bien aux travailleurs salariés qu’aux indépendants, compte tenu également des changements dans les habitudes des consommateurs.

1.7.

Le CESE rappelle que la conclusion d’accords au niveau national ou infranational constitue la meilleure manière de fixer jours et horaires d’ouverture, de concilier le besoin des consommateurs d’avoir accès à des produits et services spécifiques ainsi que le souhait de certains commerces d’ouvrir le dimanche et les jours fériés, tout en assurant un équilibre entre travail et vie de famille aussi bien aux entrepreneurs qu’aux salariés, et tout en prévoyant assez de temps pour la formation.

1.8.

Le CESE souligne également, dans le droit fil du socle européen des droits sociaux, la nécessité de garantir une rémunération équitable et une qualité du travail à tous les travailleurs du secteur, que ce soit en ligne ou hors ligne. Il attire notamment l’attention sur le cas des contrats de travail qui sont ceux de milliers de travailleurs employés par des entreprises en ligne qui ne sont toujours pas couverts par la négociation collective, ainsi que sur les contrats en cours dans la grande distribution, conçus dans le seul but de faire face à l’affluence accrue de clients pendant les week-ends (entraînant une augmentation des contrats de travail occasionnels) ou encore sur le travail durant le week-end ou le soir et la nuit qui n’est toujours pas pris en compte dans les heures supplémentaires. Enfin, le CESE estime que la création d’un mécanisme de dialogue social efficace associant aussi les petites entreprises et les microentreprises offrirait aux entreprises de meilleures possibilités de développement et aux travailleurs un meilleur système de garanties.

1.9.

Le Comité partage l’avis de la Commission quant à la nécessité d’encourager et de soutenir l’innovation dans le secteur du commerce de détail, l’apprentissage tout au long de la vie pour les employeurs et les travailleurs, ainsi que la promotion des produits sur le long terme. Toutefois, tout comme dans la proposition de la Commission, il estime qu’il conviendrait de mettre en place une feuille de route pour accompagner ce processus dans le contexte de la transition numérique à l’aide de financements adéquats, visant tout particulièrement les petites entreprises et les microentreprises, et ce, en collaboration avec les organisations représentatives des petites et moyennes entreprises (PME).

1.10.

Le CESE invite les autorités compétentes à tous les niveaux à s’engager dans une coopération étroite avec toutes les parties prenantes en vue d’élaborer un plan d’action spécifique sur l’avenir du commerce de détail européen au XXIe siècle (par exemple, informations, formations, financements et bonnes pratiques, etc.).

2.   Résumé du document de la Commission

2.1.

La communication à l’examen vise à contribuer à libérer le potentiel du commerce de détail dans l’intérêt de l’économie de l’Union en recensant les meilleures pratiques. Des efforts sont donc requis de la part des institutions européennes et des États membres en vue de soutenir la compétitivité du secteur alors que celui-ci se transforme sous l’effet de la croissance rapide du commerce électronique et des changements dans les habitudes des consommateurs.

2.2.

Pour que le marché unique apporte les résultats escomptés, des mesures appropriées doivent être prises à tous niveaux. La productivité du secteur du commerce de détail dans l’Union européenne accuse un retard par rapport aux autres secteurs. Cette situation est le fruit d’une accumulation de règles fiscales à tous les niveaux et d’un retard pris dans le processus de transition vers le marché numérique.

2.3.

Les détaillants sont confrontés à de nombreuses restrictions en ce qui concerne l’implantation des points de vente et des opérations. Un grand nombre de ces restrictions se justifient par des motifs légitimes d’intérêt public. Elles peuvent également provoquer des entraves aussi bien pour l’activité des start-up que pour la productivité.

2.4.

L’ouverture de nouveaux points de vente constitue un élément crucial pour la viabilité du secteur. Il importe de disposer de la capacité de poursuivre des stratégies en matière d’accès au marché qui combinent présence en ligne et hors ligne. La simplicité, la transparence et l’efficacité des procédures d’établissement permettent au commerce de détail d’accroître sa productivité.

2.5.

La Commission recommande aux États membres d’évaluer et de moderniser, si nécessaire, leurs cadres réglementaires, en s’inspirant, le cas échéant, des bonnes pratiques que certains d’entre eux ont d’ores et déjà élaborées.

2.6.

Les restrictions au fonctionnement concernent habituellement les détaillants classiques. Les pouvoirs publics devraient évaluer l’équilibre, la proportionnalité et l’efficacité desdites restrictions afin de garantir des conditions de concurrence équitables avec le commerce en ligne.

2.7.

Le coût de mise en conformité représente entre 0,4 % et 6 % du chiffre d’affaires annuel des détaillants. Dans le cas des microentreprises, il s’agit d’une charge particulièrement lourde. Pour favoriser le développement du commerce de détail dans l’intérêt ultime des consommateurs, il est nécessaire d’adopter une approche globale: simplifier les cadres réglementaires, veiller à ce qu’ils soient mieux adaptés à un environnement multicanal et alléger les mesures trop coûteuses et trop lourdes ainsi que les procédures imposées aux détaillants pour assurer le respect de ces règles.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE salue les actions entreprises par la Commission en vue de moderniser le commerce de détail et de relever les nouveaux défis liés au passage au numérique et au commerce électronique.

3.2.

Dans ses avis antérieurs, notamment celui relatif à «Un plan d’action européen pour le commerce de détail» (INT/682) (2), le Comité a déjà recommandé l’instauration d’un environnement économique ouvert visant à garantir une concurrence loyale entre des entités de même taille. L’Union devrait notamment créer les conditions propices à la diversité, à la coexistence positive et à la coopération entre la grande distribution, les détaillants de taille moyenne, les petits détaillants et les micro-détaillants, en ligne et hors ligne. La promotion de la diversité du commerce de détail de l’Union offre un excellent moyen de répondre aux besoins variés des consommateurs, mais également de défendre et de promouvoir le système productif européen.

3.3.

Le CESE fait observer que la proposition de la Commission accorde une importance excessive au «prix», qu’elle considère comme l’élément qui intéresse le plus les consommateurs, sachant que l’objectif principal devrait être de fournir à ces derniers des informations précises (sensibilisation des consommateurs). Lorsqu’ils achètent un produit, ceux-ci devraient être libres de prendre en compte d’autres éléments, tels que la qualité, la personnalisation, la durabilité, la mobilité du consommateur, la proximité, le rapport qualité-prix, le service reçu avant ou après l’achat, l’incidence sur l’économie circulaire et les critères environnementaux. La diversification des produits représente de la valeur ajoutée pour les secteurs de la production et du commerce de détail de l’Union, et devrait bénéficier d’une protection appropriée de la part de la Commission (3).

3.4.

Le CESE estime que l’approche de la Commission joue trop en faveur de la grande distribution, et considère qu’il importe de rechercher un équilibre avec les besoins des petites entreprises et des microentreprises. En particulier, le Comité pense qu’il convient de garantir la coexistence entre de grandes entreprises, d’un côté, et des microentreprises et des entreprises familiales de l’autre.

3.5.

Le CESE reconnaît que certaines restrictions au droit d’établissement ainsi que des restrictions d’exploitation appliquées dans certains États membres, pourraient constituer une entrave à la création de nouvelles entreprises et à leur expansion. Il ne lui semble pas, néanmoins, qu’une libéralisation totale du droit d’établissement serait la panacée. En outre, dans ce contexte, le principe de subsidiarité devrait être respecté et les accords conclus au niveau national, régional et local devraient pouvoir trouver des réponses appropriées aux besoins locaux ainsi qu’à ceux de l’ensemble des parties prenantes.

3.6.

Le CESE ne partage pas l’interprétation négative que la Commission donne de l’arrêt Visser. Selon le CESE, cet arrêt confirme l’objectif poursuivi par le législateur avec la directive «services»: il s’agit de codifier la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de liberté d’établissement et d’interdire uniquement certaines exigences, telles que l’examen des besoins économiques, tout en reconnaissant que «[l’]objectif de protection de l’environnement urbain est susceptible de constituer une raison impérieuse d’intérêt général de nature à justifier une limite territoriale». Il est important d’évaluer ces besoins à la lumière des principes de proportionnalité et de subsidiarité.

3.7.

À cet égard, beaucoup de mesures peuvent être prises dans la cadre du processus de création d’un marché unique européen pour simplifier les procédures de création d’entreprises et pour rendre ces procédures transparentes et uniformes tout en respectant les contraintes existantes légitimes à l’échelle des territoires, dans le respect du principe de subsidiarité.

3.8.

Le CESE considère qu’il est essentiel de conserver et de protéger certains environnements économiques spécifiques, notamment lorsque ceux-ci sont liés à la conservation du patrimoine historique et artistique national, aux objectifs de politique sociale et aux objectifs de politique culturelle; une approche différente pourrait avoir un effet perturbateur sur les communautés locales et les consommateurs (4).

3.9.

D’une manière générale, le CESE est d’avis que l’expansion transfrontière, le changement d’échelle et le commerce électronique devraient être considérés comme une option sérieuse, et que les entreprises en coordination avec leurs organisations devraient être soutenues dans ce processus, sans qu’il s’agisse pour autant d’une obligation, ni de l’unique perspective de croissance pour la totalité des entreprises, conformément à l’intérêt principal des consommateurs (la distribution et le service multicanal). C’est pourquoi il est essentiel d’encourager et de soutenir les processus d’innovation, la formation et la promotion des produits sur le long terme, y compris en soutenant les petites entreprises et les microentreprises et leurs organisations représentatives grâce à un financement approprié.

3.10.

Une politique efficace en matière de commerce de détail doit trouver un équilibre entre rentabilité et efficacité en ce qui concerne la localisation. Les considérations à (moyen) long terme doivent être prises en compte, notamment en ce qui concerne les règles classiques d’établissement et leur lien avec les évolutions existantes et futures éventuelles (en matière, entre autres choses, de logement ou de services disponibles, et, par conséquent, en relation avec les centres des villes et les quartiers périphériques). Le CESE estime que la Commission devrait compléter sa proposition, en collaboration avec les organismes nationaux et régionaux compétents, en introduisant des mesures structurelles visant à inclure des facteurs d’aménagement du territoire pour les communautés locales et les centres urbains (zones touristiques, aménagement territorial local, règles relatives à la construction, conditions, etc.).

3.11.

Le CESE considère que les réglementations nationales concernant les heures d’ouverture des magasins et le temps de travail, conformément aux nouvelles solutions technologiques, jouent un rôle essentiel pour garantir des conditions de concurrence équitables entre entreprises de tailles différentes et pour assurer une protection sociale adéquate aussi bien aux travailleurs salariés qu’aux indépendants; plus encore, elles constituent un outil indispensable à la protection sociale des travailleurs indépendants et des salariés.

3.12.

Le CESE réaffirme que la conclusion d’accords au niveau national ou infranational avec les organisations concernées constitue la meilleure méthode pour établir les horaires et les jours d’ouverture. En effet, il est d’une importance cruciale de concilier le besoin des consommateurs d’avoir accès à des produits et services spécifiques ainsi que le souhait de certaines sociétés d’ouvrir les jours fériés ou en soirée, ainsi que de préserver le temps de repos nécessaire aux propriétaires de microentreprises et à leurs employés, à qui doivent également être garantis un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, et enfin un temps suffisant à la formation.

3.13.

Le CESE souligne également, dans le droit fil du socle européen des droits sociaux, la nécessité de garantir une rémunération équitable et une qualité du travail à tous les travailleurs du secteur, que ce soit en ligne ou hors ligne. Il attire notamment l’attention sur le cas des contrats de travail qui sont ceux de milliers de travailleurs employés par des entreprises en ligne qui ne sont toujours pas couverts par la négociation collective, ainsi que sur les contrats en cours dans la grande distribution, conçus dans le seul but de faire face à l’affluence accrue de clients pendant les week-ends (entraînant une augmentation des contrats de travail occasionnels) ou encore sur le travail durant le week-end ou le soir et la nuit qui n’est toujours pas pris en compte dans les heures supplémentaires. Enfin, le CESE estime que la création d’un mécanisme de dialogue social efficace associant aussi les petites entreprises et les microentreprises offrirait aux entreprises de meilleures possibilités de développement et aux travailleurs un meilleur système de garanties.

3.14.

Le CESE salue la recommandation selon laquelle les autorités publiques devraient faciliter l’adoption des technologies numériques par les petites entreprises. Toutefois, une telle option ne saurait être la seule. Les magasins traditionnels demeurent un élément essentiel, non seulement pour la croissance dans l’Union, mais aussi au regard de la cohésion sociale, notamment auprès des populations locales ou pour les consommateurs qui ne sont pas des «enfants du numérique». Pour cette raison, le commerce en ligne et le commerce hors ligne devraient coexister. Dans cette perspective, le CESE est d’avis que la Commission sous-estime les difficultés auxquelles font face les petites entreprises et les microentreprises qui souhaitent participer au commerce électronique et en tirer profit.

3.15.

Le Comité est d’accord avec la Commission lorsqu’elle évoque la nécessité de proposer une formation de qualité aux employeurs qui souhaitent s’engager dans le commerce électronique. Il estime toutefois que la situation est plus complexe et que les PME, en particulier les petites entreprises et les microentreprises, ont à surmonter de multiples défis, parmi lesquels: a) la nécessité de modifier et d’adapter leur organisation interne; b) la connaissance de langues étrangères; c) l’obtention et la compréhension d’informations juridiques et administratives; d) l’établissement d’un système de livraison efficace et compétitif; e) la nécessité de surmonter le dumping fiscal et social à l’échelle de l’Union (fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, contrefaçon, entre autres). Pour cette raison, le CESE invite instamment la Commission et les États membres à soutenir les PME et leurs organisations tout au long de leur transition vers le commerce électronique au moyen d’une approche large qui prenne en considération l’ensemble des conditions nécessaires à la création d’entreprises en ligne florissantes.

3.16.

Le Comité estime que le commerce électronique pourrait être une option fondamentale pour de nombreuses PME. Il souligne en outre que la Commission a tout récemment publié la première proposition visant à réglementer les relations de plateforme à entreprise au sein du marché numérique. Cette mesure est axée sur la transparence, mais ne s’attaque pas à certaines pratiques abusives qui entravent la concurrence loyale (par exemple, les clauses de prix paritaire, le dumping fiscal, les fiscalités variables, etc.) entre les utilisateurs commerciaux et les grandes plateformes en ligne (5). Pour cette raison, le Comité recommande à la Commission d’instaurer des conditions de concurrence équitables au sein du marché numérique.

3.17.

Selon le CESE, diverses mesures sont nécessaires afin de fournir les conditions qui permettront au commerce de détail, et en particulier aux PME et aux microentreprises, qui sont les plus importants créateurs d’emplois nets, de lutter contre l’inadéquation des qualifications: renforcer la détection et l’anticipation des besoins de qualification, y compris l’orientation; mieux adapter les résultats de l’éducation et de la formation aux besoins du marché du travail, y compris par la promotion de l’EFP; améliorer les conditions-cadres afin de mieux faire concorder l’offre et la demande; fournir un meilleur soutien aux besoins en formation des PME et des microentreprises.

3.18.

Le CESE salue l’attention portée par la Commission au coût de mise en conformité, notamment pour les petites entreprises, ainsi que l’accent mis par celle-ci sur la méconnaissance des spécificités du secteur.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE invite la Commission à affronter le problème croissant de la désertification des centres-villes et ses conséquences sociales et environnementales. Le caractère vivable des villes, grandes ou petites, ne dépend pas moins de la survie de nombreuses petites entreprises ou microentreprises (commerces de proximité) qui répondent aux besoins d’un grand nombre de consommateurs mais que la concentration croissante des groupes de la grande distribution risque d’écraser.

4.2.

Il déplore l’absence de toute référence à un commerce de détail durable et au rôle que les petits et microdétaillants peuvent jouer dans ce processus. Toutefois, un cadre plus favorable est nécessaire afin de sensibiliser ces derniers au rapport entre choix durables et compétitivité, et de leur fournir des informations adaptées et une assistance technique, ainsi que les régimes de crédit nécessaires pour mettre en œuvre ce qui peut être amélioré. Étant donné leur position de faiblesse eu égard à l’influence exercée sur les consommateurs et les producteurs, les petits et microdétaillants ne devraient pas se voir imposer de choix.

4.3.

Dans la communication, aucune attention n’est portée aux frictions existantes dans les relations contractuelles entre les entreprises, par exemple en raison de contrats de franchise déséquilibrés, de retards de paiement ou de pratiques commerciales déloyales. En particulier, la concentration croissante du pouvoir entre les mains de grands groupes de distribution en Europe pose un sérieux problème (6). Dans l’optique de lutter contre la distorsion de concurrence et de préserver la compétitivité, il aurait fallu que ces questions soient abordées dans la communication.

4.4.

Le CESE recommande à la Commission, comme déjà souligné dans l’avis relatif à «Une nouvelle donne pour les consommateurs», de définir et de mettre en œuvre un système efficace de règlement des litiges, qui permette de gérer des situations résultant d’abus de puissance économique et de pratiques qui faussent la concurrence.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Chiffre d’affaires en 2016: 9 864 468,4 millions d’EUR; nombre d’entreprises (en 2015): 6 205 080; valeur de la production (en 2015): 2 687 115 millions d’EUR. En 2016, 33 399 447 personnes travaillaient dans ce secteur, parmi lesquelles 27 892 082 étaient des salariés.

(2)  JO C 327 du 12.11.2013, p. 20.

(3)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 165.

(4)  Voir note de bas de page 2.

(5)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 177.

(6)  Voir note de bas de page 3.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/46


Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2017»

[COM(2018) 482 final]

(2019/C 110/08)

Rapporteure:

Baiba MILTOVIČA

Consultation

Commission européenne, 5.9.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

21.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

188/1/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) approuve la concision et la précision du rapport 2017, qui est étayé par un document de travail détaillé des services de la Commission. Une politique de concurrence efficace et appliquée est le fondement d’une économie de marché durable. Elle peut garantir des conditions de concurrence équitables pour les producteurs de biens et de services, rassurer les consommateurs, stimuler la concurrence et réaliser des objectifs sociaux fondamentaux, tels que la liberté de choix des consommateurs, ainsi que des objectifs politiques, tels que le bien-être des citoyens européens et la promotion de l’intégration du marché européen. Envers les pays tiers, elle joue également un rôle important en favorisant une dynamique commerciale, environnementale et sociale positive dans les échanges internationaux.

1.2.

Le rapport de 2017 insiste avec force sur le respect et l’application de la législation, et fournit des exemples de mesures énergiques prises par la Commission. Les consommateurs et les petites et moyennes entreprises sont souvent lésés par de grandes entreprises susceptibles d’abuser de leur position dominante sur le marché, et de ce fait, les mesures visant à combattre les pratiques anticoncurrentielles sont particulièrement bienvenues.

1.3.

L’intensification des activités anticoncurrentielles sur les marchés européens s’est accompagnée du développement constant d’autorités nationales de la concurrence (ANC) en tant qu’actrices importantes de l’application du droit de la concurrence. La directive REC+, visant à donner aux ANC les moyens d’être plus efficaces, renforce les capacités nationales dans ce domaine.

1.4.

Le renforcement de l’autonomie des ANC et la mise à disposition de ressources adéquates sont essentiels. Une indépendance réelle, l’expertise et la formation sont autant d’éléments nécessaires à un travail efficace, et il conviendrait d’exercer un suivi étroit de la directive REC+ pour s’assurer que l’ambition affichée est bien suivie d’effet. Il convient d’encourager les mesures préventives afin d’éviter tout comportement anticoncurrentiel, et de durcir les sanctions pour en faire un moyen de dissuasion efficace.

1.5.

Le CESE soutient la Commission en ce qui concerne l’action privée en droit de la concurrence et affirme que les actions collectives doivent être facilitées par les systèmes juridiques de tous les États membres. La Commission devrait continuer à contrôler l’efficacité des mécanismes de recours collectif pour les infractions au droit de la concurrence dans les différents États membres et, le cas échéant, prendre des mesures supplémentaires. À cet égard, la déception prévaut en ce qui concerne la proposition de la Commission pour les recours collectifs, figurant dans celle relative à «Une nouvelle donne pour les consommateurs».

1.6.

Il convient d’envisager d’autres propositions en matière de franchise à inclure dans le règlement d’exemption par catégorie (1) afin de rétablir l’équilibre commercial et contractuel entre franchisés et franchiseurs.

1.7.

Lorsque des activités paracommerciales importantes menées par les collectivités locales sont susceptibles de bénéficier d’une subvention publique entraînant une concurrence déloyale, celles-ci devraient être étudiées pour déterminer si, en la matière, une adaptation des règles relatives aux aides d’État ou d’autres instruments s’impose.

1.8.

En ce qui concerne la directive sur les lanceurs d’alerte, il est recommandé que dans le cadre de sa transposition et de son application, la législation nationale dispose que lesdits lanceurs d’alerte doivent avoir à tout moment accès à des représentants syndicaux et qu’une protection intégrale doit leur être assurée en toutes circonstances.

1.9.

Dans les cas en rapport avec l’application du droit de la concurrence, il est suggéré qu’une analyse détaillée des pratiques des régulateurs de l’énergie dans l’ensemble des États membres soit menée par la Commission en collaboration avec le CEER et l’ACER afin de définir des actions susceptibles d’éliminer les pratiques restrictives, lesquelles continuent à porter préjudice aux consommateurs.

1.10.

Un réexamen du fonctionnement de la chaîne de distribution des denrées alimentaires dans les futurs rapports sur la politique de concurrence pourrait servir à définir et à proposer des mesures correctives propres à lutter contre l’exercice persistant d’un pouvoir de marché par les détaillants occupant une position dominante, qui peut se révéler inapproprié.

1.11.

Il existe déjà toute une série de pratiques anticoncurrentielles au sein de l’économie numérique, et d’autres apparaissent sans cesse. Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des ressources consacrées à la surveillance de ce secteur en développement rapide et financièrement dynamique, et réclame une disposition spécifique à cet effet dans le cadre financier pluriannuel.

1.12.

Un certain nombre de facteurs échappent au champ d’application immédiat de la politique de concurrence, mais suscitent toutefois des inquiétudes quant aux distorsions du marché: les grandes disparités entre les États membres en ce qui concerne la fiscalité des entreprises, les pratiques en matière d’emploi communément désignées sous l’appellation de dumping social, les pratiques apparaissant dans l’économie dite «des petits boulots» et les questions relatives à l’économie circulaire et à la viabilité de l’économie mondiale. Le Comité invite instamment la Commission à exercer pleinement ses pouvoirs et sa capacité afin de veiller, dans la mesure du possible, à ce que ces «zones grises» où l’on observe des comportements anticoncurrentiels soient surveillées, clarifiées et corrigées.

1.13.

Le droit de la concurrence est l’un des éléments les plus anciens de l’acquis mais n’est pas toujours à la hauteur des défis de notre siècle. La séparation artificielle du marché et de la sphère socio-environnementale, notamment, aurait tout à gagner d’une révision globale et systématique du droit de la concurrence de l’Union européenne, qui tiendrait compte des objectifs économiques, environnementaux et sociaux.

2.   Contenu du rapport sur la politique de concurrence 2017

2.1.

La politique de concurrence est la pierre angulaire du marché unique, elle existe depuis le traité de Rome et elle constitue la base même de l’Union européenne d’aujourd’hui. Le cadre dans lequel elle s’inscrit repose sur des dispositions telles que celles visées aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui précisent son contenu et son champ d’application.

2.2.

En 2017, des actions spécifiques ont été menées au bénéfice des consommateurs et de l’industrie européenne dans des domaines clés: l’économie numérique, l’énergie, les secteurs pharmaceutique et agrochimique, les industries de réseau et les marchés financiers. Le présent résumé met en évidence les principaux éléments du rapport, lequel est lui-même une synthèse d’un vaste travail mené dans de nombreux secteurs économiques.

2.3.

Toute politique doit se traduire dans des règles et les règles doivent être appliquées. La Commission européenne est un membre fondateur du réseau international de la concurrence et elle joue également un rôle actif dans toutes les instances internationales s’intéressant à la concurrence, y compris l’OCDE, la Cnuced, l’OMC et la Banque mondiale. En particulier, la Commission travaille en étroite collaboration avec les autorités nationales de la concurrence, et elle propose de nouvelles règles sous la forme d’une directive (2) permettant aux autorités de la concurrence des États membres de mettre en œuvre plus efficacement les règles européennes en matière d’entente.

2.4.

Il importe que toute personne ayant connaissance de l’existence ou des agissements d’une entente ou de tout autre type de violation des règles de concurrence ait les moyens de dévoiler au grand jour de telles pratiques. Un nouvel instrument d’alerte anonyme a été mis en place qui facilite cette démarche, et il est activement utilisé.

2.5.

Les exigences relatives à la notification des mesures d’aide d’État plus limitées et moins problématiques ont été simplifiées, et des exonérations ont été introduites; 24 États membres ont rejoint la plateforme informatique baptisée Transparency Award Module (TAM) qui fournit des informations sur les aides d’État.

2.6.

Des mesures rigoureuses visant à faire respecter les règles de concurrence sur les marchés concentrés ont été prises. Le secteur pharmaceutique a découvert avec inquiétude la première enquête de la Commission faisant apparaître des pratiques tarifaires excessives dans l’industrie pharmaceutique; plusieurs fusions dans le secteur agrochimique ont été examinées, et une fusion dans l’industrie du ciment, qui risquait d’entraîner une réduction de la concurrence, a été proscrite.

2.7.

Dans le secteur de l’énergie, les mesures d’exécution de la législation en matière d’aides d’État et de mécanismes de capacité sont en cours de mise en œuvre, et des enquêtes sur les pratiques commerciales de Gazprom en Europe centrale et orientale se sont poursuivies, donnant lieu à une conclusion provisoire faisant apparaître que les règles européennes en matière d’entente auraient été enfreintes.

2.8.

Dans le domaine des transports, des acquisitions dans le secteur aérien ont été examinées; des actions anticoncurrentielles dans le domaine des transports ferroviaires ont été repérées en Lituanie, débouchant sur des amendes et des mesures correctives; et enfin, en Grèce et en Bulgarie, l’octroi d’aides d’État a été soutenu. Des mesures de lutte contre les ententes ont été prises à l’encontre de la société Scania en ce qui concerne le transport de marchandises par route, et plusieurs entreprises du secteur des pièces détachées automobiles ont été soumises à de lourdes amendes.

2.9.

L’extension du règlement général d’exemption par catégorie aux ports et aux aéroports a facilité la fourniture d’une aide d’État appropriée.

2.10.

L’enquête de la Commission visant le projet de fusion entre la Deutsche Börse et le London Stock Exchange Group a conclu que sa réalisation entraînerait une situation de monopole, et il a été, de ce fait, interdit.

2.11.

Il est à noter que la politique de concurrence de l’Union devra répondre de manière constructive et créative au défi que constitue le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Comme l’a souligné le Conseil européen, tout futur accord commercial se doit de garantir des conditions équitables, notamment sur le plan de la concurrence et des aides d’État.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement le rapport 2017, qui contient de nombreux exemples de l’attention que porte la Commission à la promotion du bien-être des consommateurs ainsi qu’à la prévention des préjudices aux consommateurs. Cette approche a pour conséquence, non seulement de renforcer l’intégration du marché unique, mais aussi de doper le développement économique et de renforcer les objectifs de politique sociale qui y sont liés.

3.2.

Au cours de l’année écoulée, les avis du CESE ont souvent souligné l’importance d’une politique de concurrence efficace et dûment appliquée. La prospérité et le bien-être des consommateurs, au même titre que maintien d’une structure concurrentielle effective, constituent les principes qui sous-tendent l’exploitation, les pratiques d’exclusion et les accords restrictifs. En encourageant les bonnes pratiques économiques, une politique de concurrence stricte favorise le renforcement des entreprises européennes sur des marchés mondiaux concurrentiels et la promotion des objectifs sociaux sur lesquels elle est fondée.

3.3.   Émissions des véhicules

3.3.1.

Dans son avis sur les «Actions de l’Union européenne destinées à améliorer le respect de la législation environnementale» (3), le CESE considère que le respect insuffisant des mécanismes garantissant la mise en œuvre de la législation et de la gouvernance environnementales constitue un facteur regrettable de concurrence déloyale et de préjudice économique. Le Comité constate que le respect de l’état de droit est fondamental pour une politique de la concurrence forte.

3.3.2.

Dans ce contexte, le Comité apprécie que l’enquête préliminaire de la Commission sur une possible entente impliquant BMW, Daimler, Volkswagen, Audi et Porsche, visant à établir si lesdites entreprises avaient limité le développement des systèmes de réduction catalytique sélective et des filtres à particules, une intervention qui serait susceptible d’avoir bridé le déploiement de technologies plus respectueuses de l’environnement, ait maintenant incité l’équipe chargée de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles à ouvrir une procédure formelle d’examen.

3.4.   Mécanismes de recours collectif

3.4.1.

Le Comité prend acte de la transposition définitive de la directive relative aux dommages et intérêts (4) qui aborde en partie la question de la mise en place d’un mécanisme judiciaire pour les actions collectives. Toutefois, considéré en combinaison avec la récente proposition figurant dans le train de mesures relatif à «Une nouvelle donne pour les consommateurs», le retrait de la proposition de directive élaborée en 2009 par la direction générale de la concurrence témoigne d’un manque de volonté politique s’agissant de poser des jalons significatifs pour progresser vers la définition d’un régime réellement efficace de recours collectifs au niveau européen. Aussi le CESE demande-t-il instamment à la Commission de continuer à contrôler l’efficacité des mécanismes de recours collectif pour les infractions au droit de la concurrence dans les différents États membres et, le cas échéant, de prendre des mesures supplémentaires.

3.5.   Franchise dans le commerce de détail

3.5.1.

Le CESE fait observer que les contrats de franchise dans le secteur du commerce de détail posent un problème croissant qui peut avoir des conséquences graves en matière de concurrence. Aux Pays-Bas, par exemple, un différend majeur opposant le franchiseur HEMA et un certain nombre de franchisés sur un problème relatif à des contrats existants et à la part des bénéfices tirés des ventes sur l’internet a conduit à l’annulation des contrats des franchisés. Le Comité invite la Commission à analyser cette situation et à présenter des propositions complémentaires en matière de franchise qui pourraient être incluses dans le règlement d’exemption par catégorie afin de rétablir l’équilibre commercial et contractuel entre les franchisés et le franchiseur.

3.6.   Subventions au niveau des collectivités locales

3.6.1.

Dans de nombreux États membres, les collectivités locales se tournent vers le développement d’activités commerciales utilisant des ressources ou des installations publiques. Une telle démarche peut donner lieu à une concurrence déloyale si un élément de subvention est présent. Par exemple, les PME du secteur des services alimentaires et du tourisme sont confrontées à des activités subventionnées dans les cantines des clubs sportifs, des centres de loisirs, etc. Les autorités locales sont propriétaires de ces clubs et associations ou elles leur versent des fonds publics; ces structures sont souvent exemptées de l’obligation de payer la taxe sur la valeur ajoutée et bénéficient de primes sociales, comme du travail bénévole. Ces activités paracommerciales sont souvent organisées (sur le plan du chiffre d’affaires et des bénéfices) comme des entreprises commerciales ordinaires. Le Comité invite la Commission à surveiller ce phénomène et à établir si une adaptation des règles en matière d’aides d’État ou d’autres instruments pourraient être mis au point au niveau européen pour réglementer ces activités locales, qui, dans certains cas, se trouvent même subventionnées par des fonds de l’Union.

3.7.   Informations sur les aides d’État

3.7.1.

La disponibilité et l’utilisation de la plateforme informatique Transparency Award Module (TAM) sont particulièrement bienvenues, car celle-ci permet aux parties intéressées (la Commission, les concurrents et le public au sens large) de vérifier la conformité des aides d’État aux règles en vigueur. À ce jour, environ 30 000 subventions ont été publiées.

4.   Remarques spécifiques

4.1.   La directive REC+

4.1.1.

Le CESE est encouragé par le fait qu’une attention particulière est accordée, dans le rapport, au contrôle de l’application de la législation, et il saisit cette occasion pour réaffirmer son point de vue (5) sur la directive REC+ (6), laquelle confère aux ANC les moyens d’être plus efficaces.

4.1.2.

Le Comité a déjà indiqué précédemment qu’un règlement constituerait en la matière un instrument législatif plus efficace, mais il reconnaît la nécessité d’appliquer le principe de proportionnalité. En outre, la politique de concurrence devrait garantir l’égalité des chances, les ANC ayant à leur disposition les mesures et instruments juridiques nécessaires pour lutter contre les ententes secrètes.

4.1.3.

Bien qu’il appartienne à la directive REC+ de garantir l’indépendance, les ressources et une boîte à outils efficace pour faire appliquer la législation, des interrogations subsistent en ce qui concerne l’autonomie et les capacités des ANC. Une indépendance, une expertise et une formation véritables sont les conditions nécessaires d’un travail efficace. Il convient d’encourager les mesures préventives afin d’éviter tout comportement anticoncurrentiel ainsi que de renforcer les sanctions pour rendre tangible leur effet dissuasif. Les ANC devraient également se voir accorder le pouvoir d’ester en justice en leur nom propre.

4.2.   Protection des lanceurs d’alerte

4.2.1.

Il convient de poursuivre l’action d’information du public sur les règles de concurrence. Celle-ci consistera à renforcer l’efficacité des nouveaux outils disponibles pour signaler les infractions, notamment l’outil de lancement d’alerte. Même s’il se félicite de constater que ledit outil est utilisé sur une base régulière, le CESE se déclare préoccupé par plusieurs aspects de la proposition de directive qui vise à renforcer la protection des lanceurs d’alerte (7).

4.2.2.

Le CESE renvoie la Commission à son avis sur ce texte (8), où il recommande que le champ d’application matériel de la directive ne soit pas limité au respect du droit de l’Union, mais qu’il soit étendu au respect du droit national.

4.2.3.

Il est également important de faire référence à l’inclusion des droits des travailleurs, et de mentionner les représentants des syndicats et des organisations non gouvernementales comme exemples de personnes morales. Les lanceurs d’alertes devraient avoir accès à des représentants syndicaux à chaque étape de la procédure.

4.3.   L’économie numérique

4.3.1.

Le CESE fait observer que le nouveau règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs (9) a été adopté à la fin de 2017, et que celui-ci devrait assurer une meilleure coordination entre les réseaux de consommateurs pour faire appliquer les mesures de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles transfrontières. Par exemple, le règlement recense les pratiques de blocage géographique dans le secteur du commerce électronique, lequel constitue, par sa nature même, une question transfrontière. Depuis de nombreuses années, les centres européens des consommateurs travaillent sur cette question en collectant des exemples et pratiques transfrontières. Avec l’action conjointe du réseau européen de la concurrence et du réseau de coopération en matière de protection des consommateurs, l’on peut désormais prévoir une meilleure coordination des mesures d’exécution.

4.3.2.

Dans le domaine de l’économie numérique, en croissance rapide, de nombreux autres types de pratiques anticoncurrentielles apparaissent sans cesse. Ainsi, l’utilisation d’algorithmes sophistiqués permet d’ajuster les prix sur la base des données d’une personne, collectées à partir de différentes sources en ligne, ce qui favorise la collusion en ligne entre diverses entreprises. La Commission devrait disposer de ressources budgétaires suffisantes pour pouvoir surveiller et contrer ces pratiques.

4.4.

Le CESE estime qu’une meilleure coopération entre les ANC et les organisations de consommateurs serait profitable aux deux parties, d’autant plus que les organisations de consommateurs nationales sont très bien placées pour informer les ANC en cas de soupçon d’infraction. En effet, elles peuvent fournir aux autorités des données précieuses tirées des plaintes qu’elles ont elles-mêmes traitées.

4.5.

L’Union de l’énergie peut stimuler le processus de mise en concurrence équitable du secteur de l’énergie de l’Union européenne qui reste un domaine où l’éventail des prix pour les consommateurs et les entreprises reste très large, et où le choix du marché peut être réduit. Le CESE estime qu’une analyse détaillée des pratiques réglementaires — qui varient considérablement d’un État membre à l’autre — servira de base à un dialogue constructif en vue de résoudre les divergences de vues; il considère que celle-ci devra être menée conjointement par les ANC, les régulateurs nationaux de l’énergie et la Commission. L’absence de choix et les pratiques restrictives à l’œuvre, par exemple, dans les systèmes de chauffage urbain pourraient se trouver, de la sorte, mises en lumière.

4.6.

L’exercice inapproprié du pouvoir de marché dans le secteur du commerce de détail alimentaire est un problème récurrent. La Commission soulève la question de savoir si les grandes chaînes de vente au détail se sont arrogées trop de pouvoir de négociation (dans le cadre des négociations bilatérales avec leurs fournisseurs) et de puissance d’achat (sur le marché en général) grâce à leur double rôle de clients et de concurrents (au moyen des marques de distributeur) vis-à-vis de leurs fournisseurs (10). Le Comité demande instamment que des mesures soient prises conformément à son récent avis sur ce sujet (11), et réitère sa recommandation que la Commission intègre un suivi du fonctionnement de la chaîne de distribution des denrées alimentaires dans les futurs rapports sur la politique de concurrence.

4.7.   Droit de la concurrence et intérêt public général

4.7.1.

Les distorsions du marché peuvent être provoquées par un certain nombre de facteurs qui ne relèvent pas du cadre strict de la politique de concurrence. Il s’agit notamment des grandes disparités entre les États membres en ce qui concerne la fiscalité des entreprises, des pratiques en matière d’emploi communément désignées sous l’appellation de dumping social, des pratiques apparaissant dans l’économie dite «des petits boulots» et des questions relatives à l’économie circulaire et à la viabilité de l’économie mondiale.

4.7.2.

Le droit de la concurrence, ancré dans les perspectives économiques du milieu du XXe siècle, doit désormais être à la hauteur des défis du XXIe siècle. Pour remédier à la séparation artificielle du marché et des sphères socio-environnementales, il conviendrait de lancer une révision globale et systématique du droit de la concurrence de l’Union européenne, qui tiendrait compte des objectifs économiques, environnementaux et sociaux.

4.7.3.

Le CESE estime que les engagements de l’Union européenne en ce qui concerne les objectifs de développement durable (ODD) et l’accord de Paris sur le changement climatique, en plus des engagements existants dans les traités, devraient être pris en compte en tant qu’objectifs d’intérêt public dans le cadre de l’application du droit de la concurrence, à l’instar des objectifs de défense des intérêts des consommateurs.

4.7.4.

Il y a lieu de reconnaître les effets des concentrations de marché sur les futures générations de consommateurs et de producteurs. Il faudrait évaluer différents modèles de calcul pour déterminer les effets préjudiciables à long terme, comme cela a déjà été fait dans le cadre des marchés publics, par exemple, avec le calcul du coût du cycle de vie.

4.8.

Dans plusieurs avis récents (12), le CESE a demandé que les mesures relatives à la fiscalité équitable adoptées par la Commission (concernant tant les multinationales que les particuliers) soient renforcées, sachant que de nombreuses questions restent en suspens. Il s’agit notamment de la lutte contre la fraude fiscale, les paradis fiscaux, la planification fiscale agressive ou la concurrence fiscale déloyale entre États membres.

4.9.

On observe, en particulier, des distorsions du marché continues et substantielles que provoquent les différences considérables existant entre régimes nationaux en matière de fiscalité des entreprises d’un État membre à l’autre, où les taux d’imposition des sociétés varient de 9 % à 35 %, pour atteindre même, dans certains d’entre eux, des niveaux encore inférieurs pour des catégories telles que les droits de propriété intellectuelle. Dans la mesure où la politique fiscale reste une compétence nationale, il faut que la politique de concurrence européenne poursuive sa lutte pour atténuer les distorsions qui en résultent.

4.10.

La directive sur la lutte contre l’évasion fiscale, qui devrait être appliquée par l’intermédiaire de la législation des États membres au plus tard le 1er janvier 2019, fixe des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale ayant une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, et elle contient des éléments qui devraient permettre d’éviter certaines approches nationales divergentes. Cette ambition mérite d’être saluée.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Règlement (UE) no 330/2010 de la Commission (JO L 102 du 23.4.2010, p. 1)

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:32010R0330

(2)  http://ec.europa.eu/competition/antitrust/proposed_directive_fr.pdf

(3)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 69.

(4)  Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux actions en dommages et intérêts (JO L 349 du 5.12.2014, p. 1).

(5)  JO C 345 du 13.10.2017, p. 70.

(6)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur [COM(2017) 142 final].

(7)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des personnes dénonçant les infractions au droit de l’Union [COM(2018) 218 final].

(8)  Avis du CESE sur le thème «Renforcer la protection des lanceurs d’alerte au niveau de l’Union européenne». Rapporteure: Franca Salis-Madinier (JO C 62 du 15.2.2019, p. 155).

(9)  Règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil (JO L 345 du 27.12.2017, p. 1).

(10)  Document de travail des services de la Commission, SWD(2018) 349 final.

(11)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 69.

(12)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 1; JO C 197 du 8.6.2018, p. 29; JO C 81 du 2.3.2018, p. 29.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/52


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/1588 du Conseil du 13 juillet 2015 sur l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales»

[COM(2018) 398 final — 2018/0222 (NLE)]

(2019/C 110/09)

Rapporteur:

Jorge PEGADO LIZ

Consultation

Commission européenne, 12.7.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

21.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

205/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) prend bonne note de la proposition de règlement modifiant le règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015 sur l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) à certaines catégories d’aides d’État horizontales [COM(2018) 398 final], dont l’objet se résume à ajouter deux catégories nouvelles dans le règlement d’habilitation permettant à la Commission d’adopter des exemptions par catégorie [règlement (UE) 2015/1588 du Conseil (1) du 13 juillet 2015].

1.2.

Le CESE considère cette proposition nécessaire et opportune dans le cadre de toute une série de nouvelles propositions qui ont trait notamment au prochain cadre financier pluriannuel, car elle est un instrument essentiel au fonctionnement efficace de plusieurs des mesures prévues dans ces nouvelles initiatives. Elle contribue décisivement à ce que la Commission joue un rôle de premier plan dans la sélection des projets bénéficiant d’un soutien financier conforme à l’intérêt commun de l’Union et à ce que les aides publiques complètent les investissements privés en toute transparence.

1.3.

Le CESE donne ainsi son accord et appui à cette nouvelle proposition de la Commission. Le Comité considère aussi opportun d’inciter les parties prenantes concernées à suivre les orientations du code de bonnes pratiques.

2.   La proposition de la Commission

2.1.

Le 6 juin 2018, la Commission a présenté la proposition de règlement modifiant le règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015 sur l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à certaines catégories d’aides d’État horizontales (2) dans le cadre de toute une série de nouvelles propositions qui ont trait notamment au prochain cadre financier pluriannuel (CFP) (3).

2.2.

L’objectif de cette proposition étant d’améliorer l’interaction entre certains programmes de financement de l’Union européenne dans le cadre notamment des programmes COSME et Horizon Europe ou le programme pour une Europe numérique, le nouveau Fonds InvestEU et la promotion de la coopération territoriale européenne et les règles en matière d’aides d’État, elle devra permettre d’apporter des modifications ciblées aux règles en vigueur dans le domaine des aides d’État, de sorte que le financement public des États membres — y compris celui des Fonds structurels et d’investissement européens gérés au niveau national — et les Fonds de l’Union gérés au niveau central par la Commission puissent être combinés de manière aussi fluide que possible, sans fausser la concurrence sur le marché de l’Union européenne.

2.3.

L’objet de la proposition se résume ainsi à ajouter deux catégories nouvelles dans le règlement d’habilitation permettant à la Commission d’adopter des exemptions par catégorie [règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015], en s’appuyant sur la définition de critères de compatibilité précis, garantissant que l’effet sur la concurrence et sur les échanges entre les États membres reste limité. Grâce à l’adoption de ces exemptions par catégorie, il serait possible de simplifier de manière significative les procédures administratives pour les États membres et la Commission sur la base de conditions de compatibilité clairement définies ex ante.

2.4.

En synthèse la Commission propose donc d’ajouter les deux points suivants au point a) de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1588:

«xv)

des financements acheminés ou soutenus par les instruments financiers ou les garanties budgétaires de l’Union européenne gérés de manière centralisée, lorsque l’aide est octroyée sous forme de financement supplémentaire au moyen de ressources d’État;

xvi)

des projets soutenus par les programmes de coopération territoriale européenne de l’Union européenne.»

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE, dans de très récents avis adoptés, a soutenu les nouvelles initiatives programmatiques de la Commission dans le cadre notamment de ses avis sur:

a)

InvestEU (4);

b)

Programme Horizon Europe (5);

c)

Intelligence artificielle pour l’Europe (6);

d)

R & I — Un agenda européen renouvelé (7);

e)

Fonds européen de développement régional et Fonds de Cohésion (8);

f)

Règlement relatif à la coopération territoriale européenne 2021-2027 (9);

g)

Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (10);

h)

Mise en œuvre des projets RTE-T (11);

i)

Mobilité connectée et automatisée (12);

j)

Programme pour une Europe numérique (13).

3.2.

La présente proposition de la Commission est nécessaire au fonctionnement efficace de plusieurs mesures prévues dans ces nouvelles initiatives, dont la liste est fournie à titre indicatif puisque les discussions entre les colégislateurs sont toujours en cours, et contribue décisivement à ce que la Commission joue un rôle de premier plan dans la sélection des projets et des régimes bénéficiant d’un soutien conforme à l’intérêt commun de l’Union et à ce que les aides publiques complètent les investissements privés en toute transparence.

3.3.

En effet, les articles 107, 108 et 109, dans le chapitre «Règles communes de la concurrence» sont les dispositions matricielles dans la loi fondamentale de l’Union européenne (le TFUE) qui régissent les aides d’État.

3.4.

En vue de son application, le règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015 a prévu l’application des articles 107 et 108 du TFUE à certaines catégories d’aides d’État horizontales, que ces dernières soient des investissements ou des garanties d’État.

3.5.

Ce règlement doit être adapté pour que les objectifs énoncés dans la proposition de la Commission, et auxquels le CESE donne tout son soutien, puissent être mises en application.

3.6.

Le CESE donne ainsi son accord aux modifications à introduire dans le règlement (UE) 2015/1588 tels qu’elles sont énoncées par la proposition de la Commission dans la mesure où il les considère comme essentielles à la poursuite des objectifs cités.

3.7.

Par ailleurs, le CESE se réjouit que la Commission ait aussi publié quelques jours après la publication de la proposition qui est examinée ici, un «code de bonnes pratiques pour la conduite des procédures de contrôle des aides d’État» (14) qui abroge le code publié en 2009 et intègre la communication relative à une procédure simplifiée (15).

3.8.

Le CESE salue cette initiative visant à tirer le meilleur parti des règles modernisées en matière d’aides d’État, telles que celles figurant dans la présente proposition, à fournir aux États membres, aux bénéficiaires des aides et aux parties prenantes des orientations sur le fonctionnement pratique des procédures relatives aux aides d’État et à «rendre ces procédures aussi transparentes, simples, claires, prévisibles et respectueuses des délais que possible».

3.9.

Ce code de bonnes pratiques de 2018 n’a pas vocation à être exhaustif et ne crée aucun nouveau droit. Il décrit la procédure et donne des orientations à son sujet. Selon le texte, ce code doit être lu en combinaison avec tous les autres textes adoptés en amont.

3.10.

Son objectif essentiel est de favoriser la coopération des parties prenantes avec la Commission lors des contrôles, et de rendre la procédure plus lisible pour les entreprises et les États.

3.11.

Il améliore aussi la procédure de traitement des plaintes en matière d’aides d’État, en obligeant les plaignants à démontrer l’intérêt affecté dès le dépôt du formulaire de plainte et en fixant des délais indicatifs de traitement des plaintes.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO L 248 du 24.9.2015, p. 1.

(2)  COM(2018) 398 final.

(3)  COM(2018) 321 final du 2 avril 2018.

(4)  ECO/474 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 131).

(5)  INT/858 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 33).

(6)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 51.

(7)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 73.

(8)  ECO/462 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 90).

(9)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 116.

(10)  JO C 440 du 6.12.2018, p. 191.

(11)  TEN/669 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 269).

(12)  TEN/673 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 274).

(13)  TEN/677 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 292).

(14)  Communication de la Commission C(2018) 4412 final du 16 juillet 2018.

(15)  JO C 136 du 16.6.2009, p. 13.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/55


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’action de l’Union européenne à la suite de son adhésion à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques»

[COM(2018) 365 final — 2018/0189 (COD)]

(2019/C 110/10)

Rapporteur:

Arnold PUECH d’ALISSAC

Consultation

Parlement européen, 10.9.2018

Conseil, 17.10.2018

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

21.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les indications géographiques (IG) représentent une ressource unique et précieuse pour les producteurs de l’Union européenne dans un marché mondial de plus en plus libéralisé et concurrentiel.

1.2.

La Commission européenne devrait toujours agir dans l’intérêt de la protection des modèles de production et des systèmes de qualité reconnus au niveau mondial pour leur durabilité bénéfique aux consommateurs et aux producteurs.

1.3.

Les indications ont donc cette particularité de mettre l’accent sur la dimension locale d’un produit mettant ainsi en valeur les aspects culturels et les savoir-faire locaux, le territoire et ses particularités agroécologiques. Ces caractéristiques doivent être préservées.

1.4.

On observe au niveau mondial un mouvement significatif de développement des signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO).

1.5.

Le Comité économique et social européen (CESE) souligne cet aspect positif et se félicite de la proposition de la Commission européenne visant à protéger au niveau international les appellations d’origine et indications géographiques enregistrées, dans le cadre de l’accord de Genève et de ses pratiques juridiques, et considère comme impératif d’essayer de créer un cadre harmonisé de protection des signes de qualité au niveau international. Toutefois, il tient pour essentiel d’agir dans le sens d’une approche globale qui vise à protéger et à promouvoir le système de signes de qualité dans son ensemble.

1.6.

Il convient de proposer un système qui garantit un traitement équitable de tous les producteurs européens qui souhaitent que leur indication géographique soit également reconnue au niveau international.

1.7.

Le CESE considère que les droits acquis par ces indications géographiques déjà enregistrées et protégées au niveau européen devraient être préservés pour éviter des pénalisations et des inégalités de traitement.

2.   La proposition de règlement

2.1.

La proposition de la Commission vise à mettre en place un cadre juridique garantissant la participation effective de l’Union européenne à l’Union de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques de l’Organisation mondiale de la protection intellectuelle (OMPI) au jour où elle deviendra partie contractante à l’acte de Genève.

2.2.

L’acte de Genève énonce l’engagement de chaque partie contractante à protéger sur son territoire les appellations d’origine et indications géographiques enregistrées dans le cadre de son système et de ses pratiques juridiques. Ainsi, une appellation d’origine ou indication géographique enregistrée est protégée par chaque partie contractante en l’absence de son refus notamment.

2.3.

Une fois l’Union européenne devenue partie contractante à l’acte de Genève, la Commission européenne propose qu’elle fournisse une liste de ses indications géographiques (à convenir avec les États membres) à placer sous la protection du système de Lisbonne. Après l’adhésion de l’Union européenne à l’Union de Lisbonne, le dépôt de demandes d’enregistrement international d’indications géographiques supplémentaires protégées et enregistrées dans l’Union sera possible à l’initiative de la Commission ou à la demande d’un État membre ou d’un groupement de producteurs intéressé.

2.4.

Il conviendra de mettre en place des procédures appropriées permettant à la Commission d’examiner les appellations d’origine et les indications géographiques originaires de parties contractantes tierces et inscrites au registre international. L’Union sera tenue de respecter les appellations d’origine et indications géographiques originaires de parties contractantes tierces et inscrites au registre international conformément aux dispositions du chapitre III de l’acte de Genève.

2.5.

Cet acte impose en particulier à chaque partie contractante de prévoir des moyens de recours effectifs pour la protection des appellations d’origine enregistrées et des indications géographiques enregistrées (voir l’article 14 de l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne) (1).

2.6.

Sept États membres de l’Union européenne sont membres de l’Union de Lisbonne et ont accepté à ce titre la protection des dénominations de pays tiers. Afin de leur permettre de s’acquitter de leurs obligations internationales contractées avant l’adhésion de l’Union européenne à l’Union de Lisbonne, il conviendra de mettre en place un système de protection transitoire qui ne produira des effets qu’au niveau national et n’aura aucune incidence sur le commerce à l’intérieur de l’Union ou le commerce international.

2.7.

Les taxes à payer en vertu de l’acte de Genève et du règlement d’exécution commun pour le dépôt d’une demande d’enregistrement international d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique sont à la charge de l’État membre duquel l’appellation d’origine ou l’indication géographique est originaire (voir l’article 11 de l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne) (2).

2.8.

L’Union a mis en place des systèmes de protection uniformes et exhaustifs des indications géographiques des produits agricoles. Grâce à ces systèmes de protection, les dénominations protégées pour les produits couverts bénéficient d’une protection étendue dans toute l’Union, reposant sur un processus de demande unique. La proposition est conforme à la politique générale de l’Union visant à promouvoir et à renforcer la protection des indications géographiques au moyen d’accords bilatéraux, régionaux et multilatéraux.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission européenne visant à protéger au niveau international les appellations d’origine et indications géographiques enregistrées, dans le cadre de l’acte de Genève et de ses pratiques juridiques. Dans un contexte caractérisé par une mondialisation sans cesse croissante surtout quand il s’agit du commerce de biens agroalimentaires, il est impératif d’essayer de créer un cadre harmonisé de protection des signes de qualité au niveau international.

3.2.

La Commission européenne devrait toujours agir dans l’intérêt de la protection des modèles de production et des systèmes de contrôle de qualité reconnus au niveau mondial pour leur incidence bénéfique sur la santé des consommateurs et sur la durabilité économique et environnementale.

3.3.

Les IG représentent une ressource unique (5,7 % des ventes de l’industrie agroalimentaire, soit plus de 54 milliards d’EUR en 2010) (3) et précieuse pour les producteurs de l’Union européenne dans un marché mondial de plus en plus libéralisé. Toutefois, les efforts pour rivaliser dans le domaine de la qualité sont inutiles si le vecteur principal qui est utilisé par nos produits de qualité, c’est-à-dire les IG, n’est pas suffisamment protégé contre les marchés internationaux.

3.4.

Le CESE souligne que les indications géographiques sont des signes distinctifs qui permettent de différencier des produits concurrents et d’informer le consommateur sur l’origine d’un produit. Contrairement aux marques commerciales, une indication géographique a pour objectif de souligner le lien entre un produit et son territoire d’origine, les indications ont donc cette particularité de mettre l’accent sur la dimension locale d’un produit, mettant ainsi en valeur les aspects culturels et les savoir-faire locaux, le territoire et ses particularités agroécologiques. Ces caractéristiques doivent être préservées.

3.5.

En 2008 déjà, le CESE, dans son avis sur le thème des «Indications et dénominations géographiques» (4), avait souligné que l’on constate […] dans la société civile européenne que les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux caractéristiques des produits agroalimentaires, ce qui se traduit par une demande de produits de qualité. Cette déclaration demeure valable aujourd’hui plus que jamais, alors que le consommateur européen cherche de plus en plus des produits de qualité provenant d’un terroir, d’une région ou d’un pays particuliers et dont la qualité et la réputation, entre autres caractéristiques, sont fondamentalement liées à cette origine géographique (5).

3.6.

Selon un récent avis du Conseil économique, social et environnemental français intitulé «Les signes officiels de qualité et d’origine des produits alimentaires», on observe, au niveau mondial, un mouvement significatif de développement des SIQO. Les indications géographiques progressent car elles répondent à une demande croissante des consommateurs et valorisent également une histoire, un patrimoine et un savoir-faire ancestral liés à un terroir donné.

3.7.

Le CESE tient à rappeler que selon la FAO (6), on enregistre un effet très positif des indications géographiques sur les prix, indépendamment du type de produit, de la région d’origine ou de la durée de l’enregistrement.

3.8.

Dans tous les accords bilatéraux conclus ou en cours de négociation, les aspects liés à la protection des indications géographiques sont de plus en plus centraux. Le CESE souligne cet aspect positif. Toutefois, il tient pour essentiel d’agir dans le sens d’une approche globale qui vise à protéger et à promouvoir le système de signes de qualité dans son ensemble.

3.9.

Pour ce faire, le CESE considère comme nécessaire de reconsidérer la proposition d’instaurer une liste positive au niveau de l’Union européenne qui n’est pas en ligne avec l’exigence de protection globale du système des indications géographiques. Il convient en effet de proposer un système qui garantit un traitement équitable de tous les producteurs européens qui souhaitent que leur indication géographique soit également reconnue au niveau international. Cela est d’autant plus vrai que les critères choisis ne prennent pas en considération d’autres critères socioéconomiques essentiels pour le développement de l’économie de certains territoires de l’Union européenne. Autour des indications géographiques se développe souvent une économie de proximité qui génère de l’emploi, qui a des retombées très importantes dans d’autres secteurs de l’économie comme le tourisme et qui est bénéfique pour l’aménagement et l’occupation du territoire.

3.10.

Le CESE demande à la Commission de prendre en compte les conséquences des futures nouvelles relations entre l’Union européenne et le Royaume Uni et l’incidence que la détermination d’une liste positive pourrait avoir sur les négociations en cours, qui devraient être menées sur la base de la protection du système de qualité de l’Union européenne dans son ensemble. Après son retrait, le Royaume-Uni devra continuer de respecter les indications géographiques garanties par un système dont elle a bénéficié jusqu’ici.

3.11.

Le CESE souligne que le secteur agroalimentaire européen est très menacé par la contrefaçon de produits. Un rapport (7) récemment publié par la Commission européenne confirme que les produits les plus souvent contrefaits sont les produits agroalimentaires.

3.12.

Le CESE rappelle qu’à ce jour, sept pays de l’Union européenne sont déjà membres effectifs de l’accord de Lisbonne (la Bulgarie, la France, la Hongrie, l’Italie, le Portugal, la République tchèque et la Slovaquie) et que ledit accord compte aujourd’hui plus de 1 000 indications géographiques enregistrées, pour lesquelles la protection internationale des appellations d’origine protégées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) est assurée au moyen d’une seule procédure d’enregistrement.

3.13.

Le CESE considère que les droits acquis par ces indications géographiques déjà enregistrées et protégés au niveau européen devraient être préservés pour éviter des pénalisations et des inégalités de traitement.

3.14.

Enfin, le CESE attire l’attention sur l’étude de 2012, la seule disponible actuellement, sur la valeur commerciale des IG dans l’Union (8). Il semblerait toutefois que le taux de la prime de valeur pour les IG («value premium rate») n’ait pas fondamentalement changé depuis.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  http://www.wipo.int/edocs/pubdocs/fr/wipo_pub_239.pdf

(2)  Ibidem.

(3)  Voir l’appel d’offre AGRI-2011-EVAL-04.

(4)  JO C 204 du 9.8.2008, p. 57.

(5)  Règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil (JO L 343 du 14.12.2012, p. 1) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1540542863415&uri=CELEX:32012R1151

(6)  Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

(7)  https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/report_on_eu_customs_enforcement_of_ipr_2017_en.pdf (pour l’heure, uniquement disponible en anglais).

(8)  https://ec.europa.eu/agriculture/external-studies/value-gi_en (pour l’heure, uniquement disponible en anglais).


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/58


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), le règlement (UE) no 1094/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), le règlement (UE) no 1095/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), le règlement (UE) no 345/2013 relatif aux fonds de capital-risque européens, le règlement (UE) no 346/2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens, le règlement (UE) no 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) 2015/760 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme, le règlement (UE) 2016/1011 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement, le règlement (UE) 2017/1129 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé; et la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme»

[COM(2018) 646 final — 2017/0230 (COD)]

(2019/C 110/11)

Rapporteur général:

Petr ZAHRADNÍK

Consultation

Parlement européen, 4.10.2018

Conseil de l’Union européenne, 12.11.2018

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

121/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE apprécie la flexibilité avec laquelle la Commission européenne réagit aux problèmes qui se sont présentés dans des établissements bancaires et financiers et avec laquelle elle adopte des mesures complémentaires afin de réprimer les pratiques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme.

1.2.

Le CESE estime dans le même temps que le renforcement de la coordination des autorités de surveillance et l’accroissement de l’efficacité des interactions entre elles devrait s’accompagner simultanément de la coordination des activités avec les autres entités concernées, pour régler effectivement ce très dangereux problème.

1.3.

Le CESE met en garde contre le fait que les possibilités technologiques et de communication non seulement permettent de créer des produits financiers innovants qui profitent aux déposants et aux investisseurs, mais constituent également une grande tentation pour les auteurs d’agissements criminels dans le domaine du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme. C’est pourquoi il demande que les solutions adoptées visent au maximum à éliminer les risques futurs.

1.4.

Le CESE met en relief l’importance croissante que revêt ce problème vis-à-vis des pays tiers dans un contexte d’aggravation des risques géopolitiques, sécuritaires et politiques et il fait valoir la nécessité que l’Union européenne soit préparée au mieux à supprimer les pratiques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme et à éliminer l’utilisation abusive du marché et des établissements financiers de l’Union.

1.5.

Le CESE est conscient du fait, dont il prend acte, que les mesures présentées dans la proposition législative constituent des étapes certes importantes, mais partielles, dans les domaines de la coordination, de l’organisation et des compétences, que devront prolonger d’autres jeux de mesures pour réussir à résoudre le problème. Dans le même temps, il convient avec la Commission européenne que dans un souci de faisabilité et de pérennité de la voie choisie, il est plus judicieux de procéder plus progressivement, afin d’éviter que ne se produise une perturbation importante de la stabilité et du caractère fonctionnel du système en place.

1.6.

Le CESE est convaincu que dans le cadre du nouvel équilibre des compétences des autorités de surveillance, il est souhaitable de trouver une relation équilibrée entre une Autorité bancaire européenne (ABE) dotée de nouvelles compétences renforcées et les autorités nationales de surveillance, de manière que toutes les entités concernées optimisent le parti qu’elles tirent de leurs capacités afin de résoudre le problème de la manière voulue.

1.7.

Le CESE souligne l’importance que revêt la communication interne et externe sur le thème du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme pour réaliser le dessein des mesures proposées. Pour ce qui est de la communication interne, il est crucial d’optimiser et de protéger les flux d’information entre les autorités de surveillance compétentes; pour ce qui est de la communication externe, l’enjeu réside dans l’information et la sensibilisation du public intéressé, en tant qu’elles constituent une forme de prévention et de préparation à l’éventualité que soient perpétrés ces agissements criminels.

1.8.

Le CESE se demande sur quelles bases le secteur bancaire a été désigné comme le plus vulnérable à une utilisation abusive aux fins des agissements criminels que constituent le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, de sorte que c’est l’ABE qui a bénéficié d’un renforcement de sa position et de ses compétences, et non les deux autres autorités de surveillance de l’Union.

1.9.

Le CESE apprécierait que soient davantage précisés les contours des nouvelles relations en matière de coordination et d’action conjointe dans le domaine de la lutte contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme établies entre l’ABE et les autres autorités de surveillance, que celles-ci ressortissent à l’Union européenne, aux États membres ou tout spécialement aux pays tiers.

2.   Contexte général de la proposition et éléments factuels essentiels

2.1.

Depuis 2011, un nouveau système de surveillance financière est en vigueur dans l’Union européenne, qui a contribué de manière déterminante à stabiliser le marché financier et à y limiter les risques. Il a conduit à harmoniser les règles des marchés financiers dans l’Union européenne et à faire converger les activités de surveillance de ceux-ci. Toutefois, l’essor qu’ont connu depuis lors les innovations technologiques et financières a encore ouvert l’éventail des actes criminels qui utilisent abusivement le secteur financier pour concourir à des agissements criminels et légaliser les bénéfices qu’ils procurent. Ces deux types d’agissements sont bien évidemment non seulement indésirables et condamnables du point de vue de la société, mais dans le même temps, ils distordent également le caractère fonctionnel et efficace des marchés financiers, car leur objectif premier n’est pas de maximaliser un bénéfice issu de possibilités objectives de faire fructifier chacun des actifs et leur valorisation, mais de dissimuler, d’occulter et d’éviter toute divulgation; de tels procédés ne sont pas ensuite sans rapport avec le fait que les ressources financières ne soient pas automatiquement allouées de manière optimale.

2.2.

Les mesures proposées visent donc non seulement à empêcher ou à limiter les possibilités qui concourent à commettre des agissements criminels ou à en légaliser le produit, mais également à maintenir la bonne santé des établissements financiers utilisés abusivement à l’occasion de ces agissements criminels et à en garantir la stabilité et la sécurité pour les clients et les investisseurs. Ce faisant, intervient également une limitation des risques politiques et de réputation qui pèsent tant sur chacun des États membres que sur l’Union européenne dans son ensemble.

2.3.

Étant donné qu’à l’heure actuelle, les marchés financiers sont multinationaux et interconnectés comme jamais ils ne l’ont été, il importe au plus haut point, aux fins de la proposition à l’examen, de créer un système qui accomplisse ses missions dans un contexte transfrontière car les analyses empiriques montrent que ces agissements criminels sont de plus en plus fréquemment commis sur une base transfrontière, entre autres en impliquant des entités de pays tiers. Aussi bonne soit-elle, l’organisation de la répression de ces agissements criminels ne suffit pas à assurer en définitive la réussite de cet effort, si elle s’opère uniquement à l’échelle d’un seul État membre. C’est pourquoi l’action conjointe effective des autorités nationales de surveillance est très importante en matière de blanchiment des capitaux, tout comme celle des organes nationaux de surveillance financière avec les organes de l’Union européenne chargés de cette même matière et de surcroît également avec les autorités de surveillance des pays tiers.

2.4.

La mesure proposée, qui fait l’objet du présent avis, ne revêt qu’un caractère partiel dans le cadre du dessein indiqué. Pour pouvoir jauger le succès de ce dernier, il est absolument nécessaire de le coordonner avec d’autres éléments dont l’ensemble forme une approche systématique et cohérente qui entravera au maximum les criminels dans l’exercice de ces agissements criminels.

2.5.

En substance, la proposition à l’examen vise notamment:

à optimiser le parti tiré de l’expertise et des ressources disponibles en centralisant au niveau de l’Autorité bancaire européenne (ABE) les tâches liées à la prévention, sur l’ensemble du marché financier, du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, ainsi qu’à la lutte contre ces derniers,

à clarifier l’ampleur et la teneur des tâches confiées à l’ABE liées à la lutte contre le blanchiment des capitaux,

à renforcer les outils permettant d’accomplir les tâches de lutte contre le blanchiment des capitaux,

à renforcer le rôle de coordination de l’ABE dans les affaires internationales, qui touchent à la lutte contre le blanchiment des capitaux.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE estime que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme gagne en importance non seulement en raison de la dynamique des mutations technologiques et des innovations financières, mais également des nombreuses affaires récemment mises en évidence et dans lesquelles le système bancaire et financier a fait l’objet dans plusieurs États de l’Union européenne d’une utilisation abusive pour commettre ces agissements criminels. Dans ce contexte, l’on peut également tenir pour significatif le risque géopolitique accru, y compris les activités terroristes.

3.2.

Le CESE est préoccupé par l’aggravation du problème indiqué, du fait que ces agissements criminels et les tentatives de légaliser les bénéfices qui en sont tirés au moyen du secteur financier se produisent non seulement sur une base transfrontière au sein de l’Union européenne, mais également dans le contexte d’agissements criminels qui s’étendent aussi aux pays tiers. Le CESE apprécie que la proposition de la Commission européenne s’engage activement sur la voie de sa résolution.

3.3.

Le CESE fait observer dans ce contexte que bien que la révision du système européen de surveillance financière ait déjà été traitée en 2017 (1), et que le Comité ait émis à cet égard un avis (2) adopté lors de sa session plénière le 15 février 2018, des connaissances et des circonstances nouvelles ont conduit à devoir mettre à jour la proposition sous la forme de l’ajout d’éléments complémentaires afin d’en renforcer l’efficacité. La teneur de l’avis cité du CESE n’a toutefois rien perdu de sa validité ni de sa pertinence. Dans le même temps, le CESE apprécie la flexibilité de la réaction de la Commission européenne face à une série de scandales bancaires dans de nombreux pays de l’Union européenne, qui a confirmé que ceux qui commettent ces agissements criminels sont en mesure d’utiliser abusivement tant les outils technologiques et de communication que la législation en vigueur. Ce faisant, ils mettent en lumière les failles qui affectent le dispositif de l’Union européenne en matière de blanchiment des capitaux.

3.4.

Le CESE note que les nouveaux éléments figurant dans la proposition revêtent pour l’essentiel un caractère technique et organisationnel, alors que la solution permettant de remédier à la situation actuelle doit être plus large et plus globale. Le CESE ajoute que la proposition à l’examen concerne une catégorie étroite de questions liées à l’augmentation des compétences de l’ABE et à celle de sa coordination avec les autorités nationales de surveillance en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et, dans une certaine mesure et dans certains cas spéciaux, également à un certain contrôle sur eux. Par ailleurs, la proposition à l’examen ne traite pas de l’activité des services et unités d’analyse financière. La proposition concerne de manière générale la coordination des activités et des procédures, et nullement la teneur concrète de la lutte contre le blanchiment de capitaux.

3.5.

Le CESE met en garde contre le fait, qu’il met aussi en avant, que le blanchiment des capitaux permet de légaliser les bénéfices tirés d’activités qui sont tenues pour incompatibles avec le droit et pour répréhensibles, mais qui conduisent dans le même temps à allouer les ressources de manière irrationnelle, sachant que ces opérations visent à «ne pas être découvertes» et à «légaliser» les ressources investies ou à les transférer en un lieu où seront commis d’autres agissements criminels, mais pas nécessairement à produire des bénéfices. Le CESE prend acte du fait, qu’il met ce faisant en avant, que la mise à jour présentée ne traite pas non plus de l’analyse des nouvelles tendances et circonstances dans lesquelles intervient le blanchiment des capitaux dans les conditions actuelles. Dans le cadre de l’élimination de ces pratiques déloyales, la proposition s’oriente de manière stricte et ciblée sur des domaines choisis, où prédomine le renforcement du rôle de l’ABE parmi les organes européens de surveillance dans le cadre de la résolution de la problématique de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et la coordination et la communication renforcées de l’ABE avec les autorités nationales de surveillance dans les affaires de lutte contre le blanchiment de capitaux, qui font pour l’essentiel partie des organes de surveillance du marché bancaire ou financier.

3.6.

Le CESE estime qu’il est absolument essentiel dans ce contexte de répartir correctement les compétences entre l’ABE et les autorités nationales en respectant le principe de subsidiarité. Il est tout à fait indispensable, légitime et justifié de renforcer les compétences de l’ABE pour traiter des opérations transfrontières; en revanche, le CESE ajoute que pour résoudre des affaires exclusivement nationales, que l’ABE n’est pas en mesure de pleinement déceler, il est nécessaire de laisser des compétences entre les mains des autorités nationales.

3.7.

Sachant que le thème du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme est absolument déterminant pour assurer un environnement économique et financier sain dans l’ensemble de l’Union européenne, le CESE se demande s’il n’est pas judicieux de créer une organisation spécifique dans le cadre de la branche exécutive de l’Union européenne, par exemple de la nouvelle direction générale œuvrant dans ce domaine. Ce thème gagne en importance dans le contexte de la mise en place de la nouvelle Commission européenne à l’automne de 2019.

3.8.

Le CESE se demande également sur quelles bases il est proposé que ce soit l’ABE qui joue un rôle crucial de coordination pour résoudre ce problème. Cela signifie-t-il que la Commission européenne estime que pour blanchir des capitaux et financer le terrorisme, les plus grandes marges de manœuvre se présentent dans l’Union européenne au sein du secteur bancaire?

3.9.

Le CESE approuve le fait que, dans le contexte de la proposition à l’examen, intervienne une communication efficace sur le problème traité. Cette communication devrait viser non seulement à transmettre efficacement les communications entre tous les organes de surveillance associés (communication interne) mais aussi à assurer un degré adéquat d’information dans la sphère publique (les clients du secteur financier et le grand public).

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE demande que la proposition délimite très précisément les domaines et les relations dans lesquels l’ABE détient un rôle dominant par rapport aux autres organes de surveillance de l’Union européenne dans le domaine de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, et ce sous la forme d’un mandat plus global pour l’ensemble du marché financier.

4.2.

Dans le même ordre d’idées, le CESE demande une explication plus précise des conditions qui permettent à l’ABE de pouvoir exercer une surveillance des procédures des organes nationaux de surveillance ou d’émettre directement et individuellement des décisions à l’endroit, des opérateurs du secteur financier.

4.3.

Le CESE s’intéresse vivement dans le même temps aux modalités de l’action conjointe avec les organes de surveillance de pays tiers.

4.4.

Le CESE demande également que soit éclaircie la manière dont devrait intervenir la centralisation de toutes les informations pertinentes relatives au blanchiment des capitaux et au financement du terrorisme que fournissent les autorités nationales, lorsqu’il s’agit de sources classifiées comme «secrètes» ou «très secrètes» et la manière dont ces dernières seront protégées.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Voir la proposition législative initiale, COM(2017) 536 final du 20 septembre 2017. L’objectif de cette dernière était de renforcer la capacité des organes européens de surveillance s’agissant d’assurer la convergence et l’efficacité de la surveillance financière, sans toutefois qu’il ne traite spécifiquement du renforcement du mandat des organes pour les questions de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

(2)  JO C 227 du 28.6.2018, p. 63.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/62


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant l’action commune 98/700/JAI du Conseil, le règlement (UE) no 1052/2013 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil»

Contribution de la Commission européenne à la réunion des dirigeants à Salzbourg les 19 et 20 septembre 2018

[COM(2018) 631 final — 2018/0330 (COD)]

(2019/C 110/12)

Rapporteur général:

Antonello PEZZINI

Consultation

Commission, 29.10.2018

Parlement européen, 22.10.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

127/1/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité est convaincu que dans un espace de libre circulation, les frontières extérieures deviennent des frontières communes et que toute personne qui entre dans une partie du territoire de l’Union entre dans l’espace commun de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne, avec tous les droits et obligations que cela implique pour les citoyens et les institutions nationales et européennes.

1.2.

Le CESE plaide vigoureusement en faveur d’une meilleure gestion des migrations qui, dans un effort commun avec les États, devrait s’attaquer aux causes profondes qui poussent des personnes à chercher une vie meilleure en dehors de leur propre pays.

1.3.

En l’absence d’un cadre précis et partagé par tous les États membres concernant la politique commune en matière de migration et d’aide au développement dans les pays d’émigration, le CESE recommande que la délégation de pouvoirs à la Commission soit habilitée à adopter des actes de définition autonome.

1.4.

Le CESE soutient avec conviction la proposition visant à doter l’Agence d’un bras opérationnel permanent de 10 000 personnes, qui, en coopération avec les États membres, pourrait ainsi disposer des capacités nécessaires pour:

protéger les frontières extérieures de l’Union européenne,

empêcher les mouvements irréguliers,

gérer les migrations légales,

veiller au retour effectif des migrants en situation irrégulière.

1.5.

Le Comité recommande que la coopération indispensable entre l’Agence et les administrations nationales, qui sont traditionnellement chargées des contrôles aux frontières, soit définie et organisée au niveau européen.

1.6.

Pour le CESE, il importe également que les missions de l’Agence soient définies de manière précise et partagée afin d’éviter les chevauchements et les conflits de compétence, et il demande que la chaîne de commandement entre les agents de l’Agence et les fonctionnaires nationaux soit établie de manière claire et transparente.

1.7.

Le CESE recommande que, lorsque des défis particuliers et disproportionnés se présentent aux frontières extérieures, l’Agence devrait être en mesure, à la demande de l’État membre concerné, d’agir en organisant et en coordonnant des interventions rapides aux frontières avec l’envoi (en accord et en coordination avec l’État concerné, qui doit conserver le contrôle et la responsabilité de la gestion), d’équipes du corps permanent dotées de leurs propres équipements modernes.

1.8.

Le CESE approuve les recommandations adressées au personnel de l’Agence, tant en ce qui concerne le «respect de la vie humaine» et les restrictions à l’utilisation d’armes à feu, que le refus ou l’octroi de visas à la frontière, car il s’agit dans les deux cas de prérogatives importantes des administrations des États membres chargées de l’ordre public.

1.8.1.

À cet égard, le Comité recommande que le principe de subsidiarité soit invoqué dans les deux cas par les États membres et que le statut du personnel de l’Agence exige un niveau élevé d’obligations, notamment en ce qui concerne la confidentialité.

1.9.

Le CESE recommande vivement d’approfondir les mécanismes de contrôle prévus à l’annexe V, chapitre 3, de la proposition, en cas d’infraction de la part du personnel. Les mécanismes devraient prévoir la saisine des juridictions de l’Union.

1.10.

Étant donné le rôle qui sera confié à l’Agence dans les cas de rétention de personnes et du rapatriement éventuel de celles-ci dans leur pays d’origine, le Comité recommande que le personnel statutaire bénéficie de modules de formation en matière de respect des droits fondamentaux.

1.11.

Le Comité estime qu’il est essentiel que l’Agence consacre une partie substantielle de son budget à la modernisation de son propre équipement.

1.12.

Selon le CESE, le cycle stratégique pluriannuel pour la gestion européenne intégrée des frontières devrait être défini par le Parlement européen et le Conseil, après consultation du Comité, tandis que la planification annuelle devrait être déléguée aux garde-frontières et aux garde-côtes, avec l’obligation de rendre compte chaque année sur les actions réalisées, les budgets engagés et les missions effectuées.

1.13.

En ce qui concerne la coopération internationale, le Comité recommande d’établir un lien étroit entre les mesures prévues dans la proposition de règlement et l’élaboration d’autres politiques pertinentes, en particulier avec l’accord de Cotonou.

1.14.

Le CESE recommande de renforcer le forum consultatif qui assiste l’Agence avec la participation des organisations concernées, et demande d’associer la société civile organisée à ses activités, par l’intermédiaire du CESE.

2.   Introduction

2.1.

Dans un espace de libre circulation, les frontières extérieures deviennent des frontières communes: aujourd’hui, elles s’étendent sur plus de 50 000 kilomètres. Cela a pour conséquence qu’un problème de sécurité dans un État membre ou à ses frontières extérieures peut affecter tous les États membres.

2.1.1.

La confiance mutuelle est donc le fondement d’un espace commun de liberté, de sécurité et de justice, surtout face aux nouveaux défis, aux menaces diffuses et aux phénomènes imprévisibles qui exigent: une coopération accrue; l’intervention de ressources qualifiées; une meilleure information. En d’autres termes, il faut tendre vers une réelle solidarité qui regroupe et renforce les atouts de chaque État pris individuellement.

2.2.

Dans le traité de Lisbonne, les règles régissant les frontières sont définies au titre V, troisième partie, du TFUE, dans le chapitre sur les politiques en matière de visas, d’asile et d’immigration. Elles visent à établir un «système intégré de gestion des frontières extérieures», tel que prévu à l’article 77, paragraphe 1, point c), du TFUE et destiné à créer un «espace de liberté, de sécurité et de justice».

2.3.

Il résulte de la lecture des traités que la libre circulation des citoyens au sein de l’Union doit nécessairement aller de pair avec une politique commune de gestion et de contrôle des personnes en provenance de pays tiers.

2.3.1.

La persistance des contrôles insuffisants réalisés à l’heure actuelle aux frontières extérieures ou la réintroduction de nouveaux contrôles internes qui vont contre le cours de l’histoire imposeraient des coûts économiques élevés à l’Union européenne dans son ensemble, tout en nuisant gravement au marché unique, qui est l’une des plus belles réussites de l’intégration européenne.

2.4.

La gestion intégrée des frontières européennes, fondée sur le modèle de contrôle d’accès à quatre niveaux, comprend:

les mesures dans les pays tiers, telles que celles prévues par la politique commune en matière de visas,

les mesures avec les pays tiers voisins,

les mesures pour renforcer et améliorer le contrôle des frontières extérieures,

l’analyse des risques, les mesures s’appliquant à l’espace Schengen et le rapatriement.

2.5.

Après la mise en place initiale d’un réseau composé d’experts nationaux, sous l’égide d’un organe commun d’experts dénommé CSIFA (1) en 2002-2003, s’est ajoutée la création de Frontex (2) qui a permis à une agence européenne de coordination des contrôles aux frontières de voir le jour.

2.6.

En 2016 (3), l’Agence de coordination a été remplacée en s’appuyant sur l’expérience de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes en vue d’améliorer le contrôle des frontières extérieures des États membres et de l’espace Schengen afin:

de rédiger des évaluations de la vulnérabilité de la capacité des États membres en matière de contrôle des personnes aux frontières,

d’organiser des opérations conjointes et des interventions rapides aux frontières afin de renforcer la capacité des États membres à contrôler les frontières extérieures et à relever les défis aux frontières extérieures découlant de l’immigration irrégulière ou de la criminalité organisée,

d’aider la Commission à coordonner les équipes d’appui lorsqu’un État membre est confronté à des pressions migratoires disproportionnées dans des zones spécifiques de ses frontières extérieures,

d’assurer une réponse concrète en cas de situation nécessitant une action urgente aux frontières extérieures,

de fournir une assistance technique et opérationnelle en vue de soutenir les opérations de recherche et de sauvetage de personnes en détresse en mer lors des opérations de surveillance des frontières,

de contribuer à la création d’une réserve d’intervention rapide d’au moins 1 500 garde-frontières,

de désigner des officiers de liaison de l’Agence dans les États membres,

d’organiser, de coordonner et de mener des opérations de retour et des interventions en matière de retour,

de promouvoir la coopération opérationnelle entre les États membres et les pays tiers en matière de gestion des frontières.

2.7.

Depuis sa création en octobre 2016, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes est devenue un centre névralgique de l’Union européenne en matière de rapatriements (4), qui est en mesure de soutenir efficacement les États membres dans le cadre du retour des personnes qui ne sont pas autorisées à séjourner dans l’Union européenne.

2.8.

Le Parlement a fait état de ses préoccupations à ce sujet dans diverses résolutions et a «exprimé sa vive inquiétude en ce qui concerne la mise en œuvre du règlement (UE) 2016/1624 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes»; il a également insisté «pour que les opérations polyvalentes soient menées par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes pour répondre aux besoins de moyens de recherche et de sauvetage maritime» (5) et pour que soit mise en place une véritable stratégie de gestion intégrée des frontières.

2.9.

Le Comité a adopté une résolution (6) pour la sauvegarde de l’espace Schengen dans laquelle il invite le Conseil et les États membres à garantir l’exercice de la libre circulation et a souligné, dans un avis distinct (7), que le renforcement de Frontex devait «s’accompagner d’une amélioration de la transparence en ce qui concerne sa gouvernance, ses actions et sa capacité à rendre des comptes».

2.10.

Le CESE a également mis en exergue (8) la nécessité «d’améliorer la collaboration entre l’agence Frontex et les autorités nationales», ainsi que «la coordination entre les différentes agences et institutions qui sont compétentes en matière de frontières, de surveillance des côtes, de sécurité maritime, de sauvetage en mer, de douanes et de pêche», et a souligné que la proposition visant à améliorer «la gestion des frontières extérieures gagnerait à être adoptée parallèlement à une refonte du régime d’asile européen commun».

2.11.

«Quand des personnes se trouvent en situation de risque pour leur vie ou leur sécurité aux frontières extérieures de l’Union, qu’elles soient maritimes ou terrestres, la première obligation des garde-frontières et des autres instances qui opèrent sur place est de les sauver et de les assister de manière appropriée» (9).

2.12.

À l’instar du programme de l’Union européenne en matière de migration et du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (10), le CESE insiste fortement sur la nécessité d’améliorer la gestion des migrations en luttant contre les «causes profondes qui poussent les personnes à chercher une vie meilleur ailleurs».

3.   Les propositions de la Commission

3.1.

La proposition de la Commission européenne vise à réformer le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes en mettant en place les nouvelles capacités de l’Agence, en particulier en prévoyant un corps permanent de garde-frontières et de garde-côtes européens et l’acquisition de ses propres équipements, notamment pour s’acquitter de manière adéquate de ses autres missions, qu’elles soient nouvelles ou étendues.

3.2.

Sur la base des coûts totaux du mandat actuel et du futur mandat qui s’élèveront à 1,22 milliard d’EUR pour la période 2019-2020 et à 11,27 milliards d’EUR pour la période 2021-2027, la Commission propose la création d’un corps permanent de garde-frontières et de garde-côtes européens (EBCG) (11), doté de pouvoirs exécutifs et d’un personnel opérationnel de 10 000 membres d’ici à 2020, afin de doter l’Agence de son propre bras opérationnel, efficace et flexible, de manière à pouvoir moduler son engagement en fonction des besoins des opérations.

3.3.

La création du corps permanent devrait s’inscrire dans le cadre d’un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes qui fonctionne bien, au sein duquel les États membres, l’Union et les agences de l’Union européenne (12), en particulier l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, devraient être bien coordonnés et contribuer à la réalisation d’objectifs politiques communs et partagés.

3.4.

Les propositions excluent le Royaume de Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni de leur champ d’application (sauf possibilités éventuelles de coopération à définir), tandis que leur application serait suspendue en ce qui concerne Gibraltar. Par contre, elles s’étendraient à l’Islande, au Royaume de Norvège, à la Confédération helvétique et à la Principauté de Liechtenstein, dans le prolongement des règles de Schengen.

4.   Observations générales

4.1.

Le Comité est convaincu que dans un espace de libre circulation, les frontières extérieures doivent être considérées comme des frontières communes et que toute personne qui entre dans une partie du territoire de l’Union entre dans l’espace commun de liberté, de sécurité et de justice, avec tous les droits et obligations que cela implique.

4.2.

Le CESE considère que l’on a trop tardé à mettre en œuvre un système intégré de gestion des frontières extérieures, comme le prévoit l’article 77, paragraphe 2, point d), du TFUE, qui soit cohérent avec une définition partagée par tous les États membres et que l’on ne peut différer.

4.3.

Le Comité approuve l’objectif de doter l’Agence de son propre bras opérationnel cohérent, qui devrait permettre à l’Union européenne de disposer des capacités nécessaires pour protéger ses frontières extérieures, prévenir les mouvements secondaires et mettre effectivement en œuvre le retour des migrants en situation irrégulière.

4.4.

Le Comité a été la première institution à proposer la création d’un corps européen de garde-frontières (13) et partage pleinement cet objectif afin de sécuriser les frontières extérieures, avec un corps permanent et une gestion européenne efficace des frontières extérieures. Dans un esprit de responsabilité partagée, l’Agence devrait jouer un rôle de suivi régulier de la gestion des frontières extérieures, non seulement par la connaissance de la situation et l’analyse des risques, mais aussi par la présence d’experts dans les États membres appartenant à son personnel.

4.5.

Le CESE considère que, lorsque des défis particuliers et disproportionnés se présentent aux frontières extérieures, l’Agence devrait être en mesure, à la demande de l’État membre concerné, d’agir en organisant et en coordonnant des interventions rapides aux frontières par l’envoi (en accord et en concertation avec l’État concerné, qui doit conserver la responsabilité de la gestion de la partie des frontières extérieures qui relève de son autorité) d’équipes du corps permanent de garde-frontières et de garde-côtes.

4.6.

Tout en jugeant utiles les interventions individuelles de l’Agence, sur la base d’une décision de la Commission, «dans des situations d’urgence et conformément à une procédure transparente qui prévoie d’informer immédiatement les législateurs européens» (14), il juge prématuré — en l’absence d’un cadre défini et partagé par tous les États membres sur une politique de l’Union en matière de migration et d’aide au développement dans les pays d’émigration — la délégation permanente à la Commission du pouvoir d’adopter des actes de définition autonome des priorités politiques et des orientations stratégiques pour la gestion intégrée des frontières.

4.7.

Le Comité convient par contre de l’opportunité d’attribuer des compétences d’exécution à la Commission en ce qui concerne les manuels EUROSUR et FADO, les règles communes concernant les tableaux de situation, la gestion des risques et le soutien financier au corps permanent.

4.8.

Selon le CESE, le cycle stratégique pluriannuel pour la gestion européenne intégrée des frontières devrait être défini par le Parlement européen et le Conseil, après consultation du Comité, tandis que la planification annuelle devrait être déléguée aux garde-frontières et aux garde-côtes, conformément à une feuille de route définie par le conseil d’administration de l’Agence et sous réserve que celle-ci rende compte chaque année sur les actions réalisées, les budgets engagés et les missions effectuées.

4.9.

Le Comité estime qu’il est important de renforcer le forum consultatif pour assister le directeur exécutif et le conseil d’administration de l’Agence sur les questions relatives aux droits fondamentaux et à la mise en œuvre du cycle stratégique pluriannuel avec la participation du Bureau d’appui européen en matière d’asile (EASO), de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et d’autres organisations concernées, et demande d’associer la société civile organisée aux activités du forum par l’intermédiaire du CESE.

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE recommande vivement d’approfondir les mécanismes de contrôle prévus à l’annexe V en ce qui concerne l’usage des armes à feu ainsi que le refus ou l’octroi de visas à la frontière, car il s’agit dans les deux cas de prérogatives importantes des administrations des États membres chargées de l’ordre public.

5.1.1.

Une attention similaire devrait être accordée aux annexes III et V, de manière à veiller à la cohérence entre les règles nationales et européennes en vue d’éviter que des personnes qui seraient au même endroit, disposant de compétences et de qualifications identiques, mais avec des règles d’engagement distinctes, n’agissent de manière différente.

5.2.

Le niveau des obligations dans les États membres, notamment en ce qui concerne la confidentialité, devrait être explicitement garanti.

5.3.

Le CESE estime que, compte tenu de la coexistence de différents corps d’agents aux frontières, à savoir les douanes, les services phytosanitaires, des finances, de l’immigration et de rapatriement, de l’intermédiation culturelle, les agents chargés du respect des droits fondamentaux, le personnel de l’EASO, les agents de l’ETIAS, les analystes d’Eurosur, les officiers de liaison, ainsi que les garde-frontières nationaux et de l’agence, il est indispensable de prévoir des programmes européens de formation permanente qui soient communs aux différents corps et agences (15).

5.4.

Il convient également de veiller à ce qu’il n’y ait pas de discrimination en ce qui concerne le traitement et les conditions de travail entre le corps de l’Agence et les corps nationaux, qui sont amenés à effectuer des tâches identiques en disposant de la même formation, des mêmes compétences et des mêmes qualifications.

5.5.

En ce qui concerne la coopération internationale, le Comité recommande d’établir un lien étroit entre les mesures prévues dans la proposition de règlement et les autres politiques pertinentes, ainsi qu’avec les mesures intervenant dans le contexte des accords économiques et commerciaux et, en particulier, dans le cadre du dialogue entre l’Union européenne et les pays ACP en lien avec l’accord de Cotonou.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Le Comité stratégique sur l’immigration, les frontières et l’asile (CSIFA).

(2)  Institué par le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil (JO L 349 du 25.11.2004, p. 1), modifié par les règlements (CE) no 863/2007 (JO L 199 du 31.7.2007, p. 30), (UE) no 1168/2011 (JO L 304 du 22.11.2011, p. 1) et (UE) no 1052/2013 (JO L 295 du 6.11.2013, p. 11) du Parlement européen et du Conseil.

(3)  Règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil (JO L 251 du 16.9.2016, p. 1), entré en vigueur le 6 octobre 2016.

(4)  Jusqu’à présent, l’Union européenne a conclu 17 accords de réadmission. L’accord de Cotonou (qui encadre les relations de l’Union européenne avec 79 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) comprend également des dispositions relatives au retour des migrants en situation irrégulière dans leur pays d’origine.

(5)  Règlement (UE) no 656/2014 du Parlement européen et du Conseil (JO L 189 du 27.6.2014, p. 93).

(6)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 1.

(7)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 109.

(8)  Voir note 7.

(9)  Ibid.

(10)  https://www.iom.int/global-compact-migration

(11)  European Border and Coast Guard.

(12)  Notamment l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM), l’Agence européenne de contrôle des pêches (AECP) et le Centre satellitaire de l’Union européenne, Europol ou l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA).

(13)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 29, JO C 303 du 19.8.2016, p. 109; avis du CESE sur le thème «Fonds “Asile et migration” (FAM) et Fonds pour la gestion intégrée des frontières» (SOC/600, JO C 62 du 15.2.2019, p. 184).

(14)  Voir note 7.

(15)  L’article 69 prévoit la coopération de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes avec 12 autres agences et services de l’Union.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/67


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne»

Une contribution de la Commission européenne à la réunion des dirigeants à Salzbourg les 19 et 20 septembre 2018

[COM(2018) 640 final — 2018-0331 (COD)]

(2019/C 110/13)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Consultation

Conseil européen, 24.10.2018

Parlement européen, 22.10.2018

Base juridique

Article 114, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Décision du Bureau

11.12.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

126/0/3

1.   Conclusions et propositions

1.1.

Le CESE accueille favorablement l’initiative visant à accroître la sécurité des habitants de l’Union européenne: toutefois, dans le cadre du débat entre la sécurité et la liberté, le Comité a toujours plaidé en faveur de la nécessaire protection des libertés, notamment de la liberté d’expression, de l’accès à l’information et à la communication, du secret des communications, ainsi que de l’accès à un recours effectif et à une procédure équitable et sans retard.

1.2.

Les attentats terroristes perpétrés récemment sur le territoire de l’Union ont montré comment les terroristes se servent des réseaux sociaux pour recruter des sympathisants et les préparer. Les terroristes utilisent des modes de communication cryptés pour planifier et faciliter leurs activités et se servent de la toile pour glorifier leurs atrocités et exhorter d’autres à leur emboîter le pas et à semer la peur parmi le grand public.

1.3.

Le CESE demande que soient précisés de manière aussi détaillée que possible les critères retenus pour définir certaines notions juridiques vagues telles que «informations terroristes», «actes de terrorisme», «groupes terroristes», «apologie du terrorisme».

1.4.

Les contenus à caractère terroriste partagés en ligne à de telles fins, qui sont diffusés par des fournisseurs de services d’hébergement permettant le chargement de contenus de tiers, ont joué un rôle essentiel pour radicaliser certains «loups solitaires» et pour les inciter à passer à l’action, comme ce fut le cas lors de plusieurs attentats terroristes perpétrés en Europe.

1.5.

Les dispositifs technologiques de prévention (paramètres automatisés, algorithmes, moteurs de recherche, etc.) sont très utiles. Toutefois, si l’on veut évaluer de manière adéquate les contenus, l’intervention du facteur humain est essentielle pour assurer une fonction de médiation et d’intermédiation.

1.6.

Le CESE souligne la nécessité de lutter contre la diffusion des informations terroristes et le recrutement par voie numérique sur les médias sociaux. Dans le même ordre d’idées, il convient de lutter contre la censure ou l’autocensure de l’internet. Le Comité souligne qu’il est essentiel, dans le domaine de l’internet, de veiller à ce que tous les habitants de l’Union européenne disposent d’un droit effectif à l’information et à la liberté d’opinion.

1.7.

La protection de l’internet et la lutte contre les groupes radicaux devraient contribuer à renforcer la confiance dans l’internet et, partant, garantir le développement économique de cette branche de l’économie.

1.8.

Le CESE attire l’attention sur la nécessité d’évaluer les effets de la mise en œuvre de cette proposition sur les petites et moyennes entreprises, ainsi que sur la possibilité de modalités d’application transitoires qui aident les PME à s’adapter et n’affectent pas la libre concurrence au profit des grands opérateurs.

1.9.

Les mesures réglementaires proposées pour protéger l’internet et assurer la protection des jeunes et du public devraient être strictement réglementées par la loi et garantir à tous le droit à l’information et à un recours contre les décisions administratives.

1.10.

Le CESE insiste sur la nécessité que les fournisseurs d’accès soient également évalués et que les gestionnaires de réseaux sociaux adoptent des mesures proactives pour promouvoir la dénonciation et l’intervention directe des associations, des ONG et des usagers contre les contenus en question: ces contre-discours doivent être valorisés afin de pouvoir agir de manière préventive.

1.11.

Il convient de tenir compte du grand nombre de plateformes numériques au niveau européen et de la taille diverse des entreprises, s’agissant de la manière dont les petites entreprises peuvent s’adapter aux dispositions avancées par la proposition.

1.12.

Le CESE insiste pour que les réglementations nationales relatives à l’utilisation ou à la production de contenus à caractère terroriste soient clairement rappelées aux utilisateurs. Il demande également que le droit de recours contre les décisions administratives soit garanti par une énonciation claire de ce droit et des outils en ligne permettant de l’exercer.

2.   Contexte de la proposition

2.1.

L’omniprésence de l’internet permet à ses utilisateurs de communiquer, de travailler, de nouer des contacts, de créer, d’obtenir et de partager des informations et du contenu avec des centaines de millions de personnes dans le monde entier. C’est pourquoi la Commission propose d’établir des mécanismes en vue de prévenir la communication et la diffusion de contenus à caractère terroriste (1).

2.2.

Il est important de distinguer les concepts. Le mot «internet» est trop général, dans la mesure où il s’agit à la fois de la toile (web) et d’autres réseaux sociaux tels que le darknet. Il englobe également l’internet des objets, qui constituent des failles de sécurité évidentes en cas de guerre électronique. Par exemple, les recruteurs de l’État islamique communiquent désormais plus facilement au moyen de consoles de jeux en ligne que par l’intermédiaire de la toile. L’expression «préparer et faciliter les activités terroristes» ne s’applique pas à l’internet, ni aux médias sociaux, mais au darknet. En outre, les grandes entreprises de l’internet que sont les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) n’ont pas d’activités sur le darknet ou sur les réseaux cryptés.

2.3.

Toutefois, la capacité d’atteindre ce large public à un coût minime attire également les criminels désireux d’utiliser abusivement l’internet à des fins illicites. Les attentats terroristes perpétrés récemment sur le territoire de l’Union ont montré comment les terroristes abusent de l’internet pour faire des émules et recruter des sympathisants, pour préparer et faciliter des activités terroristes, pour faire l’apologie de leurs atrocités et pour exhorter d’autres à leur emboîter le pas et à semer la peur parmi le grand public.

2.4.

Il est vrai que le Forum de l’Union européenne sur l’internet a réuni différents acteurs, mais, d’une part, tous les fournisseurs de services d’hébergement concernés n’y ont pas participé et, d’autre part, l’ampleur et la vitesse des progrès accomplis par les fournisseurs de services d’hébergement dans leur ensemble ne sont pas suffisants pour apporter une réponse adéquate à ce problème. Un effort particulier devrait être consenti afin de dispenser une formation adéquate aux modérateurs au sein des réseaux sociaux.

2.5.

Les contenus à caractère terroriste partagés en ligne à de telles fins, qui sont diffusés par des fournisseurs de services d’hébergement permettant le chargement de contenus de tiers, ont joué un rôle essentiel pour radicaliser certains «loups solitaires» et pour les inciter à passer à l’action, comme ce fut le cas lors de plusieurs attentats terroristes perpétrés en Europe. C’est également parmi les tranches les plus jeunes de la population que l’on a constaté la plus grande influence.

3.   Résumé et observations générales sur la proposition de règlement

3.1.

Le CESE a déjà défini sa position sur les contenus illicites en ligne (2). L’initiative de la Commission à l’examen traite de manière spécifique des contenus à caractère terroriste sur internet.

3.2.

Le champ d’application personnel de la proposition inclut les fournisseurs de services d’hébergement qui proposent leurs services dans l’Union, quels que soient leur lieu d’établissement ou leur taille.

3.3.

Le CESE estime qu’il conviendrait d’y adjoindre les fournisseurs d’informations, les moteurs de recherche et les sites ou réseaux d’hébergement.

3.4.

Les petites et moyennes entreprises de l’internet ne disposent pas des capacités techniques, humaines et financières nécessaires pour agir efficacement contre les contenus à caractère terroriste. Le CESE considère qu’il y a lieu d’adapter les délais et les procédures à ce type d’entreprise. Un délai pourrait être accordé aux petites et moyennes entreprises pour la mise en œuvre du règlement.

3.5.

Il convient également de valoriser les mesures préventives et proactives prises par les ONG, les syndicats et la société civile au sens large.

3.6.

Afin d’assurer l’élimination des contenus à caractère terroriste, le règlement introduit une injonction de suppression qui peut être émise à titre de décision administrative ou judiciaire par une autorité compétente d’un État membre. Dans de tels cas, le fournisseur de services d’hébergement est tenu de supprimer les contenus ou d’en bloquer l’accès dans un délai d’une heure.

3.7.

La définition du contenu terroriste peut changer selon chaque pays. Il est donc important de la préciser afin d’éviter l’arbitraire et l’insécurité juridique.

3.8.

Le délai d’une heure n’est pas réaliste. En France, par exemple, le délai prévu actuellement entre la notification et le retrait de la source est de 16 heures pour les sites pédophiles et de 21 heures pour les sites terroristes, car la localisation des sites prend beaucoup de temps. Le CESE estime qu’il convient de fixer un délai plus réaliste et plus efficace.

3.9.

Le règlement à l’examen impose, le cas échéant, aux fournisseurs de services d’hébergement de prendre des mesures proactives proportionnées au niveau de risque et de supprimer le matériel terroriste de leurs services, y compris en déployant des outils de détection automatisés. Ce point est essentiel, et nous devons appeler à un effort d’innovation technologique et le soutenir pour pouvoir mettre en place des outils de ce type.

3.10.

La Commission préconise, entre autres moyens, l’utilisation d’outils de détection automatisés et les entreprises sont invitées à fournir des efforts significatifs pour soutenir la recherche en vue de la mise en place d’outils technologiques appropriés.

3.11.

Dans le cadre des mesures visant à protéger les contenus non terroristes contre un retrait erroné, la proposition prévoit des obligations en matière de mise en place de dispositifs de recours et de réclamation pour permettre aux utilisateurs de contester la suppression de leurs contenus. En outre, le règlement instaure des obligations relatives à la transparence des mesures prises à l’encontre des contenus terroristes par les fournisseurs de services d’hébergement, afin de garantir que ces derniers assument leurs responsabilités à l’égard des utilisateurs, des citoyens et des pouvoirs publics.

3.12.

L’accent devrait être mis non seulement sur les efforts à réaliser en matière de contrôle et de rapport sur les contenus, mais aussi sur le travail de médiation humaine et technologique. La question de la censure exercée par des médiateurs humains peut s’avérer très préoccupante du point de vue du respect des droits des travailleurs, ainsi que de l’application des règles de droit à l’information et de protection de la vie privée de l’ensemble de la population de l’Union européenne.

3.13.

Le CESE est d’avis que le fournisseur doit notifier le propriétaire du site internet ou les informations qu’il entend censurer. Il convient de rappeler que les personnes ont le droit d’être informées d’une décision administrative.

3.14.

Afin de garantir ce droit, le CESE invite les fournisseurs d’accès à indiquer les droits et obligations des clients dans leurs politiques relatives aux contenus, notamment la manière dont les producteurs d’informations sont informés des décisions de retrait et des moyens juridiques à la disposition des clients.

4.   Explication des dispositions de la proposition

4.1.

La propagande terroriste en ligne vise à inciter les individus à commettre des attentats terroristes, notamment en leur donnant des instructions détaillées sur la manière d’infliger un préjudice maximal. Une propagande supplémentaire est généralement mise en ligne après ces atrocités, dans laquelle les terroristes font l’apologie de ces actes et encouragent d’autres à suivre cet exemple. Le règlement à l’examen contribue à la protection de la sécurité publique en réduisant l’accessibilité des contenus à caractère terroriste qui promeuvent et encouragent la violation des droits fondamentaux.

4.2.

S’agissant des définitions, la proposition indique qu’aux fins du règlement à l’examen, on entend par:

«fournisseur de services d’hébergement», un fournisseur de services de la société de l’information qui consistent à stocker des informations fournies par le fournisseur de contenus à la demande de celui-ci et à mettre ces informations à la disposition de tiers (3);

«fournisseur de contenus», un utilisateur qui a fourni des informations stockées (ou l’ayant été), à sa demande, par un fournisseur de services d’hébergement (4);

le CESE propose d’insérer un nouveau point, à savoir:

«fournisseurs d’informations»: moteurs de recherche permettant d’identifier un contenu et d’y accéder.

4.3.

S’agissant de la définition des «contenus à caractère terroriste», la proposition de règlement mentionne un ou plusieurs des éléments suivants:

a)

provoquent à la commission d’infractions terroristes, ou font l’apologie de telles infractions, y compris en les glorifiant, ce qui entraîne un risque que de tels actes soient commis;

b)

encouragent la participation à des infractions terroristes;

c)

promeuvent les activités d’un groupe terroriste, notamment en encourageant la participation ou le soutien à un groupe terroriste au sens de l’article 2, paragraphe 3, de la directive (UE) 2017/541;

d)

fournissent des instructions sur des méthodes ou techniques en vue de la commission d’infractions terroristes (5);

le CESE propose d’insérer un nouveau point, à savoir:

recrutent et préparent des personnes en vue de commettre ou de faciliter des actes terroristes.

4.4.

La définition des contenus à censurer est très courte, car la propagande mise en œuvre dans de nombreux textes, images, vidéos et autres contenus et formats ne fait pas l’apologie du terrorisme, parce qu’elle ne vise pas à commettre des actes concrets, mais est destinée à faciliter ou glorifier une doctrine extrémiste qui conduit à la violence.

4.5.

Le règlement participe également à la lutte contre les entreprises qui, par leurs activités, alimentent et prônent des doctrines extrémistes qui conduisent à la violence. Il doit également favoriser la lutte conte les activités de recrutement de personnes sur les réseaux sociaux.

4.6.

L’article premier définit l’objet, en indiquant que le règlement instaure des règles visant à empêcher l’utilisation abusive de services d’hébergement pour la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste, y compris des obligations de vigilance incombant aux fournisseurs de services d’hébergement et des mesures à mettre en place par les États membres.

4.7.

Il convient de remplacer le terme d’utilisation abusive de services d’hébergement pour la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste, en y ajoutant la diffusion de contenus, de messages ou de moyens de propagande et l’indication d’URL et d’informations permettant d’accéder à des contenus ou à des messages terroristes, car cela impliquera également les moteurs de recherche.

4.8.

L’article 5 prévoit l’obligation pour les fournisseurs de services d’hébergement de mettre en place des mesures visant à procéder sans délai à une évaluation des contenus faisant l’objet d’une injonction émanant soit d’une autorité compétente d’un État membre, soit d’un organe de l’Union, sans toutefois imposer l’obligation de supprimer les contenus signalés, ni fixer de délais précis pour agir.

4.9.

De l’avis du CESE, si nous voulons être efficaces, nous devons commencer dans l’intérêt de la sécurité juridique par élaborer une liste — fermée — de critères pour définir les types de contenus et de messages qui sont de nature terroriste ou qui prônent le terrorisme, afin d’éviter les décisions arbitraires en matière de retrait de contenus et de protéger également le droit à l’information et la liberté d’opinion. Ce règlement devrait également comprendre les critères nécessaires pour définir au niveau européen les contenus en cause tels que les informations sur les groupes terroristes, les informations prônant le terrorisme ou justifiant des actes terroristes, les informations techniques ou méthodologiques facilitant la fabrication d’armes susceptibles d’être utilisées pour des attentats ou les appels lancés à des fins de recrutement.

4.10.

L’article 14 prévoit l’établissement de points de contact tant par les fournisseurs de services d’hébergement que par les États membres afin de faciliter la communication entre eux, en particulier en ce qui concerne les signalements et les injonctions de suppression. Dans l’intérêt de la sécurité des droits de l’homme concernés, le CESE estime que ces points de contact devraient comprendre des juges spécialisés dans l’identification des problèmes de cette nature et formés non seulement à la détection des attitudes, comportements ou actions terroristes, mais également dans le domaine des compétences technologiques. Ces qualités doivent être exigées aussi bien des fournisseurs de services d’hébergement que des personnes désignées par les États membres de manière à faciliter la communication entre eux, en particulier en ce qui concerne les signalements et les injonctions de suppression.

4.11.

Le règlement devrait préciser l’obligation pour les prestataires de services d’hébergement de fournir des informations accessibles à tous pour le bon fonctionnement des points de contact, ainsi que définir le contenu et la forme de la communication avec les membres de ces points.

4.12.

L’article 16 impose aux fournisseurs de services d’hébergement n’ayant pas d’établissement dans un État membre, mais offrant des services dans l’Union européenne, de désigner un représentant légal dans l’Union. Pour le CESE, il est nécessaire que cette exigence soit étendue aux fournisseurs d’accès et aux industries de l’internet pour y inclure les moteurs de recherche, les médias sociaux, les applications internet par téléphone, les entreprises du secteur des jeux, etc.

4.13.

Les fournisseurs de services d’hébergement sur l’internet jouent un rôle essentiel dans l’économie numérique en mettant en relation les entreprises et les citoyens et en facilitant le débat public ainsi que la diffusion et la réception d’informations factuelles, d’opinions et d’idées, et contribuent de manière significative à l’innovation, à la croissance économique et à la création d’emplois dans l’Union. Le CESE estime que le champ d’application devrait également être étendu aux fournisseurs de services internet, aux services d’hébergement de contenus, aux réseaux sociaux numériques et aux entreprises fournissant des services de téléphonie numérique.

4.14.

La proposition de règlement énonce un certain nombre de mesures à mettre en place par les États membres pour identifier les contenus à caractère terroriste de manière à permettre leur suppression rapide par les prestataires de services d’hébergement et faciliter la coopération avec les autorités compétentes des autres États membres, les prestataires de services d’hébergement et, le cas échéant, les organes compétents de l’Union. Pour le CESE, ce dispositif a vocation à limiter les contenus à caractère terroriste, afin de permettre leur suppression rapide par les fournisseurs de services d’hébergement et de réduire les activités de propagande et de recrutement des terroristes sur l’internet.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 640 final.

(2)  JO C 237 du 6.7.2018 p. 19.

(3)  COM(2018) 640 final, article 2, paragraphe 1.

(4)  COM(2018) 640 final, article 2, paragraphe 2.

(5)  COM(2018) 640 final, article 2, paragraphe 5.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/72


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 en ce qui concerne une procédure de vérification relative aux infractions aux règles en matière de protection des données à caractère personnel dans le contexte des élections au Parlement européen»

[COM(2018) 636 final — 2018/0328 (COD)]

(2019/C 110/14)

Rapporteure générale:

Marina YANNAKOUDAKIS

Saisine

Parlement européen, 1.10.2018

Conseil, 24.10.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Décision du Bureau

16.10.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

109/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE souscrit à la position de la Commission européenne quant à la nécessité de ce règlement, eu égard à la récente affaire Facebook/Cambridge Analytica concernant le traitement présumé illicite de données à caractère personnel.

1.2.

Le CESE reconnaît que dans le monde actuel, l’évolution technologique, les réseaux sociaux et le stockage des données à caractère personnel par les entreprises dans l’ensemble de l’Union européenne sont une réalité. La nécessité de ces outils n’est pas remise en question dans la mesure où nous évoluons dans un monde globalisé de haute technologie. Le défi consiste à progresser de manière à protéger les citoyens de l’Union européenne et veiller à leur garantir la transparence et la libre jouissance de leurs droits humains fondamentaux.

1.3.

L’utilisation des données et les médias sociaux ont fondamentalement modifié la manière dont les partis politiques mènent leurs campagnes électorales, en leur permettant de cibler les électeurs potentiels. Cela s’est traduit par une offensive plus large sur les réseaux sociaux, utilisés comme un moyen d’influencer les intentions de vote. Le CESE attend de l’Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes (1) («l’Autorité») qu’elle examine les domaines dans lesquels des atteintes au droit à la protection des données sont susceptibles de se produire, propose des solutions pour y mettre un terme et mette en place des mécanismes de contrôle et de contrepoids pour garantir la protection des données et l’utilisation de données sur la base de paramètres bien définis.

1.4.

Le CESE soutient les objectifs de la proposition, reconnaissant que la démocratie est l’une des valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union européenne est fondée; afin de garantir le fonctionnement d’une démocratie représentative au niveau européen, les traités disposent que les citoyens de l’Union européenne sont directement représentés au Parlement européen.

1.5.

Cette représentation repose sur l’élection de personnes choisies par les partis politiques ou d’individus dans les États membres. Les plateformes électorales ont évolué ces dix dernières années, dans la mesure où les réseaux sociaux ont gagné en importance. La Commission européenne doit désormais tenir compte de cette évolution, et l’Autorité, dotée d’effectifs plus nombreux, constitue l’un des moyens de garantir la protection des données à caractère personnel, afin que celles-ci ne soient pas détournées à des fins politiques. Dans ce contexte, il y a lieu de veiller en priorité à ce que les participants aux élections soient sur un pied d’égalité et à ce qu’aucun groupe ne puisse avoir l’avantage en utilisant des données.

1.6.

Cependant, pour que l’Autorité fonctionne correctement, ses pouvoirs et ses compétences doivent être clairement définis. À l’heure actuelle, les autorités de protection des données des États membres sont chargées d’éviter tout détournement des données par les partis politiques. Les modalités de la coopération entre l’Autorité et les autorités nationales de protection des données doivent être définies de manière appropriée. En outre, dans un grand nombre d’États membres, les autorités chargées de la protection des données disposent de ressources limitées, et la Commission devrait envisager leur financement afin de leur permettre de collaborer avec l’Autorité.

1.7.

Le CESE a attiré l’attention sur les problèmes éventuels d’utilisation abusive de données dans son avis sur la protection des données à caractère personnel (2) et y abordait les différents sujets de préoccupation.

1.8.

Le CESE est favorable à l’augmentation des effectifs de l’Autorité, car il estime qu’elle pourra ainsi mieux travailler avec les États membres, par l’intermédiaire des autorités chargées de la protection des données, afin de veiller à ce que toute infraction aux règles de protection des données fasse l’objet d’une enquête et que des sanctions soient appliquées le cas échéant.

1.9.

Le CESE reconnaît que la procédure pour les élections au Parlement européen est régie par le droit interne de chaque État membre, dans un cadre européen. Le CESE espère également que les infractions aux règles de protection des données seront portées à l’attention de l’Autorité par les autorités nationales de protection des données ou par les parties concernées.

2.   Contexte du présent avis

2.1.

Des événements récents ont mis en évidence le risque que les citoyens soient visés par des campagnes massives de désinformation en ligne dans le but de discréditer et de délégitimiser des élections. L’on pense également que des données à caractère personnel ont été utilisées de manière abusive et illégale pour influencer le débat démocratique et les élections libres.

2.2.

Le règlement général sur la protection des données (RGPD), fixant des règles strictes pour le traitement et la protection des données à caractère personnel, est entré en vigueur en mai 2018. Il s’applique à tous les partis politiques européens et nationaux et aux autres intervenants dans le contexte électoral, y compris les courtiers en données et les réseaux sociaux.

2.3.

Dans la perspective des élections au Parlement européen de 2019, la Commission européenne a proposé un certain nombre de modifications ciblées du règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes (3), en vue de garantir que les élections se déroulent selon des règles démocratiques strictes et dans le plein respect des valeurs européennes de démocratie, d’état de droit et de respect des droits fondamentaux.

2.4.

En particulier, les modifications proposées visent à permettre que des sanctions financières soient infligées aux fondations ou aux partis politiques européens qui enfreignent les règles de protection des données afin d’influencer ou de tenter d’influencer le résultat des élections. Ces sanctions s’élèveraient à 5 % du budget annuel du parti politique européen ou de la fondation européenne en question. Les sanctions seront appliquées par l’Autorité. En outre, les auteurs d’infractions ne pourront pas demander de financement par le budget général de l’Union européenne dans l’année au cours de laquelle la sanction a été infligée.

2.5.

La proposition établit en outre une procédure visant à vérifier si une violation de la protection des données constatée par une autorité nationale de contrôle de la protection des données a été utilisée pour influencer les résultats des élections du PE, avec l’aide d’un «comité de personnalités éminentes indépendantes» agissant à la demande de l’Autorité. Le comité de personnalités éminentes indépendantes est institué par l’article 11 du règlement. Il est composé de six experts désignés par la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil, mais qui ne sont pas employés par ces derniers.

2.6.

Afin de garantir que l’Autorité soit dotée d’effectifs suffisants pour accomplir ses missions en toute indépendance et de manière efficace, il est en outre proposé qu’elle recrute sept personnes supplémentaires (en plus des trois personnes, directeur compris, qu’elle emploie actuellement).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE soutient les objectifs de la proposition et reconnaît que la démocratie est l’une des valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union européenne est fondée. Afin de garantir le fonctionnement d’une démocratie représentative au niveau européen, les traités disposent que les citoyens de l’Union sont directement représentés au Parlement européen. Dans ce contexte, il est crucial que ses citoyens soient en mesure d’exercer leur droit démocratique sans obstacle ni contrainte. Toute ingérence dans cette liberté de choix pendant le processus électoral est antidémocratique et inacceptable.

3.2.

Le CESE reconnaît que l’utilisation de données à caractère personnel pendant les campagnes électorales est en augmentation. Lors des élections de 2017, au Royaume-Uni, plus de 40 % des dépenses publicitaires des candidats ont été consacrées à des campagnes numériques. Dans ces conditions, la tentation d’utiliser des données à caractère personnel pour cibler certains groupes est compréhensible. Cependant, le partage de données à caractère personnel à l’insu de la personne concernée est inacceptable et constitue une violation fondamentale des droits de l’homme.

3.3.

Le développement de la toile, la vitesse de transmission des informations et les implications au niveau mondial exigent une approche ferme à l’égard de la sécurité des données stockées. Le RGPD prévoit des règles rigoureuses à cette fin. En particulier, les données à caractère personnel doivent être traitées de manière licite et loyale. En l’état actuel des choses, les partis politiques peuvent utiliser les données de manière licite dans le cadre des règles fixées par le RGPD, dans certaines conditions. Le démarchage politique est devenu plus dépendant des médias sociaux. Il ne serait pas nécessairement utile au processus démocratique de tenter de mettre un terme à ces pratiques, car cela limiterait les moyens dont disposent les partis politiques pour informer les électeurs potentiels de leur programme.

3.4.

Le CESE reconnaît la souveraineté des États membres en matière électorale, et la Commission doit œuvrer dans le respect de cette dernière. La sanction des partis politiques nationaux relevant de la compétence des États membres, l’Union européenne ne peut pas légiférer dans ce domaine. Par conséquent, l’Union ne peut que proposer des mesures visant à sanctionner les partis politiques au niveau européen. À cet effet, la Commission propose de modifier le règlement régissant leur statut et leur financement. Cela permettra de renforcer le pouvoir des conclusions de l’Autorité lorsqu’une utilisation abusive des données a été prouvée.

4.   Observations particulières et recommandations

4.1.

Le CESE reconnaît que l’Autorité est actuellement en sous-effectif. Son directeur et ses deux membres du personnel ont déjà une charge de travail très élevée et les prochaines élections européennes ne feront qu’accroître la pression qui pèse sur eux. Le CESE soutient dès lors la proposition relative à l’affectation d’un personnel permanent propre à l’Autorité en attribuant à son directeur la fonction d’autorité investie du pouvoir de nomination, car il est essentiel qu’elle dispose de ressources humaines suffisantes pour surveiller correctement les élections.

4.2.

L’utilisation des données et les médias sociaux ont fondamentalement modifié la manière dont les partis politiques mènent leurs campagnes électorales, en leur permettant de cibler les électeurs potentiels. Cela s’est traduit par une offensive plus large sur les réseaux sociaux, utilisés comme un moyen d’influencer les intentions de vote. Le CESE attend de l’Autorité qu’elle examine les domaines dans lesquels des atteintes au droit à la protection des données sont susceptibles de se produire, propose des solutions pour y mettre un terme et mette en place des mécanismes de contrôle et de contrepoids pour garantir la protection des données et l’utilisation de données sur la base de paramètres bien définis.

4.3.

Le CESE suggère qu’il soit précisé ce que l’on entend exactement par «tirer parti d’infractions aux règles de protection des données pour […] tenter d’influencer les élections au Parlement européen». Il conviendrait d’envisager la création d’un groupe de travail composé de représentants des autorités nationales de protection des données et de l’Autorité, en vue de définir des bonnes pratiques de travail entre l’Autorité et les autorités nationales, la protection des données ne connaissant pas de frontières au sein de l’Union européenne.

4.4.

Le directeur de l’Autorité est nommé suivant la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 3, du règlement. Il est indépendant et n’est pas responsable devant les institutions de l’Union. Il est tenu de présenter un rapport annuel à la Commission européenne et au Parlement européen, et il pourrait être prudent de donner au Parlement le pouvoir de contester ce rapport et de le soumettre au vote. Cela permettrait de garantir une certaine responsabilité de l’Autorité et une plus grande transparence du processus.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  www.appf.europa.eu

(2)  JO C 248 du 25.8.2011, p. 123.

(3)  JO L 317 du 4.11.2014, p. 1.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/75


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds européen de la défense»

[COM(2018) 476 final]

(2019/C 110/15)

Rapporteur:

Aurel Laurenţiu PLOSCEANU

Corapporteur:

Éric BRUNE

Saisine du Comité

Parlement européen, 2.7.2018

Conseil, 4.7.2018

Décision du Bureau du Comité

10.7.2018

Base juridique

Article 173, paragraphe 3, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

22.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

200/1/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

De l’avis du Comité économique et social européen (CESE), il est impératif que la stratégie globale de l’Union européenne et le plan de mise en œuvre en matière de sécurité et de défense soient déployés de manière cohérente, en conformité avec les dispositions de la déclaration commune UE-OTAN de juillet 2016 et avec le principe de la sécurité collective des Nations unies.

1.2.

Depuis 2017, le CESE préconise la création d’une Union européenne de la défense (UED) et soutient le plan d’action européen de la défense, y compris la création d’un Fonds européen commun en matière de défense. Le Comité considère que ce renforcement de la défense européenne ne vise pas à affaiblir l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ni les relations transatlantiques, bien au contraire.

1.3.

Le CESE soutient avec force la proposition de règlement établissant le Fonds européen de la défense (FED) au titre du cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027, qui a été publiée par la Commission le 13 juin 2018.

1.4.

Le CESE réclame l’accomplissement de progrès significatifs, sur le plan qualitatif, dans la coopération européenne en matière de défense. En effet, la coopération limitée entre les États membres dans ce domaine est une source de doubles emplois et fait perdurer le net morcellement de l’industrie de la défense. L’intégration insuffisante du marché du côté de la demande ne permet pas de stimuler la coopération transnationale entre les entreprises ni de progresser dans l’intégration du secteur. Il en résulte une allocation inefficace des ressources, des doubles emplois au niveau des capacités industrielles, des lacunes technologiques et un déficit de nouveaux programmes, en particulier de programmes collaboratifs.

1.5.

Le CESE soutient l’objectif d’une autonomie stratégique, moyennant le développement de technologies clés dans des domaines critiques et de capacités stratégiques. En lien étroit avec cet objectif, une évaluation et une coordination efficaces sont nécessaires afin de veiller à ce que ces technologies puissent être maîtrisées, conservées et produites au niveau européen, permettant à l’Union européenne de prendre des décisions et d’agir en toute autonomie en cas de besoin.

1.6.

Le CESE considère qu’une condition indispensable pour le développement de capacités de défense communes est de renforcer la base industrielle et technologique de la défense européenne.

1.7.

Le CESE souligne que l’Union européenne doit s’efforcer de constituer, renouveler et développer un vivier de main-d’œuvre hautement qualifiée, et se doter des travailleurs possédant les compétences requises.

1.8.

Le CESE propose que l’Union européenne intensifie ses efforts pour harmoniser les règles d’exportation en son sein.

1.9.

Le CESE est résolument favorable à ce que les petites et moyennes entreprises (PME), y compris les jeunes entreprises innovantes, bénéficient d’une attention particulière, y compris dans le domaine de la recherche et du développement à des fins de défense.

1.10.

Le CESE souhaiterait faire valoir que le budget que l’Union européenne consacre à l’appui des activités de défense n’a pas vocation à pallier les dépenses nationales en la matière ni à s’y substituer, mais qu’il doit en revanche permettre de stimuler et d’accélérer une coopération accrue et améliorée dans ce domaine. Dans le même esprit, le budget de l’Union alloué à la recherche en matière de défense ne doit pas être distribué au détriment des dépenses de recherche civile dans d’autres secteurs. Même si les décisions relatives aux investissements dans la défense et aux programmes de développement dans ce domaine demeurent une compétence des États membres, le FED pourrait apporter une valeur ajoutée européenne en encourageant les activités conjointes de recherche sur les produits et les technologies dans le domaine de la défense, ainsi que leur développement.

1.11.

Le CESE a la conviction qu’une politique européenne de défense plus harmonisée et rationalisée pourrait apporter des gains d’efficacité grâce à l’accroissement des parts de marché de la base industrielle et technologique de défense européenne et à une meilleure répartition des produits entre les États, les régions et les entreprises.

1.12.

Le Fonds européen de la défense ne permettra d’obtenir des résultats tangibles que s’il soutient des activités véritablement pertinentes. C’est pourquoi ses programmes de travail devraient être élaborés sur la base d’un solide processus de planification de la défense européenne, qui définisse les priorités en matière de capacités clés pour l’Europe.

1.13.

Le CESE est favorable à une politique de coopération qui favorise la participation des PME, y compris des États non signataires de la lettre d’intention, compte tenu des compétences qu’elles peuvent apporter à la base industrielle et technologique du secteur de la défense.

1.14.

Le CESE souscrit à la proposition de limiter le bénéfice des financements européens dans le cas d’entreprises européennes contrôlées par la même entité et d’exiger des garanties lorsqu’un pays tiers participe à des projets soutenus par le Fonds européen de la défense.

1.15.

Si le CESE souscrit à l’idée que les fonds européens devraient être gérés par la Commission européenne, il estime cependant que l’Agence européenne de défense (AED) pourrait intervenir utilement dans la définition des besoins en matière d’équipements de défense et dans le cadre de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR), en tirant parti d’expériences qui n’ont pas toujours été positives, et qu’elle pourrait jouer son rôle dans la gestion des programmes, sachant que la redondance des compétences dans ce domaine serait préjudiciable à l’efficacité du système.

1.16.

Le CESE défend l’idée selon laquelle les activités de recherche et de développement doivent être soumises à un comité d’éthique. Il convient de définir clairement les conditions éthiques et de les évaluer dès le stade de l’examen de la proposition pour garantir sécurité et clarté juridiques.

1.17.

Le CESE s’inquiète au sujet de la coopération future avec le Royaume-Uni après le retrait de ce pays de l’Union, et plaide en faveur d’une sécurité et d’une défense fortes qui prévoient la participation du Royaume-Uni au FED.

1.18.

Le CESE estime que notre continent vieillissant se sent menacé, qu’il affiche une tendance à adresser des blâmes ainsi qu’à confondre, parfois, des problèmes comme le terrorisme et les mouvements migratoires, et qu’il souffre d’un manque de solidarité tant au sein des États membres qu’entre ceux-ci, dans un contexte de résurgence de nationalisme et de régimes autoritaires dans toute l’Union européenne, qui mettent notre démocratie sous pression. Pour intéressant qu’il soit en tant qu’outil de politique industrielle, le Fonds européen de la défense ne nous dispensera pas de poursuivre la réflexion sur la politique européenne de la défense.

2.   Présentation de la proposition

2.1.

Le contexte géopolitique est devenu instable au cours de la dernière décennie: nous devons faire face à un environnement complexe et exigeant, marqué par l’émergence de nouveaux périls tels que les menaces hybrides et les attaques informatiques, et par le retour de dangers plus conventionnels.

2.2.

Dans la déclaration commune du 25 mars 2017 à Rome, les dirigeants de 27 États membres, le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne ont déclaré que l’Union allait renforcer sa sécurité et sa défense communes et œuvrer en faveur d’une industrie de la défense plus compétitive et plus intégrée.

2.3.

La défense européenne est confrontée à d’importants dysfonctionnements du marché qui sont liés à la non-réalisation d’économies d’échelle potentielles (fragmentation des marchés nationaux avec un acheteur unique) et aux doubles emplois en matière de ressources au niveau européen.

2.4.

La demande provient presque exclusivement des États membres, mais le budget que ces derniers consacrent à la défense, notamment en ce qui concerne la recherche et développement (R & D), a connu d’importantes coupes au cours des dix dernières années.

2.5.

En 2015, seuls 16 % des équipements de défense ont été achetés par l’intermédiaire de passations de marchés européennes collaboratives, bien loin du critère de référence collectif de 35 % fixé dans le cadre de l’Agence européenne de défense (AED).

2.6.

Le secteur de la défense est largement fragmenté par les frontières nationales, avec de très nombreux doubles emplois, ce qui se traduit par un manque d’efficacité qui empêche de réaliser des économies d’échelle et de produire des effets d’apprentissage.

2.7.

La situation actuelle n’est pas tenable et le développement d’importants systèmes de défense de nouvelle génération est de moins en moins à la portée des différents États membres.

2.8.

Le manque de coopération entre États membres affaiblit encore davantage l’aptitude de l’industrie de la défense de l’Union européenne à maintenir les capacités industrielles et technologiques nécessaires pour préserver l’autonomie stratégique de l’Union et répondre à ses besoins actuels et futurs en matière de sécurité.

2.9.

Le 7 juin 2017, la Commission a adopté une communication instaurant le Fonds européen de la défense, qui se compose de deux volets, l’un consacré à la recherche et l’autre aux capacités. La communication était accompagnée d’une proposition législative de règlement établissant le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense au titre du volet «capacités».

2.10.

La proposition de règlement établissant le Fonds européen de la défense au titre du cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027 a été publiée par la Commission le 13 juin 2018.

2.11.

Le Fonds européen de la défense est conçu comme un instrument permettant de favoriser la compétitivité et la capacité d’innovation de la base industrielle et technologique de défense européenne afin de contribuer à l’autonomie stratégique de l’Union. L’objectif de cet instrument est de donner une impulsion à des programmes de coopération qui ne pourraient pas voir le jour sans une contribution de l’Union et de fournir les incitations nécessaires pour stimuler la coopération à chaque étape du cycle industriel.

2.12.

Les projets collaboratifs reposant sur une forte participation transfrontière de petites et moyennes entreprises seront particulièrement encouragés. De cette manière, le FED restera ouvert aux destinataires issus de tous les États membres, indépendamment de leur taille et de leur situation géographique.

2.13.

La proposition prévoit une date d’application au 1er janvier 2021 et est présentée pour une Union européenne à 27 États membres.

2.14.

Alors que la recherche en matière de défense relève du champ d’application du programme-cadre pour la recherche et l’innovation («Horizon Europe»), les dispositions spécifiques correspondantes en la matière, telles que les objectifs, les règles de participation et les mécanismes de mise en œuvre, sont précisées dans la proposition à l’examen.

2.15.

Cette proposition entend établir des synergies avec d’autres initiatives de l’Union européenne dans les domaines de la R & D civile, de la sécurité et de la cybersécurité, du contrôle aux frontières, de la surveillance des côtes, du transport maritime et de l’espace.

2.16.

Des liens étroits seront établis entre le Fonds européen de la défense et les projets mis en œuvre dans le cadre de la coopération structurée permanente (CSP) en matière de défense.

2.17.

Le Fonds tiendra compte du plan de développement des capacités de l’Union, qui permet de définir les priorités en matière de capacités de défense, ainsi que de l’examen annuel coordonné de l’Union européenne en matière de défense.

2.18.

Dans ce contexte, les activités pertinentes de l’OTAN, ainsi que celles d’autres partenaires, peuvent aussi être prises en considération à condition qu’elles servent les intérêts de l’Union en matière de sécurité et de défense.

2.19.

Le Fonds tient également compte des activités de défense mises en œuvre par l’intermédiaire de la facilité européenne pour la paix, un instrument extrabudgétaire proposé en dehors du cadre financier pluriannuel.

2.20.

La proposition à l’examen prévoit la possibilité de combiner l’aide du FED avec un financement soutenu par le Fonds InvestEU.

2.21.

Le Fonds devrait être utilisé pour remédier aux défaillances du marché ou à des situations d’investissement non optimales, de manière proportionnée, sans faire double emploi ni entraîner l’éviction du financement privé, et devrait avoir une valeur ajoutée européenne évidente.

2.22.

L’Union devra assumer une plus grande responsabilité pour protéger ses intérêts, ses valeurs et le mode de vie européen, en complémentarité et en coopération avec l’OTAN.

2.23.

Pour être prête à faire face aux menaces de demain et pour protéger ses citoyens, l’Union doit accroître son autonomie stratégique. Il est nécessaire à cette fin de mettre au point des technologies clés dans des domaines critiques et de développer des capacités stratégiques afin de garantir la prééminence technologique.

2.24.

Les décisions relatives aux investissements dans la défense et aux programmes de développement en la matière continuent de relever de la compétence et de la responsabilité des États membres.

2.25.

L’approche stratégique proposée est proportionnée à l’ampleur et à la gravité des problèmes qui ont été recensés. L’initiative est limitée aux objectifs que les États membres ne peuvent atteindre de manière satisfaisante par leurs propres moyens et pour lesquels l’Union peut obtenir des résultats plus probants.

2.26.

L’action préparatoire concernant la recherche en matière de défense a été lancée en avril 2017, dotée d’un budget total de 90 millions d’EUR sur trois ans. Elle a permis d’obtenir une première série de résultats concrets puisque les premières conventions de subvention ont été signées en 2018, mais tous les projets concernés sont encore en cours.

2.27.

Le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense pour la période 2019-2020 faisant l’objet d’une proposition sera doté d’un budget de 500 millions d’EUR et devrait être opérationnel à partir du 1er janvier 2019.

2.28.

Une consultation publique ouverte sur le FED a été organisée du 13 janvier au 9 mars 2018 à l’intention de toutes les parties intéressées. Certaines critiques ont été exprimées d’un point de vue éthique, mais les parties intéressées directement concernées soutiennent l’initiative. Les règles sur les droits de propriété intellectuelle doivent être adaptées au domaine de la défense.

2.29.

L’enveloppe proposée pour la période 2021-2027 s’élève à 13 milliards d’EUR (prix courants), dont 4,1 milliards d’EUR pour les actions de recherche et 8,9 milliards d’EUR pour les actions de développement.

2.30.

Sous réserve d’une confirmation de l’efficacité au regard des coûts au moyen d’une analyse coûts/bénéfices, le Fonds peut être géré par une agence exécutive de la Commission.

2.31.

Un programme de suivi est proposé pour contribuer à l’inventaire et à l’évaluation des performances. Les résultats seront disponibles au fur et à mesure.

2.32.

La proposition de la Commission relative au cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 fixe un objectif plus ambitieux en vue d’intégrer les questions climatiques dans l’ensemble des programmes de l’Union européenne, avec un objectif global de 25 % des dépenses de l’Union européenne en faveur de la réalisation des objectifs en matière de climat. La contribution du FED à la réalisation de cet objectif global fera l’objet d’un suivi par l’intermédiaire d’un système de marqueurs climatiques de l’Union européenne à un niveau approprié de ventilation, incluant le recours à des méthodes plus précises lorsque celles-ci existent.

2.33.

La proposition prévoit une date d’application au 1er janvier 2021.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE attire l’attention sur les demandes qu’il a déjà exposées dans ses avis CCMI/149 (2017), CCMI/116 (2013) et CCMI/100 (2012). La stratégie globale de l’Union européenne et le plan de mise en œuvre en matière de sécurité et de défense offrent également d’importantes perspectives à cette fin. De l’avis du CESE, il est impératif que ces initiatives soient mises en œuvre de manière cohérente, en conformité avec les dispositions de la déclaration commune UE-OTAN de juillet 2016 et avec le principe de la sécurité collective des Nations unies.

3.2.

Eu égard à la conjoncture géostratégique et aux évolutions sur le plan sécuritaire, l’Europe se doit de renforcer ses capacités en matière de sécurité et de défense. Il est primordial de déterminer précisément les objectifs stratégiques communs de l’Union, ce qui n’a toujours pas été fait et devrait l’être au plus tôt. Il s’agit là d’une condition préalable indispensable pour recenser les capacités de défense nécessaires qui doivent aller de pair avec une base industrielle et technologique durable de défense européenne.

3.3.

Le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire signé avec l’Iran en 2015, la crise en Ukraine, les démonstrations de force inquiétantes de la Russie aux frontières des États baltes et à la frontière orientale de l’Union européenne, la conflagration de l’arc Libye-Iraq-Syrie, l’instabilité constante dans le Sahel, la confrontation politique et militaire potentielle entre un axe États-Unis-Israël-Arabie-Saoudite et un axe Iran-Syrie-Russie, le tout dans un contexte de menaces informatiques, de montée de l’autoritarisme en Europe et d’imprévisibilité accrue de la diplomatie américaine: l’équilibre stratégique de l’Union européenne a rarement été aussi complexe et aussi préoccupant.

3.4.

Les questions de sécurité, tant à l’intérieur qu’à proximité de l’Union européenne, figurent parmi les principales préoccupations des citoyens comme des dirigeants des États.

3.5.

L’Union européenne doit relever au moins quatre défis de la manière la plus consensuelle possible: l’autonomie dans la prise de décision, l’anticipation des crises, l’influence politique et la cohérence de nos intérêts et de nos principes démocratiques.

3.6.

En 2017, le CESE a préconisé la création d’une Union européenne de la défense (UED) et a soutenu le plan d’action européen de la défense, y compris la création d’un Fonds européen commun en matière de défense.

3.7.

Le CESE a réclamé l’accomplissement de progrès significatifs, sur le plan qualitatif, dans la coopération européenne en matière de défense. En effet, la coopération limitée entre les États membres dans ce domaine est une source de doubles emplois et fait perdurer le morcellement considérable de l’industrie de la défense. L’intégration insuffisante du marché du côté de la demande ne permet pas de stimuler la collaboration transnationale entre les entreprises ni de progresser dans l’intégration de ce secteur. Il en résulte une allocation inefficace des ressources, des doubles emplois au niveau des capacités industrielles, des lacunes technologiques et un déficit de nouveaux programmes, en particulier de programmes collaboratifs.

3.8.

Le CESE approuve l’objectif d’autonomie stratégique en ce qui concerne les capacités et les technologies critiques mises en évidence. En lien étroit avec cet objectif, une évaluation et une coordination efficaces sont nécessaires afin de veiller à ce que ces technologies puissent être maîtrisées, conservées et produites au niveau européen, permettant à l’Union européenne de prendre des décisions et d’agir en toute autonomie en cas de besoin.

3.9.

Le CESE approuve le choix de soutenir le secteur de la défense au titre d’une politique industrielle axée sur la demande.

3.10.

Le CESE convient qu’une plus grande efficacité des budgets nationaux devrait permettre de couvrir l’ensemble des besoins européens en équipements de défense.

3.11.

Le CESE convient que la cohérence des programmes au niveau de l’Union européenne devrait permettre d’accroître la taille du marché européen desservi par l’industrie européenne de la défense.

3.12.

Le CESE a fait valoir qu’une condition indispensable pour le développement de capacités de défense communes est de renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne.

3.13.

Le CESE souligne que l’Union européenne doit s’efforcer de constituer un vivier de main-d’œuvre hautement qualifiée et de se doter des travailleurs possédant les compétences requises.

3.14.

Le CESE propose que l’Union européenne intensifie ses efforts pour harmoniser les règles d’exportation en son sein.

3.15.

Le CESE est résolument favorable à ce que les PME bénéficient d’une attention particulière, y compris dans le domaine de la recherche et du développement à des fins de défense.

3.16.

Le CESE a rejeté l’idée de consacrer à des objectifs ressortissant à la défense des fonds existants qui poursuivent des finalités économiques et sociales.

3.17.

Le CESE a rejeté l’idée d’appliquer une disposition spéciale, dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, aux ressources budgétaires nationales qui sont allouées à la défense. Les dépenses en matière de défense ne doivent pas déstabiliser les finances publiques.

3.18.

Le CESE a appuyé la création d’un Fonds de défense comportant deux volets distincts portant à la fois sur la recherche et sur le développement des capacités. Ce dispositif pourrait faciliter la définition d’un processus de planification intégrée pour des investissements couvrant l’ensemble du cycle technologique. Les décisions en matière de passations de marchés restent entre les mains des États membres. Un dispositif d’acquisitions conjointes peut toutefois améliorer l’efficacité du côté de la demande et contribuer à la compétitivité et à l’efficacité de l’industrie européenne de la défense. Le budget que l’Union européenne consacre à l’appui des activités de défense n’a pas vocation à pallier les dépenses nationales en la matière ni à s’y substituer, mais il doit en revanche permettre de stimuler et d’accélérer une coopération accrue et améliorée dans ce domaine. Dans le même esprit, le budget de l’Union alloué à la recherche en matière de défense ne doit pas être distribué au détriment des dépenses de recherche civile dans d’autres secteurs. L’objectif du FED est de donner une impulsion à des programmes de coopération qui ne pourraient pas voir le jour sans une contribution de l’Union et de fournir les incitations nécessaires pour stimuler la coopération à chaque stade du cycle industriel. Même si les décisions relatives aux investissements dans la défense et aux programmes de développement dans ce domaine demeurent une compétence des États membres, le FED pourrait apporter une valeur ajoutée européenne en encourageant les activités conjointes de recherche sur les produits et les technologies dans le domaine de la défense, ainsi que leur développement.

3.19.

Le secteur industriel de la défense est non seulement d’une importance stratégique pour la sécurité et la défense des citoyens européens, mais il contribue aussi largement à l’économie et à la prospérité de l’Europe puisqu’il dégage un chiffre d’affaires annuel total d’environ 100 milliards d’EUR et emploie, directement ou indirectement, quelque 500 000 travailleurs hautement qualifiés. Ce secteur est à l’origine de produits, services et technologies de pointe pour lesquels les efforts consentis en matière d’innovation et de recherche et développement sont essentiels à la compétitivité.

3.20.

L’industrie de la défense européenne ainsi que les dépenses de R & D sont nettement concentrées dans les six pays signataires de la «lettre d’intention» (France, Allemagne, Italie, Espagne, Suède et Royaume-Uni), qui totalisent 95 % des investissements et abritent l’essentiel des PME, des entreprises à capitalisation moyenne et des plus grands groupes. Une politique européenne de défense plus harmonisée et rationalisée pourrait apporter des gains d’efficacité grâce à une spécialisation accrue des États, des régions ou des entreprises dans certaines technologies.

3.21.

Les pays signataires de la lettre d’intention dominent le marché européen de la défense sur le plan du nombre d’entreprises actives aussi bien que sur celui des ventes d’armes. Par exemple, au Royaume-Uni, BAE Systems est la plus grande entreprise du secteur de la défense. Saab est la plus grosse entreprise suédoise d’aéronautique et de défense, tandis que les principaux groupes français sont Dassault Aviation, Naval Group, Safran et Thales. Les grandes entreprises allemandes sont Rheinmetall, ThyssenKrupp Marine Systems et Diehl. Les deux principales entreprises italiennes sont Leonardo et Fincantieri. Airbus, une société transeuropéenne, se classe deuxième en Europe, derrière BAE Systems. Autre entreprise transeuropéenne d’importance notable, MBDA est une coentreprise de trois acteurs européens majeurs de l’aéronautique et de la défense (Airbus, BAE Systems et Leonardo), présente dans le secteur de la production de missiles et de systèmes de missiles. KNDS, propriétaire de Nexter et de KMW, est elle aussi en passe de devenir une société transeuropéenne. Il est à noter que certaines de ces entreprises n’exercent pas leurs activités exclusivement sur le marché de la défense, ce qui explique les différences observées dans le ratio de leur chiffre d’affaires rapporté au nombre de salariés.

Pour ce qui concerne les entreprises de taille plus modeste, une récente étude d’IHS a recensé près de 1 600 PME présentes dans le secteur de la défense en Europe et estimé que le nombre total de PME dans les chaînes d’approvisionnement de la défense était compris entre 2 000 et 2 500. Un certain nombre de ces entreprises exercent des activités qui sont par nature à double usage et sont actives à la fois dans le domaine civil et dans celui de la défense. En tout état de cause, les PME jouent un rôle important dans le secteur de la défense et représentent un atout essentiel pour la compétitivité.

3.22.

L’industrie européenne de la défense n’est pas uniformément répartie dans l’Union européenne. On peut en conclure que l’augmentation des dépenses militaires des États membres de l’Union européenne pourrait ne pas se répercuter de la même manière dans tous les États membres. Le fait qu’une augmentation des dépenses dans un pays bénéficie à des entreprises dans d’autres pays pourrait donner lieu à de nouveaux flux commerciaux.

4.   Observations particulières

4.1.

Le Fonds européen de la défense ne permettra d’obtenir des résultats tangibles que s’il soutient des activités véritablement importantes. C’est pourquoi ses programmes de travail devraient être définis sur la base d’un solide processus de planification de la défense européenne, qui définisse les priorités en matière de capacités clés pour l’Europe.

4.2.

Le CESE est favorable à une politique de coopération qui permettra de promouvoir la coopération transfrontalière ainsi qu’à la participation de PME, également originaires des États non signataires de la lettre d’intention, sans pour autant en revenir aux politiques du droit au retour qui ont parfois accentué la redondance des compétences.

4.3.

Le CESE souscrit à la proposition de limiter le bénéfice des financements européens aux entreprises européennes contrôlées par des intérêts européens et d’exiger des garanties lorsqu’un pays tiers participe à des projets soutenus par le Fonds européen de la défense.

4.4.

Si le CESE souscrit à l’idée que l’octroi des crédits européens devrait être géré par la Commission européenne, il estime cependant que l’Agence européenne de défense pourrait intervenir utilement dans la définition des besoins en matière d’équipements de défense et dans le cadre de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR), en tirant parti d’expériences qui n’ont pas toujours été positives, et qu’elle pourrait jouer un rôle dans la gestion des programmes, sachant que la redondance des compétences dans ce domaine serait préjudiciable à l’efficacité du système.

4.5.

Le CESE défend l’idée selon laquelle les activités de recherche et de développement doivent être soumises à un comité d’éthique. Il convient de définir clairement les conditions éthiques et de les évaluer dès le stade de l’examen de la proposition pour garantir sécurité et clarté juridiques.

4.6.

Le CESE souscrit au concept de souveraineté industrielle européenne, mais il continue de s’interroger sur sa traduction politique dès lors que la plupart des États membres de l’Union estiment appartenir à l’Alliance atlantique, tandis que de nombreux pays restent attachés à l’idée de souveraineté nationale.

4.7.

Le CESE s’inquiète au sujet de la coopération future avec le Royaume-Uni après le retrait de ce pays de l’Union, et plaide en faveur d’une sécurité renforcée et d’un partenariat qui prévoit la participation du Royaume-Uni au FED.

4.8.

Frappés par la mondialisation, qui est perturbatrice à bien des égards, les européens sont déjà conscients de certaines de leurs erreurs et de leurs illusions. Leur plus grande erreur tient à leur inaction. La politique d’abstinence stratégique, qui nous a permis de nous concentrer sur l’économie et nous a apporté une si grande prospérité pendant la Guerre froide et jusqu’au début du siècle, est devenue la principale pierre d’achoppement de l’Europe.

4.9.

Longtemps, l’Europe a imposé sa volonté au monde, seule d’abord, puis au côté des États-Unis. Dans un monde où le réchauffement climatique s’aggrave et où les régimes autoritaires se renforcent, les inégalités de développement entre les pays mais aussi à l’intérieur de ceux-ci deviennent insupportables. Notre continent vieillissant se sent menacé, il affiche une tendance à adresser des blâmes ainsi qu’à confondre parfois des problèmes comme le terrorisme et les mouvements migratoires, et il souffre d’un manque de solidarité tant au sein des États membres qu’entre ceux-ci, dans un contexte de résurgence du nationalisme et de l’autoritarisme, qui met les démocraties européennes sous pression. Pour intéressant qu’il soit en tant qu’outil de politique industrielle, le Fonds européen de la défense ne dispensera pas l’Union européenne de mener une réflexion politique sur ce qu’elle veut défendre et sur la manière dont elle veut le faire.

4.10.

La défense européenne n’est pas seulement une affaire de menaces stratégiques, d’interventions extérieures, de capacités militaires, d’innovation technologique et d’excellence industrielle. La plus grande menace à laquelle les européens sont confrontés aujourd’hui étant la remise en question de la démocratie européenne elle-même, la politique de défense commune ne peut plus faire abstraction de cette dimension politique.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/82


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM)»

[COM(2018) 380 final]

(2019/C 110/16)

Rapporteur:

Vladimír NOVOTNÝ

Corapporteur:

Pierre GENDRE

Saisine du Comité

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil, 22.6.2018

Base juridique

Article 175, paragraphe 3, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

22.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

201/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la proposition de la Commission, qui permettra la poursuite du fonctionnement du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) après le 31 décembre 2020. Le CESE recommande que le champ d’application du FEM, étendu pour couvrir les licenciements résultant non seulement d’une perturbation économique grave, mais aussi de toute nouvelle crise financière et économique mondiale, prenne en considération les transformations substantielles de l’emploi provoquées par exemple par le développement du numérique, de l’intelligence artificielle, du passage à une économie décarbonnée et des conséquences éventuelles d’une contraction du commerce mondial. Le FEM devrait ainsi devenir un instrument permanent pour atténuer les effets négatifs des défis du XXIe siècle sur le marché du travail.

1.2.

Constatant l’existence d’une certaine confusion entre les rôles des différents fonds européens, le Comité préconise la diffusion d’une information claire et simple à l’ensemble des parties intéressées sur la portée de leurs interventions respectives et de leurs possibles complémentarités. Le CESE rappelle que le FEM n’a pas pour objet de se substituer aux dispositifs nationaux légaux, ou résultant d’accords collectifs mais qu’il peut utilement les compléter le cas échéant.

1.3.

Le Comité demande aux gouvernements des États membres de créer, en coopération avec la Commission, des mécanismes à l’échelon national pour renforcer les structures administratives sous l’angle de leurs capacités, afin de faciliter et de rendre plus efficaces la préparation des demandes d’intervention du FEM pour les petites et moyennes entreprises et l’octroi d’une aide aux travailleurs victimes de la perte de leur emploi.

1.4.

Le CESE réitère sa demande selon laquelle les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile devraient participer au processus de sollicitation de financement dès le début de la procédure et au cours de toutes les phases de traitement des demandes d’aide au titre du FEM, tant au niveau des entreprises qu’à celui des régions, des États membres et de l’Union européenne.

1.5.

Le Comité est favorable à la proposition de la Commission selon laquelle les travailleurs licenciés et les travailleurs indépendants en cessation d’activité devraient avoir des conditions d’accès au FEM identiques, indépendamment de leur contrat de travail ou de leur relation de travail.

1.6.

Le Comité invite les États membres et les institutions de l’Union participant aux décisions touchant au Fonds à tout mettre en œuvre pour réduire le temps de traitement et simplifier les procédures de manière à assurer l’adoption rapide et fluide des décisions relatives à la mobilisation du Fonds.

1.7.

Le CESE invite les États membres à accorder une attention particulière aux catégories défavorisées, notamment aux chômeurs jeunes et âgés et aux personnes menacées de pauvreté, sachant que ces groupes éprouvent des difficultés particulières à retrouver un emploi stable.

1.8.

Le Comité rappelle avec force que, dans l’intérêt des bénéficiaires, l’aide devrait être mise à disposition le plus rapidement et le plus efficacement possible.

2.   Contexte de l’avis, y compris la proposition législative à l’examen

2.1.   Origines et évolution du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation

2.1.1.

Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) a été établi par le règlement (CE) no 1927/2006 du Parlement européen et du Conseil (1) pour la période de programmation 2007-2013, en vue de faciliter le retour à l’emploi des travailleurs dans des domaines, secteurs, territoires ou marchés du travail qui subissent le choc d’une perturbation économique grave. Le FEM apporte une aide aux personnes mais n’a pas vocation à soutenir les entreprises en difficulté.

2.1.2.

Dans le contexte de l’évolution de la crise économique et financière, la Commission a procédé en 2008 à la révision du FEM afin d’en élargir le champ d’application entre le 1er mai 2009 et le 30 décembre 2011 et de relever le taux de cofinancement de 50 % à 65 %, de façon à alléger la charge pour les États membres.

2.1.3.

Le champ d’application du FEM a été étendu en 2009, afin de pouvoir couvrir également les travailleurs ayant perdu leur emploi directement en raison de la crise financière et économique mondiale.

2.1.4.

Pour le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, le champ d’application du FEM a été à nouveau étendu par le règlement (UE) no 1309/2013 du Parlement européen et du Conseil (2). Son élargissement a permis de couvrir les licenciements résultant non seulement de modifications majeures de la structure du commerce mondial, mais aussi de toute nouvelle crise financière et économique mondiale.

2.1.5.

Le 17 novembre 2017, le socle européen des droits sociaux a été proclamé conjointement par le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Ses principes serviront de cadre directeur fondamental pour le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation.

2.2.   Nouvelle proposition concernant le FEM après 2020

2.2.1.

L’objectif principal de la nouvelle proposition est de veiller à ce que le FEM, qui est un instrument spécial maintenu en dehors des plafonds budgétaires du cadre financier pluriannuel, continue de fonctionner après le 31 décembre 2020 sans limitation dans le temps.

2.2.2.

Le FEM est en mesure d’offrir une assistance également en cas de crises imprévues entraînant une perturbation grave de l’économie locale, régionale ou nationale. Ces crises inattendues peuvent prendre la forme d’une récession majeure chez des partenaires commerciaux importants ou d’un effondrement du système financier.

2.2.3.

Le soutien apporté par le FEM est accessible aux travailleurs, indépendamment de leur contrat de travail ou de leur relation de travail. Il est possible d’inclure non seulement les travailleurs employés sous contrat à durée indéterminée, mais aussi les travailleurs sous contrat à durée déterminée, les travailleurs intérimaires et les propriétaires-gérants de microentreprises ainsi que les travailleurs indépendants.

2.2.4.

La demande d’aide du FEM en faveur de travailleurs peut être présentée lorsque le nombre de licenciements atteint un seuil minimal. Le seuil de 250 est inférieur à celui de la période de programmation 2014-2020. Dans de nombreux États membres, la plupart des travailleurs sont employés par des petites et moyennes entreprises (PME).

2.2.5.

Le FEM met l’accent sur les mesures actives du marché du travail visant à réintégrer rapidement les travailleurs licenciés dans des emplois stables. Le FEM ne peut pas contribuer au financement de mesures passives. Les allocations ne peuvent être prévues que si elles sont conçues comme des incitations visant à faciliter la participation de travailleurs licenciés à des mesures actives du marché du travail; la part des allocations dans un ensemble coordonné de mesures actives du marché du travail est plafonnée.

2.2.6.

Les États membres ne sollicitent l’intervention du Fonds qu’en cas de situations d’urgence réelle. Le FEM ne peut pas remplacer des mesures déjà couvertes par des fonds et programmes de l’Union figurant dans le cadre financier pluriannuel, ni des mesures nationales ou des mesures relevant de la responsabilité des entreprises à l’origine des licenciements en vertu du droit national ou de conventions collectives.

2.2.7.

Une demande d’aide devrait être lancée lorsqu’une restructuration de grande ampleur a une incidence importante sur l’économie locale ou régionale.

2.2.8.

Une évaluation ex post du règlement en vigueur doit être effectuée au plus tard le 31 décembre 2021.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission, qui permettra la poursuite du fonctionnement du FEM après le 31 décembre 2020. Dans le passé, le Comité a adopté une série d’avis concernant ce Fonds, dans lesquels il a manifesté son soutien à son égard. Il estime que ces avis n’ont rien perdu de leur validité (3) (4) (5) (6).

3.2.

Le Comité souligne l’importance continue du rôle du FEM qui permet d’agir avec une certaine souplesse afin de soutenir les travailleurs perdant leur emploi dans le cadre de restructurations à grande échelle et de les aider à retrouver un emploi le plus rapidement possible. Il recommande de prendre en compte la situation des salariés contraints de subir une réduction durable du temps de travail sans dispositif de compensation des réductions de salaires.

3.3.

De l’avis du Comité, il serait judicieux de recueillir des données de suivi plus détaillées, notamment en ce qui concerne la catégorie des travailleurs, leur formation et leur expérience professionnelle, leur statut professionnel et le type d’emploi trouvé. Compte tenu de la complexité administrative que suppose une telle démarche et de la charge qu’elle représente, le Comité soutient, à titre de solution de rechange, le recueil de telles informations au moyen de questionnaires en ligne à l’intention des bénéficiaires, comme le propose la Commission.

3.4.

Le Comité est favorable à la proposition de la Commission selon laquelle les travailleurs licenciés et les travailleurs indépendants qui ont cessé d’exercer leur activité principale devraient avoir des conditions d’accès au FEM identiques, indépendamment de leur contrat de travail ou de leur relation de travail.

3.5.

Le CESE estime que les contributions financières du FEM devraient principalement être orientées vers des mesures actives du marché du travail, dont l’objectif est de réintégrer rapidement les bénéficiaires dans l’emploi durable. Il conviendrait également de promouvoir des aides à la mobilité professionnelle et géographique des travailleurs afin de faciliter leur reclassement.

3.6.

Le CESE prend acte que le montant maximal du fonds est fixé à 225 millions d’EUR par an pour la période 2021-2027 et considère que cette enveloppe est appropriée à la situation économique actuelle de l’Union. Il fait toutefois observer qu’en cas de retour à une crise plus profonde, ou dans des situations telles qu’une accélération des mutations technologiques et de la transformation énergétique, cette enveloppe pourrait s’avérer insuffisante.

3.7.

Le Comité recommande de procéder, à mi-parcours du cadre financier pluriannuel, à un réexamen du FEM tant du point de vue de l’état de l’exécution des crédits que de celui du seuil minimal de 250 travailleurs licenciés, et demande à la Commission de préparer, en coopération avec l’autorité budgétaire de l’Union européenne, une adaptation en conséquence du financement du FEM.

3.8.

La Commission devrait envisager en l’espèce d’augmenter les moyens financiers correspondants pour les porter autour de 1 milliard d’EUR. Sachant que le FEM est conçu comme un fonds d’urgence, il convient en outre de faire en sorte que les procédures décisionnelles relatives à une telle augmentation de l’enveloppe jouent dans les plus brefs délais.

3.9.

Le CESE invite les États membres à accorder une attention particulière aux catégories défavorisées, notamment aux chômeurs jeunes et âgés et aux personnes menacées de pauvreté, sachant que ces groupes éprouvent des difficultés particulières à retrouver un emploi stable.

3.10.

Les États membres et les institutions de l’Union participant au processus décisionnel relatif au FEM devraient faire tout leur possible pour réduire le temps de traitement et simplifier les procédures de manière à assurer l’adoption rapide et fluide des décisions relatives à la mobilisation du FEM. Le Comité rappelle avec force que, dans l’intérêt des bénéficiaires, l’aide devrait être mise à disposition le plus rapidement et le plus efficacement possible.

3.11.

Le CESE se félicite que le socle européen des droits sociaux servira de cadre directeur fondamental pour le FEM, qui permettra à l’Union de mettre en pratique les principes afférents en cas de restructurations de grande ampleur. Compte tenu de la difficulté de mettre en évidence un facteur spécifique de licenciement, le CESE recommande que, dans l’avenir, la mobilisation du FEM repose avant tout sur le critère de l’importance de l’incidence de la restructuration liée non seulement aux processus de mondialisation mais aussi notamment aux processus d’autres mutations majeures telles que par exemple la décarbonation, la numérisation et l’industrie 4.0 et les mutations technologiques et les processus de transformation en rapport avec cette dernière, ainsi que les mutations provoquées par un large éventail de causes pouvant être à l’origine de délocalisations ou de licenciements d’envergure, d’une crise financière ou économique. Dans ce contexte, le CESE se félicite expressément de l’élargissement du champ d’application du FEM aux risques à l’œuvre sur le marché du travail provoqués par les mutations structurelles causées par la numérisation et les développements dans le domaine de la décarbonation.

3.12.

Le CESE est convaincu qu’il convient de mieux aligner le FEM sur les autres politiques de l’Union européenne et qu’il convient de détailler plus avant les modalités de l’action conjointe du FEM avec d’autres fonds et programmes (comme par exemple le FEAD, le FSE, l’EaSI, le programme Santé de l’Union européenne), ainsi que de leur interaction.

3.13.

Compte tenu de la forme que revêt l’intitulé actuel du Fonds et des objectifs contradictoires qui lui sont assignés, et en gardant à l’esprit tout l’intérêt de conserver son sigle anglais «EGF», le CESE propose de modifier l’intitulé «Fonds européen d’ajustement à la mondialisation» en «Fonds européen pour l’ajustement et la mondialisation», ou en tout autre intitulé similaire qui répondrait au sigle «EGF» indiqué.

3.14.

Le Comité est d’avis qu’il sera utile au cours de la période à venir d’élargir le champ d’action du FEM au soutien à des programmes tels que ceux développés à l’échelon national du type emploi de courte durée («Kurzarbeit») ou de chômage partiel («short time»).

4.   Petites et moyennes entreprises

4.1.

Les petites et moyennes entreprises pourvoient à quelque 80 % des emplois dans l’Union européenne, tout en faisant partie de celles qui sont les plus vulnérables lorsque se produisent des processus de crise ou de transformation. C’est pourquoi le Comité demande aux gouvernements des États membres de créer, en coopération avec la Commission, des mécanismes à l’échelon national et de renforcer les structures administratives sous l’angle de leurs capacités de manière à faciliter et à rendre plus efficaces la préparation des demandes des petites et moyennes entreprises d’intervention du FEM et l’octroi d’une aide aux travailleurs victimes de la perte de leur emploi.

4.2.

Le CESE soutient la proposition consistant à mettre sur un pied d’égalité les travailleurs salariés et les travailleurs indépendants (article 7) sous réserve d’un non-cumul entre travail indépendant et emploi salarié et en cas de cessation de l’activité principale.

4.3.

Le Comité approuve la protection des propriétaires des très petites entreprises qui pourraient perdre leur travail du fait d’une crise économique ou financière ou de mutations technologiques, ainsi que la possibilité pour ces personnes aussi d’obtenir un soutien financé par le FEM. Cela ne devrait pas signifier qu’un «travailleur indépendant» serait défini comme «une personne qui employait moins de 10 travailleurs», comme l’indique l’article 4 de la proposition de règlement présentée par la Commission. Cette définition produirait nombre d’effets divers dans les actes législatifs européens, car elle qualifierait de manière identique différentes catégories d’activité professionnelle et économique. Nous demandons à la Commission de trouver une autre solution pour réaliser l’objectif de protéger les propriétaires des très petites entreprises, que le Comité approuve par ailleurs.

4.4.

Le CESE suggère à la Commission d’améliorer, en coopération avec les États membres, les résultats du FEM au moyen d’une campagne d’information, y compris à destination des petites et moyennes entreprises, afin de permettre à leurs salariés de bénéficier plus aisément des possibilités d’octroi d’un soutien offertes par le FEM.

4.5.

Le CESE se félicite de la nouvelle configuration des critères d’intervention (article 5), qui accorde une attention particulière à la situation qui prévaut dans les petites et moyennes entreprises qui représentent une grande partie de l’emploi salarié. Il importe, en particulier, nonobstant le seuil de 250 salariés, de prendre en compte la notion de groupe et/ou d’ensemble territorial lorsque plusieurs filiales d’un même groupe confrontées à des suppressions d’emplois n’atteignent pas ce seuil individuellement.

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE recommande d’envisager davantage de souplesse pour le calcul du nombre de licenciements et de cessations d’activité (article 6), de bénéficiaires éligibles (article 7) et de mesures éligibles (article 8), de sorte que l’aide parvienne aux travailleurs concernés le plus rapidement possible.

5.2.

Le Comité recommande aussi de simplifier au maximum les démarches administratives liées à la présentation des demandes (article 9) et d’accélérer ainsi l’ensemble du processus. La simplification des documents et la mise en place d’une assistance technique aux États membres, quand elle est nécessaire, sont des éléments de nature à étendre la portée des interventions du Fonds.

5.3.

Le Comité est convaincu qu’il est indispensable de simplifier les mesures administratives (point 2 de l’annexe de la proposition de règlement), notamment les dispositions en matière de suivi et de rapports, les systèmes de gestion et de contrôle, et les mesures de prévention des fraudes et irrégularités.

5.4.

Le CESE approuve la restriction de l’éligibilité au titre de la contribution financière du FEM mentionnée à l’article 8, paragraphe 2, point b), où il est expliqué que l’aide du FEM ne saurait se substituer à la responsabilité qui découle pour les entreprises du droit national ou de conventions collectives. Cette disposition ne devrait pas exclure de manière générale les mesures de marché fondées sur des conventions collectives de l’éventail potentiel des soutiens apportés par le FEM.

5.5.

Le Comité escompte que dans le cadre de l’évaluation ex post prévue du FEM, la Commission accordera une grande attention à l’analyse des causes des disparités du recours au FEM parmi les États membres de l’Union européenne, et notamment des causes qui ont conduit à n’y recourir que faiblement, voire même pas du tout, dans les pays que sont la Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, la Croatie, Chypre, la Lettonie, le Luxembourg, la Hongrie, Malte, la Slovaquie et le Royaume-Uni.

5.6.

Le CESE réitère sa demande selon laquelle les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile devraient participer au processus de sollicitation de financement dès le début de la procédure et au cours de toutes les phases de traitement des demandes d’aide au titre du FEM, tant au niveau des entreprises qu’à celui des régions, des États membres et de l’Union européenne. Compte tenu de leur connaissance précise de la situation et des spécificités locales, les structures régionales et les communes peuvent également jouer un rôle important.

5.7.

Le Comité recommande à la Commission de préciser dans le règlement que la notion d’«employés» couvre également les sociétaires salariés des coopératives.

Brussels, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO L 406 du 30.12.2006, p. 1.

(2)  Règlement (UE) no 1309/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au Fonds européen d’ajustement à la mondialisation pour la période 2014-2020 et abrogeant le règlement (CE) no 1927/2006 (JO L 347 du 20.12.2013, p. 855).

(3)  JO C 318 du 23.12.2006, p. 38.

(4)  JO C 228 du 22.9.2009, p. 141.

(5)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 92.

(6)  JO C 143 du 22.5.2012, p. 17.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/87


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme “Europe créative” (2021 à 2027) et abrogeant le règlement (UE) no 1295/2013»

[COM(2018) 366 final]

(2019/C 110/17)

Rapporteure:

Emmanuelle BUTAUD-STUBBS

Corapporteur:

Zbigniew KOTOWSKI

Saisine du Comité

Parlement européen, 14.6.2018

Conseil, 21.6.2018

Décision du Bureau du Comité

19.6.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption par la CCMI

22.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

207/2/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme «Europe créative» (2021 à 2027) [COM(2018) 366 final] et les indicateurs y afférents exposés dans son annexe II. La construction d’une Europe forte et unie doit se fonder sur la diversité des racines culturelles que l’éducation devrait servir à transmettre. Il convient de constater que le maintien de ce programme constitue un facteur très favorable pour développer la culture européenne et celles de chacun des États membres, ce qui constitue un pilier de notre société et un creuset de nos valeurs démocratiques.

1.2.

Depuis de nombreuses années, le CESE a défendu les contributions significatives des secteurs et industries de la création et de la culture au regard de la création de valeur et d’emplois dans l’Union européenne, de son ouverture et de sa croissance (1). En 2012, d’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les secteurs qui dépendent fortement du droit d’auteur (2) représentaient 4,2 % du produit intérieur brut (PIB) et 3,2 % de l’emploi dans l’Union. Au sens de l’article 2 de la proposition de règlement [COM(2018) 366], ces secteurs comprennent «l’architecture, les archives, les bibliothèques et les musées, l’artisanat d’art, l’audiovisuel (y compris le cinéma, la télévision, les jeux vidéo et le multimédia), le patrimoine culturel matériel et immatériel, le design (y compris la mode), les festivals, la musique, la littérature, les arts du spectacle, les livres, l’édition, la radio et les arts visuels».

1.3.

Tout en gardant à l’esprit la nature spécifique des actes et des processus de création qui ne s’inscrivent pas toujours aisément dans le cadre général du droit du travail, le CESE est pleinement conscient des défis sociaux qu’il convient de relever dans certains États membres, tels que l’amélioration des conditions de travail, la suppression des heures de travail non rémunérées, la lutte contre les disparités entre les sexes, la promotion du travail décent, de meilleures conditions d’hygiène et de sécurité, une facilitation de la mobilité, l’inclusion des personnes handicapées et des exclus, une politique de lutte contre le harcèlement sexuel, etc.

1.4.

Le CESE considère que le budget prévu de 1,8 milliard d’EUR n’est pas suffisant pour atteindre les objectifs ambitieux du programme Europe créative pour la période 2021-2027. C’est la raison pour laquelle le CESE appelle de ses vœux un budget supérieur. Cet investissement significatif dans la créativité de l’Europe, ses artistes, ses créateurs, ses musiciens, ses écrivains, ses photographes, ses architectes, ses inventeurs de jeux vidéo, ses cinéastes, etc., aidera l’Union à affronter avec succès la concurrence de grands pays dotés de stratégies résolues en matière d’influence culturelle, tels que les États-Unis, le Japon ou la Corée du Sud, à l’échelon national et au sein des organisations internationales. Des financements publics nationaux et régionaux devraient compléter ceux qu’apporte l’Union européenne. Des incitations fiscales spécifiques pourraient également présenter un intérêt pour les œuvres philanthropiques (par exemple en matière de restauration du patrimoine) et faciliter le financement participatif pour créer de nouveaux modèles commerciaux.

1.5.

Le CESE estime aussi qu’il est nécessaire d’investir dans les outils juridiques et techniques permettant de lutter plus efficacement contre toutes les formes de promotion de la violence et des discriminations, en particulier dans la production de jeux vidéo en ligne destinés aux enfants et aux jeunes.

1.6.

Le CESE soutient l’intégration d’une dimension de la création et de la culture au sein de la politique extérieure de l’Union européenne (politique commerciale, relations internationales, etc.) (3).

1.7.

Cet effort financier inédit devrait être assuré par trois canaux:

un budget accru pour le programme «Europe créative», de 1 930 000 EUR au lieu de 1 850 000 EUR pour la période 2021-2027, en prévoyant un financement supplémentaire de 80 millions d’EUR pour le volet «Transsectoriel» qui permettra de réaliser des projets supplémentaires de «fertilisation croisée» entre les secteurs de la création et de la culture (musique, mode, design, art, cinéma, édition, etc.), ainsi qu’entre lesdits secteurs et d’autres industries, et de mettre à disposition davantage de ressources financières pour un surcroît de formation dans le domaine des médias dans un contexte où pluralisme de ces derniers a été récemment mis à mal dans l’Union;

un soutien financier à la culture et à la création dans un vaste éventail de programmes de l’Union européenne pour «renforcer le processus de prise en compte de la culture dans les autres politiques sectorielles, ce qui se traduirait par des bénéfices mutuels tant pour la culture que pour le secteur concerné» (4): Horizon 2020, Fonds social européen, Europe numérique, Fonds de cohésion, Erasmus;

un soutien continu au mécanisme de garantie financière en faveur des «secteurs de la culture et de la création» afin de fournir des garanties et, en cas de besoin, un soutien sous forme de prise de participation aux PME et aux jeunes entreprises.

1.8.

Cette ambition renouvelée en faveur d’une Europe plus culturelle et créative bénéficiera aussi à divers secteurs et aux chaînes de valeur sectorielles dans l’Union, à commencer par le textile, l’habillement, le cuir, l’ameublement, la céramique, les jouets, le tourisme, les arts et l’artisanat, pour finir par l’automobile, la construction, la santé et le bien-être, les énergies vertes, etc., grâce à l’intégration de la créativité, du design et de technologies de pointe. Il existe en Europe de nombreux exemples de transitions réussies de certaines régions ou villes industrielles (Turin) vers des secteurs de la création qui génèrent une valeur ajoutée supérieure.

1.9.

Les possibilités qu’offre la «révolution numérique» dans les secteurs fortement dépendants du droit d’auteur revêtent une importance toute particulière et il convient de favoriser des investissements suffisants dans les équipements et les logiciels (par exemple en matière d’intelligence artificielle, de chaîne de blocs, d’impression en trois dimensions, de numérisation des archives), tout comme dans la formation.

1.10.

Il n’existe pas de limites au potentiel d’innovation de ces industries puisqu’elles se fondent principalement sur la créativité, les compétences et l’imagination de chaque personne. C’est pourquoi les secteurs de la création et de la culture devraient disposer d’un budget spécifique dans le cadre d’«Horizon 2020» [d’au moins 3 milliards d’EUR, ce qui représente une part légèrement inférieure en pourcentage à leur part dans le PIB de l’Union européenne (4,2 %)].

1.11.

De grandes opérations de fusion actuellement en cours sur le marché américain auront une incidence sur le secteur européen de la culture et de la création. Dans ce contexte, le CESE demande à la Commission européenne de lancer un appel d’offres pour un rapport de veille économique à l’horizon 2019 concernant les principales tendances économiques et technologiques qui touchent aux États-Unis les secteurs des médias, du cinéma et de l’audiovisuel, et leurs conséquences probables sur leurs homologues dans l’Union européenne dans les domaines de la production, de la consommation et de la distribution.

1.12.

Attendu que l’Union à 27 pourrait grandement bénéficier de la poursuite d’un dialogue avec le Royaume-Uni, qui est un acteur essentiel de ces secteurs, le CESE invite la Commission européenne à appuyer tout dialogue bilatéral entre les gouvernements et les réseaux susceptible de poser les jalons d’un accord bilatéral en vue de poursuivre des programmes bilatéraux ambitieux dans le cadre du programme Europe créative pour la période 2021-2027. Des accords bilatéraux similaires ont été conclus par le passé (2014-2020) avec des pays tiers tels que la Géorgie, la Serbie ou l’Ukraine.

2.   Observations générales

2.1.   Un nouveau niveau d’ambition

2.2.

La proposition de règlement [COM(2018) 366] est fondée sur l’article 3 du traité sur l’Union européenne, qui dispose que celle-ci a pour but de «promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples» et «qu’elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen». Cependant, les défis en présence sont clairement perçus comme plus nombreux et découlent en particulier de la concurrence des plateformes en ligne et des moteurs de recherche, de la concentration du secteur autour d’une poignée de grands acteurs ou encore de la montée de la «désinformation».

2.3.

Grâce à ce nouveau programme, la Commission entend offrir aux opérateurs la possibilité de mettre au point des initiatives transfrontières européennes innovantes sur les plans technologique et artistique afin d’échanger, de cocréer, de coproduire et de diffuser des œuvres européennes. L’objectif est aussi de renforcer la position des acteurs de l’Union sur les marchés européen et mondial. Dans ce domaine, l’on peut trouver des exemples de bonnes pratiques parmi les activités du Fonds «Eurimages» du Conseil de l’Europe.

2.4.   Un budget supérieur mais qui reste insuffisant

2.4.1.

Le budget proposé, de 1,85 milliard d’EUR pour 27 États membres, est supérieur à l’enveloppe actuelle mais ne représente que 1/1 000e de l’ensemble du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour la période 2021-2027, qui s’élève à 1 135 milliards d’EUR.

2.5.

Le budget proposé par la Commission se divise en trois parties:

un volet «Culture» doté de 609 millions d’EUR, soit 33 % du budget total contre 31 % de l’enveloppe totale du programme Europe créative pour la période 2014-2020;

un volet «Média» doté de 1 081 millions d’EUR, soit 58 % du budget total contre 56 % de l’enveloppe totale du programme Europe créative pour la période 2014-2020;

un volet «Transsectoriel» doté de 160 millions d’EUR, soit 9 % du budget total contre 13 % de l’enveloppe totale du programme Europe créative pour la période 2014-2020.

2.5.1.

Le CESE demande qu’un budget additionnel de 80 millions d’EUR soit consacré au volet «Transsectoriel» afin de déployer pleinement le potentiel des projets de «fertilisation croisée» (5) (économie numérique, tourisme, art, luxe, culture, impression numérique, etc.) et de mettre en évidence des réponses plus pratiques dans le domaine de l’éducation aux médias.

2.5.2.

L’objectif de soutenir en priorité des projets s’adressant à une large audience est pertinent pour le secteur audiovisuel (volet «Média»), mais ne saurait s’appliquer à toutes les activités culturelles, notamment dans les zones rurales. La cohésion sociale et l’inclusivité sociale sont au cœur du projet européen.

2.6.   La situation pour la création et la culture dans le contexte du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne

2.6.1.

Le nouveau programme sera mis en place dans l’Europe des Vingt-sept, après le retrait du Royaume-Uni qui est l’un des États membres où les secteurs de la création et de la culture jouent un rôle central [pesant en 2016 90 milliards de livres sterling (GBP) et deux millions de travailleurs]. Le CESE considère qu’il est essentiel, pour la dynamique du programme Europe créative, de maintenir de fortes relations culturelles avec le Royaume-Uni et d’encourager la coopération bilatérale, dès que possible et nécessaire. Il convient de viser l’objectif d’un accord bilatéral spécifique et sur mesure avec le Royaume-Uni afin de poursuivre des actions et les programmes sur la base de l’article 8 de la proposition de règlement et conformément à la directive révisée relative aux services de médias audiovisuels.

2.7.   Les enseignements tirés du précédent programme Europe créative pour la période 2014-2020

2.7.1.

Les principales limites recensées dans les différentes études d’évaluation commandées par la Commission sont les suivantes:

des budgets insuffisants pour avoir une incidence majeure dans l’Union ou au niveau sectoriel;

un financement trop morcelé pour le programme «Média»;

un accès trop complexe aux programmes et aux financements de l’Union, ainsi que des rapports administratifs y afférents non moins complexes, surtout pour les PME et les particuliers, ainsi que pour les primo-demandeurs;

l’inégalité de la répartition des financements selon les États membres.

2.7.2.

À l’occasion d’une audition organisée à Paris, le 6 octobre 2016, par Mme Sylvia Costa, présidente de la commission de la culture et de l’éducation du Parlement européen, les parties prenantes ont relevé d’autres problèmes concrets:

le taux de réussite pour les appels d’offres du volet «Culture», qui s’élève à 11 %, est trop faible;

le délai maximal accordé pour une traduction littéraire, deux ans, est trop court;

le nombre de pays tiers pouvant être associés à certains projets est trop limité;

la notion d’«expérimentation» devrait être promue et soutenue, tout comme celle d’«innovation».

Afin de tenir compte de ces critiques, la Commission propose de simplifier certains aspects pour la période 2021-2027:

une plus grande souplesse pour adapter les programmes de travail à des circonstances imprévues;

un plus grand nombre de conventions-cadres de partenariat et de subventions en cascade;

plus d’incitations pour récompenser les résultats ayant trait à la capacité de s’adresser à un plus large public;

un recours systématique aux formulaires et aux rapports électroniques, ainsi que des obligations de déclaration allégées.

2.8.   Le volet «Culture»

2.8.1.

Le budget global de 609 millions d’EUR soutiendra la circulation transfrontière des œuvres et la mobilité des opérateurs du secteur de la création, encouragera les partenariats, réseaux et plateformes cherchant à élargir le public des œuvres et des opérateurs européens de la culture et de la création en Europe et au-delà, et promouvra l’identité, le patrimoine et les valeurs européens par la sensibilisation à la culture, l’éducation aux arts et la créativité dans l’éducation. Des actions spéciales de l’Union telles que les capitales européennes de la culture, les prix culturels de l’Union européenne et le label du patrimoine européen bénéficieront également d’un soutien. Une autre priorité consiste à promouvoir le renforcement des capacités des secteurs européens de la culture et de la création sur le plan international, pour leur permettre d’être actifs à ce niveau.

Le CESE souhaiterait ajouter dans la proposition de règlement un paragraphe sur la création populaire et celle des «amateurs», car c’est elle, précisément, qui a constitué le terreau propice à l’éclosion et à la diffusion d’une véritable sensibilité humaniste et artistique.

2.9.   Le volet «Média»

2.9.1.

Le programme à l’examen recouvre les médias audiovisuels, le cinéma et les jeux vidéo et dispose d’un budget global de 1 081 000 EUR. Il est lié à certains instruments législatifs spécifiques, à savoir la révision du cadre relatif au droit d’auteur et celle de la directive sur les services de médias audiovisuels.

2.9.2.

La première [COM(2016) 593 final] a été adoptée en première lecture par le Parlement européen (le 12 septembre 2018).

Cette proposition poursuit trois grands objectifs: a) améliorer l’accès aux contenus en ligne et dans un contexte transfrontière pour les programmes télévisés et radiophoniques sur les plateformes de vidéo à la demande; b) harmoniser et moderniser les exceptions au droit d’auteur dans le droit de l’Union européenne dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et de la préservation du patrimoine culturel; c) mettre en place un marché performant en ce qui concerne le droit d’auteur des éditeurs de presse, des auteurs et des interprètes qui produisent du contenu pour des plateformes en ligne.

2.9.3.

Le deuxième pilier poursuit plusieurs objectifs: ouvrir de nouvelles possibilités pour promouvoir les œuvres européennes au sein de l’Union européenne (avec un minimum de 30 % d’œuvres européennes sur les plateformes de vidéos en ligne) comme dans les pays tiers, favoriser la coopération tout le long de la chaîne de valeur, dès les premières phases, de la production à la distribution et à la projection, et renforcer la protection des enfants et des consommateurs.

2.9.4.

Le budget de 1 081 000 EUR consacré au secteur audiovisuel européen, y compris l’industrie cinématographique, la télévision et les jeux vidéo, répond aux objectifs suivants: a) encourager la collaboration et l’innovation dans la production d’œuvres audiovisuelles européennes; b) améliorer la distribution cinématographique et en ligne dans une perspective transfrontière; c) soutenir l’influence internationale des œuvres audiovisuelles européennes en améliorant leur promotion et leur diffusion à l’international et en proposant des scénarios novateurs, y compris grâce à la réalité virtuelle.

2.10.   Le volet «Transsectoriel»

2.10.1.

Un budget global de 160 millions d’EUR est prévu pour encourager le lancement de projets transsectoriels entre les acteurs de la création et de la culture (musique, médias, littérature, art, etc.), pour aider les bureaux du programme Europe créative à promouvoir ce dernier dans leurs pays et pour «favoriser un environnement médiatique libre, diversifié et pluraliste, le journalisme de qualité et l’éducation aux médias» [article 6, point c), COM(2018) 366 final].

2.10.2.

Le CESE considère que ce dernier objectif revêt une importance critique puisqu’en 2017, plusieurs États membres ont accusé des reculs en matière de liberté de la presse. Dans ce contexte tout particulier, le CESE demande un financement accru afin de soutenir la promotion de la liberté d’expression et d’un environnement médiatique diversifié et pluraliste, d’encourager des normes de qualité dans les médias en matière de contenu et de promouvoir des programmes d’éducation aux médias afin de permettre aux citoyens de porter un regard critique et éclairé sur ces derniers.

3.   Observations particulières

3.1.   Le droit d’auteur à l’ère du numérique

3.1.1.

Une étude de l’OCDE de 2015 sur «le droit d’auteur à l’ère du numérique» confirme l’intensité du débat public et juridique concernant la manière et les moyens d’adapter les cadres nationaux du droit d’auteur à la révolution de l’internet.

Les principaux points en débat sont: a) la portée du droit d’auteur; b) les œuvres orphelines; c) les exceptions et limitations en matière de droit d’auteur; d) l’enregistrement du droit d’auteur; d) la mise en application des règles.

3.1.2.

Le CESE est partisan de défendre le nouveau droit voisin du droit d’auteur pour les éditeurs en ce qui concerne l’utilisation numérique de leurs publications de presse, tel que proposé à l’article 11 de la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, la protection des contenus par les services en ligne, telle que proposée à l’article 13, le mécanisme d’adaptation des contrats exigé par l’article 15 et le mécanisme de règlement des litiges prévu par l’article 16.

3.2.

L’âpreté de la concurrence au plan international devrait donner lieu à une stratégie claire de l’Union européenne pour les secteurs de la culture et de la création tant en ce qui concerne les politiques du marché unique que sur le plan extérieur, qu’il s’agisse du programme international pour la culture, de la diplomatie culture ou encore de la politique commerciale.

3.2.1.

Des entreprises américaines comme Apple qui possède iTunes, le plus grand magasin de musique en ligne du monde depuis 2010, Netflix et ses 130 millions d’abonnés en 2017, ou encore YouTube qui compte 1,3 milliard d’utilisateurs mensuels et héberge plus de 5 milliards de vidéos visionnées quotidiennement, bénéficient de positions dominantes dans le domaine des plateformes en ligne.

3.2.2.

Dans le secteur du cinéma par exemple (6), les productions et coproductions en provenance des États-Unis représentent 90 % des films ayant attiré la plus forte audience dans les salles en 2012, ce qui a pour corollaire logique une prédominance évidente et presque incontestée de la langue anglaise.

3.2.3.

Les fusions importantes qui s’opèrent depuis peu aux États-Unis confirment que des mutations significatives sont actuellement à l’œuvre dans la production, la diffusion et la consommation des contenus audiovisuels. Quel effet ces profonds changements intervenant aux États-Unis auront-ils sur le secteur audiovisuel de l’Union européenne, qui demeure fragmenté et souffre d’un moindre financement public ainsi que d’un niveau chroniquement faible de diffusion transfrontière en raison d’un budget limité et des barrières linguistiques? À cet égard, une étude indépendante fournissant des données quantitatives et qualitatives serait d’une très grande utilité.

D’autres pays importants, tels que la Chine, le Japon, l’Inde et le Canada, ont mis en place des politiques efficaces d’incitation à long terme pour faire valoir aussi bien chez eux qu’à l’étranger leurs atouts qui relèvent de leur «influence culturelle»; l’Europe devrait procéder de même.

3.3.   La diversification et le renouvellement des modèles commerciaux

3.3.1.

Il convient d’encourager des modèles commerciaux novateurs pour les secteurs fortement dépendants du droit d’auteur dans l’Union européenne, et ce suivant trois axes:

a)

l’utilisation de tous les outils numériques (intelligence artificielle, chaînes de blocs, mégadonnées, impression en trois dimensions, etc.) en ce qu’elle constitue une occasion d’enrichir le contenu des biens et services culturels et les modalités de leur disponibilité pour les consommateurs;

b)

les possibilités liées à une meilleure portabilité des contenus dans le cadre de projets transfrontières;

c)

la recherche de nouveau moyens de dégager des revenus (abonnements, paiement au visionnage, etc.) sans exclure les consommateurs vulnérables.

3.3.2.

L’existence d’un «effet d’entraînement» des secteurs de la création et de la culture sur plusieurs secteurs économiques intégrant une «composante culturelle ou créative» a été démontrée par de nombreuses études. L’intersection des secteurs de la création et de la culture et des technologies numériques recèle une puissante source d’innovation tant radicale que progressive.

3.3.3.

Il va de soi que certaines activités culturelles qui bénéficient de financements privés ou publics ne devraient pas compter uniquement avec l’obtention d’un profit. Le nouveau programme devrait également couvrir les activités dépourvues de visée commerciale.

3.4.   L’accès aux financements

3.4.1.

En juin 2016, un nouveau mécanisme de garantie a été créé par le Fonds européen pour les investissements stratégiques au bénéfice des microentreprises et des petites et moyennes entreprises des secteurs de la création et de la culture qui éprouvent des difficultés à accéder au crédit dans leur pays. Un montant initial de 121 millions d’EUR était prévu pour ce nouveau mécanisme, dont on s’attend à ce qu’il génère des emprunts et d’autres produits financiers à hauteur de 600 millions d’EUR.

3.4.2.

Après un lent démarrage, neuf États membres — l’Espagne, la France, la Roumanie, la Belgique, la République tchèque, la Finlande, l’Italie, le Luxembourg et le Royaume-Uni — ont signé des accords avec le Fonds européen d’investissement (FEI) pour une capacité globale de plus de 300 millions d’EUR de prêts potentiels. En 2017, la décision a été prise par le FEI d’allouer 70 millions d’EUR supplémentaires. D’après un rapport du FEI de mars 2018 sur l’utilisation de la garantie en faveur des secteurs de la culture et de la création, 418 acteurs de ces secteurs ont bénéficié de ce mécanisme pour un montant total de 76 millions d’EUR sous forme de prêts, ce qui correspond en moyenne à un crédit de 182 000 EUR par entité.

3.4.3.

Le CESE encourage vivement les autorités compétentes au niveau national et régional, dans les zones urbaines et rurales, à promouvoir ce mécanisme spécifique afin d’alimenter la croissance des secteurs de la culture et de la création et d’y attirer des investissements et de nouvelles entreprises. Il leur incombe d’éviter que ne se creuse le fossé entre les «villes intelligentes», où se concentrent fortement (7) les secteurs de la création et de la culture, et les zones rurales.

3.5.   Questions sociales

3.5.1.

Dans certains États membres, les données disponibles dressent le tableau de conditions de travail et sociales injustes et insatisfaisantes: heures de travail non rémunérées, heures supplémentaires fréquentes, contrats à durée déterminée, emplois à temps partiel imposé, mauvaises conditions d’hygiène et de sécurité, sous-investissement dans la formation, disparités entre les sexes (8), absence de diversité ethnique, harcèlement sexuel, faible niveau de protection sociale, mobilité insuffisante du fait de la double imposition et difficulté pour les ressortissants de pays tiers à obtenir des visas.

Certains États membres ont mis en place des exigences auxquelles les secteurs de la création et de la culture doivent se conformer pour pouvoir bénéficier des financements de l’Union européenne; ce faisant, ils soutiennent le modèle social européen conformément au rôle que peuvent y jouer les financements publics.

3.5.2.

Il y a lieu d’encourager le dialogue social à l’échelon national afin de trouver des solutions adéquates pour améliorer la situation. À l’échelon de l’Union, pour inspirer des politiques renouvelées, il est besoin d’études plus indépendantes sur les conditions de travail dans les secteurs de la création et de la culture. En l’occurrence, le résultat de recherches récentes montre par exemple que le critère de la «profession» pourrait s’avérer plus pertinent que celui du «secteur», sachant que seuls 30,7 % des emplois «créatifs» relèvent des secteurs de la création et de la culture (9).

3.5.3.   Groupements et réseaux

Les groupements régionaux jouent un rôle crucial afin de promouvoir de nouveaux modèles de collaboration et des partenariats transnationaux. Le nouveau programme doit encourager la création de nouveaux groupements et réseaux régionaux des secteurs de la création et de la culture, ainsi que de fructueux partenariats entre les groupements et réseaux existants (Émilie-Romagne, Hambourg, Milan, etc.) susceptibles de favoriser le développement à plus grande échelle et les bonnes pratiques.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 83; dossiers NAT/738 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 22), SOC/590 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 148).

(2)  Les principales industries fortement dépendantes du droit d’auteur comprennent neuf secteurs: la presse et la littérature, la musique, l’opéra et la production théâtrale, le cinéma et la vidéo, la photographie, les logiciels et bases de données, les arts visuels et graphiques, la publicité et les arts, les sociétés de gestion collective du droit d’auteur.

(3)  «Vers une stratégie de l’Union européenne en matière de relations culturelles internationales», JOIN(2016) 29 final.

(4)  Tiré du document de réflexion de la présidence bulgare intitulé «La voie à suivre: une vision à long terme de la contribution de la culture à l’Union européenne après 2020», 27 avril 2018.

(5)  Voir le paragraphe 4.6 de l’avis du CESE cité supra (JO C 13 du 15.1.2016, p. 83).

(6)  Document d’information de l’Unesco, Diversity and the film industry: An analysis of the 2014 UIS Survey on Feature Film Statistics (La diversité et l’industrie cinématographique: une analyse de l’enquête réalisée en 2014 par l’Institut de statistique sur les statistiques relatives aux longs métrages), mars 2016, p. 31.

(7)  64 % des emplois des secteurs de la création se trouvent en zones urbaines, J. Vlegels, W. Ysebaert: Creativiet, diversiteit en werkomstandigheden: eien analyse van de drieand van culturele en creative arbeid in België, Sociologos 39, p. 241.

(8)  Voir le cadre d’action sur l’égalité hommes-femmes comité de dialogue social sectoriel pour l’audiovisuel.

(9)  J. Vlegels, W. Ysebaert, Sociologos 39, p. 210 à 241.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/94


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux exigences minimales requises pour la réutilisation de l’eau (programme glissant)»

[COM(2018) 337 final]

(2019/C 110/18)

Rapporteur:

Mindaugas MACIULEVIČIUS

Saisine

Parlement européen, 2.7.2018

Conseil, 26.6.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

Décision du Bureau

19.9.2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

27.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

140/1/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’initiative de la Commission européenne arrive à point nommé et est très positive. Le règlement proposé encouragera considérablement le développement de ressources hydriques supplémentaires et sans danger pour l’irrigation agricole, à savoir des eaux qui peuvent être traitées de sorte à être utilisées sans danger dans l’agriculture et, le cas échéant, conservent leur contenu précieux en nutriments utiles, mais aussi en matières organiques adaptées qui enrichissent le sol.

1.2.

La valeur ajoutée de cette disposition réside avant tout dans le fait qu’elle atténuera le stress hydrique qui pèse sur les approvisionnements en eau potable et facilitera les investissements tant publics que privés permettant de créer ces ressources en eau supplémentaires. Ces infrastructures distinctes conçues spécialement pour le traitement de l’eau et l’approvisionnement en eau pour l’usage agricole viendront s’ajouter aux sources et infrastructures d’approvisionnement existantes, lesquelles constituent des services de base qui fonctionnent, suivant l’État membre concerné, sous la responsabilité de l’État, de collectivités locales ou d’entités privées.

1.3.

Le CESE accueille favorablement cette proposition de règlement en tant qu’elle constitue un complément utile pour concrétiser les intentions de la directive-cadre sur l’eau mais aussi contribuer au paquet «Économie circulaire». Elle encouragera une utilisation plus durable des ressources hydriques existantes et renforcera la confiance des consommateurs quant à la sûreté des produits agricoles concernés.

1.4.

À l’heure actuelle, les consommateurs ignorent que les normes en matière de réutilisation de l’eau sont variables d’un État membre à l’autre, et beaucoup d’entre eux n’ont pas conscience que l’eau de récupération est largement utilisée dans l’irrigation. Dès lors que ce règlement prévoit une approche cohérente fondée sur des avis scientifiques solides, il peut être considéré comme une première pierre indispensable à l’établissement d’une politique en matière de sécurité alimentaire.

1.5.

Contrairement à l’impression que peut donner l’intitulé général du règlement, la substance même de la proposition est très ciblée sur la réutilisation des eaux résiduaires urbaines à des fins d’irrigation. Bien que ce fait soit mentionné dans l’exposé des motifs du règlement, il serait recommandé de mettre plus en avant cette finalité, afin d’atténuer les inquiétudes quant au fait que les possibilités de réutilisation industrielle et domestique de l’eau sont ignorées.

1.6.

Le potentiel que revêt la réutilisation de l’eau pour l’alimentation des nappes souterraines, même s’il ne fait pas l’objet du règlement, conserve un intérêt, et il conviendrait de réaliser d’autres analyses techniques en vue de résoudre les problèmes complexes qui sont recensés dans l’analyse d’impact.

1.7.

Afin que ce règlement atteigne au maximum l’effet escompté, le Comité recommande vivement qu’il soit prévu de mettre en place dans tous les États membres des politiques de contrôle efficaces des ressources hydriques ainsi qu’un régime de responsabilisation active et de mise en œuvre. En particulier, il convient d’appliquer de manière plus systématique les interdictions des opérations illégales d’extraction d’eau.

1.8.

Des arguments économiques sérieux viennent appuyer l’idée qu’il est nécessaire d’investir des capitaux afin de créer les infrastructures requises pour la réutilisation de l’eau, mais la construction de telles infrastructures serait assistée par un soutien provenant des Fonds structurels, principalement le Fonds de développement rural et le Fonds de cohésion.

1.9.

S’il est escompté que les incidences sur la concurrence des importations en provenance de pays tiers seront neutres, le CESE demande toutefois instamment à la Commission de saisir cette occasion et d’utiliser la mise au point de normes au niveau de l’Union européenne, en relation avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments, pour renforcer sa position dans les discussions internationales portant sur l’élaboration de normes en matière de réutilisation de l’eau, en faisant en sorte que les importations en provenance de pays tiers s’y conforment également. Le CESE a plaidé régulièrement en faveur d’une cohérence dans les normes agricoles internationales, et le règlement à l’examen est à même de poser un cadre de référence mondial pour la réutilisation de l’eau (1).

2.   Introduction

2.1.

En raison du changement climatique et de la demande croissante, de nombreuses régions de l’Union européenne sont déjà confrontées à une situation de stress hydrique (2), les problèmes de rareté et de qualité de l’eau touchant déjà, toute l’année, un tiers du territoire de l’Union (3). Dans des avis antérieurs, le Comité a mis en lumière ces préoccupations, en demandant instamment que davantage d’investissements soient consentis dans le traitement des eaux usées aux fins de leur réutilisation et en soulignant que boucler le cycle de l’eau est un objectif qui ne semble plus irréaliste (4). Une large proportion des ressources hydriques sont utilisées pour l’irrigation agricole, notamment dans les États membres du sud de l’Union, où la production agricole apporte une contribution importante à l’économie. L’intention du règlement à l’examen n’est pas d’étendre la zone déjà irriguée mais d’utiliser les ressources en eau existantes de manière plus sûre et efficace.

2.2.

Préserver la confiance des consommateurs dans l’approvisionnement en ressources alimentaires et dans le système de réglementation et d’inspection qui assurent leur sécurité est, à juste titre, l’une des principales priorités de l’Union. Le règlement à l’examen permettra d’accroître le degré de certitude dans ce domaine, pour lequel les normes varient considérablement à l’heure actuelle d’un État membre à l’autre. Ce règlement pourrait, potentiellement, augmenter de 4,9 milliards de m3 par an le volume d’eau disponible pour l’irrigation, tout en diminuant globalement le stress hydrique de plus de 5 %. Il garantira la sécurité d’utilisation de l’eau récupérée et assurera un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement.

2.3.

Le règlement à l’examen peut être considéré comme ayant la capacité de renforcer l’économie circulaire, d’améliorer la sécurité alimentaire de l’Union européenne et de contribuer à la santé publique. Il répond directement à la nécessité d’établir une série d’exigences minimales harmonisées relatives à la qualité de l’eau de récupération, dont la grande majorité est utilisée dans l’agriculture. En exigeant que des informations adéquates et à jour relatives à la réutilisation de l’eau soient accessibles en ligne, il vise une transparence accrue à l’égard du public. En outre, la proposition de règlement contribue à la réalisation par l’Union des objectifs de développement durable (ci-après «ODD»), en particulier de l’ODD 6 sur l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Elle vient également compléter la proposition de la Commission relative à une nouvelle politique agricole commune, dans la mesure où elle contribue à une meilleure gestion de l’eau dans le secteur agricole, où les agriculteurs auront accès à un approvisionnement en eau plus durable.

2.4.

Il convient de noter que le règlement à l’examen est présenté dans le cadre d’un programme glissant et que l’intention à long terme est d’examiner d’autres aspects de la réutilisation de l’eau. Toutefois, ce règlement spécifique est très ciblé et aborde presque exclusivement le traitement des eaux urbaines résiduaires qui ont déjà fait l’objet d’un traitement afin de pouvoir être utilisées dans différentes formes d’irrigation. Les réutilisations à des fins domestiques ou industrielles ne font pas partie du champ d’application de la proposition à l’examen et sont, dans une certaine mesure, déjà couvertes par d’autres documents — par exemple, la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, actuellement en cours de révision (5).

3.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

3.1.

Le règlement proposé s’inscrit dans le cadre d’une approche de gestion intégrée des ressources en eau, destinée à lutter contre le grave problème du stress hydrique à l’échelle de l’Union européenne, qui ne fait que s’accroître. À côté des mesures d’économie d’eau et d’efficacité dans l’utilisation des ressources hydriques, les eaux usées traitées provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires peuvent apporter une contribution, en tant qu’elles constituent une autre source possible et fiable d’approvisionnement en eau.

3.2.

La réutilisation de l’eau a généralement une incidence sur l’environnement plus faible que les autres sources possibles d’approvisionnement, et peut offrir de nombreux avantages environnementaux, économiques et sociaux. Le règlement à l’examen est axé sur la réutilisation de l’eau pour l’irrigation agricole, qui représente actuellement près d’un quart de l’eau douce prélevée dans l’Union européenne.

3.3.

Le règlement s’appliquera directement non seulement aux États membres, mais aussi aux exploitants du secteur, ce qui pourra favoriser le développement et la pénétration des technologies environnementales. La proposition établit une série d’exigences minimales en matière de qualité de l’eau de récupération et de surveillance, ainsi que des tâches essentielles de gestion des risques, et présente une approche harmonisée pour la réutilisation de l’eau à des fins d’irrigation à l’échelle de l’Union européenne. Plus précisément, la proposition établit:

3.3.1.

des exigences minimales en matière de qualité de l’eau de récupération et de surveillance, comprenant une prise en compte des éléments microbiologiques (par exemple, les niveaux de bactéries E. coli) et des exigences minimales applicables à la surveillance (surveillance systématique et surveillance de validation). Ce dispositif garantira que l’eau de récupération produite en conformité avec le règlement proposé est sans danger pour l’irrigation;

3.3.2.

des tâches essentielles de gestion des risques, qui ajoutent un niveau supplémentaire de protection par rapport aux exigences minimales, puisqu’il s’agit d’identifier tout risque supplémentaire auquel remédier afin de permettre une réutilisation sans danger de l’eau. Cela exige avant tout que l’exploitant de la station de récupération établisse un plan de gestion des risques liés à la réutilisation de l’eau, indispensable pour l’octroi, par l’autorité compétente, d’une autorisation qui sera réexaminée au moins tous les cinq ans;

3.3.3.

une amélioration de la transparence. Les nouvelles règles en matière de transparence exigent que les citoyens aient facilement accès à des informations en ligne sur les pratiques concernant la réutilisation de l’eau dans leur État membre respectif. Il sera nécessaire d’adopter un acte d’exécution fixant des règles détaillées concernant le format et la présentation des informations à communiquer.

3.4.

Il est prévu que les États membres devront mettre en place des séries de données rassemblant des informations sur la réutilisation de l’eau, avec l’aide de l’Agence européenne pour l’environnement, qui fournira régulièrement des synthèses concernant la mise en œuvre du règlement à l’échelle de l’Union. La première évaluation est prévue six ans après l’entrée en vigueur du règlement.

3.5.

Il convient de noter que le règlement proposé n’impose pas aux États membres de procéder au traitement des eaux usées à des fins d’irrigation. Son objectif premier est de renforcer la confiance d’un large éventail de parties prenantes — autorités chargées de la gestion des eaux, agriculteurs, investisseurs et consommateurs — sur le fait que les normes les plus élevées en matière de sécurité ont été appliquées de façon cohérente dans la fourniture de l’eau utilisée à des fins d’irrigation. Il s’agira d’une avancée considérable par rapport à la pratique actuelle.

3.6.

Les questions techniques, en particulier touchant à la détection, aux normes de sécurité et aux paramètres de seuil, font l’objet d’une analyse détaillée dans l’étude d’impact ainsi que dans les documents de recherche qui l’accompagnent.

4.   Observations générales

4.1.

Le Comité accueille favorablement ce règlement en tant qu’il contribue à atténuer les pressions exercées par le changement climatique et constitue un complément utile à la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau (DCE) et de l’économie circulaire en général. Il prend acte des exemples positifs de réutilisation à grande échelle de l’eau combinée à la production agricole, notamment à Chypre et en Israël, où près de 90 % des eaux résiduaires traitées sont actuellement réutilisées. Le Comité se demande si dans le cadre du règlement relatif à la réutilisation de l’eau, il ne conviendrait pas de prendre en compte la question de la récupération de la chaleur contenue dans l’eau avant qu’elle ne soit acheminée vers l’installation de traitement. Il y aurait lieu de procéder à l’installation de tels équipements dans les logements individuels et collectifs, dans les piscines, ou encore dans les hôtels.

4.2.

Le règlement proposé reconnaît la primauté des mesures d’économie et d’utilisation efficace des ressources hydriques dans la hiérarchisation des solutions de gestion de l’eau. La réutilisation volontaire de l’eau ne sera choisie que lorsque cette option est pertinente, sans danger et efficace au regard des coûts. Il existe une marge de progression considérable pour la réutilisation de l’eau à des fins d’irrigation, notamment dans certains des États membres d’Europe du sud où il y est modestement recouru; ainsi, l’Italie et la Grèce réutilisent 5 % de leur eau, et l’Espagne 12 %, et il est encourageant que la réutilisation de l’eau y progresse désormais à un rythme régulier.

4.3.

Le Comité relève que le règlement vise à mettre en place une approche uniforme en matière de normes de qualité pour l’eau destinée à la réutilisation. Une telle approche n’existe pas à l’heure actuelle. Les consommateurs n’ont généralement pas connaissance des écarts importants qui subsistent entre les États membres en ce qui concerne la qualité des eaux réutilisées à des fins d’irrigation. Une norme minimale unique permettra d’encourager l’adoption de cette démarche ainsi que les investissements, et d’apporter une sécurité accrue sur les questions de santé pour les consommateurs.

4.4.

Le Comité fait aussi remarquer que les préoccupations relatives aux agents pathogènes, aux contaminants pour lesquels de nouvelles inquiétudes se font jour, aux sous-produits de désinfection et aux résistances aux antibiotiques ont désormais été prises en compte (dans l’annexe 2), sur la base d’un rapport technique (Science for Policy report) du Centre commun de recherche (CCR) qui analyse très en détail la gestion des risques que comporte, pour la santé et l’environnement, la réutilisation de l’eau dans l’irrigation agricole (6). Cela devrait permettre de garantir, dans le cadre d’une approche projet par projet, la protection des sols, des eaux souterraines, de l’eau potable et des produits alimentaires.

4.5.

Il existe de nombreuses situations où les ressources en eau conventionnelles sont généralement sous-évaluées sur le plan du prix, lequel ne reflète pas les coûts environnementaux ni ceux en matière de ressources. De même, il existe toujours un phénomène considérable de captage illégal des eaux provenant des cours d’eau et de forages privés. Afin que ce règlement atteigne au maximum l’effet escompté, il convient de mettre en place dans tous les États membres des politiques efficaces en matière de ressources hydriques ainsi qu’un régime de responsabilisation active et de mise en œuvre.

4.6.

Le règlement proposé établit une procédure d’autorisation bien définie pour les projets de réutilisation de l’eau. Cela devrait contribuer à une répartition claire des responsabilités relatives à la réutilisation de l’eau entre les différents acteurs du cycle de l’eau.

4.7.

Le Comité se félicite de la possibilité offerte par le règlement, lorsqu’il encourage l’adaptation ou la conception des installations de traitement des eaux usées en vue de faciliter la «fertigation». Cette pratique consiste à garder dans l’eau traitée, en garantissant comme il se doit la sécurité, des engrais solubles tels que l’azote et le phosphore ainsi que des matières organiques bénéfiques enrichissant le sol, qui sont entrés dans le cycle de l’eau à la faveur de son usage domestique ou industriel. Ces avantages supplémentaires sont considérés comme secondaires par rapport au principal intérêt, qui est de fournir de nouvelles ressources hydriques via la réutilisation de l’eau.

5.   Observations particulières

5.1.

Il convient de noter que le terme «réutilisation de l’eau» fait référence à l’utilisation d’eau qui provient d’eaux usées (principalement urbaines) et qui, après traitement, atteint une qualité qui est adaptée à l’usage prévu.

5.2.

Le règlement à l’examen est principalement axé sur les moyens de garantir la qualité et la sécurité de la réutilisation de l’eau provenant des installations de traitement des eaux usées urbaines. Il ne porte pas sur la réglementation en matière d’eau potable ou sur les mesures directes d’utilisation rationnelle de l’eau. Toutefois, le Comité souligne que le traitement efficace des eaux usées et leur réutilisation ont d’importants avantages pour l’environnement par rapport à d’autres options. Par exemple, en 2017, la sécheresse a entraîné une perte estimée de 2 milliards d’EUR pour le secteur de l’agriculture italienne, et les conditions météorologiques extrêmes qu’ont connues de nombreux États membres dans le courant de l’été 2018 vont vraisemblablement faire augmenter ce chiffre pour l’ensemble de l’Union. Or la réutilisation de l’eau pourrait, selon les estimations, couvrir 47 % de l’ensemble des besoins d’irrigation en Italie, mais, à l’heure actuelle, il n’y est recouru que dans une mesure très limitée.

5.3.

Si aujourd’hui le potentiel que revêt l’utilisation de l’eau récupérée pour l’irrigation agricole concerne en grande partie les États membres du sud, l’impulsion technique et opérationnelle apportée par ce règlement sera profitable à l’avenir pour l’ensemble de l’Union européenne.

5.4.

La responsabilité de garantir des normes de sécurité alimentaire qui, en général, sont fixées par l’Union européenne en ce qui concerne le règlement sur la législation alimentaire générale, incombe, à juste titre, aux États membres. Le règlement proposé garantira que lorsque l’eau est réutilisée à des fins d’irrigation de cultures alimentaires, la sécurité des consommateurs est primordiale. Les importations de produits agricoles en provenance de pays tiers doivent elles aussi se conformer à la législation de l’Union européenne en matière de sécurité alimentaire, même si, à l’heure actuelle, il n’existe pas d’exigences spécifiques concernant les pratiques d’irrigation dans les pays tiers. Il est fait valoir que les normes communes de l’Union européenne pourraient servir de modèle pour les pays tiers, et en particulier nos partenaires commerciaux bilatéraux, même si cet aspect fera l’objet d’une négociation au niveau international. Il est déjà fait à l’heure actuelle un usage abondant des eaux usées pour l’irrigation à l’échelle mondiale, traitées comme non traitées, y compris dans de nombreux pays à partir desquels l’Union européenne importe des produits agricoles.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis du CESE sur «Le rôle de l’agriculture dans les négociations commerciales», paragraphe 4.3 (JO C 173 du 31.5.2017, p. 20).

(2)  L’on parle de stress hydrique lorsque la demande en eau dépasse sa quantité disponible pendant une certaine période où lorsque sa qualité médiocre en réduit l’utilisation.

(3)  COM(2012) 672 final.

(4)  Avis du CESE sur le thème «Plan d’action pour la sauvegarde des ressources en eau de l’Europe» (JO C 327 du 12.11.2013, p. 93).

(5)  Directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135 du 30.5.1991, p. 40).

(6)  Publication du CCR: Towards a legal instrument on water reuse at EU level («Vers un instrument juridique sur la réutilisation de l’eau au niveau de l’Union européenne»).


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/99


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’alignement des obligations en matière de communication d’informations dans le domaine de la politique environnementale et modifiant les directives 86/278/CEE, 2002/49/CE, 2004/35/CE, 2007/2/CE, 2009/147/CE et 2010/63/UE, les règlements (CE) no 166/2006 et (UE) no 995/2010 et les règlements (CE) no 338/97 et (CE) no 2173/2005 du Conseil»

[COM(2018) 381 final — 2018/0205 (COD)]

(2019/C 110/19)

Rapporteur:

Vladimír NOVOTNÝ (CZ-I)

Consultations

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil, 22.6.2018

Base juridique

Article 114, article 192, paragraphe 1, et articles 207 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du Bureau

17.4.2018 (en prévision de la saisine)

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

5.10.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

359

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de la Commission européenne relative à l’alignement des obligations en matière de communication d’informations dans le domaine de la politique environnementale et escompte qu’elle améliorera la transparence des rapports ainsi que celle de leur élaboration, fournira des bases factuelles pour évaluer l’efficacité des politiques de l’environnement, simplifiera les procédures et réduira la charge administrative, tant pour les États membres que pour la Commission.

1.2.

Le CESE souscrit pleinement à la nouvelle approche proposée par la Commission européenne en matière de communication d’informations dans le domaine environnemental, qui s’appuie sur une modernisation substantielle des procédures de collecte de données, de présentation de rapports et d’évaluation ex post de l’environnement à l’aide des systèmes INSPIRE et Copernicus, de la transmission des données en temps réel et de leur traitement par voie électronique. Le CESE estime que la proposition de la Commission est conforme aux principes de l’approche «Mieux légiférer» et du programme REFIT.

1.3.

Le CESE recommande que les bases de données centrales de l’Agence européenne pour l’environnement permettent d’articuler les données et informations environnementales avec celles portant sur la dimension géographique, économique et sociale, ainsi que de les interpréter de manière exhaustive.

1.4.

Le CESE insiste à nouveau sur la nécessité d’associer les organisations de la société civile à l’élaboration et à l’examen des rapports sur l’environnement dans les États membres.

1.5.

Le CESE estime que, tout en conservant la qualité élevée des données et des informations environnementales, une adaptation à des modifications des exigences spécifiques en matière de communication d’informations environnementales est plus efficace que ne le serait une approche strictement uniforme, appliquée à toutes les situations.

1.6.

Le CESE est convaincu que la modernisation de la communication d’informations environnementales et le traitement et l’évaluation subséquents des données sur l’environnement contribueront de manière significative à la réalisation des objectifs de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (convention d’Aarhus).

1.7.

Le CESE invite les gouvernements des États membres de l’Union européenne, leurs administrations et agences, la Commission européenne et l’Agence européenne pour l’environnement à redoubler d’efforts pour améliorer l’accessibilité, l’intelligibilité et le caractère démonstratif des rapports et des informations sur l’environnement pour de larges pans de la société civile, et notamment ses organisations qui œuvrent dans ces domaines.

1.8.

Le CESE recommande de continuer de procéder à l’avenir à des évaluations et à une révision régulières de l’acquis en matière d’acquisition de données, d’informations et d’établissement de rapports sur l’environnement, de réduire le laps de temps entre l’acquisition, le traitement et la publication des données, et d’augmenter leur accessibilité, leur transparence et leur intelligibilité.

1.9.

Le CESE invite les organisations de défense de l’environnement à soutenir plus activement la sensibilisation du public à la situation qui prévaut en matière d’environnement dans les pays ou les régions où elles opèrent. Le CESE presse la Commission d’encourager de telles activités et de les financer.

2.   Document de la Commission

2.1.

En 2017, la Commission a publié une évaluation globale du bilan de qualité concernant la communication d’informations dans le domaine environnemental. Ce bilan de qualité portait sur 181 obligations en matière de communication d’informations réparties dans 58 actes législatifs de l’Union relatifs à l’environnement.

2.2.

Il a été procédé dans ce cadre à une analyse transversale et complète des obligations en matière de communication d’informations (1), en vue d’améliorer la transparence, de fournir des bases factuelles pour les évaluations futures, et de simplifier et réduire la charge administrative pour les États membres et la Commission.

2.3.

Les évaluations individuelles des différents actes législatifs concernés ont révélé qu’il existe une marge d’amélioration en matière de communication d’informations telle qu’établie par les textes suivants:

directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil (2) (directive sur le bruit dans l’environnement) (3),

directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil (4) (directive sur la responsabilité environnementale — DRE) (5),

directive 2007/2/CE du Parlement européen et du Conseil (6) (directive INSPIRE) établissant une infrastructure d’information géographique (7),

directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil (8) et directive 92/43/CEE du Conseil (9) (directives «Oiseaux» et «Habitats») (10),

directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil (11) (directive relative aux animaux utilisés à des fins scientifiques) (12),

règlement (CE) no 166/2006 du Parlement européen et du Conseil (13) [registre européen des rejets et des transferts de polluants (E-PRTR)] (14),

directive 86/278/CEE du Conseil (15) (directive sur les boues d’épuration),

règlement (UE) no 995/2010 du Parlement européen et du Conseil (16) (règlement sur le bois),

règlement (CE) no 338/97 du Conseil (17) (CITES),

règlement (CE) no 2173/2005 du Conseil (18) sur l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux de produits du bois (FLEGT).

Parallèlement, un processus d’alignement est engagé concernant les récentes propositions de la Commission européenne relatives à l’eau potable, aux substances organiques persistantes, à la réutilisation des eaux usées et aux produits en plastique à usage unique, qui ont été soumises en 2018.

2.4.

Sur la base de cette évaluation ont été élaborés une proposition d’alignement de chacun des différents actes législatifs concernant les informations dans le domaine de l’environnement et un plan détaillé de mise en œuvre des modifications proposées.

2.5.

L’objectif de la proposition est, dans le respect des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité, d’optimiser les obligations en matière de suivi de la mise en œuvre, de communication d’informations et de transparence qui existent déjà dans la législation de l’Union. La proposition vise en outre à aligner les exigences de la législation concernée et à améliorer les bases factuelles pour la mise en œuvre de la politique de l’Union européenne.

2.6.

La proposition comprend des mesures qui visent à améliorer la transparence et la subsidiarité (dans huit actes législatifs), à simplifier ou à éliminer la communication d’informations (dans sept actes législatifs), à aligner le calendrier relatif à la communication d’informations (dans trois actes législatifs), à simplifier les vues d’ensemble à l’échelle de l’Union et à clarifier les rôles des institutions de l’Union européenne (dans huit actes législatifs) et à préparer les évaluations à venir (dans cinq actes législatifs).

2.7.

La proposition contribue à la réalisation de l’objectif qui exige que le public ait accès à des informations claires en matière d’environnement au niveau national. Elle aidera ainsi le public à avoir une vue d’ensemble des actions dans le domaine environnemental menées au niveau européen et aidera les autorités publiques nationales à gérer les questions transfrontières. Elle vise également à réduire la charge pesant sur les États membres, à renforcer la subsidiarité et à mettre les informations sur la mise en œuvre à la portée des citoyens.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’alignement des obligations en matière de communication d’informations dans le domaine de la politique environnementale (19), en tant qu’elle constitue une avancée fondamentale sur la voie de la modernisation globale des processus d’élaboration et de communication des informations dans le domaine de l’environnement. Il est favorable au recours aux systèmes INSPIRE et Copernicus, aux moyens électroniques de traitement des données, à la transmission des données en temps réel et au passage d’une communication fondée sur des rapports écrits formels à l’établissement de bases de données centrales dynamiques au niveau de la Commission européenne et de l’Agence européenne pour l’environnement. Le CESE, conformément à l’avis de la Commission et au libellé de la proposition de règlement, constate en outre qu’il s’agit explicitement en l’occurrence de modifications d’ordre procédural mais en aucune façon de modifications de l’objet même de chacun des différents textes juridiques prévoyant un choix d’indicateurs environnementaux, une énumération de substances réglementées et les valeurs limites y afférentes.

3.2.

De l’avis du CESE, simplifier et aligner les procédures d’élaboration et de communication des rapports sur l’environnement permettra d’accroître l’efficience et la transparence de ces documents. Le CESE escompte que cette proposition entraînera une baisse de la charge et du coût liés aux obligations en matière de communication d’informations telles qu’établies dans la législation environnementale de l’Union européenne ainsi qu’une réduction significative du laps de temps qui sépare l’acquisition de données de leur publication.

3.3.

Le CESE estime qu’il est indispensable d’accroître non seulement la disponibilité, mais aussi l’intelligibilité des rapports et des informations relatives à l’environnement pour de larges pans de la société civile. Il rappelle le rôle incontournable joué par la société civile, non seulement en tant qu’utilisatrice des informations environnementales, mais aussi que participante active à la collecte, à l’élaboration et à l’examen de ces informations et rapports. Dans ce contexte, le CESE souligne l’importance des procédures d’évaluation des incidences sur l’environnement et de la participation de la société civile aux discussions en rapport.

3.4.

La proposition de révision de divers actes législatifs en vigueur relève du programme de la Commission pour une réglementation affûtée et performante [REFIT (20)]. À cet égard, le CESE a adopté un avis sur le programme REFIT (21), dans lequel il exprimait ses préoccupations quant aux défaillances constatées dans les évaluations de l’impact environnemental, et soulignait la nécessité de procéder à une évaluation intégrée et équilibrée des dimensions économique, sociale et environnementale.

3.5.

Le CESE, dans son avis sur l’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’Union européenne (22), a souligné l’importance de la participation de la société civile au processus de décision et de réexamen, ce qui est également valable pour l’examen des actes législatifs relatifs à la communication d’informations sur l’environnement.

3.6.

La proposition de la Commission européenne renvoie aux dispositions de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil (23) concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et de la directive 2007/2/CE sur les données géographiques, dont elle assure la cohérence des exigences. Le CESE a adopté un avis sur l’accès à la justice au niveau national en rapport avec les mesures d’application du droit environnemental de l’Union européenne (24), dans lequel il soulignait l’importance de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (convention d’Aarhus).

3.7.

Le CESE attire l’attention sur le fait que, alors que la proposition de la Commission européenne concerne uniquement la communication d’informations sur l’environnement conformément aux exigences de la législation de l’Union européenne, une part importante de cette communication est effectuée sur une base volontaire au niveau des entreprises, des associations professionnelles, des villes, des municipalités, d’autres organisations et des organisations de la société civile.

3.7.1.

À titre d’exemple de telles activités volontaires comprenant des rapports sur l’environnement, on peut citer, entre autres, les rapports de la Global Reporting Initiative (GRI), communiqués au niveau des sociétés individuelles, les rapports d’associations professionnelles — par exemple, dans le cas de l’industrie chimique, l’initiative «Responsible Care» du Conseil européen de l’industrie chimique (CEFIC) — et les rapports en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSC), qui souvent comprennent également un volet environnemental.

3.7.2.

Les évaluations des incidences sur l’environnement et les informations y afférentes sont également mises à la disposition du public dans le cadre des systèmes de management environnemental EMS et EMAS.

3.7.3.

Dans le cadre de ces activités, les organisations de la société civile ont fait depuis longtemps leurs preuves quant au rôle actif qu’elles jouent lors de l’examen des rapports, ce qui tend à renforcer la confiance de la société civile, d’une part, et du monde des entreprises, d’autre part. Dans le domaine des informations sur l’environnement, on applique également, tant au niveau local qu’au niveau international, les procédures d’évaluation des incidences sur l’environnement.

4.   Observations particulières

4.1.   Améliorer la transparence et la subsidiarité

Le CESE est convaincu que la proposition de la Commission est de nature à améliorer encore davantage la transparence et à permettre au public d’accéder plus aisément aux informations environnementales, tout en respectant la subsidiarité.

4.2.   Simplifier ou éliminer les obligations en matière de communication d’informations

De l’avis du CESE, il serait bon, en vue de réduire la charge administrative, de simplifier le processus de communication des informations textuelles ou de lui trouver une solution de substitution, et de se concentrer sur l’amélioration de l’accès du public à l’information. Le CESE demande à la Commission européenne de lancer les travaux afin d’élaborer plusieurs grands indicateurs synthétiques d’évaluation de l’état de l’environnement, qui seraient intelligibles pour un large éventail des composantes de la société de tous les pays de l’Union européenne. Cette démarche permettrait d’obtenir plus aisément un avis sur la protection de l’environnement dans leur pays ou dans leur région et de déclencher des initiatives visant à rechercher des changements positifs.

4.3.   Aligner le calendrier relatif à la communication d’informations

Le CESE est favorable à l’idée de rationaliser les délais de présentation des cartes de bruit et des plans d’action conformément à la directive 2002/49/CE (25), de prévoir un délai suffisant pour les consultations publiques et de renforcer la participation de la société civile à l’examen ou à la révision des plans d’action. Le CESE approuve des dispositions similaires également pour d’autres réglementations, à condition qu’elles n’entraînent pas une dégradation de la qualité et de l’accès aux données et aux informations environnementales.

4.4.   Simplifier les vues d’ensemble à l’échelle de l’Union et clarifier les rôles des institutions de l’Union

De l’avis du CESE, il est indispensable de clarifier et de préciser le rôle que la Commission et l’Agence européenne pour l’environnement jouent dans les processus de communication d’informations concernés.

4.5.   Préparer les évaluations à venir

Le CESE apprécie le fait que l’évaluation effectuée par la Commission européenne a révélé un certain nombre de doublons, d’incohérences et d’exigences superfétatoires tant dans la structure des données et des rapports que dans les exigences en matière de fréquence, ainsi que d’autres insuffisances relatives à leur efficacité. Le CESE est convaincu que d’autres marges d’amélioration pourront être trouvées à l’avenir. C’est pourquoi il recommande d’évaluer régulièrement le fonctionnement de l’acquis dans ce domaine. Il y a lieu que la Commission procède à des évaluations et demande aux États membres de fournir les informations nécessaires à cet égard. Dans ce contexte, le CESE a adopté un avis intitulé «Une législation à l’épreuve du temps» (26) (dossier SC/045), dans lequel il a formulé des recommandations sur la voie à suivre dans le contexte de la future législation.

4.6.   Données dans leur contexte

Le CESE recommande que les bases de données centrales de l’Agence européenne pour l’environnement soient mises en place de façon que les données et informations environnementales soient reliées à des données sur la dimension géographique, économique et sociale, et puissent de la sorte être interprétées de manière exhaustive et correcte. Le CESE se félicite des mesures prévues par la Commission européenne pour introduire une meilleure réglementation, susceptible de réduire la charge administrative liée à la révision de l’obligation de notification au titre du règlement (CE) no 166/2006 [registre européen des rejets et des transferts de polluants (E-PRTR)], s’agissant des obligations qui ont une valeur limitée. Dans le même temps, le CESE signale la nécessité de respecter le principe de confidentialité de certaines informations liées à des secrets d’affaires, qui ne devrait toutefois pas faire obstacle à la transparence et à l’accessibilité des rapports et des données environnementales.

4.7.   Quelques modifications ponctuelles

Le CESE considère que les modifications proposées devraient être adaptées à l’avenir aux spécificités des actes législatifs ponctuels introduisant des obligations en matière de notification d’informations environnementales, et non se conformer à une approche uniforme, appliquée à toutes les situations. Par ailleurs, le CESE approuve l’alignement de la périodicité de l’établissement de rapports entre la directive 2009/147/CE (directive «Oiseaux») et la directive 92/43/CEE (directive «Habitats»).

4.8.   Encourager le public à agir dans le domaine de l’environnement

Le CESE invite les organisations de défense de l’environnement à soutenir plus activement la sensibilisation du public à la situation qui prévaut en matière d’environnement dans les pays ou les régions où elles opèrent. Le CESE presse la Commission d’encourager de telles activités et de les financer.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  SWD(2017) 230.

(2)  JO L 189 du 18.7.2002, p. 12.

(3)  SWD(2016) 454.

(4)  JO L 143 du 30.4.2004, p. 56.

(5)  SWD(2016) 121.

(6)  JO L 108 du 25.4.2007, p. 1.

(7)  COM(2016) 478 et SWD(2016) 273.

(8)  JO L 20 du 26.1.2010, p. 7.

(9)  JO L 206 du 22.7.1992, p. 7.

(10)  SWD(2016) 472 final.

(11)  JO L 276 du 20.10.2010, p. 33.

(12)  COM(2017) 631 et SWD(2017) 353.

(13)  JO L 33 du 4.2.2006, p. 1.

(14)  SWD(2017) 711.

(15)  JO L 181 du 4.7.1986, p. 6.

(16)  JO L 295 du 12.11.2010, p. 23.

(17)  JO L 61 du 3.3.1997, p. 1.

(18)  JO L 347 du 30.12.2005, p. 1.

(19)  COM(2018) 381 final — 2018/0205 (COD).

(20)  https://ec.europa.eu/info/law/law-making-process/evaluating-and-improving-existing-laws/refit-making-eu-law-simpler-and-less-costly_fr

(21)  Avis du CESE sur le programme REFIT (JO C 230 du 14.7.2015, p. 66).

(22)  Avis du CESE sur l’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’Union européenne (JO C 345 du 13.10.2017, p. 114).

(23)  JO L 41 du 14.2.2003, p. 26.

(24)  Avis du CESE sur l’accès à la justice au niveau national en rapport avec les mesures d’application du droit environnemental de l’Union européenne (JO C 129 du 11.4.2018, p. 65).

(25)  Directive 2007/2/CE.

(26)  Avis du CESE intitulé «Une législation à l’épreuve du temps» (JO C 487 du 28.12.2016, p. 51).


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/104


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche et abrogeant le règlement (UE) no 508/2014 du Parlement européen et du Conseil»

[COM(2018) 390 final — 2018/0210 (COD)]

(2019/C 110/20)

Rapporteur:

Brian CURTIS (UK-II)

Saisine du Comité par le Conseil

12.7.2018

Saisine du Comité par le Parlement européen

2.7.2018

Base juridique

Article 42, article 43, paragraphe 2, article 91, paragraphe 1, article 100, paragraphe 2, article 173, paragraphe 3, article 175, article 188, article 192, paragraphe 1, article 194, paragraphe 2, article 304 et article 349 du TFUE

 

 

Décision du Bureau

22.5.2018 (en prévision de la saisine)

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

27.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

214/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission, qui fournit aux États membres un système plus flexible conforme à leurs priorités stratégiques et vise à soutenir un modèle économique durable pour les pêcheurs, ainsi qu’à préserver la compétitivité du secteur de la pêche. Il demande en particulier une approbation rapide, un mécanisme de financement plus accessible et un régime de sanctions plus proportionné et harmonisé. La société civile organisée et les plateformes de parties prenantes régionales devraient être associées à toutes les étapes du processus, de l’élaboration des plans nationaux à la mise en œuvre et à l’évaluation finale.

1.2.

Le CESE estime que le budget alloué au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) devrait être maintenu à son niveau actuel (6,4 milliards d’EUR). Cet élément est capital pour pouvoir mener à bien les changements radicaux et la modernisation en profondeur que l’Union européenne demande au secteur de la pêche. Il convient de noter en particulier que le FEAMP actuel représente 0,6 % du cadre financier pluriannuel 2014-2020, ce qui signifie que toute réduction de son financement aura un impact négligeable sur le budget total de l’Union européenne mais pourrait avoir des conséquences désastreuses pour de nombreuses régions côtières.

1.3.

Le CESE constate que la proposition de la Commission ne s’appuie sur aucune analyse détaillée de son impact économique et social. Cette lacune est aggravée par le fait que le secteur de la pêche est en crise depuis plus de vingt ans. Le Comité réclame donc un engagement rapide de la Commission européenne (en particulier la DG Emploi) ainsi que le lancement d’un dialogue social sectoriel afin de recenser les mesures les plus appropriées pour compenser l’incidence économique et sociale.

1.4.

Le CESE souligne que l’aquaculture et l’économie bleue restent très loin de compenser les destructions d’entreprises et de postes de travail. Il encourage la Commission et les États membres à instaurer un mécanisme simplifié à la fois pour les nouveaux projets d’aquaculture et pour la modernisation des projets existants.

1.5.

Le nouveau FEAMP devrait accorder la priorité à la dimension sociale, de façon à renforcer et à financer les mesures destinées à promouvoir et soutenir le dialogue social, la sécurité, les conditions de travail et le renforcement des capacités, le renforcement des compétences des travailleurs et le «renouvellement des générations».

1.6.

Le Comité encourage la Commission et les États membres à pousser plus loin leurs actions en instaurant la traçabilité totale des importations, dans un objectif aussi bien de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée que de sécurité alimentaire. La lutte contre toutes les formes d’esclavage et d’exploitation, tant à bord des navires que sur les sites de transformation situés sur la terre ferme, devrait être l’une des pierres angulaires de la nouvelle stratégie mondiale de l’Union européenne en matière de pêche et de gouvernance des océans.

1.7.

Le CESE préconise de financer le remplacement des anciens navires par de nouveaux, pour autant que la flotte concernée n’ait pas de capacités excédentaires et que les espèces ciblées soient pêchées à des niveaux correspondant au rendement maximal durable (RMD). Cette démarche devrait notamment s’appuyer sur l’utilisation de moteurs plus durables et plus efficaces qui permettront de réduire les émissions de CO2 et de garantir la sécurité des équipages.

1.8.

Le Comité recommande de conserver les critères actuels concernant l’octroi d’un soutien financier et d’une compensation en cas d’arrêt temporaire ou définitif des activités de pêche. Il importe que les pêcheurs comme les propriétaires de navires de pêche puissent bénéficier de ces instruments financiers.

1.9.

Le Comité soutient la proposition prévoyant des mesures spécifiques de soutien à la petite pêche côtière, qui apporte une contribution essentielle aux revenus et au patrimoine culturel de nombreuses communautés côtières. Néanmoins, pour soutenir un modèle économique durable pour la petite pêche, il importe également d’instaurer des mesures de conservation et d’ordre technique spécifiques là où ce type de pêche est plus répandu (par exemple en Méditerranée). Ces mesures devraient être adaptées aux différentes formes de pêche et aux caractéristiques biologiques propres à chaque mer. Le Comité estime qu’une collecte de données, un contrôle et une mise en œuvre efficaces constituent des conditions préalables essentielles à une gestion responsable de la pêche qui soit porteuse d’avancées économiques et sociales pour les pêcheurs et les communautés locales.

2.   Introduction et méthodologie

2.1.

Le nouveau Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) s’inscrit dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. Il constitue un outil fondamental pour soutenir la réalisation des objectifs de la politique commune de la pêche (PCP), promouvoir la mise en œuvre de la politique maritime de l’Union et renforcer la gouvernance internationale des océans, notamment dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030.

2.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère le nouveau budget à long terme de l’Union européenne comme un instrument de premier plan pour le développement durable, la croissance et la cohésion, et plus généralement pour l’avenir de l’Europe. Le présent avis est donc étroitement lié à tous les autres avis analysant certains fonds spécifiques relevant du nouveau CFP 2021-2027 (1).

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

Le nouveau FEAMP 2021-2027 se concentrera sur quatre priorités:

favoriser une pêche durable et la conservation des ressources biologiques de la mer,

contribuer à la sécurité alimentaire au moyen d’une aquaculture et de marchés durables et compétitifs,

permettre la croissance d’une économie bleue durable et favoriser la prospérité des communautés côtières,

renforcer la gouvernance internationale des océans et faire en sorte que les mers et les océans soient sûrs, sécurisés, propres et gérés de manière durable.

3.2.

Le budget du nouveau FEAMP s’élèvera à 6,14 milliards d’EUR en prix courants. Les ressources se répartissent principalement entre gestion partagée et gestion directe, 5,31 milliards d’EUR étant affectés à la gestion partagée avec les États membres et 0,83 milliard d’EUR à la gestion directe par la Commission européenne.

3.3.

La proposition de la Commission vise à surmonter les limitations du FEAMP 2014-2020 et à instaurer un système de financement qui soit capable de relever de nouveaux défis dans le cadre des objectifs de développement durable. Les principaux éléments du nouveau FEAMP sont les suivants:

3.3.1.   Simplification

Le FEAMP 2014-2020 repose sur une description stricte des possibilités de financement et des règles d’éligibilité, ce qui en a compliqué la mise en œuvre pour les États membres et les bénéficiaires. Celui couvrant la période 2021-2027 offre un éventail plus large de possibilités, permettant aux États membres de concentrer leur soutien sur leurs priorités stratégiques. En particulier, le règlement décrit différents domaines de soutien pour chaque priorité, offrant un cadre flexible pour la mise en œuvre. Les États membres prépareront leur programme en indiquant les méthodes les plus appropriées pour atteindre les priorités définies. Il leur sera accordé une certaine souplesse dans l’établissement des règles d’éligibilité.

3.3.2.   Alignement avec les autres fonds de l’Union européenne

Dans le nouveau CFP, des règles applicables à l’ensemble des fonds sont énoncées dans un règlement portant dispositions communes (RDC). Des synergies spécifiques avec d’autres fonds (FEDER, FSE, etc.) seront notamment développées.

3.3.3.   Condition

Conformément à la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20) et à l’objectif de développement durable no 14 sur la conservation et l’exploitation durable des océans, l’Union européenne s’est engagée à promouvoir une économie bleue durable, la conservation des ressources biologiques et la réalisation d’un bon état écologique, à interdire certaines formes de subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche, à supprimer les subventions qui favorisent la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, et à s’abstenir d’introduire de telles subventions. Le règlement fixe dès lors certaines restrictions et conditions («opérations non éligibles»), afin d’éviter des effets préjudiciables pour la conservation en matière de pêche.

3.3.4.   Accent sur les performances

Les performances du soutien du FEAMP seront évaluées sur la base d’indicateurs. Les États membres rendront compte des progrès accomplis concernant l’obtention des valeurs intermédiaires et des valeurs cibles. La Commission procédera à un réexamen annuel des performances fondé sur des rapports de performance établis par les États membres, permettant ainsi de détecter rapidement les problèmes de mise en œuvre potentiels et de prendre des mesures correctives.

3.3.5.   Durabilité environnementale, sociale et économique

Une pêche et une aquaculture durables comptent parmi les principaux objectifs de la PCP. Conformément à une conception large du développement durable, il y a lieu de rechercher, parallèlement aux objectifs environnementaux, des retombées positives économiques, sociales et en matière d’emploi. Le rendement maximal durable (RMD) restera la principale méthode permettant de garantir une pêche durable. Un soutien sera apporté à la transition vers des activités plus durables. Les compensations pour l’arrêt extraordinaire des activités de pêche ne seront accordées que si les effets de telles circonstances sur les pêcheurs sont importants (2). La petite pêche côtière, les régions ultrapériphériques, le renouvellement des générations, l’éducation et la formation ainsi que la santé et la sécurité au travail bénéficieront tous d’une attention et d’un soutien particuliers au titre du nouveau FEAMP. L’obligation de débarquement pourrait continuer de jouer un rôle critique en raison de ses profondes implications financières. Le FEAMP soutiendra dès lors l’innovation et les investissements qui contribuent à la mise en œuvre de l’obligation de débarquement, tels que les investissements dans l’utilisation d’engins sélectifs, l’amélioration des infrastructures portuaires et la commercialisation des captures indésirées. Enfin, un soutien sera apporté aux pêcheurs et aux ports pour les aider à assurer de manière moderne la collecte des engins de pêche perdus et des déchets marins ainsi que la gestion de ces déchets.

3.4.

Le poisson consommé dans l’Union européenne est, pour plus de 60 %, importé depuis des pays tiers (3). Pour combler ce déficit, il est même nécessaire de soutenir, au-delà des activités de pêche, le secteur de l’aquaculture, qui produit du poisson répondant à des normes de qualité élevées et accessible à des prix abordables. Le FEAMP soutiendra dès lors la promotion et le développement durable de l’aquaculture, y compris l’aquaculture en eau douce.

3.5.

60 % des océans se situent au-delà des frontières des juridictions nationales. Il en résulte que l’Union européenne devra se montrer plus active et jouer un plus grand rôle face à l’enjeu mondial que représente la gouvernance des océans. Le FEAMP soutiendra cet engagement en faveur d’océans sûrs, sécurisés, propres et gérés de manière durable dans le cadre d’une gestion directe. Enfin, l’amélioration de la protection des frontières (coopération concernant les fonctions de garde-côtes) et de la surveillance maritime constitue un défi émergent qui sera financé par le FEAMP pour la période 2021-2027.

3.6.

Ce soutien sera complété par un financement spécifique de l’Agence européenne de contrôle des pêches, des accords de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD) et l’adhésion de l’Union aux organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) et autres organisations internationales, ce qui contribuera également à l’application des politiques de l’Union dans le secteur de la pêche et le secteur maritime.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission, qui fournit aux États membres un système plus flexible conforme à leurs priorités stratégiques et vise à soutenir un modèle économique durable pour les pêcheurs, ainsi qu’à préserver la compétitivité du secteur de la pêche. Il souligne en particulier que le principal problème du FEAMP actuel est le faible niveau de mise en œuvre (4). Deux éléments expliquent une telle situation:

une approbation tardive entraînant une mise en œuvre tardive. Les colégislateurs n’ont adopté le règlement relatif au FEAMP qu’en mai 2014, après quoi les États membres ont eu besoin d’un temps supplémentaire pour concevoir et approuver leurs programmes nationaux,

le caractère trop complexe et bureaucratique du système actuel, auquel s’ajoute le fait que de nombreux pêcheurs hésitent avant d’introduire une demande de financement en raison du risque financier disproportionné qu’ils pourraient avoir à supporter. Au titre de l’article 12, paragraphe 2, de la proposition (qui conserve les dispositions existantes), s’ils commettent une infraction grave (5) dans les cinq années qui suivent le paiement final, ils deviendront rétroactivement inéligibles et seront contraints de rembourser tous les montants reçus. Une telle disposition devrait être supprimée.

4.2.

Pour les raisons exposées ci-dessus, le CESE demande une approbation rapide, un mécanisme de financement plus accessible et un régime de sanctions plus proportionné et harmonisé. Le FEAMP devrait être considéré par l’ensemble des pêcheurs comme un système facile à utiliser destiné à améliorer leurs activités du point de vue de la durabilité et de la qualité. Cet aspect sera déterminant lorsqu’il s’agira d’assurer la mise en œuvre et le respect du nouveau régime de contrôle des pêches récemment proposé par la Commission européenne (6). Le Comité recommande que la société civile organisée et les plateformes de parties prenantes régionales soient associées à toutes les étapes du processus, de l’élaboration des plans nationaux à la mise en œuvre et à l’évaluation finale.

4.3.

Le budget du nouveau FEAMP (6,14 milliards d’EUR) a été revu à la baisse (- 4 %) par rapport au fonds actuel portant sur la période 2014-2020 (6,4 milliards d’EUR). Le CESE est conscient du fait que le Brexit constitue une solide raison de procéder à une telle réduction. Il n’en souligne pas moins que les changements radicaux demandés par l’Union européenne au secteur de la pêche, qui emploie 150 000 pêcheurs et, tout au long de la chaîne de valeur, 730 000 travailleurs générant près de 400 milliards d’EUR par an en salaires et bénéfices nets, nécessitent de revoir le budget actuel à la hausse ou, à tout le moins, de ne pas le réduire. Il convient de noter que le FEAMP actuel représente 0,6 % du cadre financier pluriannuel 2014-2020, ce qui signifie que toute réduction de son financement aura un impact négligeable sur le budget total de l’Union européenne mais pourrait avoir des conséquences désastreuses pour de nombreuses régions côtières.

4.4.

Le CESE constate que la proposition de la Commission ne s’appuie sur aucune analyse détaillée de son impact économique et social. Cette lacune est aggravée par le fait que le secteur de la pêche est en crise depuis plus de vingt ans et que les mesures prises en vue de parvenir à une pêche et une aquaculture plus durables n’ont pas permis d’inverser la tendance (7). Le Comité réclame donc un engagement rapide de la Commission européenne (en particulier la DG Emploi) ainsi que le lancement d’un dialogue social sectoriel (8) afin de recenser les mesures les plus appropriées pour compenser l’incidence économique et sociale.

4.5.

Le CESE souligne que les mesures mises en œuvre pour développer l’aquaculture et l’économie bleue restent très loin de compenser les destructions d’entreprises et de postes de travail, en raison principalement d’un système excessivement bureaucratique. Il encourage la Commission et les États membres à faciliter l’instauration d’un mécanisme simplifié à la fois pour les nouveaux projets d’aquaculture et pour la modernisation des projets existants, en mettant spécifiquement l’accent, à l’échelon régional, sur la définition de zones d’attribution pour l’aquaculture.

4.6.

La pêche durable reste le principal objectif à atteindre, et il convient de donner au secteur de la pêche les moyens d’y parvenir. Toutefois, cette priorité, telle que proposée par la Commission, ne précise pas si les mesures financées au titre du FEAMP actuel sont prises en considération pour l’amélioration des conditions de travail et de sécurité, par exemple pour la formation, les services de conseil, la promotion du capital humain, le dialogue social, les jeunes pêcheurs ou la santé et la sécurité. Comme l’ont constaté l’industrie et les diverses administrations, il existe un problème de pénuries de professionnels qualifiés qui entrave le «renouvellement des générations». Le CESE invite instamment les colégislateurs à accorder la priorité à la dimension sociale, de façon à renforcer et à financer les mesures destinées à promouvoir et soutenir le dialogue social, la sécurité, les conditions de travail et le renforcement des capacités, ainsi que le renforcement des compétences des travailleurs. Sans cela, le secteur ne parviendra pas à attirer les jeunes professionnels.

4.7.

La modernisation des navires en vue d’accroître la sécurité à bord sans augmenter la capacité de pêche, le renouvellement des générations et l’existence de conditions de travail, de formations et de salaires corrects sont des indicateurs clés lorsqu’il s’agit d’évaluer les lacunes de l’Union européenne en matière de croissance et de solidité. Le FEAMP devrait inciter les pêcheurs à prendre part à la conservation de la biodiversité marine, en s’appuyant notamment sur des engins innovants destinés à accroître la sélectivité, sur des études d’impact ou sur l’atténuation des incidences de la pêche. Dans ce cadre, la politique de «révision à la baisse» adoptée par la Commission ne permettra pas de résoudre l’ensemble des problèmes liés à la durabilité et à la compétitivité.

4.8.

Le CESE constate que, pour l’essentiel, le poisson importé de pays tiers a été pêché de manière moins durable que les prises comparables réalisées au sein de l’Union européenne, sans parler des conditions de travail à bord des navires ou sur les sites de transformation situés sur la terre ferme. Les prix plus bas qui en résultent s’apparentent à de la concurrence déloyale vis-à-vis des pêcheurs européens, mettant à mal la possibilité de parvenir à des prix minimaux stables lors de la première vente, qui constitue pourtant une condition préalable à leur survie. Le Comité encourage la Commission et les États membres à pousser plus loin leurs actions en instaurant la traçabilité totale des importations, dans un objectif aussi bien de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée que de sécurité alimentaire, et à organiser des campagnes de sensibilisation destinées à informer les consommateurs sur la qualité du poisson en Europe. Il convient également de mettre un frein aux pratiques douteuses en matière de vente au détail, telles que la présentation de poissons décongelés sur les étals de poissons frais en l’absence d’étiquetage clair et univoque.

5.   Observations particulières

5.1.

Le Comité approuve la nouvelle approche adoptée par la Commission européenne, qui vise à établir un cadre général sans mesures normatives, offrant ainsi une plus grande flexibilité aux États membres, aux autorités chargées de la mise en œuvre et aux bénéficiaires. Ce système simplifié devrait notamment permettre de créer des programmes nationaux taillés sur mesure. Il convient néanmoins d’assurer dans ce cadre des conditions d’équité en matière d’accès au financement à travers l’Union européenne. En outre, le règlement portant dispositions communes, qui comprend toutes les dispositions d’application, devrait faciliter l’utilisation conjointe de différents programmes de financement de l’Union européenne. Des mécanismes clairs devraient être instaurés afin de vérifier que les fonds publics sont concrètement affectés aux dépenses les plus utiles et qu’une aide financière est allouée pour la gestion durable des océans.

5.2.

Le CESE soutient la proposition de définir quatre grandes priorités. Il se félicite en particulier de l’accent mis spécifiquement sur la gouvernance des océans et le développement local, conformément à ses avis antérieurs, en vue de réaliser les objectifs de développement durable et de soutenir la pêche artisanale (9). Il souligne néanmoins que des cas d’esclavage et d’exploitation ont récemment été découverts à bord de navires européens (10) et que, malheureusement, de telles pratiques (y compris l’esclavage des enfants) sont encore plus répandues dans les pays tiers. Il estime que la nouvelle stratégie mondiale développée par la Commission devrait faire de la lutte contre toute forme d’exploitation humaine l’une de ses pierres angulaires.

5.3.

Le Comité considère que le renouvellement de la flotte constitue un enjeu majeur étant donné qu’en moyenne, les navires de pêche européens ont plus de trente ans et qu’une simple modernisation s’avère souvent insuffisante. Il préconise dès lors d’encourager le financement du remplacement des anciens navires par de nouveaux, pour autant que la flotte concernée n’ait pas de capacités excédentaires et que les espèces ciblées soient pêchées à des niveaux correspondant au rendement maximal durable (RMD). En outre, compte tenu de la stratégie de l’OMI concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre en provenance des navires, qui vise à réduire les émissions annuelles totales d’au moins 50 % d’ici à 2050, il y a lieu de remplacer les moteurs des navires de plus grande taille afin de s’adapter et de se conformer à cet objectif international. Il est donc primordial, notamment, de se doter de moteurs plus durables et plus efficaces qui permettront de réduire les émissions de CO2 et de garantir la sécurité des équipages. Dans les faits, comme l’estime la FAO, la pêche est une activité potentiellement dangereuse, et une formation appropriée en matière de santé et de sécurité au travail est nécessaire pour réduire le nombre de décès et de blessures en milieu professionnel et de maladies liées au travail (11). Pour toutes ces raisons, il importe de dissocier les questions relatives aux capacités de pêche et à la protection de la diversité de celle du renouvellement de la flotte et des moteurs.

5.4.

Le soutien à l’arrêt temporaire des activités a joué un rôle clé dans l’amélioration de l’état des stocks, notamment en ce qui concerne les périodes d’interdiction de pêche, tout en offrant aux pêcheurs une compensation partielle pour leurs pertes de revenus. Si elle conserve cette mesure dans le nouveau cadre financier, la Commission propose de nouvelles exigences qui n’existaient pas dans le règlement précédent. En l’absence de rapports faisant état d’une mauvaise utilisation des fonds dans le contexte d’un arrêt temporaire d’activités, elle devrait respecter et conserver les critères précédents pour pouvoir apporter cette aide à un maximum de pêcheurs qui pourraient en avoir besoin. Le même principe devrait être appliqué aux arrêts définitifs d’activités. Dans les deux cas, il importe que ce soutien financier bénéficie également aux pêcheurs, et non uniquement aux propriétaires de navires de pêche, comme le prévoit le FEAMP actuel.

5.5.

La pêche est une activité saisonnière et les prises peuvent être fluctuantes, dépassant parfois les besoins du marché. Il faut donc être en mesure de gérer correctement les excédents de production en aidant à stabiliser une partie de la production avant sa mise en vente, notamment dans un contexte de réduction des prises. Pour ce faire, le FEAMP devrait continuer de soutenir les organisations de producteurs qui ont besoin d’un mécanisme de stockage temporaire pour les produits de la pêche destinés à la consommation humaine. Pour être pleinement opérationnelle, cette aide devrait être fournie sans délai. À cet égard, le CESE soutient le maintien de mécanismes de compensation des coûts de stockage.

5.6.

Le renouvellement des générations est une autre question essentielle pour l’avenir du secteur. De nouvelles initiatives destinées à faciliter l’acquisition d’un navire de seconde main, ainsi que la formation professionnelle et l’amélioration des conditions de travail, peuvent certes s’avérer utiles, mais elles ne s’attaquent pas au nœud du problème, à savoir le faible rendement des investissements. C’est particulièrement vrai pour la pêche artisanale, représentée par des navires de moins de 12 mètres gérés au niveau familial. Le CESE constate que la diminution constante du nombre de navires et de postes de travail contredit les prévisions de la Commission, qui table sur un doublement de la valeur du secteur européen de la pêche d’ici à 2030, conformément aux perspectives de croissance mondiale (12).

5.7.

Le Comité soutient la proposition prévoyant des mesures spécifiques de soutien à la petite pêche côtière, qui apporte une contribution essentielle aux revenus et au patrimoine culturel de nombreuses communautés côtières. Ce type de pêche représente 75 % de tous les navires de pêche immatriculés dans l’Union européenne et près de la moitié des emplois du secteur. Au cours des dernières décennies, la pêche traditionnelle et artisanale a payé le plus lourd tribut à la crise; elle a aujourd’hui besoin d’une stratégie spécifique pour retrouver une solide position sur le marché. Cette initiative aura également des effets positifs sur les communautés locales en déclin.

5.8.

Le Comité estime qu’il y a lieu de recourir à des approches innovantes pour la gestion des droits de la petite pêche, et qu’une collaboration plus approfondie est essentielle pour aider le secteur à gérer ses quotas et jours en mer, établir des liens entre production et commercialisation ou résoudre les questions relatives aux stocks à quotas limitants. Les communautés côtières et l’environnement marin seront les principaux bénéficiaires d’une attribution des possibilités de pêche reposant sur des critères environnementaux, sociaux et économiques transparents. Des fonds promouvant la durabilité et les processus participatifs pourraient contribuer à relever ces défis et couvrir des mesures telles que la facilitation d’ateliers ou la conception de processus participatifs en vue d’interagir avec les acteurs scientifiques et d’autres parties prenantes.

5.9.

Le développement local mené par les acteurs locaux s’est révélé un instrument extrêmement utile durant la période de programmation 2014-2020. Cette stratégie a joué un rôle important dans la promotion de la diversification économique dans les communautés locales. Le Comité soutient donc la proposition visant à l’élargir à tous les secteurs de l’économie bleue. L’attribution de fonds en faveur d’une économie bleue durable devrait cependant garantir des avantages économiques et sociaux pour les générations actuelles et futures, rétablir et préserver la diversité, la productivité, la résilience et la valeur intrinsèque des écosystèmes marins, ainsi que promouvoir les technologies propres, les énergies renouvelables et les flux de matériaux circulaires.

5.10.

Le Comité considère la déclaration de Malte «MedFish4Ever», adoptée en 2017, comme une pierre angulaire de l’action de l’Union européenne. Il estime néanmoins que certaines mesures de conservation et d’ordre technique devraient être adaptées aux différentes formes de pêche et aux caractéristiques biologiques de la mer Méditerranée. Il a constaté qu’en réalité, le modèle fructueux que constitue le plan pluriannuel pour les pêches monospécifiques (par exemple en mer Baltique) est moins efficace dans le cas des pêches mixtes (par exemple en Méditerranée) (13). En outre, les méthodes de pêche au nord et au sud de l’Europe sont totalement différentes, la pêche en Méditerranée se caractérisant notamment par une pratique artisanale et traditionnelle (14). Le Comité recommande dès lors de promouvoir la recherche sur l’évaluation des stocks et la collecte de données en vue de mettre au point des systèmes sur mesure et plus efficaces de protection de la biodiversité. Une collecte de données, un contrôle et une mise en œuvre efficaces constituent des conditions préalables essentielles à une gestion responsable de la pêche qui soit porteuse d’avancées économiques et sociales pour les pêcheurs et les communautés locales.

5.11.

Conformément aux prévisions du CESE (15), l’obligation de débarquement constitue l’un des principaux problèmes du secteur, tant pour les entreprises de pêche que pour les autorités nationales, en raison de sa complexité et des coûts élevés de la transition vers une pêche plus durable (c’est-à-dire de l’utilisation d’engins sélectifs bien précis). La nouvelle proposition de la Commission sur le contrôle des pêches (16) devrait étendre les obligations qui s’appliquent actuellement aux navires de petite taille et instaurera de manière générale de nouvelles tâches et obligations pour l’ensemble du secteur, à savoir l’obligation d’intégrer à bord des navires un système de surveillance par télévision en circuit fermé (CCTV). Le CESE considère qu’un système de contrôle simplifié, plus flexible et plus pragmatique s’impose, et qu’un soutien adapté devrait être fourni à l’échelon national à un grand nombre de navires. Le succès de la mise en œuvre du nouveau système de contrôle est dès lors étroitement lié à la pleine et rapide exécution du FEAMP 2021-2027, afin d’aider tous les pêcheurs à se conformer au nouveau règlement (17).

5.12.

Le CESE souligne que les nouvelles directives de l’Union européenne relatives à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique (18) (en l’occurrence les engins de pêche usagés) et aux installations de réception portuaires (19) ouvrent de nouvelles perspectives et de nouvelles possibilités pour la pêche durable et l’économie circulaire. La disposition visant à encourager les pêcheurs à rapporter les engins de pêche au moyen de mesures incitatives devrait être élargie au retour de tous les autres déchets et déchets marins collectés lors des activités de pêche.

5.13.

Une telle initiative aurait sans doute une incidence fondamentale sur le secteur, étant donné qu’en vertu de la législation en vigueur, les pêcheurs sont obligés de payer pour éliminer ces déchets dans les ports. En d’autres termes, ils paient actuellement pour le nettoyage des océans et l’élimination de déchets qu’ils n’ont pas produits eux-mêmes mais ont simplement collectés. Le CESE estime que les pêcheurs pourraient apporter une réelle valeur ajoutée à cet égard et que, moyennant une formation appropriée, ces actions de nettoyage pourraient devenir une autre activité économique rentable, au même titre que le tourisme lié à la pêche (économie bleue) (20).

5.14.

Conformément à la proposition de la Commission d’affecter 25 % du budget total de l’Union européenne aux actions de lutte contre le changement climatique, le CESE propose d’allouer une part significative de ces fonds à la rénovation des ports, de manière à «boucler la boucle» de la gestion des déchets marins et à promouvoir une économie circulaire. Des fonds devraient être spécifiquement affectés au nettoyage des rivières au titre d’une stratégie plus large de prévention des déchets marins (21). Le CESE est d’avis que les modèles de gouvernance ouverte associant les pouvoirs publics et la société civile organisée à l’échelon local, à l’instar des «contrats de rivière», pourraient être reproduits dans le cadre d’une approche structurée, en promouvant la création de réseaux transfrontières (22).

5.15.

De nombreux acteurs ont fait part des difficultés rencontrées lorsqu’il s’agit d’établir des conditions de concurrence équitables dans les zones où la mer est également exploitée à d’autres fins, particulièrement dans les zones partagées avec des flottes de pays tiers (23). Un rôle accru de l’Union européenne dans la gouvernance internationale des océans pourrait donc ouvrir davantage de possibilités en matière de durabilité environnementale et de concurrence équitable.

5.16.

Le CESE soutient l’instauration de contrôles sur les navires originaires de pays tiers. Il souligne par ailleurs qu’un système de traçabilité plus performant pour le poisson en provenance de pays tiers aiderait à lutter contre la fraude et à assurer la sécurité alimentaire.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis du CESE: Cadre financier pluriannuel après 2020 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 106); Règlement portant dispositions communes pour la période 2021-2027 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 83); Règlement relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion pour la période-2021-2027 (JO C 62 du 15.2.2019, p. 90); Règlement sur la coopération territoriale européenne 2021-2027 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 116); Règlement relatif au mécanisme transfrontalier 2021-2027 (JO C 440 du 6.12.2018, p. 124); Fonds social européen plus (JO C 62 du 15.2.2019, p. 165); Proposition relative à Horizon Europe (nouveau neuvième programme-cadre), (JO C 62 du 15.2.2019, p. 33).

(2)  C’est-à-dire si les activités commerciales du navire concerné sont à l’arrêt durant au moins 90 jours consécutifs et si les pertes économiques résultant de l’arrêt représentent plus de 30 % du chiffre d’affaires annuel moyen de l’entreprise concernée durant une période de temps précise.

(3)  COM(2018) 390, p. 12.

(4)  Le taux d’exécution du FEAMP actuel, qui couvre la période 2014-2020, est extrêmement faible. En particulier, 29 % des ressources financières ont été allouées aux projets sélectionnés, lesquels ont dépensé à peine 8 % du budget total. Source: Commission européenne, https://cohesiondata.ec.europa.eu/funds/emff#

(5)  Une infraction grave est passible d’une sanction, laquelle peut varier proportionnellement à la gravité de l’infraction. Ainsi, en Espagne, elle peut aller de 601 à 60 000 EUR. Il en résulte qu’un pêcheur pourrait être condamné, en fonction de la gravité de l’infraction, à une sanction de 601 EUR seulement mais qu’en vertu de l’article 10, paragraphe 2, il pourrait, dans le pire des cas, perdre des centaines de milliers d’euros d’aides pour un investissement potentiellement réalisé et payé cinq ans plus tôt. Les conséquences d’un tel système sont particulièrement lourdes pour la petite pêche.

(6)  Avis du CESE sur le «Contrôle des pêches» (voir p. 118 du présent Journal officiel).

(7)  Ainsi, en Italie, sur 8 000 kilomètres de côtes, le nombre de navires de pêche a chuté d’environ 33 % au cours des trente dernières années. Les navires ont en moyenne 34 ans et doivent de toute urgence être modernisés ou remplacés par de nouveaux. 18 000 postes de travail ont été perdus durant cette période (le secteur italien de la pêche emploie 25 000 personnes). Données du ministère italien des politiques agricoles, alimentaires et forestières (MiPAAF), 2016.

(8)  Comité de dialogue social sectoriel (CDSS) de l’Union européenne — pêche en mer.

(9)  Avis du CESE sur le thème «Plan de gestion pluriannuel des pêches de petits pélagiques dans la mer Adriatique» (JO C 288 du 31.8.2017, p. 68).

(10)  https://www.theguardian.com/world/2018/may/18/we-thought-slavery-had-gone-away-african-men-exploited-on-irish-boats

(11)  La FAO estime à plus de 32 000 le nombre annuel de décès dans le secteur de la pêche à l’échelle mondiale (https://safety4sea.com/fishers-fatalities-give-impetus-to-fishing-vessel-safety-work/).

(12)  OCDE, «L’économie de la mer en 2030», 2016.

(13)  CGPM, The State of Mediterranean and Black Sea Fisheries (L’état de la pêche en mer Méditerranée et en mer Noire), 2016, p. 26. Comme le souligne la CGPM de la FAO, il est plus facile de pratiquer une pêche ciblée dans les mers monospécifiques du fait qu’un nombre limité d’espèces halieutiques y coexistent et qu’il est donc plus simple d’y fixer des limites de capture. À l’inverse, dans les mers multispécifiques, une même zone abrite de nombreuses espèces de poissons.

(14)  Avis du CESE sur le thème «Réforme de la politique commune de la pêche», paragraphe 1.3 (JO C 181 du 21.6.2012, p. 183), et «Plan de gestion pluriannuel des pêches de petits pélagiques dans la mer Adriatique» (JO C 288 du 31.8.2017, p. 68).

(15)  Avis du CESE sur «L’obligation de débarquement» (JO C 311 du 12.9.2014, p. 68). Paragraphe 1.2: «le CESE considère que la proposition de la Commission est trop complexe et que l’obligation de débarquement imposera aux pêcheurs un travail supplémentaire excessif et disproportionné. Il estime, dès lors, qu’il conviendrait d’opter pour une réglementation plus pragmatique, claire, simple et flexible, qui prévoie une période transitoire pendant laquelle les pêcheurs auraient réellement le temps de s’adapter sans être durement sanctionnés».

(16)  COM(2018) 368.

(17)  Voir note 6 de bas de page.

(18)  COM(2018) 340 final.

(19)  COM(2018) 33 final.

(20)  Avis du CESE sur les «Plastiques à usage unique» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 207).

(21)  Rapport du PNUE, 2016. 80 % des déchets marins proviennent des rivières.

(22)  Voir note 20 de bas de page.

(23)  MEDAC, questions sur les fonds européens pour la pêche et le secteur maritime après 2020, février 2018.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/112


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une Europe qui protège: de l’air pur pour tous»

[COM(2018) 330 final]

(2019/C 110/21)

Rapporteur:

Octavian Cătălin ALBU

Consultation

Commission européenne, 18.6.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’Assemblée plénière

19.6.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

27.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

129/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Ces trente dernières années, la qualité de l’air s’est améliorée dans l’Union européenne (UE), grâce aux politiques qui, à son niveau, ont été mises en place à cette fin. Il reste néanmoins beaucoup à faire, car l’on y constate nombre de cas de dépassements des valeurs-limites autorisées pour les principales catégories de polluants atmosphériques. Le CESE presse les États membres de collaborer étroitement dans ce domaine, vu l’importance capitale qu’il revêt pour la santé des citoyens de l’Union. Le CESE entend lancer une alerte en ce qui concerne la qualité de l’air et l’état de l’environnement.

1.2.

Le CESE considère qu’il est absolument nécessaire de faire reculer la pollution, au niveau commercial, institutionnel et domestique, ainsi que dans le secteur des transports. Les institutions et les États membres doivent donner un exemple positif en ce sens, tandis que les citoyens ont besoin de davantage de programmes qui les soutiennent pour opérer leur transition vers des moyens de chauffage propres, modernes et plus efficaces sur le plan énergétique.

1.3.

Dès lors que les transports représentent une des principales sources de la pollution de l’air, le CESE se félicite de l’élaboration du «paquet Mobilité propre», lequel comprend plusieurs initiatives qui non seulement réduiront les émissions de CO2, mais feront aussi diminuer la pollution au niveau local et régional.

1.4.

Il convient de considérer comme des avancées appréciables les mesures supplémentaires que la Commission européenne propose de prendre dans le domaine législatif pour remédier à certains problèmes, tels que le «Dieselgate», ainsi que les actions lancées à l’encontre des États membres qui ne respectent pas les normes existantes en matière de pollution de l’air; cette démarche a le soutien du CESE.

1.5.

Le CESE est fermement convaincu que les nouvelles réglementations environnementales, comme celles qui concernent le domaine du transport, doivent s’accompagner de mesures de soutien financier qui encouragent l’innovation et le développement de nouvelles technologies propres, notamment les batteries, les véhicules électriques et les systèmes substitutifs de chauffage et de climatisation.

1.6.

Le CESE relève avec inquiétude que, dans le secteur agricole, si des progrès ont été accomplis en matière de réduction de la pollution de l’air, ils ne sont pas suffisants. Il préconise qu’à l’avenir, la politique agricole commune, parallèlement à d’autres instruments de financement et d’investissement, insiste davantage sur des initiatives qui réduisent l’impact environnemental de l’agriculture et fasse preuve de davantage de cohérence et de conséquence en ce qui concerne les aides accordées aux agriculteurs pour la mise en œuvre de programmes visant la réalisation de cet objectif. Une idée judicieuse en ce sens est fournie par les coopératives dans lesquelles des agriculteurs peuvent produire de l’énergie électrique grâce au biogaz dégagé par les déchets spécifiques de leur activité.

1.7.

La coopération internationale joue un rôle essentiel pour lutter contre la pollution et les changements climatiques, et le CESE salue le large consensus dégagé entre les États membres pour réaliser les objectifs de l’accord de Paris. L’échange de bonnes pratiques en la matière, tout comme le réseau diplomatie écologique, constituent des éléments d’une importance cruciale. En outre, il est nécessaire d’adopter des mesures concrètes pour réduire les émissions polluantes des États membres, de sorte à atteindre les objectifs de l’accord.

1.8.

Le CESE presse les États membres de collaborer étroitement dans ce domaine, vu l’importance capitale qu’il revêt pour la santé des citoyens de l’Union. De même, il recommande aux États membres et à la Commission de coopérer plus étroitement avec la société civile et les représentants des organisations citoyennes locales et régionales pour élaborer et mener à bien des programmes de protection de l’environnement, mais aussi des campagnes destinées à former, informer et sensibiliser la population aux problèmes de la qualité de l’air.

2.   Introduction

2.1.

Au cours des vingt à trente années écoulées, la qualité de l’air s’est sensiblement améliorée dans l’Union européenne, sous l’effet des politiques spécifiques qu’elle-même et ses États membres ont mises en œuvre dans ce domaine, avec pour objectif d’atteindre en la matière un niveau tel qu’il ne produise pas d’effets négatifs, ni ne fasse courir de risques notables pour la santé humaine et l’environnement. Ainsi, alors que son PIB a connu une tendance ascendante, le volume des polluants émis dans son atmosphère a baissé de 8 % pour l’ammoniac et de 72 % pour les oxydes de soufre (1).

2.2.

La qualité de l’air représente un facteur déterminant dans le bon niveau de santé de la population. Les sources les plus importantes de pollution atmosphérique sont les particules en suspension (PM), en l’occurrence les PM10 et PM2,5, et l’ozone troposphérique, qui est en corrélation directe avec les oxydes d’azote (NOx) émis dans l’atmosphère. Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’exposition aux polluants atmosphériques du type des particules en suspension provoque, au niveau mondial, 8 % de tous les décès dus au cancer du poumon et 3 % de ceux découlant de maladies cardiovasculaires (2). À l’échelle de l’Union, ce sont chaque année 400 000 décès prématurés que l’on rapporte à ces mêmes causes (3).

2.3.

Compte tenu de ces aspects du problème, on peut relever chez les citoyens de l’Union européenne une inquiétude accrue concernant le degré qu’atteint la pollution atmosphérique (4). En conséquence, l’objectif a été fixé, au niveau de l’Union européenne mais aussi à celui de ses États membres, de parvenir, en recourant à des instruments législatifs, à ce que sur son territoire, l’air soit d’une qualité telle qu’il n’y produise pas d’effet négatif sur la santé de sa population et le milieu ambiant et de continuer ainsi à réduire progressivement ses émissions nocives grâce au plein respect de sa législation sur la qualité de l’air.

2.4.

La politique de l’Union européenne en la matière repose sur trois piliers:

le premier rassemble les normes de qualité de l’air ambiant que tous les États membres ont été tenus d’arriver à respecter, à dater de 2005 ou 2010, suivant le polluant concerné,

le deuxième fixe les objectifs nationaux de réduction des émissions, récemment revus, qui doivent être atteints d’ici 2020 et 2030 et englobent maintenant un polluant supplémentaire, les particules fines en suspension (PM2,5),

le troisième établit les normes en matière d’émissions qui sont applicables aux principales sources de pollution: les véhicules automobiles, les navires, les installations industrielles et celles qui assurent la production d’énergie. À la suite du scandale du «Dieselgate», en 2015, un train de mesures a été adopté pour régir les émissions des véhicules en conditions de conduite réelles, et la Commission a proposé de nouvelles normes plus basses pour le CO2 émis par les voitures, les camionnettes et les véhicules lourds à l’état neuf.

2.5.

Selon le rapport 2017 de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) sur la qualité de l’air, les principales sources de pollution atmosphérique en Europe sont le transport, routier ou non, les combustibles brûlés dans le domaine commercial, institutionnel ou domestique, la production d’énergie, les processus industriels, le secteur agricole et les déchets (5).

2.5.1.

Sur le total des émissions polluantes, la part du transport routier se monte à 39 % pour les oxydes d’azote (NOx), 29 % pour le noir de carbone, 20 % pour le monoxyde de carbone (CO) et 11 % pour les particules en suspension PM10 et PM2,5. En présentant son train de mesures sur la mobilité propre, la Commission entend fixer, pour 2025 et 2030, de nouvelles normes concernant les émissions de CO2. Il est prévu d’encourager les nouvelles technologies, par exemple dans le domaine des batteries, des carburants de substitution et des infrastructures afférentes, en revoyant les réglementations (6), ainsi qu’en lançant des plans d’action (7). De même, le nouveau cadre tracé par cet ensemble de mesures sur la mobilité propre promeut une utilisation intégrée des trains et des camions, pour accroître l’efficacité des transports (8), y compris sur le plan énergétique, ainsi que le déploiement de lignes d’autobus à longue distance, afin de réduire les émissions et de combattre l’engorgement du trafic (9).

2.5.2.

Les combustibles brûlés pour un usage commercial, institutionnel ou domestique constituent le secteur qui pèse le plus lourdement, à raison de 42 et 57 %, en ce qui concerne la pollution due aux particules en suspension (PM2,5 et PM10), au monoxyde de carbone (CO) et aux particules de noir de carbone, ou NC, ce grand polluant résultant de la combustion incomplète de combustibles fossiles ou de biomasse. Les taux de pollution relevant de ce domaine sont restés pratiquement inchangés sur la période de 2000 à 2015.

2.5.3.

Le secteur de la production d’énergie électrique et thermique a continué à réduire ses émissions polluantes, au total de 59 % pour le SO2 et 19 % pour les NOx, en s’attelant à développer des sources d’énergie de substitution et des installations de cogénération énergétique et à en répandre l’utilisation, à moderniser les équipements de production et à en augmenter le rendement, à réaliser une optimisation énergétique des processus de production, à améliorer les performances thermiques des bâtiments, à interdire progressivement de brûler des combustibles fossiles et à les remplacer par le recours au méthane.

2.5.4.

S’agissant de diminuer les émissions des installations industrielles, qui comptent pour 50 % des composés organiques volatils non méthaniques (COVNM) et 17 % des particules PM10, les mesures prises s’inscrivent dans le droit fil des dispositions en vigueur au niveau européen. Pour parvenir à éviter la pollution et arriver à garder le contrôle en la matière, il est prévu qu’il faut que toute installation industrielle soit pourvue d’une autorisation de fonctionnement et d’enregistrement, qui doit fixer des valeurs-limites d’émissions polluantes, ainsi que préciser les mesures nécessaires pour donner l’assurance de la protection de l’environnement.

2.5.5.

Si l’on considère que le secteur agricole produit 95 % des émissions d’ammoniac (NH3) et 52 % de celles de méthane (CH4), il apparaît que leur réduction constitue une question de la plus haute importance. Les actions visant à réduire les rejets de cette branche d’activité se décomposent en mesures qui soit sont de type agronomique, consistant à faire un usage équilibré de l’azote au niveau des exploitations ou à pratiquer des cultures de plantes couvre-sol ou de légumineuses sur les terres arables afin d’accroître la fertilité du sol, soit se situent au niveau du cheptel, avec le stockage des effluents d’élevage dans des espaces clos et leur valorisation dans des installations de biogaz, soit sont d’ordre énergétique, sous la forme d’une utilisation de la biomasse à des fins de chauffage, de l’installation d’équipements photovoltaïques ou d’une réduction de la quantité de combustibles classiques ou d’électricité qui est consommée, soit, enfin, revêtent une nature agroenvironnementale, grâce à l’augmentation des compétences professionnelles des agriculteurs et aux encouragements qui leur sont donnés pour qu’ils mettent en œuvre des pratiques ne produisant que des émissions réduites.

2.6.

Le CESE exprime son inquiétude concernant l’état de l’environnement. Par le passé, il a déjà sonné l’alerte en la matière (10) et souligné «que des efforts supplémentaires devraient être consentis afin de prévenir d’emblée la dégradation de l’environnement, et qu’il est toujours préférable d’opter pour une stratégie de prévention plutôt que pour un remède» (11).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE salue les mesures que l’Union européenne a prises pour atteindre l’objectif d’un air dont la qualité ne soit dommageable ni pour les humains ni pour l’environnement, mais il considère qu’il y a lieu d’intensifier ces efforts de manière significative, tant au niveau de l’Union qu’à l’échelon national, car les résultats obtenus jusqu’à présent ne donnent pas entière satisfaction. Même si des progrès ont été enregistrés en ce qui concerne la réduction des émissions polluantes, l’état qualitatif de l’air continue de peser sur la santé de la population (12).

3.2.

Le CESE se dit inquiet de constater que dans des zones étendues de l’Union européenne, la concentration atmosphérique de particules en suspension dépasse les valeurs-limites admises. On a relevé des concentrations excédant la limite journalière tolérée dans 19 % des stations de surveillance pour les PM10 et dans 6 % d’entre elles pour les PM2,5. Il est regrettable qu’en 2015, la population urbaine de l’Union européenne ait été exposée à des niveaux supérieurs aux valeurs-limites admises à raison de 19 % pour les PM10, un pourcentage en augmentation par rapport à l’année antérieure, et de 7 % pour les PM2,5 — en baisse par rapport à l’année précédente.

3.3.

Le CESE tient à faire observer qu’en Europe centrale et orientale, le chauffage de milliers de maisons est assuré par la combustion de bois et de charbon. Selon l’Organisation mondiale de la santé, cette pratique contribue actuellement, et contribuera demain encore, à y répandre la pollution par les PM2,5, qui se maintient au niveau des années 2010 à 2015 (13). Il s’impose de prendre davantage de mesures pour accompagner la population dans sa transition vers l’utilisation de moyens de chauffage plus propres et l’associer à cette démarche aux côtés des autres acteurs.

3.4.

De même, le CESE se dit inquiet que des dépassements significatifs des valeurs-limites annuelles fixées pour les concentrations en dioxyde d’azote (NO2) soient constatés dans 22 des États membres et 10 % des stations de surveillance, avec, sur le territoire de certaines grandes villes, des chiffres qui vont au-delà du double des limites admises.

3.5.

Le CESE souhaite faire observer que la qualité de l’air représente un paramètre essentiel tant pour la population que pour l’activité économique (14). Ainsi, il est nécessaire que les décideurs européens et nationaux prennent des mesures concrètes pour mettre en place et faire respecter un cadre législatif dans ce domaine.

3.6.

Le CESE est d’avis que pour réduire le niveau des émissions polluantes dues au secteur commercial, institutionnel et domestique, il est absolument nécessaire que les États membres, aidés par la Commission, promeuvent et réalisent avec détermination l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments, augmentent le rendement des installations de production d’énergie électrique et thermique, étendent et modernisent les réseaux de chauffage centralisé en milieu urbain et encouragent l’essor de dispositifs de climatisation substitutifs. Un exemple en ce sens est fourni par le siège de la Banque centrale européenne, qui utilise un système de chauffage et de ventilation novateur et écologique.

3.7.

Le CESE tient à souligner que l’on ne peut ignorer le problème de la pollution de l’air intérieur. La qualité de cet air respiré dans les espaces intérieurs revêt une importance toute particulière pour la santé des personnes, en particulier lorsqu’elles font partie de groupes vulnérables. Le tabagisme, l’activité culinaire, l’humidité, les systèmes de ventilation, la combustion de bougies, l’utilisation de produits de nettoyage sous forme de détergents, cires ou laques, ou encore certains matériaux de construction sont autant d’éléments susceptibles de produire une forte charge polluante pour l’air intérieur, de sorte qu’il importe de disposer d’une politique cohérente en matière de bâtiments sains.

3.8.

Le CESE estime que les États membres, en coopération avec la Commission, doivent élaborer et mettre en œuvre un nouveau concept de développement urbain, qui permette, entre autres, la mise en place d’un système de transport public respectueux de l’environnement, afin d’encourager la mobilité électrique ou hybride, grâce à un éventail de mesures incitatives, et l’utilisation d’applications informatiques qui avertissent les citoyens en cas de dépassement des valeurs maximales admissibles de polluants atmosphériques, ainsi que l’extension des espaces verts dans les villes, afin que l’on enregistre une amélioration significative de la qualité de l’air.

3.9.

Le CESE considère que l’accès des citoyens aux informations et données concernant la qualité de l’air représente une arme privilégiée dans la lutte contre la pollution atmosphérique (15). Des programmes informatifs et éducatifs peuvent aboutir à relever le degré de sensibilisation de la population concernant le danger que constitue la pollution de l’air et l’impact des actions de chaque individu. Il convient de relever et de mettre en valeur les activités en faveur d’un air pur qui sont menées par des mères inquiètes de l’incidence des pollutions sur la santé de leurs enfants. Elles considèrent que les limitations apportées à leurs possibilités de profiter de l’environnement constituent une restriction de leurs droits civiques.

3.10.

Le CESE salue l’initiative des ONG et des citoyens qui ont intenté des actions en justice afin de demander aux pouvoirs publics nationaux de prendre des mesures supplémentaires pour faire baisser la pollution. Dans des pays comme la République tchèque, l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-Uni, les tribunaux ont rendu des arrêts favorables à ces plaignants (16).

3.11.

Le CESE est d’avis que parallèlement aux objectifs relatifs aux sources d’énergie renouvelables, il convient de développer les stratégies de décarbonisation de telle manière qu’elles aient une incidence réelle sur la qualité de l’environnement, sans pour autant entraver le développement économique des États membres.

4.   Observations particulières

4.1.

La Commission s’attache tout particulièrement, surtout après le scandale dit du «Dieselgate», à contrôler la conformité avec les normes concernant les émissions polluantes produites par les véhicules automobiles, en lançant des actions pour s’assurer que les obligations imposées par la législation de l’Union européenne en la matière sont dûment respectées.

4.2.

Sur ce point, le CESE soutient la position de la Commission, lorsqu’elle demande aux États membres d’étudier toutes les modifications ou améliorations qu’il est possible d’apporter à ces véhicules pour ramener les émissions qu’ils produisent en deçà des limites autorisées par la réglementation en vigueur, et de proposer le retrait, obligatoire ou volontaire, des véhicules non conformes à ces normes.

4.3.

Le CESE salue l’initiative qu’a prise la Commission de lancer à l’encontre de seize des États membres des procédures d’infraction aux obligations qui leur incombent en ce qui concerne les particules PM10, ainsi que, contre treize d’entre eux, pour la pollution au dioxyde d’azote (NO2), et il recommande aux pays concernés d’adopter le plus rapidement possible des mesures qui aboutissent à réduire ou éliminer les périodes de dépassement des limites de pollution qui sont admises.

4.4.

De même, le CESE salue la décision de la Commission d’engager une action devant la Cour de justice de l’Union européenne contre trois États membres, la Hongrie, l’Italie et la Roumanie, pour non-respect des valeurs-limites de pollution par les particules en suspension PM10, ainsi que contre trois autres, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, pour ne pas avoir respecté ces valeurs-limites pour celle due aux NOx. Les six pays de l’Union susmentionnés n’ont pas proposé en temps utile des mesures concrètes et efficaces afin de ramener cette pollution en dessous des plafonds acceptables.

4.5.

Compte tenu du niveau élevé de pollution que produit la voiture, le CESE considère que la Commission a agi judicieusement en proposant des mesures, telles que la directive sur les véhicules propres, les nouvelles normes d’émission de CO2 pour les voitures et les véhicules lourds, un plan d’action en faveur d’infrastructures pour les carburants de substitution et une initiative pour les batteries, présentées dans le cadre du train de mesures sur la mobilité, visant à réduire les émissions qu’elle provoque. Ces mesures ne devraient pas manquer d’avoir pour effet de réduire les émissions examinées dans le présent avis.

4.6.

Le CESE porte un jugement favorable sur les nouvelles normes proposées par la Commission, en rapport avec l’amélioration significative de la qualité et de l’indépendance dans les procédures requises pour l’homologation par type et les essais des véhicules avant qu’ils ne soient mis sur le marché, ainsi qu’avec l’efficacité accrue du contrôle sur ceux qui s’y trouvent déjà. Le règlement fixant ces règles, dont l’entrée en vigueur est prévue pour septembre 2020, maintient l’interdiction des dispositifs d’invalidation des résultats, entend réduire les valeurs-limites des émissions de polluants par les véhicules et instaure le cadre voulu pour assurer la transition vers ceux dont les émissions sont réduites ou nulles.

4.7.

Eu égard au niveau élevé qu’elles atteignent, il s’impose de prendre des mesures énergiques pour réduire les émissions polluantes à l’ammoniac (NH3) et au méthane (CH4) qui émanent du secteur agricole (17). Le CESE considère que dans les années à venir, la politique agricole commune devra davantage s’atteler à soutenir les exploitants individuels et les coopératives d’agriculteurs dans leurs efforts de réduction de la pollution, en veillant à ce qu’ils puissent accéder plus aisément aux financements fournis par des institutions bancaires européennes afin de mettre en œuvre des programmes pouvant aboutir à faire baisser ces émissions de polluants. En outre, les futurs programmes de développement rural de la PAC devraient comporter des mesures agroenvironnementales visant à réduire ces émissions.

4.8.

Le CESE se dit inquiet que malgré les mesures qui ont été mises en place dans le secteur agricole, les émissions de NH3 et de CH4 n’aient baissé que de 7 % durant la période 2000-2015, malgré les efforts des agriculteurs. La hausse du nombre d’animaux dans les exploitations a conduit, sur le territoire de l’Union européenne, à une augmentation de 6 % des rejets de composés organiques volatils non méthaniques (COVNM), qui sont dégagés en particulier par les effluents d’élevage, alors que les émissions par kilogramme de viande ont baissé.

4.9.

Dès lors que la pollution atmosphérique constitue un phénomène de nature transfrontière, le CESE considère qu’il est absolument nécessaire que les États membres agissent de manière coordonnée, à partir d’objectifs et de principes qui auront été convenus au niveau de l’Union dans son ensemble tout en respectant le principe de subsidiarité. Il existe des précédents en ce sens, et nous nous devons de soutenir un maximum d’initiatives analogues.

4.10.

Le Comité a la conviction que pour parvenir à mieux harmoniser les politiques européennes et nationales, la Commission et les États membres se doivent de nouer une coopération étroite avec la société civile, de manière à fournir des informations à la population et développer des programmes à l’échelle locale et régionale.

4.11.

Le CESE se félicite du large consensus que l’Union européenne a exprimé vis-à-vis de l’accord de Paris sur le changement climatique et il estime que dans ses efforts, elle doit respecter l’esprit de cette vision commune et s’employer à tenir les engagements qui ont été souscrits, ce qui concourra aussi à améliorer la qualité de l’air.

4.12.

Le CESE presse les États membres qui ne l’ont pas encore fait d’élaborer une stratégie qui élimine l’utilisation du charbon comme source d’énergie. Sept pays de l’Union européenne l’ont déjà exclu de leur bouquet énergétique, et neuf autres ont des plans pour réaliser cette éviction (18).

4.13.

Le CESE juge que l’Union européenne se doit également d’effectuer un partage de bonnes pratiques avec ses partenaires internationaux. On ne peut négliger les effets que produit la pollution atmosphérique dans d’autres parties du globe, qui, de manière directe ou indirecte, peut nous affecter. L’importance que revêtent le réseau de diplomatie écologique et la cohérence de la politique de développement n’a jamais été aussi grande qu’aujourd’hui.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Air quality in Europe — 2017 report («Qualité de l’air en Europe — Rapport 2017»).

(2)  Neuf personnes sur dix respirent un air pollué dans le monde.

(3)  Air quality in Europe — 2017 report («Qualité de l’air en Europe — Rapport 2017»).

(4)  Eurobaromètre spécial no 468, «Les attitudes des européens à l’égard de l’environnement».

(5)  Air quality in Europe — 2017 report («Qualité de l’air en Europe — Rapport 2017»).

(6)  COM(2017) 0653 final — 2017/0291 (COD).

(7)  COM(2017) 0652 final.

(8)  COM(2017) 0648 final — 2017/0290 (COD).

(9)  COM(2017) 0647 final — 2017/0288 (COD).

(10)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 134.

(11)  JO C 283 du 10.8.2018, p. 83.

(12)  Cour des comptes européenne, rapport spécial no 23/2018.

(13)  Organisation mondiale de la santé, «Le chauffage domestique au bois et au charbon: les effets sanitaires et les options stratégiques en Europe et en Amérique du Nord».

(14)  Eurobaromètre spécial no 468, «Les attitudes des Européens à l’égard de l’environnement».

(15)  Air quality in Europe — 2017 report («Qualité de l’air en Europe — Rapport 2017»).

(16)  Cour des comptes européenne, rapport spécial no 23/2018.

(17)  Markus Amann, «Measures to address air pollution from agricultural sources» («Mesures pour traiter le problème de la pollution atmosphérique d’origine agricole»).

(18)  «Overview: National coal phase-out announcements in Europe.Europe Beyond Coal» («Vue d’ensemble: les annonces nationales de sortie du charbon en Europe. Une Europe de l’après-charbon»).


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/118


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil et modifiant les règlements (CE) no 768/2005, (CE) no 1967/2006, (CE) no 1005/2008 du Conseil et le règlement (UE) no 2016/1139 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le contrôle des pêches»

[COM(2018) 368 final — 2018/0193 (COD)]

(2019/C 110/22)

Rapporteur:

M. Emilio FATOVIC

Consultation

Parlement, 10.9.2018

Conseil, 5.7.2018

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

19.6.2018 et 18.9.2018

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

27.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

219/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souscrit, d’une manière générale, à la proposition législative de la Commission relative aux contrôles dans le secteur de la pêche. Toutefois, certains problèmes déjà signalés par les parties prenantes du secteur n’ont pas été pris en compte de manière appropriée ou n’ont pas donné lieu à des solutions claires.

1.2.

Le CESE réaffirme le principe selon lequel le concept de durabilité doit se décliner dans une perspective à la fois économique, sociale et environnementale. À cet égard, il convient de noter que la proposition de la Commission n’est pas fondée sur une évaluation précise de l’incidence des effets de type économique et social, qui serait pourtant indiquée compte tenu de la profonde crise du secteur dans différents pays européens, et de ses graves répercussions sur l’emploi et sur l’économie des communautés côtières.

1.3.

La proposition de la Commission ne tient pas compte de deux phénomènes graves et importants, que sont le Brexit et le changement climatique. Tous deux sont appelés à modifier, sous différentes formes, les modalités et les lieux de pêche et nécessitent dès lors une analyse et des interventions adéquates pour ne pas engendrer des déséquilibres dans le secteur de la pêche.

1.4.

Le système de contrôles et de sanctions, qui est fondé sur le «système de licence à points», devrait être mis en œuvre de manière uniforme et homogène dans toute l’Union, de manière à garantir une concurrence loyale entre les opérateurs ainsi que la qualité et la traçabilité des produits de la pêche, dans l’intérêt de tous les citoyens européens et de la protection de leur santé. Dans le même temps, les sanctions doivent être fondées sur des critères de gestion du risque et être réellement proportionnées et dissuasives.

1.5.

Le CESE considère que le passage au numérique est à l’évidence un instrument important pour garantir l’efficacité et l’efficience des contrôles. En revanche, le Comité observe que les obligations incombant aux pêcheurs ne sont pas réduites de manière significative par rapport au règlement précédent (en particulier pour la petite pêche), et qu’elles n’ont pas non plus été suffisamment simplifiées comme l’avait annoncé la Commission. Le CESE recommande de procéder à un supplément d’enquête sur la réelle applicabilité de certaines règles, en accordant une attention particulière aux navires de moins de 10 mètres.

1.6.

Le CESE s’oppose à l’obligation horizontale d’installer des caméras de télévision en circuit fermé (CCTV) sur les navires, au motif qu’elle est contraire aux règles fondamentales du droit du travail, à la protection de la vie privée et au droit au secret des affaires. Par conséquent, le CESE propose que les États membres procèdent à des évaluations des risques présentés par certains segments de la flotte qui se caractérisent par un niveau élevé et généralisé d’infractions graves, et qu’en fonction de leurs antécédents en matière de manquements, les autorités de contrôle exigent que les navires en question installent des CCTV. Pour vérifier le respect de l’obligation de débarquement, le CESE propose de renforcer l’utilisation des observateurs à bord et préconise la mise en place d’un mécanisme volontaire d’introduction des CCTV, en prévoyant des incitations pour les propriétaires de navires qui décident de l’adopter. Dans le même temps, le Comité préconise d’imposer une obligation temporaire de télésurveillance en circuit fermé à bord des navires ayant commis des infractions graves à de multiples reprises.

1.7.

Le nouveau FEAMP pour la période 2021-2027 aura un rôle important à jouer pour permettre d’adapter les navires européens aux nouvelles dispositions réglementaires. Il est essentiel que les financements soient aisément accessibles au niveau national à tous ceux qui en font la demande. En particulier, le Comité s’oppose à l’introduction de règles à effet rétroactif qui obligeraient l’armateur ayant commis une seule infraction grave à rembourser les fonds qu’il a reçus antérieurement et dûment justifiés.

1.8.

Le CESE rappelle que c’est dans les pays tiers que les cas de fraude et de non-respect des normes fondamentales dans les domaines du travail et de l’environnement sont le plus fréquemment constatés. Pourtant, le poisson pêché au moyen de ces pratiques illégales arrive encore assez facilement sur les tables des citoyens européens. Il est important que les nouveaux systèmes de traçabilité règlent ce problème, en surveillant l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Le CESE souligne en outre que l’on enregistre encore actuellement des cas d’exploitation par le travail sur des navires européens. Il recommande, dès lors, que les autorités de contrôle consacrent une attention particulière à ce phénomène et définissent des sanctions sévères pour y mettre définitivement fin.

1.9.

Le CESE note que les modèles qui ont été couronnés de succès dans le cas des plans pluriannuels pour les pêcheries monospécifiques sont difficilement adaptables aux pêcheries multispécifiques et qu’ils sont susceptibles d’avoir de lourdes conséquences pour l’environnement et pour l’économie. C’est pourquoi il préconise un système plus approfondi de collecte de données sur les stocks, afin d’élaborer des stratégies ad hoc à même de mieux protéger la biodiversité sans porter un préjudice excessif au secteur de la pêche.

1.10.

Le CESE considère que le système prévu pour inciter les pêcheurs à ramener leurs chaluts à terre devrait être étendu à tous les types de déchets recueillis en mer durant les activités de pêche. Cette initiative serait fondamentale pour la propreté des mers, sachant qu’à l’heure actuelle ce sont les pêcheurs qui doivent payer pour nettoyer la mer d’une pollution qu’ils n’ont pas générée. Le CESE estime que les pêcheurs pourraient apporter une importante valeur ajoutée moyennant une formation adéquate, en contribuant d’une part au nettoyage des mers et d’autre part à la constitution d’un cercle vertueux d’intégration économique dans le cadre de leur activité.

2.   Introduction

2.1.

Le succès de la politique commune de la pêche (PCP) dépend principalement de la mise en œuvre d’un système efficace de contrôle et d’exécution. De telles mesures sont prévues dans quatre actes juridiques distincts: 1) le règlement relatif au contrôle des pêches; 2) le règlement instituant une Agence européenne de contrôle des pêches (AECP); 3) le règlement établissant un système de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (règlement INN); et 4) le règlement relatif à la gestion durable des flottes de pêche externes (SMEF).

2.2.

À l’exception du règlement SMEF, qui a été récemment révisé, le régime actuel de contrôle des pêches a été conçu avant la réforme de la PCP et, en tant que tel, il n’est pas totalement cohérent par rapport à celle-ci. En outre, ces mesures datent de plus de dix ans, elles ne prennent pas en compte les besoins actuels et futurs du point de vue des données concernant la pêche et du contrôle des flottes et elles ne sont pas adaptées aux nouvelles pratiques et techniques de pêche, ni aux nouvelles technologies de contrôle et aux systèmes d’échange de données. Enfin, elles ne tiennent pas compte de certaines initiatives importantes adoptées par l’Union, comme les stratégies sur les matières plastiques, sur le marché unique numérique et sur la gouvernance des océans.

2.3.

Bien que le régime de contrôle actuel de la pêche ait amélioré la situation, certaines de ses lacunes ont été corroborées par l’évaluation REFIT de la Commission, par un rapport spécial de la Cour des comptes européenne et par une résolution du Parlement européen. Les parties prenantes ont confirmé les limites du système actuel. Ce constat a mis en évidence la nécessité de revoir l’intégralité du dispositif réglementaire en vigueur.

3.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

3.1.

La proposition de la Commission consiste à modifier cinq règlements et poursuit les objectifs suivants: 1) combler les écarts par rapport à la PCP et à d’autres politiques de l’Union européenne; 2) simplifier le cadre législatif et réduire la charge administrative inutile; 3) améliorer la disponibilité, la fiabilité et l’exhaustivité des données et informations sur la pêche, en particulier des données sur les captures, et permettre l’échange et le partage d’informations; et 4) éliminer les obstacles qui entravent le développement d’une culture du respect des règles et le traitement équitable des opérateurs au sein des États membres et entre ceux-ci.

3.2.   Modifications du règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil (1) instituant un régime de contrôle de l’Union visant à assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche

3.2.1.

Inspection et surveillance. La procédure d’inspection et les obligations des inspecteurs, des capitaines et des opérateurs sont clarifiées. Les rapports d’inspection seront établis au format électronique pour faciliter l’utilisation et l’échange de données entre les autorités compétentes et les États membres.

3.2.2.

Sanctions. Une liste de critères communs est établie pour définir ce qui relève de la catégorie des infractions graves. Des sanctions administratives obligatoires et des amendes minimales sont établies pour les infractions graves, afin de rendre le système de sanctions plus dissuasif et plus efficace dans tous les États membres et d’assurer des conditions de concurrence égales. En outre, le «système de points» pour les navires titulaires de licence est renforcé et clarifié.

3.2.3.

Données. La proposition introduit des systèmes numérisés obligatoires de suivi et de déclaration des captures applicables à tous les navires de pêche de l’Union, y compris ceux d’une longueur hors-tout inférieure à 12 mètres. Un système simplifié utilisant la téléphonie mobile est prévu pour la petite pêche. La pêche récréative sera elle aussi soumise à un contrôle plus rigoureux. Le recours aux instruments numériques vise à garantir la traçabilité complète de la chaîne d’approvisionnement (y compris pour les produits importés de pays tiers) et à contrôler de manière systématique les activités menées à bord des navires, notamment grâce à l’utilisation de caméras de télévision en circuit fermé (CCTV) afin de contrôler l’obligation de débarquement.

3.2.4.

Alignement sur les autres politiques de l’Union européenne. La déclaration des engins de pêche perdus est facilitée grâce à une compilation plus précise des journaux de bord (électroniques). L’obligation d’embarquer l’équipement nécessaire à la récupération des engins perdus est étendue également aux navires de moins de 12 mètres. Des dispositions sont mises en place concernant le marquage et le contrôle des engins de pêche pour la pêche récréative.

3.3.   Modifications du règlement (CE) no 768/2005 du Conseil (2) instituant une agence européenne de contrôle des pêches

3.3.1.

La proposition élargit la portée géographique des pouvoirs d’inspection de l’Agence européenne de contrôle des pêches, qui n’est plus limitée aux eaux internationales. Des modifications simplifient la gestion et l’échange des données et des règles sont également définies pour simplifier les canaux de financement de l’Agence.

3.3.2.

En juillet 2018, la Commission européenne a intégré ces mesures dans la proposition COM(2018) 499 visant à codifier le règlement (CE) no 768/2005 relatif à l’AECP pour remplacer et intégrer les divers règlements en les incorporant dans le nouveau texte. Le CESE a déjà salué cette proposition dans un avis qu’il lui a spécifiquement consacré (3).

3.4.   Modification du règlement (CE) no 1005/2008 du Conseil (4) établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée

3.4.1.

Les modifications apportées au système de certification des captures de l’Union prévoient l’établissement d’une base de données pour la gestion des certificats de capture (CATCH), permettant des contrôles fondés sur les risques, réduisant les possibilités d’importations frauduleuses et allégeant la charge administrative des États membres. Les fonctions opérationnelles du système CATCH seront mises en place en différentes phases. Des compétences d’exécution et des compétences déléguées sont conférées à la Commission en ce qui concerne le fonctionnement et le développement ultérieur de ce système. Les inspections et les sanctions sont adaptées au nouveau cadre réglementaire.

4.   Observations générales

4.1.

Le Comité souscrit globalement à l’initiative législative de la Commission, qui est conforme aux positions exprimées par les États membres, les collectivités locales et régionales ainsi que les parties prenantes. Elle aura en effet pour fonction de clarifier le cadre réglementaire des contrôles et de le simplifier, de le moderniser et de l’adapter à l’évolution des politiques et de la réglementation, d’en garantir la sécurité juridique et de rendre effective son application uniforme dans toute l’Union européenne.

4.2.

Il ressort toutefois d’une analyse minutieuse de la proposition que, malgré le vaste processus de consultation annoncé par la Commission, certains problèmes mis en évidence par les parties prenantes du secteur de la pêche (concernant par exemple l’obligation de débarquement, la bureaucratie excessive ou la proportionnalité du système de sanctions) n’ont pas fait l’objet de réponses appropriées et/ou de solutions claires dans le nouveau règlement proposé (5).

4.3.

Le CESE réaffirme le principe selon lequel le concept de durabilité doit se décliner dans une perspective à la fois économique, sociale et environnementale. À cet égard, si la pêche durable reste l’ambition première, le secteur de la pêche doit toutefois être mis en situation d’atteindre cet objectif. C’est pourquoi les mesures environnementales ne peuvent être dissociées de la nécessité d’améliorer d’autres aspects essentiels tels que les conditions de travail et la sécurité au travail, le renouvellement des générations, la rentabilité des entreprises, la formation des professionnels et le dynamisme des territoires côtiers.

4.4.

Il est à noter que les propositions de règlement ne prennent pas en considération deux phénomènes graves et importants, que sont le Brexit et le changement climatique. Le premier, en effet, devrait entraîner une révision globale du mécanisme de stabilité relative ainsi qu’une diminution des possibilités de pêche dans des eaux qui, actuellement, sont européennes. D’un autre côté, le changement climatique entraîne des modifications sensibles dans les comportements et les habitats des poissons, dont des migrations de plus en plus fréquentes sont observées.

4.5.

Le CESE observe que la proposition de la Commission ne repose pas sur une évaluation claire des incidences économiques et sociales. Ce constat s’aggrave du fait que le secteur de la pêche est en crise dans plusieurs régions de l’Union européenne depuis plus de vingt ans et que les mesures que la Commission a prises jusqu’à présent en faveur de la durabilité et de l’aquaculture n’ont pas permis d’inverser la tendance (6). C’est la raison pour laquelle le Comité invite la DG Emploi à intervenir rapidement pour engager un vaste débat dans le cadre du dialogue social sectoriel (7), afin d’inventorier les mesures les plus appropriées pour évaluer et, le cas échéant, compenser, les incidences économiques et sociales de la proposition (8).

4.6.

Les critiques récemment adressées par la Cour des comptes européenne montrent que la priorité doit être la mise en œuvre du système de contrôles et de sanctions, qui est fondé sur le «système de licence à points», de manière uniforme et homogène dans toute l’Union, pour garantir une concurrence loyale entre les opérateurs aussi bien que la qualité et la traçabilité des produits de la pêche, dans l’intérêt de tous les citoyens européens et afin de préserver leur santé.

4.7.

Le CESE considère que le passage au numérique est à l’évidence un instrument important pour garantir l’efficacité et l’efficience des contrôles. Il est par ailleurs positif que des dispositifs numériques simplifiés soient prévus pour contrôler les navires d’une longueur hors-tout inférieure à 12 mètres (par exemple, des applications sur téléphone mobile pour la géolocalisation, bien qu’en haute mer, de nombreuses zones sans couverture rendent impossible le contrôle des navires). En revanche, le Comité observe que les obligations incombant aux pêcheurs ne sont pas réduites de manière significative par rapport au règlement précédent (en particulier pour la petite pêche), et qu’elles n’ont pas non plus été suffisamment simplifiées comme l’avait annoncé la Commission.

4.8.

Sil les dispositifs de contrôle numériques devraient permettre de réaliser de réelles économies de temps et d’argent, L’extension de l’ensemble des obligations à la petite pêche serait possible, dès lors que les États membres disposent d’une période transitoire de deux ans qui devrait permettre de prendre en compte les spécificités locales, bien que la charge puisse s’avérer lourde pour les embarcations dont la longueur est inférieure à dix mètres hors-tout, souvent sans cabine de commandement et dont l’équipage est souvent composé d’une seule personne. Dans ce cas précis, le Comité recommande d’approfondir l’analyse afin d’évaluer leur faisabilité réelle, en recherchant le juste équilibre entre la nécessité d’effectuer des contrôles et la capacité effective des pêcheurs à se plier à toutes ces pratiques.

4.9.

À cet égard, le CESE observe que si les mesures mises en place pour clarifier le système de sanctions pourraient certainement bénéficier au secteur, il est cependant essentiel qu’elles soient appliquées de manière homogène dans les différents États membres et qu’elles soient effectivement proportionnées, dissuasives et basées sur des critères de gestion du risque. L’analyse de la proposition révèle en particulier certaines contradictions, comme le fait de lier le montant des amendes à la valeur sur le marché des poissons pêchés (de deux à cinq fois la valeur des produits), laquelle est susceptible de varier grandement en fonction de la zone géographique, de la période de l’année et de l’abondance ou la rareté des espèces concernées, et pourrait également constituer une incitation à enfreindre la loi.

4.10.

Le FEAMP est un instrument essentiel et indispensable pour réaliser la transition vers le nouveau système de contrôles prévu par la Commission. Le Comité est hostile au principe, déjà contenu dans le système de contrôles et le FEAMP actuels, selon lequel une infraction grave entraîne la restitution immédiate des éventuels financements européens perçus au cours des cinq années précédentes. Cette mesure rétroactive rigide est l’une des principales causes du retard pris par le FEAMP dans la réalisation de ses objectifs, dans la mesure où elle a poussé de nombreux pêcheurs à ne pas solliciter de financements européens de peur d’être tenus de les restituer en cas d’infractions jugées graves, pour lesquelles l’amende infligée est parfois très réduite par ailleurs. Par conséquent, il convient de veiller à une plus grande proportionnalité des sanctions, de sorte que leur caractère dissuasif ne prenne pas un tour rédhibitoire.

4.11.

Le CESE se déclare tout à fait hostile à l’obligation d’installer des systèmes de télévision en circuit fermé (CCTV) à bord des navires de pêche pour vérifier le respect de l’obligation de débarquement. Il considère que des mesures de ce type sont contraires aux normes fondamentales du droit du travail, à la protection de la vie privée et au droit au secret des affaires, à plus forte raison car elles sont établies de manière horizontale et qu’elles ne sont pas justifiées par de possibles risques caractérisés par des violations répétées de la réglementation par le passé. Par conséquent, le CESE propose que les États membres procèdent à des évaluations des risques présentés par certains segments de la flotte qui se caractérisent par un niveau élevé et généralisé d’infractions graves et qu’en fonction de leurs antécédents en matière de manquements, les autorités de contrôle exigent à de tels navires l’installation de CCTV. Le Comité est convaincu que ce n’est pas par une surveillance et un contrôle des activités de pêches de type «Big Brother» que l’on pourra atteindre les objectifs de durabilité environnementale et de relance du secteur, mais grâce à des règles et des sanctions claires, sûres et transparentes, appliquées de manière efficace et uniforme dans toute l’Union.

4.12.

Le CESE propose en particulier de valoriser et de renforcer le recours aux observateurs embarqués. Il recommande également de créer un mécanisme volontaire d’incitation à la mise en place de la surveillance par télévision en circuit fermé, en prévoyant par exemple la possibilité d’augmenter le quota de captures pour les espèces qui sont au niveau du rendement maximal durable (RMD) en utilisant la réserve de quotas de l’État membre, lorsqu’elle existe, ou au moyen de mécanismes simplifiés de contrôle et de débarquement. Dans le même temps, le Comité préconise une obligation temporaire de télésurveillance en circuit fermé à bord des navires ayant commis des infractions graves à de multiples reprises.

4.13.

Le CESE considère que le nouveau FEAMP pour la période 2021-2027 aura un rôle important à jouer pour permettre d’adapter les navires européens aux nouvelles dispositions réglementaires. Il est essentiel notamment que les financements soient aisément accessibles au niveau national à tous ceux qui en font la demande.

4.14.

Comme il l’a déjà fait valoir dans d’autres avis (9), le CESE juge important de définir la capacité de pêche au moyen de critères plus appropriés que le tonnage et la puissance du moteur, étant donné que ces caractéristiques revêtent par ailleurs une importance fondamentale pour assurer la sécurité de l’équipage à bord du navire et pour atteindre des niveaux d’émissions de CO2 plus soutenables.

5.   Observations particulières

5.1.

La surpêche est certes l’une des causes principales de la diminution de la quantité de poissons en mer. Cependant, le Comité estime que ce facteur devrait être considéré conjointement avec d’autres qui sont en tout état de cause dommageables pour les espèces marines, tels que la pollution, le changement climatique, les transports maritimes, les forages sous-marins (pollution sonore). Une approche plus ouverte est indispensable pour élaborer des stratégies efficaces pour la protection des habitats marins.

5.2.

Pour être effectivement dissuasif, un régime de sanctions efficace doit être clairement et aisément applicable. Le Comité relève que le système de licence à points est de nature dans certains cas à porter préjudice à l’équipage, alors que ce sont les choix et le comportement du capitaine du navire de pêche qui sont sanctionnés dans la pratique, y compris par des mesures fortes telles que la suspension de la licence de pêche. Dans le cadre de la suspension de la licence de pêche (10), il y a lieu de mettre en place des mécanismes protégeant les travailleurs des navires qui, ayant conclu des contrats prévoyant une «rémunération à la part de pêche», risquent d’être privés de revenus s’ils ne trouvent pas un nouveau navire à bord duquel travailler ou s’ils ne changent pas directement d’emploi. Dans un secteur en difficulté, cette érosion constante des ressources humaines, des compétences et des connaissances risque de compromettre encore plus sérieusement les perspectives de reprise.

5.3.

Le CESE souscrit à la proposition d’étendre également le système de contrôles à la pêche récréative, pour laquelle de nombreux cas de contournement des règles en vigueur pour la pêche «classique» ont récemment été constatés. Il recommande de prêter une attention particulière à la pêche récréative constituant une source de revenus, en la distinguant de celle destinée à une utilisation ou une consommation personnelles. Cette mesure est fondamentale pour protéger les pêcheurs qui exercent leur activité dans le respect de la loi et pour lutter contre des pratiques de concurrence déloyale mais aussi, dans les cas les plus graves, de pêche illégale.

5.4.

Si le Comité convient qu’il est essentiel de garantir la traçabilité des produits de la pêche, il estime toutefois que la suppression de l’exemption de déclaration dans les journaux de bord des captures inférieures à 50 kg pourrait entraîner d’importantes difficultés pour les petits pêcheurs. De fait, pour s’acquitter de toutes les formalités administratives, potentiellement chronophages dans des mers multispécifiques comme la Méditerranée, ces derniers risquent de perdre trop de temps avant le débarquement et de ne pas pouvoir vendre leur poisson au meilleur prix. C’est pourquoi nous recommandons le maintien du seuil existant, en suivant de près la situation pour s’assurer que cela ne donne lieu à aucun effet indésirable.

5.5.

Le nouveau mécanisme de traçabilité proposé par la Commission apparaît satisfaisant, en particulier pour ce qui concerne les produits importés. De fait, c’est dans les pays tiers que les cas de fraude et de non-respect des normes fondamentales dans les domaines du travail (conventions de l’OIT) et de l’environnement sont les plus fréquemment constatés; pourtant, le poisson pêché grâce à ces pratiques illégales arrive encore avec une relative facilité sur les tables des citoyens européens. Toutefois, il est important de noter que l’on enregistre encore actuellement des cas d’exploitation par le travail sur des navires européens (11) et qu’ils exigent une vigilance particulière de la part des agents chargés des contrôles, ainsi que des sanctions sévères en vue d’éradiquer définitivement ce phénomène.

5.6.

En outre, le Comité fait observer que le vaste dispositif de contrôles de la traçabilité mis en place ne peut être interrompu dès la «première vente», dans la mesure où c’est toute la chaîne d’approvisionnement qui doit être contrôlée «de la mer jusqu’à la table». Dans ce cas également, la participation active de tous les acteurs concernés est recommandée depuis les grossistes et la transformation jusqu’à la vente au détail.

5.7.

La déclaration de Malte en date de 2017 et intitulée «MedFish4Ever» est une pierre angulaire de l’action menée par l’Union européenne. Le CESE considère cependant que des mesures spécifiques sur le plan technique et aux fins de la conservation des stocks de poissons devraient être adaptées aux différentes techniques de pêche et aux caractéristiques biologiques de la mer considérée. Le CESE note que les modèles qui ont été couronnés de succès dans le cas des plans pluriannuels pour les pêcheries monospécifiques sont difficilement adaptables aux pêcheries multispécifiques et qu’ils sont susceptibles d’avoir de lourdes conséquences pour l’environnement et pour l’économie (12). C’est pourquoi il préconise un système plus approfondi de collecte de données sur les stocks, afin d’élaborer des stratégies ad hoc à même de mieux protéger la biodiversité sans porter un préjudice excessif au secteur de la pêche (13).

5.8.

Comme il l’a déjà souligné dans de précédents avis (14), le CESE estime que l’un des grands problèmes pour le secteur est la combinaison d’un système strict de quotas et de la nouvelle obligation de débarquement. Les coûts élevés induits par la transition vers une pêche plus durable (par exemple à l’aide de chaluts sélectifs) doivent être entièrement pris en charge par le financement du FEAMP. Le CESE souhaite qu’un système de contrôle simplifié, pragmatique et basé sur l’analyse de risque soit mis en place, et qu’une vaste action soit envisagée au niveau national, avec le soutien des parties prenantes, afin de faciliter la transition pour un grand nombre de navires.

5.9.

La Commission propose que tous les produits de la pêche soient pesés par des opérateurs enregistrés au moment du débarquement avant que le produit ne soit stocké, transporté ou vendu. Le CESE estime qu’il importe de maintenir la possibilité actuelle de procéder à des contrôles par sondage. En outre, dans les cas où les produits de la pêche sont transportés avant leur mise sur le marché ou lorsque la première vente s’effectue dans un pays tiers, il est recommandé de maintenir l’actuel délai de transmission des documents requis aux autorités compétentes à 48 heures maximum après le débarquement afin d’éviter des retards et des pertes de qualité.

5.10.

Le CESE a réservé un accueil favorable à la proposition de la Commission sur les plastiques à usage unique (15), en particulier aux mesures d’incitation prévues pour le dépôt à terre des engins de pêche brisés ou endommagés afin d’en faciliter le recyclage (16). Cette mesure, combinée à la nouvelle disposition relative aux ports (17), ouvre des possibilités et des perspectives nouvelles pour la pêche durable et l’économie circulaire. Le CESE considère que le système prévu pour inciter les pêcheurs à ramener leurs chaluts à terre devrait être étendu à tous les types de déchets recueillis en mer durant les activités de pêche. Il est également important de vérifier que la mise en place du mécanisme de responsabilité accrue du fabricant n’entraîne pas un surcoût pour les entreprises du secteur de la pêche à l’achat des chaluts. Le FEAMP pourrait constituer l’instrument financier le plus indiqué pour soutenir une telle démarche.

5.11.

Cette initiative serait fondamentale pour la propreté des mers, sachant qu’à l’heure actuelle ce sont les pêcheurs qui doivent payer pour décharger à terre les déchets recueillis durant la pêche. Ces derniers représentent 90 % des déchets récupérés dans les filets, et les pêcheurs sont par ailleurs tenus de les trier et, s’il n’est pas possible de les identifier, de les considérer comme des «déchets spéciaux», impliquant des formes spécifiques de traitement. Dans la pratique, les règles en vigueur imposent aux pêcheurs de nettoyer les mers d’une pollution qu’ils n’ont pas causée. Le CESE estime que les pêcheurs pourraient apporter une importante valeur ajoutée moyennant une formation adéquate, en contribuant d’une part au nettoyage des mers et d’autre part à la mise en place d’un cercle vertueux d’intégration économique dans le cadre de leur activité (18).

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO L 343 du 22.12.2009, p. 1.

(2)  JO L 128 du 21.5.2005, p. 1.

(3)  Avis CESE (NAT/756) sur l’Agence européenne de contrôle des pêches (texte codifié) (JO C 62 du 15.2.2019, p. 310).

(4)  JO L 286 du 29.10.2008, p. 1

(5)  Aussi bien le Conseil consultatif pour la mer Méditerranée (MEDAC), le Conseil consultatif de la pêche lointaine (LDAC), que l’association Europêche ont formulé à plusieurs occasions des demandes et des propositions spécifiques pour surmonter les problèmes actuels du secteur, sans que ces démarches aient trouvé d’écho dans le train de mesures soumis par la Commission.

(6)  En Italie, sur 8 000 kilomètres de côtes, le nombre de navires de pêche a chuté d’environ 33 % au cours des trente dernières années. Les navires ont en moyenne 34 ans et doivent de toute urgence être modernisés ou remplacés par de nouveaux. Au cours des 30 dernières années, 18 000 postes de travail ont été perdus (le secteur italien de la pêche emploie 27 000 personnes). Données du ministère italien des politiques agricoles, alimentaires et forestières, 2016.

(7)  Comité de dialogue social sectoriel (CDSS) de l’Union européenne — Pêche en mer.

(8)  Avis CESE (NAT/749) sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) (voir page 104 du présent Journal officiel).

(9)  Avis CESE (NAT/749) sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) (voir note de bas de page 8).

(10)  Le critère de récidive de l’infraction peut entraîner une suspension de la licence de pêche d’une durée pouvant être comprise entre quatre mois et un an, voire son retrait définitif.

(11)  Voir l’article du Guardian«“We thought slavery had gone away”: African men exploited on Irish boats» («“Nous pensions que l’esclavage avait disparu”: des Africains exploités sur des bateaux irlandais»).

(12)  Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM): «The State of Mediterranean and Black Sea Fisheries» (L’état de la pêche en mer Méditerranée et en mer Noire), 2016, p. 26. Comme le souligne la CGPM de la FAO, il est plus facile de pratiquer une pêche ciblée dans les mers monospécifiques du fait qu’un nombre limité d’espèces halieutiques y coexistent et qu’il est donc plus simple d’y fixer des limites de capture. À l’inverse, dans les mers multispécifiques, une même zone abrite de nombreuses espèces de poissons.

(13)  Avis du CESE sur le Plan de gestion pluriannuel des pêches de petits pélagiques dans la mer Adriatique (JO C 288 du 31.8.2017, p. 68). Avis du CESE (NAT/749) sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) (voir note de bas page 8 du Journal officiel).

(14)  Avis du CESE sur l’Obligation de débarquement (JO C 311 du 12.9.2014, p. 68). Paragraphe 1.2: «Toutefois, le CESE considère que la proposition de la Commission est trop complexe et que l’obligation de débarquement imposera aux pêcheurs un travail supplémentaire excessif et disproportionné. Il estime, dès lors, qu’il conviendrait d’opter pour une réglementation plus pragmatique, claire, simple et flexible, qui prévoie une période transitoire pendant laquelle les pêcheurs auraient réellement le temps de s’adapter sans être durement sanctionnés.»

(15)  Avis du CESE (NAT/742) sur les Plastiques à usage unique (JO C 62 du 15.2.2019, p. 207).

(16)  COM(2018) 340 final.

(17)  COM(2018) 33 final.

(18)  Avis du CESE sur la Stratégie sur les matières plastiques dans une économie circulaire (y compris les actions contre les déchets marins) ( JO C 283 du 10.8.2018, p. 61).

Avis du CESE (NAT/742) sur les Plastiques à usage unique (voir note de bas de page 15).

Avis du CESE (NAT/749) sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) (voir note de bas de page 8).


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/125


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2008/106/CE concernant le niveau minimal de formation des gens de mer et abrogeant la directive 2005/45/CE»

[COM(2018) 315 final — 2018/0162 (COD)]

(2019/C 110/23)

Rapporteure:

Tanja BUZEK

Saisines

Parlement européen, 11.6.2018

Conseil, 6.6.2018

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

20.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

201/3/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient de manière générale les objectifs définis par la Commission dans sa proposition de modification de la directive 2008/106/CE du Parlement européen et du Conseil (1) concernant le niveau minimal de formation des gens de mer, qui abroge la directive 2005/45/CE du Parlement européen et du Conseil (2) concernant la reconnaissance mutuelle des brevets des gens de mer délivrés par les États membres. Le CESE estime que les modifications prévues dans le cadre réglementaire sont nécessaires, proportionnées et efficaces sur le plan des coûts.

1.2.

Tout en reconnaissant le fait que les deux directives ont contribué à l’amélioration de l’enseignement maritime et de la formation des gens de mer travaillant à bord de navires battant pavillon de l’Union européenne, de même qu’à la mobilité professionnelle des gens de mer certifiés dans l’Union européenne, le CESE estime qu’il y a lieu d’aller plus loin dans ce domaine. Le CESE recommande donc de mettre à profit la révision de la directive 2008/106/CE pour appeler à un débat européen plus large, associant la Commission, les États membres, les organismes de formation et le secteur sur la manière d’investir davantage dans la qualification des marins en Europe afin de préserver à la fois la compétitivité de la flotte européenne et de la capacité du secteur à générer des emplois de qualité pour les marins européens et les autres professionnels de la mer.

1.3.

Le CESE recommande en particulier d’œuvrer à la création d’un forum au niveau de l’Union européenne réunissant les institutions de formation, le secteur, le pôle d’activité maritime au sens large et les administrations maritimes nationales en vue d’améliorer la formation maritime des gens de mer et de développer des formations maritimes européennes de troisième cycle qui aillent au-delà du niveau minimum convenu au niveau international en matière de formation des marins. Ce type de formation avancée permettrait de donner un avantage concurrentiel aux marins européens en les dotant de qualifications supérieures à celles requises au niveau international et renforcerait l’attrait des professions maritimes dans l’Union européenne, en particulier en ce qui concerne les femmes et les jeunes.

1.4.

Le CESE souligne l’importance de l’élaboration de modules de formation à l’épreuve du temps en mettant tout particulièrement l’accent sur la formation en matière de gestion de la qualité, de compétences vertes et de compétences numériques, et estime que la promotion des aptitudes avancées devrait aller de pair avec des formes de certification/labellisation.

1.5.

Le CESE préconise également la mise en place d’un réseau européen d’établissements d’enseignement et de formation maritimes remplissant des critères de qualité afin d’améliorer encore le système d’enseignement maritime en Europe. Il recommande également de créer, pour la formation des capitaines et officiers, un système du type «Erasmus» pour les échanges entre établissements d’enseignement maritime dans l’ensemble de l’Union européenne, qui soit adapté aux caractéristiques spécifiques du secteur.

1.6.

En ce qui concerne la refonte du mécanisme pour la reconnaissance des certificats des gens de mer délivrés par des pays tiers, le CESE juge de la plus haute importance de demander que les États membres demandeurs consultent les associations d’armateurs et les organisations syndicales nationales sur l’opportunité de reconnaître un nouveau pays tiers, avant de soumettre leur demande à la Commission. Le CESE souhaite en outre préciser que, lorsqu’elle est disponible, l’estimation du nombre de gens de mer susceptibles d’être employés ne sera qu’un critère parmi d’autres dans le processus de décision en vue de la reconnaissance d’un nouveau pays tiers et qu’elle doit faire l’objet d’un suivi transparent.

1.7.

En ce qui concerne la prolongation du délai pour l’adoption d’une décision relative à la reconnaissance de nouveaux pays tiers de 18 mois à 24 mois, et jusqu’à 36 mois dans certaines circonstances, le CESE exprime sa préoccupation quant à la question de savoir si ce mécanisme est adapté, car le processus pourrait être inutilement retardé dans le cas de pays qui satisfont manifestement à toutes les exigences. Par conséquent, le CESE demande que la procédure soit menée à son terme dans un délai aussi raisonnable que possible, tout en prévoyant que ce délai puisse être prolongé pour autant que des mesures correctives s’imposent.

1.8.

Afin de garantir une utilisation appropriée des fonds européens, le CESE propose de modifier l’article 20 de manière que les dispositions relatives au retrait de la reconnaissance d’un pays tiers s’appliquent également aux pays tiers qui ne parviennent pas à fournir un nombre substantiel de capitaines et d’officiers pendant au moins cinq ans. Le CESE souhaite préciser que la décision finale relative à un éventuel retrait de la reconnaissance continuera à incomber aux États membres selon les procédures habituelles dans le cadre du COSS et que ces procédures laissent toute latitude pour examiner les informations pertinentes fournies par les États membres.

1.9.

Dans la mesure où il ne peut y avoir de compromis sur la sécurité maritime, le CESE recommande que les pays tiers qui fournissent un nombre limité de capitaines et d’officiers à la flotte de l’Union européenne ne soient pas soumis à un régime de réévaluation moins strict que les autres pays.

1.10.

Outre les modifications apportées à la procédure de révision (article 27) qui prévoit que la Commission est habilitée à modifier la directive 2008/106/CE par voie d’actes délégués, le Comité invite les États membres à prendre rapidement des mesures pour mettre en œuvre les modifications afin que l’inaction de l’État du pavillon ne rende nécessaire des prolongations et des périodes d’interprétation pragmatique, comme ce fut le cas précédemment.

2.   Historique

2.1.

La législation de l’Union européenne sur l’enseignement et la formation des gens de mer ainsi que la délivrance de leurs brevets repose essentiellement sur les prescriptions internationales minimales imposées par la convention de l’Organisation maritime internationale (OMI) sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW), telle que modifiée.

2.2.

Outre l’intégration de la convention STCW au niveau de l’Union européenne au moyen de la directive 2008/106/CE, telle que modifiée, le cadre de l’Union européenne prévoit un mécanisme commun au niveau de l’Union européenne d’un bon rapport coût-efficacité pour la reconnaissance des systèmes des pays tiers dans le domaine de l’enseignement et de la formation des gens de mer, ainsi que de la délivrance des brevets. Ce mécanisme est conçu de telle sorte que l’évaluation et la réévaluation de la conformité des pays tiers aux dispositions de la convention STCW s’effectuent de manière centralisée et harmonisée, de façon à éviter une situation dans laquelle chaque État membre devrait les réaliser individuellement. Ce mécanisme est d’autant plus pertinent que plus de 40 pays tiers bénéficient à l’heure actuelle d’une telle reconnaissance au niveau de l’Union européenne.

2.3.

Le système réglementaire prévoit également une procédure simplifiée pour la reconnaissance des brevets des gens de mer délivrés par les États membres, régie par la directive 2005/45/CE. Cette directive visait à encourager la mobilité des gens de mer de l’Union européenne entre les navires battant pavillon de l’Union européenne, en permettant la reconnaissance des brevets détenus par les capitaines et les officiers sans aucune autre mesure de compensation.

2.4.

Le cadre législatif susmentionné vise à garantir un niveau élevé de sécurité de la vie humaine en mer et la protection du milieu marin en réduisant au minimum les risques d’accidents maritimes. Pour atteindre cet objectif, il est communément admis que l’amélioration de l’enseignement, de la formation et de la délivrance des brevets du personnel clé des navires battant pavillon d’un État membre de l’Union européenne revêt une importance capitale.

2.5.

La proposition s’inscrit dans le prolongement du programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT) de la Commission, qui évalue dans quelle mesure les deux directives ont atteint leurs objectifs. Le CESE relève que la révision proposée est le fruit d’une évaluation approfondie, qui comprenait une étude exhaustive réalisée par l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA) (Étude pour l’évaluation REFIT des directives 2008/CE et 2005/45/CE, datée de septembre 2017 (3)), d’une consultation publique accompagnée d’une consultation plus ciblée, ainsi que des ateliers spécifiques associant les États membres et les partenaires sociaux du secteur, à savoir les armateurs et les syndicats représentant les marins.

2.6.

Selon l’évaluation REFIT, la législation de l’Union européenne a donné des résultats jugés globalement positifs et a contribué à l’élimination des équipages insuffisamment qualifiés, à la mobilité des gens de mer dans l’Union et à l’instauration de conditions de concurrence équitables entre les marins formés dans l’Union européenne et ceux qui l’ont été dans des pays tiers.

2.7.

Toutefois, certaines insuffisances ont été relevées en ce qui concerne l’efficacité du cadre réglementaire et la proportionnalité de certaines de ses exigences. La proposition de la Commission vise donc à pallier les lacunes mises en évidence dans le cadre de la simplification et de la rationalisation de la législation existante. Plus concrètement, des interventions supplémentaires ont été jugées nécessaires, notamment pour:

aligner la réglementation sur les dernières modifications de la convention STCW,

mettre à jour la définition des brevets reconnus entre États membres par une fusion de la directive 2005/45/CE avec la directive 2008/106/CE,

définir des critères pour une nouvelle reconnaissance ou une réévaluation de pays tiers en vue d’une utilisation plus efficace des ressources financières et humaines,

fixer des critères de priorité pour la réévaluation des pays tiers, en mettant l’accent sur les pays qui fournissent un grand nombre de marins, tout en envisageant d’étendre le cycle de réévaluation pour les autres pays,

allonger le délai pour la reconnaissance des nouveaux pays tiers afin de laisser suffisamment de temps à ces pays pour adopter et mettre en œuvre des mesures correctives, le cas échéant.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

L’objectif général de la proposition est de simplifier et de rationaliser la législation existante. Il s’agit notamment:

de poursuivre l’alignement du cadre européen sur la convention STCW,

d’améliorer le mécanisme centralisé pour la reconnaissance des pays tiers afin d’accroître son efficience et son efficacité,

d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des brevets des gens de mer délivrés par les États membres.

3.2.

Le mécanisme centralisé de reconnaissance des brevets des gens de mer délivrés par les pays tiers nécessite la mise à disposition de ressources humaines et financières substantielles par la Commission, assistée dans cette tâche par l’Agence européenne pour la sécurité maritime, afin d’évaluer les nouvelles demandes de reconnaissance émanant des États membres, d’une part, et d’effectuer la réévaluation périodique des pays tiers déjà reconnus, d’autre part.

3.3.

Dans l’intérêt d’une meilleure utilisation des ressources disponibles, la Commission propose de rendre la procédure de reconnaissance plus transparente en permettant à l’État membre demandeur d’exposer les motifs de sa demande de reconnaissance. Cette mesure consiste à engager une discussion entre les États membres sur la nécessité de reconnaître de nouveaux pays tiers.

3.4.

En outre, la Commission propose des critères de priorité pour la réévaluation des pays tiers reconnus, en arguant du fait que les ressources disponibles devraient être redirigées des pays qui fournissent un faible nombre de marins à la flotte de l’Union vers les pays tiers qui en fournissent le plus.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE soutient la proposition de la Commission visant à modifier la directive 2008/106/CE concernant le niveau minimal de formation des gens de mer, notamment l’intégration dans son champ d’application de la procédure simplifiée de reconnaissance mutuelle des brevets des gens de mer délivrés par les États membres, en abrogeant la directive 2005/45/CE.

4.2.

Le CESE est d’avis qu’il s’agit d’une révision nécessaire dans la mesure où il existe une marge d’amélioration de l’efficacité du cadre administratif concernant le système de reconnaissance mutuelle au titre de la présente directive, en permettant une affectation plus efficiente des ressources financières et humaines de la Commission et de l’AESM.

4.3.

Le CESE se réjouit en particulier de l’accent mis par la Commission sur le niveau de transparence qui devrait prévaloir dans le traitement des demandes de reconnaissance des brevets de nouveaux pays tiers. Le CESE considère que la nouvelle procédure permettant à l’État membre demandeur d’exposer les motifs de la demande de reconnaissance est une mesure proportionnée, transparente et d’un bon rapport coût-efficacité. Les États membres demandeurs auront toujours la possibilité de reconnaître unilatéralement le pays tiers concerné jusqu’à ce qu’une décision collective soit prise. Le processus de décision conduisant à la reconnaissance d’un pays tiers établit donc un équilibre entre la nécessité de la transparence s’agissant de contrôler et d’utiliser de manière judicieuse les fonds publics — les coûts générés par la procédure de reconnaissance — et l’objectif de maintenir la compétitivité de la flotte de l’Union européenne — l’avantage concurrentiel pour la flotte de l’Union européenne résultant du recours à des gens de mer originaires du pays tiers en question.

4.4.

Le CESE estime que le cadre réglementaire de l’Union en matière d’enseignement, de formation et de délivrance des brevets des gens de mer a contribué à répondre aux besoins du marché du travail du secteur maritime en facilitant l’accès à l’emploi à bord des navires battant pavillon de l’Union européenne pour tous les capitaines et officiers titulaires d’un brevet STCW valide, quel que soit leur lieu de résidence ou leur nationalité. S’il ne fait aucun doute que le transport maritime opère dans un marché du travail mondialisé, le CESE souhaite rappeler l’importance pour l’Union européenne d’investir massivement dans le niveau de qualification de ses propres gens de mer afin de préserver une masse critique de marins européens pour soutenir la compétitivité du transport maritime européen et des pôles d’activités maritimes dans l’ensemble de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle il y a lieu de créer des emplois hautement qualifiés et de rendre gratifiantes les carrières en mer ou à terre, en particulier pour les jeunes européens, tout en maintenant, voire en augmentant, la part des marins de l’Union européenne au sein des équipages à l’échelle mondiale (les 220 000 marins que compte actuellement l’Union représentent 18 % du nombre total de marins dans le monde) (4).

4.5.

À la lumière de ce qui précède, le CESE encourage les États membres à mettre enfin en œuvre les recommandations figurant dans la stratégie de l’Union européenne en matière de transport maritime jusqu’en 2018 (5), ainsi que les recommandations politiques de la task force sur l’emploi et la compétitivité dans le secteur maritime (6) à la Commission européenne en ce qui concerne le renforcement de l’efficacité et de l’efficience du système éducatif dans le transport maritime. Le CESE invite notamment la Commission et les colégislateurs de l’Union à prendre en considération les recommandations énumérées dans la présente section.

4.6.

Le CESE recommande d’œuvrer à la création d’un forum au niveau de l’Union européenne réunissant les institutions de formation, le secteur, le pôle d’activité maritime au sens large et les administrations maritimes nationales en vue d’améliorer la formation maritime des gens de mer et ainsi leur placement, leur développement de carrière et leur mobilité. L’une des missions clés de ce réseau serait d’élaborer des formations maritimes européennes de troisième cycle qui aillent au-delà du niveau minimum convenu au niveau international en matière de formation des gens de mer (également désignés sous le nom de «certificats d’excellence maritime», ou «STCW +») (7). Ce type de formation avancée permettrait de donner un avantage concurrentiel aux marins européens en les dotant de qualifications supérieures à celles requises au niveau international.

4.7.

À la lumière de ce qui précède, le CESE souligne l’importance de l’élaboration de modules de formation à l’épreuve du temps en mettant tout particulièrement l’accent sur la formation en matière de gestion de la qualité, de compétences vertes et de compétences numériques. Ce dernier domaine est d’une importance capitale dans la mesure où les technologies et les systèmes d’échange de données d’information et de communication à bord des navires, ainsi que les systèmes de soutien à terre évoluent rapidement. Le CESE estime que la promotion des compétences devrait aller de pair avec des formes de certification/labellisation de telle sorte que l’amélioration de l’enseignement maritime constitue un atout précieux pour aider les gens de mer européens à développer leurs perspectives de carrière. Cela permettra d’accroître l’attractivité des professions maritimes dans l’Union européenne, en particulier pour les femmes et les jeunes, tout en améliorant l’efficience et la qualité de l’exploitation des navires, notamment sous l’angle de l’innovation permanente et de la réduction des coûts.

4.8.

Dans le même esprit, il serait également opportun d’envisager la mise en place d’un réseau européen d’institutions d’enseignement et de formation maritimes répondant à certains critères de qualité, afin d’améliorer encore davantage le système d’enseignement maritime en Europe. À cet effet, le CESE recommande de s’inspirer du réseau européen d’écoles de navigation intérieure — EDINNA (Education Inland Navigation, éducation à la navigation intérieure), créé en 2009 pour promouvoir l’harmonisation des programmes d’études et de formation par le haut. Cette plateforme s’est avérée être un excellent outil pour permettre l’échange de savoir-faire et une approche concertée du développement des compétences professionnelles. Il préconise également de créer, pour la formation des capitaines et officiers, un système du type «Erasmus» pour les échanges entre établissement d’enseignement maritime dans l’ensemble de l’Union européenne, qui soit adapté aux caractéristiques spécifiques du secteur.

4.9.

En outre, le CESE demande que l’Union européenne et les États membres réalisent un effort politique concerté pour soutenir le secteur, qui s’efforce de relever les défis de la numérisation, de l’automatisation et de son indispensable écologisation. Le CESE fait observer que ces défis pourront être relevés plus facilement si l’on s’assure de disposer en Europe d’un système de formation et d’éducation maritime de qualité permettant d’affronter l’avenir. À cet égard, le CESE se félicite du lancement imminent du projet quadriennal SkillSea. Le projet SkillSea favorisera une coopération entre le secteur — notamment les partenaires sociaux européens dans les transports maritimes, les Associations des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) — les prestataires d’éducation et de formation et les autorités nationales, en vue de renforcer les programmes de formation dans le domaine maritime en Europe.

5.   Observations spécifiques

5.1.

Le CESE se félicite de la consolidation des directives 2005/45/CE et 2008/106/CE, car il considère qu’une telle fusion rend la mise en œuvre plus efficace et qu’elle est de nature à améliorer la clarté et à simplifier le cadre régissant la formation et la certification des gens de mer. Cette consolidation permettra en particulier de traiter le problème posé par la définition obsolète des brevets figurant dans la directive 2005/45/CE, ainsi que de préciser et d’harmoniser la définition des brevets des gens de mer reconnus par les États membres. Il convient en effet de veiller à ce que cette définition soit actualisée conformément aux nouvelles définitions qui ont été introduites en 2012. Une telle mise à jour est de nature à accroître la sécurité juridique du système de reconnaissance mutuelle entre les États membres de l’Union européenne.

5.2.

Un nouvel article 5 ter vise à intégrer la reconnaissance mutuelle de leurs brevets délivrés par les États membres dans le champ d’application de la directive 2008/106/CE. Le CESE considère que cet ajout est essentiel dans la mesure où il précise quels brevets feront l’objet d’une reconnaissance mutuelle aux fins de permettre aux gens de mer certifiés par un État membre de travailler à bord de navires battant pavillon d’un autre État membre.

5.3.

Le CESE soutient pleinement et encourage la mobilité de la main-d’œuvre afin d’aider les capitaines et les officiers certifiés dans l’Union européenne et les armateurs européens à entrer plus facilement en contact. À cet égard, le CESE relève avec satisfaction que, selon la Commission (8), plus de 47 000 visas de brevets d’aptitude délivrés initialement par un autre État membre au cours de l’année 2015 étaient valables dans l’ensemble de l’Union, ce qui représente 25 % du nombre total de capitaines et d’officiers disponibles pour travailler sur des navires battant pavillon de l’Union européenne.

5.4.

Les chiffres susmentionnés montrent que le système de reconnaissance mutuelle des brevets des gens de mer délivrés par les États membres a donné des résultats encourageants pour favoriser la mobilité des gens de mer de l’Union européenne entre les navires battant pavillon d’un État membre. Le CESE souligne en outre l’importance de contribuer en permanence à la protection des emplois européens en mer, à la pérennisation des institutions d’enseignement et de formation dans l’Union européenne et à la sauvegarde du savoir-faire maritime européen dans son ensemble.

5.5.

Le CESE soutient la proposition d’alignement de la directive 2008/106/CE sur les dernières modifications de la convention STCW, de manière à éviter les incohérences juridiques dans la directive par rapport au cadre réglementaire international. Un tel alignement est de nature à sauvegarder une application harmonisée au niveau de l’Union européenne, à aider les équipages à acquérir de nouvelles aptitudes et compétences, en particulier les exigences de formation et de qualification s’appliquant aux marins mer travaillant à bord des navires à passagers et des navires soumis au recueil international des règles de sécurité applicables aux navires qui utilisent des gaz ou d’autres combustibles à faible point d’éclair (code IGF) et au code international contraignant en matière de sécurité pour les navires exploités dans les eaux polaires (Code polaire), élaborés par l’OMI, tout en favorisant l’évolution de carrière.

5.6.

Le CESE s’interroge sur une utilisation disproportionnée des ressources financières et humaines de l’Union pour évaluer de nouveaux pays tiers qui pourraient ne pas être en mesure de fournir de nombreux capitaines et officiers. Par conséquent, le CESE soutient pleinement la proposition de la Commission selon laquelle toute nouvelle demande présentée par un État membre en vue de la reconnaissance d’un pays tiers doit être accompagnée d’une analyse comprenant notamment une estimation du nombre de capitaines et d’officiers originaires de ces pays qui sont susceptibles de travailler à bord de navires de l’Union. En outre, le CESE juge de la plus haute importance de demander que les États membres demandeurs consultent les associations d’armateurs et les organisations syndicales nationales sur l’opportunité de reconnaître un nouveau pays tiers, avant de soumettre leur demande à la Commission. Toutefois, le CESE souhaite préciser que, lorsqu’elle est disponible, l’estimation du nombre de gens de mer susceptibles d’être employés ne sera qu’un critère parmi d’autres dans le processus de décision en vue de la reconnaissance d’un nouveau pays tiers et qu’elle doit faire l’objet d’un suivi transparent.

5.7.

Dans un souci d’une plus grande efficacité et d’une meilleure utilisation des ressources disponibles, le CESE constate avec satisfaction que, selon la proposition (article 19), une justification devra être donnée et discutée entre les États membres lorsque l’un d’entre eux souhaite introduire une demande de reconnaissance d’un nouveau pays tiers. Le CESE souhaite préciser que la décision définitive concernant la reconnaissance ou non d’un nouveau pays tiers continuera à incomber aux États membres dans le cadre de la procédure normale, qui inclut le vote à la majorité qualifiée au sein du comité pour la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires (COSS). Le CESE se félicite par ailleurs qu’un État membre puisse reconnaître unilatéralement les brevets d’un pays tiers en l’attente du résultat de l’évaluation. Le CESE soutient vigoureusement cette possibilité qui offre une solution proportionnée et rentable tout en préservant la compétitivité de la flotte de l’Union européenne.

5.8.

En ce qui concerne la prolongation du délai d’adoption d’une décision relative à la reconnaissance de nouveaux pays tiers de 18 à 24 mois, et à 36 mois dans certaines circonstances, le CESE considère que la mesure proposée est justifiée s’il s’avère indispensable que le pays tiers mette en œuvre des mesures correctives. Toutefois, le CESE exprime des préoccupations quant à la question de savoir si cet allongement constitue dans tous les cas de figure le mécanisme adéquat, car il peut arriver qu’un pays qui répond clairement à toutes les exigences fasse inutilement traîner la procédure. Par conséquent, le CESE préconise que l’objectif demeure de mener à bien la procédure dans un délai aussi raisonnable que possible, tout en prévoyant une disposition selon laquelle le délai peut être prolongé pour autant que des mesures correctives s’imposent.

5.9.

L’article 20 révisé prévoit un motif spécifique pour annuler la reconnaissance d’un pays tiers, à savoir qu’aucun marin originaire de ce pays n’a été recruté dans la flotte de l’Union européenne pendant au moins 5 ans. Le CESE souhaite préciser que la décision finale relative à un éventuel retrait de la reconnaissance continuera à incomber aux États membres selon les procédures habituelles dans le cadre du COSS et que ces procédures laissent toute latitude pour examiner les informations pertinentes fournies par les États membres. Tout en soutenant à titre principal la révision, le CESE souhaite souligner qu’au regard d’une utilisation appropriée des ressources, l’argument reste valable que le pays tiers n’en fournisse aucun ou qu’il n’en fournisse pas un nombre substantiel. Dans ce contexte et en totale conformité avec les procédures, le CESE propose que la reconnaissance d’un pays tiers soit puisse être révoquée lorsque le pays tiers ne fournit pas un nombre substantiel de capitaines et d’officiers pendant au moins cinq ans.

5.10.

Le CESE s’interroge sur la pertinence de la modification de l’article 21 qui prévoit que la période de réévaluation peut être étendue à 10 ans sur la base de critères de priorité. Le CESE croit comprendre que, d’un point de vue strictement mathématique, les pays tiers qui fournissent un nombre élevé de gens de mer font peser, en théorie, une plus grande menace pour la sécurité de l’exploitation des navires que ceux qui en fournissent un nombre limité. Pour ces raisons et partant du principe qu’il ne peut y avoir de compromis sur la sécurité maritime, le CESE recommande que les pays tiers qui fournissent un nombre limité de capitaines et d’officiers à la flotte de l’Union européenne ne soient pas soumis à un régime d’évaluation moins strict.

5.11.

Le CESE approuve la modification de l’article 25 bis qui est nécessaire pour permettre d’utiliser de manière transparente les informations communiquées par les États membres sur le nombre de visas attestant la reconnaissance des brevets délivrés par des pays tiers aux fins de l’annulation de la reconnaissance et de l’établissement des priorités concernant la réévaluation des pays tiers, comme prévu à l’article 20 et à l’article 21.

5.12.

Le CESE est pleinement conscient du fait que, compte tenu de la dimension mondiale du transport maritime, l’objectif doit être de prévenir les incompatibilités entre les engagements internationaux des États membres et leurs engagements à l’égard de l’Union. Il faut pour cela un alignement continu du cadre européen sur la convention STCW, permettant l’établissement de conditions de concurrence équitables entre l’Union européenne et les pays tiers dans la mise en œuvre du cadre international en matière d’enseignement et de formation en matière maritime, ainsi que de délivrance des brevets aux gens de mer. À la lumière des considérations qui précèdent et dans l’éventualité de nouvelles modifications de la convention STCW à l’avenir, le CESE estime qu’il est pertinent d’habiliter la Commission à procéder à des modifications au moyen d’actes délégués afin d’assurer une adaptation plus fluide et plus rapide aux changements de la convention et du code STCW.

5.13.

À cet égard, le Comité invite les États membres à prendre rapidement des mesures pour mettre en œuvre les modifications afin que l’inaction de l’État du pavillon ne rende nécessaire des prolongations et des périodes d’interprétation pragmatique, comme ce fut le cas précédemment.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO L 323 du 3.12.2008, p. 33.

(2)  JO L 255 du 30.9.2005, p. 160.

(3)  https://ec.europa.eu/transport/sites/transport/files/legislation/2017-09-stwc-support-study-refit-eval-dirs-20080106-20050045.pdf

(4)  SWD(2016) 326 final.

(5)  COM(2009) 8 final.

(6)  La task force sur l’emploi et la compétitivité dans le secteur maritime a été mise en place par le vice-président de la Commission, M. Kallas, et a rendu son rapport le 9 juin 2011.

(7)  COM(2009) 8 final.

(8)  SWD(2017) 18 final.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/132


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil établissant le programme de recherche et de formation de la Communauté européenne de l’énergie atomique pour la période 2021-2025 complétant le programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon Europe”»

[COM(2018) 437 final — 2018/0226]

(2019/C 110/24)

Rapporteure:

Mme Giulia BARBUCCI

Consultation

Commission européenne, 12.7.2018

Conseil de l’Union européenne, 13.7.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

20.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

208/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de règlement sur le programme de recherche et de formation de la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) pour la période 2021-2025, dont il souligne la continuité par rapport aux programmes précédents de recherche et développement concernant la fusion, la fission et la sûreté nucléaires, ainsi que le Centre commun de recherche, et qui prévoit également de nouveaux domaines d’intervention tels que la radioprotection et le déclassement des centrales nucléaires.

1.2.

Le CESE estime que le budget du programme Euratom est adéquat au regard des objectifs fixés et considère qu’il est fondamental de maintenir cette dotation financière indépendamment de l’issue des négociations concernant le retrait du Royaume-Uni de l’Union. À cet égard, le Comité estime également qu’il est essentiel de gérer avec la plus grande vigilance le retrait de ce pays du programme Euratom, en particulier pour ce qui concerne les travaux de recherche déjà entamés, les infrastructures partagées et l’incidence sociale (par exemple en matière de conditions de travail) sur le personnel présent à l’intérieur comme au dehors du territoire britannique.

1.3.

Le CESE estime que le projet JET (Joint European Torus) est un élément crucial du développement du projet ITER, lequel représente par ailleurs l’évolution logique du JET du point de vue scientifique. C’est pourquoi le Comité juge important que le JET soit poursuivi (soit comme projet de l’Union européenne, soit comme projet commun de l’Union et du Royaume-Uni) tant que le projet ITER n’est pas opérationnel.

1.4.

Le CESE considère que les aspects novateurs introduits dans le programme, tels que sa simplification, l’élargissement des objectifs (rayonnements ionisants et déclassement des installations), les plus grandes synergies avec le programme Horizon Europe et la possibilité de financer des actions d’enseignement et de formation à destination des chercheurs (comme les actions Marie Skłodowska-Curie), répondent aux attentes des citoyens et renforcent l’efficacité et l’efficience du programme.

1.5.

Le Comité considère que la sûreté nucléaire doit être comprise dans une perspective dynamique, ce qui implique une surveillance constante et une adaptation de la réglementation en vigueur à la lumière des découvertes et des innovations les plus récentes, portant sur l’intégralité du cycle de vie des installations. Il convient de porter une attention particulière aux installations situées à la frontière entre des États membres de l’Union européenne, en renforçant la coordination entre les autorités nationales et locales et en veillant à ce que les citoyens et les travailleurs y soient convenablement associés.

1.6.

Le CESE considère que l’éducation, dès l’âge de la scolarité obligatoire, et la formation représentent un facteur essentiel pour rapprocher les jeunes des disciplines scientifiques et technologiques. Il s’agit là d’un élément crucial pour qu’à l’avenir l’Europe compte un plus grand nombre de chercheurs, qui ne sont à l’heure actuelle pas suffisamment nombreux pour répondre à la demande du système de production et de recherche.

2.   Introduction

2.1.

La proposition de règlement établissant le programme de recherche et de formation de la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) pour la période 2021-2025 s’inscrit dans le cadre du train de mesures législatives concernant le programme-cadre pour la recherche et l’innovation «Horizon Europe» pour la période 2021-2027 (1). Le programme proposé sera d’une durée de cinq ans, conformément à l’article 7 du traité Euratom, avec une possibilité de prolongation de deux ans afin de l’aligner sur celle d’«Horizon Europe» et du «cadre financier pluriannuel» (CFP).

2.2.

Le programme «Horizon Europe» bénéficiera d’une enveloppe financière de 100 milliards d’EUR pour la période 2021-2027, dont 2,4 milliards d’EUR seront destinés au programme Euratom. Le programme-cadre «Horizon Europe» établit par ailleurs le cadre de référence relatif aux instruments et aux règles de participation ainsi qu’aux dispositions en matière de mise en œuvre, d’évaluation et de gouvernance. Les domaines de recherche soutenus par le programme Euratom ne sont pas inclus dans «Horizon Europe» pour des raisons à la fois juridiques (traités distincts) et propres à la gestion (éviter les doubles emplois), afin de renforcer les synergies entre programmes.

2.3.

Le CESE a consacré un avis spécifique à la proposition de programme «Horizon Europe» (2), dont la vision et les recommandations sont à rapprocher de celles du présent avis. Il a également élaboré deux autres avis connexes, l’un sur le projet ITER (3) et l’autre sur le démantèlement des centrales nucléaires (4).

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

Le programme Euratom de recherche et de formation porte sur les diverses applications de l’énergie nucléaire en Europe, tant pour la production d’électricité que pour d’autres finalités dans d’autres secteurs (par exemple les rayonnements ionisants dans le secteur médical). Les efforts déployés par l’Union européenne visent à favoriser l’innovation et le développement de technologies sûres, pour réduire les risques et assurer une radioprotection optimale. Le programme Euratom permet ainsi de compléter les contributions des États membres en mettant en commun les processus d’innovation, de recherche et de formation.

3.2.

La proposition à l’examen établit le budget et les objectifs communs de recherche, aussi bien pour les actions directes (menées directement par la Commission par l’intermédiaire du Centre commun de recherche, le JRC) que pour les actions indirectes (entreprises par des acteurs publics ou privés financés par le programme), à mettre en œuvre conformément aux programmes de travail convenus avec les États membres.

3.3.

Le programme Euratom pour la période 2021-2025 sera mis en œuvre selon un mode de gestion directe. La Commission peut toutefois recourir, si elle juge que c’est approprié et efficace, à un régime de gestion partagée et/ou indirecte, et confier l’exécution de certaines parties du programme à des États membres, personnes ou entreprises ainsi qu’à des États tiers, des organisations internationales ou des ressortissants d’États tiers, conformément à l’article 10 du traité Euratom.

3.4.

Le programme proposé poursuivra les principales activités de recherche du programme Euratom actuellement en cours (radioprotection, sûreté nucléaire des installations, sécurité dans le cadre de la politique internationale, gestion des déchets radioactifs et énergie de fusion), mais en mettant davantage l’accent sur le déclassement ainsi que sur les applications autres que la production d’électricité, comme les rayonnements ionisants. Le budget proposé de 1 675 000 000 EUR pour la période 2021-2025 est réparti entre la recherche et le développement sur la fusion nucléaire (724 563 000 EUR), la fission nucléaire, la sûreté nucléaire et la radioprotection (330 930 000 EUR) et les actions du Centre commun de recherche (619 507 000 EUR).

3.5.

L’élargissement de la gamme d’objectifs accroît la transversalité de cet instrument, le mettant davantage au service des citoyens. Plus spécifiquement, les diverses applications des rayonnements ionisants étant de plus en plus nombreuses, il est impératif de protéger les personnes et l’environnement contre une exposition inutile aux rayonnements. En Europe, les technologies des rayonnements ionisants sont utilisées quotidiennement dans divers secteurs, et en premier lieu dans le secteur médical. Par conséquent, la recherche sur la radioprotection sera elle aussi développée suivant une approche transversale, que ce soit dans le domaine de la production d’énergie nucléaire ou dans le secteur médical, sans exclure d’autres applications dans l’industrie, l’agriculture, l’environnement ou la sécurité.

3.6.

Un autre élément novateur concerne la recherche pour le développement et l’évaluation de technologies en matière de déclassement et de réparation des dommages environnementaux des installations nucléaires, afin de répondre à la demande croissante en la matière. Cet aspect est crucial pour faire le lien avec les autres aspects relatifs à la sécurité qui sont déjà couverts par le programme actuel: la sûreté nucléaire (que ce soit la sécurité des réacteurs ou celle du cycle du combustible), la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, la radioprotection et la préparation aux situations d’urgence (accidents radiologiques et recherche sur la radioécologie) ainsi que les mesures de mise en œuvre des politiques concernant la sécurité nucléaire, les garanties et la non-prolifération.

3.7.

Les initiatives en question s’intégreront dans une action spécifique visant à soutenir le développement d’une énergie de fusion, qui constitue une source d’énergie potentiellement inépuisable et plus respectueuse de l’environnement. La proposition s’attache particulièrement à garantir la continuité dans la mise en œuvre de la «feuille de route pour la fusion», qui devrait aboutir à la construction de la première centrale dans la seconde moitié de ce siècle. Pour cette raison, l’Union européenne continuera de soutenir le projet ITER au moyen d’un programme spécifique (5) et, dans une perspective d’avenir, le projet DEMO.

3.8.

Enfin, outre les activités de recherche, la proposition prévoit la possibilité pour les chercheurs dans le domaine du nucléaire de participer à des programmes d’éducation et de formation tels que les actions Marie Skłodowska-Curie, afin de maintenir un niveau élevé de compétences, ainsi qu’un soutien financier spécifique pour la mise à disposition des infrastructures de recherche européennes et internationales, y compris celles du JRC.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement relatif au programme Euratom pour la période 2021-2025. Plus spécifiquement, le Comité porte un regard positif sur les interactions plus nombreuses avec le programme «Horizon Europe», afin de garantir des mécanismes communs en matière de gouvernance, d’accessibilité et de gestion des fonds, ainsi que l’intégration des activités de recherche et de formation, pour éviter les chevauchements inutiles.

4.2.

Le CESE estime que le budget destiné au programme Euratom est adéquat au regard des objectifs que l’Union européenne s’est fixés dans le secteur du nucléaire. C’est pourquoi il considère qu’il est fondamental de maintenir cette dotation financière indépendamment de l’issue des négociations concernant le retrait du Royaume-Uni de l’Union. À cet égard, le Comité estime également qu’il est essentiel de gérer avec la plus grande vigilance le retrait de ce pays du programme Euratom, en particulier pour ce qui concerne les travaux de recherche déjà entamés, les infrastructures partagées et l’incidence sociale (par exemple, en matière de conditions de travail) sur le personnel présent à l’intérieur comme au dehors du territoire britannique (6).

4.3.

Le CESE souligne en particulier que le projet ITER a besoin, pour sa mise en œuvre, du soutien du projet JET (Joint European Torus) dont les installations, situées au Royaume-Uni, sont financées par Euratom. En effet, le projet JET permet, entre autres, de tester certains éléments du réacteur ITER actuellement en construction, qui constitue, de fait, le prolongement du projet JET du point de vue scientifique. Ces installations sont uniques au monde et irremplaçables. C’est pourquoi le Comité juge important que le JET soit poursuivi (soit comme projet de l’Union européenne, soit comme projet commun de l’Union et du Royaume-Uni) tant que le projet ITER n’est pas opérationnel.

4.4.

Le Comité souscrit à l’approche de la proposition de règlement, qui vise principalement à assurer la continuité des activités de recherche et des projets déjà existants, comme le projet ITER, ce qui représente un objectif important au regard des processus de décarbonation (7), d’approvisionnement énergétique et de développement industriel (8). En outre, le nouveau programme contient de nouveaux éléments intéressants qui élargissent l’éventail des activités de recherche et d’innovation pouvant bénéficier d’un financement et orientées vers le développement et la croissance.

4.5.

Le CESE porte un regard très favorable sur la proposition d’inclure dans les actions pouvant bénéficier d’un financement celles relatives aux rayonnements ionisants, ce qui accroît la transversalité du programme conformément aux orientations définies par le programme «Horizon Europe» au regard des problématiques de société. À cet égard, il importe que les résultats des processus de recherche et d’innovation, sur le plan des brevets et des nouvelles technologies, soient diffusés de manière rapide et systématique, compte tenu de leur vaste champ d’application (9).

4.6.

Il est important de faire connaître aux citoyens les résultats obtenus grâce au financement et aux efforts conjoints déployés à l’échelle européenne. Cette démarche permettra de renforcer leur confiance à l’égard de la science et de la recherche et de les sensibiliser à l’importance de l’Union européenne et d’une stratégie spécifique pour améliorer la qualité de vie de tout un chacun.

4.7.

Par ailleurs, le Comité porte un regard positif sur l’extension des financements pour la recherche et le partage des connaissances dans les domaines du déclassement et de la réparation des dommages environnementaux des installations nucléaires, que ce soit pour répondre aux exigences croissantes des États membres ou pour parfaire la gestion des processus liés à la production d’énergie nucléaire, qui doit nécessairement s’achever par une réparation sûre des dommages environnementaux des installations déclassées.

4.8.

Le CESE considère que l’extension du programme aux activités d’enseignement et de formation, telles que les actions Marie Skłodowska-Curie, est essentielle pour maintenir des niveaux élevés de compétence au sein de l’Union européenne. Toutefois, il est important de définir aussi des objectifs quantitatifs en plus des objectifs qualitatifs, sachant qu’à l’heure actuelle les chercheurs européens dans ce secteur ne sont pas suffisamment nombreux pour répondre à toutes les exigences du système de production et de recherche européen (10).

5.   Observations particulières

5.1.

Le nouveau cadre de sûreté nucléaire mis au point après la catastrophe de Fukushima (11) répond aux préoccupations des citoyens. L’Union européenne a établi un système de contrôles systématiques («examens par les pairs») et des mécanismes de sécurité dynamiques et à niveaux multiples qui ont relevé le niveau des normes de sécurité des installations. Le Comité recommande de contrôler la bonne mise en œuvre de la directive, mais aussi de la mettre à jour et de l’adapter aux nouveaux défis, en couvrant l’intégralité du cycle de vie des installations, de la planification de nouveaux réacteurs à la constante mise à niveau de ceux déjà en place, jusqu’à leur démantèlement (12). Dans ce contexte, il estime que des activités de suivi menées par des entités externes et indépendantes peuvent garantir le respect de normes de sécurité plus élevées.

5.2.

Étant donné que de nombreux réacteurs sont situés à la frontière entre deux États membres de l’Union européenne ou plus, il importe d’établir un cadre renforcé de coopération entre les États, afin de mettre en place des mécanismes de réaction rapide en cas d’incidents transfrontaliers imprévisibles (13), en garantissant une collaboration efficace et une coordination entre les autorités locales et nationales concernées. Cette démarche, fondée sur l’article 8 de la directive 2014/87/Euratom, doit prévoir également de vastes campagnes d’information et de formation efficaces à l’intention des travailleurs et des citoyens, qu’il convient de soutenir au moyen de lignes de financement spécifiques. Des initiatives analogues devraient être mises sur pied avec les pays tiers limitrophes qui sont exposés aux mêmes risques (14).

5.3.

Le CESE estime que la sous-traitance pourrait représenter un facteur d’insécurité dans la maintenance des centrales nucléaires et recommande, par conséquent, qu’elle soit limitée et strictement encadrée (15).

5.4.

Le CESE juge essentiel de soutenir et de stimuler l’intérêt des jeunes pour les matières scientifiques et technologiques, ce qui nécessite une participation active et éclairée des enseignants. Ces derniers, grâce à la formation continue et au recyclage, devraient être des vecteurs de connaissances positifs et encourager sur ce thème des discussions ouvertes avec leurs élèves, dénuées de tout préjugé et stéréotype.

5.5.

Le CESE soutient en particulier les initiatives (y compris celles relevant du programme Erasmus+) visant à diffuser dans les écoles les disciplines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques de manière intégrée avec les arts. Cette approche encourage les étudiants à adopter une démarche systématique et expérimentale en leur donnant l’occasion de résoudre de manière créative des problèmes concrets. Les travaux de recherche et les projets déjà financés par l’Union européenne ces dernières années ont produit des résultats extrêmement positifs, montrant que cette approche stimule l’intérêt porté aux disciplines techniques, mathématiques et scientifiques, vers lesquelles les étudiants s’orientent ensuite volontiers au moment de choisir leur filière universitaire (16).

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 435 final.

(2)  INT/858, Horizon Europe (JO C 62 du 15.2.2019, p. 33).

(3)  TEN/680, CFP et ITER (voir page 136 du présent Journal officiel).

(4)  TEN/681, CFP, déclassement d’installations nucléaires et déchets radioactifs (voir page 141 du présent Journal officiel).

(5)  TEN/680, CFP et CFP (voir note 3 de bas de page).

(6)  https://www.nature.com/articles/d41586-018-06826-y (en anglais).

(7)  JO C 107 du 6.4.2011, p. 37.

(8)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 60.

(9)  INT/858, Horizon Europe (voir note 2 de bas de page).

(10)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 38.

(11)  Directive 2014/87/Euratom du Conseil (JO L 219 du 25.7.2014, p. 42) et directives connexes.

(12)  JO C 341 du 21.11.2013, p. 92.

(13)  JO C 318 du 29.10.2011, p. 127.

(14)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 104.

(15)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 38.

(16)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 6.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/136


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2007/198/Euratom instituant une entreprise commune pour ITER et le développement de l’énergie de fusion et lui conférant des avantages»

[COM(2018) 445 final — 2018/0235 (NLE)]

(2019/C 110/25)

Rapporteur:

Ulrich SAMM

Saisine

Commission européenne, 12.7.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

20.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

202/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE fait observer que la réalisation de l’énergie propre revêt une priorité élevée et qu’à cette fin, l’énergie de fusion est reconnue comme une solution potentielle à long terme, l’Europe étant à la pointe du développement de technologies de fusion sans carbone, durables et contribuant à garantir la sécurité de notre bouquet d’approvisionnement énergétique.

1.2.

Le CESE souligne que le niveau élevé des investissements à long terme nécessaires au développement d’une centrale électrique à fusion reste associé à un certain risque industriel, mais qu’en cas de succès, la réalisation d’une centrale à fusion constituerait un élément nouveau qui modifierait radicalement l’approvisionnement énergétique actuel en tant qu’innovation de rupture, dès lors que les combustibles de fusion sont abondants et pratiquement inépuisables.

1.3.

La proposition aborde les principaux défis auxquels sera confronté le prochain CFP s’agissant de maintenir la dynamique positive du projet ITER. Sept partenaires mondiaux (UE, États-Unis, Russie, Japon, Chine, Corée du Sud, Inde) collaborent actuellement à la construction, à Cadarache (France), du premier réacteur de fusion ITER, d’une puissance thermique de 500 MW. Le début des opérations est prévu pour 2025, tandis que la pleine exploitation (500 MW) est planifiée pour 2035. Le CESE se félicite de l’évolution positive des dernières années, des problèmes ayant été surmontés grâce à une refonte majeure du projet ITER (nouvelle équipe de direction et calendrier de référence révisé).

1.4.

Le CESE encourage la Commission à mettre davantage l’accent sur la nécessité de relier le projet ITER et la recherche européenne en matière de fusion organisée par EUROfusion, consortium financé par le programme de recherche et de formation d’Euratom, qui gère le projet du Joint European Torus (JET), une importante installation expérimentale située à Culham, au Royaume-Uni. À côté de la construction, ITER a besoin d’une préparation minutieuse et seule une puissante communauté de recherche européenne peut assurer la continuité des programmes d’accompagnement et du leadership.

1.5.

Le CESE reconnaît la valeur ajoutée de l’Union européenne, telle que démontrée par le succès d’EUROfusion. Il s’agit, et de loin, du programme de recherche européen auquel sont associés le plus grand nombre d’États membres (à l’exception du Luxembourg et de Malte), offrant des projets essentiels qui, collectivement, font de l’Union européenne un leader mondial dans ce domaine.

1.6.

Le CESE se félicite que la nouvelle feuille de route européenne pour la maîtrise de l’énergie de fusion élaborée par EUROfusion fournisse un chemin bien balisé vers une première centrale électrique à fusion fondée sur l’intensification de la participation industrielle, l’éducation des scientifiques et ingénieurs qui partout en Europe travaillent à la fusion et une étroite collaboration avec des acteurs non européens. La feuille de route prévoit un fonctionnement à pleine puissance d’ITER en 2035 et, sur la base des résultats, que la conception de la première centrale électrique à fusion (DEMO) fournissant pour la première fois de l’électricité au réseau soit achevée autour de 2040, marquant le début de sa construction.

1.7.

Le CESE entend que le projet ITER soulève des questions importantes qui ne peuvent être traitées que dans le cadre du JET et se fait dès lors l’écho des préoccupations concernant l’incidence du Brexit sur la poursuite du JET. Afin de réduire au minimum les risques concernant le fonctionnement d’ITER et d’optimiser son plan de recherche, le CESE estime qu’il est important que le JET continue de fonctionner (en tant qu’installation relevant de l’Union européenne ou installation conjointe UE-UK) au cours de la période comprise entre 2020 et l’entrée en fonctionnement d’ITER, dès lors qu’il n’y a pas de solution de remplacement si JET venait à disparaître au cours de cette période.

1.8.

La proposition de la Commission prévoit le budget destiné à ITER, mais il n’est pas fait mention de l’adéquation du budget nécessaire pour le programme de recherche dans le domaine de la fusion qui l’accompagne. Le CESE demande instamment que le budget réservé à EUROfusion pour la période 2021-2025 soit compatible avec les objectifs de la feuille de route pour la fusion, dont les travaux relatifs à ITER constituent un élément essentiel.

1.9.

Le CESE accueille favorablement la pertinence des investissements dans la technologie de la fusion pour l’industrie et les PME. Entre 2008 et 2017, Fusion for Energy a attribué des marchés et des subventions pour un montant d’environ 3,8 milliards d’EUR dans l’ensemble de l’Europe. Au moins 500 entreprises, dont des PME, et plus de 70 organisations de R&D, provenant de 20 États membres de l’Union européenne et de Suisse, ont bénéficié d’investissements dans des activités associées à ITER. En outre, des entités non parties à l’accord ITER ont également signé des contrats avec des entreprises européennes à l’appui de la fabrication de leurs propres composants pour ITER, apportant ainsi des emplois et une croissance supplémentaires aux entreprises européennes. Le CESE relève que les plus grands contributeurs à l’incidence nette des investissements ITER sont le développement de «spin-off» et les transferts de technologie, qui créent de nouveaux débouchés dans d’autres secteurs.

1.10.

Le CESE est convaincu que la recherche européenne sur la fusion en général et la réalisation d’ITER en particulier sont d’excellents exemples de la force des projets européens communs. Il est important de faire connaître aux citoyens les résultats obtenus grâce au financement et aux efforts conjoints déployés à l’échelle européenne, de manière à accroître leur confiance dans la science et la recherche, et à les sensibiliser à l’importance de l’Union européenne.

2.   Introduction

2.1.

ITER (réacteur thermonucléaire expérimental international) est un projet de collaboration scientifique internationale lancé en 2005 entre sept partenaires mondiaux (les parties à ITER sont l’Union européenne, les États-Unis, la Russie, le Japon, la Chine, la Corée du Sud et l’Inde). Le projet vise à démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l’énergie de fusion à des fins pacifiques, par la construction et l’exploitation du premier réacteur ITER de fusion de 500 MW à Cadarache (France). Le CESE a déjà soutenu ce projet dans plusieurs avis (1). L’ITER constitue la prochaine étape sur la voie de l’énergie de fusion, la source d’énergie durable la plus innovante et les plus prometteuse, capable de faire face à la demande croissante d’énergie, parallèlement au développement des énergies renouvelables.

2.2.

En 2015, une refonte majeure du projet ITER a mené à la nomination d’une nouvelle équipe de direction à la tête de l’organisation ITER ainsi que dans l’entreprise commune F4E. Un calendrier de référence révisé a été approuvé par le conseil ITER le 19 novembre 2016. Ce calendrier fixe au mois de décembre 2025 la date la plus proche techniquement envisageable pour le premier plasma, tandis que 2035 constitue la date cible pour la pleine exploitation (500 MW) à l’aide de combustible deutérium-tritium. Une appréciation positive des progrès d’ITER au cours des dernières années a été confirmée par des évaluations indépendantes, qui ont reconnu la stabilisation du projet et l’existence d’une base réaliste pour son achèvement.

2.3.

La contribution européenne à l’organisation ITER est fournie par l’agence intérieure de l’Union européenne «Fusion for Energy» (F4E), dont le siège est situé à Barcelone, en Espagne. F4E est une entreprise commune instituée en vertu du chapitre 5 du traité Euratom. Conformément à ses statuts, F4E possède sa propre procédure de décharge budgétaire par le Parlement européen, à la suite d’une recommandation du Conseil de l’Union européenne. En 2015, un nouveau règlement financier F4E a été adopté; la responsabilité de la supervision d’ITER, et par conséquent de F4E, a été transférée de la DG RTD à la DG ENER.

2.4.

En plus de la construction d’ITER, un appui scientifique approfondi et d’envergure pour la recherche sur la fusion est fourni par le programme de recherche et de formation (2), qui s’inscrit en complément du programme général de recherche Horizon Europe (3). Outre les activités de recherche nucléaire classique, ce programme couvre des activités de recherche fondamentale sur le développement de l’énergie de fusion suivant la feuille de route en matière de recherche sur la fusion, laquelle décrit un processus optimisé passant par ITER et une centrale de démonstration sur l’électricité (DEMO) pour mener à l’exploitation commerciale de centrales de fusion. La feuille de route pour la recherche sur la fusion décrit non seulement les principaux équipements nécessaires, mais aussi les travaux de recherche qui doivent être poursuivi à l’appui d’ITER et DEMO.

2.5.

La feuille de route pour la recherche sur la fusion a été développée par EUROfusion, qui est responsable de la coordination des activités européennes de recherche sur la fusion. Ce consortium rassemble 30 instituts de recherche nationaux et environ 150 universités de 26 pays de l’Union européenne ainsi que de Suisse et d’Ukraine. Le siège d’EUROfusion est situé à Garching (Allemagne), tandis que le projet phare du Joint European Torus (JET) est situé à Culham, au Royaume-Uni.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

La proposition (4) aborde les principaux défis qu’il y a lieu de relever pour que le prochain CFP puisse soutenir la dynamique positive du projet, assurer le progrès régulier des activités de construction et d’assemblage et préserver l’engagement de toutes les parties à l’accord ITER. Pour ce faire, l’Union européenne devra continuer son leardeship du projet, qui doit pouvoir s’appuyer sur d’excellents résultats de F4E et le plein respect par l’Union de sa part des obligations de financement et des contributions en nature.

3.2.

Les ressources nécessaires à l’Euratom pour permettre l’achèvement de l’installation et le démarrage du fonctionnement/de la phase expérimentale sont détaillées dans la communication de la Commission sur la «Contribution de l’Union européenne à un projet ITER réformé», adoptée en juin 2017.

3.3.

La Commission invite le Parlement européen et le Conseil à fixer le montant maximal des engagements Euratom au titre d’ITER dans le contexte du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 à 6 070 000 000 EUR (en valeurs courantes). Il s’agit de la masse critique de financement jugée nécessaire pour permettre à l’Union européenne de mener une action effective sur ITER qui corresponde à la nouvelle base de référence pour la construction d’ITER. Le budget proposé est basé sur la date la plus proche techniquement envisageable pour la construction d’ITER sans aléas, l’hypothèse étant que tous les risques majeurs peuvent être atténués.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE fait valoir que garantir la compétitivité et assurer la sécurité de notre approvisionnement énergétique sont des préoccupations majeures, mais que cette démarche n’est durable que si elle va de pair avec la lutte contre le changement climatique. Des sources d’énergie sans émissions de carbone et durables sont par conséquent d’une importance capitale pour notre prospérité et notre bien-être futurs. Parvenir à une énergie propre revêt une priorité élevée, et pour cet objectif, l’énergie de fusion est reconnue comme une solution potentielle à long terme, l’Europe étant à la pointe du développement des technologies de fusion.

4.2.

Le CESE souligne que le niveau élevé des investissements à long terme nécessaires au développement d’une centrale électrique à fusion reste associé à un certain risque industriel, mais qu’en cas de succès, la réalisation d’une centrale à fusion constituerait un élément nouveau qui modifierait radicalement l’approvisionnement énergétique actuel en tant qu’innovation de rupture. Le combustible de fusion est abondant et pratiquement inépuisable: le tritium peut être produit à partir de lithium, un métal omniprésent dans la croute terrestre et dans l’eau de mer, tandis qu’on trouve le deutérium dans l’eau naturelle.

4.3.

Le CESE attire l’attention sur les caractéristiques particulières de la fusion sur le plan de la sécurité par rapport à la fission nucléaire classique. Une centrale à fusion est intrinsèquement sûre: quelques grammes seulement du combustible forment le plasma, qui s’éteint rapidement par lui-même en cas de dysfonctionnement. Les réactions deutérium-tritium libèrent des neutrons qui activent les matériaux des parois. Les sous-produits radioactifs qui en résultent sont de courte durée; la majorité des matières premières peuvent donc être recyclées après une certaine durée de décroissance, et aucun nouveau stockage de déchets nucléaires n’est nécessaire.

4.4.

Le CESE encourage la Commission à mettre davantage l’accent sur l’importance de la nécessité de relier le projet ITER et la recherche européenne en matière de fusion organisée par EUROfusion. Outre la construction, ITER nécessite une préparation approfondie et des programmes d’accompagnement. En Europe, un programme coordonné utilisant le JET et d’autres dispositifs, ainsi que la modélisation et des simulations, permet de tester et d’élaborer des scénarios de fonctionnement d’ITER, ainsi que de projeter et d’optimiser les performances d’ITER et la conception de DEMO. L’exploitation du tokamak JET avec un mélange deutérium-tritium et une paroi analogue à celle d’ITER est un élément essentiel pour la préparation de l’exploitation d’ITER.

4.5.

Le CESE reconnaît la valeur ajoutée de l’Union européenne, telle que démontrée par le succès d’EUROfusion. Il s’agit, et de loin, du programme de recherche européen auquel sont associés le plus grand nombre d’États membres (à l’exception du Luxembourg et de Malte), offrant des projets essentiels qui, collectivement, font de l’Union européenne un leader mondial dans ce domaine. Les investissements et le financement de la recherche ont été bénéfiques pour l’industrie, les organismes de recherche et les universités.

4.6.

Le CESE est convaincu que la recherche européenne sur la fusion en général et la réalisation d’ITER en particulier sont d’excellents exemples de la force des projets européens communs. Il est important de faire connaître aux citoyens les résultats obtenus grâce au financement et aux efforts conjoints déployés à l’échelle européenne, de manière à accroître leur confiance dans la science et la recherche, et à les sensibiliser à l’importance de l’Union européenne pour la réalisation d’un objectif lointain et exigeant qui ne pourrait pas être atteint au moyen des efforts et du financement de chaque pays pris individuellement, et qui aura d’importantes répercussions à long terme, non seulement sur le plan technologique et industriel, mais aussi sur la recherche, l’industrie et les PME, et en particulier sur l’économie et la création d’emplois, même à court et moyen termes.

5.   Observations spécifiques

5.1.

Le CESE reconnaît que la nouvelle feuille de route européenne pour la maîtrise de l’énergie de fusion fournit un chemin bien balisé vers une première centrale électrique à fusion fondée sur l’intensification de la participation industrielle, l’éducation des scientifiques et ingénieurs en matière de fusion dans l’ensemble de l’Europe et une étroite collaboration avec des acteurs non européens. La feuille de route couvre le court terme, jusqu’à l’entrée en service d’ITER (2025), le moyen terme jusqu’à ce qu’ITER atteigne un niveau de performance élevé en fonctionnement de routine (2035), et le long terme jusqu’à la première centrale électrique à fusion (DEMO) fournissant de l’électricité au réseau pour la première fois.

5.2.

ITER est le mécanisme fondamental de base de la feuille de route, dès lors que c’est dans son cadre que seront franchies la plupart des étapes importantes sur la voie de la fusion nucléaire. Ainsi, la grande majorité des ressources proposées à court terme pour EUROfusion sont consacrées à ITER et aux expériences qui l’accompagnent, dont le Joint European Torus (JET), à Culham, Angleterre. Le CESE reconnaît que le JET a montré qu’une vaste infrastructure de recherche sur la fusion peut être construite et exploitée efficacement et maximiser les retombées scientifiques et industrielles.

5.3.

Le CESE soutient la demande de l’organisation ITER pour que les résultats obtenus sur le JET servent de contributions utiles pendant la période devant mener au premier plasma dans ITER. Étant donné que le JET possède des caractéristiques uniques, dès lors que c’est le seul tokamak capable de fonctionner avec du tritium, qui utilise les mêmes matériaux que la première paroi d’ITER et qui permet une télémanipulation complète, son fonctionnement peut apporter des contributions au plan de recherche ITER dans la perspective de la limitation des risques, de la réduction des coûts et de l’octroi d’une autorisation d’exploitation à ITER. C’est là un aspect particulièrement important dès lors que le budget ITER proposé par la Commission est sans aléas, supposant donc que tous les risques majeurs peuvent être atténués.

5.4.

Le CESE entend que le projet ITER soulève des questions importantes qui ne peuvent être traitées que dans le cadre du JET et souscrit dès lors aux préoccupations concernant l’incidence du Brexit sur la poursuite du JET. Afin de réduire au minimum les risques concernant le fonctionnement d’ITER et d’optimiser son plan de recherche, le CESE estime qu’il est important que le JET continue de fonctionner (en tant qu’installation relevant de l’Union européenne ou installation conjointe UE-UK) au cours de la période comprise entre 2020 et l’entrée en fonctionnement d’ITER, dès lors qu’il n’y a pas de solution de remplacement si le JET venait à disparaître au cours de cette période.

5.5.

La proposition de la Commission inclut le budget pour ITER, mais rien n’est indiqué concernant l’adéquation du budget nécessaire pour le programme de recherche dans le domaine de la fusion qui l’accompagne. Ce dernier point est abordé dans une proposition distincte (5), mais aucune mention n’y est faite non plus des besoins d’ITER. Le CESE demande instamment que le budget réservé à EUROfusion pour la période 2021-2025 soit compatible avec les objectifs de la feuille de route pour la fusion, dont les travaux relatifs à ITER constituent un élément essentiel, tandis que les activités de conception de DEMO doivent être intensifiées.

5.6.

Le CESE se félicite de la pertinence des investissements dans la technologie de la fusion pour l’industrie et les PME. L’investissement de l’Union européenne dans la construction d’ITER apporte d’importants avantages pour l’industrie européenne et la communauté des chercheurs, leur donnant l’occasion de pratiquer des activités de pointe en matière de R&D, de technologie, de conception et de fabrication de composants pour ITER. La création de nouvelles connaissances et d’activités créées par essaimage génère de la croissance économique et de l’emploi. Au cours de la période allant de 2008 à 2017, Fusion for Energy a octroyé 839 contrats et subventions pour un montant d’environ 3,8 milliards d’EUR dans l’ensemble de l’Europe. Au moins 500 entreprises, dont des PME, et plus de 70 organisations de R&D, provenant de 20 États membres de l’Union européenne et de Suisse, ont bénéficié d’investissements dans des activités associées à ITER. En outre, des pays non parties à l’accord ITER ont également signé des contrats avec des entreprises européennes à l’appui de la fabrication de leurs propres composants pour ITER, créant ainsi de nouveaux emplois et de la croissance pour les entreprises européennes.

5.7.

Le CESE prend acte des informations exhaustives fournies par la Commission (6), qui révèlent que la plus grande partie de l’impact net des investissements ITER réside dans la création d’entreprises par essaimage et dans les transferts de technologie. Les technologies mises au point pour ITER créent de nouveaux débouchés économiques dans d’autres secteurs, car le fait de travailler sur ITER accroît la compétitivité des entreprises européennes dans l’économie mondiale, permet aux entreprises traditionnelles de pénétrer le marché de la haute technologie et offre également aux industries et aux PME européennes de haute technologie une occasion unique d’innover et de développer des produits à exploiter en dehors du cadre de la fusion.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 302 du 7.12.2004, p. 27; JO C 318 du 29.10.2011, p. 127; JO C 229 du 31.7.2012, p. 60.

(2)  Avis TEN/678 — Programme de recherche et de formation 2021-2025 (Euratom), rapporteure: Giulia Barbucci (voir page 132 du présent Journal officiel).

(3)  Avis INT/858 — Horizon Europe, rapporteur: Lobo Xavier (JO C 62 du 15.2.2019, p. 33).

(4)  COM(2018) 445 final.

(5)  COM(2018) 437 final et avis TEN/678, rapporteure: Giulia Barbucci (voir note de bas de page 2).

(6)  Voir par exemple l’étude indépendante «Study on the impact of the ITER project activities in the EU» (Étude sur l’impact des activités du projet ITER dans l’Union européenne), 2018, Trinomics (Rotterdam) et Cambridge Econometrics.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/141


Avis du Comité économique et social européen sur

la «Proposition de règlement du Conseil établissant le programme d’assistance au déclassement de la centrale nucléaire d’Ignalina en Lituanie (programme Ignalina), et abrogeant le règlement (UE) no 1369/2013 du Conseil»

[COM(2018) 466 final — 2018/0251 (NLE)]

et la «Proposition de règlement du Conseil établissant un programme de financement spécifique pour le déclassement d’installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs, et abrogeant le règlement (Euratom) no 1368/2013 du Conseil»

[COM(2018) 467 final — 2018/0252 (NLE)]

et le «Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation et la mise en œuvre des programmes d’assistance de l’Union européenne au déclassement d’installations nucléaires en Bulgarie, en Slovaquie et en Lituanie»

[COM(2018) 468 final]

(2019/C 110/26)

Rapporteur:

Rudy DE LEEUW

Consultation

Commission européenne, 12.7.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

20.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

177/8/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE approuve la proposition de la Commission et attire l’attention sur les suggestions d’accompagnement futur formulées dans le corps de l’avis.

1.2.

Le CESE ne propose pas de modification de la proposition mais préconise de renforcer le suivi des activités sur les points mis en évidence dans l’avis, notamment sur:

une approche axée sur le développement durable dans le choix des énergies,

une prise en compte correcte de la situation spécifique de la Lituanie en particulier, mais aussi des autres pays concernés eu égard aux aspects socioéconomiques,

la dissémination au sein de toute l’Union européenne des connaissances acquises en matière de démantèlement et l’enjeu de la formation des travailleurs,

une gestion sûre et durable des déchets nucléaires ainsi générés,

le renforcement des indicateurs de performance en y incluant les performances en matière de radioprotection des travailleurs.

1.3.

En sus des experts et des autorités, il convient d’encourager et d’aider la société civile à participer au suivi de ces activités.

1.4.

Le Comité invite la Commission européenne à évaluer la situation résultant de la fin de vie de plusieurs centrales nucléaires dans l’Union et à présenter un rapport contenant des propositions visant à réduire au minimum les coûts et les risques liés au démantèlement des réacteurs et au stockage des déchets radioactifs. Le rapport devrait également tenir compte des effets de la réduction considérable, au sein de l’Union européenne, de la capacité de retraitement du combustible et des déchets nucléaires en raison du Brexit, ainsi que, à l’inverse, de la surcapacité de retraitement au Royaume-Uni.

2.   Contenu essentiel des propositions

2.1.

La Commission propose de poursuivre, au cours de la période couverte par le cadre financier pluriannuel après 2020 (CFP 2021-2027), les programmes de financement de l’assistance au déclassement d’installations nucléaires et à la gestion des déchets radioactifs pour la Bulgarie (Kozloduy 1-4) et la Slovaquie (Bohunice V1 1-2) d’une part, et la Lituanie (Ignalina 1-2) d’autre part.

2.2.

Ces propositions apportent deux modifications:

une plus grande souplesse dans l’utilisation du budget, comme il est indiqué: «Un degré supplémentaire de flexibilité budgétaire peut être obtenu en redistribuant les fonds entre les actions lorsque nécessaire, en fonction de leur avancement.» Il est ici tenu compte du niveau variable et souvent imprévisible des dépenses au cours d’une année donnée,

l’intégration du programme de déclassement de certaines installations nucléaires du Centre commun de recherche (JRC) situées en Allemagne, en Italie, en Belgique et aux Pays-Bas.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE relève avec satisfaction que l’un des objectifs du programme ayant été atteint (à savoir mieux répondre aux besoins et assurer le déclassement sûr des installations), la prochaine étape sera axée sur les activités de déclassement qui soulèvent des difficultés en matière de sûreté radiologique. Ces activités devraient aussi être évaluées en fonction d’une approche orientée vers un ensemble énergétique durable en conformité avec les accords internationaux dont l’Union européenne est partie prenante (accord de Paris sur le climat, engagement de l’Union européenne pour une économie décarbonée, etc.).

3.2.

Le rapport sur l’évaluation et la mise en œuvre des programmes d’assistance de l’Union européenne au déclassement d’installations nucléaires en Bulgarie, en Slovaquie et en Lituanie (ci-après dénommé le «rapport») confirme que le maintien des programmes est possible sur le plan financier. Le CESE note que les prévisions budgétaires au titre du cadre financier pluriannuel après 2020 pour la poursuite et l’achèvement des programmes Kozloduy et Bohunice représentent moins d’un quart de celles du CFP pour la période 2014-2020, soit 63 millions d’EUR pour Kozloduy et 55 millions d’EUR pour Bohunice, et qu’elles permettront d’atteindre l’état final convenu du processus de déclassement. L’estimation budgétaire pour le cadre financier pluriannuel après 2020 se monte à 522 millions d’EUR, une somme qui surpasse le CFP 2014-2020.

3.3.

Le CESE souligne que des inquiétudes subsistent encore au sujet de la Lituanie. Le Comité relève que le budget prévu par la Commission ne couvrirait que 70 % des besoins pour cette période et considère donc que cette proposition ne constitue pas une preuve de solidarité ni une assistance financière suffisantes pour un projet qui revêt aussi une importance pour les États voisins. Un démantèlement réussi de la centrale d’Ignalina représente le plus grand défi en matière de sûreté nucléaire dans l’Union européenne et devrait être poursuivi tout en garantissant une diminution du risque pour les citoyens de l’Union européenne.

3.4.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission d’inclure certaines installations du JRC dans le programme destiné à la Bulgarie et à la Slovaquie. L’estimation du budget pour le démantèlement des installations nucléaires du JRC se monte à 348 millions d’EUR. Le Comité souligne l’importance pour l’Union de faire preuve d’exemplarité dans la gestion de ses propres opérations au JRC, dans la mesure où il s’agit d’une compétence exclusive de la Commission (JRC) en tant que titulaire du permis d’exploitation. En vertu du traité Euratom, le JRC est tenu d’assumer le poids du passé nucléaire et de déclasser ses installations nucléaires mises à l’arrêt. Le programme offre de vastes possibilités de production et de partage des connaissances, fournissant ainsi une aide aux États membres de l’Union pour le déclassement de leurs propres installations.

3.5.

Pour ce qui est des connaissances, le CESE souligne également l’importance de mesurer les conséquences économiques et sociales du démantèlement, par exemple sur le marché du travail, les indicateurs de santé et le développement structurel d’une région d’un État membre. Il est crucial de saisir l’occasion des activités de démantèlement pour fournir une formation théorique et pratique supplémentaire aux forces de travail locales dans des domaines d’activités essentiels pour l’avenir. Ces formations ne peuvent pas être exclues du financement.

3.6.

Dans le cadre de son appel en faveur d’un suivi plus étroit, le CESE recommande d’allouer des ressources financières au titre du programme afin d’assurer une participation appropriée des organisations de la société civile locales et nationales intéressées, dans le but de garantir un suivi public indépendant, fiable et permanent des activités mises en œuvre grâce à cette assistance financière.

3.7.

Le Comité constate avec satisfaction que la Slovaquie, la Bulgarie et la Lituanie ont accompli des progrès notables dans le déclassement de leurs réacteurs dans les délais convenus. Néanmoins, le CESE fait observer que certains défis se poseront dans un avenir proche, à savoir le démantèlement du cœur des réacteurs et d’autres opérations à réaliser dans les bâtiments des réacteurs. Le rapport ne donne que peu d’indications sur les contraintes en matière de gestion des déchets nucléaires, en particulier le carbone, de même que sur les vieux réacteurs situés en France et au Royaume-Uni. Le CESE suggère que le rapport examine davantage la question de la gestion des déchets nucléaires, qui est un problème très important à long terme.

3.8.

Le Comité attire également l’attention sur les bonnes pratiques, notamment sur le site d’Ignalina, qui consistent à aider les anciens travailleurs des centrales nucléaires à retrouver un emploi sur place. Non seulement cette entreprise est utile sur le plan social, mais elle favorise aussi le développement d’aptitudes spécifiques liées au déclassement ainsi que la transmission des connaissances. Le CESE estime qu’il s’agit d’une solution intéressante pour répondre aux besoins de ces personnes. En plus, cette démarche peut s’accompagner de mesures visant à former les travailleurs. Les instituts de recherche doivent être incités à participer activement à de tels projets, lesquels doivent être correctement soutenus sur le plan financier.

3.9.

Le champ d’application des programmes est conforme à la politique de sûreté de l’Union européenne définie dans trois directives:

1)

la directive 2011/70/Euratom du Conseil (1) établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs;

2)

la directive 2009/71/Euratom du Conseil (2) et sa modification, la directive 2014/87/Euratom du Conseil (3) établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires;

3)

la directive 2013/59/Euratom du Conseil (4) fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants.

3.10.

Toutefois, pour des motifs historiques, les programmes dérogent en partie à la responsabilité ultime qui incombe aux États membres de veiller à ce que des ressources financières suffisantes soient disponibles pour le déclassement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs. Le Comité a déjà marqué son accord avec cette position, pour des raisons de solidarité.

3.11.

En outre, une sûreté nucléaire accrue est d’un intérêt crucial, non seulement au niveau régional ou national, mais aussi au niveau européen voire mondial. C’est pourquoi un effort commun pour une gestion sûre des problèmes technologiques du démantèlement nucléaire et l’acquisition de connaissances en la matière est non seulement important pour les régions ou les États membres concernés mais aussi pour l’Union européenne tout entière. C’est pourquoi le CESE souligne la nécessité d’une coopération étroite entre les États membres et les participants aux programmes d’une part, et la Commission d’autre part.

3.12.

Le CESE note avec satisfaction que le programme a permis de concevoir de nouveaux outils hautement efficaces pour réduire le volume des déchets. Il recommande à la Commission d’adopter une approche proactive pour ce qui est de contribuer au partage des connaissances sur ce sujet.

3.13.

Le Comité reconnaît la pertinence des principaux indicateurs de performance utilisés afin de mesurer les progrès réalisés dans le déclassement ainsi que ses coûts financiers. Le CESE met en exergue le bénéfice d’un suivi soigneux et d’une mise en œuvre efficiente des exigences du programme, et souligne que les activités financées par l’Union européenne devraient promouvoir un emploi de grande qualité dans le respect du plus haut niveau de sûreté et de protection radiologique, en conformité avec les directives européennes pertinentes citées précédemment.

4.   Observations particulières

4.1.

Conformément à ces considérations, le CESE estime qu’il devrait être possible de dresser un tableau plus concret de l’état de la protection opérationnelle en matière radiologique sur chacun des sites en question et d’élaborer une stratégie basée sur le principe ALARA («As Low As Reasonably Achievable» — aussi faible que raisonnablement possible). Il va de soi qu’il relève de la responsabilité exclusive de l’État membre concerné de veiller à ce que ce soit le cas, conformément à l’article 5 de la directive 2013/59/Euratom du Conseil fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants. Le maintien de la dose de rayonnement à laquelle sont exposés les travailleurs dans la plage d’une valeur optimisée de la dose efficace constitue un indicateur symptomatique, qui correspond à l’un des objectifs du programme visant à mettre l’accent sur la sûreté radiologique. Ces données doivent être disponibles dans le registre des autorités de sûreté et de radioprotection des États membres concernés.

4.2.

Une autre préoccupation porte sur l’élimination définitive des déchets radioactifs, laquelle relève clairement de la responsabilité exclusive de l’État membre. Le Comité recommande néanmoins à la Commission de soutenir non seulement le partage des connaissances, mais aussi la coopération dynamique entre les États membres, lorsque cela est juridiquement possible. Cette démarche permettra d’atteindre un niveau élevé de sûreté dans les limites de paramètres économiques raisonnables.

4.3.

La coopération avec les autorités de sûreté locales semble être un sujet sur lequel peu d’informations sont communiquées. Cependant, il convient d’accorder davantage d’attention à certains problèmes recensés dans la proposition de règlement du Conseil établissant un programme de financement spécifique pour le déclassement d’installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs, et abrogeant le règlement (Euratom) no 1368/2013 du Conseil, notamment lorsque «la longueur des procédures d’autorisation imposées par les autorités nationales […] engendre des difficultés à gérer le programme». La Commission dispose de nombreux outils pour renforcer cette coopération, notamment au moyen du groupe ENSREG.

4.4.

Le Comité fait observer que plusieurs centrales nucléaires situées dans l’Union européenne sont ou arrivent en fin de vie et qu’elles devront être démantelées. Cette responsabilité incombe exclusivement à l’État membre concerné, toutefois le CESE invite la Commission européenne à évaluer la situation et à présenter un rapport contenant des propositions visant à réduire au minimum les coûts et les risques liés au démantèlement des réacteurs et au stockage des déchets radioactifs. Le rapport devrait également tenir compte des effets de la réduction considérable, au sein de l’Union européenne, de la capacité de retraitement du combustible et des déchets nucléaires en raison du Brexit, ainsi que, à l’inverse, de la surcapacité de retraitement au Royaume-Uni.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO L 199 du 2.8.2011, p. 48.

(2)  JO L 172 du 2.7.2009, p. 18.

(3)  JO L 219 du 25.7.2014, p. 42.

(4)  JO L 13 du 17.1.2014, p. 1.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/145


Avis du Comité économique et social européen sur la «Recommandation de décision du Conseil autorisant l’ouverture de négociations relatives à une convention instituant un tribunal multilatéral chargé du règlement des différends en matière d’investissements»

[COM(2017) 493 final]

(2019/C 110/27)

Rapporteur:

Philippe DE BUCK

Corapporteure:

Tanja BUZEK

Consultation

13.12.2017 (Commission européenne)

Base juridique

Article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

REX

Adoption en section spécialisée

23.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

206/3/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît pleinement que le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) dans les accords commerciaux et d’investissement est de plus en plus sujet à controverse pour un certain nombre de parties prenantes, et ce, en ce qui concerne les questions de légitimité, de cohérence et de transparence. Sans être exhaustives, ces critiques incluent des considérations à la fois de procédure et de fond.

1.2.

Le CESE a participé activement à l’entièreté du débat sur la réforme et la modernisation de la protection des investissements. Il a adopté les avis REX/464 et REX/411, dans lesquels il exprime un certain nombre de préoccupations et formule des recommandations.

1.3.

Par conséquent, le CESE accueille favorablement les efforts de la Commission européenne en vue d’une réforme multilatérale du RDIE sous les auspices de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) et considère qu’il est essentiel que l’Union européenne (UE) reste ouverte à toutes les approches et idées qui ont émergé en ce qui concerne la réforme du RDIE.

1.4.

Le CESE se félicite tout particulièrement de l’engagement accru pris en faveur de la transparence, en permettant aux organisations non gouvernementales d’assister aux discussions et même d’y participer.

1.5.

Le CESE considère qu’il est essentiel que le groupe de travail III de la CNUDCI accueille favorablement les contributions de tous les acteurs concernés pour viser à accroître l’inclusion, et demande que les invitations adressées à ces derniers soient émises sur une base qui soit améliorée et plus équilibrée. Par ailleurs, le CESE invite la Commission à intensifier ses efforts pour associer activement le CESE aux travaux du groupe de travail III.

1.6.

Le CESE a toujours reconnu que les investissements directs étrangers (IDE) sont d’importants contributeurs à la croissance économique et que les investisseurs étrangers doivent être protégés à l’échelle mondiale contre l’expropriation directe, ne faire l’objet d’aucune discrimination et enfin bénéficier de droits équivalents à ceux des investisseurs nationaux.

1.7.

Toutefois, le CESE a également toujours fait valoir qu’il convient de préserver le droit des États à réglementer dans l’intérêt public.

1.8.

Dans le cadre de la mise en place d’un tribunal multilatéral des investissements (TMI), le CESE souligne qu’un certain nombre de questions fondamentales doivent être abordées: le champ d’application, la protection de l’intérêt public, l’accessibilité et les relations avec les juridictions nationales.

1.9.

Le champ d’application — Bien que le CESE estime qu’une approche plus globale couvrant l’ensemble des préoccupations concernant les aspects de fond et de procédure de la protection des investissements serait préférable, il relève que le champ d’application mandaté se limite aux aspects de procédure du règlement des différends entre investisseurs et États.

1.10.

L’intérêt public — Le CESE considère qu’il est essentiel que le TMI n’affecte en rien la capacité de l’Union et de ses États membres à répondre aux obligations qui sont les leurs en vertu des accords internationaux relatifs à l’environnement, aux droits de l’homme et au travail ainsi que de la protection des consommateurs, et également à disposer de garanties procédurales contre les recours visant une législation nationale d’intérêt public. C’est pourquoi le CESE estime que cet objectif ne pourrait être suffisamment atteint que par l’insertion d’une clause de hiérarchie et d’une exception d’intérêt public.

1.11.

Droits des tiers et demandes reconventionnelles — Bien que le CESE considère l’autorisation des communications d’amicus curiae comme une première étape qui doit toutefois essentiellement garantir qu’ils sont dûment pris en considération par les juges, il se félicite de l’inclusion dans le mandat de la possibilité d’intervention de tiers et recommande d’examiner le rôle des tiers qui peuvent être des résidents locaux, des travailleurs, des syndicats, des groupes de protection de l’environnement ou des consommateurs.

1.12.

Relations avec les tribunaux nationaux — Le CESE considère que le TMI ne peut en aucun cas affecter le système judiciaire de l’Union ni l’autonomie du droit européen. Il prend acte du fait que la question de la relation entre les tribunaux nationaux et le TMI est envisagée différemment selon les parties intéressées, mais encourage la Commission à examiner plus avant la question de l’épuisement des voies de recours nationales ainsi que la manière dont ce principe pourrait s’exercer dans le cadre du TMI.

1.13.

L’indépendance et la légitimité des juges — La nomination de juges à titre permanent est un facteur clé pour entamer l’élaboration d’une jurisprudence et améliorer la prévisibilité. Par ailleurs, il convient d’exiger de leur part une expertise démontrable dans un large éventail de domaines juridiques. Le CESE se félicite des engagements pris concernant l’établissement de critères clairs et exigeants afin de garantir l’état de droit et la confiance des citoyens, et demande que le processus de sélection soit transparent et soumis aux principes de contrôle public.

1.14.

Un système efficace — Tandis qu’il convient de charger un secrétariat de la gestion efficace du TMI, des ressources suffisantes doivent être garanties afin d’assurer son fonctionnement, et les frais administratifs doivent être couverts par les parties sur une base équitable qui tienne compte de différents critères. Les petites et moyennes entreprises (PME) doivent bénéficier du même niveau de protection et l’accès au règlement des différends à des conditions et des coûts raisonnables et toutes les décisions du TMI doivent être exécutoires et rendues publiques.

1.15.

Haut niveau de protection et période de transition éventuelle — Il est important de noter qu’aucun des accords conclus par l’Union européenne ou ses États membres ne sera automatiquement soumis à la juridiction d’un TMI et que, au cours d’une éventuelle période de transition, les procédures de règlement des différends convenues doivent continuer à s’appliquer afin de garantir un niveau élevé de protection des investissements, compte tenu de la constitutionnalité et de la viabilité d’un TMI au regard du droit de l’Union.

2.   Contexte

2.1.

Étayé par plus de 3 200 traités depuis les années 70, le système de protection des investissements comprend des clauses portant sur le fond de la protection des investissements ainsi que sur les procédures de règlement des différends, lesquelles prévoient un mécanisme par lequel les investisseurs étrangers peuvent introduire des recours contre les États d’accueil («RDIE») conformément aux dispositions juridiques prévues dans les traités.

2.2.

Le CESE attire l’attention sur une publication signée récemment par Joachim Pohl, analyste politique, dans la série des Documents de travail de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur l’investissement international, intitulée Societal benefits and costs of international investment agreements — A critical review of aspects and available empirical evidence (Coûts et avantages pour la société des accords internationaux en matière d’investissements — Un examen critique des différents aspects et données empiriques disponibles) (1).

2.3.

Au cours des dernières années, la réforme du règlement des différends entre investisseurs et États a joué un rôle central dans le débat autour de la politique d’investissement de l’Union européenne, dans un contexte où le système de protection des investissements était de plus en plus la cible de controverses de la part d’un certain nombre d’acteurs sur des questions de légitimité, de cohérence et de transparence. Sans être exhaustives, ces critiques comprennent des considérations à la fois de procédure et de fond.

2.4.

Ces préoccupations ont été notamment exprimées au cours de deux consultations publiques organisées par la Commission européenne — la première en 2014, lors des négociations portant sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) (2), et la seconde en 2017, dans le cadre des efforts de réforme multilatérale du règlement des différends en matière d’investissement (3).

2.5.

Le 8 juillet 2015, dans sa résolution sur le PTCI, le Parlement a demandé à la Commission de «remplacer le système RDIE par un nouveau système de règlement des différends entre investisseurs et États, soumis aux principes et contrôle démocratiques, où les affaires éventuelles seront traitées dans la transparence par des juges professionnels indépendants, nommés par les pouvoirs publics, en audience publique, et qui comportera un mécanisme d’appel, dispositif qui garantira la cohérence des décisions de justice et le respect de la compétence des juridictions de l’Union européenne et de ses États membres et qui évitera que les objectifs de politique publique soient compromis par des intérêts privés» (4).

Évolution de la situation au niveau de l’Union

2.6.

En réponse aux critiques formulées à l’encontre du système actuel de RDIE, et face à la pression de la société civile soulignant la nécessité de le réformer, la Commission a proposé d’introduire le système juridictionnel des investissements (SJI), un système de règlement des différends entre investisseurs et États inclus dans l’accord économique et commercial global UE-Canada (AECG), ainsi que dans les accords de libre-échange UE-Singapour et UE-Vietnam.

2.7.

Dans ce contexte, l’AECG prévoit une disposition spécifique à l’article 8.29, appelant les parties à envisager la possibilité d’établir à l’avenir un tribunal multilatéral des investissements: «Les Parties s’emploient à créer, de concert avec d’autres partenaires commerciaux, un tribunal multilatéral des investissements et un mécanisme d’appel connexe aux fins du règlement des différends relatifs aux investissements. Dès la création d’un tel mécanisme multilatéral, le Comité mixte de l’AECG adopte une décision établissant que les différends relatifs aux investissements relevant de la présente section seront tranchés dans le cadre du mécanisme multilatéral, et prend les dispositions transitoires appropriées.»

2.8.

Cependant, aucun des accords susmentionnés n’est encore ratifié, sachant que, par ailleurs, une affaire relative à l’inclusion du SJI dans l’AECG est toujours en instance devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (5). La décision ne devrait pas être connue avant plusieurs mois.

2.9.

Le CESE note qu’aucun chapitre sur la protection des investissements n’a été inclus à l’accord de partenariat économique UE-Japon à cause du fait que la proposition de l’Union relative au SJI n’était pas acceptable pour le Japon.

Participation du CESE

2.10.

Tout au long de ce processus, le Comité économique et social européen a pris une part active au débat autour de la modernisation et de la réforme de la protection des investissements et, en particulier, du système de RDIE, en organisant également deux auditions publiques en juin 2016 (6) et, plus récemment, en février 2018 (7). Il convient de citer dans ce contexte l’avis REX/464 adopté par le CESE relatif à «La position du CESE sur des questions clés spécifiques soulevées dans le cadre des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI)» (8), ainsi que l’avis REX/411 sur «La protection des investisseurs et le règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords de commerce et d’investissement de l’Union européenne avec des pays tiers» (9).

2.11.

Le CESE reconnaît que les investissements directs étrangers sont d’importants contributeurs à la croissance économique et que les investisseurs étrangers doivent être protégés à l’échelle mondiale contre l’expropriation directe, ne faire l’objet d’aucune discrimination et enfin bénéficier de droits équivalents à ceux des investisseurs nationaux.

2.12.

Dans le même temps, le CESE souligne que le droit d’un État à réglementer dans l’intérêt public est primordial et ne saurait être fragilisé par les dispositions d’un accord international d’investissement (AII) quel qu’il soit. Il est vital qu’une clause dépourvue de toute ambiguïté consacre ce droit de manière transversale.

2.13.

En conclusion, le CESE a estimé que la proposition de la Commission concernant le système juridictionnel des investissements constituait un pas dans la bonne direction, mais que pour fonctionner comme un organe judiciaire international indépendant, ce système devait encore être amélioré dans un certain nombre de domaines. De plus, le CESE a pris note que certaines parties intéressées remettent en question la nécessité d’un système d’arbitrage des investissements distinct si les systèmes juridiques nationaux fonctionnent correctement et sont hautement développés.

2.14.

Le CESE a fait part d’un certain nombre de préoccupations concernant plus spécifiquement le RDIE dans son avis sur «La protection des investisseurs et le règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords de commerce et d’investissement de l’Union européenne avec des pays tiers» (10). Parmi celles-ci figuraient les conflits d’intérêts et la partialité des arbitres; les recours abusifs; la nature du secteur de l’arbitrage; le recours au RDIE sans avoir tenté d’autres voies de recours; l’utilisation inutile du RDIE entre pays dotés de systèmes judiciaires développés; l’incompatibilité potentielle du RDIE avec la législation européenne et enfin, l’opacité des procédures.

Au niveau multilatéral

2.15.

Dans le même temps, des discussions sur une réforme du RDIE sont également en cours au niveau multilatéral. Le 10 juillet 2017, à la demande officielle de bon nombre de ses membres, y compris les États membres de l’Union européenne (11), la CNUDCI a décidé de créer un groupe de travail III piloté par les gouvernements qui a reçu le mandat suivant: 1) recenser et évaluer les préoccupations concernant le RDIE; 2) examiner si une réforme est souhaitable à la lumière des problèmes repérés; et 3) dans l’hypothèse où le groupe de travail arrive à la conclusion qu’une réforme s’avère souhaitable, élaborer toutes les solutions susceptibles d’être recommandées en l’espèce à la Commission (12).

2.16.

D’un point de vue plus général, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) contribue également au débat actuel sur la réforme du RDIE, en proposant une analyse du système en vigueur des AII, ainsi que des recommandations pour la modernisation de ces accords. Ceux-ci comprennent la promotion d’interprétations conjointes des dispositions du traité, la modification ou le remplacement des traités obsolètes, la mention de normes mondiales, l’engagement multilatéral, et l’engagement à mettre fin ou à se retirer des anciens traités (13).

2.17.

Selon les statistiques de la CNUCED mises en évidence lors de l’audition publique du CESE du mois de février 2018, ce sont, ces dernières années, quelque 107 accords d’investissement contenant des mécanismes de RDIE qui ont été résiliés sans être remplacés. L’an dernier, le nombre d’accords d’investissement résiliés était plus élevé que celui des accords conclus (14). Le CESE fait observer que certains pays ont commencé à reconsidérer leur approche du RDIE.

2.18.

Outre la réforme du système de RDIE, le CESE souhaiterait souligner que différents instruments politiques peuvent également contribuer à garantir un environnement viable pour les investissements, et notamment:

le renforcement du pouvoir judiciaire national,

la fourniture d’une assurance aux investisseurs, par l’intermédiaire de l’Agence multilatérale de garantie des investissements de la Banque mondiale,

la prévention des différends,

des formes plus conciliantes de règlement des différends, telles que la médiation,

la promotion des investissements, et

le règlement des différends entre États.

2.19.

Enfin, le CESE prend notre de la résolution 26/9 du 26 juin 2014 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies par laquelle ce dernier «décide de créer un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme, qui sera chargé d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant pour réglementer, dans le cadre du droit international des droits de l’homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises» (15). Ce traité qualifié de traité contraignant des Nations unies, qui est actuellement examiné par les membres de cette organisation, entend codifier les obligations internationales en matière de droits de l’homme en ce qui concerne les activités des sociétés transnationales. Le CESE fait observer que des effets sont susceptibles de se manifester à l’avenir dans le cadre des traités sur le commerce et les investissements.

Mandat de la Commission

2.20.

Le 13 septembre 2017, la Commission européenne a publié sa «recommandation de décision du Conseil autorisant l’ouverture de négociations relatives à une convention instituant un tribunal multilatéral chargé du règlement des différends en matière d’investissements» (16). Le mandat, tel que modifié par les États membres, a été adopté par le Conseil le 20 mars 2018 (17).

2.21.

Les directives de négociation adoptées visent à instituer un tribunal permanent composé de juges indépendants capables d’adopter des décisions constantes, prévisibles et cohérentes concernant les différends entre investisseurs et États relatifs à des investissements, fondés sur des accords bilatéraux ou multilatéraux, lorsque les deux parties (ou au moins deux) parties à ces accords ont accepté de les placer sous la juridiction du tribunal. Il est également prévu de former une instance d’appel. Dans l’ensemble, le tribunal doit fonctionner d’une manière qui soit d’un bon rapport coût-efficacité, transparente et efficace, notamment en ce qui concerne la nomination des juges. Le tribunal doit également tenir compte des interventions de tiers (y compris, par exemple, des organisations environnementales ou professionnelles).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite des efforts de la Commission en faveur d’une réforme multilatérale du système de règlement des différends entre investisseurs et États. Le CESE prend acte également de la dynamique plus large de la réforme du RDIE, des efforts multilatéraux déployés dans le cadre de la CNUDCI ainsi que des différentes initiatives nationales.

3.2.

Le CESE juge essentiel que l’Union reste ouverte à toutes les options de réforme du RDIE, notamment à la lumière de plusieurs autres approches et idées qui ont émergé à propos de ladite réforme. Les propositions élaborées par d’autres pays et organisations devraient être examinées et évaluées en particulier par le groupe III de la CNUDCI.

3.3.

Dans ce contexte, le CESE prend note du fait que la consultation publique de la Commission sur «la réforme multilatérale du règlement des différends en matière d’investissements» a principalement porté sur des questions techniques entourant l’établissement d’un TMI permanent. Le CESE tient à souligner que les parties intéressées ont des opinions très variables quant à la question de la prise en compte des autres points de vue dans le cadre de l’évaluation de la Commission.

3.4.

Bien que le processus de négociation sur l’établissement d’un TMI n’ait pas encore été lancé — un processus qui sera probablement long et complexe —, le CESE se félicite de l’engagement accru de la Commission en faveur de la transparence, laquelle passe en particulier par la publication du projet de mandat de négociation. Le CESE félicite le Conseil d’avoir publié le mandat final approuvé par les États membres. Il s’agit là d’une étape importante pour garantir que les discussions et les négociations potentielles se déroulent d’une manière transparente, responsable et inclusive.

3.5.

Le fait de discuter sous l’égide de la CNUDCI constitue, en matière de transparence notamment, un pas dans la bonne direction, sachant que celle-ci permet aux organisations non gouvernementales de suivre et même de participer aux débats. Néanmoins, le CESE observe que les parties intéressées n’ont pas encore toutes accès aux procédures et qu’il conviendrait que la CNUDCI invite un plus grand nombre d’organisations — représentant les entreprises, les syndicats et autres organisations d’intérêt public — dans le cadre du groupe de travail III. Le processus décisionnel devrait être pleinement transparent et reposer sur le consensus.

3.6.

Le CESE considère qu’il est essentiel que le groupe de travail accueille la contribution de toutes les parties intéressées dans un souci d’accroître sa dimension inclusive et que la procédure de sélection des parties intéressées soit améliorée et mieux équilibrée. Dans ce contexte, nous demandons à la Commission européenne de garantir la participation plus active du CESE.

3.7.

L’instauration d’un TMI est un projet de longue haleine qui nécessite l’engagement d’une masse critique d’États ayant la volonté d’en devenir parties. Par conséquent, l’Union européenne devrait déployer tous les efforts diplomatiques nécessaires pour convaincre les pays tiers de s’engager dans ces négociations. Le CESE juge particulièrement important que ce projet soit également réalisé et soutenu par les pays en développement.

3.8.

Un éventuel futur TMI devrait se donner pour objectif de rationaliser la procédure de règlement des différends dans des affaires opposant investisseurs et États se trouvant engagés dans un grand nombre d’accords internationaux en matière d’investissement. En dépit d’un certain degré de similitude entre les clauses de protection des investissements portant sur le fond qui figurent dans les traités bilatéraux d’investissement TBI ou les accords de libre-échange comportant des chapitres sur la protection des investissements, une harmonisation complète du système est difficilement réalisable.

3.9.

Une telle ambition nécessiterait une réforme plus vaste. Bien qu’il n’ait pas encore été mis en œuvre comme prévu dans l’accord économique et commercial global UE-Canada (18), les accords de libre-échange UE-Singapour (19), UE-Vietnam et UE-Mexique, et comme il le sera dans les autres accords à venir (20), et bien qu’il soit toujours en cours d’examen par la Cour de justice de l’Union européenne, le SJI pourrait apporter son expérience et contribuer à l’élaboration de règles pour un TMI.

3.10.

L’objectif de la recommandation de la Commission est de mettre en place un nouveau système de règlement des différends entre investisseurs et États. Le CESE reconnaît que le nouveau système permettrait de répondre à des préoccupations exprimées par la société civile. Néanmoins, un certain nombre de questions fondamentales restent ouvertes et demandent à être clarifiées.

Questions fondamentales

3.11.

Reconnaissant que le processus de réforme multilatéral du RDIE n’en est encore qu’au stade initial, un certain nombre de questions fondamentales sont soulevées par les parties intéressées dans le contexte de la création d’un TMI. Elles se concentrent sur les aspects relatifs au champ d’application — savoir si, relativement à la protection des investissements, la réforme doit couvrir des éléments de fond ou de procédure, ou les deux à la fois; accessibilité — savoir si la possibilité d’engager des recours dans le cadre d’un TMI sera réservée aux investisseurs ou si elle sera également ouverte à des tiers; et l’épuisement des voies de recours nationales — savoir si les voies de recours nationales disponibles devront être préalablement épuisées avant qu’un investisseur ne puisse entamer une procédure dans le cadre d’un futur TMI. Le présent avis se propose d’explorer ces différentes questions.

3.12.

À l’examen de ces dernières, le CESE souhaite souligner que la création éventuelle d’un TMI devrait tenir compte aussi bien du principe de subsidiarité que de l’article premier du TUE, lequel dispose que «les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens» (21).

3.13.

Le CESE prend note des préoccupations liées au fait que le TMI pourrait aboutir à une expansion du système de RDIE, sans avoir dûment tenu compte des inquiétudes existantes concernant le SJI, notamment sa compatibilité avec le droit européen. Le CESE estime lui aussi qu’une juridiction internationale en matière d’investissements ne devrait, en aucun cas, être amenée à jouer un rôle de substitut général en matière de règlement de différends nationaux dans des pays déjà dotés des systèmes judiciaires adéquats.

3.14.

Plusieurs parties intéressées se sont déclarées très préoccupées face à l’éventualité d’une réforme de la procédure intervenant avant que n’ait été évalué quel droit matériel serait appliqué par un futur TIM, et avant qu’une structure multilatérale institutionnalisée n’ait été habilitée à interpréter lesdites normes. De même, il est à craindre qu’une telle initiative ne crée en soi la base d’une compétence juridique nouvelle. D’autres parties intéressées approuvent la Commission lorsqu’elle affirme que le droit matériel est défini dans les accords correspondants.

4.   Champ d’application de la proposition de réforme entre les clauses de protection de fond et la procédure de règlement des différends

4.1.

Le CESE fait observer que le champ d’application de la réforme multilatérale proposée a été limité aux aspects procéduraux du règlement des différends entre investisseurs et États.

4.2.

Bien que le CESE estime qu’une approche plus globale couvrant l’ensemble des préoccupations concernant les aspects de fond et de procédure de la protection des investissements serait préférable, il reconnaît la complexité d’une telle approche et la nécessité d’obtenir un soutien politique au niveau multilatéral.

4.3.

Pour ce qui est des discussions menées sous les auspices de la CNUDCI, un certain nombre de défis ont été relevés par le groupe de travail III. Se trouve ainsi posée la question de savoir s’il est possible de progresser sur la voie d’une réforme procédurale du règlement des différends entre investisseurs et États avant qu’une réforme portant sur la substance ne soit engagée. La CNUDCI estime qu’il s’agit là d’une tâche ardue, mais nullement insurmontable. Dans ce contexte, le groupe de travail III se penchera sur les questions susceptibles d’être liées à la procédure mais qui, en même temps, peuvent significativement affecter la légitimité et la cohérence du système dans son ensemble, et notamment celles relatives à un code de conduite pour les adjudicateurs, au financement par des tiers et aux procédures parallèles.

4.4.

La protection de fond des investissements est ordinairement garantie par un certain nombre de principes, parmi lesquels: le traitement national, le traitement de la nation la plus favorisée, le traitement juste et équitable et la garantie des transferts de capitaux. Toutefois, des limitations s’appliquent aux recours que les investisseurs étrangers peuvent introduire en matière de règlement des différends. Par exemple, les recours ne peuvent reposer uniquement sur un manque à gagner ou sur une simple modification de la législation nationale.

4.5.

Les États adoptent différentes mesures pour répondre aux préoccupations exprimées. Celles-ci vont d’approches plus globales, telles que l’élaboration de nouveaux modèles d’accords visant à réformer à la fois les éléments de fond et de procédure concernant la protection des investissements, à des approches plus ciblées se concentrant sur l’un ou l’autre de ces aspects de la protection des investissements. Le CESE fait observer que l’Union a déjà commencé à promouvoir une approche plus globale, au niveau bilatéral au moins, par l’intermédiaire du SJI.

4.6.

L’objectif avancé par la Commission vise à ce que, une fois établi, un TMI puisse servir de modèle ordinaire au règlement de différends en matière d’investissement dans tous les accords futurs de l’Union européenne, dans la mesure où celui-ci devrait aussi, à terme, remplacer les mécanismes procéduraux à l’œuvre dans les accords existants de l’Union aussi bien que des États membres en matière d’investissements.

4.7.

Dans ce contexte, s’il aboutit, l’établissement d’un TMI devrait réformer le système actuel de RDIE d’une manière qui, d’une part, assure une protection efficace des investissements directs étrangers et, d’autre part, réponde pleinement aux préoccupations soulevées par les parties intéressées. Nous souhaiterions souligner, à cet égard, que d’immenses progrès ont été accomplis, notamment dans le contexte des accords de libre-échange modernes les plus récents négociés par l’Union européenne.

5.   L’intérêt public

5.1.

Le CESE considère qu’il est essentiel que le TMI n’affecte en rien la capacité de l’Union et de ses États membres à répondre aux obligations qui sont les leurs en vertu des accords internationaux dans les domaines de l’environnement, des droits de l’homme, du travail ainsi que de la protection des consommateurs.

5.2.

D’abord et avant tout, l’accord établissant le TMI devrait contenir une clause de hiérarchie qui garantisse qu’en cas d’incompatibilité entre un accord international d’investissement et un accord international en matière environnementale, sociale ou de droits de l’homme ayant valeur contraignante pour une des parties d’un différend, ce soient les obligations découlant dudit accord international en matière environnementale, sociale ou de droits de l’homme qui prévalent, et ce afin d’éviter que la priorité ne soit accordée aux accords des investisseurs (22). Cette clause est particulièrement importante pour garantir que les parties au TMI disposent de la liberté nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris, ce qui nécessite un changement réglementaire important pour parvenir à une transition énergétique réussie.

5.3.

Des garanties procédurales contre des recours visant une législation d’intérêt public national sont nécessaires pour s’assurer que le droit d’une des parties à réglementer à sa guise dans l’intérêt du public est garanti face à des considérations relevant de la protection de l’investisseur. Le CESE estime que celles-ci ne pourraient être suffisamment assurées par l’insertion d’une exception d’intérêt public. Cependant, elles pourraient être assorties de garanties appropriées permettant d’éviter qu’elles ne soient utilisées de manière abusive pour des motifs protectionnistes. Dans ces conditions, le droit de réglementation dans le domaine de la protection sociale doit mentionner explicitement les conventions collectives, y compris les conventions tripartites et/ou générales (erga omnes), afin d’exclure la possibilité qu’elles soient soumises à interprétation, en violation des attentes légitimes d’un investisseur (23).

5.4.

Le CESE fait observer que l’article 8.18, paragraphe 3, de l’AECG interdit à un investisseur de déposer un recours si l’investissement a été effectué en usant de déclarations frauduleuses, de dissimulation, de corruption ou de toute autre conduite équivalant à un abus de procédure. Tout futur accord éventuel établissant le TMI devrait veiller à ce que cette clause soit étendue au droit applicable en matière de fraude, de violation des droits de l’homme ou de violations du droit (international) en matière d’environnement, de protection sociale ou de consommation.

5.5.

Des critères stricts visant à prévenir les recours abusifs ainsi qu’à garantir le rejet anticipé des prétentions non fondées devraient également être intégrés au règlement intérieur du TMI. L’existence de procédures rapides pour rejeter les recours abusifs est d’autant plus important qu’il répondra à l’une des critiques les plus couramment formulées à l’encontre du système actuel, en garantissant que les usages à mauvais escient ne seront à l’avenir plus possibles. En outre, une telle procédure accélérée pour des recours dépourvus de fondement juridique contribuera à la réduction des coûts de fonctionnement du tribunal.

5.6.

Le CESE fait observer que l’un des sujets de préoccupation soulevé lors de son audition publique avait trait à la possibilité d’un financement des différends par des tiers. Le financement par des tiers peut ne pas servir les objectifs initiaux des accords d’investissement et donner lieu à des incitations induisant des effets pervers. Le CESE recommande par conséquent d’examiner l’impact et le caractère nécessaire d’un financement par des tiers, ainsi que sa réglementation dans le cadre du TMI (24).

6.   Droits des tiers et demandes reconventionnelles

6.1.

Le CESE envisage d’autoriser des communications d’amicus curiae (25), qui sont déjà possibles actuellement dans le cadre de nombreuses procédures de RDIE, posant ainsi les premiers jalons d’un système équilibré et équitable. Toutefois, le CESE estime qu’il est essentiel de veiller à ce que la convention instaurant le TMI ne se contente pas de permettre les communications d’amicus curiae sur le strict plan de la recevabilité, mais de faire en sorte aussi qu’elle garantisse que les juges soient tenus de les prendre dûment en considération dans leurs délibérations.

6.2.

Le CESE se félicite donc de l’inclusion dans le mandat du TMI de la possibilité d’interventions de tiers. Toutefois, le CESE recommande d’étudier le rôle des tiers au-delà du règlement actuel de la CNUDCI afin de garantir un système équilibré et équitable ainsi que des droits effectifs pour les tiers concernés, lesquels pourront être des résidents locaux, des travailleurs, des syndicats, des groupes de protection de l’environnement ou des consommateurs.

6.3.

Le CESE se félicite des efforts déployés par la Commission dans le contexte de la proposition de tribunal des investissements dans le cadre du PTCI en ce qui concerne la possibilité d’interventions de tiers ainsi que la clarification du fait que, dans le mandat, ces interventions seront ouvertes à toutes les parties intéressées ayant un intérêt juridique dans une affaire. Le CESE demande à la Commission de veiller à ce que les critères de recours fixés dans le cadre du TMI ne soient pas inutilement contraignants et permettent un accès équitable aux procédures, et ce en s’inscrivant pleinement dans le droit fil et dans l’esprit des obligations qui incombent à l’Union européenne au titre de la convention d’Aarhus.

6.4.

Certaines parties intéressées soutiennent le point de vue selon lequel le TMI devrait également pouvoir être saisi par des tiers ainsi que recevoir des demandes reconventionnelles déposées par un État à l’encontre des investisseurs, dans la continuité des évolutions observées dans l’ancien système de RDIE. Cette question soulève un certain nombre de questions juridiques et pratiques qui doivent être examinées avec prudence. Par exemple, cette possibilité dépend du droit applicable, soit, en d’autres termes, des dispositions de fond figurant dans les accords passés relevant de la juridiction du tribunal.

6.5.

Le CESE demande à la Commission de veiller à ce que le TMI, à tout le moins, ne ferme pas la porte à des recours introduits par des tiers affectés par des investisseurs étrangers. À cet égard, la convention établissant le TMI pourrait contenir des dispositions qui permettraient de tels recours lorsque des parties à un accord international auront reconnu la compétence du TMI lors de tels différends.

7.   Relations avec les tribunaux nationaux

7.1.

Le CESE considère que le TMI ne peut en aucun cas affecter le système judiciaire de l’Union ainsi que l’autonomie du droit européen. Le CESE rappelle que, dans son avis REX/411, il a considéré que la manière dont les décisions prises dans le cadre du RDIE s’agençaient avec l’ordre juridique de l’Union suscitait de vives préoccupations tant vis-à-vis du traité sur l’Union européenne que du droit constitutionnel. C’est pourquoi il estime qu’il est «absolument essentiel que la conformité du RDIE avec le droit de l’Union fasse l’objet d’un contrôle par la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’une procédure formelle de demande d’avis, avant que les institutions compétentes n’arrêtent leur décision et avant que n’entre provisoirement en vigueur tout AII négocié par la Commission».

7.2.

Dans ce contexte, le CESE souhaiterait attirer l’attention sur deux affaires examinées par la CJUE, qui se fondaient sur l’ancien système d’arbitrage de RDIE et qui sont pertinentes pour le débat. D’abord, dans son avis 2/15 du 16 mai 2017 relatif à l’accord de libre-échange UE-Singapour, la CJUE a établi que l’Union n’avait pas de compétence exclusive en matière de RDIE, observant que ledit RDIE «soustrait des différends à la compétence juridictionnelle des États membres». Ensuite, dans l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire C-284/16, Slowakische Republik contre Achmea BV sur la question des accords d’investissement au sein de l’Union, la CJUE a constaté que le RDIE soustrait des différends à la compétence juridictionnelle des États membres de l’Union et aussi, par conséquent, au système de recours juridictionnels dans le système juridique de l’Union.

7.3.

Le CESE félicite le gouvernement belge pour sa demande d’avis, conformément à l’article 218, paragraphe 11, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, sur la compatibilité du système juridictionnel des investissements dans l’AECG avec les traités européens, comme l’avait demandé le CESE dans son avis exposant sa position sur des questions clés spécifiques soulevées dans le cadre des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (26). Le CESE formule l’espoir que l’avis 1/17 de la CJUE donnera aux institutions européennes les orientations indispensables sur des questions importantes de droit constitutionnel européen.

7.4.

Le CESE reconnaît que certaines parties intéressées considèrent que la manière la plus efficace de préserver les compétences des juridictions nationales consisterait à restreindre le droit d’agir devant le tribunal multilatéral des investissements aux seuls États et organisations internationales telles que l’Union. Le règlement des différends entre États est également le mécanisme de règlement des différends en droit international public; il a déjà été utilisé dans plusieurs accords d’investissement, et il devrait donc être préféré en ce qui concerne la législation relative aux investissements. Le CESE note que d’autres parties intéressées considèrent que le règlement des différends entre investisseurs et États constitue une option plus efficace dans le cas des investissements, en ce qu’il offre, selon eux, un règlement des différends neutre, dépolitisé et d’un bon rapport coût-efficacité. Depuis son établissement il y a plusieurs dizaines d’années, celui-ci constitue le système par défaut pour le règlement des différends relatifs à l’investissement.

7.5.

Le CESE observe que la question de l’articulation entre les juridictions nationales et le tribunal multilatéral des investissements est envisagée différemment par les diverses parties intéressées. Si certaines d’entre elles estiment que le tribunal multilatéral des investissements devrait être considéré comme une solution de dernier recours après épuisement des voies de recours nationales obligatoires, d’autres soutiennent que l’approche dite du «non-retour» (No U-turn) actuellement suivie par la Commission offre également une bonne base dans le contexte du tribunal multilatéral des investissements.

7.6.

Dans le cadre de l’approche du «non-retour», un investisseur a le droit de s’adresser directement, soit aux tribunaux locaux soit au SJI/TMI. Toutefois, lorsque l’affaire aura été jugée par une enceinte, un investisseur ne pourra obtenir qu’elle soit rouverte par une autre. Certaines parties intéressées estiment que cette approche répond positivement aux préoccupations liées au fait que, pour une même infraction présumée, les investisseurs ont la possibilité de demander réparation auprès de plusieurs enceintes. Ils notent également que plusieurs accords d’investissement internationaux suivent cette approche (27). Selon une analyse produite par la CNUCED (28), la clause de «non-retour» viserait à empêcher qu’un investisseur engage un recours à l’échelle internationale en alléguant une violation d’un accord international d’investissement et, simultanément, par l’intermédiaire d’une filiale, des procédures nationales dénonçant une infraction à un contrat ou à une législation au niveau national.

7.7.

L’obligation d’épuiser préalablement les recours nationaux est un principe fondamental du droit international coutumier comme du droit international en matière de droits de l’homme. Il existe également plusieurs accords d’investissement conclus par des États membres de l’Union avec des pays tiers qui obligent expressément les demandeurs à épuiser les voies de recours nationales (29). Cette règle se justifie en ce qu’elle permet à l’État où l’infraction a été commise d’obtenir par ses propres moyens réparation dans le cadre de son système juridique national, et celle-ci s’applique lorsque des procédures internationales ou nationales visent à obtenir un résultat identique (30). La Cour internationale de justice juge que cette règle revêt une telle importance qu’elle ne saurait être interprétée comme ayant été implicitement annulée par un accord international (31). C’est pourquoi certaines parties intéressées estiment qu’il est important qu’elle soit explicitement mentionnée dans l’accord portant création du TMI.

7.8.

Au vu du débat susmentionné, le CESE encourage la Commission à examiner plus avant la question de l’épuisement des voies de recours nationales ainsi que la manière dont ce principe pourrait s’exercer dans le cadre du TMI.

8.

Indépendance et légitimité des juges

8.1.

Quelle que soit la structure institutionnelle (une organisation internationale autonome ou liée à une institution existante) qui sera la sienne, l’indépendance du TMI devrait être préservée. La nomination de juges à titre permanent est donc considérée comme un facteur clé pour entamer l’élaboration d’une jurisprudence, et partant, pour améliorer la prévisibilité et se détourner de l’approche du RDIE, qui est souvent considérée comme fonctionnant selon un principe ad hoc.

8.2.

Si l’on veut que le TMI se développe, l’existence de juges permanents devrait être l’objectif ultime. Lors des phases initiales de la mise en place de la juridiction, compte tenu du volume de cas traités par le tribunal, celle-ci devrait pouvoir s’organiser elle-même. Ce volume dépendra du nombre de parties initiales à la convention établissant le tribunal ainsi que du nombre d’accords qui seront soumis à la juridiction du tribunal.

8.3.

Bien que la méthode de nomination des juges ne soit pas prévue dans les recommandations de la Commission quant au mandat, le CESE se félicite des engagements pris concernant la fixation de critères à la fois clairs et exigeants, notamment par rapport aux qualifications des candidats et au respect d’un code de conduite, comme la Magna Carta des juges (32), qui assure l’absence de conflits d’intérêts et l’indépendance des juges. Ces différents aspects sont essentiels pour garantir l’état de droit et la confiance du public.

8.4.

En ce qui concerne les qualifications des juges, il conviendrait d’exiger non seulement une expertise démontrable dans le domaine du droit international public, mais également dans ceux relevant du droit de l’investissement, du droit de la protection des consommateurs, du droit de l’environnement, des droits de l’homme et du droit du travail et enfin, dans celui du règlement des différends. Ce point est crucial pour s’assurer que les juges auront l’expérience nécessaire pour traiter les différents types d’affaires et soient en mesure de comprendre et d’apprécier pleinement le contexte juridique spécifique aux différents secteurs et types d’investissements qui seront soumis à la juridiction du tribunal.

8.5.

En outre, le CESE est favorable à une procédure de nomination des juges qui soit transparente et qui respecte des critères propres à garantir une représentation équitable de toutes les parties à la convention instituant le tribunal. Le processus de sélection devrait être transparent et soumis aux principes du contrôle public.

8.6.

Le fait de garantir la transparence, l’accessibilité de l’information au grand public, ainsi que l’accessibilité aux parties intéressées, par exemple au moyen de l’accréditation, constitue un autre facteur crucial pour améliorer la crédibilité et la légitimité du système. Le règlement de la CNUDCI sur la transparence dans l’arbitrage entre investisseurs et États fondé sur des traités et sur la convention des Nations unies sur la transparence dans l’arbitrage entre investisseurs et États fondé sur des traités («la convention de Maurice sur la transparence dans l’arbitrage») devraient servir de base minimale aux règles sur la transparence dans le cadre d’un futur TMI.

9.   Un système efficace

9.1.

Un secrétariat devrait se voir confier la charge d’administrer efficacement le TMI. Même si l’on ne sait pas encore clairement si le tribunal prendra la forme d’une institution nouvelle ou s’il sera rattaché à une organisation internationale existante, celui-ci doit être assuré de se voir allouer les ressources suffisantes permettant le bon fonctionnement de son secrétariat.

9.2.

Le projet de mandat propose que les coûts administratifs soient couverts par les parties sur une base équitable, en tenant compte de différents critères, notamment le niveau de développement économique des parties, le nombre d’accords couverts par partie, ainsi que le volume des flux ou valeurs d’investissements internationaux de chaque partie.

9.3.

En ce qui concerne la répartition des coûts relatifs au jugement des affaires (à l’exclusion de la rémunération des juges qui, selon la proposition, doit être fixe), le projet de mandat n’en fait aucune mention. Le CESE demande des éclaircissements sur ce point.

9.4.

Une part importante de l’IDE est réalisée par des PME qui doivent bénéficier du même niveau de protection et pouvoir accéder au règlement des différends à des conditions et à des coûts raisonnables.

9.5.

La possibilité de proposer un mécanisme de conciliation qui aurait pour objectif d’aider les parties à résoudre un différend à l’amiable doit également être prise en considération.

9.6.

Toutes les décisions du TMI devraient être exécutoires et rendues publiques.

10.   Haut niveau de protection et période de transition éventuelle

10.1.

Il est important de noter que préalablement à la soumission d’un accord à la juridiction du tribunal, il est essentiel que les parties donnent leur consentement. Dans les faits, ce principe signifie qu’aucun des accords signés par l’Union ou ses États membres ne sera automatiquement placé sous la juridiction du tribunal, sauf si la tierce partie l’a également acceptée.

10.2.

À cet égard, durant la période de transition éventuelle entre l’actuel système de RDIE et le SJI, et jusqu’à la mise en place du TMI, les procédures de règlement des différends convenues continuent de s’appliquer pour garantir un niveau élevé de protection des investissements, eu égard à leur constitutionnalité et à leur viabilité au regard du droit européen, dans l’attente des conclusions de l’affaire introduite par la Belgique devant la Cour de justice de l’Union européenne (33).

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Http://www.oecd-ilibrary.org/finance-and-investment/societal-benefits-and-costs-of-international-investment-agreements_e5f85c3d-en

(2)  http://trade.ec.europa.eu/consultations/index.cfm?consul_id=179

(3)  http://trade.ec.europa.eu/consultations/index.cfm?consul_id=233

(4)  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0252+0+DOC+XML+V0//FR

(5)  Le 6 septembre 2017, la Belgique a demandé un avis à la Cour de justice de l’Union européenne sur la compatibilité du SJI avec 1) la compétence exclusive de la CJUE sur l’interprétation définitive du droit de l’Union européenne; 2) le principe général d’égalité et l’exigence d’«effet utile» du droit de l’Union européenne; 3) le droit d’accès aux tribunaux et 4) le droit de pouvoir recourir à un pouvoir judiciaire indépendant et impartial (https://diplomatie.belgium.be/sites/default/files/downloads/ceta_summary.pdf).

(6)  https://www.eesc.europa.eu/fr/node/47646

(7)  https://www.eesc.europa.eu/en/agenda/our-events/events/multilateral-investment-court-hearing

(8)  Voir «La position du CESE sur des questions clés spécifiques soulevées dans le cadre des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI)» (JO C 487 du 28.12.2016, p. 30).

(9)  Voir l’avis d’initiative du CESE sur la protection des investisseurs et le règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords de commerce et d’investissement de l’Union européenne avec des pays tiers (JO C 332 du 8.10.2015, p. 45). L’avis comporte également une annexe qui fait référence à un possible instrument multilatéral pour régler les différends entre investisseurs et États.

(10)  Voir la note 9 de bas de page.

(11)  L’Union européenne n’étant pas un État, elle ne peut bénéficier du statut de membre de la CNUDCI mais elle dispose du statut d’observateur renforcé.

(12)  http://daccess-ods.un.org/access.nsf/Get?OpenAgent&DS=A/CN.9/WG.III/WP.142&Lang=F

(13)  http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/diaepcb2017d3_en.pdf

(14)  Note thématique de la CNUCED sur les AII, «Recent Developments in the International Investment Regime» (mai 2018), disponible (en anglais) http://investmentpolicyhub.unctad.org/Publications/Details/1186

(15)  http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/WGTransCorp/Pages/IGWGOnTNC.aspx

(16)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52017PC0493&from=EN

(17)  http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-12981-2017-ADD-1-DCL-1/fr/pdf

(18)  https://www.eesc.europa.eu/fr/agenda/our-events/events/tribunal-multilateral-des-investissements

(19)  Dans son avis 2/15 du 16 mai 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a fourni un certain nombre d’éclaircissements quant à la nature de l’accord de libre-échange UE-Singapour, en établissant une répartition entre les dispositions de l’accord qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union, et celles qui relèvent d’une compétence partagée, nécessitant de ce fait une ratification des parlements nationaux. https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2017-05/cp170052fr.pdf

(20)  À titre d’exemple, citons l’accord de libre-échange UE-Chili (en cours de mise à jour), l’accord de partenariat économique UE-Japon (conclu en 2017, celui-ci ne contient aucun chapitre sur la protection des investissements, les parties ayant toutefois convenu que la question serait examinée plus en détail et réglée ultérieurement), ainsi que les futurs accords de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

(21)  En outre, cette règle s’inscrit également dans le cadre des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment la Convention européenne des droits de l’homme.

(22)  Pour une analyse critique des anciennes affaires judiciaires du RDIE, voir Andreas Kulick, Global Public Interest in International Investment Law (Cambridge University Press 2012), p. 225-306.

(23)  Voir la note 8 de bas de page.

(24)  http://ccsi.columbia.edu/work/projects/third-party-funding-in-investor-state-dispute-settlement/

(25)  Amicus curiae: littéralement «ami du tribunal». Une personne démontrant un vif intérêt ou des points de vue sur l’objet d’un recours, mais qui n’est pas partie à ce recours, peut requérir du tribunal l’autorisation de soi-disant représenter une partie, mais en réalité entend présenter une justification correspondant à son propre point de vue. Pour davantage d’informations: https://legal-dictionary.thefreedictionary.com/amicus+curiae

(26)  Voir la note 8 de bas de page.

(27)  De nombreux accords conclus par les États-Unis et le Canada ne contiennent pas de dispositions de «non-retour». Voir par exemple l’article 26 de l’accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie (2009) en ce qui concerne les conditions préalables à l’introduction d’une demande d’arbitrage.

(28)  Série de la CNUCED «Issues in International Investment Agreements II, Investor-State Dispute Settlement» (UNCTAD, 2014): http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/diaeia2013d2_en.pdf

(29)  Voir par exemple, l’article 5 du traité bilatéral d’investissement (TBI) Allemagne-Israël de 1976, l’article 8 du TBI Égypte-Suède de 1978, l’article 7 du TBI Roumanie-Sri Lanka de 1981, l’article 8 du TBI Albanie-Lituanie de 2007, l’article XI du TBI Uruguay-Espagne de 1992, l’article X du TBI Uruguay-Pologne de 1991.

(30)  Affaire de l’Interhandel (Suisse c. États-Unis d’Amérique), Exceptions préliminaires, arrêt du 21 mars 1959: C.I.J. Recueil 1959, p. 6. Consultable ici: https://www.icj-cij.org/files/case-related/34/034-19590321-JUD-01-00-FR.pdf, page 27.

(31)  Affaire de l’Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (États-Unis d’Amérique c. Italie), arrêt du 20 juillet 1989, C.I.J. Recueil 1989, p. 15, paragraphe 50.

(32)  https://rm.coe.int/16807482c6

(33)  Voir la note 5 de bas de page.


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/156


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’instrument d’aide de préadhésion (IAP III)»

[COM(2018) 465 final — 2018/0247 (COD)]

(2019/C 110/28)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

Parlement européen, 2.7.2018

Commission européenne, 12.7.2018

Conseil de l’Union européenne, 18.7.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

23.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

181/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’instrument d’aide de préadhésion (IAP III) pour la période 2021-2027.

1.2.

Le CESE se félicite également de l’affirmation selon laquelle l’IAP III devrait accorder une place centrale à la notion de performance, ce qui permettrait de mieux orienter l’octroi des financements en général, afin de tenir compte des engagements pris par les bénéficiaires et des progrès réalisés sur la voie des réformes. L’utilisation d’indicateurs de performance contribuera à l’évaluation globale de l’IAP III et est conforme aux recommandations antérieures du Comité concernant l’IAP II (1).

1.3.

Le CESE est convaincu que l’instauration de l’instrument d’aide de préadhésion s’inscrit parfaitement dans la nouvelle stratégie de la Commission pour les Balkans occidentaux intitulée «Une perspective d’élargissement crédible ainsi qu’un engagement de l’Union européenne renforcé pour les Balkans occidentaux», publiée le 6 février 2018, et ses six initiatives phares, qui prévoient de renforcer l’état de droit, d’intensifier la coopération en matière de sécurité et de migration en ayant recours aux équipes communes d’enquête et à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, de consolider l’union de l’énergie en l’étendant aux pays des Balkans occidentaux, d’abaisser les tarifs d’itinérance et de déployer le haut débit dans la région (2). Elle est également conforme à la politique d’élargissement de l’Union européenne dans la perspective d’une possible adhésion future de la Turquie.

1.4.

Le CESE réaffirme sa position fondée sur l’article 49 du traité sur l’Union européenne, qui dispose que tout État européen qui respecte les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, et s’engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l’Union.

1.5.

Le CESE accueille positivement le fait que la référence financière fournie au titre du projet de règlement concernant l’IAP III pour la période 2021-2027 s’élève approximativement à 14,5 milliards d’EUR selon la proposition de la Commission.

1.6.

Le CESE se félicite également du fait que 25 % des dépenses de l’Union européenne contribueront à la réalisation des objectifs en matière de climat.

1.7.

Le CESE accueille favorablement la plus grande flexibilité qu’introduit l’IAP III en ne fixant pas d’emblée les dotations par partenaire concerné par l’élargissement. Le cadre de programmation de l’IAP devrait tenir compte du caractère fluctuant des besoins et garantir un équilibre entre prévisibilité et financement fondé sur la performance.

1.8.

Le CESE souligne que les remarques formulées après l’évaluation à mi-parcours de l’IAP II (3), de même que nombre de ses recommandations antérieures (4), devraient être pleinement intégrées à la fois par la Commission européenne et par les candidats et candidats potentiels.

1.9.

Le CESE insiste sur l’importance de l’aide de préadhésion pour la poursuite des réformes économiques et la création d’un environnement favorable et prévisible pour les entreprises, de manière à promouvoir l’entrepreneuriat et la création d’entreprises et à soutenir les PME dans leur développement afin de renforcer la compétitivité et la croissance économique et de créer de nouveaux emplois.

1.10.

Le CESE souligne l’importance des programmes de réforme économique, ainsi que d’une participation significative des partenaires sociaux et autres organisations de la société civile au processus d’élaboration et de mise en œuvre de ces programmes. Il demande d’allouer davantage de fonds, y compris sous la forme d’aides à l’organisation, au renforcement des capacités des partenaires sociaux et des organisations de la société civile, afin qu’ils puissent participer concrètement à ces processus. Il y a lieu d’encourager les améliorations apportées à la qualité et à la teneur du dialogue social parmi les candidats et candidats potentiels.

1.11.

Le CESE estime que le financement fourni par l’IAP III joue un rôle important pour l’intégration des économies des Balkans occidentaux à l’Union européenne.

1.12.

Le CESE partage le point de vue selon lequel il est essentiel que les bénéficiaires de l’IAP progressent sur la voie des réformes aux fins de l’absorption (entre 64,3 % et 88,9 % pour l’IAP II) et de l’exploitation de ces fonds, et insiste sur la nécessité de favoriser une culture de coopération entre les bénéficiaires des Balkans occidentaux. Le cas de la Turquie est autrement plus complexe et délicat. Le financement d’un pays dans lequel une nouvelle détérioration de la situation en matière de droits civils n’est pas totalement exclue nécessite d’agir avec prudence et d’appliquer le principe de conditionnalité.

1.13.

Le CESE insiste sur la nécessité d’utiliser l’aide de préadhésion pour renforcer les capacités des administrations des candidats et candidats potentiels, afin de les préparer à l’utilisation future des Fonds structurels et à la participation à la politique agricole commune de l’Union européenne.

1.14.

Le CESE est intimement convaincu que l’Union européenne devrait établir des mécanismes stricts et efficaces pour le contrôle de la distribution de l’aide de préadhésion à l’ensemble des candidats et candidats potentiels. Dans le cas de la Turquie en particulier, il conviendrait de veiller davantage à mettre un terme aux retards chroniques dans différents secteurs.

1.15.

Le CESE estime que la mise en œuvre de l’IAP III devra être accélérée, en particulier les premières années, pour prévenir tout retard structurel dans la passation des marchés et la mise en œuvre et résorber progressivement les retards actuels. La Commission devrait être particulièrement attentive à la gestion indirecte par les bénéficiaires. L’évaluation à mi-parcours a montré que l’incidence sur le plan du renforcement de l’appropriation est jugée positive, mais que les résultats en matière de passation de marchés ont été modestes et que la mise en œuvre a été considérablement retardée, notamment en Turquie.

1.16.

Le CESE souligne que le suivi doit se faire sur la base des indicateurs figurant dans la proposition de la Commission. Les indicateurs de performance pertinents seront définis et inclus dans le cadre de programmation de l’IAP et des obligations de déclaration proportionnées seront imposées aux bénéficiaires de fonds de l’Union européenne. Les rapports d’élargissement serviront de points de référence pour l’évaluation des résultats de l’aide accordée au titre de l’IAP III. Le système de déclaration de performance devrait garantir que les données permettant de suivre la mise en œuvre et les résultats sont collectées de manière efficiente, efficace et rapide.

1.17.

Le CESE estime que la Commission devrait, à intervalles réguliers, contrôler les actions qu’elle a entreprises et évaluer les progrès accomplis en vue de l’obtention de résultats. Les évaluations apprécieront les effets de l’instrument sur le terrain au moyen des indicateurs et objectifs pertinents et d’une analyse détaillée de son degré de pertinence, d’efficacité, d’efficience, d’apport d’une valeur ajoutée de l’Union européenne suffisante et de cohérence avec les autres politiques de l’Union européenne. Les évaluations rendront compte des enseignements tirés sur la manière de détecter les éventuels problèmes et lacunes survenus ou susceptibles de survenir, afin d’améliorer encore les actions ou leurs résultats et de contribuer à optimiser leur exploitation et leurs effets.

1.18.

Le CESE est fermement convaincu qu’il y a lieu d’établir des critères de référence et de diffuser les bonnes pratiques parmi les candidats et candidats potentiels pour qu’ils puissent absorber activement davantage de fonds.

1.19.

Le CESE souligne que le nouveau projet de règlement attache également une grande importance au renforcement de la coordination et de la coopération avec les autres donateurs et institutions financières, y compris le secteur privé.

1.20.

Le CESE invite la Commission européenne à explorer la possibilité d’une perspective à plus long terme en ce qui concerne la mise en œuvre. Celle-ci renforcera la prévisibilité et réduira les contraintes de temps, notamment là où des retards substantiels se sont accumulés durant la période actuelle.

1.21.

Le CESE estime nécessaire d’améliorer la qualité générale des documents (de travail) utilisés pour la planification sectorielle et de clarifier cette dernière avec l’ensemble des parties concernées. Il recommande également à cette fin l’adoption de mesures destinées à améliorer la capacité de la Commission européenne à intégrer les questions horizontales dans l’ensemble des politiques. Il y a lieu, de manière générale, d’accroître les capacités de l’ensemble des institutions associées à la fourniture de l’aide de préadhésion. Il conviendrait notamment de prévoir dans ce cadre un usage proportionné de l’assistance technique en vue de soutenir ces institutions sur le territoire des candidats et candidats potentiels.

1.22.

Le CESE estime que l’IAP III devrait être utilisé pour accroître la compréhension des valeurs fondamentales de l’Union européenne et promouvoir la valeur ajoutée de l’aide de préadhésion parmi les populations des candidats et candidats potentiels, et ce au moyen de programmes de subventions administrés par les délégations de l’Union européenne.

1.23.

Le CESE se félicite du fait que l’aide de préadhésion devrait être liée a) à l’état de droit, b) à la bonne gouvernance et au respect des droits fondamentaux, c) au développement socio-économique, d) à l’adoption des politiques et de l’acquis de l’Union européenne, e) aux relations de bon voisinage et à la réconciliation et f) à la coopération régionale.

2.   État de droit, bonne gouvernance et droits fondamentaux

2.1.

Le CESE souligne qu’il subsiste une grande divergence entre les normes de l’Union européenne et celles qu’appliquent l’ensemble des candidats et candidats potentiels. La situation apparaît aujourd’hui plus difficile en Turquie qu’elle ne l’était par le passé, notamment depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016 et l’imposition de la loi martiale.

2.2.

Le CESE est d’avis que l’IAP III devrait continuer d’investir dans les projets liés à l’état de droit, qui ont aidé les différents pays à mettre en place des services d’application des lois et des instances judiciaires solides et professionnels, indépendants et libres de toute influence extérieure.

2.3.

Le CESE estime par ailleurs qu’il convient de s’intéresser particulièrement à l’instauration d’un système efficace de protection des frontières, de gestion des flux migratoires, de prévention des crises humanitaires et d’octroi de l’asile à ceux qui en ont besoin. La fourniture par l’Union européenne d’une assistance technique destinée à soutenir les pratiques de bonne gouvernance dans ces domaines pourrait s’avérer extrêmement utile. Tous les candidats et candidats potentiels doivent en outre développer des mécanismes destinés à prévenir la criminalité organisée, à éradiquer le terrorisme et à mettre un terme à l’immigration illégale. La Turquie devrait s’engager plus résolument dans la mise en œuvre de l’accord conclu avec l’Union européenne le 28 mars 2016 et destiné à tarir le flux d’immigration irrégulière à destination de l’Europe transitant par son territoire (5).

2.4.

Le CESE souligne que le secteur public de tous les candidats et candidats potentiels reste confronté à des problèmes tels que le clientélisme, l’opacité, la corruption et les inégalités.

2.5.

Le CESE a conscience du fait que les minorités de tous les candidats et candidats potentiels continuent de faire face à un grand nombre de problèmes imputables à des comportements et attitudes discriminatoires.

2.6.

Le CESE est fermement convaincu que l’aide de préadhésion doit couvrir en priorité les initiatives visant à réformer et dépolitiser le secteur public, à promouvoir la transparence et l’obligation de rendre compte, à renforcer l’administration en ligne et à assurer une meilleure gestion. À cet égard, l’aide de préadhésion devrait être utilisée pour créer de réelles possibilités d’associer un éventail le plus large possible d’organisations de la société civile à l’élaboration des politiques gouvernementales.

2.7.

Le CESE a l’intime conviction que la société civile devrait être reconnue comme un acteur de premier plan lorsqu’il s’agit de garantir l’état de droit et qu’à ce titre, les initiatives dont elle est à l’origine devraient se voir accorder la priorité dans les programmes relevant de l’aide de préadhésion.

2.8.

Le CESE estime également qu’un traitement prioritaire devrait être réservé, au titre de l’aide de préadhésion, au financement des institutions qui facilitent et promeuvent l’égalité et le respect des droits civiques.

3.   Développement socio-économique

3.1.

Le CESE reconnaît que l’aide financière à ces partenaires se justifie par la persistance de taux de chômage élevés (par exemple, 21,6 % dans l’ancienne République yougoslave de Macédoine et 35,3 % au Kosovo (*1) au premier trimestre 2018) et par la lenteur du rattrapage par rapport aux pays de l’Union européenne en termes de PIB par habitant.

3.2.

Le CESE a pleinement conscience du fait que tous les partenaires des Balkans occidentaux, ainsi que la Turquie, sont touchés par la pauvreté, un taux de chômage élevé, l’importance de l’économie informelle, des salaires bas, la corruption, des malversations, l’émigration de travailleurs qualifiés et la fuite des cerveaux (6).

3.3.

Le CESE estime que le rôle de l’éducation, et notamment l’égalité d’accès aux systèmes d’enseignement, est essentiel, dans tous les partenaires des Balkans occidentaux et en Turquie, pour promouvoir les valeurs européennes, cultiver la tolérance à l’égard des minorités, renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes, lutter contre les préjugés et renforcer la cohésion sociale.

3.4.

Le CESE estime par ailleurs qu’un «programme de cohésion sociale» devrait être mis en œuvre par l’intermédiaire de l’IAP III, consistant à améliorer l’efficacité et l’efficience des systèmes d’éducation et, partant, à remédier aux déficits et aux inadéquations des compétences et à relever les défis qu’entraînent, sur le marché du travail, les évolutions numériques et technologiques que connaît l’économie. L’augmentation du concours financier destiné aux programmes de formation professionnelle et aux régimes d’apprentissage et d’apprentissage tout au long de la vie, de même qu’une participation plus étroite des partenaires sociaux et autres organisations de la société civile concernées à leur conception, contribueraient à remédier à l’inadéquation des compétences sur le marché du travail et à réduire les taux de chômage élevés, ainsi que le nombre de postes non pourvus.

3.5.

Le CESE insiste sur l’importance d’établir, au moyen de l’aide de préadhésion, des mécanismes destinés à lutter contre la pauvreté et à faciliter l’accès au marché du travail, particulièrement pour les jeunes, les femmes et les groupes minoritaires, de façon à éviter l’émigration et la fuite des cerveaux.

3.6.

Le CESE considère l’approfondissement et l’élargissement du dialogue social comme la condition sine qua non du développement socio-économique. Les partenaires sociaux doivent jouer un rôle majeur dans la conception et la mise en œuvre des politiques.

3.7.

Le CESE est fermement convaincu que pour tous les candidats et candidats potentiels, le renforcement de la capacité à accroître la stabilité macroéconomique et le soutien à la transition vers une économie de marché fonctionnelle, capable de faire face aux pressions concurrentielles et aux forces du marché au sein de l’Union, devraient compter parmi les priorités au moment de distribuer l’aide de préadhésion. Dans les économies des bénéficiaires de l’IAP III, les entreprises devraient toutefois bénéficier également d’une attention particulière. L’entrepreneuriat, le travail indépendant, les PME et le microfinancement ne devraient pas être négligés.

3.8.

Le CESE demande de veiller tout particulièrement à une meilleure adaptation du secteur privé aux besoins du marché ainsi qu’à la compétitivité des entreprises privées dans le cadre de la distribution de l’aide de préadhésion.

3.9.

Le CESE considère que l’IAP III devrait proposer des subventions de fonctionnement couvrant une période d’au moins 36 mois pour les organisations de la société civile.

3.10.

Le CESE considère qu’il conviendrait d’accroître encore l’incidence des régimes de réattribution d’ampleur limitée couvrant les organisations de la société civile rurales ou de terrain et celles de petite taille au titre de l’IAP II, au moyen notamment d’une participation bien plus poussée des organisations de la société civile à toutes les étapes de la planification pour chacun des régimes de réattribution.

3.11.

Le CESE insiste sur la nécessité d’apporter une aide par l’entremise des institutions responsables de l’aide de préadhésion pour ce qui est de faciliter les technologies numériques et leur diffusion, de préserver l’environnement et de définir des normes de sûreté nucléaire les plus élevées possible.

3.12.

Le CESE estime également que l’aide de préadhésion devrait être accordée prioritairement à la formation des institutions qui promeuvent l’égalité d’accès à l’éducation pour les enfants, développent la formation professionnelle, améliorent la qualité de l’enseignement supérieur et renforcent l’apprentissage tout au long de la vie, ainsi qu’à l’instauration de mécanismes ou d’organes régissant les relations de travail, de procédures de négociation collective et d’un dialogue structuré entre les partenaires sociaux.

4.   Adoption des politiques et de l’acquis de l’Union européenne

4.1.

Le CESE a conscience qu’il existe une énorme différence entre les normes de l’Union européenne et celles qui s’appliquent à l’ensemble des candidats et candidats potentiels.

4.2.

Le CESE estime qu’il faut veiller à promouvoir l’alignement des normes, politiques et pratiques des candidats et candidats potentiels sur celles de l’Union, y compris pour ce qui est des règles en matière d’aides d’État.

4.3.

Le CESE souligne qu’outre l’harmonisation par rapport au volet législatif de l’acquis de l’Union, les candidats et candidats potentiels devront se familiariser et, éventuellement, harmoniser leurs politiques avec celles qui sont en cours de discussion et d’élaboration au sein de l’Union européenne, telles que le socle européen des droits sociaux, les objectifs du Millénaire pour le développement élaborés par les Nations unies et le programme de développement durable à l’horizon 2030, ainsi que la coopération entre les États membres de l’Union européenne concernant les flux de réfugiés et de migrants et le contrôle intégré des frontières.

5.   Relations de bon voisinage et réconciliation

5.1.

Les candidats et candidats potentiels des Balkans occidentaux ainsi que la Turquie sont toujours marqués par les blessures provoquées par les guerres et les conflits, la haine ethnique, les mouvements irrédentistes et les conflits gelés qui pourraient bien éclater à nouveau. S’il est nécessaire d’encourager vivement ces pays à résoudre leurs différends bilatéraux les plus pressants avant leur adhésion à l’Union européenne, il faut avoir conscience qu’exiger avec insistance la résolution de toutes les questions en suspens pourrait retarder ce processus. Les inciter à rétablir leurs liens commerciaux et autres relations économiques pourrait favoriser la résolution des conflits et la croissance économique.

5.2.

Le CESE se réjouit des initiatives prises par les institutions éducatives et culturelles étatiques, les milieux universitaires et les organisations de la société civile en faveur de la réconciliation, des relations de bon voisinage et d’une approche critique du passé.

5.3.

Le CESE souligne que le renforcement des capacités des organisations de la société civile et des partenaires sociaux, y compris les associations professionnelles, et l’encouragement de la constitution de réseaux à tous les niveaux, parmi les organisations établies au sein de l’Union européenne et celles des bénéficiaires, devraient faciliter le processus d’intégration.

5.4.

Le CESE est d’avis que l’IAP III devrait permettre le financement des organisations de la société civile qui visent à améliorer l’espace civique nécessaire à l’engagement et à la participation. Le soutien aux infrastructures de la société civile ainsi qu’à ses plateformes et réseaux thématiques régionaux devrait être élargi dans le contexte de l’IAP III.

6.   Coopération régionale

6.1.

Les réseaux énergétiques et de transport devraient être un facteur de développement et d’interconnectivité pour la région. Ils permettraient de donner aux citoyens des candidats et candidats potentiels des Balkans occidentaux et de la Turquie une idée claire des avantages à retirer d’une adhésion à l’Union européenne sur le plan social, économique et environnemental. Par exemple, l’efficacité énergétique et les économies d’énergie sont des facteurs générateurs d’activité pour les entreprises et des facteurs de création d’emplois, aussi bien verts que traditionnels.

6.2.

Le CESE considère que l’aide de préadhésion devrait être octroyée en priorité aux institutions et initiatives qui créent des liens entre les candidats et candidats potentiels dans les domaines de l’énergie, des communications, de la numérisation, de l’innovation, des transports et de la protection de l’environnement. La coopération entre les villes de Kula, en Bulgarie, et Boljevac, en Serbie, désireuses d’acquérir des véhicules spécialisés, des drones de surveillance et des équipements de protection individuelle pour la lutte contre les feux de forêt, pourrait constituer un exemple de bonne pratique (7).

6.3.

Le CESE se félicite que le traité instituant une Communauté des transports ait été signé entre l’Union européenne et les candidats et candidats potentiels des Balkans occidentaux le 12 juillet 2017, et il encourage les parties à poursuivre dans cette voie. À cet égard, la Commission européenne, la Banque européenne d’investissement et les partenaires des Balkans occidentaux devraient concentrer leurs investissements sur le raccordement entre le réseau central du RTE-T et les infrastructures des Balkans occidentaux. Il est donc nécessaire, désormais, de prévoir un programme partagé qui recense les fonds disponibles et définisse un calendrier commun.

6.4.

L’amélioration des infrastructures permettra de réduire les coûts du transport et de l’énergie et facilitera la réalisation d’investissements importants dans la région ainsi que les échanges intrarégionaux. En outre, la promotion de la modernisation numérique et la réduction progressive des frais d’itinérance dans les Balkans occidentaux contribueront au développement des entreprises, à l’accroissement de la productivité et à l’amélioration de la qualité de vie. Le manque d’infrastructures n’est toutefois pas le principal obstacle à la coopération entre les partenaires des Balkans occidentaux. Les hostilités passées et la subsistance de conflits non résolus ont limité les possibilités de coopération et en ont réduit la portée. L’encouragement des projets de coopération transfrontière entre bénéficiaires de l’aide de préadhésion permettrait de remédier partiellement à ce problème.

6.5.

Les médias et autres modes de communication devraient être utilisés pour mettre en évidence la présence et l’importance des activités de l’Union européenne auprès des candidats et candidats potentiels. Il y aurait lieu, par ailleurs, de renforcer les capacités des fonctionnaires locaux en matière de gestion et de mise en œuvre des projets tout au long du processus d’adhésion à l’Union européenne.

7.   Observations particulières sur la proposition de règlement relatif à l’IAP III

7.1.

Le CESE estime que la proposition s’appuie sur les réalisations et les enseignements tirés des précédentes périodes de programmation et considère qu’elle est à même d’atteindre ses objectifs. Il réaffirme néanmoins que les candidats et candidats potentiels sont confrontés à des défis qui diffèrent sensiblement de ceux que rencontrent les États membres et qu’il est donc primordial de prévoir une bonne dose de flexibilité.

7.2.

Le CESE souscrit pleinement aux objectifs affichés de l’IAP III, mais il tient à souligner que ses effets directs sont difficiles à observer à court terme. Il recommande dès lors que la valeur ajoutée des interventions futures fasse l’objet d’une évaluation exhaustive sous l’angle du degré d’engagement, du poids politique et de la portée du message véhiculé pour la plupart des bénéficiaires. Il convient de saluer le fait que le soutien budgétaire octroyé au titre de la période de programmation actuelle a servi de catalyseur à des réformes institutionnelles et au renforcement du dialogue stratégique dans les pays bénéficiaires (par exemple la Serbie, le Monténégro et l’Albanie).

7.3.

Compte tenu de la situation difficile dans laquelle se trouvent la grande majorité des bénéficiaires, le CESE recommande de prévoir une simplification suffisante au moment de définir les exigences de documentation, et de mettre l’accent sur le soutien et sur l’appropriation des résultats par les bénéficiaires. À cette fin, il y a lieu de poursuivre les efforts visant à développer le mode de gestion indirecte avec le pays bénéficiaire et d’y adjoindre des initiatives en faveur du renforcement des capacités, afin d’aider les parties prenantes à s’engager de manière constructive dans le processus global de programmation.

7.4.

Le CESE juge nécessaire d’accroître la complémentarité de l’IAP III avec les actions financées à partir d’autres sources au niveau des candidats et candidats potentiels.

7.5.

Le CESE préconise l’adoption de mesures spéciales lors du processus de négociation à l’échelon national au niveau des candidats et candidats potentiels, de façon à surmonter les retards chroniques, goulets d’étranglement et inefficacités observés lors de la période de programmation actuelle. Il va de soi que le volume relativement limité des fonds alloués au titre de l’IAP par rapport aux budgets nationaux de certains des bénéficiaires, ainsi que la nécessité de parvenir à un consensus stable entre la Commission européenne et leurs institutions nationales, devraient être pris en considération et sous-tendre le dialogue stratégique.

8.   Bonnes pratiques

8.1.

Modèles pour l’introduction des candidatures: une plus grande simplification s’impose et, notamment, une unification au sein de l’IAP, mais aussi vis-à-vis des autres donateurs et des exigences énoncées dans les législations nationales. Les lignes directrices et instructions sont trop nombreuses: il doit être possible de les unifier, en résumant les spécificités dans un chapitre séparé.

8.2.

Les qualifications, connaissances et compétences des pouvoirs adjudicateurs, y compris les organes de contrôle et d’audit, devraient être améliorées, en particulier pour ce qui est des questions qui nécessitent une interprétation et pour lesquelles le délai de réponse est élevé.

8.3.

Certains régimes de subventions sont assortis d’exigences excessives, extrêmement contraignantes pour le commun des candidats, concernant l’analyse de l’environnement dans lequel s’inscrit le projet, la situation dans les régions, etc. La démarche pourrait être inversée: les autorités adjudicatrices pourraient faire appel à des experts pour réaliser de telles analyses et évaluer la viabilité d’un projet.

8.4.

Une approche plus conviviale des candidats: les dossiers de candidature pourraient être examinés à l’avance ou être consultés par des responsables des administrations concernées (ou des fournisseurs d’assistance technique), et un délai supplémentaire devrait être accordé pour le respect des exigences administratives.

8.5.

Avenants aux contrats: il convient d’assurer une certaine flexibilité et un traitement plus rapide. La définition d’un programme couvre généralement une période d’un à deux ans, suivie d’une longue procédure de dépôt et de traitement des candidatures: il faudra donc prévoir des possibilités d’amender les contrats de manière flexible.

8.6.

Relations publiques, stratégie de marque et visibilité: les exigences en la matière pourraient être simplifiées et optimisées. La visibilité des projets financés par l’Union européenne devrait en outre être renforcée.

8.7.

Il convient de modifier les fiches secteur et les fiches projet concernant les valeurs cibles des indicateurs, afin de les synchroniser avec la période de mise en œuvre effective.

8.8.

Les contrats de réforme sectorielle contribueront à la mise en œuvre des réformes stratégiques et à l’obtention de résultats propres à chaque secteur. Il pourrait notamment être envisagé, dans le cadre de l’IAP III, de recruter du personnel qualifié au sein de la structure opérationnelle et de fournir en permanence à celle-ci une aide technique adéquate. L’appropriation de la procédure par les principales parties prenantes devrait être renforcée. Défis en matière de programmation: le séquençage des contrats dans le programme pourrait entraîner un dépassement des délais, et de nombreux problèmes pourraient voir le jour par la suite lors du processus de mise en œuvre.

8.9.

Les risques potentiels qui sont apparus lors de la période de référence de l’IAP II ont mis en évidence la nécessité d’assurer les engagements ainsi qu’une coopération et une coordination interministérielles efficaces. Celle-ci résulte de la complexité des interventions et du partage des responsabilités entre différentes institutions nationales, compte tenu du fait que les réformes envisagées relèvent de différents secteurs gouvernementaux.

8.10.

Les problèmes rencontrés dans le cadre des projets lors des préparatifs liés aux marchés publics et aux contrats prennent principalement la forme de difficultés à respecter les conditions préalables, de problèmes de coordination et de séquençage avec les autres projets ou contrats connexes, mais aussi de capacités trop limitées qui ne permettent pas de préparer dans les délais impartis un dossier d’appel d’offres de qualité.

8.11.

Du point de vue de l’adjudication, les principaux enseignements qui doivent être davantage pris en considération sont les suivants: les capacités insuffisantes dues aux effectifs fluctuants des institutions bénéficiaires; la piètre qualité de la documentation fournie par les bénéficiaires; le manque d’expertise pratique spécialisée en interne pour les projets complexes; la nécessité de renforcer l’appropriation de la procédure par les principales parties prenantes; le séquençage difficile des contrats dans le programme, qui peut conduire au non-respect du contrat et/ou des délais de mise en œuvre; le respect en temps opportun des conditions préalables, etc.

8.12.

Un problème fréquent a trait à la différence entre les indicateurs inclus dans la fiche secteur/fiche projet initiale et les valeurs ultérieures, à la fin de la période de référence du programme. Dans certains cas, la qualité et la portée des indicateurs sont en outre inadaptées, ce qui empêche de contrôler efficacement l’exécution du programme.

8.13.

Le contenu de certains contrats gérés par des autorités décentralisées dépend des résultats des contrats précédents conclus par les pouvoirs adjudicateurs à l’échelon central. Il existe donc un risque que l’adjudication et l’exécution des contrats gérés par les autorités décentralisées ne puissent avoir lieu en temps opportun.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis du CESE sur le thème «Instrument d’aide de préadhésion/Instrument européen de voisinage» (JO C 11 du 15.1.2013, p. 77).

(2)  Les principes fondamentaux de la stratégie de l’Union envers les Balkans occidentaux ont été présentés par la Commission le 6 février 2018 dans sa communication intitulée «Une perspective d’élargissement crédible ainsi qu’un engagement de l’Union européenne renforcé pour les Balkans occidentaux», COM(2018) 65 final.

(3)  https://ec.europa.eu/europeaid/evaluation-instrument-pre-accession-assistance-ipa-ii-draft-report_en

(4)  Voir la note de bas de page no 1.

(5)  http://www.europarl.europa.eu/legislative-train/theme-towards-a-new-policy-on-migration/file-eu-turkey-statement-action-plan

(*1)  Cette désignation est sans préjudice des positions sur le statut et est conforme à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi qu’à l’avis de la CIJ sur la déclaration d’indépendance du Kosovo.

(6)  Avis du CESE sur «La cohésion économique et sociale et l’intégration européenne des Balkans occidentaux — défis et priorités» (JO C 262 du 25.7.2018, p. 15).

(7)  https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/3/2018/EN/C-2018-3051-F1-EN-MAIN-PART-1.PDF


22.3.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 110/163


Avis du Comité économique et social européen sur «L’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale et l’instrument relatif à la coopération en matière de sûreté nucléaire»

[COM(2018) 460 final — 2018/0243 (COD)]

(2019/C 110/29)

Rapporteur:

Cristian PÎRVULESCU

Consultation

Parlement européen, 2.7.2018

Commission européenne, 12.7.2018

Conseil de l’Union européenne, 18.7.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

Article 206 du traité Euratom

 

 

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

23.11.2018

Adoption en session plénière

12.12.2018

Session plénière no

539

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

176/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.   Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale

1.1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient les objectifs généraux et spécifiques de la proposition et considère comme souhaitable et utile la rationalisation des instruments utilisés dans le cadre des relations avec le voisinage et les pays tiers. L’Union européenne doit développer avec ces derniers une relation constructive, réaliste et pragmatique, dans le cadre de laquelle les valeurs devraient occuper une place centrale.

1.1.2.

Le Comité économique et social européen prend acte de la détermination, manifeste dans la proposition à l’examen, de la Commission, des autres institutions européennes et des États membres à soutenir le développement de la société civile, de la démocratie et des systèmes de protection des droits de l’homme. Le fonctionnement du nouvel instrument consolidé devrait être, à chaque étape, de la planification au suivi et à l’évaluation, axé sur la promotion des valeurs de l’Union européenne, notamment l’état de droit, l’intégrité, le pluralisme, la démocratie et la protection des droits de l’homme. À cet égard, le Comité demande instamment à la Commission européenne de revoir substantiellement à la hausse la dotation des programmes thématiques consacrés aux droits de l’homme et à la démocratie et aux organisations de la société civile.

1.1.3.

Le Comité soutient l’objectif de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, qui est de défendre et de promouvoir les valeurs et les intérêts de l’Union à travers le monde afin de poursuivre les objectifs et d’appliquer les principes de son action extérieure. La communication indique en outre que lors de la mise en œuvre du règlement à l’examen, la cohérence avec les autres domaines de l’action extérieure et avec d’autres politiques pertinentes de l’Union européenne sera assurée, comme le prévoit le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (ci-après «Programme à l’horizon 2030»). Cela implique de prendre en considération l’incidence de toutes les politiques sur le développement durable à tous les niveaux: au niveau national, au sein de l’Union européenne, dans les autres pays et au niveau mondial.

1.1.4.

Le Comité profite de l’occasion pour rappeler à l’Union européenne que le programme à l’horizon 2030 prévoit un monde dans lequel tous les pays, en tenant compte des différents niveaux de développement national et des différentes capacités, jouissent d’une croissance économique soutenue, partagée et durable, du développement social, avec notamment un travail décent pour tous, ainsi que de la protection de l’environnement. Un monde dans lequel la démocratie, la bonne gouvernance et l’état de droit, ainsi qu’un environnement favorable aux niveaux national et international sont des éléments essentiels pour le développement durable.

1.1.5.

Soutenir le plan d’action pour l’humanité, la planète et la prospérité du programme à l’horizon 2030 est une responsabilité de premier plan qui exige d’accorder une attention accrue aux instruments de soutien, à leur organisation ainsi qu’à leur ancrage dans les réalités difficiles de la politique mondiale. La rationalisation et l’unification des instruments utilisés constituent un grand pas en avant vers une action globale centrée sur les priorités et efficace par rapport aux objectifs poursuivis. Il n’est pas rare que l’Union européenne soit en mesure d’agir résolument en faveur des groupes et des personnes les plus vulnérables. Il s’agit d’une responsabilité qui doit être poursuivie et assumée.

1.1.6.

Les pays voisins et les pays tiers sont confrontés à une série de problèmes majeurs, divers et qui se superposent. Dans le contexte mondial actuel, où les réformes en faveur de la démocratisation, de la stabilisation politique et du développement économique semblent être dans une impasse, il est nécessaire que l’Union européenne ne renonce pas à ses efforts mais, au contraire, qu’elle les intensifie. Il importe que l’Union européenne maintienne un contact permanent avec les gouvernements des pays de son voisinage et des pays tiers, afin de les motiver et de les encourager à coopérer de manière responsable. La relation de partenariat avec ces gouvernements doit être solide, affirmée et résolument tournée vers l’amélioration des conditions de vie des citoyens de ces pays.

1.1.7.

Le CESE souhaite que l’Union européenne joue un rôle actif d’ici à 2030, afin de contribuer à la fin de la pauvreté et de la faim, de lutter contre les inégalités entre les pays et en leur sein, de bâtir des sociétés pacifiques, justes et inclusives, de protéger les droits de l’homme et de promouvoir l’égalité des sexes et l’émancipation des femmes et des filles, et de garantir la protection durable de la planète et de ses ressources naturelles.

1.1.8.

Le CESE se félicite de la réduction de la charge administrative pesant sur les institutions de l’Union européenne et les États membres, ainsi que de l’attention accrue accordée dans la proposition à l’examen aux objectifs politiques et à l’engagement vis-à-vis des partenaires extérieurs. Le Comité salue et soutient les avancées significatives mises en avant dans la proposition: une simplification et une flexibilité accrues, et un meilleur suivi des résultats.

1.1.9.

Le Comité se réjouit de l’extension des compétences budgétaires et de contrôle du Parlement européen grâce à l’intégration dans le budget de l’Union des activités actuellement financées par le Fonds européen de développement (FED).

1.1.10.

Le Comité encourage la Commission européenne à consolider les avancées et les progrès réalisés grâce aux instruments précédents. L’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme, par exemple, a reconnu l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels, et promu le dialogue social (1). Les organisations de la société civile luttant pour la liberté, la démocratie, les droits de l’homme et des processus électoraux équitables ont été soutenues malgré l’attitude hostile de certains gouvernements à leur égard. Il y a lieu de poursuivre et de promouvoir cet engagement.

1.1.11.

Le Comité souligne l’importance de l’existence de processus électoraux et démocratiques dans le voisinage et les pays tiers, et encourage la Commission européenne à faire du développement d’institutions électorales fortes et indépendantes une priorité. Les institutions de l’Union européenne devraient travailler plus étroitement avec la commission de Venise, le Conseil de l’Europe, l’OSCE et les réseaux d’experts électoraux de manière à donner corps au soutien crucial qu’elles apportent en faveur de processus électoraux équitables et solides.

1.1.12.

Le Comité encourage les États membres à coopérer pleinement, en s’appuyant sur les relations qu’ils entretiennent de longue date avec le voisinage et les pays tiers, afin de renforcer les performances de l’instrument.

1.1.13.

Le Comité soutient les recommandations formulées dans l’avis élaboré par le Comité des régions et encourage également la Commission à veiller dans toutes circonstances à ce que les parties prenantes, notamment les autorités locales et régionales, soient dûment consultées et aient accès en temps voulu aux informations dont elles ont besoin pour pouvoir jouer un rôle utile dans les processus de conception, de mise en œuvre et de suivi connexe des programmes. Par ailleurs, le Comité souligne que la démocratie à l’échelon infranational devrait figurer parmi les principes directeurs, l’échelon local et régional étant celui où les citoyens peuvent le plus directement faire l’expérience de la démocratie.

1.2.   Instrument relatif à la coopération en matière de sûreté nucléaire

1.2.1.

En ce qui concerne l’instrument européen en matière de sûreté nucléaire, après la catastrophe nucléaire de Fukushima, il est devenu évident que les problèmes et les risques liés à l’utilisation de l’énergie nucléaire sont de nature mondiale. Malheureusement, la proposition ne donne pas à la suite du niveau stratégique et politique à la demande légitime, émanant de citoyens, de la société civile et du secteur privé, en faveur d’une planification à long terme pour l’énergie nucléaire.

1.2.2.

Le Comité se félicite de l’intention de la Commission d’inclure les activités dans le domaine nucléaire qui sont en conformité avec la politique de coopération au développement et de coopération internationale pour la santé, l’agriculture et l’industrie et des projets sociaux qui s’intéressent aux conséquences d’un éventuel accident nucléaire. Toutefois, il n’apparaît pas clairement comment le budget disponible et le cadre institutionnel en place seront en mesure de mettre cette intention en pratique.

1.2.3.

L’Agence internationale de l’énergie atomique joue un rôle de premier plan et devrait assumer la responsabilité de garantir la transparence et l’avertissement précoce s’agissant du développement de nouvelles centrales nucléaires à travers le monde. Il convient que l’Union coopère pleinement avec les organisations et les institutions mondiales afin de promouvoir la sûreté nucléaire.

1.2.4.

Des efforts renouvelés s’imposent pour s’assurer que les sites existants et planifiés dans le voisinage européen fonctionnent conformément à des normes de transparence et de sûreté strictes. Le CESE invite tous les États membres à soutenir ces efforts et à faire de la sûreté nucléaire un objectif majeur dans le cadre des relations bilatérales et multilatérales avec les pays partenaires.

1.2.5.

En outre, compte tenu des grands défis mondiaux liés à l’énergie nucléaire, et de la présence de nombreux sites nucléaires dans son voisinage, le Comité considère comme tout à fait insuffisante l’enveloppe financière de 300 millions d’EUR en prix courants prévue pour la mise en œuvre du règlement à l’examen pour la période 2021-2027.

2.   Observations générales

2.1.   Contexte de la proposition — Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale

2.1.1.

La communication fixe les grandes priorités et le cadre budgétaire général des programmes d’action extérieure de l’Union européenne relevant de la rubrique «Voisinage et le monde», notamment l’instauration de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale.

2.1.2.

Grâce à la présente proposition, l’Union européenne continuera à jouer un rôle actif en matière de droits humains, de stabilisation, de développement, de sécurité, de lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière, de commerce, de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement entre autres. Toutefois, elle sera en mesure de le faire d’une manière plus complète, tout en offrant plus de flexibilité pour acheminer les ressources là où elles sont nécessaires compte tenu des changements du contexte international.

2.1.3.

La proposition à l’examen fournit un cadre propice à la mise en œuvre des politiques en matière d’action extérieure et des obligations internationales. Les obligations internationales incluent le programme de développement durable à l’horizon 2030, l’accord de Paris relatif aux changements climatiques, le programme d’action d’Addis-Abeba, le cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) et la résolution 2282 (2016) du Conseil de sécurité des Nations unies relative à la pérennisation de la paix. Au sein de l’Union, le cadre politique inclut les dispositions du traité relatives à l’action extérieure, qui sont exposées plus en détail au travers de la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, le nouveau consensus européen pour le développement, le partenariat Afrique-UE renouvelé et le réexamen de la politique européenne de voisinage, entre autres documents d’orientation. Le règlement servira aussi de cadre pour la mise en œuvre du partenariat qui remplacera l’accord de Cotonou actuellement en vigueur, qui établit une association et un partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et l’Union européenne et ses États membres.

2.1.4.

L’analyse d’impact a également conclu que la plupart des instruments, à l’exception de ceux dont la base juridique et les objectifs sont très spécifiques, tels que l’aide humanitaire avec le principe de neutralité qui lui est associé, pouvaient être fusionnés en un seul. Sont ainsi concernés: le règlement commun de mise en œuvre, l’instrument de financement de la coopération au développement, le Fonds européen de développement, le Fonds européen pour le développement durable, le mandat de prêt extérieur, l’instrument européen de voisinage, l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme, le Fonds de garantie, l’instrument contribuant à la stabilité et à la paix et l’instrument de partenariat. Les instruments qui devraient rester distincts sont: l’instrument d’aide de préadhésion, l’aide humanitaire, le budget de la politique étrangère et de sécurité commune, les pays et territoires d’outre-mer, y compris le Groenland, le mécanisme de protection civile de l’Union, l’initiative des volontaires de l’aide de l’Union européenne, le soutien à la communauté chypriote turque, la réserve d’aide d’urgence et la nouvelle facilité européenne pour la paix.

2.1.5.

Réorganiser plusieurs instruments en un seul instrument de large portée donnera la possibilité de rationaliser les systèmes de gestion et de contrôle et de réduire ainsi la charge administrative qui pèse sur les institutions et les États membres de l’Union européenne. Plutôt que de concentrer les efforts sur des procédures de programmation multiples, les débats devraient privilégier les objectifs politiques et l’engagement vis-à-vis des partenaires extérieurs. En outre, les actions bénéficiant de financements cumulatifs au titre de différents programmes de l’Union ne feront l’objet que d’un seul audit qui couvre tous les programmes concernés et leurs règles applicables respectives.

2.1.6.

La simplification n’implique pas une surveillance ou une responsabilité moins rigoureuses. L’équilibre interinstitutionnel serait pleinement préservé. Au contraire, les pouvoirs budgétaires et le droit de regard du Parlement européen seraient étendus grâce à l’intégration dans le budget de l’Union des activités actuellement financées par le FED.

2.1.7.

L’enveloppe financière est ventilée comme suit:

a)

un montant de 68 000 000 000 EUR est alloué aux programmes géographiques:

au moins 22 000 000 000 EUR pour le voisinage européen,

au moins 32 000 000 000 EUR pour l’Afrique subsaharienne,

10 000 000 000 EUR pour l’Asie et le Pacifique,

4 000 000 000 EUR pour les Amériques et les Caraïbes;

b)

un montant de 7 000 000 000 EUR est alloué aux programmes thématiques:

1 500 000 000 EUR pour les droits de l’homme et la démocratie,

1 500 000 000 EUR pour les organisations de la société civile,

1 000 000 000 EUR pour la stabilité et la paix,

3 000 000 000 EUR pour les défis mondiaux,

c)

un montant de 4 000 000 000 EUR est alloué aux opérations de réaction rapide.

2.1.8.

La réserve pour les défis et priorités émergents, d’un montant de 10 200 000 000 EUR, augmente les montants visés à l’article 6, paragraphe 2, conformément à l’article 15.

2.1.9.

Dans le cadre du processus d’affectation des ressources, la priorité doit être accordée aux pays qui ont le plus besoin d’aide, en particulier aux pays les moins avancés, aux pays à faible revenu et aux pays en situation de crise, d’après-crise, de fragilité ou de vulnérabilité, et notamment aux petits États insulaires en développement.

2.1.10.

Les programmes relatifs à la stabilité, à la paix, aux droits humains et à la démocratie, ainsi que les actions en matière de réaction rapide sont ouverts aux entités de tous les pays en raison de l’intérêt qu’a l’Union de disposer de l’offre la plus large possible à la lumière de la portée mondiale des actions, des circonstances difficiles dans lesquelles l’aide est fournie et de la nécessité d’agir rapidement. Les organisations internationales sont aussi éligibles.

2.1.11.

Le nouveau consensus européen pour le développement (ci-après le «consensus»), signé le 7 juin 2017, constitue le cadre d’une approche commune de l’Union et de ses États membres en matière de coopération au développement afin de mettre en œuvre le programme à l’horizon 2030 et le programme d’action d’Addis-Abeba. L’éradication de la pauvreté, la lutte contre les discriminations et les inégalités, la volonté de ne laisser personne de côté et le renforcement de la résilience sont au cœur de la politique en matière de coopération au développement.

2.1.12.

En particulier, comme approuvé dans le consensus, les actions menées au titre du présent règlement devraient contribuer à ce qu’un montant représentant 20 % de l’aide publique au développement financée au titre du présent règlement soit consacré à l’inclusion sociale et au développement humain, notamment à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes.

2.1.13.

Afin de garantir que les ressources vont là où elles sont le plus nécessaires, en particulier dans les pays les moins avancés et dans les États fragiles ou touchés par un conflit, le présent règlement devrait contribuer à l’objectif fixé collectivement consistant à consacrer 0,20 % du revenu national brut de l’Union aux pays les moins avancés dans le délai prévu par le programme à l’horizon 2030.

2.1.14.

Le présent règlement devrait traduire la nécessité de se concentrer sur les priorités stratégiques au niveau tant géographique (le voisinage européen et l’Afrique, ainsi que les pays fragiles et les plus démunis) que thématique (sécurité, migration, changement climatique et droits de l’homme).

2.1.15.

La politique européenne de voisinage, telle que révisée en 2015, vise la stabilisation des pays du voisinage européen et le renforcement de la résilience, en particulier en parvenant à un équilibre entre les trois dimensions, économique, sociale et environnementale, du développement durable. Pour atteindre son objectif, la politique européenne de voisinage révisée met l’accent sur quatre domaines d’action prioritaires: la bonne gouvernance, la démocratie, l’état de droit et les droits de l’homme, en insistant particulièrement sur un accroissement du soutien apporté à la société civile; le développement économique, la sécurité, les migrations et la mobilité, y compris le traitement des causes profondes des migrations irrégulières et des déplacements forcés de populations.

2.1.16.

Alors que la démocratie et les droits de l’homme, y compris l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, devraient être pris en considération tout au long de la mise en œuvre du présent règlement, l’aide de l’Union fournie au titre des programmes thématiques consacrés aux droits de l’homme et à la démocratie et aux organisations de la société civile devrait jouer un rôle spécifique complémentaire et supplémentaire en raison de son caractère international et du fait qu’elle peut être octroyée sans solliciter le consentement des gouvernements et des autorités publiques des pays tiers concernés.

2.1.17.

Les organisations de la société civile devraient englober un vaste éventail d’acteurs ayant des rôles et des mandats différents, parmi lesquels toutes les structures non étatiques, à but non lucratif, non partisanes et non violentes, dans le cadre desquelles des personnes s’organisent pour poursuivre des objectifs et des idéaux communs, qu’ils soient politiques, culturels, sociaux ou économiques. Agissant à l’échelon local, national, régional ou international, elles comprennent des organisations urbaines et rurales, formelles et informelles.

2.1.18.

Le règlement à l’examen devrait permettre à l’Union de relever les défis, de répondre aux besoins et de tirer parti des possibilités liés à la migration, en complémentarité avec la politique de l’Union dans ce domaine et son engagement dans le cadre du programme à l’horizon 2030. Cet engagement (ODD 10.7) reconnaît que les migrants contribuent positivement à la croissance inclusive et au développement durable, et que les migrations internationales constituent une réalité pluridimensionnelle qui présente une grande importance pour le développement des pays d’origine, de transit et de destination et qui demande des réponses cohérentes et globales. Elle s’est en outre engagée à coopérer au niveau international pour «assurer une migration sans danger, ordonnée et légale, dans le respect total des droits humains et du traitement humain des migrants, indépendamment de leur statut de migration, des réfugiés et des personnes déplacées. Cette coopération devrait également renforcer la résilience des communautés qui accueillent des réfugiés.

2.2.   Observations particulières

2.2.1.

Les objectifs de développement durable (ODD) offrent une bonne base pour renforcer la cohérence entre les politiques intérieures et extérieures et le Comité estime qu’il est important, pour conjuguer les efforts et leur donner une orientation stratégique, de se concentrer sur les ODD 16.3, 16.6 et 16.7, et de promouvoir la démocratie, l’état de droit, des institutions transparentes et une prise de décision participative et représentative.

2.2.2.

Le nouvel instrument a pour avantage de favoriser la cohérence des mesures et des actions extérieures. Cette cohérence doit être encouragée tant au niveau de la gouvernance européenne de l’instrument qu’à celui des pays du voisinage et des pays tiers. Les administrations de ces différents pays, aux échelons central et local, n’ont pas toutes le même degré de préparation s’agissant de coordonner et de mettre en œuvre les programmes. Il serait judicieux de mettre en place des formes de coordination opérationnelle des activités au niveau de chaque gouvernement, avec l’aide de l’Union européenne et le soutien et la participation de la société civile et des acteurs sociaux.

2.2.3.

La diversité des défis et des besoins dans les pays partenaires rend nécessaire de mettre en place des processus de planification renforcés pour chaque pays. Cet état de fait est reconnu dans les modalités de mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 et l’ODD 17, qui dispose que «L’ampleur et la portée du nouveau programme appellent un partenariat mondial revitalisé qui en assurera la mise en œuvre. Ce partenariat fonctionnera dans un esprit de solidarité mondiale. Il facilitera un engagement mondial fort au service de la réalisation de tous les objectifs et cibles, rassemblant ainsi les gouvernements, le secteur privé, la société civile et les autres acteurs concernés et mobilisant toutes les ressources disponibles».

2.2.4.

Le Comité estime souhaitable qu’un tel processus soit établi et qu’il débouche sur l’élaboration d’un plan intégré pour chaque pays, lequel ferait l’objet d’un consensus politique et serait prioritaire au niveau administratif. Ce plan assurera, dans la pratique, les synergies et les complémentarités, et facilitera le recensement des actions et l’évaluation de l’impact de l’aide européenne dans les pays partenaires.

2.2.5.

Le CESE considère qu’il convient d’accorder la priorité aux efforts de simplification des procédures administratives et financières, de manière à faciliter considérablement l’accès des organisations de la société civile et des autorités locales aux aides européennes.

2.2.6.

Le CESE soutient la position selon laquelle le montant alloué à l’action extérieure ne devrait pas être inférieur à la somme du Fonds européen de développement et des autres instruments de financement extérieur combinés. Il est également favorable au transfert des mécanismes de flexibilité du FED au budget de l’Union européenne.

2.2.7.

Le Comité économique et social européen attire l’attention sur l’importance de l’ODD 16 et, plus particulièrement, de la structure de gouvernance et des procédures décisionnelles du nouvel instrument. En sa qualité d’institution représentative de la société civile organisée européenne et fort de son expertise et de ses contacts dans de nombreux pays du voisinage et pays tiers, le Comité propose de jouer un rôle dans le cadre de cet instrument, à chaque étape du développement des mesures et des projets qui seront mis en œuvre.

2.2.8.

Le CESE souhaite que le remplacement de l’instrument européen existant pour la démocratie et les droits de l’homme, qui soutient l’ODD 16 et plus spécifiquement les interventions ayant trait aux droits humains, aux libertés fondamentales et à la démocratie dans les pays tiers, n’affecte en rien la portée et la structure de ces interventions mais, au contraire, les renforce.

2.2.9.

Le Comité économique et social européen a conscience de l’urgence d’agir au niveau national et international pour lutter contre le changement climatique, et soutient l’objectif de l’Union de consacrer au moins 25 % de son budget à cet effet.

2.2.10.

Le Comité souhaite rappeler la déclaration du programme à l’horizon 2030 sur l’interdépendance et le caractère intégré des ODD, qui sont d’une importance cruciale pour s’assurer que le programme atteigne son objectif. Le Comité préconise la création de programmes transversaux, couvrant plusieurs domaines d’action pertinents et capables de produire des résultats concrets dans les pays tiers. À titre d’exemple, les changements climatiques ont des répercussions négatives sur les activités agricoles en Afrique subsaharienne. L’impossibilité de développer ces activités entraîne la dislocation des communautés et constitue une cause majeure d’émigration vers l’Europe. Concrètement, ces personnes peuvent être considérées comme des «réfugiés climatiques», ce qui requiert une réponse complexe fondée principalement sur des mesures visant à stopper la désertification, mais aussi sur des programmes d’aide destinés tant aux personnes en danger qu’à celles ayant décidé d’émigrer.

2.2.11.

Il convient d’assister les pays tiers qui sont également des pays d’origine de migrants et de réfugiés dans leurs efforts visant à améliorer leurs capacités et leurs infrastructures économiques, et de les aider à relever les principaux défis, de nature économique, politique, sociale et environnementale. L’instrument devrait contribuer à remédier aux causes profondes des migrations, particulièrement concernant les réfugiés, et utiliser de manière stratégique les ressources existantes afin de promouvoir la paix, la stabilité, la démocratie et la prospérité dans les pays partenaires.

2.2.12.

Le Comité prend acte du fait que 10 % de son enveloppe financière sont consacrés à la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés de populations, et au soutien de la gestion et de la gouvernance de la migration, notamment la protection des droits des réfugiés et des migrants dans le cadre des objectifs du présent règlement. Le Comité profite de l’occasion pour rappeler à l’Union européenne et à ses États membres qu’ils doivent honorer leurs obligations internationales en ce qui concerne les migrants.

2.2.13.

Comme pour le processus de planification mentionné précédemment, le CESE recommande de prévoir une perspective par pays également dans le cadre du suivi, de l’évaluation et de l’établissement des rapports sur la mise en œuvre du règlement. Le regroupement des mesures et des indicateurs par pays peut aider à recenser les synergies et les complémentarités — ou, à l’inverse, à en souligner l’absence — et à évaluer dans quelle mesure elles sont en phase avec les objectifs fondamentaux de la politique de l’Union.

2.2.14.

D’une manière générale, le Comité encourage la Commission européenne à s’assurer dans tous les cas que les parties prenantes concernées des pays partenaires, y compris les organisations de la société civile et les autorités locales, soient dûment consultées et aient accès en temps voulu aux informations dont elles ont besoin pour pouvoir jouer un rôle utile dans les processus de conception, de mise en œuvre et de suivi connexe des programmes.

2.2.15.

Le recours au principe d’appropriation en ce qui concerne les pays partenaires est une bonne chose et l’utilisation des systèmes en vigueur dans ces pays pour la mise en œuvre des programmes est la voie à suivre. Toutefois, il convient de préciser que ces systèmes ne pourront être utilisés que si les conditions appropriées sont assurées et si des garanties crédibles existent quant à leur efficacité, intégrité et impartialité.

2.2.16.

En ce qui concerne la programmation des programmes géographiques et la création d’un cadre de coopération spécifique et adapté, le Comité recommande à la Commission européenne de prendre non seulement en considération les indicateurs nationaux, mais aussi de se concentrer sur les communautés définies territorialement qui risquent d’être oubliées. Dans de nombreux cas, les communautés rurales ou éloignées des capitales et des centres urbains peuvent être en situation grave de précarité et de vulnérabilité. Elles devraient d’abord devenir visibles et être prises en compte dans le processus de planification.

2.2.17.

La programmation des programmes géographiques devrait également tenir compte de la situation des communautés et des groupes non-territoriaux susceptibles d’être confrontés à des problèmes sérieux, comme par exemple les jeunes, les personnes âgées ou handicapées ainsi que d’autres catégories.

2.3.   Contexte de la proposition — Instrument européen en matière de sûreté nucléaire

2.3.1.

L’objectif du nouvel instrument européen en matière de sûreté nucléaire est de promouvoir la mise en place de normes de sûreté nucléaire efficaces et efficientes dans les pays tiers conformément à l’article 206 du traité Euratom, en s’appuyant sur l’expérience des opérations en matière de sûreté nucléaire au sein de la Communauté Euratom.

2.3.2.

Le règlement à l’examen a pour objectif de compléter les opérations de coopération nucléaire qui sont financées au titre du [règlement IVCDCI], en particulier en vue de soutenir la promotion d’un niveau élevé de sûreté nucléaire et de radioprotection ainsi que l’application de contrôles de sécurité efficaces des matières nucléaires dans les pays tiers, sur la base des opérations menées au sein de la Communauté et conformément aux dispositions du règlement et de son annexe. Le règlement à l’examen vise en particulier à:

a)

promouvoir une véritable culture en matière de sûreté nucléaire et mettre en œuvre les normes les plus strictes en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, et améliorer constamment la sûreté nucléaire;

b)

gérer de manière responsable et sûre le combustible usé et les déchets radioactifs, et déclasser et assainir d’anciens sites et installations nucléaires;

c)

établir des systèmes de sauvegarde efficaces et efficients.

2.3.3.

Il convient d’assurer la compatibilité et la complémentarité des actions financées au titre de la proposition à l’examen avec celles qui sont menées au titre de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale qui couvre les opérations nucléaires, de l’instrument d’aide de préadhésion, de la décision concernant les pays et territoires d’outre-mer, de la politique étrangère et de sécurité commune et de la facilité européenne pour la paix, récemment proposée, qui n’est pas financée par le budget de l’Union européenne.

2.3.4.

L’industrie nucléaire de l’Union européenne opère sur un marché mondial d’une valeur de trois mille milliards d’EUR jusqu’en 2050 et emploie directement un demi-million de personnes. Dans 14 États membres, 129 réacteurs nucléaires sont actuellement en service, et dix d’entre eux prévoient de construire de nouveaux réacteurs. L’Union européenne dispose des normes juridiquement contraignantes les plus avancées en matière de sûreté nucléaire dans le monde et la part des entreprises européennes dans la production mondiale de combustible nucléaire est considérable. (communiqué de presse du CESE «Le CESE demande instamment à l’Union européenne d’adopter une stratégie nucléaire plus globale (PINC)», no 58/2016, 22/09/2016)

2.4.   Observations particulières

2.4.1.

Le CESE se félicite de cette proposition, qui prend la forme d’un règlement afin de garantir son application uniforme, son caractère contraignant dans tous ses éléments et son applicabilité directe. L’Union et la Communauté sont en mesure de compléter les activités des États membres dans la gestion de situations potentiellement dangereuses ou en cas d’interventions particulièrement coûteuses. Cela relève même de leur responsabilité. Comme l’indique la proposition, dans certains domaines où les États membres ne sont pas prompts à agir, l’Union et la Communauté restent les principaux, et parfois les seuls, acteurs à intervenir.

2.4.2.

Après la catastrophe nucléaire de Fukushima, il est devenu évident que les problèmes et les risques liés à l’utilisation de l’énergie nucléaire sont de nature mondiale. L’Union européenne a un profil unique, ce qui en fait l’un des principaux acteurs responsables et dotés des ressources nécessaires de l’effort mondial en faveur tant de la sûreté nucléaire que des technologies énergétiques propres.

2.4.3.

Malheureusement, la proposition ne donne pas à la suite du niveau stratégique et politique à la demande légitime, émanant de citoyens, de la société civile et du secteur privé, en faveur d’une planification à long terme pour l’énergie nucléaire. La manière dont l’Union européenne mobilisera ses ressources pour faire face aux principaux défis dans le domaine de l’énergie nucléaire, à la lumière des préoccupations et des besoins croissants concernant une énergie propre et abordable dans l’Union européenne et dans le monde, n’apparaît pas clairement.

2.4.4.

L’Agence internationale de l’énergie atomique joue un rôle de premier plan et devrait assumer la responsabilité de garantir la transparence et l’avertissement précoce s’agissant du développement de nouvelles centrales nucléaires à travers le monde. Il convient que l’Union coopère pleinement avec les organisations et les institutions mondiales afin de promouvoir la sûreté nucléaire.

2.4.5.

L’Union devrait favoriser les normes les plus rigoureuses en matière de sûreté nucléaire et veiller à ce que les procédures européennes, meilleures pratiques et technologies les plus avancées soient promues au niveau mondial, de manière à garantir que les nouvelles installations et les nouveaux réacteurs planifiés soient sûrs.

2.4.6.

Des efforts renouvelés s’imposent pour s’assurer que les sites existants et planifiés dans le voisinage européen fonctionnent conformément à des normes de transparence et de sûreté strictes. Le CESE invite tous les États membres à soutenir ces efforts et à faire de la sûreté nucléaire un objectif majeur dans le cadre des relations bilatérales et multilatérales avec les pays partenaires.

2.4.7.

Le CESE maintient son point de vue selon lequel la Commission européenne omet de réfléchir aux questions sensibles de la compétitivité de l’énergie nucléaire, de sa contribution à la sécurité d’approvisionnement, des objectifs en matière de changement climatique et de carbone, et de sa sécurité, ainsi qu’aux questions de transparence et de préparation aux situations d’urgence, dans sa proposition de programme indicatif nucléaire pour la Communauté (PINC) concernant les objectifs de production et d’investissement dans le domaine nucléaire (2).

2.4.8.

Le Comité se félicite de l’intention de la Commission de veiller à la cohérence et à la complémentarité avec l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale, notamment par la mise en œuvre d’activités dans le domaine nucléaire qui sont complémentaires des objectifs plus larges dudit instrument, principalement les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire en conformité avec la politique de coopération au développement et de coopération internationale pour la santé, l’agriculture et l’industrie et des projets sociaux qui s’intéressent aux conséquences d’un éventuel accident nucléaire. Toutefois, il n’apparaît pas clairement comment le budget disponible et le cadre institutionnel en place seront en mesure de mettre cette intention en pratique.

2.4.9.

Compte tenu des grands défis mondiaux liés à l’énergie nucléaire, et de la présence de nombreux sites nucléaires dans son voisinage, le Comité considère comme tout à fait insuffisante l’enveloppe financière de 300 millions d’EUR en prix courants prévue pour la mise en œuvre du règlement à l’examen pour la période 2021-2027.

Bruxelles, le 12 décembre 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur «L’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme (IEDDH)», rapporteur: M. Iuliano (JO C 182 du 4.8.2009, p. 13); avis du Comité économique et social européen sur le thème «Instrument de financement de la coopération au développement de l’Union européenne: le rôle de la société civile organisée et des partenaires sociaux», rapporteur: M. Iuliano (JO C 44 du 11.2.2011, p. 123).

(2)  Comité économique et social européen, avis sur le Programme indicatif nucléaire, rapporteur: Brian Curtis, adopté le 22 septembre 2016 (JO C 487 du 28.12.2016, p. 104).