ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 262

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

61e année
25 juillet 2018


Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

534e session plénière du CESE — Session de renouvellement, 18.4.2018-19.4.2018

2018/C 262/01

Avis du Comité économique et social européen sur le financement du socle européen des droits sociaux (avis d’initiative)

1

2018/C 262/02

Avis du Comité économique et social européen sur la stratégie LeaderSHIP 2020: une vision du secteur des technologies maritimes pour une industrie maritime innovante, durable et compétitive en 2020 (avis d’initiative)

8

2018/C 262/03

Avis du Comité économique et social européen sur la cohésion économique et sociale et l’intégration européenne des Balkans occidentaux — défis et priorités (avis exploratoire)

15

2018/C 262/04

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mener à son terme le programme pour une meilleure réglementation: de meilleures solutions pour de meilleurs résultats [COM(2017) 651 final] (avis d’initiative)

22


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

534e session plénière du CESE — Session de renouvellement, 18.4.2018-19.4.2018

2018/C 262/05

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne De nouvelles étapes en vue de l’achèvement de l’Union économique et monétaire européenne: feuille de route[COM(2017) 821 final], la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne De nouveaux instruments budgétaires pour une zone euro stable dans le cadre de l’Union[COM(2017) 822 final], la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne Un ministre européen de l’économie et des finances[COM(2017) 823 final], la proposition de directive du Conseil établissant des dispositions en vue du renforcement de la responsabilité budgétaire et de l’orientation budgétaire à moyen terme dans les États membres [COM(2017) 824 final — 2017/0335 (CNS)] et la proposition de règlement du Conseil concernant la création du Fonds monétaire européen [COM(2017) 827 final — 2017/0333 (APP)]

28

2018/C 262/06

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences prudentielles applicables aux entreprises d’investissement et modifiant les règlements (UE) no 575/2013, (UE) no 600/2014 et (UE) no 1093/2010 [COM(2017) 790 final — 2017/0359 (COD)] et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement et modifiant les directives 2013/36/UE et 2014/65/UE [COM(2017) 791 final — 2017/0358 (COD)]

35

2018/C 262/07

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité [COM(2017) 563 final — 2017/0244 (NLE)]

41

2018/C 262/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1073/2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus[COM(2017) 647 final — 2017/0288 (COD)]

47

2018/C 262/09

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 92/106/CEE relative à l’établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres [COM(2017) 648 final/2 - 2017/0290 (COD)]

52

2018/C 262/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/33/CE relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie[COM(2017) 653 final — 2017/0291 (COD)]

58

2018/C 262/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/73/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel[COM(2017) 660 final — 2017/0294 (COD)]

64

2018/C 262/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Parvenir à la plus large utilisation possible des carburants alternatifs — Plan d’action relatif à l’infrastructure pour carburants alternatifs en application de l’article 10, paragraphe 6, de la directive 2014/94/UE, comprenant l’évaluation des cadres d’action nationaux au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2014/94/UE[COM(2017) 652 final]

69

2018/C 262/13

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Réaliser les objectifs en matière de mobilité à faibles taux d’émissions. Une Union européenne qui protège la planète, donne les moyens d’agir à ses consommateurs et défend son industrie et ses travailleurs[COM(2017) 675 final]

75

2018/C 262/14

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Renforcer les réseaux énergétiques de l’Europe [COM(2017) 718 final]

80

2018/C 262/15

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie [COM(2017) 688 final]

86

2018/C 262/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union européenne[COM(2017) 487 final — 2017/0224 (COD)]

94

2018/C 262/17

Avis du Comité économique et social européen sur le Plan d’action de l’Union européenne 2017-2019 — Éliminer l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes[COM(2017) 678 final]

101


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

534e session plénière du CESE — Session de renouvellement, 18.4.2018-19.4.2018

25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/1


Avis du Comité économique et social européen sur le financement du socle européen des droits sociaux

(avis d’initiative)

(2018/C 262/01)

Rapporteure:

Anne DEMELENNE

Décision de l’assemblée plénière

15.2.2018

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

avis d’initiative

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

26.3.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

155/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les principes du socle européen des droits sociaux (le «socle social») et la nécessité de sa mise en œuvre, parallèlement à celle de l’agenda 2030 pour le développement durable, devraient faire partie des lignes directrices guidant les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel de l’UE après 2020.

1.2.

Cette mise en œuvre exigera des améliorations dans les États membres. Le tableau de bord social, présenté conjointement au socle, souligne les lacunes et les divergences profondes qui subsistent à travers l’UE. Un engagement de tous les niveaux, à savoir notamment des États membres, des partenaires sociaux et des acteurs de la société civile, sera nécessaire pour surmonter ces dernières. Il faudra en outre prévoir une assise budgétaire, des investissements et des dépenses courantes qui soient solides, tandis que les moyens de financement devront être étudiés de près.

1.3.

Les besoins de dépenses sont particulièrement marqués dans les pays à faibles revenus et dans ceux qui sont touchés par des baisses de revenus ces dernières années. Or, tous ces pays sont actuellement soumis à des contraintes imposées par les règles de l’UE en matière de budget et de dette. Une marge de dépenses accrues est susceptible d’être dégagée dans les États membres, avec l’aide de divers programmes de l’Union.

1.4.

Les investissements du secteur privé peuvent constituer un apport non négligeable dans certains domaines — parmi eux: l’extension de l’accès au numérique, par exemple — lorsque des conditions réglementaires appropriées sont créées. Cependant, les investissements du secteur privé ne suffiront pas à eux seuls et ils ne constituent pas une garantie contre l’exclusion des groupes sociaux les plus fragiles, question qui revêt une grande importance dans le socle des droits sociaux.

L’investissement public au sein des États membres pourrait être accru par l’application d’une règle d’or en matière d’investissements publics à but social, qui introduirait davantage de souplesse dans les règles budgétaires (1) afin d’atteindre les objectifs du socle social.

1.5.

Le recours à des instruments existants de l’Union, en particulier les Fonds structurels et d’investissements européens (Fonds ESI), qui peuvent plus clairement cibler des objectifs mis en avant dans le socle social, est également susceptible de générer une augmentation de l’investissement public. La Banque européenne d'investissement a également le pouvoir de soutenir ces investissements publics, notamment grâce au Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), qui lui a permis de maintenir son niveau de crédits ces dernières années. Ce soutien devrait explicitement inclure des objectifs liés au socle social, ce qui est conforme à sa mission.

1.6.

Une politique fiscale adéquate, comprenant notamment des mesures efficaces pour lutter contre l’évasion fiscale, la fraude fiscale et la planification fiscale agressive, devrait permettre aux États membres et à l’Union européenne de mobiliser des moyens supplémentaires pour contribuer au financement du socle social. Garantir une utilisation efficace de ces ressources supplémentaires requiert d’appliquer les programmes d’action et les feuilles de route sur la mise en œuvre du socle social en tant que partie intégrante du Semestre européen, en particulier pour ce qui concerne l’élaboration des programmes nationaux de réforme et programmes de convergence. À cet égard, l’Union européenne doit également explorer de nouvelles pistes en vue de l’accroissement de ses ressources propres.

1.7.

Par ailleurs, la mise en place du socle social ne se fera pas sans une appropriation, responsabilisation et participation d’une série d’acteurs de premier plan à tous les niveaux: les institutions européennes, les États membres, les pouvoirs locaux et régionaux, les partenaires sociaux et d’autres acteurs de la société civile.

2.   Contexte

2.1.

Le socle européen des droits sociaux, proclamé et signé par le Conseil de l’UE, le Parlement européen et la Commission européenne le 17 novembre 2017, est considéré comme une étape vers le renforcement des droits sociaux et l’amélioration de la vie des citoyens à court et à moyen terme. La réalisation des objectifs du socle européen des droits sociaux est un engagement et une responsabilité partagés par l’Union, ses États membres et les partenaires sociaux.

2.2.

Le socle répond à la nécessité, reconnue par les dirigeants des 27 États membres comme une priorité (2), de s’attaquer à l’insécurité économique et sociale. Parmi les facteurs qui font du socle social une nécessité urgente, mentionnons: de mauvaises performances économiques et sociales dans de nombreux pays depuis 2008, la mondialisation et son lot de nouvelles possibilités et de nouveaux obstacles, le changement climatique, les défis de grande ampleur liés à la migration, la numérisation de la société et le vieillissement des populations; l’accroissement des disparités économiques et sociales générées au sein de l’Union par la crise économique et financière et, enfin, la montée dans de nombreux pays de courants politiques qui menacent l’unité et la cohésion futures de l’Europe. Le président-élu de la Commission européenne a déclaré devant le Parlement européen en octobre 2014 que faire en sorte que l’UE obtienne «un triple A sur les questions sociales» est «aussi important qu’obtenir un triple A dans le domaine économique et financier» (3). Atteindre un tel objectif, ce qui exige évidemment que tous les niveaux de pouvoir au sein de l’UE acceptent de faire face à leurs responsabilités, devrait permettre de renforcer la cohésion, la stabilité politique et sociale et les performances économiques, sans oublier l’importance des stabilisateurs automatiques en cas de chocs économiques.

2.3.

Comme l’a déjà reconnu le CESE (4), le socle social relève davantage d’une déclaration d’intention politique, car il n’existe pas encore de feuille de route claire pour sa mise en œuvre. À cet égard, le socle reste incomplet, faute de reconnaître de nouveaux droits et obligations. Dans le cadre d’une économie forte et d’une fiscalité juste, des ressources financières adéquates doivent être mises à disposition au niveau des États membres, avec le soutien de l’Union européenne. Ce sera là l’une des pierres angulaires de la mise en œuvre du socle.

2.4.

La Commission européenne doit faire part de ses propositions en vue du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) en mai 2018. Il est primordial que le socle social et les objectifs de développement durable des Nations unies soient utilisés par les institutions européennes et les États membres comme une de leurs lignes directrices dans la préparation du prochain budget à long terme de l’UE, qui s’appliquera à partir de 2020.

2.5.

La bonne mise en œuvre du socle social sera tributaire de la mise en place de réformes politiques appropriées au sein des États membres, par exemple de l’élaboration de mécanismes propres à créer des emplois de qualité, à renforcer les compétences et à garantir une utilisation efficace des ressources publiques. Conformément aux recommandations avancées dans ses avis antérieurs, le CESE préconise des réformes structurelles orientées vers le développement social et économique: la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité, la croissance durable, la qualité des institutions et de l’administration, ainsi que la durabilité environnementale (5). Plutôt que de relever d’une approche unique que l’on appliquerait à tous les États membres, ces réformes devraient être adaptées à chaque pays et conformes aux programmes nationaux de réforme (PNR), en vue de faire progresser le bien-être des citoyens et de bénéficier d’une assise démocratique (6).

2.6.

La bonne mise en œuvre du socle social supposera également un renforcement des ressources financières disponibles (7). Actuellement, dans l’Union, les dépenses dans le domaine social ne représentent en moyenne que 0,3 % des dépenses publiques totales, qui proviennent pour l’essentiel des budgets des États membres (8). La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aura des conséquences majeures sur le budget européen. Le CESE insiste sur l’importance d’allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre des politiques sociales. Il soutient la demande du Parlement européen visant à augmenter le plafond actuel des dépenses de l’UE (1 %) pour le faire passer à 1,3 % du revenu national brut (9) et estime qu’une augmentation des ressources propres de l’UE, par exemple via une hausse de la TVA, serait extrêmement injuste du point de vue social. Le CESE souligne également la nécessité de consacrer plus de ressources à la politique de cohésion ainsi qu’au soutien des travailleurs et de l’ensemble des citoyens. Une attention particulière sera consacrée à l’acquisition de compétences par les travailleurs en tant qu’il s’agit d’un facteur de renforcement de l’économie. En parallèle, le CESE partage l’idée que les accroissements de crédits ne devraient pas concerner que la sécurité, la défense et le contrôle des frontières extérieures. Le Fonds social européen est un vecteur essentiel de convergence accrue et le CESE rappelle avec force que ses moyens ne devraient pas être réduits dans le contexte du prochain cadre financier pluriannuel si l’on entend relever les défis susceptibles de se faire jour à l’avenir (10).

2.7.

Le tableau de bord social qui accompagne le document de présentation du socle social proposé par la Commission européenne (11) s’entend comme un outil permettant de suivre les progrès accomplis vers une Europe plus juste, dotée d’une dimension sociale renforcée. Cet instrument fait toutefois l’objet de critiques concernant le choix de certains indicateurs, des périodes de référence utilisées à des fins de comparaison et, parfois, des interprétations qu’il propose (12). Le CESE a déjà plaidé en faveur de mesures visant à l’améliorer (13).

2.8.

Dans certains cas, il a été fait usage d’indicateurs clairement inappropriés. C’est notamment le cas des progrès enregistrés dans la réduction des écarts de rémunération et d’emploi entre les hommes et les femmes. Ces deux catégories ont enregistré une baisse du nombre d’heures de travail prestées, mais dans une mesure plus importante pour les hommes que pour les femmes, de sorte qu’une diminution de l’écart (l’indicateur utilisé dans le tableau de bord) ne signifie pas une nette amélioration. Par ailleurs, les périodes de référence choisies pour mesurer les progrès effectués sont de longueur variée, portant parfois sur une année et parfois sur un plus long laps de temps, remontant jusqu’avant la crise qui a éclaté en 2008. Une période de référence plus longue convient mieux pour dégager les tendances à long terme. De même, il est impératif d’interpréter ces indicateurs avec souplesse et de les adapter à mesure que le temps passe, en recourant à des connaissances et à des données actualisées au fil du temps, issues de sources telles que Eurofound. La révision et la mise à jour des indicateurs doivent être le fruit d’une discussion ouverte, impliquant à la fois les partenaires sociaux et d’autres acteurs de la société civile.

2.9.

Malgré ces réserves, le tableau de bord donne une idée du travail qu’il reste à accomplir pour atteindre les objectifs fixés. En effet, il dévoile des lacunes existant dans chacun des États membres ainsi que des différences substantielles entre ceux-ci, qui peuvent conduire à une augmentation des inégalités sociales. Ainsi, certains États membres sont clairement loin d’atteindre un niveau acceptable sur le plan des salaires, des conditions de vie, de la sécurité sociale, des prestations sociales, du degré d’instruction et de l’accès au numérique.

2.10.

Les chiffres de l’emploi et du chômage montrent l’étendue des divergences: en Grèce, le taux d’emploi n’est que de 56 %, contre 81 % en Suède. Par ailleurs, on relève un taux de chômage de 23 % en Grèce contre seulement 4 % en Allemagne, taux le plus bas de l’Union. Ces chiffres, issus du tableau de bord, témoignent de grands écarts en ce qui concerne les conditions sociales qui prévalent à travers l’Europe. Certains États membres disposent de potentiels inexploités bien plus élevés que leurs voisins.

2.11.

De nombreux autres indicateurs vont dans le même sens. Par exemple, le taux de décrochage scolaire chez les 18-24 ans atteint 20 % en Espagne contre moins de 3 % en Croatie. Ce dernier chiffre est également trompeur pour ce qui est de la situation générale des jeunes: en effet, l’indicateur du taux de chômage des jeunes montre que la Croatie est dans l’une des situations les plus graves de l’UE à cet égard. Si la moyenne du nombre de personnes exposées au risque de pauvreté est de 23 % en Europe, ce risque concerne 40 % de la population bulgare.

2.12.

Le pourcentage de jeunes âgés de 15 à 24 ans qui sont sans emploi, et ne suivent ni études ni formation (les NEET) (14) varie de 20 % en Italie à moins de 5 % aux Pays-Bas. Moins de 3 % des Bulgares souhaitant travailler profitent d’un soutien à l’activation (comprenant un volet formation, des incitations à l’emploi et des mesures similaires), alors que 54 % des Danois saisissent cette opportunité.

2.13.

La proportion d’enfants âgés de 0 à 3 ans bénéficiant de services d’accueil à plein temps oscille entre 1,1 % en Slovaquie et 77 % au Danemark. 12 % des Grecs et des Estoniens se plaignent de ne pas pouvoir satisfaire leurs besoins de santé pour des raisons financières, tandis que les Autrichiens sont peu nombreux à évoquer ce problème.

2.14.

Globalement, 44 % des citoyens de l’Union ne possèdent pas de compétences numériques suffisantes. Ces lacunes touchent 74 % de la population en Bulgarie et 14 % au Luxembourg.

2.15.

La mise en œuvre du socle social améliorerait donc non seulement les conditions de nombreux citoyens, sur le plan social et du marché du travail, mais permettrait également par là-même d’accroître le potentiel économique de l’Union. Ce projet suppose une convergence vers le haut pour les pays actuellement retardataires. Certains indicateurs, mais pas tous, révèlent de très récentes améliorations, et malgré ces progrès, d’importants écarts demeurent.

2.16.

Concrétiser le socle social sera donc un énorme défi, exigeant un engagement de la part des États membres avec le soutien de l’Union européenne. Il sera également nécessaire d’y associer pleinement les partenaires sociaux et d’encourager et de promouvoir des actions conjointes de leur part, tout particulièrement la conclusion de conventions collectives, en veillant à élargir leur champ d’application, notamment en matière de sécurité de l’emploi, de qualité de l’emploi, de salaires, et de santé et sécurité au travail. Les organisations de la société civile, eu égard à leur expérience et à leur connaissance des problèmes, peuvent également apporter une contribution cruciale. Les entreprises privées sont également à même d’apporter une contribution importante par l’intermédiaire de partenariats public-privé, d’investissements dans le développement des compétences et de qualifications au sein des entreprises.

3.   Domaines d’action

3.1.

Les initiatives visant à favoriser la mise en œuvre du socle social peuvent inclure de nouvelles mesures législatives et non législatives (visant notamment à garantir que les mesures déjà décidées sont effectivement mises en œuvre dans les États membres), le recours au Semestre européen, et les recommandations spécifiques par pays élaborées dans ce cadre (15). La participation des partenaires sociaux à tous les niveaux est essentielle pour réussir la mise en œuvre de ces initiatives.

3.2.

Les recommandations par pays de 2015 et/ou 2016 concernaient des domaines couverts par le socle social, notamment les retraites, les services publics, la protection sociale, les soins de santé, l’accueil des enfants, le logement, le renforcement des compétences, les politiques actives en faveur du marché du travail et l’éducation.

3.3.

Toutefois, ces recommandations n’ont de sens que si l’on part du principe que les fonds nécessaires seront disponibles. L’UE peut jouer un rôle positif à cet égard par l’intermédiaire de ses différents programmes et par une certaine souplesse dans l'application des règles sur les budgets des États et les niveaux de dette publique.

3.4.

Les questions d’investissement et de financement se posent de différentes manières dans tous les domaines couverts par le socle social. Le tableau de bord social permet également de démontrer la nécessité d’investir dans des domaines spécifiques dans tous les États membres, et en particulier dans ceux à faibles revenus. Par conséquent, le financement du socle social est lié à des questions de politique macroéconomique, à des politiques de gouvernance économique qui soient axées sur la convergence sociale, et non les divergences sociales, à des discussions sur la gestion de la zone euro et à des politiques de promotion des investissements, notamment les investissements sociaux.

3.5.

Le CESE a déjà fait valoir les multiples incidences positives que produisent des investissements sociaux bien conçus, efficaces, efficients et tournés vers l’avenir, qui, comme l’a admis la Commission européenne dans son train de mesures sur les investissements sociaux, devraient être considérés non pas comme un facteur de coût mais comme un investissement dans le potentiel de l’Europe en matière de croissance et d’emploi. Le CESE a regretté que davantage d’efforts n’aient pas été déployés pour mettre effectivement en œuvre ces objectifs. L’investissement social produit au fil du temps des bénéfices économiques et sociaux, qu’il s’agisse d’une hausse des revenus professionnels, d’une meilleure santé, d’une baisse du chômage, d’une meilleure éducation, d’une diminution de la pauvreté et de l’exclusion sociale, etc. Il améliore également la prospérité et le bien-être des personnes, tout en stimulant l’économie grâce à une main-d’œuvre plus qualifiée et une augmentation de la productivité et de l’emploi. Un tel investissement, surtout lorsqu’il favorise une croissance durable, contribue également à développer les qualifications et les capacités des citoyens, à accroître leurs possibilités d’évolution dans la société et sur le marché du travail ainsi qu’à stimuler l’économie, aidant ainsi l’UE à sortir renforcée de la crise. Il assurerait en outre des dépenses publiques plus efficientes et plus efficaces, génératrices d’économies dans les budgets publics à moyen et long termes (16). Le CESE a également mis en lumière les coûts à long terme de l’inaction et du manque d’investissement dans le domaine social. À cet égard, il a également insisté sur l’importance de l’investissement dans des systèmes de sécurité sociale solides, étant donné qu’ils assurent une fonction de stabilisateur automatique (17).

3.6.

Parmi les problématiques énumérées dans le socle social qui ne peuvent être résolues qu’au moyen d’un accroissement des investissements ou des dépenses courantes, mentionnons: le droit à une éducation inclusive de qualité, à la formation et l’apprentissage tout au long de la vie; le soutien à la recherche d’emploi; la progression vers l’égalité de genre et la réduction de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes; la prévention de la pauvreté au travail; l’accès aux soins de santé; l’éducation des jeunes enfants à un prix abordable; une protection sociale adéquate, des prestations de chômage adéquates; des retraites garantissant un revenu décent; la dignité des personnes âgées; un accès à des soins de santé préventifs et curatifs de qualité et abordables; des logements sociaux ou une aide au logement de qualité; l’accès à des services comme l’eau, l’assainissement, l’énergie, les transports, les services financiers et les communications numériques.

3.7.

Les principaux fonds de l’UE pour la croissance économique et sociale sont les Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI), l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), les programmes en faveur de la compétitivité et le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI). Les investissements peuvent également provenir des budgets propres des États membres et de sources privées.

3.8.

Les Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI) constituent la plus importante source d’investissements et sont assortis de procédures complexes de supervision et d’évaluation de ceux-ci; ils permettent, comme l’a montré un avis antérieur du CESE, de susciter davantage d’investissements dans l’économie réelle. Ces fonds ont conduit à une augmentation de l’investissement public dans les pays à faibles revenus, mais ils n’ont pas suffi pour compenser la baisse des investissements provenant d’autres sources ni pour assurer une convergence rapide au niveau économique et social. Il est primordial de veiller à ce que ces fonds soient renforcés et accrus afin de soutenir les efforts de mise en œuvre du socle social. Le CESE réitère son soutien à une révision de la réglementation régissant les Fonds ESI et à l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de leur contribution (18).

3.9.

Il est possible de veiller à ce que les investissements ciblent les objectifs du socle social, à la fois concernant les activités entreprises et les conditions visant à garantir des pratiques équitables en matière d’emploi et un soutien aux groupes sociaux qui seraient exclus faute de telles interventions.

3.10.

Le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) fournit une garantie à la Banque européenne d’investissement, ce qui permet à cette dernière de maintenir des niveaux de crédits qui auraient dû autrement être revus à la baisse. À l'instar des projets de la BEI en général, il peut soutenir des projets en lien avec le pilier social. Il le fait d’ailleurs dans certains cas, notamment en matière d’entrepreneuriat social, de soins de santé et de protection sociale. Jusqu’à présent, la préférence est allée à des projets de nature typiquement commerciale, leurs avantages sur le plan social étant davantage considérés comme une conséquence induite que comme un objectif en soi.

3.11.

Le CESE a préconisé de renforcer la dimension sociale dans le déploiement de l’EFSI, par exemple en matière d’éducation, de formation et de formation professionnelle pour acquérir des compétences et pour l’apprentissage tout au long de la vie, en développant les secteurs de la création et de la culture, l’innovation en matière de soins de santé et de médecine, ainsi que les services sociaux, le logement social et l’aide à l’enfance, et les infrastructures touristiques et de protection de l’environnement. Le plan d’investissement pour l’Europe devrait clairement soutenir les engagements pris à la COP 21 (19).

3.12.

De même, l’accent est rarement mis sur l’évaluation et la gestion de projets sur les conditions de travail et l’intégration des groupes sociaux défavorisés ou sur l’investissement dans les infrastructures physiques destinées aux services sociaux.

3.13.

L’engagement a été pris initialement d’éviter toute considération d’ordre géographique dans l’attribution des ressources de l’EFSI, ce qui fait que certains pays à faibles revenus ne reçoivent que très peu d’investissements malgré des besoins criants. Modifier les règles de manière appropriée peut garantir que la priorité soit donnée, dans le cadre de la deuxième phase d’action, aux pays les moins développés.

3.14.

Le financement de la mise en œuvre du socle social dépendra également en grande partie des ressources dégagées au niveau des États membres. Cette mise en œuvre nécessitera des financements issus des États pour les investissements ainsi que pour les coûts de fonctionnement des activités au cours des années à venir. Or, de tels financements peuvent être rendus difficiles par les règles de l’UE en matière de budget et de dette (20). Ainsi, comme le CESE n’a eu de cesse de le répéter (21), il conviendrait de réfléchir à des moyens de renforcer la souplesse dont ces règles peuvent être assorties, par exemple par la mise en place d’une «règle d’or» qui permettrait des investissements publics à but social pour atteindre les objectifs du socle social, notamment en augmentant les niveaux de revenus, en renforçant la cohésion sociale et en empêchant l’exclusion de groupes sociaux défavorisés qui, en l’absence de tels investissements, ne pourraient pas prendre pleinement part à la vie en société, et ce tout en générant une croissance durable.

3.15.

La responsabilité des entreprises est également essentielle pour ce qui est du financement des objectifs sociaux. Les investissements privés ne suffiront pas à eux seuls pour atteindre les objectifs fixés par le socle des droits sociaux, mais ils peuvent venir s'ajouter à ceux qui relèvent de la responsabilité publique et apporter une contribution dans nombre de secteurs pertinents (notamment dans le domaine de l’emploi, de l’amélioration des compétences numériques et de la protection sociale), en particulier s'ils bénéficient de cadres réglementaires appropriés et d’un soutien financier de sources publiques, comme les Fonds structurels et d’investissement européens et/ou la BEI.

3.16.

La nécessité de disposer de ressources financières pour mettre en œuvre le socle social doit être reconnue et faire l'objet d'une planification. Des cadres institutionnels appropriés existent déjà. La mission des Fonds structurels et d’investissement européens et de l’EFSI devrait être clarifiée afin de faire explicitement référence au socle social. De plus, les coûts liés à la poursuite des objectifs de celui-ci doivent pouvoir être pris en compte dans le budget de l’Union et les budgets des États membres.

3.17.

Enfin, dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale, les paradis fiscaux et la planification fiscale agressive, et en vue de réduire la concurrence fiscale déloyale entre les États membres (22), il y a lieu de renforcer les mesures relatives à une fiscalité juste prises par la Commission européenne, s’agissant des multinationales comme des particuliers, ainsi que celles visant à lutter contre la perception indue ou le détournement de fonds issus du budget de l’UE (23). En ce qui concerne la recherche de nouvelles sources de recettes fiscales pour financer le socle social, tout en respectant pleinement le principe de subsidiarité, il serait utile d’encourager les formes d’imposition qui prennent en compte la capacité contributive de chacun, sans négliger les mesures destinées à encourager une croissance économique durable.

3.18.

S’agissant du financement du budget de l’UE, le CESE approuve l’analyse faite par le groupe de haut niveau sur les ressources propres (HLGOR) dans son rapport sur «Le financement futur de l’UE», qui appelle de ses vœux un budget européen comportant essentiellement des ressources propres autonomes, transparentes et équitables (24). Le CESE considère en outre que l’augmentation du budget devrait devenir une réalité.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Tirer les leçons du passé: éviter la rigueur des politiques d’austérité dans l’UE, paragraphe 1.6, non encore publié; Politique économique de la zone euro (2018), paragraphes 1.8 et 3.6, non encore publié; JO C 327 du 12.11.2013, p. 11; Examen annuel de la croissance 2018, paragraphe 1.4, non encore publié; JO C 226 du 16.7.2014, p. 21.

(2)  Socle européen des droits sociaux, brochure, p. 6 (ISBN 978-92-79-74092-3).

(3)  http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-14-1525_fr.htm

(4)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 145.

(5)  Par exemple en améliorant l’environnement des entreprises, leur financement et les dépenses de recherche et développement; en relevant la productivité des entreprises, des secteurs et des économies; en promouvant la création d’emplois de qualité et plus rémunérateurs, et en réduisant dans le même temps l’emploi temporaire et précaire associé à des bas salaires; en renforçant la négociation collective et l’autonomie des partenaires sociaux dans ces négociations, de même que le dialogue social au niveau local, régional, national et européen; en réformant les administrations publiques afin d’en accroître l’efficacité au service du développement économique et social, et de les rendre plus transparentes pour le public; ou encore en promouvant la qualité des systèmes d’éducation et de formation pour les travailleurs afin d’assurer l’égalité des chances et de produire des résultats qui bénéficient à toutes les catégories sociales.

(6)  Appui aux réformes structurelles dans les États membres, paragraphe 3.9, non encore publié.

(7)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 145.

(8)  Document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe, p. 24.

(9)  Résolution du Parlement européen du 14 mars 2018 intitulée «Le prochain CFP: préparation de la position du Parlement sur le CFP post-2020» — (2017/2052(INI)), corapporteurs: Jan Olbrycht et Isabelle Thomas, paragraphe 14.

(10)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 145; JO C 81 du 2.3.2018, p. 131.

(11)  https://composite-indicators.jrc.ec.europa.eu/social-scoreboard/#

(12)  Galgoczi, B. et al., The Social Scoreboard revisited (Le tableau de bord social revisité), ETUI, 2017.

(13)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 145.

(14)  «Not in education, employment or training».

(15)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 145.

(16)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(17)  JO C 226 du 16.7.2014, p. 21.

(18)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 94.

(19)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 57.

(20)  JO C 177 du 18.5.2016, p. 35.

(21)  Tirer les leçons du passé: éviter la rigueur des politiques d’austérité dans l’UE, paragraphe 1.6, non encore publié; Politique économique de la zone euro (2018), paragraphes 1.8 et 3.6, non encore publié; JO C 327 du 12.11.2013, p. 11; Examen annuel de la croissance 2018, paragraphe 1.4, non encore publié; JO C 226 du 16.7.2014, p. 21.

(22)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 131.

(23)  Examen annuel de la croissance 2018, paragraphe 3.3.4, non encore publié.

(24)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 131.


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/8


Avis du Comité économique et social européen sur la stratégie LeaderSHIP 2020: une vision du secteur des technologies maritimes pour une industrie maritime innovante, durable et compétitive en 2020

(avis d’initiative)

(2018/C 262/02)

Rapporteur:

Marian KRZAKLEWSKI

Corapporteur:

Patrizio PESCI

Décision de l’assemblée plénière

1.6.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en commission

4.4.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

197/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE recommande que l’ensemble des services de la Commission redoublent d’efforts pour exercer la responsabilité qui est la leur d’achever la réalisation de la stratégie LeaderSHIP 2020 et d’élaborer et de mettre en œuvre une nouvelle stratégie LeaderSHIP 2030 en faveur du secteur, en coopération avec les parties intéressées.

1.2.

La stratégie ayant été adoptée en 2013, les conséquences de la crise économique de 2008 ont influé sur les conclusions et les recommandations contenues dans le document intitulé «LeaderSHIP 2020». Toutefois, au cours des dernières années, de nombreuses évolutions sont intervenues et de sérieux problèmes se sont présentés, tout comme de nouvelles opportunités pour l’industrie maritime en Europe. C’est pourquoi le CESE demande à la Commission de soutenir davantage l’industrie maritime afin qu’elle puisse faire face aux défis et exploiter les possibilités qui se présentent.

1.3.

Lorsque la Commission et les parties intéressées ont publié la stratégie LeaderSHIP 2020, elles ont convenu de 19 recommandations devant permettre la mise en œuvre de ladite stratégie. À l’occasion d’une audition, les parties intéressées du secteur ont procédé au moyen d’une enquête à une évaluation de la mise en œuvre de ces recommandations, dont les résultats sont présentés ci-après dans la section 3.

1.3.1.

Le CESE constate que quatre ans après la publication de la stratégie, l’état d’avancement de la mise en œuvre de toutes les recommandations est très inégal et que l’on peut le chiffrer en moyenne à 25 %. Les recommandations liées à la priorité en matière de recherche, de développement et d’innovation (RDI) sont relativement bien mises en œuvre. En ce qui concerne celles relatives à la priorité «Emploi et compétences», à l’exception de la question de l’apprentissage informel, leur réalisation se présente favorablement, mais dans une moindre mesure. La mise en œuvre des dispositions relatives à «l’amélioration de l’accès au marché et des conditions de marché équitables» se présente sous un jour plus défavorable, puisque le score attribué aux avancées dans ce domaine n’est que de 20 %. La priorité dont la mise en œuvre est la moins avancée est celle de l’accès au financement, avec un score moyen de 15 %, à l’exception des actions relatives à la promotion des financements par la BEI. Le CESE demande à la Commission et aux parties intéressées de faire progresser davantage la mise en œuvre de la stratégie et d’intégrer la réalisation des principales recommandations dans le cadre de la nouvelle stratégie pour le secteur, LeaderSHIP 2030, proposée par les parties intéressées.

1.4.

L’audition a permis de souligner que le secteur européen des technologies maritimes joue un rôle stratégique clé pour le continent et qu’il se porte relativement bien en dépit des nombreuses difficultés auxquelles il a été confronté, notamment au lendemain de la crise économique. Les chantiers navals asiatiques se sont quant à eux retrouvés en mauvaise posture, entre autres du fait d’une politique d’aides publiques soutenue. C’est néanmoins en raison de leurs difficultés actuelles que les concurrents asiatiques, et plus particulièrement la Chine, vont exercer une pression accrue sur l’Europe. Le CESE invite la Commission européenne à adopter un cadre qui garantirait des conditions réellement équitables pour le secteur des technologies maritimes sur le plan mondial.

1.5.

Les banques et le gouvernement chinois apportent un appui financier total aux entreprises d’État de ce pays lors de la mise en œuvre de la stratégie récemment annoncée par la Chine, qui souhaite s’emparer de la position de numéro un que l’Europe occupe actuellement dans le domaine de la construction de navires haut de gamme, tels que les bateaux de croisière, et dans celui du matériel maritime de pointe. Dans ce contexte, le CESE engage la Commission européenne à adopter, dans les domaines de l’industrie et de la production, une politique vigoureuse fondée sur la réciprocité, grâce à laquelle le secteur européen des technologies maritimes pourra parer à la concurrence.

1.6.

L’industrie maritime est actuellement soumise à des pressions à caractère réglementaire et social. Du point de vue réglementaire, ce secteur doit améliorer son efficacité en matière de respect de l’environnement, de sécurité et de protection. Quant à l’aspect social, la numérisation, l’automatisation, la cybersécurité ou l’internet des objets pourraient bien être des technologies de rupture capables de transformer de façon radicale l’avenir de l’industrie maritime. Dans le même temps, ces défis ouvrent des perspectives intéressantes pour le secteur européen des technologies maritimes. C’est pourquoi le CESE conseille à la Commission européenne de stimuler les investissements du secteur européen des technologies maritimes dans le domaine de la recherche, du développement et de l’innovation, par exemple dans le cadre d’un partenariat public-privé, en vue de répondre aux besoins de ce secteur. La recherche, le développement et l’innovation revêtent une importance capitale lorsqu’il s’agit de maintenir la compétitivité du secteur européen des technologies maritimes vis-à-vis de ses concurrents sur le plan mondial.

1.7.

Le secteur européen des technologies maritimes montre un intérêt croissant pour l’exploitation durable du potentiel économique des mers et des océans. La production d’énergie éolienne en mer, l’utilisation de l’énergie marine et océanique ou encore l’aquaculture n’en sont que quelques exemples. En vue de tirer pleinement parti de ce potentiel et de recourir à de nouvelles possibilités (par exemple, le stockage d’énergie en mer), le CESE recommande à la Commission européenne de soutenir le secteur européen des technologies maritimes à l’aide de partenariats public-privé bleus.

1.8.

Contrairement à leurs concurrents asiatiques, les chantiers navals et les producteurs de matériel maritime européens sont confrontés à un sérieux problème en matière d’accès aux financements. Les instruments de financement européens existants sont soit méconnus, soit impropres à être exploités dans un secteur à haute intensité de capital comme celui-là. Par conséquent, le CESE invite la Commission européenne à mettre en place un instrument de financement qui contribuera à accroître les investissements dans le secteur de capital-risque qu’est l’industrie des chantiers navals.

1.9.

Le Comité estime que le sous-secteur de la marine de guerre joue un rôle très important pour maintenir la «masse critique» de l’ensemble du secteur européen de la construction navale et constitue en outre un facteur d’entraînement pour la recherche et l’innovation dans le secteur des technologies maritimes et au-delà. C’est pourquoi le CESE demande à la Commission de faire de l’industrie maritime de la défense l’une des priorités dans le cadre de la continuation de la stratégie LeaderSHIP.

1.10.

Afin de conserver sa compétitivité et sa capacité d’innovation, le secteur européen des technologies maritimes doit déployer de nouvelles technologies et disposer d’une main-d’œuvre qualifiée et dûment formée. Le CESE recommande à la Commission de soutenir résolument les partenaires sociaux du secteur de la construction navale afin que ceux-ci poursuivent leurs travaux au sein du conseil européen des compétences pour le secteur des technologies maritimes. Le CESE attire l’attention de la Commission sur la nécessité de promouvoir les initiatives menées par cette industrie et l’expertise dont celle-ci dispose pour résoudre les inadéquations en matière de compétences dans ce secteur.

1.11.

Le CESE prend note des constats figurant dans l’étude intitulée «New trends in the shipbuilding and marine supply industries» (1) et engage la Commission européenne à collaborer avec SEA Europe, IndustriALL et d’autres parties intéressées en vue de mettre en œuvre les recommandations reprises dans cette étude.

2.   Contexte de l’avis

Situation actuelle du secteur européen des technologies maritimes

2.1.

Le secteur européen des technologies maritimes englobe toutes les entreprises actives dans les domaines de la conception, de la construction, de l’entretien et de la réparation des navires et d’autres structures maritimes, y compris l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement qui recouvre les systèmes, les équipements et les services, et bénéficie de l’appui des institutions de recherche scientifique et de formation. Les entreprises européennes tiennent le haut du pavé en matière d’innovation et fournissent chaque année la moitié du matériel naval dans le monde.

2.2.

Les chantiers navals européens prospèrent dans le domaine de la construction, de la réparation, de l’entretien ou de la transformation de types de bâtiments civils et militaires très complexes et avancés sur le plan technologique, tels que les navires de croisière, les transbordeurs, les navires et les installations en mer, les frégates, les sous-marins, etc. Ils produisent et fournissent également les technologies liées au développement de la «croissance bleue» (énergie produite en mer, aquaculture, exploitation minière des fonds marins, etc.). Les quelques 300 chantiers navals qui existent aujourd’hui en Europe (2) enregistrent un chiffre d’affaires annuel d’environ 31 milliards d’EUR et emploient directement plus de 200 000 personnes.

2.3.

Les producteurs et les fournisseurs d’équipements maritimes de l’UE sont les leaders mondiaux de ce marché. Ils regroupent environ 22 000 entreprises de petite, moyenne et grande taille qui fournissent divers matériels, systèmes, technologies et équipements ou offrent des services dans le domaine de l’ingénierie et du conseil. Ils réalisent un chiffre d’affaires annuel de quelque 60 milliards d’EUR et emploient directement plus de 350 000 personnes. Leur part du marché mondial s’élève à environ 50 %.

2.4.

Le secteur européen des technologies maritimes investit dans la recherche, le développement et l’innovation 9 % des bénéfices tirés des ventes du secteur, ce qui fait qu’il présente la plus forte intensité d’investissements en la matière en Europe.

2.5.

L’industrie mondiale de la construction navale est confrontée à l’une des plus graves crises depuis des années, 2016 ayant été la pire période jusqu’à présent. Il est donc à prévoir que la situation ne fasse que s’aggraver dans les deux ou trois prochaines années. La demande réduite de transport de marchandises en Asie a entraîné une nette baisse des carnets de commande. Seule l’Europe est parvenue, depuis 2012, à maintenir une tendance à la hausse pour les commandes de nouvelles constructions, sans toutefois bénéficier de soutiens financiers ou de subventions. Dans le même temps, les fabricants européens de matériel maritime sont confrontés aux conséquences négatives de la forte baisse des carnets de commande asiatiques.

2.6.

En 2016, les chantiers navals européens ont vu la valeur des nouvelles commandes dépasser celle des unités déjà livrées. Les contrats européens pour de nouveaux navires représentaient une valeur de 14,7 milliards de dollars des États-Unis, soit 55 % de la valeur des nouvelles commandes dans le monde.

2.7.

La compétitivité des pays d’Asie orientale s’appuie dans une large mesure sur des politiques nationales protectionnistes, comprenant des subventions et d’autres aides financières, des exigences relatives aux ressources locales, etc. En outre, à la différence de l’Europe, ces pays commandent systématiquement de nouveaux bâtiments auprès de leurs chantiers navals. En revanche, pour ce qui est de la construction de navires de charge et de navires d’appui aux installations en mer, les armateurs européens ont transféré leurs commandes de l’Europe vers les chantiers navals asiatiques. Par conséquent, au cours de la dernière décennie, le carnet de commandes européen a évolué, se concentrant davantage sur la construction de types de navires sophistiqués à forte valeur ajoutée. Il est intéressant de noter que ces changements ont eu lieu à un moment où le secteur européen de la navigation a lui-même bénéficié de programmes de soutien financier ou fiscal.

Contexte de la stratégie LeaderSHIP 2020

2.8.

La stratégie LeaderSHIP 2020 (3) prend sa source dans l’initiative LeaderSHIP 2015, lancée en 2003, dont l’objectif était de faire en sorte de réagir de manière coordonnée aux défis qu’affronte le secteur européen de la construction navale. L’on y a mis l’accent principalement sur les actions fondées sur les connaissances et la nécessité d’améliorer le retour sur les investissements effectués dans les chantiers navals dans le domaine de la recherche, du développement et de l’innovation.

2.9.

En 2008, la crise mondiale a frappé le secteur européen de la construction navale, lequel en subit les effets jusqu’à ce jour. C’est pourquoi une réponse franche s’est avérée nécessaire, sous la forme de la nouvelle stratégie LeaderSHIP 2020.

2.10.

Le document publié en 2013 qui expose la stratégie LeaderSHIP 2020 résulte des travaux d’un vaste groupe de parties intéressées, à la tête desquelles figuraient les représentants du secteur, la Commission européenne, le Parlement européen et les partenaires sociaux (SEA Europe et IndustriALL).

2.11.

La stratégie définit les caractéristiques de ce secteur qui se doit d’être innovant, «vert», spécialisé dans les marchés des technologies avancées, économe en énergie et capable de conquérir de nouveaux marchés.

2.12.

Le rapport exposant la stratégie LeaderSHIP 2020 en pose les quatre piliers suivants:

emploi et compétences,

amélioration de l’accès au marché et conditions loyales de marché,

accès aux financements,

recherche, développement et innovation (RDI).

3.   Évaluation de l’état d’avancement de la mise en œuvre des recommandations contenues dans la stratégie LeaderSHIP 2020

3.1.

L’évaluation de la mise en œuvre des recommandations contenues dans la stratégie LeaderSHIP 2020 a été effectuée au moyen d’un questionnaire complété par les participants à l’audition publique sur la stratégie. Les résultats de ladite enquête sont présentés ci-après.

3.2.

L’on ne peut que qualifier de mesurés les progrès des actions concernant la priorité «Emplois et compétences» de LeaderSHIP 2020. La situation apparaît meilleure en ce qui concerne les recommandations «Créer une sous-catégorie couvrant le secteur des technologies maritimes au sein du système ESCO» et «Promouvoir l’image des technologies maritimes», où l’on relève un score de 30 %. En revanche, l’évaluation des plans concernant l’«Étude sur le thème de l’apprentissage informel» est négative, puisqu’il s’agit d’un zéro pointé. Les autres recommandations relevant de ce groupe recueillent un score situé entre 15 et 20 %.

3.3.

Le degré de réalisation des recommandations de la deuxième priorité «Amélioration de l’accès au marché et conditions de marché équitables» est considéré comme plutôt faible. Trois actions ont connu quelques avancées: le groupe de travail de l’OCDE sur la construction navale, le resserrement de la coopération de l’industrie avec la Commission européenne s’agissant de protéger la propriété intellectuelle et d’appliquer la réglementation de l’Organisation maritime internationale, ainsi que la «Mobilisation des divers instruments de politique commerciale et les tractations visant à la conclusion d’accords de libre-échange». Leur état d’avancement recueille un score d’environ 20 %. Les autres actions relevant de ce groupe n’ont pour ainsi dire pas été réalisées.

3.4.

En ce qui concerne la priorité «Accès au financement», les parties n’ont observé de progrès que sur le thème «Explorer et promouvoir les possibilités de financement et d’extension de l’activité d’octroi de prêt de la BEI», auquel elles attribuent un score de 20 à 30 %. La réalisation de la recommandation «Examiner les possibilités de faire fonctionner des partenariats public-privé (PPP) “bleus”» recueille un score de 15 %, tandis que celle relative à l’évaluation des «Possibilités de financement à long terme par la Commission européenne» n’est pratiquement pas réalisée (score de 5 %).

3.5.

La mise en œuvre des recommandations relatives à la RDI est source d’un optimisme modéré. Les trois recommandations en ce domaine sont à moitié réalisées, voire davantage. Voici les scores recueillis au sein de ce groupe:

effectuer des recherches concernant la faisabilité des projets de partenariats public-privé en matière de RDI pour le secteur des technologies maritimes — 50 %,

instauration par la Commission de dispositions en matière de RDI, dans les réglementations générales de l’UE en lien avec l’expiration de la période d’applicabilité du cadre concernant les aides octroyées au secteur de la construction navale — 60 %,

étudier la possibilité d’allouer des ressources des Fonds structurels pour la diversification du secteur des technologies maritimes, tout particulièrement dans le contexte des stratégies régionales de spécialisation intelligente — 45 %,

élaboration par l’industrie des technologies maritimes d’un partenariat public-privé à multiples facettes à l’échelon de l’UE en vue de concentrer l’effort de recherche maritime sur des navires qui ne produisent pas d’émissions et sont économes en énergie — 30 %.

4.   Observations générales et particulières concernant la réalisation des priorités de la stratégie LeaderSHIP 2020

Emploi et compétences

4.1.

Il est très nécessaire de remédier aux pénuries de compétences, de relever le niveau de compétences des travailleurs, ainsi que d’assurer des formations et une requalification adéquates dans l’idée de maintenir une masse critique de connaissances et de savoir-faire au sein du secteur européen des technologies maritimes. Ainsi, il importe de soutenir et de poursuivre les travaux entamés par les partenaires sociaux par l’intermédiaire du projet de «Skills Council» (4). En outre, il est également essentiel que les institutions européennes associent et consultent les partenaires sociaux dans le cadre du processus d’élaboration des politiques et à l’occasion de l’initiative de l’UE qui concerne leur secteur, et que les organisations professionnelles représentant les employeurs et les salariés du secteur continuent d’être associées aux dialogues, en particulier dans le contexte du dialogue social.

4.2.

Les travailleurs doivent disposer de la formation adéquate afin de relever avec succès les défis de l’industrie 4.0 ainsi que des futures mutations technologiques (telles que la numérisation). Les futurs travailleurs du secteur des technologies maritimes devront posséder les compétences qui leur permettront d’évoluer dans le contexte des opportunités et des défis que présente l’économie bleue.

4.3.

Il convient de redoubler d’efforts afin d’améliorer l’attrait de ce secteur. Il convient de recenser et de rassembler les diverses possibilités de carrière des travailleurs, et aussi de renforcer la mobilité des étudiants (à savoir le programme Erasmus pour le secteur des technologies maritimes). La Commission européenne doit continuer à soutenir pleinement les activités de SEA Europe et d’IndustriALL à l’échelon européen, c’est-à-dire dans le cadre du comité du dialogue sectoriel.

Amélioration de l’accès au marché et conditions de concurrence loyale

4.4.

L’industrie européenne continue de faire face à la concurrence déloyale à laquelle se livrent des États tiers également dans le secteur de la construction navale et, dans une mesure sans cesse croissante, dans la branche du matériel naval. En conséquence de la crise provoquée en Asie par un excédent de capacités de production découlant de subventions publiques considérables, les autorités publiques de ces pays entendent aider les chantiers navals locaux et les producteurs locaux de matériel maritime, ce qui se traduit par une intensification de l’exportation. De ce fait, la pression concurrentielle sur les chantiers navals et les producteurs de matériel maritime en Europe s’accroît.

4.5.

Les chantiers navals asiatiques centrent maintenant leur attention sur les marchés européens prospères de navires de types plus avancés, tels que les navires de croisière et ceux de transport de passagers. En outre, dans les documents officiels intitulés «Made in China 2025» (Fabriqué en Chine 2025) et «China Manufacturing 2025» (La Chine produit 2025), cet État a déclaré sa volonté de devenir le numéro un dans le monde de la construction de navires haut de gamme, dont des bateaux de croisière, et de la production de matériel maritime de pointe, et donc de faire directement concurrence aux marchés européens florissants. Cette politique bénéficie du plein appui des pouvoirs publics sous la forme d’aides d’État. Elle constitue une menace pour le secteur européen des technologies maritimes.

4.6.

Le marché américain demeure fermé du fait de la loi Jones. L’assouplissement de cette loi et l’ouverture du marché américain pourraient offrir au secteur de la construction navale des possibilités intéressantes. L’Union doit continuer d’insister en ce sens, bien que le climat politique qui règne actuellement aux États-Unis tende à favoriser le protectionnisme.

4.7.

À l’instar de leurs homologues en Chine, aux États-Unis, au Japon ou en Corée du Sud, les décideurs de l’UE et des États membres doivent se rendre compte que l’industrie européenne de la construction navale et la production de matériel maritime constituent des secteurs stratégiques de son économie, qui requièrent une attention et un traitement tout spéciaux, aussi bien à des fins commerciales que dans la marine de guerre.

4.8.

La Commission européenne doit viser à conclure un accord mondial qui définit les principes du contrôle des subventions et, le cas échéant, de la discipline des prix dans le cadre de l’OCDE (en y associant la Chine), et elle doit également appuyer les actions entreprises en ce sens.

4.9.

La réciprocité entre l’Europe et les pays tiers revêt une importance capitale et devrait donc servir de principe directeur dans les négociations commerciales bilatérales et multilatérales, et dans les questions liées à l’accès au marché. Elle est la clé de voûte de l’industrie européenne, y compris du secteur des technologies maritimes, qui est plus compétitif que ses concurrents mondiaux. Par conséquent, si les entreprises européennes se heurtent à des mesures protectionnistes dans des pays tiers, l’Union doit appliquer des dispositions similaires à l’égard des entreprises de ces pays qui souhaitent mener des échanges commerciaux avec l’Europe. C’est seulement de cette façon qu’une concurrence loyale sera assurée pour les chantiers navals européens et le secteur européen du matériel maritime.

Accès aux financements

4.10.

La Commission présente souvent le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), l’outil financier du plan Juncker, comme l’instrument de financement pour l’industrie; néanmoins, ni sa portée ni ses avantages ne sont bien connus, et il s’adresse essentiellement aux PME. Il convient de mieux faire connaître et de diffuser cet outil ainsi que les avantages qu’il apporte au secteur des technologies maritimes.

4.11.

Le secteur de la construction navale requiert un grand volume de capital mais ces derniers temps, les chantiers navals européens rencontrent davantage de difficultés pour accéder au financement. Dans le même temps, les chantiers navals étrangers profitent d’incitations financières de taille, notamment au titre d’aides d’État. La Commission doit donc envisager de créer un système spécial qui permette de garantir au secteur européen de la construction navale, caractérisé par une forte intensité de capital, un accès plus aisé au financement.

4.12.

Il convient de recourir à des incitations financières (par exemple, dans le cadre de programmes européens de financement, tels que le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, ou de mesures incitant les armateurs à investir dans des navires, des technologies ou un matériel respectueux de l’environnement) qui produiront un retour sur investissement en Europe.

4.13.

Il y a lieu d’examiner la possibilité d’adopter des règles sectorielles spéciales qui garantiront des incitations susceptibles de contribuer à l’amélioration de la compétitivité du secteur européen des technologies maritimes à l’échelle mondiale, tout en évitant les situations susceptibles de créer des tensions entre les États membres de l’UE. À cet égard, des exemples de bonnes pratiques adoptées dans d’autres secteurs, en particulier celui de la navigation, peuvent, dans une certaine mesure, être source d’inspiration.

4.14.

L’UE, de concert avec la Norvège, doit étudier la création d’un programme spécial destiné à favoriser un transport maritime à courte distance respectueux de l’environnement et économe en énergie en s’appuyant sur le secteur européen de la construction navale et la branche du matériel naval. Le CESE invite à tirer parti de l’avis exploratoire qu’il a élaboré à la demande de la présidence maltaise sur les «Stratégies de diversification du tourisme nautique et maritime» (5).

4.15.

Il convient également d’étudier la création d’un programme de financement qui permette aux entreprises européennes de recyclage de démanteler des catégories de navires de plus fort tonnage.

4.16.

Pour le secteur des technologies maritimes de l’UE, qui se trouve à la pointe sur le plan technologique, les instruments de financement permettant la réalisation des commandes publiques pour la marine de guerre constituent un facteur très important d’entraînement et contribuent de manière essentielle à maintenir une «masse critique» de production de l’ensemble du secteur de la construction navale dans l’UE, stimulant dans le même temps la recherche et l’innovation dans l’ensemble du secteur et de son environnement. Dans ce contexte, le CESE met en exergue le rôle positif du plan d’action européen de la défense qu’a récemment élaboré la Commission européenne.

Recherche, développement et innovation

4.17.

La Commission européenne devrait créer un contrat de partenariat public-privé pour l’industrie maritime afin de permettre à cette dernière d’investir davantage dans la résolution des problèmes réglementaires et sociaux du secteur de la navigation, ainsi que dans l’exploitation du potentiel économique des activités liées à la croissance bleue. Il y a lieu de promouvoir les innovations européennes à l’aide d’un programme spécial (européen) d’aide à l’innovation.

4.18.

L’Europe doit assurer un soutien financier à la recherche et au développement européens. Il est également nécessaire de protéger de manière adéquate les innovations européennes du point de vue des droits de propriété intellectuelle. L’Office européen des brevets doit surveiller efficacement les brevets européens, notamment dans le secteur européen des technologies maritimes, et infliger également des sanctions en cas d’infraction à la réglementation.

4.19.

Le prochain programme-cadre (le neuvième du genre) doit assurer un soutien (financier) suffisant à l’industrie maritime, afin qu’elle soit en mesure, à l’avenir, d’affronter avec succès les défis internationaux ou européens à caractère réglementaire ou social, parmi lesquels figureront notamment l’écologisation de la navigation (6), la numérisation, les technologies dites «de rupture», ainsi que la navigation connectée ou automatisée.

4.20.

Le CESE est d’avis que ce neuvième programme-cadre doit également prévoir un chapitre consacré au soutien financier de l’industrie européenne dans l’idée de lui permettre de tirer parti des possibilités qu’offre l’économie bleue en Europe.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  «Nouvelles tendances de la mondialisation en matière de construction navale et d’équipements maritimes».

(2)  SEA Europe, la voix des industries maritimes et navales civiles en Europe, bulletin d’information 2017.

(3)  http://ec.europa.eu/growth/sectors/maritime/shipbuilding/ec-support_fr

(4)  Conseil sectoriel des compétences.

(5)  Voir l’avis du CESE (JO C 209 du 30.6.2017, p. 1).

(6)  En ce qui concerne l’écologisation du transport maritime, les secteurs de la navigation et des technologies maritimes — qui relèvent d’un domaine international compétitif à l’échelle mondiale — préfèrent appliquer des solutions au niveau international, sous l’égide de l’Organisation maritime internationale (OMI) à Londres.


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/15


Avis du Comité économique et social européen sur la cohésion économique et sociale et l’intégration européenne des Balkans occidentaux — défis et priorités

(avis exploratoire)

(2018/C 262/03)

Rapporteur:

Andrej ZORKO

Corapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Consultation

Présidence bulgare, 5.9.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Article 30 du règlement intérieur du CESE

 

 

Compétence

REX

Adoption en section spécialisée

28.3.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

189/2/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite que l’intégration des pays des Balkans occidentaux dans l’UE et leur cohésion économique et sociale soit l’une des priorités de la présidence bulgare.

1.2.

Le CESE est convaincu que l’élargissement de l’Union européenne, et en particulier la diffusion de ses valeurs démocratiques et de ses normes juridiques dans la région des Balkans occidentaux, est profitable tant aux pays de la région qu’à l’Union dans son ensemble. La politique d’élargissement est un élément clé de la stratégie de l’UE sur le plan international et également la pierre angulaire de la stabilité et de la prospérité de l’Europe. Aussi le CESE propose-t-il de faire de l’intégration des pays des Balkans occidentaux une des grandes priorités de l’UE à l’avenir, pour autant que ces pays continuent d’avancer en vue de remplir les conditions requises pour l’adhésion à l’UE (1).

1.3.

Le CESE se félicite de l’organisation, le 17 mai prochain à Sofia, d’un sommet européen qui réunira les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’UE et des Balkans occidentaux. En amont de ce sommet, le CESE coorganisera, en collaboration avec ses partenaires, une conférence de la société civile des Balkans occidentaux (le 15 mai, à Sofia). Il s’engage à organiser, avant tout sommet de cette nature, une manifestation conjointe à laquelle participeront des représentants d’organisations de la société civile (2) des Balkans occidentaux et de l’UE. Il invite les institutions et les États membres de l’UE à associer régulièrement des chefs d’État des pays des Balkans occidentaux aux sommets de l’Union européenne, afin de démontrer que celle-ci considère cette région comme faisant partie de son avenir.

1.4.

Le CESE espère que le sommet de Sofia confirmera le nouvel élan que connaît l’engagement de l’UE envers la région et qu’il encouragera d’autres futures présidences à maintenir l’intégration des pays des Balkans occidentaux au nombre de leurs priorités essentielles. L’élargissement de l’UE aux pays des Balkans occidentaux devrait aller de pair avec le renforcement du projet politique de l’UE et de ses institutions.

1.5.

Le CESE invite les chefs d’État qui participeront au sommet de l’UE de Sofia à manifester clairement leur engagement à apporter un soutien plus constant et direct aux organisations de la société civile à tous les niveaux. Le sommet devrait aussi promouvoir un soutien public direct accru aux médias indépendants.

1.6.

Le CESE encourage les chefs d’État qui participeront au sommet de l’UE de Sofia à jouer un rôle proactif dans la résolution des différends bilatéraux en promouvant une coopération ciblée avec l’OSCE et le Conseil de l’Europe et en appuyant le rôle que joue la société civile dans la résolution de ces différends.

1.7.

Le CESE se dit également convaincu que l’élargissement effectif de l’Union européenne et la promotion de ses valeurs dans les pays des Balkans occidentaux garantit la sécurité et la stabilité, favorise le développement économique et social et la prospérité, consolide la démocratie et l’État de droit, facilite la libre circulation des personnes et des biens, stimule la politique d’investissement et encourage la mobilité.

1.8.

Le CESE estime que le respect de l’État de droit et des droits des minorités est d’une importance vitale pour le développement démocratique, économique et social des pays des Balkans occidentaux.

1.9.

Le CESE est par ailleurs convaincu que l’éducation ainsi que des médias libres et indépendants ont un rôle très important à jouer afin de surmonter les différends du passé et de renforcer les valeurs démocratiques.

1.10.

Le CESE fait remarquer que le processus d’adhésion à l’UE reste l’une des principales motivations des réformes dans les pays des Balkans occidentaux. Il souligne le manque d’attention accordée aux conséquences économiques et sociales des réformes mises en œuvre, étant donné qu’il existe une grande différence entre les membres de l’UE et les pays candidats à l’adhésion pour ce qui est du niveau de sécurité économique et sociale des citoyens. Par conséquent, le CESE recommande de tenir compte du niveau de cohésion sociale, économique et territoriale dans l’évaluation du respect des critères d’adhésion à l’UE.

1.11.

Le CESE estime que les questions d’infrastructures, de transports et d’énergie doivent être une priorité première dans les négociations avec les pays des Balkans occidentaux. Il est également d’avis que la création d’une société numérique et le développement des compétences numériques dans tous les pays des Balkans occidentaux devraient profiter à la fois au secteur public et au secteur privé. L’UE peut et devrait contribuer à l’amélioration de l’infrastructure et au déploiement d’un réseau à haut débit dans ces pays, qui se situent, dans certains cas, bien en-deçà de la moyenne européenne en la matière.

1.12.

Le CESE suggère qu’il soit envisagé d’inclure au nombre des critères d’adhésion à l’UE le fait de disposer d’un dialogue social et civil opérationnel au niveau national.

1.13.

L’UE devrait élaborer une feuille de route spécifique pour les négociations avec les pays des Balkans occidentaux, établissant un calendrier précis et des engagements concrets pour chacun. Il s’imposerait également d’élaborer une stratégie de communication pour les États membres de l’UE, qui mettrait en évidence les avantages de la politique européenne d’élargissement aux pays des Balkans occidentaux, en particulier pour ce qui est de garantir la paix, la stabilité, la prospérité et le développement économique et social.

1.14.

Le CESE encourage par ailleurs la Commission à inclure le respect des droits des minorités et l’égalité entre les femmes et les hommes parmi les principales priorités dans les négociations d’adhésion à l’UE menées avec les pays des Balkans occidentaux.

1.15.

Le CESE accueille favorablement la nouvelle stratégie de la Commission pour les Balkans occidentaux intitulée «Une perspective d’élargissement crédible ainsi qu’un engagement de l’Union européenne renforcé pour les Balkans occidentaux» (3), publiée le 6 février 2018, ainsi que ses six initiatives phare, qui prévoient de renforcer l’état de droit, d’intensifier la coopération en matière de sécurité et de migration en ayant recours aux équipes communes d’enquête et à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, de consolider l’union de l’énergie en l’étendant aux pays des Balkans occidentaux, d’abaisser les tarifs d’itinérance et de déployer le haut débit dans la région.

1.16.

Le CESE se déclare disposé à dialoguer avec la société civile des Balkans occidentaux afin de contribuer à la prise de mesures concrètes dans les domaines de l’état de droit, de la sécurité et des migrations, du développement socioéconomique, de la connectivité, de la stratégie numérique, de la réconciliation et des relations de bon voisinage, comme indiqué dans le plan d’action en faveur de la transformation des pays des Balkans occidentaux pour la période 2018-2020.

1.17.

Le CESE est convaincu que la Commission pourrait mettre en place des programmes spécifiques permettant aux pays des Balkans occidentaux de parvenir plus rapidement à la convergence sociale. La lenteur et le caractère inégal des avancées qui ont été enregistrées dans le traitement de ces problèmes sont clairement un facteur important qui contribue à la lenteur des progrès généraux accomplis en matière d’intégration à l’UE. Donner un nouvel élan à l’européanisation s’impose de toute urgence.

1.18.

Les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile, tant au niveau de l’UE qu’au niveau national, devraient être véritablement associés à l’ensemble du processus d’intégration des pays des Balkans occidentaux dans l’Union. Il est nécessaire de renforcer les capacités des organisations de la société civile par un soutien technique et économique, en facilitant leur accès aux sources de financement européennes (Commission européenne, Banque européenne d’investissement, BERD, etc.), et en les informant en temps utile et de manière détaillée sur le processus des négociations d’adhésion.

1.19.

Le CESE encourage les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile des pays des Balkans occidentaux à coopérer étroitement durant le processus d’intégration à l’UE, tant au niveau national que régional.

2.   Situation politique

2.1.

Les Balkans occidentaux demeurent une région politiquement instable, mais constituent aussi une région en pleine croissance qui dispose d’un potentiel considérable.

2.2.

Le CESE recommande que la Commission, le Conseil et le Parlement européen intensifient leurs efforts de communication pour expliquer aux citoyens européens les avantages et les défis de la politique d’élargissement et que les organisations de la société civile soient invitées à être des partenaires et relais étroitement associés à la démarche pour communiquer les messages qui s’y rapportent (4).

2.3.

Il est extrêmement important que l’intégration des Balkans occidentaux continue d’être une priorité pour l’UE à l’avenir — et pas seulement pendant la présidence bulgare — et que l’Union contribue activement à la stabilité et la paix de la région en lui offrant la perspective d’adhérer aux organisations euro-atlantiques. Cette adhésion peut en outre contribuer à la stabilité de la région, en garantissant sa sécurité et sa prospérité, et offrir aux nations des perspectives de se regrouper au sein d’une Europe sans frontières.

2.4.

Le CESE se félicite qu’ait été annoncée l’organisation d’un sommet européen à Sofia, avec la participation des dirigeants des pays de l’UE et des Balkans occidentaux, mais il estime par ailleurs que ce sommet de l’UE devrait prévoir un rôle plus actif pour les représentants des organisations de la société civile au niveau de l’UE.

2.5.

Le CESE se félicite de la récente annonce du programme «processus de Berlin plus» (5), qui prévoit des financements spécifiques pour le développement des entreprises, la formation professionnelle, les infrastructures et la technologie, notamment pour les projets favorisant les liaisons de transport entre les pays les moins connectés de la région. Ce «plan Marshall» devrait accélérer la mise en place d’une union douanière et d’un marché commun dans les Balkans. Néanmoins, il faudra veiller à ce que cette coopération régionale ne cause pas un retard dans le processus d’élargissement et qu’elle ne soit pas considérée comme une solution de substitution.

2.6.

Le CESE constate que dans les pays des Balkans occidentaux, il y a un désir et une volonté de réformes qui entraîneraient l’intégration dans l’Union européenne, mais il souligne que leur réalisation continue à dépendre de la mesure dans laquelle les institutions de l’État sont capables de les mettre effectivement en œuvre et d’en garantir l’application, ainsi que du degré d’appropriation du processus par les organisations de la société civile et la population en général. Élaborer une feuille de route spécifique pour les négociations d’adhésion à l’UE, établissant un calendrier précis et des engagements concrets pour chacun des pays des Balkans occidentaux, serait à même de motiver ces pays à accélérer la mise en œuvre des réformes nécessaires.

2.7.

Le CESE insiste sur le fait qu’il a développé de très bons contacts avec les organisations de la société civile dans les Balkans occidentaux et qu’il est parfaitement au courant de la situation dans ces pays. Il se dit convaincu que les comités consultatifs mixtes (CCM) de la société civile devraient tenter de combler les «créneaux vides» qui ne sont pas occupés par d’autres instances dans le processus de négociation, et se concentrer sur un nombre limité de domaines. Sur ce point, le CESE souhaite une amélioration des échanges d’informations entre les comités consultatifs mixtes, la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Il demande en outre que le rôle des CCM soit renforcé (6).

2.8.

La corruption, l’incidence de la criminalité organisée, la faiblesse générale des institutions publiques et de l’état de droit, les différends bilatéraux et la discrimination à l’égard des groupes minoritaires constituent également des problèmes majeurs qui perdurent, tant pour la participation que pour l’intégration.

2.9.

Les critères de Copenhague sont les règles qui déterminent si un pays est éligible à l’adhésion à l’Union européenne (7). En vertu des critères applicables, un État doit disposer des institutions propres à garantir la gouvernance démocratique et l’État de droit, respecter les droits de l’homme, avoir une économie de marché viable et accepter les obligations et la mission de l’UE.

2.10.

L’adhésion à l’UE ne devrait pas avoir lieu au même moment pour l’ensemble des pays des Balkans occidentaux. Le CESE se félicite que la Serbie et le Monténégro soient actuellement les mieux placés dans le processus d’intégration. Il exprime également l’espoir que l’ancienne République yougoslave de Macédoine et l’Albanie entament des négociations avec l’Union dans les meilleurs délais. Il se félicite que la Bosnie-Herzégovine ait transmis ses réponses au questionnaire de la Commission et que celle-ci évalue actuellement la possibilité de lui accorder le statut de pays candidat à l’adhésion.

2.11.

Les pays des Balkans occidentaux sont toujours marqués par les blessures provoquées par les guerres et les conflits, la haine ethnique, les projets irrédentistes et les conflits gelés qui pourraient bien éclater à nouveau. S’il est nécessaire d’encourager vivement ces pays à résoudre leurs différends bilatéraux les plus pressants avant leur adhésion à l’UE, il faut avoir conscience qu’exiger avec insistance la résolution de toutes les questions en suspens pourrait retarder ce processus.

2.12.

Le CESE est également convaincu que la société civile peut jouer un rôle important en faisant se rencontrer les jeunes générations de différents pays et en ouvrant un dialogue public sur un certain nombre de problématiques qui sont essentielles pour la région. Le développement économique, l’amélioration des niveaux de vie, l’emploi et la sécurité sociale favorisent une coexistence pacifique au niveau régional.

2.13.

Les pays des Balkans occidentaux pourraient mettre en place des conseils nationaux pour l’intégration européenne, au sein desquels se réuniraient régulièrement des autorités politiques de haut niveau et les principales organisations de la société civile, afin de rendre le processus d’intégration à l’UE plus transparent et de le faire mieux connaître à l’opinion publique (8).

2.14.

Le CESE a déjà mis en évidence le rôle que joue la société civile au cours du processus d’adhésion et a très clairement indiqué que la participation de la société civile à ce processus est constituée des éléments suivants: 1) une participation directe aux négociations proprement dites (inspection, préparation des positions nationales et suivi de leur progression), 2) un dialogue social et civil lié à la formulation des politiques et à l’harmonisation législative avec l’acquis, 3) une participation à la programmation des fonds de préadhésion, 4) un suivi indépendant concernant les avancées et les retombées sociales des processus de réforme. L’accomplissement de ces missions nécessite un soutien financier adéquat, par le truchement des gouvernements nationaux et des fonds de préadhésion de l’Union (9).

2.15.

Le CESE fait observer que l’intérêt de l’Union européenne à intégrer rapidement et efficacement les pays des Balkans occidentaux en son sein a diminué, en raison d’autres priorités politiques et de l’absence d’une stratégie européenne en matière d’élargissement, mais aussi de l’existence de différentes approches politiques de la part des États membres. Ces dernières années, en raison des attentes déçues, l’euroscepticisme a augmenté dans les États des Balkans occidentaux. Cette situation a causé un affaiblissement de l’impact des critères d’adhésion et a ralenti les réformes. Cela est particulièrement visible pour ce qui est de garantir l’État de droit, la liberté des médias et la prévention de la corruption.

2.16.

Les pays des Balkans occidentaux procèdent actuellement à des réformes, mais à des rythmes très différents. Il conviendrait qu’ils redoublent d’efforts pour combattre la corruption généralisée, le crime organisé et le blanchiment d’argent. L’indépendance du pouvoir judiciaire revêt également une importance capitale pour la bonne santé de la démocratie.

2.17.

Le CESE considère qu’il est nécessaire de renforcer la lutte contre le terrorisme dans les pays des Balkans occidentaux et soutient fermement l’initiative de lutte contre le terrorisme dans les Balkans occidentaux (WBCTi) (10).

2.18.

Le CESE est d’avis que la coopération entre les pays des Balkans occidentaux et l’UE et ses agences compétentes (par exemple, Europol) doit être encore développée afin d’accélérer le processus d’élargissement. Cette mesure est particulièrement urgente dans des domaines tels que la sécurité et les migrations.

3.   Stabilité et prospérité économiques

3.1.

L’économie des pays des Balkans occidentaux continue de croître, avec une croissance du PIB réel qui, dans la région, devrait se porter à 2,6 % pour 2017. Ce chiffre devrait encore progresser pour atteindre 3,0 % en 2018, tiré par la consommation des ménages et l’investissement privé, ainsi que par la reprise progressive du crédit, les envois de fonds et les grands projets d’infrastructure. Par rapport à la situation de 1995, le niveau de vie a considérablement progressé dans l’ensemble des six États de la région. Ils demeurent malgré tout parmi les plus pauvres d’Europe. En outre, la convergence économique des États des Balkans occidentaux a perdu de son dynamisme depuis la crise et accuse un retard sur le mouvement de convergence montré par les nouveaux États membres du centre-est et du sud-est de l’Europe.

3.2.

Le processus de convergence économique dans les Balkans occidentaux est extrêmement long. Il est donc essentiel de créer un environnement favorable aux investissements étrangers et à leur accélération, et d’adopter des réformes économiques appropriées, de stimuler la compétitivité et de créer des emplois de qualité.

3.3.

Le CESE se félicite des progrès enregistrés en matière d’intégration économique dans la région des Balkans occidentaux, les dirigeants de la région s’étant engagés à approfondir leurs liens et à travailler ensemble sur la voie de leur adhésion à l’Union européenne. Il plaide pour une participation accrue des partenaires sociaux et des autres OSC à l’élaboration des programmes de réforme économique et des conclusions conjointes formulant des recommandations spécifiques pour chaque pays de la région (11).

3.4.

Le CESE est également convaincu que les pays candidats ont besoin de davantage d’incitations à la réforme. En particulier, il est nécessaire d’encourager une coopération régionale plus étroite afin de faciliter le respect des critères d’adhésion à l’UE.

3.5.

Le CESE estime qu’il est nécessaire de mobiliser les nouvelles entrées d’IED dans le secteur manufacturier en soutenant les chaînes d’approvisionnement locales et en mettant à niveau les compétences et les capacités technologiques des PME.

3.6.

Les secteurs de l’énergie et des transports devraient être un facteur de développement et d’interconnectivité pour la région. Tout cela permettrait de donner aux citoyens des Balkans occidentaux une idée claire des avantages qu’il y a à adhérer à l’Union européenne, sur le plan social, économique et environnemental. Par exemple, l’efficacité énergétique et les économies d’énergie sont des facteurs générateurs d’activité pour les entreprises et des facteurs de création d’emplois, aussi bien verts que traditionnels.

3.7.

Le CESE se félicite que le traité instituant une Communauté des transports ait été signé entre l’UE et les pays des Balkans occidentaux le 12 juillet 2017, et il encourage les parties à poursuivre dans cette voie. À cet égard, la Commission européenne, la Banque européenne d’investissement et les pays des Balkans occidentaux devraient concentrer leurs investissements sur le raccordement entre le réseau central du RTE-T et les infrastructures des Balkans occidentaux. Il est donc nécessaire, désormais, de prévoir un programme partagé qui recense les fonds disponibles et définisse un calendrier commun.

3.8.

L’amélioration des infrastructures permettra de réduire les coûts du transport et de l’énergie et facilitera la réalisation d’investissements importants dans la région. En outre, la promotion de la modernisation numérique des Balkans occidentaux contribuera au développement des entreprises, à l’accroissement de la productivité et à l’amélioration de la qualité de vie.

3.9.

Le CESE estime par ailleurs que les investissements dans des approches complémentaires par rapport aux politiques économiques traditionnelles (économie circulaire, économie sociale, prise en compte des objectifs de développement durable — ODD) sont susceptibles de garantir la croissance et l’emploi en général.

3.10.

Le CESE observe que dans tous les pays des Balkans occidentaux, l’État conserve un rôle hypertrophié, tandis que le secteur privé est plus faible que dans les sept petites économies en transition d’Europe («7STEE») (12).

3.11.

Le CESE estime que l’État doit devenir un fournisseur de services publics plus efficace et plus fiable et garantir un environnement favorable pour les entreprises privées.

3.12.

Le CESE est d’avis que les petites et moyennes entreprises, qui constituent la majorité des entreprises, pourraient devenir les moteurs de la croissance économique dans les six pays des Balkans occidentaux. Pour ce faire, il est nécessaire de réduire la bureaucratie, de rendre l’administration publique plus transparente, de lutter contre la corruption et de disposer d’un pouvoir judiciaire pleinement indépendant.

3.13.

Le CESE soutient les conclusions du 6e Forum de la société civile des Balkans occidentaux et exprime sa vive inquiétude face au rétrécissement de l’espace laissé à la société civile dans un nombre croissant de pays de la région. Il note que l’UE et ses États membres se sont engagés à promouvoir un espace dévolu à la société civile et à intensifier le soutien apporté au renforcement des capacités des OSC afin qu’elles puissent davantage faire entendre leur voix dans le processus de développement et pour faire progresser le dialogue politique, social et économique.

3.14.

Le CESE souligne que les organisations de la société civile devraient être associées de manière significative au processus de réforme économique, publique et législative dans tous les pays des Balkans occidentaux. Il est nécessaire de renforcer leurs capacités par un soutien technique et financier, notamment en leur facilitant l’accès aux sources de financement européen, et de les informer en temps utile et de manière détaillée sur le processus des négociations d’adhésion.

4.   Stabilité sociale — chômage — émigration

4.1.

Depuis la crise économique, la convergence des revenus — et tout particulièrement la convergence sociale — entre les pays les plus pauvres et les pays les plus riches de l’UE s’est ralentie, voire, dans certains cas, montre une tendance inversée. Cette situation freine l’UE dans ses propres ambitions et remet en question son pouvoir d’attraction pour de futurs membres. Tous les pays de la région sont touchés par la pauvreté, l’importance de l’économie informelle, un taux de chômage élevé, des salaires bas, la corruption, des malversations, l’émigration de travailleurs qualifiés, des discriminations envers les minorités et une fuite des cerveaux.

4.2.

Bien que les pays des Balkans occidentaux fassent apparaître une convergence vers les niveaux de l’UE-28, ils progressent à un rythme assez lent et accusent un retard par rapport à la région de l’UE. Les données montrent qu’il faudra probablement jusqu’à 40 ans pour atteindre la pleine convergence avec le niveau de vie de l’UE.

4.3.

Il n’y a pas de convergence salariale dans les pays des Balkans occidentaux. Dans certains pays, l’écart salarial avec l’UE a même augmenté, ce qui nuit à la sécurité économique et sociale des citoyens des pays des Balkans occidentaux. Depuis la crise, la plupart de ces pays n’ont enregistré aucune augmentation des salaires réels. S’il existe des salaires minimaux légaux dans tous les pays des Balkans occidentaux, ceux-ci, dans de nombreux cas, n’assurent pas un niveau minimal de subsistance aux familles.

4.4.

En outre, le CESE fait remarquer qu’en raison du niveau élevé du chômage, l’émigration de la main-d’œuvre au départ des six pays des Balkans occidentaux reste un problème majeur. On estime qu’un quart de la population des six pays des Balkans occidentaux s’est établi à l’étranger. Même si les envois de fonds des travailleurs migrants constituent une source importante de revenus et contribuent à l’économie nationale à court terme, l’émigration massive et la perte de population ont à long terme de graves conséquences sur le potentiel de développement économique de ces pays (13).

4.5.

À l’exception du Monténégro, dans la région des Balkans occidentaux, ce sont les jeunes et les femmes peu qualifiés qui ont été les plus durement touchés par la diminution des niveaux d’emploi. Une donnée également essentielle est que, en 2015, plus de 70 % des chômeurs des six pays des Balkans occidentaux étaient sans emploi depuis plus d’un an en moyenne (14).

4.6.

Le CESE est convaincu que tant l’Union que les pays des Balkans occidentaux eux-mêmes devraient accorder une plus grande attention à la qualité de la vie et à la sécurité sociale pour les habitants de ces États. Il suggère d’envisager la possibilité d’appliquer les principes du socle européen des droits sociaux au moment de l’évaluation du respect des conditions d’adhésion. En outre, la Commission pourrait aussi mettre en place des programmes spécifiques permettant aux pays des Balkans occidentaux de parvenir plus rapidement à la convergence sociale.

4.7.

Le CESE dit également s’attendre à ce qu’il faille continuer à renforcer la compétitivité et intensifier les réformes structurelles dans les six pays des Balkans occidentaux, afin de renforcer le marché du travail et de freiner l’émigration. Les organisations de la société civile devraient être véritablement consultées lors de l’élaboration des réformes structurelles (15).

4.8.

Le CESE met l’accent sur le fait que les tendances sur les marchés du travail de la région révèlent des taux élevés d’inactivité chez les femmes, et invite instamment les gouvernements à apporter un soutien permettant de garantir une progression des taux d’emploi des femmes. Il encourage par ailleurs la Commission à inclure l’égalité entre les femmes et les hommes parmi les principales priorités dans les négociations d’adhésion à l’UE menées avec les pays des Balkans occidentaux.

4.9.

Le CESE est convaincu que le respect des droits des minorités et de leur culture est essentiel pour le développement d’une société civile démocratique dans tous les pays des Balkans occidentaux.

4.10.

Le CESE estime que le rôle de l’éducation, et notamment l’égalité d’accès aux systèmes d’enseignement, est essentiel, dans tous les pays des Balkans occidentaux, pour promouvoir les valeurs européennes, cultiver la tolérance à l’égard des minorités, lutter contre les préjugés, et renforcer la cohésion sociale.

4.11.

Le CESE estime par ailleurs qu’un «Agenda de la cohésion sociale» doit remédier aux déficits et aux inadéquations des compétences, en améliorant l’efficacité et l’efficience des systèmes d’éducation. Augmenter le concours financier destiné aux programmes de formation professionnelle contribuerait à remédier à l’inadéquation des compétences sur le marché du travail et à réduire les taux de chômage élevés.

4.12.

Le CESE se réjouit des initiatives prises par les institutions éducatives et culturelles étatiques, les milieux universitaires ou les organisations de la société civile en faveur de la réconciliation, des relations de bon voisinage et d’une approche critique du passé.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Les principes fondamentaux de la stratégie de l’Union envers les Balkans occidentaux ont été présentés par la Commission le 6 février 2018 dans sa communication intitulée «Une perspective d’élargissement crédible ainsi qu’un engagement de l’Union européenne renforcé pour les Balkans occidentaux», COM(2018) 65 final.

(2)  Conformément à la terminologie établie du CESE, les expressions «société civile» et «organisations de la société civile» incluent, aux fins du présent avis, les partenaires sociaux (c’est-à-dire les employeurs et les syndicats) et tous les autres acteurs non étatiques.

(3)  COM(2018) 65 final du 6.2.2018.

(4)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 31.

(5)  http://shtetiweb.org/berlin-process/

(6)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 31.

(7)  https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/policy/glossary/terms/accession-criteria_en

(8)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 31.

(9)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 31.

(10)  http://wbcti.wb-iisg.com/, https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/sites/near/files/ipa_ii_2016_039-858.13_mc_pcve.pdf

(11)  Déclaration finale du 6e Forum de la société civile des Balkans occidentaux.

(12)  Groupe de la Banque mondiale, The Western Balkans: Revving up the Engines of Growth and Prosperity («Balkans occidentaux: mettre en route les moteurs de la croissance et de la prospérité»), 2017.

(13)  «Le taux de chômage dans la région des Balkans occidentaux est nettement supérieur à la moyenne de l’EU-28, avec toutefois quelques améliorations au cours des dernières années. Ce sont tout particulièrement la Bosnie-Herzégovine, l’ancienne République yougoslave de Macédoine et le Monténégro qui souffrent d’un taux de chômage élevé et persistant, mais même le taux de chômage actuel de la Serbie, qui se situe à 13,5 % et est le meilleur de la région après de récentes améliorations, est beaucoup trop élevé par rapport à celui des États membres de l’UE. En dépit de ce taux de chômage vertigineux, quelque 230 000 emplois ont été créés dans la région au cours des 12 mois qui ont précédé juin 2017 (soit une augmentation de 3,8 %); plus de la moitié l’ont été dans le secteur privé. En conséquence, l’emploi (en termes de nombre d’emplois, mais pas en nombre d’heures travaillées) est revenu à ses niveaux d’avant 2008 dans tous les pays des Balkans occidentaux, hormis la Bosnie-Herzégovine» (données issues du rapport économique périodique du Groupe de la Banque mondiale, no 12, automne 2017).

(14)  Groupe de la banque mondiale, Western Balkans Labor Market Trends 2017 («Tendances 2017 du marché de l’emploi dans les Balkans occidentaux»).

(15)  Comme cela est indiqué dans l’avis du CESE sur la stratégie d’élargissement de l’UE (JO C 133 du 14.4.2016, p. 31), et dans la déclaration finale du sixième Forum de la société civile des Balkans occidentaux , organisé par le CESE à Sarajevo, les 10 et 11 juillet 2017.


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/22


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mener à son terme le programme pour une meilleure réglementation: de meilleures solutions pour de meilleurs résultats

[COM(2017) 651 final]

(avis d’initiative)

(2018/C 262/04)

Rapporteur:

Bernd DITTMANN

Décision de l’Assemblée plénière

15.2.2018

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

9.3.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

185/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE est d’avis que l’initiative «Mieux légiférer» devrait devenir un programme permanent ayant pour finalité de garantir une législation européenne de qualité, sans pour autant mettre en péril les objectifs d’action clés ni créer une pression poussant à la déréglementation. La nouvelle Commission devrait maintenir, étoffer et améliorer ce programme après 2019.

1.2.

Le CESE invite la Commission à publier une feuille de route détaillée sur la prochaine évaluation du programme «Mieux légiférer» et à définir le type de participation envisagé pour les parties prenantes et le CESE.

2.   La communication de la Commission sur l’amélioration de la réglementation

2.1.

Le 24 octobre 2017, la Commission a publié la communication intitulée «Mener à son terme le programme pour une meilleure réglementation: de meilleures solutions pour de meilleurs résultats» (1) (ci-après dénommée «la communication»).

2.2.

Dans la communication, la Commission dresse le bilan des avancées réalisées dans la mise en œuvre du programme pour une meilleure réglementation (ci-après dénommé «le programme») depuis son adoption en mai 2015.

2.3.

En 2018, la Commission évaluera le système permettant de mieux légiférer «en bloc». Le présent avis exprime la position du Comité par rapport à la communication et constitue une contribution aux travaux préparatoires en vue de cette future évaluation.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE se félicite de l’engagement constant de la Commission dans le processus d’amélioration de la réglementation, ainsi que des efforts qu’elle consent actuellement pour remplir les objectifs définis dans le programme de mai 2015, conformément à ce qui est décrit dans la communication. L’amélioration de la réglementation est un processus soumis à de constants perfectionnements et qui requiert l’engagement et la contribution de tous les acteurs concernés.

3.2.

Une meilleure réglementation devrait contribuer à mettre en place des processus décisionnels responsables, participatifs et transparents qui débouchent sur des règles simples, claires, cohérentes, adéquates et aisément applicables. Il s’agit là d’une condition préalable essentielle pour garantir la confiance des citoyens dans l’UE et ses institutions. Elle devrait contribuer à définir des cadres réglementaires efficaces et cohérents favorisant l’innovation et la croissance durable, ainsi que l’achèvement et le bon fonctionnement du marché unique.

3.3.

L’amélioration de la législation ne devrait pas déboucher sur une bureaucratisation excessive du processus décisionnel de l’Union. Les décisions politiques ne doivent pas être remplacées par des procédures techniques.

3.4.

Dans un précédent avis (2) consacré à l’amélioration de la réglementation, le CESE a souligné que «l’objectif n’est pas de réglementer “plus”, de réglementer “moins” ou de déréglementer certains domaines politiques ou de les reléguer derrière d’autres priorités et, partant, de remettre en question les valeurs que défend l’Europe, à savoir la protection sociale, la protection de l’environnement et les droits fondamentaux (3). L’amélioration de la réglementation est avant tout un outil permettant de garantir la réalisation effective des objectifs politiques, sur la base de données factuelles et en respectant les valeurs précitées, sans restreindre pour autant les droits environnementaux et les droits des consommateurs ni les normes sociales et sans effectuer de transferts de compétences au sein du tissu institutionnel en créant des groupes d’experts. L’amélioration de la réglementation ne peut et ne saurait se substituer aux décisions politiques.»

3.5.

Le CESE reconnaît les progrès réalisés dans la mise en œuvre du programme à ce jour. Il se réjouit en particulier de l’utilisation plus méthodique des analyses d’impact et évaluations ex post, de la consultation plus systématique des parties prenantes, de l’existence des lignes directrices et de la boîte à outils révisés pour une meilleure réglementation, ainsi que du programme et de la plateforme REFIT, de même que de la désignation du comité d’examen de la réglementation.

3.6.

Le CESE contribue activement au programme pour une meilleure réglementation, notamment en participant à la plateforme REFIT et en élaborant des évaluations ex post. Il renvoie à ses nombreux avis en la matière (4). Néanmoins, le Comité n’apparaît ni dans le programme, ni dans la communication. Le Comité n’est pas non plus partie à l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer». Cela montre que la Commission et les législateurs continuent à ne pas tenir suffisamment compte du rôle et de la fonction du Comité tels que définis dans les traités, ni des connaissances et de l’expertise de ses membres et de la société civile qu’ils représentent.

3.7.

La participation au programme «Mieux légiférer» et aux instruments et procédures afférents requiert des ressources financières et humaines dont ne disposent pas toujours les organisations de la société civile (par exemple, la production de données, la participation à des consultations publiques, etc.). Il en va de même pour les petites entreprises. Le CESE demande à la Commission de veiller à ce que le programme «Mieux légiférer» reste ouvert et accessible à toutes les organisations et tous les intérêts, indépendamment de leur taille et de leurs ressources financières et humaines.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE est la voix institutionnelle de la société civile organisée européenne et sert d’intermédiaire entre, d’une part, les législateurs de l’UE et, d’autre part, les organisations de la société civile et les partenaires sociaux. Le CESE a une longue expérience et une grande expertise sur toutes les questions ayant trait au programme pour une meilleure réglementation. À cet égard, il souhaite rappeler à la Commission certaines de ses recommandations spécifiques concernant les aspects abordés dans la communication, ainsi que d’autres points qu’il estime nécessaire de mettre en évidence.

4.2.

Le CESE estime que la communication fournit un bon aperçu des avancées réalisées dans la mise en œuvre du programme dans les différents domaines du processus d’amélioration de la législation. Toutefois, elle reste trop vague par rapport aux mesures précises que la Commission envisage de prendre afin de développer davantage le programme. En outre, la communication n’évoque pas la prochaine évaluation du programme pour une meilleure réglementation en 2018, ses principaux domaines prioritaires, ni le type de participation du CESE et des parties intéressées qui est prévu.

4.3.   Proportionnalité et subsidiarité

4.3.1

Le CESE se félicite que la Commission mette l’accent sur des priorités essentielles et s’efforcera d’être «très visible sur les grands enjeux». Il réaffirme que l’Union ne doit intervenir que dans la mesure où les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont respectés et où une action commune apporte une valeur ajoutée pour tous.

4.3.2

Comme il l’a indiqué dans un de ses avis (5), le CESE «se prononce en faveur d’une clarification des principes de subsidiarité et de proportionnalité qui sont parfois utilisés comme arguments par les adversaires d’initiatives législatives sans que leur raisonnement sous-jacent ne soit suffisamment étayé».

4.3.3

Le CESE prend acte de la création d’une task-force «Subsidiarité et proportionnalité» (6). Il demande à la task-force de tenir dûment compte de ses avis et recommandations en la matière.

4.3.4

Le CESE plaide pour un meilleur contrôle de la subsidiarité et de la proportionnalité, ainsi que pour une participation accrue des États membres et de leurs parlements aux analyses ex post.

4.3.5

Le CESE invite la Commission à assurer une meilleure promotion de l’outil no 5 de la boîte à outils («Base juridique, subsidiarité et proportionnalité») dans l’ensemble de ses services (horizontalement et verticalement), et ce, afin de renforcer la prise en compte de cet outil lors de l’élaboration des analyses d’impact.

4.4.   Analyses d’impact

4.4.1

Le CESE renvoie aux suggestions qu’il a formulées dans son avis (7) sur la manière d’améliorer l’écosystème européen en matière d’analyse d’impact.

4.4.2

Les analyses d’impact devraient constituer la procédure type lors de la présentation de toute nouvelle proposition législative, y compris les actes délégués et les actes d’exécution. Dans le cas où une proposition n’est pas accompagnée d’une analyse d’impact, la Commission doit détailler ses raisons et fournir l’ensemble des données et éléments de preuve qui ont alimenté et/ou viennent étayer son texte.

4.4.3

Il est explicitement mentionné dans les lignes directrices pour une meilleure réglementation que des analyses d’impact peuvent et doivent être réalisées pour les initiatives législatives, ainsi que pour les actes délégués et les actes d’exécution. Le Comité encourage dès lors la Commission à examiner plus en détail la nécessité d’effectuer une analyse d’impact relative à ces actes, et ce, de manière plus transparente à l’égard des parties prenantes et du CESE. Le fait d’avoir procédé à une analyse d’impact pour le texte législatif dont découlent les actes délégués et les actes d’exécution ne saurait suffire pour justifier l’absence d’analyse d’impact concernant les actes dérivés. Chaque acte doit être évalué selon des critères qui lui sont propres, en particulier parce que les répercussions des actes délégués et des actes d’exécution peuvent s’avérer cruciales pour les parties prenantes et la société civile dans son ensemble.

4.4.4

Les lignes directrices et la «boîte à outils» pour une meilleure réglementation (8) constituent le manuel de référence des services de la Commission lors de la réalisation des analyses d’impact. Toutefois, le CESE attire l’attention sur le fait que les lignes directrices et la boîte à outils sont conçues principalement pour un usage spécifique par les services de l’UE, et leurs spécifications ne permettent pas aux parties prenantes de comprendre comment utiliser correctement les outils nécessaires à l’analyse d’impact. Par conséquent, le CESE invite la Commission à rendre ces outils plus accessibles au public en proposant une version fonctionnelle.

4.4.5

Toutefois, le CESE observe que ces lignes directrices ne sont pas toujours respectées, ce qui donne lieu à des analyses d’impact déficientes. Ce fait est confirmé et démontré dans le rapport annuel de 2016 du comité d’examen de la réglementation (9). Le CESE encourage donc la Commission à promouvoir davantage les principes de meilleure réglementation dans l’ensemble de ses services, par exemple en organisant régulièrement des programmes de formation obligatoires pour le personnel.

4.4.6

Il ressort du rapport annuel de 2016 du comité d’examen de la réglementation que les services de la Commission, après réception d’un avis initial négatif, ne mettent que partiellement en pratique les recommandations du comité. Par conséquent, le CESE propose que le comité d’examen de la réglementation puisse émettre un veto suspensif dans les cas où il remet un double avis négatif, contraignant le service de la Commission à modifier son analyse d’impact jusqu’à ce que les critères de qualité soient respectés. Le comité d’examen de la réglementation ne devrait pas avoir de droit de veto en ce qui concerne les décisions politiques.

4.4.7

Le CESE soutient le principe «Penser en priorité aux PME» et encourage la Commission à mettre davantage l’accent sur les PME, y compris les microentreprises et très petites entreprises, dans le cadre de ses évaluations d’impact.

4.5.   Transparence, légitimité et obligation de rendre des comptes

4.5.1

Concernant le registre de transparence, le CESE accueille favorablement la proposition soumise par la Commission, en 2016, d’un accord interinstitutionnel juridiquement contraignant sur un registre de transparence obligatoire qui, outre la Commission et le Parlement, inclurait le Conseil.

4.5.2

Le CESE se félicite du fait que les consultations publiques sur les initiatives importantes seront désormais proposées dans toutes les langues officielles. Quant aux autres, elles se tiendront toutes au moins en français, en allemand et en anglais. Le CESE rappelle à la Commission qu’il convient de fournir la traduction des résumés des analyses d’impact dans l’ensemble des langues officielles (10).

4.5.3

Sur l’engagement des parties prenantes, le CESE renvoie à son avis (11) et à l’avis de la plateforme REFIT (12), que les représentants du CESE au sein de la plateforme REFIT ont aidé à rédiger. Le CESE salue les efforts fournis par la Commission pour améliorer ses mécanismes de consultation des parties prenantes, mais estime que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour augmenter la participation, l’ouverture et la responsabilité, ainsi que l’efficacité et la cohérence de ces consultations. À cette fin, le CESE encourage la Commission à examiner et à mettre pleinement en œuvre les propositions formulées dans les deux avis susmentionnés.

4.5.4

Compte tenu de son rôle de représentant, le CESE est bien placé pour aider à identifier les parties prenantes les plus touchées par les propositions de politiques, ainsi qu’à centraliser les expériences relatives à la législation déjà en place. La Commission devrait consulter le CESE plus étroitement lors de l’élaboration de stratégies de consultation et l’identification des groupes cibles concernés, tant ex ante qu’ex post.

4.6.   Simplifier la législation et réduire les coûts inutiles

4.6.1

Dans un avis (13), le Comité déclare que «la réglementation européenne est un facteur d’intégration essentiel qui ne constitue pas une charge ou un coût à réduire. Bien proportionnée, elle est au contraire gage de protection, de promotion et de sécurité juridique important pour tous les acteurs et citoyens européens.»

4.6.2

Dans le même temps, le CESE fait valoir dans un autre avis (14) qu’«il s’impose d’éviter les coûts inutiles de la réglementation. Les coûts de la réglementation doivent être proportionnels aux bénéfices qu’ils engendrent.»

4.6.3

Le CESE soutient fermement le principe «évaluer avant d’agir». Comme précisé dans l’un de ses avis (15), le CESE peut «jouer un rôle utile en tant qu’intermédiaire entre législateurs et usagers de la législation de l’UE. […] Le CESE adapte en permanence ses méthodes de travail pour contribuer à apprécier la qualité de l’application du droit de l’UE. […] Il a ainsi récemment décidé de prendre une part active à l’évaluation du cycle législatif en menant ses propres évaluations a posteriori de l’acquis de l’Union.»

4.6.4

Le Comité a publié un avis (16) dans lequel il «plaide pour une approche qualitative qui fonctionne à part égale avec l’analyse quantitative et prenne en compte la recherche des bénéfices attendus de la législation». Sur le plan réglementaire, outre les charges, il convient le cas échéant de quantifier aussi les avantages, y compris les avantages nets, et par ailleurs de les prendre plus systématiquement en compte dans les analyses d’impact de la Commission.

4.6.5

Le CESE est d’avis que certains coûts sont indispensables pour atteindre les objectifs stratégiques. Les coûts ne devraient être réduits que s’il est démontré qu’ils ne sont pas nécessaires pour atteindre l’objectif stratégique visé. Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel la réduction des coûts inutiles devrait être fondée sur des données probantes issues d’une évaluation au cas par cas et non sur de simples objectifs chiffrés, de sorte que les finalités de la législation soient pleinement maintenues.

4.6.6

Concernant l’initiative REFIT, le CESE renvoie à ses avis en la matière (17). Le CESE participe à ce programme en sa qualité de membre de la plateforme REFIT, trois membres issus de ses trois groupes assistant à tour de rôle aux réunions de la plateforme. Les membres travaillent en étroite collaboration pour définir les priorités politiques du CESE et élaborent des positions communes dans la perspective des réunions de la plateforme, en se fondant sur les positions prises dans les avis antérieurs.

4.6.7

Le CESE répète que les travaux de la plateforme REFIT sont menés sous un angle ex post. La plateforme a pour mission d’examiner les suggestions faites par l’intermédiaire du site internet «Aidez-nous à réduire les formalités» et de formuler des propositions sur la manière de simplifier la législation existante de l’UE. La plateforme ne doit pas être utilisée pour introduire une nouvelle réglementation.

4.6.8

Le CESE note que les intérêts spécifiques des PME ne sont pas explicitement représentés au sein de la plateforme REFIT. Il prie donc la Commission d’inviter un représentant qualifié à participer au groupe des parties intéressées de la plateforme REFIT.

4.7.   Évaluation d’autres méthodes en matière de simplification et de diminution des coûts

4.7.1

En ce qui concerne la fixation d’objectifs de réduction de la charge réglementaire en lien avec le programme pour une meilleure réglementation, le CESE est d’avis que ces objectifs doivent être définis ex post, dans le cadre du programme REFIT, et sur la base d’une évaluation globale incluant un dialogue avec la société civile et les parties prenantes.

4.7.2

Compte tenu des difficultés rencontrées pour obtenir les données nécessaires pour procéder à des calculs rigoureux sur le plan scientifique, en vue de déterminer la valeur de référence applicable lors de l’établissement des objectifs de réduction de la charge réglementaire ex ante, le CESE n’est pas favorable à l’établissement de tels objectifs, que ce soit pour des secteurs particuliers, ou pour l’économie dans son ensemble. Il en va de même pour les objectifs chiffrés fixés sur le plan politique, tels que le principe one-in, one-out.

4.8.   La mise en œuvre et l’application du droit de l’Union

4.8.1

Concernant la mise en œuvre et l’application du droit de l’Union, le Comité renvoie à ses nombreux avis en la matière (18).

4.8.2

L’applicabilité de la législation de l’Union doit être étudiée à un stade précoce du processus d’élaboration des politiques, dans le cadre de l’analyse d’impact. Le CESE invite les services de la Commission à se conformer strictement aux lignes directrices relatives à l’analyse d’impact fournies au chapitre IV de la boîte à outils «Mieux légiférer» («Mise en œuvre, transposition et préparation des propositions»). Il convient d’accorder une attention particulière aux spécificités des différents systèmes politiques et juridiques nationaux, et aux diverses ressources et capacités dont disposent les États membres pour transposer et appliquer le droit de l’Union.

4.8.3

La charge réglementaire est induite principalement au niveau national du fait de la transposition et de l’application du droit de l’Union par les autorités des États membres (surréglementation). Dans ses avis (19), le CESE constate que la plupart des défaillances dans l’application ou la mise en œuvre adéquate du droit de l’Union résultent du défaut de transposition des directives. Le CESE préconise dès lors de recourir à des règlements plutôt qu’à des directives afin d’éviter un manque de cohérence réglementaire dans l’UE (20). Il convient toutefois de ne pas abaisser le niveau actuel de protection des citoyens, des consommateurs, des travailleurs et de l’environnement, et ce dans aucun des États membres.

4.8.4

Le CESE estime que la mise en œuvre adéquate de la législation de l’Union suppose des efforts conjoints et coordonnés des acteurs principaux, à savoir la Commission, le Parlement européen, le Conseil et les États membres, en associant dans toute la mesure du possible l’échelon local et régional, ainsi que la société civile et les parties prenantes. Le CESE estime que la Commission doit être le principal acteur dans la coordination de ces efforts et recommande, comme il l’a écrit dans l’un de ses avis (21), qu’elle tienne un rôle actif «dans la promotion d’une confiance mutuelle entre les autorités chargées de faire appliquer la législation et qu’elle soutienne les réseaux d’autorités publiques, l’analyse systématique de leurs résultats, ainsi que la mise en évidence et la diffusion des meilleures pratiques».

4.8.5

Dans sa communication, la Commission propose plusieurs mesures visant à améliorer la mise en œuvre de la législation de l’Union. Il s’agit entre autres de la mise en place d’une approche plus systématique en matière de suivi et d’évaluation de l’efficacité de la législation dans le cadre de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer», d’un soutien apporté aux États membres par l’élaboration de plans de mise en œuvre, ainsi que de la rédaction de rapports par pays cartographiant les points forts et les faiblesses à l’échelle nationale en ce qui concerne la mise en œuvre des règles. Le CESE salue l’attention particulière que la Commission accorde à cette question, ainsi que les mesures proposées, mais déplore que la participation du CESE ne soit envisagée à aucun moment.

4.8.6

Comme il l’a indiqué dans un avis (22), «dans le cas de la transposition de certaines directives, le Comité souhaite apporter une contribution spécifique au rapport d’initiative du Parlement européen sur le rapport annuel relatif à la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne par les États membres, en ciblant les ajouts apportés par les États membres lors de la transposition».

4.8.7

Enfin, le CESE se félicite de l’approche stratégique adoptée par la Commission dans sa politique en matière d’infractions, dans le cadre de sa communication intitulée «Le droit de l’UE: une meilleure application pour de meilleurs résultats» (23). Il encourage la Commission à engager plus rapidement et systématiquement une procédure d’infraction lorsqu’un État membre ne transpose pas correctement la législation de l’Union, voire ne la transpose pas du tout.

4.9.   Collaboration avec les autres institutions

4.9.1

Le CESE représente les utilisateurs finaux de la législation de l’UE, qui sont issus de la société civile organisée, et à ce titre, il devrait être considéré par le Conseil, le Parlement européen et la Commission comme un partenaire et une ressource pour l’évaluation de la faisabilité des projets législatifs dans une perspective pratique et empirique.

4.9.2

Compte tenu du rôle actif que joue le CESE dans l’amélioration de la réglementation et de la législation, tel que décrit plus haut, le CESE demande instamment à la Commission, au Parlement européen et au Conseil de l’associer officiellement à l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer».

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2017) 651 final.

(2)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 192.

(3)  COM(2015) 215 final.

(4)  Voir notamment: groupe ad hoc sur le contrôle de l’application de la législation de l’UE; JO C 487 du 28.12.2016, p. 51; JO C 303 du 19.8.2016, p. 45; JO C 13 du 15.1.2016, p. 192; JO C 345 du 13.10.2017, p. 67; JO C 13 du 15.1.2016, p. 145; JO C 434 du 15.12.2017, p. 11; JO C 291 du 4.9.2015, p. 29; JO C 230 du 14.7.2015, p. 66; JO C 43 du 15.2.2012, p. 14; JO C 248 du 25.8.2011, p. 87; JO C 18 du 19.1.2011, p. 95; JO C 128 du 18.5.2010, p. 103; JO C 277 du 17.11.2009, p. 6; JO C 100 du 30.4.2009, p. 28; JO C 204 du 9.8.2008, p. 9.

(5)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 51.

(6)  C(2017) 7810.

(7)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 11.

(8)  SWD(2017) 350 et https://ec.europa.eu/info/better-regulation-toolbox_fr.

(9)  Comité d’examen de la réglementation, rapport annuel de 2016, https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/2016-rsb-report_en.pdf, en particulier les pages 13 et 15.

(10)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 11.

(11)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 57.

(12)  «REFIT Platform Opinion on submissions XXII.4.a by the DIHK and XXII.4.b by a citizen on Stakeholder consultation mechanisms» [Avis de la plateforme REFIT sur les questions XXII.4 soulevées par le DIHK et par un citoyen, sur les mécanismes de consultation des parties prenantes]. Date d’adoption: 7.6.2017.

(13)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 45.

(14)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 51.

(15)  Groupe ad hoc, analyse panoramique de la Cour des comptes européenne sur la mise en œuvre du droit européen. Groupe ad hoc «Contrôle de l’application de la législation de l’UE», JO C 81 du 2.3.2018, p 81.

(16)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 11.

(17)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 66; JO C 303 du 19.8.2016, p. 45.

(18)  Groupe ad hoc; JO C 303 du 19.8.2016, p. 45; JO C 291 du 4.9.2015, p. 29; JO C 18 du 19.1.2011, p. 95; JO C 175 du 28.7.2009, p. 26; JO C 204 du 9.8.2008, p. 9; JO C 325 du 30.12.2006, p. 3; JO C 24 du 31.1.2006, p. 52; JO C 24 du 31.1.2006, p. 39.

(19)  Groupe ad hoc; JO C 13 du 15.1.2016, p. 192.

(20)  JO C 18 du 19.1.2011, p. 95.

(21)  JO C 24 du 31.1.2006, p. 52.

(22)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 45.

(23)  C(2016) 8600 (JO C 18 du 19.1.2017).


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

534e session plénière du CESE — Session de renouvellement, 18.4.2018-19.4.2018

25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/28


Avis du Comité économique et social européen sur

la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne «De nouvelles étapes en vue de l’achèvement de l’Union économique et monétaire européenne: feuille de route»

[COM(2017) 821 final]

la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne «De nouveaux instruments budgétaires pour une zone euro stable dans le cadre de l’Union»

[COM(2017) 822 final]

la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil et à la Banque centrale européenne «Un ministre européen de l’économie et des finances»

[COM(2017) 823 final]

la proposition de directive du Conseil établissant des dispositions en vue du renforcement de la responsabilité budgétaire et de l’orientation budgétaire à moyen terme dans les États membres

[COM(2017) 824 final — 2017/0335 (CNS)]

et la proposition de règlement du Conseil concernant la création du Fonds monétaire européen

[COM(2017) 827 final — 2017/0333 (APP)]

(2018/C 262/05)

Rapporteur:

Mihai IVAŞCU

Corapporteur:

Stefano PALMIERI

Consultation

Commission européenne, 12.2.2018 et 28.2.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

26.3.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

152/3/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Si le CESE se félicite de la feuille de route proposée pour l’achèvement de l’Union économique et monétaire (UEM), il ne la soutient ni intégralement ni avec enthousiasme, car elle ne prend pas en considération un certain nombre de points, d’ordre social, politique et économique, qu’il avait soulevés dans ses avis précédents. Le parachèvement de l’UEM nécessite avant tout un engagement politique fort, une gouvernance efficace et une meilleure utilisation des ressources financières disponibles, pour entreprendre véritablement, tout à la fois, de réduire les risques et de les répartir entre les États membres. Aussi le CESE souligne-t-il qu’au niveau de l’UE, les principes de responsabilité et de solidarité devraient aller de pair.

1.2.

Le CESE est extrêmement déçu que les deux comités consultatifs institutionnels de l’UE, à savoir lui-même et le Comité des régions, ne soient pas mentionnés dans la communication, et que le rôle du Parlement européen y soit assez limité. En outre, il n’y est fait aucunement mention d’une participation accrue des partenaires sociaux et de la société civile organisée à l’évaluation du Semestre européen.

1.3.

À plusieurs reprises, le CESE a dénoncé l’absence d’une vision stratégique claire de l’avenir et l’incapacité à apporter une réponse adéquate à d’autres crises économiques et financières. Pour évaluer et mettre en œuvre le train de mesures relatif à l’UEM, il conviendrait de prendre en considération que les Européens ont besoin de plus d’Europe et d’une meilleure Europe.

1.4.

L’union sociale, telle que préconisée par le CESE, ne figure pas sur la liste de celles qui constituent l’UEM, et l’on ne discerne aucun engagement d’intégrer dans la démarche le socle européen des droits sociaux.

1.5.

Le CESE se doit d’adresser à nouveau cette mise en garde que la prospérité de l’Europe sera d’autant plus menacée que se prolongera la politique actuelle, toute tournée vers la réalisation d’économies et dépourvue d’un plan d’investissement efficace.

1.6.

«Il faut battre le fer quand il est chaud» ou, comme dit le proverbe anglo-saxon, «réparer le toit quand le soleil brille», et il faut le faire rapidement, après avoir soupesé, jusqu’à ce jour, pour quels motifs la toiture est trouée et qui en porte la responsabilité. Le CESE insiste sur la nécessité d’élaborer de nouveaux instruments financiers pour prévenir les crises et contrer les mesures procycliques.

1.7.

Le parachèvement de l’union bancaire et de celle des marchés des capitaux devrait continuer à figurer au premier rang des priorités. La proposition actuelle est totalement muette sur le système européen de garantie des dépôts, alors que le CESE a déjà émis un avis à ce sujet (1). En outre, il y a lieu de poser des jalons pour traiter, sur-le-champ et avec efficacité, le problème des prêts non productifs (PNP).

1.8.   Un Fonds monétaire européen (FME)

1.8.1.

La mission qu’il est proposé d’assigner au nouveau Fonds monétaire européen (FME), à savoir fournir un filet de sécurité commun pour le Fonds de résolution unique, revêt la plus haute importance, et le CESE la soutient pleinement. Il souligne toutefois qu’il y a lieu de veiller à ce que ce dispositif ne fonctionne pas comme un parachute doré, qui encourage les banques à prendre des risques inutiles et dangereux.

1.8.2.

Il tout à fait essentiel que dans le champ de l’Union européenne, le FME joue un rôle plus actif, analogue à celui que le Fonds monétaire international assume au niveau international, en soutenant le développement économique et en absorbant les chocs, symétriques et asymétriques, plutôt que d’être simplement cantonné à la prévention des crises bancaires.

1.9.   Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG)

1.9.1.

Il conviendrait que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance soit intégré dans le droit de l’UE, parallèlement à la transformation du mécanisme européen de stabilité (MES) en FME et sans donner aux États membres des possibilités d’y «picorer» les seules dispositions qui les agréent.

1.9.2.

S’il salue l’interprétation souple qui est donnée au pacte de stabilité et de croissance (PSC), le CESE considère que la démarche est insuffisante et recommande d’ouvrir des discussions au niveau de l’UE sur la question d’exclure de son périmètre d’application les investissements publics stratégiques à valeur ajoutée. Il conviendrait que cette exclusion ne soit pas considérée comme un coût mais comme une source de revenus pour l’avenir, en ce qu’elle lisse le cycle économique et assure la création d’emplois de qualité et une réduction des inégalités, dans la logique d’appels lancés par le CESE dans des avis antérieurs (2) et des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies (3).

1.9.3.

Effectivement, l’investissement public, y compris dans le domaine social, aboutirait non seulement à renforcer la demande à court terme, mais aussi à stimuler le potentiel de croissance à long terme, et partant, à répondre au problème de la viabilité de la dette publique.

1.10.   Les nouveaux instruments budgétaires

1.10.1.

Le CESE soutient pleinement la proposition d’instaurer un mécanisme spécifique de soutien à la convergence pour les États membres qui sont en voie d’adhésion à la zone euro. L’assistance technique doit cibler la réalisation d’une convergence réelle.

1.10.2.

La stabilisation macroéconomique joue un rôle particulièrement important pour atténuer la divergence actuelle des économies de l’UE, étant donné que les contraintes de l’Union économique et monétaire font que les États membres ont de moins en moins la capacité d’agir isolément.

1.11.   Un ministère de l’économie et des finances (MEF)

1.11.1.

Le CESE est favorable à la création d’un poste de ministre de l’économie et des finances pour l’Union économique et monétaire, en tant qu’il poserait un premier jalon pour renforcer la cohérence entre des politiques qui, actuellement, sont morcelées. Son titulaire devrait représenter la zone euro dans les instances internationales, gérer en toute transparence le budget dont il est proposé de doter la zone euro et définir l’orientation budgétaire globale qui serait souhaitée pour elle, ainsi que les moyens de la mettre en œuvre.

1.11.2.

La proposition de la Commission comporte néanmoins le risque d’une concentration excessive de pouvoir exécutif entre les mains d’une seule personne. En conséquence, le CESE réclame une réflexion plus approfondie concernant la responsabilité démocratique du poste ainsi envisagé et la manière dont elle pourrait être améliorée.

2.   Introduction et observations générales

2.1.

Après des années de gestion de crise, au cours desquelles on a donné la préférence à la méthode intergouvernementale, afin de surmonter les lacunes institutionnelles dues au caractère inabouti de l’Union économique et monétaire (UEM), le CESE se félicite de cette nouvelle approche faisant appel à la méthode communautaire, seule à même de garantir la légitimité démocratique de la prise de décision au niveau de l’UE et d’approfondir son intégration. Dans ce cadre, l’achèvement de l’Union économique et monétaire exige une volonté politique forte, une gouvernance efficace et une meilleure utilisation des ressources financières disponibles.

2.2.

Le CESE estime que la feuille de route proposée est ambitieuse, dans sa portée et dans sa durée, et qu’elle va dans la bonne direction, comme indiqué dans ses avis précédents (4). Toutefois, son soutien n’est ni total ni enthousiaste, le train de mesures à l’examen n’ayant pas pris en considération un certain nombre de questions sociales, politiques et économiques, sur lesquelles il avait également insisté dans des avis antérieurs.

2.3.

En premier lieu, le rôle du Parlement européen demeure trop limité et il n’est pas fait état des deux organes consultatifs des institutions de l’Union européenne, le CESE et le Comité des régions. Il n’est nulle part fait mention d’une intention de renforcer le dialogue social et civil sur le Semestre européen, en y associant plus activement les partenaires sociaux et la société civile. Le CESE, dans un précédent avis, faisait valoir que «pour des motifs de responsabilité démocratique et d’appropriation, le processus du Semestre européen devrait associer le Parlement européen, les parlements nationaux, les partenaires sociaux et la société civile. Il convient de tenir compte de la dimension sociale à égalité avec la dimension économique» (5).

2.4.

Pour garantir aux entreprises européennes un environnement économique compétitif et créer une véritable monnaie unique européenne, il est de la plus haute importance de parachever l’union bancaire rapidement et avec efficacité.

2.5.

En outre, l’union sociale, telle que le CESE la préconise, n’apparaît pas dans la liste de celles qui sont constitutives de l’UEM. Aucun engagement n’est pris s’agissant d’intégrer dans la gouvernance de la zone euro le socle européen des droits sociaux, annoncé en novembre 2017 à Göteborg (6). Les droits sociaux devraient bénéficier d’une importance de même niveau que les libertés économiques si l’on veut véritablement mettre en œuvre la notion d’«économie sociale de marché» inscrite dans le traité.

2.6.

La Commission semble en outre avoir des réticences, voire nourrir des craintes, à l’idée d’utiliser l’expression d’«union politique», et la remplace par des formules atténuées et moins explicites telles que «responsabilité démocratique» et «renforcement de la gouvernance». Cette attitude n’est pas justifiée dès lors qu’il sera clairement expliqué qu’«union politique» ne désigne pas nécessairement une entité politique unique, mais plutôt une série de petits pas qui reconnaissent la nécessité d’une gouvernance politique commune à l’échelle de l’UE dans certains domaines. Le CESE a très clairement exposé cette notion dans ses avis (7).

2.7.

Il conviendrait d’évaluer et mettre en œuvre le train de mesures relatif à l’Union économique et monétaire en ayant à l’esprit que les Européens ont besoin de plus d’Europe et d’une meilleure Europe. Le CESE a fustigé à plusieurs reprises l’absence de vision stratégique de l’avenir et l’incapacité à apporter une réponse adéquate à la crise économique et financière. Le principe clef de la gouvernance économique de l’UE devrait être de parvenir à une plus grande valeur ajoutée à son niveau plutôt qu’à celui des États membres agissant isolément (8).

2.8.

En dépit de la reprise en cours, les effets de la crise économique se font toujours sentir dans notre vie quotidienne et dans les politiques actuelles des États membres. Le CESE a déjà indiqué précédemment que plus on prolongera l’actuelle politique d’austérité, visant principalement à réduire les dépenses, sans mettre en place aucun programme d’investissement efficace susceptible de générer des recettes grâce à la croissance, à la cohésion sociale et à la solidarité, plus il apparaîtra clairement que le creusement des inégalités au sein de la société menace l’intégration économique et la prospérité de l’Europe (9).

2.9.

En outre, les marchés des capitaux sont loin d’être intégrés et ils ne sont pas encore capables d’absorber les chocs, symétriques et asymétriques, comme les États-Unis ont pu le faire. Compte tenu de l’évolution des négociations sur le Brexit et du retrait du marché unique européen qu’effectuera l’un des plus grands marchés de capitaux du monde, on prévoit que le morcellement actuel s’accentuera encore. Il convient de prendre des mesures pour contrer cette tendance.

3.   La création du Fonds monétaire européen (FME)

3.1.

Le CESE accueille favorablement la transformation du mécanisme européen de stabilité (MES) en Fonds monétaire européen (FME), et estime que l’ancrage institutionnel proposé renforcera encore la confiance dans la capacité de l’UE à réagir aux crises financières et économiques qui surviendront à l’avenir.

3.2.

Le CESE insiste sur la nécessité d’élaborer de nouveaux instruments financiers pour encourager les mesures anticycliques. La métaphore qui exhorte à «réparer la toiture tant que le soleil brille» s’applique, dans ce cas précis comme à l’ensemble du train de mesures. Dès lors que le FME va prendre le relais du mécanisme européen de stabilité, dans les structures financières et institutionnelles qui sont actuellement les siennes, il est particulièrement important d’en développer les aptitudes et les capacités sous la surveillance directe de la Commission, du Conseil et du Parlement européen et en coopération étroite avec la Banque centrale européenne.

3.3.

Un nouvel élément très important de la proposition de la Commission est la possibilité pour le FME de fournir un dispositif de soutien commun au Fonds de résolution unique, comme les États membres en étaient convenus en 2013. Tout en reconnaissant que ce filet de sécurité accroîtra la crédibilité du secteur bancaire, le CESE souligne la nécessité de veiller à ce que la mesure envisagée ne serve pas de parachute doré, qui encouragerait les banques à prendre des risques inutiles et dangereux.

3.4.

Ce dont l’UE a besoin, ce n’est pas de renforcer le contrôle financier sur les États membres, mais plutôt de rendre les instruments financiers existants plus efficaces et durables. Il tout à fait essentiel que dans le champ de l’Union européenne, le nouveau FME joue, un rôle plus actif, analogue à celui que le Fonds monétaire international assume au niveau international, en soutenant le développement économique sur tout son territoire et en absorbant les chocs, symétriques et asymétriques, plutôt que d’être simplement cantonné à la prévention des crises bancaires.

3.5.

Il convient, en particulier, que le FME soit en mesure d’intervenir rapidement et de lutter contre les chocs asymétriques qui ne peuvent être traités au niveau des États membres et pourraient éventuellement se propager dans d’autres pays de l’UE, menaçant ainsi l’intégrité de la zone euro et le marché unique. Les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro mais qui font partie de l’union bancaire doivent également pouvoir bénéficier du FME, à la condition de souscrire et contribuer au capital autorisé.

3.6.

Les prêts non productifs, dont la part augmente, continuent à peser sur les bilans des banques et constituent un énorme fardeau pour le financement ultérieur de l’économie dans l’UE. Ils contractent l’offre de crédits, faussent leur allocation, détériorent la confiance des marchés et freinent la croissance économique. Il convient de prendre sur-le-champ des dispositions qui auront pour objectif d’en réduire le niveau et devront rester une des toutes premières priorités dans le programme d’action des institutions européennes.

3.7.

Pour accompagner le nécessaire renforcement de la crédibilité du nouveau FME, il y a lieu de prévoir des mesures visant à prévenir les crises et à éviter aux contribuables d’avoir à supporter les dettes de banques insolvables.

3.8.

Le FME devrait agir en concertation avec la Banque centrale européenne (BCE), étant donné qu’il pourrait contribuer à éviter les attaques spéculatives contre les États membres, alors qu’elle n’a pour possibilité d’action que de mobiliser des ressources financières afin de parer aux attaques contre les grands systèmes économiques. À cet égard, le CESE regrette que dans ce train de mesures, la Commission n’ait pas proposé l’ouverture d’un débat sur un amendement du statut de la BCE, qui, en plus de la stabilité des prix, assignerait à sa politique monétaire un second objectif, celui la croissance et du plein emploi.

3.9.

Le CESE est favorable au rôle consultatif qui est donné au Parlement européen en ce qui concerne le processus de nomination du directeur général du FME, ainsi qu’à l’obligation de rendre compte chaque année au Parlement, au Conseil et à la Commission.

3.10.

La proposition actuelle est totalement muette quant à un système européen d’assurance des dépôts — la Commission avait bien fait une proposition en la matière en novembre 2015, mais les législateurs ne sont pas arrivés à se mettre d’accord jusqu’à présent, bien que le CESE ait déjà émis son avis sur la question (10).

4.   L’intégration du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dans le cadre juridique de l’Union européenne

4.1.

Le CESE est fermement convaincu que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et le mécanisme européen de stabilisation (MES) ont tous deux été créés, au plus fort de la crise, en tant que solutions intergouvernementales, incarnant dans les grandes lignes les principes de responsabilité et de solidarité à l’échelle de l’UE. De l’avis du Comité, ces deux principes vont de pair et il est impossible de progresser dans l’un sans le secours de l’autre. Il y a lieu dès lors de les intégrer et de les placer sur le même plan du point de vue du droit de l’Union, en évitant que les États membres n’y picorent que les dispositions qui les agréent. Responsabilité et solidarité devraient être présentées comme un tout.

4.2.

Même si la proposition de directive visant à intégrer le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans le droit de l’UE tient compte de l’interprétation souple du pacte de stabilité et de croissance (PSC) que fait la Commission, le CESE a déjà fait valoir que cette flexibilité n’est pas suffisante et qu’il conviendrait d’engager un débat au niveau de l’UE sur une véritable règle, communément appelée «règle d’or», qui exclurait les investissements publics à valeur ajoutée du champ d’application du pacte de stabilité et de croissance.

4.3.

Par conséquent, le CESE juge problématique la proposition d’intégrer le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et en particulier le pacte budgétaire, dans le cadre juridique de l’UE sans prévoir la moindre flexibilité supplémentaire, notamment en ce qui concerne l’investissement public ou les considérations d’ordre social. Le cas échéant, il conviendrait d’orienter ce type d’investissements vers l’amélioration de la productivité et de la compétitivité par le financement de projets en rapport avec la recherche et le développement, les infrastructures matérielles et sociales, la numérisation de l’économie ou le développement continu des compétences, dans le but de faire face aux changements technologiques et à l’ouverture à la mondialisation.

4.4.

Des budgets équilibrés qui n’autorisent pas à financer les investissements publics par la dette auront une incidence négative sur le développement économique, par le jeu de l’augmentation des impôts et des réductions des dépenses publiques. Il convient de ne pas considérer l’investissement public, qui a atteint son plus bas niveau depuis vingt ans dans l’Union européenne, comme un coût, et donc comme une composante des déficits publics, mais plutôt comme une source de revenus futurs, afin d’assurer un fonctionnement sans heurts du cycle économique et de garantir la croissance et la création d’emplois.

4.5.

Le CESE adhère aux conclusions du rapport du groupe de travail de haut niveau présidé par Romano Prodi et Christian Sautter, concernant la stimulation de l’investissement dans les infrastructures sociales aux fins d’accélérer la création d’emplois et d’améliorer le bien-être, la santé, le logement et les compétences de la population (11).

4.6.

Si un accord est dégagé pour réserver un traitement plus favorable aux investissements publics qui présentent un caractère productif et sont tournés vers l’avenir, l’intégration du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance et du Fonds monétaire européen dans le cadre juridique de l’Union européenne aura le potentiel nécessaire pour renforcer notre boîte à outils budgétaire et favoriser une gouvernance de l’Union économique et monétaire qui soit plus efficace, plus légitime et plus démocratique.

5.   Les nouveaux instruments budgétaires pour assurer la stabilité de la zone euro

5.1.

La fonction de stabilisation macroéconomique est particulièrement importante, car son absence a été l’une des causes de la crise stratégique que l’UE a connue. Alors que les États membres disposent d’une marge de manœuvre et d’une autonomie plus restreintes pour agir isolément sur le marché du travail et les systèmes de protection sociale, aucun filet de protection sociale n’a encore été créé au niveau européen pour que chaque citoyen puisse tirer parti de la croissance et de la concurrence mondiale (12).

5.2.

Le CESE soutient pleinement la proposition d’instaurer un mécanisme spécifique de soutien à la convergence pour les États membres qui sont en voie d’adhésion à la zone euro. Une telle mesure aurait pour effet de renforcer le rôle de la zone euro sur la scène internationale et l’utilisation de l’euro comme devise. L’assistance technique doit cibler la réalisation d’une convergence réelle, afin de contrer et d’atténuer tout risque pour le bien-être général des citoyens des pays candidats à la zone euro et pour leurs économies.

5.3.

La voie à suivre doit consister à mener des politiques budgétaires saines et engager des dépenses orientées vers les investissements, en tenant compte qu’un rapport élevé entre la dette publique et le PIB est souvent le résultat de la crise économique et de la récession. Le CESE appelle dès lors de ses vœux un mécanisme souple, susceptible d’être activé rapidement en cas de crise, et juge adéquat le taux proposé de 1 % du PIB.

5.4.

Le CESE est favorable à ce qu’un budget de la zone euro soit institué, à l’intérieur de celui de l’UE. Cette manière de procéder permettrait d’éviter la création de nouvelles institutions, qui pourrait creuser un fossé, au niveau politique, entre les pays membres de la zone euro et ceux qui n’en font pas partie. En tout état de cause, une réforme sérieuse du budget de l’Union s’impose.

5.5.

Comme l’a déjà fait valoir le CESE (13), un budget autonome et substantiel de la zone euro doté de recettes fiscales propres permettrait un transfert de ressources temporaire mais conséquent en cas de chocs régionaux, contrebalancerait les récessions graves dans l’ensemble de la zone, assurerait la nécessaire stabilité financière et aurait une fonction de stabilisation macroéconomique pour protéger les investissements et lutter contre le chômage et l’emploi précaire.

6.   Le ministre européen de l’économie et des finances

6.1.

À de nombreuses reprises (14), le CESE a fait valoir qu’il était nécessaire de doter l’Union économique et monétaire d’un ministre de l’économie et des finances, dans une démarche qui poserait un premier jalon pour renforcer la cohérence de politiques actuellement morcelées, du fait de la multiplicité des institutions qui y prennent part. Le titulaire de cette fonction pourrait représenter l’UEM dans les instances internationales. Il aurait à gérer son budget spécifique, en prenant comme principes directeurs la simplicité, la transparence, l’équité et la responsabilité démocratique. Il pourrait également avoir la responsabilité de définir l’orientation budgétaire globale qui serait souhaitée pour la zone euro, ainsi que les moyens de la mettre en œuvre.

6.2.

Les fonctions et les attributions décrites dans la communication de la Commission correspondent davantage à celles d’un ministre des finances de la zone euro que d’un ministre compétent pour l’ensemble de l’UE. En outre, dans la proposition de la Commission, le poste ne constitue pas réellement un véritable portefeuille de ministre des finances, et cette dénomination inexacte pourrait créer des attentes non fondées et prêter à confusion.

6.3.

Le CESE considère que fusionner un poste de responsable chargé de la représentation de la zone euro au niveau de l’UE avec celui de président de l’Eurogroupe, de président du conseil d’administration du futur FME et de vice-président de la Commission européenne équivaudrait à une concentration excessive du pouvoir exécutif entre les mains d’une seule personne. En outre, le CESE considère qu’il est antidémocratique que le président de l’Eurogroupe bénéficie automatiquement de deux mandats consécutifs au seul motif de synchroniser ses fonctions dans ledit groupe et au sein de la Commission européenne.

6.4.

Le CESE craint que, sous sa forme actuelle, le schéma proposé n’amène à confondre le rôle de la Commission avec celui du Conseil et à porter atteinte à l’équilibre délicat entre les intérêts de l’Union et ceux de ses États membres, qui est la base sur laquelle elle repose. En conséquence, il réclame une réflexion plus approfondie concernant la responsabilité démocratique du poste ainsi envisagé et la manière dont elle pourrait être améliorée.

6.5.

La communication ne précise pas non plus clairement si plusieurs postes ministériels seront créés ou si l’on n’a affaire qu’à un cas isolé. Une telle fonction n’aura de sens que lorsque l’UE disposera d’un budget et de recettes fiscales qui lui seront propres et seront assortis d’instruments et de politiques de gestion budgétaire, et qu’elle pourra ainsi favoriser la croissance économique et l’équité sociale.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  «Système européen d’assurance des dépôts» (JO C 177 du 18.5.2016, p. 21).

(2)  Voir à ce propos les avis du CESE sur la politique économique de la zone euro, de 2016 (JO C 177 du 18.5.2016, p. 41) et 2017 (JO C 173 du 31.5.2017, p. 33), avec supplément d’avis (JO C 81 du 2.3.2018, p. 216).

(3)  Objectifs de développement durable.

(4)  Voir les avis «Création d’un instrument de convergence et de compétitivité/grandes réformes des politiques économiques» (JO C 271 du 19.9.2013, p. 45), «Achever l’UEM — La prochaine législature européenne» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 10) et «Achever l’UEM: le pilier politique» (JO C 332 du 8.10.2015, p. 8).

(5)  «Approfondissement de l’UEM d’ici à 2025», paragraphe 1.5 (JO C 81 du 2.3.2018, p. 124).

(6)  Socle européen des droits sociaux

(7)  «Achever l’UEM: le pilier politique» (JO C 332 du 8.10.2015, p. 8) et «Approfondissement de l’UEM d’ici à 2025» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 124).

(8)  «Finances de l’UE à l’horizon 2025», paragraphes 1.2 et 1.3 (JO C 81 du 2.3.2018, p. 131).

(9)  «Le recours à la méthode communautaire pour rendre l’UEM démocratique et sociale», paragraphe 1.2 (JO C 13 du 15.1.2016, p. 33).

(10)  «Système européen d’assurance des dépôts» (JO C 177 du 18.5.2016, p. 21).

(11)  L. Fransen, G. del Bufalo et E. Reviglio, Boosting Investment in Social Infrastructure in Europe. Report of the High-Level Task Force on Investing in Social Infrastructure in Europe («Stimuler l’investissement dans les infrastructures sociales en Europe. Rapport du groupe de travail de haut niveau sur l’investissement dans les infrastructures sociales en Europe»), European Economy Discussion Paper, no 74, janvier 2018.

(12)  «Finances de l’UE à l’horizon 2025», paragraphe 3.3.1 (JO C 81 du 2.3.2018, p. 131).

(13)  «Finances de l’UE à l’horizon 2025», paragraphe 3.3 (JO C 81 du 2.3.2018, p. 131).

(14)  «Relancer la croissance», paragraphe 3.2 (JO C 143 du 22.5.2012, p 10), «Achever l’UEM: le pilier politique», paragraphes 4.3.1 et 4.3.4 (JO C 332 du 8.10.2015, p. 8), «Politique économique de la zone euro» (2016), paragraphe 3.5 (JO C 177 du 18.5.2016, p. 41), «Politique économique de la zone euro» (2017), paragraphe 1.13 (JO C 173 du 31.5.2017, p. 33), et «Approfondissement de l’UEM d’ici à 2025», paragraphe 1.11 (JO C 81 du 2.3.2018, p. 124).


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/35


Avis du Comité économique et social européen sur

la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences prudentielles applicables aux entreprises d’investissement et modifiant les règlements (UE) no 575/2013, (UE) no 600/2014 et (UE) no 1093/2010

[COM(2017) 790 final — 2017/0359 (COD)]

et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement et modifiant les directives 2013/36/UE et 2014/65/UE

[COM(2017) 791 final — 2017/0358 (COD)]

(2018/C 262/06)

Rapporteur:

Jarosław MULEWICZ

Saisine

Parlement européen: COM(2017) 790 final, le 18.1.2018; COM(2017) 791 final, le 18.1.2018

Conseil de l’Union européenne: COM(2017) 790 final, le 14.2.2018; COM(2017) 791 final, le 14.2.2018

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

26.3.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

193/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite des recommandations de la Commission et dit espérer qu’elles contribueront efficacement à atteindre les objectifs définis par la Commission.

1.1.1.

L’UE doit consolider les marchés des capitaux pour promouvoir l’investissement, libérer les sources de financement existantes et en dégager de nouvelles au profit des entreprises, ouvrir de meilleures possibilités financières pour les ménages et renforcer l’Union économique et monétaire. La Commission s’est engagée à mettre en place tous les éléments indispensables pour parachever l’union des marchés des capitaux (UMC) d’ici à 2019.

1.1.2.

Le deuxième objectif qu’elle poursuit est lié au Brexit et à la nécessité d’attirer des entreprises d’investissement dans l’UE. Du fait de cette décision britannique de quitter l’Union, il est devenu nécessaire d’actualiser l’encadrement réglementaire afin d’inciter ces entreprises à venir sur son territoire. Jouant le rôle de plaque tournante pour les marchés des capitaux et les activités d’investissement, le Royaume-Uni est le pays qui compte le plus grand nombre d’entreprises d’investissement de l’Espace économique européen (EEE), abritant grosso modo la moitié d’entre elles, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et l’Espagne occupant les places suivantes dans le classement. La plupart des entreprises d’investissement de l’EEE sont des sociétés dont la taille est petite ou moyenne. L’Autorité bancaire européenne (ABE) estime qu’environ huit entreprises d’investissement, largement concentrées au Royaume-Uni, contrôlent environ 80 % des actifs de toutes les entreprises d’investissement de l’EEE.

1.1.3.

Une troisième visée consiste à créer un cadre juridique spécifique pour les entreprises d’investissement. L’encadrement prudentiel actuel est axé sur les établissements de crédit et les risques qui leur sont liés. Les entreprises d’investissement, elles, n’acceptent pas de dépôts et n’accordent pas de prêts. Il en résulte qu’elles sont exposées à un degré bien moindre au risque de crédit et à celui que les épargnants ne retirent leur argent à court terme. Leurs services se concentrent sur les instruments financiers, lesquels, contrairement aux dépôts, ne sont pas remboursés au pair mais sont soumis à des fluctuations au gré des mouvements du marché. Pour la fourniture de services d’investissement, elles entrent toutefois en concurrence avec les établissements de crédit, qui peuvent offrir ces prestations à leurs clients en vertu de leur agrément bancaire. Par conséquent, les établissements de crédit constituent des institutions d’une autre nature que les entreprises d’investissement. Néanmoins, celles dont l’importance est systémique sont également soumises aux exigences du train de mesures CRD IV/CRR (1), car elles sont considérées comme des établissements financiers. Du fait qu’elles sont rangées parmi les établissements de crédit, elles devraient donc continuer à appliquer le règlement (UE) no 575/2013 et la directive 2013/36/UE et être soumises au contrôle des autorités, dont la BCE, qui sont compétentes pour ces établissements dans le cadre du mécanisme de surveillance unique.

1.1.4.

Avec son quatrième objectif, la Commission vise à créer un cadre réglementaire unique et intégré pour les entreprises d’investissement. Du fait des différences qu’elles présentent dans leurs profils d’activité économique, les entreprises d’investissement bénéficient, d’un État membre à l’autre, de toutes sortes de dérogations par rapport aux dispositions légales, qui sont source d’une complexité réglementaire pour nombre d’entre elles, en particulier celles qui sont actives dans plusieurs pays. Il s’agit là d’un état de fait qui induit des risques supplémentaires. La mise en œuvre par les États membres du cadre juridique actuel aboutit à compartimenter le paysage réglementaire général pour les entreprises d’investissement, créant ainsi un risque d’arbitrage réglementaire dommageable. Cette situation pourrait menacer l’intégrité et le fonctionnement du marché unique. Les exigences prudentielles que la Commission préconise d’imposer aux entreprises d’investissement sont applicables à la majorité de celles de taille petite ou moyenne implantées dans tous les États membres de l’UE.

1.2.

Le CESE fait observer que, même s’il ne s’agit pas de l’effet recherché, l’activité des entreprises d’investissement ayant leur siège au Royaume-Uni devrait se déplacer vers les États membres qui font partie de l’union bancaire ou de la zone euro et, en particulier, vers des centres financiers de pays de ladite zone, comme l’Allemagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas ou l’Irlande, tandis que ceux qui ne font pas partie de la zone euro seraient laissés pour compte à cet égard.

1.3.

Le CESE se félicite que, selon les prévisions, les PME compteront parmi les entreprises qui bénéficieront le plus de la directive et du règlement. Un cadre prudentiel mieux proportionné et adapté à ces entreprises devrait aider à améliorer les conditions régissant la conduite de leurs activités et contribuer à abaisser les barrières à leur entrée sur le marché. Ces observations s’appliquent en particulier à la question des exigences en capitaux et des obligations administratives. Le Comité estime que ces dispositions sont susceptibles d’encourager les entreprises innovantes qui ambitionnent de se développer en recourant à des outils numériques. Les propositions à l’examen ont notamment pour effet de faciliter l’accès au financement pour les PME autres que des banques ou des entreprises d’investissement. Cet encadrement prudentiel plus approprié doit contribuer à ce que les capitaux soient exemptés de procédures réglementaires stériles et que de petites entreprises d’investissement aient la possibilité d’offrir de meilleurs services à leurs clients, parmi lesquels figurent d’autres PME. Une telle démarche devrait faire œuvre utile pour aider les entreprises d’investissement à jouer un rôle d’intermédiaires incitant les épargnants à réaliser des investissements au sein de l’UE et, ainsi, à fournir aux entreprises européennes des sources de financement autres que bancaires.

1.4.

Les propositions relatives à une directive et un règlement en matière d’exigences prudentielles et de surveillance pour les entreprises d’investissement établissent les normes et exigences indispensables pour ce qui est du capital initial et existant, des pouvoirs de surveillance, de la communication des informations à l’opinion publique et des rémunérations. Elles permettent de réduire les risques inhérents aux opérations financières des entreprises d’investissement. Il reste à savoir dans quelle mesure lesdits risques qu’elles prennent seront répercutés sur les clients ayant investi, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises. Si l’activité de l’entreprise concernée se limite exclusivement à servir d’intermédiaire pour sa clientèle et que ses prestations ne concernent que le conseil à l’investissement ou la gestion de portefeuille, les risques que comportent les instruments financiers seront essentiellement supportés par ses clients.

1.5.

Autre interrogation qui reste ouverte: l’UE ne va-t-elle pas faire fuir les investisseurs de son territoire, dès lors qu’en cette époque de mondialisation et de marchés électroniques, elle instaure unilatéralement un cadre juridique spécifiquement applicable aux entreprises d’investissement de son ressort, sans tenir compte de marchés tels que ceux des États-Unis, du Japon, de la Chine et de l’Inde? La mise en œuvre complexe du cadre juridique MiFID II et l’obligation qui a été imposée d’enregistrer les produits financiers ont fait que l’on a cessé d’offrir entre 20 et 50 % des produits. Aussi convient-il, s’agissant du cadre juridique spécifiquement conçu pour les entreprises d’investissement, que les nouvelles réglementations fassent l’objet d’un suivi, et qu’elles soient adaptées en souplesse si la réaction des marchés financiers se révèle négative. Le CESE redoute lui aussi que les transactions financières, qui atteignent un niveau de 54 % du PIB mondial, ne constituent un risque important. Néanmoins, elles représentent aussi un atout considérable pour financer le développement économique. Si les modifications du cadre juridique ne s’effectuent pas de manière souple, les bonnes intentions n’empêcheront pas les entreprises d’investissement qui quitteront le Royaume-Uni de choisir de migrer vers les États-Unis plutôt que vers l’Union européenne.

2.   Contexte

2.1.

L’Union européenne compte de nombreux types d’entreprises d’investissement, offrant des services variés à différentes clientèles. Selon les données de l’Autorité bancaire européenne (ABE), 6 501 entreprises de ce genre étaient actives, fin 2015, sur le territoire de l’Espace économique européen (EEE), la plupart d’entre elles étant des PME. L’association estime que quelque huit entreprises d’investissement contrôlent environ 80 % des actifs de la totalité des entreprises d’investissement de l’EEE. Leur siège est situé au Royaume-Uni. Toujours selon des informations émanant de l’ABE, environ 40 % des entreprises d’investissement implantées sur le territoire de l’EEE sont habilitées exclusivement à dispenser des conseils en investissement. Dans une proportion de 80 %, les entreprises d’investissement de l’EEE limitent leur activité à fournir des conseils d’investissement, à recevoir et transmettre des ordres, à les exécuter et à gérer des portefeuilles. Elles sont environ 20 % à être autorisées à négocier pour compte propre et à assurer la prise ferme ou le placement d’instruments financiers constituant des services qui sont soumis actuellement aux exigences prudentielles les plus strictes.

2.2.

Jouant le rôle de plaque tournante pour les marchés des capitaux et les activités d’investissement, le Royaume-Uni est le pays qui compte le plus grand nombre d’entreprises d’investissement de l’EEE, abritant grosso modo la moitié d’entre elles, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et l’Espagne occupant les places suivantes dans le classement. La plupart des entreprises d’investissement de l’EEE sont des sociétés dont la taille est petite ou moyenne. Actuellement, celles qui sont considérées comme des entreprises d’importance systémique constituent généralement des filiales de groupes bancaires ou de courtiers négociants qui sont originaires des États-Unis, de Suisse ou du Japon.

2.3.

Jusqu’à présent, l’ABE avait réparti les entreprises d’investissement en onze catégories, en se fondant essentiellement sur les prestations d’investissement qu’elles sont habilitées à fournir en vertu de la directive sur les marchés d’instruments financiers (2), ainsi qu’en prenant comme critère la détention de fonds ou de titres de leurs clientèle. Les entreprises d’investissement qui offrent un large éventail de services sont soumises aux mêmes exigences que les établissements de crédit en ce qui concerne les fonds propres requis pour couvrir le risque de crédit, de marché et d’opération et, éventuellement, pour ce qui est des règles de liquidité, de rémunération et de gestion, tandis que celles dont les droits sont limités, et sont donc généralement censées présenter moins de risques, en l’occurrence celles qui se consacrent au conseil en investissement ainsi qu’à la réception et la transmission d’ordres, sont exemptées de la majeure partie de ces obligations. L’ABE présente une nouvelle catégorisation des entreprises d’investissement, qui, en lieu et place des onze actuelles, propose trois grandes catégories. Suivant les recommandations initiales en la matière, les entreprises d’investissement d’importance systémiques relèveront de la catégorie 1 et resteront soumises aux exigences du train de mesures CRD IV/CRR. La catégorie 2 rassemblera celles qui négocient pour compte propre et sont exposées au risque de marché et de crédit de contrepartie, qui garantissent les actifs de leur clientèle et les gèrent, qui conservent ses avoirs financiers ou qui dépassent les seuils quantitatifs fixés, à savoir que lesdites entreprises possèdent, sous gestion tant discrétionnaire qu’en portefeuille, non discrétionnaire (services de conseil), des actifs d’un montant supérieur à 1,2 milliard d’EUR, qu’elles traitent des ordres journaliers de clients d’au moins 100 millions d’EUR pour les opérations au comptant ou 1 milliard d’EUR pour les produits dérivés, et qu’elles présentent un bilan supérieur à 100 millions d’EUR et des recettes brutes totales, pour leurs activités d’investissement, qui dépassent 30 millions d’EUR. Ces entreprises seront tenues de calculer les exigences en fonds propres par rapport aux nouveaux facteurs de risque (coefficients K). La catégorie 3 regroupera les entreprises qui n’exercent pas d’activités ressortissant aux types susmentionnés et qui ne dépassent pas les seuils indiqués. Ces firmes de la catégorie 3 ne sont pas tenues de respecter les exigences en matière de capital telles que fixées à l’aide des facteurs K.

2.4.

Le cadre réglementaire de l’UE concernant les entreprises d’investissement se compose de deux volets: d’une part, elles sont régies par la directive sur les marchés d’instruments financiers (MiFID), ainsi que, depuis janvier 2018, par la directive MiFID II et le règlement MiFIR (3), qui définissent les conditions d’agrément, les exigences organisationnelles et les conditions d’exercice de l’activité; d’autre part, elles sont soumises, comme les établissements de crédit, à un encadrement prudentiel au titre du règlement sur les fonds propres et de la directive sur les exigences de fonds propres CRD IV/CRR. La raison de cette situation est que pour la fourniture de services d’investissement, elles entrent en concurrence avec les établissements de crédit, qui peuvent offrir ces prestations à leurs clients en vertu de leur agrément bancaire. Les établissements de crédit sont quant à eux soumis aux principales exigences de la MiFID, qui harmonise les conditions régissant la prestation de services d’investissement par les entreprises d’investissement et par lesdits établissements de crédit, tant pour ce qui concerne la protection des investisseurs et l’exercice d’activités sur la base des dispositions de ladite directive, qu’en relation avec les conditions essentielles posées par le train de mesures CRD IV/CRR.

2.5.

Conformément aux dispositions du CRR, le réexamen du cadre prudentiel pour les entreprises d’investissement a été effectué en consultation avec l’ABE, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et les autorités nationales compétentes. Répondant à l’invitation à émettre un avis que la Commission lui avait lancée en décembre 2014, l’ABE a publié, en décembre 2015 un rapport sur le cadre prudentiel en vigueur pour les entreprises d’investissement, où elle préconisait de modifier l’approche actuelle. À la suite d’une deuxième demande d’avis de la Commission, de juin 2016, l’ABE a aussi procédé, en novembre 2016, à la publication d’un document pour ouvrir le débat sur la forme que pourrait prendre un nouveau régime prudentiel qui s’appliquerait à la grande majorité des entreprises d’investissement. Ce document est resté ouvert pour observations pendant trois mois. En tenant compte des réactions et des renseignements supplémentaires qui ont été recueillis auprès des entreprises d’investissement et des autorités nationales compétentes, l’ABE a fait connaître ses recommandations finales en septembre 2017, non sans encourager les parties intéressées à lui faire part de leurs observations. Pour un calibrage précis des préconisations concernant les nouvelles exigences de capital, il a également été réalisé un exercice consistant à collecter des données détaillées concernant les entreprises d’investissement. Ce sont les autorités nationales compétentes qui, au nom de l’ABE, ont assuré son exécution, en deux étapes, à savoir en 2016 et 2017.

2.6.

Le rapport de l’ABE constitue une analyse complète de la situation actuelle, qui est accessible au public et comprend des données sur le nombre et les types d’entreprises d’investissement dans les États membres. Le document présente également un nouveau régime qui s’appliquerait à la majorité des entreprises d’investissement, en les excluant totalement du cadre constitué par le CRR et la CRD IV, au champ d’application desquels ne ressortiraient plus que celles qui sont d’importance systémique, telles que définies selon l’approche révisée que prône pour ce faire la proposition à l’examen, laquelle concorde également avec la MiFID et avec la MiFID II et le MiFIR. Lorsqu’elle entreprend d’établir des exigences prudentielles adaptées aux activités et aux risques qui sont liés aux entreprises d’investissement, elle précise quand et pourquoi elles s’appliquent. Ce faisant, elle permet d’éviter certains cas d’application arbitraire d’exigences prudentielles qui ont lieu dans le cadre actuel et ont pour raison qu’elles ont été instaurées en rapport avec les services d’investissement énumérés dans la MiFID et non suivant les types d’activités menées par les entreprises d’investissement.

2.7.

Les conclusions auxquelles a abouti l’examen réalisé par l’ABE (4) ont fait l’objet de discussions avec les États membres, au sein du comité des services financiers, en mars et octobre 2017, et du groupe d’experts sur la banque, les paiements et l’assurance en juin et en septembre de la même année. Il a également été tenu compte des observations qui avaient été reçues des parties intéressées concernant l’analyse d’impact initiale publiée en mars 2017 et réalisée par la Commission, laquelle, enfin, a aussi pris en considération les observations récoltées antérieurement lors du vaste appel à contributions sur l’efficacité, l’homogénéité et la cohérence du cadre réglementaire global de l’UE applicable aux services financiers, Compte tenu de la minutie avec laquelle l’ABE a consulté les parties intéressées et collecté des données, la Commission a estimé qu’il n’était pas nécessaire de mener en parallèle une consultation publique générale. En lieu et place, ses services ont entrepris de sonder les parties intéressées de manière ciblée. Cet exercice a comporté les éléments suivants:

une table ronde avec des acteurs de l’industrie (entreprises d’investissement, investisseurs, cabinets d’avocats, consultants), qui s’est tenue le 27 janvier 2017 et a examiné les projets de propositions de l’ABE concernant un futur régime,

un atelier sur les coûts du régime actuel, qui s’est déroulé le 30 mai 2017,

un atelier sur les projets de recommandations finales de l’ABE, tenu le 17 juillet 2017.

2.8.

L’ABE estime que les nouvelles réglementations auraient pour effet d’augmenter globalement de 10 % les exigences en capital pour l’ensemble des entreprises d’investissement d’importance non systémique par rapport à celles qui sont actuellement en vigueur, et de les réduire de 16 % par rapport à l’ensemble de celles qui sont applicables en vertu des obligations découlant du premier pilier. L’ampleur de l’impact que ces dispositions produiront pour une entreprise d’investissement donnée dépendra de sa taille, de la nature des prestations qu’elle assure et de la manière dont les nouvelles exigences de fonds propres leur seront applicables. Pour ce qui est des fonds propres disponibles, l’ABE estime que seules quelques entreprises ne disposeraient pas d’un capital suffisant pour satisfaire aux nouvelles exigences: ne sont concernées qu’un petit nombre de sociétés de conseil en investissement, de sociétés de courtage et d’entreprises multiservices. Un plafond pourrait être accordé pendant un certain nombre d’années aux entreprises présentant un tel profil, pour lesquelles les exigences pourraient être multipliées par deux par rapport à leur niveau actuel.

2.9.

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (article 114) a conféré aux institutions européennes la compétence d’adopter des mesures appropriées pour établir le marché intérieur et en assurer le bon fonctionnement. Aux termes de l’article 53 de ce même traité, l’UE arrête des directives afin de faciliter l’accès aux activités non salariées et leur exercice Cette compétence s’étend à la législation relative à la surveillance prudentielle des prestataires de services financiers, en l’occurrence les entreprises d’investissement. Les dispositions de la directive telles que proposées dans le projet à l’examen remplaceront, en ce qui concerne les entreprises d’investissement, celles prévues dans le train de mesures CRD IV, qui s’appuient également sur le texte de l’article 53 du traité, tandis que celles du règlement visé par la proposition qui fait l’objet du présent avis se substitueront, toujours dans le cas des entreprises d’investissement, à celles du règlement (UE) no 575/2013, lesquelles sont fondées elles aussi sur l’article 114 du traité.

2.10.

Ces nouvelles réglementations n’auront aucune incidence financière sur le budget de l’UE.

3.   Observations et commentaires

3.1.

Le CESE constate avec satisfaction que s’agissant des entreprises d’investissement, la proposition précise les exigences concernant la désignation des organes de surveillance prudentielle, le capital initial et existant desdites entreprises, la liquidité, les risques de concentration, les compétences touchant à la surveillance et les instruments grâce auxquels les autorités compétentes peuvent l’effectuer, les obligations de déclaration et la communication de l’information à destination du public, le contrôle prudentiel et l’évaluation, la gouvernance d’entreprise et les rémunérations. Eu égard aux éléments que l’on vient de mentionner, la directive à l’examen définit des règles en matière de surveillance et de contrôle des entreprises d’investissement et limite les risques de tout type qui sont liés à l’activité économique menée par ces sociétés. Elle s’applique à toutes les entreprises d’investissement qui, depuis janvier 2018, sont couvertes par la MiFID II.

3.2.

Le CESE fait observer que suivant les exigences fixées par la proposition, les États membres sont tenus de désigner un organe chargé d’exercer les compétences en matière de surveillance prudentielle au titre de la directive. Ils peuvent confier ces attributions à l’organe existant en vertu de la CRD IV ou procéder à la désignation d’une nouvelle instance qui devra les assumer. Les autorités compétentes devraient être habilitées à examiner et évaluer la situation prudentielle des entreprises d’investissement et à demander, le cas échéant, que des modifications soient apportées dans des domaines tels que la gouvernance et les contrôles internes, ou les processus et procédures de gestion des risques, et il conviendra par ailleurs que, dans les situations qui le requièrent, elles disposent des compétences appropriées pour établir des exigences supplémentaires portant, en particulier, sur le capital et la liquidité.

3.3.

De l’avis du CESE, il est essentiel que les organes compétents soient tenus de coopérer étroitement avec les autorités et instances publiques chargées d’exercer la surveillance des établissements de crédit et institutions financières dans les États membres. Les pays de l’UE doivent garantir que lesdits organes responsables, en tant que composantes du Système européen de surveillance financière (SESF), collaborent entre eux ainsi qu’avec les autres parties prenantes du dispositif, pour ce qui est de garantir la diffusion d’informations appropriées et fiables. En ce qui concerne les différentes entreprises d’investissement, il convient en particulier que ces instances assurent un échange d’informations portant sur leurs structures de gestion et de propriété, leur respect des exigences capitalistiques, leur exposition du point de vue de la concentration de risques, leur liquidité, leurs procédures administratives et comptables, ainsi que leurs mécanismes de contrôle interne, de même que sur tout autre facteur important susceptible d’influer sur le risque qu’elles induisent. Le Comité estime qu’ainsi, le marché européen de l’investissement gagnera en transparence.

3.4.

Les autorités compétentes peuvent transmettre des informations confidentielles à l’ABE, à l’AEMF, au Comité européen du risque systémique (CERS), aux banques centrales des États membres, au Système européen de banques centrales (SEBC) et à la Banque centrale européenne (BCE), agissant dans le cadre de leur compétences d’autorités monétaires, ainsi que, le cas échéant, aux autorités publiques chargées de la surveillance des systèmes de paiement et de règlement, si ces éléments sont nécessaires à l’exécution de leurs missions. Le CESE estime que cette démarche crée un système européen d’information sur les entreprises d’investissement, qui, en théorie, empêchera des établissements non fiables de procéder à des opérations financières.

3.5.

Les exigences en capital initial, en particulier pour les entreprises d’investissement qui sont des PME et ne conservent pas de fonds ou de titres de leurs clients, sont sensiblement augmentées, passant de 50 000 à 75 000 EUR. Pour les firmes d’investissement de portée systémique, ce sont les directive CRD IV et le règlement CRR qui fixent ces conditions en la matière. Le CESE considère ici aussi que la proposition de directive relative à la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement ouvre des possibilités pour les PME, en particulier celles qui se développent en recourant à l’outil numérique.

3.6.

Des données récoltées auprès de plus de 1 200 entreprises montrent que plus de 80 % d’entre elles remplissent les conditions posées en matière de liquidité. Environ 70 % détiennent plus de trois fois le montant fixé d’actifs liquides disponibles. Le CESE juge dès lors que la grande majorité des entreprises d’investissement qui existent aujourd’hui ne se trouveront pas évincées du marché.

3.7.

Les entreprises d’investissement doivent mener une politique de rémunérations qui soit marquée par la transparence et qui corresponde aux risques encourus et aux bénéfices réalisés. Il convient que les dispositifs en la matière soient soumis au contrôle des autorités de surveillance et à leur approbation. Les États membres devraient imposer à ces entreprises l’obligation d’informer le public de leur politique dans ce domaine et garantir qu’elles communiquent aux autorités compétentes des informations sur le nombre de personnes physiques qui, pour un exercice financier donné, perçoivent des émoluments dépassant un seuil de 1 million d’EUR. Dans ces cas de figure, des données devront être fournies aux autorités concernant les fonctions remplies par les intéressés, les principales composantes de leur rémunération, leurs primes, leurs indemnités à long terme et leur cotisations de pension. Il conviendrait que ces éléments soient transmis à l’ABE et publiés. Pour le CESE, cette initiative est judicieuse, en ce qu’elle vise à corréler les rémunérations des entreprises d’investissement avec leurs résultats financiers.

3.8.

Le CESE se félicite de constater que s’agissant de leurs succursales, les entreprises d’investissement étrangères sont soumises au contrôle prévu et à l’exigence de communiquer chaque année des informations sur le nom, la nature des activités et la localisation de chacune desdites succursales ou filiales, leur chiffre d’affaires, leur nombre de salariés en équivalent temps plein, leurs bénéfices ou pertes avant prise en compte de leurs obligations fiscales, la charge d’impôts à laquelle ils donnent lieu, ou encore les subventions publiques reçues.

3.9.

Le CESE relève également avec satisfaction qu’en vertu de l’article 33 de la proposition de directive, les organes responsables seront tenus de prendre les initiatives requises si le contrôle et l’évaluation visés au paragraphe 1, point e), dudit article montrent que la valeur économique des fonds propres d’une entreprise d’investissement a diminué de plus de 15 % de son capital. D’une manière générale, l’opération à effectuer consisterait à augmenter le capital propre de la firme concernée.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE est d’avis qu’après que tous les instruments dérivés ont été intégrés dans le champ d’application de la directive MiFID, en 2007, certaines entreprises spécialisés, exerçant leur négoce dans les dérivés sur matières premières, sont restées totalement en dehors de ce cadre MiFID et de ses exigences prudentielles. Dans leurs affaires, bon nombre de firmes de ce genre travaillant dans le domaine des instruments financiers s’attachent généralement à assurer leurs sociétés-mères contre les risques liés à la production matérielle, à la livraison, à la conservation ou à l’achat de matières premières. Suivant le secteur concerné, par exemple l’énergie, ou l’agriculture, leur activité de couverture peut prendre une ampleur notable, d’où de fortes implications en ce qui concerne les exigences de fonds propres au titre de l’encadrement en vigueur. Désormais, leur négoce s’effectuera sur la base de la directive proposée en matière de surveillance prudentielle des entreprises d’investissement.

4.2.

Au jugement du CESE, les propositions de directive et de règlement font un pas important en instaurant de nouveaux indicateurs de risques (facteurs K), ainsi que des possibilités d’introduire progressivement des exigences plus sévères ou de les plafonner. Les facteurs K couvrent les risques pour les clients ainsi que, dans le cas des entreprises qui négocient pour compte propre et qui exécutent les ordres des clients en leur propre nom, ceux qui concernent le marché ou l’entreprise.

4.3.

Le CESE fait observer que dans ses avis relatifs à la réforme du système bancaire et à la modification des exigences de fonds propres et du cadre de résolution (ECO/424) (5), ainsi qu’à la directive MiFID et au règlement MiFIR (INT/790) (6), ou encore dans ceux qu’il a émis antérieurement concernant le train de mesures CRD IV/CRR, il n’a cessé de prendre parti pour les exigences prudentielles concernant les marchés de capitaux de l’UE.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO L 176 du 27.6.2013, p. 1). En lien avec la directive 2013/36/UE [directive sur les exigences en fonds propres (CRD IV)] (JO L 176 du 27.6.2013, p. 338), le règlement trace le cadre prudentiel en vigueur pour les entreprises d’investissement.

(2)  Les marchés dans la directive sur les marchés d’instruments financiers: directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO L 145 du 30.4.2004, p. 1).

(3)  Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO L 173 du 12.6.2014, p. 349) et règlement (UE) no 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO L 173 du 12.6.2014, p. 84).

(4)  Rapport de l’ABE sur les entreprises d’investissement, en réponse à la demande d’avis de la Commission de décembre 2014 (EBA/Op/2015/20). Conformément aux articles du CRR correspondants, le réexamen a été effectué en consultation avec l’ABE, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et les autorités nationales compétentes représentées dans ces autorités européennes de surveillance.

(5)  JO C 209 du 30.6.2017, p. 36.

(6)  JO C 303 du 19.8.2017, p. 91.


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/41


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité

[COM(2017) 563 final — 2017/0244 (NLE)]

(2018/C 262/07)

Rapporteure:

Imse SPRAGG NILSSON

Corapporteure:

Vladimíra DRBALOVÁ

Consultation

Commission européenne, 17.11.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

17.10.2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27.3.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE apprécie l’opportunité de la présente recommandation, car l’apprentissage fait l’objet d’importantes réformes dans la plupart des États membres, et salue la volonté de la Commission européenne de mettre en place une conception européenne commune de ce qui constitue un apprentissage efficace et de qualité.

1.2.

Le Comité reconnaît que l’instrument juridique choisi par la Commission européenne encourage la coordination d’un effort commun visant à améliorer la qualité et l’efficacité de l’apprentissage. Dans le même temps, il laisse une marge de manœuvre aux États membres.

1.3.

Le CESE note que la définition et les critères établis par la Commission européenne dans la proposition de recommandation du Conseil respectent la diversité des systèmes nationaux dans le domaine de l’apprentissage.

1.4.

Le CESE se félicite que la proposition de recommandation invite les États membres à promouvoir la participation active des partenaires sociaux à la conception, à la gouvernance et à la mise en œuvre de programmes d’apprentissage, conformément aux systèmes nationaux de relations du travail et à la pratique en matière d’éducation et de formation.

1.5.

Le Comité estime que la conception, la gouvernance et la mise en œuvre de programmes d’apprentissage devraient également inclure la participation active de ceux qui ne sont traditionnellement pas considérés comme des parties prenantes naturelles dans ce domaine, mais qui sont également utiles au processus, comme par exemple les organisations de jeunes et de parents, les syndicats d’étudiants et les apprentis eux-mêmes.

1.6.

Le CESE reconnaît le rôle positif que peut jouer l’apprentissage pour renforcer les compétences et l’employabilité, en particulier des jeunes, mais souligne que le chômage est un phénomène complexe et qu’une approche globale est nécessaire pour s’attaquer à ses causes profondes au-delà de la question de l’inadéquation des compétences.

1.7.

Le CESE estime que la proposition de recommandation devrait mettre davantage l’accent sur la manière dont les apprentis peuvent jouer un rôle plus actif dans la conception et la gouvernance de leurs parcours d’apprentissage. Le fait de donner aux apprentis la possibilité d’influencer leur expérience d’apprentissage rendrait celle-ci plus productive, ce qui serait également bénéfique pour ceux qui les encadrent.

1.8.

Le Comité plaide pour des liens clairs et pour une coordination et des synergies efficaces avec les initiatives déjà lancées par le réseau du CERAQ (1) et liées à EURES (2).

1.9.

Le CESE demande que des initiatives soient prises pour explorer le potentiel de mobilité transnationale des apprentis dans l’UE. Ces mesures devraient tenir compte des progrès réalisés dans les États membres, en particulier pour ce qui est des défis qui sont liés à la mise en place des conditions nécessaires pour soutenir la mobilité des apprentis.

1.10.

Le CESE se félicite de l’intention de contrôler la mise en œuvre de la recommandation avec le soutien du comité consultatif pour la formation professionnelle (CCFP), ainsi que dans le cadre du Semestre européen, et suggère d’élaborer des indicateurs pour évaluer l’impact au niveau national. Le Comité est prêt à évaluer la mise en œuvre de la recommandation dans les États membres du point de vue de la société civile organisée.

2.   Contexte de la proposition de recommandation du Conseil

2.1.

La proposition de cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité fait suite à la «nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe» (3) de 2016 et contribue à la mise en œuvre de l’objectif prioritaire de l’UE concernant l’emploi, la croissance et l’investissement. Elle complète les principes inscrits dans le socle européen des droits sociaux et soutient sa mise en œuvre au niveau national. Un apprentissage efficace et de qualité revêt également une importance cruciale pour une mise en œuvre réussie de la garantie pour la jeunesse, et cette proposition répond à l’appel de plus en plus pressant en faveur d’une meilleure qualité des stages au titre de l’initiative de la garantie pour la jeunesse.

2.2.

Dans le cadre du programme de projets intégrés pour la période 2014-2016 relevant du dialogue social de l’UE, les partenaires sociaux européens ont lancé différents projets portant sur l’apprentissage: alors que la CES a mis l’accent sur la qualité de l’apprentissage, BusinessEurope, l’UEAPME et le CEEP ont privilégié le rapport coût-efficacité. Leurs travaux ont abouti à une déclaration commune intitulée «Vers une vision partagée de l’apprentissage» (4), qui affirme l’importance de la qualité de l’apprentissage et de son efficacité au regard des coûts.

2.3.

En juillet 2013, l’Alliance européenne pour l’apprentissage (EAfA) a été créée en tant que plateforme unique rassemblant gouvernements et parties prenantes [entreprises, partenaires sociaux, chambres, prestataires d’enseignement et de formation professionnels (EFP), régions, représentants de la jeunesse et groupes de réflexion] dans le but de renforcer la qualité, l’offre et l’attractivité de l’apprentissage en Europe (5).

2.4.

L’instrument proposé, qui est une recommandation du Conseil, respecte les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Cet instrument juridique marque l’engagement des États membres en faveur des mesures prévues dans la recommandation et constitue une base politique solide pour la coopération à l’échelle européenne dans ce domaine. L’apprentissage étant généralement fondé sur un contrat de travail ou sur d’autres relations contractuelles, les apprentis sont considérés à la fois comme des travailleurs et des apprenants en milieu professionnel. Par conséquent, l’initiative trouve sa base juridique dans les articles 153, 166 et 292 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

2.5.

La recommandation a pour objectif général «d’améliorer l’employabilité et le développement personnel des apprentis et de contribuer à la mise en place d’une main-d’œuvre hautement compétente et qualifiée, capable de s’adapter aux besoins du marché du travail» (6). Son objectif spécifique est de «fournir un cadre cohérent pour l’apprentissage sur la base d’une interprétation commune de ce qui en détermine la qualité et l’efficacité, compte tenu de la diversité des systèmes d’EFP dans les États membres».

2.6.

Aux fins de la recommandation, on entend par «apprentissage»: «tout programme formel d’EFP qui associe une composante importante de formation en milieu professionnel (entreprise et autres lieux de travail) et une composante de formation dispensée dans des établissements d’enseignement ou de formation, qui débouche sur des certifications reconnues à l’échelon national et se caractérise par l’existence d’une relation contractuelle entre l’apprenti, l’employeur et/ou l’établissement d’EFP et par la rémunération ou indemnité versée à l’apprenti pour son travail».

2.7.

Afin de garantir que les programmes d’apprentissage répondent aux besoins du marché du travail et apportent des avantages à la fois aux apprenants et aux employeurs, la proposition définit et recommande des critères pour un apprentissage efficace et de qualité dans deux domaines complémentaires. La première série de critères spécifiques, qui concernent «la formation et les conditions de travail», comprend: un contrat écrit, des acquis d’apprentissage; un soutien pédagogique; une composante liée au lieu de travail; une rémunération et/ou indemnité; une protection sociale, ainsi que des conditions de santé et de sécurité. La seconde série de critères spécifiques, qui ont trait aux «conditions générales», regroupe: un cadre réglementaire; une participation des partenaires sociaux; un soutien aux entreprises; des parcours flexibles et de la mobilité; une orientation professionnelle et une sensibilisation; la transparence, ainsi qu’une assurance de la qualité et un suivi des diplômés.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement et soutient la recommandation proposée, qui prolonge et complète les récentes initiatives à tous les niveaux, axées sur la relance de la qualité et de l’efficacité de l’apprentissage au sein de l’Union européenne.

3.2.

Dans la déclaration de Rome de 2017, les chefs d’État ou de gouvernement se sont engagés à œuvrer à la réalisation d’une «Union où les jeunes bénéficient du meilleur niveau d’éducation et de formation et peuvent étudier et trouver un emploi sur tout le continent». Un élément essentiel de cet engagement était d’apporter aux jeunes les compétences qui peuvent leur permettre d’accéder plus facilement au marché du travail. L’apprentissage constitue un moyen efficace pour y parvenir.

3.3.

Il est clair que l’apprentissage ne peut être la solution au problème du chômage. Il peut s’avérer utile pour mettre à niveau les compétences des chômeurs de tous âges ou les requalifier afin de les réinsérer sur le marché du travail. Il devrait également être proposé aux personnes issues de l’immigration en tant qu’approche politique efficace pour promouvoir l’inclusion sociale et une main-d’œuvre intégrée. Dans le même temps, il faut éviter que l’apprentissage soit orienté vers des emplois peu qualifiés et des formations déficientes qui pourraient nuire à sa réputation.

3.4.

En tant que formation en milieu professionnel, l’apprentissage permet aux individus d’acquérir des qualifications formelles, ainsi que des aptitudes et des compétences spécifiques à la profession qui correspondent aux besoins du marché du travail, ce qui améliore leur employabilité et leurs perspectives d’emploi (7). L’expérience d’apprentissage devrait aboutir à des aptitudes et des compétences solides pouvant être utilisées dans un contexte plus vaste que le stage d’apprentissage en question. Une telle approche permet de favoriser le développement personnel des individus et les aide à acquérir des compétences techniques, numériques, non techniques et sociales dans le cadre d’une démarche intégrée.

3.5.

Cet instrument peut s’avérer particulièrement efficace pour passer plus facilement du monde de l’enseignement et de la formation au monde professionnel (8). Cette période de transition est de plus en plus longue pour un grand nombre de jeunes, et il convient d’accorder une attention accrue à la nécessité de la réduire. Par conséquent, les possibilités de formation telles que l’apprentissage devraient être rendues encore plus pertinentes, grâce à la définition de normes de qualité et à la mise en place de systèmes efficaces.

3.6.

Si les apprentis sont, la plupart du temps, de jeunes apprenants, le Comité aimerait souligner que les programmes d’apprentissage devraient être conçus de manière à être attrayants pour les adultes. L’apprentissage destiné aux apprenants plus âgés offre la possibilité d’obtenir des qualifications qui renforcent l’employabilité et créent de nouvelles possibilités d’évolution de carrière.

3.7.

Les employeurs sont de plus en plus confrontés à des pénuries de travailleurs dotés des compétences adéquates permettant de répondre à leurs besoins et de rester compétitifs. L’apprentissage peut offrir aux apprentis des compétences qui améliorent leur employabilité tout en étant recherchées sur le marché de l’emploi. S’il existe une adéquation entre les compétences dont ont besoin à la fois les apprentis et les employeurs, les programmes d’apprentissage peuvent s’avérer intéressants pour les deux parties. Par ailleurs, l’apprentissage permet aux employeurs de former des personnes, d’investir en elles et d’engager, à terme, des employés qualifiés et motivés (9).

3.8.

Le CESE constate que les entreprises analysent la manière dont elles peuvent participer à des programmes d’apprentissage afin de les rendre plus attrayants et plus profitables pour elles. Il souligne par ailleurs que l’efficacité de l’apprentissage est un concept aux multiples facettes, qui ne se limite pas à une analyse des coûts et des avantages. D’une part, l’efficacité consiste à reconnaître que les fournisseurs d’apprentissage investissent dans la mise en place d’une expérience d’apprentissage et qu’à terme, ils attendent un retour sur investissement sous la forme d’une meilleure adéquation des compétences, ce qui encourage et favorise l’offre de places d’apprentissage (10). D’autre part, il s’agit de mener efficacement les personnes vers le marché du travail d’une manière qualitative.

4.   Conception et mise en œuvre de programmes d’apprentissage — une approche fondée sur le partenariat

4.1.

Dans de nombreux pays, il y a lieu d’améliorer les systèmes d’apprentissage existants et de renforcer leur attractivité. Parmi les défis à relever figurent la perception négative que peut avoir le public de l’apprentissage, la valeur éducative, le manque d’attractivité pour les employeurs ainsi que le caractère restreint, voire l’absence, du partenariat avec la société civile organisée pour la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des systèmes.

4.2.

L’apprentissage est avant tout une possibilité de formation et devrait dès lors se fonder sur une approche centrée sur les apprenants, tout en s’adaptant au mieux à leurs intérêts, leurs capacités et possibilités, et en tenant compte des besoins du marché du travail. Cela signifie qu’il convient de veiller à ce que les apprentis développent pleinement leur potentiel et atteignent leurs objectifs d’apprentissage, ce qui profiterait également aux employeurs.

4.3.

Le point de vue des apprentis devrait être pris en compte dans les décisions pouvant avoir un impact direct sur eux et sur leurs droits avant, pendant et après leur stage. Ils devraient avoir leur mot à dire concernant les objectifs d’apprentissage de leur placement, ainsi que la possibilité de fournir un retour d’information sur la qualité et l’efficacité de leur apprentissage. L’absence de structures de représentation des apprentis les empêche de faire entendre leur voix.

4.4.

L’apprentissage peut aider les jeunes, ainsi que les adultes, à acquérir des compétences et des aptitudes étendues dans un emploi ou une profession et à renforcer leur employabilité. Toutefois, dans de nombreux cas, ce potentiel n’est pas exploité car la qualité de l’apprentissage fait défaut, sa valeur éducative ne constitue pas une priorité et les droits des apprentis ne sont pas respectés comme il se doit.

4.5.

En outre, le CESE est d’avis qu’un marché du travail dynamique a davantage besoin de compétences que d’aptitudes. Par conséquent, les acquis de l’apprentissage doivent privilégier des compétences durables plutôt que des aptitudes à court terme.

4.6.

L’apprentissage devrait comporter un important volet de pratique en milieu professionnel; au moins la moitié de la formation devrait être consacrée à l’apprentissage concret des spécificités du secteur, et dans la mesure du possible, l’apprentissage devrait être associé à une expérience internationale.

4.7.

Les formateurs, tuteurs ou responsables des stages devraient être dûment diplômés et dotés des aptitudes nécessaires, à la fois pédagogiques et spécifiques à la profession exercée, pour former des apprentis. Ils devraient en outre avoir accès à la formation continue conformément au principe de l’apprentissage tout au long de la vie.

4.8.

L’on ne peut garantir une synergie entre la qualité, l’efficacité et l’attractivité de l’apprentissage que grâce à une coopération étroite, aux niveaux national, régional et local, entre tous les acteurs concernés, à savoir les prestataires de formation, les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile, ainsi que les apprentis.

4.9.

Il convient de mettre en place des structures à tous les niveaux de gouvernement, auxquelles prendraient part tous les acteurs socio-économiques concernés (tels que les fournisseurs d’apprentissage, les organisations d’employeurs, les syndicats, les chambres, les organisations de jeunesse, les syndicats d’étudiants, les apprentis), dotées de rôles et de processus clairement définis devant permettre d’influencer la prise de décisions et d’y jouer un rôle en ce qui concerne la conception, la mise en œuvre et le suivi des programmes d’apprentissage.

5.   Promouvoir l’apprentissage

5.1.

Pour remédier au fait que l’apprentissage est perçu comme un parcours éducatif moins prestigieux ou moins attrayant, notamment pour les jeunes, il importe de le promouvoir comme un choix pertinent et comme une opportunité d’apprentissage de qualité égale et non pas comme un instrument actif du marché du travail.

5.2.

La promotion de l’apprentissage doit aller de pair avec les efforts visant à lutter contre les stéréotypes de genre fondés sur les rôles sociaux traditionnels, qui continuent d’exercer une influence négative sur les stages d’apprentissage et le recours à ces derniers, ainsi que sur la promotion et la publicité de l’apprentissage.

5.3.

Tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse des responsables politiques, des partenaires sociaux, des organisations de la société civile ou des établissements d’enseignement, jouent un rôle crucial et doivent travailler ensemble pour renforcer l’attractivité de l’apprentissage. La promotion d’un message plus positif concernant l’apprentissage doit aller de pair avec l’amélioration de la qualité et de l’efficacité des programmes et y être subordonnée.

5.4.

Les pouvoirs publics devraient consacrer davantage de ressources à la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’apprentissage au niveau local auprès des apprentis potentiels et à inciter les employeurs à offrir des possibilités d’apprentissage.

5.5.

Le CESE estime qu’il est possible d’utiliser le FSE pour aider à mettre en place ou à développer davantage des programmes d’apprentissage efficaces et de qualité dans les États membres qui ont besoin d’une aide financière et technique plus importante pour atteindre les objectifs du cadre.

5.6.

Il est essentiel de fournir aux employeurs, et notamment aux PME et microentreprises, le soutien financier et non financier dont ils ont besoin pour mettre en place des stages et des programmes d’apprentissage qui soient efficaces et de qualité.

5.7.

Le processus visant à forger une nouvelle image de l’apprentissage doit se fonder sur une approche équitable, inclusive, non discriminatoire et innovante. Les personnes les plus défavorisées de notre société devraient avoir accès aux meilleurs soutien et conseils pour les orienter vers une éducation de qualité et une formation en milieu professionnel qui correspondent au mieux à leurs intérêts et à leurs aspirations. Il y a lieu d’instaurer des mesures à tous les niveaux afin de lutter contre la discrimination fondée sur le statut de migrant, le milieu socio-économique, l’appartenance ethnique, la religion, l’âge, le sexe ou tout autre facteur pouvant entraver l’égalité d’accès aux possibilités d’apprentissage.

6.   Conditions d’apprentissage et de travail

6.1.

Le CESE estime que l’apprentissage devrait s’appuyer sur un document écrit et juridiquement contraignant, qu’il s’agisse d’une convention de formation ou d’un contrat écrit, entre l’employeur, l’apprenti et l’établissement d’enseignement ou de formation. Ce document devrait définir clairement les droits et obligations de toutes les parties et inclure une description des objectifs d’apprentissage, des tâches, ainsi que d’autres informations pertinentes sur le stage (notamment, mais pas exclusivement, sa durée, le temps de travail, la rémunération, etc.).

6.2.

Le CESE est fermement convaincu que les apprentis ont droit à une rémunération et/ou une indemnité décente, qui doit être négociée par voie de conventions collectives ou conformément aux exigences nationales ou sectorielles. Un salaire ou une indemnité adéquats peuvent permettre à un plus grand nombre de personnes d’opter pour l’apprentissage, en particulier à celles qui sont issues de milieux à faibles revenus, et permettre d’éviter l’utilisation abusive de l’apprentissage en tant que travail non rémunéré et exagérément flexible.

6.3.

Le CESE rappelle qu’il est important de garantir que les apprentis soient correctement et rapidement informés de tout risque que peuvent représenter pour leur santé et leur sécurité les activités menées dans le cadre de leur apprentissage, et qu’ils soient pleinement couverts par les réglementations en matière de santé et de sécurité.

7.   Suivi et évaluation des programmes d’apprentissage

7.1.

Tous les fournisseurs d’apprentissage devraient s’engager à respecter des normes de qualité. Les apprentis devraient toujours bénéficier d’un encadrement par un superviseur compétent avant, pendant et après la période d’apprentissage, afin de s’assurer que leurs objectifs d’apprentissage sont atteints, que leurs droits sont respectés, et que la qualité est assurée.

7.2.

Un système de contrôle devrait être mis en place afin d’observer non seulement les progrès accomplis par les apprentis pour atteindre leurs objectifs d’apprentissage, mais aussi la qualité et la pertinence de l’expérience d’apprentissage. Les résultats d’une telle procédure d’évaluation devraient être communiqués aux apprentis ainsi qu’aux fournisseurs d’apprentissage afin de leur permettre de s’améliorer si cela s’avère nécessaire. Dans la mesure du possible, ce système de contrôle pourrait être utilisé comme une méthode pour mesurer la proportion d’apprentissages qui permettent ultérieurement aux apprentis de trouver un emploi.

8.   Reconnaissance des qualifications

8.1.

Les programmes d’apprentissage devraient déboucher sur des qualifications officiellement reconnues au niveau national, européen et international, conformément au cadre européen des certifications. Les qualifications reconnues permettraient d’améliorer l’employabilité et la mobilité des apprentis au niveau national et au sein de l’UE. Elles devraient ouvrir des passerelles et permettre aux apprentis d’accéder à l’enseignement supérieur après avoir achevé leur apprentissage.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Le CERAQ est le cadre européen de référence pour l’assurance de la qualité dans l’enseignement et la formation professionnels.

(2)  EURES est le portail européen sur la mobilité de l’emploi.

(3)  COM(2016) 381 final.

(4)  Déclaration commune des partenaires sociaux européens, «Towards a Shared Vision of Apprenticeships» (Vers une vision partagée de l’apprentissage), 30 mai 2016.

(5)  Alliance européenne pour l’apprentissage.

(6)  COM(2017) 563 final.

(7)  Avis du CESE sur le thème «Accroître les performances des systèmes nationaux de formation en alternance» (JO C 13 du 15.1.2016, p. 57).

(8)  Il est établi que 60 à 70 % des apprentis trouvent directement un emploi à l’issue de leur apprentissage et, dans certains cas, cette proportion atteint 90 % (page de la Commission européenne consacrée à l’apprentissage).

(9)  Cedefop, 2015, note d’information intitulée «Formations en apprentissage efficaces pour petites et moyennes entreprises».

(10)  Avis du CCFB intitulé «Une vision partagée pour un apprentissage et une formation par le travail efficaces et de qualité», 2 décembre 2016.


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/47


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1073/2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus»

[COM(2017) 647 final — 2017/0288 (COD)]

(2018/C 262/08)

Rapporteur:

Raymond HENCKS

Consultation

Parlement européen, 29.11.2017

Conseil, 22.11.2017

Base juridique

Article 91, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision du Bureau du Comité

17.10.2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.4.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

200/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE souscrit à l’objectif de la Commission d’améliorer la mobilité des citoyens qui se déplacent sur de longues distances par autocars ou autobus, de favoriser l’utilisation de modes de transport durables, et de permettre de proposer des services qui seront davantage en phase avec les besoins de la population, notamment pour les personnes aux revenus les plus faibles.

1.2.

Toutefois, l’extension proposée du champ d’application des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus à tous les services réguliers pour compte d’autrui, y compris les services nationaux, assurés par un transporteur non résident, est considérée comme problématique dans certains États membres.

1.3.

L’application aux services de transport urbains et suburbains des nouvelles règles concernant l’accès au marché d’un service de transport régulier international et national par autocars et autobus sur une distance inférieure à 100 ou 120 kilomètres à vol d’oiseau pourrait, selon ces pays, porter gravement atteinte à l’accomplissement d’une mission et des obligations de service public d’un service d’intérêt économique général (SIEG).

1.4.

La proposition de règlement ne tient pas compte des différences substantielles qui existent entre les États membres en ce qui concerne l’organisation de leurs services de transports en autocars et autobus, et la tarification, notamment des services urbains ou suburbains, qui souvent sont offerts gratuitement ou bénéficient de réductions tarifaires générales ou réservées à certaines catégories de voyageurs répondant à des besoins et contraintes sociaux et environnementaux qui requièrent des réglementations spécifiques et variées. Cependant, il existe aussi des États membres dans lesquels l’accès aux marchés de transports publics est davantage libéralisé.

1.5.

La disposition proposée, qui prévoit que, pour les services de transport international et national (y compris le transport urbain et suburbain) sur une distance inférieure à 100 kilomètres à vol d’oiseau l’accès au marché ne peut être refusé que si le service proposé perturberait l’équilibre économique d’un contrat de service public, pourrait dans certains cas être difficilement conciliable avec un service d’intérêt général qui doit être financièrement abordable et d’une qualité appropriée pour tous. Le marché ne peut, dans le respect de la législation concernant une concurrence loyale, que proposer un prix fixé en fonction des coûts, Toutefois, certains États membres disposent d’un marché dérèglementé, en tout ou en partie, avec des résultats relativement bons. Dans de tels cas, la proposition risquerait de marquer un retour en arrière.

1.6.

Le CESE se demande si la proposition de règlement est conforme à l’article 5, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne (TUE), traitant du principe de subsidiarité, dans la mesure où le protocole no 26 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) confère aux autorités nationales, régionales et locales un large pouvoir discrétionnaire pour fournir, faire exécuter et organiser les SIEG afin d’assurer un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs. Toutefois, dès lors que les services d’autobus et d’autocar longue distance (au-dessus de 100 km) sont déjà libéralisés dans certains États membres, les efforts déployés pour assurer le libre accès au marché des services de transport par autobus ne sauraient en tant que tels être mis en question.

1.7.

Le CESE souligne que si, conformément à cette application du principe de subsidiarité, l’on continue de laisser aux États membres le large pouvoir discrétionnaire que le traité leur concède pour organiser leurs services d’intérêt général en phase avec les besoins de la population, cela signifie de toute évidence que les États membres disposant de marchés de services d’autobus et d’autocars dérèglementés peuvent également continuer dans cette voie, et que l’objectif de la Commission de mettre en place un marché unique plus cohérent pour ces services ne sera pas atteint.

1.8.

Enfin, le CESE souligne que l’ouverture de nouvelles liaisons par autocars et autobus pourrait porter atteinte aux services publics de modes de transport plus durables. Le CESE estime qu’il est dès lors raisonnable que les autorités puissent garantir que les services utilisent des véhicules à faibles émissions de carbone, qui n’entraînent pas une augmentation des émissions, en particulier pour le service ferroviaire. Par conséquent, le CESE demande instamment à la Commission de conditionner la libéralisation du marché des transports routiers à un recours plus clair au principe du pollueur-payeur, ce pour tous les modes de transport.

2.   Introduction

2.1.

Conformément à l’article 4, paragraphe 2, point g), de du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, celle-ci dispose d’une compétence partagée avec les États membres dans le domaine des transports, et établit entre autres, selon l’article 91 du TFUE:

«a)

des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d’un État membre, ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs États membres;

b)

les conditions d’admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux dans un État membre; […]

2.

Lors de l’adoption des mesures visées au paragraphe 1, il est tenu compte des cas où l’application serait susceptible d’affecter gravement le niveau de vie et l’emploi dans certaines régions, ainsi que l’exploitation des équipements de transport.»

2.2.

Par la modification du règlement (CE) no 1073/2009 traitant de l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus, la Commission entend, selon ses dires, améliorer la mobilité des citoyens qui se déplacent sur de longues distances et favoriser l’utilisation de modes de transport durables, et devra permettre de proposer des services qui seront davantage en phase avec les besoins de la population, notamment pour les personnes aux revenus les plus faibles.

2.3.

La distinction entre «autocar» et «autobus» n’existe pas dans certaines langues européennes. La distance est souvent l’un des principaux critères dans la réglementation des services d’autocars longue distance. Par exemple, elle doit être supérieure à 50 miles au Royaume Uni, et à 100 kilomètres en France et en Suède.

2.4.

Dans certains États membres, le marché de services par autocars longue distance est d’ores et déjà, du moins partiellement, libéralisé. Ainsi, à titre d’exemple, la libéralisation du marché allemand s’est faite à deux conditions: les liaisons doivent faire au moins 50 kilomètres de distance et ne doivent pas faire concurrence au rail. En France, la loi Macron autorise tout opérateur à offrir des services réguliers pour des trajets supérieurs à 100 kilomètres.

3.   Les règles communautaires actuellement en vigueur

3.1.

Le règlement (CE) no 1073/2009 du 21 octobre 2009 s’applique au transport de plus de 9 personnes par autocars et autobus dans le cadre de services réguliers de transports internationaux de voyageurs, ainsi que, sous certaines conditions, et à titre temporaire, l’admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux de voyageurs par route dans un État membre.

3.2.

Les transports au départ d’États membres et à destination de pays tiers sont largement couverts par des accords bilatéraux conclus entre les États membres et ces pays tiers. Les règles communautaires s’appliquent toutefois au territoire des États membres traversés en transit.

3.3.

Les règles communes ne s’appliquent pas aux services urbains et suburbains par autocars et autobus. Des transports de cabotage par un transporteur non résident dans un État membre d’accueil sont autorisés à l’exception des services de transport répondant aux besoins d’un centre urbain ou d’une agglomération ou aux besoins de transport entre ce centre ou cette agglomération et les banlieues. Les transports de cabotage ne peuvent pas être exécutés indépendamment d’un service international.

3.4.

Par contre, les dispositions concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de service s’applique aux entreprises de transport par autobus ou autocars exécutant un transport de cabotage.

3.5.

Chaque année, les États membres doivent informer la Commission européenne du nombre de transporteurs titulaires d’une licence communautaire au 31 décembre de l’année précédente et du nombre de copies certifiées conformes correspondant aux véhicules en circulation à cette date. Au 31 décembre 2016, l’Union comptait 34 390 licences pour le transport routier de personnes et 300 155 autobus et autocars, dont environ 46 000 étaient utilisés essentiellement pour des transports de voyageurs longue distance.

4.   Nouvelles mesures proposées par la Commission

4.1.

Le champ d’application est largement étendu et s’applique à toutes les opérations de transport régulières (internationales et nationales) par autocars et autobus dans l’ensemble de l’Union, réalisées dans le cadre de services réguliers par un transporteur non résident.

4.2.

La réglementation actuelle qui définit les services de cabotage comme transports nationaux de voyageurs par route pour compte d’autrui assurés à titre temporaire par un transporteur dans un État membre d’accueil est modifiée par la suppression du caractère «temporaire». De ce fait, les activités de cabotage font partie des services réguliers.

4.3.

Les transports de cabotage réguliers sont dorénavant admis sous réserve de la possession d’une licence communautaire. Les transports de cabotage à titre temporaire ne sont autorisés que s’ils sont couverts par un contrat conclu entre l’organisateur et le transporteur et qu’il s’agit de services occasionnels.

4.4.

En ce qui concerne les services réguliers, le nouveau règlement fait une différence entre, d’une part, le transport international et national de voyageurs sur une distance inférieure à 100 kilomètres à vol d’oiseau, et d’autre part, ledit transport sur une distance de 100 kilomètres ou plus à vol d’oiseau.

4.5.

Pour les services réguliers du transport international de voyageurs et des services réguliers nationaux, sur une distance de 100 kilomètres ou plus à vol d’oiseau, l’accès au marché est totalement libéralisé.

4.6.

Pour les services réguliers de transport international et national (y compris le transport urbain et suburbain) sur une distance inférieure à 100 kilomètres à vol d’oiseau, l’accès au marché peut être refusé si le service proposé perturberait l’équilibre économique d’un contrat de service public. La distance inférieure à 100 kilomètres peut être portée à 120 kilomètres si le service régulier envisagé doit desservir un point de départ et une destination déjà desservis en vertu de plus d’un contrat de service public.

4.7.

Les services express c’est-à-dire les services qui assurent le transport de voyageurs selon une fréquence et sur un trajet déterminés sans arrêts intermédiaires, sont dorénavant considérés comme «services réguliers», au même titre que les services de transport prenant en charge et déposant les voyageurs à des arrêts préalablement fixés.

4.8.

Il est créé pour le secteur du transport de voyageurs par autocars et autobus un organisme de contrôle indépendant chargé:

de préparer des analyses économiques pour déterminer si un nouveau service proposé perturberait l’équilibre économique d’un contrat de service public; Les conclusions de l’organisme de contrôle sont contraignantes pour les autorités compétentes en matière de droit d’accès au marché international et national, et ses décisions sont soumises à un contrôle juridictionnel;

de recueillir et fournir des informations sur l’accès aux terminaux;

de statuer sur les recours formés contre les décisions des exploitants de terminaux.

4.9.

Les adaptations techniques concernant les licences communautaires, autorisations d’accès au marché et autres certificats se font par acte délégué de la Commission.

4.10.

Les transporteurs bénéficient d’un droit d’accès aux emplacements de stationnement utilisés par les autocars et les autobus (terminaux) à des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires.

5.   Observations générales

5.1.

L’extension du champ d’application du règlement sous avis à tous les services réguliers pour compte d’autrui, assurés par un transporteur non résident, implique que ce dernier peut exploiter des services réguliers nationaux dans les mêmes conditions que les transporteurs résidents et qu’une activité de cabotage, lorsqu’elle est continue et permanente, est considérée comme un service régulier. De ce fait le règlement sous avis s’applique à toutes les opérations de services de transport réguliers internationaux et nationaux par autocars et autobus.

5.2.

Pour les marchés de services de transport international et national sur une distance égale ou supérieure à 100 kilomètres à vol d’oiseau, le marché est donc totalement libéralisé et d’éventuels contrats de service public ne peuvent plus être pris en considération pour refuser l’accès au marché.

5.3.

L’accès au marché d’un service de transport régulier international et national par autocars et autobus sur une distance inférieure à 100 ou 120 kilomètres à vol d’oiseau peut être refusé si l’équilibre économique d’un contrat de service public est perturbé et si l’organe de contrôle indépendant chargé de procéder à une analyse économique afférente donne son accord.

5.4.

Contrairement au règlement actuellement en vigueur, la nouvelle proposition de la Commission n’exclut plus explicitement les services de transport par autocars ou autobus urbains et suburbains auxquels s’appliquera dès lors la nouvelle réglementation.

5.5.

En outre, les autorités compétentes pour décider de l’accès au marché ne peuvent rejeter une demande au seul motif que le transporteur offre des prix inférieurs à ceux proposés par d’autres transporteurs. Or, il est établi que des transporteurs du secteur privé, non soumis à des obligations de service public, offrent des prix (par exemple:1 euro pour un trajet longue distance) qui relèvent manifestement du dumping. La formulation générale de la disposition en question, sans aucune restriction, risque d’être considérée comme un chèque en blanc en faveur d’une concurrence déloyale.

5.6.

La proposition de règlement ne tient pas compte des différences substantielles qui existent entre les États membres en ce qui concerne l’organisation de leurs services de transports en autocars et autobus, et la tarification, notamment des services urbains ou suburbains qui souvent sont offerts gratuitement ou bénéficient de réductions tarifaires générales ou réservées à certaines catégories de voyageurs répondant à des besoins et contraintes sociaux et environnementaux qui requièrent des réglementations spécifiques et variées. Cependant, il existe aussi des États membres dans lesquels l’accès aux marchés de transports publics est davantage libéralisé.

5.7.

Le CESE se demande si la proposition de règlement est conforme à l’article 5, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne (TUE) traitant du principe de subsidiarité et estime que les arguments retenus sur la fiche justificative (prévue par l’article 5 du protocole no 2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité) ne sont pas pleinement convaincants. Toutefois, dès lors que les services d’autobus et d’autocar longue distance (au-dessus de 100 km) sont déjà libéralisés dans certains États membres, les efforts déployés pour assurer le libre accès au marché des services de transport par autobus ne sauraient en tant que tels être mis en question.

5.8.

Toutefois, le transport de personnes est également un service d’intérêt économique général, prévu par le traité et, en tant que tel, soumis à l’article 106, paragraphe 2, du TFUE qui veut que «les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de la concurrence, dans les limites ou l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui lui a été impartie».

5.9.

Cet article vise la primauté du bon accomplissement de la mission qui n’est pas tributaire d’une approche se basant sur un équilibre économique.

5.10.

Les valeurs communes applicables aux missions des services d’intérêt économique général qui sont reprises dans le protocole no 26 sur les services d’intérêt général (SIG, en référence à l’article 14 du TFUE) sont, entre autres: le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les SIEG, un haut niveau de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs.

5.11.

Il s’ensuit qu’un équilibre économique ne fait pas partie des valeurs auxquelles doivent forcément répondre les SIEG. Par ailleurs, un équilibre économique pourrait dans certains cas être difficilement conciliable avec un service qui doit être financièrement abordable pour tous. Le marché ne peut que proposer un prix fixé en fonction des coûts, ce qui ne peut garantir l’accès de tous à un service à un prix abordable. Toutefois, il convient aussi de noter que certains États membres disposent d’un marché dérèglementé, en tout ou en partie, avec des résultats relativement bons. Dans de tels cas, la proposition risquerait de marquer un retour en arrière.

5.12.

Partant, l’organe de contrôle, créé par le règlement sous avis, pourrait seulement apprécier si les conditions de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE et les conditions du protocole no 26 sont remplies ou non, un pouvoir (constatation d’une erreur manifeste) qui jusqu’ici n’appartient qu’à la Commission, sous réserve d’un recours auprès de la Cour de justice européenne.

5.13.

Contrairement à la nouvelle proposition de la Commission, la disposition de l’actuel règlement (CE) no 1073/2009, notamment l’article 8, paragraphe 4, point d) (que la Commission propose de supprimer), est conforme au traité lorsqu’il dispose que: «un État membre décide, sur base d’une analyse détaillée, que le service concerné affecterait sérieusement, sur les tronçons directement concernés, la viabilité d’un service comparable couvert par un ou plusieurs contrats de service public conformes au droit communautaire en vigueur».

5.14.

Le CESE estime dès lors qu’il n’y a pas lieu de modifier la disposition précitée de l’article 8, mais de laisser aux États membres, conformément au principe de subsidiarité, le large pouvoir discrétionnaire que le traité leur concède pour organiser leurs services d’intérêt général selon leurs besoins, sauf erreur manifeste constatée par la Commission.

5.15.

Le CESE souligne que l’ouverture de nouvelles liaisons par autocars et autobus pourrait porter atteinte aux services publics de modes de transport plus durables, notamment le service ferroviaire. Il ne pourra ainsi être question de délaisser pour des raisons exclusivement économiques, sur un même tronçon, un service ferroviaire.

5.16.

Le CESE rappelle dans ce contexte que l’objectif de la réglementation de l’espace ferroviaire unique européen est de créer un espace ferroviaire européen capable de concurrencer, de manière durable, les autres modes de transport.

5.17.

Or, force est de constater que la concurrence entre le ferroviaire et la route reste largement déloyale du fait que les redevances du rail, à payer par les opérateurs ferroviaires, et les coûts d’exploitation sont environ trois fois supérieurs aux coûts supportés par les opérateurs de services de transport par autocar. Or, jusqu’ici, l’annonce de la Commission de «mesures visant à internaliser les coûts externes du transport de manière coordonnée et équilibrée pour tous les modes afin que la tarification prenne en compte le niveau des coûts externes pesant sur la société» est restée sans suites notables.

5.18.

Par conséquent, le CESE demande instamment à la Commission de conditionner la libéralisation du marché des transports routiers à un recours plus clair au principe du pollueur-payeur, ce pour tous les modes de transport.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/52


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 92/106/CEE relative à l’établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres

[COM(2017) 648 final/2 - 2017/0290 (COD)]

(2018/C 262/09)

Rapporteur:

Stefan BACK

Consultation

Parlement européen, 29.11.2017

Conseil européen, 4.12.2017

Base juridique

Article 91, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.4.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

159/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient l’initiative visant à actualiser la directive 92/106/CEE (ci-après «la directive») pour que le concept de transport combiné soit à la fois plus efficace et plus attrayant, et pour rendre le transport plus durable, conformément aux objectifs énoncés dans le livre blanc de 2011 sur la politique des transports et aux engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris.

1.2.

Le CESE se déclare favorable à une extension du champ d’application de la directive aux opérations nationales afin que le transport routier continue à se réduire.

1.3.

Le CESE accueille également avec satisfaction les actions visant à simplifier la directive pour que le concept soit plus attrayant et pour renforcer la sécurité juridique.

1.4.

Le CESE considère comme particulièrement utile la simplification de la délimitation des segments routiers, y compris l’option de flexibilité ouverte aux États membres, qui permet une adaptation aux conditions locales. Néanmoins, le CESE souligne que la limite des 20 % de la distance séparant le point de chargement initial et le point de déchargement final pourrait entraîner des distances de transport routier nettement supérieures à la limite de 300 kilomètres au-delà de laquelle le livre blanc de 2011 sur les transports préconise un transfert modal subséquent des transports routiers.

1.5.

Pour faciliter l’accès à l’information sur la mise en œuvre de la directive dans chaque État membre et faciliter la planification des opérations de transport combiné, le CESE suggère que l’obligation soit faite à chaque État membre de publier, sur un site internet spécifique, toutes les informations pertinentes concernant la mise en œuvre de la directive.

1.6.

Le CESE approuve la clarification et la simplification qu’apporte le relevé exhaustif des documents qui devraient être disponibles pour le contrôle de la conformité, ainsi que la disposition prévoyant que lesdits documents peuvent être produits en format électronique. Le CESE suggère que, chaque fois que possible, toutes les décisions nationales autorisant un trajet routier plus long que celui initialement prévu figurent également au nombre des documents à produire.

1.7.

Le CESE juge pertinente la proposition d’introduire une obligation pour les États membres d’investir dans des terminaux de transbordement, et en particulier, l’obligation de coordonner les investissements avec les États membres voisins. Néanmoins, le CESE se demande si l’objectif fixé d’une distance maximale de 150 km à partir de tout lieu dans l’Union jusqu’au terminal le plus proche est réaliste, compte tenu de la situation des zones qui ont une faible densité de population et dont les réseaux ferroviaires et portuaires sont morcelés, et il suggère dès lors de prévoir clairement une certaine souplesse à cet égard.

1.8.

De l’avis du CESE, pour renforcer la sécurité juridique et accélérer les effets des mesures d’incitation à utiliser ce transport, il convient de reconnaître que des mesures de soutien au transport combiné sont compatibles avec le marché intérieur et de les exempter de l’obligation de notification au titre des règles en vigueur en matière d’aides d’État, pour autant que l’aide allouée se situe en dessous d’un plafond prédéfini.

1.9.

Le CESE s’interroge sur l’utilité de la disposition proposée à l’article premier, paragraphe 2, deuxième alinéa, qui consiste à exclure la prise en considération, aux fins des opérations de transport combiné, de certains segments par voie navigable intérieure ou par mer. Le CESE estime que cette proposition est imprécise et sujette à des interprétations divergentes, et mettant par ailleurs son utilité en question, dans la mesure où l’introduction d’un critère de sélection similaire, reposant clairement sur l’idée d’exclure des choix n’appelant nul encouragement, n’a pas été jugée nécessaire en matière de transport ferroviaire.

1.10.

Le CESE considère qu’il est difficile de comprendre la raison pour laquelle l’«exemption des règles du cabotage» figurant à l’article 4 de la directive demeure inchangée. En ce qui concerne la politique des transports, le CESE fait référence tout d’abord aux propositions en cours concernant l’accès au marché des transports internationaux de marchandises par route pour ce qui est du cabotage, et au débat actuel sur l’accès au marché et la concurrence, y compris ses aspects sociaux. Le Comité souligne également le principe général selon lequel la fourniture de services dans un pays autre que celui dans lequel le prestataire de services est établi devrait s’effectuer sur une base temporaire. Pour le CESE, rien ne s’oppose à ce qu’une disposition prévoie que les trajets routiers de marchandises effectués dans le cadre d’une opération de transport combiné soient considérés comme des opérations de transport séparées, sauf lorsque la totalité de l’opération de transport est effectuée par un seul camion ou une seule combinaison de véhicules, tracteur routier compris, et que le règlement (CE) no o1072/2009 s’applique à la totalité des opérations de transport par route. L’article 4 de la directive devrait être modifié en conséquence.

1.11.

Le CESE trouve également surprenant que la proposition de modification de la directive ne reprenne pas la disposition prévue à l’article 2 de la directive qui fait obligation aux États membres, à compter du 1er juillet 1993, de libérer de tout régime de contingentement et d’autorisation les transports combinés visés à son article premier. Dans sa forme actuelle, et compte tenu de l’extension du champ d’application de la directive, cet article pourrait être interprété comme ayant un effet plus large que celui qui était probablement souhaité, en ce qui concerne en particulier l’accès au marché. Le CESE suggère donc de reformuler ou de supprimer cet article.

1.12.

Le CESE constate que la proposition de modification de la directive ne se prononce pas sur l’applicabilité au transport combiné de la directive 96/71/CE sur le détachement de travailleurs. Le CESE part du principe que cette directive s’applique également aux opérations de transport combiné, et qu’il en va de même pour la proposition de la lex specialis sur le détachement de travailleurs dans le transport routier, présentée par la Commission [COM(2017) 278 final].

1.13.

Le CESE tient également à souligner les potentialités considérables que recèle la numérisation pour faciliter et promouvoir le transport combiné. Quelques exemples de mesures envisageables ont été mentionnés plus haut. Le potentiel de développement dans ce domaine est considérable pour le secteur des transports dans son ensemble, notamment pour le transport combiné.

1.14.

Le CESE recommande à la Commission d’examiner la possibilité d’une solution concernant les coûts de transport pour ce qui est de Chypre et de Malte, sur le modèle du règlement (CE) no 1405/2006 du Conseil.

2.   Contexte

2.1.

Le 8 novembre 2017, la Commission européenne a présenté la seconde partie de son train de mesures sur la mobilité, pour lequel la voie a été ouverte par sa communication principale intitulée «Réaliser les objectifs en matière de mobilité à faibles taux d’émissions» [COM(2017) 675 final].

2.2.

La seconde partie de ce paquet comprend les propositions suivantes:

une proposition concernant de nouvelles normes d’émission de CO2 pour les voitures et les camionnettes après 2020 avec une proposition de révision du règlement (CE) no 715/2007 assortie de normes d’émission plus strictes,

une proposition de révision de la directive 2009/33/CE sur les véhicules propres afin de renforcer les dispositions visant à promouvoir la passation de marchés publics pour des véhicules de ce type,

une proposition visant à modifier la directive 92/106/CEE sur les transports combinés afin de poursuivre la promotion de ce type de transport pour favoriser l’émergence de concepts de transport permettant de réduire le transport routier,

une proposition de modification du règlement (CE) no 1073/2009 sur l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus dans l’optique d’étendre encore l’ouverture de ce marché, et ce faisant, de réduire l’usage de l’automobile individuelle en favorisant la baisse des prix des transports publics par bus.

Le train de mesures comprend également un plan d’action relatif au déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs afin de doper l’investissement dans la construction de ce type d’infrastructure et de faciliter ainsi, au sein de l’Union, une mobilité transfrontière basée sur ces carburants.

2.3.

Le paquet combine des mesures axées à la fois sur l’offre et la demande afin de placer l’Europe sur la voie d’une mobilité à faible taux d’émissions et de renforcer la compétitivité de l’écosystème européen en matière d’automobile et de mobilité. Il vise à offrir une plus grande stabilité des politiques et une sécurité réglementaire accrue et à établir des conditions uniformes.

2.4.

La proposition à l’examen [(COM(2017) 648), ci-après «la proposition»] vise à modifier la directive 92/106/CEE du 7 décembre 1992 (ci-après «la directive»), relative à l’établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres. Elle intègre les principaux éléments suivants:

Le transport combiné n’est plus nécessairement de nature transfrontière. Selon la Commission, le potentiel du transport combiné à l’intérieur même des États membres est considérable.

L’obligation de distance minimale pour le transport non routier est éliminée. Par ailleurs, une nouvelle disposition prévoit que le transport maritime ou fluvial peut ne pas être pris en considération aux fins du transport combiné lorsqu’aucune autre solution n’existe.

Chaque unité de chargement répondant aux critères fixés par la norme ISO 6346 ou ENI 13044, ou tout véhicule routier transporté par rail, voie navigable ou mer peut être utilisé dans des opérations de transport combiné.

La réglementation actuelle concernant les limites des transports routiers est modifiée de manière que la distance entre le segment initial et le segment final au sein de l’Union n’excède pas 150 km, ou 20 % de la distance à vol d’oiseau entre le point de chargement pour le segment initial et le point de déchargement pour le segment final. Cette limitation ne s’applique ni aux transporteurs circulant à vide ni aux transports exécutés à partir de ou vers un point d’enlèvement ou de livraison.

Les États membres ont la possibilité d’autoriser des distances supérieures à celles indiquées au point précédent pour permettre d’atteindre le terminal le plus proche disposant des équipements et des capacités adéquates.

Pour qu’un transport routier soit reconnu comme relevant du transport combiné, l’opérateur doit apporter la preuve que ledit transport s’inscrit dans une opération de transport combiné. La proposition énumère les informations à fournir pour chaque opération de transport, tant dans sa globalité que dans ses différentes parties. Aucune autre ne pourra être demandée. Elles peuvent être communiquées au moyen de documents de transport différents, y compris sous format numérique. Elles doivent pouvoir être produites à l’occasion d’un contrôle routier.

Des écarts par rapport à l’itinéraire prévu seront tolérés à la condition d’être dûment justifiés.

Les États membres sont tenus d’adopter les mesures qui s’imposent pour soutenir les investissements nécessaires dans les terminaux de transbordement, en coordination avec les États membres limitrophes.

Il appartient à chaque État membre de désigner une ou plusieurs autorités chargées de faire appliquer la directive et de jouer le rôle de point de contact pour les questions de mise en œuvre.

La proposition exige également que les États membres se conforment à l’obligation de faire rapport sur le développement du transport combiné.

L’exemption actuelle en ce qui concerne les règles du cabotage reste d’application pour ce qui est des opérations de transport routier (segments routiers) dans le cadre d’une opération de transport transfrontière entre États membres se déroulant intégralement sur le territoire d’un État membre. La Commission justifie cette exemption en expliquant que les consultations menées ont démontré qu’une telle disposition contribuait à rendre les solutions de transport combiné plus attrayantes. La Commission cite également l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire 2/84 (Commission contre Italie), qui établit que le transport combiné doit être considéré comme une opération unique de transport international interconnecté.

Dans l’exposé des motifs de la proposition, la Commission souligne également que les règles relatives au détachement de travailleurs s’appliqueront au transport combiné à l’échelle nationale, comme c’est le cas pour le cabotage. En revanche, elle n’adopte pas de position claire quant aux règles applicables au détachement des travailleurs et aux opérations internationales de transport combiné.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE soutient l’initiative visant à mettre à jour la directive sur le transport combiné, qui constitue à ses yeux un moyen d’améliorer l’efficacité et l’attrait du transport combiné. Une telle approche permettra de rendre le transport plus durable, de réduire le transport routier et les émissions de gaz à effet de serre et de contribuer à la réalisation des objectifs fixés dans le livre blanc de 2011 sur la politique des transports, ainsi qu’au respect des engagements de l’Union européenne et de ses États membres au titre de l’accord de Paris.

3.2.

Le CESE approuve la démarche visant à élargir le champ d’application de la directive en y intégrant les opérations menées au niveau national, lesquelles représentent un potentiel actuellement inexploité de développement du transport combiné et, partant, de réduction du transport routier.

3.3.

Par ailleurs, le CESE prend bonne note de la simplification du cadre réglementaire pour le transport combiné qui entend, tout à la fois, rendre le concept plus accessible et améliorer la sécurité juridique, renforçant son attrait.

3.4.

Dans ce contexte, la plus grande clarté apportée quant aux critères permettant de délimiter les segments routiers est particulièrement utile: ils sont simples et clairs et ils ne semblent pas ouvrir la voie à des divergences d’interprétation. Le CESE conclut néanmoins que la limite des 20 % de la distance séparant à vol d’oiseau le point de chargement initial et le point de déchargement final pourrait entraîner des distances de transport routier supérieures à la limite de 300 km au-delà de laquelle le livre blanc de 2011 sur les transports préconise un transfert modal des transports routiers, en particulier dans les régions dont les réseaux sont morcelés ou dont les terminaux se trouvent séparés par de longues distances. Toutefois, le CESE considère qu’il y a lieu d’accorder la priorité à l’intérêt général, consistant à rendre le concept de transport combiné intéressant pour les usagers, ainsi qu’à la valeur ajoutée qu’apporte une définition claire et simple, et il approuve par conséquent la solution proposée.

3.5.

Le CESE juge aussi positivement l’élément de flexibilité accordé aux États membres, qui leur permet d’étendre les segments routiers requis pour atteindre le terminal de transport géographiquement le plus proche disposant de la capacité opérationnelle nécessaire au chargement ou au déchargement, que ce soit sur le plan des équipements de transbordement, de la capacité des terminaux ou des services de fret ferroviaire appropriés.

3.5.1.

Le CESE note que le soin de décider si cette autorisation doit être accordée en vertu d’une disposition générale ou au cas par cas est apparemment laissé aux États membres. Il souligne l’importance de la transparence, et estime dès lors que les dispositions nationales en la matière, ainsi que, le cas échéant, les décisions adoptées dans des cas spécifiques, devraient être mises à disposition sur un site internet spécifique, conformément au nouvel article 9 bis, visé à l’article 1er, paragraphe 7, de la proposition.

3.6.

Dans l’optique de faciliter la planification des opérations de transport combiné et de rendre le concept plus attractif, le CESE suggère que l’ensemble des informations pertinentes concernant la mise en œuvre de la directive dans chaque État membre soient disponibles sur un site internet spécifique dans chaque État membre, et qu’une disposition à cet effet soit introduite à l’article 9 bis de la proposition.

3.7.

Le CESE approuve la clarification apportée à l’article 3 de la proposition concernant les documents à fournir aux fins des contrôles de conformité, l’interdiction d’exiger d’autres et la possibilité de soumettre ceux qui sont requis en format électronique. Cette disposition facilite les opérations et renforce la sécurité juridique. Néanmoins, le CESE se demande si une copie de la décision ne devrait pas être également disponible dans les cas où un État membre autorise qu’un segment routier soit dépassé en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, troisième alinéa, et où cette autorisation donne lieu à une décision spécifique.

3.8.

Le CESE note avec satisfaction l’attention accordée aux investissements dans les terminaux de transbordement, ainsi que l’obligation de coordonner de tels investissements avec les États membres limitrophes et la Commission de façon à garantir une répartition géographique équilibrée et suffisante, notamment dans le cadre du réseau RTE-T, ainsi qu’à s’assurer en priorité qu’aucune localité au sein de l’Union ne se trouve située à plus de 150 km d’un terminal de ce type. Le CESE doute toutefois que cet objectif soit réaliste dans les zones à faible densité de population et où le réseau ferroviaire et portuaire est peu développé.

3.9.

Avant son versement, le soutien apporté au transport combiné doit être notifié à la Commission et soumis à autorisation conformément aux règles applicables aux aides d’État. En raison de la lenteur des procédures, le bénéficiaire reçoit le plus souvent son aide trois ans après la décision de son attribution par l’autorité publique nationale et, parfois, il peut même se produire, lorsque des changements doivent être apportés aux régimes concernés, que le bénéficiaire coure le risque de perdre toutes ses prestations. Pour réduire l’incertitude et accélérer le processus, le CESE considère qu’une aide inférieure à un certain plafond, représentant par exemple un montant équivalant à 35 % du coût total, devrait être automatiquement considérée comme conforme aux règles du traité et exemptée de l’obligation de notification.

3.10.

Le CESE aimerait également attirer l’attention sur les possibilités de développer le transport combiné qui s’offrent grâce à la numérisation. La proposition franchit une étape en autorisant l’utilisation de documents électroniques et la création de sites internet spécifiques dans tous les États membres.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE note que le second alinéa de l’article 1er de la proposition exclut du concept de transport combiné les segments effectués par voie navigable intérieure ou par mer pour lesquels il n’existe pas de solution de transport par route équivalente ou ceux qui sont inévitables dans une opération de transport commercialement viable. Cette disposition est liée à la suppression d’une obligation de distance minimale pour les transports effectués par voie navigable intérieure ou par mer, et elle répond à l’affirmation figurant au considérant 9 selon laquelle «il conviendrait donc de supprimer cette distance minimale tout en maintenant l’exclusion pour certaines opérations telles que celles comportant des trajets en haute mer ou des traversées à courte distance par navire roulier à passagers». Le CESE émet des doutes sur cette formulation, quant au fond et à la formulation.

4.1.1.

On observe que cette obligation d’effectuer 100 km par voie navigable intérieure ou par mer, telle qu’elle est formulée dans le texte actuel de la directive, a notamment pour effet d’exclure les courtes traversées par navire roulier à passagers ou le transport en haute mer, qui se distinguent du transport maritime à courte distance. Cette observation découle du fait que l’obligation des 100 km s’applique aux transports effectués à l’intérieur de l’Union. La proposition contenue dans le second alinéa de l’article 2 vise clairement à produire le même effet.

4.1.2.

Il semble toutefois que la disposition proposée aujourd’hui est susceptible de créer une incertitude quant au moment de son entrée en vigueur, au point de créer un éventuel obstacle réglementaire à la mise en œuvre de projets de transport combiné.

Ainsi, le critère s’appliquant aux cas «pour lesquels il n’existe pas de solution de transport par route équivalente» ne permet pas de déterminer si l’équivalence doit être évaluée en fonction du temps requis, de la distance en kilomètres ou de son coût. De la même façon, le critère visant les cas «qui sont inévitables dans une opération de transport commercialement viable» ouvre un large champ d’interprétation.

4.1.3.

Le CESE remet dès lors en question l’utilité de la disposition proposée, dans la mesure, notamment, où l’introduction d’un critère de sélection similaire, reposant clairement sur l’idée d’exclure des choix n’appelant nul encouragement, n’a pas été jugée nécessaire en matière de transport ferroviaire.

4.2.

Le CESE considère qu’il est difficile de comprendre la raison pour laquelle l’«exemption des règles du cabotage» figurant à l’article 4 de la directive demeure inchangée. En ce qui concerne la politique des transports, le CESE souhaiterait se référer tout d’abord aux propositions en cours concernant l’accès au marché des transports internationaux de marchandises par route pour ce qui est du cabotage, et à l’attention qui est actuellement accordée à l’accès au marché et à la concurrence, y compris ses aspects sociaux. Le Comité garde aussi à l’esprit le principe général selon lequel la fourniture de services dans un pays autre que celui dans lequel le prestataire de services est établi devrait s’effectuer à titre temporaire.

4.2.1.

Le CESE prend acte des deux arguments invoqués par la Commission pour étayer la solution retenue. Le premier observe que les réponses fournies par les entreprises lors des consultations montrent que la solution actuelle est considérée comme étant propre à garantir l’attractivité du transport combiné. Le second tient à ce qu’une opération de transport combiné, selon la définition qu’en donne la directive dans sa formulation actuelle, doit être considérée comme une opération de transport international unique. La Commission invoque la jurisprudence de la Cour de justice, notamment l’affaire C-2/84 (Commission contre Italie) pour appuyer son argumentation.

4.2.2.

De l’avis du CESE, l’argument fondé sur la jurisprudence de la Cour de justice a simplement pour base que la Cour était tenue par le choix du législateur de définir le transport combiné de manière à ce qu’il puisse être considéré comme une opération ou un trajet unique. Il s’agit donc simplement de savoir si le législateur décide de considérer l’opération de transport combiné comme un tout, ou comme plusieurs opérations différentes réunies dans un même cadre conceptuel en matière de transport. En tout état de cause, le CESE fait observer que, lorsque la directive a été adoptée, le législateur a jugé nécessaire d’accorder aux transporteurs un libre accès au marché en ce qui concerne les «trajets routiers initiaux ou terminaux qui font partie intégrante du transport combiné et qui comportent ou non le passage d’une frontière».

4.2.3.

Pour le CESE, rien ne s’oppose à ce qu’une disposition prévoie que les trajets routiers de marchandises effectués dans le cadre d’une opération de transport combiné soient considérés comme des opérations de transport séparées et que le règlement (CE) no o1072/2009 s’applique à la totalité des opérations de transport routier. L’article 4 de la directive devrait être modifié en conséquence.

4.3.

Dans ce contexte, il est également surprenant de ne pas voir figurer dans la proposition la disposition prévue à l’article 2 de la directive faisant obligation aux États membres, à compter du 1er juillet 1993, de libérer de tout régime de contingentement et d’autorisation les opérations de transport combiné visées à son article premier, étant donné, notamment, que le champ d’application de la directive doit s’étendre au transport combiné à l’échelon national.

4.3.1.

L’extension du champ d’application de la directive permettant d’englober les opérations nationales de transport combiné, la disposition s’appliquera également auxdites opérations. La formulation de la disposition est assez large et pourrait être interprétée comme une dispense accordée au transport combiné, lui permettant de s’affranchir des règles régissant l’accès à la profession prévues par le règlement (CE) no 1071/2009, ainsi que de la totalité des restrictions à l’accès au marché en ce qui concerne le transport combiné.

4.3.2.

Le CESE suppose que de tels effets ne sauraient être ceux visés, et suggère donc de supprimer ou de reformuler cet article afin de bien préciser que la dispense de contingentement ou d’autorisation s’applique sans préjudice des règles relatives à l’accès à la profession ou au marché, quel que soit le mode considéré.

4.4.

Le CESE observe en outre qu’à l’exception d’une référence, dans l’exposé des motifs, à l’applicabilité de la proposition de lex specialis sur le détachement de travailleurs dans le transport routier, la proposition omet de mentionner que la directive sur le détachement des travailleurs s’applique aux opérations de transport combiné. Il en découlerait que les règles relatives au détachement des travailleurs prévues au titre de la directive 96/71/CE s’appliqueraient au transport routier dans le contexte du transport combiné pratiqué à l’échelon national.

4.4.1.

Le CESE part du principe que les règles relatives au détachement des travailleurs s’appliquent également à tout détachement effectué dans le cadre d’une opération de transport combiné qui satisfait aux critères énoncés à l’article 1er de la directive 96/71/CE, ainsi que dans la proposition de lex specialis, si celle-ci est approuvée.

4.5.

Le CESE prend acte des inquiétudes relatives au coût des longues liaisons maritimes avec les îles périphériques, telles que Chypre et Malte, et il souligne à cet égard, comme il l’avait déjà fait, la pertinence du régime de soutien instauré par le règlement (CE) no 1405/2006 du Conseil, qui vise à compenser les coûts de transport dans le domaine de l’agriculture sur certaines îles mineures de la mer Égée. Le CESE estime que la Commission devrait également examiner la possibilité d’une solution analogue pour Chypre et Malte.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/58


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/33/CE relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie»

[COM(2017) 653 final — 2017/0291 (COD)]

(2018/C 262/10)

Rapporteur:

Ulrich SAMM

Consultation

Parlement européen, 30.11.2017

Conseil de l’Union européenne, 4.12.2017

Base juridique

Article 192 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.4.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

206/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE adhère à la logique qui sous-tend la directive sur les véhicules propres — présentée dans le cadre du train de mesures en faveur d’une mobilité propre — malgré sa faible incidence par rapport à l’effort général nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne, et en particulier la décarbonation des transports, étant donné qu’elle ne concerne que les marchés publics. La directive vise à promouvoir certaines catégories de véhicules (sans aucune émission à l’échappement) équipés des technologies les plus propres (et pas simplement de technologies propres), en fixant des objectifs minimaux pour la passation des marchés publics relatifs à de tels véhicules.

1.2.

Le CESE déplore le manque de clarté de cette directive, en particulier la dissémination des informations, avec différentes définitions, et la complexité des méthodes de comptabilisation des «véhicules propres» à deux moments distincts entre lesquels il est très probable que les définitions des seuils d’émissions changent de nouveau. Cette complexité créera de graves incertitudes parmi les parties prenantes.

1.3.

Au vu des incertitudes concernant les seuils d’émission, le CESE doute que la période de transition prévue d’ici à 2025 contribue réellement à combler le fossé technologique jusqu’à ce que les véhicules sans émission à l’échappement soient largement disponibles, et il est convaincu que cela suscitera plutôt l’irritation des décideurs en matière de marchés publics. En conséquence, la passation de marchés pourrait être soit fortement retardée, soit accélérée, mais il s’agirait dans ce dernier cas de véhicules équipés d’une technologie ancienne, ce qui bloquerait tout investissement futur dans les nouvelles technologies à émissions nulles.

1.4.

C’est pour les véhicules utilitaires lourds que les incertitudes sont les plus importantes. Il n’existe pas de normes d’émission applicables à la période de transition et la technologie des émissions nulles à l’échappement est moins mature que pour les véhicules légers. En ce qui concerne la première phase de la période de transition, le gaz naturel, y compris le biométhane, sont admis, mais avec un coefficient de pondération moindre, tandis que pour la phase suivante, aucun seuil n’a été fixé, aucune définition n’a été élaborée, et l’on ne dispose d’aucune information sur la manière d’établir les nouvelles limites d’émission. Le CESE en conclut que la directive est prématurée en ce qui concerne les véhicules lourds; il recommande de scinder la proposition à l’examen et de traiter cette partie à un stade ultérieur.

1.5.

Le CESE se félicite de l’approche générale, neutre d’un point de vue technologique, ouverte aux nouvelles évolutions auxquelles on peut s’attendre en raison des efforts acharnés et constants déployés en matière de R & D et soutenus par l’Union européenne. Le CESE tient toutefois à faire observer que ce principe n’est pas pleinement appliqué dans la directive. Les technologies de propulsion autres que les batteries alimentant les véhicules électriques présentent également un fort potentiel en matière de mobilité propre. Le CESE regrette que la directive n’accorde pas suffisamment de place à ces technologies, telles que les combustibles non fossiles ou éventuellement de futurs carburants synthétiques fabriqués à partir de déchets ou du CO2 produits avec l’électricité excédentaire.

1.6.

Au regard des évolutions en cours dans les technologies de transport modernes, le CESE préconise donc, pour les années à venir, une approche plus souple plutôt que des seuils d’émissions et des objectifs fixes en matière de marchés publics. Ainsi, il conviendrait au minimum de procéder à un examen à mi-parcours des objectifs minimaux pour permettre une adaptation des valeurs à un stade ultérieur.

1.7.

Une part importante des marchés publics est liée aux transports publics locaux, qui sont aux mains des villes et des municipalités, et dont la portée financière est assez limitée. Le CESE se dit vivement préoccupé quant à la proportionnalité de cette approche, qui ne tient pas du tout compte de la charge financière supplémentaire induite pour les organismes publics et ne repose sur aucune comparaison avec d’autres options en matière de politique industrielle. L’on ne comprend dès lors pas pourquoi la manière la plus efficace d’encourager l’activité de l’industrie et l’évolution du marché passe par l’imposition d’une charge supplémentaire, principalement aux villes et aux municipalités, dans le cadre de la passation de marchés publics.

1.8.

Le CESE fait observer que toute charge supplémentaire pourrait se répercuter sur les citoyens par le biais d’une hausse du prix des billets, une augmentation des taxes locales, voire une réduction de l’offre de transports publics. En outre, les énormes efforts que les villes et les municipalités ont déjà déployés en vue de garantir la pureté de l’air, notamment en encourageant l’utilisation des transports publics, devraient être reconnus plutôt que contrecarrés par de nouvelles règles en matière de marchés publics, fixant des objectifs minimaux contraignants à l’échelle de l’ensemble d’un État membre, mais qui sont difficiles à atteindre et à vérifier au niveau des municipalités, avec leur grande variété de petits et grands organismes de transports publics.

1.9.

Étant donné que la sous-traitance relève également du champ d’application de la proposition de la Commission, le CESE s’inquiète des conséquences que celle-ci peut avoir sur les petites et moyennes entreprises; en effet, de nombreuses petites sociétés locales d’autobus contribuent à la fourniture de services de transport dans les grandes agglomérations urbaines en tant que sous-traitants des opérateurs de transport public local; il se peut que ces sociétés ne disposent pas des véhicules exigés par la directive à l’examen et ne puissent dès lors plus être considérées comme des sous-traitants.

1.10.

Le CESE estime que le principal obstacle à la modernisation des transports publics et aux marchés publics de véhicules propres est le manque de soutien financier et invite instamment la Commission à reconsidérer la proposition à l’examen en mettant l’accent sur le financement et en prenant notamment en considération les instruments existants. Tout soutien financier spécifique doit tenir compte de la diversité des pays, des villes et des régions en ce qui concerne la puissance économique et la part de la population vivant dans des zones urbaines, dans l’objectif général d’une harmonisation de l’acquisition de véhicules propres dans tous les États membres.

1.11.

Le CESE relève que, outre la nécessité d’accroître le nombre de véhicules propres dans les transports publics, il est essentiel de convaincre davantage de citoyens d’utiliser ce type de transport en le rendant plus attrayant (correspondances, confort) plutôt que de se concentrer sur le faible coût des billets.

2.   Introduction

2.1.

L’Union européenne s’engage résolument en faveur d’un système énergétique décarboné tel que décrit dans le «train de mesures sur l’énergie propre» qui vise à accélérer, modifier et consolider la transition de l’économie de l’Union européenne vers une énergie propre, conformément aux engagements pris par l’Union européenne dans le cadre de la COP 21, tout en continuant de poursuivre les objectifs majeurs que sont la croissance économique et la création d’emplois.

2.2.

L’Union a déjà accompli un travail considérable. Les émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne ont diminué de 23 % entre 1990 et 2016, et la croissance économique a été de 53 % sur cette même période. Cette réussite s’est manifestée dans de nombreux secteurs, à l’exception de celui des transports, qui représente environ 24 % des émissions de gaz à effet de serre (en 2015) et dans lequel les émissions repartent même à la hausse tandis que la reprise économique se poursuit en Europe. En outre, l’urgence liée à la limitation de la pollution atmosphérique dans les villes rend d’autant plus impérative la nécessité de se doter de transports propres.

2.3.

Par conséquent, le CESE a souscrit à la stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions (1) (2), y compris ses objectifs et méthodes, qui s’inscrivent dans le droit fil du livre blanc de 2011 sur la politique européenne des transports (3). En outre, le paquet de novembre 2016 intitulé «Une énergie propre pour tous les européens» et la stratégie «L’Europe en mouvement» (2017) comportent des mesures, saluées par le CESE, qui visent à accélérer le déploiement des véhicules propres (4) (5).

2.4.

Le récent train de mesures en faveur d’une mobilité propre (6) inclut désormais des initiatives juridiques spécifiques telles que la directive sur les véhicules propres (qui fait l’objet du présent avis), de nouvelles normes de CO2 pour les véhicules, un plan d’action pour le déploiement transeuropéen d’infrastructures pour carburants alternatifs, la révision de la directive sur les transports combinés et du règlement sur les services de transport de passagers par autocar, ainsi qu’une initiative en matière de batteries, qui revêt une grande importance dans le cadre de la politique industrielle intégrée de l’Union européenne.

2.5.

Parmi les nombreux instruments permettant de décarboner les transports, la passation de marchés publics pour des véhicules propres peut jouer un rôle majeur, de par la dynamique de demande qu’elle induit. Les marchés publics peuvent servir de déclencheur à un essor du marché, comme par exemple pour le segment de marché des autobus urbains. La passation de marchés publics pour des véhicules propres pourrait également avoir une incidence sur les achats de nature privée.

3.   Lacunes de la directive (précédente) actuellement en vigueur

3.1.

Afin de promouvoir la passation de marchés publics pour des véhicules propres, la Commission a proposé en 2009 la directive 2009/33/CE relative à la promotion de véhicules de transport routier propres et économes en énergie, accueillie favorablement par le CESE (7) (8).

3.2.

Cependant, les organismes publics européens n’ont acheté qu’un nombre relativement restreint de véhicules à taux d’émissions faible ou nul ou d’autres véhicules à carburants de substitution entrant dans le champ d’application de la directive sur les véhicules propres. Par exemple, sur la période 2009-2015, les véhicules électriques à batterie, électriques à pile à combustible, hybrides rechargeables ou au gaz naturel ne représentaient en moyenne qu’environ 1,7 % de l’ensemble des nouveaux autobus.

3.3.

Certains États membres et différentes régions ou villes ont déjà mis en place des cadres ambitieux de passation de marchés publics, qui fixent des exigences minimales en matière d’achat de véhicules à taux d’émission faible ou nul ou fonctionnant avec des carburants de substitution. Toutefois, ces mesures ne sont pas suffisantes pour créer des incitations et une dynamique de marché dans toute l’Union.

3.4.

Une évaluation ex post réalisée en 2015 a montré que la directive comporte des lacunes significatives. Elle a eu peu d’effet sur la pénétration des véhicules propres sur le marché de l’Union européenne, car elle n’a pour l’instant pas stimulé l’achat de ces véhicules dans le cadre de marchés publics. Les principales lacunes constatées sont les suivantes:

la directive ne donne pas de définition claire des «véhicules propres»,

la directive ne couvre pas les pratiques autres que l’achat direct par les organismes publics, telles que la location, la location-bail ou la location-vente de véhicules, ni les contrats de services de transports dans d’autres secteurs que le transport public de voyageurs,

la méthode de traduction en valeur monétaire décrite dans la directive n’a été que rarement utilisée par les organismes publics en raison de sa complexité excessive.

3.5.

En 2016 et 2017, dans le cadre de l’analyse d’impact, les parties prenantes ont été consultées au sujet de diverses options proposées en vue d’améliorer la directive. À l’issue de cette consultation, une série d’amendements ont été formulés afin de fournir une définition des véhicules propres, ainsi que des objectifs minimaux en matière de marchés publics pour les véhicules utilitaires légers comme pour les véhicules utilitaires lourds. De tels critères harmonisés au niveau de l’Union européenne n’ont pas encore été mis en place.

4.   Proposition de directive révisée

4.1.

Grâce à la révision, la nouvelle directive fournit une définition des véhicules propres et couvre désormais toutes les pratiques pertinentes en matière de marchés publics avec des procédures simplifiées et plus efficaces. Les principaux éléments nouveaux sont:

la définition des véhicules propres, reposant sur des émissions nulles à l’échappement pour les véhicules utilitaires légers et sur les carburants alternatifs pour les véhicules utilitaires lourds,

une période de transition jusqu’en 2025, durant laquelle les véhicules à faible taux d’émissions seront également considérés comme des véhicules propres, en n’étant toutefois comptabilisés qu’avec un coefficient de pondération de 0,5,

la possibilité d’adopter un acte délégué au titre de la directive afin d’adapter aux véhicules utilitaires lourds la procédure déjà appliquée pour les véhicules utilitaires légers, une fois que la législation relative aux émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds aura été adoptée au niveau de l’Union européenne,

l’extension à des pratiques autres que l’achat, notamment la prise en location-bail, ainsi qu’aux contrats de service public dans le domaine des services de transport routier public, du transport non régulier de passagers et de la location d’autobus et d’autocars avec chauffeur,

la définition, en matière de marchés publics relatifs aux véhicules propres, d’objectifs nationaux minimaux différenciés par État membre et segmentés par catégorie de véhiculesn

la suppression de la méthodologie de traduction des effets externes en valeur monétaire,

l’introduction d’une obligation pour les États membres de présenter un rapport sur la mise en œuvre de la directive tous les trois ans, en commençant par un rapport intermédiaire en 2023, suivi d’un rapport complet en 2026 sur la mise en œuvre de l’objectif fixé pour 2025.

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE adhère à la logique qui sous-tend la directive sur les véhicules propres malgré sa faible incidence par rapport à l’effort général nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne, étant donné qu’elle ne vise que les marchés publics, et pas les achats privés ou commerciaux de véhicules. La directive pourrait néanmoins jouer un rôle important dans la mesure où les investissements publics peuvent servir de modèle et contribuer à développer l’infrastructure, qui pourrait également être utilisée par le secteur privé, ce qui stimulerait par conséquent les investissements privés. Les investissements publics dans les véhicules propres ont également une influence directe sur la pureté de l’air pour les citoyens, en particulier dans les centres urbains (par exemple à proximité de gares routières).

5.2.

Le CESE déplore le manque de clarté de cette directive (9), en particulier la dissémination des informations, avec différentes définitions, et la complexité des méthodes de comptabilisation des «véhicules propres» à deux moments distincts (jusqu’en 2025 et de 2025 à 2030) entre lesquels il est très probable que les définitions des seuils d’émissions changent de nouveau. Cette complexité créera de graves incertitudes parmi les parties prenantes.

5.3.

La seule règle simple dans la directive est la définition et le comptage des véhicules à émissions nulles à l’échappement. Cette règle s’applique principalement aux véhicules entièrement électriques; certaines dérogations à ce principe sont toutefois prévues, les véhicules lourds utilisant du gaz naturel étant considérés comme «propres» à condition qu’ils fonctionnent entièrement au biométhane. Toutes les autres règles sont plus complexes, notamment la comptabilisation de certains véhicules comme un demi-véhicule et la diversité des types de carburants en fonction de la catégorie de véhicules et des normes d’émission, susceptibles d’être modifiées dans un avenir proche.

5.4.

Pendant une période de transition (jusqu’en 2025), les véhicules utilitaires légers en deçà d’un certain seuil d’émissions à l’échappement sont également considérés comme des «véhicules propres»; toutefois, ils ne sont comptabilisés qu’avec un coefficient de pondération égal à 0,5. Les seuils d’émission — 40 g de CO2/km pour les camionnettes et 25 g de CO2/km pour les camionnettes de transport de passagers — ne peuvent actuellement être atteints que par les véhicules hybrides rechargeables. Ces seuils seront modifiés dès que la nouvelle procédure d’essai harmonisée au niveau mondial pour les véhicules légers (WLTP) sera mise en œuvre, bien avant 2025. La période de transition est donc scindée en deux. Sur la base des informations figurant dans la directive, les conséquences d’un tel changement sont imprévisibles pour les parties prenantes. Au vu de ces incertitudes, le CESE doute que la période de transition prévue d’ici à 2025 contribue réellement à combler le fossé technologique jusqu’à ce que les véhicules sans émission à l’échappement soient largement disponibles, et il est convaincu que cela suscitera plutôt l’irritation des décideurs en matière de marchés publics. En conséquence, la passation de marchés pourrait être soit fortement retardée, soit accélérée, mais il s’agirait dans ce cas de véhicules équipés d’une technologie ancienne, ce qui bloquerait tout investissement futur dans la nouvelle technologie à émissions nulles.

5.5.

Pour les véhicules utilitaires lourds, les incertitudes sont encore plus grandes. Il n’existe pas de normes d’émission applicables à la période de transition et la technologie des émissions nulles à l’échappement est moins mature que pour les véhicules légers. En ce qui concerne la première phase de la période de transition, le gaz naturel, y compris le biométhane, sont admis, mais avec un coefficient de pondération moindre, tandis que pour la phase suivante, l’on ne dispose d’aucun seuil ni d’aucune définition. La Commission souhaite appliquer ces seuils au moyen d’un acte délégué une fois qu’ils seront définis, mais aucune information n’est fournie concernant les critères de fixation de ces nouveaux seuils d’émission. Le CESE en conclut que la directive est prématurée en ce qui concerne les véhicules lourds; il recommande de scinder la proposition à l’examen et de traiter cette partie à un stade ultérieur.

5.6.

Le CESE se félicite de l’approche générale, neutre d’un point de vue technologique, ouverte aux nouvelles évolutions auxquelles on peut s’attendre en raison des efforts acharnés et constants déployés en matière de R & D et soutenus par l’Union européenne. Le CESE tient toutefois à faire observer que ce principe n’est pas pleinement appliqué dans la directive, étant donné que les carburants non fossiles, par exemple, en sont exclus.

5.7.

La promotion des véhicules électriques alimentés par batterie est actuellement vivement encouragée dans de nombreux pays du monde, ainsi que par un nombre croissant de constructeurs automobiles. Toutefois, l’expansion du marché des véhicules électriques dépend de nombreux facteurs sur lesquels le secteur automobile ne peut influer que de manière limitée, comme le coût des batteries, leur recyclage, les infrastructures de recharge, le prix des carburants et la passation des marchés publics, comme le préconise la directive.

5.8.

Les technologies de propulsion autres que les batteries alimentant les véhicules électriques présentent également un fort potentiel en matière de mobilité propre. Le CESE regrette que la directive n’accorde pas suffisamment de place à ces technologies, comme, par exemple, les combustibles non fossiles (tels que le biodiesel HVO100 largement utilisé en Suède et dans d’autres pays) ou éventuellement, à l’avenir, les carburants synthétiques fabriqués à base de déchets ou de CO2 produits avec l’électricité excédentaire disponible en quantités de plus en plus importantes en raison du développement continu des sources d’énergie renouvelable fluctuantes.

5.9.

Au regard des évolutions en cours dans les technologies de transport modernes, le CESE préconise donc, pour les années à venir, une approche plus souple plutôt que des seuils d’émissions et des objectifs fixes en matière de marchés publics. Ainsi, il conviendrait au minimum de procéder à un examen à mi-parcours des objectifs minimaux pour permettre une adaptation des valeurs à un stade ultérieur.

6.   Protection du climat ou politique industrielle

6.1.

Il est évident que cette directive, malgré son titre, n’a pas pour principal objectif la promotion des véhicules propres, la protection du climat et l’air pur, mais concerne plutôt les marchés publics et la politique industrielle, en vue d’encourager l’achat de véhicules des catégories utilisant les technologies les plus propres (plutôt que simplement des technologies propres). Un examen plus attentif des différents types de «véhicules propres» et des carburants de substitution tels que définis dans cette directive révèle cette incohérence. Certains types de carburants peuvent contribuer à améliorer la qualité de l’air dans les villes sans pour autant être bénéfiques pour le climat, par exemple lorsque l’électricité ou l’hydrogène destinés aux véhicules électriques provient de centrales au charbon. À l’inverse, les véhicules à faible taux d’émission roulant au gaz naturel issu du biométhane, s’ils sont respectueux du climat, risquent néanmoins de contribuer à la pollution de l’air au niveau local. D’ici à 2030, à la fin de la période couverte par la directive, les biocarburants totalement exempts de combustibles fossiles, bien qu’ils ne soient pas reconnus par la directive, joueront un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs climatiques de l’Union. En outre, l’approche des «émissions nulles à l’échappement» ne reflète aucunement l’empreinte carbone d’un véhicule tout au long de son cycle de vie.

6.2.

La directive est principalement axée sur la politique industrielle et vise à utiliser les marchés publics de véhicules propres pour relancer la demande et déclencher un essor du marché, par exemple pour le segment de marché des autobus urbains. La Commission suppose que la passation de marchés publics pour des véhicules propres peut également avoir une incidence sur les achats de nature privée, puisque les consommateurs seront influencés par la confiance accrue des citoyens dans la maturité et la fiabilité de ces technologies et, surtout, par l’amélioration des infrastructures publiques de recharge et de ravitaillement (recharge intelligente) mises à la disposition des usagers, notamment pour les particuliers qui ne possèdent pas de garage privé.

6.3.

Le CESE se dit néanmoins vivement préoccupé quant à la proportionnalité de cette approche. La Commission affirme que la proposition respecte le principe de proportionnalité. Pourtant, cette dernière ne tient absolument pas compte de la charge financière supplémentaire induite pour les organismes publics et ne repose sur aucune comparaison avec d’autres options en matière de politique industrielle. L’on ne comprend dès lors pas pourquoi la manière la plus efficace d’encourager l’activité de l’industrie et l’évolution du marché passe par l’imposition d’une charge supplémentaire, principalement aux villes et aux municipalités, dans le cadre de la passation de marchés publics. De vives inquiétudes ont été exprimées par les organismes locaux de transport public ainsi que des représentants de villes et communes. Les principaux points soulevés par ces parties prenantes sont les suivants:

d’importants fonds supplémentaires, dépassant de loin leurs capacités, seront nécessaires pour réaliser des investissements,

plusieurs villes ont déjà pris de nombreuses mesures pour favoriser des transports propres, mais la directive ne reconnaît pas tous ces efforts,

les autobus diesel Euro VI modernes ne sont pas pris en compte, bien que cette nouvelle norme fixée en 2011 (10) permette de réduire les émissions dues aux transports publics tout en présentant un bon rapport coût-efficacité,

les véhicules hybrides rechargeables n’entrent pas en ligne de compte après 2025,

l’infrastructure de recharge des bus et des camions est assez différente de celle pour la recharge des véhicules légers tels que les voitures privées, de sorte que les synergies sont relativement limitées,

des dérogations doivent être prévues pour les véhicules des pompiers et de la police ainsi que les ambulances,

dans certaines communes, les marchés publics portent sur un nombre relativement restreint de véhicules (moins de 10), permettant difficilement d’atteindre les objectifs minimaux,

la présentation de rapports proposée ne peut être réalisée moyennant une charge administrative acceptable que si une catégorie «véhicules propres» est ajoutée aux registres officiels des véhicules.

6.4.

Une part importante des marchés publics est liée aux transports publics locaux, qui sont aux mains des villes et des municipalités, et dont la portée financière est assez limitée. Tout investissement supplémentaire dans la technologie la plus avancée, assorti de coûts (et de risques) plus élevés, peut entraîner une charge importante pour les citoyens, sous la forme d’une hausse du prix des billets, d’une augmentation des taxes locales, voire d’une réduction de l’offre de transports publics. En outre, les énormes efforts que les villes et les municipalités ont déjà déployés en vue de garantir la pureté de l’air, notamment en encourageant l’utilisation des transports publics, devraient être reconnus plutôt que contrecarrés par de nouvelles règles en matière de marchés publics, fixant des objectifs minimaux contraignants à l’échelle de l’ensemble d’un État membre, mais qui sont difficiles à atteindre et à vérifier au niveau des municipalités, avec leur grande variété de petits et grands organismes de transports publics.

6.5.

Étant donné que la sous-traitance relève également du champ d’application de la proposition de la Commission, le CESE s’inquiète des conséquences que celle-ci peut avoir sur les petites et moyennes entreprises; en effet, de nombreuses petites sociétés locales d’autobus contribuent à la fourniture de services de transport dans les grandes agglomérations urbaines en tant que sous-traitants des opérateurs de transport public local; il se peut que ces sociétés ne disposent pas des véhicules exigés par la directive à l’examen et ne puissent dès lors plus être considérées comme des sous-traitants.

6.6.

Le CESE estime que le principal obstacle à la modernisation des transports publics et aux marchés publics de véhicules propres est le manque de soutien financier et invite instamment la Commission à reconsidérer la proposition à l’examen en mettant l’accent sur le financement, en tenant compte en particulier des instruments existants tels que les fonds stratégiques et structurels (EFSI, Fonds ESI) et le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), et surtout, en définissant des priorités adéquates pour le prochain cadre financier pluriannuel. Tout soutien financier spécifique doit prendre en compte la diversité des pays, des villes et des régions en ce qui concerne la puissance économique et la part de la population vivant dans des zones urbaines, dans l’objectif général d’une harmonisation de l’acquisition de véhicules propres dans tous les États membres. Le CESE relève également que, outre la nécessité d’accroître le nombre de véhicules propres dans les transports publics, il est essentiel de convaincre davantage de citoyens d’utiliser ce type de transport en le rendant plus attrayant (correspondances, confort) plutôt que de se concentrer sur le faible coût des billets.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2016) 501 final.

(2)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 55.

(3)  COM(2011) 144 final.

(4)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 64.

(5)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 195.

(6)  COM(2017) 675 final.

(7)  JO C 51 du 17.2.2011, p. 37.

(8)  JO C 424 du 26.11.2014, p. 58.

(9)  COM(2017) 653 final, annexe 1.

(10)  Règlement (UE) no 582/2011 de la Commission.


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/64


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/73/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel»

[COM(2017) 660 final — 2017/0294 (COD)]

(2018/C 262/11)

Rapporteure:

Baiba MILTOVIČA

Saisines

Parlement européen, 29.11.2017

Conseil de l’Union européenne, 22.11.2017

Base juridique

Article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.4.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

149/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La société civile dans son ensemble ne peut prospérer que dans le cadre d’un état de droit cohérent. C’est pourquoi, même s’il relève certains points de divergence avec la Commission et qu’il déplore l’omission initiale qui a créé le vide juridique que cette directive vise à combler, le Comité économique et social européen soutient les propositions de modification relatives à la directive sur le gaz adoptée en 2009, qui devraient permettre d’améliorer l’intégration des marchés et la sécurité de l’approvisionnement.

1.2.

Les propositions de modifications de la directive sur le gaz (1) ont donné lieu à de nombreux débats et désaccords au niveau des États membres. Le Comité estime que les principes et la solidarité constituent en l’occurrence des problématiques majeures qu’il convient de traiter sans la moindre ambiguïté.

1.3.

Les sensibilités politiques et économiques doivent être pleinement reconnues, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. De même, l’Union européenne doit décider si l’objectif poursuivi, à savoir la mise en place d’un marché de l’énergie cohérent, durable et équitable pour tous les États membres, est réalisable dans le climat politique actuel. Cet enjeu constitue à court terme un défi majeur pour certains États membres. Ces derniers doivent en effet renoncer à ce qu’ils considèrent comme leurs propres intérêts nationaux pour soutenir les principes réglementaires clairs et cohérents appliqués au marché unique en matière d’approvisionnement et de sécurité énergétiques. À long terme, le défi est différent et l’on risque de s’engager dans de coûteuses infrastructures utilisant des combustibles fossiles qui, en favorisant une dépendance croissante, pourraient réduire la capacité de l’Union européenne de faire face à ses engagements en faveur du climat.

1.4.

Le Comité note que la suppression de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur est une entreprise à long terme, qui nécessite de développer davantage l’interconnectivité de l’approvisionnement en gaz entre les États membres, d’améliorer les capacités de stockage et d’augmenter la capacité disponible pour les autres solutions d’approvisionnement, telles que le gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi que de reconnaître le rôle de plus en plus important des énergies renouvelables.

1.5.

Le Comité estime qu’un aspect de l’incertitude réglementaire (concernant les futurs programmes de construction, du fait des imprécisions relatives à la procédure de dérogation proposée) peut mettre en péril la sécurité des investissements et entraver la libre concurrence entre les autorités nationales et régionales lorsqu’il s’agit d’attirer les investissements. Cette question doit faire l’objet d’une évaluation, au même titre que les améliorations significatives enregistrées au sein du marché du gaz grâce aux procédures réglementaires instaurées au cours de ces deux dernières décennies.

1.6.

Il ressort des points de vue précédemment exprimés par le Comité dans de nombreux avis sur les politiques énergétique et climatique publiés au cours de ces dernières années (2) que seule une gouvernance claire et efficace, accompagnée d’un degré élevé de bonne volonté et de pragmatisme politique, permettra de résoudre ces questions sensibles relatives à l’approvisionnement énergétique. La proposition à l’examen rejoint ces points de vue et il convient d’avancer rapidement en vue de son adoption.

1.7.

Le Comité attire cependant l’attention sur le fait que des difficultés juridiques risquent de se poser dans le cadre de l’adoption des modifications, que d’importants désaccords politiques surviendront certainement et que certains acteurs du secteur exprimeront leur inquiétude sur le plan commercial. Dans ces circonstances, l’absence d’évaluation d’impact est regrettable.

1.8.

Le Comité soutient les propositions de modification de la directive sur le gaz qui visent à garantir que, sur le territoire de l’Union européenne, les principes fondamentaux de la législation européenne en matière d’énergie, telles que l’accès des tiers, les tarifs réglementés, la dissociation des structures de propriété et la transparence, s’appliquent aux interconnexions gazières de l’Union avec des pays tiers. À cet égard, le Comité estime que les modifications qu’il est nécessaire d’apporter à la directive sur le gaz doivent être adoptées sans délai, et que celles-ci ne devraient aucunement donner lieu à des incertitudes juridiques quant à la pleine applicabilité du droit de l’Union aux interconnexions existantes et programmées.

1.9.

Le Comité est d’avis que toute possibilité de dérogation à l’application des principales dispositions de la directive devrait être strictement encadrée et limitée dans le temps (dix ans maximum, par exemple), et n’être octroyée qu’à titre exceptionnel au terme d’une évaluation complète effectuée par la Commission, et ce afin de s’assurer qu’aucune dérogation n’entre en contradiction avec les objectifs de l’union de l’énergie ou n’ait des répercussions négatives sur la concurrence et le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz européen ou encore sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz de l’Union.

2.   Introduction

2.1.

Le gaz demeure l’une des principales sources d’énergie primaire pour l’Union européenne et le fonctionnement efficace du marché intérieur du gaz joue un rôle important tant pour l’économie que pour la sécurité énergétique de nombreux États membres de l’Union européenne. Il est aussi vrai que la dépendance de l’Union européenne vis-à-vis d’importations énergétiques de toutes sortes a augmenté régulièrement au cours des 25 dernières années, passant de 44 % en 1990 à 53 % en 2015. L’Union européenne importe presque 70 % du gaz naturel dont elle a besoin; 90 % de ces importations sont acheminés par des gazoducs en provenance de pays tiers. Le principal fournisseur est la Russie, qui représente environ 40 % du total, bien que cette proportion soit beaucoup plus élevée dans certains pays d’Europe orientale.

2.2.

S’il faut reconnaître que cette dépendance peut également amener de la vulnérabilité, l’un des principaux apports de la directive sur le gaz est l’amélioration de l’interconnectivité de l’approvisionnement en gaz entre les États membres, le développement des capacités de stockage et l’augmentation de la capacité disponible pour les autres solutions d’approvisionnement, telles que le GNL. L’objectif continu de l’Union de l’énergie est d’améliorer la résistance interne, tout en reconnaissant que la suppression de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur constitue un programme à long terme.

2.3.

La directive sur le gaz établit des règles communes concernant le transport, la distribution, la fourniture et le stockage de gaz naturel entre les États membres de l’Union européenne mais ne s’applique pas aux gazoducs reliant les États membres à des pays tiers. En proposant un certain nombre de modifications, la directive à l’examen vise à étendre les principes de la directive sur le gaz aux gazoducs existants ou futurs jusqu’aux frontières de l’Union européenne. Certains de ces gazoducs, par exemple ceux qui entrent sur le territoire de l’Union européenne en provenance de la Communauté de l’énergie, sont déjà soumis à la directive sur le gaz, mais certains gazoducs existants entrant sur le territoire de l’Union européenne en provenance de Norvège, d’Algérie, de Libye, de Tunisie, du Maroc et de Russie seront concernés par cette proposition, laquelle est également susceptible d’avoir une incidence — post-Brexit — sur les gazoducs reliant le Royaume-Uni aux États membres de l’Union européenne.

2.4.

De toute évidence, le droit de l’Union ne prévaut que sur les territoires de l’Union européenne et non dans les pays tiers. Grâce à ces modifications, cependant, il s’appliquera également à tout accord juridique et contractuel conclu entre un État membre et un pays tiers au point d’entrée du gazoduc sur le territoire de l’Union européenne. Néanmoins, l’État membre qui scelle de tels accords avec des fournisseurs de pays tiers pourrait permettre de déroger à bon nombre de principes clés de la directive sur le gaz s’agissant des gazoducs existants. Les nouveaux gazoducs, dont la construction est planifiée ou en cours au moment de l’entrée en vigueur de la directive, devraient être soumis à l’ensemble des exigences du marché intérieur du gaz naturel. Néanmoins, si les autorités nationales et la Commission estimaient une demande de dérogation justifiée, un cadre réglementaire propre au projet pourrait être accordé. En effet, cela permettrait à la Commission européenne de jouer un rôle majeur, voire déterminant, lors de la fixation des dispositions réglementaires et des modalités d’accès au marché définies dans les accords relatifs à la construction de nouveaux gazoducs. Ces pouvoirs pourraient constituer un mécanisme de contrôle de la conformité dont l’action essentielle permettrait de façonner le marché de l’approvisionnement énergétique dans son ensemble et de préserver l’équilibre entre accessibilité financière, sécurité et durabilité. Le CESE estime que cette approche est compatible avec le cadre de gouvernance de l’Union de l’énergie et ses objectifs généraux.

3.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

3.1.

L’extension des principes de la directive sur le gaz est considérée comme importante car lors du processus de création d’un marché intérieur européen du gaz naturel, l’Union européenne doit faire face à la réalité, à savoir que les réseaux de transport de gaz sont assimilables à un monopole naturel. Les investissements considérables requis pour mettre en place des entreprises dotées d’infrastructures massives créent des barrières particulièrement élevées à l’entrée d’autres opérateurs sur le marché. Il est dès lors indispensable de prendre des mesures garantissant une obligation d’accès de tiers au réseau, la séparation des activités de production et d’approvisionnement en gaz des activités de transport de gaz par le biais de la dissociation des gestionnaires de réseaux de transport, ainsi que l’obligation pour les autorités de régulation nationales de fixer ou d’approuver des tarifs non discriminatoires et reflétant les coûts d’utilisation des réseaux de transport.

3.2.

La proposition définit un certain nombre de modifications à la directive sur le gaz qui relèvent de quatre grandes rubriques:

extension du champ d’application: la définition d’«interconnexion» est étendue aux gazoducs en provenance/à destination de pays tiers,

règles de dissociation: de nouveaux modèles de dissociation sont prévus,

exigences de consultation: les autorités de réglementation de l’Union européenne doivent engager des consultations avec les autorités compétentes des pays tiers en ce qui concerne l’application de la directive sur le gaz jusqu’aux frontières de l’Union européenne,

dérogation: un État membre peut accorder une dérogation aux dispositions de certains articles de la directive sur le gaz pour les gazoducs existants à destination et en provenance de pays tiers.

4.   Observations générales

4.1.

Il est important de noter que, bien que l’objectif principal de la proposition soit d’améliorer l’efficacité à moyen et long termes du marché intérieur de l’énergie, l’on peut faire valoir que, dans la pratique, ces modifications risquent de faire naître un certain degré d’incertitude réglementaire à court terme. Cela s’explique par le fait qu’en ce qui concerne les gazoducs existants, les États membres peuvent demander à déroger à certaines exigences de la directive sur le gaz. Toutefois, il convient de noter que cette incertitude finirait par être levée grâce à l’application pleine et cohérente des exigences énoncées dans la directive sur le gaz, et notamment de ses principes fondamentaux, à savoir la dissociation, l’accès des tiers et une tarification prenant en compte la totalité des coûts de construction et d’exploitation.

4.2.

Un certain nombre de nouveaux projets de gazoducs sont également en cours d’élaboration. Plus spécifiquement, le projet Nord Stream 2 est celui qui a suscité une opposition relativement importante au sein de plusieurs États membres de l’Union européenne. Ce nouvel élément d’incertitude réglementaire peut avoir un impact sur les programmes de construction et donner lieu à des retards. Il est également avancé que s’agissant de l’attraction d’investissements étrangers, les modifications auraient pour effet de supprimer la libre concurrence entre les autorités nationales et régionales. Toutefois, tout au long du développement du marché unique, les États membres ont, à de multiples reprises, renoncé à leur pouvoir de contrôle au profit de l’ensemble des citoyens de l’Union, reconnaissant ainsi qu’une action solidaire présente d’importants avantages.

4.3.

Les gazoducs à haute pression installés sur de longues distances constituent des infrastructures complexes et onéreuses dont les coûts ne sont amortis qu’au terme de nombreuses années. Même si l’utilisation de ces actifs pour la fourniture d’un type de gaz innovant à faible intensité de carbone (bio/hydrogène) recèle un certain potentiel, il existe un risque substantiel de se retrouver engagés dans de coûteuses infrastructures utilisant des combustibles fossiles qui, en favorisant une dépendance croissante, pourraient réduire la capacité de l’Union européenne de faire face à ses engagements en faveur du climat.

4.4.

Il est possible que certains États membres considèrent les modifications comme limitant leur souveraineté dans une certaine mesure. En effet, un État membre ne sera pas en mesure de s’écarter de la législation de l’Union européenne par le biais d’un accord intergouvernemental négocié de manière bilatérale dans le domaine couvert par la directive sur le gaz, un domaine qui n’était auparavant pas réglementé par l’Union européenne. Le Comité convient qu’il est logique et approprié de combler ce vide juridique.

4.5.

Le Comité, en ce qui concerne les points exposés ci-dessus, s’inquiète de constater que les services de la Commission estiment qu’une analyse d’impact n’est pas nécessaire. Il est évident qu’au vu du caractère politiquement sensible de cette question, où interviennent des facteurs économiques, il convient de fournir des éléments factuels pour étayer les arguments formulés en faveur des modifications proposées. Il convient de noter que certaines de ces informations figurent dans le document de travail des services de la Commission ou dans les analyses approfondies effectuées par la Commission, telles que l’analyse d’impact de la directive sur le gaz.

4.6.

Des éclaircissements de la part de la Commission sont également nécessaires quant aux avantages profitant au marché intérieur. Des lacunes subsistent dans la mise en œuvre du troisième paquet «énergie» dans plusieurs États membres, mais il n’est pas évident de déterminer dans quelle mesure les modifications proposées auront une incidence sur la mise en œuvre.

4.7.

Néanmoins, il est également clair que la proposition vise à instaurer, le cas échéant, et au niveau politique européen convenu, une possibilité d’intervention majeure qui pourrait limiter le renforcement de la dépendance au gaz russe, et ainsi stimuler la diversité de l’approvisionnement. De l’avis du Comité, cet objectif servira au mieux les intérêts de l’Union européenne.

5.   Observations particulières

5.1.

La proposition à l’examen devrait être comprise comme faisant partie intégrante du programme visant à renforcer la cohérence, la solidarité, la sécurité, la compétitivité et la régularité du marché dans la politique énergétique de l’Union européenne, représentée par l’Union de l’énergie. Dans ce contexte, il existe un objectif à moyen terme de réduire la dépendance vis-à-vis d’un fournisseur de gaz en position dominante au moyen d’une utilisation accrue des gisements de gaz locaux de l’Espace économique européen et des terminaux de GNL, d’une amélioration de l’efficacité énergétique et d’un accroissement du rôle des énergies renouvelables. À court terme, il existe peu de possibilités de substitution pour le gaz naturel dans certains domaines de production d’électricité tels que les centrales de cogénération. Cela est particulièrement vrai pour les systèmes de chauffage urbain. Le caractère très adaptable des centrales au gaz et des centrales de cogénération permet également d’amortir les fluctuations naturelles des énergies renouvelables, et ainsi de contribuer de manière significative à la sécurité de l’approvisionnement dans le secteur de l’électricité et de garantir la sécurité de l’approvisionnement dans le secteur du chauffage. Il n’existe guère de possibilités de substitution pour le gaz naturel dans le secteur résidentiel et dans le secteur commercial, étant donné qu’il n’est pas réaliste pour le secteur de maintenir des équipements/infrastructures alternatifs.

5.2.

Il convient également de souligner que les gouvernements des États membres annoncent régulièrement que «l’interconnectivité» (l’intégration avec les pays voisins, la création d’un marché commun du gaz naturel, le développement des infrastructures régionales de gaz naturel comme le gazoduc de la Baltique, etc.) assurera les conditions préalables à une concurrence équitable entre les fournisseurs de gaz, un service de meilleure qualité et un choix plus large pour les consommateurs de gaz naturel. En ce qui concerne les marchés où la consommation de gaz naturel diminue d’année en année, seul un petit nombre de fournisseurs sont intéressés par la prestation d’un service aux consommateurs résidentiels.

5.3.

Dans le débat en cours sur l’approvisionnement de l’Union européenne en gaz naturel, la notion de «sécurité énergétique» fait l’objet de deux interprétations différentes. D’une part, l’on fait valoir que la forte augmentation de la capacité des gazoducs acheminant le gaz vers l’Europe améliorera la résistance énergétique en permettant à des approvisionnements supplémentaires en gaz naturel de combler les éventuelles insuffisances causées par la baisse continue de la production de tous les types de combustibles fossiles en Europe (charbon, pétrole et gaz). Cette augmentation peut également jouer un rôle dans la résorption des insuffisances causées par l’intermittence dans la fourniture d’électricité produite à partir de sources renouvelables, et jouer un rôle important dans la transition énergétique. Le gaz naturel, dont l’empreinte carbone est la plus basse de tous les combustibles fossiles, constitue de toute évidence le choix prioritaire lorsque les énergies renouvelables ou l’énergie nucléaire ne sont pas appropriées ou disponibles.

5.4.

D’autre part, l’on estime que la vulnérabilité de l’Europe pourrait s’aggraver si l’augmentation de la capacité pour le gaz naturel favorise la dépendance vis-à-vis d’un pays (la Russie) dont les intérêts seraient susceptibles d’être sensiblement différents de ceux de l’Union européenne, et qui pourrait utiliser la fourniture de gaz comme argument de négociation en matière de politique économique et de politique étrangère. Les intérêts économiques et politiques des États membres sont dans une certaine mesure contradictoires sur ce point et il est difficile d’imaginer comment ces deux interprétations peuvent être conciliées à court et/ou à moyen terme.

5.5.

Dans l’ensemble, le Comité estime, comme il l’a déjà exprimé dans de nombreux avis ces dernières années, et en particulier ceux concernant la mise en place et le fonctionnement de l’Union de l’énergie, que seul un mécanisme de gouvernance efficace et agréé permettra de réaliser les objectifs fixés en termes de climat et de sécurité énergétique de l’Union européenne. Il s’agit notamment d’atténuer le risque de dépendance excessive à l’égard d’un seul fournisseur d’énergie.

5.6.

Cette directive vise à éclaircir une zone grise dans la législation, et à veiller à ce que les règles et principes du marché unique soient appliqués et que des aspects non réglementés entrent dans le champ d’application du droit de l’Union, avec une participation accrue de la Commission européenne dans l’exploration de questions présentant un intérêt commun.

5.7.

La modification de la directive sur le gaz vise à garantir que, sur le territoire de l’Union européenne, les principes fondamentaux de la législation européenne en matière d’énergie, telles que l’accès des tiers, les tarifs réglementés, la dissociation des structures de propriété et la transparence, s’appliquent aux interconnexions gazières de l’Union avec des pays tiers. À cet égard, le Comité estime que les modifications qu’il est nécessaire d’apporter à la directive sur le gaz doivent être adoptées sans délai, et que celles-ci ne devraient aucunement donner lieu à des incertitudes juridiques quant à la pleine applicabilité du droit de l’Union aux interconnexions existantes et programmées.

5.8.

Le Comité est d’avis que toute possibilité de dérogation à l’application des principales dispositions de la directive devrait être strictement encadrée et limitée dans le temps (dix ans maximum, par exemple), et n’être octroyée qu’à titre exceptionnel au terme d’une évaluation complète effectuée par la Commission, et ce afin de s’assurer qu’aucune dérogation n’entre en contradiction avec les objectifs de l’union de l’énergie ou n’ait des répercussions négatives sur la concurrence et le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz européen ou encore sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz de l’Union.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO L 211 du 14.8.2009, p. 94.

(2)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 70; JO C 487 du 28.12.2016, p. 81; JO C 246 du 28.7.2017, p. 34.


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/69


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Parvenir à la plus large utilisation possible des carburants alternatifs — Plan d’action relatif à l’infrastructure pour carburants alternatifs en application de l’article 10, paragraphe 6, de la directive 2014/94/UE, comprenant l’évaluation des cadres d’action nationaux au titre de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2014/94/UE»

[COM(2017) 652 final]

(2018/C 262/12)

Rapporteur:

Séamus BOLAND

Consultation

Commission européenne, 18.1.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.4.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

170/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le présent avis concerne principalement la mise en place de l’infrastructure pour carburants alternatifs dans l’Union européenne en réponse aux engagements pris par l’Union européenne au titre de l’accord de Paris. Il vient donc compléter les nombreux avis consacrés au transport qui ont précédemment été adoptés par le CESE. Il recommande vivement que la mise en œuvre du plan d’action relatif à l’infrastructure pour carburants alternatifs soit considérée comme prioritaire par l’Union européenne et par l’ensemble des parties prenantes.

1.2.

Le CESE se félicite vivement des initiatives de la Commission européenne visant à décarboniser le secteur des transports, et en particulier de sa détermination à voir s’accélérer la mise en place de l’infrastructure pour carburants alternatifs afin qu’il n’y ait plus d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques d’ici 2050.

1.3.

Cependant, le CESE est préoccupé par le fait que les cadres d’action nationaux approuvés par chaque État membre en tant qu’instruments aptes à réaliser la décarbonation donnent à ce jour des résultats nettement en deçà de leurs buts et objectifs déclarés. Par conséquent, le plan d’action pour la mise en place de l’infrastructure pour carburants alternatifs risque fort de se solder par un échec. Le CESE recommande vivement que la Commission et les États membres reconnaissent qu’il s’agit d’un problème urgent.

1.4.

Le CESE préconise par conséquent que les cadres d’action nationaux soient examinés de toute urgence par la Commission afin de garantir qu’ils répondent aux objectifs fixés.

1.5.

Le CESE recommande que tous les obstacles, y compris la perte des recettes fiscales, provenant des combustibles fossiles soient repérés et éliminés par chacun des États membres.

1.6.

Le CESE prend acte de l’engagement financier conséquent consenti par l’Union européenne en faveur de la mise en place de l’infrastructure pour carburants alternatifs. Il s’inquiète néanmoins de constater que les estimations des financements requis sont trop basses et que la mobilisation des fonds du secteur privé est à la traîne. Le CESE recommande de réexaminer au plus vite les financements que l’on prévoit de mobiliser et, le cas échéant, de prendre les mesures appropriées afin de remédier à une situation dans laquelle les objectifs financiers nécessaires ne sont pas atteints.

1.7.

Le CESE prend note que le secteur des transports maritimes et l’industrie aéronautique se sont engagés à atteindre les objectifs de décarbonation approuvés par l’ensemble des parties prenantes. Il recommande cependant que l’indispensable dialogue entre la Commission, les États membres et ces deux industries soit intensifié à court terme.

1.8.

Le CESE est extrêmement préoccupé par le faible niveau de mobilisation des consommateurs et d’interaction avec les acteurs concernés. Il recommande donc vivement que les consommateurs jouent un rôle bien plus important dans tous les aspects du déploiement des carburants alternatifs.

1.9.

Le CESE préconise de mener des recherches afin de trouver de nouvelles sources de terres rares. Il recommande également que la Commission tienne à jour, en partenariat avec les États membres, les informations sur les dernières technologies dans le domaine des transports.

1.10.

Si le CESE se félicite que la priorité soit accordée aux mesures dans les zones urbaines, il est également nécessaire d’élaborer des programmes adaptés au transport dans les zones rurales. Le CESE recommande dès lors que de tels programmes puissent inclure la mise en place d’infrastructures basées sur l’utilisation de biocarburants, provenant pour l’essentiel des déchets agricoles mais aussi d’autres sources, et l’utilisation de la technologie sur laquelle reposent les biodigesteurs. De tels programmes pourraient inclure la mise en place d’infrastructures basées sur l’utilisation de biocarburants avancés issus de déchets agricoles, sylvicoles ou d’autres origines.

2.   Introduction

2.1.

Le présent avis se concentre sur le plan d’action tel qu’il s’applique à la fourniture de l’infrastructure pour carburants alternatifs dans l’Union européenne. Le CESE a déjà élaboré des avis sur le train de mesures sur la mobilité au sens large ainsi que sur d’autres aspects du secteur des transports. Par conséquent, le présent avis n’examinera pas la thématique plus vaste du transport du point de vue du changement climatique. L’on ne saurait trop insister sur l’importance de mettre en place une infrastructure qui facilitera le passage des carburants classiques aux carburants durables, conformément à la stratégie de la Commission européenne visant à respecter les engagements de l’accord de Paris.

2.2.

En novembre 2017, la Commission a pris des mesures décisives pour mettre en œuvre les engagements de l’Union européenne au titre de l’accord de Paris qui prévoient une réduction contraignante de ses propres émissions de CO2 d’au moins 40 % à l’horizon 2030. Le train de mesures pour une mobilité propre comprend un plan d’action et des solutions d’investissement pour le déploiement transeuropéen de l’infrastructure pour carburants alternatifs. L’objectif est d’appuyer les cadres d’action nationaux en soutenant les investissements dans le réseau de transport (le réseau transeuropéen de transport ou «RTE-T») dans les zones urbaines. Une telle approche garantira la disponibilité de l’infrastructure pour carburants alternatifs au profit des usagers de la route.

2.3.

Le plan d’action enjoint également aux États membres d’inclure des objectifs afin de réduire les émissions causées par le transport maritime et aérien.

2.4.

Le CESE, dans au moins quinze avis récents traitant des transports sous l’angle de la décarbonation, de la COP 21 et de nombreuses autres questions liées à la durabilité environnementale, a de façon constante soutenu l’amélioration de l’accès du public à l’infrastructure pour carburants alternatifs.

2.5.

Au vu de l’ambition déclarée de l’Union européenne de s’imposer comme un leader mondial en matière de décarbonation, la Commission européenne a présenté un certain nombre de propositions visant à assurer une transition rapide permettant de passer de carburants à émissions élevées dans le secteur des transports à des carburants à faibles émissions voire à émissions zéro d’ici à 2025.

2.6.

Le plan d’action relatif à l’infrastructure pour carburants alternatifs se présente comme un train de propositions visant à réduire de manière homogène l’intégralité des émissions imputables au secteur des transports en suivant un calendrier dont les principales échéances sont les années 2020, 2025 et 2030.

2.7.

Selon les estimations européennes actuelles, pas moins de 95 % des véhicules routiers et des navires utilisent des carburants conventionnels, et ce malgré la disponibilité de divers instruments de financement européens (pour les combustibles fossiles ou les biocarburants) qui ne sont pas abordés par le plan d’action.

2.8.

Toutefois, grâce à l’existence d’un financement européen, des progrès ont été réalisés dans la mise en place de l’infrastructure pour carburants alternatifs. L’Observatoire européen des carburants alternatifs a recensé 118 000 points de recharge pour les véhicules électriques qui sont ouverts au public. 3 458 points de ravitaillement en gaz naturel comprimé sont ouverts et, à la fin du mois de septembre 2017, on comptait également 82 points de ravitaillement pour les véhicules fonctionnant à l’hydrogène. Toutefois, seuls deux États membres fournissent plus de 100 points de recharge pour véhicules électriques pour 100 000 citadins.

2.9.

Tous les États membres devaient présenter un rapport sur les progrès accomplis à la fin de l’année 2017. Deux ne l’ont pas fait (Malte et la Roumanie). Parmi les États membres restants, une grande majorité a montré qu’ils sont loin d’avoir atteint leurs objectifs et, sur la base des prévisions actuelles, ils ne seront nullement en mesure d’y parvenir.

3.   Les cadres d’action nationaux

3.1.

À la suite de la directive 2014/94/CE, les États membres ont mis en place des cadres d’action nationaux devant assurer une couverture minimale par les infrastructures d’ici à 2020, 2025 et 2030 selon le carburant concerné. Chaque cadre d’action national, fixant des objectifs chiffrés et des objectifs précis, devait faire l’objet d’un rapport de l’État membre concerné à la Commission en 2017 au plus tard.

3.2.

La directive s’est principalement attachée aux carburants pour lesquels les défaillances en matière de coordination du marché étaient patentes, tels que l’électricité, l’hydrogène et le gaz naturel (GNL et GNC). Les biocarburants sont également considérés comme une alternative importante, et ils devraient représenter, à court et moyen terme, la majorité des carburants alternatifs présents sur le marché. Les principaux éléments nécessaires pour mettre sur pied une infrastructure permettant de protéger l’utilisation des biocarburants existent déjà.

3.3.

Les cadres d’action nationaux sont conçus pour garantir une couverture minimale en infrastructure pour carburants alternatifs d’ici 2020, 2025 et 2030 dans chacun des États membres. Les principaux éléments de ces infrastructures sont l’électricité, le gaz naturel comprimé (GNC), le gaz naturel liquéfié (GNL) et l’hydrogène.

Les estimations des investissements que les États membres devront consacrer aux infrastructures au titre de la directive 2014/94/EU donnent les chiffres suivants:

électricité: jusqu’à 904 millions d’EUR d’ici à 2020 (les cadres d’action nationaux imposent des objectifs à l’horizon 2020 uniquement),

GNC: jusqu’à 357 millions d’EUR d’ici à 2020 et jusqu’à 600 millions d’EUR d’ici à 2025 pour les véhicules routiers fonctionnant au GNC [sur la base du coût total de 937 (en 2020) et 1 575 (en 2025) nouveaux points de ravitaillement en GNC prévus en vertu des cadres d’action nationaux],

GNL: jusqu’à 257 millions d’EUR d’ici à 2025 pour les véhicules routiers fonctionnant au GNL. Pour le GNL destiné au transport par voie navigable, jusqu’à 945 millions d’EUR dans les ports maritimes des corridors du réseau central du RTE-T d’ici à 2025, et jusqu’à 1 milliard d’EUR dans les ports de navigation intérieure des corridors du réseau central du RTE-T d’ici à 2030,

hydrogène: jusqu’à 707 millions d’EUR d’ici à 2025 [voir COM(2017) 652 final].

3.4.

L’évaluation a montré que seuls 8 États membres sur 25 atteignaient pleinement leurs objectifs, tandis que deux États membres n’avaient pas présenté leur rapport au mois de novembre 2017. L’évaluation de la Commission est extrêmement critique sur la question des progrès accomplis, et plus particulièrement sur le niveau d’ambition, ce dont témoigne une série de politiques contradictoires qui, dans différents pays, mettent à mal leur engagement d’atteindre leurs propres objectifs de mise en place de l’infrastructure pour carburants alternatifs.

3.4.1.

Le CESE note que certains de ces pays ont accru leurs efforts depuis que les chiffres ont été publiés.

3.5.

La Commission est parvenue à la conclusion générale que les cadres d’action nationaux avaient largement échoué à démontrer de réels progrès pour déployer de manière significative l’infrastructure pour carburants alternatifs.

3.6.

Le caractère accablant de l’évaluation ainsi que l’attention attirée, dans le document de travail des services de la Commission, sur l’impact limité des cadres d’action nationaux, laisse présager que les objectifs seront manqués dans une certaine mesure et, qu’à tout le moins, une révision urgente s’impose.

4.   Contexte et contenu essentiel de la communication de la Commission

4.1.

Le plan d’action se donne pour but d’assister les cadres d’action nationaux afin de contribuer à mettre sur pied «une infrastructure de base interopérable dans l’Union d’ici 2025». L’objectif consiste à créer des corridors du réseau central qui puissent être utilisés sur de longues distances et par-delà les frontières, sous réserve d’un accord entre tous les acteurs.

4.2.

L’Union souhaite accélérer le déploiement dans deux secteurs. En premier lieu dans le réseau central et le réseau global du RTE-T. Deuxièmement, la priorité est de mieux répondre aux besoins en matière d’infrastructure dans les zones urbaines et suburbaines.

4.3.

Les mesures visent à apporter des avantages pour les consommateurs, les industries et les pouvoirs publics, à la condition que cette responsabilité soit partagée entre lesdits pouvoirs publics et le secteur privé. Il faudrait parvenir à un niveau soutenable de véhicules et de navires pour garantir la continuité de l’offre et de la demande.

4.4.

L’électricité en tant qu’infrastructure pour les carburants alternatifs s’est imposée comme la priorité majeure dans l’ensemble de l’Union. Toutefois, les progrès du déploiement de l’infrastructure nécessaire aux véhicules électriques à l’horizon 2020 demeurent faibles; les parts estimées varient selon les différents États membres entre 0,1 % et 9,2 % du parc de véhicules [SWD(2017) 365 final].

4.5.

La communication montre clairement qu’il est nécessaire d’adopter une approche intégrée en ce qui concerne un cadre d’action commun à l’échelon européen concernant les véhicules, les réseaux électriques, les incitations économiques et les services numériques. Dans le cas contraire, la transition vers une mobilité à émissions faibles ou nulles se fera de manière inégale et entraînera une approche à plusieurs vitesses entre les États membres.

4.6.

Le plan souligne la nécessité d’injecter des investissements publics et privés conséquents. Il plaide en faveur du «recours au financement mixte, comprenant à la fois des subventions non remboursables et des prêts remboursables» en ce qu’il représente un moyen d’atteindre le niveau de financement élevé qui est requis.

4.7.

La Commission a mis en place deux forums distincts, à savoir le forum pour des transports durables (STF) et le forum européen du transport maritime durable (ESSF); ils jouent des rôles similaires dans le but d’assurer la participation des États membres, de la société civile et des autres parties prenantes.

5.   Défis que pose la fourniture de l’infrastructure alternative

5.1.

Le CESE souligne divers défis liés à la fourniture de l’infrastructure pour carburants alternatifs, et déplore le manque d’entrain dont fait preuve l’ensemble des parties prenantes pour les relever.

5.2.

Les infrastructures de recharge nécessaires pour recharger et ravitailler les véhicules et les navires à l’échelle de l’Union font cruellement défaut. Selon le CESE, l’un des principaux facteurs qui concourent à cette situation réside dans le développement insuffisant du réseau intelligent, ce qui a pour conséquence d’empêcher la participation des consommateurs à la transition.

5.3.

Compte tenu de la lenteur avec laquelle progresse la mise en œuvre des mesures par l’ensemble des parties, le CESE conclut que, comme le révèlent les évaluations de la Commission, il existe des disparités entre les États membres en ce qui concerne l’engagement en faveur de l’infrastructure pour carburants alternatifs. Le CESE estime qu’il s’agit là d’un obstacle majeur à la réalisation des objectifs de l’Union en matière de développement durable. Des progrès considérables ont néanmoins été réalisés dans l’Union européenne en ce qui concerne le développement des biocarburants (qui ne sont pas couverts par la directive de 2014), en particulier dans certains États membres.

5.4.

Les technologies de l’infrastructure pour carburants alternatifs continuent à susciter des incertitudes. Celles-ci portent notamment sur la fabrication des batteries nécessaires pour produire des voitures électriques, en raison du coût croissant de l’extraction des matières premières vierges nécessaires. Il convient d’encourager l’utilisation de matières premières secondaires résultant du recyclage, conformément aux principes de l’économie circulaire. De même, les consommateurs sont confrontés à un déficit d’information concernant la sécurité du gaz comprimé et de l’utilisation et de la disponibilité de l’hydrogène. Il convient d’y remédier.

5.5.

Les incertitudes perçues chez les consommateurs à l’égard de la technologie, ainsi que le manque d’information immédiate sur les comparaisons de prix, sont des obstacles importants à l’adoption par les consommateurs. (Étude de l’Union européenne sur la mise en œuvre de l’article 7, paragraphe 3, de la «directive sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs», janvier 2017). Ils constatent également de réelles limites aux déplacements à longue distance, en particulier dans les zones rurales. Il s’agit d’un obstacle majeur à la réussite.

5.6.

Le coût élevé de la transition dans les zones rurales constitue un facteur important et prohibitif dans le déploiement de l’infrastructure pour carburants alternatifs. De même, le fait que les parties prenantes n’encouragent pas de manière volontariste la mise en place de l’infrastructure pour carburants alternatifs qui soit adaptée aux divers besoins de l’agriculture et aux longs trajets dans des zones où les habitations rurales sont dispersées doit être reconnu comme un problème urgent.

5.7.

La volonté de combiner les mécanismes de financement publics et privés ne pourra s’accomplir qu’à la condition de satisfaire les besoins différents des investisseurs publics et privés. Concilier ces besoins, en particulier lorsque les attentes des acteurs publics et privés divergent, pourrait retarder les progrès.

5.8.

Le plan d’action est largement axé sur la réalisation de la transition dans les principaux centres urbains. Ce phénomène s’explique en partie par le fait que la technologie de recharge reste encore limitée et que comme les trajets en zone rurale ont tendance à être plus longs, les points de recharge doivent être plus largement disponibles. De même, le CESE constate que l’installation de l’infrastructure nécessaire en zones rurales doit faire l’objet d’une attention considérablement accrue.

5.9.

Le plan d’action repose sur un haut niveau d’engagement de la part des différents États membres à s’assurer que leurs cadres d’action nationaux sont mis en œuvre en temps voulu et de manière efficace.

5.10.

Afin de les y encourager, la Commission a mis en place un forum pour des transports durables qui rassemble des représentants des États membres, du secteur des transports et de la société civile, dans le but de garantir la mise en œuvre effective de politiques en faveur de l’infrastructure pour carburants alternatifs.

6.   Observations du CESE

6.1.

Le CESE se déclare préoccupé par le fait que les cadres d’action nationaux montrent manifestement un manque d’ambition et de progrès réels s’agissant du déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs. La crainte suscitée par la forte probabilité qu’aucun des objectifs ne soit atteint suggère qu’il est urgent de revoir cette stratégie et de formuler des recommandations quant à un modèle permettant d’atteindre les résultats voulus. Toutefois, il y a lieu de noter les divergences de points de vue concernant divers carburants dans les différents États membres et sur les différents marchés. Par exemple, le GNL et le GNC ne sont pas considérés comme une option raisonnable pour les nouvelles infrastructures dans les pays nordiques, où les biocarburants ont, en revanche, connu un grand succès et été promus. Dans d’autres régions de l’Union européenne, la popularité des différents carburants varie très fortement.

6.2.

Il y a également lieu de prendre en compte la maturité technique. À titre d’exemple, l’hydrogène est encore aux premières phases d’essais dans la plupart des marchés. Il en va de même pour la propulsion à partir de batteries électriques pour les poids lourds sur de longues distances telles que les corridors du RTE-T. À moyen terme, la recharge par batterie pour ce type de véhicule est probablement moins viable. Cependant, la propulsion électrique de poids lourds au moyen de câbles aériens ou de rails posés dans la chaussée est actuellement à l’essai dans plusieurs États membres (autoroutes électrifiées, etc.). Cette infrastructure n’est pas évoquée dans le plan d’action, mais à l’heure actuelle, il faut savoir qu’elle est plus mûre, du point de vue technologique, que les combustibles à hydrogène.

6.3.

Le montant total des investissements nécessaires pour mettre en place une infrastructure pour carburants alternatifs accessible au public est estimé entre 5,2 et 6 milliards d’EUR d’ici 2020. À l’horizon 2025, il devrait être au minimum de 22 milliards d’EUR. Malgré ces estimations, peu d’éléments permettent de penser que ces investissements suffiront à garantir la réalisation des objectifs nécessaires.

6.4.

Il est même possible que ces estimations soient trop prudentes et qu’il faille les mettre à jour pour tenir compte de l’évolution des technologies. Par conséquent, le CESE se félicite de la volonté de la Commission de travailler plus étroitement avec l’industrie automobile afin d’élaborer différents instruments financiers pour encourager l’investissement privé.

6.5.

Le CESE constate cependant que ces instruments doivent garantir que le déploiement de l’infrastructure apporte d’importants bénéfices au public, que ce soit sous l’angle de l’accessibilité ou du caractère abordable. Dans les zones rurales et isolées, la question de l’accès est particulièrement préoccupante.

6.6.

Le CESE note que la taxation des carburants constitue actuellement une importante source de revenu national pour tous les États membres de l’Union européenne. De toute évidence, le fait de réduire les revenus en vue de réaliser des objectifs environnementaux serait une source de défis pour les politiques fiscales de chaque État membre. Il convient néanmoins de noter que la proposition de la Commission relative à la taxation routière (Eurovignette, voir l’avis TEN/640), qui fait partie du train de mesures sur la mobilité, comprend quelques nouvelles options pour l’internalisation des coûts externes au moyen de la tarification des infrastructures.

6.7.

Le CESE constate que le secteur du transport maritime est considéré comme difficile à réglementer, principalement en raison du contexte international dans lequel les règles et les lois sont élaborées. Alors que le transport maritime doit devenir proactif dans sa coopération avec l’infrastructure pour carburants alternatifs, il est clair qu’il est possible, au niveau local, de fournir des carburants alternatifs (tels que le méthanol et le GNL), notamment pour le transport maritime à courte distance et les ferries. Il convient également de mentionner les infrastructures électriques pour les opérations à quai, etc.

6.8.

De même, bien qu’il ne soit pas aussi directement lié au plan d’action, le transport aérien doit croître de manière exponentielle d’ici 2050. Pour atteindre les objectifs de décarbonation, le secteur devra massivement se tourner vers les carburants alternatifs qui permettent de limiter fortement les émissions de gaz à effet de serre. Il convient d’envisager l’utilisation des biocarburants dans ce secteur et de procéder aux investissements nécessaires à l’issue d’un véritable dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés et la Commission européenne.

6.9.

Il est nécessaire de rationaliser les investissements publics et privés dans l’infrastructure pour les carburants alternatifs. Par conséquent, le CESE salue la proposition de la Commission qui vise à renforcer la coordination des instruments de financement de l’Union et à promouvoir des synergies afin que les mesures mises en œuvre au niveau national et local puissent accroître l’impact du financement européen.

6.10.

Une prise de conscience de la part des consommateurs est essentielle au succès du déploiement de l’infrastructure. À cette fin, il est nécessaire de disposer d’informations sur les comparaisons de prix, les avantages en matière de santé et d’environnement et les interventions spécifiques destinées à aider les familles ayant des niveaux de revenus plus faibles.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/75


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Réaliser les objectifs en matière de mobilité à faibles taux d’émissions. Une Union européenne qui protège la planète, donne les moyens d’agir à ses consommateurs et défend son industrie et ses travailleurs»

[COM(2017) 675 final]

(2018/C 262/13)

Rapporteur:

Ulrich SAMM

Consultation

Commission européenne, 18.1.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.4.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

201/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La communication sur les transports routiers à l’examen porte sur un secteur industriel qui est l’un des principaux acteurs mondiaux en matière de production et de prestation de services. Cette position solide doit être préservée et utilisée pour accélérer, transformer et consolider la transition de l’économie européenne vers une énergie propre, tout en poursuivant également l’objectif important de jouer un rôle de tout premier plan dans le domaine des nouvelles technologies sur le marché mondial.

1.2.

Le CESE se félicite de son approche générale, neutre sur le plan technologique et ouverte aux nouvelles évolutions. Le CESE note toutefois que les initiatives mentionnées ne sont pas pleinement conformes à cette démarche. Il est loin d’être certain que notre mobilité future sera exclusivement électrique. D’autres technologies de propulsion, comme l’hydrogène ou encore des combustibles liquides totalement exempts de matières fossiles tels que le HVO100, offrent également d’énormes possibilités de mobilité propre. Le CESE regrette que ce fait ne soit pas suffisamment reconnu.

1.3.

Le CESE se réjouit des initiatives visant à rétablir la confiance des consommateurs à l’égard de l’industrie automobile, ainsi qu’à l’endroit du système de régulation, grâce à des normes réalistes d’émissions et à de nouvelles procédures de contrôle. À cet égard, il est indispensable que l’industrie elle-même se montre circonspecte et responsable.

1.4.

Le CESE note qu’à l’heure actuelle, quelque quatorze millions de voitures neuves sont mises en circulation chaque année, ce qui représente le remplacement de seulement 5 % environ de la flotte totale de 253 millions de voitures dans l’Union européenne. Ce taux de remplacement réduira les émissions, mais il ne sera pas suffisant. Le CESE accueillerait donc favorablement toute initiative susceptible d’accélérer le rythme de renouvellement de la flotte automobile existante et, ainsi, de diminuer plus rapidement les émissions. Il convient toutefois d’attirer l’attention de la Commission sur la nécessité d’empêcher que le retrait de véhicules d’un marché européen ne se fasse au détriment d’autres, dans lesquels l’exploitation de cette flotte se poursuivrait (voir paragraphe 4.7).

1.5.

Nous devons être conscients que pour atteindre une part significative de véhicules à faible taux d’émissions, un délai de transition est nécessaire, dont la durée dépendra des avancées réalisées par l’industrie automobile, de la rapidité avec laquelle les clients accepteront la nouvelle technologie, des coûts qui en découlent, ainsi que d’autres facteurs tels que la tarification des infrastructures. Le CESE insiste sur le fait que cette période de transition ne constitue pas une raison pour laisser les voitures diesel dépasser les limites d’émission et qu’il faut résoudre rapidement la question des possibilités de mise à niveau de ces véhicules et des responsabilités qui y sont liées en ce qui concerne la couverture des coûts.

1.6.

Le CESE demande à la Commission européenne de faire une distinction plus nette et plus claire entre, d’une part, la protection du climat et l’amélioration de la qualité de l’air au niveau local. Ce point est important si l’on veut convaincre la population de la nécessité de consentir des investissements publics et privés. Certains types de carburants peuvent contribuer à améliorer la qualité de l’air dans les villes sans pour autant être bénéfiques pour le climat, par exemple lorsque l’électricité ou l’hydrogène destinés aux véhicules électriques proviennent de centrales au charbon. D’un autre côté, les véhicules à faibles taux d’émissions roulant au gaz naturel issu du biométhane (ce qui signifie principalement du méthane issu de tous types de sources, qu’il s’agisse du sous-sol, de matériaux organiques, de processus chimiques synthétiques ou d’un mélange de celles-ci), s’ils sont respectueux du climat, risquent néanmoins de contribuer à la pollution de l’air au niveau local

1.7.

Le CESE exhorte la Commission à se montrer plus rigoureuse s’agissant de faciliter l’accès des consommateurs à de nouvelles formes de mobilité abordables et plus propres, et à faire en sorte que les avantages de ces nouveaux services de mobilité soient accessibles à tous et répartis de façon uniforme dans l’ensemble de l’Union. Certains des instruments de financement proposés peuvent être utiles pour s’attaquer à ce problème, mais le Comité estime qu’ils ne sont pas suffisants.

1.8.

Le CESE se félicite du rôle important que joue la Commission dans la formation d’une alliance paneuropéenne des industries en vue d’établir une chaîne de valeur complète pour le développement et la fabrication de batteries avancées dans l’Union européenne. Une part plus importante de la production manufacturière au sein de l’Union tout au long de la chaîne de valeur est vitale pour nos emplois; la meilleure façon de garantir que les piles fabriquées sont «propres» est le respect des normes et règles européennes en matière d’environnement, comme par exemple dans l’approche de l’économie circulaire.

2.   Introduction

2.1.

L’Union européenne s’engage résolument en faveur d’un système énergétique décarboné tel que décrit dans le «train de mesures sur l’énergie propre» qui vise à accélérer, modifier et consolider la transition de l’économie européenne vers une énergie propre, conformément aux engagements qu’elle a pris dans le cadre de la COP 21, tout en continuant de poursuivre les objectifs importants que sont la croissance économique et la création d’emplois.

2.2.

Jusqu’à présent, l’Union a déjà fait beaucoup en la matière. Ses émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 23 % entre 1990 et 2016, alors que la croissance économique était de 53 % sur cette même période. Cette réussite s’est manifestée dans de nombreux secteurs, à l’exception de celui des transports, qui représente environ 24 % des émissions de gaz à effet de serre (chiffres de 2015) et dans lequel les émissions repartent même à la hausse tandis que la reprise économique se poursuit en Europe. La stratégie européenne pour une mobilité à faible intensité de carbone (1) entend s’attaquer à ce problème.

2.3.

Le CESE note que l’Union européenne a déjà réalisé des progrès significatifs en matière de mobilité propre: en 2009, les valeurs moyennes des émissions de CO2 pour les voitures neuves et les véhicules utilitaires légers ont été fixées à 130 g CO2/km à partir de 2015 et 95 g CO2/km à partir de 2020, ce qui est essentiel pour atteindre les objectifs climatiques européens. Depuis l’introduction de la norme Euronorme en 1992, c’est-à-dire entre les normes Euro 1 et Euro 6, les législateurs ont abaissé de 97 % la limite pour les oxydes d’azote des voitures particulières et de 98 % pour les particules, ce qui représente une amélioration significative en ce qui concerne la pollution atmosphérique locale dans les villes.

2.4.

Toutefois, ces mesures en faveur du transport routier ne sont pas suffisantes au regard des engagements pris à la COP21 et du besoin pressant d’air pur dans les villes. Si les émissions moyennes par voiture et par kilomètre sont en baisse, ce n’est pas le cas de la quantité totale d’émissions du transport routier, car l’ensemble du trafic total a augmenté et le rythme de remplacement du parc automobile dans l’Union européenne est limité.

2.5.

La Commission européenne a donc réagi en présentant l’initiative «L’Europe en mouvement», qui comprend un certain nombre de propositions législatives qu’elle déploie en ce moment dans le cadre de trois trains de mesures. Le premier train de mesures, présenté en 2017, traduit l’ambition que nourrit l’Europe d’accomplir des progrès rapides en vue de mettre sur pied d’ici 2025 un système de mobilité propre, compétitive et connectée, qui intègre tous les moyens de transport et couvre l’ensemble de l’Union. Cette initiative a été bien accueillie par le CESE (2) (3) qui la considère comme une pierre angulaire du bon fonctionnement d’un espace européen unique des transports, doté d’un cadre réglementaire approprié.

2.6.

La communication (4) sur le deuxième train de mesures de la stratégie «L’Europe en mouvement», dont il est question dans le présent avis, met davantage l’accent sur les instruments visant à réduire les émissions dues aux transports routiers, tels que la directive sur les véhicules propres (5), les nouvelles normes en matière de CO2 pour les véhicules (6), un plan d’action pour le déploiement transeuropéen d’infrastructures de carburants de substitution (7), la révision de la directive sur les transports combinés (8), le règlement sur les services de transport par autocars de voyageurs (9), ainsi qu’une initiative sur les batteries. Les différentes propositions relatives à ces questions sont traitées dans des avis distincts du Comité. Le troisième train de mesures, qui sera davantage axé sur les questions de sécurité, sera publié au premier semestre 2018.

3.   Contenu essentiel de la communication

3.1.

Le deuxième train de mesures contient plusieurs initiatives législatives visant à établir des règles claires, réalistes et applicables qui tendent à garantir des conditions de concurrence équitables entre les acteurs industriels opérant en Europe. Les consommateurs seront encouragés à passer à des véhicules propres et à d’autres solutions de mobilité propre en améliorant l’infrastructure destinée aux carburants de substitution et la fourniture de services transfrontières interopérables.

3.2.

Un nouveau règlement sur le CO2 s’appliquant aux voitures particulières et aux véhicules utilitaires légers est proposé pour la période postérieure à 2020. Dans le cadre de ce programme, les constructeurs des véhicules en question devront réduire les émissions de CO2 de leur parc de véhicules neufs dans l’Union européenne de 15 % d’ici 2025 et de 30 % d’ici 2030. Ces objectifs de réduction relative seront remplacés par des valeurs absolues d’émissions de CO2 dès que les données de la nouvelle procédure d’essai harmonisée au niveau mondial pour les véhicules légers (WLTP) seront disponibles (pas avant 2020).

3.3.

La mise en place de la procédure WLTP appelée à constituer un cadre de réception par type fondé sur des tests rigoureux et plus réalistes est un élément clé pour surmonter la crise profonde liée à la défiance des consommateurs et rétablir la confiance. Il est également prévu de mettre en place des essais de mesure des émissions en conditions de conduite réelles (RDE), qui devront être effectués sur la route et non sur un banc d’essai.

3.4.

La proposition contient un plan d’action destiné à stimuler l’investissement dans les infrastructures pour carburants alternatifs et mettre en place un réseau de stations de recharge et de ravitaillement rapides et interopérables dans toute l’Union. Plusieurs instruments de financement seront concernés, tels que le Mécanisme européen pour les transports propres, le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, les Fonds structurels et d’investissement européens et le Fonds européen de développement régional.

3.5.

La directive sur les transports combinés est réexaminée en vue de promouvoir l’utilisation combinée de différents modes de transport de marchandises (par exemple camions et trains).

3.6.

La directive sur les services de transport de passagers par autocars stimulera le développement de liaisons par autobus au niveau national et sur de longues distances à travers toute l’Europe, élargira le choix de transports pour tous les citoyens et offrira des solutions de remplacement à l’usage de la voiture privée.

3.7.

La directive sur les véhicules propres promouvra des solutions de mobilité propre dans le cadre des marchés publics de manière à stimuler la demande au profit de l’industrie automobile.

3.8.

Une initiative en matière de batteries aidera une alliance des industries européennes à gagner en autonomie et à accroître la part de l’électrique tout au long de la chaîne de valeur de la production des véhicules en question. La Commission européenne allouera par ailleurs un soutien direct d’un montant de 200 millions d’EUR à la recherche et l’innovation dans le domaine des batteries au titre du programme Horizon 2020 (programme de travail 2018-2020), en plus des 150 millions d’EUR qui avaient déjà été alloués.

4.   Observations générales

4.1.

La communication à l’examen porte principalement sur un secteur industriel qui est l’un des principaux acteurs mondiaux en matière de fabrication et de prestation de services. La branche manufacturière de ce secteur emploie 11 % de l’ensemble des travailleurs du secteur de la production industrielle dans l’Union et génère 7 % de son PIB. Cette position solide doit être préservée et utilisée pour accélérer, transformer et consolider la transition de l’économie européenne vers une énergie propre, tout en poursuivant également l’objectif important de jouer un rôle de tout premier plan dans le domaine des nouvelles technologies sur le marché mondial.

4.2.

Le CESE se félicite de l’approche générale, neutre sur le plan technologique et ouverte aux nouvelles évolutions auxquelles on peut s’attendre au regard des énormes efforts consentis actuellement en matière de R&D avec le soutien de l’Union européenne. Le CESE note toutefois que les initiatives mentionnées ne sont pas pleinement conformes à cette démarche. En fonction des progrès technologiques, il est loin d’être sûr que notre mobilité future sera exclusivement électrique. D’autres technologies de propulsion offrent également d’énormes possibilités de mobilité propre. Compte tenu de l’évolution rapide des technologies modernes dans le domaine des transports au cours des années à venir, le CESE recommande donc une approche plus souple plutôt que, par exemple, des seuils d’émission fixes ou des objectifs en matière de marchés publics. Ainsi, un examen à mi-parcours des seuils d’émissions et des objectifs minimaux semble être le minimum qui devrait être fait pour permettre leur adaptation à un stade ultérieur.

4.3.

Le CESE se félicite des initiatives visant à restaurer la confiance des consommateurs dans l’industrie automobile et dans le système de réglementation. Il est vital de rétablir cette confiance grâce à des normes d’émission réalistes et de nouvelles procédures d’essai. Le CESE note que des valeurs d’émission plus réalistes dépendront non seulement de la technologie des véhicules, mais aussi dans une large mesure du comportement des conducteurs, ainsi que des conditions météorologiques et de l’état des chaussées. Les consommateurs seront donc confrontés à une assez grande variation des données, même pour un même type de voiture.

4.4.

Chaque année, quelque quatorze millions de voitures neuves sont mises en circulation, ce qui représente le remplacement de seulement 5 % environ de la flotte totale de 253 millions de voitures dans l’Union européenne. Même sous le seul effet de ce taux de remplacement — en tenant compte des normes d’émission existantes — les émissions de CO2 seront réduites de plus de 30 % d’ici 2030 par rapport à 2005 (rapport VDA). Le CESE accueillerait favorablement toute initiative susceptible d’accélérer le rythme de ce renouvellement et, partant, de réduire encore davantage les émissions de CO2. Il convient de noter que l’innovation et la recherche de nouvelles pistes de production reprennent vigueur dans les pays dont les traditions et le potentiel dans le domaine de l’industrie automobile sont moins grands qu’ailleurs. Cette tendance positive renforce la compétitivité en matière de développement d’une mobilité à faibles émissions de carbone.

4.5.

Le CESE tient à insister sur le fait que, parallèlement à l’intérêt qu’elle porte aux nouvelles technologies telles que les voitures électriques, la Commission devrait également examiner le potentiel considérable d’amélioration du parc existant. Par exemple, une réduction des émissions de CO2 de 1 g au moyen de l’ajout de carburants exempts de combustibles fossiles dans l’ensemble de la flotte serait tout aussi efficace qu’une amélioration de 20 g dans le parc de véhicules neufs (rapport VDA).

4.6.

Nous devons être conscients que pour atteindre une part significative de véhicules à faible taux d’émissions, un délai de transition est nécessaire et dont la durée est imprévisible. Celle-ci dépendra des progrès accomplis par l’industrie automobile, de la rapidité avec laquelle les consommateurs accepteront la nouvelle technologie et les coûts qu’elle implique, ainsi que d’autres facteurs tels que les infrastructures de recharge, le prix du carburant ou la passation des marchés publics.

Cette période de transition ne doit pas être vue comme un blanc-seing pour laisser les véhicules diesel continuer à dépasser les limites d’émission et pour faire l’impasse sur leur mise à niveau au moyen d’un système de réduction catalytique sélective permettant de les mettre en conformité avec la norme Euro 6. La Commission devrait veiller à ce que les législateurs nationaux des États membres adoptent des mesures de mise à niveau par rapport à la norme Euro 6 dans les plus brefs délais, et que la question de la responsabilité et de la prise en charge des coûts soit clarifiée.

4.7.

Le CESE invite le secteur automobile à mettre à profit cette période de transition pour améliorer la cohésion au sein de l’Union européenne en faisant les bons choix quant à la localisation des sites industriels et que les perspectives pour les véhicules propres soient les mêmes dans tous les États membres. Il ne serait pas acceptable, par exemple, que des voitures diesel plus anciennes soient interdites dans quelques États membres pour être ensuite vendues à des États membres dont l’économie est plus faible. En outre, les développements en dehors de l’Union jouent un rôle important, puisque l’industrie automobile européenne travaille dans une large mesure pour le marché mondial. Il est de la plus haute importance que la politique de l’Union européenne soutienne la conclusion d’accords internationaux qui soient équitables pour l’industrie automobile européenne par rapport à ses concurrents aux États-Unis et en Asie.

4.8.

Toute percée technologique à l’avenir, par exemple en matière de performance des batteries, dépendra de la recherche et du développement. De telles avancées pourraient se produire non seulement dans le domaine des véhicules électriques à batterie, mais également dans celui des combustibles destinés aux moteurs à combustion interne ou aux piles à combustible. Alors que des carburants respectueux du climat et totalement exempts de combustibles fossiles, tels que le HVO100, sont déjà largement utilisés dans certains pays (comme la Suède), de nouveaux types de combustibles pourraient également devenir disponibles, tels que les carburants de synthèse ou l’hydrogène, qui pourraient être produits à des coûts acceptables à partir de l’électricité excédentaire disponible en quantités croissantes en raison de l’expansion continue des sources d’énergie renouvelables dont la production est fluctuante.

4.9.

Le CESE demande à la Commission européenne d’établir une distinction plus nette et plus précise entre les différents objectifs poursuivis par l’introduction de véhicules propres. L’objectif est double: protéger le climat et améliorer la qualité de l’air au niveau local. Il est important de noter que certains types de carburants peuvent contribuer à améliorer la qualité de l’air dans les villes sans pour autant être bénéfiques pour le climat, par exemple lorsque l’électricité ou l’hydrogène destinés aux véhicules électriques proviennent de centrales au charbon. D’un autre côté, les véhicules à faibles taux d’émissions roulant au gaz naturel issu du biométhane, s’ils sont respectueux du climat, risquent néanmoins de contribuer à la pollution de l’air au niveau local. S’il faut réduire de toute urgence la pollution atmosphérique locale dans les villes et prendre pour cela des mesures au niveau des régions et des villes, la protection du climat reste un enjeu mondial, dont les évolutions ne peuvent être réalisées (et constatées) que sur des décennies. Il est important d’opérer une distinction claire entre ces objectifs afin de convaincre la population de la pertinence d’investissements publics et privés.

4.10.

Le CESE exhorte la Commission à se montrer plus rigoureuse s’agissant de faciliter l’accès des consommateurs à de nouvelles formes de mobilité abordables et plus propres, et à faire en sorte que les avantages de ces nouveaux services de mobilité soient accessibles à tous et répartis de façon uniforme dans l’ensemble de l’Union. Les éventuels problèmes, notamment les coûts supplémentaires pour les consommateurs, sont un sujet de préoccupation. Certains des instruments de financement proposés peuvent être utiles à cette fin, mais le Comité estime qu’ils ne sont pas suffisants. Dans ce contexte, le CESE accueille favorablement l’initiative de la Commission visant à améliorer la capacité des consommateurs à faire des choix plus éclairés lors de l’achat ou de l’utilisation d’un véhicule, en offrant plus de transparence et une méthodologie de comparaison des coûts.

4.11.

Le CESE se félicite du rôle important que joue la Commission dans la formation d’une alliance paneuropéenne des industries en vue d’établir une chaîne de valeur complète pour le développement et la fabrication de batteries avancées dans l’Union européenne. Plusieurs raisons plaident en faveur de cet objectif: une plus grande indépendance vis-à-vis des fabricants de batteries de pays tiers revêt une importance stratégique; une part plus importante de la production manufacturière au sein de l’Union tout au long de la chaîne de valeur est vitale pour nos emplois; la meilleure façon de garantir que les piles fabriquées sont «propres» est le respect des normes et règles européennes en matière d’environnement, comme par exemple dans l’approche de l’économie circulaire. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel que l’industrie procède à des investissements à grande échelle, tandis que le rôle de la Commission est d’établir des conditions limites appropriées, telles que des normes techniques.

4.12.

Eu égard à sa simplicité, le CESE souscrit à l’approche fondée sur les émissions à l’échappement pour définir les «véhicules propres». Il souhaite néanmoins souligner que cette approche ne permet pas de mettre en évidence l’empreinte carbone d’un véhicule sur l’ensemble de son cycle de vie. Afin d’éviter tout traitement injustifié de certains types de véhicules, des efforts supplémentaires sont nécessaires dans le domaine législatif, afin de dépasser l’approche fondée sur les émissions à l’échappement en prenant également en compte les questions liées à la fabrication ou à la fourniture d’énergie propre.

4.13.

Le CESE estime en conclusion que le principal obstacle à la modernisation des transports publics est le manque de soutien financier et invite la Commission à reconsidérer la révision de la directive sur les marchés publics en s’intéressant en particulier à la question du financement. Le CESE note que, outre la nécessité de disposer de davantage de véhicules propres dans les transports publics, il est essentiel de convaincre davantage de citoyens d’utiliser ces transports en les rendant beaucoup plus attrayants (correspondances, confort) plutôt qu’en donnant la priorité aux prix bas.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2016) 501 final.

(2)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 64.

(3)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 195.

(4)  COM(2017) 675 final.

(5)  TEN/652 «Véhicules propres et économes en énergie», rapporteur: Ulrich Samm (voir page 58 du présent Journal officiel).

(6)  INT/835 — «Révision des règlements sur les émissions CO2 dans les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers», rapporteur: Dirk Bergrath (non encore paru au Journal officiel).

(7)  TEN/654 — «Plan d’action sur une infrastructure pour carburants de substitution» (communication), rapporteur: Seamus Boland (voir page 69 du présent Journal officiel).

(8)  TEN/651 — «Transports combinés de marchandises», rapporteur: Stefan Back (voir page 52 du présent Journal officiel).

(9)  TEN/650 — «Accès au marché international des services de transport par autocars et autobus» rapporteur: Raymond Hencks (voir page 47 du présent Journal officiel).


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/80


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Renforcer les réseaux énergétiques de l’Europe

[COM(2017) 718 final]

(2018/C 262/14)

Rapporteur:

Andrés BARCELÓ DELGADO

Saisine

Commission européenne, 12.2.2018

 

 

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.4.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/1/2

1.   Conclusions et recommandations

LE COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

1.1.

adhère à l’idée qu’un réseau énergétique européen doté des interconnexions appropriées constitue un élément indispensable pour atteindre l’objectif de l’union de l’énergie, à savoir offrir l’assurance d’une énergie abordable, sûre et durable, qui garantisse une transition énergétique compétitive vers une économie à faible intensité de carbone;

1.2.

réaffirme qu’étant donné que tous les objectifs que l’Union européenne poursuit en matière climatique et dans le domaine de la sécurité énergétique sont indissociables, il conviendrait qu’aucun d’entre eux ne soit considéré comme subalterne par rapport aux autres, même si certains ne sont pas contraignants pour les États membres;

1.3.

estime que les investissements dans les infrastructures de réseaux doivent s’effectuer avec la même intensité que ceux portant sur les autres volets du secteur énergétique et, plus particulièrement, être réalisés d’une manière qui soit coordonnée avec l’essor des énergies renouvelables, et, par conséquent, demande à la Commission et aux États membres de veiller à ce que les réseaux énergétiques tant transnationaux que nationaux soient déployés de manière adéquate, afin qu’ils permettent un développement commun ouvrant la voie à la réalisation des objectifs de l’Union;

1.4.

engage la Commission et les États membres à élaborer tous les deux ans des rapports de suivi examinant dans quelle mesure les objectifs de développement des énergies renouvelables et de déploiement des réseaux nationaux et transnationaux ont été atteints, afin de garantir que ces énergies et ces réseaux soient mis en place sur un mode coordonné, en prêtant une attention particulière aux goulets d’étranglement qui entravent le transport de l’énergie renouvelable;

1.5.

constate que dans plusieurs États membres, il ne sera pas possible de parvenir à l’objectif de 10 % d’interconnexion qui a été fixé pour 2020, et que les difficultés inhérentes au développement de ces projets, qu’il s’agisse de la complexité de leur parcours administratif, de leurs répercussions politiques, de leur financement ou de leur non-acceptation par la société, compromettent la réalisation des buts définis pour 2030 et, ainsi, compliquent la bonne exécution de l’ensemble des politiques de l’Union européenne en matière climatique;

1.6.

fait observer qu’associer activement la société civile organisée aux phases de conception des projets d’interconnexion peut contribuer à atténuer les réticences de la collectivité à l’encontre de certains d’entre eux;

1.7.

réclame que l’Union européenne accomplisse des progrès concernant le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie, en donnant la possibilité de prendre les mesures voulues pour faciliter le développement des interconnexions dans les zones qui accusent actuellement un fort déficit par rapport à l’objectif de 10 %;

1.8.

recommande d’ajouter à l’indicateur du pourcentage d’interconnexion par pays un suivi de ces chiffres par zones géographiques, comme la péninsule ibérique, ainsi que de reprendre des indicateurs qui suivent les différences de prix entre les marchés de gros, afin de donner la priorité à l’exécution des PIC concernant les zones où elles sont les plus fortes;

1.9.

reconnaît que grâce à l’appui financier obtenu par le truchement du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), dont la dotation pour les infrastructures énergétiques atteint 5 350 millions d’euros sur la période qui s’étend jusqu’à 2020, complété par d’autres dispositifs d’aide et le travail des groupes régionaux, il a été possible de développer un plus grand nombre de projets, qui ont eu pour effet que l’Union européenne a progressé sur la voie menant à la réalisation du marché intérieur de l’énergie;

1.10.

insiste pour que le budget affecté à l’aide aux projets d’interconnexion soit revu, étant donné que les montants qui lui sont actuellement alloués pourraient s’avérer insuffisants pour parvenir à réaliser les objectifs fixés;

1.11.

demande aux États membres et à la Commission de renforcer les mécanismes de solidarité et de sécurité partagée, de manière à ce qu’il soit possible de réaliser la transition énergétique et les objectifs de sécurisation des approvisionnements en bénéficiant d’un bon rapport entre les coûts et les avantages, pour le plus grand profit de la compétitivité industrielle de l’Europe et de ses citoyens;

1.12.

conseille à la Commission et aux États membres de promouvoir des outils de gestion (logiciels) qui augmentent l’efficacité avec laquelle les interconnexions fonctionnent.

2.   La politique des réseaux transeuropéens d’énergie

2.1.

Pour réaliser les buts qu’elle poursuit en matière de changement climatique, de compétitivité et de sécurité énergétique, l’Union européenne s’est fixé, s’agissant de développer les réseaux de transport d’énergie, des objectifs qui lui permettront de mener à bien le processus de la transition énergétique vers une économie à faible intensité de carbone.

En particulier, l’Union européenne s’est assigné comme visée à l’horizon 2020 que chaque État membre atteigne un taux de 10 % d’interconnexion avec ses voisins. En outre, pour que la réalisation des objectifs de production à partir de sources renouvelables s’accompagne d’un développement satisfaisant des interconnexions, un accord s’est dégagé au Conseil européen pour porter à 15 % le pourcentage-cible à viser pour 2030 en ce qui concerne l’interconnexion électrique.

2.2.

En 2013, dans le but de garantir que ce taux de 10 % d’interconnexion soit atteint, l’Union européenne a adopté le règlement sur les réseaux transeuropéens d’énergie (RTE-E) et a lancé le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), jetant ainsi les bases nécessaires pour repérer, appuyer et mettre en œuvre prioritairement les «projets d’intérêt commun» (PIC) qui sont indispensables pour mettre en place un réseau énergétique transeuropéen présentant une bonne capacité de réaction aux chocs.

2.3.

Les investissements dans les réseaux européens d’énergie atteindront, d’ici 2030, 180 milliards d’euros et l’on estime qu’une fois menés à bien, ils dégageront des économies comprises entre 40 et 70 milliards d’euros par an, grâce aux dépenses de production qui pourront être évitées et à des prix de gros plus compétitifs dans le secteur du gaz, qui allégeront la facture de la transition énergétique.

La troisième liste des projets d’intérêt commun, qui doit encore être adoptée par le Parlement européen, recense 173 projets concourant à la réalisation des objectifs d’interconnexion à l’horizon 2020 et 2030.

Quelque ambitieuses que soient la liste des projets et les mesures qui existent pour les soutenir, les difficultés techniques qui leur sont propres, tout comme leurs implications politiques et administratives ou les réticences de la société à leur égard, font que sur les 173 qui ont été retenus lors de la troisième révision des PIC, effectuée en 2017, moins de 30 % auront été menés à bien à l’échéance de 2020.

Une des raisons qui ont contribué à ce retard est que le niveau national n’a pas effectué intégralement la mise en œuvre des règles relatives aux RTE-E.

2.4.

Pour enregistrer des progrès dans la réalisation des objectifs, la Commission a créé quatre groupes à haut niveau, visant à accélérer le développement des infrastructures dans quatre zones bien définies.

2.4.1.   Plan d’interconnexion des marchés énergétiques de la région de la Baltique (PIMERB)

La priorité politique consiste ici à synchroniser le réseau électrique des États baltes avec celui de l’Europe continentale, ainsi qu’à désenclaver les réseaux gaziers de ces pays et de la Finlande et à mettre un terme à leur dépendance vis-à-vis d’une source unique de gaz.

Le CESE est pleinement favorable à la conclusion d’un accord politique qui stimule les projets d’intérêt commun du secteur du gaz, pour qu’ils soient menés à bonne fin en 2021, en ce qui concerne l’interconnexion tant de l’Estonie et de la Finlande que de la Pologne et de la Lituanie.

2.4.2.   La péninsule ibérique (déclaration de Madrid)

Même si la liaison du golfe de Gascogne a été approuvée, il faut déplorer que les interconnexions entre la péninsule ibérique et le reste de l’Europe soient malheureusement loin d’atteindre les objectifs fixés pour 2020 et se situent très en deçà de ceux définis pour 2030.

Le niveau d’interconnexion atteint entre l’Espagne et le Portugal ne résout pas le problème de fond, qui est celui d’un déficit de connexions de la péninsule ibérique avec la France, puisque ses interconnexions avec ce pays se situent aux alentours de 2,8 %, alors que le passage par le territoire français constitue la seule manière dont elle puisse s’interconnecter avec l’Europe et s’intégrer dans le marché intérieur.

La faiblesse de ce pourcentage d’interconnexion constitue l’un des facteurs expliquant que les prix de l’électricité dans la péninsule ibérique comptent parmi les plus chers en Europe et qu’elle ait également à supporter des coûts très élevés pour intégrer les renouvelables dans son système, puisqu’il est nécessaire, pour ce faire, de prévoir d’importantes capacités d’appoint et de mettre en œuvre des procédures qui permettent de gérer un haut taux de fluctuabilité dans l’articulation des composantes de son bouquet de production d’énergie. Les récentes déclarations du président Macron témoignent du soutien politique qui est indispensable pour les deux interconnexions pyrénéennes, lesquelles, cependant, en sont encore à un stade embryonnaire.

2.4.3.   La connectivité énergétique en Europe centrale et dans le Sud-Est européen

La région du centre et du sud-Est de l’Europe est exposée aux ruptures d’approvisionnement et paie pour son gaz des tarifs plus élevés que le reste de l’Union européenne, malgré sa proximité géographique avec son fournisseur.

Les principaux objectifs sont la mise en service de l’interconnexion Bulgarie-Serbie, le début des investissements dans le terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) de Krk, au premier semestre de 2018, et le lancement des travaux de construction du corridor Bulgarie-Autriche, concernant son tronçon roumain.

2.4.4.   La coopération énergétique en mer du Nord

Les efforts se sont concentrés sur l’objectif d’articuler la production et le transport d’énergie issue de sources renouvelables, ainsi que de créer un cadre juridique et réglementaire qui favorise ce type de projets, dans une zone dont le potentiel pour produire de l’électricité atteindra de 4 à 12 % de la consommation de l’Union européenne en 2030.

3.   Réorienter à plus long terme la politique en matière d’infrastructures

3.1.

Même si la Commission et les États membres ont consenti un effort considérable en encourageant les projets d’intérêt commun, la réalité sur le terrain est qu’en raison tant de difficultés techniques que de contraintes bureaucratiques et de budgets limités, seul un petit nombre de ceux qui y figurent pourront être menés intégralement à bien d’ici 2020, de sorte qu’il s’impose de réexaminer d’urgence le calendrier de mise en œuvre de l’ensemble de ces projets, en donnant la priorité aux zones qui sont dans la position la moins favorable pour la réalisation des objectifs d’interconnexion.

3.2.

Le CESE considère qu’il y a lieu d’intégrer dans les PIC des critères de cybersécurité, afin de limiter les risques auxquels sont exposés les citoyens européens.

La numérisation aura pour effet que dans les nouveaux projets d’investissement, la part prise par les systèmes ira sans cesse croissant.

3.3.

Pour les interconnexions gazières, la priorité doit être accordée aux PIC qui contribuent de manière substantielle à garantir la sécurité d’approvisionnement des États membres face aux risques découlant d’actions de pays tiers comme aux contraintes techniques.

3.4.

Pour ce qui est des objectifs d’interconnexion électrique, l’analyse présente le défaut de considérer chaque pays séparément. Le CESE estime qu’il y a lieu de reprendre l’exercice par zones géographiques, en tenant compte des regroupements par États membres qui sont indispensables pour éviter les goulets d’étranglement dans les connexions des réseaux entre eux. Cette étude s’impose tout particulièrement pour les configurations où un État ne peut s’interconnecter avec le reste de l’Europe que par l’intermédiaire d’un autre, comme c’est le cas de la péninsule ibérique, de Chypre, de Malte et de l’Irlande.

3.5.

Les interconnexions des États membres qui accusent un fort déficit de connexion, tels ceux de la péninsule ibérique, de l’Europe du Sud-Est, de la Pologne ou de l’Irlande, pour ne prendre que ces quelques exemples, doivent avoir rang de priorités, et le CESE insiste pour que la Commission et les pays de l’Union européenne élaborent les mesures voulues afin de les réaliser sans accumuler indument les retards.

3.6.

En 2020, l’objectif d’arriver à 10 % d’interconnexion électrique ne sera pas atteint à Chypre, en Espagne, en Italie, en Pologne ou au Royaume-Uni et il est fort contestable d’avoir inclus l’Irlande et le Portugal dans la liste des pays qui y sont «parvenus».

Au vu des données mêmes de la Commission, l’objectif d’atteindre 15 % d’interconnexion électrique en 2030 paraît difficilement réalisable, surtout si l’on analyse correctement la situation suivant les goulets d’étranglement géographiques et non plus seulement par État membre.

3.7.

Dans la perspective de réaliser les objectifs définis pour 2030, il a été entrepris de définir de nouveaux seuils pour mesurer les besoins d’interconnexion et d’intégration au marché intérieur. Ils s’établissent comme suit:

un seuil de 2 EUR/MWh est fixé pour la différence de prix entre les marchés de gros de chaque État membre, région ou zone de dépôt des offres, le but étant de progresser dans l’harmonisation desdits marchés,

chaque État membre devant assurer son approvisionnement électrique par la combinaison de ses capacités nationales et des importations d’énergie, il y a lieu de planifier de nouvelles interconnexions quand la capacité nominale de transport des interconnexions est inférieure à 30 % de leur charge de pointe,

le troisième seuil concerne, quant à lui, l’utilisation optimale de l’énergie renouvelable et demande que des interconnexions supplémentaires soient envisagées quand la capacité d’interconnexion (exportation) d’un pays est inférieure à 30 % de sa capacité installée en énergies renouvelables.

Avec ces trois seuils, les objectifs de développement des énergies renouvelables et d’intégration au marché intérieur sont mis en relation directe avec ceux d’interconnexion, dans une démarche qui contribue positivement à les réaliser tous de concert.

3.8.

En ce qui concerne les nouveaux seuils qui ont été établis, et compte tenu des limites qui résultent du choix d’effectuer l’analyse pays par pays, on recense six États membres où aucun des trois n’est respecté, à savoir Chypre, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, l’Italie et le Royaume-Uni. Il conviendrait d’y ajouter le Portugal et Malte, qui, s’ils dépassent deux des seuils, n’y parviennent que par une connexion exclusive à un autre pays, respectivement l’Espagne et l’Italie.

Les pays baltes, ainsi que l’Allemagne, la Bulgarie, la Pologne et la Roumanie satisfont pour leur part à deux des trois seuils, tandis que les autres États membres, qui les respectent tous trois, peuvent être considérés comme pleinement intégrés.

3.9.

De l’analyse du pourcentage d’interconnexion de chacun des États membres, comme de celle des trois nouveaux seuils, il ressort très clairement que pour plusieurs pays de l’Union européenne, il sera fort ardu d’atteindre les objectifs fixés à l’échéance de 2030. L’un des principaux problèmes en la matière est que l’objectif d’interconnexion ne revêt pas un caractère contraignant pour les États membres: cette absence d’obligation en complique la réalisation, d’autant qu’elle s’ajoute aux retards inhérents à ce type de projets, lesquels ont pour origine la nécessité de dégager un consensus politique, les contraintes pesant sur le financement, la question du retour sur investissement et les problèmes d’acceptation sociale. Les objectifs que l’Union européenne poursuit en matière climatique et dans le domaine de la sécurité énergétique étant tous liés d’une manière indissociable, il conviendrait de considérer qu’aucun d’entre eux ne revêt une importance subalterne par rapport aux autres.

3.10.

L’Union européenne doit continuer à s’efforcer de faire discuter et adopter son règlement sur la gouvernance, en se plaçant dans une perspective ambitieuse, qui traite sur un pied d’égalité l’objectif de réalisation des interconnexions et celui du développement des énergies renouvelables, afin de s’assurer que les États membres et la Commission déploient sur-le-champ tous les efforts voulus pour atteindre le plus rapidement possible l’objectif d’interconnexion de 10 % qui ouvre l’accès au marché intérieur de l’énergie dans l’Union.

En outre, dans le cas des projets qui augmentent dans des proportions significatives les capacités actuelles d’interconnexion dans des points qui se situent en deçà de l’objectif de 10 %, il convient de mobiliser tous les instruments financiers disponibles, comme le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, les Fonds structurels et d’investissement européens et le Fonds européen pour les investissements stratégiques. Lesdits projets devraient bénéficier d’un traitement réglementaire spécifique, passant par un renforcement des mesures de gouvernance européenne, de manière que le démarrage en soit accéléré.

3.11.

En coopération avec la Commission, les groupes régionaux doivent assurer une évaluation continue, de chaque dossier, en donnant la priorité à la réalisation de ces PIC, y compris par l’adoption des mesures requises pour en faciliter l’exécution, dont, en particulier, la simplification des procédures administratives, et en favorisant la conclusion d’accords entre États membres par la tenue de réunions au plus haut niveau.

Une mise en œuvre concertée s’impose, entre toutes les parties concernées, dont les États membres, les gestionnaires des réseaux de transport, les promoteurs et les régulateurs. Des initiatives telles que le forum pour les infrastructures énergétiques, qui se déroule chaque année à Copenhague et est ouvert à la participation de tous ces intervenants, jouent un rôle très positif pour tenter de dégager des solutions aux problèmes que pose le développement de projets d’interconnexion.

4.   La sécurité de l’approvisionnement

4.1.

Tous ses États membres étant caractérisés par une forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur, l’augmentation de la sécurité d’approvisionnement constitue un des objectifs essentiels de l’Union européenne. Sur ce point, des progrès substantiels ont été réalisés ces dernières années, notamment dans les réseaux et interconnexions pour le transport du gaz naturel; il n’en reste pas moins qu’il convient de continuer à accorder une place prioritaire au développement des projets d’intérêt commun qui sont nécessaires pour que la structure gazière de chaque pays respecte le critère N-1 défini par le règlement (UE) no 994/2010, puis qu’elle parvienne au plus vite à disposer de trois sources de substitution pour s’approvisionner en gaz.

4.2.

Il convient de prêter une attention particulière aux apports nécessaires afin de combler les lacunes que l’on continue de relever dans certains territoires de l’Union, comme les îles et les régions périphériques. Il importe de rappeler les conclusions du Conseil européen du 4 février 2011, où il a été convenu qu’après 2015, aucun État membre de l’Union européenne ne devrait plus rester coupé des réseaux électriques et gaziers européens, ni subir des contraintes dans sa sécurité énergétique parce qu’il ne disposerait pas des interconnexions requises. À cette fin, et quels que soient les retards pris en la matière, il est permis de faire preuve d’optimisme pour le moyen terme, grâce aux avancées que l’intervention du mécanisme pour l’interconnexion en Europe a permises, en lançant des projets qui donneront la possibilité de désenclaver des îles comme Chypre ou Malte, et auxquels il faut encore ajouter les PIC en phase d’étude; tels le gazoduc EastMed.

4.3.

Il s’impose d’enclencher des mécanismes de solidarité entre États qui ouvrent la voie à une action commune pour résoudre les risques auxquels tel ou tel État peut éventuellement se trouver confronté dans des situations d’urgence.

5.   Les impératifs de la transition énergétique

5.1.

Du fait de la progression vers une économie à faibles émissions de carbone, ainsi que des objectifs définis pour 2030, à savoir une part de 27 % pour les énergies renouvelables, et pour 2050, en l’occurrence une baisse de 80 % des émissions de CO2, l’électrification du transport et du secteur domestique connaîtra un coup d’accélérateur qui provoquera une flambée de la demande concernant ces énergies renouvelables et introduira de nouvelles manière de les utiliser, grâce à des projets de conversion d’électricité en gaz.

5.2.

Si l’on veut atteindre les buts assignés pour 2050, les besoins en investissements dans les réseaux de transport et de distribution devraient se situer dans une fourchette de 40 à 62 milliards d’euros par an (1), contre 35 milliards aujourd’hui.

5.3.

Le risque est patent que du fait de la difficulté inhérente au déploiement de tels projets, l’on ne parvienne pas à réaliser les objectifs d’interconnexion pour la période 2030-2050, et cet échec pourrait compromettre l’exécution des objectifs européens en matière de lutte contre le changement climatique, en faisant exploser le coût du soutien aux investissements dans les énergies renouvelables.

5.4.

Le déploiement des énergies renouvelables doit aller de pair avec le bon développement des réseaux énergétiques, tant transnationaux que nationaux.

6.   La progression vers un véritable marché intérieur de l’énergie

6.1.

Le CESE a toujours fait valoir que l’union de l’énergie constituait un élément essentiel pour construire l’Union européenne, car les interconnexions représentent une condition sine qua non pour parvenir à un véritable marché intérieur de l’énergie, puisque leur non-réalisation déboucherait sur des situations aberrantes, qui sont sources d’une grande inefficacité.

Faute d’interconnexions, la politique d’aide aux énergies renouvelables aura pour effet que les prix seront très fluctuants, qu’il faudra investir davantage dans les technologies d’appoint et que de l’énergie produite à partir de ces sources sera gaspillée, dans les moments où la production augmente tandis que la consommation baisse.

6.2.

L’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) estime que les capacités d’interconnexion qui existent dans les pays de l’Europe continentale ne sont mises à la disposition du marché que dans une proportion de 31 %. Pour progresser dans la réalisation du marché intérieur, on recommandera donc d’adopter des mesures qui amènent au niveau le plus élevé possible la capacité offerte aux marchés, de manière à intensifier la concurrence, augmenter l’efficacité et améliorer l’utilisation des ressources disponibles.

6.3.

Pour réduire les coûts de transaction, il s’impose de réaliser des progrès dans le couplage des marchés infrajournaliers, ainsi que dans ceux d’équilibrage transfrontaliers, grâce à la promotion des mesures au titre du règlement (UE) 2017/2195 sur l’équilibrage du système électrique, s’agissant en l’occurrence de demander aux États membres de mener une coopération régionale pour développer des zones d’équilibrage dans les interconnexions qui contribuent à éliminer les goulets d’étranglement, optimiser l’utilisation des énergies de réserve entre les États membres et augmenter la compétitivité des marchés (2).

7.   L’optimisation économique

7.1.

Le CESE considère qu’il y a lieu d’encourager des mesures propres à garantir que les fonds européens disponibles soient affectés en priorité aux projets qui sont les plus nécessaires du point de vue de la sécurité d’approvisionnement, et à ceux qui garantissent le retour sur investissement le plus important ou permettent la progression la plus forte vers la réalisation des objectifs climatiques de l’Union.

7.2.

Le premier des seuils, celui de la différence de prix, doit jouer un rôle déterminant, du point de vue économique, dans le choix des projets.

7.3.

Les projets de stockage de l’énergie, notamment par pompage-turbinage, qui contribuent à réduire les dimensions qu’il est nécessaire de donner au parc de production, doivent recevoir la priorité sur ceux qui, à l’heure actuelle, ne peuvent s’appuyer sur une base technologique suffisante, et dont le financement doit par conséquent être pris en charge par les programmes de recherche et d’innovation, comme dans le cas de certaines initiatives touchant au transport du dioxyde de carbone. Néanmoins, la réglementation ne doit pas devancer la progression de la technologie.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Étude de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (ITRE) du Parlement européen, European Energy Industry Investments («Les investissements dans l’industrie énergétique européenne») (IP/A/ITRE/2013-46 — PE595.356).

(2)  JO L 312 du 28.11.2017, p. 6.


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/86


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement — Troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie

[COM(2017) 688 final]

(2018/C 262/15)

Rapporteur:

Toni VIDAN

Corapporteur:

Christophe QUAREZ

Consultation

Commission européenne, 18.1.2018

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

5.4.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

159/5/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie, soutient les objectifs du projet d’union de l’énergie et se félicite de l’accent mis sur l’engagement et la mobilisation de la société européenne en vue de s’approprier pleinement cette union. Il réitère ses propositions en faveur d’un dialogue efficace sur l’énergie avec la société civile organisée aux niveaux européen, national, régional et local.

1.2.

Le CESE a toujours souligné l’extrême importance de l’idée d’une union de l’énergie pour la réussite de l’Union européenne. Il partage l’avis de la Commission lorsqu’elle affirme que «l’union de l’énergie couvre plus que les seuls domaines de l’énergie et du climat». Le CESE voit dans la transition énergétique l’occasion de rendre l’Europe plus démocratique, plus cohésive, plus compétitive et plus juste. L’effort déployé conjointement pour parvenir à mettre en place cette union doit renforcer la viabilité environnementale, politique, économique et sociale de l’Union européenne, conformément à ses valeurs fondamentales.

1.3.

Le CESE accueille favorablement le train de mesures sur l’énergie propre, qu’il considère comme un pas dans la bonne direction, mais déplore que le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie ne reconnaisse pas l’insuffisance des objectifs qui y figurent actuellement. Le Comité soutient les initiatives prises par le Parlement européen pour renforcer le cadre juridique et se déclare préoccupé par les tentatives menées par le Conseil en vue d’édulcorer les futures dispositions. Le CESE invite l’Union européenne à renforcer son action de manière à faire avancer l’Europe et le monde sur la voie de la réalisation de l’objectif de neutralité carbone inscrit dans l’accord de Paris, ratifié par tous les États membres.

1.4.

Le CESE regrette que le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie ne donne pas de précisions quant aux perspectives à long terme pour ladite union, et invite la Commission européenne à intégrer pleinement l’horizon 2050 dans l’union de l’énergie ainsi qu’à présenter une proposition de mise à jour de la feuille de route pour 2050, conformément à l’accord de Paris. Cette démarche serait en adéquation avec la résolution du Parlement européen dont l’objectif est de préparer pour 2018 une stratégie européenne visant à atteindre un niveau zéro d’émissions d’ici le milieu du siècle [2017/2620(RSP)].

1.5.

Dans ce contexte, le CESE attire l’attention sur l’importance primordiale de la gouvernance de l’union de l’énergie. Il rappelle, comme indiqué précédemment dans son avis sur la gouvernance de l’union de l’énergie (1), qu’il est essentiel de veiller à ce que la gouvernance encourage les décideurs à tous les niveaux à élaborer des plans à long terme au-delà de 2030, prenne en considération les intérêts et les opinions de toutes les parties intéressées au sein de la société, notamment ceux des groupes vulnérables, s’adapte à l’évolution de la réglementation et aux mutations technologiques, et permette aux citoyens de demander des comptes aux décideurs.

1.6.

Le CESE note que la transition énergétique a déjà commencé en Europe: des technologies efficaces et une préférence de la population pour les énergies propres tirent la consommation énergétique vers le bas tandis que la production d’énergie renouvelable est en hausse. Toutefois, le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie semble à certains égards excessivement optimiste dans son évaluation des progrès accomplis. Le CESE accueille favorablement les conclusions du troisième rapport concernant l’importance du dialogue de Talanoa de 2018, et souligne la nécessité de redoubler d’efforts sur le plan de l’innovation, des investissements, de la coopération et des échanges internationaux pour concrétiser notre ambition de devenir le chef de file mondial dans ce domaine.

1.7.

Le CESE regrette que le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie se concentre essentiellement sur les obstacles liés aux infrastructures techniques. À l’avenir, une attention bien plus grande devrait être accordée à d’autres barrières commerciales et institutionnelles qui empêchent le grand public, les consommateurs, les collectivités et les PME de prendre part à la transition vers une énergie propre et de tirer profit de celle-ci et des mécanismes de soutien européens connexes. L’on peut par exemple penser aux différences de coût du capital pour l’investissement dans les énergies renouvelables au sein de l’Union européenne, à la mise en œuvre lacunaire de l’état de droit, à la corruption, au manque de capacités administratives, aux difficultés d’accès au réseau ou encore à la numérisation insuffisante et à l’absence de démocratisation dans le système énergétique.

1.8.

Le CESE se félicite que le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie souligne la baisse du coût des technologies liées aux énergies renouvelables et autres énergies propres. Il invite la Commission à tenir compte de ces avancées dans le cadre de ses futurs instruments politiques et d’investissement, et à s’assurer que la perspective sociétale soit au cœur de la feuille de route pour 2050 actualisée.

2.   Contexte et réflexion sur les recommandations antérieures du CESE

2.1.

Il existe un soutien fort et croissant parmi la population européenne pour les objectifs de l’union de l’énergie et en faveur de politiques en matière de climat et d’énergie plus ambitieuses. La dernière enquête Eurobaromètre sur le changement climatique (2), réalisée en mars 2017, a montré que, parmi les personnes interrogées, 74 % considèrent le changement climatique comme un problème majeur, 79 % estiment que la lutte contre le changement climatique et une utilisation plus efficace de l’énergie peuvent stimuler l’économie et l’emploi dans l’Union européenne, 77 % sont d’avis que la promotion du savoir-faire européen en matière de nouvelles technologies propres auprès des pays tiers peut profiter à l’Union européenne sur le plan économique, et 65 % conviennent également qu’une réduction des importations de combustibles fossiles en provenance de pays tiers peut apporter à l’Union européenne des avantages économiques. De même, une grande majorité des répondants estiment que la transition vers les énergies propres devrait bénéficier d’une aide financière publique accrue, même si cela entraîne une réduction des subventions aux combustibles fossiles (79 %), et que réduire les importations de combustibles fossiles peut renforcer la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne (64 %).

2.2.

Les objectifs de l’union de l’énergie bénéficient également d’un soutien croissant au sein des milieux d’affaires européens, dans le secteur de l’énergie comme en dehors de celui-ci. Le nouveau scénario élaboré par le Groupement européen des entreprises d’électricité (Eurelectric) (3) en constitue un bon exemple. Eurelectric explique qu’à la lumière de l’accord de Paris et de l’urgence de lutter contre le changement climatique, la pollution de l’air et l’épuisement des ressources naturelles, il s’engage à investir dans la production d’énergie propre et des solutions favorisant la transition, à réduire les émissions et à poursuivre activement les efforts afin de devenir neutre en carbone bien avant le milieu du siècle, à promouvoir l’indispensable passage d’une économie basée sur les ressources à une économie européenne fondée sur la technologie, à favoriser la viabilité sociale et environnementale, ainsi qu’à intégrer la durabilité dans tous les maillons de notre chaîne de valeur et à prendre des mesures pour soutenir la transformation des actifs existants de manière à évoluer vers une société sans carbone.

2.3.

Un nombre croissant de constatations d’experts et de conclusions scientifiques confirment que les secteurs énergétique et de l’électricité sont susceptibles de bénéficier considérablement de la baisse rapide des prix de l’énergie solaire photovoltaïque, de l’énergie éolienne et des technologies d’équilibrage du réseau. Un rapport (4) publié récemment par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) constate que l’Union est en mesure de porter la part des énergies renouvelables dans son bouquet énergétique à 34 % d’ici 2030, soit le double de cette même part en 2016, avec une incidence économique positive nette. Selon ce même rapport, l’augmentation pourrait entraîner des économies comprises entre 44 et 113 milliards d’EUR par an d’ici 2030, si l’on cumule les économies liées au coût de l’énergie et les coûts évités en matière d’environnement et de santé. D’autres recherches récentes (5), dont les conclusions ont été publiées par Energy Union Choices, établissent que le scénario comportant le meilleur rapport coût-efficacité pour le bouquet énergétique de l’Union européenne prévoit une part bien plus importante d’énergies renouvelables dans l’électricité d’ici 2030 que ce qu’envisage la Commission européenne, à savoir 61 % comparé à 49 %. Ce scénario permettrait à l’Union européenne d’éviter 265 millions de tonnes d’émissions de CO2 supplémentaires et 600 millions d’EUR de coûts liés aux systèmes énergétiques par an d’ici 2030, et de créer 90 000 nouveaux emplois (net).

2.4.

Des initiatives importantes ont été lancées, notamment la déclaration de Malte de mai 2017 visant à accélérer la transition vers l’énergie propre dans les îles, y compris les régions ultrapériphériques de l’Union, le forum de la compétitivité industrielle en matière d’énergie propre, la communication sur une stratégie industrielle pour l’Europe, et les efforts visant à mettre sur pied une «alliance européenne pour les batteries». Tous ces éléments sont essentiels pour œuvrer en faveur d’une politique industrielle intégrée, en mesure de soutenir la transition énergétique tout en stimulant la création d’emplois de qualité, et devraient être considérés comme une occasion pour l’industrie de mettre en évidence la capacité de l’Europe à élaborer les solutions adéquates aux défis actuels.

2.5.

Le CESE a souligné à maintes reprises que l’union de l’énergie doit assurer aux entreprises européennes un environnement stable et favorable, qui leur permettra d’investir et d’embaucher et les incitera à le faire, en accordant à cet égard une attention particulière au potentiel des PME. Cela passe par l’établissement conjoint d’un système de gouvernance de l’union de l’énergie solide, lequel ne sera possible que si des changements en profondeur sont apportés au règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie proposé par la Commission européenne.

2.6.

Le CESE a toujours considéré que la disponibilité et l’accès physique à une énergie financièrement abordable sont la clé pour éviter la pauvreté énergétique, un problème qui empêche également la population de passer à des solutions à faible intensité de carbone. Par conséquent, le Comité accueille favorablement le lancement de l’observatoire de la précarité énergétique, qui est une première étape vers l’élaboration d’une action européenne plus étendue visant à éradiquer la pauvreté énergétique en Europe.

2.7.

Le CESE a demandé que la dimension sociale figure parmi les critères d’évaluation dans le prochain rapport sur l’état de l’union de l’énergie. Il se félicite dès lors vivement des initiatives menées par la Commission européenne, telles que celles liées aux régions à forte intensité de carbone et à la pauvreté énergétique, ainsi que de la création d’une sous-section spécifique consacrée à la dimension sociale de l’union de l’énergie dans ledit rapport. Il importe de conforter à l’avenir ce premier pas remarquable, par exemple en élaborant conjointement un «pacte social pour une transition énergétique portée par les citoyens».

2.8.

Le CESE note que la transition énergétique ne nécessite pas d’investir sensiblement plus que ce qui est nécessaire pour maintenir le système énergétique actuel, fondé sur des combustibles fossiles qui sont principalement importés. Elle requiert toutefois des investissements d’une nature sensiblement différente et notamment en faveur de la décarbonation, de la numérisation, de la démocratisation et de la décentralisation. Le principal défi réside dans la réaffectation du capital d’actifs et d’infrastructures à forte intensité de carbone vers des actifs et des infrastructures à faible intensité de carbone. Ce processus de réaffectation devrait être efficace du point de vue de l’utilisation des fonds publics européens et nationaux, ce qui pourrait par exemple prendre la forme d’une suppression progressive des subventions en faveur des combustibles fossiles, y compris les aides publiques de l’Union européenne pour les gazoducs, sans que cela n’ait d’incidence négative sur la compétitivité industrielle et l’emploi ni n’entraîne de distorsion sur le marché unique.

2.9.

Pour aider les investisseurs privés à effectuer cette réaffectation du capital, les pouvoirs publics devraient garantir des prix du carbone effectifs et prévisibles pour l’ensemble des activités économiques. Parmi les mesures qui pourraient être envisagées figure un prix du carbone plancher pour le régime d’échange de droits d’émission, combiné à une harmonisation des taxes sur l’énergie. Une telle démarche nécessiterait de rationaliser les outils politiques de l’Union européenne et d’éviter les chevauchements d’instruments qui faussent les signaux d’investissement. Le CESE a également invité la Commission à œuvrer activement pour instaurer un système mondial de tarification du carbone qui permettrait de créer des conditions de concurrence équitables pour les entreprises européennes sur les marchés d’exportation et pour les marchandises importées.

3.   Observations sur le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie et les mesures de suivi

3.1.   Mettre en place une gouvernance forte et démocratique pour la transition énergétique en Europe

3.1.1.

Le CESE estime que l’Union européenne et la plupart de ses États membres doivent démocratiser davantage l’élaboration des politiques énergétiques, par exemple en favorisant l’utilisation efficace d’outils tels que le sondage délibératif et l’initiative citoyenne européenne, et en garantissant un dialogue systémique et les ressources nécessaires pour que la société civile organisée puisse participer au développement et à la mise en œuvre des plans en matière d’énergie et de climat.

3.1.2.

Le CESE reconnaît qu’une gouvernance de l’union de l’énergie forte et démocratique requiert la création au sein de l’Agence européenne pour l’environnement d’un «service européen d’information sur l’énergie» capable de garantir la qualité des données fournies par les États membres, de créer un point d’entrée unique pour toutes les séries de données nécessaires à l’évaluation de l’état d’avancement de l’union de l’énergie, de définir avec les parties prenantes les hypothèses relatives aux différents scénarios, de fournir des modèles «open source» permettant de tester différentes hypothèses et de vérifier la cohérence entre différentes projections. Ses travaux devraient être librement accessibles à tous les décideurs politiques, ainsi qu’aux entreprises et au grand public.

3.1.3.

En vue de créer un environnement économique stable et favorable pour les entreprises européennes, en particulier pour les PME, l’Union européenne et tous les États membres devraient développer des plans énergétiques à long terme afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone convenu dans l’accord de Paris. Ces plans devraient être mis au point de la manière la plus inclusive possible et alimenter le plan à l’horizon 2030 et les plans à long terme envisagés dans le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie. Les stratégies de décarbonation régionales et sectorielles doivent également être conçues de manière à recenser les débouchés commerciaux et les possibilités locales et à anticiper les futures créations et pertes d’emploi afin d’assurer une transition sans heurts.

3.1.4.

Le CESE se félicite des initiatives visant à aider les régions à forte intensité de carbone et les îles dans leur transition énergétique. Il demande à la Commission européenne de continuer à soutenir les approches régionales de la transition énergétique. À cet égard, la Commission devrait inviter l’ensemble des États membres et des régions concernées à procéder conjointement à l’inventaire des atouts et des faiblesses de chaque région européenne s’agissant de la transition énergétique. Cet inventaire devrait être pris en compte dans leurs stratégies industrielles, ainsi que les aider à anticiper l’impact probable de la transition en termes de création et de pertes d’emploi, et de redéfinition de l’emploi.

3.1.5.

Le CESE invite également la Commission à poursuivre l’élaboration d’indicateurs permettant de surveiller les incidences de la transition énergétique sur les secteurs énergétiques et leur développement, et à améliorer les indicateurs sociaux, notamment ceux qui concernent la collecte de données précises et les nouveaux indicateurs intéressant le grand public et la société civile, comme souligné dans les avis du CESE en la matière (6).

3.2.   Élaborer conjointement un pacte social pour une transition énergétique portée par les citoyens

3.2.1.

Le CESE estime que l’Europe a besoin d’un «pacte social pour une transition énergétique portée par les citoyens», approuvé par l’Union européenne, les États membres, les régions, les villes, les partenaires sociaux et la société civile organisée, de manière à s’assurer que la transition ne laisse personne de côté. Ce pacte devrait devenir la sixième dimension de l’union de l’énergie et couvrir tous les aspects sociaux, notamment la création d’emplois de qualité, la formation professionnelle, l’éducation et la formation des consommateurs, la protection sociale, des plans spécifiques pour les régions en transition qui connaissent des pertes d’emplois, la santé et la pauvreté énergétique.

3.2.2.

Le CESE considère que l’union de l’énergie nécessite la création d’un Fonds européen d’ajustement à la transition énergétique qui permettra d’accompagner les travailleurs menacés de perdre leur emploi des suites de la transition énergétique. Cela constituerait le signal de la volonté de l’Europe de s’assurer que la transition énergétique ne laisse personne de côté.

3.2.3.

Le CESE voit dans la transition énergétique une opportunité d’éradiquer la pauvreté énergétique en Europe et d’améliorer la qualité de vie, la création d’emploi et l’inclusion sociale. Il y a lieu, en s’appuyant sur les conclusions de l’Observatoire de la précarité énergétique, d’élaborer un plan d’action européen visant à éradiquer la pauvreté énergétique en coopération avec les parties prenantes, y compris les associations de consommateurs, afin de veiller à ce que l’action publique cible toujours plus les causes profondes de cette précarité. Soulignant avoir constaté, dans son avis sur «Une énergie propre pour tous les européens» (7), que la précarité énergétique est une question d’investissement et que les ménages vulnérables se heurtent plus particulièrement à des obstacles en matière d’accès au financement, le CESE insiste sur la nécessité de passer progressivement de mesures palliatives à des mesures préventives, telles que la rénovation visant à transformer d’anciens bâtiments en bâtiments à la consommation d’énergie quasi nulle. À cet égard, les tarifs sociaux n’offrent qu’un répit temporaire et devraient être progressivement remplacés par des mécanismes tels que les chèques énergie ou les subventions en faveur de rénovations importantes des bâtiments et d’achats de voitures électriques.

3.2.4.

Afin de garantir une transition énergétique portée par les citoyens et de produire un maximum d’avantages économiques et sociaux pour l’ensemble de la société, il est essentiel de reconnaître et de soutenir chez les citoyens et au sein des communautés un sentiment d’appropriation à l’égard des sources d’énergie renouvelables locales. Tous les mécanismes d’aide et les réformes du marché de l’énergie devraient permettre aux communautés locales de prendre une part active à la production d’énergie et de bénéficier d’un accès équitable au marché de l’énergie. Il y a lieu de soutenir activement les États membres qui ne disposent pas des capacités institutionnelles nécessaires pour assurer une telle participation active du public à la transition énergétique et plus précisément pour faciliter l’accès des projets locaux aux mécanismes financiers de l’Union européenne.

3.2.5.

Le CESE estime que la Commission européenne devrait mettre au point un «programme Erasmus Pro vert», dans le prolongement de son projet pilote Erasmus Pro, ainsi que d’autres projets susceptibles d’attirer davantage de jeunes vers les secteurs en expansion de la transition énergétique en améliorant l’image et les conditions de travail de ces emplois.

3.2.6.

Le CESE se félicite de l’ambition de la Commission européenne de réduire de moitié le nombre de décès prématurés causés par la pollution atmosphérique d’ici 2030 (il y a eu 400 000 décès prématurés en Europe en 2015). Le Comité estime que l’Union européenne et l’ensemble de ses États membres devraient faire de la lutte contre la pollution de l’air une priorité politique de haut niveau. Les mesures réglementaires visant à réduire les polluants atmosphériques émis par les véhicules et les centrales électriques devraient être renforcées. Il convient en outre de mettre en place des mesures afin de parvenir, à terme, à se passer des combustibles fossiles dans le transport et la production d’électricité.

3.2.7.

Le CESE se félicite des améliorations que comporte le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie concernant les informations relatives à l’utilisation des instruments d’investissement de l’Union et leur incidence sur le grand public, les collectivités et les PME, mais constate qu’il est nécessaire d’améliorer les moyens pour les citoyens et les projets de proximité d’accéder à ces ressources (par exemple en soutenant les plateformes financières, en particulier dans les États membres qui ne disposent pas de telles structures).

3.2.8.

Le CESE tient à mettre en évidence les conclusions et constatations de l’étude sur les prosommateurs résidentiels dans l’union européenne de l’énergie, qui figurent dans les documents accompagnant le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie, en particulier l’une des constatations, à savoir qu’il n’existe aucun cadre réglementaire harmonisé pour les prosommateurs résidentiels dans l’Union européenne et que les États membres adoptent des approches différentes. Le Comité attire également l’attention sur la recommandation selon laquelle une définition commune et exhaustive des prosommateurs résidentiels pourrait jouer un rôle de catalyseur en faveur de l’établissement d’une politique et d’un cadre réglementaire de l’Union européenne forts et clairs, soutenant l’autoproduction par les consommateurs (8).

3.3.   Transports

3.3.1.

L’aspect électrification de la transition énergétique suppose une cohérence politique et juridique renforcée entre les segments traditionnellement séparés du secteur de l’énergie. L’intensification des interactions entre le secteur de l’électricité et celui des transports est déjà une réalité et le CESE accueille favorablement les efforts déployés pour assurer la cohérence entre le paquet législatif «Une énergie propre pour tous les européens» et le train de mesures pour une mobilité propre.

3.3.2.

Le CESE fait remarquer que le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie n’accorde aucune attention à la suppression progressive des carburants fossiles pour les ventes et/ou l’utilisation de voitures particulières annoncée récemment par plusieurs États membres et villes, notamment les Pays-Bas et la ville de Paris. Les incidents ayant entouré le scandale lié aux émissions des véhicules et les conséquences dans les domaines de la lutte contre le changement climatique, de la pollution atmosphérique, de la santé et de l’environnement mettent en lumière la nécessité impérieuse d’agir. Le CESE estime que l’Union européenne devrait fournir un cadre coordonné pour la suppression progressive du diesel et de l’essence pour les voitures particulières afin d’éviter que des décisions imprévisibles et non coordonnées prises à l’échelon national et infranational aient un impact négatif sur la compétitivité industrielle et l’emploi et faussent le marché unique.

3.3.3.

Pour éviter que les propriétaires à faibles revenus ne soient laissés pour compte avec des véhicules polluants dont l’accès à de nombreuses zones urbaines sera de plus en plus limité, il importe de mettre en place des incitations législatives et financières à l’échelle de l’Union européenne permettant de moderniser ou de convertir à bas coût les systèmes de propulsion des véhicules existants pour les faire évoluer des combustibles fossiles aux technologies à zéro émission. Une telle mesure permettrait également de réduire au minimum l’utilisation des ressources ainsi que le coût social du passage des voitures particulières utilisant des combustibles fossiles aux véhicules électriques. Elle pourrait aussi favoriser une transition renforçant la cohésion entre les régions et les États membres où le niveau des revenus est plus faible et ceux où il est plus élevé.

3.3.4.

Le CESE se félicite du fait que le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie voit dans les batteries un «élément stratégique des priorités en matière d’innovation» et considère que cette technologie s’inscrira dans «une technologie générique essentielle pour atteindre les objectifs de l’union de l’énergie». Le CESE soutient les initiatives visant à «mobiliser une aide substantielle en faveur des batteries et de la technologie des cellules de batterie» et à veiller à ce que l’Union européenne joue un rôle ambitieux sur le marché mondial.

3.4.   Infrastructures et développement industriel en faveur de la transition énergétique

3.4.1.

La transition énergétique a une incidence significative sur une série de secteurs industriels: tout d’abord sur les producteurs d’énergie et le secteur énergétique en lui-même, ensuite sur les industries utilisant l’énergie comme un facteur de production, surtout celles à forte intensité énergétique, et enfin, sur les secteurs qui fournissent des technologies et des solutions liées à l’énergie et au climat. Cette transition comporte pour les entreprises à la fois des risques et des avantages, et il est essentiel que l’Union européenne aide les industries à saisir les opportunités et à relever les défis.

3.4.2.

Le CESE déplore que le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie ne considère pas suffisamment le retrait annoncé des États-Unis de l’accord de Paris comme une occasion historique pour les entreprises, les innovateurs, les travailleurs et les investisseurs européens d’affirmer leur rôle de chefs de file au niveau mondial sur les marchés de l’énergie propre en pleine expansion. L’Union européenne devrait revoir à la hausse ses ambitions dans tous les domaines des énergies propres, de l’efficacité énergétique à l’électromobilité, afin d’offrir aux entreprises européennes un marché intérieur solide, où l’innovation peut être déployée en toute sécurité, et une stratégie industrielle intégrée, visant à exporter des solutions énergétiques propres dans le reste du monde.

3.4.3.

Le CESE réitère l’invitation faite à la Commission de procéder à une évaluation approfondie des instruments actuels de la politique de réduction des émissions de carbone, afin de veiller à ce que l’on utilise les outils adéquats pour atteindre les objectifs de la manière la plus efficace qui soit dans des marchés bien régulés. Il y a lieu d’éviter que des charges injustifiées et d’autres obstacles, comme la complexité des textes de loi, pèsent sur les utilisateurs d’énergie à cause d’un manque de concurrence et de transparence sur le marché.

3.4.4.

La nouvelle liste des «projets d’intérêt commun» (PIC) éligibles pour les aides publiques de l’Union qui accompagne le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie fait apparaître une baisse des projets axés sur les combustibles fossiles: 53 projets dans le secteur du gaz, comparé à 77 dans la liste précédente. Cependant, certains analystes affirment que ce n’est là que le résultat du regroupement et de la constitution en grappes de projets multiples, et que la nouvelle liste comporte en réalité environ 90 projets dans le secteur du gaz, ce qui constitue en fait une augmentation du nombre de projets gaziers. Compte tenu des risques économiques et environnementaux que comportent les actifs irrécupérables dans le cadre d’investissements dans des infrastructures utilisant des combustibles fossiles, il y a lieu de réévaluer dans les plus brefs délais ces projets ainsi que l’attribution du label PIC.

3.5.   Sécurité énergétique et dimension géopolitique de l’union de l’énergie

3.5.1.

Le CESE plaide, comme il l’a indiqué dans son avis publié l’an dernier, pour que la sécurité énergétique demeure un objectif essentiel de l’union de l’énergie. Une économie efficace sur le plan énergétique et des infrastructures de production, de transport et de stockage de l’énergie localisées durables et fiables, des marchés de l’énergie qui fonctionnent correctement et des relations commerciales pleinement conformes à l’acquis de l’Union européenne sont autant de facteurs clés contribuant à cette sécurité et doivent être garantis. L’objectif de sécurité énergétique doit être mieux défini, en dépassant les aspects liés aux importations d’énergie et à la production intérieure pour s’intéresser au potentiel d’accroissement de la résilience dans l’ensemble du système énergétique, d’innovation sociétale, d’évolution des comportements et de la cybersécurité.

3.5.2.

Le Comité se félicite de la dimension extérieure de l’union de l’énergie telle que présentée dans le troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie et souscrit à la position selon laquelle «les politiques extérieure et de développement de l’Union européenne sont essentielles pour faciliter au niveau mondial la transition vers une énergie propre et la décarbonation et pour accroître la sécurité énergétique et la compétitivité de l’Union européenne». Malheureusement, il est de plus en plus évident que certains États et certaines entreprises qui importent des combustibles fossiles dans l’Union européenne sont impliqués dans des pratiques qui ne correspondent pas aux pratiques commerciales normales, et tentent parfois d’influencer de manière agressive les politiques énergétiques et climatiques des États membres et d’autres parties prenantes. Pour garantir l’environnement démocratique crédible que requiert le débat politique sur la mise en œuvre de l’union de l’énergie, il est nécessaire de procéder à un suivi systématique de ces activités, de les divulguer publiquement et d’y apporter une réponse énergique.

3.5.3.

En raison de la numérisation des systèmes énergétiques, des infrastructures numériques de pointe doivent être mises en place, de manière que les mesures de renforcement de la cybersécurité soient au cœur des efforts visant à garantir la sécurité énergétique. Compte tenu de l’interaction entre réseaux électriques intelligents et véhicules électriques, les infrastructures d’électricité constitueront également un élément clé du système de transport. À cet égard, la cybersécurité des secteurs de l’énergie et des transports connectés et leurs infrastructures numériques gagneront encore en importance.

3.5.4.

Le succès de l’union européenne de l’énergie dépend de la capacité de faire respecter la législation européenne et de s’assurer que les projets énergétiques en Europe se déroulent dans le cadre de la législation européenne relative au marché. À cet égard, les projets d’investissement qui entrent potentiellement et, pour beaucoup, de manière patente en contradiction avec les objectifs de l’union de l’énergie, occasionnent une inquiétude spécifique. Ils suscitent des préoccupations d’ordre politique et économique dans un certain nombre d’États membres, ce qui semble contribuer à la perte de confiance des sociétés de ces pays dans les valeurs qui les ont amenées à souhaiter l’adhésion à l’Union européenne. Le non-respect de l’état de droit est également instrumentalisé par les responsables politiques réticents à l’égard de l’intégration européenne pour illustrer les faiblesses de cette intégration, ce qui ne fait que porter encore davantage atteinte à l’unité et à l’intégrité de l’Union européenne. Dès lors, le CESE recommande vivement que les projets tels que Nord Stream 2 ou tout autre projet d’importance stratégique soient développés conformément aux règles de l’union européenne de l’énergie.

4.   Participation de la société civile et contribution du CESE

4.1.

Le CESE est convaincu qu’il est crucial d’assurer la réussite de 2018 en tant qu’«année d’engagement» de l’union de l’énergie, non seulement pour des raisons démocratiques, mais aussi pour l’efficacité de la transition énergétique elle-même. La transformation du système énergétique de l’Europe sera en effet plus rapide, moins coûteuse et plus démocratique si elle est portée par des citoyens de plus en plus actifs en tant que consommateurs, prosommateurs, travailleurs, acteurs de l’externalisation ouverte (crowdsourcers) et du financement participatif (crowdfunders) de la transition énergétique. Le déploiement de moyens dans le domaine de la microfinance, par exemple grâce à des prêts au niveau local, et la facilitation des investissements sont essentiels pour favoriser la démocratisation, une large participation de la société et la viabilité sociale de la transition énergétique. L’Union européenne devrait s’efforcer de passer d’une situation où la politique de l’énergie, même au niveau national, est dictée par les décisions de quelques-uns à une situation où elle est effectivement déterminée par l’action de tous.

4.2.

Le CESE se félicite des appels du troisième rapport sur l’état de l’union de l’énergie en faveur de la mobilisation de l’ensemble de la société. Toutefois, la manière dont la Commission entend s’y prendre pour faire de cette mobilisation une réalité demeure floue en l’absence de proposition concrète à cette fin, et le rapport recense même des exemples hautement problématiques de «pionniers» en matière de transition vers une énergie propre. Le Comité invite la Commission européenne à nouer des relations plus étroites avec les décideurs et les parties prenantes, et plus particulièrement à rencontrer les conseils économiques et sociaux nationaux et régionaux et la société civile organisée en vue de garantir conjointement que tous les européens aient accès à une énergie propre.

4.3.

Le CESE est préoccupé par le niveau de participation du public et des communautés à l’élaboration des propositions législatives après le «large débat public» annoncé et lancé l’année dernière. Il propose que les futurs rapports sur l’état de l’union de l’énergie reflètent et présentent clairement les améliorations dans les politiques et les pratiques au sein de l’union de l’énergie adoptées sur la base de débats publics et de la participation du public.

4.4.

Dans ce contexte, le CESE approuve le rapport récemment adopté par le Parlement européen, qui indique que «les États membres devraient mettre en place une plateforme de dialogue permanente et multiniveaux sur l’énergie rassemblant les autorités locales, des organisations de la société civile, des entreprises, des investisseurs ainsi que toute autre partie prenante concernée afin de débattre des différentes options envisagées en ce qui concerne les politiques en matière d’énergie et de climat». Il réaffirme l’importance d’associer à ces plateformes les syndicats, les associations de consommateurs et les organisations de la société civile agissant en faveur de l’environnement, ainsi que de garantir les ressources indispensables à une participation effective.

4.5.

Le CESE souhaite contribuer activement à la poursuite du développement des synergies et de la coopération entre les institutions de l’Union européenne, la société civile organisée et les collectivités locales et régionales et leurs institutions, en ce qui concerne les objectifs de l’union de l’énergie. Les collectivités locales et régionales, grâce à leur proximité avec le grand public et à leur connaissance de chaque contexte local spécifique, détiennent les clés de l’adaptation et de la mise en œuvre efficaces des politiques liées à l’énergie. Elles constituent un niveau de prise de décision important dans des secteurs tels que les transports, l’urbanisme, la construction de bâtiments et la protection sociale, ce qui en fait un maillon indispensable de la mise en œuvre de mesures coordonnées en faveur de l’efficacité énergétique et des sources d’énergie renouvelables.

4.6.

Le CESE considère que les sciences sociales et humaines ont un rôle essentiel à jouer dans la mise à la disposition des décideurs économiques et politiques ainsi que du public des outils appropriés leur permettant de comprendre les éléments moteurs des choix énergétiques effectués par les utilisateurs finaux, notamment les PME et les citoyens. L’union de l’énergie requiert par conséquent un programme de recherche et d’innovation de l’Union européenne pour l’après-2020 qui soit orienté sur la mission et tienne pleinement compte des sciences sociales et humaines, comme le suggère le rapport de la Commission européenne qui reprend les conclusions du groupe indépendant d’experts de haut niveau sur l’optimisation des programmes de l’Union pour la recherche et l’innovation (rapport Lamy).

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 34.

(2)  https://ec.europa.eu/clima/news/eu-citizens-increasingly-concerned-about-climate-change-and-see-economic-benefits-taking-action_fr

(3)  https://cdn.eurelectric.org/media/2189/vision-of-the-european-electricity-industry-02-08-2018-h-864A4394.pdf

(4)  http://irena.org/newsroom/pressreleases/2018/Feb/EU-Doubling-Renewables-by-2030-Positive-for-Economy

(5)  http://www.energyunionchoices.eu/cleanersmartercheaper/

(6)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 117; JO C 288 du 31.8.2017, p. 100.

(7)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 64.

(8)  Étude JUST/2015/CONS/FW/COO6/0127.


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/94


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union européenne»

[COM(2017) 487 final — 2017/0224 (COD)]

(2018/C 262/16)

Rapporteur:

Christian BÄUMLER

Corapporteur:

Gintaras MORKIS

Consultation

Conseil, 15.11.2017

Base juridique

Article 207 du TFUE

 

 

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

28.3.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

203/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) souligne que les investissements directs étrangers constituent un important gisement de croissance, d’emploi et d’innovations. Depuis toujours, ils ont été un facteur essentiel au service d’un développement économique et social positif de l’Union européenne. Le CESE salue l’existence d’un environnement ouvert aux investissements et se félicite de l’existence des investissements directs étrangers.

1.2.

Le CESE fait le constat que les investissements étrangers n’ont pas seulement des aspects positifs, mais qu’ils peuvent aussi comporter des risques et mettre en péril la sécurité nationale et l’ordre public, dans un ou plusieurs États membres.

1.3.

Le CESE réclame que l’Union assortisse de mesures politiques puissantes et efficaces sa posture d’ouverture aux investissements directs étrangers.

1.4.

Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union européenne, présentée par la Commission, mais souligne que l’ampleur du problème n’est pas connue dans son entièreté, étant donné que la Commission n’a analysé ni les flux d’investissement ni leurs conséquences lors de l’ouverture de la procédure législative.

1.5.

La vérification des investissements effectués dans des entreprises et des cibles ayant une importance stratégique pour la sécurité nationale et l’ordre public de l’Union européenne intervient de manière lacunaire et non coordonnée: certains États membres disposent d’une procédure de filtrage, d’autres non, et donc les investissements dans ces pays ne font l’objet d’aucun contrôle. Un système à l’échelle de l’Union européenne devrait aider à combler cette lacune, à supprimer les différences existant entre les États membres et à garantir la protection des intérêts nationaux et européens.

1.6.

Il convient de veiller à ce que les États membres qui disposent de procédures de vérification des investissements directs étrangers et les pays où de telles procédures n’existent pas puissent dans la même mesure transmettre et recevoir des informations fiables, notamment sous la forme de rapports annuels transmis à la Commission européenne, lorsque les États membres ou la Commission constatent qu’un investissement direct étranger en projet ou déjà réalisé dans un État membre constitue un risque pour la sécurité ou l’ordre public.

1.7.

Le CESE se félicite que le règlement proposé définisse les critères essentiels des procédures relatives aux mécanismes de vérification tels que la transparence, la non-discrimination entre pays tiers et le contrôle juridictionnel, et que, ce faisant, elle renforce la sécurité des investissements ainsi que la sécurité juridique.

1.8.

Le CESE fait observer que l’Union européenne possède une compétence exclusive en matière d’investissements directs étrangers. Dans la mesure où il existe des systèmes nationaux de vérification dans les États membres de l’Union européenne, il est indispensable de créer une base juridique pour ces systèmes afin d’éviter l’insécurité juridique.

1.9.

Le CESE estime problématique que la Commission européenne se réserve le droit de vérifier les investissements uniquement pour les activités d’investissements susceptibles d’avoir des répercussions sur les projets ou programmes qui intéressent l’Union. Dans la mesure où les investissements directs étrangers ont des effets transfrontières sur l’ensemble ou sur une partie de l’Union européenne, l’Union européenne doit exercer sa compétence en matière de vérification des investissements.

1.10.

La signification des notions de «sécurité» et d’«ordre public» employés dans la proposition de la Commission n’est pas suffisamment exposée. Le CESE indique que, dans les secteurs économiques qui pourraient être concernés par la vérification, l’incertitude plane sur le fait que ces notions recoupent ou non les secteurs stratégiques et les technologies clés. Le CESE invite la Commission européenne à poursuivre ses efforts pour apporter des précisions à cette question.

1.11.

Le CESE salue l’obligation de mettre en place des points de contact dans les États membres, et se prononce en faveur de la création d’un groupe de coordination du contrôle des investissements dans l’Union européenne. Toutefois, le rôle de ces deux organes, le niveau de représentation et la relation entre les deux ne sont pas bien définis. La Commission devrait fournir davantage de précisions à ce sujet.

1.12.

Le CESE recommande d’associer les partenaires sociaux et la société civile au groupe de coordination de façon appropriée.

1.13.

Le CESE propose d’élargir le filtrage des investissements aux domaines sensibles que sont les infrastructures et les aménagements qui remplissent des fonctions sociales. Il s’agit notamment de la fourniture d’énergie et d’eau, des transports, des infrastructures numériques, des services financiers, des marchés financiers ainsi que du secteur de la santé.

1.14.

Le CESE est favorable à l’élargissement du filtrage des investissements aux technologies clés dans la mesure où les investisseurs sont contrôlés par le gouvernement d’un pays tiers, ou qu’ils en sont proches. Le CESE propose de prévoir dans le règlement une procédure de filtrage séparée pour les investissements directs étrangers provenant de pays tiers et émanant d’investisseurs étatiques ou proches du pouvoir en place.

1.15.

Le CESE a la conviction que le processus de vérification est plus efficace lorsqu’il s’exerce à l’égard d’investissements directs étrangers en prévision, et non à l’égard d’investissements directs déjà clos, et il invite la Commission à prendre en compte cette idée dans la proposition de règlement. Surtout, le CESE recommande un suivi des investissements a posteriori.

1.16.

Le CESE recommande, dans l’intérêt de la sécurité des investissements, de fixer des délais tant pour la question de savoir si un filtrage des investissements va avoir lieu, que pour la vérification dans son ensemble.

1.17.

Le CESE indique que la confidentialité des données des entreprises doit être garantie au cours du processus de vérification afin de ne pas dissuader les investisseurs potentiels.

1.18.

Le CESE préconise la coopération en matière de filtrage des investissements avec les États-Unis et d’autres partenaires commerciaux, ainsi que l’harmonisation internationale des règles régissant la vérification des investissements directs étrangers. À cet égard, le Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS) pourrait servir de source d’inspiration.

1.19.

Bien que la question de la réciprocité ne soit pas abordée dans la proposition de règlement, le CESE demande à la Commission d’appliquer le principe de réciprocité dans toutes les négociations entre l’Union européenne et les pays tiers au sujet des IDE, étant donné qu’un grand nombre d’investisseurs extérieurs à l’Union acquièrent des entreprises et organisations européennes, tandis que les investisseurs de l’Union européenne se heurtent souvent à des obstacles lorsqu’ils tentent d’investir dans d’autres pays. Surtout, le CESE préconise d’accélérer les négociations concernant l’accord d’investissement avec la Chine.

2.   Observations générales

2.1.

Le CESE marque son accord de principe sur les principaux éléments de la proposition de la Commission européenne relative à un règlement établissant une procédure de vérification des investissements directs étrangers au sein de l’Union européenne, selon lequel l’Union européenne est ouverte aux investissements étrangers qui contribuent à la croissance de l’Union en améliorant la compétitivité, en créant des emplois, en apportant des capitaux, des technologies, de l’innovation et de l’expertise, et en ouvrant de nouveaux marchés aux exportations de l’Union.

2.2.

Toutefois, il est préoccupant que des investisseurs étrangers, principalement des entreprises publiques, rachètent pour des raisons stratégiques des entreprises européennes qui disposent de technologies clés et s’apprêtent à reprendre des infrastructures, des technologies clés d’avenir ainsi que d’autres actifs importants pour assurer la sécurité des États membres et de l’ensemble de l’Union.

2.3.

Au cours des dix dernières années, les investissements en provenance de pays tiers ont sensiblement augmenté dans l’Union européenne. La communication de la Commission intitulée «Accueillir les investissements directs étrangers tout en protégeant les intérêts essentiels» contient des données statistiques qui montrent que la plupart de ces investissements proviennent des États-Unis, du Canada, de la Suisse ainsi que du Brésil, de la Chine et de la Russie. Au cours de la crise financière de 2008, les investissements chinois aux États-Unis ont été multipliés par dix! Ils sont passés de 2 milliards d’euros en 2009 à près de 20 milliards d’euros en 2015. Pour la seule année 2016, les investissements directs chinois dans l’Union européenne représentaient 35 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 77 % par rapport à 2015 et même de 1 500 % par rapport à 2010. Les investissements des entreprises européennes en Chine ont en revanche diminué de 25 % en 2016.

2.4.

En février 2017, trois États membres (la France, l’Allemagne et l’Italie) ont demandé à la Commission européenne d’élaborer des dispositions concernant les investissements directs étrangers dans l’Union européenne. Leur démarche était motivée par l’inquiétude face à l’hémorragie de savoir technologique que subit l’Union européenne, dès lors que des investisseurs de pays tiers achètent ses technologies pour servir leurs objectifs stratégiques nationaux, tandis que ceux de l’Union butent souvent sur des obstacles lorsqu’ils veulent investir dans d’autres États. Les trois pays susmentionnés ont fait valoir que dans les cas où des acteurs de l’Union européenne n’ont qu’un accès limité à des marchés extérieurs dans lesquels ils veulent investir, il y a lieu de faire jouer le principe de réciprocité. Ils ont demandé à la Commission européenne d’élaborer un instrument européen qui «prévienne les dommages […] résultant des investissements directs unilatéraux effectués par des acheteurs étrangers dans des secteurs sensibles, du point de vue de la politique industrielle et ou de celle de sécurité, et de garantir la réciprocité en la matière. Les instruments publics disponibles actuellement au niveau des États membres de l’Union ne suffisent pas à assurer une telle protection.»

2.5.

Le Parlement européen, dans sa résolution du 5 juillet 2017, a invité la Commission et les États membres à examiner les investissements directs étrangers effectués par des pays tiers dans les industries stratégiques, les infrastructures et les technologies clés d’avenir de l’Union européenne.

2.6.

La Commission européenne a déposé une proposition de règlement qui suggère un cadre juridique pour filtrer les investissements directs étrangers en provenance de pays tiers.

2.7.

La Commission européenne a décidé de limiter cette proposition aux domaines de la sécurité et de l’ordre public afin de parvenir à un accord minimal entre les États membres. Les communications électroniques, la cybersécurité, la protection des infrastructures critiques et la compétitivité industrielle des produits et des services de cybersécurité figurent par exemple, toujours selon l’exposé de la Commission, au nombre de ces domaines.

2.8.

La signification des notions de «sécurité» et «d’ordre public» sont insuffisamment précisées dans le contexte donné, pour éviter tout problème et divergences d’interprétation. Le CESE indique que, dans les secteurs économiques qui peuvent être concernés par la vérification, l’incertitude plane sur le fait que ces notions recoupent ou non les secteurs stratégiques et les technologies clés. Le CESE invite la Commission européenne à poursuivre ses efforts pour préciser cette question.

2.9.

Le CESE prend acte du fait que la Commission européenne reconnaît intégralement aux États membres la nécessité de conserver la souplesse dont ceux-ci ont besoin en matière de vérification des investissements directs étrangers [voir le document COM(2017) 494]. Cela signifierait que seuls les États membres pourraient prendre des décisions concernant les investissements directs étrangers provenant de pays tiers.

2.10.

Depuis toujours, le CESE juge que la politique de l’Union européenne en matière de commerce et d’investissement «doit être cohérente et compatible» avec celles qu’elle mène dans le domaine de l’économie et dans d’autres champs d’action au sein de l’Union européenne comme par exemple ceux «de la protection de l’environnement, du travail décent, de la santé et de la sécurité sur les lieux de travail». Une stratégie de l’Union européenne en matière d’investissements joue un rôle crucial lorsqu’il s’agit de préserver la compétitivité de l’Union européenne en ces temps de mutations rapides de l’économie et de glissements considérables dans les équilibres économiques mondiaux.

2.11.

Le CESE note que l’Union européenne constitue l’une des entités économiques les plus ouvertes à l’investissement direct étranger, lequel y afflue dans des volumes toujours plus importants. Il se concentre de plus en plus sur une poignée de secteurs qui font l’objet d’un ciblage stratégique, ainsi que sur des entreprises d’une taille excédant la moyenne et, dans une mesure croissante, provient d’entreprises d’État ou d’investisseurs étroitement liés aux pouvoir publics.

2.12.

La Commission estime qu’en revanche, les restrictions aux investissements directs étrangers se multiplient à l’échelle mondiale depuis 2016. Dans les pays tiers, il arrive souvent que les investisseurs venant de l’Union ne jouissent pas des mêmes droits que ceux qui investissent sur son territoire. Le CESE avait déjà déploré en 2011 que la Commission, lors de l’élaboration du document intitulé «vers une politique européenne globale en matière d’investissements internationaux», ne se soit pas exprimée au sujet de la question du rachat d’entreprises stratégiques, et il l’avait invitée à mener une réflexion au sujet de la réciprocité.

2.13.

Le CESE souligne que les trois États membres susmentionnés, qui ont lancé cette initiative visant à élaborer un instrument européen de vérification des investissements, ont rappelé la nécessité de maintenir le principe de réciprocité lorsque les investisseurs européens n’ont qu’un accès limité aux marchés extérieurs à l’Union. Cette question de la réciprocité n’a pas été abordée dans le projet de règlement. Toutefois, en ce qui concerne les investissements directs étrangers, le principe de réciprocité doit être appliqué dans toutes les négociations de l’Union européenne avec des pays tiers portant sur des IDE.

2.14.

Les investissements étrangers effectués dans l’Union européenne ont pour axe stratégique l’acquisition d’entreprises européennes qui développent des technologies clés ou assurent l’entretien d’infrastructures d’une importance capitale pour accomplir des missions indispensables à la société et à l’économie. La combinaison de ces développements n’a pas manqué de susciter des préoccupations, tant chez les citoyens européens que parmi les entreprises et les États membres de l’Union européenne. Ces inquiétudes appellent des réponses appropriées, comme il est indiqué dans le document de réflexion de la Commission sur la maîtrise de la mondialisation, publié le 10 mai 2017, et dans le discours sur l’état de l’Union, prononcé le 13 septembre 2017.

2.15.

Le CESE réclame que l’Union assortisse de mesures politiques puissantes et efficaces sa posture d’ouverture aux investissements directs étrangers.

2.16.

Le CESE souligne qu’une partie des États membres a réalisé de longue date que les investissements étrangers n’ont pas que des aspects positifs, mais qu’ils peuvent aussi comporter des risques et mettre en péril la sécurité nationale et l’ordre public. Ce diagnostic vaut tout particulièrement pour ceux visant des entreprises et des cibles qui revêtent une importance stratégique. En conséquence, ces pays ont élaboré des systèmes nationaux de filtrage des investissements étrangers.

2.17.

Le CESE indique que la vérification des investissements effectués dans des entreprises et des cibles d’importance stratégique pour la sécurité nationale ou la sécurité de l’Union européenne intervient de manière lacunaire et non coordonnée: certains États membres disposent d’une procédure de filtrage, d’autres non, et donc les investissements dans ces derniers pays ne font l’objet d’aucun contrôle. Il est évident que dans de telles circonstances, il est impossible de protéger les États membres ni l’Union européenne elle-même des investissements qui ont pour but le rachat d’entreprises et de cibles importantes, lorsqu’un pays tiers procède de manière ciblée avec des intentions politiques et économiques en vue de planifier les possibilités de manipulation dont il dispose. Créer un système à l’échelle de l’Union européenne devrait aider à supprimer les différences existant entre les États membres et à garantir la protection des intérêts nationaux et européens.

2.18.

Le CESE considère que le «filtrage des investissements» proposé par la Commission européenne représente un premier pas dans la bonne direction mais qu’il ne répond pas aux exigences évoquées ci-dessus. La proposition n’impose même pas aux États membres de mettre en place leur propre instance de filtrage des investissements.

2.19.

Le CESE reconnaît que c’est en vue de garantir la sécurité juridique que la Commission propose ce règlement à l’attention des États membres qui ont instauré des mécanismes nationaux de filtrage des investissements.

2.20.

Le CESE se félicite que le règlement proposé définisse les critères essentiels en matière de procédures relatives aux mécanismes de filtrage, tels que la transparence, la non-discrimination au détriment des pays tiers et le contrôle juridictionnel, et qu’il renforce, ce faisant, la sécurité des investissements.

2.21.

Même si le règlement projeté vise à recueillir davantage d’information au sein de l’Union sur les investissements directs étrangers et à contrôler l’utilisation des mécanismes de filtrage par les États membres, il sera très malaisé, en pratique, de garantir sa mise en œuvre harmonisée au niveau de l’Union. Il convient de veiller à ce que, tant les États membres qui disposent de procédures de filtrage des investissements directs étrangers, que les pays où de telles procédures n’existent pas, puissent dans la même mesure transmettre et recevoir de la même façon des informations fiables, notamment sous la forme de rapports annuels transmis à la Commission européenne, lorsque les États membres ou la Commission constatent qu’un investissement direct étranger en projet ou déjà réalisé dans un État membre est susceptible d’avoir un effet sur la sécurité ou l’ordre public.

2.22.

Le CESE soutient la Commission lorsqu’elle propose d’obliger les États membres à créer des points de contact et, avec eux, de former un groupe de coordination composé de représentants des États membres. Toutefois, le rôle de ces deux organes, le niveau de représentation et la relation entre les deux ne sont pas bien définis. Le CESE recommande d’associer les partenaires sociaux et la société civile de façon appropriée.

2.23.

Le CESE estime problématique que la Commission européenne limite la vérification des investissements uniquement au cas des activités d’investissements susceptibles d’avoir des répercussions sur les projets ou programmes qui intéressent l’Union. Dès lors que la responsabilité du contrôle des investissements directs étrangers incombe principalement aux États membres, le risque existe qu’un investisseur étranger dont l’objectif est le rachat d’importantes entreprises ou cibles choisisse, pour engager ses investissements, le pays qui présente le moins de protection contre ce type d’investissement, et qu’il se ménage ensuite, grâce au marché intérieur, un accès à des États dont les dispositifs de protection dans ce domaine sont plus importants.

2.24.

Le CESE attire l’attention sur le fait que l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive en matière d’investissements directs étrangers, qui relève d’une compétence exclusive concernant la politique commerciale commune inscrite dans le traité de Lisbonne. En vertu de l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les investissements directs étrangers relèvent de la politique commerciale commune de l’Union européenne. Aux termes de l’article 206 de ce même traité, l’Union contribue «à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs».

2.25.

Le CESE juge que l’Union européenne se doit d’assumer la responsabilité qui lui incombe concernant ces investissements directs étrangers, dans les domaines où ces investissements ont une incidence transfrontière sur l’ensemble de l’Union européenne ou dans certaines régions de l’Union. C’est à la Commission qu’il doit appartenir tant de les contrôler que de décider s’ils peuvent être autorisés. Il convient que les États membres soient associés aux processus décisionnels concernant ces investissements en disposant d’un droit d’audition contraignant et par l’intermédiaire du groupe de coordination qui doit être constitué.

2.26.

Le CESE fait observer que, dans les directives concernant les infrastructures critiques européennes (ICE) et la sécurité des réseaux et des systèmes d’information (SRI), l’Union européenne a déjà défini des domaines sensibles qui touchent à ses intérêts essentiels dans le domaine de la sécurité. Aux termes de la directive ICE, les infrastructures «critiques» englobent les dispositifs ou systèmes qui revêtent une importance décisive pour préserver les fonctions vitales de la société, la santé, la sécurité et le bien-être économique et social. La directive SRI s’adresse aux prestataires de services qui garantissent les conditions indispensables pour assurer les activités sociales et économiques «critiques», parmi lesquelles se rangent l’énergie, les transports, les services financiers et le marché de la finance, ainsi que le système de soins de santé et l’approvisionnement en eau.

2.27.

Dès 2011 (1), le CESE avait souligné que des partenaires commerciaux de l’Union européenne, tels que le Canada et les États-Unis, disposaient déjà de mécanismes de contrôle des investissements directs étrangers et que l’investissement devait être l’une des composantes d’une politique extérieure de l’Union européenne conçue dans une démarche plus large.

2.28.

Le CESE fait observer que s’agissant de filtrer les investissements, les États-Unis possèdent une vaste panoplie d’outils, qui peuvent être mobilisés avec beaucoup de souplesse. Le contrôle des investissements directs étrangers dans ce pays est réalisé, au niveau fédéral, par un comité interministériel dénommé CFIUS («Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis») et peut suspendre, interdire ou soumettre à certaines conditions la transaction à laquelle il s’oppose. Sa mission essentielle consiste à indiquer le risque que pourraient faire courir à la sécurité nationale les fusions et rachats susceptibles d’aboutir à une prise de contrôle de firmes américaines par des acteurs étrangers. Ce danger pour la sécurité nationale est défini comme l’atteinte à la sécurité des États-Unis découlant du rachat d’une technologie critique ou de certains éléments d’infrastructure. Le contrôle afférent est défini dans les dispositions mêmes de l’instance, qui a ainsi la latitude d’adapter cette définition. Cette forme de filtrage des investissements pourrait également revêtir un intérêt pour l’Union européenne.

2.29.

En Chine, des mesures sectorielles restrictives s’appliquent aux investissements étrangers. La Commission nationale pour le développement et la réforme (CNDR) et le ministère du commerce y ont promulgué la version 2017 du Manuel pour la gestion des secteurs d’investissement étranger. Il contient une liste nationale négative, reprenant les secteurs dans lesquels les investissements sont soumis à des restrictions ou encore interdits. Ces «restrictions» consistent à prescrire une autorisation préalable du ministère du commerce. La confection de cette liste négative offre au gouvernement la possibilité d’appliquer ses limitations et conditions. On y trouve aussi bien des secteurs sensibles, telle la presse papier, que l’industrie automobile tout entière, à laquelle s’applique une règle spécifique concernant les coentreprises. Pour les secteurs exempts de restrictions, le gouvernement se borne à exiger que les projets d’investissement étranger soient enregistrés.

2.30.

Le CESE fait observer que les secteurs clés énumérés par la Chine dans son «Made in China 2025» («Fabriqué en Chine 2025») sont les suivants: «l’informatique de la prochaine génération, les appareillages sophistiqués de contrôle numérique et la robotique, les équipements spatiaux et aéronautiques, ceux d’ingénierie maritime et la construction navale de haute technologie, les matériels ferroviaires avancés, les véhicules économisant l’énergie et les véhicules à énergies nouvelles, les équipements électriques, les machines et matériels agricoles, les nouveaux matériaux, la biomédecine et les appareils médicaux à haute performance». C’est dans ces branches que l’on peut supputer des rachats d’entreprises européennes.

2.31.

Le CESE constate que les réserves exprimées ne concernent pas seulement les investissements directs étrangers de la Chine. Les investissements de la Russie, en particulier dans le secteur de l’énergie, suscitent des inquiétudes dans les pays concernés en ce qui concerne une éventuelle dépendance dans ce secteur revêtant une importance stratégique.

2.32.

Le CESE juge trop étroit le champ d’application du filtrage des investissements qui est proposé, et suggère que le contrôle de ceux-ci soit étendu à des domaines stratégiques et, en particulier, à des technologies clés. Pour définir ces secteurs stratégiques, il conviendrait de tenir compte du plan «Made in China 2025» («Fabriqué en Chine 2025»).

2.33.

Le CESE est convaincu de la compatibilité avec les règles de l’OMC que présenterait un tel filtrage des investissements, qui couvrirait également des technologies clés d’importance stratégique. L’Union européenne a transposé l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC) (Agreement on Subsidies and Countervailing Measures — ASCM) de l’OMC. En conséquence, des investissements directs étrangers ne peuvent être refusés que s’ils affectent des intérêts essentiels en matière de sécurité, qui peuvent, selon la conception du CESE, être en jeu lorsqu’il s’agit de préserver les valeurs d’une société, et il n’est possible de les soumettre à des restrictions que si l’investisseur est sous le contrôle d’un gouvernement ou a des liens de proximité avec lui.

2.34.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel il convient de tenir compte, lors de la procédure de filtrage, de la possibilité de contrôler un investisseur étranger lié au gouvernement d’un pays tiers, y compris par des moyens financiers importants. Le CESE propose de prévoir dans le règlement une procédure de contrôle séparée pour les investissements directs étrangers provenant de pays tiers et émanant d’investisseurs étatiques ou proches du pouvoir en place.

2.35.

Le CESE a la conviction que le processus de vérification est plus efficace lorsqu’il s’exerce à l’égard d’investissements directs étrangers en prévision, et non à l’égard d’investissements directs déjà clos, et il invite la Commission à prendre en compte cette idée dans la proposition de règlement. Surtout, le CESE recommande un suivi des investissements a posteriori.

2.36.

Le CESE accueille favorablement le règlement proposé par la Commission, mais il est évident que le problème n’est pas appréhendé dans son intégralité. Lors de l’ouverture de la procédure législative, la Commission n’a analysé ni les flux d’investissement ni leurs effets, et ce n’est qu’ensuite seulement qu’elle a entamé une analyse des flux d’investissements.

3.   Observations particulières

3.1.

Le CESE préconise une coopération avec les États-Unis et d’autres partenaires commerciaux. Une harmonisation internationale des règles en matière de contrôle des investissements étrangers directs aurait pour effet de limiter les conflits et de favoriser la sécurité de l’investissement. Avec des pays comme la Chine, il conviendrait à tout le moins de nouer un dialogue sur sa politique d’investissement, sur son territoire comme à l’étranger, l’objectif devant être de parvenir à conclure avec ce pays des accords de commerce et de protection des investissements qui soient axés sur les normes de l’Union européenne en la matière et sur le principe de la réciprocité. Surtout, le CESE préconise d’accélérer les négociations concernant l’accord d’investissement avec la Chine.

3.2.

La durée de ce processus de filtrage pourrait devenir un écueil important pour les candidats investisseurs et obérer ainsi la compétitivité globale de l’État qui l’applique. Pour atténuer ces effets dommageables, il convient que la durée de la procédure de l’Union européenne ne dépasse pas les délais impartis pour celles des pays membres.

3.3.

Afin d’éviter des charges administratives supplémentaires, il convient d’examiner s’il est possible de fixer un montant minimal d’investissement à partir duquel une vérification est requise. Il convient de garder à l’esprit que la création d’entreprise peut également avoir une importance considérable en matière de technologie clé.

3.4.

Même si le règlement projeté vise à recueillir davantage d’information sur les investissements directs étrangers qui sont effectués dans l’Union européenne et à contrôler l’utilisation des mécanismes de filtrage par les États membres, il sera très malaisé, en pratique, de garantir une mise en œuvre harmonisée au niveau de l’Union. Cette difficulté tient aux disparités qui existent entre les pays de l’Union qui sont dotés de dispositifs de contrôle des investissements directs étrangers et ceux qui en sont dépourvus. Le système ne doit pas créer une inégalité de droits et d’obligations en rapport avec la coopération entre les États et la Commission européenne en matière d’échange d’informations dans les cas où certains investissements étrangers prévus ou réalisés peuvent avoir un effet sur la sécurité et l’ordre public.

3.5.

L’État membre auquel d’autres ont adressé des observations n’est pas obligé par le règlement à les prendre dûment en compte. La même remarque s’applique aux avis que la Commission émet à l’intention d’un État membre, qui n’est pas nécessairement tenu de le suivre. Les situations de ce type demandent à être expliquées de manière plus détaillée. On ne voit pas bien quelles actions la Commission pourrait enclencher — si tant est qu’elle le fasse — lorsqu’elle estimera que l’explication donnée par l’État membre n’est pas adéquate.

3.6.

Le futur développement de l’instrument de filtrage des investissements devrait, au minimum, prendre en compte également d’autres facteurs susceptibles d’affecter la sécurité et l’ordre public: les pratiques qui perturbent le commerce équitable, les restrictions en matière de concurrence ou l’absence de transparence des investissements. La politique en matière d’investissement et de commerce doit être l’une des composantes de la politique industrielle de l’Union européenne.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Avis du CESE relatif à la politique en matière d’investissements internationaux, rapporteur: M. Peel (JO C 318 du 29.10.2011, p. 150).


25.7.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 262/101


Avis du Comité économique et social européen sur le «Plan d’action de l’Union européenne 2017-2019 — Éliminer l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes»

[COM(2017) 678 final]

(2018/C 262/17)

Rapporteure:

Anne DEMELENNE

Corapporteure:

Vladimíra DRBALOVÁ

Saisine

Commission européenne, 13.12.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27.3.2018

Adoption en session plénière

19.4.2018

Session plénière no

534

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite de manière générale des efforts déployés par la Commission européenne pour remédier à la persistance de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes en proposant un ensemble d’activités large et cohérent dans le plan d’action à l’examen. Cependant, il considère que chacun des huit volets mériterait un développement approfondi.

1.2.

Le CESE recommande de se concentrer sur les racines culturelles et les stéréotypes dans les systèmes d’éducation et d’apprentissage affectant les choix de carrière; préconise en outre d’approfondir les raisons sous-jacentes de la ségrégation sur les marchés du travail et d’imposer des mesures plus fortes pour la contrer.

1.3.

approuve la proposition de la Commission concernant la transparence salariale et des audits de rémunération dans les secteurs et entreprises afin de faciliter la récolte des données (statistiques) individualisées et des plans d’action appropriés. Le semestre européen est un moyen efficace d’encourager les États membres à prendre d’urgence des mesures appropriées et à mettre en place notamment une infrastructure solide de structures d’accueil des enfants et de soins de longue durée accessibles et abordables.

1.4.

Le CESE recommande de poursuivre les efforts de la stratégie 2020 pour atteindre l’objectif de 75 % de taux d’emploi des femmes et des hommes, de préférence à temps plein.

1.5.

Le CESE se félicite que la Commission reconnaisse le rôle essentiel des partenaires sociaux dans le processus en tant qu’acteurs clé sur le marché du travail. Il met en relief à la fois la contribution des organisations de la société civile et les principes de partenariat sur la base de responsabilités clairement définies.

1.6.

Le CESE félicite la Commission pour les moyens financiers déployés pour les différents projets mais insiste sur la nécessité, lors du cadre financier pluriannuel, d’en dégager d’autres pour la concrétisation de l’ensemble du plan d’action, notamment dans le financement d’infrastructures d’accueil et de soins, sans qu’ils soient pénalisants pour les États membres (en respectant, donc, la «règle d’or»).

2.   Introduction

2.1.

Le principe de l’égalité de rémunération est inscrit dans les traités de l’Union européenne depuis 1957. Établir l’égalité salariale en promouvant des droits pour les femmes c’est en gagner pour tous: c’est avancer vers une société juste et équitable bénéfique à tous (1). Les luttes pour les droits des femmes ont porté sur le devant de la scène les inégalités entre les femmes et les hommes, amenant le législateur (tous niveaux de pouvoir confondus) à prendre des mesures en la matière. Pourtant, ces inégalités continuent à exister dans les divers rapports sociaux, dans la famille, à l’école, dans la société, la politique et le monde du travail.

2.2.

Combler l’écart de rémunération «non ajusté» entre les sexes demeure un véritable défi à surmonter. L’Union européenne, les États membres et les partenaires sociaux, avec l’aide de la société civile, sont appelés à coordonner leurs actions dans le cadre d’approches ciblées, combinant l’application des mesures législatives et non législatives visant à s’attaquer simultanément aux causes multiples des inégalités salariales entre les femmes et les hommes, et ce tant au niveau national qu’européen, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020.

2.3.

L’écart de rémunération entre les sexes est plus faible dans les pays où l’égalité globale est plus élevée et dans les pays où la couverture des négociations collectives est étendue. Selon les estimations, une augmentation de 1 % de la «couverture» du dialogue social réduit l’écart de rémunération entre les sexes de 0,16 %, et plus le degré de coordination au niveau de la formation des salaires est élevé, plus la répartition des rémunérations sera égale (2).

3.   Le contexte en chiffres

3.1.

Selon l’écart de rémunération entre les sexes, les femmes dans l’Union européenne continuent de gagner en moyenne 16,3 % de moins que les hommes. Comprendre les causes et les conséquences de ce phénomène est le premier pas pour combler l’écart salarial entre les sexes. Les facteurs décrits ci-dessous font tous partie du problème d’une part et de la solution d’autre part.

3.2.

Le taux d’emploi: la stratégie Europe 2020 a fixé l’objectif de 75 % de femmes et hommes employés en 2020. Cependant, en 2014, le taux d’emploi global de l’Union européenne se situait à 64,9 % avec un taux particulièrement faible pour les femmes (59,6 %, contre 70,1 % pour les hommes âgés de 20 à 64 ans). La participation des femmes devient essentielle et un ajustement radical doit être fait concernant le marché du travail, en veillant à ce qu’il soit accessible aux femmes. Dans son rapport sur l’écart de taux d’emploi entre les femmes et les hommes, Eurofound estime qu’il coûte à l’Union environ 370 milliards d’euros par an, soit 2,8 % de son PIB.

3.3.

Le temps partiel: En 2015, environ 8 personnes sur 10 ayant un emploi dans l’Union européenne travaillaient à temps plein et 2 sur 10 à temps partiel. Parmi ces 44,7 millions de travailleurs à temps partiel, 10,0 millions étaient en situation de sous-emploi, ce qui signifie qu’ils souhaitaient accroître leur temps de travail. Ceci représente plus d’un cinquième (22,4 %) de l’ensemble des travailleurs à temps partiel et 4,6 % de l’emploi total dans l’Union européenne. Deux tiers de ces travailleurs à temps partiel en situation de sous-emploi étaient des femmes (66 %). Cette situation a une incidence négative sur les perspectives de formation, l’évolution de carrière, les indemnités de chômage et les droits à la pension.

3.4.

L’équilibre hommes-femmes aux postes de direction: selon l’indice d’égalité de genre de 2017, publié par le très efficace Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), parmi les huit domaines évalués par l’indice, l’écart entre la représentation des hommes et des femmes dans la prise de décision politique, sociale et économique a affiché le plus faible taux d’égalité. Toutefois, en se concentrant plus particulièrement sur la sphère économique, les éditions de l’indice de 2013 et 2017 prises ensemble indiquent une augmentation progressive du nombre de femmes présentes dans les conseils d’administration, de 9 % à 21 % entre 2003 et 2015. C’est le cas pour les États membres qui ont adopté une législation contraignante, tels que la France et les Pays-Bas. Cette estimation ne concerne que les grandes entreprises cotées en bourse.

3.5.

Bien que les microentreprises et les petites et moyennes entreprises (PME) représentent la vaste majorité des employeurs sur le continent (en 2014, elles constituaient 99,8 % de l’ensemble des entreprises dans l’EU-28 et employaient près de 90 millions de personnes — 67 % de l’emploi total), les indicateurs et les mesures politiques se concentrent sur les plus grands conseils d’administration. Si les mesures législatives introduites ces dix dernières années ont abouti à un progrès intéressant, des efforts supplémentaires sont encore à faire. Différents outils existent à la disposition des différents États membres: approches volontaires, quotas, sanctions, etc.

3.6.

La crise et, dans certains États membres, les choix d’austérité liés aux réformes budgétaires ont conduit à moins de moyens et d’investissements dans les infrastructures sociales et publiques. Aucune évaluation d’impact selon le genre n’a été effectuée alors que l’accès à celles-ci est devenu plus difficile. Il existe pourtant un lien direct entre la pauvreté des mères et le risque de pauvreté et d’exclusion sociale des enfants. De plus, on constate maintenant que l’écart entre hommes et femmes en termes de pensions s’élevait en 2015 à 38 % dans l’Union européenne (3), ce qui équivaut à dire que beaucoup plus de femmes sont en risque de pauvreté quand elles atteignent un âge avancé.

3.7.

La ségrégation entre les sexes dans les professions et les secteurs: selon la Commission, la ségrégation entre les sexes dans les secteurs d’activité est l’un des principaux moteurs de l’écart de rémunération entre les sexes. Un certain nombre de secteurs et d’emplois continuent d’être dominés par des hommes ou des femmes: moins de femmes choisissent d’aller dans des secteurs mieux rémunérés tels que la construction, l’industrie, les transports, les sciences et les TIC. «Attirer davantage de femmes vers le secteur des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM) contribuerait à une augmentation du PIB de l’Union européenne par habitant de 2,2 % à 3,0 % en 2050» (4). La Commission note par ailleurs que les hommes, en revanche, entrent rarement dans des secteurs clés pour l’avenir de la société et de l’économie européennes, tels que l’éducation, les soins infirmiers et les professions de soignant dans les soins de santé.

3.8.

Selon le plan d’action, les femmes quittent le marché du travail pour prendre soin des enfants et/ou des membres de leur famille et, lorsqu’elles ne quittent pas le marché du travail entièrement, elles acceptent souvent des postes moins qualifiés pour accommoder leurs fonctions familiales à leur retour au travail (5). L’impact négatif du manque d’établissements de garde pour les enfants qui soient de qualité, abordables et assortis de longues heures d’ouverture sur la participation des femmes au marché du travail est abordé dans les objectifs de Barcelone, qui sont pourtant toujours loin d’être atteints.

3.9.

L’impact salarial pour certains groupes vulnérables (femmes à la tête de familles monoparentales, femmes peu qualifiées et celles qui, en plus, sont issues de l’immigration, ont un handicap, etc.) doit faire objet d’une attention particulière.

4.   Le plan d’action proposé

4.1.

Le plan d’action qui vient d’être proposé par la Commission prévoit un ensemble cohérent de mesures destinées à s’attaquer l’écart de rémunération homme-femme sous tous les angles possibles, plutôt qu’à isoler un facteur ou une cause unique. Ces mesures se renforceront mutuellement. Le CESE soutient ce plan mais recommande à la Commission de veiller à l’évaluation des mesures actuelles déjà préconisées et de les implémenter le cas échéant au travers du semestre européen.

4.2.

Huit grands volets d’action ont été définis:

1)

améliorer l’application du principe d’égalité salariale;

2)

lutter contre la ségrégation occupationnelle et sectorielle (la ségrégation horizontale);

3)

briser le «plafond de verre» (la ségrégation verticale);

4)

éliminer l’effet pénalisant des obligations familiales;

5)

améliorer la valorisation des compétences, des efforts et des responsabilités des femmes;

6)

faire la transparence: dénoncer les inégalités et les stéréotypes;

7)

alerter et informer au sujet de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes; et

8)

renforcer les partenariats pour éliminer l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes.

Pour que ces actions soient efficaces, des synergies seront nécessaires entre les mesures prises par les principaux intervenants au niveau de l’Union européenne, des États membres et des entreprises.

4.3.

Le CESE constate que la plupart des mesures proposées en faveur de l’égalité hommes-femmes sont appropriées et considère que cet ambitieux plan d’action se révèlera efficace s’il s’appuie sur une compréhension commune des facteurs à l’origine de l’écart salarial entre les sexes. À ce propos, un élément important concerne la récolte de statistiques au niveau d’Eurostat, laquelle doit se baser sur des données individualisées et non plus sur celles du ménage, parce que celles-ci contribuent à masquer la pauvreté des femmes. Il doit également compter sur la participation active de l’ensemble des intervenants publics et privés à tous les niveaux: collectivités locales, institutions de l’Union européenne, États membres, partenaires sociaux, entreprises publiques et privées, corps éducatifs, organisations de la société civile (OSC), etc.

4.4.

Le CESE rappelle aux États membres le besoin d’investir dans des systèmes éducatifs non discriminatoires et inclusifs. Une plus grande mixité dans l’accès aux études dans des matières d’avenir, telles que les STEM (sciences, technologies — y compris les TIC — ingénierie, mathématiques), doit être encouragée de façon à permettre aux filles de décrocher des emplois dans des secteurs plus prometteurs et mieux rémunérés. En outre, il serait nécessaire que les femmes puissent bénéficier de formations complémentaires tout au long de leur carrière (par le biais de nouvelles technologies telles que la formation à distance), ce qui est un excellent motif de promotion et donc d’augmentation salariale. En outre, pour rencontrer les défis démographiques en ne pénalisant pas les femmes, il serait bien d’encourager la même mixité dans les secteurs sociaux où elles sont plus représentées.

4.5.

Le CESE invite la Commission à sensibiliser les entreprises à la problématique de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, notamment pour leur propre intérêt, à savoir: améliorer l’accès à la main-d’œuvre que constituent les femmes compte tenu des enjeux de l’évolution démographique et des pénuries croissantes de compétences.

4.6.

Le CESE est généralement d’avis que les sociétés devraient faire davantage pour remédier aux causes culturelles et aux stéréotypes établis depuis longtemps qui contribuent à l’écart salarial persistant. La Commission doit veiller à l’évaluation de ce qui a été mis en place et à renforcer les mesures actuelles.

5.   Le rôle essentiel des partenaires sociaux et des organisations de la société civile

5.1.

Les partenaires sociaux sont très attachés à la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes et à la résolution de problèmes connexes.

5.2.

Le cadre d’action pour l’égalité des sexes de 2005 signé par les partenaires sociaux européens montre déjà comment aborder la question de la disparité salariale entre hommes et femmes: utiliser des outils pratiques existants et élaborer des statistiques claires et à jour au niveau sectoriel/national pour permettre aux partenaires sociaux d’analyser et de comprendre les causes complexes de l’écart de rémunération, en veillant à ce que les systèmes de rémunération, y compris les systèmes d’évaluation des emplois et des salaires (salaires bruts et pas horaires), soient transparents et neutres du point de vue du genre, tout en prêtant attention aux éventuels effets discriminatoires qu’ils pourraient avoir.

5.3.

Afin de répondre à la crainte des employeurs d’une charge administrative supplémentaire, il conviendra de prévoir des mesures d’accompagnement adéquates pour les entreprises. L’égalité salariale relève à la fois de la responsabilité syndicale et patronale. Bien entendu, des initiatives pour promouvoir l’égalité doivent être mises en place dans le cadre de l’éducation, du marché du travail, des structures d’accueil, etc. Cependant, la transparence salariale est aussi une solution, car la transparence et les audits de rémunération ont toute leur place dans le processus. Les entreprises commencent à s’engager pour lutter contre toutes les formes de discrimination sur le lieu de travail et s’attaquent déjà à ces problèmes afin de garantir des systèmes de rémunération neutres du point de vue du genre, en accord avec la diversité des systèmes nationaux de relations professionnelles. Il est important que toutes les parties prenantes jouent leur rôle pour combler l’écart de rémunération entre les sexes et expliquent ses causes réelles, qu’elles assurent une approche plus cohérente et basée sur des faits et clarifient d’éventuelles idées fausses.

5.4.

En ce qui concerne les syndicats, ils reconnaissent que l’existence d’un cadre juridique favorable à l’égalité des sexes peut être un élément d’incitation important pour les négociations, en particulier pour convaincre les employeurs de l’importance économique et sociale des négociations pour l’égalité. À ce propos, une enquête menée par la Confédération européenne des syndicats (CES) constate que les accords salariaux qui visent la réduction des inégalités de salaire entre les hommes et les femmes les plus fréquents sont ceux qui se focalisent sur les salaires minimums et l’augmentation du salaire des travailleurs faiblement rémunérés. Selon la même enquête, seulement 20 % des syndicats ont négocié des accords pour lutter contre la ségrégation professionnelle en accordant des augmentations salariales plus importantes aux travailleurs à bas salaires des secteurs à prédominance féminine.

5.5.

Malgré un certain nombre de travailleuses affiliées, la participation des femmes aux exécutifs syndicaux ne progresse que très lentement. Les équipes syndicales doivent tendre vers plus de mixité pour l’élaboration de plans d’action pour l’égalité de genre représentatifs. Une situation similaire est observée dans les organes décisionnels des organisations d’employeurs (publiques et privées) et les organisations de la société civile, qui devraient aussi avoir pour objectif une plus grande mixité dans l’élaboration de plans d’action pour l’égalité de genre représentatifs.

6.   Perspectives

6.1.

L’examen annuel de la croissance 2018 (6) vise à tirer parti de l’élan favorable imprimé par l’expansion économique actuelle. Il met l’accent sur les réformes visant à stimuler l’investissement selon la «règle d’or» dans le capital humain et les secteurs sociaux et à améliorer le fonctionnement des marchés de produits, de services et du travail en vue de renforcer la productivité et la croissance à long terme, ainsi qu’à accroître l’inclusion grâce à des dépenses publiques de meilleure qualité, à une fiscalité plus équitable et à une modernisation des institutions publiques.

6.2.

En outre, l’examen annuel de la croissance peut générer des étapes supplémentaires dans tout le cycle du semestre européen, en introduisant tous les facteurs influençant l’écart salarial entre les sexes dans les rapports nationaux et dans les recommandations par pays.

6.3.

Le socle européen des droits sociaux devrait y être pleinement intégré, la priorité étant donnée aux réformes destinées à favoriser l’acquisition de compétences par les travailleurs, à promouvoir l’égalité des chances sur le marché du travail et des conditions de travail équitables, à accroître la productivité du travail pour soutenir la croissance des salaires, notamment les plus bas, et à rendre les systèmes de protection sociale plus adaptés et plus viables.

6.4.

Le CESE espère donc que la conjoncture favorable actuelle due à une certaine croissance économique et au socle européen des droits sociaux pourra donner un nouvel élan à la réduction de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, et que le plan d’action proposé se révélera réellement efficace. Si cela devait ne pas se vérifier à la fin 2019, le CESE envisagera de conseiller à la Commission de proposer des mesures législatives et non législatives au niveau le plus approprié, notamment en matière de sanctions et/ou d’incitants.

Bruxelles, le 19 avril 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Pour un aperçu global, voir le Rapport mondial sur l’écart entre les sexes 2017: https://www.weforum.org/reports/the-global-gender-gap-report-2017.

(2)  Résolution adoptée par le Comité exécutif de la CES à la réunion des 17 et 18 juin 2015: «La négociation collective — un outil puissant pour réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes».

(3)  Rapport conjoint sur l'emploi 2017 (Joint Employment Report 2017).

(4)  COM(2017) 678 final.

(5)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 44.

(6)  COM(2017) 690 final.


Annexe

Ci-dessous une liste des principaux documents destinés à réduire les inégalités de genre et, en particulier, l’écart salarial entre les hommes et les femmes:

la directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (refonte) (2006/54/CE), qui incorpore le principe de l’égalité de rémunération inscrit dans les traités de l’Union européenne depuis 1957,

la Convention 100 de l’OIT sur l’égalité de rémunération, 1951,

la recommandation de la Commission relative au renforcement du principe de l’égalité des rémunérations des femmes et des hommes grâce à la transparence (2014/124/UE) et le rapport sur la mise en œuvre de la recommandation C(2014) 1405 de la Commission [COM(2017) 671 final],

l’Engagement stratégique de la Commission européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2016-2019,

la proposition de directive relative à un meilleur équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs non exécutifs des sociétés cotées en bourse et à des mesures connexes [COM(2012) 614 final],

la déclaration de Rome de 2017,

la proclamation interinstitutionnelle du socle européen des droits sociaux le 17 novembre 2017, lors du sommet social pour des emplois et une croissance équitables à Göteborg (Suède),

la proposition de directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants [COM(2017) 253 final], et

le plan d’action de l’Union européenne 2017-2019 «Éliminer l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes» [COM(2017) 678 final].