ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 81

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

61e année
2 mars 2018


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

529e session plénière du CESE des 18 et 19 octobre 2017

2018/C 81/01

Avis du Comité économique et social européen sur Le potentiel des petites entreprises familiales et traditionnelles pour la promotion du développement et de la croissance économique dans les régions (avis d’initiative)

1

2018/C 81/02

Avis du Comité économique et social européen sur Le financement des organisations de la société civile par l’Union européenne (avis d’initiative)

9

2018/C 81/03

Avis du Comité économique et social européen sur Les villages et les petites villes en tant que catalyseurs de développement rural — défis et opportunités (avis d’initiative)

16

2018/C 81/04

Avis du Comité économique et social européen sur la Justice climatique (avis d’initiative)

22

2018/C 81/05

Avis du Comité économique et social européen sur Les partenariats de l’Union européenne pour le développement dans le contexte des conventions fiscales internationales (avis d’initiative)

29

2018/C 81/06

Avis du Comité économique et social européen sur les Droits économiques, sociaux et culturels dans la région euro-méditerranéenne (avis d’initiative)

37

2018/C 81/07

Avis du Comité économique et social européen sur La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050 (avis d’initiative)

44

2018/C 81/08

Avis du Comité économique et social européen sur les Nouveaux modèles économiques durables (avis exploratoire)

57

2018/C 81/09

Avis du Comité économique et social européen sur La fiscalité de l’économie collaborative — Analyse des différentes politiques fiscales envisageables dans le contexte du développement de l’économie collaborative (avis exploratoire à la demande de la présidence estonienne)

65

2018/C 81/10

Avis du Comité économique et social européen sur L’utilisation des sols pour la production alimentaire durable et les services écosystémiques (avis exploratoire à la demande de la présidence estonienne)

72

2018/C 81/11

Avis du Comité économique et social européen sur le Contrôle de l’application de la législation de l’UE (Examen par la Cour des comptes européenne) (avis d’initiative)

81


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

529e session plénière du CESE des 18 et 19 octobre 2017

2018/C 81/12

Avis du Comité économique et social européen sur le Paquet Conformité — a) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action pour le renforcement de SOLVIT: faire profiter les citoyens et les entreprises des avantages du marché unique [COM(2017) 255 final — SDW(2017) 210 final] — b) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un portail numérique unique pour donner accès à des informations, des procédures et des services d’assistance et de résolution de problèmes, et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012 [COM(2017) 256 final — 2017/0086 (COD)] — c) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant les conditions et la procédure qui permettent à la Commission de demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir des renseignements en rapport avec le marché intérieur et des domaines connexes [COM(2017) 257 final — 2017/0087 (COD)]

88

2018/C 81/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la surveillance et la communication des données relatives aux émissions de CO2 et à la consommation de carburant des véhicules utilitaires lourds neufs[COM(2017) 279 final — 2017/0111 (COD)]

95

2018/C 81/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur l’examen à mi-parcours de la mise en œuvre de la stratégie pour le marché unique numérique — Un marché unique numérique connecté pour tous[COM(2017) 228 final]

102

2018/C 81/15

Avis du Comité économique et social européen sur le Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2016[COM(2017) 285 final]

111

2018/C 81/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur l’examen à mi-parcours du plan d’action concernant l’union des marchés des capitaux[COM(2017) 292 final]

117

2018/C 81/17

Avis du Comité économique et social européen sur le Document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire[COM(2017) 291 final]

124

2018/C 81/18

Avis du Comité économique et social européen sur le Document de réflexion sur l’avenir des finances de l’Union européenne[COM(2017) 358 final]

131

2018/C 81/19

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle[COM(2017) 343 final — 2017/0143 (COD)]

139

2018/C 81/20

Avis du Comité économique et social européen sur le Document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe[COM(2017) 206], la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mise en place d’un socle européen des droits sociaux[COM(2017) 250 final] et la Proposition de proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux[COM(2017) 251 final]

145

2018/C 81/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil définissant le cadre juridique applicable au corps européen de solidarité et modifiant les règlements (UE) no 1288/2013, (UE) no 1293/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1305/2013 et (UE) no 1306/2013 et la décision no 1313/2013/UE[COM(2017) 262 final — 2017/0102(COD)]

160

2018/C 81/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur de l’enseignement supérieur[COM(2017) 247 final] et sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le développement des écoles et un enseignement d’excellence pour bien débuter dans la vie[COM(2017) 248 final]

167

2018/C 81/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1380/2013 relatif à la politique commune de la pêche[COM(2017) 0424 final — 2017/0190(COD)]

174

2018/C 81/24

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Cadre d’interopérabilité européen — Stratégie de mise en œuvre[COM(2017) 134 final]

176

2018/C 81/25

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’interopérabilité des systèmes de télépéage et facilitant l’échange transfrontière d’informations relatives au défaut de paiement des redevances routières dans l’Union [COM(2017) 280 final — 2017/0128 (COD)]

181

2018/C 81/26

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures[COM(2017) 275 final — 2017/0114 (COD)] et la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, en ce qui concerne certaines dispositions concernant la taxation des véhicules[COM(2017) 276 final — 2017/0115 (CNS)]

188

2018/C 81/27

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L’Europe en mouvement — Programme pour une transition socialement équitable vers une mobilité propre, compétitive et connectée pour tous[COM(2017) 283 final]

195

2018/C 81/28

Avis du Comité économique et social européen sur l’Accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée — Chapitre consacré au commerce et au développement durable

201

2018/C 81/29

Avis du Comité économique et social européen sur Échange et protection de données à caractère personnel à l’ère de la mondialisation[COM(2017) 7 final]

209

2018/C 81/30

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (UE) no 1295/2013 établissant le programme Europe créative (2014 à 2020)[COM(2017) 385 final — 2017/0163(COD)]

215

2018/C 81/31

Avis du Comité économique et social européen sur la Politique économique de la zone euro (2017) (supplément d’avis)

216


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

529e session plénière du CESE des 18 et 19 octobre 2017

2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Le potentiel des petites entreprises familiales et traditionnelles pour la promotion du développement et de la croissance économique dans les régions»

(avis d’initiative)

(2018/C 081/01)

Rapporteur:

Dimitris DIMITRIADIS

Décision de l’assemblée plénière

26 janvier 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

7 septembre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

199/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Dans bon nombre de ses avis, le CESE n’a cessé d’exprimer sa position favorable à l’égard des politiques de l’Union européenne visant à soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) (1). Les PME constituent cependant une catégorie extrêmement hétérogène, ce qui implique qu’un effort particulier doit être fourni pour bien cibler les différents sous-groupes, et notamment les petites entreprises familiales et traditionnelles.

1.2.

L’importance de ce sous-groupe réside dans le fait que la grande majorité des emplois dans les régions de l’Union européenne sont fournis par les entreprises qui le composent. Tout en réaffirmant ses précédentes conclusions et en rappelant les recommandations formulées dans ses avis antérieurs (2), le CESE entend étudier de manière plus approfondie et analyser les difficultés rencontrées par les petites entreprises familiales et traditionnelles, en vue de créer ainsi une occasion d’influencer de manière constructive l’élaboration des politiques aux échelons européen, national et régional.

1.3.

Le CESE encourage la Commission européenne à examiner les possibilités de soutenir et de promouvoir ces entreprises, étant donné qu’elles sont la clé de voûte de la création de nouvelles activités et de revenus dans des régions qui disposent de ressources limitées. Elles représentent une valeur ajoutée dans le processus de développement régional, en particulier dans les régions moins développées, étant donné qu’elles sont profondément ancrées dans l’économie locale, où elles investissent et préservent l’emploi.

1.4.

Le Comité estime qu’il existe un énorme potentiel de développement dans de nombreuses régions à la traîne, et que ce potentiel sous-utilisé pourrait être exploité grâce aux petites entreprises familiales et traditionnelles locales. Ce défi ne doit pas être l’apanage de la seule Commission européenne; il convient d’y associer activement d’autres acteurs, y compris les collectivités locales et des intermédiaires locaux tels que les organisations d’entreprises et les institutions financières.

1.5.

Le CESE invite la Commission européenne à prendre en compte le fait que les petites entreprises familiales et traditionnelles ont été mises à mal par les récentes évolutions et tendances observées dans l’économie et l’industrie. Elles perdent leur compétitivité et doivent faire face à des difficultés croissantes dans l’exercice de leurs activités.

1.6.

Le CESE craint que les instruments politiques de soutien ne soient pas spécifiquement destinés aux petites entreprises familiales et traditionnelles et il est peu probable que ces dernières puissent en tirer un grand profit. En général, le soutien aux PME est axé sur l’intensification de la recherche et de l’innovation au sein des PME et sur les jeunes pousses. Sans remettre en cause l’importance de ces politiques, le CESE souhaite souligner qu’une très petite partie des PME pourront en profiter et que les petites entreprises familiales et traditionnelles ne figurent d’ordinaire pas parmi leurs bénéficiaires. Le CESE se félicite de l’intention de la Commission de procéder, à l’initiative la DG Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME, à une révision de la définition d’une PME, provisoirement prévue pour le début de 2019 (3).

1.6.1.

La définition actuelle d’une PME étant déjà dépassée, le Comité estime que la révision prévue pourrait être utile dans la mesure où elle garantirait une meilleure compréhension de ce qu’est une PME et permettrait de concevoir de meilleures politiques en leur faveur. Le CESE invite la Commission européenne à évaluer comment la définition actuelle s’applique dans le cadre du processus de consultation, en particulier en ce qui concerne les petites entreprises familiales et traditionnelles, lors de la mise en œuvre des mesures de la politique à l’égard des PME au niveau européen, national et régional.

1.6.2.

Le CESE estime que dans le cadre de la révision de la définition, il conviendrait au minimum:

de supprimer le «critère de l’effectif» (4) comme critère principal et de laisser aux PME la possibilité de choisir deux critères sur les trois à respecter, en adoptant l’approche la plus récente exposée dans la directive 2013/34/UE (5),

d’effectuer une analyse approfondie des seuils fixés à l’article 2 de la recommandation et de les mettre à jour le cas échéant, y compris en les alignant sur ceux établis dans la directive 2013/34/UE,

de réévaluer et de réviser les restrictions énoncées à l’article 3 de l’annexe de la recommandation.

1.7.

Le CESE estime important que les petites entreprises familiales et traditionnelles soient reconnues comme un sous-groupe spécifique, étant donné que ce sont généralement celles qui pâtissent le plus des défaillances du marché. Le Comité recommande dès lors de concevoir des politiques de soutien sur mesure à leur intention. Pour remédier aux problèmes les plus urgents, ces politiques devront au moins viser à:

apporter une assistance pour attirer et former la main-d’œuvre,

assurer la formation et le recyclage des dirigeants/propriétaires,

offrir un accès à des services de conseil et de consultance,

améliorer l’accès au financement,

garantir l’accès à davantage d’informations et à une meilleure formation pour le personnel des associations locales d’employeurs et des agences bancaires locales,

fournir des services de guichet unique,

revoir les charges administratives imposées par les collectivités locales et l’Union européenne,

assurer un accès à des informations plus nombreuses et de meilleure qualité sur les exigences réglementaires, les milieux d’affaires locaux et les débouchés commerciaux.

2.   Petites entreprises familiales et traditionnelles — historique et importance

2.1.

Un certain nombre d’évolutions et de tendances d’actualité dans le secteur industriel sont actuellement au centre de l’élaboration des politiques de l’Union européenne — il s’agit de la numérisation, de l’industrie 4.0, de l’évolution rapide des modèles économiques, de la mondialisation, de l’économie du partage et de sources plus novatrices d’avantages concurrentiels. Dans le même temps, il convient de reconnaître que les citoyens devraient pouvoir vivre partout dans l’Union, y compris dans les nombreuses régions que l’industrie 4.0 n’atteindra probablement pas facilement.

2.2.

Sans remettre en cause l’importance de ces nouvelles tendances et tout en soutenant les efforts politiques qui visent à les promouvoir, il est nécessaire de rappeler que la grande majorité des emplois dans les régions de l’Union sont actuellement fournis par des PME (6) et des petites entreprises familiales (7) très traditionnelles, dont la plupart ont une longue histoire et ont hérité du passé des traditions, des expériences et de nombreuses réussites brillantes qui leur sont propres. Cette catégorie d’entreprises comprend généralement les sous-groupes suivants:

les petites entreprises, les micro-entreprises et les entreprises unipersonnelles,

des PME très traditionnelles, opérant dans des domaines déterminés historiquement et traditionnellement,

des PME situées dans des zones éloignées, comme de petites villes, des villages, des régions montagneuses, des îles, etc.,

de petites entreprises familiales,

des entreprises artisanales,

des indépendants.

2.3.

Comme l’a indiqué précédemment le CESE, les petites entreprises familiales et traditionnelles sont la pierre angulaire de nombreuses économies dans le monde, et font preuve d’une formidable dynamique de développement. Elles jouent un rôle considérable dans le développement régional et local, ainsi qu’un rôle constructif dans les communautés locales. Les entreprises familiales résistent mieux aux difficiles périodes de récession et de stagnation. Ces entreprises présentent des caractéristiques de gestion uniques, étant donné que leurs propriétaires se soucient énormément de leurs perspectives à long terme, en grande partie parce que la prospérité de leur famille, leur réputation et leur avenir sont en jeu. Leur gestion se traduit généralement par un attachement inhabituel à la continuité de la société: les propriétaires prennent davantage soin de leurs salariés, et recherchent des liens plus étroits avec leurs clients en vue de soutenir l’entreprise. Le CESE a déjà invité la Commission européenne à mettre en œuvre une stratégie active de promotion des bonnes pratiques en matière d’entreprises familiales dans les États membres (8).

2.4.

Au cours de ces dernières années, de nombreuses petites entreprises familiales et traditionnelles ont rencontré de plus en plus de difficultés à exercer leurs activités pour les raisons suivantes:

elles ne disposent pas des outils nécessaires pour anticiper et s’adapter à l’évolution rapide de l’environnement des entreprises,

leurs schémas traditionnels d’activité commerciale ne sont plus aussi compétitifs que par le passé en raison de l’évolution des modèles commerciaux — qui a connu la numérisation, des moyens plus efficaces de gestion des entreprises, le développement de nouvelles technologies,

elles n’ont qu’un accès restreint aux ressources, qu’il s’agisse par exemple de finances, d’information, de capital humain, de l’expansion potentielle du marché, etc.,

elles sont confrontés à des contraintes organisationnelles telles que le manque de temps, l’absence d’une direction et d’une gestion de qualité et tournée vers l’avenir, ainsi qu’à une inertie à l’égard des changements de comportements,

elles ont un pouvoir de négociation moindre et une capacité réduite à façonner l’environnement extérieur, mais une plus grande dépendance à l’égard de ce dernier (9).

2.5.

Il existe un peu moins de 23 millions de PME dans l’Union européenne, leur proportion étant légèrement plus élevée par rapport au nombre total des entreprises dans les pays du sud de l’Union européenne (10). Non seulement les PME représentent 99,8 % de l’ensemble des entreprises européennes dans le secteur des activités non financières (11), mais elles emploient également près de 67 % de l’ensemble des travailleurs et génèrent près de 58 % de la valeur ajoutée totale dans le secteur des activités non financières (12). Les micro-entreprises, y compris les entreprises unipersonnelles, sont de loin les plus largement représentées dans l’ensemble des entreprises.

3.   Lignes d’action et priorités à l’échelon de l’Union européenne

3.1.

Une règle commune est de rationaliser les aides aux PME principalement afin d’intensifier la recherche et l’innovation dans les PME, ainsi que leur développement (13). Si les capacités d’innovation et d’internationalisation sont considérées comme les deux facteurs les plus importants de la croissance, les PME affichent en général des lacunes dans ces deux domaines (14). La moitié des typologies d’instruments recensées au cours de la dernière période de financement poursuivent presque exclusivement des objectifs d’innovation. Il s’agit d’instruments soutenant l’innovation technologique et non technologique, l’éco-innovation, la création d’entreprises innovantes, les projets de R&D et le transfert de connaissances et de technologies.

3.2.

Au cours de la période 2007-2013 (15), le soutien du FEDER aux PME a représenté approximativement 47,5 milliards d’EUR (76,5 % d’aides aux entreprises et 16 % de l’ensemble de l’allocation du FEDER pour cette période). En outre, sur 18,5 millions d’entreprises, environ 246 000 PME ont été enregistrées en tant que bénéficiaires. La comparaison entre le nombre de bénéficiaires et le nombre total d’entreprises indique clairement que ce montant est totalement insuffisant, et prouve que l’Union européenne a échoué à soutenir cette catégorie très importante d’entreprises. La Commission européenne n’aborde pas cette question importante en raison d’un manque de ressources et de la grande diversité des caractéristiques de ces entreprises.

3.3.

Au cours de la même période, un nombre relativement important d’instruments d’action ont été appliqués de manière très variable, touchant de 1 à 8 000 ou 9 000 bénéficiaires. Créer des instruments qui s’appliquent à un très petit nombre de bénéficiaires est manifestement inefficace. Cela permet de se demander s’il est utile de concevoir un nombre d’instruments si important. En outre, il convient de s’interroger sur leur efficacité et leur efficience, en évaluant les ressources humaines et financières intervenant dans leur conception au regard des effets (le cas échéant) obtenus. Dans le même temps, les études de cas ont mis en évidence un processus d’auto-sélection ou de «ciblage souple», dans lequel un ensemble spécifique de bénéficiaires (généralement caractérisés par une plus grande capacité d’absorption) a été ciblé par la conception même d’un instrument d’action donné.

3.4.

Un réexamen complet (16) d’un total de 670 instruments dans les 50 programmes opérationnels (PO) mis en œuvre au cours de la période de programmation montre que la répartition entre les différentes politiques est assez inégale. Il révèle que moins de 30 % de tous les instruments d’action ont été axés sur les besoins des entreprises traditionnelles. Le CESE a déjà exprimé son soutien pour les entreprises innovantes et à forte croissance (17). Dans le même temps, il regrette que les instruments d’action soient axés principalement et de manière disproportionnée sur les objectifs d’innovation, étant donné que la plupart des PME de l’Union européenne ne disposent d’aucun potentiel d’innovation, qu’elles n’en disposeront pas dans un avenir proche, et que leur activité principale ne le nécessite pas. S’il est vrai que les produits innovants pourraient être développés à des coûts extrêmement bas, et pourraient avoir un potentiel de croissance élevé, ce type de croissance est clairement une exception et non la règle pour les entreprises traditionnelles et familiales, qui travaillent selon une philosophie totalement différente. Une certaine innovation est possible et souhaitable, et l’ouverture d’esprit des nouvelles générations les incite à innover. Cela étant, dans la plupart des cas, l’innovation est fragmentée ne fait pas partie intégrante du cœur de métier de ces sociétés (18).

3.5.

Les instruments de soutien ne ciblent pas les petites entreprises familiales et traditionnelles: en effet, une minorité d’instruments d’action (seulement 7 % de l’ensemble des contributions publiques) est axée sur les PME actives dans des secteurs particuliers, dont le plus courant est le tourisme. Par ailleurs, près de 54 % des PME bénéficiaires appartiennent aux secteurs de la fabrication et des TIC (10 %), seulement 16 % au commerce de gros et de détail, tandis que 6 % relèvent de l’hébergement et de la restauration, qui sont considérés comme des secteurs traditionnels. Cette situation est aggravée par le fait qu’au cours de la dernière période de programmation, l’aide aux PME a été structurée dans le contexte de la profonde crise économique, compte tenu de la nécessité d’affecter les ressources à une croissance plus générique plutôt qu’à l’innovation.

3.6.

Dans le même temps, les données montrent que pendant les cinq années qui ont suivi le début de la crise de 2008, le nombre de PME a augmenté alors que la valeur ajoutée et le nombre de salariés ont diminué (19). Ces statistiques donnent à penser que, durant cette période, l’«entrepreneuriat par nécessité» a prévalu sur l’«entrepreneuriat par opportunité». Il semble évident que les individus ont essayé de surmonter la crise et que les entreprises ont tenté de survivre, mais l’aide n’a été ni suffisante, ni adéquate (20).

3.7.

De nombreuses études menées récemment ont apporté la preuve qu’il existe des différences significatives entre les besoins des PME du nord et du sud de l’Europe, avec des différences significatives au niveau national. Ce point de vue est également défendu dans le rapport annuel 2014/2015 de la Commission européenne sur les PME européennes, selon lequel le groupe de pays qui enregistre les résultats les plus faibles est essentiellement constitué de pays d’Europe méridionale. Ces pays rapportent des taux de réussite des projets extrêmement faibles, y compris en ce qui concerne le volet PME du programme Horizon 2020.

3.8.

Un soutien efficace aux petites entreprises familiales et traditionnelles se heurte à une importante difficulté supplémentaire: les politiques de promotion sont essentiellement formulées en fonction de la taille des entreprises qui doivent être soutenues, au détriment d’autres caractéristiques plus pertinentes ayant un impact plus grand sur leurs activités. Il est possible que cette approche soit obsolète et trop largement ciblée, et qu’elle omette d’examiner les différents besoins de différentes catégories telles que les petites entreprises familiales et traditionnelles. Dans ses avis, le CESE n’a donc cessé de souligner l’importance d’élaborer, en Europe, des politiques de promotion des PME mieux ciblées et plus précises, ainsi que la nécessité de mettre à jour la définition des PME afin de refléter de manière plus juste la variété qui les caractérise (21).

3.9.

Le CESE est préoccupé par le fait que seule une faible proportion de l’aide versée au titre du FEDER a généré à ce jour des effets attestés (22), démontrant son effet réel sur l’économie. Cela remet en question l’incidence réelle des fonds investis pour soutenir les PME, et le CESE insiste pour qu’une véritable évaluation d’impact soit effectuée, comprenant une analyse des aides accordées aux petites entreprises familiales et traditionnelles.

3.10.

Le FEDER n’est pas la seule source de soutien des petites entreprises familiales et traditionnelles. D’autres sources, telles que les Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) (23), le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (24) ou le Fonds social européen (FSE) (25), qui peuvent être utilisées séparément ou par l’intermédiaire des instruments territoriaux (développement local mené par les acteurs locaux (DLAL) et investissements territoriaux intégrés (ITI)], apportent également un soutien aux PME. Elles ne ciblent toutefois pas les petites entreprises familiales et traditionnelles, qui ne bénéficient que d’une infime partie des crédits de ces fonds. Selon les représentants des petites entreprises familiales et traditionnelles, les besoins de ces dernières ne sont pas bien compris et ces fonds n’y répondent pas correctement.

3.10.1.

Cela pourrait s’expliquer par le fait que, lors de la conception des instruments de soutien, les responsables politiques et les administrations de l’Union européenne et des échelons nationaux et locaux se sont montrés dans une certaine mesure trop rigides et n’ont pas réussi à prendre en considération les points de vue des entreprises et des partenaires sociaux en vue de mieux comprendre les besoins réels des petites et très petites entreprises.

3.10.2.

Bien entendu, l’administration n’est pas la seule à blâmer, une part de responsabilité revenant également aux organisations intermédiaires qui ont omis de communiquer efficacement les besoins réels des PME. Un bon exemple de ce hiatus réside dans le fait que les PME semblent montrer une nette préférence pour les subventions aux entreprises, ce qui contraste avec l’importance croissante accordée dans les débats d’orientation au financement sur fonds propres, aux aides remboursables et aux aides indirectes.

3.10.3.

Les partenariats entre les entreprises et les centres de recherche, ainsi que le recours à des acteurs intermédiaires pour aider les PME semblent également moins développés que prévu, malgré la grande attention que ces questions suscitent. D’aucuns estiment que cette disparité pourrait en partie s’expliquer par la crise, mais au cours d’une récession économique, les décideurs auraient pu opter pour des instruments plus «traditionnels» afin de soutenir les économies locales dans une période critique.

3.10.4.

Les petites entreprises familiales et traditionnelles ne sont pratiquement pas en mesure de recourir à différents instruments financiers spécifiques en raison de la complexité de leur mise en œuvre et de leur manque d’expérience et de connaissances.

4.   Il faut tenir compte de l’hétérogénéité des PME

4.1.

Les petites entreprises ont généralement une part d’exportations plus faible dans leur chiffre d’affaires que les moyennes et les grandes entreprises, ce qui suggère l’existence d’une relation entre la taille d’une entreprise et ses capacités d’exportation.

4.2.

L’accès au financement constitue un problème grave pour les PME et les jeunes pousses. Dans un rapport d’information, le CESE a fait observer que l’offre insuffisante de financement limite les activités des PME depuis 2008 (26). Alors que la situation s’est améliorée récemment, plus les entreprises sont petites, plus les progrès ont été lents, ce qui semble indiquer à quel point la taille d’une entreprise détermine ses besoins et ses performances. En outre, les PME dépendent principalement de prêts bancaires pour leur financement, alors que le système bancaire n’est pas bien adapté à ce type d’entreprise, et encore moins aux petites entreprises familiales et traditionnelles.

4.3.

Récemment, les aides financières ont été principalement axées sur les «start-ups — qui ne représentent qu’une très faible proportion des PME européennes — alors que la nécessité pressante de capitaux pour financer des entreprises en expansion n’a toujours pas été traitée de manière adéquate, pas plus que la nécessité, pour la grande majorité des entreprises traditionnelles, de financer ne seraient-ce que leurs opérations courantes, qui ont souffert de la récente crise. Il a été fait état de défaillances bancaires ayant entraîné la cessation des activités de certaines petites entreprises en raison de simples problèmes de trésorerie.

4.4.

Une autre difficulté majeure à laquelle doivent faire face les PME — contrairement aux grandes entreprises — réside dans l’accès à l’information et aux nouveaux marchés. Elles ont également plus de mal à recruter et à conserver une main-d’œuvre hautement qualifiée et à respecter les exigences réglementaires et administratives de plus en plus nombreuses. Cette situation défavorable est encore aggravée pour les PME situées dans les régions les moins développées de l’Union, qui sont confrontées à un manque de possibilités de coopération avec des entreprises de plus grande taille, dans le cadre de leur chaîne de valeur, qui ont moins de possibilités de participer à des pôles de compétitivité, qui souffrent d’un approvisionnement insuffisant en biens publics, d’un moindre accès à des équipements et aux institutions susceptibles de les aider, et qui sont souvent confrontées au déclin de leur clientèle. Tous ces facteurs peuvent également entraîner des coûts plus élevés de commercialisation de leurs produits.

4.5.

Par conséquent, pour les PME traditionnelles et celles situées dans les zones les moins développées de l’Union, ce ne sont pas les instruments de politique axés sur la promotion de l’innovation, l’accès à de nouveaux marchés, l’internalisation, l’accès aux marchés de capitaux, etc., qui sont d’une importance capitale, mais plutôt ceux qui aident les PME à améliorer et à mieux s’acquitter de leurs activités essentielles — telles que celles qui facilitent l’accès aux financements bancaires, à l’information, à une main-d’œuvre qualifiée et à des débouchés commerciaux immédiats (amélioration des activités au quotidien). Par ailleurs, pour ces entreprises, se lancer dans un changement de comportement n’aurait aucun sens à court terme, parce qu’il est d’abord nécessaire de modifier le contexte général dans lequel elles opèrent.

4.6.

Si, dans certains pays, les pépinières d’entreprises fonctionnent bien, dans d’autres, leurs effets positifs sont assez limités. La clé de la réussite est une culture du partage des ressources organisationnelles et des réseaux de soutien, qui, en principe, ne sont pas très fréquents dans les régions les moins développées de l’Union.

4.7.

L’importance croissante de la production de contenu de connaissances en tant qu’avantage concurrentiel renforce l’hétérogénéité des PME, opérant une discrimination entre les PME à forte croissance et les autres, dont le développement est entravé par des obstacles traditionnellement liés à leur petite taille, à leur localisation et à leur clientèle.

4.8.

Le CESE invite la Commission européenne à adopter l’approche intitulée «agir pour les PME d’abord» et à accorder une attention particulière aux petites entreprises traditionnelles lors de la conception des instruments politiques.

4.9.

Il existait de nombreuses régions en retard de développement en Europe voici 30 ou 40 ans, des régions géographiquement ou fonctionnellement éloignées des moteurs de la croissance économique. Certaines d’entre elles sont désormais prospères grâce à des pouvoirs locaux ouverts, responsables et non corrompus, à l’efficacité du travail accompli par les organisations d’entreprises et à la mise en place de réseaux locaux d’entreprises qui fonctionnent bien.

5.   Les défis et les moyens de les relever en vue de mieux promouvoir le développement des petites entreprises familiales et traditionnelles

5.1.

L’accès aux sources de financement est un problème notoire. Par rapport aux plus grandes entreprises, les petites entreprises familiales et traditionnelles présentent une plus grande diversité en matière de rentabilité, de survie et de croissance — ce qui se reflète dans les problèmes spécifiques auxquels elles sont confrontées en ce qui concerne le financement. Les PME pâtissent généralement de taux d’intérêt plus élevés ainsi que d’un resserrement du crédit en raison d’un manque de garanties. Les difficultés de financement diffèrent considérablement entre les sociétés dont la croissance est lente et celles qui évoluent rapidement.

5.2.

L’expansion de fonds de capital-risque, les marchés des capitaux privés — y compris les marchés informels et les investisseurs providentiels (business angels) — le financement participatif (crowdfunding) et, en général, le développement de l’union des marchés des capitaux ont amélioré l’accès au capital-risque pour certaines catégories spécifiques de PME, mais les entreprises familiales et traditionnelles sont peu susceptibles d’être en mesure de bénéficier beaucoup de ces évolutions, et elles restent fortement dépendantes des prêts bancaires traditionnels. Même pour les entreprises innovantes, les start-ups et les sociétés de taille moyenne, ces instruments ne sont pas toujours faciles à utiliser et il subsiste des différences considérables d’un pays à l’autre en fonction du niveau de développement des marchés des capitaux locaux et de l’existence ou non d’une législation adéquate.

5.3.

La politique de la Commission européenne visant à faciliter l’accès au financement en fournissant des garanties est saluée. Toutefois, le régime choisi semble créer des distorsions sur le marché des garanties et, en fin de compte, des conséquences non souhaitées sur l’activité des institutions de garantie. Selon des données empiriques disponibles (l’Espagne étant un cas d’espèce), les banques commerciales invitent explicitement leurs emprunteurs existants à demander une garantie — qui leur soit délivrée directement par l’Union européenne sous la forme d’une garantie directe — de telle sorte que la banque soit en mesure de couvrir les risques actuels grâce à cette garantie, sans devoir accroître la classe de risque dans lesquelles ils se situent. «Les PME défavorisées» (c’est-à-dire les PME éprouvant des difficultés à obtenir un crédit) sont laissées de côté. Un déploiement plus important des deniers publics par l’intermédiaire de contre-garanties permettra d’accroître l’efficacité de l’utilisation des deniers publics, et produira un plus grand effet de levier sur le marché et sur l’économie au sens large.

5.4.

Les charges réglementaires européennes et locales restent un obstacle majeur pour les petites entreprises familiales et traditionnelles, qui sont généralement peu armées pour traiter les problèmes découlant d’une réglementation excessive. Cela exige que l’accès à des informations au sujet des réglementations leur soit facilité, et qu’elles disposent de meilleures informations sur les normes techniques et environnementales. Les décideurs doivent faire en sorte que les procédures de vérification ne soient pas inutilement coûteuses, complexes ou longues. En outre, il y a lieu d’analyser de manière systématique et minutieuse les nouvelles réglementations et leur mise en œuvre par les associations locales d’entreprises concernées.

5.5.

L’accès à une meilleure information est requis, et pas uniquement par rapport aux exigences de la réglementation. L’information au sujet de l’environnement local des entreprises et des possibilités offertes par le marché au niveau régional est également d’une importance vitale pour les entreprises traditionnelles et familiales. Les technologies modernes peuvent grandement contribuer à réduire le déficit d’information, si elles sont conçues de manière conviviale pour l’utilisateur. Il serait très utile de mettre en place un «guichet unique» qui fournirait en un même endroit toutes les informations nécessaires ayant une incidence sur les stratégies des entreprises et les décisions, comme c’est déjà le cas dans certains pays. Les mesures visant à promouvoir les réseaux d’information doivent s’efforcer de personnaliser les bases de données et d’éviter la surcharge d’informations.

5.6.

Les mesures prises récemment pour faciliter l’accès aux marchés ont été principalement axées sur les marchés internationaux. La politique dans ce domaine vise à lutter contre les handicaps rencontrés par les PME en raison de leur accès insuffisant aux ressources humaines, aux marchés extérieurs et à la technologie. Mais, comme nous l’avons indiqué plus haut, cela est souvent peu pertinent pour les petites entreprises traditionnelles et familiales. Dès lors, les efforts devraient s’orienter vers une meilleure coordination entre les organisateurs des missions commerciales au niveau régional, et tenter d’améliorer l’aide apportée pour trouver des partenaires commerciaux fiables. Une autre possibilité de même ordre est de stimuler les efforts déployés pour renforcer la «part» de marchés publics obtenue par les petites entreprises.

5.7.

Un problème très spécifique auquel les petites entreprises traditionnelles et familiales ont récemment été confrontées est l’accès à une main-d’œuvre qualifiée. La situation démographique se dégrade dans les zones éloignées et dans de nombreuses régions qui accusent un retard de développement et, de ce fait, il existe dans de nombreux endroits une absence significative de main-d’œuvre qualifiée. Par conséquent, ces entreprises ont besoin d’aide pour déterminer les ressources humaines dont elles ont besoin, les attirer et les former. Les programmes de formation devraient être proposés en période creuse et taillés sur mesure. Il conviendrait de prévoir également un moyen d’offrir ces programmes régulièrement, car les petites entreprises peuvent être confrontées à des taux élevés de renouvellement de leur personnel.

5.8.

Dans les entreprises familiales, il est fréquent que les enfants, faisant ou non partie de la famille, travaillent pour la société. Il s’agit d’une pratique traditionnelle et bénéfique pour l’entreprise car elle garantit une transmission en douceur de l’entreprise d’une génération à l’autre ou permet aux enfants de se familiariser avec leur futur travail. Dans de tels cas, les propriétaires et/ou dirigeants de l’entreprise ne doivent pas perdre de vue la nécessité que les conditions de travail respectent les conventions nos 182 et 138 de l’OIT sur le travail des enfants.

5.9.

La formation est nécessaire, mais pas uniquement pour les salariés des petites entreprises familiales et traditionnelles. Dans les zones rurales et isolées, les employés de banque et les associations d’employeurs n’ont souvent pas connaissance des différents programmes et possibilités offerts par la Commission ni des documents et des procédures concernés. Ce réseau d’intermédiaires est extrêmement important du point de vue de l’efficacité de l’aide apportée aux petites entreprises familiales et traditionnelles. Il convient de promouvoir des programmes d’information et l’échange des meilleures pratiques entre ces intermédiaires. Un point de contact unique pour tous les types de financements et de programmes devrait également être mis en place.

5.10.

Une mesure importante devrait consister à renforcer la «qualité» du propriétaire/des dirigeants des petites entreprises familiales et traditionnelles, car tout dans ces sociétés est directement lié à ce facteur. Pour atteindre cet objectif, l’on pourrait soit encourager la formation, soit garantir un accès aisé à des services de conseil et de consultance. Il y a lieu de promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie — des outils pédagogiques en ligne relatifs à des domaines tels que la planification des activités, les normes de production, la législation ou d’autres réglementations sur la protection des consommateurs pourraient constituer un pas dans la bonne direction.

5.11.

Une autre mesure consisterait à encourager les petites entreprises familiales et traditionnelles à réinvestir leurs bénéfices. Si elles sont incitées à le faire, elles deviendront plus stables, moins dépendantes des crédits bancaires et moins sensibles aux crises.

5.12.

Il serait très utile de dresser un récapitulatif des bonnes pratiques de différents pays dans les secteurs caractérisés par un grand nombre de petites entreprises familiales et traditionnelles, tels que le tourisme, l’agriculture, la pêche, etc., et de le présenter aux États membres.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir les avis suivants du CESE: Mesures politiques pour les PME, JO C 27 du 3.2.2009, p. 7; Marchés publics internationaux, JO C 224 du 30.8.2008, p. 32; Small Business Act, JO C 182 du 4.8.2009, p. 30; Produits dérivés négociés de gré à gré, contreparties centrales et les référentiels centraux, JO C 54 du 19.2.2011, p. 44; Accès des PME au financement, EESC-2014-06006-00-00-RI-TRA.

(2)  Voir les avis suivants du CESE: Entreprises familiales, JO C 13 du 15.1.2016, p. 8; Réexamen du «Small Business Act», JO C 376 du 22.12.2011, p. 51 , La diversité des formes d’entreprise, JO C 318 du 23.12.2009, p. 22.

(3)  Analyse d’impact initiale Ares(2017)2868537 du 8 juin 2017.

(4)  Recommandation 2003/361/CE, article 4 de l’annexe.

(5)  Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

(6)  Les petites entreprises traditionnelles sont celles qui ont conservé le même modèle d’entreprise pendant une longue période, desservant des communautés relativement petites, par exemple de petits restaurants et cafétérias, des stations-service indépendantes, des boulangeries, des hôtels familiaux, de petites entreprises dans le secteur des transports et du commerce, etc.

(7)  Il n’existe pas de définition unique de l’entreprise familiale, mais plusieurs définitions de travail qui ont évolué au fil du temps. Elles soulignent que les entreprises familiales sont celles dont l’activité est largement contrôlée par une famille grâce à une participation à la propriété et à des postes de direction. (Sciascia et Mazzola, Family Business Review, Vol. 21, Numéro 4, 2008). Les entreprises familiales représentent au total plus de 85 % de l’ensemble des entreprises dans les pays de l’OCDE. Certaines d’entre elles sont de très grandes entreprises, mais le présent avis se concentre sur les entreprises familiales de petite taille.

(8)  Voir l’avis du CESE sur les Entreprises familiales, JO C 13 du 15.1.2016, p. 8.

(9)  Diverses études (par exemple: Parlement européen, 2011; CSES, 2012; CE 2008; OCDE, 1998).

(10)  La recommandation de la Commission 2003/361/CE définit les PME, qui sont classées en trois catégories: micro, petites et moyennes entreprises en fonction de leur nombre de travailleurs et de leur chiffre d’affaires. Les principales sources statistiques ne fournissent pas de données sur les entreprises définies comme des PME, parce qu’elles appliquent strictement la définition susmentionnée de ce type d’entreprises. Les données disponibles reposent sur le critère du nombre d’emplois. En conséquence, les statistiques communiquées dans le présent avis s’appuient sur cette définition. Il convient de noter que, si la prise en compte du critère du chiffre d’affaires et/ou du total de l’actif ne modifie pas beaucoup les statistiques, l’application des règles relatives à l’autonomie des entreprises pourrait avoir une incidence majeure sur les résultats; dans une étude menée en Allemagne, l’application de cette règle a réduit le nombre total de «PME» de 9 % (CSES, 2012).

(11)  Le secteur des activités non financières se compose de tous les secteurs économiques de l’Union des 28 États membres, à l’exception des services financiers, des services publics, de l’éducation, de la santé, des arts et de la culture, de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche.

(12)  Rapport annuel 2014/2015 sur les PME européennes, Commission européenne.

(13)  Final Report, Work Package 2, ex post evaluation of Cohesion Policy programmes 2007-2013, focusing on the European Regional Development Fund (ERDF) and the Cohesion Fund (CF), Contrat: 2014CE16BAT002, http://ec.europa.eu/regional_policy/fr/policy/evaluations/ec/2007-2013/ (disponible en anglais uniquement).

(14)  Support to SMEs — Increasing Research and Innovation in SMEs and SME Development, Work Package 2, First Intermediate Report, Volume I: Synthesis Report, Ex post evaluation of Cohesion Policy programmes, 2007-2013, focusing on the European Regional, Development Fund (ERDF) and the Cohesion Fund (CF), Contrat: 2014CE16BAT002, juillet 2015.

(15)  Même source que pour la note de bas de page no 13.

(16)  Même source que pour la note de bas de page no 14.

(17)  Voir l’avis d’initiative du CESE intitulé Promouvoir les entreprises innovantes et à forte croissance», JO C 75 du 10.3.2017, p. 6.

(18)  Un bon exemple est le tourisme rural, qui repose aujourd’hui beaucoup sur des plateformes numériques de commercialisation.

(19)  Données de l’examen des performances des PME de la Commission européenne (édition 2014).

(20)  Un «entrepreneur par nécessité» est une personne qui a été contrainte de devenir entrepreneur parce qu’elle n’avait pas de meilleure solution. Un «entrepreneur par opportunité» est une personne qui a choisi activement de démarrer une nouvelle entreprise, estimant qu’il existe une opportunité commerciale encore sous- ou inexploitée. Il existe des éléments qui suggèrent que l’effet sur la croissance économique et le développement varie fortement selon que l’on est en présence d’un entrepreneuriat de nécessité ou d’opportunité. Généralement, l’entrepreneuriat par nécessité n’a aucune incidence sur le développement économique tandis que l’entrepreneuriat par opportunité produit un effet positif et significatif.

(21)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 64.

(22)  Selon l’information fournie par le système de suivi et d’autres sources (par exemple l’évaluation ad hoc), seuls 12 % de l’ensemble des instruments d’action apportent une preuve indéniable de leur utilité. Jusqu’à 5 % de l’ensemble de ces instruments peuvent être considérés comme inopérants.

(23)  https://ec.europa.eu/fisheries/cfp/emff_fr

(24)  https://ec.europa.eu/agriculture/cap-funding_fr

(25)  http://ec.europa.eu/esf/home.jsp?langId=fr

(26)  Rapport d’information du CESE sur le thème Accès au financement pour les PME et entreprises de capitalisation moyenne au cours de la période 2014-2020: opportunités et défis.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/9


Avis du Comité économique et social européen sur «Le financement des organisations de la société civile par l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2018/C 081/02)

Rapporteur:

Jean-Marc ROIRANT

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

 

Décision de l’assemblée plénière

30 mars 2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27 septembre 2017

Adoption en session plénière

19 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

188/15/10

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les organisations de la société civile (OSC) jouent un rôle de premier plan dans la promotion d’une citoyenneté active en Europe. Une démocratie participative a besoin des corps intermédiaires pour impliquer les citoyens et favoriser leur expression dans tous les espaces civiques. L’existence d’une société civile organisée, forte, indépendante et diversifiée repose sur des financements publics adéquats.

1.2.

Au-delà de la difficulté aggravée de l’accès aux fonds publics, le rétrécissement de l’espace civique, constaté dans certains pays de l’Union européenne, est l’élément le plus dangereux pour le fonctionnement des OSC et pour la démocratie européenne.

1.3.

Le CESE considère qu’un cadre politique et législatif devrait être mis en place aux niveaux européen et national pour favoriser le développement d’une société civile européenne, inscrivant son activité dans le cadre des valeurs que traduisent les droits fondamentaux.

1.4.

Comme certains États membres l’on fait au niveau national au travers de «chartes d’engagements réciproques» ou de «pactes», les institutions européennes pourraient s’engager pour un véritable dialogue civil européen. Il faut reprendre les discussions sur un statut de l’association européenne ainsi que sur un statut européen des fondations, et assurer la mise en œuvre de l’article 11 du TUE sur le dialogue structuré avec la société civile.

1.5.

L’Union européenne devrait encourager les États membres à maintenir ou à développer les incitations fiscales destinées aux donations privées, ainsi qu’à orienter une partie de leurs recettes fiscales vers les OSC. L’Union européenne devrait aussi éliminer les obstacles aux donations transnationales en coordonnant les législations et les procédures fiscales, et investir en faveur de la philanthropie dans l’ensemble de l’Union européenne.

1.6.

Les institutions européennes devraient assurer la promotion d’une image positive des organisations de la société civile et veiller à préserver leur indépendance notamment par le renforcement de leur capacité d’action et d’engagement dans l’innovation sociale et la participation civique.

1.7.

Le CESE plaide pour une stratégie facilitant le développement d’une société civile forte et indépendante en Europe ainsi que pour la mise en place d’un médiateur européen chargé des libertés de l’espace civique auprès de qui les ONG pourraient signaler des incidents liés à des cas de harcèlement ou de limitation de leur action.

1.8.

Concernant le futur cadre financier pluriannuel, le CESE appelle les autorités budgétaires à revoir à la hausse le soutien aux organisations de la société civile notamment à travers des subventions de fonctionnement ainsi que des financements pluriannuels.

1.9.

Le CESE demande à la Commission de proposer un fonds européen pour la démocratie, les valeurs et les droits humains à l’intérieur de l’Union européenne (1), qui soit pourvu d’une enveloppe budgétaire ambitieuse et ouvert directement aux organisations de la société civile à travers l’Europe, ainsi que géré de manière indépendante à l’instar du Fonds européen pour la démocratie (FEDEM) (2) avec la participation de représentants du CESE.

1.10.

Afin de favoriser la démocratie participative, le CESE est d’avis que le programme «L’Europe pour les citoyens» devrait être doté d’une enveloppe de 500 millions d’EUR dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) en accord avec la proposition du Parlement européen (3). De même, les actions du programme Erasmus+ ciblant la société civile devraient être étendues.

1.11.

Le CESE demande à la Commission de suivre la mise en œuvre du code de conduite européen en matière de partenariat avec la société civile dans le cadre des Fonds structurels. La Commission devrait également inviter les pouvoirs publics nationaux et régionaux à utiliser les dispositions pour l’assistance technique conçues pour soutenir le développement des capacités, au profit des organisations de la société civile.

1.12.

Le CESE se déclare favorable à un approfondissement du débat sur la manière de garantir une participation accrue des organisations de la société civile aux programmes de recherche en favorisant les liens entre les chercheurs et la société civile et en proposant un nouveau volet portant sur la participation civique et la démocratie dans le cadre du pilier «défis sociétaux» du futur programme-cadre de recherche.

1.13.

Les objectifs de développement durable ainsi que les priorités de l’égalité de genre devraient être intégrés au futur cadre financier pluriannuel.

1.14.

L’Union européenne devrait maintenir et conforter son leadership en tant que pourvoyeur d’aide humanitaire et de coopération internationale, et encourager de manière volontariste l’essor de la société civile.

1.15.

Le CESE salue aussi la proposition avancée par la Commission dans sa proposition de révision du règlement financier qui consisterait à prendre en compte en tant que frais éligibles le temps consacré par des volontaires (une réponse directe à l’avis du CESE sur les «Outils statistiques pour mesurer le bénévolat» (4)), ainsi que de faciliter la prise en compte des contributions en nature en tant que cofinancements. Le CESE salue également le rapport du Parlement qui plaide en faveur d’une simplification du contrôle des fonds, en ce qui concerne notamment le recours commun aux évaluations et aux audits, le raccourcissement des délais pour la communication des réponses apportées aux demandeurs, ainsi que pour la signature des contrats et les paiements. Le CESE invite les institutions de l’Union européenne à trouver un accord sur la proposition de texte qui permette une juste valorisation du temps consacré par des bénévoles.

1.16.

Le renforcement de la société civile dépend d’un meilleur accès aux financements pour les plus petites organisations, ainsi que pour les publics les plus défavorisés. La Commission devrait envisager dans ce cadre différentes modalités de financement, ainsi que poursuivre la simplification des formalités administratives, en fournissant des formations et des lignes directrices relatives à la mise en œuvre des contrats et aux obligations financières, tout en veillant à la cohérence de l’interprétation du règlement relatif aux règles financières par ses services.

1.17.

Le CESE invite la Commission européenne à réagir rapidement au moyen de mesures appropriées, y compris des procédures d’infraction à l’encontre des États membres, lorsque des dispositions administratives ou juridiques nationales restreignent l’accès d’organisations nationales de la société civile aux fonds de l’Union européenne, notamment dans le cas où leurs sont imposées des conditions de financement qui limitent leurs actions de plaidoyer.

2.   Introduction

2.1.

Dans un certain nombre de ses avis, le CESE s’est penché sur la question du dialogue civil et de la démocratie participative, sur la définition de ces concepts, sur la représentativité des différents acteurs, ainsi que sur les mesures à mettre en œuvre au niveau européen. En particulier, le CESE a souligné que la mise en œuvre de l’article 11 du TUE (5) constituait un enjeu capital pour l’Union européenne dans sa quête de légitimité démocratique vis-à-vis des populations.

2.2.

Toutefois, la question de la façon dont les financements peuvent contribuer à faciliter la citoyenneté active et la démocratie participative n’a pas encore fait l’objet d’un avis spécifique.

2.3.

Il est désormais urgent d’analyser la répartition et l’efficacité des financements de l’Union européenne dans ce domaine, alors que les institutions de l’Union européenne s’apprêtent à discuter de la proposition relative au cadre financier pluriannuel après 2020, et sont en passe de prendre une décision sur la révision du règlement financier.

2.4.

La question du financement est aussi liée à la reconnaissance d’un rôle et d’un statut propres aux différents acteurs du dialogue civil européen. Le CESE s’est déjà prononcé à maintes reprises sur la nécessité d’un statut de l’association européenne (6).

2.5.

Dans le cadre du présent avis, on entend par «organisations de la société civile» (OCS) les organisations non gouvernementales sans but lucratif, indépendantes des institutions publiques et des intérêts commerciaux, et dont les actions contribuent à la réalisation des objectifs de la Charte des droits fondamentaux, tels que l’inclusion sociale, la participation active des citoyens, le développement durable sous toutes ses formes, l’éducation, la santé, l’emploi, les droits des consommateurs, l’aide aux migrants et aux réfugiés, et les droits fondamentaux (7).

3.   Le rôle des organisations de la société civile

3.1.

Une société civile engagée, pluraliste et indépendante joue un rôle essentiel dans la promotion de la participation active des citoyens au processus démocratique ainsi qu’en matière de gouvernance et de transparence, tant au niveau européen que national. Elle peut également contribuer à des politiques plus équitables et plus efficaces, et favoriser un développement durable et une croissance inclusive (8). Dans la mesure où elles sont capables «d’atteindre les groupes de population les plus fragiles et les plus désavantagés et de permettre à ceux qui ne font pas suffisamment entendre leur voix […] de s’exprimer», les OSC permettent une participation accrue et contribuent à la définition des politiques européennes (9).

3.2.

Au-delà de leurs fonctions civiques et sociales, les organisations de la société civile interviennent également, pour certaines d’entre elles, dans le secteur dit de «l’économie sociale et solidaire» et contribuent même de façon non négligeable à la création d’emplois.

3.3.

Les organisations de la société civile ont la particularité de réunir autour de projets divers majoritairement des bénévoles engagés et des salariés très impliqués. Le bénévolat envisagé comme l’expression active de la participation civique permettant de renforcer les valeurs européennes communes telles que la solidarité et la cohésion sociale doit pouvoir bénéficier d’un environnement propice (10).

3.4.

Une démocratie participative authentique a besoin des corps intermédiaires (syndicats, organisations d’employeurs et de PME, ONG, et autres acteurs sans but lucratif, etc.) pour permettre la participation de la population et favoriser une appropriation populaire et civique des enjeux européens, ainsi que la construction d’une Europe plus juste, plus solidaire et plus inclusive. L’existence d’une société civile organisée forte et diversifiée repose sur l’existence de financements publics adéquats et d’un cadre qui facilite l’accès à différentes formes de financement privé.

4.   Les différentes formes de financement

4.1.

Au niveau de l’Union européenne, de nombreux programmes sont disponibles dans différents secteurs (éducation, culture, social, citoyenneté, environnement, droits fondamentaux, recherche, coopération internationale, aide humanitaire, santé, etc.) qui incluent des objectifs spécifiques s’agissant de la participation de la société civile, notamment sous forme de projets. Les institutions ont aussi développé des subventions de fonctionnement en particulier pour favoriser la mise en réseau des organisations nationales intervenant dans différents secteurs et sur différentes thématiques sociétales. Ces soutiens financiers contribuent ainsi à la formation d’une «opinion publique européenne».

4.2.

En ce qui concerne l’élargissement et les politiques extérieures, notamment la coopération internationale et l’aide humanitaire, l’Union européenne a développé une politique volontariste pour favoriser l’essor de la société civile, notamment à travers des mesures spécifiques. L’Union européenne est par ailleurs l’un des grands contributeurs mondiaux en faveur de l’aide au développement et de l’aide humanitaire, et les citoyens européens soutiennent grandement cette approche (11).

4.3.

Néanmoins, sur le plan des politiques internes, il n’a été procédé à aucune réévaluation de la relation entre l’Union européenne et les organisations de la société civile (notamment en vertu de l’article 11 du TUE) depuis un premier document de discussion de la Commission présenté en 2000 dans le cadre de la réforme administrative, et qui soulignait la nécessité de maintenir un niveau élevé d’aide publique pour soutenir le rôle des ONG, la définition d’une approche cohérente au sein des services de la Commission ainsi que l’amélioration de la gestion des subventions.

4.4.

Le financement des organisations de la société civile se concentre essentiellement dans le domaine de l’aide humanitaire et de la coopération internationale. Selon les données de 2015 1,2 milliard d’EUR auraient été alloués à des financements aux ONG (plus ou moins 15 % de la rubrique «L’Europe dans le monde») (12) alors que les financements des OSC dans d’autres domaines restaient assez limités: 0,08 % de la rubrique «Croissance durable: ressources naturelles», 2,5 % de la rubrique «Sécurité et citoyenneté» et moins de 0,009 % de la rubrique «Croissance intelligente et inclusive». Il est donc urgent de procéder à une évaluation de ces montants ainsi que de l’efficacité des mesures prévues.

5.   La disponibilité des fonds publics et le rétrécissement de l’espace civique

5.1.

De récentes études et enquêtes, ainsi que le développement de mesures dans certains pays de l’Union, montrent aussi que la situation de l’espace civique est en train de se détériorer au niveau national dans certains États membres (13). La révision du cadre financier après 2020 ainsi que la révision en cours de certains programmes de financement ne pourront ignorer cette nouvelle donne.

5.2.

La récente loi hongroise sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers adoptée en juin 2017 a été condamnée par la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Europe. Cette affaire démontre la nécessité pour la Commission de faire en sorte que des mesures prises pour lutter contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent ne puissent avoir des conséquences non voulues sur l’accès aux financements et aux prêts financiers pour les OSC.

5.3.

Dans de nombreux pays européens, nous assistons à l’apparition de mesures visant à introduire des conditionnalités dans les subventions aux OSC qui ont pour effet de limiter leur rôle de plaidoyer ou leur capacité d’ester en justice (14).

5.4.

La crise financière et économique dans de nombreux pays a eu pour effet de limiter les interventions publiques en faveur des OSC et/ou de les réorienter vers des subventions à court terme. Des formes de financement ciblant essentiellement certains projets peuvent pousser des OSC à adapter leurs priorités et les amener à s’écarter de leur mission originelle et des besoins sociétaux. Dans certains pays, les gouvernements favorisent (au détriment des autres), le développement d’organisations favorables à leur ligne stratégique, instaurant une ambiance de connivence politique, et l’on observe un manque croissant de transparence dans l’attribution des subventions.

5.5.

Le CESE invite la Commission à exercer un suivi attentif de la mise en œuvre des conditions ex ante lors de l’évaluation des programmes, ainsi que dans le cadre des accords de partenariat, en particulier dans les domaines de l’emploi, de l’inclusion sociale et de la lutte contre les discriminations, de l’environnement, de l’égalité entre les sexes et des droits des personnes handicapées, de la participation des organisations de la société civile et du renforcement de leurs capacités institutionnelles (15), ainsi que de la transparence des procédures d’attribution des marchés, et de suspendre les paiements lorsque ces conditions ne sont pas respectées. Le CESE rappelle aussi à la Commission de surveiller la mise en œuvre de l’article 125 qui impose aux autorités de gestion d’appliquer des procédures et critères de sélection transparents et non discriminatoires. Le CESE invite la Cour des comptes européenne à évaluer dans son prochain rapport la conformité avec ces dispositions pour ce qui concerne les procédures de sélection appliquées aux ONG.

5.6.

La montée de l’extrémisme et du populisme ainsi que la multiplication des actes antidémocratiques constituent un défi pour l’acquis démocratique dans son ensemble, et créent un climat hostile aux corps intermédiaires. Par conséquent, il est essentiel de confirmer l’importance du rôle des organisations de la société civile et d’accroître le soutien financier européen qui leur est alloué.

5.7.

Le CESE plaide pour la mise en place d’un médiateur européen chargé des libertés de l’espace civique auprès de qui les ONG pourraient signaler des incidents liés à des cas de harcèlement ou de limitation de leur action.

6.   Les réponses possibles au niveau européen

6.1.

Le CESE considère qu’un cadre politique et législatif devrait être mis en place aux niveaux européen et national pour favoriser le développement d’une société civile européenne diversifiée, inscrivant son activité dans le cadre des valeurs que traduisent les droits fondamentaux.

6.2.

Les institutions européennes devraient assurer la promotion d’une image positive des organisations de la société civile et veiller à préserver leur indépendance notamment par le renforcement de leur capacité d’action et d’engagement dans l’innovation sociale et la participation civique, laquelle est souvent liée à son financement.

6.3.

Comme certains États membres l’on fait au niveau national au moyen de «chartes d’engagements réciproques» ou de «pactes», les institutions européennes pourraient s’engager dans une démarche de reconnaissance et de partenariat avec les instances représentatives associatives européennes et créer ainsi les conditions d’un véritable dialogue civil européen, tout en mettant en œuvre l’article 11 du TUE et autres engagements internationaux concernés (16).

6.4.

Il est aussi urgent de reprendre les discussions sur un statut de l’association européenne — proposé par la Commission en 1992 (17) — ainsi que sur un statut de fondation européenne. Cette initiative permettrait de promouvoir la reconnaissance des organisations de la société civile ainsi que la coopération entre elles au niveau européen, et viendrait compléter le statut de société européenne adopté en 2004 (18).

6.5.

Le CESE considère que l’Union devrait encourager les États membres à maintenir les incitations fiscales aux donations privées et à en développer de nouvelles, ainsi qu’à orienter une partie de leurs recettes fiscales vers les OSC, tout en éliminant les obstacles aux donations transnationales par une coordination des législations et procédures fiscales, et en investissant en faveur de la philanthropie à travers l’Union européenne.

6.6.

Concernant le futur cadre financier pluriannuel (CFP), le CESE demande aux autorités budgétaires de revoir à la hausse le soutien accordé aux organisations de la société civile, notamment sous la forme de subventions de fonctionnement ainsi que de financements pluriannuels dans le but de favoriser l’essor d’actions à long terme.

6.7.

Depuis l’adoption de la Charte des droits fondamentaux, aucun véritable programme n’a été mis en place pour venir en appui de la société civile des États membres de l’Union européenne dans le domaine des droits humains. Le soutien important apporté à la société civile des pays d’Europe centrale et orientale lors de leur adhésion à l’Union n’a pas été maintenu au moyen d’autres mécanismes de financement. Les récentes évolutions survenues avec l’essor du terrorisme et des mouvements extrémistes ou populistes montrent la nécessité d’investir davantage dans la société civile et de garantir la cohésion entre les pays sur le plan du développement de la société civile.

6.8.

Le CESE demande à la Commission de proposer un fonds européen pour la démocratie, les valeurs et les droits humains à l’intérieur de l’Union européenne (19), qui soit pourvu d’une enveloppe budgétaire ambitieuse et ouvert directement aux organisations de la société civile à travers l’Europe, y compris les organisations de défense des droits humains se donnant pour but de promouvoir et de protéger les valeurs fondamentales de l’Union européenne. Le fonds devrait couvrir les coûts de fonctionnement ainsi que les actions en contentieux et les activités de veille, et être géré de façon indépendante, de la même manière que le Fonds européen pour la démocratie (20) avec la participation de représentants du CESE.

6.9.

Le programme pour l’Europe des citoyens est le seul programme européen qui contribue spécifiquement à réduire le déficit démocratique en permettant à tous les européens de participer directement à la construction européenne, mais il bénéficie de subventions trop réduites. Dans le contexte actuel de remise en question des valeurs européennes et de la démocratie, le CESE considère que ce programme devrait être doté d’une enveloppe de 500 millions d’EUR dans le prochain cadre financier en accord avec la proposition du Parlement européen (21). De même, les actions du programme Erasmus+ ciblant la société civile devraient être étendues.

6.10.

La plupart des OSC rencontrent des difficultés pour accéder aux Fonds structurels notamment à cause des cofinancements requis. Les dispositions pour l’assistance technique visant à soutenir le développement des capacités sont aussi sous-utilisées et souvent réservées aux administrations publiques. Le code de conduite européen en matière de partenariat avec la société civile, qui est l’instrument clé, n’a pas été correctement appliqué dans la plupart des pays (22). Même lorsque les OSC sont invitées aux comités de surveillance, leur rôle est limité.

6.11.

Le CESE invite la Commission européenne à réagir rapidement en prenant des mesures appropriées, y compris au moyen de procédures d’infraction à l’encontre des États membres, lorsque des dispositions administratives ou juridiques nationales restreignent l’accès d’organisations nationales de la société civile aux fonds de l’Union européenne, notamment dans le cas où leurs sont imposées des conditions de financement qui limitent leurs actions de plaidoyer.

6.12.

Par leurs liens et leur contact permanent avec les populations et les activités de terrain, les organisations de la société civile sont conscientes des défis et des besoins sociétaux; néanmoins, le rôle qui est le leur dans le domaine de la recherche est très marginal. Le programme de l’Union européenne pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI) comporte également des barrières empêchant l’accès des organisations de la société civile. Le CESE se déclare favorable à un examen en profondeur de la manière de favoriser les liens entre les chercheurs et la société civile et propose un nouveau volet portant sur la participation civique et la démocratie dans le cadre du pilier «défis sociétaux» du futur programme-cadre de recherche.

6.13.

Le chômage des jeunes atteint encore des niveaux très élevés et représente un des problèmes les plus urgents auxquels l’Union européenne doit faire face — un nombre croissant de jeunes se trouvant exposés à un risque d’exclusion sociale. Dans ce contexte, les financements européens devraient soutenir davantage les organisations de la société civile qui s’investissent dans le développement des qualifications et des compétences des jeunes dans le cadre de l’éducation non formelle.

6.14.

Dans le secteur de la culture, la plupart des subventions ne sont pas adaptées aux organisations de la société civile actives dans ce domaine, lesquelles se voient aussi privées d’accès aux différents instruments financiers tels que les prêts. Il manque un véritable travail sur la dimension européenne de la culture dans un contexte où les expressions identitaires et les opinions populistes sont de plus en plus répandues. L’Union européenne devrait aussi soutenir davantage, notamment à travers Europe créative, les productions culturelles indépendantes, investir dans le développement et la durabilité des médias communautaires locaux à but non lucratif.

6.15.

En ce qui concerne la coopération au développement, l’Union européenne devrait investir davantage dans des actions de coopération centrées sur les populations, y compris sur les aspects d’égalité de genre, de gouvernance, de droits humains, de droits environnementaux, de résilience aux changements climatiques, d’éducation et de protection sociale notamment par une approche thématique par pays à laquelle associer étroitement la société civile.

6.16.

Lors de la conception du futur CFP, il conviendrait également de tenir compte des objectifs de développement durable et des priorités en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

6.17.

Le renforcement de la société civile dépend aussi d’un meilleur accès aux financements pour les plus petites organisations, ainsi que pour les publics les plus défavorisés. La Commission européenne devrait envisager dans ce cadre différentes modalités de financement et s’engager davantage dans la simplification administrative. Des mécanismes de re-subventionnement (ou financement en cascade), tels que mis en œuvre dans l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme ou dans le cadre des subventions de l’EEE, devraient être prévus plus systématiquement. Les subventions devraient être accordées par un opérateur national indépendant à l’issue d’une procédure d’appel d’offres (23).

6.18.

Les organisations de la société civile des pays d’Europe centrale et orientale ont encore, proportionnellement, un accès limité aux fonds. La Commission européenne devrait renforcer ses actions d’information sur les différents fonds destinés aux OSC et favoriser davantage les partenariats entre organisations.

6.19.

Il serait aussi utile de mettre en place un suivi plus systématique et un soutien à l’intention des organisations bénéficiaires ainsi qu’aux différentes directions générales en charge de la mise en œuvre du règlement financier en proposant des formations sur les obligations contractuelles et les audits.

6.20.

Des bases de données comportant un descriptif des projets déjà réalisés et des bonnes pratiques devraient être accessibles aux candidats potentiels pour favoriser l’innovation et les partenariats. La Commission devrait poursuivre ses efforts pour alléger la charge administrative imposée par le processus de candidature ainsi que par la gestion des financements, notamment en introduisant un système de candidature en ligne unique pour les différents programmes.

6.21.

L’évaluation des programmes gérés directement par la Commission devrait être plus transparente mais aussi plus soignée, compte tenu du nombre élevé de demandes de subventions européennes et du faible taux de réussite. Par ailleurs, des retours d’information permettraient aux OSC ayant essuyé un échec de s’améliorer, et par là même d’accroître la confiance dans le processus de sélection.

6.22.

Les délais pour les notifications des contrats, la signature des contrats et les paiements devraient être réduits significativement afin de limiter la nécessité de contracter des prêts bancaires, rendus nécessaires par un manque de trésorerie.

6.23.

Le CESE demande aussi à la Commission de réévaluer les montants des cofinancements, notamment pour les plus petites organisations qui éprouvent beaucoup de difficultés à lever d’autres fonds et celles qui sont engagées dans des processus de plaidoyer, comme par exemple les organisations de défense des consommateurs, les associations environnementalistes, les organisations de défense des droits de l’homme et celles qui œuvrent à la promotion de la citoyenneté. Cette démarche est d’autant plus nécessaire que les règles de cofinancement augmentent la charge administrative pesant sur les organisations de la société civile, avec les risques connexes posés par les divergences dans les règles contractuelles et financières appliquées par les bailleurs de fonds.

6.24.

Le CESE se félicite aussi vivement de la proposition avancée par la Commission dans sa proposition de révision du règlement financier (24) de prendre en compte en tant que frais éligibles le temps consacré par des volontaires, ainsi que de faciliter la prise en compte des contributions en nature en tant que cofinancements. Cette proposition est une réponse directe à la demande exprimée par le CESE dans son avis sur les «Outils statistiques pour mesurer le bénévolat» (25). Le CESE salue également le rapport du Parlement ainsi que la proposition du Conseil d’introduire une exception à la règle de non profit pour les associations non lucratives. Le CESE invite les institutions de l’Union européenne à trouver un accord sur la proposition de texte qui permette une juste valorisation du temps consacré par des bénévoles.

6.25.

La transparence en matière d’accès aux financements et de leur contrôle devrait être améliorée par la définition de lignes directrices claires pour les contrôles de la Commission et, dans le cas de financements associant plusieurs donneurs, en tenant compte des évaluations et de la sélection ex ante des partenaires, ainsi que des vérifications et des audits ex post menés par les autres donneurs.

6.26.

Par ailleurs, l’accès du public aux informations concernant les montants et les affectations de crédits devrait être facilité par la réforme des dispositions de la Commission en matière de transparence financière. Celles-ci devraient inclure des paiements annuels au lieu des engagements pluriannuels, et être rendues plus fiables grâce à une harmonisation des bases de données des différents programmes. Dans le même temps, les ONG devraient continuer d’appliquer les normes de transparence les plus élevées en matière d’autodéclaration.

6.27.

Enfin, la Commission devrait développer un dialogue constructif et suivi entre les différentes directions générales et les OSC afin d’examiner les bonnes et mauvaises pratiques et développer une approche plus cohérente.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Ce fonds poursuivrait les mêmes objectifs que l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme: http://www.eidhr.eu/whatis-eidhr#

(2)  Le FEDEM est une organisation indépendante habilitée à allouer des subventions qui a été créée en 2013 par l’Union européenne et ses États membres afin de promouvoir la démocratie dans le voisinage européen et au-delà. Tous les États membres de l’Union européenne siègent au conseil des gouverneurs du FEDEM aux côtés de députés au Parlement européen et d’experts de la société civile.

(3)  Résolution du Parlement européen établissant le programme «L’Europe pour les citoyens».

(4)  JO C 170 du 5.6.2014, p. 11.

(5)  JO C 11 du 15.1.2013, p. 8.

(6)  JO C 318 du 23.12.2006, p. 163.

(7)  JO C 88 du 11.4.2006, p. 41.

(8)  Livre blanc sur la gouvernance européenne, du 25.7.2001.

(9)  COM(2000) 11 final.

(10)  Année européenne du volontariat 2011.

(11)  Voir notamment l’enquête 2017: http://ec.europa.eu/echo/eurobarometer_fr

(12)  EuropAid — Direction générale du développement et de la coopération.

(13)  «Civic Space in Europe 2016», Civicus Monitor.

(14)  Voir la loi sur le lobbying au Royaume-Uni qui empêche les ONG d’exprimer leur point de vue durant les campagnes électorales, le récent référendum sur la participation à l’Union européenne, ou encore la révision en cours de la loi électorale (amendement) de 2011 en Irlande, qui vise à empêcher des tiers d’influencer les campagnes électorales, mais où l’interprétation à donner des «objectifs politiques» et le seuil fixé pour les dons individuels aux ONG a suscité la controverse, notamment en relation avec le financement d’une campagne en faveur de l’avortement.

(15)  JO L 347 du 20.12.2013, p. 320.

(16)  Voir, par exemple, les obligations qui leur incombent au titre des objectifs de développement durable et de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) pour un dialogue structuré soutenu par des financements adéquats.

(17)  JO C 99 du 21.4.1992, p. 1.

(18)  Statut de la société européenne.

(19)  Ce fonds poursuivrait les mêmes objectifs que l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme: http://www.eidhr.eu/whatis-eidhr#

(20)  Le FEDEM est une organisation indépendante habilitée à allouer des subventions qui a été créée en 2013 par l’Union européenne et ses États membres afin de promouvoir la démocratie dans le voisinage européen et au-delà. Tous les États membres de l’Union européenne siègent au conseil des gouverneurs du FEDEM aux côtés de députés au Parlement européen et d’experts de la société civile.

(21)  Résolution du Parlement européen établissant le programme «L’Europe pour les citoyens».

(22)  AEIDL — réseau thématique partenariat.

(23)  Mid-term NGO evaluation released — EEA Grants.

(24)  COM(2016) 605 final.

(25)  JO C 170 du 5.6.2014, p. 11.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/16


Avis du Comité économique et social européen sur «Les villages et les petites villes en tant que catalyseurs de développement rural — défis et opportunités»

(avis d’initiative)

(2018/C 081/03)

Rapporteur:

Tom JONES

Décision de l’assemblée plénière

22.9.2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

3.10.2017

Adoption en session plénière

18.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

129/0/1

1.   Conclusions et recommandations

Conclusions

1.1.

Le CESE estime que, malgré des déséquilibres démographiques croissants et le déclin de l’activité économique traditionnelle dans de nombreux villages et petites villes, il existe assez d’indices attestant de bonnes pratiques pour trouver des motifs d’optimisme quant à un avenir durable dans de nombreuses — voire dans la totalité — des agglomérations rurales. Ces agglomérations peuvent être les catalyseurs d’un renouveau plus large et d’un développement durable des zones rurales.

1.2.

Toutefois, cet optimisme dépend d’un effort durable et global associant populations et ressources financières à tous les niveaux de gouvernement et dans les trois secteurs — privé, public et société civile.

Recommandations

1.3.

Le CESE soutient pleinement l’initiative Villages intelligents (Smart Villages) de la Commission européenne en raison notamment des promesses qui l’ont accompagnée en matière de coopération entre les différentes directions. Les programmes de développement rural à l’échelon national ou régional (PDR) qui sont gérés conjointement par de la DG AGRI et les États membres sont essentiels, mais ils ne pourront jamais mobiliser des ressources suffisantes pour cette initiative sans faire appel à d’autres investissements publics nationaux, régionaux ou locaux. Le CESE note et approuve l’avis en cours d’élaboration du Comité des régions consacré à l’initiative Villages intelligents (1).

1.4.

Le haut débit — aussi bien mobile que fixe — est crucial pour que les villes et les villages développés de manière intelligente aient une quelconque chance de développement économique et social, et il doit être pleinement accessible, selon les modalités garanties par le «test rural» mis en exergue dans la déclaration de Cork 2.0 de 2016.

1.5.

Il conviendrait que les services publics dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la santé et de l’aide sociale ainsi que de la garde des enfants soient accessibles, intégrés, et qu’ils utilisent les avancées technologiques de manière innovante.

1.6.

Les autorités chargées de l’aménagement du territoire dans les zones rurales devraient promouvoir des procédures permettant la rénovation des bâtiments désaffectés dans les villages et les petites villes, en garantissant un niveau d’imposition foncière peu élevé pour les entreprises ainsi que des indemnités compensatoires prélevées sur les projets de commerce de détail en périphérie des agglomérations. Lorsque des bâtiments ainsi rénovés seront mis à disposition, il conviendra de tenir compte des besoins des ONG locales ainsi que de ceux des secteurs privé et public.

1.7.

La mauvaise connectivité des transports constitue un autre défi à relever, et le transport partagé ou la propriété collective de bus et de cars sont recommandés en cas d’absence du secteur privé.

1.8.

Il conviendrait, aussi souvent que possible, d’encourager les employeurs à favoriser le travail à distance et de tirer parti des avantages potentiels des partenariats entre villes et campagnes. Les contributions de l’agrotourisme et du tourisme rural, des activités liées à la santé et de la stratégie de marque (branding) appliquée aux produits de l’agriculture et de l’artisanat locaux, ainsi que l’élargissement de la gamme des manifestations culturelles et historiques proposées sont très importantes dans ce contexte. Grâce au soutien opérationnel du programme de développement rural, les chefs d’entreprises ont la possibilité d’attirer des investissements étrangers ainsi que de développer et de commercialiser des produits à valeur ajoutée.

1.9.

La gouvernance au niveau le plus local est une question nationale ou régionale. Toutefois, les villages et les petites villes doivent être dotés de pouvoirs renforcés et d’un meilleur accès aux ressources financières pour faire prévaloir et soutenir la volonté de leurs administrés.

1.10.

L’initiative Leader et les groupes d’action locale devraient être soutenus sans réserve dans leurs actions visant à encourager le développement local en aidant les entreprises — que celles-ci relèvent du secteur privé ou d’une activité à but non lucratif — à démarrer et à se développer, ainsi qu’à assurer un esprit collectif engagé et solidaire. À l’aide d’une coopération renforcée, le développement local mené par les acteurs locaux permettrait de conforter ces efforts.

1.11.

Les populations des villages et des petites villes devraient avant tout s’engager pour développer un sentiment d’appartenance à la communauté qui encourage la prise de responsabilité en son sein. Les établissements scolaires et les éducateurs locaux devraient favoriser la prise de responsabilité. Les leaders émergents ont besoin du plein soutien des organismes de conseil et des organisations non gouvernementales qui ont accès aux bonnes pratiques et aux initiatives similaires pertinentes.

1.12.

Les villages développés de manière intelligente qui émergent devraient être mis en valeur aux niveaux régional, national et européen. Les institutions de l’Union et leurs parties prenantes devraient organiser chaque année une journée de célébration destinée à promouvoir la réussite et la cohésion des communautés des villages et des petites villes.

1.13.

Pour renforcer et développer un véritable esprit de partenariat entre les villes ou les grandes agglomérations avec les localités avoisinantes, le CESE apporte son soutien aux recommandations figurant dans le document de l’association R.E.D (2) de 2016, intitulé «Faire grandir l’Europe avec les territoires ruraux» et le projet pilote de jumelage entre villes du Carnegie Trust. Les principes du développement durable et de l’économie circulaire devraient s’appliquer aux partenariats urbain-rural.

1.14.

Le CESE soutient l’appel figurant dans le manifeste rural européen adopté par le deuxième parlement rural européen au mois de novembre 2015 «à plus de coopération entre communautés, organisations et institutions des zones rurales et urbaines afin de récolter le plein bénéfice que de tels échanges peuvent induire en termes de liens sociaux, culturels et économiques [et] à des échanges intenses d’idées et de bonnes pratiques entre tous les acteurs des secteurs ruraux et urbains».

1.15.

Le CESE préconise que la Banque européenne d’investissement élabore des mécanismes de soutien sur mesure en faveur des petites entreprises rurales, que celles-ci relèvent du secteur privé ou de l’économie sociale, y compris les coopératives, comme celle-ci s’y est engagée dans son programme pour la période 2017-2019.

1.16.

Le Conseil européen des jeunes agriculteurs (CEJA) et les autres organisations représentant la jeunesse devraient être soutenus pour ouvrir la voie à des forums de la jeunesse dans les communautés locales qui stimuleront une action conforme à leurs besoins et à leurs aspirations. Ils doivent pouvoir être davantage entendus en ce qui concerne l’élaboration de solutions économiques et sociales; et la formation, l’encadrement et l’appui financier doivent être adaptés à leurs aspirations.

1.17.

L’objectif 11 des objectifs de développement durable des Nations unies est consacré aux villes et aux communautés. Les villages et les petites villes durables devraient figurer sous le titre de «communautés».

1.18.

Il conviendrait que les valeurs culturelles que recèlent les villages et les petites villes occupent une place de choix dans la publicité et les initiatives qui seront lancées à l’occasion de l’Année européenne du patrimoine culturel 2018. Les personnes les plus âgées de leur population peuvent jouer un rôle important pour promouvoir les traditions et la culture, et il importe de créer les conditions voulues pour qu’elles s’engagent activement dans ce domaine.

1.19.

Le CESE recommande que les «bonnes pratiques» soient partagées à tous les niveaux. Elles le sont d’ores et déjà sous les auspices du REDR, de l’ELARD, de l’Ecovast et au parlement rural européen, et celles-ci sont reprises dans la publication intitulée «The best Village in the World» (Le meilleur village du monde) (3).

2.   Introduction

2.1.

Les zones rurales forment une part essentielle de l’Europe dont dépendent les secteurs économiques essentiels que sont l’agriculture et la sylviculture. Les communautés des petites villes et des villages se trouvent au cœur, et font partie intégrante, de ces zones rurales, et elles ont toujours été le lieu de vie et de travail des populations.

2.2.

Dans les zones rurales, les petites villes constituent un centre pour les villages et les hameaux de l’arrière-pays. De la même manière, les petites villes se situent dans l’arrière-pays des grandes zones urbaines. Tous sont interdépendants. Ils constituent des partenaires essentiels dans le cadre des partenariats entre villes et campagnes — un concept qui a été encouragé par la DG REGIO (4) et l’OCDE — les deux partenaires y bénéficient des mêmes droits en ce qui concerne la gestion et la planification de leur avenir. Les villages et petites villes d’Europe ont été confrontés à de nombreux changements, tant sur le plan économique que social, et aujourd’hui encore, doivent constamment s’adapter.

2.3.

Avec les secteurs agricole et sylvicole, les villages et les petites villes constituent «l’épine dorsale» des zones rurales et fournissent emplois, services et éducation, lesquels bénéficient tant à leurs habitants qu’à ceux des villages et hameaux de leur arrière-pays. À leur tour, les petites villes constituent l’arrière-pays des grandes villes. Dans toutes les régions, les zones rurales et les zones urbaines sont donc liées. Les zones urbaines et rurales proposent des services dont elles tirent toutes les deux profit: les zones urbaines sont tributaires des zones rurales pour leur approvisionnement alimentaire et permettent d’écouler les produits de la campagne, tandis que les zones rurales offrent détente et tranquillité aux habitants des villes.

2.4.

Dans de nombreuses zones rurales, il existe une forte tradition de sentiment d’appartenance à une communauté. Cette tradition tend à diminuer, et dans de nombreuses zones rurales reculées, le sentiment existe également d’être abandonnés et négligés.

3.   Défis spécifiques

3.1.

Ces dernières décennies, les communautés rurales ont été confrontées à des défis en rapport avec la tendance à centraliser de nombreux services aux fins d’économies d’échelle, l’évolution dans le domaine des transports et des modes de déplacement et le changement de mode de vie dans un monde moderne. Les entreprises locales de services quittent les communautés rurales, bon nombre de commerces, de banques et de bureaux de poste disparaissent et les petites écoles de village ferment leurs portes.

3.2.

Dans les zones rurales, le chômage n’est pas perceptible vu le niveau bien inférieur des chiffres par rapport à ceux des zones urbaines. Elles sont toutefois confrontées au problème supplémentaire de l’accès à l’aide des services fournis par les centres pour l’emploi, qui sont établis en ville, et souffrent par ailleurs d’une diminution de l’offre de transports publics. Le niveau de chômage peut parfois être faible à cause du départ massif des jeunes pour des raisons de formation, d’éducation ou de recherche d’emploi, alors même que beaucoup, parmi ceux qui restent, travaillent pour des salaires modiques.

3.3.

Les demandes de financements publics, qui sont tellement importants pour les communautés rurales, s’accroissent en raison de la hausse globale du coût de la vie et de l’augmentation du prix des services.

3.4.

Les investissements dans les infrastructures routières et autoroutières favorisent l’usage des voitures particulières, qui deviennent le moyen le plus simple de se rendre sur le lieu de travail. Les habitants des zones rurales sont désormais plus disposés à parcourir des distances plus longues mais de ce fait, ils sont beaucoup moins dépendants vis-à-vis de leur communauté locale en ce qui concerne l’emploi où la prestation de services.

3.5.

Les consommateurs ne font plus leurs achats de la même manière qu’auparavant. Ils les font souvent près de leur lieu de travail, qui est généralement situé dans une (grande) ville plutôt que dans leur village ou petite ville. Ils font aussi leurs achats sur internet et les commandes sont livrées à domicile. Cette tendance a contribué à la disparition des commerces de proximité.

3.6.

Les jeunes quittent les zones rurales pour se former, étudier ou travailler en ville. Sans le maintien d’une offre d’emploi dans les zones rurales, il est difficile de les convaincre de revenir. Il est urgent de considérer et de mettre la parole des jeunes au cœur de la démocratie locale. Les organisations représentatives de la jeunesse devraient être soutenues afin d’encourager la participation à la gestion des affaires publiques. De la même manière, les organismes économiques et sociaux devraient tester auprès des jeunes les conseils et les soutiens financiers qu’ils apportent.

3.7.

La cohésion entre les générations est mise à l’épreuve par le déséquilibre en nombre entre les différents groupes d’âge. Disposer en zone rurale de mesures adaptées en faveur de l’emploi, d’écoles et de services de garde des enfants, ainsi que d’un prix abordable du logement constitue un élément crucial pour permettre aux jeunes et aux familles avec enfants de rester ou de revenir dans les communautés rurales. Au sein de ces dernières, les points de vue sur l’activité économique locale varient selon les personnes. Il est nécessaire de dialoguer et de s’entendre pour trouver le bon équilibre entre la tranquillité d’une part, et des initiatives permettant de créer des emplois adéquats, d’autre part.

4.   Opportunités

4.1.

L’initiative de la Commission européenne en faveur de «villages intelligents» est essentielle, tout particulièrement en raison des promesses de coopération inter-directions. Le programme de développement rural de la DG AGRI ne pourra jamais mobiliser des ressources suffisantes pour cette initiative sans faire appel à celles des autres DG, et sans investissements publics nationaux, régionaux ou locaux. Cette initiative pilote, après évaluation, doit être intégrée à toute nouvelle Politique agricole commune ainsi qu’à tout nouveau programme régional, et déployée de manière à inclure les petites villes en tant que parties intégrantes de la «renaissance rurale».

4.2.

Le haut débit est essentiel pour l’ensemble des zones rurales. L’amélioration de la couverture en haut débit — mobile aussi bien que statique — pourrait favoriser un large éventail d’activités. Il en va non seulement du développement des entreprises et de la possibilité de «travailler à domicile» mais aussi de la qualité de vie au quotidien des populations. L’apprentissage en ligne, l’accès à des soins de santé de meilleure qualité et la commercialisation des services disponibles en ligne pourraient se trouver facilités. De bonnes pratiques ont été relevées où l’amélioration de l’accès à internet en zones rurales a démontré qu’il était profitable aux communautés. Il conviendrait de mettre à la disposition — notamment des citoyens âgés — un apprentissage de base de l’utilisation de l’internet.

4.3.

Il conviendrait, aussi souvent que possible, d’encourager les employeurs à favoriser le travail à distance, et de tirer parti des avantages potentiels des partenariats entre villes et campagnes. Grâce au soutien opérationnel du programme de développement rural (PDR), les chefs d’entreprises ont la possibilité d’attirer des investissements étrangers ainsi que de développer et de commercialiser des produits à valeur ajoutée tels que denrées alimentaires, boissons, patrimoine paysager et historique, activités liées à la culture, à la santé et aux loisirs, tout en garantissant la continuité des compétences liées à l’environnement et à l’artisanat qui sont propres au milieu rural.

4.4.

Il conviendrait que les services publics dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la santé et de l’aide sociale soient intégrés et regroupés, et qu’ils utilisent les avancées technologiques de manière innovante afin d’éviter tout risque de discrimination et d’exclusion, notamment en ce qui concerne les personnes âgées et les adolescents vivant en zone rurale. La dispersion des administrations publiques pourrait montrer l’exemple dans la réduction de la saturation et de la pollution des villes/zones urbaines, tout en favorisant un sentiment d’équité rurale. Les collectivités locales ont un rôle clé à jouer dans l’aménagement des zones rurales et pour encourager et soutenir une action positive au sein des communautés rurales afin de contribuer à garantir leur avenir. Différents services peuvent être regroupés au sein d’un même bâtiment, ou alors des bâtiments non utilisés peuvent être adaptés pour accueillir de nouveaux usages professionnels, ce qui permettrait de créer de nouveaux emplois, lesquels ouvriraient la voie à de nouvelles possibilités d’activité économique. Lorsque des bâtiments ainsi rénovés seront mis à disposition, il conviendra de tenir compte des besoins des ONG locales ainsi que de ceux des secteurs privé et public.

4.5.

Un travail reste à accomplir pour développer un véritable esprit de partenariat entre les villes ou les grandes agglomérations et les localités avoisinantes les conduisant à partager, à des conditions mutuellement acceptées, un sentiment d’appartenance, une stratégie de marque (branding) et des investissements communs. En 2016, avec un certain nombre d’autres organisations, l’association Ruralité-Environnement-Développement (R.E.D.) a recommandé l’établissement d’une stratégie politique européenne pour les territoires ruraux à l’horizon 2030 (5). Le projet de jumelage entre villes du Carnegie Trust offre un autre exemple en la matière. Les principes du développement durable et de l’économie circulaire devraient s’appliquer aux partenariats urbain-rural.

4.6.

En novembre 2015, le deuxième parlement rural européen a adopté le manifeste rural européen. Le réseau du parlement rural européen comptant des partenaires situés dans quarante pays européens cherche à faire avancer les thématiques qui sont décrites dans le manifeste. Le parlement rural européen œuvre «à plus de coopération entre communautés, organisations et institutions des zones rurales et urbaines afin de récolter le plein bénéfice que de tels échanges peuvent induire en termes de liens sociaux, culturels et économiques [et] à des échanges intenses d’idées et de bonnes pratiques entre tous les acteurs des secteurs ruraux et urbains». Les travaux menés par les partenaires s’articulent autour de différents thèmes tels que: «les petites villes», «les services et les infrastructures durables» et «le développement rural intégré et l’approche Leader/développement local mené par les acteurs locaux (DLAL)». Ils donneront lieu à un rapport qui sera présenté et débattu à l’occasion du troisième parlement rural européen qui se tiendra au mois d’octobre 2017 à Venhorst (Pays-Bas).

4.7.

Il conviendrait que la Banque européenne d’investissement élabore des mécanismes de soutien sur mesure en faveur des petites entreprises rurales, que celles-ci dépendent du secteur privé ou de l’économie sociale, et y compris les coopératives, comme celle-ci s’y était engagée dans son programme pour la période 2017-2019 et comme elle a pu l’illustrer au profit de la confiserie Niki Agathocleous à Agros, dans le massif du Troodos (Chypre).

4.8.

Le secteur du bénévolat est très actif dans les zones rurales. Les bénévoles participent à la coordination des actions et à la coopération entre les citoyens. Des entreprises sociales et communautaires, telles que les 300 entreprises de l’économie sociale qui, au Danemark, ont le droit d’utiliser le label «RSV» — pour «entreprise (virksomhed) de l’économie sociale enregistrée» — ou la marque de café Cletwr au centre du pays de Galles, contribuent de plus en plus à compenser la disparition de services publics ou privés. Leur activité s’inscrit dans le droit fil des idées de responsabilité sociale des entreprises. Le rôle d’aide et de conseil apporté par des organisations telles que la Fondation Plunkett est important pour instaurer et maintenir la durabilité des entreprises sociales et communautaires.

4.9.

Parmi les habitants des villages et des petites villes, tous les horizons sont représentés, et chacun doit pouvoir être entendu au sein de la communauté locale où il vit. Les plus bas échelons de l’administration publique — comme les conseils des paroisses civiles anglaises ou les (petites) communes — devraient être associés à la prise de décision au niveau local, et doivent être renforcés et dûment mandatés pour pouvoir répondre à cette nécessité. Les citoyens sont fiers de leur communauté locale, et cette fierté pourrait être reconnue comme une ressource et être mise à contribution pour favoriser une participation plus large de la population. Les personnes retraitées ou non ayant travaillé dans le secteur privé, la fonction publique ou le domaine associatif ont de nombreuses compétences à offrir. Des programmes locaux et européens donnent vie à des projets qui encouragent le développement de partenariats locaux au sein des villages et des petites villes, ce qui donne lieu à la création de nombreuses entreprises communautaires. Ces entrepreneurs exercent leurs activités dans tous les secteurs et deviennent les ambassadeurs de leurs communautés.

4.10.

Les villages et petites villes tiennent une place importante dans la culture européenne. Souvent, ils conservent leurs coutumes et traditions locales. Ces zones d’habitat rural ont généralement un caractère historique et leur architecture reflète l’évolution au fil des siècles des matériaux de construction locaux et des styles. Les centres des petites villes abritent encore souvent des entreprises locales et, contrairement aux centres des grandes villes, n’ont pas été envahis par les constructions standards exigées par les grandes chaînes commerciales. Les petites localités rurales sont aussi étroitement liées au paysage dans lequel elles s’inscrivent, et cet environnement détermine en grande partie l’atmosphère régnant dans les villages et les petites villes, et reflète leurs très diverses origines: position défensive perchée au sommet d’une colline, point de franchissement d’un fleuve, proximité d’une source, bordure de lac, île ou côte, etc. Il conviendrait que les valeurs culturelles que recèlent les villages et les petites villes occupent une place de choix dans la publicité et les initiatives qui seront lancées à l’occasion de l’Année européenne du patrimoine culturel 2018. Les personnes les plus âgées de leur population peuvent jouer un rôle important pour promouvoir les traditions et la culture, et il importe de créer les conditions voulues pour qu’elles s’engagent activement dans ce domaine.

4.11.

Ces villages et petites villes ont des atouts de taille qu’ils peuvent exploiter pour maintenir ou améliorer leurs économies locales. Ils sont intimement liés à l’agriculture, la sylviculture et la production d’énergie, ainsi qu’à l’agrotourisme et au tourisme rural, aux activités liées à la santé, aux festivals culturels ainsi qu’à la protection de l’environnement et à l’éducation. Des centaines d’exemples existent à travers l’Europe — Kozárd en Hongrie ou Alston Manor en Angleterre — qui pourraient servir à d’autres. Le rapport «The Importance of Small Towns» (L’importance des petites villes) établi par le conseil européen pour le village et la petite ville (Ecovast) constitue aussi une précieuse contribution pour décrire et faire comprendre l’importance du rôle joué par les villages et les petites villes.

4.12.

Les futures politiques rurales adoptées avec enthousiasme lors de la conférence de Cork 2.0, en septembre 2016, doivent aider les États membres et les régions à élaborer des politiques rurales d’appui et encourager le développement de projets dans le cadre des programmes européens. La mise en œuvre du «test rural» décrit dans le cadre de Cork 2.0 est essentielle pour l’Union européenne, les États membres et les régions.

4.13.

La méthode Leader, qui est subventionnée par l’Union européenne, ainsi que le développement local mené par les acteurs locaux (DLAL) fournissent un certain nombre d’outils pour soutenir le renforcement et l’autonomisation des communautés rurales. L’initiative Leader et les groupes d’action locale peuvent soutenir les efforts locaux visant à aider les entreprises — que celles-ci relèvent du secteur privé ou d’une activité à but non lucratif — à démarrer et à se développer, ainsi qu’à assurer un esprit collectif engagé et solidaire. Jusqu’en 2014, Leader était soutenue par le Fonds européen agricole pour le développement rural, mais depuis 2015, d’autres Fonds structurels et d’investissement peuvent mettre en œuvre la méthode grâce au multifinancement qui fonctionne avec le DLAL. Une telle approche suppose une coopération renforcée — et un certain nombre de bons exemples peuvent être notés, au nombre desquels IRD Duhallow et SECAD dans le comté de Cork et PLANED au Pays de Galles, qui mettent en œuvre des démarches ascendante de DLAL depuis de nombreuses années.

4.14.

Il existe de nombreux projets ruraux dans le cadre des programmes européens qui démontrent pertinemment l’extrême variété des «bonnes pratiques» en vigueur dans les petites villes et les villages. Les bonnes pratiques démontrent également la nécessité et la valeur des intermédiaires pour aider les entrepreneurs et les petits groupes.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Revitaliser les zones rurales grâce aux villages intelligents (non encore publié au Journal officiel).

(2)  R.E.D: Ruralité-Environnement-Développement.

(3)  Par Ulla Herlitz et al., qui offre un exemple de bonne pratique — REDR: Réseau européen de développement rural; ELARD: Association européenne Leader pour le développement rural; Ecovast: Conseil européen pour le village et la petite ville.

(4)  Ecovast faisait partie du réseau RURBAN de la DG REGIO.

(5)  «Faire grandir l’Europe avec les territoires ruraux».


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/22


Avis du Comité économique et social européen sur la «Justice climatique»

(avis d’initiative)

(2018/C 081/04)

Rapporteur:

Cillian LOHAN

Décision de l’assemblée plénière

23 février 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

3 octobre 2017

Adoption en session plénière

19 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

194/12/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le concept de justice climatique définit le changement climatique mondial comme une question d’ordre politique et éthique, et pas strictement environnemental. Il est généralement envisagé dans un contexte mondial d’interdépendance spatiale et temporelle, et s’appuie sur le constat que les catégories les plus vulnérables et les plus pauvres de la société sont souvent les plus affectées par les effets du changement climatique, et ce, alors même que ces catégories sont les moins responsables des émissions ayant conduit à la crise climatique. Plus généralement, dans le présent avis, la justice climatique reconnaît la nécessité de s’intéresser, sous l’angle de l’équité, à l’impact souvent disproportionné du changement climatique sur les citoyens et les communautés locales des économies développées et des économies en développement.

1.2.

Le CESE considère que tous les citoyens ont le droit de vivre dans un environnement propre et sain, et d’attendre des pouvoirs publics qu’ils prennent leurs responsabilités et assument leurs engagements nationaux et leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’accord de Paris concernant les moteurs du changement climatique et les menaces que celui-ci représente, en tenant compte non seulement des aspects environnementaux et économiques les plus évidents, mais également de l’impact social.

1.3.

Le CESE propose d’entamer un débat sur une charte européenne des droits climatiques qui récapitulerait les droits des citoyens de l’Union et de la nature dans le contexte des défis liés à la crise mondiale du changement climatique. Tout en reconnaissant le rôle moteur joué par l’Union européenne dans la promotion d’un régime international de lutte contre le changement climatique qui soit solide et équitable, il encourage les institutions de l’Union européenne et les pouvoirs publics nationaux à se pencher sur l’application des principes de justice climatique à tous les niveaux: mondial, européen, national et local. Le processus du semestre européen pourrait servir d’instrument pour la réalisation de cette ambition. La justice climatique est au service aussi bien des populations que de l’environnement dont nous dépendons tous — ces deux dimensions sont interdépendantes. Dans ce contexte, le CESE rappelle deux initiatives récentes: le pacte mondial pour l’environnement et le projet de déclaration universelle des droits de l’humanité.

1.4.

Les systèmes de production et de consommation doivent évoluer de manière à s’adapter au changement climatique et à l’atténuer. Cette transition devra avoir lieu à l’échelle mondiale et sur le plan sectoriel, et l’Union européenne peut jouer un rôle moteur à cet égard. Les secteurs d’activité et les travailleurs les plus vulnérables doivent être recensés et se voir offrir une aide appropriée. Il convient en particulier de faire en sorte que les systèmes alimentaires et leurs parties prenantes soient soutenus lors de la transition. La consommation alimentaire durable doit commencer en amont, au stade de la préparation des sols et de la gestion des systèmes naturels pour fournir les éléments de base de l’alimentation. L’Union européenne devrait être porteuse d’une dynamique claire pour promouvoir une gestion et une protection durables des sols.

1.5.

Le pouvoir des consommateurs dans la réalisation de la transition ne peut s’exercer que si ces derniers disposent de solutions de remplacement durables et éthiques qui ne se traduisent pas par une baisse significative de confort ou de qualité en matière de service, d’utilisation ou d’accessibilité. Les nouveaux modèles économiques tels que l’économie numérique, collaborative ou circulaire, ainsi que la coopération internationale concernant la transition tant mondiale que sectorielle vers ces modèles, permettent de développer des solutions de remplacement viables pour les consommateurs.

1.6.

Les mécanismes d’aide, y compris les fonds publics et les instruments et mesures incitatives d’ordre économique, devraient être utilisés de manière à garantir que des infrastructures et des aides appropriées sont à la disposition des consommateurs qui veulent faire le choix d’un mode de vie à faibles émissions de carbone, y compris une aide pour couvrir les coûts plus élevés de biens et de services éthiques, durables ou à longue durée de vie, tout en garantissant dans le même temps qu’il ne soit pas porté atteinte à la compétitivité.

1.7.

Les transferts d’emplois qu’induirait une économie à faibles émissions de carbone doivent être répertoriés, et les possibilités offertes par une telle transition être recensées dans les meilleurs délais. Cette approche permettra de concevoir et de mettre en œuvre les politiques les plus efficaces possible, afin de garantir que les travailleurs seront protégés, et que leur qualité de vie sera préservée dans le cadre d’une transition juste.

1.8.

Le CESE réitère son appel en faveur d’un Observatoire européen de la pauvreté énergétique (1) qui réunirait toutes les parties prenantes pour contribuer à définir des indicateurs européens en la matière. Une justice applicable à tous les citoyens suppose de fournir à chacun une énergie propre, abordable et accessible.

1.9.

Le CESE demande que les subventions accordées aux combustibles fossiles soient supprimées et remplacées par un soutien à la transition vers les énergies renouvelables.

1.10.

L’efficacité des politiques de durabilité dépend de la capacité à garantir que les aides apportées à la transition sont clairement recensées et hiérarchisées en fonction de critères de priorité, et financées de manière adéquate. Dans le même temps, l’Union européenne doit entamer des négociations internationales tout à fait exhaustives en vue de parvenir à un accord mondial capable de limiter dans leurs effets les moteurs du changement climatique et de soutenir un modèle économique mondial plus durable.

2.   Contexte/objet du présent avis

2.1.

Le présent avis d’initiative s’inscrit dans le cadre du plan de travail de l’observatoire du développement durable pour l’année 2017. La justice climatique est un sujet qui nous concerne tous et pourtant, un déficit d’action en la matière s’observe au niveau de l’Union. Une opportunité existe donc pour le CESE de s’affirmer dans un rôle de chef de file et de formuler des propositions initiales, en particulier pour ce qui concerne l’Europe. De nombreux aspects de la justice climatique doivent encore faire l’objet de discussions plus approfondies, par exemple la question de la répartition globale et individuelle des quotas d’émission.

2.2.

Le CESE souhaite adopter une position institutionnelle afin d’exprimer le point de vue de la société civile européenne organisée dans le débat sur l’impact du changement climatique et sur la meilleure façon d’y faire face d’une manière juste et équitable.

2.3.

Dans le contexte des objectifs de développement durable (ODD) adoptés à l’échelle internationale au niveau des Nations unies, de l’accord de Paris, ainsi que des incidences déjà manifestes du changement climatique, il convient d’accorder une priorité plus grande encore à la mise en œuvre de la justice climatique au moyen d’actions concrètes.

3.   Observations générales

3.1.

Le concept de justice climatique définit le changement climatique mondial comme une question d’ordre politique et éthique, et pas strictement environnemental. Il s’appuie sur le constat que les catégories les plus vulnérables et les plus pauvres de la société sont souvent les plus affectées par les effets du changement climatique. Le concept est généralement envisagé dans un contexte mondial d’interdépendance spatiale et temporelle, en mettant notamment l’accent sur les responsabilités des pays qui se sont développés en s’appuyant sur l’exploitation des ressources naturelles.

3.2.

Les ODD vont plus loin que les OMD qui les ont précédés en ce qu’ils reconnaissent la responsabilité mutuelle, l’appropriation et l’action collective, ainsi que la nécessité de processus participatifs inclusifs. Tout en reconnaissant le rôle moteur joué par l’Union européenne dans la promotion d’un régime international de lutte contre le changement climatique qui soit solide et équitable, le CESE encourage les institutions de l’Union européenne et les pouvoirs publics nationaux à adopter des mesures de justice climatique à tous les niveaux: mondial, européen, national et local. Le processus du semestre européen pourrait servir d’instrument pour la réalisation de cette ambition. Par conséquent, dans le présent avis, la justice climatique reconnaît la nécessité de s’intéresser, sous l’angle de l’équité, à l’impact souvent disproportionné du changement climatique sur les citoyens et les communautés locales des économies aussi bien développées qu’en développement.

3.3.

Il existe un problème de résistance aux politiques en matière de changement climatique, celles-ci étant perçues comme pénalisant les citoyens ordinaires, certains secteurs (tels que l’agroalimentaire ou les transports) ou les groupes et les personnes qui dépendent des combustibles fossiles, et ce, malgré les bénéfices dont lesdites politiques sont porteuses.

3.4.

Différentes initiatives stratégiques mettent l’accent sur des secteurs et des domaines qui sont fortement influencés par les problèmes liés au climat, tels que la santé, les transports, l’agriculture ou l’énergie. La justice climatique peut fournir une approche intégrée globale permettant de s’assurer que la transition vers une économie à faibles émissions de carbone est réalisée de manière juste et équitable.

3.5.

Il importe de noter que la justice climatique ne concerne pas uniquement les personnes directement affectées par les effets du changement climatique, mais aussi celles qui sont touchées par les moteurs du changement climatique du fait de leur dépendance à des biens, des services et des modes de vie qui sont associés à de grandes quantités d’émissions ainsi qu’à une faible efficacité en matière d’utilisation des ressources.

4.   Observations spécifiques

4.1.   Justice sociale

4.1.1.

Le CESE considère que tous les citoyens ont le droit de vivre dans un environnement propre et sain, et d’attendre des pouvoirs publics qu’ils prennent leurs responsabilités et assument leurs engagements nationaux et leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’accord de Paris concernant les moteurs du changement climatique et les menaces que celui-ci représente, en tenant compte non seulement des aspects environnementaux et économiques les plus évidents, mais également de l’impact sociétal.

4.1.2.

Le socle européen des droits sociaux doit servir de boussole pour un processus de convergence renouvelé visant une amélioration des conditions de vie et de travail dans les États membres. Il repose sur 20 principes, dont un grand nombre seront touchés soit directement par le changement climatique, soit indirectement par la nécessité d’engager une transition vers de nouveaux modèles économiques.

4.1.3.

Le CESE propose d’entamer un débat, à la lumière des droits de l’homme et des droits sociaux, sur l’élaboration d’une charte des droits climatiques qui récapitulerait les droits des citoyens et de la nature dans le contexte des défis liés à la crise du changement climatique. Dans ce contexte, il rappelle le projet de déclaration universelle des droits de l’humanité élaboré en 2015 par Mme Corinne Lepage dans la perspective de la COP 21.

4.1.4.

Les droits de la nature sont aujourd’hui reconnus dans différents pays à travers le monde dans le cadre du processus législatif. Ainsi, aux Pays-Bas, la fondation Urgenda, une organisation non gouvernementale, a remporté en 2015 une action en justice contre le gouvernement dans le domaine du climat. La cour suprême des Pays-Bas a invariablement confirmé le principe selon lequel les pouvoirs publics peuvent être tenus juridiquement responsables pour ne pas avoir pris de mesures suffisantes en vue de prévenir les dommages prévisibles induits par le changement climatique. Des procédures similaires sont en préparation en Belgique et en Norvège. En outre, des initiatives telles que le pacte mondial pour l’environnement, qui a été lancé le 24 juin 2017, répondent à la nécessité d’une gouvernance environnementale mondiale équitable par l’introduction de la «troisième génération de droits» au moyen d’un instrument de référence général, transversal et universel.

4.1.5.

Il est nécessaire de veiller à ce que les personnes les plus vulnérables de la société ne se voient pas imposer une charge disproportionnée et à ce que le coût d’une transition vers un modèle économique adapté au climat soit réparti équitablement entre les différentes composantes de la société. Ainsi, le principe du pollueur-payeur devrait être appliqué à l’échelon de ceux qui produisent la pollution et en tirent bénéfice, par opposition à l’échelon de l’utilisateur final dans les cas où il n’existe aucune solution de substitution viable. La question d’une application attentive et pertinente de ce principe essentiel a déjà été abordée par le CESE (2).

4.1.6.

Tous les types de migration (y compris les réfugiés climatiques) devraient augmenter en raison des déplacements de population (3). Nous avons d’ores et déjà pu constater à quel point nous étions mal préparés, au sein de l’Union, à faire face à une telle situation, et la question des charges disproportionnées entre les différents États membres reste entière. Le CESE a déjà souligné comment des processus économiques déséquilibrés pouvaient accroître la déstabilisation dans ce contexte (4).

4.1.7.

Comme l’a révélé une récente étude du Parlement européen sur les réfugiés climatiques, il n’existe au niveau de l’Union européenne aucun instrument spécifique applicable aux «déplacés environnementaux». La directive relative à la protection temporaire est un instrument qu’il est politiquement difficile d’utiliser lorsqu’il s’agit de gérer tout déplacement de masse, et le CESE soutient la position selon laquelle le traité de Lisbonne offre un mandat suffisamment large pour réviser la politique migratoire afin de réglementer le statut des «déplacés environnementaux».

4.2.   Le secteur agroalimentaire

4.2.1.

Les systèmes de production alimentaire et les régimes alimentaires évolueront de manière à s’adapter au changement climatique et à l’atténuer. Tous les citoyens (et notamment les agriculteurs, les ménages, les acteurs de la chaîne d’approvisionnement et les consommateurs) dépendent du secteur agroalimentaire; il convient donc de faire en sorte, dans le cadre de la transition vers une société sobre en carbone, que les personnes concernées soient accompagnées et soutenues dans ce processus d’évolution. En outre, cette transition devra se produire au niveau mondial et dans un contexte sectoriel; l’Union européenne peut jouer un rôle moteur à cet égard.

4.2.2.

Le changement climatique pose d’immenses défis à l’agriculture européenne, qui est à la fois un moteur de ce changement et un des secteurs économiques qui en subissent le plus les conséquences.

4.2.3.

Ce secteur doit être redéfini au vu de sa contribution aux systèmes d’absorption naturelle, notamment les services écosystémiques qui ont la capacité d’atténuer certaines incidences du changement climatique. Ceux-ci devraient être reconnus, et des financements publics au titre de la PAC devraient être réaffectés pour soutenir ces services que fournit le secteur agricole dans le cadre de son objectif de production de denrées alimentaires. Ce concept général est soutenu dans un avis qui a récemment été adopté (5).

4.2.4.

La consommation alimentaire durable doit commencer en amont, au stade de la préparation des sols et de la gestion des systèmes naturels pour fournir les éléments de base de l’alimentation. Le CESE insiste sur le fait qu’il faut engager un débat sur la nécessité d’une directive-cadre sur les sols et de porter une dynamique claire en ce qui concerne l’importance de promouvoir une gestion et une protection durables des sols (6). La protection des sols et son rôle dans les services écosystémiques constituent une priorité de l’actuelle présidence estonienne du Conseil de l’Union européenne (7).

4.2.5.

Le CESE encourage le concept d’une consommation et d’une production durables. Pour parvenir à un consensus sur la nécessité d’un changement d’attitude à l’égard de la consommation de viande, il conviendra de recenser les possibilités à saisir ainsi que les aides nécessaires afin d’assurer une transition juste pour ceux qui dépendent de ce secteur de l’industrie agroalimentaire.

4.2.6.

Ce secteur est également concerné par les moteurs du changement climatique, notamment en ce qui concerne sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles, depuis la production alimentaire jusqu’au conditionnement, en passant par la transformation et le transport. Il est nécessaire de formuler des politiques qui reconnaissent que le modèle agroalimentaire actuel est dans l’impasse et qui tracent une trajectoire réaliste permettant d’évoluer vers un avenir durable et respectueux de l’environnement pour les agriculteurs.

4.2.7.

Les politiques de protection de l’environnement n’entrent pas nécessairement en conflit avec les besoins immédiats du secteur agricole pour peu qu’elles soient considérées comme des applications des mécanismes d’aide visant à faciliter la transition vers une société sobre en carbone.

4.3.   Consommateurs

4.3.1.

Le pouvoir des consommateurs dans la réalisation de la transition ne peut s’exercer que si ces derniers disposent d’une solution de remplacement durable et éthique qui ne se traduise pas par une baisse significative de confort ou de qualité en matière de service, d’utilisation ou d’accessibilité. Les nouveaux modèles économiques tels que l’économie numérique, collaborative ou circulaire, ainsi que la coopération internationale concernant la transition tant mondiale que sectorielle vers ces modèles, permettent de développer des solutions de remplacement viables pour les consommateurs.

4.3.2.

Trop souvent, le principe du pollueur-payeur est détourné, et des taxes sont imposées aux consommateurs alors même qu’aucune solution de remplacement viable ne leur est offerte. Les consommateurs doivent bénéficier au préalable d’une option de remplacement pour que la fixation des prix puisse fonctionner comme un instrument efficace pour stimuler un changement de comportement dans la direction voulue.

4.3.3.

La taxe sur les sacs plastiques constitue un bon exemple de cas où les consommateurs sont exposés à une taxe minime, mais où d’autres solutions sont mises à leur disposition — à savoir celles d’apporter leur propre sac ou d’utiliser une boîte fournie par le détaillant. En recourant à une telle approche, des changements comportementaux de grande ampleur peuvent être obtenus.

4.3.4.

À l’inverse, la taxation des combustibles fossiles (tels que l’essence) au niveau du consommateur peut être une source de mécontentement et détourner les revenus disponibles vers l’achat de carburant. Elle peut en outre alimenter un marché illicite parallèle, tout en préservant au bout du compte les bénéfices réalisés par le producteur du produit polluant. Ces phénomènes sont encore aggravés par un défaut de délimitation de ces taxes dans la plupart des cas. Les citoyens ont le sentiment que les politiques en matière de changement climatique sont associées à une pénalisation injuste de ceux qui n’ont pas d’autre choix que de fonctionner dans le cadre de l’économie des combustibles fossiles.

4.3.5.

Les mécanismes d’aide, y compris les fonds publics et les instruments économiques, devraient être investis de manière à garantir que des infrastructures et des aides appropriées sont à la disposition des consommateurs qui veulent faire le choix d’un mode de vie à faibles émissions de carbone, y compris une aide pour couvrir les coûts plus élevés de biens et de services éthiques, durables ou à longue durée de vie. Cette aide peut prendre la forme de partenariats public-privé. Le secteur automobile est un exemple concluant de plans de financement soutenus par les producteurs afin d’améliorer l’accès des consommateurs à de nouveaux véhicules. Des types de soutien similaires pourraient être proposés dans d’autres secteurs, tels que l’électroménager ou la modernisation des logements et des entreprises.

4.3.6.

On observe une contradiction du point de vue climatique dans l’utilisation de fonds publics pour accorder des aides et pour investir dans des infrastructures et des systèmes qui accroissent la dépendance de l’utilisateur final vis-à-vis des moteurs du changement climatique, tout en agissant, dans le même temps, pour limiter et gérer les conséquences de ce même changement climatique. Les consommateurs sont en première ligne chaque fois qu’il faut subir l’incidence de cette situation. Le choix consistant à payer davantage pour les options polluantes ou à se passer de toute solution n’est pas un choix «juste» à offrir aux citoyens.

4.3.7.

Le sentiment existe qu’un style de vie durable et des choix de consommation durables ne sont compatibles qu’avec un niveau de revenu disponible élevé. Les choix éthiques, respectueux du climat et durables ne sont pas équitablement accessibles à tous. Une tarification intégrant les coûts climatiques (notamment l’intensité d’utilisation des ressources) des biens et des services devrait être soutenue par un cadre stratégique qui remettrait en question cette perception et renforcerait l’accessibilité de ces biens et services pour l’ensemble des consommateurs.

4.3.8.

La législation de l’Union européenne en matière de protection des consommateurs est antérieure à la reconnaissance par l’ONU, en 1999, de la consommation durable comme un droit fondamental des consommateurs et n’y fait donc aucunement référence (8). Le CESE réitère son appel en faveur d’une politique de la consommation durable. Une telle politique est particulièrement judicieuse dans le contexte des objectifs de développement durable et de l’initiative en faveur de l’économie circulaire.

4.3.9.

À défaut de solution de remplacement, le consommateur n’a d’autre choix que d’être contraint à l’appauvrissement, à de mauvaises décisions, à des choix néfastes pour la santé ou à des solutions non durables, et il développe un rejet des politiques «environnementales», qui sont perçues comme pénalisantes pour l’utilisateur final. Dans le même temps, ceux qui tirent profit de ce système ne payent rien et même s’enrichissent, de sorte que les inégalités se creusent, sous le couvert d’une politique favorable à l’environnement contredisant les principes de durabilité.

4.4.   Transitions sur le plan de l’emploi

4.4.1.

Il est essentiel de protéger tous les travailleurs dans la phase de transition, à la fois ceux dont les compétences sont faibles ou non transférables et ceux qui occupent des postes hautement qualifiés. Les secteurs et les travailleurs les plus vulnérables doivent être recensés et se voir offrir une aide appropriée. L’automatisation des emplois dans le cadre d’une économie à faibles émissions de carbone pourrait entraîner la disparition complète de certains emplois (9).

4.4.2.

Pour assurer une telle protection, différents moyens existent, notamment ceux consistant à offrir des possibilités de reconversion ou de formation. Les travailleurs dont les emplois disparaissent en raison du changement climatique ou en conséquence de la nécessité de mettre fin à la dépendance vis-à-vis des moteurs du changement climatique ne devraient pas avoir à payer le prix de cette évolution.

4.4.3.

Le recensement à un stade précoce des compétences nécessaires pour permettre une participation pleine et entière à ces nouveaux modèles économiques constitue une partie de la solution, mais en même temps, celles-ci devraient être répertoriées dans le contexte de l’emploi existant et des dépendances à l’égard du modèle non durable actuel.

4.4.4.

Il est important de protéger et de préserver autant que possible les groupes sociaux concernés, ainsi que de faciliter la transition en limitant au maximum l’impact sur le bien-être social et économique des personnes touchées.

4.4.5.

De nouvelles possibilités sont clairement identifiables dans les nouveaux modèles économiques proposés, y compris l’économie de la fonctionnalité, l’économie collaborative et l’économie circulaire. À cet égard, l’Union européenne devrait entamer les négociations internationales nécessaires pour parvenir à la mise en place d’un modèle économique mondial.

4.5.   Santé

4.5.1.

Le changement climatique et les moteurs du changement climatique ont un coût sanitaire. Celui-ci peut être mesuré, par exemple, à l’aune des décès et des maladies imputables à la pollution de l’air; il représente un coût pour la société et pour les systèmes publics de soins de santé. Ces derniers doivent prendre en considération le rôle que le changement climatique et les moteurs du changement climatique jouent dans leur secteur.

4.5.2.

Une corrélation s’observe entre la santé et le bien-être et l’accès à la nature (IPEE). De nombreux États membres sont confrontés à des défis sanitaires et sociétaux tels que l’obésité, les problèmes de santé mentale, l’exclusion sociale ou encore le bruit et la pollution de l’air, qui affectent de manière disproportionnée les groupes vulnérables et défavorisés sur le plan socio-économique.

4.5.3.

L’investissement dans la nature permet de lutter contre le changement climatique, non seulement en favorisant l’abandon de l’usage de produits polluants, mais encore en permettant l’investissement dans le stockage de carbone par la voie des écosystèmes naturels. Les bienfaits qui en découlent en matière de santé sont de deux types: une prévention accrue de la mauvaise santé et la promotion d’un mode de vie actif propre à améliorer la santé des citoyens et des groupes sociaux concernés. La reconnaissance de cet aspect contribue à garantir que les décisions stratégiques sont prises de manière équilibrée, informée et sur la base de données probantes.

4.6.   Énergie

4.6.1.

La production d’énergies renouvelables en pourcentage de la consommation d’électricité a plus que doublé entre 2004 et 2015 au sein de l’Union européenne (passant de 14 % à 29 %). Toutefois, dans les secteurs du chauffage, de la construction et de l’industrie, ainsi que dans celui des transports, les besoins énergétiques demeurent considérables. Si des progrès sont observés, la situation de départ est extrêmement modeste: par exemple, dans le domaine des transports, la part des énergies renouvelables dans la consommation de carburants est passée de 1 % à 6 % sur la même période.

4.6.2.

La pauvreté énergétique constitue un problème dans l’Europe entière, et même si le sens à lui donner, et le contexte dans lequel elle se manifeste, peuvent varier d’un pays à l’autre, elle offre un autre exemple de la nécessité de veiller à ce que les politiques en matière de changement climatique ciblent bien la protection des plus vulnérables.

4.6.3.

Le CESE réitère son appel en faveur d’un Observatoire européen de la pauvreté énergétique (10) qui réunirait toutes les parties prenantes pour contribuer à définir des indicateurs européens en la matière. Une justice applicable à tous les citoyens suppose de fournir à chacun une énergie propre, abordable et accessible.

4.6.4.

Des politiques qui contribuent à résoudre le problème de la pauvreté énergétique au sein de l’Union peuvent également constituer des solutions pour la mise en place d’une infrastructure et d’un approvisionnement axés sur les énergies propres, par la réorientation des subventions et la coordination des volontés politiques.

4.6.5.

Les politiques qui soutiennent les subventions en faveur des combustibles fossiles conduisent, de façon directe ou indirecte, à un renversement du principe du pollueur-payeur — dans ces cas précis, c’est le pollueur qui reçoit de l’argent. Un grand nombre de ces subventions sont invisibles pour l’utilisateur final mais, en fin de compte, il s’agit bel et bien d’argent public. Un récent avis (11) a déjà préconisé la suppression des subventions néfastes à l’environnement au sein de l’Union européenne, et un autre avis consacré au recensement des politiques européennes en matière de développement durable (12) insiste sur la nécessité de concrétiser les engagements à les éliminer qui ont déjà été pris et de promouvoir avec force une réforme de la fiscalité environnementale.

4.6.6.

L’aide devrait être accessible à tous, les subventions devraient cibler les sources d’énergie renouvelables, tandis que les subventions versées aux moteurs du changement climatique devraient être supprimées de toute urgence; les exemptions devraient être accordées de façon plus juste et, explicitement, ne pas bénéficier à ceux qui sont les plus à même de payer, pas plus qu’à ceux qui tirent profit des produits polluants. Selon le FMI, les subventions accordées aux combustibles fossiles représentent actuellement 10 millions de dollars par minute au niveau mondial. La suppression de ces subventions entraînerait une hausse des recettes publiques correspondant à 3,6 % du PIB mondial, une diminution des émissions de plus de 20 %, une réduction de plus de moitié des décès prématurés liés à la pollution de l’air et une augmentation de la prospérité économique mondiale de 1,8 trillions de dollars (soit 2,2 % du PIB mondial). Ces chiffres mettent en évidence le caractère injuste du système actuel.

4.6.7.

L’efficacité des politiques de durabilité dépend de la capacité à garantir que les aides apportées à la transition sont clairement recensées et hiérarchisées en fonction de critères de priorité, et financées de manière adéquate.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis sur le thème Pour une action européenne coordonnée pour prévenir et combattre la pauvreté énergétique, JO C 341 du 21.11.2013, p. 21.

(2)  Avis sur Les effets des conclusions de la COP 21 en matière de politique européenne des transports, JO C 303 du19.8.2016, p. 10.

(3)  Avis sur le thème L’intégration des réfugiés dans l’Union européenne, JO C 264 du 20.7.2016, p. 19.

(4)  Avis sur le Consensus européen pour le développement JO C 246 du 28.7.2017, p. 71.

(5)  Avis sur Une redéfinition possible de la PAC, JO C 288, du 31.8.2017, p. 10.

(6)  Avis sur le thème Économie circulaire — engrais, JO C 389 du 21.10.2016, p. 80.

(7)  Avis sur L’utilisation des sols pour la production alimentaire durable et les services écosystémiques (voir page 72 du présent Journal officiel).

(8)  Avis sur le thème La consommation collaborative ou participative: un modèle de développement durable pour le XXIe siècle JO C 177 du 11.6.2014, p. 1.

(9)  Avis sur La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050 (voir page 44 du présent Journal officiel).

(10)  Voir la note de bas de page no 1.

(11)  Avis sur le thème Instruments financiers destinés à favoriser le passage vers une économie à faibles émissions de carbone et efficace dans l’utilisation des ressources dans l’Union européenne, JO C 226 du 16.7.2014, p. 1.

(12)  Avis sur Le développement durable — Recensement des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne, JO C 487 du 28.12.2016, p. 41.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/29


Avis du Comité économique et social européen sur «Les partenariats de l’Union européenne pour le développement dans le contexte des conventions fiscales internationales»

(avis d’initiative)

(2018/C 081/05)

Rapporteur:

Alfred GAJDOSIK

Corapporteur:

Thomas WAGNSONNER

Décision de l’assemblée plénière

26.1.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

28.9.2017

Adoption en session plénière

18.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

182/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est favorable à une politique de développement qui envisage celui-ci comme un processus conduit entre États sur un pied d’égalité et sur la base du respect et de décisions souveraines. Le financement et la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) convenus au niveau des Nations unies exigent des efforts concertés à l’échelle mondiale. Il convient de souligner que le Conseil économique et social des Nations unies pourrait jouer un rôle encore plus important en ce qu’il constitue une enceinte appropriée pour traiter des questions de fiscalité. L’on s’assurerait ainsi, d’une part, que le programme à l’horizon 2030 soit tourné vers les ODD et, d’autre part, que tous les États y participent sur un pied d’égalité.

1.2.

À la lumière des conventions fiscales internationales tendant à réformer le droit fiscal international, par exemple dans le cadre du plan d’action visant à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices («plan d’action BEPS») de l’OCDE, il convient d’évaluer les effets de ces réformes internationales au regard des ODD et de prendre davantage en considération ces éléments dans l’élaboration des futures politiques fiscales internationales. Le CESE fait observer que la réalisation des ODD exige des moyens financiers. Toutefois, de nombreux États se trouvent bien en peine de produire des recettes publiques grâce à l’impôt, ce qui s’explique par les difficultés rencontrées par les pays en développement pour mettre en œuvre les systèmes d’imposition des revenus et des ventes et par la concurrence fiscale mondiale en matière d’impôt sur les sociétés, mais aussi par la façon dont les conventions en vue d’éviter la double imposition ont été conçues. Les contraintes en matière de capacités et une transmission des informations inadéquate constituent d’autres facteurs explicatifs.

1.3.

Le CESE se félicite vivement que l’Union européenne et ses États membres aient consenti des efforts considérables dans le contexte de la réforme internationale pour pallier les carences du système fiscal international. Ces efforts sont les bienvenus, et il convient de les soutenir et de les mettre en œuvre de manière efficace, puis de les soumettre à un suivi régulier. C’est avant tout à l’initiative des grands pays développés de l’OCDE que ces réformes sont conduites. Il y aurait lieu d’examiner si les Nations unies, fortes d’une composition cosmopolite où sont notamment représentés les pays en développement, ne constitueraient pas une enceinte mieux adaptée pour poursuivre le développement à l’échelle mondiale de la politique fiscale internationale. Néanmoins, le CESE constate le manque de ressources et de personnel au sein du comité compétent en matière de fiscalité au sein des Nations unies. C’est pourquoi il y a lieu de soutenir les Nations unies et de les doter de moyens suffisants.

1.4.

Les mesures prises par l’Union aux fins de la transparence fiscale internationale et dans le cadre du plan d’action BEPS auront également des répercussions sur les pays en développement. Le CESE se félicite que le Parlement européen et la Commission européenne se soient déjà exprimés sur la question des points de jonction entre politique fiscale et politique de développement. Il réserve un accueil favorable à la plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal mise en place par la Commission européenne. La boîte à outils qu’elle propose sous la forme d’un document de travail concernant les effets d’entraînement des conventions en matière de double imposition offre aux États membres une base de réflexion utile pour réviser les conventions qu’ils ont conclues avec des pays en développement.

1.5.

Le CESE observe que dans un rapport publié en 2015, le Parlement européen préconisait une série de mesures d’amélioration qui n’ont toujours pas été mises en œuvre. À ce sujet, il renvoie à ses propres avis antérieurs et notamment aux conclusions qu’il a formulées concernant les déclarations pays par pays et la lutte contre le blanchiment de capitaux grâce à l’inscription des droits de propriété dans des registres publics. Le CESE note qu’une liste de juridictions fiscales non coopératives est en cours d’élaboration. Il préconise des efforts supplémentaires s’agissant de mettre en œuvre les recommandations du Parlement européen à ce sujet ainsi qu’un examen attentif des critiques émises par les organisations non gouvernementales. Il paraît judicieux de promouvoir l’introduction de ces mesures à l’échelle mondiale grâce à des conventions fiscales internationales, afin d’améliorer les informations portées à la connaissance des autorités fiscales dans les pays en développement. L’objectif serait de parvenir à des normes identiques dans le monde entier et d’associer les pays en développement à leur élaboration en tant qu’égaux.

1.6.

Le CESE demande de veiller à la cohérence des politiques fiscales internationales des États membres par rapport aux objectifs des politiques de développement, afin d’éviter les conflits entre les politiques fiscales des différents États et les priorités communes en matière de développement.

1.7.

Le CESE voit dans les analyses d’impact des politiques fiscales internationales suivies par les États membres un moyen d’éprouver les effets des conventions relatives à la double imposition et des incitations fiscales sur les pays en développement. Ces analyses devraient être encouragées et devenir une pratique courante. En cas d’incompatibilité potentielle avec les politiques de développement européennes, elles s’avéreraient utiles aussi pour l’Union européenne. Il conviendrait de réexaminer les conventions existantes en matière de double imposition et les nouvelles conventions devraient être conclues en prenant en considération ces éléments.

1.8.

Le modèle de convention fiscale de l’OCDE, qui est actuellement le plus largement utilisé, a pour l’essentiel été conçu en vue de satisfaire les intérêts des États industrialisés. C’est pourquoi le CESE recommande aux États membres de l’Union européenne, lorsqu’ils négocient des conventions en vue d’éviter la double imposition avec des pays en développement, de prendre davantage en considération les besoins de ces derniers. Il fait observer que sur la base du modèle de convention fiscale de l’OCDE, les Nations unies ont également élaboré un modèle de convention pour réglementer les questions de fiscalité entre pays en développement et pays développés, qui confère davantage de droits d’imposition à l’État de la source.

1.9.

Le CESE soutient l’investissement privé au service du développement dès lors que ledit développement est conforme aux ODD et moyennant le respect des droits fondamentaux en matière économique, environnementale et sociale, des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et du programme pour un travail décent. La sécurité juridique est un facteur important pour favoriser un climat propice à l’investissement, notamment les investissements directs étrangers. Attendu que les questions fiscales sont étroitement liées à la réalisation des ODD, les entreprises devraient dûment acquitter leurs impôts là où elles réalisent des bénéfices en créant de la valeur (par exemple par la production ou bien l’extraction de matières premières).

1.10.

Le CESE observe que l’Union européenne et ses États membres se sont engagés, dans le cadre du nouveau consensus européen pour le développement, à coopérer avec les pays partenaires pour développer la fiscalité progressive, les mesures de lutte contre la corruption et les politiques de redistribution, mais aussi en faveur de la lutte contre les flux financiers illicites. Il y a lieu, en tout état de cause, de faire de la politique fiscale une composante encore plus importante de la politique de développement européenne. Le CESE salue l’engagement de la Commission européenne en faveur des forums régionaux et des organisations de la société civile qui traitent des questions de fiscalité dans les pays en développement. Dans ces États, les organisations de la société civile assurent une fonction de contrôle et de soutien, y compris dans le domaine de la fiscalité, ce pourquoi il conviendrait de les associer et de les soutenir davantage. Un soutien apporté à des mesures appropriées de renforcement des capacités fiscales, notamment l’apprentissage par les pairs et la coopération Sud-Sud, aurait une incidence durable sur les projets de développement.

1.11.

La bonne gouvernance en matière de fiscalité devrait devenir une partie intégrante de la responsabilité sociale des entreprises dans le contexte de leurs obligations de déclaration.

1.12.

Le CESE recommande d’introduire des clauses de bonne gouvernance fiscale dans toutes les conventions pertinentes conclues entre l’Union européenne et des régions ou pays tiers afin de promouvoir un développement durable.

1.13.

Le CESE préconise d’examiner, dès lors que de nouveaux accords de libre-échange sont conclus entre l’Union et des pays en développement ou que l’on procède à leur révision, s’il y a lieu d’analyser également les conventions fiscales bilatérales. Un tel examen devrait prévoir des analyses d’impact pour évaluer les incidences des politiques fiscales internationales des États membres sur les objectifs des politiques de développement.

2.   Observations générales

2.1.

Plusieurs études (1) soulèvent la question de savoir si les politiques fiscales internationales des États membres, en particulier de nombreuses dispositions des conventions en matière de double imposition, ne contrecarrent pas les objectifs de la politique européenne de développement. Elles indiquent, en outre, que les pays en voie de développement sont des exportateurs nets de capitaux vers les pays développés et que ces flux de capitaux peuvent être attribués pour une large part à l’évasion fiscale. Ce sont précisément les pays en développement les plus pauvres qui seraient les plus durement touchés par cette situation car ils disposent de peu de sources de financement nationales.

2.2.

Ensemble, l’Union européenne et ses États membres sont les plus gros donateurs d’aide publique au développement (APD) ainsi que des contributeurs significatifs à l’élaboration de conventions fiscales internationales. Ils ont entrepris de réaliser les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies même si, à ce jour, seuls quelques États membres ont atteint la cible d’une aide extérieure correspondant à 0,7 % du PIB. Les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union sur le financement futur de la politique européenne en matière de coopération pour le développement sont incertaines. D’autres actions sont prévues pour promouvoir l’investissement privé en lien avec les objectifs de la politique de développement. Les ressources de l’APD dépendent des politiques menées par les donateurs.

2.3.

Pour les pays en développement, les ODD prévoient notamment la mobilisation de ressources nationales, un soutien international en vue de renforcer leurs capacités de perception de l’impôt, une réduction des flux financiers illicites, ainsi que leur participation aux institutions chargées de la gouvernance au niveau mondial. Dès lors, un socle de recettes publiques stable, des efforts pour lutter contre les flux de ressources sortants illicites et un statut d’interlocuteur égal pour tous les États dans la conception de règles fiscales mondiales constituent d’importants piliers du développement durable. Les enfants, les femmes et d’autres catégories vulnérables au sein des sociétés des pays en développement bénéficient largement du développement (2).

2.4.

Les fonds provenant de la coopération publique au développement ne sont pas suffisants pour financer les objectifs en matière de développement durable. Des ressources nationales sont nécessaires pour atteindre ces objectifs, comme elles l’ont été dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement (3). Pour mobiliser ces ressources, la perception de l’impôt doit être améliorée et les recettes fiscales doivent être augmentées grâce à une croissance économique durable et à un élargissement de la base d’imposition.

3.   Défis pour les pays en développement

3.1.

Si l’impôt est une source de financement plus stable que d’autres types de revenus, de nombreux pays en développement rencontrent plus de difficultés que les États développés pour produire des recettes fiscales suffisantes.

3.2.

Ces dernières décennies, la libéralisation du commerce mondial a été activement recherchée par la réduction des tarifs à l’importation et à l’exportation, dans le but de favoriser le développement économique, l’investissement et la prospérité de l’ensemble des populations. Ces effets en principe positifs permettent aussi d’élargir les bases d’imposition pour autant que les autorités fiscales puissent en faire bon usage. Cependant, cette évolution a également eu pour effet de réduire les recettes que les pays en développement tiraient de sources de revenus importantes et aisément accessibles. La croissance et l’investissement doivent aussi se refléter dans la structure des revenus des pays en développement.

3.3.

Pour compenser leurs pertes de revenus, les pays en développement introduisent souvent des taxes sur les ventes, qui peuvent en pratique s’avérer dégressives. Un système fiscal composé de différentes formes de contribution limite la dépendance à certains types d’impôt en particulier et est le garant de recettes nationales stables.

3.4.

L’imposition des biens fonciers et immobiliers est souvent difficile à mettre en œuvre dans les pays en développement. L’imposition des salaires et des revenus dégage des recettes fiscales relativement faibles dans ces États en raison du faible niveau des revenus. L’impôt sur le revenu y est perçu avant tout auprès des employés du secteur public et de ceux des entreprises internationales. En outre, on y constate souvent la présence d’une économie informelle importante.

3.5.

Le rapport Mbeki comptabilise les fruits de l’évasion fiscale dans les «flux financiers illicites» (4). Ces derniers semblent excéder les flux de ressources entrants tirés de la coopération au développement (5). Il est important d’accroître la coopération internationale entre les pouvoirs publics, de favoriser la transparence ainsi que de renforcer les dispositifs législatifs et réglementaires afin de tarir ces flux illicites. Renforcer les droits de propriété dans les pays en développement agit aussi comme un important facteur dissuasif contre la fuite des capitaux.

3.6.

Les impôts sur les sociétés jouent un rôle plus important dans la structure des recettes fiscales des pays en développement que dans celle des États industrialisés. C’est pourquoi ils sont plus largement visés par les stratégies d’évasion fiscale. Dans le même temps, l’on abaisse les taux aussi bien nominaux qu’effectifs de l’impôt sur les sociétés depuis les années 1980, dans le but d’attirer les investissements. Le taux d’imposition des sociétés constitue pour les entreprises un important indicateur du climat de l’investissement. Il en est résulté une concurrence fiscale internationale, plus dommageable pour les pays en développement que pour les États industrialisés en raison de la structure de leurs recettes fiscales. La question des effets d’entraînement de la concurrence fiscale a déjà été soulevée par le Fonds monétaire international (FMI) (6). Par ailleurs, de nombreux pays en développement sont confrontés à un petit nombre d’entreprises qui sont de gros investisseurs et représentent une part significative de l’impôt total sur les sociétés.

3.7.

Il est difficile pour les autorités fiscales de calculer les prix de transfert sur la base du principe de pleine concurrence dans le cadre de transactions transfrontières entre entreprises appartenant à un même groupe. Les pays en développement ne disposent que de capacités limitées pour ce faire, et la manipulation du prix de transfert motivée par des considérations fiscales demeure un problème important.

3.8.

Les conventions en vue d’éviter la double imposition réglementent les droits d’imposition des États qui en sont signataires ainsi que l’échange d’informations entre les autorités fiscales, ce qui permet d’assurer la sécurité juridique. Elles peuvent dès lors être perçues par les entreprises comme une incitation à réaliser des investissements directs étrangers et, en définitive, favoriser également la croissance. Toutefois, ces conventions peuvent également avoir des conséquences au niveau des droits d’imposition des États de la source. Les taux de retenue à la source appliqués aux redevances, aux intérêts et aux dividendes sont généralement inférieurs aux taux d’imposition nationaux du pays de la source. Certaines exigences, telles qu’une définition restrictive de l’établissement professionnel, peuvent limiter le droit d’imposition. Les pays en développement ont évidemment intérêt à accueillir de nouveaux investissements mais peuvent y perdre des droits d’imposition. Les accords d’échange de renseignements fiscaux peuvent donc offrir une meilleure option si un État cherche avant tout à obtenir des informations fiscales auprès d’autres juridictions.

3.9.

Les négociations prennent le plus souvent pour point de départ le modèle de convention fiscale de l’OCDE, qui est davantage tourné vers les intérêts des pays industrialisés (7). Il existe un modèle de convention des Nations unies, conçu comme une solution de remplacement pour les pays en développement, qui reflète mieux leurs intérêts (8). De manière générale, cet accord tend à donner au pays de la source plus de droits d’imposition qu’à celui dans lequel l’entreprise productrice est domiciliée.

3.10.

Des États en développement peuvent se retrouver privés de recettes fiscales lorsque des entreprises établissent des entités ad hoc dans différents pays afin de faire jouer l’une contre l’autre plusieurs conventions en matière de double imposition de manière à réduire leur impôt. Il peut s’avérer difficile aussi pour le pays de la source d’imposer les services et le transfert indirect d’actifs sur la base des dispositions de ces conventions. Il convient de tenir compte de l’aspiration à des possibilités de transfert de technologie à des conditions favorables aux fins d’une croissance durable dans les pays en développement.

3.11.

Des études ont évalué la question du manque à gagner pour les pays en développement. L’organisation non gouvernementale néerlandaise SOMO a estimé le manque à gagner occasionné chaque année par l’imposition à la source des intérêts et des dividendes en vertu des conventions conclues entre les Pays-Bas et 28 pays en développement à 554 millions d’EUR (9). Une étude autrichienne a conclu à la nécessité d’effectuer des analyses d’impact des conventions relatives à la double imposition car celles-ci peuvent entraîner un manque à gagner, et ce, même si l’investissement augmente (10). D’après les estimations données par la Cnuced dans son Rapport sur l’investissement dans le monde 2015, les groupes multinationaux abondent les budgets des pays en développement à hauteur de quelque 730 milliards de dollars (USD). Pour autant, l’organisme évalue les recettes fiscales perdues chaque année par les pays en développement lorsque les flux d’investissement transitent par des centres financiers extraterritoriaux à 100 milliards d’USD (11). Un tel manque à gagner dessert les ODD évoqués plus haut.

4.   Mesures prises au niveau national, régional et international: la contribution de l’Union européenne et de ses États membres

4.1.

On observe des efforts accrus pour soutenir les pays en développement sur le terrain de la fiscalité, par exemple dans le cadre de l’initiative «Addis Tax». La politique fiscale internationale relève de la compétence des États membres. Les conventions en matière de double imposition sont conclues de manière bilatérale et les initiatives de l’Union européenne se limitent pour l’essentiel à des instruments visant à parachever le marché intérieur. Il existe une coopération entre l’Union et ses États membres dans le domaine de la cohérence des politiques au service du développement (CPD) (12). Les effets du système fiscal international sur le développement sont également reconnus et analysés par la Commission européenne (13). Pour garantir la cohérence des politiques au service du développement, il est nécessaire d’examiner les effets, sur les pays en développement, des politiques fiscales suivies dans l’Union européenne qui sont incompatibles avec les objectifs de la politique de développement, et de prendre au besoin les mesures qui s’imposent.

4.2.

Au niveau des Nations unies, des travaux sont en cours sur les questions de fiscalité dans le cadre du processus «Financement du développement», du Conseil économique et social des Nations unies (Ecosoc) et du comité des Nations unies compétent en matière fiscale, ainsi que des agences spécialisées comme la Cnuced. À la demande du G20, un accord a été trouvé au sein de l’OCDE pour engager des réformes en profondeur, dans l’objectif de combattre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Les principales préoccupations en la matière portaient notamment sur l’élimination du «chalandage fiscal», des pratiques fiscales dommageables des gouvernements (comme les régimes fiscaux favorables aux brevets ou les «rescrits» opaques), des dispositifs hybrides pour le traitement fiscal de la dette, ainsi que des modes inefficaces d’établissement et de déclaration des prix de transfert. Étant donné l’importance des recettes de l’impôt sur les sociétés pour les pays en développement, on s’attend à ce que le plan d’action BEPS ait une incidence qui leur soit favorable.

4.3.

De nombreux États non membres de l’OCDE, dont des pays africains, se sont engagés dans le «cadre inclusif» du plan d’action BEPS de l’OCDE, et 103 pays se sont engagés en faveur de l’adoption d’une nouvelle convention BEPS multilatérale en juin 2017, qui aligne l’interprétation donnée aux conventions fiscales bilatérales sur le plan d’action BEPS. Une «plateforme de collaboration sur les questions fiscales» a été lancée par les Nations unies, l’OCDE, le FMI et la Banque mondiale dans le but d’intensifier la coopération internationale sur les questions de fiscalité. Cette initiative peut contribuer à instaurer une plus grande cohérence entre les travaux de l’OCDE et ceux des forums des Nations unies. Reste à vérifier si elle produira les effets escomptés.

4.4.

Le CESE reconnaît les efforts déployés par l’OCDE pour le développement futur d’un meilleur régime fiscal international. Certaines organisations de la société civile dénoncent cependant (14) le fait que les pays en développement n’aient pas voix au chapitre au sein de l’OCDE. Ceux-ci n’ont été invités à participer qu’après l’élaboration du plan d’action BEPS. Le Parlement européen a lui aussi formulé une observation en ce sens et préconisé de renforcer les organes des Nations unies compétents pour que la définition et la réforme de la politique fiscale internationale puissent s’opérer dans des conditions d’égalité (15). Dans un document de travail du FMI, des experts ont également exprimé des réserves concernant les effets du plan d’action BEPS sur les pays en développement (16).

4.5.

Pour évaluer les conséquences des réformes et procéder à d’éventuels ajustements, il conviendrait de renforcer les organes compétents des Nations unies, en particulier son comité chargé des affaires fiscales, et de les doter de ressources supérieures. En tout état de cause, la Commission européenne devrait procéder au suivi de la bonne mise en œuvre de la convention multilatérale sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices signée en juin 2017 et maintenir son engagement en faveur d’une intensification de la coopération internationale sur les questions fiscales entre les Nations unies, l’OCDE et les institutions financières internationales.

4.6.   Les mesures actuelles de l’Union européenne ont une incidence sur les pays en développement

4.6.1.

Le train de mesures sur la lutte contre l’évasion fiscale a abordé des questions en lien avec les politiques fiscales internationales, donc au-delà du rayon d’intervention de l’Union européenne (17). Les informations contenues dans les cadres de déclaration pays par pays (18) adoptés par l’Union européenne ainsi que par le G20 et l’OCDE représentent un instrument important à la disposition des autorités fiscales. La publication à l’échelle mondiale de données ventilées par pays pourrait permettre à un large public, y compris aux travailleurs et aux investisseurs responsables, de mieux évaluer la mesure dans laquelle les entreprises acquittent leurs impôts là où elles réalisent des bénéfices. Le CESE observe que dans un rapport publié en 2015, le Parlement européen préconisait une série de mesures d’amélioration qui n’ont toujours pas été mises en œuvre. À ce sujet, il renvoie à ses propres avis antérieurs et notamment aux conclusions qu’il a formulées concernant les déclarations pays par pays et la lutte contre le blanchiment de capitaux grâce à l’inscription des droits de propriété dans des registres publics. Le CESE note qu’une liste de juridictions fiscales non coopératives est en cours d’élaboration. Il préconise des efforts supplémentaires s’agissant de mettre en œuvre les recommandations du Parlement européen à ce sujet ainsi qu’un examen attentif des critiques émises par les organisations non gouvernementales. Il paraît judicieux de promouvoir l’introduction de ces mesures à l’échelle mondiale grâce à des conventions fiscales internationales, afin d’améliorer les informations portées à la connaissance des autorités fiscales dans les pays en développement. L’objectif serait de parvenir à des normes identiques dans le monde entier et d’associer les pays en développement à leur élaboration en tant qu’égaux.

4.6.2.

Un échange automatique d’informations dans le domaine fiscal a été prévu dans l’Union européenne grâce aux modifications apportées à la directive sur l’assistance mutuelle (19). Cependant, les pays en développement doivent toujours conclure des accords d’assistance mutuelle bilatéraux avec les États européens. Ces accords exigent de procéder à un échange réciproque de données et d’assurer la sécurité de ces données, ce qui pose souvent un problème de capacités pour les pays en développement.

4.6.3.

La communication de la Commission européenne sur une stratégie extérieure pour une imposition effective (20) aborde les questions soulevées dans le présent avis. Une liste commune au niveau de l’Union européenne des juridictions fiscales non coopératives est en cours d’élaboration (21). Le CESE s’est félicité de cette initiative. Les organisations non gouvernementales expriment de leur côté un certain scepticisme à l’égard d’une telle liste (22). Le Parlement européen a lui aussi demandé qu’une définition des paradis fiscaux soit donnée au niveau mondial, en y incluant également les États membres de l’Union et leurs territoires ultramarins (23).

4.6.4.

La recommandation sur les conventions fiscales (24) aborde des questions importantes en lien avec les conventions en vue d’éviter la double imposition et invite instamment les États membres à renforcer leurs conventions fiscales pour lutter contre leur utilisation abusive et contre le «chalandage fiscal». En revanche, elle ne préconise pas de réaliser des analyses d’impact de ces conventions, s’agissant en particulier de leurs implications pour la cohérence des politiques au service du développement ou des effets d’entraînement qu’elles induisent. La «plateforme de collaboration sur les questions fiscales», qui représente une initiative bienvenue et qui traite des questions de fiscalité internationale en associant des organisations de la société civile, a présenté un document de travail au sujet de ces effets (25). Les États membres devraient tenir compte de ces éléments.

4.6.5.

Les stratégies d’évasion fiscale sont souvent liées à un régime de propriété opaque. Depuis la révision de la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment des capitaux (26), on n’a plus créé de registres de propriété publiquement accessibles pour les fiducies/trusts ou d’autres entreprises effectuant des investissements. De tels registres aideraient les pays en développement à enquêter en cas de soupçon de blanchiment de capitaux ou de fraude fiscale.

4.6.6.

Les propositions relatives à une assiette commune (consolidée) pour l’impôt sur les sociétés [AC(C)IS] font l’objet d’un autre avis du CESE (27). Dans le cadre de la participation à des conventions fiscales internationales et compte tenu de son importance pour les autorités fiscales des pays en développement, un tel accord — et les informations qu’il générerait — revêtirait une valeur d’exemple et aurait une incidence sur les conventions en matière de double imposition conclues avec des pays tiers. Les données intra-européennes serviraient aussi de points de repère pour effectuer des calculs comparatifs dans les pays en développement. L’objectif serait de parvenir à des normes identiques dans le monde entier, les pays en développement devant être traités en égaux lors de l’élaboration de ces normes.

4.6.7.

Le CESE recommande d’introduire des clauses de bonne gouvernance fiscale dans toutes les conventions pertinentes conclues entre l’Union européenne et des régions ou pays tiers afin de promouvoir un développement durable.

4.6.8.

Le CESE préconise d’examiner, dès lors que de nouveaux accords de libre-échange sont conclus entre l’Union et des pays en développement ou que l’on procède à leur révision, s’il y a lieu d’analyser également les conventions fiscales bilatérales. Un tel examen devrait prévoir des analyses d’impact pour évaluer les incidences des politiques fiscales internationales des États membres sur les objectifs des politiques de développement. Partant, l’on contribuerait également à la mise en œuvre des demandes formulées dans son rapport par le Parlement européen.

5.   Autres actions recommandées par le CESE

5.1.

Conformément au train de mesures sur la lutte contre l’évasion fiscale et aux fins de la cohérence des politiques au service du développement menées par les États membres et par l’Union européenne, les politiques fiscales internationales et les conventions en matière de double imposition des États membres devraient faire l’objet d’analyses d’impact régulières (28). Afin d’assurer une meilleure coordination de la politique de développement de l’Union et des politiques fiscales des États membres, la Commission européenne devrait veiller à ce que les États membres qui négocient une convention en vue d’éviter la double imposition avec un pays en développement tiennent compte en conséquence des politiques de développement de l’Union européenne qui ont fait l’objet d’une concertation. En ce sens, le Comité accueille favorablement la recommandation de la Commission européenne concernant la mise en œuvre de mesures contre l’utilisation abusive des conventions fiscales (29). Dans la perspective des objectifs de développement, il convient de prendre davantage en considération les besoins des pays en développement. À ce titre, il y aurait lieu aussi d’étendre l’engagement de l’Union au niveau des Nations unies, en faveur de leur Comité compétent pour les affaires fiscales, ainsi que de promouvoir le renforcement des capacités en vue d’établir un forum mondial auquel tous les États participeraient sur un pied d’égalité.

5.2.

Des périodes de transition doivent être prévues pour permettre aux pays en développement, tant que leurs capacités sont en train d’être mises en place, d’être inclus dans les dispositifs d’échange automatique d’informations.

5.3.

La bonne gouvernance en matière de fiscalité devrait devenir une partie intégrante de la responsabilité sociale des entreprises dans le contexte de leurs obligations de déclaration.

5.4.

Dans le contexte des plans prévoyant d’associer plus étroitement les investisseurs privés à la politique de développement européenne, les questions portant sur les avantages fiscaux octroyés aux fins de l’action pour le développement revêtent d’autant plus d’importance (30). Attendu que les questions fiscales sont étroitement liées à la réalisation des ODD, les entreprises devraient dûment acquitter leurs impôts là où elles réalisent des bénéfices en créant de la valeur (31). Il conviendrait d’y veiller dans le cadre du soutien apporté à la mobilisation du secteur privé.

5.5.

Il convient en outre, d’une manière générale, de veiller à ce que l’octroi d’allégements fiscaux ne contrecarre pas la mise en œuvre des objectifs de développement durable.

5.6.

Le CESE renvoie à ses observations en ce qui concerne des registres publics des bénéficiaires effectifs des comptes bancaires, des entreprises, des fiducies/trusts et des transactions (32), et juge judicieux de mettre ces mesures en place à l’échelle mondiale dans le cadre de conventions fiscales internationales. En outre, il conviendrait de donner suite aux mesures évoquées, tout particulièrement en consentant des efforts en vue d’un renforcement des capacités afin de soutenir la lutte contre les flux financiers illicites sortant des pays en développement. Attendu que l’on peut craindre que bon nombre d’entreprises européennes exerçant une activité dans ces pays ne relèvent pas du champ d’application de la déclaration pays par pays, le CESE renvoie aux considérations qu’il a formulées à ce sujet (33). Il recommande d’évaluer également les effets sur les pays en développement d’autres règles applicables dans ce domaine, en particulier celles dont le champ d’application est défini par des seuils de chiffre d’affaires annuel.

5.7.

Le CESE observe que l’Union européenne et ses États membres se sont engagés, dans le cadre du nouveau consensus européen pour le développement, à coopérer avec les pays partenaires pour développer la fiscalité progressive, les mesures de lutte contre la corruption et les politiques de redistribution, mais aussi en faveur de la lutte contre les flux financiers illicites (34). Tandis que les pays en développement sont en train de constituer les capacités techniques et humaines qui leur permettront de participer pleinement aux conventions internationales, l’on devrait d’ores et déjà prévoir des possibilités d’échange réciproque d’informations afin d’atteindre les objectifs fixés par consensus. Il convient de saluer et d’intensifier l’engagement de la Commission européenne (35) pour promouvoir les forums régionaux (36) dans le cadre du comité des Nations unies compétent en matière fiscale. Il y a lieu de veiller à ce que ces forums prévoient de solides procédures pour associer et consulter les parties prenantes. Dans les pays en développement, les organisations de la société civile assurent une fonction de contrôle et de soutien, y compris dans le domaine de la fiscalité, ce pourquoi il conviendrait de les soutenir davantage.

5.8.

Les systèmes fiscaux des pays concernés devraient être davantage pris en considération dans la coopération au développement. Le renforcement des capacités devrait aider les États bénéficiaires à améliorer leur situation, stimuler l’efficacité des systèmes fiscaux et conforter la légitimité de l’État. Des expériences particulièrement positives ont été observées dans le cadre d’échanges directs de renseignements entre des autorités fiscales confrontées à des défis similaires (apprentissage par les pairs) et d’une coopération entre États présentant les mêmes conditions de développement (par exemple la coopération Sud-Sud). Ces démarches rendent possible une concertation concernant des défis similaires et permettent d’échanger des bonnes pratiques qui sont adaptées aux capacités en place.

5.9.

Le CESE souligne la nécessité de la cohérence des politiques au service du développement en ce qui concerne les questions fiscales car les mesures prises au sein de l’Union européenne ont des effets internationaux sur les pays en développement. Par conséquent, il est nécessaire de tenir compte de ces effets et d’associer les pays en développement qu’ils affectent.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Eurodad, The State of Finance for Developing countries [L’état des finances dans les pays en développement], 2014; Braun et Fuentes, Double Taxation Treaties between Austria and developing countries [Les conventions en matière de double imposition conclues entre l’Autriche et les pays en développement], Vienne, 2014; Farny et al., Tax Avoidance, Tax Evasion and Tax Havens [Optimisation fiscale, évasion fiscale et paradis fiscaux], Vienne, 2015.

(2)  Résolution du Parlement européen sur l’évasion fiscale et la fraude fiscale: des défis pour la gouvernance, la protection sociale et le développement dans les pays en développement, P8_TA(2015)0265, paragraphe 14.

(3)  Development Finance International et Oxfam, Financing the sustainable development goals [Financer les objectifs de développement durable], 2015.

(4)  UA/CEA, Flux financiers illicites — Rapport du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique (pages 23 et suivantes).

(5)  Service de recherche du Parlement européen: The inclusion of financial services in EU free trade and association agreements: Effects on money laundering, tax evasion and avoidance [L’inclusion des services financiers dans les accords de libre-échange et d’association de l’Union européenne: effets sur le blanchiment de capitaux, la fraude fiscale et l’évasion fiscale], PE 579.326, p. 15.

(6)  FMI, Spillovers in international corporate taxation [Effets d’entraînement de la fiscalité internationale sur les entreprises], 2014.

(7)  Owens et Lang, «The Role of Tax Treaties in Facilitating Development and Protecting the Tax Base» [Le rôle des conventions fiscales pour faciliter le développement et la protection de la base d’imposition], in Bloomberg Daily Tax Report, 1er mai 2013.

(8)  Lennard (2009): «The UN Model Tax Convention as Compared with the OECD Model Tax Convention — Current Points of Difference and Recent Developments» [Le modèle de convention fiscale des Nations unies comparé à celui de l’OCDE; points de divergence actuels et évolutions récentes], Asia-Pacific Tax Bulletin, vol.. 49, no 08; V. Daurer et R. Krever (2012): «Choosing between the UN and OECD Tax Policy Models: an African Case Study» [Choisir entre le modèle de convention fiscale de l’OCDE et celui des Nations unies: une étude de cas africaine], document de travail de l’IUE, RSCAS 2012/60.

(9)  McGauran, Should the Netherlands Sign Tax Treaties with Developing Countries? [Les Pays-Bas devraient-ils conclure des conventions fiscales avec les pays en développement?], 2013.

(10)  Voir la note de bas de page 1, Braun et Fuentes.

(11)  Rapport sur l’investissement dans le monde 2015 de la Cnuced, p. 200.

(12)  COM(2016) 740 final; voir également l’avis du CESE sur le consensus européen pour le développement, JO C 246 du 28.7.2017, p. 71.

(13)  C(2016) 271 final, COM(2016) 24 final, Commission européenne, «Percevoir plus, mieux dépenser», 2015.

(14)  Christian Aid, communiqué de presse du 19 juillet 2013, OECD Action Plan on tax dodging is step forward but fails developing countries [Le plan de l’OCDE en matière d’évasion fiscale représente un pas en avant mais néglige les pays en développement]; Oxfam, communiqué de presse du 13 novembre 2014, Oxfam reaction to OECD’s roadmap to include developing countries in international tax reform [La réaction d’Oxfam concernant la participation des pays en développement à la réforme de la fiscalité internationale telle que prévue par la feuille de route de l’OCDE].

(15)  Voir l’avis du CESE sur le consensus européen pour le développement, JO C 246 du 28.7.2017, p. 71, paragraphe 13.

(16)  Crivelli, de Mooij, Keen, Base Erosion, Profit Shifting and Developing Countries [L’érosion de la base d’imposition, le transfert des bénéfices et les pays en développement], document de travail du FMI, WP/15/118.

(17)  COM(2016) 25 final — 2016/010(CNS), COM(2016) 26 final — 2016/011(CNS); voir aussi l’avis du CESE sur le train de mesures contre l’évasion fiscale, JO C 264 du 20.7.2016, p. 93.

(18)  Voir l’avis du CESE sur la transparence fiscale, JO C 487 du 28.12.2016, p. 62.

(19)  Voir l’avis du CESE sur le plan d’action sur l’union des marchés des capitaux, JO C 133 du 14.4.2016, p. 17.

(20)  Voir l’avis du CESE sur le train de mesures contre l’évasion fiscale, JO C 264 du 20.7.2016, p. 93.

(21)  Disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/taxation_customs/tax-common-eu-list_fr (site consulté le 29.8.2017).

(22)  Par exemple, le réseau «Tax justice», communiqué du 23 février 2017, Verdict on Finance Ministers’ blacklist: «whitewashing tax havens» [Verdict sur la liste noire des ministres des finances: les paradis fiscaux blanchis].

(23)  Voir la note de bas de page 2, paragraphe 10.

(24)  Voir l’avis du CESE sur le train de mesures contre l’évasion fiscale, JO C 264 du 20.7.2016, p. 93.

(25)  Document de travail de la «plateforme de collaboration sur les questions fiscales» de la Commission européenne, Toolbox spill-over effects of EU tax policies on developing countries [Boîte à outils sur les effets d’entraînement des politiques fiscales de l’Union européenne sur les pays en développement], juin 2017, Platform/26/2017/EN.

(26)  COM(2016) 450 final — 2016/0208 (COD); voir aussi l’avis du CESE sur la directive relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, JO C 34 du 2.2.2017, p. 121.

(27)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 58.

(28)  Voir la note de bas de page 2, paragraphe 15.

(29)  Voir l’avis du CESE sur le train de mesures contre l’évasion fiscale, JO C 264 du 20.7.2016, p. 93.

(30)  Voir l’avis du CESE sur l’institution de la garantie FEDD et du fonds de garantie FEDD, JO C 173 du 31.5.2017, p. 62.

(31)  Voir la note de bas de page 2, considérant A et paragraphe 6.

(32)  Voir notamment le paragraphe 1.5 de l’avis du CESE sur la directive relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, JO C 34 du 2.2.2017, p. 121.

(33)  Voir notamment le paragraphe 1.11 de l’avis du CESE sur la transparence fiscale, JO C 487 du 28.12.2016, p. 62.

(34)  Voir COM(2016) 740 final; voir également l’avis du CESE sur le consensus européen pour le développement, JO C 246 du 28.7.2017, p. 71.

(35)  Voir Commission européenne, «Percevoir plus, mieux dépenser», 2015.

(36)  Par exemple le Forum africain d’administration fiscale (ATAF), le Centre interaméricain des administrateurs fiscaux (CIAT), le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales ou encore le Centre de rencontres et d’études des dirigeants des administrations fiscales (Credaf).


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/37


Avis du Comité économique et social européen sur les «Droits économiques, sociaux et culturels dans la région euro-méditerranéenne»

(avis d’initiative)

(2018/C 081/06)

Rapporteure:

Helena DE FELIPE LEHTONEN

Décision de l’assemblée plénière

30 mars 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée:

le 28 septembre 2017

Adoption en session plénière

le 18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

123/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’importance des organisations économiques et sociales et de la société civile en général comme facteur nécessaire à la promotion de l’édification progressive, en Méditerranée, d’un espace de paix et de stabilité, de prospérité partagée et de dialogue culturel et civilisationnel entre les différents pays, sociétés et cultures de la Méditerranée, a déjà été soulignée dans la Déclaration de Barcelone (1) de 1995. À l’heure actuelle, les organisations de la société civile de la Méditerranée sont des espaces d’inclusion, de participation et de dialogue avec les pouvoirs publics, y compris locaux, qui ont pour but de promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels dans la région méditerranéenne. Le CESE estime qu’il est nécessaire de renforcer le rôle des Conseils économiques et sociaux (CES) là où ils existent et d’en promouvoir la création dans les pays où ils ont soit disparu, soit n’ont jamais existé, en renforçant les synergies entre les différents acteurs concernés. Pour promouvoir ces droits, les CES et les organisations économiques et sociales doivent mettre en place des collaborations afin de les rendre plus riches de potentialités et plus efficaces.

1.2.

Les femmes sont victimes de stéréotypes de genre qui reproduisent les barrières politiques, économiques et éducatives, produisant ainsi des conséquences graves pour l’évolution de la société. Le CESE appelle à réduire les décalages considérables qui existent entre les dispositions législatives et la réalité. À cette fin, il estime urgent de dégager les moyens qui permettront de former et de sensibiliser les responsables chargés de veiller à la mise en œuvre effective de cette législation. Afin de renforcer les droits, le CESE préconise d’associer les collectivités locales aux activités déployées par les organisations, les acteurs économiques et sociaux, la société civile et les réseaux qui œuvrent à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les différents contextes des sociétés concernées. Par ailleurs, ce travail doit être appuyé par des contributions provenant d’universités et de centres d’études spécialisés.

1.3.

Il s’impose de combattre la menace de l’extrémisme violent en s’attaquant à ses causes, qui sont multiples, au-delà du seul plan sécuritaire. Dans cette tâche, les organisations économiques et sociales se devraient de jouer un rôle de premier plan, en collaboration avec les institutions et les réseaux qui se consacrent au dialogue interculturel et interreligieux, afin de parvenir à de meilleurs résultats et d’inclure dans leurs activités le patrimoine culturel, l’expression artistique et les industries créatives. Le CESE invite la Commission européenne et les États membres de l’Union pour la Méditerranée à promouvoir également ces activités de dialogue interculturel parmi les acteurs sociaux en renforçant les organisations spécialisées qui, comme la Fondation Anna Lindh (2), travaillent depuis de nombreuses années dans le Bassin méditerranéen. En ce qui concerne le patrimoine, le CESE plaide pour une meilleure collaboration en matière de protection du patrimoine culturel, qui est aujourd’hui menacé par des conflits armés et des organisations violentes.

1.4.

Les droits économiques, droits du travail et droits sociaux sont des facteurs essentiels au développement économique et à la démocratie. Parmi ces droits, la liberté d’entreprise, la liberté d’association et d’action syndicale, la négociation collective, la protection sociale sur des questions telles que la santé, l’éducation ou la vieillesse sont des éléments de premier plan, comme l’a souligné l’OIT lors de sa création et dans la déclaration de Philadelphie, qui affirme la nécessité de subordonner l’organisation économique à la justice sociale, laquelle doit être le principal objectif de toute politique nationale et internationale. La déclaration de Philadelphie précise que «l’économie et la finance sont des moyens au service des hommes».

1.5.

Les médias jouent un rôle essentiel pour définir des points de vue et des perceptions réciproques et sont un vecteur essentiel pour ce qui est d’améliorer le dialogue interculturel et de favoriser le respect, la tolérance et la connaissance mutuelle. Par conséquent, le CESE se réjouit de la mise en place de projets qui veillent au respect de la diversité et favorisent une information libre de préjugés, de stéréotypes et de perceptions faussées. En outre, il plaide pour que soit intensifiée l’action de ces instruments d’observation, de formation et de sensibilisation contre le racisme et l’islamophobie dans les médias et insiste sur la promotion de mécanismes de coopération et de plates-formes conjointes de développement professionnel, dans le domaine du respect de l’éthique comme de la défense de la liberté d’expression.

1.6.

L’éducation est la principale voie pour accéder à la mobilité socio-économique et, par conséquent, aux possibilités d’amélioration de la qualité de la vie. Au contraire, l’inégalité des chances en matière éducative met en péril la stabilité et la sécurité dans la région. Le CESE invite dès lors à déployer des efforts conjoints pour améliorer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire et de l’enseignement supérieur, ainsi que celle de la formation professionnelle, au moyen d’un échange d’expériences dans l’élaboration des programmes et l’innovation méthodologique. Par ailleurs, le CESE estime qu’il est essentiel de combler le fossé cognitif qui sépare les deux rives de la Méditerranée et propose à cette fin, d’une part, de promouvoir les réseaux de connaissance et les enquêtes communes qui favorisent la transmission et la diffusion du savoir, et d’autre part, d’encourager la mobilité des enseignants, des étudiants, des universitaires et des chercheurs ainsi que la traduction de leurs travaux, notamment de l’arabe et vers l’arabe.

1.7.

L’éducation non formelle est un complément nécessaire, compte tenu de son apport à l’essor de sociétés plus inclusives et plurielles. Le CESE considère qu’il y a lieu de renforcer les synergies entre éducation formelle et non formelle et d’encourager ce type d’éducation en tant qu’instrument qui serve à développer une culture de paix et d’apprentissage tout au long de la vie. Pour ce faire, le CESE appelle à consacrer à l’éducation non formelle un budget plus important et à promouvoir le transfert d’expériences et de connaissances entre l’Europe et le sud de la Méditerranée.

1.8.

Afin de renforcer une économie inclusive et concurrentielle, il est nécessaire de soutenir l’insertion numérique et technologique des personnes. À cette fin, le CESE souligne qu’il est nécessaire de promouvoir des projets d’envergure régionale et locale qui rendront les citoyens autonomes en ce qui concerne l’utilisation des nouvelles technologies, l’entrepreneuriat et la numérisation, ainsi que de renforcer les initiatives de participation citoyenne et de promotion de la culture numérique, ainsi que de création d’emplois décents, comme les initiatives urbaines d’innovation sociale et numérique (Labs).

2.   Contexte

2.1.

En 2011, l’espoir de changement exprimé par la jeunesse arabe a ébranlé plusieurs régimes qui, de manière inattendue, ont été radicalement remis en cause. La Tunisie, l’Égypte, la Libye et le Yémen ont chassé leurs dirigeants politiques. Toutefois, leur destin s’est engagé dans des chemins très différents, allant de la transition qui se pérennise en Tunisie, grâce notamment au dynamisme de sa société civile, au changement de régime en Égypte, en passant par des conflits ouverts en Libye et au Yémen. La Syrie est en proie à une guerre sans merci, devenue aujourd’hui régionale et internationale. Il s’en est ensuivi de tragiques déplacements de populations, ainsi que des mouvements migratoires sans précédent qui ont déstabilisé l’ensemble de l’espace euro-méditerranéen.

2.2.

Au-delà d’un changement de régime, l’objectif était de mettre en place un système plus équitable et plus solidaire, de garantir les libertés politiques et la justice sociale, d’ouvrir le champ des possibles et de veiller au respect de la dignité. Ces attentes ont été déçues parce qu’elles ne se sont pas concrétisées dans le domaine social. Des circonstances politiques concrètes, à l’intérieur et à l’extérieur de ces pays, ont contribué à les compromettre. Six ans plus tard, ces revendications légitimes de droits économiques, sociaux et culturels restent d’actualité, n’ont pas trouvé de solution et constituent toujours un facteur d’instabilité potentielle pour la région.

2.3.

Le CESE considère dès lors comme une priorité absolue l’instauration de la paix et de la démocratie dans l’ensemble de la région, de même que le respect des droits de l’homme et des droits fondamentaux de l’ensemble de ses citoyens.

2.4.

Les droits fondamentaux: indispensables et inaliénables

2.4.1.

Le CESE invite l’ensemble des pays du sud et de l’est de la Méditerranée à adhérer au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (3) et à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (4). Il souligne dans le même temps l’importance des principes et des valeurs de la laïcité, ainsi que de la protection des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques (5).

2.4.2.

Le CESE souligne que la défense d’un niveau minimum de qualité de vie pour tout un chacun revêt une importance primordiale. Il insiste sur la nécessité de garantir l’accessibilité de l’eau potable et des denrées alimentaires en quantités voulues et à des conditions abordables, ainsi qu’un accès suffisant à l’énergie, afin d’éviter l’exclusion énergétique de l’individu comme de la collectivité, et de promouvoir un environnement décent.

2.4.3.

Par ailleurs, compte tenu des circonstances particulières que traverse la région, il faut pouvoir garantir, au niveau tant national qu’international, le droit à un logement décent ou, à défaut, à un abri ou refuge décent à tout individu ou famille. Enfin, le CESE estime qu’il convient de garantir le droit de tous à la reconstruction des zones dévastées, que ce soit par des catastrophes naturelles ou des conflits armés, dans un esprit d’inclusion et dans des conditions dignes.

2.5.

Le droit à un travail décent: facteur de stabilité sociale et de progrès

2.5.1.

Le CESE estime que dans les sociétés des pays voisins, un effort commun est indispensable en faveur d’une intégration et d’une cohésion accrues. De même, les économies de ces pays doivent se réformer et innover pour créer des emplois décents, qui constituent un élément essentiel du développement durable.

2.5.2.

Le CESE insiste également sur la nécessité de garantir les droits sur lesquels doivent reposer les principes ainsi décrits. À cet égard, il y a lieu d’assurer dans ces pays le droit au travail dans des conditions dignes, sans distinction fondée sur la condition sociale, la religion ou la nationalité.

2.5.3.

Le CESE juge qu’il est impératif, afin de lutter contre la pauvreté, que des mesures soient prises pour promouvoir le travail décent en tant que facteur de stabilité sociale, conformément aux recommandations de la déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et à son suivi (6), ainsi qu’au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (7), et il encourage dès lors à y souscrire. Ainsi, il est essentiel de préserver les droits fondamentaux du travail tels que le droit d’association, celui de fonder un syndicat ou de s’affilier à celui de son choix, le droit de grève, la reconnaissance effective du droit de négociation collective, ainsi que des conditions adéquates de sécurité et d’hygiène dans l’exercice du travail et un salaire décent.

2.5.4.

En outre, il convient de développer, comme le propose l’OIT, le droit au logement afin de protéger l’ensemble de la population, et en particulier ses couches les plus vulnérables. Il est par ailleurs indispensable de lutter contre les violations des droits fondamentaux telles que l’exploitation des enfants ou le travail forcé, et de promouvoir l’accès à l’emploi pour les femmes et les personnes handicapées.

2.6.

L’entrepreneuriat: moteur essentiel du développement économique

2.6.1.

L’Union européenne estime que les cinq facteurs essentiels à la paix, à la stabilité, à la sécurité et à la prospérité dans la région euro-méditerranéenne sont les suivants: le développement économique dans le cadre de la modernisation et de la diversification des économies; le renforcement de l’écosystème entrepreneurial et de l’esprit d’entreprise innovant; la création d’emplois par la formation spécialisée, notamment pour les jeunes; le développement du secteur privé, en particulier des PME; la durabilité énergétique et environnementale (8). Elle souligne l’importance de la création d’emplois de qualité comme base de la prospérité économique et du renforcement de l’entrepreneuriat féminin et des synergies d’entreprises de part et d’autre de la Méditerranée.

Le CES estime également que ces aspects sont indissociables du développement social, étant donné que la stabilité, la sécurité et la prospérité ont toujours eu comme base l’intégration et la cohésion sociale.

2.6.2.

La communication conjointe fait valoir qu’il est nécessaire et déterminant pour le développement de ces économies de permettre et de garantir le juste exercice de l’entrepreneuriat privé. Dès lors, il convient d’assurer un cadre juridique qui donne des garanties concernant le droit à la propriété privée, ainsi que son inviolabilité, sous réserve du cadre juridique.

2.6.3.

Le CESE tient tout autant à ce que les pouvoirs publics protègent une concurrence libre et loyale dans l’économie, garantissant un traitement égal aux entrepreneurs. Il est dès lors essentiel d’assurer une égalité de traitement en ce qui concerne l’accès au financement et la disponibilité de services de microfinancement, ainsi que de garantir l’existence d’une administration publique exempte de corruption et investie d’une mission de service public.

2.7.

Le droit à la création et à l’innovation: garantie d’une économie diversifiée produisant une valeur ajoutée

2.7.1.

La déclaration ministérielle de l’Union pour la Méditerranée sur l’économie numérique (9) fait état de l’importance d’une approche inclusive et transversale des nouvelles technologies dans les domaines culturel, social, économique, gouvernemental et de la sécurité.

2.7.2.

De même, le CESE soutient l’approche de la communication conjointe quant à la nécessité de diversifier et de développer les économies de la région méditerranéenne de manière durable et inclusive.

2.7.3.

S’agissant de l’élaboration de nouveaux programmes, le CESE considère qu’il appartient à l’Union européenne de créer, pour la zone euro-méditerranéenne, des programmes de développement de l’innovation qui permettent à la région de progresser sur le plan économique, tout en préservant le droit individuel et collectif de créer et d’innover. Ce dernier implique de reconnaître le droit de la propriété intellectuelle, celui de partager et de diffuser cette innovation et celui d’accéder aux nouvelles technologies.

2.7.4.

Le CESE considère que l’insertion numérique et le libre accès à Internet, aussi bien sous forme individuelle que collective, constitue un droit inhérent au fait d’innover.

2.8.

Le droit à une éducation de qualité, socle du développement humain

2.8.1.

L’éducation est la principale voie pour accéder à la mobilité socio-économique et, par conséquent, aux possibilités d’amélioration de la qualité de la vie. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) (10) souligne que si, dans de nombreux pays de la région, la scolarisation dans le primaire a atteint un niveau conforme aux normes internationales, et que des progrès significatifs ont été également réalisés en matière de scolarisation dans le secondaire, la qualité de l’enseignement est insuffisante. La Banque mondiale a élaboré des programmes pour cette région, en coopération avec d’autres agences, et il serait souhaitable que la Commission européenne travaille sur cette ligne. Il convient également de noter que la forte inégalité des chances en matière d’éducation affaiblit le contrat social dans les pays arabes.

2.8.2.

La feuille de route de l’Union pour la Méditerranée (11) insiste sur la nécessité de renforcer l’éducation en tant que facteur clef de la création d’emplois durables et qualifiés, en particulier pour les jeunes sans emploi qui risquent d’acquérir de mauvaises habitudes en matière d’activité, sur la recherche et l’innovation comme fondements de la modernisation des économies, ainsi que sur la durabilité, envisagée comme élément transversal permettant de garantir le développement économique et social inclusif.

2.8.3.

Le renforcement du capital humain est fondamental pour la stabilité et la sécurité de la région. Il apparaît dès lors nécessaire de promouvoir l’enseignement primaire et secondaire, l’enseignement supérieur, l’accès à la science et aux connaissances scientifiques, l’aptitude à l’emploi, la santé, l’autonomisation et la mobilité des jeunes, l’égalité des sexes, les forums de discussion et l’inclusion sociale.

2.8.4.

En dépit de certains problèmes concernant l’accès à l’éducation et sa généralisation, ainsi que la nécessité d’améliorer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire, la principale difficulté à relever consiste à combler le fossé existant entre formation et emploi. Sur ce point, il est impératif de promouvoir des plates-formes de connexion entre le marché du travail et le système éducatif afin d’assurer la pleine insertion des jeunes dans la société. À cette fin, le CESE estime qu’il est primordial de promouvoir l’échange d’expériences en matière de programmes d’études et d’innovation méthodologique, en favorisant le transfert d’expériences et de pratiques, afin de parvenir à des compétences et des aptitudes adaptées à l’environnement de travail, ainsi que de mettre en avant et de revaloriser l’enseignement et la formation professionnels afin de relever le défi de créer 60 millions d’emplois dans les pays arabes au cours de la prochaine décennie.

2.8.5.

Les partenaires sociaux, de même que d’autres organismes spécialisés, ont souligné le rôle central de l’éducation non formelle (ENF), en tant qu’elle constitue un outil essentiel et une solution, à long terme, pour lutter contre la radicalisation et les extrémismes et parce qu’elle favorise l’intégration de groupes vulnérables, en particulier celle des jeunes et des femmes.

2.8.6.

Le CESE se félicite que soit reconnue l’importance de l’éducation non formelle en tant que complément de l’éducation formelle, et considère qu’il convient de renforcer les synergies entre ces deux vecteurs. Il estime ainsi qu’il convient d’accroître l’engagement politique en faveur de ce type d’éducation et d’y consacrer un budget plus important, dès lors qu’elle facilite le processus de maturation et d’insertion sociale des jeunes, qu’elle les forme à participer activement à la société et au développement des valeurs démocratiques, et qu’elle constitue un bon instrument pour développer une culture de la paix.

2.9.

La mobilité dans la sphère universitaire et académique: vers la disparition du fossé cognitif

2.9.1.

La mobilité des jeunes constitue un élément essentiel de la réponse aux défis auxquels est confrontée la région méditerranéenne. En effet, la migration dans les pays arabes est révélatrice de l’exclusion sociale de jeunes hautement qualifiés. Il convient par conséquent d’encourager une migration bénéfique à la fois pour les pays d’origine et pour les pays de destination. Cela suppose de mieux reconnaître les qualifications et les diplômes, de faciliter la mobilité universitaire et d’améliorer le cadre juridique régissant les conditions d’entrée et de séjour dans l’Union européenne applicables aux ressortissants de pays voisins à des fins de recherche, d’étude, d’échange d’élèves, de formation et de bénévolat.

2.9.2.

En outre, l’une des lignes de démarcation les plus aiguës qui existent entre les deux rives de la Méditerranée n’est autre que le «fossé cognitif», de sorte que le CESE considère opportun de prendre des mesures en vue d’encourager la production et la circulation des connaissances scientifiques et universitaires, et propose de créer et de promouvoir des réseaux de connaissances et de recherche dans l’ensemble euro-méditerranéen. En outre, il juge essentiel de promouvoir la traduction de cette production universitaire et scientifique, notamment au départ et à destination de l’arabe.

2.9.3.

Le CESE souhaite en outre insister sur la nécessité d’encourager la mobilité des étudiants, des enseignants, des chercheurs, des universitaires et des scientifiques sous la forme de séjours, d’échanges et de stages, s’agissant d’un élément clef pour promouvoir la qualité de l’enseignement et la capacité d’insertion professionnelle des jeunes, grâce au renforcement de la mise en œuvre et des résultats du programme Erasmus+ dans les pays de la région euro-méditerranéenne, ainsi que pour assurer la diffusion des connaissances et encourager le dialogue interculturel.

2.10.

Les moyens de communication et le dialogue interculturel: les clefs de la tolérance

2.10.1.

Le pluralisme, l’indépendance et le professionnalisme des médias locaux sont les garants du progrès social et les aident à jouer le rôle de catalyseurs du changement dans les pays du voisinage de l’Union européenne.

2.10.2.

Le CESE insiste sur la nécessité de promouvoir le dialogue et la coopération entre les médias dans l’espace euro-méditerranéen afin d’améliorer et de renforcer les normes professionnelles et leur cadre législatif. Il est également crucial de contribuer à garantir et protéger la liberté de la presse et la liberté d’expression.

2.10.3.

Il est impératif de reconnaître le rôle joué par les médias pour ce qui est d’améliorer le dialogue interculturel et de favoriser le respect, la tolérance et la compréhension mutuelle. Dans le contexte actuel d’une montée des discours anti-occidentaux dans le sud et des discours populistes à caractère xénophobe en Europe, il est plus que jamais nécessaire de déployer des efforts afin de les combattre en prenant le contre-pied de ce type de visions qui, basées sur l’exclusion et une conception manichéenne du monde, dressent les uns contre les autres les peuples, les cultures et les religions.

2.10.4.

À cet égard, le CESE se réjouit de la mise en œuvre de projets qui veillent au respect de la diversité existant en Europe et favorisent la tolérance et une information exempte de préjugés, de stéréotypes et de perceptions faussées, tel, en Espagne l’Observatoire de l’islamophobie dans les médias (12), qui promeut une information dépourvue de racisme et d’islamophobie. Il appelle de ses vœux le lancement de projets transversaux à cette fin.

2.10.5.

Au-delà du domaine sécuritaire, l’absence de perspectives, en particulier chez les jeunes, peut être l’une des principales sources d’instabilité, venant s’ajouter aux causes des processus de radicalisation. Il y a lieu de prévenir et de combattre l’extrémisme et le racisme en promouvant le dialogue interculturel. Ainsi, les institutions et les réseaux se consacrant au dialogue interculturel et interconfessionnel devraient renforcer leurs synergies et leurs complémentarités, afin d’accroître leur impact.

2.10.6.

La prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent doit associer les CES de la Méditerranée, les acteurs économiques et sociaux ainsi que la société civile dans son ensemble. À cette fin, il est nécessaire de créer des plates-formes pour l’échange et la coopération, dotées de ressources budgétaires, et d’aborder les questions liées à la justice, aux inégalités entre les femmes et les hommes, aux discours d’incitation à la haine, au chômage des jeunes et à l’analphabétisme, dans le cadre d’un effort plus vaste de déradicalisation qui inclue également la promotion du dialogue interculturel. Dans cet esprit, il convient de mettre en exergue les activités du Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (Radicalisation Awareness Network — RAN) (13) et de son centre d’excellence.

2.10.7.

Le CESE estime essentiel d’encourager les échanges entre intellectuels, artistes et acteurs culturels de la région, car ils agissent en tant que vecteurs privilégiés de transformation sociale en développant des projets communs qui ont une incidence sur la promotion du dialogue et de la compréhension mutuelle. Il invite également à accroître la coordination et la coopération en matière de protection du patrimoine culturel, ainsi qu’à faire connaître et à mettre en valeur les différentes disciplines et sensibilités culturelles et artistiques qui coexistent dans l’espace euro-méditerranéen et sont des éléments précieux de cohésion et de compréhension mutuelle.

2.11.

La société civile et les synergies entre acteurs sociaux: espaces d’inclusion et de débat

2.11.1.

La crise économique et la xénophobie sur la rive nord, tout comme la demande de liberté d’expression et la lutte pour les droits de l’homme dans les pays de la rive sud, sont autant d’éléments qui ont une incidence sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels dans les sociétés des pays euro-méditerranéens.

2.11.2.

À cet égard, le rapport du Parlement européen de novembre 2015 sur la promotion des droits de l’homme (14) fait valoir qu’il convient d’accorder un soutien accru à la société civile. Néanmoins, la visibilité des organisations de la société civile des pays du sud demeure insuffisante par rapport aux efforts qu’elles déploient et parfois aux risques qu’elles prennent, de même qu’à la lumière de leur rôle de stimulation des changements sociétaux. Sur ce point, les CES de la Méditerranée peuvent jouer un rôle de plates-formes de diffusion, de rencontre et de débat.

2.11.3.

Le CESE affirme que le tissu associatif est un espace qui contribue à l’intégration. De même, il juge nécessaire que la Commission accroisse son soutien aux projets menés à bien par la société civile organisée par l’intermédiaire de ses organisations économiques et sociales, de ses associations et des réseaux qu’elles forment, ainsi que par une intensification des partenariats et des synergies entre les différents acteurs concernés.

2.11.4.

Le CESE estime que les ministres des pays euro-méditerranéens devraient collaborer à des projets concrets avec le Sommet des conseils économiques et sociaux méditerranéens et institutions similaires, sans préjudice du soutien aux associations civiques et culturelles.

2.12.

La femme: point de convergence des droits économiques, sociaux et culturels

2.12.1.

Lors des trois conférences ministérielles euro-méditerranéennes sur le renforcement du rôle de la femme dans la société qui se sont tenues à Istanbul (15) (2006), Marrakech (16) (2009) et Paris (17) (2013), les gouvernements se sont accordés à mettre en œuvre les engagements suivants: égalité des droits entre les hommes et les femmes pour la participation à la vie politique, économique, civile et sociale, lutte contre toutes les formes de violence et de discrimination à l’encontre des femmes et des filles, efforts pour changer les attitudes et les comportements en vue de parvenir à l’égalité entre les sexes et de promouvoir l’émancipation des femmes, non seulement sur le plan des droits, mais aussi dans la pratique.

2.12.2.

Malgré les changements législatifs intervenus dans les pays du sud de la Méditerranée, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) est d’avis que l’on est encore loin de l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels.

2.12.3.

Le CESE constate l’écart important que l’on observe entre, d’une part, les déclarations officielles, les propositions des institutions et la législation en vigueur et, d’autre part, la réalité vécue au quotidien par les femmes dans leurs communautés. Il attire l’attention sur la nécessité de mettre les lois nationales en concordance avec les constitutions et de combler les lacunes juridiques qui permettent encore des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes.

2.12.4.

Dans ce contexte, le CESE attire l’attention sur la nécessité de dégager des moyens pour former et sensibiliser les groupes chargés de veiller à la mise en œuvre effective de la législation: magistrature, forces de sécurité, entreprises, éducateurs, médias, institutions comme les CES, etc.

2.12.5.

Pour renforcer les droits et engranger de meilleurs résultats, le CESE recommande d’associer les administrations locales aux travaux des organisations de la société civile en matière d’égalité des sexes, étant donné qu’elles disposent d’informations de meilleure qualité à l’égard des problèmes et des aspirations de la population. Ce travail conjoint de différents acteurs peut être appuyé par des apports académiques (universités et centres d’étude spécialisés). Un exemple en est fourni par la Fondation des femmes pour la Méditerranée (18) (FFM), qui a mené une campagne de sensibilisation contre les mariages précoces en collaboration avec la Fédération des ligues de défense des droits des femmes, les autorités régionales de Marrakech, l’université Cadi Ayyad, la commission régionale des droits de l’homme et d’autres collectivités locales.

2.12.6.

Le CESE invite dès lors les ministres des États membres de l’Union pour la Méditerranée à prendre en compte ces questions lors de la prochaine conférence ministérielle, et à doter ces actions et ces campagnes de ressources budgétaires.

2.12.7.

Le CESE fait valoir que la non-prise en compte des points ci-dessus aurait une forte incidence. Mariages précoces, interruption précoce du cursus éducatif et, partant, dévalorisation des femmes sur le marché du travail et au niveau de leur représentation politique sont quelques-uns des éléments qui s’opposent à la réalisation des droits, en particulier des femmes et des filles.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  http://ufmsecretariat.org/barcelona-declaration-adopted-at-the-euro-mediterranean-conference-2728-november-1995/

(2)  http://www.annalindhfoundation.org/

(3)  http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CCPR.aspx

(4)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012P/TXT&from=FR

(5)  http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/Minorities.aspx

(6)  http://www.ilo.org/declaration/thedeclaration/textdeclaration/lang--fr/index.htm

(7)  http://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/cescr.aspx

(8)  http://eeas.europa.eu/enp/documents/2015/151118_joint-communication_review-of-the-enp_fr.pdf

(9)  http://ufmsecretariat.org/wp-content/uploads/2014/09/UfMMinistersDeclarationFR.pdf

(10)  http://www.arabstates.undp.org/content/rbas/en/home/library/huma_development/arab-human-development-report-2016--youth-and-the-prospects-for-/

(11)  http://ufmsecretariat.org/wp-content/uploads/2017/01/UfM-Roadmap-23-JAN-2017.pdf

(12)  http://www.observatorioislamofobia.org/

(13)  https://ec.europa.eu/home-affairs/what-we-do/networks/radicalisation_awareness_network

(14)  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A8-2015-0344+0+DOC+XML+V0//FR

(15)  https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/documents/view/4224/conclusions-ministerielles-sur-renforcement-role-femmes-dans-societe

(16)  https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/documents/view/4756/deuxiemes-conclusions-ministerielles-sur-renforcement-role-femmes-dans-societe

(17)  https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/documents/view/4226/troisiemes-conclusions-ministerielles-sur-renforcement-role-femmes-dans-societe

(18)  https://www.euromedwomen.foundation/


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/44


Avis du Comité économique et social européen sur «La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050»

(avis d’initiative)

(2018/C 081/07)

Rapporteure:

Brenda KING

Corapporteur:

Lutz RIBBE

Décision de l’assemblée plénière

14.7.2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Sous-comité compétent

La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050

Adoption en sous-comité

21.9.2017

Adoption en session plénière

18.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

185/8/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Comme toutes les autres régions du monde, l’Europe est confrontée à trois grands problèmes: 1) l’épuisement des ressources naturelles de la planète, qui touche notamment au changement climatique et au recul de la biodiversité; 2) les inégalités sociales, s’agissant notamment du chômage des jeunes et des personnes laissées pour compte dans les régions où l’on assiste à un déclin des industries; et enfin 3) la défiance du public envers les pouvoirs publics, la classe politique, l’Union européenne et ses structures de gouvernance, ainsi que d’autres institutions.

1.2.

Ces trois grands problèmes doivent être replacés dans le contexte de la numérisation (qui constitue une grande tendance d’importance majeure) et de la mondialisation, attendu que ces phénomènes ont profondément bouleversé les marchés du travail en Europe et qu’ils continueront d’exercer une influence encore plus forte à l’avenir. La numérisation, en particulier, peut soit faciliter le traitement des trois problèmes évoqués, soit au contraire les exacerber. Le caractère positif ou néfaste de son incidence dépendra de la façon dont elle est gérée sur le plan politique.

1.3.

Après avoir analysé attentivement les interactions entre ces trois problèmes majeurs et la numérisation, le Comité économique et social européen (CESE) invite la Commission européenne à préparer une stratégie à long terme pour le développement durable de l’Europe, dans le but d’encourager les mesures qui consolident son économie afin d’obtenir des avancées sur le plan social et environnemental. Le présent avis a pour objet d’exposer des problèmes et des éléments de réflexion à prendre en considération dans la préparation de cette stratégie à long terme.

Certains acteurs résistent au changement. Dans un contexte où les avancées technologiques se succèdent sans discontinuer, certains ont tout intérêt à maintenir le statu quo. D’autres peuvent nourrir des appréhensions face aux efforts nécessaires pour s’adapter à une société en constante mutation. Pour d’autres encore, les changements ne sont pas assez rapides (c’est le cas, par exemple, des tenants des énergies vertes). Les responsables politiques devraient tenir compte de ces inquiétudes et s’attaquer directement au problème au lieu d’opter pour le statu quo. La première étape consisterait à engager un débat ouvert sur les problèmes qui se posent et à renforcer la démocratie participative, grâce notamment à l’initiative citoyenne européenne.

1.4.

Rester sans agir n’est pas envisageable. Il faudra faire preuve de volonté politique pour guider le changement dans la bonne direction. Il est nécessaire de multiplier les points de jonction entre le développement économique, la protection de l’environnement et les politiques sociales. Le CESE reste convaincu que la mise en œuvre et la réalisation conjointe des objectifs de développement durable (ODD) et de l’accord de Paris, ainsi que des transitions biens gérées vers l’économie à faible intensité de carbone et l’économie numérique, permettront de résoudre les grands problèmes auxquels l’Europe est confrontée et d’en faire l’un des gagnants de cette nouvelle révolution industrielle. Le Comité recommande à la Commission de se hâter pour mettre sur pied les politiques qu’elle a exposées dans son document de travail sur les «Prochaines étapes» (1) et d’insister davantage sur l’intégration pleine et entière des ODD et de l’accord de Paris dans le cadre des politiques européennes et dans ses priorités actuelles, en vue de définir une vision pour une Europe juste et compétitive à l’horizon 2050.

1.5.

La nécessité d’impulser un puissant élan politique ne doit pas être mal interprétée. Si un cadre réglementaire approprié est indispensable pour donner forme à la transition, l’Europe a besoin d’une stratégie qui touche la société dans son ensemble puisqu’il s’agit de tendre vers une mondialisation équitable, de s’employer à accroître la compétitivité et assurer à l’Europe une position dominante en matière de nouvelles technologies, de s’efforcer de ne laisser personne de côté, d’éradiquer la pauvreté et de créer un environnement à même de rétablir la confiance des citoyens à l’égard des systèmes politiques et des formes de gouvernance multilatérales (2). En plus de montrer la voie dans divers domaines d’action, les approches stratégiques suivies doivent s’attacher également à libérer l’immense potentiel de la société civile. L’entrepreneuriat social, les initiatives citoyennes et l’action sociale locale ne sont que quelques exemples de la manière dont le développement durable peut être réalisé au moyen d’une approche ascendante, en particulier pour ce qui concerne la nécessaire transition vers une économie sobre en carbone ou circulaire. Dans ce contexte, l’exemple des énergies renouvelables décentralisées offre le meilleur point de référence.

1.6.

La Commission et le CESE devraient, très prochainement, mener conjointement d’autres travaux dans les domaines d’action stratégiques clés qui sont analysés dans le présent avis, notamment ceux énumérés ci-après:

la compétitivité de l’Union européenne dans un monde en mutation,

l’incidence de la numérisation sur le marché du travail (y compris sur l’emploi décent) et sur l’environnement,

la finance durable et la fiscalité,

les défis posés par la mise au point de nouveaux modèles économiques,

les obstacles à la décentralisation de la production d’énergie,

l’apprentissage tout au long de la vie dans une nouvelle ère numérique et dans le contexte de la transition vers une économie à faible intensité de carbone,

la promotion des coalitions pluripartites,

le déficit démocratique dans le processus législatif de l’Union européenne et l’aspect nouveau du défi que représente la participation de la société civile,

l’intégration de l’expertise indépendante dans l’élaboration des politiques, compte tenu de la nécessité d’une participation accrue de la société civile,

un nouveau mécanisme européen au service d’une stratégie de développement durable.

1.7.

L’exécution de ce catalogue de mesures requiert une stratégie globale et cohérente. Le CESE recommande d’axer une telle stratégie sur le long terme et d’en faire une démarche explicite, intégrée sur le plan horizontal et vertical, gérable et participative. Par conséquent, le CESE considère qu’il est crucial de veiller à ce que la transition vers 2050 soit conçue et conduite en y associant pleinement les représentants de la société civile. Afin de renforcer la démocratie participative, la Commission européenne devrait engager une réflexion sur le monopole de l’initiative législative qu’elle détient.

2.   Introduction

En 2016, la Commission a publié sa communication intitulée «Prochaines étapes pour un avenir européen durable». Dans son avis, le CESE y apporte sa contribution en formulant ses recommandations pour une stratégie qui permette de relever les défis qui se posent à l’Europe. Cet avis plaide en faveur d’une approche axée sur l’humain, qui prenne en considération les dimensions économique, sociale et environnementale du développement dans une perspective à long terme. Cette approche devrait permettre de dépasser la vision à court terme et le mode de pensée cloisonné qui caractérisent les stratégies actuelles de l’Union.

3.   Une grande tendance et trois problèmes mondiaux

Dans le contexte de la grande tendance que constitue la numérisation, une stratégie en matière de durabilité devra apporter des réponses à trois grands problèmes, énumérés au premier chapitre, qui se posent à l’échelle du monde et qui touchent l’Europe au même titre que tous les autres continents:

1)

Comment gérer les limites de la planète et le défi écologique global, notamment le changement climatique et le recul de la biodiversité?

2)

Comment répondre à l’accroissement des inégalités sociales à l’ère de la mondialisation?

3)

Comment surmonter la défiance grandissante du public à l’égard des gouvernements et des institutions?

Apporter des solutions à ces problèmes nécessitera un effort conjoint de la part des décideurs, des personnalités politiques et de la société civile. En outre, il convient d’accorder une attention particulière aux risques et aux opportunités que comporte la numérisation. Dans cette partie, nous présentons les différents enjeux qui se posent lorsqu’il s’agit de trouver des réponses aux trois problèmes majeurs qui ont été évoqués (3).

3.1.   Une grande tendance: la transformation mondiale de l’économie et de la société due à la numérisation

3.1.1.

L’économie des plateformes, l’intelligence artificielle, la robotique et l’internet des objets: les évolutions mondiales dans ces domaines sont d’une vaste portée et vont s’accélérant, et tôt ou tard, elles toucheront tous les secteurs de l’économie et de la société. Si les technologies numériques deviennent accessibles à de larges pans de la société, certaines catégories n’ont pas forcément accès à ces outils numériques extrêmement puissants.

3.1.2.

La convergence des technologies numériques et des nanotechnologies, des biotechnologies, des sciences des matériaux, de la production et du stockage d’énergies renouvelables ou encore de l’informatique quantique pourrait bien donner le jour à une nouvelle révolution industrielle (4). Afin d’assurer à l’Europe une position dominante dans le nouveau contexte de concurrence mondiale sur le plan technologique et économique, des investissements massifs et de nouvelles initiatives sont nécessaires.

3.1.3.

La numérisation comporte de multiples avantages. Elle permet l’émergence de nouveaux produits et services qui profitent aux consommateurs. La numérisation peut aider à atteindre certains des objectifs de développement durable (ODD), en relevant les niveaux de revenus dans le monde, en améliorant la qualité de vie des citoyens, en ouvrant des possibilités pour établir des modèles démocratiques plus inclusifs et en augmentant le nombre d’emplois de qualité ainsi que la compétitivité globale de l’Union européenne, tout comme les autres révolutions industrielles qui l’ont précédée. Elle comporte aussi des dangers: des études signalent que la numérisation risque de détruire davantage d’emplois qu’elle n’en créera.

3.1.4.

La technologie numérique va considérablement rapprocher la production de la consommation et réduire ainsi à son minimum la surproduction. Elle pourrait ainsi réduire l’empreinte environnementale de l’Union européenne. Les échanges directs de biens économiques, que ce soit dans le cadre de transactions entre pairs ou d’une économie du partage, peuvent réduire la consommation de ressources. Par exemple, les technologies numériques favorisent la diffusion de services de transports partagés et des véhicules autonomes, ce qui peut renforcer la durabilité environnementale de nos systèmes de mobilité.

3.1.5.

La numérisation n’est cependant pas durable en soi. Il existe certains obstacles à l’entrée sur le marché et aux économies d’échelle qui peuvent empêcher les citoyens d’en exploiter le potentiel. La numérisation pourrait creuser les inégalités, en particulier compte tenu de son potentiel de perturbation des marchés du travail et de sa propension à y introduire un clivage, attendu que de nombreux emplois peu ou moyennement qualifiés sont susceptibles d’être automatisés. La robotisation et l’économie des plateformes pourraient sérieusement menacer de nombreux emplois en Europe et posent des risques nouveaux puisque la plupart des technologies en question reposent sur l’exploitation de données, en particulier les données à caractère personnel.

3.1.6.

Les nouvelles opportunités de création de richesse ne bénéficient souvent qu’à une certaine catégorie de la population: les personnes instruites, disposant de bonnes compétences sociales et tolérantes à l’égard du risque. Les principaux bénéficiaires des innovations numériques ont tendance à être les fournisseurs de capital intellectuel, financier et physique: les innovateurs, les actionnaires, les investisseurs et les travailleurs hautement qualifiés. L’on peut craindre que les technologies numériques ne deviennent l’un des principaux facteurs à l’origine de la stagnation des revenus, voire de leur diminution.

3.1.7.

Une politique active et globale doit être mise en place si l’on veut saisir les opportunités offertes par la numérisation dans le contexte des trois grands problèmes susmentionnés. Les risques liés à la numérisation doivent également être surveillés et gérés. Le CESE devrait continuer de travailler activement sur ces problématiques.

3.2.   Les limites de la planète et le défi global de l’écologie

3.2.1.

L’Europe, qui s’est engagée dans la lutte mondiale contre le changement climatique (dans le cadre de l’accord de Paris) et en faveur de la préservation des ressources naturelles, doit immédiatement et radicalement réduire l’empreinte environnementale de son économie. La crise écologique nous frappe déjà. À l’échelle de la planète, l’expansion démographique, une croissance économique à long terme fondée sur les combustibles fossiles et une exploitation non durable des ressources et des terres soumettent l’environnement à des pressions croissantes. Un défi majeur, qui trouve un écho aussi dans les ODD, consiste à veiller à ce que le développement et la croissance économiques respectent les limites de notre planète, que ce soit sur le plan de la lutte contre le changement climatique, de l’exploitation et de la gestion des ressources, de la qualité de l’air et de l’eau ou encore de la protection de la biodiversité marine et terrestre.

3.2.2.

La décarbonisation en profondeur de l’économie nécessite la transformation urgente de nombreux secteurs économiques. Le passage des combustibles fossiles aux renouvelables exige une flexibilité accrue et un meilleur savoir-faire dans le domaine des énergies. L’évolution globale du modèle du «prosommateur» (5) d’énergie devrait également former un pan important et durable de la politique énergétique de l’Union européenne (6). Des changements structurels doivent être apportés aux systèmes de transport grâce à l’électrification et au covoiturage. Le logement et les infrastructures doivent être revus en profondeur. Une bioéconomie avancée pourrait constituer un facteur de première importance pour stimuler l’écologisation de l’économie.

3.2.3.

L’Europe doit se détourner du modèle économique linéaire actuel consistant à «prendre-faire-consommer-et-jeter» et s’orienter vers un modèle circulaire qui soit régénérateur dans sa conception, s’appuie lorsque c’est possible sur des sources naturelles renouvelables et préserve la valeur des produits, des matériaux et des ressources dans l’économie aussi longtemps que possible. La numérisation peut jouer un rôle important dans ce contexte (voir le paragraphe 3.1.4).

3.2.4.

La transition vers une économie sobre en carbone, circulaire et respectueuse de l’environnement représente pour l’Union l’occasion d’accroître sa compétitivité et sa résilience. Elle peut améliorer la qualité de vie et le bien-être des citoyens européens. Elle réduit aussi la dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles et de matières premières critiques, et jette des bases solides pour assurer la prospérité économique.

3.2.5.

Néanmoins, la décarbonisation et la transition écologique s’accompagnent de défis sur le plan social (7) puisque le nombre d’emplois dans les industries à forte empreinte écologique est amené à diminuer. Cette évolution doit être acceptée en tant que mission politique stratégique si l’on veut pleinement saisir le potentiel de la décarbonisation et de la transition écologique pour ce qui est de créer de nouveaux emplois et d’améliorer la sécurité sociale, de sorte que le bilan net soit aussi positif que possible.

3.2.6.

La transition vers une économie circulaire et sobre en carbone a été alimentée par des initiatives ascendantes conduites par les citoyens, les pouvoirs publics locaux, les consommateurs et les entreprises innovantes, aussi bien dans le domaine de l’énergie que dans celui de l’alimentation. Toutefois, alors qu’il y aurait lieu de favoriser les initiatives pertinentes et de former une masse critique dans toute l’Europe, avec à la clé des résultats positifs pour le marché du travail et la sécurité sociale, les nouveaux progrès sont souvent bridés par des obstacles administratifs et réglementaires. Le fait que les initiatives partant de la base puissent constituer un outil puissant pour surmonter les problèmes sociaux liés à la décarbonisation et à la transition écologique n’est pas une réalité communément admise. Pour révéler au grand jour ce potentiel, il faut lever les barrières structurelles qui empêchent les personnes pauvres en ressources d’accéder à celles dont elles ont besoin (en particulier le capital et les informations nécessaires).

3.3.   L’accroissement des inégalités sociales

3.3.1.

Si la mondialisation et le progrès technologique ont entraîné une hausse spectaculaire des échanges et de la richesse au niveau mondial, leur effet combiné a également contribué à accroître les inégalités sociales (et environnementales). D’après Oxfam, huit personnes seulement, toutes des hommes, possèdent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale.

3.3.2.

En Europe, le fossé des inégalités se creuse. D’après une récente étude de l’OCDE, les inégalités de revenus restent à leur plus haut niveau historique en Europe. Dans les années 80, le revenu moyen du décile le plus riche de la société était sept fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres. Il est aujourd’hui 9,5 fois plus élevé. Les inégalités de patrimoine sont encore plus marquées: les 10 % des ménages les plus riches détiennent 50 % de la richesse totale tandis que les 40 % des moins aisés en possèdent à peine plus de 3 % (8).

3.3.3.

L’une des explications de l’aggravation des inégalités en Europe est que la croissance n’est plus corrélée avec les revenus nets. Alors que dans la zone euro, le PIB a progressé de plus de 16 % entre 2008 et 2015 (et de plus de 17 % dans l’Europe des Vingt-huit), le revenu net disponible des ménages a stagné, n’augmentant que d’à peine 2 % dans les 28 États membres.

3.3.4.

Dans 24 États membres de l’OCDE, la productivité s’est accrue de 27 % depuis 1995 mais la rémunération moyenne du travail n’a pas suivi ce rythme, puisqu’elle n’a progressé que de 22 %. Pire, la hausse des revenus du travail a été significativement inférieure dans la catégorie sociale dont les salaires nets sont les plus faibles. Cette inégalité salariale s’est aggravée ces vingt dernières années dans tous les États européens à l’exception de l’Espagne. C’est en Hongrie, en Pologne, en République tchèque et au Royaume-Uni que cette tendance est la plus marquée (9).

3.3.5.

Il existe un risque que ce fossé se creuse du fait de l’évolution de la nature du travail. Par exemple, l’automatisation de procédés industriels complexes grâce à la robotique menace de réduire la demande d’employés moyennement qualifiés, et même peu qualifiés, qui accomplissent actuellement ces tâches complexes. Cette évolution contribuera vraisemblablement à exacerber le clivage du marché du travail sachant que les nouveaux emplois créés relèveront soit de la catégorie des emplois (encore plus) hautement qualifiés (développement et maintenance de ces produits ou services), soit du secteur des emplois de service faiblement qualifiés. D’après l’OCDE, 9 % des emplois risquent d’être automatisés tandis que pour 25 % des autres postes, les tâches accomplies subiront de profonds changements.

3.3.6.

Dans les réponses qu’ils apportent aux conséquences de la numérisation, les pouvoirs publics ont tendance à réagir plus qu’à anticiper et s’attachent dans une large mesure à atténuer ses effets secondaires au lieu d’essayer d’en exploiter les avantages potentiels. Ils doivent davantage tenir compte, dans les solutions qu’ils proposent, du défi posé par la représentation et la participation des travailleurs, en tant qu’aspect important de l’investissement dans le capital humain dans un marché du travail en pleine évolution. Le CESE pourrait poursuivre son analyse minutieuse des conséquences de la numérisation sur la nature du travail.

3.4.   La défiance grandissante du public à l’égard des gouvernements et des institutions

3.4.1.

La hausse des inégalités, qui n’est due qu’en partie à la mondialisation et au progrès technologique, a contribué à saper la confiance envers les gouvernements, la classe politique, les organisations internationales, les institutions et la gouvernance mondiale. Elle a en outre alimenté une montée des mouvements populistes et un déclin des partis politiques traditionnels. L’abstentionnisme des jeunes (sans même parler des votes de protestation contre le système) est particulièrement préoccupant: seuls 63 % des européens âgés de 15 à 30 ans ont voté lors d’une élection en 2015 (10).

3.4.2.

De nombreux citoyens européens se sentent déconnectés de la prise de décision politique au niveau national et à celui de l’Union européenne. Ils estiment que les processus démocratiques traditionnels ne leur permettent pas d’influencer les décisions fondamentales. L’approche pluripartite (qui est celle, par exemple, du programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030) représente un modèle démocratique inclusif et offre une solution pour surmonter cette défiance.

3.4.3.

Il n’est ni possible, ni souhaitable que la transition vers un modèle durable soit décrétée «d’en haut»: elle ne pourra réussir qu’à la condition de s’appuyer sur un large assentiment de la part d’une majorité d’entreprises, de collectivités territoriales, de travailleurs et de citoyens et sur leur concours actif. Il doit s’agir d’une coopération à la fois «ascendante» et «descendante». Des alliances pluripartites ont été constituées dans le cadre du programme à l’horizon 2030 et l’on assiste à leur émergence dans le domaine de l’action pour le climat (11). Elles peuvent servir de prototype pour un modèle de gouvernance démocratique inclusif et susceptible d’être appliqué dans tous les domaines d’action et de faciliter l’innovation et les transformations radicales.

3.4.4.

Les jeunes générations, en particulier, revendiquent des formes non traditionnelles d’engagement politique, par opposition aux partis et organes politiques classiques. Les communautés énergétiques, les partenariats conclus entre citoyens et municipalités pour favoriser l’efficacité énergétique (par exemple grâce aux modèles d’attribution des marchés) ou la gestion des déchets, les initiatives menées dans le cadre du mouvement des «villes en transition», l’agriculture soutenue par les communautés locales, les blogs politiques et autres formats d’expression en ligne, ou encore les initiatives de monnaie locale, offrent autant de formes alternatives d’engagement politique. Celles-ci ne remplaceront certainement pas les travaux politiques traditionnels mais elles peuvent apporter une contribution importante en matière de socialisation politique et d’intégration sociale.

3.4.5.

Utiliser le potentiel de l’internet constitue une autre approche prometteuse pour sortir des impasses politiques. Jamais l’information n’a été plus facilement accessible que dans un réseau décentralisé sans instance de contrôle classique. Il en résulte de nouveaux défis pour la société, comme l’ont illustré les phénomènes des «posts-vérités» (post-truth) ou des informations mensongères (fake news). Pourtant, nous assistons aussi à l’essor rapide de formes alternatives et non hiérarchiques d’action militante, ainsi qu’à un fort taux d’utilisation des réseaux sociaux en ligne par les citoyens, en particulier les jeunes.

3.4.6.

L’administration en ligne peut mener à des modèles de gouvernance caractérisés par un niveau sans précédent de participation du public à l’élaboration des politiques. L’Union européenne devrait s’inspirer d’États membres tels que l’Estonie, où des progrès considérables ont déjà été accomplis. La numérisation permet aux citoyens de participer aux processus décisionnels pour un coût relativement faible. Néanmoins, l’expérience montre que la participation aux systèmes dématérialisés souffre aussi d’un biais en faveur des classes moyennes, au sens où celles-ci sont surreprésentées dans les champs où s’exerce la participation en ligne. Le CESE est bien placé pour engager un dialogue avec la société civile à ce sujet.

4.   L’Europe que nous voulons

Face aux trois problèmes mondiaux et à la grande tendance que constitue la numérisation, comme décrit dans ce qui précède, l’Union européenne doit réussir à:

tirer le meilleur parti de la révolution numérique pour construire une économie nouvelle, compétitive et durable,

se tourner vers une économie sobre en carbone, circulaire et respectueuse de l’environnement, tout en veillant à ce que la transition soit équitable pour tous,

échafauder un modèle social européen robuste,

faire en sorte que le système démocratique soit davantage axé sur le citoyen et plus décentralisé, tout en tirant parti des avantages que procure une coopération économique équitable au niveau mondial.

4.1.

Le CESE considère que les ODD, en combinaison avec l’accord de Paris (COP 21), donneront un nouvel élan à la vision de «l’Europe que nous voulons» (12), (13). La Commission doit impulser une dynamique pour la mise en œuvre de ces accords en mettant en place les politiques qu’elle a exposées dans sa communication sur les «Prochaines étapes» et en les intégrant pleinement dans le cadre des politiques européennes et dans ses priorités actuelles. «L’Europe que nous voulons», tout comme le programme à l’horizon 2030 (c’est-à-dire les ODD), place l’individu au centre de la société et de l’économie et elle donnerait à tout un chacun la possibilité de décider de la manière dont il veut satisfaire ses besoins en harmonie avec l’environnement social et écologique. Ce concept n’a rien d’utopique. En réalité, l’Europe dispose désormais des moyens technologiques et économiques de concrétiser cette vision: citons parmi d’autres innovations l’internet des objets et les mégadonnées, le contrôle de processus complexes grâce à des applications mobiles, la «prosommation» résultant de la réduction d’échelle de la production et de la diminution des coûts de fabrication (par exemple grâce aux énergies renouvelables ou à l’impression tridimensionnelle), les nouveaux modes de transaction et de paiement (chaînes de blocs, bitcoins, contrats intelligents), ou encore le coopératisme et l’économie du partage en tant que nouveaux modèles économiques.

4.2.

Toutes ces innovations ont la capacité de faire de la vision décrite une réalité, ce qui suppose toutefois de mettre en place une stratégie permettant d’apporter des solutions à trois défis posés par l’innovation. Cette stratégie inclut le concept nouveau de bien-être «au delà du PIB», consistant à rechercher de manière intégrée la prospérité économique, l’ouverture sociale, la responsabilité environnementale et la participation citoyenne.

4.3.

Rester sans agir n’est pas envisageable. Si l’Union européenne n’est pas disposée à élaborer et mettre en œuvre une stratégie globale ou qu’elle n’est pas en mesure de le faire, elle ne parviendra pas à appliquer le programme à l’horizon 2030 ni à réaliser la vision de «l’Europe que nous voulons», mais ce n’est pas tout; faute d’agir, le risque est grand que chacun des grands défis évoqués ne se solde par un échec: l’organisation du travail en Europe sera démantelée, la décarbonisation et la protection des ressources cesseront car les coûts sociaux de la transition écologique seront jugés trop élevés, enfin les inégalités sociales s’amplifieront, tout comme l’aliénation, menaçant ainsi la démocratie.

4.4.

Il est primordial que la stratégie comporte des recommandations d’action précises pour aider l’Europe à affronter les trois grands défis auxquels elle est confrontée et, ainsi, faire de «l’Europe que nous voulons» une réalité.

5.   Six approches stratégiques pour réaliser l’Europe que nous voulons

Nous proposons ici six approches stratégiques clés pour apporter des réponses aux trois problèmes mondiaux (les limites de la planète, les disparités sociales, la défiance grandissante du public) et à la grande tendance que constitue la numérisation. Chacune de ces approches inclut une panoplie de mesures faisant intervenir jusqu’à six aspects:

l’innovation,

la réglementation/la gouvernance,

la politique sociale,

le libre accès,

l’éducation/la formation,

la recherche.

Ce bouquet de mesures devrait être appliqué dans au moins quatre domaines d’action: une économie équitable, numérique et écologique (5.1); de nouvelles formes de gouvernance (5.2); la durabilité et le secteur financier (5.3); et la promotion de la durabilité grâce au commerce international (5.4). Nous exposons des problèmes et des éléments de réflexion qui devraient faire l’objet d’une plus ample analyse sur le long terme par les institutions et les parties prenantes de l’Union européenne.

5.1.   Une économie équitable, numérique et écologique, porteuse de prospérité et de bien-être

5.1.1.

Innovation: la nouvelle révolution industrielle représente l’occasion pour l’Europe de s’assurer un rôle prépondérant dans le domaine des technologies et d’accroître sa compétitivité sur des marchés mondialisés. Produire de la valeur économique sans engendrer de coûts externes élevés doit devenir le modèle économique ordinaire. Nous avons besoin de sociétés et d’entreprises innovantes et rentables pour investir dans une production durable, créer des emplois de qualité et poser les bases économiques du bien-être. Si l’on veut que l’innovation contribue à une Europe plus durable, un cadre doit être mis en place pour récompenser les activités économiques dont l’empreinte externe est nulle ou réduite de manière draconienne, ou dont la consommation de ressources est limitée. Les innovateurs durables (qu’il s’agisse de citoyens, d’entreprises, de villes ou de régions) pourront de cette manière concurrencer efficacement les modèles économiques reposant sur l’exploitation d’une grande quantité de ressources ou dont l’empreinte environnementale est forte. Un soutien doit également être apporté par anticipation — par exemple en assurant aux PME, aux citoyens, aux ménages privés, aux initiatives locales, aux entreprises sociales et aux microentreprises un accès au microcrédit — aux innovateurs qui proposent de nouvelles solutions pour relever les défis environnementaux et sociaux et qui adoptent une démarche de précurseurs (14). Un brevet européen unique pourrait se révéler utile à cet égard, pour autant que les coûts d’obtention ne soient pas prohibitifs (15). S’agissant des PME, il convient aussi de réexaminer les mesures relatives à une seconde chance afin de réduire le niveau, actuellement très élevé, d’aversion au risque au sein de l’Union (16). La politique menée doit également ouvrir la possibilité de réaliser des expérimentations partout en Europe, en particulier dans les domaines de la mobilité, des déchets, de l’énergie, de l’agriculture, de l’éducation ou encore de la santé. De nouveaux marchés peuvent être investis en réorientant les marchés publics vers des services numériques, sobres en carbone, circulaires et respectueux de l’environnement qui sont fournis de manière à favoriser l’intégration sociale.

5.1.2.

Réglementation: un cadre réglementaire doit remplir trois objectifs. Premièrement, le coût des effets externes doit être calculé aussi précisément que possible de sorte que des modèles économiques qui contribuent à atteindre des objectifs de durabilité puissent être élaborés (17). Deuxièmement, les réglementations doivent garantir la mise en place d’une infrastructure numérique bien développée dans toute l’Europe, y compris dans les zones rurales, et permettre à tout un chacun d’y accéder (notamment pour ce qui concerne le chauffage intelligent, les réseaux électriques intelligents et les réseaux de mobilité électrique). Ces éléments devraient être traités au sens juridique comme des services publics. Enfin, puisque la numérisation a tendance à favoriser les plateformes, il existe un risque que se constituent des monopoles sur les principaux marchés numériques. C’est pourquoi il est nécessaire de mener des politiques actives de lutte contre les ententes (18). Par ailleurs, le CESE a fait valoir que la Commission devrait examiner les moyens de promouvoir les plateformes européennes de telle manière que la valeur ajoutée reste dans les économies locales (19). Une agence européenne indépendante de notation des plateformes numériques pourrait jouer un rôle important en vue d’équilibrer leur pouvoir de marché, dans le cadre d’un mandat identique dans tous les États membres qui lui permettrait d’évaluer de quelle manière les plateformes opèrent sous l’angle de la concurrence, de l’emploi et de la fiscalité (20).

5.1.3.

Politique sociale: les mutations occasionnées par la décarbonisation et la numérisation (voir la section 3) posent un défi aux systèmes de sécurité sociale s’agissant de gérer le problème des pertes d’emplois et la diminution des recettes fiscales. Des approches et des modèles nouveaux devraient dès lors être examinés et développés dans le but de garantir la viabilité des systèmes de sécurité sociale dans les États membres, en tenant compte des différents aspects que le travail revêtira à l’avenir et en soutenant les travailleurs et les collectivités dans les secteurs et les régions affectés par la transition. Le CESE a examiné les défis posés par l’avenir du travail dans son avis sur le socle européen des droits sociaux, et a lancé un appel pour une stratégie européenne de l’emploi cohérente qui aborderait les questions suivantes: l’investissement et l’innovation, l’emploi et la création d’emplois de qualité, des conditions de travail équitables pour tous, des transitions justes et fluides épaulées par des politiques actives du marché de l’emploi et l’association à la démarche de toutes les parties concernées, en particulier les partenaires sociaux. En outre, l’investissement public devrait soutenir les territoires, les régions et les travailleurs des secteurs qui sont déjà touchés par cette transition, mais aussi anticiper et faciliter les restructurations futures et le passage à une économie plus verte et plus durable (21).

5.1.4.

Libre accès: exploiter le potentiel de la numérisation au service d’une économie verte et équitable exige avant tout une ouverture générale de l’économie qui permette aux individus de participer activement aux possibilités offertes par le progrès technologiques et d’en recueillir les fruits (par exemple en combinant des données énergétiques numériques et une production d’énergie décentralisée). C’est pourquoi il est primordial de lever les barrières à la participation économique grâce à l’ouverture des marchés, des données, des codes sources et des normes. Chacun de ces éléments doit être considéré comme un principe directeur de la programmation des politiques dans des secteurs stratégiques: énergie, transports, logistique et procédés de production. Le concept de souveraineté en matière de données doit être développé et mis en œuvre dans l’ensemble du droit européen: les citoyens européens doivent avoir le droit d’utiliser leurs propres données à des fins personnelles, de déterminer quelles données personnelles sont utilisées par des tierces parties, de décider de la manière dont elles sont exploitées, d’être informés de l’usage qui en est fait et de le maîtriser entièrement, et enfin de supprimer leurs données.

5.1.5.

Éducation/formation: tant l’économie verte que l’économie numérique exigent des compétences spécifiques, d’autant plus qu’à l’avenir les technologies numériques constitueront un outil important pour réaliser la décarbonisation de l’économie européenne (voir les parties 3.1.4 et 3.2.3). La formation visant à développer les compétences formelles et informelles nécessaires, notamment dans des domaines tels que l’action et l’entrepreneuriat collaboratifs ou locaux (22), doit être intégrée dans les politiques générales en matière d’éducation et d’apprentissage tout au long de la vie. Il convient de renforcer le dialogue et d’approfondir l’analyse sur cette question. Il est recommandé de faire un usage ciblé des Fonds structurels pour garantir qu’un soutien efficace soit apporté en vue de combler l’actuel fossé en matière de compétences vertes et numériques, en particulier dans les régions qui sont déjà en transition ou qui seront touchées par la transition à l’avenir. Dans les systèmes éducatifs européens, des ressources devront être affectées à l’enseignement et au développement de compétences dans des domaines qui ne peuvent pas être remplacés par des systèmes d’intelligence artificielle ou pour lesquels des êtres humains sont nécessaires pour compléter ces systèmes (comme les tâches où l’intervention humaine prime, où l’homme et la machine agissent de concert, ou que nous ne voulons pas confier à une machine) (23).

5.1.6.

Recherche: une économie numérique, écologique et équitable servira de point de référence pour des modèles économiques pérennes. Une politique de recherche bien ciblée, qui s’appuie sur une analyse de l’incidence environnementale et sociale des innovations, en particulier les innovations numériques, représente la voie à suivre pour aboutir à cette économie. Dans ce contexte, des crédits de recherche et développement doivent être disponibles pour les innovateurs qui mettent au point de nouvelles technologies ou de nouveaux services numériques en réponse à des défis environnementaux ou sociaux. Enfin, un réseau d’incubateurs doit être mis en place pour les soutenir.

5.2.   De nouvelles formes de gouvernance

5.2.1.

Innovation: la participation est un rouage essentiel de la démocratie. Si les élections et la représentation constituent un mode d’organisation de la participation, il est besoin d’approches inédites et novatrices en la matière, y compris pour organiser la participation en ligne. Il importe d’ouvrir les modes classiques d’élaboration des politiques à ces formes non hiérarchiques, socialement fluides et moins formelles d’action politique, et de favoriser les initiatives émanant de la société civile et partant de la base.

5.2.2.

Gouvernance: les évolutions passent nécessairement par la tenue de dialogues pluripartites transparents et librement accessibles pour tous les processus législatifs de l’Union, au niveau européen et local. La «société civile» ne devrait pas être réduite à la seule société civile organisée mais devrait inclure tous les citoyens. Il est particulièrement important de nouer de nouvelles alliances pour lutter contre le changement climatique et préserver les ressources (24). Afin de renforcer la démocratie participative, il convient de mettre un terme au quasi-monopole de l’initiative législative détenu par la Commission européenne en faveur d’un plus grand nombre d’initiatives émanant du Parlement européen, en combinaison avec des initiatives législatives partant de la base, par exemple en levant les obstacles techniques, juridiques et bureaucratiques à l’initiative citoyenne européenne (25).

5.2.3.

Libre accès: appliquer des méthodes participatives à toutes les initiatives législatives européennes constitue une bonne approche pour surmonter les obstacles structurels qui entravent la participation des citoyens à la prise de décision dans l’Union. Il y a lieu d’accorder une attention particulière, lors de la conception de cette approche, à son caractère accessible, ouvert à tous et responsable. Un accès libre à l’action publique et à la politique peut aussi être renforcé par la publication en ligne et facile d’accès de toutes les activités et données de l’Union européenne.

5.2.4.

Éducation/formation: des programmes visant à renforcer la capacité d’agir des citoyens sont nécessaires pour dépasser le «biais en faveur de la classe moyenne» (voir le paragraphe 3.4.6). De tels programmes devraient être conçus pour mobiliser les couches de la population qui ont tendance à s’abstenir de participer activement à la politique, à l’économie et à la société. L’accent doit être mis, dans l’enseignement général, sur les possibilités de participation et sur la sensibilisation à ces questions, en tant que principe fondamental de la démocratie. Il y a lieu de souligner qu’une participation active à des processus de construction de l’engagement politique bénéficie mutuellement à la société et au citoyen pris individuellement, dont les intérêts et les points de vue sont pris en considération. Des financements supplémentaires sont nécessaires pour les organisations de la société civile qui ciblent ces couches démobilisées de la population et poursuivent des objectifs de durabilité.

5.2.5.

Recherche: les sciences sociales doivent se pencher davantage sur les pratiques alternatives de démocratie. Il serait par exemple envisageable d’appliquer la méthodologie du prototypage à la sphère politique. Grâce à cette approche, des propositions d’action seraient élaborées dans un laps de temps limité puis mises en œuvre sur un «marché test», leurs effets étant évalués rapidement sur la base de retours d’information des citoyens et des autres parties prenantes concernées. Cette analyse d’impact servirait de base en vue d’apporter les modifications nécessaires aux propositions d’action avant leur déploiement.

5.2.6.

Plus généralement, il convient d’approfondir la recherche sur les moyens de reconsidérer le point de contact entre l’expertise (scientifique) et l’élaboration des politiques et de concilier l’intégration d’une expertise pleinement transparente et indépendante dans l’élaboration des politiques avec la nécessité de renforcer la participation citoyenne.

5.3.   La durabilité et le secteur financier

5.3.1.

Innovation: une économie numérique, écologique et équitable suppose des investissements massifs à la fois dans des structures privées (par exemple dans des installations qui utilisent des énergies renouvelables ou des bornes de recharge pour les véhicules électriques) et dans des infrastructures publiques (par exemple dans la numérisation de l’électricité et des systèmes de mobilité). Le secteur financier aura donc un rôle central à jouer pour rendre possible cette innovation. Des ressources financières, notamment publiques, doivent être affectées à des investissements qui contribuent à une transition durable. Pour atteindre les objectifs en matière de climat et d’énergie, il convient d’instaurer un environnement stable et prévisible pour l’investissement, et des instruments financiers innovants doivent mobiliser les capitaux privés en faveur d’investissements qui, sans cela, ne pourraient se réaliser (26), (27).

5.3.2.

Réglementation: la politique suivie doit viser à bâtir un système financier privé plus durable en incluant des paramètres de durabilité dans l’évaluation des risques financiers, en élargissant la responsabilité des institutions financières aux incidences non financières de leurs décisions d’investissement et en améliorant la transparence concernant les effets environnementaux et sociaux des décisions d’investissement (28). Les politiques menées devraient également encourager les investisseurs à prendre des engagements volontaires pour que les objets de leurs investissements respectent les principes de la durabilité. Des normes bancaires plus écologiques sont indispensables pour réorienter le financement privé des investissements conventionnels au profit d’investissements à faibles taux d’émissions de CO2 et à l’épreuve du changement climatique. Les banques centrales devraient orienter l’allocation des capitaux au moyen des politiques monétaires, microprudentielles et macroprudentielles, y compris en appliquant des normes en matière de durabilité.

5.3.3.

Politique sociale: les ménages subiront des pressions du fait de la numérisation et de la décarbonisation. Une réforme radicale de la fiscalité est donc nécessaire pour accroître leur revenu disponible et pour concilier l’objectif visé avec les exigences de la décarbonisation. Le CESE plaide pour un système fiscal qui repose sur l’internalisation des coûts environnementaux et l’utilisation des recettes supplémentaires pour réduire la charge fiscale pesant sur le travail. Le déplacement de la charge fiscale du travail vers l’utilisation de ressources contribue à corriger les défaillances du marché, à créer de nouveaux emplois durables et locaux, à accroître le revenu disponible des ménages et à encourager les investissements éco-innovants (29).

5.3.4.

Recherche: jusqu’à présent, les effets de la numérisation et de la consommation réduite de combustibles fossiles sur les finances publiques (érosion fiscale) restent largement inconnus. La recherche devrait s’attacher à étudier cet aspect ainsi que la contribution globale qui pourrait être celle d’une politique de financement stratégique au développement durable.

5.4.   La promotion de la durabilité grâce au commerce international

5.4.1.

Innovation et opportunités commerciales: compte tenu de la dimension planétaire des trois grands problèmes recensés, il ne sera pas suffisant de rendre l’Europe durable grâce à une politique claire en matière d’innovation. L’Europe doit mettre au point des concepts d’innovation transférables vers d’autres régions du monde, en coopération avec ses partenaires commerciaux. Le commerce peut jouer un rôle utile à cet égard pour autant que les aspects liés à la durabilité constituent des critères essentiels de la politique commerciale internationale, y compris des accords bilatéraux et multilatéraux. Un rôle particulier devrait être assigné à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui devrait prendre davantage en considération la politique environnementale internationale, par exemple l’accord de Paris ou les objectifs d’Aichi pour la biodiversité. Dès lors que les normes applicables sont mises en place, les entreprises, les citoyens, les initiatives locales, les municipalités et les régions d’Europe peuvent mettre au point d’importantes innovations (produits et services) susceptibles d’être exportées pour répondre à la nécessité d’une décarbonisation et en mettant à profit les possibilités offertes par la grande tendance que représente la numérisation. Ces opérations pourraient devenir des réussites à l’exportation. Surtout, la Commission européenne devrait collaborer avec l’OMC et ses principaux partenaires en vue d’utiliser les accords commerciaux pour renforcer la tarification du CO2 et de tout autre effet externe qui serait néfaste pour une innovation durable.

5.4.2.

Réglementation: l’une des sources de l’empreinte environnementale accrue de nos économies est la distance de plus en plus grande entre les sites de production, de consommation et, parfois, d’élimination ou de valorisation des produits. Rendre le commerce international compatible avec le développement durable passe par une approche intelligente de la libéralisation qui prenne en considération et renforce les systèmes productifs locaux à petite échelle. La promotion et le soutien des politiques relatives à l’économie circulaire devraient garantir la durabilité, la petite échelle, l’ancrage local et la propreté des systèmes. Dans certaines activités industrielles bien spécifiques, les circuits peuvent être longs (30). La réglementation doit apporter une réponse à ce problème par l’intermédiaire des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux.

5.4.3.

L’Union européenne devrait enjoindre à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international de prendre une part importante à la promotion de réformes des systèmes fiscaux et financiers, afin de créer un environnement qui aide les pays en développement à mobiliser leurs propres ressources. Cet effort devrait passer par une réforme de la fiscalité nationale mais aussi par une mobilisation de la communauté internationale en vue de lutter de concert contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et les flux illicites de capitaux, pratiques à cause desquelles le niveau des fonds sortant des pays en développement excède celui des capitaux entrant par le canal de l’aide officielle au développement. Concrètement, la Commission européenne devrait se servir du programme à l’horizon 2030, à l’aune des 17 objectifs de développement durable, comme du cadre où s’inscrivent tous les programmes et politiques financés par l’Union européenne au titre de son action extérieure (31).

5.4.4.

Politique sociale: l’un des moyens de mettre en œuvre les ODD et de promouvoir une politique commerciale progressive qui soit profitable à tous consiste à mettre en œuvre des approches pluripartites pour aborder la question de la conduite responsable des entreprises. Dans ce cadre, les entreprises, les ONG, les syndicats et les pouvoirs publics définissent ensemble la manière dont la responsabilité de respecter les droits de l’homme peut être observée en pratique. Des inquiétudes croissantes se font jour concernant les violations des droits de l’homme le long des chaînes d’approvisionnement, en particulier pour ce qui concerne les minerais provenant de zones de conflit, comme le cobalt qui sert à fabriquer les batteries rechargeables des téléphones mobiles, des ordinateurs portables, des véhicules électriques, des aéronefs et de l’outillage électrique. Compte tenu de l’engagement pris en faveur de la transition vers une économie sobre en carbone, de la marche continue vers la numérisation et de la complexité qui caractérise une conduite responsable des entreprises le long des chaînes d’approvisionnement internationales, la collaboration entre de multiples parties prenantes constitue un aspect fondamental. Par conséquent, le CESE se félicite de l’initiative — dont il se réjouit d’être le partenaire — prise par le gouvernement néerlandais aux fins d’une sensibilisation à la manière dont les actions menées par des parties prenantes multiples peuvent asseoir une interprétation commune de ce qui constitue une conduite authentiquement responsable des entreprises, en particulier sur les chaînes d’approvisionnement complexes pour lesquelles l’extraction de minerais repose sur le travail des enfants ou l’esclavage, ou bien s’effectue dans des conditions dangereuses.

5.4.5.

Libre accès: les nouveaux accords commerciaux doivent reposer sur un consensus obtenu à partir de procédures démocratiques nouvelles et marquées par une participation croissante des citoyens à la prise de décision. Les chapitres «Commerce et développement durable» (CDD) des accords commerciaux de l’Union européenne existants ne donnent pas d’aussi bons résultats qu’attendu. Premièrement, ils devraient intégrer les accords multilatéraux mondiaux (le programme à l’horizon 2030 et l’accord de Paris). Deuxièmement, les mécanismes de suivi par la société civile devraient être renforcés et il conviendrait de prévoir une analyse du point de vue de la société civile. Troisièmement, les mécanismes d’application doivent également s’appliquer aux chapitres CDD proprement dits (32).

5.4.6.

Recherche: il est besoin de données empiriques supplémentaires pour évaluer l’émergence rapide, dans le commerce international, de nouveaux modes de consommation et de production qui s’étendent progressivement aux services transnationaux, en particulier pour ce qui concerne leur incidence sur la fiscalité transnationale. Ces éléments devraient servir de point de référence pour décider si ces aspects doivent être intégrés aux règles générales de l’OMC ou s’il convient d’en faire une composante des accords bilatéraux et régionaux, comme ce fut le cas pour le programme en faveur du travail décent.

5.4.7.

Enfin, le CESE rappelle à la Commission sa recommandation antérieure l’invitant à entreprendre une évaluation d’impact complète sur les effets probables qu’entraînerait la mise en œuvre des ODD et de l’accord de Paris sur la politique commerciale de l’Union.

6.   Échafauder une stratégie au service d’un avenir européen durable — quatre critères

6.1.

Dans la partie 5, nous avons relevé quelques domaines dans lesquels des mesures doivent être prises pour construire une Europe plus durable dans un contexte social et économique en profonde mutation. Quatre critères peuvent être retenus aux fins de la stratégie de l’Europe en matière de durabilité. Celle-ci doit être:

tournée vers le long terme,

explicite,

intégrée horizontalement et verticalement,

gérable.

Ces quatre critères sont développés plus en détail dans le texte qui suit.

6.2.   Approche à long terme

6.2.1.

Une réflexion stratégique nécessite de dessiner une perspective à long terme à partir de la vision de «l’Europe que nous voulons» décrite dans la partie 4 et de tracer le chemin que doit prendre l’Europe pour faire de cette vision une réalité. Plus de trente ans seront nécessaires avant que les mutations sociales occasionnées par les problèmes mondiaux et la grande tendance qu’est la numérisation, comme décrit dans la partie 3, n’apparaissent distinctement. De nombreuses décisions pertinentes, notamment sur le plan des investissements, ont besoin de temps pour produire leurs effets. Par conséquent, une période de trente années paraît être un cadre temporel approprié pour la stratégie de l’Europe en matière de durabilité. C’est cette échéance qui doit servir de point de référence pour anticiper les objectifs pertinents et les mesures qu’il convient de prendre en conséquence (33). Cette approche rétrospective suppose que l’on considère le point de référence sous l’angle du scénario le plus optimiste pour 2050 et que toutes les étapes nécessaires à sa réalisation soient déduites à partir de ce scénario favorable. Le modèle du scénario le plus optimiste permet d’élaborer un discours positif. Se détourner d’une économie à forte intensité de carbone, très consommatrice de ressources, et de la société centralisée du XXe siècle ne doit pas être vécu comme une sanction ni comme la fin du progrès, mais plutôt comme une nouvelle ère positive et porteuse de possibilités attrayantes pour les citoyens.

6.3.   Une stratégie explicite

6.3.1.

L’approche à long terme de la stratégie en matière de durabilité ne signifie pas pour autant que des actions ne sont pas nécessaires aussi à brève échéance. Au contraire, un élément central de cette stratégie doit consister à déployer la chaîne d’actions nécessaires pour atteindre les objectifs prévus pour 2050, en commençant par les programmes politiques qui produiront un effet sur le long cours, suivis des plans d’action qui auront des effets à moyenne échéance puis, enfin, des mesures spécifiques axées sur le court terme. Pour assurer le plus haut degré possible d’efficacité, la hiérarchie entre les programmes, les plans d’action et les mesures doit être clairement établie. La façon dont on abordait auparavant la durabilité, en particulier dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et de la stratégie Europe 2020, n’était clairement pas assez explicite sur le terrain des mesures spécifiques. À cet égard, la stratégie européenne en matière de durabilité devrait s’inspirer de la stratégie de Göteborg en faveur du développement durable (34), qui mettait clairement l’accent sur ce type de mesure et qui a été renouvelée par la Commission dans sa communication intitulée «Une plate-forme d’action» (35).

6.4.   Intégration horizontale et verticale

6.4.1.

Pour concrétiser les approches stratégiques et mettre en œuvre les différentes mesures décrites dans la partie 5, il convient de se montrer très vigilant sur un point: l’imbrication étroite des trois problèmes mondiaux avec la grande tendance que représente la numérisation. Pour réussir, une stratégie doit dès lors éviter le cloisonnement des réflexions, être intégrée sur le plan horizontal et embrasser l’ensemble des six domaines d’action. Une telle stratégie globale à long terme pourrait venir succéder à l’actuelle stratégie Europe 2020, en opérant la jonction entre la mise en œuvre des 17 objectifs de développement durable — reflétant ainsi un engagement fort en faveur de l’accord de Paris sur le climat — et les priorités de travail de la Commission européenne (36).

6.4.2.

Une politique réussie en matière de durabilité doit aussi être intégrée sur le plan vertical. Le développement durable doit bénéficier d’un soutien à tous les niveaux politiques concernés (local, régional, national, européen et mondial). Il est dès lors nécessaire de définir clairement à quels échelons de pouvoir les différentes mesures prévues dans le cadre stratégique devraient être prises. Le CESE recommande de mettre en place un cadre de gouvernance et de coordination parallèlement à cette stratégie, afin d’assurer la cohérence entre les mesures centralisées et décentralisées, et d’associer la société civile organisée aux niveaux national et régional. Il y aurait lieu de développer davantage le semestre européen afin d’y intégrer un mécanisme de coordination verticale de la mise en œuvre des ODD.

6.5.   Une stratégie gérable

6.5.1.

Le développement durable a besoin d’être géré politiquement. À partir des objectifs mesurables prévus pour 2050 (voir le paragraphe 6.2), il convient de fixer des cibles intermédiaires qui serviront de points d’étape. Une évaluation continue est nécessaire pour surveiller si la chaîne d’actions explicites (voir le paragraphe 6.3) produit les résultats escomptés. Si les résultats devaient être en deçà des objectifs et des cibles, il faudra veiller à l’ajustement immédiat des mesures prises.

6.5.2.

Afin d’évaluer les progrès à la lumière du cadre stratégique à long terme et du scénario le plus optimiste pour 2050, un vaste tableau de bord reflétant l’approche complexe et multisectorielle décrite dans le présent avis doit être mis en place. Celui-ci devrait inclure des indicateurs portant sur l’ensemble des six domaines d’action afin de tenir compte du caractère imbriqué des trois problèmes mondiaux et de la grande tendance que constitue la numérisation, comme décrit dans la partie 2. Une approche authentiquement stratégique de la durabilité ne sera possible que si l’on accomplit la démarche hautement analytique qui consiste à définir des indicateurs appropriés et à les inscrire dans un «tableau de bord global». La coordination horizontale et verticale de la politique de durabilité (voir le paragraphe 6.4) doit elle aussi être gérée. Ces trois missions (suivi et évaluation, ajustement des mesures et coordination de l’intégration horizontale et verticale) nécessitent des organes administratifs que l’on puisse tenir responsables de leurs actions. Une direction générale au niveau de l’Union européenne ou des organes similaires à l’échelon national pourraient remplir cet office.

6.5.3.

Le CESE reconnaît également que dans un monde qui évolue rapidement, il est nécessaire d’évaluer les territoires à l’aune d’indicateurs autres que la croissance économique. Le CESE a donc proposé d’utiliser un nouveau critère de référence: «le progrès des sociétés». Cette mesure tient compte d’autres facteurs que celui de la croissance économique pour évaluer les progrès d’un territoire. Le progrès des sociétés devrait être envisagé comme un critère de référence complémentaire de la croissance économique, qui donne un aperçu plus large de la situation au sein d’un territoire (37).

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  SWD(2016) 390 final, disponible en anglais uniquement.

(2)  Observations du secrétaire général des Nations unies à l’occasion du forum politique à haut niveau sur le développement durable de juillet 2017.

(3)  M. Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, lors de la séance plénière du CESE du 15 décembre 2016.

(4)  Avis du CESE sur «Un marché intérieur numérique inclusif», JO C 161 du 6.6.2013, p. 8.

(5)  Consommateurs d’énergie actifs qui consomment de l’électricité mais qui en produisent aussi.

(6)  Avis du CESE sur le thème «Prosommation énergétique et coopératives de prosommateurs d’énergie», JO C 34 du 2.2.2017, p. 44.

(7)  Avis du CESE sur la «Justice climatique», NAT/712 (voir page 22 du présent Journal officiel).

(8)  OCDE, Understanding the Socio-Economic Divide in Europe (Comprendre le fossé socio-économique en Europe), rapport d’orientation, 2017.

(9)  Schwellnus, C., Kappeler, A. et Pionnier, P.: documents de travail de l’OCDE. Decoupling of Wages from Productivity: Macro-Level Facts (La dissociation des salaires et de la productivité: réalités macroéconomiques).

(10)  Eurobaromètre.

(11)  Avis du CESE sur le thème «Une coalition pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris», JO C 389 du 21.10.2016, p. 20.

(12)  «Building the Europe We Want» (Construire l’Europe que nous voulons), étude du Forum des parties prenantes pour le Comité économique et social européen, 2015.

(13)  Appel commun des organisations de la société civile et des syndicats européens aux leaders européens, 21 mars 2017.

(14)  Avis du CESE en cours d’élaboration sur les «Nouveaux modèles économiques durables», SC/048 (voir page 57 du présent Journal officiel).

(15)  Avis du CESE sur le «Plan d’action de l’Union européenne sur la protection des droits de propriété intellectuelle», JO C 230 du 14.7.2015, p. 72.

(16)  Avis du CESE sur «Les grands acteurs de demain: l’initiative en faveur des start-up et des scale-up», JO C 288 du 31.8.2017, p. 20.

(17)  Avis du CESE sur «Le développement durable — Recensement des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne», JO C 487 du 28.12.2016, p. 41.

(18)  Avis du CESE sur la «Stratégie pour un marché unique numérique en Europe», JO C 71 du 24.2.2016, p. 65.

(19)  Avis du CESE sur «L’évolution de la nature des relations de travail et l’impact sur le maintien d’un salaire décent», JO C 303 du 19.8.2016, p. 54.

(20)  Avis du CESE sur l’«Économie collaborative», JO C 75 du 10.3.2017, p. 33.

(21)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(22)  Avis du CESE sur le thème «Stimuler la créativité, l’esprit d’entreprise et la mobilité dans le domaine de l’éducation et de la formation», JO C 332 du 8.10.2015, p. 20.

(23)  Avis du CESE sur l’«Intelligence artificielle», JO C 288 du 31.8.2017, p. 1.

(24)  Avis du CESE sur le thème «Une coalition pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris», JO C 389 du 21.10.2016, p. 20.

(25)  Avis du CESE sur «L’initiative citoyenne européenne (réexamen)», JO C 389 du 21.10.2016, p. 35.

(26)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 57.

(27)  Avis du CESE sur le thème «Instruments de marché — Économie à faibles émissions de carbone dans l’Union européenne», JO C 226 du 16.7.2014, p. 1, paragraphe 3.9.4.

(28)  Rapport du PNUE intitulé Building a Sustainable Financial System in the EU (Construire un système financier durable dans l’Union européenne), plateforme Inquiry, initiative d’investissement «2 degrés», mars 2016; voir aussi d’autres rapports sur la finance durable à l’adresse http://web.unep.org/inquiry.

(29)  Avis du CESE sur le thème «Instruments de marché — Économie à faibles émissions de carbone dans l’Union européenne», JO C 226 du 16.7.2014, p. 1, paragraphe 1.3.

(30)  Avis du CESE sur le paquet «Économie circulaire», JO C 264 du 20.7.2016, p. 98, paragraphe 1.3.

(31)  Avis du CESE sur «Le programme à l’horizon 2030 — Une Union européenne engagée en faveur du développement durable à l’échelle mondiale», JO C 34 du 2.2.2017, p. 58.

(32)  Avis du CESE sur le thème «Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable», JO C 264 du 20.7.2016, p. 123, paragraphe 1.9.

(33)  La décision de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques accompagnant l’accord de Paris fait référence à des «stratégies de développement à faibles émissions de gaz à effet de serre à long terme pour le milieu du siècle» (paragraphe 35).

(34)  Communication de la Commission intitulée «Développement durable en Europe pour un monde meilleur: stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable», COM(2001) 264.

(35)  Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l’examen de la stratégie en faveur du développement durable — Une plate-forme d’action, COM(2005) 658 final.

(36)  Avis du CESE sur les «Prochaines étapes pour un avenir européen durable», JO C 345 du 13.10.2017, p. 91.

(37)  Avis du CESE sur «Le PIB et au-delà — L’implication de la société civile dans le processus de sélection d’indicateurs complémentaires», JO C 181 du 21.6.2012, p. 14.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/57


Avis du Comité économique et social européen sur les «Nouveaux modèles économiques durables»

(avis exploratoire)

(2018/C 081/08)

Rapporteure:

Anne CHASSAGNETTE

Corapporteur:

Carlos TRIAS PINTÓ

Consultation

Commission européenne, 7.2.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Sous-comité «Nouveaux modèles économiques durables»

Adoption en sous-comité

25.9.2017

Adoption en session plénière

18.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

187/3/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le modèle économique basé sur le schéma «extraire, produire, posséder, jeter» est remis en question par la multiplication des défis économiques, sociaux et environnementaux qui touchent l’Europe.

1.2.

Nous assistons à l’émergence d’une économie hybride où l’architecture traditionnelle du marché est concurrencée par l’irruption d’une multitude de nouveaux modèles qui viennent transformer les relations entre producteurs, distributeurs et consommateurs.

1.3.

En plus de la rentabilité économique, certains de ces nouveaux modèles tels que l’économie de la fonctionnalité, du partage ou de la finance responsable cherchent à — ou prétendent — répondre à d’autres enjeux déterminants pour les personnes et la planète et qui sont clés pour le développement durable, tels que:

la justice sociale,

la gouvernance participative,

la préservation des ressources et du capital naturel.

1.4.

Pour l’Union européenne (UE), soutenir ces innovateurs est l’occasion de devenir leader de modèles économiques innovants qui rendent indissociables les notions de prospérité économique, de protection sociale de qualité et de durabilité environnementale, et qui définissent une «marque européenne». L’Union européenne doit donc être ambitieuse sur cette question.

1.5.

Pour ce faire, cet avis émet les 10 recommandations suivantes:

1.5.1.

Assurer au sein de l’Union européenne une meilleure coordination des travaux sur l’économie durable par la création d’une structure permanente de la nouvelle économie durable. Cette structure serait dotée de moyens d’évaluation et de communication, afin de suivre le développement des nouveaux modèles économiques ayant un potentiel de développement durable et la mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent document. Une telle structure favoriserait le dialogue entre les différentes parties prenantes à l’échelle européenne. Le Comité économique et social européen (CESE) pourrait contribuer à cet effort en créant en son sein un observatoire de la nouvelle économie, comme cela a déjà été recommandé dans plusieurs avis.

1.5.2.

Les pouvoirs publics de l’Union européenne doivent soutenir la recherche, notamment la recherche et l’innovation responsable  (1) , afin de:

mieux comprendre les impacts réels en matière de durabilité des nouveaux modèles économiques, tout au long du cycle de vie, et poursuivre la recherche sur les obstacles au développement des nouveaux modèles,

développer des indicateurs pour suivre ces nouveaux modèles économiques et renforcer leur visibilité.

1.5.3.

Il est nécessaire de s’assurer que les nouveaux modèles répondent bien à des critères de durabilité. Derrière les concepts de la nouvelle économie durable, certains acteurs développent des modèles qui ne sont pas nécessairement durables sous tous les aspects. La Commission doit prendre en compte non seulement les opportunités mais aussi les potentiels risques et dérives de certains des nouveaux modèles économiques, notamment à l’égard des questions sociales, de la régulation du travail et de la concurrence fiscale déloyale.

1.5.4.

L’Union européenne doit encourager et soutenir l’éducation, la formation et l’information pour améliorer la connaissance des nouveaux modèles économiques durables et du rôle de la finance durable auprès de tous les acteurs. Il s’agit de mettre en avant la compatibilité et éventuellement les tensions et arbitrages qui existent entre, d’une part, les enjeux de la durabilité et, d’autre part, la profitabilité économique.

1.5.5.

La Commission devrait analyser et compléter (sans s’y substituer) les initiatives privées qui visent l’échange de bonnes pratiques et d’expériences entre les innovateurs, via des réseaux, plateformes internet, conférences, etc. Le CESE soutient déjà de telles initiatives en cogérant avec la Commission européenne une nouvelle plateforme sur l’économie circulaire.

1.5.6.

Les pouvoirs publics de l’Union européenne doivent s’assurer que les porteurs de nouveaux modèles économiques réellement durables aient un accès au financement dans leurs premières phases de développement et dans la suite de celui-ci. Des outils et définitions sont nécessaires pour leur donner un accès privilégié à des dispositifs de financement publics et/ou pour faciliter leur financement par des investisseurs socialement responsables.

1.5.7.

La Commission européenne pourrait favoriser l’expérimentation de nouveaux modèles via un fonds de financement de l’innovation, dédié aux modèles durables et ouvert aux partenariats public-privé. Dans cette perspective, le CESE recommande la mise en place de projets pilotes à même de créer de la valeur partagée et d’intégrer les réseaux de la nouvelle économie.

1.5.8.

Les pouvoirs publics de l’Union européenne doivent intégrer les acteurs porteurs de ces nouveaux modèles économiques dans les politiques sectorielles de l’Union européenne déjà existantes afin de leur donner plus de visibilité et de créer un «effet de levier» propice à leur déploiement. Ainsi, dans le paquet mobilité en cours d’élaboration, il pourrait être intéressant de soutenir les nouveaux modèles de covoiturage/autopartage pour compléter l’offre de transports publics.

1.5.9.

De manière générale, l’Union européenne doit mettre en place un cadre politique, fiscal et réglementaire pour soutenir le déploiement de ces nouveaux modèles durables à grande échelle, et devrait également:

décloisonner le sujet au niveau politique et élaborer une vision claire qui considère la durabilité comme la pierre angulaire de la modernisation de son modèle social et économique,

encourager l’intégration des externalités socio-environnementales à la logique économique et faire basculer la fiscalité des États membres vers une fiscalité écologique. Tant que ces externalités ne seront pas intégrées aux prix, les produits et services de l’économie linéaire continueront de dominer notre économie,

développer un cadre réglementaire qui favorise la consommation et la production durables en renforçant la transparence et de la responsabilité des filières aussi bien existantes qu’émergentes afin que les impacts sociaux et environnementaux soient pris en compte tout au long de la chaîne de valeur.

1.5.10.

Il convient de repenser le mode de fonctionnement du secteur financier pour le rendre durable et redéfinir la notion de risque pour y intégrer les enjeux de long terme, environnementaux, sociaux et de gouvernance, au niveau micro et macro. Tous les acteurs de la chaîne de valeur financière (consommateurs, banques, investisseurs, régulateurs, gouvernements) doivent prendre part à cette refonte. Cela permettra de mieux aligner les résultats en matière d’investissement et de prêts sur les attentes des consommateurs responsables. Le CESE propose la création d’une plateforme («hub») permettant de fournir une information objective aux consommateurs pour les orienter sur ces sujets.

2.

Observations générales: de la nécessité de favoriser les innovateurs qui proposent de nouveaux modèles économiques durables en Europe

2.1.

La durabilité de notre modèle économique — c’est-à-dire sa capacité à répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins — est de plus en plus débattue (2).

2.2.

Au niveau économique, le chômage de masse qui perdure dans certains pays traduit les difficultés rencontrées par des catégories de la population pour accéder à un marché du travail qui évolue rapidement. La baisse du pouvoir d’achat et la faible croissance de certains pays développés interrogent sur les finalités que devrait poursuivre notre modèle économique.

2.3.

Au niveau social, le creusement des inégalités pose la question de la répartition et du partage équitable des ressources (économiques et naturelles). L’exclusion d’une partie de la société des bienfaits de la croissance pousse à revoir nos modes de gouvernance afin d’instaurer un modèle économique davantage inclusif et participatif.

2.4.

Au niveau environnemental, les risques liés au changement climatique remettent en cause notre dépendance aux énergies plus émettrices de CO2. La linéarité de nos systèmes de production et de consommation conduit à la surexploitation des ressources naturelles et à l’érosion de la biodiversité. La pollution engendrée par nos activités économiques a des impacts sur l’environnement et sur le bien-être des citoyens.

2.5.

Dans ce contexte, le modèle économique actuel est concurrencé par l’apparition d’une multitude d’innovateurs porteurs de «nouveaux modèles économiques».

2.5.1.

Ces nouveaux modèles, qui peuvent s’appuyer sur les nouvelles technologies et notamment le numérique, viennent changer les relations entre les producteurs, les distributeurs et les consommateurs, qui deviennent parfois des «prosommateurs». Ils bousculent certaines notions traditionnelles, telles que celle de salariat, en offrant des formes de travail plus flexibles et partagées. S’ils sont qualifiés de «nouveaux», ils peuvent en réalité renouveler des pratiques anciennes.

2.5.2.

Cet avis s’intéresse à tous les nouveaux modèles économiques qui, en plus de rechercher la rentabilité économique, cherchent à — ou prétendent — répondre à d’autres enjeux centraux du développement durable que sont:

la justice sociale (respect de la dignité humaine, élargissement de l’accès aux biens et services, répartition équitable des ressources, juste prix, solidarité),

un mode de gouvernance participatif (participation accrue des salariés et consommateurs au fonctionnement et à l’orientation stratégique de l’entreprise, mode de production et de consommation davantage connecté aux besoins réels des populations et aux réalités des territoires),

la préservation des ressources et du capital naturel (découplage entre prospérité économique et utilisation des ressources, intégration des externalités négatives environnementales).

2.5.3.

Les entrepreneurs innovants qui proposent de nouveaux modèles économiques censés être plus durables se rassemblent derrière de nombreux concepts tels que l’économie circulaire, l’économie de la fonctionnalité, l’économie du partage, l’économie du bien commun, la finance responsable. Ils enrichissent un écosystème d’entrepreneurs déjà structuré, l’économie sociale (ES), qui met les enjeux de gouvernance et d’utilité sociale et écologique au cœur de son action. L’ES ne peut être considérée comme un «nouveau» modèle économique «durable», mais elle se renouvelle néanmoins sous l’impulsion de ces innovateurs. Si ces nouveaux modèles ne poursuivent pas toujours les mêmes objectifs (certains sont centrés sur les aspects environnementaux, d’autres sur les aspects sociaux), ils visent à des productions de valeur multiples (économiques, sociales, environnementales) et devraient par conséquent ne pas être abordés en silos.

2.6.

Pour l’Union européenne, devenir leader d’un modèle économique durable est une chance à saisir. Le modèle économique européen doit continuer à se réinventer pour intégrer les enjeux de long terme et rendre les notions de prospérité économique et de durabilité indissociables.

2.6.1.

En Europe, les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés aux impacts sociaux et environnementaux de leur consommation. L’émergence de la figure du «prosommateur», en particulier dans le domaine des énergies renouvelables, contribue à moduler de nouvelles relations sur la chaîne de valeur et entre les producteurs, distributeurs et consommateurs. Cela se vérifie également au sein des acteurs économiques. Dans le secteur financier par exemple, la notion de risque s’élargit pour faire place aux critères «extra-financiers», notamment pour l’évaluation des actifs. Quelques gérants d’actifs cherchent ainsi à lancer une dynamique pour inciter les entreprises à préciser — au-delà de leurs obligations réglementaires — certains éléments de responsabilité sociale et environnementale. Cette dynamique, encore embryonnaire aujourd’hui, doit être poursuivie et renforcée sur la base d’une réelle responsabilité (3). Développer la finance durable est le meilleur moyen pour réorienter le système financier européen d’une logique de stabilisation à court terme vers une logique d’impact à long terme.

2.6.2.

L’Europe peut tirer de nombreux bénéfices à devenir le leader de cette nouvelle économie.

2.6.3.

L’Union européenne peut trouver via ces nouveaux modèles des solutions pour répondre à des problèmes concrets. L’autopartage, en venant renouveler nos modes de transport, peut favoriser une mobilité plus inclusive et plus écologique. Les modèles d’entreprise qui visent la réinsertion de personnes en difficulté contribuent à améliorer l’accès au marché du travail pour une partie de la population.

2.6.4.

Pour l’Union européenne, cette durabilité du modèle économique peut aussi devenir un facteur différenciant qui permette d’imposer une «marque» européenne.

2.6.5.

L’Union européenne a les moyens de développer des «champions européens» dans ces domaines. Pour certaines entreprises, la combinaison de la rentabilité économique et de critères de durabilité au sein de leur modèle devient — ou est déjà — un réel avantage comparatif pour conquérir de nouveaux marchés.

2.6.6.

En inscrivant la notion de durabilité au cœur du projet de modernisation de son économie et de ses préoccupations politiques, l’Union européenne peut remobiliser les États membres autour d’un projet fédérateur, après le choc du Brexit, et remettre l’humain au cœur du projet européen.

3.

Si l’émergence de nouveaux modèles qui portent en eux des promesses de durabilité est une réelle opportunité pour l’Union européenne, ce «foisonnement» nécessite d’être bien compris et appréhendé afin d’identifier et d’encourager les acteurs moteurs de ce changement.

3.1.

L’économie de la fonctionnalité, par exemple, consiste à remplacer la notion de vente du bien par celle de la vente de l’usage du bien. Le consommateur individuel n’achète plus un véhicule, mais un service de mobilité via un prestataire. Du point de vue de la durabilité, le passage de la propriété à l’usage permet a priori: d’inciter les fournisseurs à optimiser la maintenance des produits, à allonger leur durée de vie, voire à les éco-concevoir et à les recycler; de mutualiser entre plusieurs consommateurs l’usage d’un même bien et ainsi d’intensifier l’utilisation des biens déjà produits et parfois sous-utilisés; de proposer des prix d’accès à ces biens inférieurs au prix de leur possession.

3.2.

L’économie du partage est un concept dont la définition n’est pas encore stabilisée (4). Généralement, il s’applique à des entrepreneurs développant des plateformes numériques qui permettent à des particuliers d’échanger des biens ou des services: covoiturage, location de biens, achat d’occasion, prêt, don, etc. Mais cette définition est très débattue, certains y incluant aussi des systèmes d’échange entre particuliers ne reposant pas sur des plateformes numériques, d’autres y ajoutant des entreprises qui louent des biens dont elles restent propriétaires, d’autres encore excluant toute initiative portée par des entreprises cherchant à générer un profit.

3.3.

L’économie circulaire, quant à elle, s’est construite par opposition au modèle linéaire (5). Elle repose sur la création de «boucles de valeur positives», qui réintroduisent des produits ou de la matière en «fin de vie» dans la boucle de production. Dans un modèle circulaire idéal, les biens sont éco-conçus; produits en utilisant des ressources renouvelables ou recyclées ou les déchets d’autres secteurs; réutilisés; réparés; «upgradés»; et enfin recyclés. Les avantages de l’économie circulaire sont: diminution des risques, réduction des coûts, valeur ajoutée, loyauté des consommateurs et motivation des employés.

3.4.

Les nouveaux modèles économiques soi-disant durables ne se regroupent pas seulement derrière les trois concepts mentionnés ci-dessus. Mais ces derniers permettent néanmoins de souligner le flou de certains concepts utilisés pour décrire des nouveaux modèles économiques, à l’image des débats sur les contours de l’économie du partage ou du concept proche d’économie collaborative. Certains concepts peuvent aussi se recouvrir l’économie de la fonctionnalité et l’économie du partage pouvant être considérés comme un maillon de l’économie circulaire.

3.5.

Il faut aussi souligner la diversité des entrepreneurs qui développent ces nouveaux modèles économiques: de grandes entreprises qui se renouvellent côtoient des start-ups à la recherche d’une croissance exponentielle, des entreprises sociales pouvant faire partie de l’ES, des associations de bénévoles et des initiatives citoyennes.

3.6.

Par ailleurs, si certains entrepreneurs cherchent à la fois à être rentables économiquement et à répondre à des enjeux environnementaux, sociaux ou de gouvernance, s’ils mettent la durabilité au cœur de leur projet et évaluent leurs impacts afin de les améliorer, d’autres ne partagent pas cette «intention» de durabilité. Ils recherchent avant tout la rentabilité et considèrent que leur modèle économique a des externalités positives sur le reste de la société, sans les vérifier, sans chercher à les améliorer.

3.7.

Ces nouveaux modèles ne cherchent pas nécessairement à être durables sur tous les plans. Les entreprises qui développent des modèles économiques s’inspirant de l’économie circulaire tendent, par exemple, à mettre davantage les questions environnementales au cœur de leur projet et à maximiser les économies de ressources. Or, afin que le système soit également durable au niveau social, il faut que l’option circulaire demeure abordable et accessible pour le consommateur. Par ailleurs, si les boucles de production créées peuvent être locales — et privilégier ainsi les ressources et les emplois locaux — il n’est pas exclu que les ressources utilisées comme les matières recyclées soient transportées sur de longues distances. Au contraire, l’économie du partage peut avoir pour objectif premier l’élargissement de l’accès des usagers à un bien sans pour autant avoir une exigence environnementale.

3.8.

Il est par ailleurs impératif de garder à l’esprit que les impacts réels des nouveaux modèles économiques, soi-disant durables, sont sujets à caution. Ainsi, les bénéfices environnementaux des plateformes de l’économie du partage restent débattus. Le bilan écologique des plateformes permettant à des personnes d’accéder aux biens d’autres particuliers plutôt que d’acheter elles-mêmes un bien neuf, est bien souvent plus complexe qu’il n’y paraît (6). Le covoiturage sur longue distance par exemple entre souvent en concurrence directe avec le train plutôt qu’avec l’utilisation individuelle d’une voiture. D’autre part, des personnes qui acquièrent les biens d’autres particuliers ne le font pas pour réduire leurs achats de biens neufs mais pour augmenter leur consommation. Plus généralement, le passage de la propriété à l’usage ne suffit pas à garantir une réduction de l’empreinte écologique de la consommation et une réduction du coût pour le consommateur. Ainsi, les entreprises proposant la location plutôt que la vente de smartphones ont tendance à proposer à leurs usagers un renouvellement accéléré des produits et ne mettent pas nécessairement en place un système de recyclage ou de réutilisation.

3.9.

Notons enfin que l’économie du partage soulève des questions importantes en matière de monopolisation, de protection des données, de droit du travail, de fiscalisation des échanges ou de concurrence avec les modèles économiques traditionnels, à l’image des débats sur les plateformes d’hébergement entre particuliers.

3.10.

Si les pouvoirs publics doivent soutenir les entrepreneurs qui innovent derrière ces concepts, ils doivent donc garder un esprit critique sur leurs intentions et leurs impacts réels, et avoir conscience de la diversité de ces entrepreneurs et du flou des concepts qu’ils mobilisent.

4.

Dans cette dernière section, cet avis élabore la liste des principaux «leviers» qui permettraient à l’Union européenne d’encourager le déploiement de ces nouveaux modèles et leur durabilité.

4.1.

En premier lieu, il convient de faire un point sur les initiatives déjà prises au niveau européen pour soutenir ces nouveaux modèles économiques. Cette question a en effet déjà retenu l’attention des décideurs publics dans les États membres et au niveau de l’Union. Ces derniers commencent à suivre leur développement, à s’interroger sur la contribution réelle de ces nouveaux modèles au développement durable et à réfléchir aux outils d’action publique qui permettraient de soutenir les modèles ayant le plus d’impact.

4.1.1.

Au niveau de la Commission européenne, plusieurs chantiers sont en cours dans le cadre de sa communication sur l’industrie intelligente, innovante et durable, qui prévoit d’adopter une stratégie globale pour la compétitivité industrielle, en additionnant le rôle actif de toutes les parties prenantes, et de responsabiliser les individus:

le train de mesures du paquet «Économie circulaire» (7), qui inclut des propositions de révision de la législation sur les déchets ainsi qu’un plan d’action pour l’économie circulaire détaillé, comprenant des mesures prévues jusqu’en 2018,

une plateforme des parties prenantes européennes pour l’économie circulaire, pour favoriser l’échange et la visibilité des bonnes pratiques entre les parties prenantes, ainsi que leur mise en réseau,

un agenda européen sur la réglementation de l’économie collaborative (8) et des plateformes en ligne (9),

des études menées sur la durabilité de l’économie du partage ou sur l’écologie industrielle,

le développement de lignes directrices volontaires sur les appels d’offres dans le cadre des marchés publics,

l’élaboration en 2017 par un groupe d’experts de haut niveau sur la finance durable de recommandations pour que la finance durable soit intégrée de façon lisible à la stratégie de l’Union européenne ainsi qu’à l’union des marchés des capitaux.

4.1.2.

Le CESE a déjà adopté différents avis sur l’économie de la fonctionnalité  (10) , l’économie du partage ou son concept jumeau d’économie collaborative  (11) , l’économie circulaire  (12) , l’innovation comme moteur de nouveaux modèles économiques  (13) et l’économie du bien commun  (14). Ces avis mettent en avant:

le potentiel de durabilité de ces nouveaux modèles et l’importance de mieux analyser leurs impacts réels,

la nécessité de privilégier les entreprises adoptant réellement des modèles territoriaux, coopératifs, écologiques et sociaux.

4.2.

Ces avis fournissent des propositions d’actions à entreprendre par les pouvoirs publics pour soutenir le développement des entreprises adoptant des modèles économiques à la fois nouveaux et durables. Nous reprenons dans la liste ci-dessous ces pistes d’actions, et les enrichissons d’autres idées qui ont émergé lors des auditions conduites dans le cadre de cet avis.

4.2.1.

Tout d’abord, il est nécessaire de créer une structure permanente dédiée aux nouveaux modèles économiques ayant un potentiel de durabilité, chargée du suivi de leur développement et de la mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent avis. Cette structure doit associer les institutions européennes, au premier rang desquels la Commission et le CESE, ainsi que des fédérations d’entreprises innovantes, des organisations syndicales, des associations et des chercheurs.

4.2.2.

Ensuite, il s’agit pour les pouvoirs publics européens d’aider à une meilleure compréhension et à un meilleur suivi de ces évolutions.

4.2.2.1.

Dans ce sens, la Commission pourrait augmenter sa contribution à la recherche, notamment la recherche responsable afin de mieux comprendre les impacts réels, sociaux et environnementaux, des nouveaux modèles économiques qui émergent ainsi que les freins à leur développement. Cela permettrait également de clarifier le flou qui entoure nombre de concepts. Ces travaux devraient être coconstruits avec l’ensemble des parties prenantes au processus de recherche et d’innovation afin de partir de leur expérience.

4.2.2.2.

Au niveau européen avec Eurostat et dans les États membres avec leurs organismes statistiques respectifs, il est important de développer des indicateurs et des statistiques pour suivre le développement de ces modèles et de renforcer leur visibilité.

4.2.2.3.

Un levier clé pour assurer le développement des nouveaux modèles économiques est d’encourager l’éducation et la formation des différentes parties prenantes, afin d’améliorer leur connaissance de ces modèles et les rendre plus visibles. Aujourd’hui, les nouveaux modèles économiques durables ne représentent encore qu’une petite fraction de l’économie européenne. Ils se heurtent souvent à une logique et à des mécanismes bien installés ainsi qu’à un manque de connaissance de leurs enjeux. Il serait donc utile de développer des formations:

pour les décideurs publics et leurs administrations, de sorte à élaborer des appels d’offres susceptibles d’encourager les entreprises porteuses de nouveaux modèles économiques durables,

pour les entreprises innovantes, en incitant les incubateurs à proposer des formations sur le thème de la durabilité, par exemple sur la réutilisation des biens,

pour toutes les entreprises et en particulier les PME, afin de les sensibiliser aux modèles économiques innovants et durables,

pour les salariés et les employés des secteurs d’activité en évolution/reconversion, afin de les aider à acquérir les compétences rendues nécessaires par les nouveaux modèles économiques et les enjeux de durabilité,

pour les citoyens et consommateurs, via un programme de sensibilisation aux nouveaux modèles économiques et à leurs produits.

4.2.3.

Au-delà d’un suivi et d’une meilleure compréhension de ces modèles, il est nécessaire d’actionner d’autres leviers:

4.2.3.1.

Favoriser l’échange de bonnes pratiques et d’expériences entre les innovateurs — ainsi qu’avec avec le monde de la recherche — via des réseaux et des plateformes internet est une démarche indispensable. Sur certains nouveaux modèles économiques, des initiatives privées ont été d’ores et déjà lancées. La Commission devrait analyser comment les appuyer et les compléter sans s’y substituer, et s’y associer pour mieux appréhender ces innovations et échanger avec les innovateurs. Sur d’autres modèles économiques, ces initiatives peinent à émerger, notamment par faute de moyens humains et financiers. La Commission devrait leur apporter un soutien plus conséquent, et s’y associer également.

4.2.3.2.

L’une des tâches de ces réseaux devrait aussi être de faciliter l’accès des innovateurs aux mécanismes de soutien européens auxquels ils ont droit. Les entreprises porteuses de nouveaux modèles économiques durables sont bien souvent des PME qui se plaignent de la difficulté à comprendre la complexité des procédures de l’Union européenne.

4.2.3.3.

La Commission peut favoriser l’accès au financement pour les modèles économiques durables via des appels d’offres dédiés à l’innovation. Elle devrait également s’assurer que les règles des marchés publics ne constituent pas un obstacle disproportionné pour les porteurs de nouveaux modèles économiques durables, et envisager un mécanisme dérogatoire pour les protéger d’une concurrence impossible à relever pour eux. Par ailleurs, les financeurs traditionnels de l’innovation, privés ou publics, connaissent mal ces nouveaux modèles, hésitent donc à les soutenir, et ne valorisent pas leurs bénéfices sociaux et environnementaux. La Commission européenne doit mieux analyser les difficultés d’accès au financement pour les nouveaux modèles économiques durables et formuler des recommandations pour les dépasser. Elle pourrait également considérer l’émergence de monnaies alternatives (virtuelles, sociales) et le rôle que pourraient prendre celles-ci pour soutenir ces modèles.

4.2.3.4.

Pour pouvoir se développer, les nouveaux modèles économiques durables ont besoin d’expérimentation. Dans certains cas — comme dans le domaine de la mobilité ou de l’écologie industrielle — ces expérimentations doivent être menées en partenariat avec des pouvoirs publics. La Commission peut impulser l’expérimentation de nouveaux modèles via un fonds de financement de l’innovation consacré aux modèles durables et ouvert aux partenariats public-privé. La Commission devrait en particulier s’assurer que ces expérimentations concernent des territoires ruraux et périurbains, et pas uniquement des grands centres urbains.

4.2.3.5.

Le retour d’expérience doit permettre d’identifier les nouveaux besoins de normalisation, ainsi que les normes et réglementations qui bloquent l’émergence de certains modèles innovants et durables. Ces dernières doivent être rendues compatibles avec l’innovation, à l’image des processus d’approbation des nouveaux produits et services dans le secteur du bâtiment. La plupart des entreprises à l’origine des nouveaux modèles économiques sont des PME, qui n’ont pas toujours les moyens de faire face aux charges de travail induites par les normes.

4.2.3.6.

Intégrer les nouveaux modèles dans les politiques sectorielles de l’Union européenne est également un levier important pour favoriser leur développement. Ainsi, les nouvelles plateformes d’échange de biens entre particuliers et les entreprises de l’économie de la fonctionnalité doivent être considérées comme des acteurs de la prévention des déchets et soutenues dans le cadre des politiques européennes en faveur d’une économie circulaire. Il ne s’agit pas ici de lancer de nouvelles initiatives ou réglementations sectorielles, mais d’inclure les nouveaux modèles économiques dans le cadre de la nouvelle stratégie industrielle (15) et des politiques sectorielles existantes

4.2.3.7.

Enfin, la Commission doit prendre en compte les potentielles dérives de certains des nouveaux modèles économiques, notamment à l’égard des questions sociales, de la régulation du travail et de la concurrence fiscale déloyale. En ce qui concerne l’économie collaborative, l’Union européenne doit poursuivre les efforts de suivi et d’harmonisation européenne.

4.2.4.

De manière générale, les nouveaux modèles économiques durables ne se développeront que si les entreprises et les entrepreneurs ont la conviction que c’est ce qui fera économiquement sens dans l’Union européenne de 2030 ou de 2050. Pour cette raison, la durabilité doit être considérée comme un objectif transversal de l’Union européenne. Le cadre politique, fiscal et réglementaire de l’Union européenne doit apporter de la visibilité pour orienter les actions des acteurs économiques, des instances publiques et de la société civile. Dans cette perspective, le présent avis recommande de:

décloisonner le sujet au niveau politique en considérant la durabilité comme un critère transversal qui permettra de moderniser l’économie européenne. Il s’agit d’aligner les politiques européennes avec les critères de durabilité et intégrer ces derniers à la législation. Chaque nouvelle réglementation pourrait ainsi être soumise à un test de durabilité plus rigoureux. Au niveau politique, l’Union européenne doit développer un message fort qui montre son soutien au développement durable et démontre son leadership. Cela doit passer par une traduction des objectifs de développement durable dans une nouvelle stratégie de l’Europe à l’horizon 2030, par l’adoption d’un tableau restreint d’indicateurs de performance de l’Union européenne et d’indicateurs allant au-delà du PIB, et leur intégration dans le cadre du semestre européen,

intégrer les externalités socio-environnementales à la logique économique, en encourageant les États membres à mieux incorporer la fiscalité écologique  (16) et à stopper les subventions anti-écologiques. Le signal prix carbone doit être renforcé au niveau européen, notamment à travers la réforme de l’ETS ou des mesures complémentaires au niveau national pour le secteur de l’énergie, qui représente 60 % des émissions de CO2. Cette intégration permettrait aux produits et technologies durables — qui visent à limiter de telles externalités et qui sont donc parfois plus chers à produire — de devenir plus compétitifs,

développer un cadre réglementaire favorable à la consommation et à la production durables (normes d’écoconception, allongement de la durée des biens, labels énergétiques, objectifs de prévention des déchets, lutte contre la pollution, normes d’efficacité énergétique dans le bâtiment, etc.). Aujourd’hui, la législation existante sur l’écoconception, par exemple, ne va pas assez loin (17). Les normes devraient être adaptées à la situation particulière des PME («test PME»).

4.2.4.1.

Enfin, repenser le mode de fonctionnement du secteur financier pour rendre durable et intégrer clairement les enjeux environnementaux et sociaux dans le choix des investissements et dans la notion de risque dans le cadre des normes prudentielles et de solvabilité. Ce processus est déjà engagé chez les investisseurs socialement responsables et certaines grandes entreprises, avec le concept de «pensée intégrée» pour les prises de décisions stratégiques et opérationnelles (18). En pratique, cette réflexion pourrait également conduire à:

réduire le «court-termisme», en intégrant par exemple davantage les épargnants dans l’acquisition des actifs de long terme,

soutenir l’introduction de solutions et logiciels open source dans le secteur financier pour favoriser une concurrence saine,

encourager l’alignement des critères FinTech et des critères de durabilité,

renforcer le reporting sur les enjeux de durabilité (soutien aux notations/certifications environnementales) pour les entreprises et les institutions financières (voir les recommandations de la Taskforce on Climate Disclosure),

inclure des critères de durabilité dans l’obligation fiduciaire,

réaliser des tests de durabilité pour les futures réglementations financières européennes.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Par exemple dans le cadre du neuvième programme-cadre (FP9) pour la période 2021-2027.

(2)  SC/047: «La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050» (en cours) (voir la page 44 du présent Journal officiel).

(3)  À ce sujet, voir JO C 21 du 21.1.2011, p. 33, qui explique en détail le développement de «produits financiers socialement responsables».

(4)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 36.

(5)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 98.

(6)  Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI): «Économie du partage, enjeux et opportunités pour la transition écologique».

(7)  http://ec.europa.eu/environment/circular-economy/index_en.htm

(8)  COM(2016) 356 final.

(9)  COM(2016) 288 final.

(10)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 1.

(11)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 33; JO C 303 du 19.8.2016, p. 36; JO C 177 du 11.6.2014, p. 1.

(12)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 98 et JO C 230 du 14.7.2015, p. 91.

(13)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 28.

(14)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 26.

(15)  COM(2017) 479 final.

(16)  JO C 226 du 16.7.2014, p. 1.

(17)  Plan de travail «Écoconception» 2016-2019.

(18)  Travaux du groupe d’experts de haut niveau sur la finance durable.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/65


Avis du Comité économique et social européen sur «La fiscalité de l’économie collaborative — Analyse des différentes politiques fiscales envisageables dans le contexte du développement de l’économie collaborative»

(avis exploratoire à la demande de la présidence estonienne)

(2018/C 081/09)

Rapporteur:

Giuseppe GUERINI

Corapporteur:

Krister ANDERSSON

Consultation

Avis exploratoire (à la demande de la présidence estonienne), 17 mars 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5 octobre 2017

Adoption en session plénière

19 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

168/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère que l’économie collaborative, dans la mesure où elle produit de la valeur sociale dans le contexte de l’économie numérique, peut constituer une nouvelle opportunité de croissance et de développement pour les États membres de l’Union européenne, étant donné qu’elle permet de mobiliser des ressources inexploitées et d’encourager les citoyens à lancer des initiatives. Le CESE établit une nette distinction entre l’économie collaborative et l’économie numérique ou des plateformes, en raison de leurs différences pour ce qui est de l’importance et de la portée de leur dimension inclusive et collaborative.

1.2.

Bien que l’expansion de l’économie collaborative soit favorisée et renforcée par la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les plateformes numériques et l’utilisation massive des téléphones intelligents constituant notamment un véhicule formidable, le CESE estime important d’évaluer le phénomène de l’économie collaborative dans son ensemble et de ne pas l’assimiler totalement à l’économie numérique.

1.3.

Le CESE est d’avis que l’Union européenne ne peut pas laisser passer l’occasion qu’offre l’économie collaborative de repenser le système des relations entre institutions, entreprises, citoyens et marchés. Toutefois, étant donné la fluidité et la vitesse d’évolution particulières de ce secteur, il est primordial que les dispositifs réglementaires et régimes fiscaux soient adaptés avec intelligence et flexibilité au nouveau contexte de l’économie collaborative et, plus généralement, de l’économie numérique.

1.4.

Le CESE estime qu’il n’est pas nécessaire d’adopter un nouveau système fiscal propre aux entreprises de l’économie collaborative. Il considère en revanche indispensable de renforcer les formes de coopération et de coordination entre les États membres et entre les différentes administrations concernées au sein des différents États membres, de sorte que les autorités publiques puissent rester en prise avec l’évolution rapide et le dynamisme de l’économie numérique et de l’économie collaborative.

1.5.

Le CESE recommande que le système de taxation relatif à l’économie collaborative respecte le principe de neutralité (c’est-à-dire qu’il ne doit pas interférer avec le développement du marché) et fixe des mécanismes de taxation adéquats et équitables pour les différents types d’entreprise opérant dans le cadre de l’économie collaborative ou sous des formes traditionnelles.

1.6.

Le CESE souhaite qu’un système européen homogène et intégré, garantissant des règles communes pour les différents États membres en matière d’économie numérique, soit élaboré rapidement, en raison de la tendance naturelle des réseaux numériques à opérer dans un contexte transfrontière. Il serait donc préjudiciable que des formes de régulation différentes se développent dans chacun des États membres: une véritable approche européenne est nécessaire.

1.7.

Le CESE invite les autorités européennes à déployer tous les efforts possibles pour établir des formes de coopération internationale extra-européenne visant à établir des règles de base en matière d’économie numérique, puisque le potentiel des réseaux numériques permet désormais de gérer des activités de service et d’échange de biens dans le monde entier, par l’intermédiaire d’une plateforme numérique située en un seul endroit de la planète.

1.8.

Le CESE estime en outre qu’il convient d’adapter de manière adéquate les règles et les principes en vigueur aux contextes, nouveaux ou différents de ce qu’ils étaient dans le passé, notamment grâce aux possibilités offertes par les nouvelles technologies, de façon à assurer un traitement harmonisé et proportionné à tous les opérateurs économiques exerçant des activités déterminées selon des formes traditionnelles ou en recourant à l’économie numérique.

1.9.

Le CESE encourage la Commission et les États membres à unir leurs efforts pour mettre en place un cadre juridique général relatif à l’économie numérique, qui soit à même de coordonner et d’uniformiser les règles fiscales applicables à ces nouvelles formes d’économie.

1.10.

Par ailleurs, afin de simplifier la gestion du régime fiscal, et plus particulièrement l’application de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le CESE estime qu’il pourrait expérimenter un «établissement stable virtuel» compte tenu du contexte de plus en plus transfrontière et de moins en moins territorial dans lequel se développent l’économie numérique et l’économie collaborative.

1.11.

Le CESE juge en outre important de rappeler que, en dehors d’un régime fiscal approprié, il est essentiel de garantir la protection et le respect: i) des droits des consommateurs, ii) de la vie privée et des règles relatives au traitement des données à caractère personnel, iii) des travailleurs et des prestataires de services participant aux nouveaux modèles d’entreprise et aux activités des plateformes de collaboration.

2.   Introduction

2.1.

Le secteur de l’économie collaborative est de plus en plus important et connaît une croissance rapide, comme le montrent clairement différents chiffres. En 2015, les revenus associés à l’économie collaborative dans l’Union européenne ont été estimés à environ 28 milliards d’EUR (soit le double de l’année précédente).

2.1.1.

À partir de 2015, des investissements considérables de la part de grandes plateformes ont encore accéléré le développement du secteur, si bien que l’on estime que l’économie collaborative pourrait à l’avenir représenter un chiffre d’affaires compris entre 160 et 572 milliards d’EUR au niveau de l’Union européenne.

2.2.

Selon les chiffres disponibles, l’économie collaborative touche de plus en plus de secteurs et dispose du potentiel pour générer une valeur ajoutée, créer des emplois à plusieurs niveaux et garantir des services de qualité à des prix concurrentiels pour les consommateurs européens.

2.3.

Dans le même temps, le secteur de l’économie collaborative pose cependant un certain nombre de défis au législateur européen, dont le rôle est de garantir des règles et des principes visant à la mise en place d’un cadre juridique clair et prévisible (1), sans toutefois que son intervention réglementaire porte préjudice au haut potentiel d’innovation dont le secteur a jusqu’à présent fait preuve.

2.4.

L’appellation «économie collaborative» est souvent utilisée comme synonyme d’«économie du partage» (sharing economy), terme entré en 2015 comme néologisme dans l’Oxford Dictionary, qui le définit comme «un système économique dans lequel les biens ou les services sont partagés entre particuliers, gratuitement ou en échange d’une somme d’argent, généralement par l’intermédiaire du réseau internet».

2.5.

Aux fins du présent avis, on utilisera la définition de l’«économie collaborative» telle qu’adoptée par la Commission européenne dans sa communication du 2 juin 2016 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, intitulée «Un agenda européen pour l’économie collaborative».

2.6.

Plus précisément, la locution «économie collaborative» désigne des modèles économiques dont les activités sont facilitées par des plateformes de collaboration qui permettent l’utilisation temporaire de biens et de services souvent fournis par des particuliers.

2.6.1.

L’économie collaborative rassemble trois types d’acteurs: i) les prestataires de services — personnes privées ou professionnels — qui partagent des biens, des ressources, du temps et/ou des compétences; ii) les utilisateurs de ces services; et iii) les intermédiaires qui, via une plateforme prévue à cette fin (plateforme de collaboration), mettent en relation les prestataires de services et les utilisateurs finaux. Les transactions réalisées dans le cadre de l’économie collaborative n’entraînent généralement pas de transfert de propriété et peuvent avoir un but lucratif ou non lucratif.

2.7.

En particulier, l’économie collaborative offre la possibilité d’accéder à des biens et des services plus aisément et plus efficacement que par le passé, en recourant à des plateformes de communication et de collaboration, en facilitant la rencontre entre la demande des consommateurs et l’offre de biens et de services, qui peuvent être fournis par des acteurs tant professionnels que non professionnels.

2.8.

L’utilisation de la technologie et de plateformes de communication efficaces a révolutionné différents secteurs, par exemple celui des transports de courte et longue distance, mais aussi ceux de l’hôtellerie ou de la location de maisons ou de chambres, permettant d’offrir des services très efficaces et rapides pour faire correspondre l’offre et la demande.

2.8.1.

Dans ce contexte, quelques grands opérateurs sont apparus qui, pour la plupart, ont leur siège en dehors de l’Union européenne et constituent des exemples clairs de l’affirmation croissante de l’économie collaborative. Ils illustrent le grand potentiel de croissance de ce secteur, mais aussi les enjeux qu’il pose au législateur d’un point de vue juridique, sur le plan du régime fiscal et en ce qui concerne les formes de réglementation du travail, de la sécurité sociale et de l’assurance des travailleurs.

2.9.

Aux domaines précités viennent s’en ajouter d’autres encore, progressivement concernés par l’économie collaborative, comme certains services financiers, les soins à la personne et les services de santé. D’autres secteurs et services rejoindront encore l’économie collaborative dans les prochaines années, et contribueront à rendre ce phénomène encore plus significatif: il est donc évident qu’une réflexion adéquate sur les modèles régulateurs et fiscaux en la matière est aujourd’hui non seulement utile mais aussi nécessaire.

3.   L’économie collaborative et les nouveaux modèles économiques

3.1.

La diffusion des outils des technologies de l’information et de la communication et de ce qu’il est convenu d’appeler l’internet des objets a conduit à l’émergence d’un grand nombre de nouvelles entreprises technologiques. On observe aujourd’hui l’apparition d’une multitude de modèles d’entreprise qui relèvent du secteur de l’économie numérique et collaborative. Ces modèles diffèrent en fonction de la structure et de la taille de l’entreprise, ainsi que de l’ampleur des marchés de référence, des modalités d’utilisation des technologies et du modèle d’organisation. En ce qui concerne le traitement fiscal, on peut cependant distinguer trois grands groupes:

le modèle des très grandes entreprises qui assurent toute une série de fonctions sur une base numérique en utilisant l’internet et qui tirent la majeure partie de leurs revenus de la vente et de la gestion des données collectées et de la publicité (par exemple Google),

le modèle des plateformes de gestion et de rencontre de l’offre et de la demande, fondé sur la mise en relation de consommateurs et de fournisseurs qui utilisent les plateformes numériques comme structures de communication. Dans ce modèle, les transactions génèrent des revenus tant pour la plateforme de connexion que pour les prestataires de services finaux (par exemple Airbnb, Uber),

le modèle des plateformes d’échange entre pairs, au sein duquel il n’y a théoriquement pas de transactions économiques sous forme monétaire, mais qui est susceptible de générer des échanges de biens et de services, d’égal à égal, entre utilisateurs et fournisseurs.

3.2.

En ce qui concerne le modèle des grandes plateformes de recherche généraliste sur l’internet, la plateforme permet de traiter des données et de créer de la valeur ajoutée, qui peuvent ensuite être adaptées à la demande spécifique des consommateurs et être vendues.

3.3.

À cet égard, le CESE souhaite mettre l’accent sur la valeur spécifique de ces données, qui ont même été qualifiées de «nouvelle monnaie» (2). La valeur ajoutée est soumise à la TVA et le principe du pays de destination s’applique. Cependant, il peut être difficile d’évaluer l’ampleur de la création de valeur aux différentes étapes du processus et, partant, d’imputer les obligations fiscales correspondantes.

3.4.

Le développement rapide de nouveaux modèles économiques requiert une évaluation globale de la création de valeur et des obligations fiscales.

3.5.

S’agissant des plateformes servant d’intermédiaire de rencontre entre la demande et l’offre (le modèle «Uber»), une question préalable importante concerne la possibilité de fixer des règles et des exigences en matière d’accès au marché pour les plateformes numériques actives dans le domaine de l’économie collaborative et, surtout, pour les prestataires de services qui y font appel.

3.5.1.

Les exigences à respecter pour pouvoir accéder au marché peuvent inclure la nécessité d’obtenir des autorisations administratives d’exercer l’activité, des obligations de licence, ou des exigences minimales en matière de qualité (par exemple, dimension des pièces du logement ou type de voiture, obligations relatives aux assurances ou aux dépôts, etc.). Les revenus générés sont souvent évalués et attribués à une personne ou à une entité économique, assujettie à l’impôt sur les sociétés.

3.6.

La directive sur les services dispose que les exigences d’accès au marché dans les différents États membres doivent être justifiées et proportionnées, et prendre en considération les spécificités du modèle économique et des services innovants concernés, sans favoriser un modèle d’entreprise ou de gestion du service par rapport à un autre (principe de neutralité).

3.7.

Le CESE partage l’avis exprimé par la Commission dans son examen annuel de la croissance 2016, selon lequel une réglementation plus flexible des marchés des services, y compris ceux appartenant à l’économie collaborative, conduirait à une productivité plus élevée, en facilitant l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs, en réduisant le prix des services et en garantissant un choix plus vaste pour les consommateurs.

3.8.

Il est donc souhaitable que les exigences d’accès au marché destinées au secteur de l’économie collaborative, dès lors qu’elles sont prévues par les systèmes juridiques nationaux, soient conformes à la directive «Services» et garantissent: i) des conditions de concurrence équitable entre les différents opérateurs économiques actifs dans des secteurs dans lesquels coexistent des opérateurs traditionnels et des acteurs relevant de l’économie collaborative; ii) des exigences réglementaires claires, simples et à même de stimuler le potentiel d’innovation et les opportunités que l’économie collaborative peut offrir à un nombre toujours plus élevé de personnes.

4.   Cadre institutionnel

4.1.

Le secteur de l’économie collaborative, eu égard à son caractère de service en ligne fourni par des plateformes numériques, dépasse au moins partiellement le concept de territorialité qui caractérise les activités économiques traditionnelles. En conséquence, il est important de développer, également en ce qui concerne le secteur de l’économie collaborative, un cadre réglementaire adéquat et clair par rapport à l’objectif général poursuivi par la Commission, qui est de taxer «les bénéfices là où ils sont générés».

4.2.

Le CESE constate que la sécurité juridique serait étayée par des règles selon lesquelles les entreprises qui offrent et promeuvent des services relatifs à l’économie collaborative sont considérées comme ayant un lien fiscal en Europe. À cet égard, en ce qui concerne précisément les caractéristiques spécifiques des entreprises numériques, la possibilité de dégager une nouvelle formule d’implantation virtuelle des entreprises, appelée «établissement virtuel stable», est actuellement à l’examen. Il s’agit d’une approche intéressante pour remédier aux problèmes de détermination du lieu d’établissement de ce type d’activité, mais qui nécessite toutefois de mener une vaste réflexion et un examen adéquat au cours des prochaines années. Cela permettrait d’établir dans l’Union européenne le lieu des activités développées sur le marché numérique et de veiller à ce que la valeur économique de la transaction soit taxée en Europe et, d’une manière plus générale, là où la création de valeur s’effectue concrètement.

4.3.

L’économie collaborative pourrait faciliter certaines activités des autorités fiscales nationales, grâce à la numérisation des paiements effectués par l’intermédiaire de plateformes collaboratives et grâce à la parfaite traçabilité de ces paiements. La structure du système de paiement pourrait faciliter l’exécution des obligations fiscales des opérateurs de ce secteur, comme c’est par exemple le cas en Estonie, où la procédure de déclaration des revenus des chauffeurs et de certains prestataires de services est simplifiée grâce à la collaboration avec les plateformes numériques.

4.4.

De manière générale, le CESE souhaite que l’échange d’informations sûres et traçables entre autorités fiscales, opérateurs et plateformes collaboratives aide à réduire les charges administratives relatives à l’activité de paiement des taxes dans le secteur de l’économie collaborative, ainsi que les coûts de la mise en œuvre qui incombent aux autorités financières, dans le cadre d’une collaboration rendue plus simple et plus sûre par l’environnement technologique dans lequel interviennent les transactions.

5.   La fiscalité de l’économie du partage

5.1.

En ce qui concerne la fiscalité de l’économie collaborative, il est utile d’observer que, dans son rapport du 28 mai 2014, le groupe d’experts sur la fiscalité de l’économie numérique institué par la Commission européenne a noté qu’il n’y a pas lieu de créer des régimes particuliers de fiscalité de l’économie et des entreprises en ligne et qu’il est plus approprié d’adapter les législations et les modèles fiscaux en vigueur aux nouveaux contextes, en mettant à profit la grande traçabilité des transactions effectuées sur les plateformes de l’économie collaborative pour la gestion des obligations fiscales.

5.2.

Dans la pratique, les nouveaux modèles économiques doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part de la Commission européenne et des autorités fiscales nationales, en particulier lorsque le siège des plateformes est situé en dehors de l’Union européenne, afin de répartir équitablement et proportionnellement la charge fiscale sur la valeur économique produite par les différents acteurs: fournisseurs, utilisateurs et plateformes intermédiaires.

5.3.

Le CESE estime que, lors de l’adaptation des règles et des principes généraux de nature fiscale applicables au secteur de l’économie collaborative, il convient d’adopter une approche raisonnable et proportionnée. Une telle approche devrait garantir des règles claires et prévisibles pour les opérateurs du secteur, de manière à ne pas engendrer de coûts excessifs de mise en conformité, qui pourraient nuire à la croissance d’un secteur de développement récent et offrant des perspectives significatives, mais non encore prévisibles et mesurables.

5.4.

Toute future initiative européenne dans le domaine de la fiscalité des modèles de l’économie numérique devrait tenir compte des différentes mesures de lutte contre l’évasion fiscale prises ces dernières années par la Commission européenne en matière fiscale, afin que les différentes interventions régulatrices soient mutuellement coordonnées, dans un cadre de mesures global et cohérent.

5.5.

Une initiative fiscale en matière d’économie numérique harmonisée devrait être menée en vue de renforcer le marché intérieur européen et son développement, étant donné qu’il s’agit d’un secteur qui représente déjà une part importante de l’économie européenne et qui est destiné à jouer un rôle encore plus significatif dans les prochaines années.

5.5.1.

À cet égard, les articles 113 et 115 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne offrent une bonne base juridique pour l’adoption de règles en matière de fiscalité, tant directe qu’indirecte, dans le domaine de l’économie collaborative, en vue de consolider le marché intérieur et d’améliorer son fonctionnement.

5.6.

Certains États membres ont décidé de prendre des mesures dans le domaine de la taxation de l’économie numérique, en adoptant une nouvelle législation contraignante en la matière, tandis que d’autres ont opté pour des lignes directrices à l’intention des opérateurs du secteur. Comme cela a été dit précédemment, il serait cependant nécessaire d’élaborer une initiative sur la taxation de l’économie numérique au niveau européen.

5.7.

Le CESE souhaite dès lors qu’une action législative puisse être engagée au niveau européen sur la taxation de l’économie numérique, en prévoyant une coordination appropriée et la participation des États membres, dans le but de renforcer le marché intérieur et de tirer pleinement profit des opportunités qui résultent de l’économie numérique.

5.8.

Les opérateurs de l’économie collaborative sont assurément soumis à des obligations fiscales. Toutefois, on note un certain nombre de difficultés liées à l’identification des contribuables, notamment parce qu’ils peuvent exercer leurs activités sur une base professionnelle (par exemple offrir une prestation de service continue) ou sur une base occasionnelle (en tant que revenu complémentaire, sans que l’activité en question ne devienne une profession). Cette difficile identification des contribuables va souvent de pair avec une complexité à déterminer avec précision le revenu imposable.

5.9.

À cet égard, le CESE juge positive la fixation de revenus minimums permettant de déterminer si l’exercice d’une activité donnée doit être considéré comme professionnel ou non; il formule toutefois le souhait que l’établissement de tels seuils soit étayé par des éléments probants ou des motifs qui en justifient le choix.

5.10.

Une coordination des nouveaux modèles économiques s’impose au niveau de l’Union européenne afin d’éviter une double imposition et des pratiques fiscales abusives. Les États membres devraient introduire et appliquer les meilleures pratiques en matière de modèles de taxation, en particulier concernant les entreprises qui gèrent et réalisent des activités d’adéquation entre l’offre et la demande au moyen de plateformes numériques. La Commission européenne doit assurer la coordination entre les règles en précisant, à l’aide d’une directive, un certain nombre de règles communes et partagées.

5.11.

Dans le même temps, le CESE encourage la publication, par les administrations fiscales nationales, d’orientations et de lignes directrices visant à fournir des indications claires aux prestataires de services qui opèrent dans le cadre de l’économie collaborative. Ces prestataires étant souvent des particuliers, il est en effet nécessaire de les informer de leurs obligations en matière fiscale, dans la mesure où ils ignorent souvent qu’ils vont être assujettis à l’impôt.

5.12.

Le CESE souhaite que les réglementations européennes et nationales prévoient des mécanismes encourageant la coopération entre les opérateurs de l’économie collaborative et les autorités fiscales. Grâce à l’utilisation étendue de données fiables et traçables, cette collaboration pourrait favoriser la simplification et la transparence fiscale. Pour certaines activités, l’on pourrait même envisager la possibilité que les plateformes numériques deviennent des «substituts pour le versement direct de l’impôt», en collaboration avec les autorités fiscales.

5.12.1.

À cet égard, le CESE souligne que si l’on veut garantir la certitude fiscale, il convient d’accorder une attention particulière à l’évolution et au développement rapides des nouveaux modèles économiques, qui suscitent des préoccupations accrues quant à l’incertitude fiscale et son incidence sur les échanges et les investissements transfrontaliers, en particulier eu égard à la fiscalité internationale (3).

5.13.

Le CESE souligne que l’économie collaborative est susceptible d’élargir l’assiette fiscale nationale en créant des emplois et en apportant de nouvelles ressources à l’économie. Afin de tirer profit de cette nouvelle base, les autorités nationales compétentes devraient mettre en place des systèmes d’échange d’informations plus efficaces. Ces données, combinées à de nouvelles possibilités technologiques, pourraient créer une plus grande certitude fiscale moyennant des coûts moindres, tant pour les prestataires de services que pour les autorités fiscales. Étant donné que la plateforme numérique, le prestataire de services et le client peuvent se trouver dans des États membres différents, la question devrait être approfondie au niveau de l’Union, afin d’octroyer une attention suffisante à la protection des données au-delà des frontières nationales.

6.   La taxe sur la valeur ajoutée

6.1.

En ce qui concerne les activités de l’économie collaborative et leur assujettissement à la TVA, il convient avant tout d’établir une distinction entre les activités menées par différents nouveaux modèles économiques, c’est-à-dire directement par les plateformes collaboratives ou les différents prestataires de services qui s’inscrivent sur ces plateformes, et les modèles qui développent diverses activités à travers des plateformes, comme par exemple la vente d’espaces ou de données d’utilisateurs en vue d’insertions et d’annonces publicitaires.

6.2.

En ce qui concerne ces derniers, les entreprises sont déjà assujetties à l’impôt des sociétés. Elles recueillent les informations provenant des utilisateurs — chaque fois que l’un d’eux lance une recherche, les entreprises recueillent des informations qu’elles peuvent ensuite vendre aux annonceurs et autres parties intéressées; s’il y a création de valeur, l’échange des données (collecte et vente des informations) devrait être soumis à la TVA.

6.3.

S’agissant du modèle opérant sur le rapprochement de l’offre et de la demande, l’on peut considérer qu’il crée de la «valeur ajoutée» par la fourniture d’un service et l’instauration d’une transaction/d’un échange entre clients et chauffeurs: cette valeur ajoutée devrait dès lors être soumise à la TVA.

6.4.

D’une manière générale, du point de vue de la TVA, il est nécessaire de faire la différence entre trois types de cas en ce qui concerne les modalités de paiements des prestations offertes dans le cadre de l’économie collaborative: i) les cas dans lesquels les prestations sont offertes en échange du paiement d’une somme d’argent; ii) les cas dans lesquels la rémunération du service intervient non pas en argent mais en échange d’une autre prestation ou d’une rémunération non monétaire; et iii) les cas dans lesquels la prestation est offerte à titre gratuit et sans aucune contrepartie.

6.5.

Le régime de TVA applicable aux cas relevant du point i) visé ci-dessus peut être déduit des règles et des principes de la législation existante telle que développée par la Cour de justice de l’Union européenne, alors que les cas relevant du point iii) pourraient ne pas relever du champ d’application de l’actuelle législation en matière de TVA.

6.5.1.

Se référant aux cas concrets relevant potentiellement du point ii), le CESE demande d’approfondir la question de l’assujettissement ou non des activités des plateformes de collaboration aux obligations en matière de TVA. Le cadre juridique dans ce domaine n’est en effet pas clair actuellement, au regard surtout des services qui, comme cela a été mentionné plus haut, ne nécessitent pas une contrepartie financière, mais qui utilisent à des fins commerciales les données relatives au consommateur et à ses préférences.

6.6.

Le CESE estime qu’il est important que la Commission prenne en considération et réglemente la question de la TVA dans le cadre de l’économie collaborative au sein de son propre plan d’action, le cas échéant en ayant recours à des règles et principes simplifiés en deçà de certains seuils de chiffre d’affaires, comme c’est déjà le cas dans plusieurs États membres, ce qui permettrait de limiter les coûts de mise en conformité, principalement pour les petites et moyennes entreprises et pour les prestataires de services occasionnels.

6.7.

Il conviendrait en outre que la Commission européenne et les administrations fiscales nationales encouragent les activités appropriées de coopération et de coordination en ce qui concerne l’application des règles en matière de TVA au secteur de l’économie collaborative.

7.   Considérations finales

7.1.

Le CESE appuie le point de vue du Parlement européen relatif à l’agenda européen pour l’économie collaborative, lorsqu’il «constate que les entrepreneurs européens montrent une forte propension à la création de plateformes de collaboration à des fins sociales, et observe un intérêt croissant pour l’économie collaborative fondée sur des modèles d’entreprise coopérative» (4).

7.2.

Les caractéristiques particulières de l’économie collaborative, son potentiel d’innovation et la nécessité d’adapter les règles fiscales au développement exponentiel de ce secteur plaident en faveur de la participation de la société civile organisée aux consultations et analyses menées par la Commission européenne qui ont pour objectif de réunir les parties prenantes du secteur, les représentants des institutions de l’Union européenne et des administrations fiscales nationales, ainsi que les représentants du monde universitaire, afin de lancer une réflexion commune sur les questions liées à la fiscalité de l’économie collaborative.

7.3.

Le CESE invite la Commission européenne à proposer de nouvelles recommandations visant à améliorer l’échange d’informations entre les autorités fiscales nationales et garantir l’égalité de traitement fiscal à tous les prestataires de services. Le Comité estime qu’un avis de suivi sera nécessaire afin de mieux évaluer les exigences en matière de politique fiscale, ainsi que l’incidence et les résultats de la fiscalité de l’économie numérique.

7.4.

En ce qui concerne les droits des travailleurs et des consommateurs prenant part à l’économie collaborative, le CESE renvoie à son avis intitulé «L’économie du partage et l’autorégulation» (5). Toutefois, il importe de rappeler dans ce contexte que l’économie collaborative a sur le marché du travail des incidences telles qu’il convient d’accorder une attention particulière à la protection des travailleurs, notamment en ce qui concerne les cotisations sociales et de santé, et celles qui sont liées au système de sécurité sociale.

7.4.1.

À cet égard, le CESE insiste une fois encore sur la nécessité d’examiner l’incidence de l’économie collaborative sur le marché du travail et souligne que les législateurs européens et nationaux devraient en permanence avoir pour objectif la protection complète des travailleurs et des prestataires de services.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 36, paragraphe 8.2.4.

(2)  Pour de plus amples informations, voir l’article du Forum économique mondial (World Economic Forum — WEF): https://www.weforum.org/agenda/2015/08/is-data-the-new-currency/

(3)  Pour de plus amples informations, voir le rapport du FMI et de l’OCDE aux ministres des finances du G20 sur la sécurité fiscale.

(4)  Rapport sur un agenda européen pour l’économie collaborative [2017/2003(INI)], 11 mai 2017.

(5)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 36, paragraphe 8.2.4.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/72


Avis du Comité économique et social européen sur «L’utilisation des sols pour la production alimentaire durable et les services écosystémiques»

(avis exploratoire à la demande de la présidence estonienne)

(2018/C 081/10)

Rapporteur:

M. Roomet SÕRMUS

Consultation

Lettre du Premier ministre de la République d’Estonie du 17 mars 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Date de la décision du Bureau

28 mars 2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

3 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

126/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Il est crucial, aux fins de l’utilisation durable des sols agricoles et de leur protection, de mettre sur pied un cadre de référence commun à l’échelle de l’Union européenne pour assurer le suivi des progrès réalisés dans la collecte et l’exploitation de données; ce cadre pourrait également servir à définir ce que sont des sols en bon état, à établir une terminologie uniforme, à fixer des critères communs de suivi et à déterminer les priorités et les différentes actions visant à parvenir à un bon état des sols.

1.2.

Dans tous les États membres, la perte de surfaces agricoles du fait de la dégradation des sols, de l’abandon de terres, du changement climatique ainsi que de l’urbanisation pose un grave problème. Le Comité économique et social européen (CESE) propose dès lors d’actualiser le cadre de l’Union européenne existant, afin de protéger les terres agricoles qui sont utiles pour la production alimentaire et la fourniture des autres services écosystémiques dans les États membres et d’en préserver la fertilité, et dans le même temps d’assurer un meilleur suivi ainsi que la fourniture d’informations fiables.

1.3.

Les agriculteurs jouent, en tant que propriétaires et utilisateurs des terres agricoles, un rôle particulier dans la fourniture de services écosystémiques, ce qu’il convient de reconnaître et d’encourager. Le sol fournit des services écosystémiques importants. Les sols forment le support à partir duquel la plupart des denrées alimentaires sont produites dans le monde et ils sont nécessaires pour produire de la biomasse. Enfin, ils stockent le carbone et contribuent ainsi à atténuer l’incidence du changement climatique.

1.4.

La modernisation de la politique agricole commune (PAC) devrait notamment viser à continuer de protéger la santé et la fertilité des sols et des terres agricoles, qui sont indispensables au maintien comme au renforcement de la productivité et de la durabilité de l’agriculture.

1.5.

En vertu de l’accord sur le climat, il y aurait lieu de soutenir les initiatives actuelles et nouvelles visant à équilibrer le cycle du carbone dans les sols, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire. Afin d’augmenter la teneur en carbone des sols, le CESE propose de reprendre, dans les politiques de l’Union européenne, les principes relatifs à une gestion durable des sols. Il convient d’encourager, entre autres choses, la production de biomasse grâce à un meilleur accès à l’eau et à l’amélioration d’autres facteurs pédologiques (structure et aération du sol, présence d’éléments nutritifs, valeur du pH, activité biologique du sol), l’emploi de grandes précautions dans le travail du sol, l’économie pastorale et l’exploitation durable des prairies, une production agricole intégrée, y compris les meilleures pratiques issues de l’agriculture biologique et conventionnelle, à savoir la rotation des cultures, la culture des légumineuses, la valorisation des déchets organiques et du compost, ainsi que l’aménagement de couverts végétaux hivernaux dans les champs. Les sols riches en carbone et les prairies doivent être gérés de manière durable afin de favoriser la séquestration du carbone par le sol et les végétaux.

1.6.

Il y a lieu aussi d’encourager et d’inciter les États membres, dans le cadre du deuxième pilier de la PAC, à prendre des mesures appropriées pour protéger les sols.

1.7.

Il y a lieu de soutenir des investissements supplémentaires dans les technologies et les systèmes de mise en valeur des terres respectueux de l’environnement et à faible incidence sur le climat aux fins d’une utilisation durable des terres et des sols.

1.8.

L’agriculture fondée sur les connaissances (c’est-à-dire l’agriculture de précision et l’approche agro-écologique) doit être encouragée. C’est par l’intégration des données relatives aux sols, aux fertilisants, aux produits phytosanitaires, aux conditions météorologiques et aux rendements que l’agriculture de précision, qui est respectueuse des ressources, des sols et de l’environnement, exprime son potentiel, ce qui présuppose notamment un meilleur accès aux informations exploitables contenues dans les banques de données nationales, une mobilité accrue, ainsi qu’une plus grande simplicité d’utilisation des systèmes, dans le respect du principe selon lequel les agriculteurs sont les propriétaires des données générées. L’accès des agriculteurs à l’internet et l’utilisation par ceux-ci des technologies de l’information et de la communication représentent à cet égard une condition préalable.

1.9.

Il convient de s’appuyer davantage sur les données relatives aux sols dans l’élaboration des politiques et dans la prise de décision en matière d’utilisation des sols. Dans le même temps, il est nécessaire d’améliorer la qualité et la disponibilité de ces données, en particulier dans les secteurs dans lesquels il n’y a pas eu suffisamment de recherches menées jusqu’à présent. Au niveau de l’Union, il est nécessaire de convenir d’un système unique d’observation des sols.

1.10.

Il convient de renforcer la sensibilisation à la question des sols à tous les niveaux du système de formation. Il y a lieu pour ce faire d’employer des supports pédagogiques modernes et d’inclure la thématique des sols dans les programmes d’études des différents niveaux de formation.

1.11.

Les mesures d’information des agriculteurs au sujet des sols et des bonnes pratiques agricoles sont elles aussi primordiales. Dans cette optique, la collaboration de services consultatifs revêt une importance particulière.

2.   Introduction

2.1.

Le présent avis du CESE, élaboré à la demande de la présidence estonienne du Conseil, vise à mettre en évidence l’importance fondamentale d’une utilisation durable des terres (1) et des sols (2) pour la production de denrées alimentaires et la fourniture de services écosystémiques.

2.2.

Le CESE y examine, à la demande de la présidence estonienne du Conseil, la manière dont la problématique des terres agricoles est traitée dans les différents domaines d’action de l’Union européenne. Il s’agit également de déterminer quelles actions peuvent être engagées, sur le plan des politiques mais aussi au niveau des entreprises de l’Union européenne, en faveur d’une utilisation durable et efficace des sols, lesquels constituent une ressource indispensable pour la production de denrées alimentaires et la fourniture des autres services écosystémiques.

2.3.

Il existe à l’heure actuelle une multitude de règles en matière de protection des sols au niveau européen. Bien que les différentes politiques de l’Union européenne contribuent à la protection et à l’exploitation durable des terres agricoles, la protection des sols n’est, la plupart du temps, pas leur objectif premier. Le CESE considère que le moment est opportun pour entamer le débat sur la manière dont on pourrait mieux coordonner différentes mesures au niveau de l’Union.

2.4.

Dans le cadre de l’élaboration de leurs politiques, aussi bien l’Union européenne que ses États membres doivent tenir compte des objectifs de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 (3). Ces objectifs prévoient notamment de soutenir les écosystèmes, de lutter contre la désertification, d’enrayer la dégradation des sols et la détérioration de leur état, et d’en inverser le mouvement, d’exploiter de manière durable les ressources naturelles et de les utiliser efficacement, ou encore d’intégrer des mesures de lutte contre le changement climatique dans les politiques, les stratégies et la planification au niveau national. La protection des terres agricoles est une condition préalable indispensable pour une agriculture et une production de denrées alimentaires durables, tout comme l’utilisation durable des sols, lesquels constituent une ressource limitée et, en principe, non renouvelable.

2.5.

Plusieurs initiatives ont été prises par ailleurs (4) pour promouvoir une exploitation durable des sols et mettre en lumière l’importance des terres agricoles pour la sécurité alimentaire et l’atténuation du changement climatique.

2.6.

Le CESE renvoie par ailleurs au concept de limites de la planète, qui peut servir à définir les limites écologiques que l’être humain ne doit pas franchir s’il veut préserver l’environnement. Le Comité observe que pour trois des neuf limites de la planète (changement climatique, perte de biodiversité, cycle de l’azote), les frontières ainsi définies ont déjà été dépassées (5). Dans le même temps, il reconnaît que la sécurité alimentaire mondiale constitue également un défi pressant, dont l’Europe doit tenir compte dans le cadre de sa responsabilité sur la scène mondiale.

3.   Les principaux problèmes rencontrés dans l’utilisation des terres et des sols pour la production agricole

3.1.

La demande mondiale de denrées alimentaires est appelée à augmenter dans les décennies à venir. Il deviendra donc impératif, dans certaines régions du monde, d’exploiter de façon encore plus intensive les terres agricoles, ce qui pourrait avoir des répercussions néfastes pour les sols et l’environnement au sens large dès lors que l’utilisation des sols ne s’inscrit pas dans des logiques écologiques. Si l’on veut assurer un approvisionnement suffisant en denrées alimentaires, il convient de maintenir la productivité des terres disponibles et d’en préserver la fertilité sur le plan biologique, chimique et physique.

3.2.

Dans son avis sur «Des systèmes alimentaires plus durables» (6), le CESE a décrit les conséquences d’une mauvaise gestion de la production de denrées alimentaires, à savoir un recul de la biodiversité, la dégradation des sols, la pollution de l’eau et de l’air et l’émission de gaz à effet de serre. C’est pourquoi il faut veiller à ce que ces ressources soient utilisées de façon durable et efficace pour continuer d’assurer l’approvisionnement en denrées alimentaires. Ces considérations doivent également s’inscrire dans une politique globale de l’alimentation telle que le CESE la décrit dans son avis en cours d’élaboration sur «La contribution de la société civile au développement d’une politique alimentaire globale dans l’Union européenne».

3.3.

Le changement climatique a lui aussi une incidence sur la disponibilité des ressources naturelles fondamentales que sont l’eau et les sols. Bien qu’un certain nombre de mesures aient été prises pour lutter contre le changement climatique, la teneur en carbone des sols chute chaque année un peu plus si l’on en croit les données relatives aux couches arables. Des données supplémentaires portant sur les couches plus profondes permettraient cependant de mieux rendre compte de l’évolution réelle de ce paramètre.

3.4.

L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) adresse une mise en garde dans son rapport intitulé «L’environnement en Europe: état et perspectives 2015» (7): les services écosystémiques fournis par les sols — et notamment la production de denrées alimentaires, la préservation de la biodiversité ou encore la séquestration du carbone, la fixation des nutriments et la rétention d’eau dans le sol — sont de plus en plus menacés. Dans ce rapport, ce sont l’érosion, la perte de masse organique, la contamination et l’imperméabilisation des sols qui, en fonction de la région concernée, sont décrits comme les principaux problèmes, auxquels s’ajoutent l’urbanisation, l’abandon de terres et les conséquences de l’intensification croissante de la production agricole pour les habitats naturels et semi-naturels. La diminution de la fertilité du sol figure également parmi les autres dangers largement reconnus auxquels sont exposés les sols.

4.   La problématique des terres agricoles dans les différents domaines d’action de l’Union européenne

4.1.

Un rapport commandé par la Commission européenne a analysé les mesures prises dans les 28 États membres de l’Union européenne dans le cadre de leurs politiques de protection des sols (8). Il ressort de cette étude qu’il existe 35 dispositifs européens en matière de protection des sols, et 671 à l’échelle nationale. Au niveau de l’Union européenne, ces dispositifs incluent des documents stratégiques, des directives, des règlements et diverses mesures d’accompagnement. Les trois quarts des mesures nationales sont pour l’essentiel des règles contraignantes.

4.2.

La diversité des mesures prises par les États membres offre l’occasion de mieux aborder la problématique des sols dans toute sa complexité, mais aussi d’accroître la coordination dans ce domaine. Si le droit de l’Union européenne prévoit des règles en matière de protection des sols qui s’avèrent en partie utiles et exigeantes, ce système présente néanmoins quelques carences. Les politiques nationales ne suffisent pas à combler les lacunes des règles européennes relatives à la protection des sols, et les règles nationales en la matière varient considérablement d’un État à l’autre.

4.3.

Le septième programme d’action de l’Union pour l’environnement, en vigueur depuis le début 2014, reconnaît que la dégradation des sols est un problème grave et fixe comme objectif de parvenir, à l’échelle de l’Union européenne et d’ici 2020, à une exploitation durable et une protection adéquate des sols, ainsi que de progresser dans le domaine de l’assainissement des terres contaminées. L’Union européenne et ses États membres se sont en outre engagés à intensifier leurs efforts pour lutter contre l’érosion des sols et améliorer leur composition organique.

4.4.

La directive relative aux émissions industrielles et celle sur la responsabilité environnementale, la réglementation relative à la protection des eaux (directive-cadre sur l’eau), la directive sur les nitrates, le système de conditionnalité de la PAC et les dispositions relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) sont autant de dispositifs de l’Union européenne qui sont utiles du point de vue de la protection des sols et qui fonctionnent relativement bien. L’on pourrait cependant améliorer la situation des sols par une mise en œuvre plus efficace de ces dispositifs, en tenant compte avec souplesse des conditions locales et en coordonnant davantage les mesures prises.

4.5.

L’on pourrait aussi faire avancer les questions relatives à la protection des sols en s’appuyant sur différentes formes de soutien financier disponibles au titre du Fonds de cohésion, du Fonds européen de développement régional, du programme Life+ et du programme «Horizon 2020».

4.6.

Les paiements directs relevant du premier pilier de la PAC, qui concernent quelque 90 % des surfaces agricoles dans l’Union européenne, constituent une puissante incitation économique pour orienter les décisions que les agriculteurs prennent en matière d’utilisation et de gestion des terres. Les paiements directs sont rigoureusement conditionnés au maintien des surfaces agricoles dans un état satisfaisant du point de vue agricole et écologique ainsi qu’au respect des obligations en matière de conditionnalité et d’écologisation prévues par les règlements de base de la PAC. Dans le cadre de ce dispositif, les États membres disposent d’une certaine marge d’appréciation. Une part de 30 % des paiements directs est conditionnée à des prescriptions environnementales qui visent à améliorer la qualité des sols, à préserver la biodiversité et à favoriser la séquestration du dioxyde de carbone (9). À cet égard, il est impératif de veiller à ce que la mise en œuvre de l’écologisation ne s’accompagne pas d’une lourde charge administrative qui en annulerait les bienfaits.

4.7.

Les programmes de développement rural offrent aux États membres, au titre du deuxième pilier de la PAC, d’autres possibilités pour mettre en œuvre les mesures prévues par l’Union européenne en matière de protection des sols, d’une manière adaptée aux spécificités locales de chaque État.

4.8.

D’autres pistes en matière de protection des sols, d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses conséquences pourraient également être proposées dans toute une série d’initiatives législatives prévues, telles que le train de mesures sur le climat et l’énergie, le règlement relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF), ou encore le règlement sur la répartition de l’effort.

4.9.

La modernisation du règlement européen sur les engrais, qui est actuellement à l’examen en lien avec le train de mesures en faveur de l’économie circulaire et qui doit faciliter le recours à des engrais organiques ou à base de déchets, est un autre élément important pour la problématique de la protection des sols. Toutefois, les matériaux recyclés devant être utilisés comme amendements ou engrais ne devraient pas contenir de substances dangereuses (xénobiotiques). Même si la Commission propose des valeurs limites pour les concentrations de polluants dans les engrais minéraux ou organiques, il reste nécessaire d’élaborer de nouvelles solutions techniques propres pour produire des fertilisants et des amendements qui soient sans danger du point de vue de l’utilisation des sols, sans que cela n’affecte la productivité primaire. Dans son avis sur la question, le CESE réserve un accueil favorable à l’initiative prise par la Commission et fait valoir que la fertilité et la protection des sols constituent un aspect essentiel pour la révision du règlement (10).

5.   Propositions en vue de favoriser une utilisation durable des sols en tant que ressource indispensable pour la production de denrées alimentaires et la fourniture de services écosystémiques dans l’Union européenne

5.1.

Il est crucial, aux fins de l’utilisation durable des sols agricoles et de leur protection, de mettre sur pied un cadre de référence commun à l’échelle de l’Union européenne pour assurer le suivi des progrès réalisés dans la collecte et l’exploitation de données; ce cadre pourrait également servir à établir une terminologie uniforme, à définir ce que sont des sols en bon état, à déterminer les priorités et à fixer des critères de suivi sur la base des différents paramètres pédologiques et climatiques, ou encore à concevoir différentes actions visant à parvenir à un bon état des sols. Il s’agit là d’une condition préalable pour une évaluation adéquate des sols et la mise en place des mesures nécessaires.

5.2.

Dans tous les États membres, la perte de surfaces agricoles du fait de la dégradation des sols, de l’abandon de terres, du changement climatique ainsi que de l’urbanisation pose un grave problème. Les surfaces agricoles disparaissent devant le développement des surfaces artificielles. Entre 2006 et 2012, l’occupation des terres a progressé chaque année d’environ 107 000 hectares dans les États européens. Les types de terres les plus fréquemment occupés pour le développement artificiel étaient les surfaces arables et les terres de culture permanente, suivies par les prairies et les zones agricoles mixtes (11). Le CESE propose dès lors d’actualiser le cadre de l’Union européenne existant, afin de protéger les terres agricoles qui sont utiles pour la production alimentaire et la fourniture des autres services écosystémiques dans les États membres et d’en préserver la fertilité. À cette fin, il conviendrait de prévoir des moyens techniques supplémentaires pour assurer un meilleur suivi ainsi que la fourniture d’informations fiables.

La politique agricole commune de l’Union européenne

5.3.

Dans l’objectif de moderniser la PAC, il convient de garantir une exploitation efficace et durable des terres agricoles dans le cadre de la prochaine période de programmation financière. L’objectif devrait notamment consister à continuer de protéger la santé et la fertilité des sols et des terres agricoles, indispensables au maintien comme au renforcement de la productivité et de la durabilité de l’agriculture.

5.4.

Il convient de trouver des solutions plus satisfaisantes, dans le cadre des mesures d’écologisation relevant du premier pilier de la PAC, pour améliorer l’état des sols. Il y aurait lieu, avant tout, de promouvoir une rotation des cultures incluant des légumineuses ou des herbacées. Si les discussions sur l’efficacité de l’écologisation ont avant tout porté sur les aspects relatifs à la biodiversité, il y aurait lieu de mettre davantage en lumière qu’on ne l’a fait jusqu’à présent les effets bénéfiques pour la fertilité des sols de la culture de légumineuses (12).

5.5.

L’agriculture ne produit pas seulement des denrées alimentaires de grande qualité: on lui doit aussi la biodiversité et les paysages ouverts. Elle joue également un rôle essentiel dans l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets. La fourniture de biens publics est avant tout garantie par des mesures visant à exploiter de manière durable les ressources naturelles et qui produisent une valeur ajoutée et permettent de traiter les répercussions de l’agriculture sur les sols, l’eau et la biodiversité.

5.6.

Il y a lieu d’encourager et d’inciter les États membres, dans le cadre du deuxième pilier de la PAC, à prendre des mesures pour protéger les sols, ce qui leur offrirait la plus grande souplesse pour tenir compte des spécificités locales, des différentes conditions rencontrées (comme la typologie des sols) et des problèmes particuliers.

5.7.

Le CESE invite la Commission européenne à prendre davantage en considération qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent les propositions spécifiques formulées par les États membres en vue d’améliorer la qualité des sols et de rendre leur exploitation durable (par exemple, en promouvant le chaulage pour lutter contre l’acidification du sol, ou encore l’irrigation et le drainage pour parer à la rareté ou la surabondance de l’eau). Il convient, aux fins de la gestion des sols organiques, de n’écarter aucune solution et de prévoir toute une palette d’options pour protéger et entretenir les sols.

5.8.

Il y a lieu d’encourager des investissements supplémentaires dans les technologies respectueuses de l’environnement et à faible incidence sur le climat aux fins d’une utilisation durable des terres et des sols. Pour une production alimentaire durable, il convient de promouvoir une agriculture fondée sur les connaissances (notamment l’agriculture de précision et l’approche agro-écologique), qui garantit un emploi opportun des intrants agricoles, en quantités adéquates et sur les surfaces qui le justifient. Il est crucial d’améliorer l’activité biologique grâce à un apport de matières organiques et à l’obtention d’un équilibre dans la composition du sol en nutriments — la surfertilisation comporte des risques environnementaux en raison du lessivage de certains fertilisants, tandis qu’à l’inverse, des carences en éléments nutritifs diminuent la fertilité des sols. En outre, il convient d’être attentif aux principes énoncés par la «loi du minimum» (13), car la pénurie d’un élément nutritif donné (par exemple le phosphore) accroît le risque de lessivage des autres nutriments.

5.9.

Le bétail joue un rôle essentiel et souvent indispensable dans l’utilisation des sols, du fait de son action sur le cycle des nutriments, le maintien de la fertilité du sol (14) et la séquestration du carbone. L’Union européenne compte de nombreuses surfaces agricoles, notamment des prairies, qui se prêtent exclusivement à l’économie pastorale ou aux cultures fourragères, de sorte qu’il y a lieu de continuer d’encourager l’élevage de bétail dans certaines régions afin que les agriculteurs n’abandonnent pas ces terres. La pratique très répandue dans certaines régions de l’Union européenne qui consiste à n’entretenir les prairies permanentes que par la fauche n’offre aucune solution de substitution à l’économie pastorale, que ce soit du point de vue de la production alimentaire, de l’utilisation efficace des ressources ou de la gestion des sols. C’est pourquoi il convient de prévoir des mesures dans le cadre de la PAC pour assurer la rentabilité de l’élevage dans les différentes régions de l’Union européenne, ainsi que de trouver des solutions qui rendent possible une utilisation active et durable des sols dans le but de produire des denrées alimentaires.

5.10.

Dans certaines régions de l’Union européenne, la présence de systèmes de drainage agricole obsolètes pose un problème sérieux, ce pourquoi il convient, compte tenu également du changement climatique, de miser plus qu’on ne l’a fait jusqu’à présent sur les investissements à long terme dans l’infrastructure agricole, par exemple pour moderniser les systèmes de drainage, afin de conserver des surfaces agricoles aux fins de la production alimentaire et de préserver la fertilité des sols.

L’utilisation des terres et les services écosystémiques

5.11.

L’«Évaluation des écosystèmes pour le millénaire» (15) de 2005 définit les services écosystémiques comme les biens écologiques, sociaux et économiques que les écosystèmes fournissent à l’humanité. La formation des sols fait partie de ces services écosystémiques et représente une condition préalable pour la fourniture de tous les autres services écosystémiques, comme la production de denrées alimentaires. Il est dès lors impossible d’envisager une production alimentaire durable sans protection des sols.

5.12.

Les agriculteurs jouent un rôle fondamental dans la fourniture de services écosystémiques, ce qu’il convient de reconnaître et d’encourager. C’est le sol qui fournit les services écosystémiques les plus importants (16), en ce qu’il constitue le support nécessaire à l’existence des microbes, des végétaux et des animaux, ainsi qu’une importante réserve de biodiversité; le sol filtre l’eau et la stocke en quantité nécessaire pour la croissance des végétaux, il a un effet régulateur sur les inondations, il stocke des éléments nutritifs dont il ravitaille les végétaux et, enfin, il est capable de transformer les substances nocives. Les sols forment le support à partir duquel la plupart des denrées alimentaires sont produites dans le monde et ils sont nécessaires pour produire de la biomasse. Enfin, le sol stocke le carbone et peut ainsi contribuer à atténuer l’incidence du changement climatique.

5.13.

Une plus grande attention doit être portée à l’utilisation des terres, qui a une incidence sur le fonctionnement des écosystèmes et, partant, sur la fourniture des services écosystémiques également. L’appauvrissement des sols, une utilisation des terres non durable et l’étalement résidentiel du fait de l’urbanisation et de la construction de logements et de routes compromettent la fourniture de plusieurs services écosystémiques importants, mettent en péril la biodiversité et émoussent la résilience de l’Europe face au changement climatique et aux catastrophes naturelles. Ces phénomènes favorisent en outre la dégradation des sols et la désertification (17). Afin de remédier à ces problèmes, il conviendrait d’être plus attentif aux principes énoncés par la Commission européenne dans les lignes directrices de 2012 concernant les meilleures pratiques pour limiter, atténuer ou compenser l’imperméabilisation des sols (18).

5.14.

Les fonctions et les services écosystémiques du sol sont des sujets qui ne sont que rarement traités dans les dispositifs législatifs car il n’existe pas de marché pour ces services et qu’ils ne sont pas suffisamment reconnus par la société. Ainsi, par exemple, même si le règlement de base relatif aux paiements directs de la PAC contient quelques références à la qualité des sols, il ne fait nulle part mention de la biodiversité du sol ni des synergies qu’elle entretient avec la productivité primaire. Les fonctions essentielles du sol dépendent, au-delà de ses propriétés chimiques et physiques, de l’état des microorganismes et de la faune qu’il abrite ainsi que des processus biologiques dont ils sont à l’origine, comme la fixation de l’azote, la séquestration du carbone, le filtrage de l’eau et la capacité à empêcher le lessivage des nutriments. Outre les propriétés du sol, la santé des cultures est, elle aussi, importante pour exploiter pleinement le potentiel du sol en matière de production de denrées alimentaires et de séquestration du carbone.

5.15.

Dans son avis sur la redéfinition de la PAC (19), le CESE préconise d’axer sur les services écosystémiques fournis par les agriculteurs, plus qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, les mesures du deuxième pilier qui visent à protéger l’environnement, à lutter contre le changement climatique et à préserver la biodiversité. S’agissant des sols et de l’utilisation des terres, les mesures de soutien devraient avant tout cibler une gestion des prairies et des sols organiques qui favorise la séquestration du carbone dans le sol. Si pour préserver les sols, il convient de les travailler aussi peu que possible, l’accumulation d’éléments nutritifs à la surface des sols non labourés rend nécessaire un travail du sol dans une certaine mesure afin de mélanger les nutriments dans la zone radiculaire et de limiter le risque de lessivage. Le tassement de la terre réduit par ailleurs la capacité du sol à prévenir les pertes d’éléments nutritifs.

5.16.

Dans certaines régions de l’Union européenne, il conviendrait d’encourager la conversion de terres de culture en prairies, la réduction de la densité des élevages en prairie, tout en y maintenant cependant une densité minimale de bétail, la conservation des tourbières ou encore les mesures visant à juguler l’érosion des sols et à limiter la désertification dans les zones arides.

5.17.

Dans certaines régions, les principaux défis auxquels l’agriculture doit répondre sont ceux qui consistent à préserver la biodiversité des surfaces agricoles, à promouvoir davantage les méthodes d’exploitation durables et à rendre la production plus rentable, sans pour autant recourir à des pratiques plus intensives. Pour d’autres, la tâche première consiste à réduire les pressions qui s’exercent sur l’utilisation des terres, les sols et les écosystèmes naturels. Dans les régions méridionales se pose en outre le défi important de la rareté de l’eau.

5.18.

Ces aspects de la production agricole qui revêtent une grande importance pour l’écosystème doivent être pris en considération dans la conception et la redéfinition de la PAC et d’autres politiques.

Les sols et le changement climatique

5.19.

Puisque les sols constituent le principal réservoir de carbone sur les terres émergées de la planète (20), ils jouent un rôle singulier pour lutter contre le changement climatique et piéger le carbone. Le cadre international de la lutte contre le changement climatique attribue une importance décisive à l’exploitation durable des sols pour stabiliser et relever leur teneur en substances organiques, qui contribuent à préserver leurs fonctions et empêcher leur dégradation. En vertu de l’accord conclu lors de la conférence de Paris sur le climat (COP 21), il y aurait lieu de soutenir les initiatives actuelles et nouvelles visant à équilibrer le cycle du carbone dans les sols, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire, comme indiqué à l’article 2 de l’accord de Paris sur le climat.

5.20.

Le principe no 9 de la charte mondiale des sols (21) édictée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) énonce que tous les sols fournissent des services écosystémiques qui revêtent une importance cruciale pour la régulation du climat à l’échelle de la planète. Afin d’augmenter la teneur en carbone des sols, le CESE propose de reprendre, dans les politiques de l’Union européenne, les principes posés en 2016 par la FAO dans ses directives volontaires pour une gestion durable des sols (22). Il convient d’encourager, entre autres choses, la production de biomasse grâce à un meilleur accès à l’eau (en construisant, par exemple, des réseaux d’irrigation, tout en tenant compte des conditions environnementales sur place), une réduction dans toute la mesure du possible du travail du sol, l’économie pastorale, la production intégrée, l’agriculture biologique, la rotation des cultures, la culture des légumineuses, la valorisation des déchets organiques et du compost, ou encore l’aménagement de couverts végétaux hivernaux dans les champs. Les sols riches en carbone et les prairies doivent être gérés de manière durable.

5.21.

Il y a lieu de soutenir au niveau européen des initiatives importantes en lien avec le changement climatique. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que la situation des sols est très variable d’un État membre à un autre, de sorte qu’il est nécessaire de tenir compte des différences régionales dans le cadre des mesures nouvelles ou existantes.

La disponibilité et l’exploitation des données relatives au sol

5.22.

Pour mettre en œuvre une politique fondée sur des données factuelles et aux fins de la planification de l’utilisation des terres au niveau national, régional et local, il convient de s’appuyer davantage sur les données relatives aux sols dans l’élaboration des politiques et dans la prise de décision en matière d’utilisation du foncier. Il y a lieu de coordonner le partage des données dans le respect des droits de propriété qui leur sont applicables et dans les limites d’un cadre réglementaire qui aura été convenu.

5.23.

Dans le même temps, il est nécessaire d’améliorer la qualité et la disponibilité des données sur les sols, en particulier dans les régions dans lesquelles il n’y a pas eu suffisamment de recherches menées jusqu’à présent (par exemple, des données sur le carbone contenu dans les sols). Afin d’améliorer la disponibilité des données, il est besoin de définir des objectifs clairs à court et à long terme.

5.24.

Pour améliorer l’accès aux données relatives aux sols et en étendre l’usage, les cartes pédologiques doivent être modernisées et les exigences minimales imposées aux États membres concernant l’échelle spatiale de ces cartes doivent être encore renforcées. Il convient cependant de tenir compte des défis que pose la cartographie pédologique dans certaines régions de l’Union européenne.

5.25.

Il convient de s’accorder au niveau de l’Union européenne sur un système harmonisé d’observation permanente du sol qui soit adossé à un nombre restreint d’indicateurs relatifs aux modifications de l’état du sol et à l’efficacité des mesures prises pour le protéger.

5.26.

Les agriculteurs doivent quotidiennement prendre des décisions complexes concernant leurs plans de production. L’on ne saurait envisager une agriculture de précision qui soit respectueuse des ressources, des sols et de l’environnement, sans faire appel aux technologies de l’information et de la communication. Une condition préalable à cet égard consiste à promouvoir l’usage de solutions numériques auprès des agriculteurs, lesquelles doivent offrir différentes options et permettre une certaine flexibilité en fonction des paramètres pédologiques et climatiques.

5.27.

Le potentiel de l’agriculture de précision découle de l’intégration de données relatives aux sols, aux fertilisants, aux produits phytosanitaires, aux conditions météorologiques et aux rendements, ce qui présuppose notamment un meilleur accès aux informations contenues dans les banques de données nationales, une mobilité accrue, ainsi qu’une plus grande simplicité d’utilisation des systèmes. Il conviendrait de promouvoir des solutions qui permettent aux agriculteurs d’exploiter, dans leurs tâches quotidiennes, les données de masse contenues dans les banques de données nationales, en utilisant pour ce faire les solutions logicielles de prestataires privés ou publics et en coopérant également avec des services consultatifs. À titre d’exemple, il est nécessaire de faciliter l’accès des éditeurs de logiciels, avec l’accord des parties intéressées, à des données aussi précises que possible sur les sols exploités pour un usage agricole et sur les échantillons pédologiques. Les agriculteurs devraient rester propriétaires des données qu’ils produisent.

Développer le socle de connaissances et donner des applications à la recherche et l’innovation

5.28.

La recherche endosse un rôle important pour faire émerger de nouvelles connaissances, diffuser les innovations, développer les technologies et créer les conditions nécessaires à une utilisation durable des terres et des sols. Le CESE approuve la recommandation formulée dans la déclaration de Vienne sur les sols (23), qui énonce que les interactions entre les activités humaines et la ressource que constitue le sol, ainsi que leurs effets sur les différentes composantes de l’environnement, doivent devenir un axe majeur des sciences pédologiques. La collaboration entre ces dernières et d’autres disciplines scientifiques est, elle aussi, importante.

5.29.

Dans le cadre du programme «Horizon 2020» de l’Union européenne, des possibilités de financement relativement satisfaisantes ont été prévues pour la recherche dans le domaine des sols et de la production alimentaire, lesquelles devraient être maintenues également lors de la préparation du neuvième programme-cadre pour la recherche et l’innovation de l’Union européenne.

5.30.

Il est nécessaire d’accorder une attention particulière au transfert des fruits de la recherche et du développement vers les entreprises, ce qui garantirait une production alimentaire durable dans le cadre de l’utilisation des terres et des sols. Le CESE invite les chercheurs, les agriculteurs, les consultants et les autres parties intéressées à élargir la coopération dans ce domaine, y compris en exploitant les possibilités offertes par le partenariat européen d’innovation (PEI-AGRI).

5.31.

L’agriculture fait un usage croissant de différents biostimulants pour améliorer la structure du sol, l’efficacité nutritionnelle des végétaux et l’approvisionnement en eau, et relever ainsi le rendement et la qualité des récoltes. Attendu que chaque sol est unique et que sa composition évolue en permanence, les recherches menées sur l’influence de l’emploi de biostimulants sur l’équilibre biologique du sol ne sont pas assez nombreuses; davantage d’études indépendantes devraient donc se pencher sur cette question.

Sensibilisation

5.32.

Pour sensibiliser davantage les agriculteurs, mais aussi les décideurs politiques et les autres acteurs, à l’importance des sols à usage agricole pour une production alimentaire durable et la fourniture de services écosystémiques, il est nécessaire d’engager un vaste débat sur l’état des sols et les moyens de les protéger en y associant un large éventail d’acteurs. Une prise de conscience accrue contribuerait à accroître les investissements dans une utilisation durable des sols ainsi que dans la recherche.

5.33.

Cette sensibilité au rôle joué par les sols doit être renforcée à tous les niveaux du système de formation, ce qu’il convient d’encourager en prévoyant des possibilités d’acquérir une expérience pratique. L’on devrait recourir à des méthodes pédagogiques modernes pour traiter les questions liées à l’utilisation des sols et à leur protection.

5.34.

Les mesures de sensibilisation des agriculteurs aux différentes natures des sols, à une exploitation des terres raisonnée, à l’importance de la rotation des cultures, à la fertilisation, etc., sont décisives en la matière. Il est crucial enfin de mobiliser et d’associer à cette démarche des services consultatifs.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Les «terres» désignent les parties émergées de la surface terrestre.

(2)  Le sol peut être défini comme la couche supérieure de la croûte terrestre. Il est constitué de particules minérales, de matières organiques, d’eau, d’air et d’organismes vivants. Le sol est l’interface entre la terre, l’air et l’eau et abrite la majeure partie de la biosphère [http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52006DC0231].

(3)  http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

(4)  Parmi ces actions, citons par exemple la Décennie internationale des sols, le partenariat mondial sur les sols de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’initiative française «4 pour 1000: les sols pour la sécurité alimentaire et le climat», ou encore l’initiative citoyenne européenne «People4Soil».

(5)  J. Rockström et al., 2009, «Planetary Boundaries: Exploring the SAFE Operating Space for Humanity, Écology and Society» [Les limites de la planète: examen de la marge de manœuvre dans laquelle l’humanité, l’écologie et la société peuvent évoluer en sécurité], vol. 14, https://www.consecol.org/vol14/iss2/art32/main.html

(6)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 64.

(7)  https://www.eea.europa.eu/fr/soer-2015/

(8)  Catalogue actualisé et évaluation des instruments de protection des sols dans les États membres de l’Union européenne [traduction non officielle du titre]: http://ecologic.eu/14567

(9)  https://ec.europa.eu/agriculture/direct-support/greening_fr

(10)  Avis du CESE sur les fertilisants, JO C 389 du 21.10.2016, p. 80.

(11)  https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/indicators/land-take-2/assessment-1

(12)  Les rhizobiums, qui sont des bactéries actives au niveau des racines de nombreuses espèces de légumineuses (trèfles, mélilots, lupins, pois, haricots, etc.), sont les organismes les plus importants pour la fixation de l’azote, lequel contribue de façon notable au maintien de la fertilité des sols.

(13)  https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Liebig_sur_le_minimum

(14)  Avis du CESE sur «Des systèmes alimentaires plus durables», JO C 303 du 19.8.2016, p. 64.

(15)  http://www.millenniumassessment.org/fr/index.html

(16)  http://www.iuss.org/index.php?article_id=588

(17)  https://www.eea.europa.eu/fr/soer-2015/synthesis/report/3-naturalcapital

(18)  http://ec.europa.eu/environment/soil/pdf/guidelines/FR%20-%20Sealing%20Guidelines.pdf

(19)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 10.

(20)  On trouve dans le sol deux fois plus de carbone que dans l’atmosphère et trois fois plus que dans la flore pendant la période de végétation.

(21)  http://www.fao.org/soils-2015/news/news-detail/fr/c/294137/

(22)  http://www.fao.org/documents/card/fr/c/5544358d-f11f-4e9f-90ef-a37c3bf52db7/

(23)  http://www.iuss.org/index.php?article_id=588


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/81


Avis du Comité économique et social européen sur le «Contrôle de l’application de la législation de l’UE»

(Examen par la Cour des comptes européenne)

(avis d’initiative)

(2018/C 081/11)

Rapporteurs:

Bernd DITTMANN; Denis MEYNENT; Ronny LANNOO

Décision du Bureau

30.5.2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur du CESE

Adoption en session plénière

18.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

176/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Afin d’établir une législation appropriée permettant d’atteindre les objectifs de l’article 3 du TUE, le Comité économique et social européen (CESE) rappelle l’importance des principes de bonne mise en œuvre dans les temps, de subsidiarité et de proportionnalité, de précaution, de prévisibilité, de «think small first», de la dimension externe de la compétitivité et du test du marché intérieur.

1.2.

L’objectif de la législation européenne doit toujours être de créer un cadre juridique permettant aux entreprises et aux citoyens de bénéficier des atouts du marché intérieur et d’éviter des charges administratives inutiles. C’est pourquoi le CESE estime que le contrôle de l’application sur le terrain est essentiel. Il se prononce en outre en faveur d’une législation qui s’adapte. Il note que ce n’est pas seulement le contenu de la législation mais le processus législatif même qui doivent pouvoir s’adapter pour correspondre aux besoins des entreprises et des citoyens.

1.3.

C’est pourquoi il estime que l’applicabilité du droit de l’Union européenne doit être prise en compte dès le début de ce cycle législatif, au moment des études d’impact, et que l’écosystème européen en la matière doit encore évoluer.

1.4.

Le CESE souligne cependant que l’amélioration de la réglementation ne se substitue pas aux décisions politiques et ne peut en aucun cas conduire à une déréglementation ni avoir pour effet de réduire le niveau de protection social, la protection de l’environnement et les droits fondamentaux.

1.5.

La majeure partie des difficultés d’application et de mise en œuvre du droit de l’Union européenne résulte du défaut de transposition des directives. Aussi le CESE préconise-t-il généralement dans ses avis l’utilisation de règlements plutôt que de directives.

1.6.

Le CESE estime qu’améliorer la manière dont la Commission procède à la consultation des parties prenantes est essentiel pour l’élaboration d’une législation facile à mettre en œuvre pour les États membres et les parties prenantes.

1.7.

Dans ce contexte, le CESE estime pouvoir jouer un rôle utile en tant qu’intermédiaire entre législateurs et usagers de la législation de l’Union européenne. Pour sa part, le CESE adapte en permanence ses méthodes de travail. Il a ainsi récemment décidé de prendre une part active à l’évaluation du cycle législatif en menant ses propres évaluations a posteriori de l’acquis de l’Union.

2.   Introduction

2.1.

Le 21 décembre 2016, M. Pietro Russo, membre de la Cour des comptes européenne (CdCE), a informé par lettre le vice-président du CESE, M. Michael Smyth, que des contacts seront établis au niveau administratif concernant une analyse panoramique lancée par la CdCE sur le contrôle de l’application du droit de l’Union européenne effectué par la Commission européenne et ce, conformément à ses obligations. L’examen demandé par la CdCE repose sur l’article 17, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne (TUE) aux termes duquel «la Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne […]».

2.2.

Le 3 mai 2017, M. Leo Brincat, membre de la Cour, a remis au secrétaire général du CESE un document comportant trois séries de questions.

2.3.

Au regard de l’importance politique du dossier, le secrétaire général du CESE en a informé le Bureau, lequel a décidé de créer un groupe ad hoc de trois membres, chargé de rédiger une réponse sous forme d’avis d’initiative sur la base de l’article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur du CESE. La CdCE doit recevoir la contribution du CESE afin de l’intégrer dans son propre rapport, prévu pour mai 2018.

2.4.

En substance, la CdCE souhaite entendre le CESE sur la question de savoir si les actions entreprises par la Commission européenne pour faire respecter le droit de l’Union européenne répondent aux préoccupations des citoyens européens. La CdCE souhaite connaître les aspects spécifiques du contrôle de l’application de la législation qui retiennent plus particulièrement l’attention du CESE.

3.   Les questions de la Cour

3.1.

La CdCE formule trois ensembles de questions visant à connaître la position du CESE en ce qui concerne:

a)

les initiatives clés lancées par la Commission en vue d’une meilleure application du droit de l’Union européenne («Mieux légiférer» et le «Le droit de l’UE: une meilleure application pour de meilleurs résultats»), notamment sur la pertinence des initiatives, les réactions de la société civile et les éventuels premiers effets positifs de ces initiatives);

b)

les thématiques clés liées à une meilleure application du droit de l’Union européenne, notamment sur l’applicabilité, la transparence et la sensibilisation du public en matière de droit de l’Union européenne;

c)

les responsabilités clés de la Commission en matière de meilleure application du droit de l’Union européenne, notamment l’usage que le CESE fait des informations et rapports produits par la Commission (1), les éléments et suggestions du CESE sur la manière d’améliorer l’établissement des rapports sur l’application du droit.

3.2.

Les réponses apportées par le présent avis, qui n’a pas la prétention d’être exhaustif, reposent sur des positions formulées dans de nombreux avis du CESE (2).

4.   Observations générales

4.1.

Les objectifs de l’Union figurent à l’article 3 du TUE. En particulier, «elle promeut le développement durable de l’Europe, fondé sur une croissance économique équilibrée, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. […] Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres».

4.2.

Dans ce contexte, le CESE rappelle l’importance des principes déjà définis pour établir une législation appropriée afin d’atteindre les objectifs évoqués ci-dessus. Il s’agit entre autres des principes de bonne mise en œuvre dans les temps, de subsidiarité et de proportionnalité, du principe de précaution, de prévisibilité, du «think small first», de la dimension externe de la compétitivité et du test du marché intérieur (3).

5.   Observations particulières

5.1.

Sur les initiatives clés lancées par la Commission en vue d’une meilleure application du droit de l’UnionMieux légiférer» (4) et «Le droit de l’UE: une meilleure application pour de meilleurs résultats» (5)]

5.1.1.

La question du «Mieux légiférer» occupe depuis longtemps le CESE qui y a consacré un nombre important d’avis et de rapports d’information (6), ainsi que de nombreux débats, séminaires, études et auditions (7).

5.1.2.

S’agissant de l’application des principes du programme «Mieux légiférer», le CESE considère que la réglementation n’est pas en elle-même un obstacle et que, au contraire, elle est essentielle pour atteindre les objectifs fixés par le traité. Le Comité se félicite, dès lors, que le vice-président Timmermans ait rappelé à plusieurs reprises que le programme REFIT ne pouvait conduire à une déréglementation ni avoir pour effet de réduire le niveau de protection sociale, la protection de l’environnement et les droits fondamentaux (8).

5.1.3.

Le CESE estime qu’améliorer la réglementation et en faire une réglementation intelligente est une tâche qui relève de la responsabilité commune de l’ensemble des institutions européennes et des États membres dans l’intérêt des citoyens, des entreprises, des consommateurs et des travailleurs. Le CESE souligne cependant que l’amélioration de la réglementation ne se substitue pas aux décisions politiques.

5.1.4.

Ainsi, dans l’avis qu’il a émis sur la communication intitulée «Améliorer la réglementation», le CESE (9):

s’est félicité que les mesures visant à améliorer la réglementation portent sur le cycle de vie complet d’un acte législatif et qu’elles englobent dès lors tant des mesures ex ante que des mesures ex post,

a demandé l’inclusion des organes consultatifs de l’Union européenne dans l’accord interinstitutionnel sur l’amélioration de la réglementation,

a soutenu une participation de toutes les parties prenantes par le biais de consultations tout au long du cycle de vie d’une initiative politique,

a souligné la nécessité de choisir les parties prenantes pertinentes et a demandé que la sélection des experts des différents organes se fasse en toute indépendance, impartialité et transparence,

a réclamé davantage de transparence s’agissant des trilogues informels et a plaidé pour un recours limité à cet instrument,

a invité la Commission à mettre davantage l’accent sur les lacunes que présentent la transposition et la mise en œuvre de la législation européenne dans les États membres et a préconisé, en conséquence de recourir aux règlements plutôt qu’aux directives.

5.1.5.

D’autre part, en acceptant l’invitation qui lui a été adressée par la Commission pour prendre part à la plateforme REFIT et en formulant des propositions destinées à améliorer le fonctionnement de cette plateforme (10), le CESE a montré son engagement en faveur d’un cadre juridique de l’Union permettant aux entreprises et aux citoyens de bénéficier des atouts du marché intérieur et d’éviter des charges administratives inutiles.

5.1.6.

Dans le cadre de sa participation au groupe de réflexion des parties intéressées de la plateforme REFIT, le CESE a activement contribué à la rédaction de plusieurs avis de la plateforme, qui ont alimenté le programme de travail annuel de la Commission et continueront de le faire. Les priorités du CESE ont été définies sur base des éléments fournis par ses sections et incluaient, entre autres, une proposition de simplification en ce qui concerne des problèmes de chevauchement et d’exigences répétitives découlant de différents actes juridiques de l’Union, ainsi que la nécessité des normes européennes claires et complètes pour les produits de la construction (règlement sur les produits de la construction). Le Comité a également contribué à élaborer une liste complète de suggestions relatives à la manière d’améliorer les mécanismes de consultation des parties prenantes par la Commission européenne, qui contribuera à la révision en cours des lignes directrices et de la boîte à outils pour une meilleure réglementation.

5.2.

Sur les thématiques clés liées à une meilleure application du droit de l’Union européenne (applicabilité de la législation, transparence et sensibilisation du public)

5.2.1.   Applicabilité

5.2.1.1.

Le CESE adapte en permanence ses méthodes de travail pour contribuer à apprécier la qualité de l’application du droit de l’Union européenne. Il y a moins de deux ans, il a décidé de prendre une part active à l’évaluation du cycle législatif en menant ses propres évaluations a posteriori de l’acquis de l’Union.

5.2.1.2.

Le CESE (11) est d’avis que l’applicabilité du droit de l’Union européenne doit être prise en compte dès le début de ce cycle législatif, au moment des études d’impact. Malgré les progrès déjà réalisés, l’écosystème européen en matière d’analyse d’impact (AI) doit encore évoluer. Le CESE propose plusieurs pistes d’amélioration afin de renforcer la qualité de l’AI, parmi lesquelles un cahier des charges pour des études en matière d’AI qui soit transparent, accessible et pluraliste, un élargissement du registre européen des AI, la nécessité d’une approche qualitative et d’une approche méthodologique convergente au niveau de la matrice de recherche de l’AI entre les différentes institutions européennes. Le CESE devrait aussi, à l’avenir, analyser certaines études d’impact (celles concernant des thématiques ou l’institution a une position forte), passer en revue les aspects méthodologiques et donner un avis sur la prise en compte éventuelle des dimensions économiques, sociales, environnementales ou territoriales au stade le plus avancé du cycle législatif. Ce travail permettrait également de faciliter l’élaboration des éventuels avis consultatifs du CESE liés aux projets législatifs préparés par ces mêmes analyses d’impact.

5.2.1.3.

Pour le CESE (12), l’objectif de la législation européenne doit toujours être de créer un cadre juridique permettant aux entreprises et aux citoyens de bénéficier des atouts du marché intérieur et d’éviter des charges administratives inutiles. Le CESE estime dès lors que le contrôle de l’application sur le terrain est essentiel. Il se prononce en outre en faveur d’une législation qui s’adapte.

5.2.1.4.

La législation européenne doit être ferme quant à sa finalité, toujours cohérente avec les objectifs énoncés dans le traité et flexible dans le cadre de sa transposition dans le droit national (13). Dans ce contexte, le CESE se prononce en faveur d’une clarification des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

5.2.1.5.

Le CESE note par ailleurs que ce n’est pas seulement le contenu de la législation mais le processus législatif même qui doivent pouvoir s’adapter pour correspondre aux besoins des entreprises et des citoyens (14). Dans ce contexte, le CESE préconise (15):

a)

une application plus stricte des principes du programme «Mieux légiférer»;

b)

la transparence à tous les niveaux de la formation du droit;

c)

le développement d’un système d’accompagnement plus systématique dans le contexte de la transposition des directives au niveau national;

d)

la prise en considération du rôle et des pouvoirs renforcés conférés par les traités aux parlements nationaux;

e)

un recours plus fréquent de la Commission à ses communications interprétatives;

f)

un effort accru au niveau de la simplification de la législation et de la codification.

5.2.1.6.

La majeure partie des difficultés d’application et de mise en œuvre du droit de l’Union européenne résulte du défaut de transposition des directives. Aussi le CESE préconise-t-il généralement dans ses avis l’utilisation de règlements plutôt que de directives (16).

5.2.1.7.

De même, dans le cadre de REFIT, la Commission avait annoncé que des consultations devraient avoir lieu pour les évaluations, les bilans de qualité et l’élaboration des actes délégués et des actes d’exécution. À cet égard, la Commission devrait aussi mieux prendre en compte les avis du comité d’examen de la réglementation (CER) de la Commission européenne, qui a désormais aussi compétence pour les évaluations a posteriori.

5.2.1.8.

Le CESE estime qu’améliorer la manière dont la Commission procède à la consultation des parties prenantes est essentiel pour l’élaboration de législation qui est facilement mise en œuvre par les États membres et les parties prenantes. À ce propos, il a déjà formulé des propositions en vue d’améliorer d’une manière structurelle le processus de consultation et d’en assurer le suivi (17).

5.2.1.9.

Le CESE a eu l’occasion de déplorer que les mesures du programme «Mieux légiférer» ne prennent pas suffisamment en compte le rôle, la fonction et la représentativité du CESE tels qu’ils sont définis dans les traités et, partant, qu’ils passent à côté de la possibilité de recourir à l’expertise et à la compétence de ses membres et d’apprécier à leur juste valeur les missions dont il est investi. Malheureusement, le fait que le CESE participe à la plateforme REFIT (phase ex post) ne reflète pas de façon suffisante ses missions et ses responsabilités s’agissant du renforcement de la légitimité démocratique et de l’efficacité des institutions (18).

5.2.1.10.

Le CESE considère que l’application de l’acquis de l’Union européenne souffre aussi souvent d’un manque de volonté politique des autorités nationales pour respecter et faire respecter les dispositions juridiques considérées comme «étranges» par rapport à leur corpus juridique et à leurs traditions nationales, et de la tendance persistante à vouloir ajouter aux dispositions juridiques de l’Union européenne de nouveaux dispositifs réglementaires inutiles ou à choisir certaines parties de celles-ci et à en négliger d’autres (19).

5.2.1.11.

Enfin, le CESE estime que le système EU Pilot (un dialogue informel entre la Commission et les États membres sur le non-respect du droit de l’Union européenne avant le lancement d’une procédure d’infraction formelle) est une autre étape dans la bonne direction, mais son fonctionnement doit encore être évalué. Par ailleurs, ce système ne doit pas être utilisé pour remplacer les procédures d’infraction.

5.2.2.   Transparence

5.2.2.1.

Le CESE (20) est convaincu que toute législation doit être le résultat de délibérations politiques publiques. Il juge que le processus législatif européen mériterait d’être revu dans le cadre du traité de Lisbonne et, si nécessaire, dans le cadre d’un nouveau traité pour que les politiques européennes fournissent de meilleurs résultats. Le CESE souhaite mettre en lumière la qualité, la légitimité, la transparence et la nature inclusive de la législation.

5.2.2.2.

Les réunions des formations du Conseil fonctionnant selon le vote à la majorité qualifiée devraient être publiques dans un souci de transparence et de démocratie. Le CESE est d’avis que la procédure législative accélérée dans le cadre du trilogue ne devrait être appliquée qu’aux seuls cas d’urgence, ce qui est d’ailleurs conforme aux termes du traité (21).

5.2.2.3.

Contrairement aux commissions du Parlement européen, les réunions du trilogue ne sont ni transparentes ni accessibles. Limiter la procédure législative à une seule lecture équivaut à restreindre la participation de la société civile (22).

5.2.2.4.

Le Parlement européen, mais aussi les organes tels que le Comité européen des régions (CdR) et le CESE, doivent être mieux intégrés dans le cycle du semestre européen (23).

5.2.2.5.

S’agissant des actes délégués, la Commission européenne devrait apporter plus de transparence à sa prise de décision (voir l’article 290 du TFUE), ce que le Comité a souligné à plusieurs reprises (24).

5.2.2.6.

En outre, le fait de multiplier la dénomination des agendas et programmes («Mieux légiférer», «Réglementation intelligente», «Think Small First», etc.) a entraîné une certaine confusion. La hiérarchie de ces programmes et de ces projets ainsi que leur interaction devraient être clarifiées afin que le public comprenne à qui ils s’adressent (25).

5.2.2.7.

De plus, dans l’intérêt de la transparence et de la légitimité, le CESE a demandé (26) que les consultations de la Commission s’effectuent sans préjudice du dialogue civil structuré (article 11, paragraphe 2, du TUE) ou des consultations ayant lieu dans des cadres spécifiques, telles que la consultation des partenaires sociaux menée dans le cadre du dialogue social (article 154 du TFUE) ou de la consultation des organes consultatifs tels que le CESE (article 304 du TFUE).

5.2.3.   Sensibilisation du public

5.2.3.1.

Il est nécessaire de renforcer et d’améliorer la communication envers le public. La communication suscite l’intérêt, qui est à son tour source de compréhension. Le soi-disant nouveau narratif pour l’Europe devrait commencer par une stratégie de communication et de simplification partagée par la Commission et les États membres. À cet égard, il semble utile de réitérer ce sur quoi le CESE avait insisté en son temps dans son avis sur «L’Acte pour le marché unique», à savoir que les partis politiques, les médias, les établissements d’enseignement et tous les acteurs concernés ont une responsabilité historique en rapport avec la capacité de l’Union européenne à relever avec succès les défis d’une planète mondialisée sur la base des valeurs qui étaient jusqu’à présent celles de nos économies sociales de marché (27).

5.2.3.2.

Les réseaux de soutien mis en place par la Commission sont encore trop peu connus; c’est particulièrement vrai pour le réseau SOLVIT, lequel vise à aider les citoyens ou les entreprises de l’Union européenne lorsque leurs droits ne sont pas respectés par l’administration publique d’un autre État membre. Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission visant à mieux promouvoir ce réseau.

5.2.3.3.

Une solution possible (28) consisterait en ce que la Commission informe davantage le public à propos des infractions car, en définitive, ce sont les gouvernements des États membres qui transposent mal, pas du tout ou tardivement, le droit. Ce sont eux qui ont approuvé les réglementations concernées au sein du Conseil. Ce sont eux qui sont responsables des lacunes généralisées dans la mise en œuvre du droit européen qui sont constatées année après année dans les rapports relatifs à son application. La Commission devrait en outre examiner systématiquement quelles mesures sont essentielles pour modifier radicalement la situation actuelle, et prendre en compte des propositions antérieures du CESE (29) en la matière.

5.3.

Sur les responsabilités clés de la Commission en matière de meilleure application du droit de l’Union européenne (contrôle de l’application du droit de l’Union européenne (30) et respect de ce même droit par les États membres)

5.3.1.

La question du contrôle de l’application du droit de l’Union européenne préoccupe évidemment le CESE qui lui a consacré des avis spécifiques (31). Il a également traité de la question dans des avis sur d’autres thématiques («Règlementation Intelligente», «Mieux légiférer», «REFIT», etc.) et lors d’auditions et séminaires consacrés au sujet (notamment dans le cadre de son observatoire du marché unique).

5.3.2.

Dans ce contexte, le CESE a souvent invité la Commission à lui soumettre son rapport annuel pour avis afin de prendre en compte le point de vue de la société civile organisée en ce qui concerne la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne et de soutenir ainsi l’application du droit dans l’Union européenne (32).

5.3.3.

Le CESE estime en effet qu’il peut jouer un rôle utile en tant qu’intermédiaire entre législateurs et usagers de la législation de l’Union européenne. Il peut, par exemple, apporter une contribution spécifique au rapport d’initiative du Parlement européen sur le rapport annuel relatif à la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne par les États membres en ciblant les ajouts apportés par les États membres lors de la transposition (33).

5.3.4.

Par ailleurs, le CESE (34) a suggéré des mesures visant à améliorer la transposition des directives, notamment:

anticiper le choix de l’instrument normatif de transposition,

accélérer le processus de transposition dès la publication de la directive au Journal officiel, en confiant la coordination interne à un point de contact interne qui détiendrait une base de données établie à cet effet,

privilégier la transposition par recopie lorsqu’il s’agit de dispositions précises et inconditionnelles ou de définitions,

admettre la transposition par renvoi ciblé aux dispositions prescriptives/inconditionnelles de la directive telles que les listes, les tableaux recensant les produits, substances et objets visés par la directive, les modèles de formulaire, les certificats contenus en annexe,

adapter les procédures nationales de transposition selon la portée de la directive en recourant à des procédures accélérées sans négliger pour autant les consultations internes obligatoires liées à l’adoption de textes normatifs.

5.3.5.

De même, le CESE estime qu’un suivi adéquat des affaires européennes dans les États membres serait particulièrement utile à la Commission et contribuerait à la qualité de son action (35).

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir le rapport de la Commission sur le contrôle de l’application du droit de l’Union européenne, rapport annuel 2015 [COM(2016) 463 final].

(2)  JO C 132 du 3.5.2011, p 47, JO C 18 du 19.1.2011, p. 100, JO C 277 du 17.11.2009, p. 6, JO C 248 du 25.8.2011, p. 87, JO C 24 du 31.1.2006, p. 52, JO C 325 du 30.12.2006, p. 3, JO C 43 du 15.2.2012, p. 14, JO C 230 du 14.7.2015, p. 66, JO C 383 du 17.11.2015, p. 57, JO C 13 du 15.1.2016, p. 192, JO C 303 du 19.8.2016, p. 45, JO C 487 du 28.12.2016, p. 51.

(3)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 51 (paragraphe 2.14).

(4)  COM(2016) 615 final.

(5)  JO C 18 du 19.1.2017, p. 10.

(6)  Voir notamment les avis «Améliorer la réglementation» (rapporteur: M. Dittmann, JO C 13 du 15.1.2016, p. 192), «Évaluation de la consultation des parties prenantes par la Commission européenne» (rapporteur: M. Lannoo, JO C 383 du 17.11.2015, p. 57), «Programme REFIT» (rapporteur: M. Meynent, JO C 303 du 19.8.2016, p. 45), «Mieux légiférer: actes d’exécution et actes délégués» (rapport d’information non publié au JO, rapporteur: M. Pegado Liz).

(7)  Citons à titre d’exemple, la Journée européenne du consommateur 2016 sur le thème «Améliorer la réglementation pour les consommateurs?», le débat avec le vice-président, Frans Timmermans, lors la session plénière du 18 mars 2017, l’étude «Mise en œuvre de l’objectif “Mieux légiférer” — l’effet du rapport Stoiber», ou encore la Journée de la société civile 2015 sur le thème «Le dialogue civil: un outil pour mieux légiférer dans l’intérêt général».

(8)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 45 (paragraphe 2.2).

(9)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 192.

(10)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 45 (paragraphe 2.12.1).

(11)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 11, paragraphe 4.6.1.

(12)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 51 (paragraphe 1.7).

(13)  Idem (paragraphe 1.11).

(14)  Idem (paragraphe 2.7).

(15)  JO C 248 du 25.8.2011, p. 87 (paragraphe 3.6).

(16)  JO C 204 du 9.8.2008, p. 9 (paragraphe 2.1).

(17)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 57.

(18)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 192 (paragraphe 2.6).

(19)  JO C 18 du 19.1.2011, p. 100 (paragraphe 3.5).

(20)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 51 (paragraphes 1.9 et 2.6).

(21)  Idem (paragraphe 3.11).

(22)  Idem (paragraphe 3.15).

(23)  Idem (paragraphe 3.16).

(24)  Idem (paragraphe 3.17).

(25)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 66 (paragraphe 5.2).

(26)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 57 (paragraphe 2.1.2).

(27)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 47 (paragraphe 1.7).

(28)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 192 (paragraphe 4.4.9).

(29)  JO C 230 du 14.7.2015, p. 66.

(30)  COM(2016) 463 final.

(31)  JO C 204 du 9.8.2008, p. 9 et JO C 347 du 18.12.2010, p. 62.

(32)  JO C 347 du 18.12.2010, p. 62 (paragraphe 1.10).

(33)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 45 (paragraphe 3.2.4).

(34)  JO C 204 du 9.8.2008, p. 9 (paragraphe 5).

(35)  JO C 325 du 30.12.2006, p. 3 (paragraphe 6.1.13).


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

529e session plénière du CESE des 18 et 19 octobre 2017

2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/88


Avis du Comité économique et social européen sur le Paquet «Conformité»

a) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d’action pour le renforcement de SOLVIT: faire profiter les citoyens et les entreprises des avantages du marché unique

[COM(2017) 255 final — SDW(2017) 210 final]

b) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un portail numérique unique pour donner accès à des informations, des procédures et des services d’assistance et de résolution de problèmes, et modifiant le règlement (UE) no 1024/2012

[COM(2017) 256 final — 2017/0086 (COD)]

c) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant les conditions et la procédure qui permettent à la Commission de demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir des renseignements en rapport avec le marché intérieur et des domaines connexes

[COM(2017) 257 final — 2017/0087 (COD)]

(2018/C 081/12)

Rapporteur:

Bernardo HERNÁNDEZ BATALLER

Consultation

a)

Commission européenne, 5 juillet 2017

b)

Parlement européen, 12 juin 2017

Conseil, 14 juin 2017

c)

Parlement européen, 31 mai 2017

Conseil, 10 octobre 2017

Base juridique

a)

Article 304 du TFUE

b)

Article 21, paragraphe 2, article 48 et article 114, paragraphe 1, du TFUE

c)

Article 43, paragraphe 2, article 91, article 100, article 114, article 192, article 194, paragraphe 2, et article 337 du TFUE

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

184/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille avec satisfaction les plans d’action de la Commission européenne visant à créer une culture de la conformité aux règles du marché unique et de leur mise en œuvre intelligente, en tant que celui-ci offre de nombreuses possibilités aux personnes qui désirent vivre et travailler dans un autre État membre ainsi qu’aux entreprises qui souhaitent élargir leurs marchés.

1.2.

Le CESE soutient le plan d’action de la Commission destiné à améliorer la qualité et l’efficacité du réseau SOLVIT. Il recommande en outre à la Commission de faire davantage connaître le réseau, en étroite collaboration avec l’ensemble des organisations de la société civile, afin que l’on puisse bénéficier dans une plus large mesure des services offerts par SOLVIT, auxquels les entreprises devraient recourir davantage dans le cadre des libertés économiques offertes par le marché unique. Aussi importe-t-il de renforcer cet instrument.

1.3.

Le CESE est favorable à l’initiative figurant dans la proposition de règlement relatif à un portail numérique unique, visant à procurer aux citoyens et aux entreprises un accès aisé à des informations complètes. Il se félicite que ce portail donne accès à des informations, des procédures et des services d’assistance et de résolution de problèmes de manière efficace, sur la base de l’application des principes de la transmission unique d’informations («une fois pour toutes») et de «l’approche à l’ensemble de l’échelle de l’administration».

1.4.

Pour ce qui est de la proposition de règlement fixant les conditions et la procédure qui permettent à la Commission de demander des renseignements, il existe des divergences de vues entre les différentes organisations de la société civile, certaines s’y montrant favorables, alors que d’autres, comme celles qui représentent les entreprises, affichent de sérieuses préoccupations. Aussi le CESE demande-t-il, dans l’hypothèse où la proposition de règlement serait approuvée dans les délais prévus, que la Commission recoure à cet outil, en respectant au maximum le principe de proportionnalité, pour les cas présentant une forte dimension transfrontière, en cas de nécessité et dans le respect des droits fondamentaux des parties intéressées, en particulier pour ce qui est de la protection des données confidentielles. En ce qui concerne les renseignements dont la Commission européenne dispose pour traiter les obstacles au marché unique, il existe déjà de vastes canaux d’information, auxquels il pourrait être envisagé de recourir plus en profondeur et de manière plus systématique afin de recenser lesdits obstacles, y compris le non-respect de la législation de l’Union européenne. En tout état de cause, le CESE espère qu’il sera obligatoire de procéder à une évaluation du fonctionnement du règlement dans un délai de cinq ans.

1.5.

Le CESE encourage les États membres de l’Union européenne à faire davantage de progrès en matière de gouvernance électronique, tout particulièrement dans le domaine de la reconnaissance de l’identité électronique et des documents d’identité étrangers, étant donné que l’évaluation des services prestés n’est pas des plus appropriée.

1.6.

Le CESE demande à la Commission de faire participer la société civile au processus, en tirant parti de ses activités et des résultats de ses travaux, en tant que moyen d’évaluer la situation du marché intérieur de l’Union européenne. En tout état de cause, les organisations qui composent le CESE disposent de l’expertise, des moyens et de la capacité pour collaborer à la mise en œuvre de SOLVIT, en vue d’intensifier les activités de sensibilisation le concernant et d’assurer un contrôle de sa qualité dans le cadre de la proposition relative à un portail numérique unique. Il conviendra de mettre toutes ces activités en œuvre tout en continuant de contribuer à la réalisation des évaluations qui seront jugées appropriées.

2.   Propositions de la Commission

2.1.

Dans leur déclaration commune sur les priorités législatives de l’Union européenne pour 2017, présentée le 13 décembre 2016, le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne ont rappelé leur engagement à promouvoir l’application correcte de la législation en vigueur. À cette même date, la Commission a présenté sa communication intitulée «Le droit de l’Union européenne: une meilleure application pour de meilleurs résultats», où elle établit la manière dont elle intensifiera ses efforts pour garantir l’application de la législation de l’Union européenne au bénéfice de tous. Plus précisément, dans sa «Stratégie pour le marché unique», la Commission a fixé ses 10 priorités destinées à créer une culture du respect des règles du marché unique, en insistant particulièrement sur le renforcement de SOLVIT.

2.2.

SOLVIT existe à l’heure actuelle (1) sous la forme d’un réseau de centres établis par les États membres (de l’Union et de l’Espace économique européen) au sein de leur administration nationale, en tant que moyen rapide et informel de résoudre les problèmes auxquels les particuliers et les entreprises se heurtent dans l’exercice des droits que leur confère le marché intérieur.

2.2.1.

Les «cas SOLVIT» regroupent tous les problèmes transfrontaliers résultant d’une infraction présumée au droit de l’Union relatif au marché intérieur commise par une autorité publique, pour autant que ces problèmes ne fassent pas l’objet d’une action en justice au niveau national ou au niveau de l’Union européenne.

2.2.2.

SOLVIT fait partie de l’administration nationale et n’intervient qu’à titre informel. Il ne peut intervenir dans les cas concernant:

des problèmes entre entreprises,

les droits des consommateurs,

les indemnisations pour dommages et intérêts,

les actions en justice.

2.3.

Le paquet «Conformité» de la Commission se compose des documents suivants:

2.4.

Plan d’action pour le renforcement de SOLVIT (2).

2.4.1.

La Commission s’est engagée à prendre, avec les États membres, de nouvelles mesures pour renforcer le rôle stratégique de SOLVIT afin que le marché unique fonctionne mieux dans la pratique pour les citoyens et les entreprises.

2.4.2.

Il complète les objectifs du «socle européen des droits sociaux» et les initiatives qui y sont liées, signe de ce que la première priorité de l’actuelle Commission est de promouvoir l’équité et les possibilités en matière sociale au sein de l’Union européenne.

2.4.3.

L’objectif de cette communication est de promouvoir SOLVIT de trois manières:

i.

en poursuivant l’amélioration de sa qualité,

ii.

en intensifiant les activités de sensibilisation,

iii.

en renforçant son rôle dans le contrôle de l’application du droit de l’Union européenne.

2.4.4.

De manière générale, des activités de sensibilisation plus stratégiques concernant SOLVIT et le développement d’une coopération plus structurée avec les organisations intermédiaires et les réseaux importants rehausseront le rôle de SOLVIT dans la fourniture d’un retour d’information et de données utiles sur la manière dont le marché unique fonctionne dans la pratique: avec une «masse critique» de dossiers plus importante, concernant davantage d’entreprises.

2.4.5.

Dans le droit fil du plan d’action de l’Union européenne pour l’administration en ligne, la Commission examinera l’applicabilité du principe de la transmission unique d’informations («une fois pour toutes»), qui éviterait aux citoyens et entreprises souhaitant introduire une plainte pour la première fois auprès de la Commission, après que leur cas SOLVIT a été clos sans solution, de devoir transmettre à nouveau les informations déjà détenues par SOLVIT.

2.5.

Proposition de règlement établissant un portail numérique unique (3).

2.5.1.

La proposition de règlement vise à établir des règles permettant la mise en place et l’exploitation d’un portail numérique unique procurant aux citoyens et aux entreprises un accès aisé à des informations complètes et de qualité, à des services efficaces d’assistance et de résolution de problèmes, de même qu’à des procédures efficaces relatives aux règles qui, au niveau national ou au niveau de l’Union, s’appliquent aux citoyens et aux entreprises lorsque ceux-ci exercent ou ont l’intention d’exercer les droits qu’ils tirent du droit de l’Union dans le contexte du marché intérieur.

2.5.2.

Elle propose également de faciliter l’utilisation des procédures par des utilisateurs d’autres États membres, encourage l’application du principe «une fois pour toutes» et définit des règles permettant de faire rapport sur les obstacles qui entravent le marché intérieur sur la base des avis d’utilisateurs recueillis, d’informations sur le fonctionnement du marché intérieur et de statistiques provenant des services proposés par l’intermédiaire du portail.

2.5.3.

Les annexes à la proposition comprennent une liste de 13 procédures de base à destination des citoyens et des entreprises qui s’établissent dans un autre État membre et une liste des services d’assistance et de résolution de problèmes mis en place par des actes contraignants de l’Union auxquels les utilisateurs devraient avoir accès par l’intermédiaire du portail.

2.5.4.

Domaines d’information se rapportant aux citoyens: voyages dans l’Union; travail et retraite dans l’Union; véhicules dans l’Union; séjour dans un autre État membre; études ou stage dans un autre État membre; soins de santé; droits, obligations et règles applicables concernant la famille en situation transfrontière; et consommateurs dans un contexte transfrontière.

2.5.5.

Domaines d’information se rapportant aux entreprises: démarrage et gestion d’une entreprise, et cessation d’activité; personnel; fiscalité; services; biens; financement d’une entreprise; marchés publics; santé et sécurité au travail.

2.6.

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant les conditions et la procédure qui permettent à la Commission de demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir des renseignements en rapport avec le marché intérieur et des domaines connexes (4).

2.6.1.

La proposition de règlement vise à aider la Commission à surveiller et contrôler l’application des règles du marché intérieur en lui permettant d’obtenir en temps utile des informations quantitatives et qualitatives complètes et fiables auprès d’acteurs du marché sélectionnés au moyen de demandes de renseignements très ciblées.

2.6.2.

La proposition, qui exclut de son champ d’application les «microentreprises», n’impose aucune charge administrative supplémentaire, dans la mesure où elle prévoit une procédure exceptionnelle et complémentaire aux fins de l’obtention des informations nécessaires dans les cas où il pourrait exister des obstacles au fonctionnement du marché intérieur. L’outil d’information créé par cette initiative constitue une mesure de dernier ressort à utiliser une fois que tous les autres moyens d’obtenir des renseignements se sont révélés vains.

2.6.3.

La proposition définit la procédure à suivre pour demander lesdits renseignements, la décision justifiant cette demande, les modalités de protection des informations confidentielles et du secret professionnel, ainsi que la possibilité d’imposer des amendes en cas d’absence délibérée de réponse ou lorsque les entreprises, par négligence grave, fournissent des renseignements inexacts, incomplets ou dénaturés. Sont précisées dans tous les cas les mesures régissant le pouvoir de contrôle juridictionnel de la Cour de justice.

2.6.4.

Selon la proposition, disposer d’informations solides sur les dysfonctionnements dans le marché unique permettrait à la Commission et aux autorités nationales de garantir un degré plus élevé de respect des règles du marché intérieur et une meilleure conception des politiques de l’Union européenne. D’après la Commission, cela permettrait de renforcer la confiance des consommateurs dans le marché unique et de contribuer à la réalisation de son potentiel.

3.   Observations générales

3.1.

Le Comité souligne la nécessité d’introduire certains éléments dans le paquet «Conformité» présenté par la Commission pour renforcer la légitimité de cette proposition législative, répondre aux attentes de toutes les institutions et organes qui participeront à sa mise en œuvre future et assurer son application efficace dans tous les États auxquels elle est destinée.

3.2.

L’objectif principal de ce «paquet», à savoir le renforcement de SOLVIT, a été réclamé tant par les États membres, au moyen de demandes explicites faites à la Commission par le Conseil «Compétitivité», que par le Parlement européen, ce qui confère à la proposition législative à l’examen une solide base de légitimité démocratique.

3.2.1.

Il serait pertinent d’élargir et de préciser le champ des responsabilités et les fonctions des organes et institutions chargés de veiller à l’application future du cadre législatif à l’examen, et plus concrètement à celle du règlement fixant les conditions et la procédure qui permettent à la Commission de demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir des renseignements en rapport avec le marché intérieur et des domaines connexes.

3.2.2.

À cet égard, le Comité souligne la nécessité de recentrer la proposition de la Commission, étant donné que, d’une part, elle ne comporte aucune référence au rôle du Comité dans la phase de mise en œuvre du règlement et que, d’autre part, il semble que son but principal est de renforcer le rôle de la Commission dans le cadre de la procédure administrative préalable à l’introduction du recours en manquement.

3.2.2.1.

En premier lieu, cette proposition affaiblit la légitimité de la subsidiarité opérationnelle de l’Union en ce qu’elle écarte le Comité de l’accomplissement de tâches pour lesquelles les traités lui confèrent expressément des compétences et auxquelles il a consacré avec succès une partie non négligeable de son activité.

3.2.2.2.

Le CESE dispose de l’expertise, des moyens et de la capacité pour contribuer à une sensibilisation plus large au fonctionnement de SOLVIT. Or, il est également exclu de toute forme de coopération dans le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre des règlements proposés.

3.2.2.3.

Il y a lieu de modifier cette approche de la proposition relative à un portail numérique unique parce que, en son état actuel, elle ne s’inscrit pas dans la dimension institutionnelle de l’article 11, paragraphe 2, du TUE, restreint le rôle du Comité en tant que représentant des intérêts de la société civile organisée et contrevient au principe même de la démocratie participative dans sa dimension fonctionnelle, en rendant moins efficace la mise en œuvre future du règlement.

3.2.2.4.

Le portail numérique unique doit contribuer à accélérer la mise en œuvre d’une administration en ligne efficace, interopérable et universellement accessible. Le CESE est favorable à l’application du principe de la transmission unique d’informations («une fois pour toutes») et rappelle le bien-fondé du principe de «l’approche à l’ensemble de l’échelle de l’administration» (5), qui consiste en une collaboration entre les différents organismes publics au-delà des limites de leur domaine de compétence respectif pour fournir au demandeur une réponse intégrée par une seule instance.

3.2.3.

En second lieu, la partie III du plan d’action pour le renforcement de SOLVIT contient d’importantes mesures visant à renforcer le rôle de ce réseau en tant qu’outil veillant à l’application du droit de l’Union européenne, en réponse aux appels répétés du Conseil «Compétitivité» et du Parlement européen.

3.3.

Il est également nécessaire de formuler plusieurs observations visant à garantir la mise en œuvre la plus efficace possible de la proposition de la Commission.

3.3.1.

En premier lieu, en ce qui concerne l’intention de promouvoir SOLVIT, il conviendrait de traiter deux questions qui ne figurent pas dans le plan d’action de la Commission.

3.3.2.

D’une part, avec le retrait du Royaume-Uni de l’Union, dont le délai d’exécution est prévu pour le milieu d’année 2019, la notion de «marché» visée dans la partie II dudit plan subira un rétrécissement substantiel. Si, à cette date, l’accord régissant les relations bilatérales entre le Royaume-Uni et l’Union européenne n’a pas été conclu, et si cet État ne fait pas partie de l’Espace économique européen, son administration sera automatiquement déchargée de toute obligation relative à la mise en œuvre du plan, ce qui portera préjudice aux ressortissants britanniques et aux citoyens des États dans lesquels le réseau des centres SOLVIT est actif.

3.3.3.

D’autre part, dès lors que le droit de l’Union européenne, et plus particulièrement ses libertés économiques fondamentales, ont un champ d’application extraterritorial, qui fait que les avantages et les obligations qui en découlent s’étendent aux ressortissants d’États tiers et à leurs administrations, il conviendrait d’envisager à l’avenir, dans la mesure des possibilités, la création de centres SOLVIT et l’application de SOLVIT sur le territoire d’États avec lesquels l’Union européenne a conclu des accords internationaux reposant sur des liens particuliers, tels que prévus à l’article 218, paragraphe 6, points a) i) à a) iii), du TFUE. Il en résulterait un avantage manifeste pour les citoyens et les entreprises, y compris les citoyens de ces États tiers, ainsi qu’un meilleur respect des règles du marché intérieur.

3.4.

En second lieu, il est nécessaire de créer des incitations pour les administrations publiques des États membres qui, en raison de la fracture numérique, ou pour d’autres motifs, nécessitent plus de ressources que les autres pour mettre en œuvre le règlement concernant la création d’un portail numérique unique.

3.4.1.

La Commission pourrait envisager de proposer l’adoption d’une action tendant au renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale. Une telle mesure semble également se justifier pour inciter les entreprises intéressées, à la lumière des données présentées dans la partie III du plan d’action de la Commission, qui font apparaître des écarts disproportionnés dans le nombre de dossiers gérés par centre SOLVIT, lesquelles ne sauraient se justifier par la seule différence de poids démographique et économique entre les États participants.

3.5.

En dernier lieu, il est nécessaire de prévoir un engagement dans tous les États où est implanté le réseau SOLVIT, qui garantisse la sélection — dans le plus bref délai possible et au moyen d’appels d’offres publics et transparents — d’un personnel adéquat et stable pour traiter dûment les dossiers dans les centres du réseau.

4.   Observations particulières

4.1.   Sur SOLVIT

4.1.1.

Le CESE souscrit aux améliorations concrètes destinées à parfaire le travail de SOLVIT. Ce réseau peut effet constituer un instrument utile, dès lors qu’il offre aux citoyens et aux entreprises une plateforme à même de remédier à un large éventail de problèmes liés au marché intérieur. La Commission devrait améliorer encore davantage la visibilité globale de SOLVIT.

4.1.2.

Une meilleure application de la loi est bénéfique tant pour les citoyens que pour les entreprises. Les chiffres montrent que, au fil des ans, sur l’ensemble des cas soumis à SOLVIT, la proportion de ceux concernant les citoyens, notamment au regard de la sécurité sociale, a augmenté par rapport à ceux concernant des entreprises. D’autre part, le taux de résolution des dossiers des entreprises s’élève à 80 %, ce qui est moins que la moyenne du réseau (89 %). La Commission doit adopter les mesures qui s’imposent pour que tous les usagers puissent profiter des possibilités qu’offre le réseau. Il importe que cet instrument soit renforcé, et le CESE espère que les attentes suscitées par la feuille de route pour le renforcement de SOLVIT seront concrétisées, plus particulièrement en ce qui concerne l’introduction d’une procédure de recours pour les entreprises dans le domaine de la reconnaissance mutuelle des marchandises et la fourniture d’un soutien juridique plus direct et effectif au réseau, grâce à un dispositif renforcé de conseil juridique informel et d’outils de formation interactifs, avec la possibilité de trouver une solution aux divergences de vues.

4.2.   Sur la proposition de règlement relatif au portail numérique unique

4.2.1.

Le CESE soutient l’initiative de créer un portail numérique unique qui figure dans la proposition de règlement. Ce portail doit offrir aux citoyens et aux entreprises toutes les informations et l’assistance dont ils ont besoin pour exercer leur activité dans tout le marché intérieur. À condition d’être bien conçu, cet outil est à même d’aider aussi bien les citoyens qui vivent et travaillent dans un autre État membre de l’Union européenne que les entreprises, en particulier les PME et les jeunes entreprises, qui souhaitent recourir à l’une ou l’autre des libertés économiques dans un autre État membre.

4.2.2.

Bien souvent, les citoyens et les entreprises ne sont pas pleinement conscients de leurs droits et des possibilités qui leur sont offertes dans le cadre du marché unique. Le portail numérique unique doit améliorer les outils existants et les relier entre eux ainsi qu’aider les entreprises à accomplir les procédures et formalités administratives les plus utilisées en ligne. Il devrait faire en sorte que le marché unique soit plus transparent, tout en lui garantissant une plus grande sécurité et une plus grande prévisibilité.

4.2.3.

Il est essentiel que le portail numérique unique offre aux entreprises toutes les informations et l’assistance dont elles ont besoin pour exercer plus facilement leur activité par-delà les frontières. Cela comprend des informations actualisées et de haute qualité sur le marché, un service de résolution des problèmes et des mécanismes de règlement des différends, ainsi que des procédures électroniques destinées aux entreprises qui souhaitent développer des activités transfrontières.

4.3.   Sur la proposition de règlement relatif à un outil d’information sur le marché unique

4.3.1.

Les différentes organisations de la société civile qui composent le CESE, et tout particulièrement celles qui représentent les entreprises, ont une divergence de vues concernant la proposition de règlement fixant les conditions et la procédure qui permettent à la Commission de demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir des renseignements en rapport avec le marché intérieur.

4.3.2.

Les organisations représentant les entreprises émettent des réserves sur la proposition, car elles considèrent que celle-ci cible dans une large mesure les entreprises, alors que ce sont les États membres qui sont responsables des entraves persistantes au marché unique:

a)

une application améliorée des règles adoptées est essentielle pour que le marché unique fonctionne plus efficacement. Cela suppose de commencer par fournir aux États membres des orientations et une assistance pour la transposition et l’application des réglementations. La Commission devrait jouer un rôle plus important dans la procédure d’application, en veillant à ce que tous les opérateurs économiques respectent les règles et sans hésiter à lancer des projets pilotes ou des procédures d’infraction en cas de non-respect;

b)

en ce qui concerne les renseignements dont la Commission européenne dispose pour traiter les obstacles au marché unique, il existe déjà de vastes canaux d’information, tels que le réseau Entreprise Europe, la plateforme de règlement en ligne des litiges (RLL), la base de données TRIS (Technical Regulation Information System), le système d’information du marché intérieur (IMI) et la plateforme REFIT, auxquels il pourrait être envisagé de recourir plus en profondeur et de manière plus systématique afin de recenser les obstacles et les segmentations qui entravent le marché unique, y compris le non-respect de la législation de l’Union européenne;

c)

les entreprises manifestent leur inquiétude et leur crainte quant à l’augmentation des charges administratives liées à la nouvelle obligation de fournir, sous peine d’amendes et de sanctions, des informations commerciales confidentielles et des données sensibles sur les sociétés (politique de prix, stratégie commerciale).

4.3.3.

De leur côté, les organisations qui représentent les entités de la société civile jugent positivement la proposition de règlement, estimant qu’il est important:

a)

de permettre un accès à des données fiables parce que, en plus d’augmenter la transparence, le dispositif améliorera le fonctionnement du marché intérieur en permettant à la Commission de pouvoir disposer d’informations pertinentes, utiles, cohérentes et particulièrement significatives pour l’adoption de mesures déterminées;

b)

d’obtenir en temps utile des informations quantitatives et qualitatives complètes et fiables auprès d’acteurs du marché sélectionnés au moyen de demandes de renseignements très ciblées; et

c)

d’apporter un soutien à la Commission, s’agissant de veiller au respect des droits des citoyens et entreprises dans le marché unique et de renforcer la coopération avec les États membres.

4.3.4.

Aussi le CESE demande-t-il, dans l’hypothèse où la proposition de règlement serait approuvée dans les délais prévus, que la Commission recoure à cet outil, en respectant au maximum le principe de proportionnalité, pour les cas présentant une forte dimension transfrontière, en cas de nécessité et dans le respect des droits fondamentaux des parties intéressées, en particulier pour ce qui est de la protection des données confidentielles.

4.3.4.1.

En outre, il conviendra de reprendre dans le texte législatif la proposition d’effectuer une évaluation, qui est prévue dans l’exposé des motifs de la communication, afin que cela devienne une règle contraignante. Cette évaluation de la réglementation devra être réalisée dans un délai de cinq ans à compter de l’adoption du règlement, dans le but d’analyser le fonctionnement de ces activités de suivi.

5.   Le rôle du CESE dans le processus

5.1.

L’achèvement du marché unique et la bonne application de ses règles constituent une des principales priorités du CESE.

5.2.

Bien souvent, les citoyens et les entreprises ne sont pas pleinement conscients de leurs droits et des possibilités qui leur sont offertes dans le cadre du marché unique. Le portail numérique unique doit améliorer les outils existants et les relier entre eux ainsi qu’aider les entreprises à accomplir les procédures et formalités administratives les plus utilisées en ligne. Il devrait faire en sorte que le marché intérieur soit plus transparent, tout en lui garantissant une plus grande sécurité et une plus grande prévisibilité.

5.3.

Le CESE, en tant que représentant des organisations de la société civile, est disposé à contribuer à cette initiative. À cette fin, il offre son aide pour le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du règlement relatif au portail numérique unique.

5.4.

Le CESE demande à la Commission de collaborer étroitement avec lui en tirant parti de l’expérience et des connaissances de ses membres issus des 28 États de l’Union européenne.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Recommandation de la Commission du 17 septembre 2013 (JO L 249 du 19.9.2013, p. 10).

(2)  COM(2017) 255 final.

(3)  COM(2017) 256 final.

(4)  COM(2017) 257 final.

(5)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 99.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/95


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la surveillance et la communication des données relatives aux émissions de CO2 et à la consommation de carburant des véhicules utilitaires lourds neufs»

[COM(2017) 279 final — 2017/0111 (COD)]

(2018/C 081/13)

Rapporteur:

Dirk BERGRATH

Corapporteur:

Mihai MANOLIU

Consultation

Parlement européen, 15 juin 2017

Conseil, 22 juin 2017

Base juridique

Article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

188/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

De l’avis du CESE, tant la création de nouveaux emplois que les investissements en faveur de la réindustrialisation de l’Europe, de la croissance économique, de la transition vers une énergie propre, des nouveaux modèles d’entreprise, des technologies de pointe, de la protection de l’environnement et de la santé publique doivent constituer des objectifs centraux de la politique européenne.

1.2.

Le CESE estime que les opérateurs de transport ont gâché des occasions de réduire leur facture de carburant, laquelle représente un quart de leurs coûts d’exploitation. Le rendement énergétique constitue un critère fondamental dans les décisions d’achat de véhicules, et la baisse de la consommation a pour effet de réduire la facture des importations de carburant. Il conviendrait que l’Union européenne dispose de mécanismes de certification et de méthodes pour évaluer l’efficacité de la consommation et établir des normes pour les émissions et ladite consommation. Cet impératif devrait constituer un tremplin pour l’innovation. Les constructeurs de véhicules se livrent une concurrence féroce autour des politiques et des projets relatifs aux véhicules électriques. Il importe que le secteur des transports et ceux de la construction, de l’agriculture et des déchets se répartissent côte à côte l’effort de réduction des émissions.

1.3.

Une action de l’Union est justifiée au vu des effets transfrontières du changement climatique et de la nécessité de préserver le marché unique dans les secteurs du carburant, des véhicules et des services de transport. Le morcellement du marché et la diminution de la transparence qu’on y observe, les différences législatives et le manque d’homogénéité dans les pratiques en matière de politiques de surveillance, ainsi que l’absence d’une base de données commune pour les données de surveillance sont autant de réalités qui induisent des effets économiques et sociaux considérables.

1.4.

Le CESE se félicite que la proposition de règlement facilite le suivi et la diffusion des valeurs d’émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds nouvellement immatriculés dans l’Union européenne et fournisse à la clientèle, constituée de PME dans la majorité des cas, des informations transparentes sur leur consommation.

1.5.

Le CESE se réjouit que la proposition de règlement ait choisi la troisième option, la communication «mixte», car elle garantit un flux d’informations numériques et une collecte des données tant au niveau national qu’à celui de l’Union européenne et elle n’entraîne que des coûts administratifs réduits.

1.6.

Le CESE souligne que de grands marchés, comme les États-Unis, le Canada, le Japon et la Chine, ont adopté ces dernières années des mesures de certification et d’efficacité énergétique sous la forme de normes en matière de consommation de carburant ou d’émissions, en vue de stimuler l’innovation et d’accélérer l’amélioration du rendement énergétique des véhicules. La compétitivité des constructeurs européens de véhicules lourds sera donc tributaire du respect de ces normes.

1.7.

S’il est vrai que dans l’Union européenne, les constructeurs subissent, de la part du marché, une pression en faveur d’une réduction constante de la consommation de carburant des véhicules utilitaires lourds, les entreprises de transport, parmi lesquelles les PME sont prédominantes, éprouvent souvent des difficultés pour financer le prix d’achat, plus élevé, de véhicules utilitaires lourds qui sont plus efficaces du point de vue de la consommation de carburant.

1.8.

Le CESE recommande dès lors que la Commission s’efforce, lors de la définition des valeurs limites applicables aux émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds, de rechercher un juste équilibre entre les objectifs réalisables à court et moyen terme, d’une part, et celui, à plus long terme, d’un transport routier à émissions nulles, d’autre part. Il en résulte qu’il convient d’encourager l’innovation dans le domaine des technologies existantes, sans revoir à la baisse les investissements dans des véhicules à émissions nulles.

1.9.

Dans ce contexte, le CESE estime que les recommandations qu’il a formulées dans son avis sur le rapport final du groupe de haut niveau «CARS 21» s’appliquent également aux véhicules utilitaires lourds, en particulier pour ce qui concerne le calendrier de leur mise en œuvre.

1.10.

Le CESE souligne le rôle des investissements publics et des réglementations visant à réduire les émissions dues au transport routier, y compris celles des poids lourds.

1.11.

Le CESE fait valoir que toute mesure réglementaire doit s’accompagner d’un renforcement des politiques qui cherchent à faire baisser la demande de transport routier, y compris par poids lourds, en la transférant vers des modes de transport dont les émissions de gaz à effet de serre sont plus faibles, comme le rail, les voies d’eau ou d’autres encore.

2.   Introduction

2.1.

Le projet de règlement vise à établir les exigences applicables à la surveillance et à la communication des données relatives aux émissions de CO2 et à la consommation de carburant des véhicules utilitaires lourds neufs qui sont immatriculés dans l’Union. Il ne s’applique qu’aux véhicules utilitaires lourds conçus et construits pour le transport de passagers ou et à leurs remorques (1).

2.2.

Les transports et la mobilité sont essentiels pour l’économie et la compétitivité de l’Europe. Cette importance se reflète aussi dans le large éventail des autres conditions politiques cadres qui exercent une forte influence sur ce secteur. La réalisation des priorités formulées dans le cadre de l’union de l’énergie, du marché unique numérique ou de la stratégie en faveur de l’emploi, de la croissance et de l’investissement sert le secteur des transports et la mobilité.

2.3.

En octobre 2014, les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne (2) se sont fixé l’objectif contraignant de réduire les émissions de l’ensemble de l’économie européenne, d’ici 2030, d’au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990. Cette visée se fonde sur des projections globales conformes à l’objectif à moyen terme de l’accord de Paris sur le changement climatique (COP 21) (3). La Commission a annoncé son intention d’instaurer des normes d’efficacité concernant la consommation de carburant pour les véhicules lourds neufs.

2.4.

Selon les chiffres avancés par l’industrie, en 2015, les exportations de camions ont généré un excédent de balance commerciale de 5,1 milliards d’euros. Ce secteur fait partie d’une industrie automobile qui génère 12,1 millions d’emplois directs et indirects en Europe, soit 5,6 % de l’emploi total dans l’Union.

2.5.

Le cadre stratégique pour une union de l’énergie résiliente, dotée d’une politique clairvoyante en matière de changement climatique, de février 2015 (4), range parmi ses grandes priorités d’action la transition vers des transports économes en énergie et à faibles émissions de CO2. Arrêtées sous l’impulsion de l’accord de Paris sur le changement climatique, les mesures déjà présentées en juillet 2016 dans le cadre de la stratégie pour une mobilité à faible taux d’émissions (5) sont à présent mises en œuvre. Les investissements dans les infrastructures qui sont réalisés dans le cadre du plan d’investissement pour l’Europe peuvent donner un élan à une future mobilité propre, compétitive et connectée en Europe.

2.6.

Au cours de la période 1990-2014 dans l’Union européenne, les émissions de CO2 provenant de véhicules utilitaires ont augmenté bien plus rapidement que celles des voitures particulières. S’agissant de la première catégorie, cette hausse a été de 25 %, comparée à une augmentation de seulement 12 % des émissions de CO2 pour la seconde. À l’heure actuelle, les poids lourds et les bus produisent environ un quart des émissions de CO2 liées au transport routier européen. La part des émissions qui leur sont dues continue de croître, alors que celle des voitures et des camionnettes poursuit sa baisse, en raison des limites de plus en plus strictes pour les rejets de CO2.

2.7.

Actuellement, suivant le cycle d’essai sur de longues distances, la consommation de carburant pour une unité de traction européenne type, dotée d’une traction 4×2, pour des remorques de 40 tonnes, est d’environ 33,1 litres par 100 kilomètres parcourus sur routes et autoroutes. Dans le cadre du cycle d’essai «livraison urbaine», la consommation de carburant pour un camion de distribution européen type de 12 tonnes doté d’une traction 4×2 est d’environ 21,4 l/100 km (6).

2.8.

D’ordinaire, la fabrication des véhicules utilitaires lourds s’effectue en plusieurs étapes; dans la plupart des cas, il est question de véhicules construits à la demande du client. Après le montage du châssis par le constructeur, ils sont équipés d’une carrosserie produite par un autre fabricant. L’impact du processus sur la consommation de carburant et, partant, sur le volume des émissions de CO2 du véhicule final dépend dès lors de plusieurs producteurs.

2.9.

La clientèle intéressée par les véhicules utilitaires lourds se compose principalement d’opérateurs de transport de marchandises. Les frais de carburant pouvant représenter plus d’un quart de leurs coûts d’exploitation, l’efficacité énergétique constitue leur premier critère d’achat. Bien que ce rendement énergétique des véhicules utilitaires lourds se soit amélioré au cours des dernières décennies, de nombreuses entreprises de transport, parmi les plus de 500 000 que compte le secteur, dont une grande partie de PME, ne disposent toujours pas d’informations normalisées qui leur permettraient d’évaluer les techniques d’amélioration dudit rendement, de comparer différents camions de manière à prendre des décisions d’achat éclairées et de réduire leurs frais de carburant. Une telle démarche est encore plus difficile en l’absence d’une méthodologie de mesure de la consommation de carburant qui aurait été établie d’un commun accord.

2.10.

Le manque de transparence du marché a pour effet de réduire la pression sur les producteurs européens de véhicules utilitaires lourds, lorsqu’ils sont censés déployer constamment des efforts afin d’améliorer l’efficacité de leurs véhicules et investir dans l’innovation sur un marché mondial aussi compétitif. Le risque existe ainsi de voir l’industrie manufacturière de l’Union européenne perdre son rôle de chef de file dans le domaine de l’efficacité énergétique des véhicules.

2.11.

La transparence concernant les performances des véhicules en matière de consommation de carburant et d’émissions de CO2 contribuerait aussi à stimuler la concurrence sur le marché européen, où la Commission a découvert en 2016 l’existence d’un cartel composé de plusieurs constructeurs de véhicules utilitaires lourds, qui a fonctionné de 1997 à 2011.

3.   La proposition de règlement

3.1.

La proposition de règlement à l’examen fait partie d’un premier ensemble, «L’Europe en mouvement», qui vise à améliorer la sécurité sur les routes, à promouvoir une taxation routière plus équitable, à réduire les émissions de CO2, la pollution de l’air, la congestion des routes et les charges administratives pour les entreprises, à lutter contre l’emploi illégal et à assurer des conditions de travail et périodes de repos appropriées pour les travailleurs.

3.2.

À plus long terme, ces mesures auront un effet positif qui ne se limitera pas au secteur des transports: elles stimuleront l’emploi, la croissance économique et les investissements, contribueront à renforcer la justice sociale, étendront les possibilités de choix des consommateurs et indiqueront clairement à l’Europe la voie à suivre pour réduire les émissions.

3.3.

Au cours des douze prochains mois, cet ensemble sera complété par de nouvelles propositions, comprenant des normes d’émission pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers mais aussi, pour la première fois, pour les véhicules lourds en ce qui concerne la période postérieure à 2020. Elles continueront d’encourager l’innovation, renforceront la compétitivité et contribueront à réduire les émissions de CO2 et à améliorer la qualité de l’air et la santé publique, tout en confortant la sécurité routière.

3.4.

Le déficit d’information sera réduit grâce à un programme de simulation, fournissant un outil de calcul efficace pour mesurer la consommation de carburant et les coûts. Le nouveau règlement (réception) sur la certification concernant la détermination des émissions de CO2 se fondera sur les données relatives à la performance individuelle, la collecte certifiée et la gestion des données d’entrée.

3.5.

La proposition de règlement à l’examen donne suite à la communication de 2014 sur la stratégie de réduction de la consommation de carburant et des émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds. Cette stratégie avait en effet annoncé une mesure d’application établissant la procédure de certification des émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds neufs mis sur le marché de l’Union, calculées au moyen de l’outil de simulation VECTO, ainsi qu’une proposition législative relative à la surveillance et à la communication des données concernant ces émissions.

3.6.

VECTO n’étant qu’un outil de simulation, le deuxième paquet doit également prévoir de tester la consommation de carburant sur route, à l’instar de la procédure que la Commission entend mettre en place pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers. Il convient en outre de développer une méthode permettant de moduler le coût d’utilisation des infrastructures en fonction des émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds neufs (révision de la directive «Eurovignette» et de la directive relative à l’efficacité énergétique).

3.7.

Le CESE appelle la Commission et les États membres à se mettre d’accord de manière à garantir aux tiers (instituts de recherche, entreprises de transport, ONG) la possibilité d’accéder aux données officielles de VECTO concernant la consommation de carburant, afin qu’ils puissent procéder, aux moyens d’essais indépendants, à des vérifications des chiffres fournis. Il s’impose de procéder à un contrôle de qualité et de vérifier les données transmises pour pallier les omissions et les irrégularités. Ce contrôle doit être réalisé dans le respect des droits fondamentaux.

3.8.

La proposition concernée fait également à la suite de la stratégie européenne de 2016 pour une mobilité à faible taux d’émissions, dont les objectifs comprennent la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les transports routiers d’au moins 60 % d’ici à 2050 par rapport aux niveaux de 1990, ainsi qu’une diminution drastique des émissions de polluants atmosphériques. Cette stratégie prévoit aussi que la Commission accélérera les travaux d’analyse sur les solutions de conception en rapport avec les normes d’émission de CO2, dans l’optique d’élaborer une proposition législative au cours de son mandat actuel.

3.9.

À partir de 2020, à des fins de contrôle, les autorités compétentes des États membres devront transmettre les données relatives aux véhicules neufs immatriculés pour la première fois dans l’Union au cours de l’année précédente et les constructeurs de véhicules utilitaires lourds, celles concernant les véhicules produits au cours de l’année civile précédente. Ce rapport annuel doit être soumis chaque fois pour le 28 février. Le type de données à communiquer est précisé dans les parties A et B de l’annexe I de la proposition de règlement.

3.10.

L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) gèrera, au nom de la Commission, une base de données centrale contenant les données transmises, qui sera accessible au grand public (à l’exception de certaines données sensibles).

3.11.

Les autorités compétentes et les constructeurs seront responsables de l’exactitude et de la qualité des données qu’ils déclarent. La Commission peut toutefois effectuer ses propres vérifications sur la qualité des données transmises et, le cas échéant, prendre les mesures nécessaires pour corriger celles qui sont consignées dans le registre central. Les PME et les microentreprises ne seront soumises à aucune obligation de communication directe des données.

3.12.

La Commission élaborera un rapport annuel comprenant une analyse des données fournies par les États membres et les constructeurs pour l’année civile précédente. Elle couvrira au minimum les données relatives à la consommation moyenne de carburant et à la production moyenne d’émissions de CO2 du parc de véhicules utilitaires lourds dans l’ensemble de l’Union, ainsi que de chaque producteur pris isolément. Elle tiendra également compte, le cas échéant, des informations sur le recours aux techniques nouvelles et avancées en matière de réduction des émissions de CO2.

3.13.

La Commission est habilitée à modifier, au moyen d’actes délégués, les exigences relatives aux données énoncées dans les annexes de la proposition de règlement, ainsi qu’à procéder à des modifications des procédures de surveillance et de communication.

4.   Observations générales

4.1.

Comme il l’avait déjà fait dans les avis qu’il a consacrés précédemment aux propositions législatives de diminution des émissions de CO2 présentées par la Commission, le Comité confirme qu’il soutient toutes les initiatives de l’Union européenne visant à faire respecter des objectifs concrets dans le domaine de la réduction des rejets de gaz à effet de serre, qui représente un volet essentiel de la lutte contre le changement climatique. Dans cette perspective, on ne peut négliger aucune intervention raisonnable dont le but est de réduire également les émissions des véhicules utilitaires, qui représentent plus de 10 % du parc roulant.

4.2.

L’instrument législatif qui a été retenu, à savoir le règlement, est en outre le plus approprié, étant donné qu’il est à même de garantir le respect immédiat des dispositions qui seront prises tout en évitant les distorsions de la concurrence et leurs retombées éventuelles sur le marché interne.

4.3.

Les données concernant les émissions de CO2 et la consommation de carburant sont calculées au moyen d’un programme de simulation dénommé VECTO (Vehicle Energy Consumption Calculation Tool — Outil de calcul de la consommation énergétique des véhicules).

4.3.1.

La décision de développer cet outil a été prise après qu’il a été envisagé d’autres possibilités d’épreuve, telles que le recours à un banc d’essai ou à un banc dynamométrique et le contrôle à bord dans la circulation réelle à l’aide de systèmes portables de mesure des émissions (PEMS). Les principales raisons qui ont conduit à privilégier l’option de la simulation par rapport à d’autres procédures d’essai ont été:

1)

la comparabilité: les résultats des essais pour différents types de véhicules utilitaires lourds sont directement comparables,

2)

l’efficacité du point de vue des dépenses, en raison des coûts élevés des installations d’essai par rapport à la simulation,

3)

la capacité de prendre en considération un degré élevé de variabilité: les séries de production des véhicules utilitaires lourds sont très limitées, étant donné que pour une grande part, ils font l’objet d’une adaptation aux besoins de l’utilisateur final,

4)

la répétabilité: la simulation affiche les meilleurs résultats en ce qui concerne la reproductibilité des essais,

5)

la fiabilité: la simulation permet de détecter également les petites économies obtenues grâce à l’optimisation d’un composant spécifique,

6)

le caractère inclusif: il est possible d’utiliser la simulation pour optimiser la configuration d’ensemble du véhicule de façon à parvenir à en réduire la consommation de carburant, dans la mesure où tous les éléments (habitacle, pneumatiques, moteur, transmission, etc.) sont pris en considération. Cette approche a été confirmée dans le cadre de la stratégie relative aux véhicules utilitaires lourds de 2014.

4.3.2.

L’obligation d’établir et de mettre à disposition les données VECTO pour tous les véhicules utilitaires lourds neufs permettra aux acheteurs de comparer, dans leur diversité, les modèles de véhicules, les technologies relatives à la consommation de carburant et les différentes formes de carrosserie (par exemple avec grue ou compartiment frigorifique), ainsi que de confronter les diverses combinaisons de composants isolés. Contrairement aux voitures particulières, différents modèles de véhicules utilitaires lourds sont utilisés de manières très variables selon leur carrosserie, d’où des écarts considérables en matière de consommation de carburant et d’émissions de CO2. En outre, la possibilité de comparer intensifie le degré de concurrence, tant entre producteurs de véhicules qu’entre fabricants de carrosseries.

4.3.3.

Le CESE se félicite que la proposition de règlement facilite le suivi et la diffusion des valeurs d’émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds nouvellement immatriculés dans l’Union européenne et fournisse à la clientèle, constituée de PME dans la majorité des cas, des informations transparentes sur leur consommation.

4.3.4.

Le CESE est conscient qu’il est préférable de mesurer les émissions en conditions de conduite réelles (Real Driving Émissions — RDE) au moyen d’un dispositif de mesure portable (Portable Émission Measurement System — PEMS) plutôt que de recourir à un système de mesure des émissions sur banc d’essai dynamométrique ou — comme proposé ici — à un logiciel de simulation. Après une période d’introduction et l’évaluation de l’expérience acquise avec le système VECTO, la Commission devrait se pencher sur la question de savoir s’il est possible de procéder à des mesures de type RDE pour les véhicules lourds et, si tel est le cas, selon quelles modalités.

4.4.

Dans le cadre de l’analyse d’impact, la Commission a examiné trois scénarios relatifs à la collecte des données et à leur communication à l’Agence européenne de l’environnement (AEE): 1) communication par les autorités nationales, 2) communication par les constructeurs de véhicules utilitaires lourds, et 3) communication «mixte», par les autorités nationales et les constructeurs.

4.4.1.

Le CESE se réjouit que la proposition de règlement ait choisi la troisième option, la communication «mixte», car elle garantit un flux d’informations numériques et une collecte des données tant au niveau national qu’à celui de l’Union européenne et elle n’entraîne que des coûts administratifs réduits.

4.4.2.

Le CESE relève avec satisfaction que les données communiquées à la Commission par les autorités nationales compétentes et les constructeurs de véhicules utilitaires lourds seront accessibles au public. Pour des raisons de protection des données et de préservation de la concurrence, le CESE se félicite de ce que le numéro d’identification du véhicule (VIN) et les données de fabrication relatives à certains éléments pertinents (transmission, essieux et pneumatiques) ne seront pas rendus publics.

4.5.

De l’avis du CESE, il serait intéressant d’entamer un processus de réflexion sur les redevances d’utilisation des infrastructures routières par les véhicules utilitaires lourds en fonction de leurs émissions de CO2. Pour que cette démarche soit possible, il y aurait lieu de mettre en rapport les données du registre central (numéro d’identification du véhicule et valeurs d’émission de CO2) et les données d’immatriculation (numéro d’immatriculation) et de les partager ensuite avec les entités chargées de gérer ces redevances.

4.5.1.

Par le passé, le CESE a fait part à plusieurs reprises (7) de sa satisfaction quant à l’intention de la Commission d’instaurer un régime uniforme au niveau européen pour les redevances d’utilisation des infrastructures routières, fondé sur le principe du «pollueur-payeur». La mise en place d’un système unique, géré par les pouvoirs publics, pour les redevances d’infrastructure routière serait également utile du point de vue de la protection des données.

4.6.

La Commission considère sa proposition de règlement comme une mesure nécessaire à l’application et à la mise en œuvre des futures normes en matière d’émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds. Un système de surveillance et de communication des données est particulièrement nécessaire pour évaluer la conformité à ces futures normes, comme c’est aujourd’hui le cas pour les voitures particulières et les camionnettes.

4.6.1.

Des limites contraignantes d’émissions de CO2 ont été instaurées dans l’Union européenne en 2009 pour les voitures particulières et, à partir de 2011, également pour les camionnettes, alors qu’à ce jour, aucune limite d’émissions de ce type n’a été imposée aux véhicules utilitaires lourds. Il est prévu qu’en 2018, la Commission présente une proposition législative qui instaurera également des limites contraignantes d’émissions de CO2 pour ce type de véhicules.

4.6.2.

De grands marchés, comme les États-Unis, le Canada, le Japon et la Chine, ont adopté ces dernières années des mesures de certification et d’efficacité énergétique sous la forme de normes en matière de consommation de carburant ou d’émissions, en vue de stimuler l’innovation et d’accélérer l’amélioration du rendement énergétique des véhicules. La compétitivité des constructeurs européens de véhicules lourds sera donc tributaire du respect de ces normes.

4.7.

Il convient en effet de noter que dans l’Union européenne, les constructeurs subissent, de la part du marché, une pression en faveur d’une réduction constante de la consommation de carburant des véhicules utilitaires lourds: les frais de carburant représentent, et de loin, le poste de coût le plus important (autour de 30 %) dans la structure des dépenses du transport routier de marchandises sur longues distances. Les sociétés de transport, en tant qu’acheteurs de véhicules lourds, ont dès lors tout particulièrement intérêt à consommer le moins de carburant possible.

4.7.1.

L’expérience montre cependant que ni l’introduction d’objectifs non contraignants, ni les forces du marché ne suffisent pour réduire sensiblement la consommation de carburant et, partant, les émissions de CO2 des véhicules neufs.

4.7.2.

Dans le secteur du transport, une place prédominante est occupée par les PME; un des principaux problèmes qu’elles rencontrent est d’éprouver des difficultés à accéder au financement. En conséquence, il est souvent ardu, pour les entreprises de transport, de financer le prix d’achat, plus élevé, de véhicules utilitaires lourds qui sont plus efficaces du point de vue de la consommation de carburant.

4.7.3.

Le CESE recommande dès lors que la Commission s’efforce, lors de la définition des valeurs limites applicables aux émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds, de rechercher un juste équilibre entre les objectifs réalisables à court et moyen terme, d’une part, et celui, à plus long terme, d’un transport routier à émissions nulles, d’autre part. Il en résulte qu’il convient d’encourager l’innovation dans le domaine des technologies existantes, sans revoir à la baisse les investissements dans des véhicules à émissions nulles.

4.7.4.

Dans ce contexte, le CESE estime que les recommandations formulées dans son avis sur le rapport final du groupe de haut niveau «CARS 21» (8) s’appliquent également aux véhicules utilitaires lourds, s’agissant notamment de donner aux parties prenantes de l’industrie le temps nécessaire pour mettre au point les technologies indispensables afin de satisfaire à des exigences plus strictes sans que les produits ne deviennent plus coûteux, car un tel renchérissement contribuerait alors à ralentir le renouvellement des parcs de véhicules.

4.7.5.

Dans ce contexte, la réglementation des États-Unis sur les nouveaux véhicules utilitaires lourds, tracteurs routiers, remorques et moteurs neufs peut être considérée comme un exemple bienvenu de mise en œuvre anticipatrice. Le pays mettra à exécution une deuxième salve de règlements pour les modèles des années 2018 à 2027 en se fondant sur les normes initiales de la première, couvrant 2014 à 2018.

4.8.

Le CESE souligne le rôle des investissements publics et des réglementations visant à réduire les émissions dues au transport routier, y compris celles des poids lourds.

4.8.1.

Une des options d’avenir pourrait être le système dit des «autoroutes électriques», dans lequel il serait possible, à l’instar des dispositifs qui existent pour les trams, les trains ou les trolleybus, d’utiliser des camions hybrides reliés à des lignes électriques aériennes installées dans les principaux corridors de fret. Quand ils seraient connectés au réseau d’électricité, les camions pourraient fonctionner intégralement grâce au courant électrique. Une fois déconnectés, ils rouleraient en consommant du gazole ou avec l’énergie électrique accumulée dans les batteries installées à leur bord.

4.8.2.

La circulation des poids lourds en convoi pourrait induire une réduction des émissions de CO2 d’environ 10 %. Dans ce système, les camions se suivent de près, en maintenant entre eux une distance prédéfinie; et en recourant à des technologies de connectivité et d’assistance de la dernière génération. Le véhicule en tête du convoi en assume le rôle de conducteur. S’il freine, tous les autres camions qui le suivent le font également. Le délai de réaction est quasiment le même pour tous les véhicules concernés. La circulation en convoi devrait réduire la consommation de carburant et améliorer la sécurité mais elle suppose d’apporter des modifications à la réglementation.

4.8.3.

La directive (UE) 2015/719 (9) a finalement introduit dans la réglementation applicable aux véhicules lourds, de nouvelles modifications grâce auxquelles il serait possible de mettre sur les routes européennes des modèles de véhicules d’une meilleure aérodynamique, présentant des comportements plus performants du point de vue de l’efficacité énergétique et des émissions. Parmi ces amendements figurent des dérogations à la longueur maximale totale de ces véhicules, qui autorisent à reconfigurer ceux qui sont en circulation en les dotant d’ailerons arrière aérodynamiques et à monter sur les camions neufs ces dispositifs supplémentaires d’aérodynamique, tout comme à arrondir et allonger le dessin des postes de pilotage. Les fabricants de remorques signalent toutefois que s’agissant d’appliquer ces nouvelles règles, ils rencontrent des problèmes auprès des autorités chargées de l’immatriculation.

4.9.

Le CESE fait valoir que toute mesure réglementaire doit s’accompagner d’un renforcement des politiques qui cherchent à faire baisser la demande de transport routier, y compris par poids lourds, en la transférant vers des modes de transport dont les émissions de gaz à effet de serre sont plus faibles, comme le rail, les voies d’eau ou d’autres encore.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Catégories de véhicules comme définies dans la directive 2007/46/CE, telle que modifiée en dernier lieu par le règlement (CE) no 385/2009: M1, M2, N1 et N2 ayant une masse de référence supérieure à 2 610 kg et ne relevant pas du règlement (CE) no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, tous les véhicules des catégories M3 et N3 ainsi que ceux des catégories O3 et O4.

(2)  Conclusions du Conseil européen du 24 octobre 2014, EUCO 169/14, p. 2.

(3)  FCCC/CP/2015/L.9/Rev.1.

(4)  COM(2015) 80 final.

(5)  COM(2016) 501 final.

(6)  Delgado, O., Rodríguez, F., Muncrief, R., Fuel efficiency technology in European heavy-duty vehicles: Baseline and potential for the 2020–2030 timeframe («La technologie de l’efficacité en matière de consommation de carburant pour les poids européens: point de départ et potentiel pour la période 2020-2030»), International Council on Clean Transportation, ICCT White Paper, Berlin, juillet 2017.

(7)  EESC-2017-02887 (voir page 181 du présent Journal officiel), EESC-2017-02888 (voir page 188 du présent Journal officiel), EESC-2017-03231 (voir page 195 du présent Journal officiel).

(8)  JO C 10 du 15.1.2008, p. 15.

(9)  JO L 115 du 6.5.2015, p. 1.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/102


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur l’examen à mi-parcours de la mise en œuvre de la stratégie pour le marché unique numérique — Un marché unique numérique connecté pour tous»

[COM(2017) 228 final]

(2018/C 081/14)

Rapporteur:

Antonio LONGO

Consultation

Commission européenne, 5 juillet 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

111/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient la proposition de réexamen de la stratégie pour le marché unique numérique tout en reconnaissant les efforts consentis par la Commission sur le terrain des initiatives législatives visant à atteindre les objectifs en matière de développement technologique, économique et social.

1.2.

Il s’inquiète toutefois du retard accumulé dans l’adoption et la mise en œuvre des 35 actions et initiatives législatives présentées, qui risque de creuser le fossé technologique et compétitif entre l’Union et ses concurrents internationaux.

1.3.

Le CESE approuve la proposition de la Commission relative au rattachement de la stratégie pour le marché unique numérique à trois nouvelles initiatives législatives sur les plateformes en ligne, l’économie fondée sur les données et la cybersécurité. Le Comité recommande à cet égard une approche globale qui tienne compte de la nécessité d’accroître la compétitivité et de protéger les droits numériques, tant sur le marché intérieur que vis-à-vis des pays tiers.

1.4.

Le Comité réaffirme la nécessité de renforcer la dimension sociale  (1) de la stratégie pour un marché unique numérique. Seule une gouvernance au niveau européen qui associe les gouvernements nationaux, les partenaires sociaux et la société civile dans son ensemble permettra de relever les défis de la révolution numérique et de maîtriser les risques qui y sont liés, en protégeant les personnes vulnérables et en offrant davantage de possibilités aux citoyens et aux entreprises.

1.5.

Le CESE souhaite que, tout en respectant pleinement les compétences nationales en la matière, l’Union européenne s’emploie à promouvoir un vaste programme d’éducation et de formation numérique afin de doter tous les citoyens des connaissances nécessaires pour gérer au mieux la transition. Ce programme devrait porter sur l’éducation de tous types et de tous niveaux, en commençant par la formation du personnel enseignant et la révision des programmes et de la pédagogie, et devrait être étroitement lié à un système de formation continue visant à mettre à jour les qualifications des travailleurs ou à assurer leur reconversion. Une attention particulière devra en outre être accordée aux cadres à travers la mise en place de cours dans l’enseignement supérieur, en collaboration avec les universités.

1.6.

La révolution numérique transformera le travail sous tous ses aspects: organisation, lieux, tâches, durée, conditions et contrats. Le CESE considère que le dialogue social a un rôle important à jouer dans ce contexte et invite la Commission à lancer, en coopération avec les partenaires sociaux, un processus qui permettra de s’interroger sur les perspectives à moyen et long termes et de définir des actions résilientes visant à garantir des salaires décents, des emplois de qualité, un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle et un accès généralisé à la sécurité sociale.

1.7.

Le CESE se réjouit des résultats obtenus récemment dans le secteur du numérique, mais invite les institutions européennes et nationales à veiller à la mise en œuvre adéquate et complète de la législation (concernant par exemple la suppression des frais d’itinérance au détail) et à poursuivre leurs efforts en vue de réduire la fragmentation et les distorsions. À cet égard, le CESE recommande à la Commission de publier, dans les meilleurs délais, un règlement permettant la portabilité des contenus en ligne.

1.8.

Le Comité insiste sur l’importance de combler le plus rapidement possible la fracture numérique infrastructurelle, territoriale et culturelle qui constitue aujourd’hui un frein au développement économique et social de l’Union européenne ainsi qu’une source d’inégalité des conditions de vie et des chances pour les citoyens et les entreprises. Les fonds affectés jusqu’à présent sont considérables, mais ne suffisent pas à satisfaire tous les besoins de développement de l’Union européenne.

1.9.

Le CESE rappelle que l’accès à l’internet est un droit fondamental de chaque citoyen, ainsi qu’un outil indispensable d’inclusion sociale et de croissance économique, et que dès lors, sa reconnaissance comme service universel ne peut désormais plus être différée.

1.10.

Le CESE invite la Commission à accélérer la mise en œuvre des stratégies relatives à l’administration et à la santé en ligne, non seulement parce qu’elles constituent une condition indispensable au développement numérique européen, mais également en raison de l’incidence positive qu’elles pourraient avoir sur la qualité des services et de la vie des citoyens.

1.11.

Le Comité estime que les PME devraient être davantage soutenues étant donné que l’utilisation du numérique est désormais un préalable indispensable pour rester sur le marché. Par ailleurs, les mesures de soutien aux entreprises sont indissociables d’une stratégie ad hoc pour les start-up, fondée sur trois objectifs clés: la simplification de la réglementation, la constitution de réseaux et un accès plus aisé aux financements.

1.12.

Le Comité invite la Commission à renforcer la protection des droits des consommateurs numériques dans l’ensemble de l’Union européenne, en veillant à ce que l’harmonisation entre les différentes législations n’aboutisse pas à une diminution de la protection là où elle est déjà bien établie et satisfaisante.

1.13.

Le CESE estime que la cybersécurité est une priorité pour la souveraineté et la compétitivité européenne dans la mesure où il s’agit d’un enjeu transversal qui touche à tous les domaines d’application du numérique. Il recommande à la Commission de prévoir dans sa proposition une amélioration sensible des normes de prévention, de dissuasion, de réponse, de gestion des crises et de résilience, dans le respect des droits fondamentaux de l’Union européenne, en jetant les bases du renforcement de la coopération entre les États membres et avec les pays tiers.

2.   L’état actuel du marché unique numérique

2.1.

Depuis mai 2015, la Commission européenne a formulé 35 propositions législatives, comme le prévoyait la stratégie pour un marché unique numérique en Europe (2), dont bon nombre n’ont pas encore été mises en œuvre soit parce qu’elles font encore l’objet de négociations entre la Commission, le Parlement et le Conseil, soit parce qu’elles sont en attente de leur application effective par les différents États membres. La communication sur l’examen à mi-parcours de la stratégie pour le marché unique numérique dresse un premier bilan des initiatives lancées et des résultats obtenus.

2.2.

Parmi les initiatives les plus notables qui ont été mises en œuvre ou qui doivent l’être, on peut citer:

la suppression des frais d’itinérance au détail  (3) à compter du 15 juin 2017,

la portabilité transfrontière des services de contenu en ligne  (4) dès le début 2018,

la levée du blocage géographique injustifié  (5), préjudiciable aux consommateurs.

2.3.

La Commission juge primordial d’appliquer le train de mesures sur la connectivité (6) qui favorisera la mise en place d’infrastructures numériques de qualité élevée dans toute l’Union européenne, afin d’étendre à l’ensemble des entreprises et des citoyens les avantages de la révolution numérique.

2.4.

Afin d’encourager le commerce électronique transfrontière, il importera d’adopter les propositions de la Commission visant à harmoniser les règles applicables aux contrats numériques  (7), de renforcer la coopération entre les autorités nationales pour protéger les consommateurs (8), de rendre abordables les coûts afférents aux services de livraison transfrontière (9), de simplifier les procédures de déclaration de TVA (10), de lutter contre les pratiques commerciales déloyales et de protéger le droit de propriété intellectuelle, notamment le droit d’auteur (11).

2.5.

Afin d’établir des normes plus exigeantes en matière de protection des données  (12) et de confidentialité des communications électroniques  (13), la Commission a adopté deux règlements ad hoc qui devront être appliqués en 2018.

2.6.

Le cadre juridique du secteur audiovisuel (14) sera adapté aux exigences de l’ère du numérique grâce à la révision des règles relatives au droit d’auteur  (15), afin de faciliter l’accès aux contenus par-delà les frontières et d’étendre les possibilités d’utilisation d’objets protégés par le droit d’auteur dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et de la culture.

3.   Contenu essentiel des nouvelles propositions de la Commission

3.1.

Compte tenu de l’évolution naturelle du monde numérique qui nécessitera d’adapter en permanence les infrastructures et les normes, il est fondamental de garantir à tous les utilisateurs un environnement numérique sûr, ouvert et équitable. De telles conditions sont indispensables pour renforcer la confiance, sachant qu’à l’heure actuelle le manque de confiance limite encore l’expansion du marché unique numérique (16).

3.2.

La Commission a relevé trois secteurs où une action plus résolue de l’Union européenne est nécessaire et dans lesquels elle prévoit de présenter rapidement des initiatives législatives: 1) les plateformes en ligne, 2) l’économie européenne fondée sur les données et 3) la cybersécurité.

3.3.

Les plateformes en ligne  (17) redéfinissent le marché unique numérique au point d’endosser le rôle de «gardiennes de l’internet» dans la mesure où elles contrôlent l’accès aux informations, aux contenus et aux transactions en ligne. Pour cette raison, la Commission lancera en 2017 une initiative pour les associer et les responsabiliser dans le cadre de la gestion des réseaux. Elle s’attellera en particulier au problème des clauses contractuelles abusives et des pratiques commerciales déloyales constatées dans les relations de plateforme à entreprise. En outre, la suppression des contenus illicites sera rendue plus rapide et efficace grâce à la mise en place d’un système formel de «signalement» et de «retrait».

3.4.

L’économie fondée sur les données est amenée à jouer un rôle grandissant pour les entreprises, les citoyens et les services publics. La Commission publiera en 2017 deux initiatives législatives sur la libre circulation des données à caractère non personnel par-delà les frontières et sur l’accessibilité et la réutilisation des données du secteur public et de celles recueillies au moyen de fonds publics. Enfin, pour préparer le marché numérique au développement de l’internet des objets, des principes seront définis pour déterminer qui est responsable en cas de dommage causé par des produits à forte intensité de données.

3.5.

En 2017, la Commission réexaminera la stratégie de cybersécurité de l’Union européenne  (18) ainsi que le mandat de l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA) afin de les adapter aux nouveaux risques et défis. Elle proposera en outre de nouvelles mesures concernant les normes, les certifications et l’étiquetage en matière de cybersécurité, afin de mieux protéger les objets connectés contre les cyberattaques. Cette démarche passera par le renforcement du partenariat public-privé.

3.6.

Afin d’améliorer les compétences numériques et l’employabilité, la Commission demande la mise en œuvre rapide de la stratégie en matière de compétences pour l’Europe  (19) et de la coalition en faveur des compétences et des emplois  (20). En outre, la Commission lancera en 2018 le projet Digital Opportunity (Accès au numérique) pour donner aux diplômés la possibilité d’effectuer des stages dans le domaine du numérique dans d’autres pays.

3.7.

La stratégie sur le passage au numérique des entreprises européennes  (21) encouragera la coopération et l’échange des bonnes pratiques. À cette initiative s’ajoutent les ressources affectées au programme Horizon 2020 (5,5 milliards d’EUR) et les investissements privés et nationaux dans le cadre du partenariat public-privé. Certains secteurs clés comme l’énergie, les transports et la finance seront sensiblement transformés suivant des critères de durabilité et d’efficacité.

3.8.

Le plan d’action 2016-2020 pour l’administration en ligne  (22) facilitera le passage au numérique des services publics au niveau national et européen. La Commission s’attend à ce que le droit de se faire soigner dans tout État membre de l’Union européenne (dossiers médicaux et ordonnances numériques) et le recours croissant à la technologie pour aider les médecins (pour les analyses, les opérations, les traitements, etc.) modifient en profondeur le secteur de la santé.

3.9.

Afin de consolider sa position sur la scène mondiale, l’Union européenne a accru le financement de la recherche et de l’innovation et lancé deux initiatives technologiques importantes: une sur l’informatique en nuage pour le partage et la réutilisation des connaissances acquises, et l’autre sur l’informatique quantique pour résoudre des problèmes de calcul plus complexes que ceux traités par les superordinateurs actuels.

3.10.

La Commission considère que la stratégie pour un marché unique numérique est amenée à jouer un rôle toujours plus important dans les relations entre l’Union européenne et les pays tiers. Cette stratégie assurera la défense de nouveaux droits numériques, la lutte contre le protectionnisme numérique et la promotion d’initiatives visant à réduire la fracture numérique à l’échelle mondiale.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE reconnaît les efforts consentis par la Commission sur le terrain des initiatives législatives visant à atteindre les objectifs en matière de développement technologique, économique et social fixés par la stratégie pour un marché numérique. Il considère en particulier que cette révision à mi-parcours est fondamentale pour favoriser la mise en œuvre de ladite stratégie en limitant la fragmentation et les distorsions qui l’affectent.

4.2.

Le CESE se félicite des résultats obtenus récemment, tels que la suppression des frais d’itinérance au détail (23), la portabilité transfrontière des services de contenu en ligne (24) et la levée du blocage géographique injustifié (25). De telles initiatives contribueront à donner une image plus positive de l’Union européenne, même si de nombreux problèmes doivent encore être résolus pour garantir les droits des consommateurs et une concurrence équitable entre les entreprises.

4.2.1.

Le Comité fait cependant observer que, dans de nombreux États membres, la suppression des frais d’itinérance se fait de manière fragmentée et inégale, ce qui cause un préjudice pour les consommateurs et nuit à l’image de l’Union européenne. Dans plusieurs pays, les associations de consommateurs dénoncent des tentatives visant à contourner la suppression des frais d’itinérance, principalement en limitant le volume de données disponible pour la navigation en ligne. Le CESE invite dès lors la Commission à surveiller de près ce processus en renforçant et en accélérant les délais et les modalités de sa mise en œuvre.

4.2.2.

S’agissant de la portabilité transfrontière des services de contenu en ligne, le CESE souhaite que l’accord provisoire conclu entre le Conseil et la Commission et approuvé par le Parlement européen le 18 mai dernier soit rapidement mis en œuvre. Cet accord porte sur un règlement visant à établir dans l’Union une approche commune concernant la portabilité des services de contenu en ligne, afin de donner aux abonnés qui se trouvent temporairement dans un État membre autre que leur État membre de résidence la possibilité d’accéder à ces services et de les utiliser.

4.3.

Le CESE se déclare préoccupé par le fait que seules quelques-unes des propositions législatives présentées par la Commission dans le cadre de la stratégie pour un marché unique numérique aient été effectivement mises en œuvre. Il s’agit là d’un sérieux frein tant à l’évaluation globale de la stratégie qu’à l’établissement de perspectives réalistes en matière de croissance et de compétitivité de l’Union européenne. Le Comité invite toutes les institutions associées au processus de codécision à réduire les délais de négociation et espère que les États membres appliqueront la réglementation en temps utile et de façon cohérente.

4.4.

Le CESE estime que la révolution numérique modifiera profondément la vie des citoyens ainsi que les modalités de fonctionnement des entreprises, de production et de commercialisation, et qu’elle aura des effets à long terme difficilement prévisibles à l’heure actuelle, en particulier sur le marché du travail et sur l’emploi. Le numérique transformera l’organisation, les tâches, les lieux, les délais, les conditions et les contrats de travail. Le Comité réaffirme dès lors la nécessité de renforcer la dimension sociale  (26) de la stratégie pour un marché unique numérique. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra relever l’ensemble des défis de la révolution numérique et maîtriser tous les risques qui y sont liés, de manière à offrir à chacun la possibilité de bénéficier de ses avantages et opportunités.

4.5.

Le CESE considère qu’il est essentiel de lancer dès que possible un vaste programme européen en matière d’éducation et de formation numérique afin de s’assurer que tous les citoyens disposent des outils nécessaires pour gérer au mieux la transition. En particulier, sans préjudice des compétences spécifiques des États membres en la matière, le Comité souhaite que ce programme prenne les écoles comme point de départ, renforce les connaissances des enseignants, adapte les programmes scolaires et la pédagogie aux technologies numériques (y compris l’apprentissage en ligne) et donne à tous les étudiants une formation de grande qualité. Ce programme sera logiquement étendu à l’apprentissage tout au long de la vie afin d’aménager ou de mettre à jour les compétences de tous les travailleurs (27).

4.6.

Le Comité est d’avis que le monde de l’entreprise devra adapter rapidement ses compétences numériques et accorder une attention spécifique aux questions de cybersécurité. Le Comité estime en effet que l’Union européenne devrait apporter son soutien aux entreprises afin de dispenser des formations de haut niveau aux cadres, avec le soutien du monde académique, dans le but d’améliorer leurs connaissances des risques liés au vol de données et à la cybercriminalité et de les sensibiliser davantage à ces questions. Le CESE estime qu’il importe également d’encourager la formation des techniciens en informatique chargés de la sécurité au moyen d’outils ad hoc permettant de simuler des cyberattaques et de tester leur capacité de réaction.

4.7.

Le CESE note que malgré les recommandations déjà formulées en 2015 (28), une réponse adéquate n’a toujours pas été apportée à certains défis clés pour la réalisation de la stratégie pour un marché unique numérique. La diffusion des compétences numériques, la maîtrise des outils informatiques, le passage des entreprises au numérique et l’administration en ligne restent des conditions préalables fondamentales pour un développement à grande échelle, partagé et équilibré.

4.8.

L’Union européenne a investi et continue d’investir plusieurs milliards d’euros dans la recherche et l’innovation, ainsi que dans le domaine du numérique. Toutefois, par rapport aux besoins estimés par la Commission (environ 155 milliards d’euros), nous sommes loin d’avoir atteint les niveaux d’investissement suffisants pour garantir un développement solide et équilibré du secteur du numérique, en phase avec nos principaux concurrents mondiaux. Par conséquent, la Commission européenne a souvent déclaré vouloir se tourner vers des partenariats public-privé (PPP) pour combler l’écart d’investissement.

4.8.1.

Le CESE est d’avis que les partenariats public-privé constituent sans aucun doute un levier important pour le développement et l’innovation, mais qu’ils ne peuvent pas être considérés comme une panacée. Le Comité invite dès lors les institutions européennes à être plus présentes en ce qui concerne les mesures et les financements dans les zones à faible base économique, comme pour toutes les initiatives visant à créer des infrastructures à haute valeur ajoutée mais dont les fruits ne pourront être récoltés qu’à long terme (mécanisme pour l’interconnexion en Europe — MIE).

4.9.

L’imposition des multinationales du numérique fait depuis longtemps l’objet d’un vif débat ainsi que d’importantes initiatives institutionnelles. En particulier, les systèmes fiscaux nationaux ne semblent pas toujours prélever des impôts justes sur les bénéfices générés par ces entreprises à l’intérieur de l’Union européenne. Le Comité invite la Commission à trouver des solutions à même de garantir un bon équilibre, dans les limites du principe de subsidiarité, de manière à soumettre les bénéfices à une juste imposition de leurs bénéfices sans entraver l’innovation et le développement.

4.10.

Le CESE rappelle qu’il importe de réduire la fracture numérique, qui risque de devenir l’un des principaux facteurs d’exclusion du monde du travail, économique et sociale. Dans ce contexte, il est nécessaire de mettre en œuvre dans les meilleurs délais les stratégies prévues par l’Union européenne en matière d’éducation et de formation dans le domaine du numérique (stratégie en matière de compétences pour l’Europe et coalition en faveur des compétences et des emplois numériques). Aussi le CESE recommande-t-il à la Commission de veiller à ce que ces stratégies soient appliquées rapidement et correctement par les États membres.

4.11.

Le CESE réaffirme le principe selon lequel l’accès à l’internet est un droit fondamental de chaque citoyen, ainsi qu’un outil indispensable d’inclusion sociale et de croissance économique. C’est pourquoi l’on ne peut désormais plus attendre pour inscrire l’accès à l’internet à haut débit parmi les services universels (29). Le CESE estime par ailleurs que le phénomène de la révolution numérique ne pourra être maîtrisé qu’avec la participation active des citoyens, qui doivent être conscients des opportunités et des risques que recèle l’internet.

4.12.

Il importe donc que l’Union européenne soutienne le Forum sur la gouvernance de l’internet et y participe activement; la prochaine réunion annuelle se tiendra à Genève, en décembre 2017, et s’intitulera Shape Your Digital Future!. Les participants se pencheront sur la manière d’optimiser les possibilités offertes par l’internet tout en faisant face aux risques et aux défis qu’il comporte.

4.13.

Le CESE soutient le train de mesures relatif à la connectivité (30) et accueille très favorablement les initiatives visant à réduire la fracture numérique entre les territoires (Wifi4EU) et à garantir la qualité des communications numériques (5G). Le Comité estime en particulier que l’initiative WiFi4EU est essentielle pour que le marché unique numérique soit «réellement» accessible à tous. C’est pourquoi il espère que ce projet pilote, actuellement doté d’une enveloppe de 125 millions d’euros, pourra devenir un élément structurel des politiques de l’Union européenne et verra son budget adapté, de manière à garantir à tous les citoyens, y compris ceux qui résident dans des zones à la base économique étroite (îles, régions montagneuses et ultrapériphériques, etc.), une connexion de qualité à l’internet.

4.14.

Le CESE souscrit à la proposition d’associer les plateformes en ligne à un vaste projet visant à en faire des acteurs responsables au sein d’un écosystème de l’internet équitable et transparent. Toutefois, une telle démarche ne saurait faire l’économie de la nécessaire réduction de l’éclatement législatif, compte tenu des incidences sur les entreprises (concurrence déloyale), les travailleurs (contrats) et les consommateurs (31) (contentieux transfrontaliers), et doit garantir le maintien des normes en vigueur.

4.15.

Le CESE considère que l’économie européenne fondée sur les données est l’un des secteurs où l’écart entre l’Union européenne et les champions de l’innovation numérique mondiale apparaît le plus évident. Il approuve la proposition de créer un cadre réglementaire pour autant que celui-ci prenne une forme qui soit également adaptée à l’informatique en nuage  (32), à l’intelligence artificielle et à l’internet des objets, prenne en compte la liberté contractuelle en supprimant les obstacles à l’innovation et bénéficie d’un financement approprié de l’Union européenne.

4.16.

Le Comité estime que la cybersécurité est une priorité dans la mesure où il s’agit d’un enjeu transversal qui touche à tous les domaines d’application du numérique et est indispensable pour garantir la souveraineté européenne, qui ne peut être dissociée de l’autonomie numérique, en ce qui concerne tant la collecte et la gestion des données que les équipements mêmes utilisés pour contrôler et suivre ce processus. Compte tenu de la diversité des domaines concernés, le Comité considère qu’il convient d’accroître sensiblement les fonds destinés à la cybersécurité, de dépasser le cadre de la recherche, d’associer les secteurs sensibles de l’industrie (transports, productions industrielles à forte valeur ajoutée, etc.) et d’aider les États membres à renforcer leur défense numérique.

4.17.

Le cyberterrorisme et la cybercriminalité représentent aujourd’hui des menaces imminentes pour l’ensemble des économies et des gouvernements. Le CESE recommande à la Commission de prévoir dans sa proposition de révision de la stratégie relative à la cybersécurité une amélioration sensible des normes de prévention, de dissuasion, de réponse, de gestion des crises et de résilience, dans le respect des droits fondamentaux de l’Union européenne, en jetant les bases du renforcement de la coopération entre les États membres et avec les pays tiers.

4.17.1.

Le CESE approuve l’approche retenue par la Commission lorsqu’elle considère que tous les produits numériques et systèmes connectés doivent être sûrs dès leur mise sur le marché et espère que les dispositions annoncées seront adoptées rapidement.

4.17.2.

Le Comité soutient la proposition de la Commission d’étendre le mandat de l’ENISA (33) en l’adaptant aux nouvelles menaces mondiales. En particulier, il considère que la révision des stratégies européennes en matière de cybersécurité passe aussi par une ouverture et une transparence accrues de l’ENISA, qui doit engager un véritable dialogue avec les citoyens et la société civile organisée, de manière à pouvoir valoriser ses initiatives et activités.

5.   Observations particulières

5.1.

Alors que 90 % des entreprises européennes ont besoin de compétences numériques, en 2016 seuls 44 % des citoyens européens et 37 % des travailleurs en possédaient à un niveau au moins suffisant. En outre, presque la moitié des entreprises européennes n’ont pas requalifié leurs salariés, ce qui est préjudiciable au travailleur comme à la compétitivité de l’entreprise elle-même (34). Par conséquent, le CESE réaffirme qu’il est urgent de consacrer des ressources spécifiques au financement d’une grande stratégie dans le domaine de l’éducation et de la formation numérique (35), en portant une attention particulière au fossé qui sépare les «natifs du numérique» de leurs aînés (36) et, d’une manière plus générale, en soutenant et en accompagnant les personnes des tous âges et de toutes conditions qui sont isolées du numérique.

5.2.

En ce qui concerne les effets sur l’emploi, il existe, en outre, une possibilité concrète que la robotisation entraîne une réduction globale du nombre d’emplois, en absorbant progressivement toutes les tâches répétitives et «moins» créatives (37). Partant, le CESE invite la Commission à engager une démarche dans le cadre du dialogue social européen en vue de garantir des salaires décents, un équilibre adéquat entre longévité et temps passé au travail, des emplois de qualité ainsi que l’accès généralisé à la sécurité sociale (38).

5.2.1.

Pour relever le défi de la numérisation, il sera essentiel de prendre des mesures dans les domaines de l’éducation et de la formation, en imaginant des moyens ad hoc à l’échelle européenne pour reclasser les travailleurs dont les tâches seront confiées à des machines ou rendues obsolètes par la robotisation, et en prévoyant des filets de sécurité sociale appropriés pour leur assurer une vie décente durant les phases de reconversion professionnelle. Il sera en outre fondamental d’inscrire ces mesures dans une stratégie ambitieuse, flexible et résiliente, capable de répondre rapidement et efficacement aux mutations induites par la révolution numérique, de manière à la maîtriser plutôt que d’en subir les effets.

5.3.

Le CESE réaffirme son soutien au plan d’action pour l’administration en ligne visant à offrir des services numériques conviviaux, personnalisés et sans frontières. Toutefois, il considère qu’à ce jour, de tels objectifs ne peuvent être atteints étant donné les retards dans la mise en œuvre de la stratégie au niveau national et le fait que des infrastructures numériques interconnectées ne soient pas présentes partout à l’échelle européenne. Le Comité constate la persistance de problèmes en lien avec le principe de la transmission unique d’informations et les retards dans la création d’un guichet unique numérique. Il rappelle en outre l’exigence de garantir une mise à jour conforme aux technologies les plus récentes, ainsi que la nécessité d’une plus grande ouverture à l’égard des utilisateurs pour ce qui concerne la possibilité de modifier ou de supprimer leurs données (droit à l’oubli) (39).

5.4.

Le CESE constate dans le secteur de la santé numérique (e-health) des problèmes similaires à ceux observés pour l’administration en ligne. Par conséquent, il propose d’encourager la création d’infrastructures numériques avancées, de renforcer la collaboration avec les secteurs de la recherche et de l’innovation, ainsi que d’associer plus activement les utilisateurs et les professionnels de la santé (40).

5.5.

Le CESE soutient la communication sur le passage au numérique des entreprises européennes et réaffirme qu’aucun État membre n’est en mesure à lui seul de saisir toutes les opportunités offertes par le numérique. En revanche, l’Union européenne peut, elle, se mesurer à ses principaux concurrents dans le monde pourvu qu’elle élabore une stratégie commune visant à renforcer la base industrielle européenne (Industrie 4.0) en tant que facteur autonome de compétitivité capable d’attirer les investissements, d’augmenter le nombre de postes de travail et de rester concentrée sur l’objectif d’une production industrielle représentant 20 % du PIB européen d’ici 2020 (41).

5.6.

Le Comité invite la Commission à soutenir l’innovation numérique dans toutes les entreprises, en mettant particulièrement l’accent sur les PME, qui pourraient en retirer des avantages importants (simplification et réduction de la bureaucratie), mais qui, en l’absence d’un appui et d’une aide adéquats, risquent d’être expulsées du marché. En effet, la numérisation des entreprises est désormais une condition indispensable, mais pas suffisante, pour rester sur le marché, et les PME, qui disposent d’instruments et de ressources moindres, pourraient éprouver plus de difficultés à s’adapter au changement.

5.7.

Le CESE juge nécessaire de soutenir les start-up dans la mesure où elles sont des vecteurs privilégiés de l’innovation sociale, de la croissance économique et de l’emploi, en favorisant leur développement et leur consolidation (scale-up). Le Comité préconise en particulier d’adopter une approche transversale touchant divers types d’entreprises et reposant sur trois objectifs clés: la simplification de la réglementation, la constitution de réseaux et un accès facilité aux financements (42).

5.8.

Le CESE considère que le commerce électronique transfrontière est l’un des secteurs clés pour le développement de la stratégie pour un marché unique numérique. Il rappelle la nécessité d’agir de manière plus résolue pour rendre les coûts de la livraison de colis abordables pour tous (43). Il recommande, en outre, d’harmoniser davantage les règles applicables aux contrats numériques, compte tenu de l’instrument législatif choisi (deux directives) qui risque de créer de la confusion sans que le cadre réglementaire ne s’en trouve simplifié (44).

5.9.

Le CESE se félicite des informations fournies par la Commission sur les résultats obtenus en matière de protection des consommateurs grâce à la plateforme de règlement des litiges en ligne  (45) mais estime que beaucoup reste à faire pour faire connaître plus largement cet outil et renforcer la confiance des consommateurs dans le commerce en ligne. En particulier, il appelle de ses vœux le renforcement des instruments de règlement extrajudiciaire des litiges, notamment au niveau transfrontière. Le CESE préconise en outre de prendre des mesures dans les domaines de la protection des données (46), des services de médias audiovisuels (47), de la lutte contre la fraude et de la protection du droit d’auteur (48), en veillant à protéger les utilisateurs, surtout les plus vulnérables d’entre eux, contre le harcèlement en ligne, les fausses nouvelles et toutes les formes d’incitation à la violence.

5.10.

Le CESE est également favorable au processus lancé par la Commission en vue d’harmoniser la protection des consommateurs à l’échelle européenne, à condition de ne pas modifier les normes de protection des consommateurs lorsqu’elles sont plus élevées, de manière à aboutir à une amélioration globale de la protection des consommateurs numériques dans l’Union européenne.

5.11.

Le CESE invite la Commission à rendre toujours plus transversale la stratégie pour un marché unique numérique, en l’intégrant dans d’autres secteurs ou stratégies d’importance cruciale pour le développement de l’Europe, comme l’énergie, l’économie circulaire (49) et les transports (50), dans le cadre plus large des objectifs de développement durable des Nations unies. Cette démarche pourrait en effet contribuer de manière décisive à la réalisation des objectifs de durabilité, de simplification et d’amélioration de l’efficacité.

5.12.

Le CESE considère que l’Union européenne doit accroître les investissements dans la recherche et l’innovation pour pouvoir concurrencer les champions de l’innovation numérique. Les initiatives visant à renforcer le socle d’infrastructures sont importantes mais ne sont pas décisives. Plus particulièrement, l’Europe devra assurer dans les meilleurs délais le déploiement de l’informatique en nuage  (51), conformément à la stratégie «Open Innovation, Open Science, Open to the World» (Innovation ouverte, science ouverte, ouverture au monde). Le Comité estime, en outre, qu’il convient de poursuivre l’approfondissement des travaux menés dans les domaines de l’informatique quantique et de l’intelligence artificielle (52).

5.13.

Le CESE approuve l’approche retenue par la Commission pour renforcer le rayonnement extérieur de la stratégie pour un marché unique numérique, mais considère toutefois qu’à ce jour, très peu d’efforts ont été engagés en la matière. Le Comité préconise en particulier deux niveaux d’intervention:

définition de nouvelles relations avec les concurrents numériques. L’Union européenne devra protéger les droits numériques, lutter contre le protectionnisme numérique et promouvoir une alliance mondiale pour la cybersécurité. Ce processus jouera un rôle clé dans la définition d’une nouvelle gouvernance mondiale,

promotion du développement numérique. Le numérique peut constituer un puissant vecteur de croissance à même de lutter contre les causes des guerres, de la pauvreté et des migrations. Par ailleurs, le Comité estime que la réalisation de la plupart des objectifs de développement durable des Nations unies requiert un recours intensif et généralisé au numérique, qui associe activement les pays et les citoyens, et pas seulement les plus riches et les plus développés. La réduction du fossé technologique doit donc constituer une priorité pour l’Union européenne à l’échelle mondiale et pas uniquement dans une optique de coopération transfrontalière.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphes 3.8 et 3.9.

(2)  COM(2015) 192 final.

(3)  COM(2016) 399 final.

(4)  COM(2015) 627 final.

(5)  COM(2016) 289 final.

(6)  COM(2016) 587, 588, 589, 590, 591 final.

(7)  COM(2015) 634 et 635 final.

(8)  COM(2016) 283 final.

(9)  COM(2016) 285 final.

(10)  COM(2016) 757 final.

(11)  COM(2016) 593 final.

(12)  Règlement (UE) 2016/679.

(13)  COM(2017) 10 final.

(14)  COM(2016) 287 final.

(15)  COM(2016) 593 et 594 final.

(16)  Eurobaromètre spécial no 460.

(17)  COM(2016) 288 final.

(18)  JOIN(2013) 1.

(19)  COM(2016) 381 final.

(20)  2016/C484/01.

(21)  COM(2016) 180 final.

(22)  COM(2016) 179 final.

(23)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 131; JO C 34 du 2.2.2017, p. 162.

(24)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 86.

(25)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 93.

(26)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10, paragraphes 3.8 et 3.9.

(27)  JO C 434 du 15.12.2017, p. 30.

(28)  JO C 71 du 24.2.2016, p. 65, stratégie pour un marché unique numérique, paragraphes 1.1, 1.2, 1.3 et 1.8.

(29)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 8.

(30)  Le CESE a élaboré un avis sur chacune de ces propositions mais en suivant la même approche afin de garantir la cohérence de sa vision et du fond des avis: JO C 125 du 21.4.2017, p. 51; JO C 125 du 21.4.2017, p. 56; JO C 125 du 21.4.2017, p. 65; JO C 125 du 21.4.2017, p. 69; JO C 125 du 21.4.2017, p. 74.

(31)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 119.

(32)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 86.

(33)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 124.

(34)  Commission européenne, Digital Transformation Scoreboard (Tableau de bord de la transformation numérique), 2017.

(35)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 1; JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.

(36)  JO C 389 du 21.10.2016, p. 28.

(37)  The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries: À Comparative Analysis, OCDE, 2016. L’on assiste à un débat animé concernant l’incidence de la révolution numérique sur le niveau d’emploi. L’OCDE prévoit une réduction de 9 % des postes de travail (ceux considérés comme plus répétitifs), mais d’autres études, réalisées notamment par la Banque mondiale ou d’autres institutions, annoncent une augmentation du nombre d’emplois ou une compensation des pertes d’emplois par les nouveaux postes créés. Bien sûr, toutes les études s’accordent sur le fait que le monde du travail sera soumis à des changements majeurs et sur la nécessité de prendre en temps utile des mesures compensatoires résilientes.

(38)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 161.

(39)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 99.

(40)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 14.

(41)  JO C 389 du 21.10.2016, p. 50.

(42)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 20.

(43)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 106.

(44)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 57.

(45)  Plus de 24 000 cas ont été résolus la première année, selon les éléments communiqués par la commissaire Jourová, http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-727_fr.htm

(46)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 107.

(47)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 157.

(48)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 27.

(49)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 98.

(50)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 85, JO C 345 du 13.10.2017, p. 52.

(51)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 86.

(52)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 1.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/111


Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2016»

[COM(2017) 285 final]

(2018/C 081/15)

Rapporteur:

Paulo BARROS VALE

Consultation

Commission européenne, 5 juillet 2017

Base juridique

article 304 du TFUE

 

 

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

177/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE porte un jugement favorable sur le contenu du rapport sur la politique de concurrence 2016 (1) et, d’une manière générale, il le soutient. Il exprime toutefois certaines inquiétudes quant au contexte actuel et par rapport à ce que la politique de concurrence européenne pourrait être selon lui.

1.2.

Le CESE considère d’un œil favorable les efforts déployés par la Commission pour défendre le respect des règles et favoriser ainsi un climat de concurrence loyale et libre, ainsi que pour développer une coopération internationale.

1.3.

Le CESE est d’avis que la politique de concurrence mérite d’être mieux définie et que dans bien des cas, elle est en porte-à-faux avec les autres politiques de l’Union qui influent sur elle. Les entreprises et les consommateurs rencontrent divers problèmes qui vont au-delà des domaines traités par la Commission au titre de la politique de concurrence et ont une incidence sur le marché intérieur: tel est le cas, pour ne prendre que cet exemple, de ceux qui découlent de la fiscalité.

1.4.

Les compétences de la Commission sont limitées, mais elle dispose d’un pouvoir d’initiative et peut se montrer plus ambitieuse dans sa mise en œuvre, pour articuler la thématique de la concurrence tant avec les diverses politiques européennes qu’avec l’activité des autorités nationales de la concurrence (ANC). Si l’on veut que la Commission et les ANC puissent œuvrer plus efficacement, il convient que les politiques européennes et nationales de concurrence se situent totalement sur la même ligne.

1.5.

Tous les jours, on peut observer que la concurrence a des effets négatifs pour certaines catégories, en particulier les PME et les consommateurs: pratiques de négociation des grands groupes de distribution, qui détruisent les entreprises plus petites du fait de leur âpreté quand ils traitent avec elles, et qui limitent les choix des consommateurs, schémas de formation des prix qui pèchent par manque de clarté, par exemple en ce qui concerne l’énergie et les combustibles, au détriment des entreprises et des consommateurs, ou encore pratiques de dumping que l’on continue à constater, tout particulièrement dans le secteur de la distribution et celui du transport, sont autant de questions qui requièrent la vigilance et la mobilisation constante des ANC compétentes et de la Commission.

1.6.

Bien que l’on ait conscience que la puissance des grands groupes est susceptible de créer des distorsions de concurrence, la Commission a entrepris de soutenir des fusions et concentrations qui ont donné naissance à de véritables géants sectoriels. Le CESE lui demande de dégager des solutions véritablement efficaces dans ces processus et de suivre d’un œil hautement vigilant l’activité des grands groupes, en s’assurant du respect des règles et des intérêts des consommateurs et des PME.

1.7.

Une uniformisation des politiques fiscales n’est pas possible au titre du traité. Il arrive que les disparités dans l’imposition, tant directe qu’indirecte, lèsent les entreprises et les consommateurs et aggravent les asymétries. Le CESE répète que tant que l’Europe maintient la fiscalité dans le champ des compétences réservées à l’échelon national, la politique de concurrence doit garantir une atténuation des distorsions découlant de la fiscalité.

1.8.

La coopération internationale s’est développée au fil de la négociation de différents accords. Le CESE soutient qu’il y a lieu de viser à de véritables alliances et que les accords conclus doivent tenir compte des réflexions approfondies qui ont déjà été conduites sur le contenu des accords commerciaux.

2.   Contenu du rapport sur la politique de concurrence 2016

2.1.

Le rapport présente, pour l’essentiel, les mesures adoptées par la Commission dans le domaine de la concurrence et constitue la synthèse d’un document de travail plus vaste sur l’action menée en 2016 (2).

2.2.

L’importance de la politique de la concurrence a été rappelée par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans son discours sur l’état de l’Union de 2016: «Des règles équitables, cela veut aussi dire qu’en Europe, les consommateurs sont protégés des ententes entre grandes entreprises et de leurs pratiques abusives. […] La Commission est garante de cette équité. C’est l’aspect social du droit de la concurrence.»

2.3.

Le rapport est structuré en six parties: introduction; assurer à tous des règles du jeu véritablement équitables: comment le contrôle des aides d’État contribue à relever le défi; stimuler la concurrence et l’innovation sur le marché unique numérique; créer un marché unique permettant aux citoyens et aux entreprises de l’Union européenne de faire valoir leurs droits; libérer le potentiel de l’union européenne de l’énergie et de l’économie circulaire; développer une culture de la concurrence à l’échelle européenne et mondiale.

2.4.

D’une manière générale, le CESE approuve le contenu du rapport. Il formule cependant une critique concernant un point sous l’intitulé «Maintenir un dialogue interinstitutionnel fructueux»: «Les règles en matière d’aides d’État préservent également des conditions de concurrence équitables entre les banques qui reçoivent des aides d’État et celles qui n’en reçoivent pas». Un certain nombre de conditions ont été imposées aux banques qui ont reçu des aides d’État mais on ne saurait affirmer que l’équité a été respectée entre celles qui ont bénéficié desdites aides et les autres. La distorsion de concurrence existe bel et bien et les mesures correctrices imposées ne l’atténuent guère.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement le rapport sur la politique de concurrence 2016, qui traite de questions de grande importance pour la vie des entreprises et des citoyens.

3.2.

Le tissu industriel européen est majoritairement constitué de PME. Ce sont elles qui sont le pilier de l’économie européenne et qui, du fait de leur dimension, sont les plus vulnérables face à la concurrence déloyale.

3.3.

Dans le secteur de la grande distribution, les PME sont particulièrement pénalisées par les abus de position dominante commis par les grands groupes de distribution qui, tirant parti de leur pouvoir de négociation élevé et contre toutes les règles de concurrence, recourent, dans le cadre de leurs tractations, à des pratiques abusives qui continuent de détruire les petits producteurs et le petit commerce et à conditionner les choix et les intérêts des consommateurs. Le CESE recommande que la Commission inclue dans ses prochains rapports sur la politique de concurrence une analyse du fonctionnement de la chaîne de distribution alimentaire.

3.4.

Pour remédier aux abus de position dominante et autres pratiques limitant la concurrence, l’action des ANC revêt une grande importance. Les capacités des ANC sous l’angle des ressources, des pouvoirs et de l’indépendance de l’activité ont été analysées par la Commission et des mesures devraient être adoptées pour répondre au constat qu’il serait possible d’accroître leur efficacité. Le CESE réaffirme que les ANC peuvent et doivent adopter une démarche plus préventive, au lieu d’avoir une attitude réactive après une dénonciation par des opérateurs ou des consommateurs, en particulier en ce qui concerne les pratiques d’abus de position dominante, qui se produisent constamment lors des réunions de négociation. La surveillance des négociations pourrait favoriser la prévention de certains abus de position dominante, en protégeant les petits opérateurs et les consommateurs.

3.5.

C’est dans ce domaine qu’il importe tout particulièrement de garantir que les droits des victimes de pratiques anticoncurrentielles soient effectivement respectés, alors que ni la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 ni la recommandation relative aux principes communs applicables aux recours collectifs dans le cadre des infractions à la législation relative à la concurrence ne se sont avérées capables d’assurer comme il se doit la défense collective des droits des victimes de ces infractions.

3.6.

Dans plusieurs secteurs, diverses fusions et concentrations ont eu lieu, qui ont donné naissance à des «géants», à même de peser sur le fonctionnement du marché et de porter atteinte aux règles de concurrence. La Commission a été appelée à se prononcer sur certaines de ces procédures. Dans les faits, peu d’entre elles ont été bloquées et les correctifs imposés en contrepartie de leur autorisation ont été en-deçà des attentes. D’un côté, la Commission pourchasse les ententes, à juste titre, mais de l’autre, elle autorise des fusions et des acquisitions sans contreparties. Le CESE fait part de son inquiétude quant au risque que dans certains secteurs, il ne se crée de grands groupes, pouvant ainsi aboutir à créer de graves distorsions de concurrence, détruire de nombreuses PME et conditionner les choix des consommateurs; aussi demande-t-il à la Commission de se montrer vigilante.

3.7.

Les distorsions de concurrence découlant des relations extérieures de l’Union affectent ses importations comme ses exportations. En effet, l’on voit entrer sur le marché européen des produits venant de pays où persistent le dumping social, des pratiques environnementales abusives, voire des aides d’État qui seraient considérées comme illégales au regard des règles européennes. Par ailleurs, les entreprises européennes respectueuses des normes éprouvent des difficultés à accéder à d’autres marchés, étant manifestement dans l’impossibilité de suivre les prix pratiqués par des concurrents issus de pays dont la législation est plus favorable ou dans lesquels les contrôles du respect de cette législation sont inefficaces.

3.8.

Toutefois, les distorsions de concurrence peuvent également découler des propres règles de l’Union. C’est le cas par exemple du règlement REACH (sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques) qui s’appliquera à partir du 31 mai 2018 aux entreprises qui fabriquent ou mettent sur le marché des substances chimiques, telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles, lorsque leurs quantités sont supérieures à une tonne par an. Ce règlement oblige les entreprises à présenter un registre des substances chimiques, telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles, en quantités supérieures à une tonne par an, à l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques), en acquittant dans le même temps la redevance correspondante. Le déclarant est considéré comme le détenteur légitime du rapport, si bien que l’information qu’il contient a pu devenir une marchandise, vendue sur le marché par les premiers déclarants, généralement des entreprises qui disposent d’une taille et d’une puissance économique élevées. Dans la pratique, lorsqu’une entreprise tente d’effectuer un enregistrement auprès de l’ECHA, il lui est signifié qu’elle devrait prendre contact avec le déclarant principal, lequel l’informe ensuite du coût de l’autorisation d’accès à l’information qu’il a déposée, ce coût pouvant atteindre des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros par substance. Il est prévu que les enregistrements soumis depuis au moins 12 ans en vertu du règlement peuvent être utilisés par d’autres fabricants ou importateurs pour enregistrer leurs produits. Dans la pratique, toutefois, à l’approche de la date à laquelle le règlement REACH entrera pleinement en application pour toutes les substances chimiques produites ou mises sur le marché en quantités supérieures à une tonne par an, les premiers déclarants exigent aujourd’hui des microentreprises et des PME du secteur le paiement de montants élevés, voire d’un pourcentage des ventes, en contrepartie des «lettres d’accès» à l’information qu’ils ont fournies à l’ECHA, alors qu’il conviendrait qu’elle soit publique et accessible gratuitement à tous les citoyens et entreprises de l’Union européenne, de manière à mettre en œuvre l’objectif qui a justifié sa création, à savoir la protection de la santé humaine et de l’environnement. Dans ce cas, la réglementation, conçue dans le but d’améliorer la protection de la santé humaine et de l’environnement face aux risques qui peuvent résulter de l’utilisation de produits chimiques, est susceptible de créer des obstacles à l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché et à la libre circulation des substances chimiques, situation qui est de nature à créer des situations où la concurrence est restreinte et dans laquelle des entreprises de grande taille abusent de leur position dominante. Le CESE réclame que l’on prête attention à la nécessité de procéder à une évaluation et une révision du règlement REACH, afin de supprimer les éventuels obstacles à la concurrence qui pourraient découler de l’application de cette réglementation.

3.9.

La question des concentrations et des aides d’État aux banques continue à figurer à l’ordre du jour. Du fait de la crise financière récente et de ses effets sur l’économie réelle et la confiance des marchés, les pratiques dans le secteur sont placées sous une surveillance constante, justifiée par les craintes légitimes que des problèmes graves ne se posent à nouveau. Les aides d’État temporaires ont sauvé le secteur financier de l’effondrement. Les banques ont subi des pertes importantes pendant la crise financière et leurs marges sont aujourd’hui réduites en raison du niveau des différentiels actuels de taux d’intérêt. Avec la restructuration de cette branche d’activités, l’on a assisté à la disparition de certaines institutions, mais aussi à des concentrations qui peuvent être préoccupantes, non seulement pour la stabilité du secteur financier en cas de nouvelle crise à l’avenir, mais aussi, en particulier, parce que la taille de ces nouveaux groupes est susceptible d’engendrer des situations de distorsion de la concurrence. Le CESE invite la Commission à se montrer attentive et vigilante par rapport à d’éventuels abus de position dominante qui peuvent porter préjudice aux intérêts des consommateurs et au financement des entreprises, en particulier des PME.

4.   Observations particulières

4.1.   Aides d’État

4.1.1.

Les aides d’État sont un outil important pour le développement car elles permettent la convergence des régions défavorisées et donnent la possibilité de promouvoir l’emploi et l’économie. Il convient de bien utiliser ces ressources limitées, sans contrevenir aux bonnes pratiques en matière de concurrence.

4.1.2.

Le CESE réaffirme sa conviction quant à la nécessité de concilier la modernisation en cours des aides d’État avec les objectifs de la stratégie Europe 2020, de la politique de cohésion et de celle de la concurrence, tout en préservant le rôle important des aides d’État dans des secteurs qui servent le développement de l’Europe et les services publics qui répondent à des besoins sociaux.

4.1.3.

Dans le passé, le CESE a déjà exprimé son soutien à la modernisation des aides d’État. Pour l’heure, il accueille favorablement l’obligation, pour les autorités chargées de l’octroi des aides, de fournir des informations sur celles dont le montant est supérieur à 500 000 EUR (3).

4.1.4.

Cette information répond à la contrariété qu’éprouvent les citoyens de l’Union européenne de ne pas être suffisamment informés sur les aides d’État accordées (4). L’enjeu, à présent, consiste à faire connaître cette possibilité de consultation, ainsi que les informations sur les règles d’octroi et de récupération de cette assistance, en favorisant la transparence quant à la bonne utilisation des fonds publics.

4.1.5.

Le CESE soutient l’action de la Commission pour ce qui est de la lutte contre les aides d’État octroyées par l’intermédiaire de rescrits fiscaux qui accordent des avantages fiscaux illégaux, ainsi que de l’adoption du paquet de mesures contre l’évasion fiscale visant à garantir que les entreprises paient l’impôt là où elles réalisent des bénéfices et à éviter la planification fiscale agressive (5).

4.2.   Le marché unique numérique

4.2.1.

Avec l’augmentation du réseau à large bande, le marché des services numériques occupe une place croissante dans la vie des entreprises et citoyens européens. Le commerce électronique est de plus en plus utilisé et la politique de la concurrence s’emploie à faire en sorte que le marché fonctionne, en protégeant les consommateurs et en veillant à ce que les entreprises les plus puissantes ne contournent pas les règles.

4.2.2.

Le CESE invite la Commission à poursuivre ses efforts contre les blocages géographiques qui entravent le commerce électronique, dans la mesure où ils peuvent constituer un obstacle à la création d’un véritable marché unique numérique. Dans un marché mondial, il ne peut exister une quelconque forme de différence de traitement entre les clients en fonction de leur localisation.

4.2.3.

Le marché numérique étant dominé par quelques géants technologiques, assurer l’accès des consommateurs aux meilleurs produits et aux meilleurs prix, ainsi que l’entrée sur le marché de nouveaux produits et de nouvelles entreprises concurrentes, constitue un défi.

4.2.4.

Certaines plateformes de réservation en ligne constituent actuellement une grande source de préoccupation pour les hôteliers en raison de l’abus de position dominante qu’elles exercent sur les réservations de voyages. Elles facturent des frais bien supérieurs à ceux appliqués par les agences de voyages et vont jusqu’à contraindre les hôteliers à pratiquer les mêmes tarifs pour le même type de chambre dans tous les circuits de vente. Le CESE demande à la Commission d’enquêter sur les clauses de parité et les frais facturés, qui mettent en danger la libre concurrence dans le secteur.

4.2.5.

La Commission a poursuivi son travail d’enquête sur les pratiques de Google (fonctionnement du moteur de recherche, restrictions imposées à la capacité de certains sites Internet tiers d’afficher des annonces associées à la recherche de concurrents de Google, conditions restrictives imposées aux fabricants d’appareils Android et aux opérateurs de réseaux mobiles) et d’Amazon (accords avec les éditeurs) qui peuvent constituer des violations des règles en matière d’ententes. Une amende record de 2,4 milliards d’euros a été récemment infligée à Google pour abus de sa position dominante sur le marché du moteur de recherche, conférant un avantage illicite à un autre produit Google, à savoir son propre service de comparaison de prix.

4.2.6.

Parmi les moteurs de recherche, Google occupe une position dominante, et la Commission doit veiller à ce que les résultats des recherches effectuées n’offrent pas de réponses tronquées, susceptibles de limiter les choix des utilisateurs de cette information. La Commission doit également concentrer son attention sur les pratiques du site Booking qui, abusant de sa position dominante, conditionne les résultats de recherches sur l’offre touristique européenne, avec une incidence particulièrement négative sur les marchés et les entreprises de petite dimension.

4.2.7.

Le secteur des télécommunications est particulièrement important dans la vie des consommateurs et des entreprises. Le CESE fait observer à la Commission que le marché dans ce domaine n’est toujours pas ouvert ni concurrentiel. En effet, les opérateurs de télécommunications continuent de recourir à des pratiques contraires à la libre concurrence, en augmentant les tarifs pendant la durée d’un contrat sans que le consommateur reçoive au préalable une quelconque information qui lui permette de dénoncer ledit contrat, comme le prévoit la réglementation. Cette hausse des prix a été particulièrement sensible dans le contexte de la fin des redevances d’itinérance, laquelle, en pratique, a débouché sur une augmentation tarifaire généralisée qui a produit des retombées négatives pour toutes les personnes qui ne voyagent pas.

4.3.   Marché de l’énergie et de l’économie circulaire

4.3.1.

En dépit des efforts déployés ces dernières années, le marché unique de l’énergie reste à concrétiser. Le prix élevé de l’énergie, particulièrement dans certains pays, pèse lourd dans le budget des ménages et des entreprises, car la libéralisation des marchés n’a pas donné lieu à une réduction effective des tarifs. Ces prix maintiennent l’Europe dans une position désavantageuse, par rapport à ses autres concurrents mondiaux, pour ce qui est du coût de l’énergie.

4.3.2.

L’amélioration de l’efficacité énergétique et les investissements dans les énergies renouvelables doivent rester des axes majeurs des efforts déployés sur la voie d’une Europe plus compétitive et plus durable, malgré les préoccupations environnementales que soulève le traitement des déchets résultant de l’utilisation des technologies concernées (piles et cellules photovoltaïques). En dépit des avancées technologiques, les énergies renouvelables n’ont pas encore atteint un stade de développement qui leur permette de concurrencer les énergies fossiles et nucléaire; aussi convient-il de continuer à les encourager, pour qu’elles deviennent compétitives sur un marché plus équitable.

4.3.3.

Les énergies renouvelables ne constituent pas seulement une source d’énergie propre: elles devraient également être considérées comme une chance de développement pour les communautés locales, leur permettant de devenir simultanément consommateurs et producteurs d’énergie dans le cadre d’un modèle décentralisé de production d’énergie bénéfique pour elles.

4.3.4.

La technologie a évolué et la production d’énergie solaire photovoltaïque est devenue plus accessible aux entreprises et ménages qui souhaitent installer des centrales pour couvrir leur propre consommation, mais l’attribution de licences pour l’installation de centrales est limitée à une certaine puissance et ce plafonnement est de nature à réduire l’attrait de cet investissement pour des opérateurs d’une certaine taille, dont la facture énergétique pourrait être fortement réduite, voire pratiquement ramenée à zéro durant les mois de fort ensoleillement.

4.3.5.

Par ailleurs, l’Europe doit continuer à préserver son indépendance énergétique en renforçant les connexions de manière à réduire sa vulnérabilité et intensifier la concurrence.

4.3.6.

Le CESE redit qu’il convient de mettre tout particulièrement l’accent sur les grands défis auxquels l’Union européenne est confrontée:

procéder à une réduction des coûts de l’énergie pour les ménages et les entreprises, qui apporterait des avantages évidents sur le plan social et économique, ainsi que pour la compétitivité extérieure des firmes européennes,

promouvoir la création d’une véritable politique européenne dans le domaine de l’énergie,

améliorer l’intégration des marchés de l’énergie en encourageant les connexions européennes,

assumer un rôle de chef de file dans la mise en œuvre de l’accord de Paris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le contexte du développement durable.

4.4.   Coopération internationale

4.4.1.

Dans un marché mondialisé, l’Europe continue de subir la concurrence déloyale de pays dont les pratiques sociales et environnementales sont abusives. Indépendamment de l’aspect social, qui est important, les distorsions de concurrence découlant des relations extérieures de l’Union nécessitent une forte mobilisation, dans le cadre de la diplomatie internationale, pour protéger les entreprises et les consommateurs contre les phénomènes existants de distorsion de la concurrence, tant pour les importations que pour les exportations.

4.4.2.

Le CESE se félicite de l’engagement de la Commission de s’engager activement dans les organismes internationaux qui œuvrent dans le domaine de la concurrence tels que le comité de la concurrence de l’OCDE, la Banque mondiale, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement et le Réseau international de la concurrence.

4.4.3.

Le CESE se félicite également de l’engagement dont témoigne la Commission dans les négociations des accords de libre-échange avec l’Arménie, le Mexique, l’Indonésie, les Philippines et le Japon, ainsi que dans la coopération technique avec les économies émergentes. Il demande uniquement que l’on veille à ce que ces accords assurent non seulement l’équilibre de la concurrence, en protégeant les entreprises et les consommateurs, mais qu’ils contribuent aussi à la cohésion économique et sociale de l’Europe.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2017) 285 final.

(2)  SWD(2017) 175 final, disponible en anglais uniquement.

(3)  https://webgate.ec.europa.eu/competition/transparency/public/search/home?lang=fr

(4)  Perception and Awareness about Transparency of State Aid («Perceptions et sensibilisation concernant la transparence des aides d’État»), Eurobaromètre, juillet 2016.

(5)  http://ec.europa.eu/taxation_customs/business/company-tax/anti-tax-avoidance-package_fr


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/117


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur l’examen à mi-parcours du plan d’action concernant l’union des marchés des capitaux»

[COM(2017) 292 final]

(2018/C 081/16)

Rapporteur:

Daniel MAREELS

Consultation

Commission européenne, 5.7.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5.10.2017

Adoption en session plénière

19.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

136/0/3

Préambule

Le présent avis fait partie d’une série qui en comporte quatre, consacrés à l’avenir de l’économie européenne (approfondissement de l’Union économique et monétaire, politique économique de la zone euro, union des marchés des capitaux et avenir des finances de l’Union européenne)  (1) . Cette suite s’inscrit dans le contexte créé par le processus du livre blanc sur l’avenir de l’Europe, récemment lancé par la Commission européenne, et prend en compte le discours 2017 sur l’état de l’Union, prononcé par le président Juncker. Dans le sillage de la résolution du Comité économique et social européen (CESE) sur l’avenir de l’Europe  (2) et d’avis antérieurs sur l’achèvement de l’Union économique et monétaire (UEM)  (3) , cet ensemble souligne que dans la gouvernance de l’Union, il est nécessaire de disposer d’une vision partagée qui transcende nettement les approches et mesures techniques et constitue surtout et avant tout une question de volonté politique et de perspective commune.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Dès lors que l’union des marchés des capitaux revêt une importance cruciale, tant pour poursuivre et approfondir l’intégration et le développement européens que pour chacun des États membres, et qu’il s’impose de prendre en compte les mutations du contexte international, le CESE est un partisan résolu de cette union et prend une position ambitieuse en ce qui concerne sa réalisation. Pour le Comité, l’enjeu consiste à tout mettre en œuvre pour en faire une réussite. Il s’agit d’engranger rapidement des progrès et des résultats, afin d’imprimer à brève échéance de nouveaux élans à l’économie de l’Union européenne et de la dynamiser encore davantage.

1.2.

Le Comité, en effet, s’est toujours conduit en grand défenseur de l’union des marchés des capitaux et en a recommandé expressément l’approfondissement et l’achèvement. Il réitère aujourd’hui cet engagement et plaide on ne peut plus vigoureusement en faveur de cette union. Combinée à l’union bancaire, celle des marchés des capitaux doit contribuer à garantir l’émergence d’une union financière dont la réalisation doit notamment garantir la mise en place de l’Union économique et monétaire, car elle en constitue l’un des fondements. Dans la constitution de cette union des marchés des capitaux, les premières réalisations sont d’ores et déjà acquises, et l’union bancaire a elle aussi franchi plusieurs étapes, avec l’élaboration du premier et du deuxième pilier et les propositions avancées pour le troisième. Le défi consiste à présent à poursuivre le travail dans les deux chantiers et à parvenir aussi rapidement que faire se peut à en concrétiser aussi véritablement les objectifs ultimes.

1.3.

En outre, l’union des marchés des capitaux peut contribuer de manière substantielle à consolider la reprise économique et, ainsi, être l’un des facteurs qui favorisent la croissance, l’investissement et l’emploi, et ce, au bénéfice tant de chacun de ses États membres en particulier que de l’Union européenne dans son ensemble. Structurellement, l’élargissement et la diversification des sources de finances dont elle s’accompagne doivent assurer une intégration plus poussée, laquelle concourra à son tour à faire que le système économique, tout comme celui de la finance, deviendront, comme souhaité, plus stables, sûrs et résilients face aux chocs. Il n’est pas envisageable que nous choisissions de persister à évoluer dans la situation actuelle de morcellement, car elle nous empêche d’exploiter bien des occasions.

1.4.

De même et étant donné que nous voyons se produire actuellement toute une série de glissements de forces et déplacements de puissance, à l’échelle internationale et planétaire, et que, plus près de nous, le Royaume-Uni quittera bientôt l’Union européenne, il importe que l’Union européenne adopte un profil décidé et renforce sa position au plan économique. À cet égard, l’Europe peut s’inspirer de la force de rebond et du dynamisme dont l’économie américaine a témoigné à l’issue de la crise.

1.5.

De l’avis du CESE, l’union des marchés des capitaux ne peut constituer un dispositif facultatif, au profit de quelques-uns, mais doit au contraire être concrétisée dans tous les États membres de l’Union européenne: il s’agit là d’un impératif absolu. Au plan européen comme dans les États membres, il faudra que soit présente la volonté politique de déployer tous les efforts requis et créer les conditions appropriées qui sont nécessaires. Le résultat à obtenir doit être une union des marchés des capitaux qui tout en encourageant l’intégration dans l’ensemble de l’Union, prête aussi attention aux besoins, nécessités et ambitions existants, notamment de certaines régions et zones. Il est impératif de mener une politique conséquente et cohérente à tous les niveaux et de se garder de toute initiative qui ne s’inscrirait pas dans la logique des objectifs assignés.

1.6.

Pour le CESE, il est de la plus haute importance de maintenir à un niveau maximal les chances de réussite de l’union des marchés des capitaux. À cette fin, il est expressément proposé de prévoir les outils indispensables pour pouvoir relever et mesurer, dans tous les États membres, les efforts réellement déployés pour cette union, ainsi que les progrès enregistrés. Plus concrètement, le Comité est résolument favorable à la mise en place d’un mécanisme d’évaluation régulière de la progression de l’union des marchés des capitaux et de sa mise en œuvre dans les États membres, qui s’appuierait sur des mesures d’ordre tant quantitatif que qualitatif et dont les résultats seraient diffusés auprès du public, des dispositions et actions appropriées étant prises en cas de manquements.

1.7.

Le succès final de l’union des marchés des capitaux dépendra de la mesure dans laquelle on parviendra à transposer efficacement dans la réalité les composantes proposées, ainsi qu’à faire véritablement émerger un marché unifié et à faire qu’il soit utilisé par l’ensemble des parties prenantes et notamment par les prestataires de services financiers, les entreprises, les investisseurs et les épargnants. En conséquence, le Comité se dit satisfait de l’actuelle évaluation à mi-parcours, intervenant dans un délai rapide, et il préconise qu’à l’avenir, on continue à organiser des exercices similaires sur une base régulière, en y associant également, de manière active et étroite, les différentes parties prenantes susmentionnées.

1.8.

Les étapes ultérieures nécessaires pour jeter les bases de l’union des marchés des capitaux exigent d’effectuer des choix. De l’avis du Comité, il convient d’accorder la préférence aux mesures et actions qui produisent un maximum de convergence et laissent aux États membres le moins de marge possible pour aller au-delà du strict nécessaire. Il y aura lieu de garder à l’esprit la démarche REFIT, pour que les choses restent aussi simples que possible, sans lourdeurs administratives inutiles et à moindre coût.

1.9.

Selon le document de la Commission, 38 composantes de l’union des marchés des capitaux doivent (encore) être mises en place d’ici 2019. Si ce nombre élevé de mesures à exécuter à bref délai peut susciter des questions quant à l’approche à adopter, le Comité juge qu’il importe que les fondations de l’union des marchés des capitaux soient, aussi vite que possible, jetées d’une manière irréversible.

1.10.

À cet égard, le CESE insiste tout particulièrement pour que toute l’attention nécessaire soit accordée au financement des PME, pour lesquelles celui d’origine bancaire continue à revêtir une très haute importance. En plus des mesures que le plan d’action initial prévoyait déjà en leur faveur, notamment les titrisations simples, transparentes et standardisées et la directive sur les prospectus, il convient de valoriser toutes les initiatives reprises dans la communication à l’examen qui sont susceptibles d’améliorer encore la situation pour ces entreprises. Par ailleurs, il y a lieu de développer et stimuler encore d’autres pistes en leur faveur, comme les voies de financement substitutives ou la promotion d’autres instruments d’action.

1.11.

En outre, le CESE est heureux de constater que l’accent est placé sur le renforcement des investissements durables et sur le rôle moteur que l’Union européenne devrait jouer dans ce domaine. Il soutient l’idée que des considérations touchant à la durabilité soient prises en compte dans les prochains réexamens de la législation financière (action prioritaire 6).

1.12.

Enfin, le Comité se félicite de la place centrale que la surveillance occupera dans les efforts destinés à déployer l’union des marchés des capitaux. Cette surveillance exercée au niveau européen a un rôle essentiel à jouer, tant pour ce qui est de la sécurité et de la stabilité que s’agissant de réaliser l’intégration des marchés telle que souhaitée et d’éliminer les obstacles, entraves et inégalités au sein de l’union des marchés des capitaux.

2.   Contexte

2.1.

Une des priorités absolues que la Commission Juncker s’est assignées lors de son entrée en fonction consiste à encourager la croissance, les investissements et l’emploi. C’est pour réaliser cet objectif qu’elle s’est attelée d’entrée de jeu à élaborer un «plan d’investissement pour l’Europe», qui comporte plusieurs volets.

2.2.

Ce plan prévoit notamment de tendre vers une union homogène des marchés des capitaux. Le processus a été enclenché fin septembre 2015, lorsque la Commission a publié son «plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux» (4), lequel a jeté les bases nécessaires pour instaurer, d’ici 2019, une union des marchés des capitaux efficace et intégrée, englobant tous les États membres.

2.3.

Il y a moins d’un an, le Conseil européen plaidait déjà pour que des «progrès rapides et résolus» soient réalisés, afin «de faciliter l’accès des entreprises au financement et de soutenir l’investissement dans l’économie réelle en faisant progresser le programme pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux» (5), et peu après, la Commission adoptait une communication dans laquelle à son tour, elle prônait une accélération des réformes (6).

2.4.

En outre, l’intégration financière s’est trouvée récemment confrontée à un certain nombre de nouveaux défis, comme le départ imminent du plus important centre financier de l’Union européenne (Brexit).

2.5.

Tous ces développements ont récemment (7) amené la Commission à publier sa «Communication sur l’examen à mi-parcours du plan d’action sur l’union des marchés des capitaux» (8). En plus a) de procéder à un état des lieux concernant la mise en œuvre du plan d’action original et b) d’annoncer une série de nouvelles initiatives législatives qui se rattachent à des dispositions encore en suspens, cette évaluation à mi-parcours signale c) diverses nouvelles actions prioritaires.

2.5.1.

Cette évaluation à mi-parcours entend plus précisément répondre aux défis, d’une nature changeante, qui sont apparus, ainsi que faire entrer en ligne de compte les résultats de la consultation publique qui s’est déroulée au début 2017.

2.5.2.

Conformément au calendrier initial (9), la Commission a pris plus de la moitié (20 en l’occurrence) des mesures, au nombre de 33, que prévoyait le plan. L’objet des propositions avancées consiste notamment à développer les marchés du capital-risque, à permettre aux entreprises d’accéder plus facilement et à moindres frais aux marchés boursiers en révisant la réglementation sur les prospectus, à supprimer le traitement fiscal préférentiel de l’endettement par rapport aux fonds propres, à promouvoir la sécurité et la liquidité du marché de la titrisation et à donner aux entrepreneurs honnêtes la possibilité de se restructurer ou de bénéficier d’une deuxième chance en cas de faillite.

2.5.3.

En ce qui concerne les éléments du programme qui sont encore à réaliser (10), la Commission a notamment l’intention de lancer trois propositions législatives qui font figure d’éléments constitutifs essentiels pour la création de l’union des marchés des capitaux. Concrètement, elles concernent un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP, texte publié le 29 juin 2017), les conflits de lois concernant l’opposabilité des transactions sur titres et créances (quatrième trimestre 2017) et un cadre de l’Union européenne pour les obligations garanties (premier trimestre 2018).

2.5.4.

Pour répondre aux défis que constituent les évolutions, neuf nouvelles actions prioritaires sont lancées (11), visant à renforcer l’union des marchés des capitaux:

donner davantage de compétences à l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), afin de favoriser l’efficacité d’une surveillance cohérente dans l’ensemble de l’Union européenne et au-delà de ses frontières,

renforcer la proportionnalité du cadre réglementaire concernant l’entrée en bourse des PME,

revoir le traitement prudentiel des entreprises d’investissement,

examiner l’hypothèse d’un cadre européen pour les agréments et les passeports des activités de technologie financière,

prendre des mesures d’appui aux marchés secondaires des prêts non productifs et étudier la possibilité de soumettre des initiatives législatives ayant pour but que les créanciers garantis soient mieux à même de récupérer de la valeur sur les prêts garantis accordés aux entreprises et aux entrepreneurs,

donner une suite aux recommandations du groupe d’experts à haut niveau sur la finance durable,

faciliter la commercialisation et la surveillance transfrontières des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et des fonds d’investissement alternatifs (FIA),

fournir des orientations sur les règles de l’Union européenne concernant le traitement des investissements transfrontières réalisés sur son territoire et un cadre adéquat de résolution à l’amiable des différends en matière d’investissement,

proposer une stratégie globale de l’Union européenne sur les mesures à envisager pour épauler le développement de marchés locaux et régionaux des capitaux.

2.6.

Le but reste encore et toujours d’apporter une contribution décisive et durable à la mise en place des fondements d’une véritable union des marchés des capitaux d’ici 2019. Cet objectif trouvera une traduction dans le programme de travail de la Commission pour 2018.

3.   Observations et commentaires

3.1.

En premier lieu, le Comité (12) réaffirme son soutien de principe et réitère son avis antérieur en faveur de l’union des marchés des capitaux, dont la réalisation revêt une importance vitale afin d’approfondir l’intégration financière et économique au sein de l’Union. On ne peut s’abstenir de tirer parti de l’élan actuel, en particulier si l’on considère que toute une série de glissements de forces et déplacements de puissance sont aujourd’hui à l’œuvre entre l’Orient et l’Occident. L’Union européenne doit se positionner de manière résolue.

3.2.

L’union des marchés des capitaux constitue une composante indispensable d’un programme plus vaste qui doit contribuer à augmenter la croissance, l’investissement et l’emploi. Il est impératif qu’une reprise de l’économie durable et saine reste au premier rang des priorités et constitue un objectif à poursuivre sur-le-champ: il s’agit, en effet, de consolider le rétablissement économique et de mettre ou conserver un plus grand nombre de personnes au travail.

3.3.

En outre, grâce à l’union des marchés des capitaux, il doit être possible, dans un environnement plus homogène, de mobiliser à grande échelle des capitaux en Europe et de les canaliser vers toutes les entreprises, projets d’infrastructures et initiatives durables de long terme. L’économie doit devenir plus dynamique et vigoureuse grâce à l’élargissement et à la diversification des sources de financement, qui sont la raison d’être de cette union et pour lesquels le financement tant par les banques que par les marchés pourra jouer pleinement son rôle. Le modèle américain, qui s’est avéré plus résilient pour l’après-crise, peut servir de source d’inspiration sur ce point, parallèlement à d’autres innovations, parmi lesquelles les prêteurs non bancaires assumeront un rôle plus important.

3.4.

Dans le même temps, l’enjeu consiste à s’efforcer de progresser vers la convergence économique et sociale et à renforcer ainsi la stabilité interne de l’Union européenne dans le domaine des finances et de l’économie. Il convient de privilégier une approche qualitative, placée sous le signe d’une croissance saine et durable et de la prospérité. Les entreprises, les investisseurs et les épargnants doivent eux aussi pouvoir tirer profit de l’union des marchés des capitaux mais on ne peut admettre qu’ils aient à supporter de ce fait des risques excessifs.

3.5.

L’union des marchés des capitaux revêt également une importance cruciale pour l’approfondissement et l’achèvement de l’Union économique et monétaire (UEM) et il est indispensable de la mener à bien (13). Le Comité réaffirme présentement le point de vue qu’il défend traditionnellement à cet égard (14). Combinée avec une union bancaire à part entière, l’union des marchés des capitaux doit déboucher sur une véritable union financière, laquelle constitue l’un des quatre piliers (15) de l’UEM (16). Plusieurs jalons ont déjà été posés dans ces domaines et il y a lieu de poursuivre sans relâche les efforts entrepris.

3.6.

La réalisation de l’union des marchés des capitaux sert d’ailleurs les intérêts de tous les États membres. Comme on a pu encore l’affirmer voici peu, «l’union des marchés des capitaux comporte encore un autre grand avantage, à savoir qu’elle contribue à faire converger la croissance entre les différents États membres, du fait d’une amélioration de la circulation et de la répartition de l’épargne à travers l’Union». Les économies moins fortes devront ainsi être en mesure de rattraper plus rapidement les plus performantes (17). Dans cette perspective, «le Brexit fait qu’il est encore plus crucial que l’union des marchés des capitaux soit effectivement mise en œuvre et que la croissance européenne puisse tirer profit des services d’un système financier intégré (18)».

3.7.

Il en résulte que pour le Comité, il est extrêmement souhaitable d’enregistrer rapidement des progrès. Il peut faire siennes les déclarations du Conseil européen de juin 2016 (19) et d’autres encore (20) qui vont dans le même sens.

3.8.

Intervenant dans un délai rapide (21), l’évaluation à mi-parcours du plan d’action maintient l’attention sur le sujet et permet de réagir promptement. Le Comité s’en trouve satisfait, car elle offre la possibilité de répondre de manière plus forte et mieux ciblée aux défis variés, engageant l’avenir, qui se posent dans un contexte politique et économique en constante mutation. Soit dit en passant, il est souhaitable de prévoir qu’à l’avenir aussi, des évaluations intermédiaires analogues soient régulièrement organisées. Le Comité juge opportun que les différentes parties prenantes soient toujours associées de manière active et étroite à cette opération. Ce point compte d’autant plus que l’on ne peut perdre de vue que le succès final de l’union des marchés des capitaux dépendra de la mesure dans laquelle on parviendra à transposer dans une «vraie» réalité les composantes proposées, ainsi qu’à faire émerger véritablement un marché unifié et à faire qu’il soit utilisé par le plus grand nombre possible de prestataires de services financiers, d’entreprises, d’investisseurs et d’épargnants.

3.9.

S’agissant de réaliser l’union des marchés des capitaux, il convient d’accorder la préférence aux mesures qui apportent la plus grande contribution à la convergence (22) et laissent aux États membres le moins de marge possible pour aller au-delà du strict nécessaire. Il s’impose d’éviter les disparités concernant la transposition de la législation européenne dans les lois nationales, ainsi que son application concrète. On se devra d’ailleurs de s’appuyer autant que faire se peut sur l’approche REFIT.

3.10.

Pour le Comité, l’union des marchés des capitaux ne peut constituer un dispositif facultatif, qui ne profitera qu’à certains pays: au contraire, il faut qu’elle devienne une réalité dans tous les États membres de l’Union européenne. Il s’agit là d’un impératif absolu. À cette fin, il est de la plus haute importance que l’on puisse compter, au niveau européen et dans chacun des États membres sur la présence d’une volonté (politique) de créer les conditions adéquates et que soient prévues les mesures incitatives nécessaires qui rendront cette réussite possible et la concrétiseront.

3.11.

Aucune concession n’étant possible quant à la nécessité impérative que l’union des marchés des capitaux soit mise en œuvre dans tous les États membres (voir paragraphe 3.10 supra), il est indispensable de prévoir des instruments qui permettent d’évaluer dans tous les États membres la réalisation effective des objectifs visés et les progrès véritablement accomplis. Dans cette perspective, le Comité est résolument favorable à la mise en place d’un mécanisme d’évaluation régulière de la progression de l’union des marchés des capitaux et de sa mise en œuvre dans les États membres, s’appuyant sur des critères tant quantitatifs que qualitatifs. Les résultats de cette évaluation devraient être rendus publics. Si des lacunes sont constatées, il faudra prévoir des actions et des mesures appropriées.

3.12.

Le résultat à obtenir doit être une union des marchés des capitaux qui tout en encourageant l’intégration dans l’ensemble de l’Union, porte aux besoins, nécessités et ambitions propres à chacun de ses États membres une attention qui ne doit cependant pas aboutir à réintroduire le morcellement ou la compartimentation. Dans ce contexte, il est clair que le développement de marchés régionaux de capitaux pour certaines régions et les entrepreneurs qui y sont implantés (action prioritaire 9) revêt une grande importance. Cette action peut également contribuer à stimuler le commerce et les prestations de services à l’échelon transfrontière, qui restent souvent plus onéreux et compliqués qu’au plan local.

3.13.

Du reste, pour que la mise en œuvre de l’union des marchés des capitaux soit couronnée de succès, il est impératif de mener une politique conséquente et cohérente à tous les niveaux — et l’enjeu consistera ici à éviter toute initiative qui ne s’inscrirait pas dans la logique de cette union ou serait de nature à la morceler, à dresser des obstacles devant elle ou à lui imposer d’autres barrières.

3.14.

Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 38 mesures et actions que comporte l’aperçu exhaustif des composantes de l’union des marchés des capitaux qui doivent (encore) être mises en place d’ici 2019, tel qu’on peut le trouver dans le document de la Commission (23). Dès lors que l’on veut maintenir à un niveau maximal les chances de réussite évoquées ci-dessus, on peut légitimement se demander si l’on ne veut pas en faire trop sur un laps de temps excessivement court et s’il ne serait pas mieux de se concentrer sur un nombre restreint de priorités (24). Quelle que soit la réponse apportée à cette question, l’important sera d’œuvrer, dans les délais impartis, en se situant dans une optique centrée au maximum sur le résultat et de jeter irréversiblement les bases de l’union des capitaux.

3.15.

Ainsi que le CESE l’avait déjà indiqué dans son avis initial sur le plan d’action, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur est le financement des PME, qui constituent le cœur vivant de l’économie européenne et revêtent une importance cruciale pour l’emploi. Au terme de cette évaluation à mi-parcours, il continue à se poser des questions (25) quant à la pertinence et l’efficacité de l’union des marchés des capitaux pour les PME.

3.16.

Il y a notamment lieu, dans le cas des PME, en particulier de petite taille, de tout mettre en œuvre afin que le financement bancaire devienne ou reste aisément accessible et attrayant (26) pour ce type d’entreprise, à l’échelon tant local que transfrontière. De même, il convient d’encourager et d’améliorer les possibilités concernant les voies de financement substitutives pour les PME. Les propositions concernant la titrisation (titrisations simples, transparentes et standardisées), sur lesquelles le CESE s’était précédemment prononcé dans un sens favorable (27), représentent indéniablement un pas dans la bonne direction mais on ne peut s’en contenter et en rester là. Développer un marché pour les prêts non productifs (action prioritaire 4) et un régime pour les obligations garanties peut également jouer un rôle éminent à cet égard, tout comme la promotion des instruments qui existent en matière de politique en faveur des PME.

4.   Observations et commentaires particuliers

4.1.

Sans prétendre à l’exhaustivité, le Comité présente ci-après une série d’observations et de commentaires sur certaines des actions prioritaires (28) annoncées dans le document de la Commission qui ont retenu son attention.

4.2.

Le Comité est extrêmement satisfait que la surveillance occupera une place centrale dans les efforts destinés à déployer l’union des marché des capitaux (action prioritaire 1) et il espère que cet aspect continuera à bénéficier d’une attention prioritaire. Cette surveillance exercée au niveau européen a un rôle essentiel à jouer, tant pour ce qui est de la sécurité et de la stabilité de l’appareil financier et économique que s’agissant de réaliser l’intégration des marchés telle que souhaitée et d’éliminer les inégalités et autres obstacles, quelle que puisse en être la nature, au sein du marché unifié.

4.3.

C’est une entreprise extrêmement louable et méritant assurément l’attention que de tendre à plus de proportionnalité dans les règles visant à soutenir les introductions en bourse et les entreprises d’investissement (action prioritaire 2), mais il faut s’attacher aussi, dans le même temps, à défendre les intérêts des petits épargnants et investisseurs et à les protéger.

4.4.

Il est tout à fait légitime d’avoir le souci de renforcer la position dominante de l’Union européenne dans le domaine de l’investissement durable (action prioritaire 6), car il importe que l’Europe joue un rôle pionnier dès lors qu’il est question de croissance «bonne» et durable. Dans ce domaine, c’est une approche qualitative qui doit primer. Un point tout aussi important est que les épargnants et les investisseurs disposent d’une information appropriée, couvrant par exemple une période suffisamment longue. Ainsi, aucune information n’est conservée plus de trois ans en ce qui concerne l’impact d’un investissement. Il conviendrait d’examiner si ce délai ne pourrait pas être allongé.

4.5.

En outre, le CESE appuie la Commission européenne (29), lorsqu’elle estime qu’il conviendrait de combiner efficacement les capitaux privés, les financements de l’EFSI et les autres fonds de l’Union européenne afin de canaliser les investissements vers les PME qui présentent des externalités sociales et environnementales positives et de contribuer ainsi à réaliser les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies et, plus particulièrement, ceux repris récemment dans le socle européen des droits sociaux.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Cet ensemble se compose des avis du CESE sur les thèmes «Politique économique de la zone euro (2017) (supplément d’avis)» (voir page 216 du présent Journal officiel), «Union des marchés des capitaux: réexamen à mi-parcours», «Approfondissement de l’UEM d’ici à 2025» (voir page 124 du présent Journal officiel) et «Les finances de l’UE à l’horizon 2025» (voir page 131 du présent Journal officiel).

(2)  Résolution du CESE sur «Le livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe et au-delà», 6 juillet 2017. JO C 345 du 13.10.2017, p. 11.

(3)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 10 et JO C 332 du 8.10.2015 p. 8.

(4)  COM(2015) 468 final.

(5)  http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/06/28-euco-conclusions/

(6)  COM(2016) 601 final.

(7)  Le 8 juin 2017.

(8)  COM(2017) 292 final.

(9)  COM(2017) 292 final, paragraphe 2.

(10)  Ibidem, note infrapaginale 9.

(11)  COM(2017) 292 final, paragraphe 4.

(12)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 17.

(13)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 10, paragraphe 1.

(14)  Voir également l’avis du CESE sur l’««Approfondissement de l’Union économique et monétaire à l’horizon 2025» (voir page 124 du présent Journal officiel).

(15)  En plus de la création d’une union financière, il faut ici réaliser une véritable union économique, instaurer une union budgétaire et une union politique. Rapport des cinq présidents «Compléter l'Union économique et monétaire européenne», juin 2015.

(16)  Voir également «Compléter l'Union économique et monétaire européenne», rapport des cinq présidents, juin 2015.

(17)  De cette manière, il sera également possible de mieux compenser les effets asymétriques des chocs économiques.

(18)  Voir entre autres Vítor Constâncio, vice-président de la Banque centrale européenne, Effectiveness of Monetary Union and the Capital Markets Union (“L’efficacité de l’union monétaire et l’union des marchés des capitaux”), Malte, 6 avril 2017. http://malta2017.eurofi.net/highlights-eurofi-high-level-seminar-2017/vitor-constancio-vice-president-european-central-bank/

(19)  Voir le paragraphe 2.3 du présent avis.

(20)  Voir note infrapaginale 13.

(21)  Dans le cas présent, moins de deux ans après la publication du plan d’action.

(22)  Ainsi, pour ne prendre que cet exemple, il conviendrait, chaque fois que possible, d’opter pour le règlement plutôt que pour la directive.

(23)  Voir l’annexe au document de la Commission COM(2017) 292 final.

(24)  Plusieurs sondages ont été effectués parmi les participants au séminaire de haut niveau EUROFI organisé les 5, 6 et 7 avril 2017 à Malte. L’une des questions s’énonçait comme suit: «Comment serait-il possible d’accélérer significativement l’union des marchés des capitaux?» À raison de 37 %, les personnes interrogées ont choisi la réponse «se concentrer sur un nombre réduit de priorités essentielles»; elles ont été 29 % à opter pour «lancer un élan politique pour la suppression des barrières internes»; 12 % des répondants ont estimé qu’il fallait «bâtir une unique plate-forme financière dans l’EU-27», tandis qu’un pourcentage identique jugeait qu’il n’était «pas possible d’imprimer à l’union des marchés des capitaux une accélération significative». Les options qui sont venues en quatrième et cinquième position étaient d’«accroître la convergence en matière de surveillance» (8 %) et de «calquer davantage la réglementation bancaire sur les spécificités des marchés financiers de l’Union européenne» (3 %).

Une autre question était formulée en ces termes: «Dans l’EU-27, quelles sont les deux priorités essentielles pour atteindre les objectifs de l’union des marchés des capitaux?» Sur ce point, les trois réponses principales dont été: «améliorer la cohérence de la législation sur l’insolvabilité et les valeurs mobilières» (21 %), «développer le financement sur fonds propres» (16 %) et «réaliser les priorités de court terme (titrisation, prospectus, etc.)» (15 %).

Sur le séminaire de haut niveau EUROFI (et notamment les résultats de ces sondages), voir https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2017/html/sp170406_2.en.html).

(25)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 17, paragraphe 1.6.

(26)  La situation diffère selon les États membres.

(27)  JO C 82 du 3.3.2016, p. 1

(28)  Pour autant qu’elles n’aient pas été évoquées dans d’autres passages du présent avis.

(29)  COM(2017) 292 final, paragraphe 4.5.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/124


Avis du Comité économique et social européen sur le «Document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire»

[COM(2017) 291 final]

(2018/C 081/17)

Rapporteur:

David CROUGHAN

Consultation

Commission européenne, 5.7.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5.10.2017

Adoption en session plénière

19.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

138/3/8

Préambule

Le présent avis fait partie d’une série qui en comporte quatre, consacrés à l’avenir de l’économie européenne (approfondissement de l’Union économique et monétaire, politique économique de la zone euro, union des marchés des capitaux et avenir des finances de l’Union européenne)  (1) . Cette suite s’inscrit dans le contexte créé par le processus du livre blanc sur l’avenir de l’Europe, récemment lancé par la Commission européenne, et prend en compte le discours 2017 sur l’état de l’Union, prononcé par le président Juncker. Dans le sillage de la résolution du Comité économique et social européen (CESE) sur l’avenir de l’Europe  (2) et d’avis antérieurs sur l’achèvement de l’Union économique et monétaire (UEM)  (3) , cet ensemble souligne que dans la gouvernance de l’Union, il est nécessaire de disposer d’une vision partagée qui transcende nettement les approches et mesures techniques et constitue surtout et avant tout une question de volonté politique et de perspective commune.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La monnaie commune et les institutions correspondantes ont constitué un facteur de stabilisation dans la crise financière mondiale, après avoir préalablement apporté des avantages aux entreprises et aux citoyens sous la forme d’une faible inflation, de taux d’intérêt bas et d’une facilitation des échanges commerciaux et des déplacements transfrontières.

1.2.

Toutefois, le document de réflexion à l’examen montre clairement que l’UEM demeure incomplète et que son volet «Économique» est à la traîne par rapport à son volet «Monétaire» en termes d’intégration au niveau de l’Union européenne, ce qui entrave sa capacité à soutenir la politique monétaire et les politiques économiques nationales. L’on ne saurait reporter indéfiniment les décisions qui doivent être prises pour remédier aux lacunes institutionnelles et de gouvernance en partie responsables de la fragilité continue de la zone euro. Il est nécessaire de renforcer la volonté politique de consolider la dimension «Union» de l’UEM.

1.3.

Avec la dérive vers le protectionnisme et la fin prochaine d’une conjoncture marquée par des taux d’intérêt exceptionnellement bas et un assouplissement quantitatif, nous nous dirigeons vers un monde beaucoup plus incertain, ce qui laisse peu de temps pour faire des avancées. Le CESE rappelle aux dirigeants politiques qu’il importe encore davantage que les européens s’engagent en faveur d’une vision partagée de l’avenir en renforçant leur influence et leur pouvoir par une intégration accrue. Le Comité invite instamment la Commission et le Conseil européen à prendre des décisions courageuses avant la fin du mandat en cours, pour progresser dans la mise en place des éléments nécessaires à une gouvernance à l’échelle de l’Union européenne.

1.4.

Pour atteindre cette stabilité, une des conditions les plus importantes est de parvenir à une convergence vers le haut des économies hétérogènes. Pour ce faire, les dirigeants politiques et partenaires sociaux des États membres devront tenir compte de la dimension européenne dans leurs délibérations à l’échelle nationale sur les politiques économique et budgétaire. Le CESE est favorable à une plus grande «parlementarisation» de la zone euro, par la création d’une vaste commission du Parlement européen réunissant tous les députés des pays de la zone euro et des pays qui souhaitent la rejoindre, associée à une consultation renforcée des parlementaires nationaux de la zone euro concernant les questions liées à l’UEM.

1.5.

À des fins d’efficacité, d’équilibre et d’équité, les politiques nationales en matière de croissance et de bien-être économiques devraient être définies et coordonnées en ayant également à l’esprit l’intérêt général de la zone euro; pour des motifs de responsabilité démocratique et d’appropriation, le processus du semestre européen devrait associer le Parlement européen, les parlements nationaux, les partenaires sociaux et la société civile. Il convient de tenir compte de la dimension sociale à égalité avec la dimension économique.

1.6.

Le CESE, conscient des lacunes de la gouvernance du secteur financier, est pleinement favorable aux étapes proposées pour compléter l’union financière, y compris l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux.

1.7.

Il s’impose de résoudre immédiatement le problème des prêts non productifs, qui agissent comme un frein sur les capacités financières et humaines des banques de fournir des ressources pour les investissements et dissuadent les investisseurs, qui craignent que les revenus générés par de nouveaux investissements soient canalisés vers le remboursement de tels prêts.

1.8.

Le Comité est favorable à la création, d’ici 2018, d’un cadre permettant l’introduction de titres adossés à des obligations souveraines (sovereign bond-backed securities — SBBS), comme le propose le document de réflexion. À moyen-long terme, il serait nécessaire de mettre en place un actif sans risque européen afin de réduire la volatilité des marchés financiers et de garantir la stabilité des économies des États membres en cas de choc asymétrique.

1.9.

Il est nécessaire de disposer de ressources budgétaires propres dépassant le montant de 1 % du PIB prévu par le cadre financier pluriannuel afin de financer le renforcement du mécanisme européen de stabilité, lequel devrait se transformer en un Fonds monétaire européen capable de fournir des ressources aux États membres en cas de crise et de jouer le rôle de dispositif de soutien au secteur bancaire. Un budget plus ample permettrait également de maintenir des niveaux d’investissement essentiels dans les infrastructures productives de la zone euro, qui profiteraient à l’ensemble de l’Europe. Il est souhaitable que l’accès à ces fonds soit lié à la réalisation des progrès convenus en matière de normes économiques et sociales.

1.10.

Il est indispensable d’adopter une politique budgétaire qui soit capable de stimuler l’économie de la zone euro en période de récession. Dans leur configuration actuelle, les règles budgétaires et les recommandations par pays agissent de manière procyclique, déstabilisant encore davantage les économies faibles. La procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) est un volet important du semestre européen, qui devrait être en première ligne de la prévention des déséquilibres macroéconomiques dans l’ensemble de la zone euro. Il conviendrait d’insister davantage sur l’incidence négative qu’exercent, pour la zone euro, les États membres qui dégagent de manière chronique des excédents de balance des paiements.

1.11.

Le Comité recommande d’étudier le recours à des instruments destinés à améliorer la gouvernance économique de l’UEM, par exemple la création d’un poste de ministre européen des finances permanent, en garantissant une pleine responsabilité démocratique. Un regroupement des compétences permettrait aux politiques de l’UEM de gagner en cohérence, celles-ci étant à l’heure actuelle fragmentées en raison du nombre d’institutions distinctes.

2.   Contexte

2.1.

Le 1er mars 2017, la Commission européenne a publié un livre blanc sur l’avenir de l’Europe, qui a été suivi de plusieurs documents de réflexion portant sur les différents domaines d’élaboration des politiques européennes. Le présent avis porte sur le troisième de ces documents, intitulé «Document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire ».

2.2.

La monnaie unique et les institutions correspondantes ont constitué un facteur de stabilisation dans la crise financière mondiale, après avoir préalablement apporté des avantages aux entreprises et aux citoyens sous la forme d’une faible inflation, de taux d’intérêt bas et d’une facilitation des échanges commerciaux et des déplacements transfrontières.

2.3.

Toutefois, le document montre clairement que l’UEM demeure incomplète et que son volet «Économique» est à la traîne par rapport à son volet «Monétaire» en termes d’intégration au niveau de l’Union européenne, ce qui entrave sa capacité à pleinement soutenir la politique monétaire et les politiques économiques nationales. Le document ne soulève aucune critique à l’encontre des politiques adoptées et des décisions qui ont été prises ou, au contraire, gelées. Il est nécessaire de renforcer la volonté politique de consolider la dimension «Union» de l’UEM.

2.4.

L’Union européenne doit aborder le problème systémique qui est véritablement important: comment peut-on créer une monnaie unique et mener une politique monétaire unique tout en continuant de faire le choix stratégique de laisser la politique économique et budgétaire entre les mains des États membres?

2.5.

La crise a clairement démontré le caractère invraisemblable de cette équation. L’incapacité à mettre en commun les éléments essentiels de la souveraineté et à créer une confiance mutuelle entre les États membres a débouché sur un manque de solidarité. Les économies des pays de la zone euro, hétérogènes, ont pris des chemins divergents sous la coordination faible et désespérément lacunaire des politiques économiques et budgétaires, ce qui a rendu nécessaire l’adoption de mesures de crise dans le cadre de la procédure intergouvernementale. Sans surprise, la zone euro s’est scindée en deux groupes, les États créanciers dictant leurs conditions aux États débiteurs, sans qu’un ministre des finances de la zone euro ne se profile à l’horizon.

3.   Arguments en faveur de l’approfondissement de l’UEM

3.1.

Ces dernières années, le CESE a plaidé, dans nombre de ses avis, pour l’approfondissement de l’UEM (4). En conséquence, il accueille favorablement et approuve l’argumentaire avancé par la Commission en faveur de l’achèvement de l’Union économique et monétaire et fait remarquer que les États membres présentent des réalités économiques diverses, ce qui entraîne des perceptions très différentes des défis auxquels est confrontée la zone euro. Une UEM plus forte passe par une convergence accrue.

3.2.

Le CESE est conscient que les États membres ont des avis divergents sur l’avenir de l’Europe, lesquels sont le reflet de leur histoire et de leur hétérogénéité. Néanmoins, l’on ne saurait reporter indéfiniment les décisions qui doivent être prises pour remédier aux lacunes institutionnelles et de gouvernance en partie responsables de la fragilité continue de la zone euro, des déséquilibres persistants et des disparités extrêmes entre les résultats économiques et sociaux obtenus par les États membres (5).

3.3.

L’Europe n’est pas parvenue à la convergence des États membres vers le haut, qui, de l’avis de certains, aurait pu advenir grâce à une politique monétaire unique. L’incapacité à traiter tous les aspects de la compétitivité dans l’économie réelle a conduit à des divergences, ce qui a rendu la politique monétaire unique inadéquate pour de nombreux États membres, d’où l’expression «one size fits none» («une solution unique qui ne convient à personne»). Le CESE a déjà exprimé ses réserves sur le fait d’assurer le suivi du rapport des cinq présidents par l’élaboration d’un livre blanc, démarche qui déboucherait sur un manque de dynamisme et de sens de l’urgence.

3.4.

Il est désormais indispensable d’avancer sur tous les fronts, économique et social, financier, budgétaire et politique, pour instaurer les conditions propres à mettre en commun des éléments essentiels de souveraineté, sans crainte de l’aléa moral, afin de garantir que l’Union européenne œuvre pour le bien-être de tous. Cela conduira au remplacement des structures sous-optimales de la gouvernance actuelle et permettra à l’Union européenne, et tout particulièrement à la zone euro, de regagner la confiance tant des citoyens que des investisseurs et de jouer pleinement son rôle dans les affaires mondiales.

3.5.

Le Comité constate avec inquiétude qu’après la crise et en dépit de la publication du rapport des quatre présidents en 2012 puis de celui des cinq présidents en 2015, trop peu de progrès concrets ont été réalisés pour véritablement approfondir l’UEM. Un point particulièrement préoccupant est le manque d’urgence à procéder à des réformes institutionnelles essentielles pour donner à l’UEM une légitimité démocratique lui permettant de prendre des décisions exécutives et de les faire appliquer et respecter. Ce vide en matière de gouvernance accroît, dans certains États membres, la dérive vers le populisme et la recherche de solutions protectionnistes ou uniquement nationales.

3.6.

À l’ère de la mondialisation, le contexte dans lequel nous exerçons nos activités présente de plus en plus d’incertitudes, certains pays se détournant du libre échange au profit du protectionnisme; les taux d’intérêt exceptionnellement bas et l’assouplissement quantitatif qui ont soutenu la reprise économique dans beaucoup de pays développés sont appelés à disparaître assez rapidement, avec des conséquences imprévisibles et probablement néfastes. Il ne reste plus qu’une marge de manœuvre limitée pour aller de l’avant.

3.7.

Parvenir à une union budgétaire et politique pleine et entière est sans doute un projet à moyen ou long terme, mais il est nécessaire de prendre à brève échéance des mesures en ce sens afin de renforcer l’UEM et d’assurer davantage de stabilité. Le CESE rappelle aux dirigeants politiques qu’il importe encore davantage que les européens s’engagent en faveur d’une vision partagée de l’avenir en renforçant leur influence et leur pouvoir par une intégration accrue.

3.8.

Le Comité invite instamment la Commission et le Conseil européen à prendre des décisions courageuses, avec la participation indispensable et entière du Parlement européen, avant la fin du mandat en cours, pour progresser dans la mise en place des éléments nécessaires à une gouvernance à l’échelle de l’Union européenne. Repousser à un mandat ultérieur la nécessité brûlante de mener des réformes essentielles revient à céder à l’inertie, ce que ni les marchés ni les citoyens ne risquent de tolérer.

4.   Union financière: la réduction et le partage des risques

4.1.

Le CESE, conscient des lacunes de la gouvernance du secteur financier, est pleinement favorable aux étapes proposées pour compléter l’union financière, y compris l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux.

4.2.

Compléter l’union bancaire est fondamental pour approfondir l’UEM. La fragmentation du marché et des réglementations a été un facteur significatif qui a empêché la résolution de la crise financière. Le CESE reconnaît que beaucoup a été fait pour coordonner le secteur, mais il invite tous les acteurs à avancer, aussi vite que possible, vers l’achèvement de l’union bancaire.

4.3.

Il importe en particulier de compléter les travaux entrepris relativement à l’union bancaire afin de renforcer l’intégration financière et le partage des risques grâce aux marchés financiers. Il est urgent de mettre en place, d’ici 2019, un dispositif de soutien commun au Fonds de résolution unique par l’intermédiaire du mécanisme européen de stabilité (MES), de sorte à en garantir un fonctionnement approprié, rapide et efficace. Cela permettrait aussi d’éliminer le risque de partialité politique. Le CESE est favorable à l’idée que le MES reprenne aussi les fonctions d’un Fonds monétaire européen et ait accès à un mécanisme budgétaire reposant sur des ressources propres, une fois qu’il sera encadré par le droit de l’Union européenne.

4.4.

Il convient de mettre en place dans les meilleurs délais un système européen d’assurance des dépôts (SEAD) qui tienne compte des systèmes déjà existants (6), pour garantir que l’épargne placée sur les comptes de dépôt bénéficie d’un niveau de protection renforcé et identique dans toute l’Union européenne.

4.5.

Pour garantir des avancées sur ces fronts, il est nécessaire de traiter de manière exhaustive le problème des prêts non productifs (PNP) (7), qui se sont multipliés pendant la crise. Ces prêts agissent comme un frein sur les capacités financières et humaines des banques de fournir des ressources pour de nouveaux investissements, lesquels sont indispensables à la croissance. La Banque centrale européenne, la Commission et les gouvernements devraient unir leurs efforts pour résoudre cette situation problématique héritée du passé, en partant du principe qu’il faut assurer le service des dettes quand celles-ci sont viables et parvenir à une résolution rapide lorsqu’elles ne le sont pas. L’absence de processus de résolution rapide dissuade les investisseurs potentiels de faire de nouveaux investissements, de peur que les nouveaux revenus qu’ils en tireraient soient détournés vers le remboursement d’anciens prêts.

4.6.

Disposer d’un meilleur cadre à l’échelle de la zone euro en matière de restructuration et d’insolvabilité est un point essentiel pour sortir de la crise, ce qui exige de recourir aux marchés secondaires dotés d’une expertise particulière. Le CESE recommande de tirer les leçons d’exemples de création de «banques poubelles» (bad banks). L’UEM doit trouver des solutions intelligentes et durables pour traiter les PNP, qui sont encore aujourd’hui une source de préoccupation.

4.7.

Le CESE demande instamment à la Commission d’aller plus loin concernant la mise en place d’une union des marchés des capitaux (UMC), qui constituerait une importante source de financement supplémentaire pour les grandes entreprises et jouerait un rôle important dans le partage des risques. Le Comité reconnaît qu’elle ne sera pas une source de financement supplémentaire pour les PME, notamment les micro et petites entreprises. Par conséquent, l’activité bancaire continuera de jouer un rôle déterminant, et les banques devront recentrer leurs activités sur la satisfaction des besoins de l’économie réelle, ce qui suppose un accès équitable aux financements et un financement bancaire durable dans tous les États membres (8).

4.8.

À brève échéance (d’ici 2018), le Comité est favorable à la création d’un cadre permettant l’introduction de titres adossés à des obligations souveraines (sovereign bond-backed securities — SBBS), comme le proposent le document de réflexion et le projet de programme de travail de la Commission pour 2018. Les titres adossés à des obligations souveraines sont à même de rompre le lien entre banques et emprunteurs souverains en «déprivilégiant» les obligations souveraines et en diversifiant les bilans des banques tout en évitant la mutualisation des dettes. Il y a lieu de consulter les prestataires de services financiers afin de garantir un traitement réglementaire approprié et de favoriser le partage des risques sur les marchés privés.

4.9.

À moyen-long terme (d’ici à 2025), il serait nécessaire de mettre en place un actif sans risque européen, comparable aux bons du Trésor américain, afin de réduire la volatilité des marchés financiers et de garantir la stabilité des économies des États membres en cas de choc asymétrique. Le CESE plaide depuis longtemps en faveur du recours à des obligations de l’Union ou à des euro-obligations (9). Des propositions similaires ont déjà fait l’objet de discussions, par exemple en faveur d’un fonds européen d’amortissement de la dette ou d’un fonds pour les bons du Trésor européens. S’appuyant sur les conclusions du groupe d’experts qui a été mis en place pour analyser les avantages et les risques liés aux différentes options d’émission de dette commune, la Commission devrait à présent formuler une proposition concrète concernant l’instrument qu’il convient d’utiliser et le délai à respecter (10). Afin d’éviter l’aléa moral, il serait souhaitable que les États membres soient en mesure d’accéder à cet instrument, sous réserve du respect des recommandations par pays les concernant.

5.   Relancer la convergence dans une Union économique et budgétaire plus intégrée

5.1.

Le Comité se félicite que le document à l’examen reconnaisse explicitement que la convergence ascendante vers des structures économiques et sociales plus résistantes est un élément essentiel pour garantir une UEM plus robuste. Étant donné l’hétérogénéité des caractéristiques des États membres, il ne peut y avoir de politiques universelles nécessitant une harmonisation dans tous les domaines; en revanche, une approche commune axée sur des résultats déterminés doit être trouvée.

5.2.

Les lacunes de la politique économique et budgétaire dans l’UEM résultent fondamentalement de l’absence de volonté politique, à l’échelle de l’Europe, de permettre à l’Union européenne d’intervenir dans les politiques économiques et budgétaires nationales. Le CESE a déjà souligné qu’un dialogue macroéconomique renforcé et amélioré est nécessaire, en particulier avec les pays de la zone euro, pour contribuer à ce que la dimension de cette zone soit davantage prise en compte au niveau national. De même, il est indispensable de disposer d’un système décisionnel exécutif qui soit plus démocratique que le Conseil des ministres, dont les membres ne sont responsables, à titre individuel, que devant leurs parlements nationaux respectifs, et non devant la zone euro dans son ensemble.

5.3.

Le CESE se félicite des propositions de la Commission visant à renforcer encore le semestre européen. À des fins d’efficacité, d’équilibre et d’équité, les politiques nationales en matière de croissance et de bien-être économiques devraient être définies et coordonnées en ayant également à l’esprit l’intérêt général de la zone euro; pour des motifs de responsabilité démocratique et d’appropriation, les processus du semestre européen, qui touchent aux politiques nationales et européennes, devraient associer la Commission, le Conseil européen, le Parlement européen, les parlements nationaux, les partenaires sociaux et la société civile. Ce processus a certes commencé, mais de manière très limitée, ce qui fait qu’il requiert un degré plus élevé de participation au niveau national ainsi que l’assentiment de toutes les parties concernées. L’euro s’en trouverait renforcé et, s’il était simplifié et gagnait de la transparence, le semestre favoriserait l’indispensable amélioration de la mise en œuvre des réformes.

5.4.

Réduire les déséquilibres macroéconomiques est fondamental pour la stabilisation de l’Europe. Par le passé, il était possible d’atténuer temporairement ces déséquilibres grâce à la dévaluation monétaire. Désormais, en l’absence de cet outil, il est procédé à des dévaluations intérieures extrêmement dommageables qui créent des difficultés considérables sous la forme d’un chômage massif et d’une croissance négative. Afin de stabiliser la zone euro et d’éviter des ajustements aussi drastiques, il convient de prévenir la formation progressive des déséquilibres macroéconomiques.

5.5.

Par conséquent, le dialogue macroéconomique au niveau national doit tenir compte de cette dimension européenne. La détection précoce et la prévention des déséquilibres macroéconomiques, qui, au sens large, reflètent l’existence de différents niveaux de compétitivité (voir le paragraphe 5.6), sont un élément central du processus du semestre européen. Les instances politiques nationales devraient être bien informées de l’incidence que les mesures proposées risquent d’avoir sur leur compétitivité au sein de la zone euro, et elles devraient prendre en considération les évolutions de la zone euro qui mériteraient une réponse en matière de compétitivité. Les agents de la Commission chargés du semestre européen au niveau local et les conseils nationaux de la productivité, indépendants, associés à un réseau de la zone euro, pourraient apporter une contribution en reflétant la politique économique et sociale (11).

5.6.

Un volet important de ces discussions est celui concernant la dimension sociale, qui a été jusque-là négligée dans le cadre du processus du semestre, ce qui a eu une incidence négative sur la vie de millions de citoyens européens et, partant, a creusé le déficit social de l’Union européenne, en attisant également la tendance au populisme eurosceptique et l’insatisfaction générale au sein de l’Union européenne. Adopter une nouvelle définition de la compétitivité («compétitivité 2.0») (12) qui prendrait en compte «la capacité pour un pays d’atteindre les objectifs “au-delà du PIB”», mesurés à l’aune des trois piliers que sont les revenus, les facteurs sociaux et la durabilité, permettrait de déboucher sur un processus de semestre européen plus exhaustif.

5.7.

Le CESE convient que la mise en œuvre de politiques nationales, pour les domaines qui demeurent de la compétence des États membres, pourrait être coordonnée dans le cadre de la procédure du semestre européen (13).

5.8.

Le Comité est favorable à ce que l’accès aux fonds de l’Union et à une fonction potentielle de stabilisation soit lié à la réalisation des progrès convenus en matière de normes économiques et sociales et des transitions nécessaires induites par la numérisation, tous ces éléments visant le bien-être des citoyens. Ce processus serait suivi dans le cadre du semestre européen (14). Les économies qui accusent un retard sévère et qui s’efforcent de respecter les recommandations par pays les concernant devraient être admissibles au bénéfice du Fonds de cohésion pour réaliser des investissements productifs, ce qui les aiderait à combler leur retard ou à réaliser des infrastructures essentielles qui profiteraient à l’ensemble de l’Europe.

5.9.

Le CESE partage le constat que le budget actuel de l’Union européenne, qui ne représente que 1 % du PIB, est trop limité et n’a pas été conçu pour avoir un effet stabilisateur, et qu’il sera encore plus insuffisant une fois que le Royaume-Uni sera sorti de l’Union. Il souscrit à l’idée qu’un mécanisme de stabilisation robuste apporterait de nombreux bénéfices à la zone euro en cas de chocs asymétriques majeurs (15). Il reconnaît qu’une telle fonction ne devrait pas conduire à des transferts permanents ni à un aléa moral.

5.10.

Le Comité soutient la proposition d’envisager des possibilités de création d’une capacité budgétaire de la zone euro, dont l’objectif serait de maintenir, dans cette zone, des niveaux d’investissement essentiels dans les infrastructures productives telles que les transports, la rénovation urbaine, l’éducation, la recherche et la transition écologique (16). Cette capacité budgétaire pourrait aussi être une source de financement pour le mécanisme européen de stabilité, lequel devrait par la suite se transformer en un Fonds monétaire européen destiné à alimenter les fonds de gestion de la crise.

5.11.

Pour favoriser l’intégration économique de l’Europe et sa prospérité et prévenir la montée des inégalités sociales, il y a lieu d’adopter un plan d’investissement efficace destiné à générer des revenus grâce à la croissance, la cohésion sociale et la solidarité. Le CESE a appuyé l’idée que les investissements productifs publics soient soumis à une règle d’or pleine et entière, qui devrait être intégrée dans le dispositif de modification des règles budgétaires.

5.12.

Il convient d’améliorer l’approche fondée sur les règles budgétaires avant le prochain mandat, de sorte à éviter l’adoption de mesures procycliques. Les conditions locales existantes devraient être prises en considération. Le solde structurel s’est avéré être une variable non observable et trop peu fiable pour fonder des modifications de stratégie applicables dans le cadre des recommandations par pays.

5.13.

L’on se focalise trop sur la réduction de la dette, parfois au prix d’un assainissement contreproductif des finances publiques plutôt qu’en recourant à des mesures plus fructueuses pour augmenter la croissance du PIB. Dans le processus du semestre européen, des réductions du déficit annuel national se voient attribuer bien plus d’importance, pour remédier au ratio dette/PIB élevé, que les mesures plus efficaces visant à augmenter la croissance du PIB (17).

5.14.

Le CESE estime que d’ici à la fin de 2019, il conviendra de procéder à des changements pour remédier au fait que «la situation budgétaire actuelle dissimule une répartition nettement sous-optimale de l’ajustement budgétaire entre les différents pays au stade actuel» (18).

5.15.

La procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) est un volet important du semestre européen, qui devrait être en première ligne de la prévention des déséquilibres macroéconomiques dans l’ensemble de la zone euro. Il est nécessaire d’éliminer l’asymétrie inhérente à la procédure, où les déséquilibres positifs persistants qui sont observés ne font l’objet d’aucune réprobation alors que les déséquilibres négatifs sont passibles de sanctions (19). En effet, une sanction financière ne fait qu’empirer une situation déjà mauvaise, et les excédents chroniques dégagés par certains États membres sont susceptibles d’aggraver encore la situation déficitaire de pays voisins.

6.   Renforcer l’architecture de l’UEM et enraciner la responsabilité démocratique

6.1.

L’UEM n’est pas une fin en soi. Il s’agit d’un moyen d’optimiser les possibilités de parvenir à une croissance durable, à la création d’emplois de qualité, à la convergence économique et sociale vers le haut; à la stabilité et à la prospérité pour tous les États membres grâce à un travail de concert; à une responsabilité économique allant de pair avec la solidarité, et à une réduction des risques indissociablement liée au partage des risques. S’il revient à la zone euro de faire les progrès nécessaires, l’UEM devrait être également ouverte aux autres États membres. Le CESE partage l’idée qu’un gain de transparence, une bonne communication et une participation accrue des parlements nationaux, des partenaires sociaux et de la société civile sont nécessaires et que, associés à un renforcement du rôle des parlements nationaux, ils contribueraient à la responsabilité démocratique.

6.2.

Le CESE est favorable à une plus grande «parlementarisation» de la zone euro, par la création d’une vaste commission du Parlement européen réunissant tous les députés des pays de la zone euro et des pays qui souhaitent la rejoindre, associée à une consultation renforcée des parlementaires nationaux de la zone euro concernant les questions liées à l’UEM (COSAC+) (20). Comme indiqué précédemment dans les paragraphes 5.2 et 5.3, le Parlement européen en particulier, mais aussi les parlements nationaux, les partenaires sociaux et la société civile au sens large, devraient jouer un rôle majeur dans la démocratisation du semestre européen.

6.3.

Le Comité recommande d’étudier le recours à des instruments destinés à améliorer la gouvernance économique de l’UEM, par exemple la création d’un poste de ministre européen des finances permanent, en garantissant une pleine responsabilité démocratique. Un regroupement des compétences permettrait aux politiques de l’UEM de gagner en cohérence, celles-ci étant à l’heure actuelle fragmentées en raison du nombre d’institutions distinctes. Il conviendrait de mettre en place dès le départ une orientation budgétaire de la zone euro, dont les moyens d’action seraient définis par le ministre des finances. L’orientation budgétaire actuelle découle de la somme des soldes budgétaires de tous les États membres, et la direction qu’elle prend est aléatoire.

6.4.

Le CESE se félicite qu’il soit proposé de renforcer le mécanisme européen de stabilité afin de le transformer en un instrument de gestion de crise pleinement opérationnel. S’il évolue en un Fonds monétaire européen (FME) dans le cadre des traités, avec un rôle renforcé du Parlement européen, il gagnera en légitimité démocratique et la prise de décisions sera accélérée.

6.5.

Il convient d’abandonner le recours à la procédure intergouvernementale en tant que méthode de gouvernance de l’Union européenne et de réviser les règles budgétaires avant de les intégrer dans le droit de l’Union européenne.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Cet ensemble se compose des avis du CESE sur les thèmes «Politique économique de la zone euro (2017) (supplément d’avis)» (EESC-2017-02837-00-00-AC-TRA) (voir page 216 du présent Journal officiel), «Union des marchés des capitaux: réexamen à mi-parcours» (EESC-2017-03251-00-00-AC-TRA) (voir page 117 du présent Journal officiel), «Approfondissement de l’UEM d’ici à 2025» (EESC-2017-02879-00-00-AC-TRA) et «Les finances de l’Union européenne à l’horizon 2025» (EESC-2017-03447-00-00-AC-TRA) (voir page 131 du présent Journal officiel).

(2)  Résolution du CESE sur «Le livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe et au-delà», 6 juillet 2017.

(3)  Voir, par exemple, les avis du CESE sur les thèmes «Achever l’Union économique et monétaire — Les propositions du Comité économique et social européen pour la prochaine législature européenne», JO C 451 du 16.12.2014, p. 10, et «Achever l’UEM: le pilier politique», JO C 332 du 8.10.2015, p. 8.

(4)  Voir les avis du CESE sur les thèmes «Achever l’Union économique et monétaire — Les propositions du Comité économique et social européen pour la prochaine législature européenne», JO C 451 du 16.12.2014, p. 10; «Le recours à la méthode communautaire pour rendre l’UEM démocratique et sociale», JO C 13 du 15.1.2016, p. 33; «Achever l’UEM: le pilier politique», JO C 332 du 8.10.2015, p. 8; et «Mesures à prendre pour compléter l’Union économique et monétaire», JO C 177 du 18.5.2016, p. 28.

(5)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Achever l’UEM: le pilier politique», JO C 332 du 8.10.2015, p. 8.

(6)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Système européen d’assurance des dépôts», JO C 177 du 18.5.2016, p. 21, notamment les paragraphes 1.1 à 1.3.

(7)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Un plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux», JO C 133 du 14.4.2016, p. 17, notamment le paragraphe 3.3.1.

(8)  Voir les avis du CESE sur les thèmes «Un plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux», JO C 133 du 14.4.2016, p. 17, et «Union des marchés des capitaux: réexamen à mi-parcours» (EESC-2017-03251-00-00-AC-TRA) (voir page 117 du présent Journal officiel).

(9)  Voir les avis du CESE sur les thèmes «Où va l’euro?», JO C 271 du 19.9.2013, p. 8, et «Croissance et dette souveraine dans l’Union européenne: deux propositions novatrices»JO C 143 du 22.5.2012, p. 10.

(10)  Voir l’avis du CESE intitulé «Achever l’UEM — La prochaine législature européenne», JO C 451 du 16.12.2014, p. 10.

(11)  Voir l’avis du CESE sur le thème «La création de conseils nationaux de la compétitivité dans la zone euro», JO C 177 du 18.5.2016, p. 35.

(12)  Voir l’avis du CESE sur le thème «La création de conseils nationaux de la compétitivité dans la zone euro», JO C 177 du 18.5.2016, p. 35.

(13)  Voir les avis du CESE sur les thèmes «Achever l’Union économique et monétaire — Les propositions du Comité économique et social européen pour la prochaine législature européenne», JO C 451 du 16.12.2014, p. 10; «Le recours à la méthode communautaire pour rendre l’UEM démocratique et sociale», JO C 13 du 15.1.2016, p. 33; «Mesures à prendre pour compléter l’Union économique et monétaire», JO C 177 du 18.5.2016, p. 28; et «Le socle européen des droits sociaux», JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(14)  Voir les avis du CESE sur les thèmes «Réexamen de la gouvernance économique», JO C 268 du 14.8.2015, p. 33, et «Achever l’Union économique et monétaire — le rôle de la politique fiscale», JO C 230 du 14.7.2015, p. 24.

(15)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Les finances de l’Union européenne à l’horizon 2025» (EESC-2017-03447-00-00-AC-TRA) (voir page 131 du présent Journal officiel).

(16)  Voir les avis du CESE sur les thèmes «Réexamen de la gouvernance économique», JO C 268 du 14.8.2015, p. 33; «La politique économique de la zone euro», JO C 177 du 18.5.2016, p. 41; «Programme d’appui à la réforme structurelle», JO C 177 du 18.5.2016, p. 47; et «Examen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020», JO C 75 du 10.3.2017, p. 63.

(17)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Réexamen de la gouvernance économique», JO C 268 du 14.8.2015, p. 33.

(18)  COM(2016) 727 final.

(19)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Réexamen de la gouvernance économique», JO C 268 du 14.8.2015, p. 33.

(20)  Voir l’avis du CESE sur «Le recours à la méthode communautaire pour rendre l’UEM démocratique et sociale», JO C 13 du 15.1.2016, p. 33.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/131


Avis du Comité économique et social européen sur le «Document de réflexion sur l’avenir des finances de l’Union européenne»

[COM(2017) 358 final]

(2018/C 081/18)

Rapporteur:

Stefano PALMIERI

Corapporteur:

Petr ZAHRADNÍK

Consultation

Commission européenne, 4.8.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5.10.2017

Adoption en session plénière

19.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

138/8/14

Préambule

Le présent avis fait partie d’une série qui en comporte quatre, consacrés à l’avenir de l’économie européenne (approfondissement de l’Union économique et monétaire, politique économique de la zone euro, union des marchés des capitaux et avenir des finances de l’Union européenne)  (1) . Cette suite s’inscrit dans le contexte créé par le processus du livre blanc sur l’avenir de l’Europe, récemment lancé par la Commission européenne, et prend en compte le discours 2017 sur l’état de l’Union, prononcé par la président Juncker. Dans le sillage de la résolution du Comité économique et social européen (CESE) sur l’avenir de l’Europe  (2) et d’avis antérieurs sur l’achèvement de l’Union économique et monétaire (UEM)  (3) , cet ensemble souligne que dans la gouvernance de l’Union, il est nécessaire de disposer d’une vision partagée qui transcende nettement les approches et mesures techniques et constitue surtout et avant tout une question de volonté politique et de perspective commune.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE considère que si l’approche suivie par le Document de réflexion sur l’avenir des finances de l’UE permet, d’une part, d’esquisser certains des défis auxquels l’Union devra faire face dans les années à venir, elle met, d’autre part, les solutions budgétaires possibles en relation avec les cinq scénarios présentés par la Commission européenne dans son Livre blanc sur l’avenir de l’Europe.

1.2.

Le CESE réaffirme que les citoyens européens ont tout à gagner à ce qu’il y ait plus d’Europe (et une Europe de meilleure qualité), et non moins d’Europe, si l’on veut surmonter la crise politique que l’Union européenne traverse en raison de l’absence d’une vision stratégique de l’avenir et de l’incapacité d’apporter une réponse adéquate à la crise économique et financière. L’écart se creuse entre, d’une part, les préoccupations et les attentes des citoyens européens, qui veulent obtenir des avantages tangibles dans leur quotidien et, d’autre part, les compétences et les ressources financières limitées qui sont actuellement dévolues à l’Union européenne. Le projet européen et l’Union elle-même perdent de leur crédibilité et sont mis en question, suscitant ainsi les revendications nationalistes et populistes formulées aujourd’hui.

1.3.

Le CESE approuve l’approche du document de réflexion selon laquelle la valeur ajoutée européenne, qui permet d’obtenir de meilleurs résultats que des budgets nationaux non coordonnés, devra être le principe clé du budget européen. Cette approche nécessite toutefois l’abandon de la logique du «juste retour», de la distinction entre États membres contributeurs ou bénéficiaires nets et des ajustements ad hoc pour les différents États membres.

1.4.

L’Union européenne devrait commencer par fixer les priorités politiques à forte valeur ajoutée européenne et ne définir qu’ensuite les ressources nécessaires pour les réaliser et élaborer la réforme du budget européen. Dans le cadre de ce scénario, le CESE juge peu crédible que le budget de l’Union européenne continue de représenter moins de 1 % du revenu et 2 % seulement des dépenses publiques des 28 États membres, un niveau qui est insuffisant par rapport aux défis, aux chocs et aux crises à affronter.

1.5.

La réforme du budget de l’Union européenne devra nécessairement porter sur l’amélioration de sa qualité et la redéfinition de sa structure, tant en ce qui concerne le chapitre des dépenses que celui des ressources propres, en tenant compte des critères appropriés de rationalisation, d’efficience et d’efficacité, et en communiquant de manière directe et transparente avec les citoyens.

1.6.

L’adaptation du volume et de la qualité du budget requiert une consultation sérieuse et approfondie de la société civile telle qu’elle est représentée au sein du CESE, afin de s’assurer que les besoins réels des territoires soient pris en compte et que l’incidence de cette opération soit positive pour tous les citoyens, dans l’intérêt public.

1.7.

S’agissant des dépenses, le CESE considère comme programmes à forte valeur ajoutée européenne: les investissements à moyen et à long terme en vue du développement économique, social et environnemental ainsi que de l’emploi, de l’innovation et de la compétitivité; la protection des régions les plus défavorisées et des groupes sociaux les plus vulnérables et l’apport d’une réponse souple et rapide aux chocs asymétriques et aux crises imprévues, notamment au moyen d’un budget autonome de la zone euro.

1.8.

Plus particulièrement, le CESE juge importante la fonction de stabilisation macroéconomique du budget dans la zone euro, dans la mesure où l’impact négatif sur les couches sociales et les secteurs de production qui sont les «perdants» de la mondialisation et de la révolution technologique figure parmi les causes de la crise stratégique que traverse l’Union européenne et de l’émergence des populismes.

1.9.

S’agissant des recettes, le CESE approuve l’analyse faite par le groupe de haut niveau sur les ressources propres (HLGOR) dans son rapport sur «Le financement futur de l’Union européenne» pour parvenir à un nouveau budget comportant essentiellement des ressources propres autonomes, transparentes et équitables, à égalité de charges pour les citoyens les plus défavorisés et les petites et moyennes entreprises.

1.9.1.

Le CESE rappelle qu’il est favorable à une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) et sur les transactions financières, les carburants et les émissions de dioxyde de carbone qui, si elle est appliquée au niveau européen, permettrait à la fois de définir une assiette fiscale transnationale et de lutter contre les effets sur l’environnement au niveau mondial.

1.10.

Le CESE considère que les conséquences du Brexit sur le cadre financier pluriannuel (CFP) après 2020 peuvent constituer une menace pour le «projet» UE si les États membres mènent les négociations sur la base du principe du «juste retour», mais aussi être une grande chance dans la mesure où elles peuvent, si l’on insiste sur le principe de la «valeur ajoutée européenne», susciter un accroissement du volume du budget de l’Union européenne et une amélioration de sa qualité.

1.10.1.

Le CESE estime dès lors qu’il convient de prendre sans délai les mesures suivantes:

la Commission européenne doit quantifier l’incidence qu’aura le Brexit — selon qu’il s’agira d’un Brexit «dur» ou «doux» — sur le système des recettes et des dépenses de l’Union européenne et ses conséquences sur le cadre financier pluriannuel post-2020,

il y a lieu de lancer un débat transparent et public sur le CFP post-2020, avec l’ensemble des acteurs institutionnels, économiques et sociaux, les représentants de la société civile et les citoyens de l’Union européenne,

il convient en tout état de cause de ne pas réduire les ressources destinées aux politiques de cohésion et aux objectifs sociaux.

Il sera ainsi possible de recomposer un système où coexistent les intérêts divergents et contradictoires des parties et de dégager une solution partagée concernant le CFP post-2020.

2.   Observations générales

2.1.

L’approche suivie dans le Document de réflexion sur l’avenir des finances de l’UE établit un lien entre les solutions budgétaires possibles et les cinq scénarios présentés par la Commission européenne dans son Livre blanc sur l’avenir de l’Europe. Le CESE a critiqué cette approche dans sa récente résolution sur le Livre blanc (4) et a qualifié d’«artificiels» les cinq scénarios en ce qu’ils sont exclusivement destinés aux États membres et n’ont aucune pertinence directe pour les citoyens européens, qui attendent une stratégie commune et claire.

2.1.1.

La Commission passe ainsi à côté d’une occasion importante, car si l’on peut largement souscrire à l’analyse contenue dans une grande partie de son document — en ce qui concerne la valeur ajoutée des finances européennes, le recensement des tendances et des défis et les différentes options pour l’avenir des finances de l’Union européenne — une proposition politique partagée, efficiente et efficace fait toutefois défaut.

2.2.

Ces dernières années, le CESE a mis l’accent (5) sur les problèmes qui se posent pour l’économie et la société européenne, sur les principes fondamentaux à respecter ainsi que sur les pistes à suivre pour redynamiser l’action des institutions européennes et la rendre plus efficace. À plusieurs occasions, il a rappelé que les citoyens européens avaient tout à gagner à ce qu’il y ait plus d’Europe (et une meilleure Europe) et non moins d’Europe (6), précisément parce que la crise politique que traverse l’Union européenne découle de l’absence d’une vision stratégique pour l’avenir et de l’incapacité d’apporter une réponse adéquate à la crise économique et financière.

2.3.

S’agissant de la révision à mi-parcours du CFP pour la période 2014-2020 (7), le CESE a fait valoir en 2016 qu’il convenait de reconnaître les efforts accomplis par la Commission et plus particulièrement les dispositions introduites en matière de flexibilité pour faire face aux crises imprévues, ainsi que l’approche axée sur les résultats et la performance. Cependant, les propositions concrètes et les ressources allouées apparaissaient, à l’époque déjà, insuffisantes pour faire face aux défis et priorités de l’Union européenne dans la mesure où le CFP est le résultat d’un compromis peu ambitieux entre des États membres intéressés par leur «solde net» et les avantages de groupes d’intérêts particuliers, plutôt qu’un instrument permettant de poursuivre les intérêts de l’Union dans son ensemble.

2.4.

Dans le contexte ainsi tracé, le CESE souscrit à l’approche du document de réflexion, selon laquelle «l’essence même d’un budget de l’Union européenne modernisé» consiste en la «valeur ajoutée qui découle de la mise en commun de ressources et de résultats que des dépenses nationales non coordonnées ne permettent pas d’obtenir» (8).

2.5.

Pour réaliser plus d’Europe et une meilleure Europe, il convient de commencer par fixer les priorités politiques à forte valeur ajoutée européenne et de ne définir qu’ensuite les ressources nécessaires pour les réaliser et sur la base desquelles élaborer la réforme du budget de l’Union européenne. Dans le cadre de ce scénario, il ne serait plus crédible que l’Union consacre à son propre budget moins de 1 % du revenu et 2 % seulement des dépenses publiques des 28 États membres, une part qui est du reste en constante diminution (9). Ce niveau semble totalement inadéquat par rapport aux nouveaux défis que l’Union européenne doit relever et par rapport aux chocs et aux crises qu’elles doit affronter.

2.5.1.

L’augmentation du volume du budget de l’Union devra aller de pair avec une amélioration sensible de sa qualité et la redéfinition de sa structure, tant pour ce qui est du chapitres des dépenses que de celui des ressources propres. À cet effet, il est nécessaire de tenir compte des critères appropriés de rationalisation, d’efficacité et d’efficience du budget, et d’instaurer des formes de communication directes et transparentes avec les citoyens.

2.5.2.

L’amélioration quantitative et qualitative du budget de l’Union européenne doit notamment passer par une consultation sérieuse et approfondie de la société civile telle qu’elle est représentée au sein du CESE, afin de garantir que les chapitres du budget consacrés aux dépenses reflètent les besoins réels des territoires et aient une incidence positive sur le bien-être des citoyens, dans l’intérêt public.

2.6.

Compte tenu de l’émergence des nouveaux défis liés à l’évolution de la situation géopolitique et à la nécessité de s’adapter aux conséquences de la crise économique et financière, il n’est pas surprenant que le budget dont dispose l’Union soit totalement inadapté et que celle-ci ait plongé dans une crise d’abord économique et financière puis sociale et, enfin, politique.

2.6.1.

Cette crise politique s’explique par le décalage qui existe entre, d’une part, les préoccupations croissantes et les attentes que nourrissent à l’égard de l’Union des citoyens européens qui veulent bénéficier d’avantages tangibles dans leur quotidien et, d’autre part, les compétences et les ressources financières limitées dont dispose actuellement l’Union européenne. Ce décalage fait le lit des intolérances et des revendications nationalistes et populistes qui mettent en cause le projet européen et l’Union elle-même.

2.7.

Le débat sur l’avenir de l’Union intervient en effet à un moment historique, où les citoyens sont en proie à de nombreuses inquiétudes et incertitudes, qu’elles soient de nature économique, sociale, politique ou institutionnelle (10). Premièrement, les conséquences de la crise économique et financière, en particulier sur les petits et moyens revenus, sont encore fortes, surtout dans les États membres et certaines zones géographiques qui ont été les plus touchés. Deuxièmement, un scepticisme généralisé prévaut quant à la capacité de la politique, des États membres et de l’Union européenne à maintenir la prospérité économique et la cohésion sociale à l’ère de la mondialisation et de la concurrence internationale (11). Troisièmement, l’afflux de migrants et de réfugiés qui fuient les guerres et la pauvreté en Afrique et au Moyen-Orient ne cesse de croître. Enfin, plus récemment, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne montre clairement que l’Union n’est pas un choix acquis ni irréversible et que d’autres États membres pourraient suivre la même voie.

3.   Observations particulières

3.1.

S’agissant des dépenses, l’élément clé est le principe de la valeur ajoutée européenne, ce qui peut sembler paradoxal à un moment historique où de plus en plus de voix réclament une marge de manœuvre accrue pour les gouvernements nationaux, voire — hypothèse extrême — la sortie de l’Union européenne, tandis que la logique du «juste retour», de la distinction entre États membres contributeurs ou bénéficiaires nets et des ajustements ad hoc pour les différents États membres ne semble plus guère défendable.

3.1.1.

Toutefois, la Commission a bien fait de rappeler ce principe, parce que si l’action de l’Union européenne est soutenue par un large consensus politique, l’on pourra axer son budget sur l’obtention, au niveau européen, d’avantages tangibles pour les citoyens européens que les États membres ne sont pas en mesure d’obtenir à eux seuls.

3.1.2.

Pour cette raison, le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel le principe de la valeur ajoutée européenne doit être au cœur du débat sur l’avenir des finances européennes, et consister (12):

dans la réalisation des objectifs fixés par les principes de base de l’ordre juridique européen, en particulier l’article 3 du traité sur l’Union européenne, qui vise à garantir aux citoyens des conditions de vie décentes dans le respect de leur bien-être (13),

dans la définition d’un budget qui prévoit la constitution de biens publics européens en mesure de contribuer à la défense des libertés fondamentales européennes, le marché unique et l’union économique et monétaire (14).

3.1.3.

Dans ce contexte, il devient fondamental de respecter pleinement l’article 311 du TFUE, selon lequel «l’Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et pour mener à bien ses politiques».

3.2.

Le document de réflexion à l’examen démontre largement que la solution aux crises et défis mondiaux passe nécessairement par une réponse européenne, en concentrant de manière adéquate les ressources du budget de l’Union européenne, en tirant parti des synergies avec les budgets nationaux et en orientant les fonds vers les programmes à forte valeur ajoutée européenne capables de:

stimuler, par des investissements à moyen et à long terme, le développement économique, social et environnemental, l’emploi, l’innovation et la compétitivité face à une productivité et à des investissements qui stagnent ainsi qu’à l’évolution démographique et au changement climatique,

protéger les régions les plus défavorisées et les groupes sociaux les plus vulnérables, qui sont victimes tant de la persistance de la crise économique que des conséquences néfastes de la mondialisation (15),

apporter une réponse souple et rapide, tant en ce qui concerne les recettes que les dépenses, aux chocs asymétriques qui touchent certains États membres, à la crise des migrants et des réfugiés, aux préoccupations en matière de sécurité intérieure, aux crises extérieures et aux questions liées à la défense commune.

3.3.

Parmi les aspects qui présentent la plus forte valeur ajoutée européenne, que le CESE a déjà recensés en lien avec le CFP et dans sa résolution sur le Livre blanc, figurent les éléments suivants (16):

une politique industrielle européenne coordonnée visant à accroître l’emploi et à stimuler la compétitivité dans le cadre d’une économie sociale de marché ainsi qu’à faciliter le dialogue entre toutes les parties concernées, les investissements et le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME),

une convergence sociale ascendante, cohérente avec la convergence économique, en matière d’emploi et de résultats sociaux, grâce à la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et à l’extension du Fonds social européen (FSE),

une politique migratoire qui garantisse aux réfugiés la protection prévue par le droit international et leur intégration dans l’Union européenne, un système d’asile commun, la lutte contre la migration illégale et la traite des êtres humains ainsi que la promotion de voies d’accès légales,

la lutte contre le changement climatique sur la base de l’accord de Paris et la transition écologique, en intégrant la promotion du programme de développement durable à l’horizon 2030 dans toutes les politiques de l’Union européenne,

la réforme de la politique agricole commune (PAC), de manière à atteindre les objectifs définis en matière de qualité de l’environnement, de développement rural, de sécurité alimentaire et de soutien au revenu des agriculteurs,

la réforme de la politique de cohésion, avec une définition claire des résultats, leur réexamen systématique durant la mise en œuvre et l’évaluation des incidences ex post, en favorisant la transparence et en promouvant la mobilisation de partenariats,

le financement des grands investissements d’infrastructure, des réseaux transeuropéens, de la recherche et de l’innovation, à commencer par le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) et Horizon 2020,

un budget autonome de la zone euro, qui soit à même de fournir un transfert de ressources, temporaire mais conséquent, en cas de chocs régionaux, de contrebalancer les récessions graves dans l’ensemble de la zone et d’assurer la nécessaire stabilité financière (17), et qui ait une fonction de stabilisation macroéconomique pour protéger les investissements et lutter contre le chômage et l’emploi précaire.

3.3.1.

La fonction de stabilisation macroéconomique revêt une importance particulière, dans la mesure où l’une des causes de la crise stratégique que traverse l’Union européenne et de l’émergence des populismes est l’impact négatif sur les couches sociales et les secteurs de production qui sont les «perdants» de la mondialisation et des mutations technologiques et informatiques. Si les États membres disposent d’une marge de manœuvre et d’une autonomie plus restreintes pour influer sur le marché du travail et la protection sociale, l’on n’a toutefois pas encore créé, au niveau européen, de réseaux de protection sociale permettant à tous les citoyens de tirer parti de la croissance et de la concurrence mondiale (18).

3.4.

Le budget de l’Union européenne doit par conséquent être capable de mettre à disposition les moyens nécessaires pour réaliser les priorités stratégiques et reposer sur des critères de rationalisation, d’efficacité et d’efficience adéquats tant en ce qui concerne sa structure que son évaluation et son actualisation (19):

d’adopter une orientation davantage axée sur les performances et les résultats,

d’évaluer la qualité du cadre réglementaire de l’affectation des dépenses du budget de l’Union européenne,

de faire de l’analyse de l’évolution des dépenses un processus continu à moyen terme dans le cadre duquel chaque exercice dessine la trajectoire de l’évolution nécessaire à l’obtention des résultats correspondants,

de prendre en considération le lien très étroit qui existe entre le budget de l’Union, la gouvernance de la politique économique et les dynamiques actuelles de l’économie européenne,

d’assurer la continuité de la politique budgétaire de l’Union européenne; de réaliser et d’évaluer les objectifs qui lui ont été assignés.

3.4.1.

En particulier, la règle de l’équilibre budgétaire doit être assortie d’autres indicateurs permettant de mesurer la performance des dépenses et leurs effets sur le bien-être des citoyens, dont les formes et les modes doivent être définis dans le cadre du semestre européen, en accord avec le Parlement européen et les parlements nationaux.

3.5.

En outre, la pléthore de ressources disponibles au niveau européen rend aujourd’hui les choses très complexes et peu transparentes. Outre les aides et subventions traditionnelles, elles comportent aussi des instruments financiers visant à mobiliser des fonds privés grâce à l’effet de levier de l’EFSI et des Fonds structurels et à différents instruments, tels que le mécanisme européen de stabilité financière (MESF), mis en place par les pays de la zone euro, mais en dehors du périmètre de l’Union européenne, à des fins de stabilisation financière (20).

3.6.

Sur le plan des recettes, le CESE approuve l’analyse figurant dans le rapport sur le financement futur de l’Union européenne du groupe de haut niveau sur les ressources propres présidé par Mario Monti (21). Il est particulièrement important d’adopter un nouveau budget, qui comporte une majorité de ressources propres autonomes, transparentes et équitables. Celles-ci seraient directement versées au budget de l’Union européenne, sans passer par les États membres, mais sans augmenter la pression fiscale ni faire peser davantage encore le fardeau sur les citoyens les plus défavorisés et sur les petites et moyennes entreprises.

3.6.1.

En particulier, certaines des nouvelles ressources proposées dans ce rapport auraient une valeur ajoutée européenne sur le plan des recettes en ce qu’elles seraient perçues au niveau le plus adéquat tant pour déterminer des assiettes fiscales transnationales que pour lutter contre les effets sur l’environnement au niveau mondial: l’impôt sur les sociétés (ACCIS) (22), et plus particulièrement sur les multinationales, les transactions financières, les carburants et les émissions de dioxyde de carbone.

3.6.2.

Dans ce contexte, le CESE rappelle en outre l’importance de lutter contre la fraude fiscale, notamment grâce à une transparence accrue (23), et contre toutes les formes de concurrence fiscale déloyale entre les États membres.

3.7.

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aura inévitablement des conséquences sur l’établissement du budget de l’Union européenne après 2020. Au-delà du volume du budget, qui n’a encore été officiellement établi par aucune institution de l’Union européenne (24), le retrait du Royaume-Uni est susceptible d’avoir trois autres conséquences destinées à compenser le déficit budgétaire qu’il entraînera: i) une augmentation des contributions nationales des États membres de l’Union européenne; ii) une diminution des dépenses de l’Union européenne; iii) une combinaison des deux options précédentes. Dans ce contexte, le Brexit représente à la fois une menace et une chance pour le budget de l’Union européenne.

3.7.1.

Il constitue une menace parce que si les prochaines négociations relatives au CFP post-2020 sont dominées par le principe du «juste retour», elles exacerberont les divisions actuelles entre États membres contributeurs et bénéficiaires nets, relégueront au second plan le principe de la valeur ajoutée européenne et aggraveront ainsi l’incertitude qui gagne le projet de l’Union européenne.

3.7.2.

Dans le même temps, la sortie du Royaume-Uni de l’Union représente une occasion importante de réformer le budget de l’Union européenne et de l’améliorer du point de vue quantitatif et qualitatif, en procédant à une révision substantielle de ses mécanismes de dépense et, si l’on suit la proposition du rapport Monti, de mettre en place un important système de ressources propres pour l’Union. Il sera alors possible de définir un budget de l’Union européenne exemplaire, fonctionnel, efficace et transparent, en mesure d’acquérir une certaine crédibilité vis-à-vis des citoyens européens et de leur montrer très clairement les avantages induits par l’Europe et les coûts liés à la non-Europe.

3.7.3.

Pour cette raison, il convient:

a)

que la Commission européenne quantifie dans les plus brefs délais, en se fondant sur le scénario d’un Brexit «dur» ou d’un Brexit «doux», l’incidence de celui-ci sur les recettes et les dépenses du budget européen, incidence qui aurait d’ailleurs déjà dû figurer dans le document de réflexion, notamment dans la perspective de la proposition relative au CFP pour l’après-2020;

b)

de lancer un débat sérieux, transparent et public sur le budget de l’Union européenne, avec l’ensemble des acteurs institutionnels, politiques et sociaux, les acteurs de la société civile ainsi que les citoyens européens;

c)

de ne pas réduire les ressources destinées aux politiques de cohésion et aux objectifs sociaux, qui sont des outils essentiels pour le développement de l’Union européenne.

Lors de l’élaboration du budget de l’Union européenne, cette approche permettra, face à des intérêts divergents ou contradictoires, de déterminer de manière transparente et démocratique quelles sont les options en mesure de concilier ces intérêts et de trouver des solutions largement soutenues par toutes les parties.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Cet ensemble se compose des avis du CESE sur les thèmes «Politique économique de la zone euro (2017) (supplément d’avis)» (voir page 216 du présent Journal officiel), «Union des marchés des capitaux: réexamen à mi-parcours» (voir page 117 du présent Journal officiel), «Approfondissement de l’UEM d’ici à 2025» (voir page 124 du présent Journal officiel) et «Les finances de l’UE à l’horizon 2025».

(2)  Résolution du CESE du 6 juillet 2017 sur «Le livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe et au-delà», JO C 345 du 13.10.2017, p. 11.

(3)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 10 et JO C 332 du 8.10.2015, p. 8.

(4)  Résolution du CESE du 6 juillet 2017 sur Le livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe et au-delà: «Le CESE ne considère pas que choisir entre divers scénarios soit un moyen efficace pour promouvoir une vision commune ni pour définir la future voie à suivre.». JO C 345 du 13.10.2017, p. 11.

(5)  JO C 248 du 25.8.2011, p. 75, JO C 229 du 31.7.2012, p. 32, JO C 451 du 16.12.2014, p. 10 et JO C 487 du 28.12.2016, p. 62.

(6)  «[…] en déplaçant le curseur de la subsidiarité vers plus d’Europe et une meilleure Europe», JO C 351 du 15.11.2012, p. 36.

(7)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 63, paragraphe 1.1.

(8)  COM(2017) 358 final, p. 6.

(9)  La décision du Conseil relative au système des ressources propres de l’Union européenne (2014/335/UE, Euratom) a fixé le plafond du budget à 1,2 % du revenu national brut (RNB), mais la logique développée dans le présent avis (il faut commencer par recenser les priorités politiques et définir ensuite les ressources nécessaires pour les réaliser) implique que le budget de l’Union européenne ne soit pas limité à un plafond défini a priori.

(10)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 63, paragraphe 2.3.

(11)  Seul un tiers des citoyens européens a confiance dans l’Union européenne et dans ses institutions. Commission européenne, L’opinion publique dans l’Union européenne — Eurobaromètre standard 85, mai 2016.

(12)  COM(2017) 358 final, p. 9.

(13)  «L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples».

(14)  «L’Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, […]» (article 3, paragraphe 3, du TUE).

(15)  COM(2017) 240 final; Croissance et inégalités: Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE, OCDE, 2008; Toujours plus d’inégalité: Pourquoi les écarts de revenus se creusent, OCDE, 2011; Tous concernés: Pourquoi moins d’inégalité profite à tous, OCDE, 2015.

(16)  Résolution du CESE du 6 juillet 2017 sur «Le livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe et au-delà», paragraphe 13. JO C 345 du 13.10.2017, p. 11.

(17)  JO C 177 du 18.5.2016, p. 41, paragraphe 3.5.

(18)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 63, paragraphe 4. Voir P. De Grauwe, What future for the EU After Brexit? (Quel avenir pour l’Union européenne après le Brexit?), CEPS, octobre 2016.

(19)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 63.

(20)  Financement futur de l’Union européenne — Rapport final et recommandations du groupe de haut niveau sur les ressources propres, décembre 2016, p. 82-84.

(21)  Financement futur de l’Union européenne — Rapport final et recommandations du groupe de haut niveau sur les ressources propres, décembre 2016.

(22)  Accueillie favorablement par le CESE dès 2011, dans son avis concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, JO C 24 du 28.1.2012, p. 63 et en 2017 dans son avis concernant une assiette commune (consolidée) pour l’impôt sur les sociétés, non encore publié.

(23)  JO C 487 du 28.12.2016, p. 62

(24)  Selon certains instituts de recherche, la contribution annuelle nette du Royaume-Uni au budget de l’Union européenne est estimée à un montant allant de 8 milliards d’euros (Institute for Fiscal Sudies; Centre for European Policy Sudies) à 10 milliards d’euros (Institut J. Delors Berlin — Fondation Bertelsman) ou 20 à 27 milliards d’euros (European Policy Centre). Voir Institute for Fiscal Studies, 2016, The Budget of the EU: a guide. IFS Briefing Note BN 181. Browne, J., Johnson, P., Phillips, D.; CEPS, 2016, The impact of Brexit on the EU Budget: A non-catastrophic event. J.Nunez Ferrer; D. Rinaldi, Policy Brief 347; J.Delors Institute Berlin — Bertelmans Stiftung, 2017, Brexit and the EU Budget: Threat or Opportunity? J. Haas- E. Rubio; EPC, 2017, EU Budget post-Brexit — Confronting reality, exploring viable solutions. E. Chonicz. Discussion Paper.


Annexe

à l’avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, bien qu’ayant obtenu plus d’un quart des votes, ont été rejetés au cours des débats.

Paragraphe 1.9.1.

Supprimer ce paragraphe:

 

Le CESE rappelle qu’il est favorable à une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) et sur les transactions financières, les carburants et les émissions de dioxyde de carbone qui, si elle est appliquée au niveau européen, permettrait à la fois de définir une assiette fiscale transnationale et de lutter contre les effets sur l’environnement au niveau mondial.

Exposé des motifs

Ce paragraphe porte sur les possibles ressources propres de l’Union européenne. À cet égard, il n’est pas opportun de mentionner ici l’impôt sur les sociétés, car il relève de la compétence des États membres et non de l’Union européenne. En ce qui concerne la taxation des carburants et des émissions de dioxyde de carbone, il est prématuré d’aborder la question à ce stade. Le Comité ne s’est pas encore penché sur une éventuelle assiette fiscale européenne commune pour les carburants et les émissions de dioxyde de carbone ou sur leur taxation.

Mis au vote, l’amendement a été rejeté par 76 voix contre, 62 voix pour et 16 abstentions.

Paragraphe 3.6.1.

Modifier comme suit:

 

En particulier, certaines des nouvelles ressources proposées dans ce rapport auraient une valeur ajoutée européenne sur le plan des recettes en ce qu’elles seraient perçues au niveau le plus adéquat tant pour déterminer des assiettes fiscales transnationales que pour lutter contre les effets sur l’environnement au niveau mondial: l’impôt sur les sociétés (ACCIS), et plus particulièrement sur les multinationales, les transactions financières, les carburants et les émissions de dioxyde de carbone.

Exposé des motifs

Pour éviter tout malentendu, il convient de se limiter à une déclaration générale. Ni l’imposition des multinationales en tant que composante des ressources propres de l’Union européenne, ni l’établissement d’une assiette fiscale européenne commune pour les carburants et les émissions de dioxyde de carbone ou leur taxation n’ont jusqu’ici été abordés par le Comité.

Mis au vote, l’amendement a été rejeté par 76 voix contre, 62 voix pour et 16 abstentions.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/139


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle»

[COM(2017) 343 final — 2017/0143 (COD)]

(2018/C 081/19)

Rapporteur:

Philip VON BROCKDORFF

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 4 septembre 2017

Parlement européen, 11 septembre 2017

Base juridique

Articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5 octobre 2017

Adoption en session plénière

19 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

132/4/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE marque son accord avec cette proposition de règlement et avec son objectif de stimuler les investissements dans l’Union européenne, mais il se demande si les investissements découlant de cette initiative resteront dans l’Union européenne.

1.2.

Le CESE accueille favorablement toute tentative d’encourager les citoyens de l’Union européenne à prendre les dispositions nécessaires pour leur retraite. Cependant, il n’est pas certain de l’incidence que la fourniture de produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle (PEPP, pour pan-European Personal Pension Product) aura sur la mobilité des travailleurs au sein de l’Union européenne.

1.3.

Le CESE reconnaît que les PEPP vont probablement intéresser un nombre limité de groupes, en particulier les travailleurs mobiles qui exercent une activité dans plusieurs États membres au cours de leur vie professionnelle ainsi que les travailleurs indépendants. Tous les efforts possibles devraient être déployés pour encourager les États membres à prodiguer une taxation équitable sur ce type de produit. En outre, il souligne que cette initiative ne devrait en aucun cas être interprétée comme diminuant l’importance des retraites de l’État ou professionnelles.

1.4.

Le CESE souligne qu’il est nécessaire de protéger les consommateurs et d’atténuer les risques auxquels sont exposés les épargnants au cours de leur vie active et de leur retraite. Par ailleurs, il recommande fermement de clarifier les garanties prévues au titre de l’option par défaut. Il est préférable que la Commission aborde cette question au plus tôt.

1.5.

Le CESE insiste également sur le rôle de l’AEAPP (1), qui contrôlera le marché et les régimes nationaux de surveillance en vue d’assurer la convergence et la cohérence au sein de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne la structure de gouvernance des PEPP chez tous les fournisseurs.

1.6.

Sachant que les interactions entre les régimes de retraite légaux, professionnels et individuels sont propres à chaque État membre, le CESE suggère que les fournisseurs soient en mesure d’adapter leurs PEPP aux marchés nationaux, tout en respectant le besoin de convergence et de cohérence évoqué ci-dessus. Dans le même temps, il y a lieu de prendre dûment en considération la structure des régimes de retraite nationaux afin d’éviter les perturbations et les distorsions de la concurrence.

1.7.

Le CESE se demande si les PEPP auront une quelconque incidence sur les États membres qui dépendent fortement des régimes de retraite légale et où l’épargne-retraite privée est traditionnellement peu présente. Le rôle que jouent les États membres pour promouvoir les PEPP est donc jugé crucial pour soutenir cette initiative.

1.8.

Pour conclure, le CESE estime que les PEPP ne doivent pas donner l’impression d’être un simple prolongement des options disponibles pour les personnes qui choisissent des plans d’épargne privés facultatifs.

1.9.

Le CESE souligne que pour améliorer l’attractivité des PEPP, il importe de veiller à la protection des consommateurs. Dans ce cadre, le CESE demande des éclaircissements quant à la question de savoir si le taux proposé de 1,5 % du solde positif sera appliqué sous la forme d’un taux forfaitaire ou soumis à un plafonnement sur les valeurs absolues. La Commission devrait en outre étudier la possibilité d’une exonération des frais liés au changement de fournisseur après une période de temps définie, ce dans l’intérêt des épargnants et dans une perspective d’avenir des PEPP. En outre, le règlement doit également fixer des règles de base concernant l’accès des héritiers aux fonds épargnés, en cas de décès de l’épargnant.

2.   Proposition de la Commission

2.1.

Selon les estimations, seuls 27 % environ des 243 millions de citoyens de l’Union européenne âgés de 25 à 59 ans épargnent actuellement pour leur pension de retraite. La Commission européenne considère que la mise à disposition d’un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP) encouragerait les citoyens à épargner davantage. Pour atteindre cet objectif, la Commission européenne a publié, le 29 juin 2017, sa proposition de règlement fixant un cadre pour un nouveau produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle. Ladite proposition cadre pleinement avec le plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux (UMC) lancé par l’Union européenne en 2015 et vise à élargir le marché de l’épargne-retraite individuelle, de sorte qu’il atteigne les 2 100 milliards d’EUR d’ici 2030.

2.2.

Une fois adopté, le règlement proposé permettra la mise à disposition de produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle dans tous les États membres. Il prévoit un cadre pour un régime facultatif à l’échelle de l’Union européenne qui coexistera avec les régimes d’épargne-retraite individuelle déjà en place. Les PEPP ne remplaceront pas les structures nationales d’épargne-retraite, mais viendront compléter les régimes d’épargne-retraite individuelle existants. Ils seront toutefois proposés par différents types de fournisseurs, à savoir les assureurs, les gestionnaires d’actifs et les banques. Ils seront proposés et pourront être acquis en ligne dans tous les États membres.

2.3.

En tant que composantes essentielles du plan de l’UMC, les PEPP offriraient des possibilités d’investissement et de croissance à long terme sur un marché des capitaux européen caractérisé par des flux de capitaux répartis sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, ce qui stimulerait les investissements des entreprises et fournirait des capitaux pour les projets d’infrastructures. Une hausse des investissements privés et publics pourrait contribuer à accroître la création d’emplois dans l’ensemble de l’Union européenne.

2.4.

La proposition de la Commission faciliterait la mise en commun par les fournisseurs des actifs des fonds de pension, ce qui augmenterait les économies d’échelle et réduirait les coûts, tout en intensifiant la concurrence à mesure que de nouveaux fournisseurs pénètreraient sur le marché de l’épargne-retraite. Grâce à la hausse du nombre de fournisseurs et à une concurrence accrue entre ces derniers, les épargnants bénéficieraient de prix plus bas et peut-être de meilleurs rendements. Il est toutefois essentiel que les épargnants aient pleinement connaissance des risques qu’ils courent ainsi que des conditions applicables à leur PEPP.

2.5.

La conjugaison d’un plus grand choix, d’un régime simplifié, de prix plus bas et éventuellement de meilleurs rendements pour les épargnants pourrait encourager davantage de citoyens à acquérir de tels produits, soit pour compléter les droits à pension si ce revenu risque d’être inadéquat, soit pour fournir des revenus de retraite aux personnes qui ne sont pas couvertes par un régime légal de retraite ou par un régime professionnel de retraite.

2.6.

La Commission estime que les PEPP sont susceptibles d’être particulièrement attractifs pour les travailleurs mobiles qui exercent une activité dans différents pays tout au long de leur carrière professionnelle et pour les travailleurs indépendants. Ils pourraient également créer de nouvelles possibilités de revenu de retraite dans les États membres où la pénétration des produits d’épargne-retraite individuelle est actuellement limitée.

2.7.

Sachant que le règlement proposé prévoit des caractéristiques de produits normalisées visant à offrir une protection aux consommateurs, le cadre suggéré permettrait une conception plus souple des produits d’épargne-retraite.

2.8.

Les principaux éléments du règlement proposé sont les suivants:

les fournisseurs devront obtenir une autorisation de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) et seront inscrits dans un registre central, tandis que les autorités nationales continueront de les superviser. L’AEAPP contrôlera le marché et les régimes nationaux de surveillance en vue d’assurer la convergence; Les autorités nationales seront ainsi tenues de superviser les fournisseurs exerçant des activités dans des cadres nationaux (c’est-à-dire des compartiments) différents. Les modalités pratiques de fonctionnement de ce système restent cependant incertaines, du fait notamment que les produits d’épargne-retraite individuelle sont largement définis au niveau national et qu’une connaissance spécifique de chaque marché national peut être nécessaire pour en assurer une supervision adéquate,

les fournisseurs devront respecter la transparence des coûts et des frais, ainsi que d’autres exigences d’information en établissant un document d’informations clés (avant la conclusion d’un contrat) et un relevé des droits périodique et normalisé,

les PEPP proposeront jusqu’à cinq options d’épargne, comprenant une option d’investissement par défaut à faible risque et à garantie limitée, afin de permettre à l’épargnant de récupérer le capital investi. Les consommateurs pourront renoncer à leur droit de recevoir des conseils sur cette option, pour autant que le fournisseur demande à l’épargnant de l’informer de ses connaissances et de son expérience en matière d’investissement,

les épargnants auront le droit de changer de fournisseur à l’échelon national et transfrontière tous les cinq ans, avec un plafonnement des coûts de transfert,

les fournisseurs pourront investir dans un éventail d’options en observant le «principe de prudence» et en respectant le meilleur intérêt à long terme de l’épargnant,

les PEPP permettront aux épargnants de continuer à contribuer lorsqu’ils se domicilient dans un autre État membre et de transférer les actifs accumulés sans procéder à une liquidation,

une série d’options de versement seront disponibles. Les PEPP doivent privilégier les rentes, pour lesquelles les versements au souscripteur sont fixes et garantis,

des procédures aisées de règlement des réclamations et des litiges devront être mises en place.

2.9.

Enfin, la Commission estime qu’un environnement fiscal favorable aux PEPP est essentiel pour garantir la compétitivité et l’attractivité de ces nouveaux produits, et recommande aux États membres de leur réserver le même traitement fiscal qu’à des produits nationaux comparables. À titre subsidiaire, dans les cas où ils disposent de plusieurs types de produits d’épargne-retraite individuelle qui sont soumis à différents régimes d’imposition, les États membres devraient octroyer aux PEPP le traitement fiscal le plus favorable (2).

3.   Observations générales

3.1.

Les produits d’épargne-retraite individuelle ne sont pas pleinement exploités dans l’ensemble de l’Union européenne. Ils pourraient toutefois jouer un rôle fondamental lorsqu’il s’agit d’assurer des revenus de retraite adéquats pour les travailleurs dont les retraites légales et professionnelles sont faibles ou insuffisantes. En outre, il est largement admis que les systèmes de retraite à piliers multiples constituent le moyen le plus efficace d’assurer un revenu de retraite viable et adéquat.

3.2.

Par conséquent, le CESE accueille favorablement toute tentative d’encourager les citoyens de l’Union européenne à prendre les dispositions nécessaires pour leur retraite. Au vu du vieillissement des populations, associé à la chute des taux de natalité, les générations futures pourraient être contraintes de payer la note, à moins de repousser l’âge de départ à la retraite. Dans tous les États membres, mais surtout dans ceux où le système de retraite à piliers multiples n’est pas pleinement développé et où le principal prestataire est le régime légal de retraite, il est parfaitement logique d’encourager les citoyens à épargner à titre individuel.

3.3.

Le CESE se félicite également de l’objectif consistant à mettre en place les PEPP comme moyen potentiel d’accroître à la fois la couverture des régimes de retraite privés et l’allocation de fonds aux investissements à long terme. Accroître l’épargne à long terme pourrait aussi avoir des effets positifs sur les économies nationales.

3.4.

Le CESE est conscient de la fragmentation que connaît actuellement l’Europe en matière de retraites. Dans certains pays, les citoyens ont le choix entre plusieurs produits d’épargne-retraite individuelle, alors que dans d’autres, l’offre est très restreinte. La mosaïque de règles européennes et nationales, ainsi que la disparité des traitements fiscaux, limitent le transfert d’actifs financiers dans l’Union européenne, en partie à cause du défaut de portabilité des produits d’épargne-retraite sur l’ensemble du territoire européen au cours de la vie professionnelle d’une personne. À supposer que les projections de la Commission soient correctes, les PEPP, conjointement avec d’autres mesures relevant d’un train de réformes plus vaste, contribueraient à accroître le montant des actifs, le faisant passer de 700 milliards d’EUR à plus de 2 000 milliards d’EUR d’ici à 2030, ce qui stimulerait considérablement les investissements dans l’Union européenne.

3.5.

Le CESE fait également remarquer que la proposition de la Commission vise à faire augmenter le nombre de fournisseurs. Une concurrence accrue dans l’ensemble de l’Union européenne devrait contribuer à réduire les prix tout en assurant un niveau de garantie quant à la qualité des produits d’épargne-retraite proposés par les assureurs, les entreprises d’investissement, les fonds de pension, les gestionnaires d’actifs et les banques dans l’ensemble de l’Union européenne. Une concurrence transfrontière accrue est extrêmement importante et devrait apporter des avantages manifestes aux citoyens en entraînant une baisse des coûts, un plus large choix de produits et la portabilité des droits à pension.

3.6.

Il est également opportun d’attacher de l’importance aux garanties et de prévoir une autorité de contrôle qui assure une surveillance à l’échelle de l’Union européenne. Le CESE s’attend à ce que l’AEAPP joue un rôle clé dans la supervision des fournisseurs et la surveillance du marché.

3.7.

Le CESE souligne aussi l’importance que revêtent: la protection des consommateurs via la communication d’informations claires aux épargnants et la protection des capitaux au titre de l’option par défaut à faible risque; la communication d’informations sur l’épargne accumulée; les procédures administratives simplifiées et les procédures aisées de règlement des réclamations et de recours extrajudiciaire en cas de litiges entre épargnants et fournisseurs; les coûts raisonnables de transfert d’un fournisseur à un autre et la protection des épargnants en cas de retrait dû, par exemple, à une invalidité ou à une maladie.

3.8.

Sachant que les PEPP seraient transférables, le CESE juge que la possibilité de changer de fournisseur d’un pays à l’autre pourrait favoriser la mobilité des travailleurs, même s’il ignore dans quelle mesure ce serait précisément le cas.

3.9.

Le CESE convient que cette proposition pourrait être cruciale pour la création de nouveaux volumes de capitaux. Jusqu’à présent, les initiatives prises dans le cadre l’UMC, telles que la libéralisation des règles relatives aux fonds de capital-risque et la simplification de l’accès des petites entreprises à la cotation en bourse, n’ont eu qu’un succès limité. Le CESE estime que les PEPP pourraient contribuer grandement à la création d’une nouvelle source de financement apte à être orientée vers les investissements.

3.10.

Le CESE fait observer que cette initiative est tout aussi pertinente dans un scénario post-Brexit. L’UMC a été conçue, du moins en partie, pour resserrer les liens entre les marchés de l’Europe continentale et ceux du Royaume-Uni. Vu l’imminence du Brexit, la nécessité de développer un marché paneuropéen des capitaux n’a jamais été aussi forte. Les PEPP seront mis en place à un moment très opportun, alors même que les institutions financières de premier plan transfèreront leurs activités du Royaume-Uni vers d’autres États membres. Tous ces éléments pourraient contribuer à faciliter le flux des capitaux dans l’ensemble de l’Union européenne, avec une moindre dépendance à l’égard des financements bancaires.

3.11.

Le CESE reconnaît que les PEPP vont probablement intéresser un nombre limité de groupes, en particulier les travailleurs mobiles qui exercent une activité dans plusieurs États membres au cours de leur vie professionnelle, les travailleurs indépendants et les personnes vivant dans des pays où les produits d’épargne-retraite individuelle sont peu développés. Toutefois, le CESE conçoit que la Commission accorde tout autant d’importance aux régimes de retraite professionnelle, comme elle l’a souligné dans la directive révisée sur les institutions de retraite professionnelle (directive IRP révisée), qui énonce les exigences fondamentales en matière de gouvernance des fonds de retraite professionnelle. À l’instar de la directive IRP révisée, la proposition de règlement à l’examen a également pour objectif d’améliorer la gouvernance et la transparence, de promouvoir l’activité transfrontière et de permettre à d’autres fournisseurs de PEPP de s’établir en tant qu’investisseurs à long terme.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE estime que les PEPP ne doivent pas donner l’impression d’être un simple prolongement des options disponibles pour les personnes qui choisissent des plans d’épargne privés facultatifs. À cet égard, les États membres joueront un rôle essentiel dans la promotion des PEPP et de l’intérêt à épargner dans ce cadre. En application du principe du traitement national, la Commission peut exiger que les PEPP bénéficient d’un traitement fiscal avantageux équivalent à celui que les États membres accordent à leurs propres produits nationaux comparables. Dans les cas où les caractéristiques du PEPP ne répondent pas à tous les critères nécessaires pour accorder un allégement fiscal aux produits de retraite existant au niveau national, la Commission invite les États membres à offrir les mêmes avantages fiscaux que ceux accordés à ces produits de retraite nationaux.

4.2.

Le CESE se demande si les PEPP auront une quelconque incidence sur les États membres qui dépendent fortement des régimes de retraite légale et où l’épargne-retraite privée est traditionnellement peu présente. Comme mentionné précédemment, les PEPP vont probablement intéresser davantage les travailleurs indépendants et les travailleurs mobiles, alors que les personnes à faibles revenus, les titulaires de contrats de travail instables et intermittents ou les travailleurs saisonniers sont peu susceptibles d’avoir les moyens d’acheter ce type de produit.

4.3.

De l’avis du CESE, il importe donc, grâce à la fourniture de crédits d’impôt par les États membres, d’encourager les citoyens à commencer à épargner dès le début de leur vie professionnelle. Par ailleurs, le CESE recommande que les citoyens puissent bénéficier de conseils professionnels sur la fixation de périodes minimales d’investissement, afin de leur permettre de tirer le meilleur parti des investissements à long terme.

4.4.

Le CESE souscrit aux propositions de la Commission visant à fournir aux épargnants jusqu’à cinq options d’investissement, toutes conçues sur la base de techniques d’atténuation des risques. Le principal problème à résoudre concerne la divergence entre les États membres. Les autorités nationales continueront de superviser les fournisseurs exerçant des activités dans leurs juridictions. Par conséquent, le rôle de l’AEAPP dans le suivi du marché et des régimes nationaux de surveillance en vue d’assurer la convergence est jugé essentiel pour garantir un certain degré de cohérence entre les États membres.

4.5.

Le CESE approuve aussi la proposition de la Commission visant à soumettre les fournisseurs de PEPP à une réglementation adéquate, qui porterait sur la nature à long terme des produits et sur leurs caractéristiques spécifiques. Le CESE rappelle que la directive Solvabilité II (2009/138/CE), le régime réglementaire des assurances au niveau de l’Union européenne, vise à créer un marché européen unique de l’assurance et à renforcer la protection des consommateurs en créant un «passeport européen» (agrément unique) permettant aux assureurs d’exercer leurs activités dans tous les États membres, pour autant qu’ils remplissent les conditions fixées par l’Union européenne. La directive Solvabilité II a notamment pour but de protéger les consommateurs, sachant que les assureurs sont les principaux fournisseurs de produits d’épargne-retraite individuelle. Le CESE est d’avis que les autres établissements financiers devraient être soumis aux mêmes exigences strictes afin d’assurer un niveau de protection identique.

4.6.

Le CESE estime qu’il convient d’accorder davantage d’attention au versement. Les épargnants qui acquièrent des PEPP auront besoin d’un appui considérable pour clarifier les questions concernant les ressources nécessaires pour bénéficier d’une retraite confortable et la meilleure façon de prélever les actifs sur un compte d’épargne-retraite. Il y a lieu de tirer des enseignements des approches suivies pour le versement de retraites professionnelles, afin de donner des conseils sur les meilleures stratégies en matière de versement. Le CESE considère que ces stratégies sont inhérentes aux produits d’épargne-retraite, et que les personnes qui sont sur le point de prendre leur retraite devraient être informées des pratiques et des règles en matière de versement et des mécanismes de protection.

4.7.

On ne saurait trop insister sur l’importance de l’éducation financière (3). Le CESE est d’avis que la mise en place réussie des PEPP dépendra largement de la question de savoir si les informations fournies sont suffisamment claires pour permettre aux épargnants de comparer et confronter les produits et, en définitive, de choisir celui qui répond le mieux à leurs besoins. En outre, cette question doit être traitée de façon harmonisée dans l’ensemble de l’Union européenne, étant donné l’importance que revêt la portabilité.

4.8.

Il est primordial de communiquer des informations précontractuelles sur la phase de versement et le traitement fiscal concerné. Si le CESE reconnaît que c’est aux fournisseurs qu’incombe la responsabilité directe de fournir des informations de qualité, le rôle des autorités nationales reste crucial. Les produits d’épargne-retraite sont inextricablement liés aux politiques sociales et au régime fiscal des États membres. Il convient que chaque État membre dispose d’une démarche informative qui lui est propre et, partant, que les autorités nationales veillent à ce que les clients potentiels obtiennent des informations factuelles, exploitables et spécifiques.

4.9.

Le CESE estime que les règles en matière de changement de fournisseur doivent être plus attrayantes pour les consommateurs, tout en leur offrant une meilleure protection. Le titulaire d’un PEPP devrait toujours avoir le droit de changer de fournisseur. Une autre question est celle du prélèvement de frais dans de telles circonstances. Ainsi, le CESE demande des éclaircissements sur la manière dont le pourcentage maximal de 1,5 % du solde positif qui est proposé sera appliqué. Si ce pourcentage maximal de 1,5 % paraît, en théorie, raisonnable, un taux forfaitaire signifierait que les épargnants paient des frais proportionnels aux montants absolus épargnés, à moins d’avoir en parallèle un plafonnement en valeur absolue. Le CESE estime que ce mode de calcul est injuste et qu’il limiterait en pratique les possibilités pour l’épargnant de changer de prestataire. La Commission devrait en outre étudier la possibilité d’une exonération des frais liés au changement de fournisseur après une période de temps définie, ce dans l’intérêt des épargnants et dans une perspective d’avenir des PEPP.

4.10.

Le CESE juge nécessaire de préciser clairement les règles d’accès aux fonds épargnés au titre d’un PEPP en cas de décès de l’épargnant. Les personnes habilitées à toucher ces fonds devraient les obtenir au plus tard deux mois après la présentation des documents requis et le fournisseur du produit ne devrait pas avoir le droit de prélever de quelconques frais.

4.11.

Comme indiqué précédemment, les incitations fiscales jouent un rôle majeur lorsqu’une personne décide de différer sa consommation et d’épargner pour sa retraite. Le CESE partage l’avis de la Commission sur l’incidence que les incitations fiscales pourraient avoir sur le succès ou l’échec des PEPP. Il fait toutefois remarquer qu’il appartient aux États membres de garantir à leurs citoyens un accès à toutes les incitations fiscales disponibles.

4.12.

Les PEPP étant principalement destinés aux professionnels mobiles et aux travailleurs indépendants qui ont les moyens de cotiser à un tel dispositif, les incitations fiscales offertes par les États membres sont, de l’avis du CESE, discriminantes à l’égard des personnes à plus faible revenu, qui ne peuvent pas souscrire ces produits. Eu égard à ce constat, les États membres devraient se montrer prudents lorsqu’ils envisagent de proposer de telles incitations.

4.13.

Le CESE reconnaît que les produits d’épargne-retraite comportent un certain risque en raison de leur nature à long terme. Néanmoins, un certain degré de sophistication des produits contribuerait grandement à réduire les risques et les incertitudes, tout en tenant compte des besoins et préférences des épargnants. Il paraît particulièrement important de réduire les risques dans le cas des personnes n’ayant pas d’expérience préalable en matière de produits d’épargne-retraite. Le CESE approuve l’éventail d’options qui serait mis à la disposition des épargnants et qui comprendrait obligatoirement une option d’investissement par défaut, au titre de laquelle l’épargnant serait autorisé à récupérer au minimum le capital nominal qu’il aura investi.

4.14.

Il convient également d’éviter une situation où le niveau de protection des consommateurs varierait en fonction du fournisseur de PEPP. Le CESE est d’avis que les institutions financières offrant des produits de retraite à long terme devraient être soumises au principe «mêmes risques, mêmes règles».

4.15.

Le CESE souligne aussi que, comme pointé dans le communiqué de presse de Better Finance (Fédération européenne des épargnants et usagers des services financiers) (4) du 9 octobre 2017, les produits d’épargne-retraite individuelle à long terme «ne sont pas à même de fournir un revenu de remplacement adéquat car leurs rendements à long terme peuvent être insuffisants voire parfois même négatifs (après déduction de l’inflation)». La responsabilité des prestataires pour ce qui est d’assurer aux épargnants toute la protection nécessaire et de meilleurs rendements est cruciale pour une implantation réussie des PEPP. Toutefois, étant donné que la plupart des fonds de pension européens sont actuellement investis en obligations, les perspectives d’amélioration des rendements, tout du moins à court et moyen terme, ne semblent pas très bonnes.

4.16.

Enfin, le CESE fait observer que les rôles et les interactions des régimes de retraite légaux, professionnels et individuels sont propres à chaque État membre. Ils ont façonné les marchés de l’épargne-retraite nationaux depuis des décennies et il n’est pas surprenant de constater cette grande diversité de produits dans l’Union européenne. Dans ce contexte, les fournisseurs doivent être en mesure d’adapter leurs PEPP aux marchés nationaux.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles.

(2)  C(2017) 4393 final.

(3)  JO C 318 du 29.10.2011, p. 24.

(4)  Épargne retraite: performances réelles. Rapport de recherche établi par Better Finance, 2017.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/145


Avis du Comité économique et social européen sur

le «Document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe»

[COM(2017) 206],

la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Mise en place d’un socle européen des droits sociaux»

[COM(2017) 250 final]

et la «Proposition de proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux»

[COM(2017) 251 final]

(2018/C 081/20)

Rapporteure:

Gabriele BISCHOFF

Corapporteur:

Jukka AHTELA

Consultation

Commission européenne, 5 juillet 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27 septembre 2017

Adoption en session plénière

19 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

229/4/2

1.   Conclusions

1.1.

Confrontés à des défis tels que l’avenir du travail, l’accroissement des inégalités et de la pauvreté, la mondialisation et les migrations, les citoyens tendent de plus en plus à remettre en question une Union européenne et des États membres qui s’avèrent incapables de leur apporter la sécurité, le progrès social et économique et des emplois de qualité ou encore qui affaiblissent la protection nationale dans les États membres. Le débat sur la dimension sociale de l’Europe et sur le socle européen des droits sociaux («le socle») pourrait contribuer à dégager un nouveau consensus sur ces questions urgentes et pourrait contribuer à sortir l’Union de la situation de blocage dans laquelle elle se trouve.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) insiste fermement sur le fait que les décisions qui seront prises quant aux scénarios ou options à suivre en matière sociale ne sont pas d’ordre académique mais vont influencer de manière fondamentale la vie des populations. Le CESE a la conviction qu’il n’est de perspectives d’avenir réalistes pour l’Union européenne que reposant sur le mariage d’une base économique solide et d’une dimension sociale forte. En particulier, des services sociaux modernes et des perspectives de vie équitables sont des facteurs d’autonomisation individuelle, de paix sociale et de développement économique. Le CESE réaffirme que la réalisation des objectifs définis dans le traité portant sur une croissance économique équilibrée et un progrès social permettant une amélioration des conditions de vie et de travail devrait constituer le principe directeur permettant de déterminer l’orientation future à donner à la dimension sociale de l’Union européenne.

1.3.

Le Comité comprend que le socle est conçu comme une déclaration d’intention politique, et qu’en tant que tel, il ne crée pas de nouveaux droits susceptibles de faire l’objet d’un recours. Le Comité considère par conséquent qu’il s’agirait d’un signal important si le Conseil était en mesure de soutenir sa proclamation lors du sommet social de Göteborg en novembre 2017. Le CESE est convaincu qu’une feuille de route claire pour la mise en œuvre du socle contribuerait à promouvoir la convergence et à atteindre ses objectifs.

1.4.

Toutefois, le Comité reconnaît également que, dans le contexte politique actuel, les avis divergent quant à la manière dont l’Union européenne doit avancer. Le CESE est fermement convaincu que l’approfondissement de la dimension sociale a de meilleures chances de s’accomplir avec l’ensemble des vingt-sept États membres, en se concentrant sur des projets essentiels porteurs de progrès économique et social. Toutefois, si ce n’est pas possible, d’autres voies devraient être prises en considération, par exemple en permettant à quelques pays d’aller de l’avant et en invitant les autres à leur emboîter le pas. Le Comité souligne également qu’une plus grande clarté est nécessaire sur les mesures devant s’appliquer à l’EU-27 et celles concernant la zone euro.

1.5.

Les inégalités croissantes, la pauvreté et l’exclusion sociale devraient être combattues à tous les niveaux par l’ensemble des acteurs concernés. À cette fin, le CESE estime que des initiatives nouvelles visant à définir des principes, des normes, des politiques et des stratégies communs aux échelons appropriés sont nécessaires pour parvenir à une meilleure convergence des salaires ainsi que pour établir des salaires minimaux ou les augmenter jusqu’à un niveau adéquat, et ce dans le plein respect de l’autonomie des partenaires sociaux. Le CESE a déjà souligné dans son premier avis sur le socle (1) que l’étude de l’Organisation internationale du travail (OIT) (2) constitue un point de référence utile. Elle souligne qu’une gamme d’indicateurs peuvent être utilisés pour comparer les niveaux de salaires minimaux, en tenant compte des circonstances nationales, mais que la mesure la plus populaire à cet égard est le ratio entre le salaire minimum et le salaire médian (ou moyen). En outre, il importe de veiller à ce que tous les citoyens soient couverts par un revenu minimum. Le CESE souligne que les fonds consacrés à la cohésion sociale et à l’investissement social devraient être augmentés pour relever les défis de demain.

1.6.

Dans le cadre juridique de l’Union européenne, la politique sociale relève d’une compétence partagée. Il sera également important de dégager un consensus sur le partage des tâches en matière de politique sociale, et notamment pour définir dans quels domaines et de quelle façon l’Union devra agir — une démarche qui viendra se combiner à une transparence accrue et à une responsabilité pleinement assumée vis-à-vis des actions accomplies, voire en cas de manquement. Dans ce contexte, les réformes et les initiatives politiques doivent être poursuivies pour affronter les multiples défis qui s’annoncent, et faire en sorte que les sociétés et les économies soient prêtes pour l’avenir. Si, au terme d’un délai raisonnable, l’engagement politique à mettre en œuvre les principes communs s’avérait insuffisant, il conviendrait d’examiner la possibilité d’adopter les mesures qui s’imposent, sous la forme d’initiatives tant juridiques que non juridiques.

1.7.

L’ensemble des organisations représentatives de la société civile doivent être dûment associées à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques concernées, tout en reconnaissant le rôle spécifique des partenaires sociaux et en respectant leur autonomie. La mise en valeur de la négociation collective et du dialogue social à tous les niveaux sera également importante pour permettre le bon fonctionnement des marchés du travail, des conditions de travail équitables pour tous, une meilleure productivité et une sécurité sociale durable.

1.8.

Au cœur de ce projet politique, on trouve les valeurs communes de l’Union européenne qui sont consacrées par les droits fondamentaux. Le CESE demeure très préoccupé par l’application insuffisante des droits sociaux existants et par l’existence de «différents mondes de la mise en conformité» avec la législation européenne. En sa qualité de «gardienne des traités», la Commission est responsable de l’exécution, alors que les États membres ont, pour leur part, le devoir de mettre correctement en œuvre la réglementation de l’Union européenne et de s’y conformer. Le CESE est convaincu qu’il pourrait jouer un rôle plus actif dans la promotion, la sensibilisation et le suivi des progrès en créant un forum permanent sur les droits fondamentaux et l’état de droit.

1.9.

La réflexion sur la dimension sociale de l’Europe ne peut être menée en vase clos et doit être reliée aux débats relatifs à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire (UEM); elle doit porter sur la manière de tirer profit de la mondialisation tout en faisant face aux problèmes qu’elle soulève et se demander comment ces objectifs seront financés d’une manière à la fois adéquate et efficace.

1.10.

Il apparaît particulièrement nécessaire d’améliorer l’action en faveur de la dimension sociale dans deux domaines majeurs: l’UEM et le marché unique. La politique sociale doit s’inscrire dans une politique économique européenne différente bénéficiant d’une bonne panoplie de mesures macroéconomiques et progressant vers l’approfondissement de l’UEM. En ce qui concerne l’UEM, le Semestre européen jouera un rôle clé pour rééquilibrer la politique économique et sociale, ainsi que pour faciliter des réformes bien conçues dans les États membres concernés. Le Comité insiste sur la nécessité d’un Semestre européen en matière économique et sociale. Le socle devrait avoir également une incidence sur la gouvernance économique européenne. Le tableau de bord social attaché au socle devrait être amélioré en étant doté d’indicateurs plus nombreux et mieux adaptés.

1.11.

Le Comité reste convaincu qu’un avenir meilleur est possible et qu’une Union plus forte peut contribuer à donner une meilleure orientation à la mondialisation et à la numérisation, et partant, à offrir des perspectives favorables à tous les citoyens. Il faut toutefois que chacun comprenne les tenants et les aboutissants — ce qui peut être perdu par un retour en arrière ou gagné en allant de l’avant.

2.   Introduction (cadre général, défis et contexte)

2.1.

Dix ans après son déclenchement, les conséquences économiques, sociales et politiques de la crise financière sont toujours perceptibles et ont marqué profondément l’Union européenne et ses citoyens. L’Union européenne a besoin d’une vision de l’avenir et elle doit définir une nouvelle voie à suivre qui lui permette de relever des défis majeurs tels que l’avenir du travail, la mondialisation, la migration, l’accroissement des inégalités ou la pauvreté.

2.2.

Le Comité économique et social européen a la conviction qu’il n’est de perspectives d’avenir réalistes pour l’Union européenne que reposant sur le mariage d’une base économique solide et d’une dimension sociale forte. Le CESE croit fermement qu’il appartient à l’Union européenne de dégager un consensus renouvelé autour d’une stratégie économique et sociale pour pouvoir accomplir sa promesse d’œuvrer à une croissance économique équilibrée et au progrès social qui permettront d’accroître le bien-être de ses citoyens. Il se félicite dès lors du débat sur la dimension sociale de l’Europe qui s’inscrit dans le débat plus large sur l’avenir de l’Europe, ainsi que de la proposition de la Commission relative à une proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux.

2.3.

Le document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe publié le 26 avril 2017 est l’un des cinq documents produits pour alimenter le débat élargi initié par le livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’Europe entre les dirigeants des vingt-sept États membres, les institutions européennes, les partenaires sociaux et les citoyens (3). Le document de réflexion sur la dimension sociale constitue la contribution de la Commission à la réflexion sur la manière d’adapter les modèles sociaux européens aux défis actuels et à venir, ainsi que sur la nature et l’ampleur du rôle que l’Union européenne devrait jouer dans ce cadre.

2.4.

Le document explore la question de savoir si, et à quelles conditions, la dimension sociale peut être soutenue à la lumière des différents scénarios élaborés dans le livre blanc. Là où le livre blanc décrit cinq scénarios, non exhaustifs ou prescriptifs, le document de réflexion n’esquisse que trois options possibles pour la dimension sociale de l’Europe. Il passe également en revue les quatre principaux instruments dont l’Union dispose actuellement pour contribuer à atteindre l’objectif d’une croissance inclusive: la législation, les recommandations, le financement et la coopération.

2.5.

Le CESE soutient pleinement l’initiative du livre blanc de la Commission: l’heure est venue pour l’Union européenne de s’engager dans une réflexion sérieuse sur la voie qu’elle entend suivre alors qu’elle pourrait bientôt se trouver réduite à vingt-sept États membres. La dimension sociale fait partie intégrante de cette réflexion.

2.6.

Parallèlement au document de réflexion sur la dimension sociale, la Commission a également présenté une recommandation et une proposition de proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux («le socle») (4). Celles-ci font suite à une vaste consultation qui a été menée durant l’année 2016 sur la base d’une ébauche préliminaire du socle. Le CESE a exposé son point de vue initial sur ce socle, dans un avis (5) adopté en janvier 2017 qui s’appuie sur les principales conclusions des débats organisés dans les vingt-huit États membres.

2.7.

Par le présent avis, le CESE répond à la demande de la Commission européenne de se prononcer sur le document de réflexion relatif à la dimension sociale de l’Europe. Ce faisant, le Comité relie également cette initiative à la recommandation ainsi qu’à la proposition de proclamation sur le socle.

2.8.

«L’Europe sociale» est un concept très large et, comme le montre le document de réflexion, le sens qu’on lui donne varie considérablement. Il se peut que certains contestent la nécessité même d’une dimension sociale de l’Union, considérant la politique sociale européenne comme une menace pour la compétitivité globale de l’Europe. D’autres, en revanche, considèrent que l’«Europe sociale» est indissociable de la contribution de l’Union européenne à l’avènement de sociétés démocratiques, empreintes de cohésion, culturellement diverses et prospères.

2.9.

La dimension sociale est depuis toujours au cœur de l’Union mais, s’il est vrai qu’il existe un acquis social européen relativement conséquent — développé au fil du temps, parallèlement au marché unique, à l’Union économique et monétaire, aux droits fondamentaux des travailleurs et des citoyens — celui-ci semble parfois invisible ou absent lorsqu’on le compare aux politiques nationales des États membres. Cependant, les réalités sociales au sein de l’Europe diffèrent considérablement. Le risque est de voir s’accroître les divergences, notamment si l’Union décidait d’adopter un scénario qui aboutirait à faire activement machine arrière en ce qui concerne son intégration. Le document de réflexion met également en évidence plusieurs moteurs de changement et les conséquences qui en découlent pour les modèles sociaux des États membres, notamment l’évolution démographique qui va dans le sens d’un vieillissement de la population, une société plus diverse et plus complexe et les changements des modes de vie, ainsi que la transformation du travail conduisant à des modes d’organisation du travail et à des conditions de travail de plus en plus variées et de moins en moins régulières.

2.10.

Le CESE a la conviction qu’il n’est de perspectives d’avenir réalistes pour l’Union européenne que reposant sur le mariage d’une base économique solide et d’une dimension sociale forte. L’Union dispose d’une compétence partagée avec les États membres dans le domaine de la politique sociale, mais la responsabilité réside principalement au niveau national, avec les gouvernements, les partenaires sociaux et les acteurs de la société civile. À l’avenir, et dans le contexte général du consensus qui aura été obtenu sur l’avenir de l’Europe, il sera également important de dégager un consensus sur le partage des tâches en matière de politique sociale, et notamment pour définir dans quels domaines et de quelle manière l’Union devra agir.

2.11.

Le CESE a également souligné le problème de l’application insuffisante des droits sociaux existants. Dans son rôle de «gardienne des traités», la Commission a une responsabilité essentielle en ce qui concerne l’application de la législation. Toutefois, il est de la responsabilité des États membres de mettre correctement en œuvre la législation européenne et de s’y conformer. On observe que les États membres relèvent de «différents mondes de la mise en conformité» (6) avec la législation européenne, ainsi qu’une certaine réticence de la Commission à s’attaquer véritablement à ce problème. Il s’agit là également d’un obstacle à une plus grande convergence qui doit être abordé. Le Comité a d’ores et déjà souligné la nécessité de promouvoir et d’appliquer les droits fondamentaux et sociaux existants et de surveiller les violations dont ils font l’objet (7). Le CESE doit jouer un rôle plus actif dans ce domaine, et peut créer un forum permanent sur les droits fondamentaux et l’état de droit afin de suivre l’évolution de la situation. La transparence et la clarté en matière de répartition des tâches sont essentielles pour que les citoyens puissent comprendre à quel niveau se situent les responsabilités et qui est tenu de rendre des comptes.

2.12.

Dans de nombreux avis (8), le CESE a insisté sur la nécessité d’une panoplie de mesures macroéconomiques venant soutenir plutôt que contrarier les objectifs de politique sociale. Est par conséquent bienvenu le considérant 11 de la recommandation relative au socle, qui déclare que «le progrès économique et le progrès social sont étroitement liés […] et que l’établissement d’un socle européen des droits sociaux [devrait] s’inscrire dans une action plus vaste pour construire un modèle de croissance plus inclusif et durable en améliorant la compétitivité de l’Europe afin de la rendre plus propice à l’investissement, à la création d’emploi et à la promotion de la cohésion sociale». La réflexion sur la dimension sociale doit donc être clairement liée à celle portant sur l’architecture future de l’UEM, laquelle doit également donner lieu à un document de réflexion distinct sur l’avenir de l’Europe.

2.13.

La question essentielle est la suivante: quel sera l’impact du socle? Les attentes et les interrogations sont nombreuses, notamment concernant sa capacité à s’attaquer aux déficits sociaux du marché commun ou à contribuer à mettre fin au déséquilibre existant entre libertés économiques et droits sociaux (9). Or, de fortes attentes peuvent produire un effet boomerang. Par conséquent, le CESE recommande d’adopter une approche réaliste mais ambitieuse.

2.14.

Dans le contexte de la réflexion sur le socle, le CESE a déjà eu l’occasion de souligner que l’Union devait parvenir à un projet positif valable pour tous afin de combattre la montée du populisme, du nationalisme et du scepticisme chez les citoyens européens, et de démontrer que l’Union était toujours capable de tenir la promesse de créer de la croissance économique et des emplois ainsi que d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. Il rappelle que tel devrait être le principe directeur permettant de déterminer l’orientation future de la dimension sociale de l’Europe.

3.   Le document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe

3.1.

Dans sa résolution relative au livre blanc sur l’avenir de l’Europe, le Comité a déjà souligné que les débats envisagés avec les gouvernements et la société civile des États membres ne devaient pas consister à choisir entre les cinq différents scénarios décrits dans le livre blanc, mais servir à illustrer les conséquences potentielles d’options et de pistes différentes. Les pistes s’inscrivant dans les scénarios décrits ne sont donc pas considérées comme les seules options possibles ou comme des «modèles» pour d’autres pistes différentes, isolées les unes des autres. La même approche devrait s’appliquer au document de réflexion consacré à la dimension sociale.

3.2.

Le document de réflexion évoque la diversité des réalités sociales au sein de l’Union, recense d’éventuels moteurs de changement et définit trois options possibles:

cantonner la dimension sociale à la libre circulation (la libre circulation seulement),

ceux qui veulent plus en matière sociale font plus (la coopération renforcée),

les Vingt-sept approfondissent ensemble la dimension sociale de l’Europe (la dimension sociale approfondie à vingt-sept).

3.3.

Pour mieux en saisir les conséquences possibles, le CESE a examiné les trois options sous l’angle des défis et des moteurs du changement décrits dans le document de réflexion ainsi que des différents problèmes qu’il avait relevé dans son avis initial sur le socle. Ces points sont mentionnés comme exemples dans l’appendice, à titre purement indicatif.

3.4.

«La libre circulation seulement» — la première option — représenterait le plus grand changement par rapport au statu quo et pourrait être considérée comme un recul significatif. Elle risquerait de devenir un moteur pour un approfondissement des divergences au sein de l’Union, avec des conséquences considérables sur la vie des citoyens européens, et pourrait faire émerger des forces centrifuges susceptibles, à terme, de provoquer la désintégration de l’Union. D’un autre côté, la libre circulation et la réglementation sur la mobilité à l’intérieur de l’Union pourraient être de meilleure qualité et d’une plus grande portée, tandis que le contrôle de la mise en œuvre et le suivi par la Commission pourraient être facilités (c’est-à-dire «faire moins mais mieux»).

3.5.

«La coopération renforcée» — la deuxième option — pourrait au moins permettre de parvenir à davantage de convergence entre certains États membres, mais elle conduirait aussi à creuser les écarts avec les autres (semi-convergence). Elle constituerait une avancée vis-à-vis du statu quo et permettrait d’échapper au problème actuel lié au fait de toujours devoir trouver le plus petit dénominateur commun ou de devoir accumuler de trop nombreuses dérogations qui rendent l’application des règles adoptées trop complexes. Elle pourrait, en revanche, donner lieu à différents niveaux de droits pour les citoyens en fonction de l’État membre où ils résident. Cette option entraînerait des incertitudes et des problèmes nouveaux pour les entreprises qui exercent leurs activités dans l’ensemble de l’Union et ont besoin de conditions de concurrence équitables, et qui se trouveraient également confrontées à différents mondes de la mise en conformité. Elle pourrait aussi entraîner une érosion du soutien au marché commun, les citoyens des pays n’étant pas concernés ayant de plus en plus le sentiment d’être mis à l’écart.

3.6.

«La dimension sociale approfondie à vingt-sept» — la troisième option — introduirait un changement significatif par rapport à la situation actuelle et constituerait un moteur puissant en faveur de la convergence à l’échelle de l’Union. Elle pourrait comprendre des mesures contraignantes et des critères de référence pour les Vingt-sept ainsi que des financements de l’Union reliés aux résultats obtenus par rapport aux critères et aux objectifs communs. Toutefois, même si le CESE estime préférable de mener cet approfondissement avec chacun des vingt-sept États membres, force est de reconnaître que, compte tenu des négociations déjà complexes sur le concept assez vague de socle, il ne semblerait guère réaliste de s’attendre à ce que cette option rallie les suffrages, en particulier ceux des États membres qui veulent maintenir leur avantage comparatif reposant sur un bas niveau de salaires et de normes sociales, ou ceux qui redoutent que leurs modèles nationaux et leurs normes élevées se trouvent négativement affectés.

3.7.

Le CESE estime qu’une approche consistant à «approfondir la dimension sociale lorsque c’est possible et à se concentrer davantage sur les résultats» permettrait aussi de soutenir un moteur puissant favorisant une plus grande convergence. Il soutient donc les mesures plus contraignantes établies dans le Semestre européen (10) — assorties de critères de référence, au moins pour la zone euro, mais de préférence pour l’EU-27, en matière d’emploi, d’éducation et de protection sociale (par exemple avec un cadre de référence commun pour le soutien du revenu des personnes dans le besoin). Cette démarche devrait s’accompagner d’une feuille de route établissant des initiatives communes dans des domaines clés où les actions de l’Union apportent une valeur ajoutée évidente, de même qu’elle devrait être, dans la mesure du possible, surtout axée sur les résultats. Les crédits alloués à la cohésion sociale et à l’investissement social devraient être augmentés pour faire face aux défis posés par les problèmes d’aptitudes et de compétences, la numérisation et les changements démographiques dans l’Union européenne.

4.   La proclamation du socle européen des droits sociaux

4.1.

Le CESE a déjà affirmé que le socle devrait contribuer à un juste équilibre entre les dimensions économique et sociale de l’Union européenne. La question du juste équilibre entre les objectifs économiques et sociaux dépasse la construction d’un seul pilier et touche aux fondements horizontaux mêmes de l’Union européenne.

4.2.

Les objectifs déclarés du socle consistent à contribuer à «un marché du travail équitable et véritablement paneuropéen» ainsi qu’à «servir de boussole pour le retour à la convergence dans la zone euro», allant au-delà des compétences dans le domaine de la politique sociale visée au titre X du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Ils touchent au cœur même des politiques économiques et monétaires ainsi qu’aux stratégies en matière d’emploi visées aux titres VIII et IX du TFEU.

4.3.

Le socle met en évidence vingt «principes et droits» que la Commission considère comme essentiels pour que les marchés du travail et les systèmes de protection sociale du XXIe siècle soient équitables et fonctionnent bien, et qui sont répartis en trois catégories: 1) égalité des chances et accès au marché du travail; 2) conditions de travail équitables, et 3) protection sociale et inclusion sociale.

4.4.

L’établissement du socle a un caractère à la fois rétrospectif et tourné vers l’avenir. Il vise à refléter l’acquis européen existant en matière de droits sociaux, et indique si — et comment — ce dernier devrait être, si nécessaire, complété pour prendre en compte les transformations majeures du monde du travail et de la société, afin de contribuer au bon fonctionnement des marchés du travail et des systèmes de protection sociale dans une Europe du XXIe siècle.

4.5.

Il est nécessaire d’apporter des précisions quant à la nature juridique du socle qui est présenté sous la forme de deux instruments distincts, quoique pratiquement identiques: une recommandation (11) de la Commission et une proposition de proclamation interinstitutionnelle (12). Selon la communication d’accompagnement, le choix des instruments tient compte de considérations politiques plus générales et de limites juridiques, notamment de restrictions liées aux compétences de l’Union dans le domaine de la politique sociale.

4.6.

En application de la compétence dont dispose la Commission au titre de l’article 292 du TFUE, la recommandation est d’application immédiate. Il n’est pas explicitement indiqué à qui elle s’adresse, mais les considérants 17 à 20 précisent que «la réalisation des objectifs du socle européen des droits sociaux est un engagement et une responsabilité partagés par l’Union, ses États membres et les partenaires sociaux […] et que ceux-ci devraient être mis en œuvre tant au niveau de l’Union qu’à celui des États membres, dans les limites de leurs compétences respectives et conformément au principe de subsidiarité». Dans ce contexte, le CESE souhaite également souligner que l’autonomie des partenaires sociaux doit être respectée.

4.7.

En parallèle, la Commission européenne propose également que le socle «soit solennellement et conjointement proclamé par les institutions de l’Union européenne». Les traités de l’Union européenne ne fournissent aucune base juridique pour la proclamation, même si cet instrument a déjà été utilisé par le passé avec la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui a été proclamée le 7 décembre 2000, à l’occasion du Conseil européen de Nice. Il convient d’établir une distinction entre la proclamation et un accord interinstitutionnel au sens de l’article 295 du TFUE, et, au vu de l’évaluation juridique rendue par le Conseil, la proclamation constitue «un acte atypique qui n’est pas juridiquement contraignant et ne crée pas de droits directement applicables».

4.8.

La procédure de proclamation du socle se distingue également de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs adoptée le 9 décembre 1989. Cette dernière a également un caractère purement déclaratoire, mais elle a été signée par la totalité des États membres à l’exception du Royaume–Uni. Même si la Commission européenne avait effectivement présenté alors un programme d’action destiné à la mettre en œuvre [COM(89) 568 final], il ne s’agissait pas d’une déclaration conjointe adoptée avec les autres institutions européennes. En outre, elle contenait un certain nombre de dispositions relatives à son application.

4.9.

Dans la mesure où la «réalisation des objectifs du socle européen des droits sociaux» constitue un engagement et une responsabilité que partagent l’Union, ses États membres et les partenaires sociaux, il est cohérent que le Conseil et le Parlement européen se joignent à la Commission dans la proclamation solennelle du socle. Ce dernier est également censé avoir un impact sur la gouvernance économique de l’Union (le Semestre européen, le tableau de bord social), et par conséquent, un consensus dégagé au sein du Conseil pour soutenir la proclamation constituerait un signal important. Alors même que la compétence des partenaires sociaux dans de nombreux domaines est reconnue, le Comité constate que ceux-ci n’ont pas été formellement intégrés au processus d’établissement de la proclamation (13).

4.10.

Le Comité comprend que le socle est conçu comme une déclaration d’intention politique, et qu’en tant que tel, il ne crée pas de nouveaux droits susceptibles de faire l’objet d’un recours. La Commission effectue une distinction entre les droits et les principes: les «droits» sont présentés comme une réaffirmation de droits déjà énoncés dans l’acquis de l’Union, tandis que les «principes» sont considérés comme «nouveaux» et destinés à relever les défis issus d’évolutions sociétales, technologiques et économiques. En effet, selon la communication, ni les principes ni les droits ne sont directement applicables.

4.11.

Bien que dépourvue de caractère juridiquement contraignant, une telle proclamation emporterait un engagement politique de la part des institutions européennes, ainsi que du Conseil et des États membres, à réaliser les objectifs du socle, tout en respectant la répartition des compétences ainsi que le principe de subsidiarité.

4.12.

La charte, à la différence du socle, possède la même valeur que les traités et partant, fait partie du droit primaire, même si elle ne crée pas de nouvelles compétences au niveau de l’Union européenne et, tout en étant juridiquement contraignante pour les institutions européennes, elle n’est pas directement exécutoire par les citoyens de l’Union. Elle a une approche plus large aussi bien des droits économiques que des droits sociaux. Si, au terme d’un délai raisonnable, l’engagement politique visé plus haut n’a pas conduit à des initiatives concrètes, dans tous les États membres, découlant de la mise en œuvre du socle — il conviendrait d’examiner les mesures qui s’imposent, sous la forme d’initiatives tant juridiques que non juridiques. Le CESE a d’ores et déjà plaidé en faveur d’une directive-cadre sur un revenu minimum adéquat (14). De nouveaux avis juridiques, notamment celui commandité par le ministère allemand du travail, explorent les modalités d’une éventuelle mise en place (15).

4.13.

Dans un avis rendu en 2011 (16), le CESE a déjà souligné que les droits sociaux fondamentaux sont «indissociables» des droits civils et politiques et requièrent dès lors une attention stratégique particulière. Il proposait de nouvelles mesures et activités de promotion visant à accroître l’efficacité d’une stratégie de mise en œuvre des droits fondamentaux. La Commission ne s’attaque pas assez au problème de l’application insuffisante des droits sociaux existants, et le CESE est convaincu qu’il existe un risque que le socle vienne brouiller le rôle spécifique qu’il incombe à la Commission de jouer de «gardienne des traités».

5.   Relation entre le document de réflexion sur la dimension sociale et le socle européen des droits sociaux

5.1.

La relation entre le socle et le document de réflexion sur la dimension sociale, ainsi que les autres documents de réflexion venant s’inscrire dans le débat élargi sur l’avenir de l’Europe, doivent également être pris en compte. Une analyse du socle montre que plusieurs scénarios issus du livre blanc ou du document de réflexion sur la dimension sociale peuvent d’ailleurs être combinés lors de la mise en œuvre du socle.

5.2.

Le socle s’adresse avant tout aux États membres de la zone euro. À cet égard, la philosophie du socle se rapproche davantage d’un scénario où «ceux qui veulent plus font plus». Quelques avancées dans cette direction pourraient être obtenues en effectuant le suivi de la mise en œuvre du socle au moyen du tableau de bord social doté d’indicateurs plus nombreux et mieux adaptés, ainsi qu’en intégrant ce dernier au Semestre européen. La société civile et les partenaires sociaux devraient être consultés sur ces indicateurs, sachant que la proposition actuelle n’est pas suffisante.

5.3.

Certaines des propositions de mesures de «suivi» avancées dans la communication sur le socle s’accordent au scénario fondé sur l’EU-27, tandis que d’autres pourraient sembler se référer avant tout au scénario de «ceux qui veulent plus font plus». Par conséquent, les mesures telles que l’initiative visant à promouvoir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants qui travaillent, présentée comme faisant partie du paquet consacré au socle social, sont destinées à être applicables à l’EU-27. Dans le même ordre d’idées, les mesures liées à la mise en œuvre de la législation et au dialogue social en vigueur sont également censées s’appliquer à l’EU-27. La nécessité de fonctionner à un niveau géographique plus restreint pourrait également poser de nouveaux problèmes aux partenaires sociaux, lesquels sont représentés au niveau de l’Union.

5.4.

D’autres mesures proposées dans la recommandation, notamment celles qui sont liées au Semestre européen et à l’achèvement de l’Union économique et monétaire, ne sont applicables que dans la zone euro et ne visent que celle-ci. Elles semblent mieux convenir au scénario du «ceux qui veulent plus font plus». En fait, le document de réflexion cite, comme exemple d’un tel scénario, une plus grande convergence vers des marchés de l’emploi plus intégrés ainsi que vers les systèmes sociaux les plus efficaces et les systèmes d’éducation et de soin de santé les plus solides.

5.5.

Le soutien financier de l’Union octroyé par l’intermédiaire du Fonds social européen convient mieux à une approche axée sur l’EU-27. L’idée consistant à augmenter le montant des financements disponibles apparaît effectivement dans le document de réflexion comme un exemple d’approfondissement de la dimension sociale de l’EU-27.

6.   Relation avec les autres documents de réflexion sur l’avenir de l’Europe

6.1.

La réflexion sur la dimension sociale de l’Europe ne peut se faire isolément, et c’est la raison pour laquelle il importe également de prendre en compte le lien avec les autres documents de réflexion sur l’avenir de l’Europe et leurs messages clés sur la dimension sociale et la voie à suivre en la matière, même si le CESE publiera des avis distincts sur certains de ces documents (17).

6.2.

Le document de réflexion sur l’approfondissement de l’UEM souligne que l’emploi, la croissance, l’équité sociale, la convergence économique et la stabilité financière figurent parmi les principes directeurs présidant à l’approfondissement de l’UEM. Il s’agit là d’une conception relativement limitée de la dimension sociale de l’UEM. Tout d’abord, elle n’est pas cohérente en ce qui concerne la convergence économique et sociale, ou plus particulièrement la convergence vers le haut, et ensuite, elle fait essentiellement référence à «l’équité sociale». Aucune explication n’est fournie quant au concept ou à la perception de «l’équité sociale», et sur la raison pour laquelle référence n’est pas plutôt faite à la notion de «justice sociale» conformément à l’article 3 du TFUE.

6.3.

Le document de réflexion sur l’UEM évoque le renforcement de la coordination des politiques économiques au sein du Semestre européen comme étant son principal outil. Dans le cadre du Semestre européen, le socle «servira à orienter un grand nombre de ces politiques en direction d’une amélioration des conditions de travail et de vie». Cette ambition va créer la nécessité «de promouvoir encore la coopération et le dialogue avec les États membres, en y associant également les parlements nationaux, les partenaires sociaux, les conseils nationaux de la productivité et d’autres parties prenantes» dans le but «de renforcer l’appropriation au niveau national et d’améliorer la mise en œuvre des réformes». Dans le document de réflexion, la Commission souligne également le lien entre les réformes nationales et les fonds européens existants. En substance, le discours sur la nécessité d’améliorer l’appropriation, de veiller à la participation des partenaires sociaux et de renforcer les conditions d’accès aux financements de l’Union n’est pas nouveau et souligne simplement la nécessité d’améliorer la gouvernance et la capacité d’exécution du Semestre européen.

6.4.

Les propositions concernant le retour à la convergence figurant dans le document de réflexion sur l’UEM sont centrées sur l’utilisation du cadre de l’Union pour assurer la convergence, le renforcement de la coordination des politiques économiques et le resserrement des liens entre les réformes nationales et les fonds européens existants. Les opinions divergent sur l’idée de conditionner l’attribution des fonds de l’Union à l’accomplissement des réformes, et le CESE recommande que cette option ne soit possible qu’avec la pleine participation du Parlement européen tout au long de la procédure, sur un pied d’égalité et avec également la reconnaissance d’un rôle clair aux parlements nationaux. La convergence et la stabilité sont supposées s’accroître en poursuivant les réformes structurelles adéquates. Si le CESE partage le point de vue selon lequel des réformes intelligentes dans les États membres concernés peuvent être essentielles pour parvenir à plus de convergence vers le haut et rendre les systèmes sociaux plus adéquats et plus résilients, il insiste également sur la nécessité d’obtenir une meilleure panoplie de mesures macroéconomiques et une participation accrue des partenaires sociaux au dialogue macroéconomique, au fonctionnement du processus du Semestre européen et aux réformes connexes.

6.5.

Dans la boîte à outils de l’UEM, le tableau de bord social attaché au socle est considéré comme un élément de l’union économique, avec les conseils nationaux, permettant de surveiller l’évolution de la productivité. Cet aspect souligne le lien qui existe entre l’approfondissement de l’UEM et le socle. Le socle est destiné à orienter la réalisation de certaines réformes structurelles dans les domaines décrits dans les vingt principes.

6.6.

L’annexe 2 du document de réflexion sur l’UEM mentionne l’importance d’un «nouveau départ pour le dialogue social» et qualifie de «mesure importante» (p. 32 et 33) les efforts de la Commission européenne visant à instaurer un socle social. À cet égard, il est essentiel d’avoir une compréhension globale du dialogue social, lequel ne saurait se limiter uniquement au titre «Politique sociale». Même si l’obligation de l’Union européenne de promouvoir le rôle des partenaires sociaux est mentionnée sous le titre «Politique sociale», cette obligation doit avoir des conséquences, le cas échéant, au-delà de cette seule politique.

6.7.

Dans le document de réflexion sur la maîtrise de la mondialisation, la Commission européenne s’efforce de répondre aux peurs et aux critiques qui augmentent face aux politiques de mondialisation et à leurs effets. Par conséquent, la Commission insiste sur le fait que la mondialisation peut être bénéfique si elle est correctement maîtrisée, de manière à limiter le nombre de ceux qui se sentent laissés pour compte.

6.8.

Selon la Commission, des politiques sociales solides jouent un rôle important pour protéger et renforcer l’autonomie des citoyens dans ce processus. Elle estime qu’il s’agit d’une condition préalable pour améliorer la confiance des citoyens face aux défis et aux bénéfices liés à la mondialisation.

6.9.

Le document de réflexion sur la maîtrise de la mondialisation fait spécifiquement référence à celui consacré à la dimension sociale. Le CESE souscrit au point de vue selon lequel «une meilleure répartition des bénéfices de la mondialisation, conjuguée à une protection sociale efficace, aidera les individus à trouver un emploi décent et à s’adapter au changement. De manière plus générale, une redistribution juste et équitable de la richesse, ainsi que des investissements ciblés favorisant l’inclusion sociale des catégories de personnes les plus vulnérables, dont les migrants, contribueront à renforcer la cohésion sociale». Cette approche est largement conforme à l’attention toute particulière que le CESE accorde à la nécessité d’instaurer des transitions équitables dans le contexte de la numérisation et de la mondialisation. La Commission souligne aussi que «l’Union européenne se doit également d’être une économie innovante et compétitive avec des entreprises de premier plan et des citoyens capables de s’adapter au changement et de produire la richesse nécessaire au maintien de notre modèle social».

6.10.

Le CESE soutient de la même façon le point de vue selon lequel il est essentiel d’améliorer à l’échelle mondiale les normes sociales et de travail ainsi que les pratiques en la matière, en étroite coopération avec l’OIT, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile particulièrement engagées dans cet ensemble de priorités, telles que les organisations de l’économie sociale.

6.11.

Le CESE pense lui aussi que l’Union européenne peut influencer décisivement le développement du corpus de règles au niveau mondial, non seulement parce qu’elle possède le plus grand marché unique et qu’elle est le premier investisseur du monde, mais aussi parce qu’elle croit que des solutions mondiales doivent être apportées aux problèmes mondiaux. Dès lors, le modèle social européen, qui représente nos valeurs essentielles et nos droits fondamentaux, devrait constituer un cap et un modèle de référence pour une mondialisation équitable.

6.12.

Bien que le document de réflexion sur l’avenir des finances de l’Union européenne ait été le dernier publié, le budget de l’Union sera essentiel, tout en étant bien entendu déterminé par les choix effectués en ce qui concerne l’avenir de l’Europe. Le document de réflexion sur les finances de l’Union évalue les incidences respectives sur les domaines de dépenses européennes des cinq scénarios exposés dans le livre blanc, dont les effets seront considérables pour les citoyens, les régions et les catégories de la population ayant le plus besoin d’aide. Seul le cinquième scénario — celui où les États membres s’entendent pour agir davantage ensemble — entraînerait des dépenses accrues en faveur de la cohésion économique, sociale et territoriale.

6.13.

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aura des conséquences majeures sur le budget européen. Le CESE est conscient du risque que celle-ci entraîne une réduction des fonds sociaux. Le CESE insiste sur le fait que le Fonds social européen est un moteur important pour accroître la convergence, et il conviendrait de ne pas le réduire si l’on veut que les défis à venir soient relevés.

7.   Domaines prioritaires d’action selon le CESE, et acteurs concernés

7.1.

Dans son avis initial sur le socle, le CESE a déjà recensé les principaux domaines où il estime qu’une action aux niveaux national et européen, conformément aux compétences respectives de chacun, est nécessaire. Ils se déclinent comme suit:

l’investissement et l’innovation,

l’emploi et la création d’emplois de qualité,

des mesures de lutte contre la pauvreté, notamment le revenu minimum,

des transitions justes et fluides épaulées par des politiques actives du marché de l’emploi,

des conditions générales sur le marché de l’emploi allant dans le sens de parcours professionnels nouveaux et plus diversifiés et soutenant des conditions de travail équitables pour tous,

une protection sociale pour tous (de nouvelles formes de travail comme par exemple les plateformes, etc.),

l’investissement social (compétences professionnelles, transitions, etc.),

les services sociaux d’intérêt général.

7.2.

Tout en dégageant un consensus sur la voie à suivre, des projets significatifs dans ces différents domaines devraient être définis. L’Union devrait commencer par des projets ayant une incidence positive directe et qui seraient soutenus par tous.

8.   Les prochaines étapes du sommet social de Göteborg (2017) et au-delà: une route menant des principes aux droits (18)?

8.1.

Trois années se sont écoulées depuis que le président Juncker a pour la première fois déclaré qu’il souhaitait obtenir un «triple A social» pour l’Union européenne (19). La Commission Juncker a lancé assez tardivement ses initiatives, et les consultations sur les SEDS lui ont pris beaucoup de temps (une année). Il faut y ajouter le temps passé pour lancer le débat sur l’avenir de l’Europe, sans que la Commission n’ait donné la moindre recommandation pratique quant à la manière dont elle entendait procéder. Les élections au Parlement européen auront lieu en 2019, et une nouvelle Commission sera également nommée. Pour beaucoup, cette relation paradoxale à la temporalité — d’une part, manquer de temps pour stabiliser l’UEM et le modèle social européen (ou les modèles sociaux européens) avant 2019, et d’autre part, chercher à en gagner en attendant la tenue d’élections importantes à l’automne 2017 — empêche regrettablement l’Union de se remettre sur les rails.

8.2.

En avril 2017, la proposition de la Commission en faveur d’une proclamation interinstitutionnelle conjointe sur le socle européen des droits sociaux a suscité des réactions mitigées. Certains pensent qu’il s’agit d’un progrès important, là où d’autres n’y voient qu’un geste symbolique qui n’est pas assez concret pour répondre à la crise sociale, alors que d’autres encore vont même jusqu’à craindre qu’elle n’aille trop loin. Après le sommet social de Göteborg (novembre 2017), sur la base de la proclamation du socle social et des discussions consacrées au document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe, le CESE encourage les trois institutions de l’Union à concevoir un programme positif destiné aux citoyens européens. Il viserait à renforcer un modèle économique et social européen adapté à l’avenir en stimulant la croissance économique, l’emploi, le bien-être des citoyens ainsi qu’une convergence vers le haut en matière d’emploi et de retombées sociales.

8.3.

Beaucoup d’incertitude entoure encore le socle, si bien qu’on se demande si la proclamation sera soutenue par tous les États membres. Si tel est le cas, la question clé pour le CESE sera de déterminer les mesures devant être adoptées pour garantir que celui-ci puisse être un instrument efficace. Le CESE estime que des mesures supplémentaires devront être prises au niveau le mieux approprié, y compris des initiatives conjointes dans des domaines clés où l’action européenne apporte une valeur ajoutée évidente, et elles devraient, si possible, être axées sur les résultats. Le CESE est convaincu qu’une feuille de route claire pour la mise en œuvre du socle contribuerait à promouvoir la convergence et à atteindre ses objectifs.

8.4.

Le CESE propose aussi que des analyses d’impact soient également intégrées à une évaluation de la compatibilité avec le socle. Dans le cadre du programme pour une meilleure réglementation, il faudrait être plus attentif aux conditions auxquelles les initiatives peuvent faciliter le progrès social pour les citoyens — ainsi qu’être aisément mises en œuvre et suivies d’effets.

8.5.

Le CESE envisage d’exercer un rôle de suivi de ce processus en lui apportant son soutien par des débats au niveau national, et en insistant sur la nécessité d’accroître la transparence et la participation de la société civile. Il met également en garde contre de nouveaux processus complexes ou une approche de l’avenir de l’Union abordée principalement selon une perspective institutionnelle.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(2)  «Un socle social pour approfondir la convergence européenne», OIT, 18 juillet 2016.

(3)  https://ec.europa.eu/commission/white-paper-future-europe-reflections-and-scenarios-eu27_fr

(4)  http://ec.europa.eu/priorities/deeper-and-fairer-economic-and-monetary-union/towards-european-pillar-social-rights_fr

(5)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(6)  Falkner, G., Treib, O., Hartlapp, M., Complying with Europe: EU Harmonisation and Soft Law in the Member States (Se conformer à l’Europe: harmonisation de l’Union européenne et instruments non contraignants dans les États membres), 2007.

(7)  Par exemple: JO C 376 du 22.12.2011, p. 74.

(8)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 1.

JO C 451 du 16.12.2014, p. 10.

JO C 13 du 15.1.2016, p. 33.

(9)  JO C 143 du 22.5.2012, p. 23.

JO C 271 du 19.9.2013, p. 1.

(10)  Telle est le contenu de la proposition de la Commission en ce qui concerne «L’approfondissement de l’UEM».

(11)  Recommandation (UE) 2017/761 de la Commission du 26 avril 2017 sur le socle européen des droits sociaux (JO L 113 du 29.4.2017, p. 56).

(12)  En outre, la recommandation et la proclamation étaient accompagnées d’une communication principale et d’un certain nombre d’autres initiatives non législatives d’accompagnement, y compris un tableau de bord social pour suivre les progrès réalisés, deux consultations des partenaires sociaux, et une proposition législative de directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée qui fait l’objet d’un avis distinct du CESE.

(13)  Voir la communication de la Commission européenne sur la mise en place d’un socle européen des droits sociaux [COM(2017) 250 final], p. 6.

(14)  JO C 170 du 5.6.2014, p. 23 (cet avis n’a pas été soutenu par le groupe des employeurs; voir http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/statement-minimum-income-fr.pdf).

(15)  Ein verbindlicher EU-Rechtsrahmen für soziale Sicherungssysteme in den Mitgliedstaaten (Un cadre juridique européen contraignant pour un système d’assurance sociale dans les États membres), avis juridique du professeur Thorsten Kingreen, septembre 2017.

(16)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 74.

(17)  «Approfondissement de l’UEM d’ici à 2025» (ECO/438) (voir page 124 du présent Journa officiel), «Les finances de l’Union européenne à l’horizon 2025» (ECO/439) (voir page 131 du présent Journa officiel).

(18)  Note: Il s’agit d’un important chapitre consacré aux questions de gouvernance et de mise en œuvre, tels que le Semestre européen et le rôle des partenaires sociaux, ainsi que le rôle que le CESE est susceptible de jouer. Il doit être pleinement développé. Le texte ci-après donne une vue d’ensemble des mesures (politiques) adoptées en ce qui concerne le socle.

(19)  Le 22 octobre 2014, Parlement européen.


Appendice

Synopsis de la dimension sociale

Défis

Scénario no 1:

«Libre circulation seulement»

Scénario no 2:

«Coopération renforcée»

Scénario no 3 —

«Dimension sociale approfondie pour tous»

Scénario du CESE no 4 —

«Approfondir la dimension sociale chaque fois que possible et se concentrer davantage sur les résultats»

Évolution démographique et nouveaux modèles familiaux

Pourrait provoquer de nouveaux facteurs de répulsion et d’attraction, pousser en particulier les citoyens qualifiés à quitter leur pays à la recherche de meilleures rémunérations.

27 solutions/moins de convergence par rapport aux nouveaux modèles de famille/à la répartition des rôles entre les hommes et les femmes dans la société.

Pourrait créer de nouveaux facteurs de répulsion et d’attraction, pousser en particulier les citoyens qualifiés à s’installer dans les États membres constituant «l’avant-garde».

Des solutions innovantes pour l’équilibre vie professionnelle/vie privée, l’égalité hommes-femmes/meilleure participation des femmes au marché du travail, etc., dans les pays situés à «l’avant-garde».

Meilleures utilisation et conception du marché du travail européen par des normes communes, plus grande convergence.

Même âge de départ à la retraite dans l’Union en fonction de l’espérance de vie (mais protestations importantes dans de nombreux pays).

Critères de référence pour évaluer la performance du marché du travail (participation des femmes/des catégories vulnérables/des travailleurs âgés, travail décent).

Critères en matière de protection sociale (prestations et services).

Mesures législatives et non législatives favorisant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée afin d’améliorer les conditions de vie et de travail.

Numérisation/

Transformations du travail

Au lieu d’avoir une réglementation européenne, on aura 27 solutions différentes sur des questions comme le travail via des plateformes, le temps de travail, l’intelligence artificielle, etc., mais les réponses nationales seront limitées.

De nouvelles solutions pourraient être trouvées pour mieux protéger les citoyens et leur permettre de s’engager dans la voie du changement en limitant les risques. D’autres États membres pourraient suivre ultérieurement. Il est plus facile de trouver des travailleurs qualifiés avec des normes communes et un numéro de sécurité sociale unique.

Une norme/réglementation sur le statut professionnel des travailleurs via des plateformes, nouvelles solutions et projets innovants.

Systèmes informatiques européens.

Faire en sorte que l’avenir du travail soit un projet positif.

Comparer les politiques actives du marché du travail (PAMT) efficaces et ciblées pour atteindre de bons résultats en matière d’emploi.

La transition vers le travail 4.0 doit être accompagnée d’une transition en parallèle vers une protection sociale 4.0.

Il est nécessaire que les conditions générales sur le marché de l’emploi aillent dans le sens de parcours professionnels nouveaux et plus diversifiés.

Nécessité d’un cadre définissant des conditions de travail équitables pour tous.

Permettre aux citoyens d’effectuer les transitions nécessaires (compétences, nouveaux emplois).

Mondialisation

Le modèle social européen n’est pas un modèle de référence pour une mondialisation équitable; difficulté de fixer des normes au niveau mondial.

L’avant-garde offre un modèle de référence limité pour la mondialisation. Par le biais d’instruments et de fonds, l’avant-garde améliore les conditions de transition/met à disposition des compétences.

Le modèle social européen peut constituer un modèle de référence pour une mondialisation équitable, il contribue à établir des normes à l’échelle mondiale en fixant des normes s’appliquant au plus grand marché commun au monde.

Un modèle économique et social européen reposant sur une progression de l’emploi, du progrès social et de la productivité.

Mise en œuvre des ODD, en particulier l’objectif 1 (pauvreté zéro), 3 (santé et bien-être), 5 (égalité hommes-femmes) et 8 (travail décent et croissance économique).

Disparités entre les États membres et en leur sein

Augmentation des disparités, fin des financements européens destinés à accroître la convergence. Les États membres doivent créer leurs propres fonds, ce qui va encore accroître les disparités.

Les disparités entre les pays situés à l’avant-garde et les autres États membres augmentent. Pourrait conduire à l’apparition de différents modèles économiques et à de nouveaux facteurs d’attraction/répulsion pour les entreprises.

Réduction significative grâce à la convergence vers le haut.

Suivi particulier/action par l’intermédiaire de critères de référence et d’incitations financières.

Critères de référence en matière de protection sociale (conditions d’éligibilité, durée et niveaux des prestations).

Fonds européen pour les investissements stratégiques et Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI), pour créer des emplois et promouvoir la cohésion sociale et territoriale.

Augmentation des inégalités/de la pauvreté

L’augmentation va se poursuivre à un rythme encore plus rapide dans certains États membres, tandis que d’autres parviendront à mieux protéger leurs citoyens en limitant l’intervention des arrêts de la CEJ, etc. Accroissement des inégalités par le dumping social/salarial.

Réduction des inégalités grâce à une amélioration de la compensation, grâce à des politiques sociales dans les pays situés à l’avant-garde — inégalités probablement plus grandes dans les autres États membres.

Pourrait être réduite par des normes et des politiques communes.

Les travailleurs sont couverts par des normes fondamentales en matière de travail et de protection sociale.

De nouveaux efforts pour faire avancer la convergence des salaires et mettre en place des salaires minimaux dans les États membres.

Examiner l’idée d’un revenu minimum européen.

Initiatives nationales et européennes visant à améliorer la protection sociale (sécurité sociale, aide sociale, services sociaux, soins de santé, logement).

Compétitivité des entreprises

Moins de réglementation européenne mais coût plus élevé pour se conformer à 27 réglementations différentes en matière de santé, de sécurité, de temps de travail etc.

En règle générale, plus de complexité en matière de suivi/d’application des règles. La compétitivité pourrait également être améliorée par une plus grande convergence et de nouvelles solutions innovantes dans les pays de l’avant-garde, mais aussi par moins de réglementation favorisant certains modèles d’entreprise dans les pays restant à l’écart.

Des conditions de concurrence égales, moins de bureaucratie grâce à une norme unique et un meilleur usage des politiques européenne en matière de marché du travail et de compétences (par exemple Erasmus+ amélioré, etc.).

Réduction des coûts grâce à des solutions informatiques communes ainsi que par une simple reconnaissance des diplômes, etc.

Des politiques macroéconomiques solides créant un environnement propice aux entreprises pour favoriser la croissance de l’emploi.

Inscrire la stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois dans le concept de flexicurité équilibrée.

Dialogue social orienté sur les solutions et contribuant à la compétitivité.

Acceptation de l’intégration européenne par les citoyens

La réglementation sociale peut intervenir au plus près des citoyens, mais l’acceptation de l’intégration pourrait refluer si le nivellement par le bas s’aggravait.

L’acceptation dans les pays laissés à l’écart diminuera probablement si les conditions sociales se détériorent, sachant que les États membres pourraient tirer leurs normes sociales vers le bas pour attirer des entreprises. Dans les pays de l’avant-garde, elle pourrait augmenter.

 

Le socle est conçu comme un projet positif pour tous destiné à regagner la confiance des citoyens dans la capacité de l’Union à offrir de meilleures perspectives de vie, des possibilités d’emploi suffisantes et des conditions de travail équitables pour tous.

Une gouvernance économique plus efficace et plus démocratique, notamment au sein de la zone euro, pour lutter contre les déséquilibres.

Conclusion

Facteur de divergence.

Grand changement/retour en arrière.

Conséquences considérables pour la vie des citoyens.

Scénario du type «Brexit allégé» pour tous

Risque de «nivellement par le bas».

La réglementation sur la mobilité et la liberté de circuler pourrait être de meilleure qualité (faire moins mais mieux) et aussi mise en œuvre/contrôlée de façon plus satisfaisante par la Commission.

Une plus grande convergence entre certains États membres, mais les écarts se creusant avec les autres (renforcement de la semi-divergence).

Pas de politique du plus petit dénominateur commun.

Les droits des citoyens varient dans les États membres.

Risques d’érosion du marché unique.

Moteur de convergence, changements majeurs.

Valeurs communes/droits renforcés.

Mesure contraignante, critères de référence pour les 27 États membres (emploi, éducation, systèmes de protection sociale).

Fonds de l’Union attribués en fonction de critères de performance (conditions).

Moteur de convergence, changements majeurs.

Valeurs communes/droits valorisés et appliqués.

Cadres de référence communs pour l’aide au revenu attribuée à ceux qui en ont besoin.

Mesures contraignantes dans le Semestre européen, critères de référence pour les 27 États membres (emploi, éducation, systèmes de protection sociale).

Augmentation des fonds alloués à la cohésion sociale et à l’investissement social (tout en respectant de manière inconditionnelle le pacte de stabilité et de croissance).

Instruments pour atteindre les objectifs fixés dans les scénarios nos 1 à 4

Le Semestre européen

Le tableau de bord social, partie intégrante du Semestre européen

Incitations financières grâce au CFP

Le socle, droits et principes directeurs

La feuille de route pour la mise en œuvre du socle (comprenant des mesures législatives et non législatives)

Le dialogue social


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/160


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil définissant le cadre juridique applicable au corps européen de solidarité et modifiant les règlements (UE) no 1288/2013, (UE) no 1293/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1305/2013 et (UE) no 1306/2013 et la décision no 1313/2013/UE»

[COM(2017) 262 final — 2017/0102(COD)]

(2018/C 081/21)

Rapporteur:

M. Pavel TRANTINA (CZ-III)

Corapporteur:

M. Antonello PEZZINI (IT-I)

Consultation

Parlement européen, 20.6.2017

Conseil de l’Union européenne, 20.6.2017

Base juridique

Article 165, paragraphe 4, et article 166, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27.9.2017

Adoption en session plénière

19.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

124/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de la Commission européenne et reconnaît qu’elle constitue un bon point de départ pour élargir les discussions, même si de nombreux éléments qu’elle contient doivent être clarifiés et améliorés. Le Comité se réjouit que certaines des priorités mises en avant par les organisations de la société civile à l’occasion des diverses consultations des parties prenantes organisées par la Commission aient été incluses dans la base juridique (à savoir: une augmentation des financements, le volontariat local, l’accent placé sur un accès amélioré pour les jeunes issus de milieux défavorisés ou ayant des besoins spécifiques, l’accent mis sur l’assurance de la qualité des placements et la simplification des procédures administratives).

1.2.

Le CESE considère que la valeur ajoutée des projets financés par le corps européen de solidarité (ci-après le «CES») réside dans leur message de solidarité européenne. À la différence des initiatives précédentes, les projets du CES visent à inspirer un authentique sentiment de citoyenneté européenne et d’appartenance à une seule et même Union parmi les participants et au sein des territoires qui les accueillent. Le Comité est d’avis que l’aspect novateur du CES — à savoir, le fait qu’il soit fondé sur des valeurs liées à l’identité européenne et que ces valeurs soient ancrées dans la conception des projets et se traduisent par des réalisations concrètes — revêt une importance primordiale. Ces valeurs sont clairement énoncées dans le traité sur l’Union européenne, ce sont les valeurs de paix, de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, des droits de l’homme — y compris des minorités — de la tolérance, de la non-discrimination, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’état de droit, ainsi que du respect et de l’application des principes d’une économie sociale de marché.

1.3.

Si le CESE se réjouit de l’annonce de ce nouvel investissement dans la jeunesse, il s’inquiète de ce que celui-ci n’a été rendu possible, dans une large mesure, que par la réaffectation du budget dévolu au service volontaire européen (SVE) dans le cadre du programme Erasmus+ à compter de 2018. Le CESE estime que l’investissement dans le budget du CES ne doit pas se faire au détriment de programmes à succès offrant déjà de précieuses opportunités aux jeunes, en particulier Erasmus+, dont le financement est déjà insuffisant. Il demande dès lors que davantage de nouveaux crédits soient investis dans le programme.

1.4.

Le CESE s’inquiète fortement de la fusion des objectifs du CES avec les politiques pour l’emploi des jeunes. Par conséquent, il propose de reconsidérer l’inclusion dans le programme des placements dans des emplois et dans des stages. Il suggère que le volet «emploi et stages» soit proposé par l’intermédiaire d’autres programmes de l’Union européenne déjà existants et axés sur l’emploi et les stages, et pour lesquels il y aurait lieu de renforcer la dimension relative à la solidarité. Le fait d’axer le CES sur le volet volontaire uniquement apporterait davantage de clarté, permettrait de mieux cibler l’action et contribuerait à éviter toute confusion avec les autres programmes de l’Union à la disposition des jeunes.

1.5.

À la suite d’une vaste consultation des principales parties prenantes, le CESE a élaboré, en vue d’améliorer le projet de base juridique, les propositions suivantes, qui seront évoquées de manière plus détaillée dans la quatrième partie:

il conviendrait de modifier la définition des actions de volontariat et de solidarité,

il y a lieu de réserver l’offre de placements aux organisations à but non lucratif, aux fondations et aux entreprises sociales,

le portail d’enregistrement en ligne doit devenir un instrument interactif et de gestion réellement efficace,

il y a lieu de soutenir et de préparer davantage les jeunes, y compris défavorisés, avant leur placement et d’aider les organisations de jeunesse à assurer cette préparation,

les organisations de jeunesse et les partenaires sociaux doivent être associés à la cogestion du CES,

par contraste avec le mode de fonctionnement actuel d’Erasmus+, l’accessibilité doit être renforcée, les charges administratives doivent être allégées et l’approche des agences nationales doit être revue afin de les rendre plus faciles d’accès pour les utilisateurs.

Les propositions du CESE ainsi que d’autres suggestions sont exposées en détail dans le texte qui suit.

2.   Synthèse de l’initiative de la Commission

2.1.

Le lancement de l’initiative désormais baptisée «corps européen de solidarité» (CES) a été annoncé par le président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, lors du «discours sur l’état de l’Union» qu’il a prononcé en septembre 2016, dans lequel il a déclaré que la solidarité constituait l’un des éléments constitutifs de l’Union européenne et exprimé sa volonté d’engager un plus grand nombre de jeunes à entreprendre des actions de solidarité et des activités de volontariat.

2.2.

Le CES a été officiellement créé le 7 décembre 2016 dans le but d’accueillir les 100 000 premiers participants d’ici 2020. Son objectif premier est de renforcer la cohésion et de favoriser la solidarité au sein de la société européenne en permettant à des jeunes de participer à un large éventail d’activités fondées sur la solidarité, par exemple aider au traitement de situations d’urgence telles que la crise des réfugiés ou lorsque des interventions ponctuelles sont nécessaires (par exemple lors de catastrophes naturelles).

2.3.

Si le projet est approuvé, le CES sera (re)lancé le 1er janvier 2018 et doté d’un budget de 341 millions d’EUR, à répartir dans trois activités principales:

des placements de solidarité, qui aideront les jeunes à mener à bien des activités de volontariat d’une durée maximale de 12 mois, des placements en stage d’une durée moyenne de 2 à 6 mois et des placements dans des emplois, conformément à la législation nationale applicable, d’une durée de 2 à 12 mois. Un soutien sera également apporté pour des placements d’équipes de volontaires dans des groupes composés de 10 à 40 jeunes volontaires issus de différents pays, pour une période comprise entre deux semaines et deux mois,

de petits groupes composés d’au moins cinq participants inscrits pourront concevoir et mettre en œuvre, de leur propre initiative, des projets de solidarité à l’échelon local, d’une durée comprise entre 2 et 12 mois,

des activités de mise en réseau permettront aux participants inscrits et aux organisations participantes d’échanger les bonnes pratiques, de proposer une aide après le placement et de créer des réseaux d’anciens participants.

Ces placements seront accessibles aux jeunes âgés de 18 à 30 ans. Actuellement, le périmètre du programme se limite aux 28 États membres de l’Union européenne.

2.4.

Le programme aura une durée de trois ans, de 2018 à 2020. 80 % du budget du Corps européen de solidarité seront alloués au placement de volontaires et 20 % au placement professionnel (c’est-à-dire dans des emplois et des stages). Sur les 341 millions d’EUR alloués au programme, près de 58 % (environ 197,7 millions d’EUR) proviendront d’Erasmus+. Ces crédits seront en très grande majorité (à hauteur de 191 millions d’EUR) prélevés sur le service volontaire européen (SVE).

2.5.

Les participants inscrits sont invités à créer un profil sur le portail internet, dans lequel ils doivent indiquer leurs préférences en matière de secteurs d’activité et de type de placement et recevront des offres de placement de la part d’organismes publics ou privés ou d’organisations internationales ayant obtenu le label de qualité du CES. Pour recevoir ce label et accéder à la base de données, l’organisation en question devra se soumettre à une procédure d’accréditation (similaire à celle du SVE) pour prouver qu’elle respecte les critères énoncés dans la charte du CES (1) (qui visent notamment à garantir un développement des compétences, des conditions de travail sûres et décentes ainsi qu’une formation adéquate).

2.6.

La Commission européenne et l’Agence exécutive «Éducation, audiovisuel et culture» (EACEA) superviseront la mise en œuvre du CES au niveau de l’Union, et les agences nationales d’Erasmus+ assureront le suivi de sa mise en œuvre au niveau national.

2.7.

Dans le cadre des placements en volontariat, tous les participants recevront une dotation de subsistance (alimentation, logement), de voyage et d’assurance d’environ 155 EUR par mois. Pour ce qui est des placements dans des emplois et dans des stages, les contrats de travail, les salaires et les conventions et rémunérations des stages seront établis conformément à la législation nationale. Un soutien financier pour les frais de déplacement est prévu pour ces placements.

2.8.

Une aide financière supplémentaire est envisagée pour les jeunes défavorisés, et certains coûts encourus par les organisations d’accueil (par exemple pour les aspects administratifs, la gestion, le soutien) pourraient également être couverts. L’aide en amont du placement (par exemple pour l’apprentissage des langues) sera essentiellement fournie en ligne mais les organisations sont libres de la compléter par leurs propres systèmes de soutien. Des centres de ressources pour le CES seront mis en place dans les agences nationales d’Erasmus+ pour apporter un soutien aux organisations participantes.

3.   Observations générales sur le corps européen de solidarité

3.1.

Le CESE se félicite de la création d’un nouveau programme consacré à la jeunesse, et en particulier au volontariat des jeunes, ce qui faisait défaut dans la structure actuelle de l’Union européenne. De même, le CESE se réjouit de la diversité des types de placement offerts par le CES, par exemple les «projets de solidarité» au niveau local, qui reprennent une composante des anciennes initiatives pour la jeunesse, qui ont rencontré un vif succès.

3.2.

Le CESE espère que grâce à ce programme, une stratégie plus vaste en matière de volontariat pourra être développée au niveau de l’Union, non seulement pour les 100 000 jeunes participants au programme, mais aussi pour les 100 millions de citoyens européens, jeunes et adultes, qui sont actuellement engagés dans des activités de volontariat partout en Europe. Comme le CESE l’a déjà souligné dans son avis sur les politiques de l’Union européenne et le volontariat (2), une approche davantage coordonnée de la politique du volontariat est nécessaire de la part des institutions de l’Union européenne. Le volontariat devrait être reconnu comme un thème politique transversal et être coordonné par une unité spécifique au sein de la Commission européenne, renforcée par les structures politiques nécessaires dans les autres institutions de l’Union européenne. À cette fin, l’agenda politique pour le volontariat en Europe (PAVE) offre plusieurs propositions à valeur de modèle en vue de poursuivre le développement du volontariat au niveau de l’Union européenne et des États membres, ainsi que pour les partenaires sociaux et les ONG. Le CES pourrait également renforcer les structures nationales de volontariat, favoriser la création de telles structures et lever les nombreux obstacles qui entravent encore le volontariat transfrontière.

3.3.

Le corps européen de solidarité devrait contribuer aux valeurs sociales européennes. Le CESE s’inquiète toutefois fortement de la fusion des objectifs du CES avec les politiques pour l’emploi des jeunes. Une telle approche risque de remplacer, pour les jeunes européens, le travail rémunéré par une activité non rétribuée. À cet égard, le CESE juge préoccupant que la définition du «volontariat» proposée par le document servant de base juridique au corps européen de solidarité (un service volontaire non rémunéré à temps plein et exercé en continu, 5 jours par semaine et 7 heures par jour) soit très proche de la description d’un placement dans un emploi. Or le volontariat n’est généralement pas un emploi à temps plein mais est plutôt exercé pendant le temps libre du volontaire.

3.4.

Le CESE propose que le volet «emploi et stages» soit proposé par l’intermédiaire d’autres programmes de l’Union européenne déjà existants et axés sur l’emploi et les stages, et pour lesquels il y aurait lieu de renforcer la dimension relative à la solidarité. Le fait de concentrer le CES sur le volet volontaire uniquement apporterait davantage de clarté, permettrait de mieux cibler l’action et contribuerait à éviter toute confusion avec les autres programmes de l’Union à la disposition des jeunes.

3.5.

Pour le cas où les placements professionnels et les placements en stage seraient tout de même maintenus dans le cadre du CES, le CESE souhaiterait que des normes de qualité (telles que la charte européenne pour la qualité des stages et des apprentissages et le cadre d’action pour les apprentissages, en cours de préparation et approuvé conjointement par les partenaires sociaux européens) soient respectées et que les rémunérations soient pleinement alignées sur la législation nationale en matière de salaires et/ou de conventions collectives applicables. De même, il y a lieu de réserver l’offre de placements aux organisations à but non lucratif, aux fondations et aux entreprises sociales. Il serait également nécessaire de garantir un encadrement pour les apprentis et les stagiaires, des contrats couvrant l’assurance maladie et la sécurité sociale et des objectifs clairement définis en matière d’éducation et de formation.

3.6.

La mise en œuvre du CES devrait faire l’objet d’un suivi auquel participeraient les organisations de jeunesse et les partenaires sociaux, et les unes comme les autres devraient jouer un rôle particulier pour veiller à ce que l’on distingue clairement les placements dans les activités de volontariat des éventuels placements professionnels.

3.7.

Le CESE est convaincu que le CES devrait être intégralement mis en œuvre dans le cadre d’Erasmus+, plutôt qu’en créant un tout nouveau programme qui serait administré par les structures d’Erasmus+. Ce mode de fonctionnement pourrait aussi contribuer à harmoniser complètement les conditions applicables au volet restant du SVE avec celles du CES. Cela signifierait en outre que le programme ne serait pas menacé après 2020. Cependant, en tout état de cause, des fonds et un soutien supplémentaires s’avèrent nécessaires.

3.8.

À la lumière de l’expérience qu’il a acquise par le passé, le CESE considère qu’il importe de:

veiller à ce que toutes les initiatives menées à l’appui d’activités de solidarité à but non lucratif correspondent à des besoins réels et clairement définis dans le territoire cible,

éviter les doubles emplois, les lourdeurs administratives et la création d’obstacles à des systèmes efficaces tels que le service volontaire européen (SVE),

donner la priorité aux initiatives de terrain qui correspondent aux besoins des collectivités locales, plutôt qu’aux initiatives transnationales qui exigent davantage de préparation et de formation et dont la mise en place nécessite plus de temps,

envisager, pour ces initiatives ainsi que dans d’autres activités, d’abaisser l’âge minimal des participants à 16 ans,

approuver les activités de volontariat uniquement si elles respectent les critères de qualité fixés par l’agenda politique pour le volontariat en Europe (PAVE) et la charte européenne sur les droits et les responsabilités des bénévoles,

délivrer des certificats après l’achèvement des activités menées, conformément à la recommandation du 20 décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel, afin de promouvoir l’employabilité,

déployer des mesures de soutien pour les organisations et les individus de sorte qu’ils puissent développer leurs capacités en matière d’organisation d’activités de volontariat,

garantir la flexibilité dans le cadre du CES en proposant des activités à temps partiel, afin de permettre aux volontaires handicapés ou à ceux qui ont moins de possibilités de voyager de participer à des projets locaux,

répertorier les possibles synergies entre les projets du CES et les programmes locaux ou nationaux,

associer les principales parties prenantes à la préparation, l’exécution et l’évaluation du programme,

faciliter l’accès au programme aux personnes handicapées et socialement défavorisés (y compris aux jeunes sortant d’institutions pour enfants, vivant dans des régions isolées, etc.),

veiller tout particulièrement au respect des normes de sécurité dans le cadre des programmes qui incluent un travail direct avec des enfants,

promouvoir le programme de manière large et efficace, afin qu’il puisse s’adresser aussi aux personnes qui n’y auraient autrement pas recours par elles-mêmes.

4.   Observations particulières sur le corps européen de solidarité

4.1.   Définition des actions de volontariat et de solidarité

La définition du volontariat que donne le document en l’état est restrictive et ne reflète pas la diversité du volontariat en Europe. Le volontariat y est pour le moment défini comme un «service volontaire non rémunéré à temps plein [c’est-à-dire une activité exercée en continu, 5 jours par semaine et 7 heures par jour] pour une période de douze mois au maximum». Une façon de résoudre ce problème consisterait à employer le terme «volontariat» pour décrire toutes les actions dans le cadre desquelles des jeunes agissent bénévolement (par exemple les placements dans une activité de volontariat, le volontariat de groupe ou les initiatives de volontariat sur le temps libre).

La définition des actions de solidarité est tout aussi vague et très générale, ce qui soulève des questions sur les types de projet qui seront organisés dans le cadre du CES.

4.2.   Offre de placements

La proposition actuelle ne distingue pas formellement le placement dans une activité de volontariat et le placement professionnel ou dans des stages, ce qui crée une confusion inutile entre deux réalités distinctes, à savoir le volontariat et le travail. Le fait que les mêmes critères de qualité s’appliquent à toutes les activités et à tous les participants soulève aussi des questions concernant l’assurance de la qualité des offres, puisque ce sont les mêmes critères qui seraient utilisés pour l’accréditation des entreprises à but lucratif, des organisations de la société civile et des autres organismes publics et privés. Aussi le CESE est-il convaincu qu’il y a lieu de réserver l’offre de placements aux organisations à but non lucratif, aux fondations et aux entreprises sociales.

4.3.   Incidence du CES sur Erasmus+

Si le CESE se réjouit de l’annonce de ce nouvel investissement dans la jeunesse, il s’inquiète de ce que celui-ci n’a été rendu possible, dans une large mesure, que par la réaffectation du budget dévolu au service volontaire européen (SVE) dans le cadre du programme Erasmus+ à compter de 2018. Le Comité s’interroge dès lors sur les priorités qui sont celles de la Commission alors même que les taux de réussite des utilisateurs dans d’autres volets de l’actuel chapitre «jeunesse» d’Erasmus+ chutent rapidement et que de nombreux projets de qualité restent privés de financement (ce que le CESE a également mis en lumière dans son rapport d’information sur Erasmus+ (3)). Le CESE estime que l’investissement dans le budget du CES ne doit pas se faire au détriment de programmes offrant déjà de précieuses opportunités aux jeunes, en particulier Erasmus+, dont le financement est déjà insuffisant. En outre, l’avenir du programme Erasmus+, dont un large volet est consacré à l’apprentissage tout au long de la vie qui permet de relier éducation formelle et non formelle, pourrait être mis en péril.

4.4.   Un portail d’enregistrement en ligne comme instrument interactif et de gestion réellement efficace

Le CESE considère qu’un portail d’enregistrement en ligne peut effectivement simplifier les procédures et rendre plus aisé l’accès au CES pour les jeunes. Néanmoins, un recours trop systématique au portail pour l’inscription, la sélection des participants et l’aide en amont du placement n’offre pas de garanties suffisantes sur le plan de la qualité et du caractère équitable des procédures de sélection et de suivi. La nature passive de la procédure de sélection (les participants devant attendre d’être contactés par les organisations accréditées) prive les participants de toute initiative, déséquilibre leur relation avec les organisations d’accueil et pourrait engendrer de la frustration vis-à-vis du programme du CES.

Le CESE propose dès lors de modifier significativement le portail de manière à le rendre interactif pour les deux parties, de telle sorte qu’il puisse faciliter la simplification des aspects administratifs tout au long du cycle de vie du projet, de la manifestation initiale d’intérêt, au moyen d’une recherche active d’organisations d’accueil, à la candidature, la sélection, la préparation, l’exécution et l’évaluation, et même en ce qui concerne les possibilités de mise en réseau pour les anciens participants. Il ne devrait jamais être nécessaire de saisir des données plus d’une fois.

Il y a lieu de garantir l’égalité des chances pour tous, y compris pour les personnes qui ne bénéficient pas d’un accès facile à internet. Pour ces dernières, il faut qu’il existe une aide hors ligne.

4.5.   La préparation en amont du placement, y compris le soutien aux jeunes issus de milieux défavorisés

Fournir uniquement une formation en ligne avant un placement n’est pas suffisant pour garantir une expérience réussie. Le CESE considère qu’il convient de soutenir et former davantage les jeunes — et en particulier ceux qui sont d’une manière ou d’une autre défavorisés — avant leur placement, que les organisations de jeunesse, fortes de leur expertise, sont en mesure d’intervenir en tant qu’organismes de soutien à toutes les phases du programme et qu’il conviendrait de les y encourager de manière appropriée.

4.6.   Participation des organisations de jeunesse et des partenaires sociaux à la cogestion du CES

Pour assurer la réussite du programme, les principales parties prenantes doivent être associées à sa conception dès les premières étapes. En l’état, la proposition ne prévoit pas d’associer les organisations de jeunesse ni d’autres organisations de bénévoles, pas plus que les partenaires sociaux, à la mise en œuvre, à la cogestion ou au suivi du CES. La proposition accorde la priorité aux agences nationales d’Erasmus+ pour ce qui concerne la gestion du programme, dans le cadre d’une structure très similaire à celle du programme du SVE. L’allocation budgétaire en fonction d’activités clés sera également décidée par la Commission dans ses programmes de travail annuels, conformément à leurs catalogues de critères respectifs. Le CESE reste convaincu que les organisations de jeunesse et d’autres organisations de la société civile, y compris les partenaires sociaux, devraient être régulièrement consultés lors de la programmation, de la mise en œuvre et du suivi de l’initiative, par l’intermédiaire de groupes consultatifs et d’autres moyens formels et informels. Les jeunes devraient eux aussi être associés au processus de suivi et d’évaluation, par exemple grâce à un outil leur permettant d’évaluer leur expérience, et ce à tous les niveaux (européen, national et local).

4.7.   Accessibilité, charge administrative et agences nationales

Comme le CESE l’a relevé dans son rapport d’information sur l’évaluation à mi-parcours d’Erasmus+ (4), «il reste difficile pour les organisations fondées sur le volontariat et qui ne sont pas entièrement professionnalisées de se porter candidates et de participer à Erasmus+. Si la quantité absolue de travail exigée n’est pas toujours excessive, du fait de leurs ressources humaines et financières limitées, soit ces organisations ne tentent pas leur chance, soit elles se tournent vers d’autres approches moins onéreuses.» Il est donc primordial que les agences nationales fassent évoluer leur approche dans le sens de la plus grande simplicité possible pour les utilisateurs, afin d’attirer les candidats au CES et les organisations d’accueil potentiels et de les soutenir dans leurs efforts. Des contrôles moins formels et des orientations plus informelles contribueraient grandement à assurer la réussite du programme. Il convient, en ce sens, d’apporter un soutien adéquat aux agences nationales et de les doter de moyens financiers supplémentaires consacrés au soutien personnel des utilisateurs.

4.8.   Autres points à examiner

a)

Comment garantir que les informations concernant l’initiative parviennent à toucher tous les jeunes, toutes les régions et toutes les organisations pour ce qui concerne les nouveaux participants, en particulier ceux qui se trouvent en situation de plus grande vulnérabilité? S’agira-t-il au contraire d’un «club» réservé à une poignée d’heureux élus?

b)

Comment garantir que les jeunes moins favorisés soient réellement en mesure d’accéder au programme? Il est crucial de prévoir un soutien financier pour les activités de sensibilisation à l’intention des organisations qui participent au programme. Les organismes de soutien joueraient un rôle essentiel pour assurer la poursuite des activités de sensibilisation et soutenir l’engagement ultérieur. Le programme devrait renforcer l’engagement des jeunes au service de la société au-delà du cadre prévu pour l’activité du CES.

c)

S’il convient d’assurer la qualité du programme pour les participants, comment la qualité de la solidarité sera-t-elle évaluée (résultats de chacun des projets)?

d)

Faut-il intégrer le CES à d’autres programmes européens? Une dimension propre au volontariat local pourrait aussi être incluse dans les programmes de mobilité des étudiants d’Erasmus+ et être reliée au CES.

e)

Quels critères objectifs la Commission utilisera-t-elle pour procéder à l’adaptation annuelle du budget disponible pour chaque action spécifique? Des adaptations en fonction du niveau de la demande pour chaque activité contribueraient, d’une part, à éviter de mettre certaines activités sous pression et, d’autre part, à prévenir le désengagement des jeunes et des organisations participantes.

f)

Comment garantir que les demandes de financement soient suffisamment flexibles pour les organisations de volontariat et les groupes de jeunesse? Une procédure simplifiée serait utile pour garantir que des microbourses (inférieures à 5 000 EUR) puissent être sollicitées à tout moment, sans délais fixes et au moyen d’un formulaire de demande simplifié.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  https://europa.eu/youth/solidarity/charter_fr.

(2)  Avis du CESE sur la «Communication sur les politiques de l’Union européenne et le volontariat: reconnaître et valoriser les activités de volontariat transfrontalières dans l’Union européenne», JO C 181 du 21.6.2012, p. 150.

(3)  SOC/552: Évaluation à mi-parcours d’Erasmus+, rapport adopté le 31 mai 2017.

(4)  SOC/552: Évaluation à mi-parcours d’Erasmus+: dernier paragraphe de la section intitulée «La charge administrative que représente la gestion des projets Erasmus+ dans votre secteur d’activité a-t-elle été réduite?», annexe technique.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/167


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une nouvelle stratégie de l’Union européenne en faveur de l’enseignement supérieur»

[COM(2017) 247 final]

et sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Le développement des écoles et un enseignement d’excellence pour bien débuter dans la vie»

[COM(2017) 248 final]

(2018/C 081/22)

Rapporteur:

Pavel TRANTINA (CZ/III)

Corapporteur:

Antonello PEZZINI (IT/I)

Consultation

Commission européenne, 5 juillet 2017

Base juridique

Article 165, paragraphe 4, et article 166, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27 septembre 2017

Adoption en session plénière

19 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

148/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Si le CESE se félicite des initiatives et souscrit à leurs principes, il souhaite toutefois profiter de l’occasion offerte pour exprimer son point de vue sur l’importance de prévoir les moyens nécessaires pour soutenir l’amélioration des systèmes éducatifs en Europe afin de parvenir à une éducation de qualité élevée pour tous de même que sur l’importance d’améliorer la capacité de l’éducation à répondre aux défis sociétaux et à préparer efficacement les étudiants afin qu’ils puissent bénéficier d’une qualité de vie et d’emplois de qualité. En mobilisant ses propres valeurs, l’Europe peut et doit jouer un rôle innovant de premier plan dans la construction d’une économie durable et inclusive. Une telle économie doit être capable de renforcer la compétitivité et de préserver l’avenir du modèle social qui lui est propre. La coopération en matière d’éducation donne à la notion même d’UE une signification réelle et promeut l’image de la «communauté», à savoir l’Union européenne, comme quelque chose de constructif.

1.2.

Compte tenu du climat politique actuel en Europe, le CESE invite la Commission et les États membres à inclure la nécessité de valoriser la diversité culturelle et la tolérance dans les politiques en matière d’éducation, en considérant celles-ci comme un autre domaine où la citoyenneté active peut être promue dans le cadre des objectifs de l’Union européenne visant à promouvoir les valeurs fondamentales européennes. Nous sommes tous responsables de l’éducation des personnes et de leur réelle prise de conscience de l’histoire et des valeurs européennes communes ainsi que de l’importance de la tolérance et des droits de l’Homme.

1.3.

Le CESE estime que, pour être en mesure de réagir aux défis croissants que nous connaissons aujourd’hui, il faut une initiative plus ambitieuse, qui permettrait d’aboutir à une stratégie éducative plus globale de nature à changer le paradigme actuel afin d’aider nos enfants et nos jeunes, et d’apporter des solutions rapides aux défis posés.

1.4.

Il est essentiel d’améliorer le statut des enseignants et des chefs d’établissement et de les soutenir pour l’amélioration de l’éducation. Une formation complémentaire doit être offerte, non seulement aux enseignants et aux chefs d’établissement, mais aussi aux éducateurs d’enfants et de jeunes en dehors du milieu scolaire: leurs parents, la communauté et les prestataires d’éducation non formelle, par exemple. Il est important de construire des alliances avec ces groupes.

1.5.

Il y a lieu d’adresser aux États membres des suggestions plus spécifiques en ce qui concerne l’éducation et le soutien aux enseignants, y compris concernant l’amélioration de l’environnement scolaire en tant que composante de leurs conditions de travail et des conditions d’apprentissage des apprenants. Quelques recommandations pourraient être énoncées dans le cadre du semestre européen et des recommandations par pays.

1.6.

Dans la perspective du prochain sommet de haut niveau sur l’éducation qui sera organisé par la Commission au début de l’année 2018, le CESE encourage vivement les États membres à aller résolument de l’avant en mettant en place, y compris en recourant à des dialogues social et civil efficaces, les systèmes d’éducation, de formation et d’apprentissage tout au long de la vie qui offriront aux apprenants des perspectives d’avenir prometteuses en Europe.

1.7.

Le CESE voit dans les deux éléments suivants la pierre angulaire de l’amélioration et de la modernisation des systèmes éducatifs: la disponibilité de moyens de financement suffisants et équitablement répartis, et une gouvernance coordonnée dans le cadre d’un dialogue social effectif et de qualité. Ce point devrait faire l’objet d’une reconnaissance accrue dans les débats à venir. Les ressources dans le domaine de l’éducation ne devraient pas se concentrer uniquement sur les résultats, mais aussi sur l’inclusivité, au bénéfice des apprenants issus de milieux défavorisés et des réfugiés.

1.8.

L’Union européenne doit investir davantage dans l’éducation et la formation ainsi que dans la recherche et l’innovation en augmentant les fonds alloués aux programmes Erasmus+ et Horizon 2020 et à leurs successeurs prévus. Cela peut accroître le nombre d’emplois à l’avenir et ouvrir de nouvelles possibilités.

1.9.

En outre, le CESE souhaite attirer l’attention sur l’importance d’associer de manière effective les partenaires sociaux et d’autres organisations de la société civile à ce processus.

1.10.

Bien que la communication porte sur les écoles et l’enseignement supérieur, la coopération et les liens entre l’apprentissage formel, non formel et informel et la validation des acquis y relatifs doivent aussi être pris en considération.

1.11.

Le CESE souligne l’importance d’adopter une approche globale à l’égard de l’esprit d’entreprise. Il faut définir les acquis en matière d’apprentissage entrepreneurial pour tous les éducateurs, afin de mettre en place des méthodes efficaces d’apprentissage entrepreneurial dans les salles de classe. Le développement de projets sociaux à l’intérieur ou à l’extérieur des écoles offre une occasion privilégiée d’acquérir ces compétences et l’état d’esprit nécessaire, et contribue à tisser des liens plus solides avec d’autres environnements d’apprentissage.

1.12.

Le CESE estime que la finalité plus générale de l’éducation est de trouver un juste équilibre et une étroite synergie entre les matières STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), d’une part, et les sciences sociales et humaines, d’autre part. Le Comité préconise donc une approche plus interdisciplinaire de l’éducation et de l’apprentissage tout au long de la vie, axée sur des partenariats et des filières flexibles dépassant un seul niveau d’éducation et un domaine d’étude particulier.

2.   Synthèse des initiatives de la Commission

2.1.

À la suite de sa communication intitulée «Améliorer et moderniser l’enseignement» (7 décembre 2016), la Commission européenne a lancé le 30 mai 2017 une nouvelle initiative pour la jeunesse concernant les écoles et l’enseignement supérieur: la «stratégie en faveur d’un enseignement de grande qualité, inclusif et tourné vers l’avenir». Le train de mesures comprend deux agendas renouvelés de l’Union européenne visant à moderniser l’enseignement, l’un portant sur les écoles et l’autre sur l’enseignement supérieur.

2.2.

En ce qui concerne les établissements scolaires, les données provenant des États membres ont mis en évidence trois domaines dans lesquels une action est nécessaire et où le soutien de l’Union européenne peut contribuer à relever d’importants défis:

l’amélioration de la qualité des écoles et l’inclusion au sein de celles-ci,

le soutien à l’excellence des enseignants et des chefs d’établissement et

l’amélioration de la gouvernance des systèmes d’enseignement scolaire.

2.3.

La Commission propose de compléter les mesures prises par les États membres dans ces trois domaines en soutenant l’apprentissage mutuel, en renforçant les éléments probants s’agissant de ce qui fonctionne en matière d’éducation, et en proposant aux États membres qui le souhaitent une assistance dans le cadre de la mise en œuvre des réformes nationales. De telles mesures de soutien pourraient par exemple consister à dynamiser le développement des compétences et l’apprentissage interculturel grâce à des partenariats entre écoles ou des projets de mobilité et de jumelages virtuels au titre d’Erasmus+, à renforcer l’apprentissage par les pairs dans le cadre de la carrière et du développement professionnel des enseignants et des chefs d’établissement, et à mettre en place un nouveau dispositif de soutien afin d’aider les États membres à trouver l’assistance nécessaire pour élaborer et appliquer les réformes dans le domaine de l’éducation.

2.4.

La nouvelle stratégie en matière d’enseignement supérieur s’appuie sur le programme de modernisation de 2011. Dans sa communication, la Commission présente ses projets pour quatre domaines clés:

veiller à ce que les diplômés de l’enseignement supérieur sortent dotés des compétences qui répondent à la fois à leurs besoins et à ceux d’une économie moderne,

bâtir des systèmes d’enseignement supérieur inclusifs,

veiller à ce que les établissements d’enseignement supérieur contribuent à l’innovation dans le reste de l’économie et

soutenir les efforts des établissements d’enseignement supérieur et des gouvernements en vue de faire le meilleur usage des ressources humaines et financières disponibles.

2.5.

Enfin, dans le but de s’assurer que l’enseignement supérieur soit en mesure de contribuer à stimuler la croissance et la création d’emplois, les universités doivent adapter leurs programmes aux besoins actuels et anticipés de l’économie et de la société, et les futurs étudiants doivent pouvoir disposer d’informations actualisées et fiables qui leur permettront de décider quels cours choisir. Pour cette raison, la Commission a également présenté, parallèlement, dans le cadre de la nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe, une proposition de recommandation du Conseil relative au suivi des diplômés, qui couvrira également, en plus des diplômés de l’enseignement supérieur, ceux de l’enseignement professionnel et des programmes de formation. Cela devrait encourager et aider les autorités des États membres à améliorer la qualité et la disponibilité des informations sur la façon dont la carrière de ces diplômés évolue ou dont ces derniers poursuivent leurs études par la suite.

3.   Observations générales sur la nouvelle stratégie de l’Union européenne en matière d’éducation

3.1.

Le CESE se félicite des initiatives et tient à exprimer son point de vue sur l’importance de prévoir les moyens nécessaires pour soutenir l’amélioration des systèmes éducatifs en Europe en vue de parvenir à un enseignement de qualité pour tous, de même que sur l’importance d’améliorer la capacité du système éducatif à répondre aux défis sociétaux et à préparer les étudiants efficacement pour qu’ils puissent bénéficier d’une qualité de vie et d’emplois de qualité. Il approuve la priorité accordée à l’éducation de la petite enfance, à l’investissement dans la formation des enseignants, à la promotion de la coopération entre les différents acteurs concernés, à l’amélioration de la gouvernance des écoles, aux synergies avec le monde de la recherche et, d’une manière générale, à l’inclusion sociale.

3.2.

Alors que le rôle fondamental de l’éducation en tant que vecteur essentiel de la réduction des inégalités socio-économiques et de la promotion de l’inclusion sociale a déjà été largement souligné (1), la récente recommandation de la Commission sur le socle européen des droits sociaux et la déclaration de Paris de 2015 (2) rappellent que les inégalités continuent d’augmenter dans la plupart des pays de l’Union européenne. Les changements mondiaux affectant le travail, la demande de compétences et les sociétés n’ont jamais été aussi rapides et l’Union européenne doit dès lors encourager les États membres à adapter leurs systèmes éducatifs à cette nouvelle réalité. L’évaluation en continu du degré d’adéquation des compétences et de la situation du marché du travail devrait aider à cet égard. Bâtir une société caractérisée par une réelle égalité des chances passe également par des programmes d’études et des pratiques pédagogiques plus souples, plus innovants et plus complets, en prenant en compte les nombreux exemples de bonnes pratiques mis en évidence au cours des dernières années.

3.3.

Cela étant, le CESE tient à noter que l’éducation est un bien commun et doit rester un instrument clé dans la promotion de l’intérêt public, en ciblant les investissements de manière à réduire le coût public et privé du manque d’éducation dans de nombreux domaines tels que la prévention de la violence, l’amélioration de la santé par le sport et la promotion du bien-être, la sensibilisation au changement climatique et les efforts en faveur de la paix sociale dans des sociétés de plus en plus diversifiées. À cet égard, les réformes dans le domaine de l’éducation ne devraient pas avoir pour seul but la transmission des compétences de demain, ces compétences et connaissances que les jeunes ont besoin d’acquérir pour accéder au marché du travail, mais viser aussi le renforcement des capacités des apprenants à répondre aux enjeux sociétaux urgents qui affectent la vie quotidienne des citoyens européens.

3.4.

Le passage d’un niveau d’enseignement à un autre et la coopération entre les différents prestataires d’enseignement tant formel que non formel requièrent une attention particulière dans le cadre de la stratégie envisagée par la Commission. Si le CESE se félicite de l’accent mis sur la mise en place de systèmes d’enseignement supérieur inclusifs et connectés et les efforts visant à encourager les écoles à améliorer les liens et la coopération avec l’enseignement supérieur dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM), il estime toutefois que la finalité plus générale de l’éducation est de trouver un juste équilibre et une étroite synergie entre les matières STEM, d’une part, et les sciences sociales et humaines, d’autre part. Le Comité préconise donc une approche plus interdisciplinaire de l’éducation et de l’apprentissage tout au long de la vie, axée sur des partenariats et des filières flexibles dépassant un seul niveau d’éducation et un domaine d’étude particulier. Une telle approche contribuerait également à lutter contre différentes inégalités, par exemple entre les hommes et les femmes dans les filières STEM et les sciences en général, car elle permettrait d’éliminer les stéréotypes sur ce qui est plus approprié et/ou communément fondés sur le genre, la race ou d’autres traits personnels.

3.5.

Le Comité demande une nouvelle fois (3) à la Commission de jouer un rôle proactif dans la mise en place de solutions plus innovantes dans les domaines de l’éducation et du développement des compétences, ainsi que dans le suivi et la promotion des pratiques et des approches innovantes déjà mises en place dans les États membres. Le CESE est fermement convaincu que le moment est venu d’opérer un véritable changement de paradigme dans les objectifs et le fonctionnement de l’éducation et de la formation, ainsi que dans la vision de leur place et de leur rôle dans la société, et qu’il y a désormais lieu de reconnaître le fait que l’enseignement est en soi un facteur de productivité. Une démarche proactive de l’Union européenne est à cet égard un élément clé dans la configuration d’un meilleur enseignement pour demain.

3.6.

Comme le CESE l’a déjà indiqué dans un de ses précédents avis, «la mobilisation de tous les acteurs et le soutien à la création de “partenariats d’apprentissage” au sein de la société, associant les écoles, les entreprises, les municipalités, les partenaires sociaux, les organisations de la société civile, les ONG liées à la jeunesse, les animateurs de jeunesse ou d’autres animateurs sociaux communautaires, les parents et les élèves à la conception et la mise en œuvre des “programmes” sont essentiels pour […] un changement de paradigme éducationnel» (4).

3.7.

Dès leurs premières années de scolarisation, les jeunes doivent être aidés dans le développement d’un éventail de compétences qui ont trait non seulement à leurs connaissances mais aussi à leurs aptitudes ainsi qu’à leur capacité d’innovation et à leur créativité de même qu’à leur esprit critique et à leur connaissance de l’histoire européenne commune. Ces profils de compétence devraient également faire une plus large place à leurs différentes compétences numériques, à leurs expériences des relations interpersonnelles et à leur sens du travail en équipe, ainsi qu’à leur capacité à appréhender les différentes cultures. Cet objectif devrait être atteint avec le soutien des éducateurs et des animateurs de jeunesse.

3.8.

L’intitulé original des initiatives («Initiative pour la jeunesse») envoyait un mauvais signal dans la mesure où il semblait ne cibler que les jeunes tandis que les systèmes d’enseignement formel accueillent de plus en plus d’apprenants adultes. Il est regrettable que les «adultes» soient à peine mentionnés dans la communication sur l’enseignement supérieur sachant que cet enseignement peut jouer un rôle essentiel dans l’apprentissage tout au long de la vie, tous âges confondus, ainsi que dans la mise à jour des aptitudes, des compétences et des connaissances des travailleurs et des chômeurs.

3.9.

La clé de l’amélioration et de la modernisation des systèmes éducatifs est de garantir des moyens de financement suffisants, équitablement répartis et une gouvernance coordonnée dans le cadre d’un dialogue social de qualité et effectif. La Commission ne reconnaît pas suffisamment cela dans ses documents de travail et ne met pas assez l’accent sur le fait que les ressources dans le domaine de l’éducation ne devraient pas se concentrer uniquement sur les résultats, mais aussi sur l’inclusion des apprenants issus de milieux défavorisés et sur l’intégration des réfugiés. En outre, elle reconnaît à peine l’importance de consulter et d’associer à ce processus les différentes parties prenantes, notamment les organisations de la société civile.

4.   Observations particulières sur la nouvelle stratégie de l’Union européenne en matière d’éducation

En réponse aux deux initiatives de la Commission européenne et, plus généralement, aux politiques de l’Union européenne et des États membres, le CESE mettra l’accent ci-après sur trois priorités transversales pour les écoles et l’enseignement supérieur.

4.1.

Si des compétences techniques de base sont nécessaires, il en va de même des aptitudes, compétences et connaissances non techniques et transversales.

4.1.1.

Le CESE souligne qu’il importe que la Commission veille à ce que les États membres adoptent une définition globale des besoins des apprenants, à savoir une définition qui comprenne les compétences techniques et non techniques, ainsi que les compétences et les connaissances interdisciplinaires. Ces trois aspects ne devraient pas seulement couvrir les capacités nécessaires à l’emploi, mais également viser l’objectif plus large du développement personnel de chaque individu tout au long de sa vie. Les améliorations en matière d’éducation, en particulier celles qui portent sur les systèmes d’enseignement supérieur, doivent dès lors également se concentrer sur la manière de mieux promouvoir la citoyenneté active, l’autonomisation des jeunes, l’apprentissage tout au long de la vie et les connaissances sur le fonctionnement de l’Union européenne et les avantages qu’elle apporte. Il est utile de ne pas perdre de vue que l’éducation ne peut résoudre seule les disparités socio-économiques mais que les synergies avec des politiques sociales et de l’emploi complémentaires sont une condition préalable à une solution plus durable.

4.1.2.

Il y a lieu d’accorder une attention particulière au développement des compétences dites «non techniques», étant donné l’importance croissante que leur accordent les employeurs et l’utilité qu’elles ont aussi en dehors du cadre strictement professionnel. Le Comité encourage par conséquent les mesures du type de celles spécifiées dans la communication de la Commission: projets visant à évaluer la créativité, la capacité à résoudre les problèmes et à travailler en équipe (5) et la réflexion critique. Les décideurs politiques doivent bénéficier d’une formation et d’un soutien adéquats afin de comprendre la dimension globale de ces compétences.

4.1.3.

Bien que le CESE se félicite du soutien dont bénéficie la coopération entre les universités et le monde du travail, il estime qu’il convient de ne pas limiter ce dernier aux seules entreprises. La mise en place de partenariats entre les entreprises et les établissements d’enseignement ne devrait pas être justifiée uniquement par le critère de l’«employabilité directe» des jeunes. Les entreprises doivent être en mesure d’exploiter pleinement le potentiel humain, en mobilisant les compétences appropriées et en rendant accessibles à tous les groupes d’âge les nouvelles possibilités offertes par la révolution numérique. De plus, les entreprises devraient favoriser la poursuite de la formation des jeunes une fois qu’ils sont entrés dans le monde du travail: l’éducation est en effet un processus continu et ne peut répondre à tous les besoins si elle est limitée à un nombre restreint d’années d’enseignement formel.

4.1.4.

Cependant, comme l’a déjà fait observer le CESE, il y a lieu de «favoriser l’intégration par les écoles de systèmes d’éducation et de formation en alternance combinant l’enseignement en classe et l’expérience sur le lieu de travail, en sensibilisant les autorités éducatives et les entreprises à l’importance de ces initiatives» (6). La possibilité pour les élèves d’acquérir une expérience professionnelle et le renforcement des liens entre les écoles, les entreprises, les universités et les centres de recherche jouent un rôle de première importance dans la création d’un emploi des jeunes qualifié et durable.

4.1.5.

Malgré les besoins en compétences dites «techniques», l’économie ne saurait dicter l’orientation de l’enseignement (supérieur). En d’autres termes, les initiatives relatives à un suivi des diplômés au niveau systémique doivent garantir que les programmes d’étude et d’enseignement supérieur ne sont pas basés sur des performances éducatives instrumentalisées, en se référant aux salaires ou aux niveaux d’emploi des diplômés. Certains États membres disposent déjà de leur propre système de suivi, de sorte que le nouveau système qui pourrait être mis en place à l’échelle de l’Union européenne devrait les unir et il convient, dans tous les cas, d’éviter de l’utiliser comme prétexte pour justifier les mesures d’austérité dans les programmes d’études en sciences sociales et humaines.

4.2.

Soutenir les enseignants pour un enseignement et un apprentissage tout au long de la vie de haute qualité

4.2.1.

À «l’ère numérique de l’éducation», le recours à la technologie dans l’enseignement doit servir le processus d’apprentissage: par exemple, même si apprendre à encoder n’est pas une fin en soi, les apprenants doivent comprendre la logique de l’encodage et acquérir le bagage nécessaire pour pouvoir utiliser les moyens technologiques en constante évolution dans leur environnement d’apprentissage et dans leur vie.

4.2.2.

Bien que les TIC offrent des possibilités dans de nombreux domaines, elles ouvrent la porte à de réels dangers, tels que la cybercriminalité, des contenus dangereux et nocifs et la commercialisation croissante des services, de même que le risque d’une surveillance technologique et d’une utilisation abusive des données à caractère personnel. Il y a lieu dès lors de renforcer «l’alphabétisation numérique» afin de fournir à tout un chacun les outils adaptés pour intégrer le monde du travail du futur. Les TIC se sont implantées à tous les niveaux des secteurs de l’industrie et des services, et doivent par conséquent faire partie intégrante de l’apprentissage tout au long de la vie.

4.2.3.

L’amélioration de l’éducation numérique devrait également aider les jeunes à opérer une distinction plus claire entre les informations et les connaissances, à développer un esprit critique et à bénéficier d’une éducation adéquate aux médias, ainsi qu’à être en mesure, par exemple, de reconnaître les fausses informations ou de protéger leur vie privée en ligne.

4.2.4.

Bien que la communication porte principalement sur les écoles et l’enseignement supérieur, la coopération et les liens entre les apprentissages formel, non formel et informel et la validation de leurs résultats n’ont pas été suffisamment abordés, comme cela a été souligné dans les conclusions du Conseil de 2012 (7) sur des partenariats et parcours flexibles pour le développement des compétences tout au long de la vie («Partnership and flexible pathways for lifelong skills development»). Même aujourd’hui, la moitié seulement des États membres de l’Union européenne a mis en place une stratégie globale d’apprentissage tout au long de la vie (8). À cet égard, les technologies peuvent également être utiles en ce qui concerne la diversification des approches d’éducation.

4.2.5.

La Commission met depuis des années l’accent sur le développement de réseaux européens et la promotion de la coopération à des fins d’échange de bonnes pratiques et d’apprentissage par les pairs. Il serait néanmoins également intéressant d’évaluer la mesure dans laquelle les éducateurs adhèrent effectivement à ces outils et à ces mécanismes. Il est très vraisemblable que de nombreux enseignants et éducateurs continuent d’ignorer l’existence de tout le soutien et de toutes les ressources financières et en matière de formation à leur disposition au niveau de l’Union européenne. Le renforcement des capacités et l’amélioration des conditions de travail, salaires des enseignants compris, devraient être une priorité pour les États membres.

4.2.6.

Conformément aux recommandations de la Commission, les États membres doivent faciliter l’apprentissage tout au long de la vie pour les enseignants et les éducateurs, et aussi accroître leur mobilité grâce, par exemple, aux programmes Erasmus +. Il y a lieu d’accorder une attention particulière à l’amélioration des aspects participatifs de l’enseignement, car ils se sont révélés être une très bonne pratique pédagogique permettant aux apprenants d’acquérir des connaissances et de développer certaines compétences transversales, telles que celles relatives à la communication. Cela constituerait une évolution remarquable où l’on passerait d’un enseignement centré sur l’enseignant à un enseignement axé sur l’apprenant, dans le cadre duquel le premier serait davantage un facilitateur de l’apprentissage du second.

4.3.

L’apprentissage de l’esprit d’entreprise par le biais de projets sociaux

4.3.1.

L’éducation doit renforcer les compétences, aptitudes et attitudes clés qui sont nécessaires pour s’épanouir dans la vie après l’achèvement de l’enseignement formel, comme par exemple la capacité de travailler en équipe et de gérer des projets. Ce nouvel ensemble de compétences contribuerait non seulement à accroître l’employabilité mais permettrait également d’améliorer la capacité des futurs adultes à créer leur propre emploi de manière individuelle ou collective. L’apprentissage actif et l’apprentissage par expérience sont des approches alternatives susceptibles d’accroître la capacité de mémoriser les connaissances et sont plus utiles pour développer des compétences pratiques, par opposition à une expertise dans un domaine particulier.

4.3.2.

Le CESE souligne l’importance d’adopter une approche globale de l’esprit d’entreprise en mettant à profit le nouveau cadre EntreComp (9). Le développement de projets sociaux à l’intérieur ou à l’extérieur des écoles offre une occasion privilégiée d’acquérir ces compétences et l’état d’esprit nécessaire, et contribue à tisser des liens plus étroits avec d’autres environnements d’apprentissage. À cet égard, le soutien de l’initiative relative au corps européen de solidarité pour les jeunes dans les écoles et dans l’enseignement supérieur doit être une priorité pour les États membres. En outre, on constate un intérêt croissant pour l’entrepreneuriat social, qui constitue l’un des moyens de répondre aux aspirations des jeunes pour des emplois davantage porteurs de sens.

4.3.3.

L’entrepreneuriat est un puissant moteur de croissance économique et de création d’emplois. Une attention particulière devrait dès lors être accordée au développement de compétences entrepreneuriales. Comme le CESE l’a déjà fait observer, l’éducation à l’esprit d’entreprise dans toute l’Europe, dans les programmes scolaires comme dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie, exige toujours un réel engagement de la part des décideurs. L’ambition, la créativité et l’esprit d’entreprise doivent être appréciés comme des qualités à part entière et être promus, et ne devraient pas être confondus avec l’activité commerciale ou la création de profit. C’est l’apprentissage — à travers des structures formelles ou informelles — qui permet de développer la créativité. Afin de garantir que le bon message parvienne bien à ses destinataires, il convient d’associer pleinement les éducateurs à cette approche. Il se peut que les enseignants voient d’un mauvais œil une définition restrictive de l’entrepreneuriat, au sens de démarrage d’une activité entrepreneuriale, mais soient plus favorables à un concept général compris comme une compétence essentielle dans la vie. L’on peut envisager la possibilité d’utiliser un «escalier de l’entrepreneuriat» (entrepreneurial staircase) pour développer des activités et un enseignement destinés à faire entrer l’«esprit d’entreprise» dans les classes (10).

4.3.4.

Qu’ils poursuivent ou non par la suite sur la voie de la création d’entreprises, y compris sociales, les jeunes bénéficiant d’un apprentissage entrepreneurial acquièrent des connaissances, des compétences et des attitudes essentielles, parmi lesquelles la créativité, l’esprit d’initiative, la ténacité, le sens du travail en équipe, une compréhension des risques et le sens des responsabilités. Tout cela participe d’un esprit d’entreprise qui aide les entrepreneurs à traduire leurs idées en action et permet d’accroître considérablement l’employabilité. Il est nécessaire de définir les acquis en matière d’apprentissage entrepreneurial pour tous les éducateurs si l’on veut mettre en place des méthodes efficaces en la matière dans les salles de classe. Les États membres devraient par conséquent favoriser le développement des compétences entrepreneuriales grâce à de nouvelles méthodes créatives d’enseignement et d’apprentissage, à partir de l’école primaire et en mettant l’accent, du niveau secondaire jusque dans l’enseignement supérieur, sur la possibilité de créer une entreprise comme option de carrière. L’expérience sur le terrain, grâce à l’apprentissage fondé sur la résolution de problèmes et à des liens avec les entreprises, devrait être intégrée à toutes les disciplines et adaptée à tous les niveaux d’éducation.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  L’éducation occupe une place centrale dans plusieurs déclarations récentes de l’Union européenne: Le socle européen des droits sociaux (avril 2017); Une nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe (juin 2016); Document de réflexion sur la dimension sociale de l’Europe (avril 2017); Déclaration de Rome (mars 2017).

(2)  Une réunion informelle des ministres de l’éducation à Paris en mars 2015 a adopté la Déclaration sur la promotion de l'éducation à la citoyenneté et aux valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination.

(3)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45.

(4)  JO C 214 du 8.7.2014, p. 31

(5)  L’amélioration de la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans les établissements d’enseignement supérieur en Europe, Rapport du groupe d’experts de haut niveau sur la modernisation de l’enseignement supérieur, Commission européenne, juin 2013.

(6)  JO C 327 du 12.11.2013, p. 58.

(7)  Document de travail de la Commission intitulé «Partnership and flexible pathways for lifelong learning skills development» (partenariats et parcours flexibles pour le développement des compétences tout au long de la vie), accompagnant la communication de la Commission sur le thème «Repenser l’éducation — Investir dans les compétences pour de meilleurs résultats socio-économiques», novembre 2012.

(8)  Document de travail des services de la Commission accompagnant le […] Projet de rapport conjoint 2015 du Conseil et de la Commission sur la mise en œuvre du cadre stratégique pour la coopération européenne dans le domaine de l’éducation et de la formation (EF 2020), Nouvelles priorités pour la coopération européenne en matière d’éducation et de formation, août 2015.

(9)  Cadre de compétences de l’entrepreneuriat européen

https://ec.europa.eu/jrc/en/publication/eur-scientific-and-technical-research-reports/entrecomp-entrepreneurship-competence-framework

(10)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 45


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/174


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1380/2013 relatif à la politique commune de la pêche»

[COM(2017) 0424 final — 2017/0190(COD)]

(2018/C 081/23)

Rapporteur:

Gabriel SARRÓ IPARRAGUIRRE

Consultation

Conseil, 14 septembre 2017

Parlement européen, 11 septembre 2017

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision du Bureau

19 septembre 2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

3 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

179/2/2

1.   Position du CESE

1.1.

En cohérence avec son avis précédent sur l’obligation de débarquement (1), dans lequel il réclamait les mesures de flexibilité nécessaires pour faciliter l’introduction progressive de l’obligation de débarquement, le CESE exprime son soutien à la proposition de prolonger l’habilitation donnée à la Commission européenne d’adopter des plans de rejets par voie d’actes délégués pour une période supplémentaire de trois ans.

1.2.

Il est à craindre, toutefois, que les trois ans proposés ne suffisent pas pour adopter la totalité des plans pluriannuels régionaux et que, à la fin de 2020, nous nous retrouvions dans une situation analogue à la présente. Le CESE aurait souhaité une plus longue prolongation.

2.   Observations

2.1.

La mise en œuvre progressive de l’obligation de débarquement (les premiers règlements délégués de la Commission établissant des plans de rejets sont entrés en vigueur le 1er janvier 2015) a mis en évidence plusieurs problèmes.

2.1.1.

Le problème le plus sérieux a été incontestablement, et il ne fera que s’amplifier, celui des espèces dites à quotas limitants («choke species»), c’est-à-dire les espèces pour lesquelles l’opérateur ne dispose pas de quota, ou seulement d’un quota limité, mais qui n’en entrent pas moins dans les filets et autres engins de pêche. Les mécanismes de flexibilité prévus dans le règlement sont tout à fait insuffisants pour faire face à cette réalité. Lorsqu’entrera pleinement en vigueur l’obligation de débarquement en 2019, nombreux seront les navires de pêche qui, même s’ils n’ont pas épuisé le quota relatif à leurs espèces cibles, devront rester à quai au port sans pouvoir effectuer de sortie de pêche du fait de l’épuisement de leur quota limité d’espèces accessoires.

2.1.2.

Une autre question sans réponse est celle de l’adéquation des ports de pêche et des criées à la vente d’espèces traditionnellement rejetées et qui doivent à présent être débarquées. De même, la limitation de la vente de poissons de petite taille pour la consommation non humaine cause des problèmes supplémentaires, étant donné que dans de nombreux ports de l’Union européenne, il n’existe pas d’infrastructures ni d’entreprises qui se consacrent à l’écoulement de ce type de matière première.

2.1.3.

Enfin, l’on assiste à une augmentation des besoins en espace de stockage à bord et, surtout, de la charge de travail du personnel, contraint de trier davantage d’espèces et de tailles, avec pour conséquence une augmentation du stress et des risques.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 311 du 12.9.2014, p. 68.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/176


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Cadre d’interopérabilité européen — Stratégie de mise en œuvre»

[COM(2017) 134 final]

(2018/C 081/24)

Rapporteur:

Brian CURTIS

Consultation

Commission européenne, 31 mai 2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

2 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

180/2/0

1.   Conclusions et recommandations

Conclusions

1.1.

L’économie numérique, en particulier son cadre associé aux services publics et les soutenant, est vitale pour assurer le fonctionnement harmonieux et efficace de la société civile dans l’Union européenne. Le Comité salue les progrès continus et le soutien apporté par la Commission européenne dans la poursuite du développement du cadre d’interopérabilité européen (EIF).

1.2.

La communication mentionne les nouveaux progrès accomplis concernant le rôle de conseil et de cohésion que joue la DG DIGIT en encourageant les États membres et leurs administrations publiques à tous les niveaux à œuvrer au profit d’une interconnexion fluide.

1.3.

Le Comité constate toutefois que la capacité d’interopérabilité varie considérablement entre les États membres et au sein-même de ceux-ci. Le consensus actuel prévoit que la réglementation ou les procédures de gouvernance obligatoires ne soient toujours pas possibles, ce qui fait peser plus encore sur les États membres la responsabilité de s’engager volontairement et par tous les moyens en faveur de l’esprit et de la substance de l’EIF et de ses programmes de mise en œuvre. La sécurité et le respect de la vie privée restent l’un des douze principes de l’EIF, et le CESE prend note avec satisfaction que ces principes sont développés en détail et font l’objet de deux recommandations claires dans le plan de mise en œuvre de l’interopérabilité. De par sa nature, l’EIF offre un vaste cadre au sein duquel les États membres peuvent exercer leurs droits de subsidiarité, mais il ne fait aucun doute qu’il existe un réel malaise public autour de la propriété des données personnelles, de leur utilisation et de leur sécurité et qu’il fait l’objet de préoccupations communes dans toute l’Europe. Ces questions sont liées aux droits fondamentaux consacrés dans les traités de l’Union européenne.

Recommandations

1.4.

Le CESE apprécierait l’engagement total des États membres et des institutions de l’Union européenne en faveur de la mise en œuvre de l’EIF.

1.5.

Bien que la cybersécurité ne relève pas des compétences de cette communication, il est clair que des garanties doivent être fournies dans d’autres instruments législatifs de l’Union européenne, de manière à assurer qu’une plus grande interopérabilité et un accès public ne signifient pas une plus grande vulnérabilité par pénétration, en raison de la menace croissante de cyberattaque.

1.6.

Une autre préoccupation partagée est de savoir comment soutenir ceux qui ne sont pas en mesure, pour différentes raisons, de participer à l’expansion rapide et omniprésente des services numériques. Le CESE invite instamment les États membres à adopter les recommandations de l’EIF liées à l’approche centrée sur l’utilisateur, en particulier celle concernant la prestation multi-canaux (physiques et numériques) des services publics numériques.

1.7.

Le CESE s’inquiète quelque peu que les points d’action ne définissent pas d’objectifs et semblent correspondre à une responsabilité partagée entre les États membres et la Commission. Une déclaration de responsabilités plus clairement établies et une indication des priorités faciliterait la répartition des ressources.

1.8.

Il convient de clarifier la manière dont il est possible de satisfaire à l’exigence de mettre l’accent sur les besoins des entreprises et des citoyens (services centrés sur l’utilisateur).

1.9.

Le Comité recommande que la priorité soit accordée aux manifestations organisées pour les citoyens et les entreprises, ainsi qu’aux procédures connexes, telles que mentionnées à l’annexe II de la proposition COM(2017) 256 adoptée par la Commission, dès lors qu’il s’agit de mesurer le niveau d’exécution de l’EIF.

1.10.

Le Comité observe que le travail actif de l’Observatoire des cadres nationaux d’interopérabilité (National Interoperability Framework Observatory — NIFO) fournit une base solide pour de futures recommandations. Celle-ci pourrait à son tour constituer, d’ici deux à trois ans, la base d’un éventuel instrument juridique qui pourrait résoudre les questions en suspens.

2.   Introduction

2.1.

L’achèvement du marché unique numérique est l’une des dix priorités politiques de la Commission européenne et pourrait contribuer à l’économie européenne à hauteur de 415 milliards d’EUR par an, créer des emplois et transformer les services publics. La nécessité pour les administrations publiques de collaborer en matière numérique constitue un élément essentiel du marché unique numérique. Le secteur public emploie plus de 25 % du total des actifs et représente un cinquième du PIB de l’Union européenne, grâce aux marchés publics. La croissance des échanges d’étudiants, le tourisme, les migrations, le développement des activités commerciales transfrontières et le commerce en ligne renforcent tous la nécessité d’assurer l’interopérabilité dans de nombreux domaines.

2.2.

Le cadre d’interopérabilité européen a été adopté pour la première fois en 2010. Il a fourni des orientations spécifiques aux administrations publiques quant à la manière de mettre en place des services publics interopérables, au moyen de recommandations fondées sur des principes d’interopérabilité et des modèles conceptuels sous-jacents.

2.3.

Le programme «Solutions d’interopérabilité pour les administrations publiques européennes» (ISA), pour la période 2010-2015, et son successeur, le programme ISA2, pour la période 2016-2020, sont les principaux instruments au moyen desquels l’EIF de 2010 a été mis en œuvre.

2.4.

Depuis 2010, les politiques et initiatives européennes ayant une incidence sur le secteur public ont soit évolué, comme c’est le cas de la directive révisée sur la réutilisation des informations du secteur public, du règlement eIDAS (1) et du plan d’action 2016-2020 pour l’administration en ligne, soit sont en cours d’élaboration, comme le sont le portail numérique unique et l’initiative relative à la libre circulation des données (à caractère non personnel) par-delà les frontières.

2.5.

Les technologies de l’information sont un secteur qui évolue rapidement dans des domaines tels que les données ouvertes et l’informatique en nuage.

2.6.

Les éléments concernés de la politique et de la technologie susmentionnées, ainsi que la nécessité de réexaminer l’efficacité de l’EIF ont donné lieu à une consultation des parties intéressées en 2016, lors de laquelle les besoins des parties prenantes et les problèmes qu’elles rencontrent en matière d’interopérabilité et de mise en œuvre de l’EIF ont été analysés, de même que les incidences susceptibles de résulter des révisions attendues ont été recensées et un retour d’information sur la valeur ajoutée a été collecté.

2.7.

En conséquence, le nouveau cadre met davantage l’accent sur la manière dont les principes et modèles d’interopérabilité devraient s’appliquer dans la pratique et clarifie le rôle central du cadre d’interopérabilité européen dans la mise en relation des cadres nationaux et des cadres propres aux différents domaines. Le nombre de recommandations a augmenté, passant de 25 à 47, de manière à rendre plus spécifiques les recommandations mises à jour et nouvellement introduites en matière d’interopérabilité, afin de faciliter leur mise en œuvre, en mettant davantage l’accent sur l’ouverture et la gestion de l’information, la portabilité des données, la gouvernance de l’interopérabilité, et la fourniture de services intégrés.

3.   Contenu essentiel de la communication de la Commission

3.1.

La communication propose un aperçu général, un examen et une analyse des progrès accomplis à ce jour et des priorités pour l’avenir. L’annexe I de la communication définit 22 actions dans cinq domaines prioritaires. Ces points sont étayés par l’annexe II, qui fixe les principes du nouveau cadre d’interopérabilité européen et fournit des précisions sur les 47 recommandations. L’objectif consiste à fournir des services et des flux de données fluides à l’intention des administrations publiques européennes, au travers de l’adhésion au cadre général de l’EIF, qui repose sur le modèle conceptuel de ce cadre.

3.2.

Pour que les personnes puissent être libres de travailler et de se réinstaller et que les entreprises puissent profiter des avantages de l’absence d’entraves aux échanges commerciaux et aux flux de capitaux dans tous les États membres, la mise en œuvre de services publics numériques efficaces est essentielle. Les États membres modernisent leurs administrations publiques en introduisant la généralisation du numérique, mais l’interopérabilité est essentielle pour éviter le risque de créer des environnements numériques isolés et, par conséquent, des obstacles électroniques aux quatre libertés.

3.3.

Selon le cadre, une bonne interopérabilité exige que les entraves actuelles et potentielles soient abordées au niveau des questions juridiques, des aspects organisationnels, des préoccupations relatives aux données et à la sémantique, ainsi que des défis techniques. La mise en œuvre et le réexamen des programmes ISA et ISA2 ont connu une longue évolution pour parvenir à cerner et à traiter ces aspects, mais il reste encore beaucoup à faire.

3.4.

Les dernières données disponibles évaluent à 76 % l’alignement des cadres d’interopérabilité nationaux sur le cadre d’interopérabilité européen, mais la mise en œuvre du cadre d’interopérabilité national dans certains projets nationaux spécifiques atteignait 56 % en 2016 (2), ce qui montre que des difficultés subsistent en ce qui concerne la mise en œuvre pratique des recommandations en vigueur. Il est donc clair que de nouvelles orientations spécifiques sont nécessaires, ce qui est établi à l’annexe II.

3.5.

Les douze principes restent pratiquement les mêmes que dans le précédent cadre d’interopérabilité européen, mais ils reflètent l’évolution récente en matière politique et technique. Ils sont regroupés en quatre catégories:

 

Définition du cadre pour les actions de l’Union européenne en matière d’interopérabilité

1.

Subsidiarité et proportionnalité

Interopérabilité de base

2.

Ouverture

3.

Transparence

4.

Possibilité de réutilisation

5.

Neutralité technologique et portabilité des données

Besoins et attentes des utilisateurs génériques

6.

Approche centrée sur l’utilisateur

7.

Inclusion et accessibilité

8.

Sécurité et respect de la vie privée

9.

Multilinguisme

Coopération entre administrations publiques

10.

Simplification administrative

11.

Préservation de l’information

12.

Évaluation de l’efficience et de l’efficacité

3.6.

La communication appelle les administrations publiques à améliorer leur gouvernance nationale des activités d’interopérabilité, à utiliser des modèles opérationnels communs pour développer les services publics numériques et mieux comprendre les besoins des citoyens et des entreprises d’autres États membres de l’Union européenne, à gérer les données qu’elles détiennent dans des formats sémantiques et syntaxiques communs afin qu’il soit plus facile de les publier sur des portails, de les rassembler, de les partager et de les réutiliser.

3.7.

La communication propose un modèle conceptuel de l’EIF consolidé, reposant sur la synthèse d’un modèle d’interopérabilité et d’un modèle de services publics intégrés. Cette pratique est applicable à l’ensemble des services publics numériques, en mettant en particulier l’accent sur les aspects liés à la gouvernance. L’exégèse tant des principes que des modèles est illustrée au moyen de 47 recommandations spécifiques. Le plan d’action d’interopérabilité qui l’accompagne fournit en outre des suggestions spécifiques de mise en œuvre. Celles-ci ajoutent de la clarté au modèle conceptuel et abordent également des questions opérationnelles spécifiques qui ont été soulevées lors de la consultation de 2016.

3.8.

À titre d’exemple, le problème commun des systèmes hérités du passé visant à résoudre des problématiques spécifiques et locales a créé des «îlots» fragmentés dans le domaine des TIC. L’une des recommandations formulées à ce sujet prévoit «l’utilisation, lorsqu’elles existent, de spécifications ouvertes afin de garantir l’interopérabilité technique lors de l’établissement de services publics européens» (recommandation 33). Le plan d’action appuie ce processus en définissant sept domaines d’action (12-18) suggérant des mesures spécifiques.

4.   Observations générales

4.1.

Le Comité se félicite de la poursuite du développement de l’EIF et fait observer qu’il est probable qu’en octobre 2017, sous la présidence estonienne, il y aura une déclaration ministérielle sur l’administration en ligne, engageant, entre autres choses, à la mise en œuvre de l’EIF. Le CESE reconnaît l’importance de l’économie numérique pour la société civile au sein de l’Union européenne et, à travers ses avis au cours des dernières années, a proposé un échange de vues constructif sur la stratégie numérique et le programme qui lui a succédé, le marché unique numérique (3).

4.2.

Au cours de la dernière décennie, les plans d’action relatifs à l’administration en ligne (4) ont été des instruments politiques efficaces pour faire progresser la modernisation des administrations publiques dans l’ensemble de l’Union européenne. Ils ont soutenu la coordination et la collaboration entre les États membres et la Commission et ont débouché sur des actions conjointes en matière d’administration en ligne, dont le cadre d’interopérabilité européen est un élément essentiel.

4.3.

La stratégie de mise en œuvre du nouveau cadre d’interopérabilité européen reflète un grand nombre des recommandations formulées dans de précédents avis du Comité et souligne la nécessité croissante qu’une action urgente et cohérente soit menée par les administrations publiques au sein de l’Union européenne. Certaines problématiques ayant précédemment fait l’objet de réserves de la part d’États membres à propos du cadre d’interopérabilité européen ont, pour l’essentiel, désormais été résolues, et bien qu’il reste encore du chemin à parcourir, les principales difficultés en matière de mise en œuvre s’articulent autour des ressources et de questions héritées du passé plutôt que de questions de principe.

4.4.

Dans notre précédent avis sur l’interopérabilité comme moyen de moderniser le secteur public (5), nous avions constaté que les citoyens sont de plus en plus conscients et inquiets du fait que les administrations publiques collectent et utilisent des données à caractère personnel ou des données collectées de manière plus générale. Ils savent également qu’une interopérabilité accrue a des incidences sur la manière dont les données peuvent être partagées et utilisées. Cette prise de conscience atteint aujourd’hui un niveau encore plus élevé et il est encourageant de constater que les questions de sécurité et de respect de la vie privée ont été prises en compte et que des recommandations (numéros 46 et 47) ont été formulées afin d’établir des priorités d’action.

4.5.

Dans un domaine en évolution rapide tel que les TIC, il est fréquent que les évolutions techniques et du marché devancent la réflexion politique et le mandat juridique et réglementaire, ainsi que les capacités de contrôle. C’est pourquoi le Comité exprime son plein accord avec l’approche du réexamen et de l’adaptation périodiques par la Commission figurant dans la proposition. À cet égard, le NIFO fournit un service essentiel aux parties prenantes concernées. Il permet d’ajouter de nombreux détails pratiques et techniques aux cadres conceptuels et juridiques. Ainsi, 32 fiches d’information en ligne récemment mises à jour consolident les informations les plus récentes sur le statut d’interopérabilité national des pays participants (6).

5.   Observations particulières

5.1.

Le modèle conceptuel du cadre d’interopérabilité européen pour les services publics couvre la conception, la planification, le développement, le fonctionnement et la maintenance de services publics intégrés à tous les niveaux de pouvoir, de l’échelon local à celui de l’Union européenne. Les principes énoncés ici guident le processus décisionnel relatif à l’établissement de services publics européens interopérables, à l’aide d’outils pratiques, sous la forme d’un ensemble d’éléments susceptibles d’être transformés en actions, figurant dans le plan d’action sur l’interopérabilité. Toutefois, les vingt-deux points d’action ne définissent pas d’objectifs et semblent correspondre à une responsabilité partagée entre les États membres et la Commission. Cette approche ne permet pas véritablement de mener des actions décisives et nécessite davantage de clarté. Il est vrai également qu’une certaine indication de priorité peut aider à déterminer la façon dont les ressources sont employées, d’autant plus lorsque ces ressources sont susceptibles d’être limitées.

5.2.

La communication et ses pièces justificatives insistent sur l’exigence de services centrés sur l’utilisateur, mais une plus grande clarté sur la manière dont cette exigence pourrait être réalisée serait la bienvenue. Il est proposé que le programme ISA2 comprenne une mesure qui développera cette question, grâce à la mise en place d’un cadre et d’orientations sur la manière d’appliquer en pratique l’approche centrée sur l’utilisateur.

5.3.

L’EIF comporte une définition des services publics qui entrent dans son champ d’application. Cette définition reprend presque tous les types de services publics transfrontières, ce qui peut entraîner des difficultés pour parvenir à une évaluation et à un suivi corrects, par le NIFO, de la mise en œuvre de l’EIF. Le Comité recommande que la priorité soit accordée aux manifestations organisées pour les citoyens et les entreprises, ainsi qu’aux procédures connexes, telles que mentionnées à l’annexe II de la proposition COM(2017) 256 adoptée par la Commission, dès lors qu’il s’agit de mesurer le niveau d’exécution de l’EIF.

5.4.

Le principe de subsidiarité a été appliqué de manière relativement efficace dans ce domaine jusqu’à ce jour. La communication marque une nouvelle étape dans la promotion de l’interopérabilité, mais il reste encore du chemin à parcourir. Le Comité suggère que le travail actif du NIFO fournisse une base solide pour de futures recommandations et constitue la base, d’ici deux à trois ans, d’un éventuel instrument juridique qui pourrait résoudre les questions en suspens.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Le règlement (UE) no 910/2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur (JO L 257 du 28.8.2014, p. 73) fournit un cadre réglementaire prévisible en vue de permettre des interactions électroniques sûres et sans discontinuité entre les entreprises, les particuliers et les pouvoirs publics.

(2)  https://ec.europa.eu/isa2/sites/isa/files/docs/publications/report_2016_rev9_single_pages.pdf

(3)  JO C 12 du 15.1.2015, p. 99; JO C 487 du 28.12.2016, p. 92; JO C 487 du 28.12.2016, p. 99; JO C 218 du 11.9.2009, p. 36.

(4)  Plan d’action i2010 pour l’e-gouvernement (2006-2010) et Plan d’action 2011-2015 pour l’administration en ligne.

(5)  JO C 12 du 15.1.2015, p. 99.

(6)  https://joinup.ec.europa.eu/community/nifo/og_page/nifo-factsheets


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/181


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’interopérabilité des systèmes de télépéage et facilitant l’échange transfrontière d’informations relatives au défaut de paiement des redevances routières dans l’Union (refonte)»

[COM(2017) 280 final — 2017/0128 (COD)]

(2018/C 081/25)

Rapporteur:

Vitas MAČIULIS

Consultation

Parlement européen, 15 juin 2017

Conseil de l’Union européenne, 20 juin 2017

Base juridique

Article 91 du TFUE

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

2 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

183/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient fermement la proposition de la Commission européenne du 31 mai 2017 concernant l’interopérabilité des systèmes de télépéage routier, qui vise à améliorer les dispositions fixées dans la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004. L’utilisation pratique de ces dispositions au cours des dernières années a montré que nombre d’entre elles ne répondent pas aux exigences modernes.

1.2.

Des systèmes de péage électronique routier ont déjà été introduits au niveau national, régional ou local dans 20 États membres. Toutefois, le manque d’interopérabilité des systèmes au niveau international entraîne des pertes considérables de recettes pour les États membres, ainsi que des coûts supplémentaires pour les usagers directs de la route. Le CESE encourage les États membres à poursuivre activement la coopération transfrontière lors du développement de mécanismes avancés de péage routier. En raison d’un manque de coopération, les États membres n’ont aucun moyen d’identifier les auteurs d’infractions spécifiques si leur véhicule est immatriculé à l’étranger.

1.3.

Le CESE est fermement convaincu que tous les efforts possibles devraient être consentis pour instaurer un système de télépéage routier uniforme dans l’ensemble de l’Union européenne, sur la base des technologies de pointe. Le CESE se prononce en faveur d’un système simple, flexible et à bas prix pouvant rapidement être étendu afin de couvrir un éventail plus large d’utilisateurs et de réseaux routiers. Un tel système créerait une base favorable pour la mise en œuvre des pratiques de péage non discriminatoires établies par les dispositions de la législation sur l’Eurovignette.

1.4.

L’unité embarquée à bord du véhicule (OBU), qui constitue l’élément essentiel dans un système de télépéage, ne doit pas nécessairement consister en un seul appareil. Il peut s’agir de plusieurs dispositifs connectés physiquement ou à distance, y compris des smartphones ou des tablettes, qui ensemble remplissent les fonctions d’une unité embarquée. Le CESE recommande d’encourager le développement d’applications informatiques particulières pour ces finalités, ce qui réduirait considérablement les coûts pour les usagers de la route.

1.5.

Certains États membres utilisent déjà différentes technologies de perception des péages routiers, et il serait très onéreux pour eux de passer à un régime uniforme. Par conséquent, le CESE recommande à la Commission européenne de rechercher des instruments financiers, techniques et juridiques flexibles afin d’encourager les États membres à intégrer les différentes solutions existantes dans un système interopérable. L’inclusion dans l’annexe de la directive d’une liste des technologies pouvant être utilisées dans les systèmes avec OBU permettrait également de réagir plus rapidement aux développements technologiques et favoriserait l’uniformité.

1.6.

Le CESE appuie l’initiative de la Commission européenne visant à ce que tous les utilisateurs dans l’Union européenne puissent conclure un contrat unique avec les prestataires du service européen de télépéage (SET). Cela permettra de mettre en œuvre des pratiques plus transparentes et conviviales.

1.7.

Cela permettrait de recouvrer de manière plus aisée et plus efficace les redevances routières impayées par des usagers de la route fraudeurs et malhonnêtes, quel que soit leur pays d’immatriculation. Le CESE recommande à la Commission d’envisager l’extension des traités régissant l’utilisation du système EUCARIS (système d’information européen concernant les véhicules et les permis de conduire). Ce système fournit déjà une infrastructure et des logiciels à certains pays, ce qui leur permet de partager leurs informations en matière d’enregistrement de voitures et de permis de conduire et contribue ainsi à lutter contre le vol de voitures et la fraude à l’immatriculation.

1.8.

Les aspects sociaux de la proposition de la Commission européenne revêtent également une importance cruciale. Dans l’ensemble de l’Union européenne, les PME et les microentreprises sont prédominantes dans le secteur du transport routier de marchandises. Le péage électronique pour les voitures particulières est une question très sensible. Les solutions dans ce domaine doivent donc être très soigneusement équilibrées.

2.   Contexte et vue d’ensemble des systèmes de péage existants

2.1.

En 2012, des redevances routières étaient prélevées sur les poids lourds dans 20 États membres et sur les voitures particulières dans 12 d’entre eux. Le réseau routier à péage comptait environ 72 000 kilomètres, dont 60 % équipés de systèmes de télépéage routier (ETC) introduits au niveau national ou local à partir du début des années 1990 et auxquels plus de 20 millions d’usagers de la route avaient souscrit un abonnement. Les systèmes de communications spécialisées à courte portée (DSRC) constituent la solution la plus fréquemment adoptée pour la perception par télépéage. De nouvelles technologies, y compris satellitaires, ont également été adoptées au cours des 10 dernières années. En conséquence, plusieurs technologies différentes, et, dans la plupart des cas, non interopérables, coexistent au sein de l’Union européenne.

2.2.

La directive 2004/52/CE a été adoptée pour remédier à cette fragmentation du marché par la création d’un service européen de télépéage (SET). En vertu de ladite directive, le SET aurait dû être à la disposition des poids lourds en octobre 2012 au plus tard et aurait dû être disponible pour tous les autres types de véhicules au plus tard en octobre 2014.

2.3.

Afin de garantir que les différents systèmes de péage soient compatibles sur le plan technologique et puissent par conséquent être reliés à ce service de péage unique, la directive autorisait l’utilisation de trois technologies pour prélever les péages par voie électronique: la technologie micro-ondes (DSRC), le satellite (GNSS) et les communications mobiles (GSM).

2.4.

À l’heure actuelle, les dispositions de la directive 2004/52/CE n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre sur le marché européen de péage. Les systèmes de péage ne sont toujours pas homogènes — chaque État membre et percepteur de péage a un cadre législatif, des objectifs pour la mise en place d’un régime, un contexte et des conditions de trafic locaux qui lui sont propres.

2.5.

Dans les recommandations qu’il a formulées dans de nombreux avis antérieurs, le CESE a souligné l’importance de normes communes et de l’interopérabilité transfrontière pour garantir l’efficacité des transports transfrontière et le développement d’un SET efficace (1).

2.6.

Les principaux systèmes de tarification dans l’Union européenne sont les suivants:

2.6.1.

Systèmes de tarification basés sur la distance: la redevance est calculée sur la base de la distance parcourue par le véhicule, puis pondérée par d’autres paramètres caractérisant le véhicule (poids total, nombre d’essieux, classe d’émissions, etc.). C’est le type le plus commun de système utilisé dans l’Union européenne: divers moyens techniques servent à ce que la redevance imposée à un véhicule soit proportionnée, sur la base de son utilisation effective de l’infrastructure routière.

2.6.2.

Systèmes de tarification basés sur le temps ou une vignette: la redevance est calculée sur la base d’une période de temps donnée, et est également pondérée comme expliqué ci-dessus en fonction des caractéristiques du véhicule. Ces systèmes impliquent l’achat d’une vignette autorisant l’utilisation du réseau routier pour une certaine durée (un jour, un mois ou une année complète). La redevance à payer est indépendante de l’utilisation réelle de l’infrastructure routière.

2.6.3.

Systèmes de tarification basés sur l’accès: la redevance s’applique principalement aux zones urbaines et à des infrastructures spécifiques, l’utilisateur se voyant imposer une redevance pour conduire dans la zone concernée. De tels systèmes permettent de réduire le trafic et la pollution dans des zones particulièrement sensibles des villes ou dans d’autres zones densément peuplées.

2.7.

Deux technologies principales sont utilisées dans l’Union européenne pour les transactions de péage électronique dans les systèmes «basés sur la distance»: le positionnement par système mondial de navigation par satellite (GNSS) et les systèmes de communications spécialisées à courte portée (DSRC), à savoir la technologie des micro-ondes de 5,8 GHz adoptée par le comité européen de normalisation (CEN).

2.7.1.

La technologie GNSS utilise les données relatives aux différentes positions d’un véhicule reçues d’un réseau de satellites et mesure la distance parcourue sur route afin de déterminer la redevance. L’unité embarquée à bord du véhicule (OBU) identifie son emplacement et recueille et traite les informations nécessaires sans l’aide d’unités placées sur l’infrastructure routière. Il s’agit du système le plus pratique, mais aussi du plus onéreux.

2.7.2.

La technologie de communications spécialisées à courte portée (DSRC) est fondée sur la communication radio bidirectionnelle entre un équipement fixe placé le long de la route (RSE) et un dispositif mobile (OBU) installé dans les véhicules. Par le biais de cette communication, les usagers de la route (et leurs véhicules) sont identifiés par l’infrastructure routière afin de déclencher le paiement.

2.8.

Des systèmes de reconnaissance automatique des plaques minéralogiques (ANPR) sont utilisés dans les systèmes de tarification basés sur l’accès. Cette technologie utilise des caméras vidéo pour lire les plaques d’immatriculation des véhicules. Elle n’exige pas d’unités embarquées et fait appel à des équipements moins coûteux intégrés à l’infrastructure routière.

2.9.

Une vue d’ensemble des différents systèmes de péage en usage dans différents pays de l’Union européenne est présentée dans les tableaux ci-dessous:

2.9.1.

Systèmes de péage basés sur la distance pour les poids lourds:

Système de péage

Technologie utilisée

Pays

Free-flow

GNSS avec ANPR et/ou DSRC

Hongrie, Slovaquie, Belgique

Free-flow

GNSS avec infrarouges et/ou DSRC

Allemagne

Free-flow

DSRC

Autriche, République tchèque, Pologne, Portugal, Royaume-Uni (Dartford Crossing)

Free-flow

ANPR

Royaume-Uni (Dartford Crossing)

Free-flow

ANPR et OBU DSRC

Portugal (A22, …, A25)

Réseau avec gares de péage

DSRC

Croatie, France, Grèce, Irlande, Italie, Pologne, Portugal, Espagne et Royaume-Uni

2.9.2.

Systèmes de péage basés sur la distance pour les véhicules légers:

Système de péage

Technologie utilisée

Pays

Free-flow

DSCR/ANPR

Portugal

Différentes sections avec gares de péage

DSCR/ANPR

Autriche (A9, A10 Tauern, A11 Karawanken, A13 Brenner et S16 Arlberg)

Réseau avec gares de péage

DSCR

Croatie, Danemark, France, Grèce, Irlande, Italie, Pologne, Portugal, Espagne

2.9.3.

Systèmes de péage basés sur la durée pour les poids lourds:

Système de péage

Technologie utilisée

Pays

Vignette

e-Eurovignette

Danemark, Luxembourg, Pays-Bas, Suède

Vignette

Vignette électronique

Royaume-Uni, Lettonie

Vignette

Autocollant

Bulgarie, Lituanie, Roumanie

2.9.4.

Systèmes de péage basés sur la durée pour les véhicules légers:

Système de péage

Technologie utilisée

Pays

Vignette

Autocollant

Autriche, Bulgarie, République tchèque, Hongrie (vignette électronique), Roumanie (vignette en papier), Slovénie, Slovaquie

Péage avec barrière physique, ou free flow

DSRC, ANPR — diffère d’un système à un autre

Royaume-Uni

2.9.5.

Systèmes de péage basés sur l’accès pour tous les véhicules (2):

Système de péage

Technologie utilisée

Pays

Redevance d’accès (péage cordon)

ANPR

Suède (Stockholm)

Redevance d’accès (vignette)

ANPR

Royaume-Uni («taxe d’embouteillages» de Londres — London Congestion Charge), Milan (redevance d’accès à la zone C)

3.   Description des principaux problèmes

3.1.

Dans sa communication d’août 2012 sur la mise en œuvre du service européen de télépéage (COM(2012) 474 final), la Commission européenne indiquait clairement que «l’absence de mise en œuvre du SET dans les délais prévus ne tient pas à des motifs techniques», mais que cette mise en œuvre est «entravée par le manque de coopération entre les différents groupes de parties prenantes» et le peu d’efforts déployés par les États membres. Dans son rapport d’avril 2013 sur une stratégie pour un service de télépéage et un système de vignette pour les véhicules particuliers légers en Europe (A7-0142/2013), le Parlement européen adoptait la même position et convenait avec la Commission «que la technologie nécessaire pour les systèmes interopérables existe déjà».

3.2.

La majorité des systèmes de péage routiers nécessitent que les usagers de la route installent des OBU à bord de leur véhicule. Seuls quelques-uns offrent une interopérabilité transfrontière. Il en résulte des coûts et des charges pour les usagers, qui doivent équiper leurs véhicules de plusieurs unités embarquées pour être en mesure de circuler sans contrainte dans différents pays. Les coûts sont actuellement estimés à 334 millions d’EUR par an, et devraient passer juste en dessous des 300 millions d’EUR par an d’ici 2025.

3.3.

Un certain degré d’interopérabilité transfrontière a été atteint mais, que ce soit en Allemagne, Croatie, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Pologne, Slovaquie, Slovénie, République tchèque ou au Royaume-Uni, seules les unités embarquées nationales peuvent encore être utilisées pour acquitter les péages. L’un des objectifs des dispositions législatives relatives au SET est de permettre aux unités embarquées d’être intégrés à d’autres dispositifs à bord des véhicules, en particulier des tachygraphes numériques. L’intégration aux tachygraphes s’est révélée décevante.

3.4.

L’absence d’interopérabilité transfrontière génère également des coûts pour les autorités, qui doivent fournir et entretenir des unités embarquées superflues qui fonctionnent sur le territoire national, mais ne peuvent pas être utilisées à l’étranger. Pour un seul système national utilisant la localisation par satellite pour définir la position des véhicules, le coût unique de fourniture des unités embarquées s’élève à 120 millions d’EUR, tandis que les coûts d’entretien sont de 14,5 millions d’EUR par an (3).

3.5.

Le SET n’est toujours pas pleinement développé, et très peu de progrès ont été réalisés sur la voie de l’interopérabilité. Les prestataires sont confrontés à d’importantes barrières à l’entrée, telles qu’un traitement discriminatoire de la part des autorités, des procédures d’agrément longues et fluctuantes, et des spécificités techniques des systèmes locaux qui ne sont pas conformes aux normes établies. Seuls quelques accords transnationaux limités ont été conclus dans l’Union européenne. Les principales raisons de cette situation sont les suivantes:

3.5.1.

L’opérateur du système de péage existant jouit d’une position privilégiée sur certains marchés nationaux. Il en résulte des obstacles à la mise en œuvre de pratiques harmonisées et non discriminatoires de péage dans l’Union européenne.

3.5.2.

La législation SET comporte des obstacles: en particulier, elle exige que les fournisseurs SET soient en mesure de fournir des services partout en Europe dans un délai de 24 mois.

3.5.3.

Les systèmes de péage nationaux appliquent les trois technologies autorisées par la législation sur le SET de manière très différente, rendant l’interopérabilité transfrontalière difficile et coûteuse.

3.6.

La législation ne prévoit pas de dispositions efficaces en matière de respect des péages par les véhicules immatriculés dans un autre pays de l’Union européenne. Dans certains endroits, le trafic international représente une part significative des recettes totales générées par les systèmes de péage; limiter la fraude au péage par les utilisateurs étrangers constitue donc un défi de taille. Un État membre qui détecte une infraction au péage au moyen d’un dispositif de contrôle automatique ne peut pas identifier l’auteur de l’infraction sur la base du numéro de plaque lorsque le véhicule est immatriculé à l’étranger. Il n’existe aucune base juridique au niveau de l’Union européenne pour l’échange de données relatives à l’immatriculation des véhicules entre les États membres aux fins du respect des péages. La perte de recettes qui en résulte pour les systèmes de péage nationaux, régionaux et locaux est de l’ordre de 300 millions d’EUR par an (4).

3.7.

Il est fort nécessaire de promouvoir l’échange d’informations sur la fraude au péage au niveau de l’Union européenne et de donner aux différentes autorités de péage davantage de pouvoirs leur permettant d’identifier les contrevenants et de lancer des procédures de recouvrement. En ce qui concerne le respect des péages, il incombe aux États membres de démontrer que les usagers de la route sont traités sur un pied d’égalité, et aussi de garantir que les sanctions soient dûment appliquées.

3.8.

L’obligation pour tous les prestataires du SET de couvrir tous les types de véhicules et tous les secteurs à péage en Europe est jugée excessive. Il serait plus efficace de laisser les prestataires du SET libres de répondre aux exigences de leurs clients, plutôt que de leur imposer un service complet mais coûteux.

3.9.

Les modifications apportées à la directive sur l’interopérabilité et la décision sur le SET proposée par la Commission permettront aux usagers de la route de réaliser des économies cumulées de 370 millions d’EUR (valeur actuelle nette — VAN, 2016-2025). La plupart de ces économies seront bénéfiques pour l’industrie de camionnage, qui est principalement composée de PME. Les gestionnaires de réseaux routiers bénéficieront des économies liées à la non-nécessité de fournir des unités embarquées superflues (48 millions d’EUR VAN) et de recettes de péage supplémentaires résultant d’une meilleure réglementation en matière de respect transfrontière de la législation (150 millions d’EUR par an). Les prestataires du SET bénéficieront d’une réduction de la charge réglementaire liée à l’entrée sur les marchés nationaux (10 millions d’EUR VAN, pour un groupe qui devrait compter 12 prestataires du SET). En outre, ils verront leur marché s’élargir, avec des recettes supplémentaires de 700 millions d’EUR par an (5).

4.   Principaux éléments de la proposition de la Commission sur la refonte de la directive 2004/52/CE

4.1.

L’application transfrontière de la législation qui s’impose sera mise en œuvre comme suit:

4.1.1.

Un mécanisme automatique et simple d’échange d’informations entre les États membres doit être mis en place. De nouveaux mécanismes et accords juridiques seront mis en œuvre pour traiter le problème du contrôle transfrontière du respect des péages. Ces informations permettraient aux États membres d’assurer le suivi des cas de manquement à l’obligation d’acquitter les péages par des conducteurs non résidents.

4.1.2.

Le système devrait inclure tous les types de véhicules et tous les types de systèmes de télépéage, y compris le péage vidéo.

4.2.

Les principales propositions s’agissant des technologies utilisées et du traitement des véhicules légers sont les suivantes:

4.2.1.

La liste des technologies a été déplacée vers l’annexe de la directive. De cette manière, il sera possible de répondre au progrès technologique de façon plus rapide et efficace.

4.2.2.

Cette liste de technologies resterait inchangée et ne pourrait être modifiée ultérieurement qu’après des essais approfondis, un travail de normalisation, etc.

4.2.3.

La Commission propose de séparer le SET pour les poids lourds, d’une part, d’un SET pour les véhicules légers, d’autre part, de sorte que l’un puisse être fourni indépendamment de l’autre.

4.2.4.

Une dérogation permettra aux prestataires du SET pour véhicules légers de fournir aux clients des unités embarquées DSRC.

4.3.

Les définitions du SET seront unifiées, certaines clarifications étant proposées:

4.3.1.

Il est précisé que le SET doit être fourni par les prestataires du SET, et non par les percepteurs de droits de péage. Les prestataires du SET se verront garantir une égalité d’accès au marché sur un pied d’égalité avec les prestataires de services de péage nationaux. Cela permettra d’accroître le choix offert aux consommateurs quant aux prestataires de services de péage. Les États membres ne seront pas tenus d’assurer le déploiement du SET dans un délai déterminé.

4.3.2.

Les unités embarquées ne doivent pas nécessairement être constituées d’un seul appareil physique, et peuvent comprendre plusieurs dispositifs reliés physiquement ou à distance, y compris des équipements déjà installés dans le véhicule à moteur, tels que des systèmes de navigation fournissant toutes les fonctions d’une unité embarquée. La même unité embarquée devrait pouvoir fonctionner dans tous les systèmes de péage routier, les appareils portables tels que les smartphones pouvant être utilisés à côté d’unités embarquées fixes.

5.   Éventuels obstacles à la mise en œuvre de la proposition de la Commission

5.1.

L’établissement de l’interopérabilité transfrontière pourrait nécessiter des efforts administratifs considérables et engendrer des coûts importants en raison des différences juridiques, techniques et opérationnelles entre les systèmes de péage nationaux, en raison de l’utilisation de différentes technologies.

5.2.

La Commission devrait envisager la possibilité de créer un mécanisme de financement pour surmonter ces difficultés. La libération des fonds nécessaires inciterait les États membres à rendre leurs systèmes nationaux interopérables au niveau de l’Union européenne.

5.3.

Il est important de permettre que les services du SET puissent être développés en parallèle avec les règles nationales, mais il est possible que les prestataires du SET soient confrontés à l’une ou l’autre forme de traitement discriminatoire de la part des collectivités locales des États membres.

5.4.

Les aspects sociaux de la proposition sont également d’une importance cruciale. Les PME et les microentreprises sont prédominantes dans le secteur du transport routier de marchandises dans l’ensemble de l’Union européenne et il est attendu que l’incidence de la proposition sera positive pour elles. Une extension de l’application, de sorte qu’une plus grande proportion du réseau routier soit soumise à péage électronique pour les voitures particulières, pourrait ne pas être bien accueillie par le grand public. Il y a lieu dans ce cas de trouver des solutions soigneusement équilibrées.

5.5.

Les coûts pourraient être réduits pour les utilisateurs grâce à l’intensification de la recherche et du développement de techniques et de solutions informatiques dans les systèmes de péage électronique. La promotion de l’innovation dans ce domaine est l’un des principaux points sur lequel la Commission européenne doit se concentrer.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 32 du 5.2.2004, p. 36.

JO C 277 du 17.11.2009, p. 85.

JO C 291 du 4.9.2015, p. 14.

JO C 173 du 31.5.2017, p. 55.

JO C 288 du 31.8.2017, p. 85.

(2)  Étude intitulée «State of the art of electronic tolling» MOVE/D3/2014-259.

(3)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’interopérabilité des systèmes de télépéage et facilitant l’échange transfrontière d’informations relatives au défaut de paiement des redevances routières dans l’Union (refonte) COM(2017) 280 final.

(4)  Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’interopérabilité des systèmes de télépéage et facilitant l’échange transfrontière d’informations relatives au défaut de paiement des redevances routières dans l’Union (refonte) COM(2017) 280 final.

(5)  Document de travail des services de la Commission: Résumé de l’évaluation d’impact [SWD(2017) 191 final] (seulement en anglais).


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/188


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures»

[COM(2017) 275 final — 2017/0114 (COD)]

et la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, en ce qui concerne certaines dispositions concernant la taxation des véhicules»

[COM(2017) 276 final — 2017/0115 (CNS)]

(2018/C 081/26)

Rapporteur:

M. Alberto MAZZOLA

Consultation

Conseil européen, 12 juin 2017 et 23 juin 2017

Parlement européen, 15 juin 2017

Base juridique

Articles 91 et 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

2 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

121/2/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE estime que la mise en œuvre, dans l’Union européenne, d’un système de tarification routière équitable, transparent, non discriminatoire et non bureaucratique, proportionné à l’usage de la route et aux coûts externes générés par les camions, les autobus et les voitures, sans fragmentation des systèmes de tarification et conforme au principe de «l’utilisateur-payeur» et du «pollueur-payeur», aurait un effet positif dans la lutte contre la détérioration des infrastructures routières, la congestion du trafic et la pollution. Dans les conditions énumérées ci-après, ce système pourrait être progressivement appliqué aux véhicules utilitaires lourds et légers sur l’ensemble du réseau transeuropéen de transport, en commençant par le réseau prioritaire.

1.2.

Le CESE souligne l’importance d’actualiser le cadre juridique commun pour garantir un champ d’application uniforme pour tous les usagers de la route, en particulier en ce qui concerne le système de taxation au niveau de l’Union européenne pour l’utilisation des infrastructures routières d’importance européenne sur le réseau transeuropéen de transport en se basant sur la distance parcourue, telles que les routes du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), les autoroutes et les routes nationales sur lesquelles circule un trafic international important.

1.3.

Le secteur des transports joue un rôle essentiel pour assurer la mobilité et le développement socio-économique de l’Union européenne. Le CESE estime que, pour répondre aux défis de la croissance et de la durabilité, il est indispensable d’optimiser le réseau d’infrastructures de transport. Les investissements dans les infrastructures ont une importance vitale pour la croissance et l’emploi, car une hausse d’un pour cent des dépenses en infrastructures augmente d’environ 0,4 % le niveau de la production la même année et de 1,5 % quatre ans après celle-ci (1).

1.4.

Le CESE constate avec inquiétude que, «alors que les besoins en infrastructures de transport sont estimés à environ 130 milliards d’EUR par an à l’échelon européen, les niveaux moyens d’investissement au sein de l’Union européenne sont largement inférieurs à 100 milliards d’EUR depuis le début de la crise» (2). Dans l’Union européenne, on enregistre une diminution des dépenses consacrées à l’entretien des infrastructures routières, malgré le nouveau cadre de l’Union européenne pour le développement du réseau transeuropéen de transport lancé fin 2013 (3) et les actions soutenues par les Fonds structurels de l’Union européenne (4). On imagine mal que le cadre financier pluriannuel 2021-2027 prévoie l’accroissement nécessaire des ressources.

1.5.

Le CESE estime qu’il est essentiel que les recettes provenant de l’utilisation des infrastructures routières soient affectées aux fins suivantes: les recettes issues de l’usage des infrastructures devraient couvrir les coûts de construction, de développement, d’exploitation et d’entretien des infrastructures routières, tandis que celles afférentes aux coûts externes devraient être affectées à des mesures d’atténuation des incidences négatives du transport routier et d’amélioration des performances grâce à des systèmes innovants de gestion du trafic, la conduite automatisée, l’électrification, en particulier les points de recharge rapide, et à d’autres systèmes d’approvisionnement en énergie.

1.6.

Selon le CESE, les recettes supplémentaires ainsi obtenues, qui pourraient à terme s’élever à plus de 10 milliards d’euros par an (5), dans le cadre de l’option retenue par la Commission, à 20 milliards en cas d’application obligatoire à tous les véhicules utilitaires lourds, voire davantage encore si le système était étendu aux véhicules utilitaires légers, pourraient donner une impulsion significative à l’achèvement et au bon fonctionnement du réseau transeuropéen de transport, notamment de ses composantes technologiques. Toutefois, la contribution des pouvoirs publics au financement des infrastructures reste fondamentale et prédominante.

1.7.

Le CESE estime que la révision de la législation relative à l’eurovignette constitue une occasion à saisir pour mettre au point des normes communes et harmonisées, ainsi que pour contrôler et renforcer la bonne application de cette réglementation en créant un registre spécifique de l’Union européenne et en collectant des informations ponctuelles des États membres.

1.8.

Le CESE est d’avis qu’il est essentiel que le marché intérieur des transports soit exempt de pratiques discriminatoires et invite la Commission à prendre les mesures nécessaires pour assurer en temps utile le plein respect du cadre réglementaire de l’Union européenne. Il importe en particulier que les tarifs appliqués et les abattements pour usagers fréquents et/ou nationaux ne constituent pas des éléments discriminatoires à l’égard des utilisateurs occasionnels et/ou non nationaux.

1.9.

Par ailleurs, le CESE est extrêmement préoccupé par les effets du changement climatique et les niveaux de protection et de sauvegarde de l’environnement ainsi que par toutes les problématiques liées à la santé et au bien-être social, en rapport avec l’utilisation rationnelle des transports. Comme il l’a déjà souligné, «en ce qui concerne les transports, l’objectif d’une réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau d’émissions de 1990 reste très ambitieux et nécessite de gros efforts» (6).

1.10.

Le CESE rappelle qu’il convient d’appliquer les principes de l’utilisateur-payeur et du pollueur-payeur avec flexibilité, en particulier dans le cas des régions périphériques et des zones reculées rurales, montagneuses et insulaires, afin d’éviter des effets inversement proportionnels aux coûts et afin de préserver leur utilité comme moyen d’infléchir les choix concernant l’organisation des opérations de transport, tout en supprimant toute concurrence déloyale entre les divers modes de transport (TEN/582 «Les effets des conclusions de la COP 21 en matière de politique européenne des transports»).

1.11.

Le CESE estime en outre qu’il est essentiel de passer en revue les effets de la directive deux ans après son entrée en vigueur, notamment en ce qui concerne les retombées sous l’angle des avantages résultant des nouveaux investissements, ainsi que des coûts pour le fret, afin d’éviter la détérioration de la compétitivité des industries européennes à l’échelle mondiale.

1.12.

Le CESE estime qu’une attention particulière doit être apportée à l’acceptation des mesures par les usagers, consommateurs et citoyens en général sous l’angle de la transparence et de la clarté du nouveau cadre fiscal; il doit dès lors veiller, y compris au moyen de panneaux autoroutiers multilingues, à ce que l’usager ait une perception positive, immédiate et claire de la finalité des montants perçus, du caractère équitable de leur répartition et de leur affectation, ainsi que de l’absence de charges excessives et de double imposition, notamment en recourant à deux indicateurs synthétiques de la qualité des routes, du niveau de congestion et des réductions d’émissions par kilomètre d’infrastructure.

1.13.

Selon le CESE, l’affectation des recettes découlant de la mise en œuvre de la nouvelle législation à des investissements dans le secteur des transports réalisés selon la ventilation indiquée ci-dessus, serait en mesure de créer des emplois supplémentaires pour plus d’un demi-million de personnes.

1.14.

Le CESE estime que la Commission devrait suivre et améliorer les instruments permettant une application correcte et uniforme de la nouvelle législation, notamment au moyen d’une vérification périodique, sur des bases scientifiques, des valeurs liées aux coûts externes et de la correspondance effective entre les dispositions tarifaires adoptées et les émissions réelles des véhicules, qui actuellement ne sont pas favorables aux véhicules plus performants. La Commission devrait également établir un rapport annuel détaillé sur les progrès enregistrés dans l’application de la directive modifiée et l’adresser au Parlement européen, au Conseil, au CdR et au CESE.

2.   Introduction

2.1.

Les transports sont un pilier essentiel de l’Espace européen unique et permettent l’exercice concret de la liberté de circulation des travailleurs, des biens et des services sur tout le territoire de l’Union: l’efficacité et la qualité des réseaux de transport ont une incidence directe sur le développement durable, la qualité de vie et du travail, ainsi que la compétitivité de l’Europe.

2.2.

L’économie du transport routier dans l’Union européenne assure 5 millions d’emplois directs et contribue pour près de 2 % au PIB de l’Union européenne, avec 344 000 entreprises de transport de voyageurs par route et plus de 560 000 entreprises de transport routier de marchandises (7). Elle apporte ainsi une contribution importante à la croissance et à l’emploi dans l’Union européenne. Elle nécessite donc des politiques proactives.

2.3.

Les transports sont la cause principale de la pollution de l’air, à l’heure actuelle et représente un quart des émissions de gaz à effet de serre. Les transports sont la cause principale de la pollution atmosphérique et représentent aujourd’hui un quart des émissions de gaz à effet de serre en Europe; environ un quart des émissions dues au transport routier est imputable aux camions, autocars et autobus, une proportion qui devrait augmenter de quelque 10 % entre 2010 et 2030 (scénario de référence 2016 de l’Union européenne relatif aux tendances à l’horizon 2050 en matière d’énergie, de transports et d’émissions de gaz à effet de serre). Dans un premier temps, la Commission européenne a concentré ses efforts sur deux propositions: l’une concernant la certification en matière d’émissions de dioxyde de carbone et de consommation de carburant et l’autre concernant la surveillance et la déclaration de ces données certifiées.

2.4.

La stratégie adoptée, sur laquelle le Comité a eu l’occasion de se prononcer (8), a défini une feuille de route pour une mobilité à faible intensité de carbone qui donnera une impulsion à cette transition, notamment à la lumière des objectifs fixés dans l’accord de Paris sur le changement climatique.

2.5.

La stratégie poursuit trois objectifs: développer un système de transport plus efficace, promouvoir des énergies de substitution à faible teneur en carbone dans le secteur des transports, et favoriser les véhicules à émissions faibles ou nulles.

2.6.

Le champ d’application concerne principalement le transport routier, qui est responsable de plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre provenant des transports et d’une grande partie de la pollution atmosphérique, même si les autres secteurs des transports sont également tenus d’apporter leur contribution.

2.7.

Pour parvenir à des transports plus efficaces sous l’angle des coûts énergétiques et des émissions, il est important de donner les bons signaux de prix et de tenir compte des externalités. À cette fin, la Commission européenne a l’intention de parvenir à la mise en place de systèmes de péage routier fondés sur la distance en kilomètres effectivement parcourus, afin de mieux respecter les principes du «pollueur-payeur» et de l’«utilisateur-payeur».

2.8.

Une application plus large des principes de l’«utilisateur-payeur» et du «pollueur-payeur» permet de s’attaquer à quatre problèmes, dont la solution est à chercher dans une «tarification routière équitable et efficiente»:

le transport routier représente 17 % des émissions de CO2 produites dans l’Union et l’utilisation de véhicules à émissions faibles ou nulles ne suffira pas pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques à l’horizon 2030,

la qualité des routes de l’Union européenne est en voie de dégradation en raison d’une baisse des investissements dans les infrastructures et du report des entretiens périodiques au mépris de l’incidence économique à long terme,

un certain nombre d’États membres ont introduit des systèmes provisoires de tarification routière (vignettes), qui discriminent les opérateurs étrangers occasionnels,

la pollution de l’air et la congestion engendrées par les véhicules routiers représentent des coûts élevés pour la société.

2.9.

Les analyses d’impact économique révèlent des écarts importants entre les hausses des coûts pour les usagers des transports et pour les autorités et les organismes responsables, équilibrées par des recettes plus importantes et une réduction des coûts liés à la congestion du trafic et à d’autres externalités, tout en mettant en lumière les effets potentiellement négatifs sur la distribution et l’incidence des coûts plus élevés sur les PME (9).

2.10.

Les technologies numériques sont de nature à accroître la sécurité, l’efficacité et le caractère inclusif des transports en permettant une mobilité continue de porte à porte, une logistique intégrée et des services à valeur ajoutée grâce au déploiement des systèmes intelligents dans tous les modes de transports, considérés comme une partie intégrante du développement du réseau transeuropéen de transport multimodal.

2.11.

Les actions développées au niveau européen en matière de transports à faibles émissions ont immanquablement un fort impact sur les territoires régionaux traversés par des infrastructures de transport, avec des conséquences directes sur la planification énergétique, territoriale, environnementale et des transports, ainsi que des effets importants sur l’économie et l’emploi.

2.12.

En ce qui concerne l’acceptation de ces mesures par les usagers, les consommateurs et les citoyens en général, il convient de produire des efforts plus importants sur le plan de la transparence et de la clarté pour créer un marché des véhicules faiblement ou non polluants. Il y a lieu également de s’efforcer d’améliorer l’information des consommateurs grâce à l’étiquetage des voitures et d’apporter un soutien en la matière par l’intermédiaire des règles régissant les marchés publics. Parallèlement, il convient d’agir en faveur de la transparence du nouveau cadre de taxation, en veillant à une perception positive, immédiate et claire, de la part de l’utilisateur, de la finalité des montants perçus, du caractère équitable de leur répartition, ainsi que de l’absence de charges excessives et de double imposition.

3.   Synthèse des propositions de la Commission européenne

3.1.

Dans les propositions de la Commission, la tarification concerne les infrastructures routières. Elle est proportionnelle à la distance parcourue à l’exclusion du régime de tarification au forfait, tel que prévu actuellement dans certains pays de l’Union européenne. Elle s’applique à tous les types de véhicules, non seulement aux poids lourds mais également aux autocars, autobus, camionnettes et voitures particulières. Par conséquent, elle concerne aussi bien le transport de marchandises que celui des passagers. Elle préfigure une modulation de la fiscalité en fonction du «potentiel de pollution» et de l’usure des infrastructures. Les modifications réglementaires concernent notamment:

les dispositions en matière de péages et droits d’usage, relatives à l’ensemble des véhicules et non plus uniquement à ceux d’un poids supérieur à 3,5 tonnes: la mise à jour des règles prévues par la directive et l’extension de son champ d’application afin de couvrir tous les véhicules utilitaires lourds à partir du 1er janvier 2020 et les véhicules légers, la suppression des exonérations, les valeurs maximales pour les redevances pour coûts externes et la simplification des exigences applicables à leur tarification,

la suppression progressive de la possibilité d’appliquer des droits d’usage fondés sur la durée pour les poids lourds d’ici le 31 décembre 2023, et pour les véhicules légers à l’échéance du 31 décembre 2027, et la mise en place d’un nouveau système de tarification fondé sur la distance, assorti d’une méthodologie de calcul et d’estimation des coûts intervenant dans la fixation des tarifs,

la modulation des redevances liées aux infrastructures en fonction des émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds, et la suppression progressive des variations actuelles de taxation basées sur les classes d’émission Euro à compter du 1er janvier 2022,

les mesures complémentaires pour les véhicules légers en ce qui concerne la congestion interurbaine ainsi que pour les émissions de polluants et de CO2 produites par tous les types de véhicules,

l’exigence d’un prélèvement obligatoire de redevances pour coûts externes au moins sur une partie du réseau pour les poids lourds à partir du 1er janvier 2021.

3.2.

Conformément au principe du «pollueur-payeur» et de l’«utilisateur-payeur», l’extension du champ d’application de la directive 1999/62/CE devrait contribuer à réduire les distorsions de concurrence induites par le fait qu’actuellement, les autobus et autocars sont exemptés de paiement pour l’utilisation des infrastructures.

3.3.

Une proposition complémentaire prévoit des modifications visant une réduction progressive des taux minimaux des taxes sur les véhicules pour les poids lourds jusqu’à zéro, en cinq étapes étalées sur cinq années consécutives et représentant chacune une réduction de 20 % des taux minimaux courants.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE estime que la mise en œuvre dans l’Union européenne d’un système de tarification routière équitable, transparent, non discriminatoire et non bureaucratique, proportionné à l’usage de la route et aux coûts externes, mesurables scientifiquement, induits par les camions, les autobus et les voitures, sans fragmentation des systèmes de tarification, mais avec un plafond d’imputation de coûts externes et en conformité avec le principe de l’«utilisateur-payeur» et du «pollueur-payeur», aurait un effet positif sur la lutte contre la détérioration des infrastructures routières, la congestion du trafic et la pollution.

4.2.

Le CESE souligne l’importance de réévaluer, modifier et renforcer l’application uniforme des règles de l’Union européenne, et de créer ainsi un cadre juridique commun de nature à assurer des conditions identiques pour tous les usagers des transports routiers: l’instrument de la directive laisse une grande marge de manœuvre pour des modalités d’application divergentes. Le CESE juge nécessaire d’étudier l’éventualité qu’après une vérification triennale du respect des règles, il soit nécessaire de recourir à des instruments législatifs plus contraignants garantissant une application uniforme.

4.3.

Le Comité recommande vivement que le cadre commun de tarification soit clair, transparent, simple, contrôlable et présenté dans des termes aisément compréhensibles, qui précisent la destination des recettes, tant sur les reçus électroniques ou sur papier que sur les panneaux autoroutiers, de manière à accroître l’acceptabilité sociale de la contribution apportée par chacun des utilisateurs au bien commun.

4.4.

Pour créer un véritable marché unique du transport routier sans discriminations et sans distorsions de concurrence, il est essentiel de veiller à une plus grande harmonisation des normes et à la mise en place d’un cadre juridique commun au niveau de l’Union européenne pour le système de tarification routière liée à l’utilisation des infrastructures routières d’importance européenne, telles que les routes du réseau transeuropéen de transport, les autoroutes et les routes nationales sur lesquelles circule un trafic international important.

4.5.

Les systèmes de tarification ont une incidence différente sur les régions centrales et périphériques: les régions centrales qui connaissent un trafic de transit intense subissent des effets négatifs plus prégnants que les régions périphériques, tandis que ces dernières reçoivent des compensations fiscales liées à l’incidence environnementale et au financement des infrastructures nettement inférieures à celles accordées aux régions centrales. Le CESE estime que les Fonds structurels et environnementaux et la BEI devraient intervenir pour garantir un développement équilibré.

4.6.

Le manque d’harmonisation des systèmes de prélèvement, qu’il s’agisse de vignettes ou de péages, est notamment lié à une multiplicité de technologies de collecte et à différents modèles de systèmes de tarification routière qui, souvent, ne sont pas interopérables et induisent des charges administratives supplémentaires et des surcoûts pour les entreprises de transport et de logistique. Cette situation s’inscrit également dans le contexte d’une demande croissante de transports routiers innovants fondés sur le développement d’infrastructures nouvelles et intelligentes, notamment la conduite automatisée et la diffusion de nouveaux carburants, ainsi que le bon entretien des réseaux existants pour qu’ils soient en mesure de supporter les flux.

4.7.

Il est nécessaire, selon le Comité, de procéder à des investissements appropriés dans les infrastructures existantes et à venir de manière à parvenir à une meilleure interopérabilité fonctionnelle des réseaux de transport nationaux, notamment au moyen de technologies satellitaires. Il y a lieu également d’en faciliter l’accès, dans l’ensemble du marché unique, en promouvant une meilleure application de la logistique intelligente (10) et de solutions TIC. L’objectif est d’améliorer la sécurité routière et d’accroître l’efficacité générale du système par un recours accru aux systèmes de transport intelligents, ainsi que de mettre en place des réseaux de transport par route plus efficaces et mieux connectés, modernes et durables dans toute l’Europe. Il conviendrait de se fixer pour objectif que seuls des dispositifs embarqués interopérables au niveau de l’Union européenne soient installés dans les véhicules à partir de 2019 (voir la stratégie pour la numérisation des transports).

4.8.

Le CESE estime qu’eu égard au manque d’investissements dans les infrastructures de transport et aux niveaux insuffisants d’entretien de celles-ci, il est indispensable d’appliquer le principe de l’«utilisateur-payeur» et du «pollueur-payeur» pour financer les infrastructures routières, à condition que:

les compensations provenant de la fiscalité appliquée à l’utilisation de l’infrastructure soient affectées aux infrastructures routières elles-mêmes,

celles qui proviennent des montants prélevés au titre des coûts externes soient affectées à l’atténuation des effets négatifs du transport routier, notamment à la construction d’infrastructures de substitution, à la diffusion de carburants alternatifs, aux systèmes de guidage de substitution, à d’autres modes de transport et d’alimentation énergétique, ainsi qu’au soutien au réseau transeuropéen de transport,

l’article 9 de la directive soit modifié en conséquence.

4.9.

Le CESE juge tout aussi important de procéder à des investissements en vue de réduire le niveau des émissions de CO2 provenant du transport routier (voir paragraphe 2.12), qui ont une incidence très importante sur la qualité de l’environnement ainsi que sous l’angle des coûts externes, à concurrence de 1,8 à 2,4 % du PIB. Il appelle à l’adoption d’une approche intégrée de la réduction des émissions de CO2. La fixation de limites pour les émissions des nouveaux véhicules utilitaires lourds mis sur le marché de l’Union européenne est un instrument plus efficace pour la réduction des émissions que la tarification. Toutefois, elle n’est pas suffisante pour atteindre les objectifs fixés.

4.10.

Compte tenu de la persistance du problème de la congestion du trafic, à l’intérieur et à l’extérieur des zones urbaines, il conviendrait de recourir à des aides financières de l’Union européenne aux systèmes avancés de gestion du trafic et à des procédés efficaces de logistique par satellite afin d’éliminer les frais supplémentaires qui sont déjà à la charge des usagers. Les recettes provenant de l’adoption volontaire de ces mesures doivent en tout état de cause aller directement au financement de solutions de substitution dont l’incidence est neutre.

4.11.

Il importe de promouvoir les transports publics et de définir la tarification routière de manière à respecter et à atteindre cet objectif, en ce qui concerne aussi bien le principe de l’utilisateur-payeur que celui du pollueur-payeur.

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE soutient l’objectif du service européen de télépéage (SET), qui prévoit «un dispositif embarqué interopérable associé à un contrat et à une facturation» dans l’ensemble de l’Union européenne, ce qui créerait un marché unique et offrirait aux opérateurs de transport routier commercial la garantie d’avoir un seul fournisseur, un marché unique et une seule facture.

5.2.

L’expérience du Brenner en matière d’application d’une majoration du prix du péage conformément aux principes et aux limites définis par la directive, aux fins de la réalisation d’infrastructures de substitution, est en train de démontrer son utilité et son acceptation par la population locale. Par conséquent, le CESE envisage positivement la possibilité de l’étendre à d’autres zones sensibles.

5.3.

De l’avis du CESE, le système d’abattements prévu à l’article 7, défini après de longues discussions et analyses pour les véhicules utilitaires lourds, apparaît équitable et non discriminatoire, et pourrait s’appliquer de la même manière aux véhicules utilitaires légers en réduisant les disparités actuelles entre les usagers occasionnels ou étrangers et les usagers réguliers/nationaux constatées dans certains pays. L’article 7 bis devrait donc être modifié comme indiqué.

5.4.

La comparaison des redevances pour coûts externes pour certaines catégories de véhicules, par exemple entre camions Euro V et Euro VI, met en évidence une pénalisation substantielle des véhicules moins polluants, que le CESE considère injustifiée. Le CESE invite à réviser les redevances pour coûts externes définies dans les annexes de la directive en favorisant les véhicules à plus faible intensité d’émissions. Dans le cas des véhicules à émissions nulles, il souscrit à la possibilité de réduire temporairement les redevances d’utilisation de l’infrastructure.

5.5.

Le CESE demande à la Commission de mettre à jour régulièrement l’évaluation scientifique des péages, y compris celles des conditions locales, en tenant compte des spécificités du territoire, mais en évitant des discriminations non justifiées par des bases scientifiques solides.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  FMI, Perspectives de l’économie mondiale, octobre 2014.

(2)  Forum international des transports (2015), Perspectives des transports FIT 2015, Éditions OCDE, Paris.

(3)  Règlement (UE) no 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport et abrogeant la décision no 661/2010/UE (JO L 348 du 20.12.2013, p. 1).

(4)  En 2014 et 2015, le total des investissements réalisés, grâce aux ressources financières des institutions de l’Union européenne (c’est-à-dire RTE-T/MIE, FEDER/FC et prêts de la BEI), dans les infrastructures du réseau central et du réseau global du RTE-T a représenté 30,67 milliards d’EUR dans l’UE28.

(5)  Impact assessment for the Eurovignette Directive (Évaluation de l’impact de la directive Eurovignette).

(6)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 10.

(7)  Les transports dans l’UE en chiffres, Commission européenne, 2016, sur la base de données fournies par Eurostat.

(8)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 84.

(9)  «Support Study for the Impact Assessment Accompanying the Revision of Directive 1999/62/EC» (étude d’appui à l’analyse d’impact accompagnant la révision de la directive 1999/62/CE), contrat d’étude no MOVE/A3/119-2013 — mai 2017.

(10)  COM(2016) 766 final.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/195


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L’Europe en mouvement — Programme pour une transition socialement équitable vers une mobilité propre, compétitive et connectée pour tous»

[COM(2017) 283 final]

(2018/C 081/27)

Rapporteur:

M. Ulrich SAMM

Corapporteur:

M. Brian CURTIS

Consultation

Commission européenne, 5 juillet 2017

Base juridique

article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

2 octobre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

111/0/0

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le programme en faveur de la mobilité qu’expose la Commission dans sa communication «L’Europe en mouvement» [COM(2017) 283 final] (ci-après «la communication») traduit l’ambition que nourrit l’Europe d’accomplir des progrès rapides en vue de mettre sur pied d’ici à 2025 un système de mobilité propre, compétitive et connectée qui intègre tous les moyens de transport et couvre toute l’Union. Les transports routiers en Europe, auxquels s’attache essentiellement la communication à l’examen, s’appuient sur une industrie qui est l’un des principaux acteurs mondiaux en matière de fabrication et de prestation de services. La branche manufacturière de ce secteur emploie 11 % de l’ensemble des travailleurs du secteur de la production industrielle dans toute l’Union européenne et génère 7 % du PIB de l’Union européenne.

1.2.

La communication à l’examen met en évidence le lien avec les principales priorités de l’union de l’énergie, avec le marché unique numérique et le plan d’investissement pour l’Europe. En particulier, elle entend résoudre certains problèmes qui subsistent au sein du marché unique en matière de transport, tout en conservant une perspective équilibrée concernant les droits de l’homme et du travail et les aspects environnementaux.

1.3.

Le bon fonctionnement de l’espace européen unique des transports est tributaire d’un cadre réglementaire adéquat. Le CESE est d’avis que bien souvent, les modifications proposées de la législation en ce qui concerne l’accès à la profession, l’accès au marché — y compris en matière de cabotage — et les conditions de travail, notamment les temps de conduite et les périodes de repos et les règles spécifiques concernant le détachement des travailleurs dans le secteur des transports routiers, ne réussissent pas dans les faits à résoudre les problèmes dont elles traitent. Les propositions spécifiques relatives à ces questions sont traitées dans des avis distincts du Comité. Au vu de l’importance cruciale que revêt un cadre réglementaire adéquat pour faire en sorte que le marché intérieur fonctionne correctement, le CESE souligne combien il est urgent de trouver des solutions appropriées qui ne provoquent pas de perturbations. Dans ce contexte, le CESE fait valoir qu’il escompte que la future proposition relative au transport combiné aborde également les problèmes d’accès au marché.

1.4.

Selon toute probabilité, la numérisation révolutionnera les technologies des transports terrestres. Ces technologies offrent une abondance de nouveaux dispositifs aux consommateurs et aux entreprises désireux d’accroître la qualité, la commodité, la souplesse, le caractère abordable du prix et la sécurité des services qu’ils utilisent, ainsi que ceux d’équipements de toute sorte. Le CESE relève que cette nouvelle technologie recèle la capacité à la fois d’améliorer l’efficacité du marché des transports et de fournir les données analytiques qui contribueront au contrôle et à la mise en application de la législation existante et à la protection des droits humains et sociaux.

1.5.

À présent, la conduite automatique recèle des possibilités susceptibles de changer la donne, et pourrait, tout en fournissant de nouveaux services et débouchés commerciaux, améliorer fortement la sécurité active des véhicules et réduire sensiblement le nombre de victimes. Le CESE encourage la Commission à continuer de mener le projet Vision zéro à l’horizon 2050, car ses objectifs importent au plus haut point pour notre société et l’ensemble des citoyens.

1.6.

Le CESE approuve vivement la proposition de la Commission de surmonter le manque d’interopérabilité entre les différents systèmes existants de télépéage dans les États membres et de mettre en œuvre un cadre commun d’interopérabilité. Le CESE estime également qu’un système de tarification routière souple, équitable, transparent et non discriminatoire, conforme aux principes de l’«utilisateur-payeur» et du «pollueur-payeur», aurait un effet bénéfique, à condition que les recettes qu’il engendre soient préaffectées. Une pleine préaffectation des recettes pourrait apporter à l’Europe plus de 500 000 possibilités d’emploi supplémentaires.

1.7.

Le CESE relève l’écart (de 13 %) entre la réduction des émissions des transports routiers escomptée dans la cadre du train de mesures à l’examen et celle de quelque 18-19 % auxquelles devrait procéder le secteur des transports pour contribuer à réaliser les objectifs énergétiques et climatiques à l’horizon 2030. Il ne sera possible de réduire cet écart que si les États membres déploient des efforts substantiels afin de stimuler la mise en place d’initiatives en faveur de transports routiers «propres».

1.8.

Le CESE entend souligner que la production d’électricité propre est une condition indispensable à la réussite d’une mise sur le marché en masse des véhicules électriques. Indépendamment de la source particulière d’électricité, les véhicule électriques peuvent contribuer à réduire la pollution atmosphérique au plan local, tandis qu’il ne sera possible d’atteindre les objectifs globaux de l’Union européenne en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre que grâce à une politique de production d’électricité propre.

1.9.

La confiance des consommateurs à l’égard de l’industrie automobile et du système de régulation, a été gravement ébranlée récemment. Il est crucial de rétablir cette confiance grâce à des normes réalistes d’émissions et à des procédures appropriées de contrôle; le Comité déplore l’abandon, précédemment au cours de 2017, de la proposition de la Commission d’une autorité indépendante compétente pour toute l’Europe chargée de superviser les contrôles des émissions des véhicules, après que certains États membres s’y soient opposés.

1.10.

Il y a lieu d’établir en Europe des objectifs clairs et ambitieux en matière de véhicules mus par des énergies propres afin de stimuler le secteur manufacturier dans les domaines de la recherche, de la mise sur le marché et de la production. Seul un solide programme de recherche qui englobe tout le spectre entre la recherche fondamentale, l’innovation et la mise sur le marché permettra de surmonter les limitations techniques qui continuent d’empêcher d’introduire plus rapidement des systèmes de traction de substitution.

1.11.

Le Comité souhaiterait que l’on reconnaisse davantage qu’il est important de soutenir un transfert modal en multipliant les mesures incitatives destinées à encourager les transports publics et le report du fret de la route vers le rail. Si la stratégie globale peut contribuer à décarboner le transport routier, elle ne règlera pas nécessairement la question de la congestion et de la pollution, d’autant plus que la demande de transport routier devrait continuer à croître.

2.   Introduction

2.1.

La communication constitue la première étape substantielle du paquet «Mobilité», pour lequel d’autres propositions suivront encore au cours de cette année. Elle inscrit dans un contexte politique les propositions spécifiques dont traitent séparément des avis du Comité; elle avance des mesures d’appui telles que la tarification routière (y compris l’infrastructure requise), les carburants de substitution et la connectivité, une meilleure information des consommateurs, un marché intérieur plus dynamique et de meilleures conditions de travail pour le secteur du transport de marchandises par route, et propose des mesures destinées à «poser les bases» d’une mobilité coopérative, connectée et automatisée. Concrètement, la proposition de la Commission vise en premier lieu le secteur du transport routier.

2.2.

La communication met également en évidence le lien avec les principales priorités de l’union de l’énergie (efficacité énergétique et décarbonation du secteur des transports, y compris le déploiement de carburants à faible teneur en carbone et la promotion de l’électromobilité), avec le marché unique numérique, le programme en faveur de l’emploi, de la croissance et de l’investissement et le plan d’investissement pour l’Europe pour en appuyer la mise en œuvre, et les objectifs d’une équité accrue et d’un renforcement de la dimensions sociale posés par le socle européen des droits sociaux. Elle entend résoudre certains problèmes qui subsistent au sein du marché unique en matière de transport, tout en conservant une approche équilibrée des droits de l’homme et du travail et des aspects environnementaux, bien que certaines tensions demeurent.

2.3.

Le programme en faveur de la mobilité traduit l’ambition que nourrit l’Europe d’accomplir des progrès rapides en vue de mettre sur pied d’ici à 2025 un système de mobilité propre, compétitive et connectée intégrant tous les moyens de transport, qui couvre toute l’Union et qui relie celle-ci à ses voisins et au reste du monde. La réalisation de cet objectif hautement ambitieux s’appuie tant sur un secteur industriel qui est l’un des principaux acteurs mondiaux en matière de fabrication et de prestation de services que sur une volonté politique réelle et forte de la part des États membres.

2.4.

Il convient de garder à l’esprit que les États de l’Union tirent des recettes fiscales supérieures à 500 milliards d’euros du secteur des transports par véhicule. La branche manufacturière de ce secteur emploie 11 % de l’ensemble des travailleurs du secteur de la production industrielle dans toute l’Union européenne et génère 7 % du PIB de l’Union européenne, ainsi que des excédents commerciaux de 90 milliards d’euros. En fait, la puissance et l’importance de ce secteur sont telles qu’elles expliquent la lenteur des progrès accomplis dans de nombreux domaines de réglementation et d’amélioration dans toute l’Europe car plusieurs États membres considèrent justement ce secteur comme relevant de leur intérêt stratégique national. Beaucoup de temps est souvent nécessaire pour adopter et mettre en œuvre des changements vus comme menaçant les systèmes et les priorités nationaux, tels que l’ouverture du marché et la tarification routière.

2.5.

L’Europe ne part pas de rien. La mise en œuvre des objectifs du marché intérieur et de durabilité a produit des résultats significatifs. Le CESE a déjà fait connaître ses vues dans de nombreux avis, tels que ceux traitant de l’espace européen unique des transports (1), en ce qu’il constitue la colonne vertébrale d’un marché intérieur sans entrave, des déplacements multimodaux (2) et du marché intérieur du transport routier international de marchandises (3). Le développement durable de la politique européenne des transports (4) joue un rôle important, notamment la décarbonation des transports (5) et les effets des conclusions de la COP 21 en matière de politique européenne des transports (6). Les conséquences de la numérisation et de la robotisation des transports sur l’élaboration des politiques de l’Union européenne (7), ainsi que les perspectives des systèmes de transport intelligents coopératifs (8), seront des éléments de la politique des transports de l’Union européenne qui ne cesseront de gagner en importance et dont le CESE a également traité.

2.6.

Il reste néanmoins beaucoup à faire. Le programme en faveur de la mobilité doit poser les jalons d’un système européen de transport en mesure de relever les principaux défis que posent la numérisation et l’incidence sur l’environnement.

3.   La numérisation

3.1.

Une numérisation et une automatisation fondées sur un internet rapide et fiable offrent une abondance de nouveaux dispositifs aux consommateurs et aux entreprises désireux d’accroître la qualité, la commodité, la souplesse, le caractère abordable du prix et la sécurité des services qu’ils utilisent, ainsi que ceux d’équipements de toute sorte. Elles offrent également de nouvelles techniques efficaces pour analyser, contrôler et mettre en application la législation existante et la protection des droits humains et sociaux. Selon toute probabilité, la numérisation révolutionnera tout particulièrement les technologies des transports terrestres. Un objectif général doit consister à harmoniser les systèmes ou à trouver des solutions pour permettre à ces derniers d’opérer par-delà les frontières, car il s’agit d’un aspect crucial pour le fonctionnement sans accroc du marché intérieur. À cet égard, l’on peut citer l’exemple de l’introduction imminente des tachygraphes intelligents. Toutefois, le délai fixé pour la mise en conformité proposée des véhicules existants est de quinze ans. Il convient d’avancer sensiblement ce calendrier.

3.2.

La stratégie de l’Union européenne pour une mobilité coopérative, connectée et automatisée (STI-C) et pour sa mise en œuvre décrit les premières étapes sur la voie de la conduite automatisée (se référer également à cet égard au dossier TEN/621). La connectivité entre les véhicules terrestres et entre ces derniers et des infrastructures fixes constitue un élément essentiel indispensable à l’avenir pour tirer pleinement parti des technologies numériques. Le CESE approuve par conséquent les objectifs stratégiques à l’horizon 2025 exposés dans la récente communication sur la «société européenne du gigabit» (9). Celle-ci a défini un calendrier pour le déploiement de l’infrastructure européenne de haut débit à forte capacité qui fournirait une couverture 5G ininterrompue avec une connectivité internet à très haute capacité le long de tous les grands axes de transport terrestre.

3.3.

La numérisation sera également cruciale pour le développement de nouveaux modèles de marché, notamment de divers types de plateformes et de concepts d’économie du partage qui recèlent la possibilité d’accroître l’efficacité de l’utilisation des ressources, mais qui soulèvent également un certain nombre de problèmes d’ordre juridique, social et à l’endroit des consommateurs, tels que le rôle et le statut des plateformes internet et les changements que connaît le marché du travail.

3.4.

Les possibilités qu’ouvre la conduite automatisée, y compris les voitures sans conducteur, sont principalement considérées comme une chance pour faire valoir de nouveaux modèles commerciaux. Toutefois, les questions de responsabilité importent également et il convient de les clarifier au sein de l’Union européenne dans un cadre harmonisé. Une autre retombée de la conduite automatisée ou semi-automatisée réside dans sa capacité à accroître significativement la sécurité active des véhicules terrestres. Le nombre de victimes de la route a été divisé par quatre depuis les années 1970, en premier lieu grâce à l’introduction de dispositifs de sécurité passive dans les voitures. Néanmoins, 25 500 personnes ont encore malheureusement perdu la vie sur les routes de l’Union européenne en 2016. Il devrait être maintenant possible, en développant et en introduisant des dispositifs avancés de sécurité active (conduite semi-automatique, voitures connectées), de réduire sensiblement le nombre de victimes, voire même de l’amener à zéro, comme le prévoit le projet «Vision zéro» dans le domaine de la sécurité. Ce projet, lancé en Suède en 1997 avant d’être repris par l’Union européenne, n’a cependant jamais obtenu les résultats escomptés. À présent, la conduite automatique est susceptible de changer la donne. Le CESE encourage la Commission à continuer de mener le projet Vision zéro à l’horizon 2050, car cet objectif importe au plus haut point pour notre société et l’ensemble des citoyens.

4.   L’espace européen unique des transports

4.1.

Le CESE se félicite que la Commission européenne ait pris l’initiative de clarifier le cadre réglementaire relatif au marché du transport routier et à en garantir une meilleure application, tout en améliorant les conditions de travail et en luttant contre le dumping social en vue d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur dans ce secteur. Les modifications proposées concernent l’accès à la profession, l’accès au marché — y compris en matière de cabotage — et les conditions de travail, notamment les temps de conduite et les périodes de repos et les règles spécifiques concernant le détachement des travailleurs dans le secteur des transports routiers.

Toutefois, le CESE estime que bien souvent, les modifications proposées de la législation, bien qu’elles démontrent la volonté de rendre les règles aisément applicables et de garantir une concurrence loyale, ne réussissent pas dans les faits à résoudre les problèmes dont elles traitent, notamment ceux qui se sont manifestés lors de la mise en œuvre du cadre en vigueur. Le CESE prend note du fait que l’initiative a suscité des réactions divergentes parmi les États membres, les partenaires sociaux et les opérateurs. Il maintient que la seule manière viable de progresser passe par une législation claire et simple à appliquer qui instaure une sécurité juridique en matière d’accès au marché et une protection adéquate des droits sociaux. Le CESE souligne également la nécessité de recourir à des technologies informatiques modernes (tachygraphes, etc.) et à des infrastructures efficaces (aires de stationnement sûres) pour en faciliter la mise en œuvre et l’application réelle. Il est surprenant que le transport combiné ne soit traité dans la communication que sous l’angle de l’optimisation de la durabilité des transports et non comme un problème d’accès au marché. (Pour davantage de précisions sur les positions du CESE sur ces propositions, il convient de se reporter aux avis distincts qu’il a adoptés).

4.2.

Le CESE se félicite de l’intention de modifier la directive relative à l’utilisation de véhicules loués sans chauffeur dans le transport de marchandises par route mais entend exprimer quelques réserves concernant ses éventuelles conséquences. Celles-ci sont de deux ordres: l’un concerne la possible multiplication des «sociétés boîtes aux lettres», tandis que l’autre se rapporte au risque qu’un opérateur puisse procéder à des transports illicites de cabotage sans être repéré.

4.3.

Le CESE estime que la mise en œuvre d’un système de tarification routière souple, équitable, transparent, non discriminatoire et non bureaucratique, conforme aux principes de l’«utilisateur-payeur» et du «pollueur-payeur», aurait un effet bénéfique si l’on préaffectait les recettes issues de l’utilisation des infrastructures routières et si l’on maintenait le marché intérieur du transport exempt de pratiques discriminatoires. Une pleine préaffectation des recettes pourrait apporter à l’Europe plus de 500 000 possibilités d’emploi supplémentaires. Le CESE approuve vivement la proposition de la Commission de surmonter le manque d’interopérabilité entre les différents systèmes existants de télépéage dans les États membres et de mettre en place un système uniforme de télépéage dans toute l’Union en s’appuyant sur des technologies avancées. (Pour davantage de précisions sur ces positions, il convient de se reporter aux avis qu’a adoptés le CESE sur ces questions spécifiques).

5.   Vers un système de transport durable

5.1.

Les transports représentent environ 20 % des émissions des gaz à effet de serre de l’Europe. Puisque les activités de transport vont croissant, il est nécessaire que les émissions de gaz à effet de serre diminuent pour réaliser les objectifs de l’Union européenne en matière d’énergie et de climat à l’horizon 2030. Par conséquent, le train de mesures publié en novembre 2016 en faveur d’«Une énergie propre pour tous les européens» prévoit notamment d’agir en vue d’accélérer le déploiement des carburants à faible intensité de carbone pour les transports et de soutenir l’électromobilité; le CESE s’en est félicité (10).

5.2.

Dans l’ensemble, l’on escompte que se prolonge le mouvement de fond à la baisse des émissions totales des transports du fait des grandes tendances actuellement à l’œuvre et des politiques adoptées, permettant d’obtenir une réduction de 13 % des émissions à l’horizon 2030 (et de 15 % à l’horizon 2050) par rapport à 2005. Toutefois, cette évolution ne correspond pas à la réduction rentable des émissions de quelque 18-19 % auxquelles devrait procéder le secteur des transports pour contribuer à réaliser les objectifs énergétiques et climatiques à l’horizon 2030. Le CESE reconnaît que l’instauration de limites d’émissions pour les nouveaux véhicules constitue un instrument efficace pour réduire les émissions, mais qu’elle ne suffit pas pour réaliser les objectifs fixés. Il convient donc de la compléter par des mesures en vue d’améliorer encore l’efficacité énergétique et de promouvoir des carburants et des systèmes de propulsion de substitution, dont le gaz naturel liquéfié et l’électricité, au moyen de systèmes embarqués ou de routes électrifiées, ainsi que par une tarification routière.

5.3.

Les véhicules électriques suscitent de grands espoirs, comme l’illustrent de manière exemplaire les déclarations des États membres indiquant vouloir suivre l’exemple de la Norvège, de la France et du Royaume-Uni s’agissant d’interdire (à l’horizon 2025 pour la première et 2040 pour ce dernier) tout nouveau véhicule équipé d’un moteur à combustion interne (qu’il soit à essence ou gazole). Dans le monde entier, le marché des véhicules électriques connaît une forte croissance. Le nombre de véhicules électriques en circulation dans le monde a franchi en 2016 le cap des deux millions, mais il continue de ne représenter que 0,2 % de l’ensemble des voitures particulières, selon les données publiées en 2017 par l’Agence internationale de l’énergie. En termes absolus, la plus forte croissance se produit en Chine et se nourrit principalement des problèmes de pollution atmosphérique et des objectifs de réduction. En Europe, il y a lieu d’établir des objectifs clairs et ambitieux en matière de véhicules mus par des énergies propres afin de stimuler le secteur manufacturier dans les domaines de la recherche et de la production.

5.4.

Des limitations techniques liées aux performances des batteries ont empêché de mettre plus rapidement les véhicules électriques sur le marché. Alors que le prix des batteries baisse plus rapidement que prévu, celles-ci se heurtent à quelques problèmes persistants posés par des paramètres (jouant parfois de manière contradictoire) qui limitent les performances des véhicules électriques: le poids, la capacité de charge (le rayon d’action), la vitesse de charge et des questions touchant à leur durée de vie et leur détérioration. Néanmoins, l’on commence à reconnaître les véhicules électriques comme le domaine essentiel d’une future croissance pour les véhicules automobiles et les utilitaires légers.

5.5.

Seul un solide programme de recherche qui englobe tout le spectre entre la recherche fondamentale et l’innovation permettra de surmonter ces limitations techniques. L’Europe dispose de programmes de recherche bien ciblés, notamment Horizon 2020, et la recherche s’attache activement à d’autres champs différents, tels que de nouveaux types de batterie ou les piles à combustible et l’hydrogène. Ces visées sont prometteuses, mais une bonne partie de ces recherches ne se trouvent encore qu’à leurs débuts. Nous disposons toutefois dès à présent de quelques résultats initiaux, comme le montre l’entreprise commune Piles à combustible et hydrogène (www.fch.europa.eu).

5.6.

Afin de dissiper les incertitudes qui planent sur l’avenir de systèmes de traction pour les véhicules, il est nécessaire que l’Union européenne continue de disposer au sein du prochain programme-cadre d’une priorité pour la recherche spécifiquement en rapport avec les transports, domaine dans lequel les stratégies de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation dans le domaine des transports, telles que les a esquissées la Commission européenne, et des plates-formes technologiques européennes à l’instar du Conseil consultatif pour la recherche sur l’aéronautique en Europe constituent une base solide. En outre, une coopération couvrant l’ensemble de la chaîne des niveaux de maturité technologique, de la recherche fondamentale jusqu’à son application, constitue la manière la plus efficace de parvenir à une mise sur le marché.

5.7.

Le CESE entend pointer à nouveau (11) l’existence d’un manque d’harmonisation du financement de la recherche entre les États membres et l’Union européenne. L’on peut citer l’exemple du concept «Power-to-X», c’est-à-dire la conversion électrochimique de la vapeur et du dioxyde de carbone en utilisant une énergie issue de sources renouvelables en vue de produire des carburants synthétiques, qui bénéficie d’un appui important d’un programme de financement en Allemagne (12), sans qu’il n’existe d’approche complémentaire du côté de l’Union européenne.

5.8.

Pour en rester aux technologies existantes, l’Europe connaît actuellement une demande en forte croissance pour les batteries. Une large majorité des capacités mondiales de production de cellules se trouve en Asie et aux États-Unis. Le CESE partage les préoccupations de la Commission quant à la forte dépendance dont pâtira l’industrie automobile par rapport aux importations de cellules de batteries, qui exposera ainsi son approvisionnement à divers risques. Il est de l’intérêt des constructeurs automobiles européens de disposer sur place d’une industrie européenne de la batterie en mesure de répondre à la demande.

5.9.

L’aide à l’électromobilité ne se résume pas au développement de batteries. Pour les poids lourds en particulier, l’on compte parmi les solutions de rechange la possibilité de routes électrifiées autorisant une propulsion électrique au moyen de câbles aériens ou de rails posés dans la chaussée (autoroute électrifiée, etc.). Les systèmes alternatifs de propulsion ont en commun la question de l’importance du développement des normes communes afin d’autoriser une circulation par-delà les frontières et de créer un marché au moins paneuropéen, voire même, de préférence, mondial. Le réseau RTE-T, notamment les corridors de réseau central, pourrait constituer un instrument à cette fin.

5.10.

Le moteur à combustion interne, qui constitue la clef de voute de notre mobilité routière, se heurte à une opposition croissante. S’agissant des émissions des véhicules, il s’est produit une grave baisse de la confiance à l’égard des entreprises et des systèmes de régulation, tout spécialement à l’heure actuelle, lorsqu’a été révélée l’existence de «dispositifs d’invalidation» illégaux. Ces derniers perturbent ou empêchent les contrôles des émissions dans des conditions réelles de conduite. Dans ces mêmes conditions, il est cependant notoire que les véhicules qui satisfont à la procédure officielle de contrôle des émissions produisent des niveaux bien plus importants de pollution, même en faisant abstraction du recours à des astuces illégales. Le fait que cet écart n’ait cessé de se creuser au cours des dernières décennies explique pour l’essentiel les problèmes actuels. Il s’impose de rétablir de toute urgence la confiance des consommateurs à l’égard de l’industrie automobile, ainsi qu’à l’endroit du système de régulation, grâce à des normes réalistes d’émissions et à des procédures appropriées de contrôle. Le Comité déplore l’abandon, précédemment au cours de 2017, de la proposition de la Commission d’une autorité indépendante compétente pour toute l’Europe pour superviser les contrôles des émissions des véhicules, après que certains États membres s’y soient opposés.

5.11.

Néanmoins, le débat où l’on oppose les moteurs à combustion à la traction électrique ne doit pas se cantonner aux normes d’émissions. Il faut tout spécialement distinguer leurs effets sur le réchauffement du climat à l’échelle mondiale de ceux sur la pollution atmosphérique au plan local. Si l’on entend réduire cette dernière au minimum, les véhicules électriques qui ne produisent localement aucune émission constituent la meilleure solution. Toutefois, ces mêmes véhicules ne sont d’ordinaire pas exempts de toute émission, pour peu qu’on les considère de manière globale. Le volume de ces émissions dépend de la méthode de production de l’électricité nécessaire pour charger les batteries, ainsi que des procédés de fabrication de ces dernières. Au vu des fortes disparités qui prévalent entre les États membres pour ce qui est de la part de la production d’électricité décarbonée, il est manifeste que la capacité des véhicules électriques à contribuer à réaliser avec succès les objectifs climatiques de l’Union européenne dépend du pays dans lequel fonctionne un véhicule électrique donné. Le soutien qu’apporte l’Union européenne à l’électromobilité doit tenir compte du fait que cette question est indissociable du domaine de la production d’électricité, tel qu’il est débattu dans le contexte de l’union européenne de l’énergie.

5.12.

Pour conduire sur de longues distances et mener des travaux lourds, les moteurs à combustion conservent à l’heure actuelle toute leur supériorité sur la route. Au vu du rythme auquel la traction électrique sera en mesure de combler cet écart, nous devrions nous préparer à une longue période de transition, au cours de laquelle coexisteront les deux systèmes de traction. Les véhicules hybrides, par exemple, capables d’alterner une motorisation à combustion pour de longs trajets et la traction électrique en ville, pourraient fournir une solution pour laquelle l’industrie automobile européenne dispose de bons atouts. Les véhicules électriques à batterie ne conviennent pas pour certaines utilisations (telles que le fret à longue distance). Il existe un large éventail de technologies auxquelles il est possible de recourir, telles que les piles à combustible à hydrogène et les autoroutes électrifiées. Il est indispensable que l’Europe investisse dans leur développement pour affirmer sa primauté industrielle dans les transports écologiques.

5.13.

Le CESE soutient le développement de la formation professionnelle en matière de logistique dans l’ensemble des États membres afin de fournir les nouvelles compétences qui étayeront les initiatives prévues par le train de mesures à l’examen.

5.14.

Il convient de relever que dans toute l’Union européenne, des grandes villes ont mis en place de manière indépendante un large éventail d’initiatives pour faire face à la congestion et à la pollution. Le CESE encourage la Commission à élargir ses travaux en cours avec les autorités municipales en matière de bonnes pratiques et de diffusion de l’information.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 291 du 4.9.2015, p. 14.

(2)  JO C 12 du 15.1.2015, p. 81.

(3)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 176

(4)  JO C 248 du 25.8.2011, p. 31

(5)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 55.

(6)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 10.

(7)  JO C 345 du 13.10.2017, p. 52.

(8)  JO C 288 du 31.8.2017, p. 85.

(9)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 51.

(10)  JO C 246 du 28.7.2017, p. 64.

(11)  JO C 34 du 2.2.2017, p. 66.

(12)  https://www.kopernikus-projekte.de/projekte/power-to-x


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/201


Avis du Comité économique et social européen sur l’«Accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée — Chapitre consacré au commerce et au développement durable»

(2018/C 081/28)

Rapporteur:

Dumitru FORNEA

Consultation

Commission européenne, 22 juin 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

28 septembre 2017

Adoption en session plénière

18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

127/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient les efforts internationaux en faveur du maintien de la paix, notamment par la promotion d’initiatives visant démilitariser et dénucléariser la péninsule coréenne. Dans le contexte actuel, le Comité souhaite tout d’abord exprimer sa solidarité totale et inconditionnelle avec la République de Corée s’agissant des menaces qui proviennent de la Corée du Nord.

1.2.

Le Comité économique et social européen reconnaît que, dans l’ensemble, l’accord de libre-échange (ALE) conclu entre l’Union européenne (UE) et la République de Corée (1) a donné des résultats économiques et sociaux encourageants.

1.3.

Néanmoins, la mise en œuvre de ses aspects qui concernent le développement durable et, en particulier, les questions liées au travail, reste insatisfaisante. Le Comité réaffirme les positions adoptées par le groupe consultatif interne (GCI) de l’Union européenne (2), et notamment la recommandation que la Commission européenne devrait engager des consultations avec le gouvernement coréen concernant la mise en œuvre de ses engagements en matière de liberté d’association et de négociation collective.

1.4.

Au cours des cinq dernières années, les mécanismes de la société civile qui sont visés au chapitre consacré au commerce et au développement durable (CDD) de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée ont fait l’objet d’un renforcement constant; la représentativité et la représentation équilibrée des parties prenantes se sont considérablement améliorées, les GCI (tant de l’Union européenne que de la Corée) se sont réunis régulièrement et le Forum annuel de la société civile UE-Corée, qui rassemble le GCI de l’Union européenne et le GCI coréen, a tenu sa cinquième réunion en février 2017.

1.5.

Jusqu’à présent, quatre thèmes majeurs ont dominé les débats et les activités des GCI: les droits fondamentaux du travail, la responsabilité sociale des entreprises (RSE), l’économie verte et le commerce dans le contexte du développement durable, ainsi que la politique en matière de changement climatique, y compris les systèmes d’échange de quotas d’émissions dans l’Union européenne et en Corée. Afin de continuer à renforcer le rôle de ces mécanismes consultatifs et de répondre à un nombre accru de préoccupations exprimées par différentes organisations de la société civile, le CESE recommande que les GCI puissent examiner des questions concernant la société civile ou le développement durable et s’exprimer sur tous les aspects couverts par l’accord de libre-échange dans son ensemble.

1.6.

Le Comité recommande que, compte tenu de l’entrée en vigueur d’un nombre croissant d’accords commerciaux de l’Union européenne et, partant, de la multiplication des mécanismes de suivi par la société civile, la Commission garantisse à présent de toute urgence que soient disponibles les fonds nécessaires qui permettront à ces mécanismes de fonctionner correctement. En ce qui concerne spécifiquement l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée, il devrait notamment s’agir de fonds pour l’organisation d’activités pertinentes, dont la réalisation de travaux d’analyse ou l’organisation d’ateliers en marge des réunions annuelles conjointes avec le GCI de la Corée.

1.7.

L’expérience acquise par le passé montre que dans le contexte de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée, une meilleure coordination entre les activités du GCI de l’Union européenne et des institutions européennes, ainsi qu’entre ces activités et celles d’autres organisations internationales, telles que l’organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a permis de renforcer considérablement la cohérence et la qualité du dialogue entre l’Union européenne et la Corée. Le CESE recommande d’utiliser, au cours de la période à venir, les méthodes de travail élaborées grâce à cette coopération interinstitutionnelle, notamment en mettant en place de nouveaux partenariats dans le cadre d’activités et de projets pertinents.

1.8.

Afin d’assurer la mise en œuvre effective du chapitre sur le commerce et le développement durable, le CESE estime qu’il est essentiel que les parties prennent en considération et suivent les recommandations formulées par la société civile, fournies par les GCI et le forum de la société civile UE-Corée. Le comité «Commerce et développement durable» devrait répondre aux questions concernant le commerce et le développement durable et aux recommandations formulées par les GCI, dans un délai raisonnable.

1.9.

Le CESE invite la Commission européenne et le Parlement européen à promouvoir, dans le cadre des discussions bilatérales avec les partenaires coréens, des initiatives et des mesures politiques destinées à mettre en œuvre la protection des droits de propriété intellectuelle (PI) et la lutte contre la contrefaçon, notamment en exploitant la diversité culturelle, grâce à des encouragements visant à parvenir à un équilibre dans les échanges de produits et de services qui proviennent des industries culturelles et créatives de l’Union européenne et de la Corée.

1.10.

Le CESE souligne qu’il importe de continuer à sensibiliser les entreprises européennes, en particulier les PME, aux possibilités qu’ouvre l’accord de libre-échange. L’on peut améliorer le taux d’utilisation des préférences tarifaires, qui a atteint 71 % en 2016, en augmentation par rapport à 2015, où il était de 68 %, en recourant à des mesures de facilitation des échanges et à la réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires mais aussi en créant davantage d’occasions de communication et de coopération entre les partenaires européens et coréens concernés.

1.11.

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée a été très important pour le secteur de l’agroalimentaire. Le commerce agroalimentaire entre l’Union européenne et la Corée a augmenté rapidement au cours des dernières années. En raison des problèmes rencontrés par le secteur agricole de l’Union européenne à la suite de l’embargo russe et des restrictions imposées par la Chine sur les exportations coréennes, tant l’Union européenne que la Corée ont besoin d’accéder à de nouveaux marchés. La Commission européenne devrait redoubler d’efforts pour simplifier l’accès des produits agricoles et alimentaires européens au marché coréen.

1.12.

Le Comité souligne l’importance des mécanismes consultatifs instaurés par l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée, à savoir les GCI et le forum de la société civile, en tant qu’ils constituent des instruments efficaces et représentatifs qui sont aptes à soutenir les initiatives des institutions européennes visant à mettre en œuvre les objectifs de développement durable et l’accord de Paris et à renforcer la coopération internationale portant sur le développement durable, la protection de l’environnement et le changement climatique.

2.   Contexte

2.1.

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée est entré en vigueur le 1er juillet 2011. Parmi la «nouvelle génération» d’accords de libre-échange bilatéraux conclus par l’Union européenne, il s’agissait du premier à avoir été mis en œuvre. Son évaluation offre dès lors l’occasion d’examiner les progrès réalisés non seulement dans le cadre de cet accord spécifique de libre-échange, mais aussi dans celui des autres accords conclus par la suite. Cependant, puisque le mandat de négociation de l’accord de libre-échange est antérieur au traité de Lisbonne, il ne pouvait pas couvrir les investissements.

2.2.

D’une manière générale, l’accord de libre-échange a produit des résultats commerciaux positifs pour l’Union européenne, comme l’a indiqué la Commission européenne. Ses données montrent que, d’un point de vue statistique, cinq ans après le début de la mise en œuvre de l’accord, les exportations de biens de l’Union européenne vers la République de Corée ont augmenté de 59 %, pour un montant qui est passé de 28 milliards d’EUR en 2010, la dernière année avant la mise en œuvre provisoire, à 44,5 milliards en 2016. En conséquence, le déficit commercial de 11,6 milliards d’EUR que l’Union européenne enregistrait vis-à-vis de la Corée en 2010 s’est transformé en un surplus de 3,1 milliards d’EUR en 2016. Entre 2010 et 2015, ses exportations de services à destination de ce pays ont augmenté de 49 %, contre 32 % pour ses importations d’origine coréenne. Dans le secteur des services, l’Union a enregistré un excédent commercial de 4,8 milliards d’EUR en 2015. Sur la même période, le stock d’investissements directs étrangers (IDE) à l’intérieur de l’Union européenne a crû de 59 %, tandis que pour l’extérieur (c’est-à-dire les investissements de l’Union européenne en Corée), sa hausse a été de 33 % (3).

2.3.

La Commission européenne entreprend actuellement d’évaluer cet accord de libre-échange (4). Elle a demandé au CESE d’y contribuer avec sa propre évaluation de la mise en œuvre de l’accord et en particulier de son chapitre sur le commerce et le développement durable. Pour formuler les conclusions du présent avis, il a été tenu compte, entre autres, des documents et des positions du GCI de l’Union européenne et des ateliers pertinents qui ont été organisés à Séoul et à Bruxelles (5).

3.   Observations générales

3.1.

Le développement économique et social qu’a connu la Corée au cours des cinquante dernières années est considéré comme un véritable succès. De 2,36 milliards de dollars américains en 1961, le produit intérieur brut du pays a augmenté pour atteindre le niveau record de 1 411,3 milliards de dollars en 2014 (6). Au cours de cette période, la Corée a réussi à créer une base technologique et industrielle extraordinaire, capable de rivaliser avec celle de n’importe quelle autre puissance industrielle dans le monde.

3.2.

Malgré ces avancées, une vague de revendications sociales s’est répandue ces cinq dernières années au sein de la société coréenne, émanant des citoyens et de la société civile organisée, qui demandent une répartition plus équitable des retombées économiques entre toutes les classes sociales. Outre les droits des travailleurs, les préoccupations exprimées par les parties prenantes européennes et coréennes concernent l’absence de véritable dialogue civique et social dans le pays. Les grandes manifestations qui ont eu lieu à Séoul à la fin de l’année 2016 et au début de l’année 2017 ont confirmé cette situation.

3.3.

L’élection du président Moon Jae-in (7) est perçue comme le début d’une nouvelle ère pour les travailleurs, les agriculteurs, les consommateurs et les employeurs coréens, et de nombreuses organisations de la société civile ont salué les engagements du président récemment élu en faveur du renforcement de la justice sociale, en particulier des droits des travailleurs, des salaires décents et de la sécurité de l’emploi, ainsi que son intention d’examiner la question des dirigeants syndicaux incarcérés (8).

4.   Le mécanisme de suivi de la société civile au titre du chapitre sur le commerce et le développement durable de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée

4.1.

Les dispositions des accords de libre-échange «nouvelle génération» prévoient un mécanisme de consultation de la société civile. Dans le cas de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée, il prend la forme de deux groupes consultatifs internes (GCI), l’un pour la partie européenne et l’autre pour la partie coréenne, qui supervisent la mise en œuvre de l’accord et formulent des recommandations aux parties (9).

4.2.

En plus des GCI établis par chaque partie, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée prévoit également la tenue, une fois par an, d’un forum de la société civile (10), dans le cadre duquel les deux groupes consultatifs se rencontrent lors d’une réunion conjointe pour travailler ensemble et peuvent élaborer des avis et recommandations.

4.3.

Le Comité se félicite vivement de la valeur ajoutée qui en résulte par rapport aux autres accords de libre-échange. Ces réunions communes sont expressément inscrites dans l’accord et le Comité regrette qu’elles ne soient pas encore devenues la pratique courante.

4.4.

L’accord de libre-échange de l’Union européenne avec la Corée, qui date de 2010, a été, parmi ceux qu’elle a conclus, le premier à comprendre un chapitre spécifique «Commerce et développement durable» et un autre qui prévoyait également un mécanisme de suivi par la société civile. Il s’agit d’une conséquence directe de la communication de la Commission intitulée «Une Europe compétitive dans une économie mondialisée» (11) publiée en octobre 2006. Il y était déclaré qu’«aspirant à la justice et à la cohésion sociale sur notre territoire, nous devons en outre chercher à promouvoir nos valeurs — y compris les normes en matière sociale et environnementale et la diversité culturelle — dans le monde entier» (12).

4.5.

Dans l’avis qu’il a consacré à cette communication, le CESE a expressément plaidé pour qu’un chapitre consacré au commerce et au développement durable soit inclus dans tous les accords de libre-échange à venir et qu’un rôle actif de suivi soit octroyé à la société civile (13).

4.6.

Dans le sillage de l’accord avec la Corée, l’Union européenne a conclu sept accords commerciaux au sein desquels un chapitre sur le commerce et le développement durable occupe une place de choix, et d’autres sont en voie de ratification, notamment avec le Canada, le Viêt Nam, Singapour et le Japon. Le Comité a depuis lors demandé qu’un chapitre sur le commerce et le développement soit également inclus dans les accords d’investissement autonomes (14). Il estime que la mise en place de ces mécanismes constitue un bon exemple de mise en œuvre des valeurs de l’Union européenne, bien que le moment soit venu de procéder à une évaluation globale (15), fondée sur l’expérience acquise à ce jour.

4.7.

Pour la société civile locale, ces mécanismes de suivi ont souvent servi de premier point de contact direct avec l’Union européenne, lui offrant ainsi des moyens d’agir d’une ampleur qu’elle n’avait jamais imaginée auparavant. Néanmoins, la plupart du temps, y compris dans le cas de la Corée, il existe de grandes différences sociales et culturelles, qui requièrent du temps et des efforts pour que les parties s’adaptent l’une à l’autre et se rapprochent, et qu’une confiance et une familiarité réciproques puissent se nouer et se développer. Dès lors, il faut parfois beaucoup de temps pour que ces mécanismes soient parfaitement instaurés et fonctionnels, et, dans plusieurs cas, des mesures spécifiques de renforcement des capacités s’avéreront nécessaires.

4.8.

Le Comité se réjouit d’avoir lui-même eu un rôle majeur à jouer et d’avoir été pleinement associé à la mise en place de ces mécanismes, que ce soit au niveau des membres ou par l’intermédiaire de son secrétariat. Il a une mission centrale à assumer dans ce volet des relations internationales de l’Union européenne.

4.9.

Les discussions menées au sein du GCI de l’Union européenne à la fin de son premier mandat, en 2015, ont conclu que le mécanisme offrait un canal supplémentaire de dialogue et de coopération avec les partenaires de la société civile sur les questions liées aux relations commerciales et au développement durable. Le mécanisme a également contribué au dialogue entre la Commission européenne et les représentants du gouvernement du pays partenaire, sans pour autant exclure ou limiter les échanges transitant par d’autres canaux existants. Néanmoins, la capacité du mécanisme à se traduire par des résultats tangibles sur le terrain doit encore être éprouvée.

4.10.

Le CESE tient à nouveau à souligner qu’il a fallu du temps et des efforts pour que le mécanisme devienne pleinement opérationnel. Dans une phase initiale, ce travail s’est concentré sur la création des GCI et du forum de la société civile, dont la structure institutionnelle a été mise en place et les capacités renforcées. C’est ensuite seulement que les membres des deux GCI ont évolué vers une compréhension commune concernant, notamment, le mandat du mécanisme, la représentativité des organisations de la société civile, la composition des GCI respectifs, les relations avec l’organisme intergouvernemental (c’est-à-dire la participation des présidents des GCI à la réunion du comité «Commerce et développement durable») ou les questions à débattre.

4.11.

Le dialogue s’est progressivement développé pour couvrir tout un éventail de questions et de nouveaux aspects y ont été inclus, tels que la participation d’un représentant de l’OIT aux discussions sur les normes du travail. Des projets conjoints sur des questions d’intérêt commun ont été lancés, comme celui géré par la Commission européenne sur le changement climatique et le système d’échange de quotas d’émissions avec la Corée et un autre, portant sur la convention no 111 de l’OIT, et des manifestations parallèles, tels que des ateliers, ont été organisées afin de permettre d’échanger les informations et les pratiques, en prévoyant une possibilité d’associer des représentants d’autres organisations et institutions pertinentes au-delà des GCI et de la société civile. À la demande de la partie coréenne, un atelier a été organisé en février 2017, sur les plans d’action nationaux en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), les entreprises et les droits de l’homme, et des points de contact nationaux ont été établis suivant les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.

4.12.

Le GCI de l’Union européenne entretient une coopération et un dialogue avec le Parlement européen et d’autres institutions de l’Union, notamment la Commission et le Service européen d’action extérieure (SEAE), qui l’informe régulièrement de la mise en œuvre du chapitre sur le commerce et le développement durable de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée.

4.13.

Des relations ont été entretenues avec la délégation de l’Union européenne à Séoul, pour laquelle il était important de disposer des capacités et de l’expertise nécessaires afin de suivre les questions liées au commerce et au développement durable. C’est pourquoi le CESE recommande vivement la création, au sein de la délégation, d’un poste spécifique chargé des questions de commerce et de développement durable.

4.14.

S’agissant des résultats obtenus, le CESE estime qu’il est toujours nécessaire de s’assurer que les recommandations formulées dans le cadre du mécanisme de la société civile soient prises au sérieux et fassent l’objet d’un suivi par chacune des parties. De même, il faut de toute urgence discuter, pour parvenir à une conception commune, des circonstances qui seraient susceptibles de déclencher le recours à la procédure de consultation gouvernementale qui est prévue à l’article 13.14, paragraphe 1, de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée (16).

4.15.

Aux termes de l’accord de libre-échange, les GCI devraient inclure des organisations indépendantes représentatives, dans une composition équilibrée avec les parties prenantes représentant les trois dimensions du développement durable.

4.16.

Parmi les membres du GCI devraient figurer, du côté de l’Union européenne, des organisations faîtières européennes, ainsi que des organisations qui ont un intérêt particulier ou une expérience spécifique dans le domaine du commerce, des investissements ou de la coopération entre l’Union européenne et la tierce partie concernée, ou qui disposent d’organisations partenaires, de succursales ou de bureaux locaux dans ce pays partenaire. Il convient en outre de mieux mettre à profit l’expertise et les informations disponibles grâce aux organisations participantes ou à leurs organisations membres.

4.17.

Le Comité recommande vivement que chaque GCI puisse examiner des questions concernant la société civile ou le développement durable (développement économique, développement social ou protection de l’environnement, exigences sanitaires et phytosanitaires ou questions ayant trait aux PME), y compris les principales retombées des mesures de mise en œuvre.

4.18.

Le Comité préconise que, compte tenu de l’entrée en vigueur d’un nombre croissant d’accords commerciaux de l’Union européenne et, partant, de la multiplication des mécanismes de suivi par la société civile, la Commission garantisse désormais au plus vite la disponibilité des fonds nécessaires pour permettre le bon fonctionnement desdits mécanismes. En ce qui concerne spécifiquement l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée, il devrait notamment s’agir de fonds pour l’organisation d’activités pertinentes, dont la réalisation de travaux d’analyse ou l’organisation d’ateliers en marge des réunions annuelles conjointes avec le GCI de la Corée.

4.19.

De même, le Comité demande instamment que la pratique établie consistant à organiser le forum de la société civile en concomitance avec la réunion annuelle du comité «Commerce et développement durable» devienne un élément permanent accepté par toutes les parties, y compris pour ce qui est de la participation des présidents des deux GCI aux réunions du comité «Commerce et développement durable».

4.20.

Le Comité se félicite du solide soutien apporté par la direction générale Commerce au GCI de l’Union européenne quand il a insisté pour que la composition du GCI de la Corée soit équilibrée, conformément aux dispositions de l’accord. En conséquence, ce GCI a modifié sa composition en 2014, de manière à refléter un meilleur équilibre entre les trois sous-groupes, bien que des difficultés subsistent concernant l’insuffisance de l’expertise et de la représentation des entreprises en son sein.

4.21.

Le Comité estime par ailleurs qu’il convient de réfléchir plus particulièrement à une communication efficace sur les activités du GCI auprès non seulement des autres organisations de la société civile mais aussi des autres institutions de l’Union européenne (notamment le Parlement européen), en particulier pour attirer davantage l’attention sur les travaux des GCI de l’Union européenne et encourager, à l’avenir, la participation d’autres organisations.

5.   Perspectives et défis pour les entreprises dans le cadre de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée

5.1.

Une enquête sur la confiance des entreprises réalisée en 2016 par la Chambre de commerce européenne en Corée montre que, pour les entreprises européennes, la Corée est et restera un marché important. L’industrie s’attend à ce que la révision des règles et des réglementations conduise à une plus grande liberté opérationnelle en Corée et rende moins complexes les activités commerciales dans ce pays. L’application discrétionnaire de la réglementation et la nature imprévisible de l’environnement législatif sont considérées comme les principaux problèmes qui entravent la bonne conduite des affaires en Corée (17).

5.2.

Les organisations d’entreprises européennes (18) estiment que l’on peut améliorer le taux d’utilisation des préférences tarifaires en informant les entreprises, les PME en particulier, des possibilités offertes par cet accord de libre-échange et, par ailleurs,

en réduisant les obstacles tarifaires et non tarifaires pour les exportations agroalimentaires européennes,

en facilitant les échanges commerciaux, y compris le dédouanement, la concurrence et les marchés publics,

en assurant une couverture complète, une réciprocité pleine et effective de l’accès au marché pour les produits industriels,

en créant des possibilités supplémentaires en matière de communication et de coopération entre les partenaires européens et coréens concernés.

5.3.

Les petites et moyennes entreprises européennes (notamment celles qui ne sont pas incluses dans les chaînes de valeur mondiales) demandent une remise à plat des statistiques commerciales, les ensembles de données existants ne donnant pas un aperçu clair des exportations indirectes et n’étant en mesure de contribuer utilement ni pour détecter de nouveaux débouchés pour les entreprises, ni pour évaluer les développements commerciaux dans différents secteurs. Il est proposé de passer des statistiques commerciales brutes à celles qui considèrent la valeur ajoutée.

5.4.

La protection des droits de propriété intellectuelle et la lutte contre la contrefaçon constituent également une problématique cruciale pour l’Union européenne et la Corée, notamment dans le domaine des industries créatives et culturelles: cinéma, mode, jeux vidéo, textiles intelligents, musique, etc. Il est donc essentiel d’accorder une attention accrue à la mise en œuvre de l’accord de libre-échange pour les questions qui sont liées à ce domaine. Certaines organisations européennes et internationales ont fait état de difficultés rencontrées en Corée concernant la protection effective des droits de propriété intellectuelle et leur exploitation. Des rapports ont notamment signalé des défaillances s’agissant d’assurer la garantie des droits de propriété intellectuelle pour les entreprises du secteur de la mode et du luxe, ou encore le plein droit d’exécution publique des œuvres musicales des producteurs, des artistes interprètes ou et des auteurs (19).

5.5.

Le protocole de 2005 de l’Unesco, intégré dans cet accord de libre-échange, devrait apporter des garanties suffisantes pour valoriser la diversité culturelle en protégeant de manière efficace les droits d’auteur et en encourageant l’équilibre dans les échanges de produits et de services provenant des industries culturelles et créatives de l’Union européenne et de la Corée. Certaines entreprises européennes considèrent qu’il est nécessaire d’améliorer la coopération et le dialogue dans ce domaine, afin d’éviter toute mesure protectionniste imposée unilatéralement, dans le contexte d’une concurrence mondiale de plus en plus forte en ce qui concerne la promotion des contenus propres (en particulier dans les médias et le cinéma).

5.6.

Les produits agricoles et produits alimentaires transformés de l’Union européenne jouissent d’une bonne réputation auprès des consommateurs coréens, d’où l’ampleur de ses exportations agricoles et alimentaires vers le marché coréen. La Commission européenne a déployé des efforts pour promouvoir les produits de l’Union européenne en Corée, mais il serait possible d’en faire bien davantage pour maximiser le potentiel de cette relation commerciale privilégiée.

5.7.

Les exportations agroalimentaires de l’Union vers la Corée ont enregistré une progression très rapide au cours de ces dernières années. En 2016, elles ont atteint un montant de 2,6 milliards d’EUR. La Corée se place en treizième position parmi les principaux partenaires commerciaux de l’Union européenne dans le domaine agroalimentaire (20). L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée a supprimé les droits sur presque tous les produits agricoles européens. Pour certains, des contingents tarifaires ont été mis en place. La reconnaissance mutuelle de certaines indications géographiques (IG) joue également un rôle important pour stimuler les exportations agroalimentaires entre l’Union européenne et la Corée.

5.8.

En raison des problèmes rencontrés par le secteur agricole européen à la suite de l’embargo russe, d’une part, et des restrictions imposées par la Chine sur les exportations coréennes en représailles au déploiement des systèmes antimissiles THAAD, d’autre part, tant l’Union européenne que la Corée sont confrontées à la nécessité d’accéder à de nouveaux marchés et, dans ce contexte, l’accord de libre-échange qu’elles ont conclu s’est déjà révélé mutuellement bénéfique.

6.   L’impact de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée sur les normes du travail, les relations industrielles et sur la qualité du dialogue social et civil en général

6.1.

Le chapitre sur le commerce et le développement durable réaffirme les engagements des parties à l’égard des conventions de l’OIT et établit un dispositif de consultation et de suivi de la société civile afin de superviser la mise en œuvre de l’accord de libre-échange et d’émettre des recommandations. Les États membres de l’Union européenne ont ratifié l’ensemble des huit conventions fondamentales de l’OIT, tandis que la République de Corée en a ratifié quatre. À l’échelle mondiale, les pays qui n’ont pas ratifié ces conventions sont en minorité (21).

6.2.

Il existe, en Corée, plusieurs zones économiques franches (ZEF) (22) et zones de libre-échange (ZLE) (23). Entre autres mesures incitatives qui y sont proposées, ces zones autorisent certaines dérogations aux législations nationales en matière de travail et d’environnement. À titre d’exemple, les entreprises qui emploient plus de 300 travailleurs sont exemptées de l’obligation d’engager au moins 2 % de personnes handicapées, ou de prévoir des congés payés, généralement appelés «repos hebdomadaire».

6.3.

Le CESE estime que tant la nature que l’objectif de ces exemptions constituent une violation de l’article 13.7 de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée, qui prévoit que «[l]es parties ne peuvent affaiblir ou réduire le niveau de protection assuré par leur législation en matière d’environnement ou de travail en vue d’encourager les échanges ou les investissements, en s’abstenant d’appliquer leurs lois, règlements ou normes ou en y dérogeant d’une façon quelconque, ou en proposant de s’abstenir de les appliquer ou d’y déroger, d’une manière qui affecte le commerce ou les investissements entre les parties».

6.4.

Le GCI de l’Union européenne et le forum de la société civile ont maintes fois soulevé ces questions durant la période 2012-2017 et ont, à plusieurs reprises, demandé que la ratification des principales conventions de l’OIT soit accélérée. Après l’initiative du GCI de l’Union européenne, le forum de la société civile UE-Corée s’est efforcé de surveiller la mise en œuvre des dispositions de l’article 13.4.3, en vertu duquel «les parties consentent des efforts continus et soutenus en vue de ratifier les conventions fondamentales de l’OIT» ainsi que les celles de la catégorie des conventions «à jour». La Commission européenne a évoqué cette question avec le gouvernement coréen.

6.5.

En juin 2015, ce dernier a répondu que certaines dispositions des conventions fondamentales qui n’ont pas été ratifiées ne sont pas conformes à la législation en vigueur et au contexte que connaît actuellement le pays, de sorte qu’il s’avère difficile d’y instaurer les conditions propices à leur ratification. Dans sa réponse, le gouvernement coréen poursuit en affirmant que les législations et les systèmes d’un pays, et en particulier le droit du travail, devraient tenir compte de ses caractéristiques sociales et économiques qui sont spécifiques et reposer sur des accords tripartites, et il fait valoir qu’il n’est donc pas facile d’améliorer ces législations et ces systèmes dans un laps de temps court. Cette position n’est pas conforme à l’article 13.4.3, ni à l’ensemble du chapitre sur le commerce et le développement durable.

6.6.

Le 15 septembre 2015, le forum de la société civile UE-Corée publiait une déclaration exprimant «sa déception face à l’absence de progrès et de mesures concrètes, en particulier en ce qui concerne la ratification et la mise en œuvre effective des conventions fondamentales de l’OIT et invit[ait] instamment les parties à redoubler d’efforts dans ce sens».

6.7.

Le Comité prie la Commission européenne d’entamer des consultations officielles avec le gouvernement coréen conformément aux demandes qui ont été formulées par le GCI de l’Union européenne, dans les lettres qu’il a adressées aux commissaires pour le commerce (à M. De Gucht en janvier 2014 et à Mme Malmström en décembre 2016), et par le Parlement européen dans sa résolution du 18 mai 2017 (24). Pour commencer, cette procédure mettrait l’accent sur l’absence de ratification des conventions de l’OIT par la Corée et sur les questions liées à la violation des dispositions en matière de travail qui figurent dans le chapitre de l’accord de libre-échange sur le commerce et le développement durable.

6.8.

En ce qui concerne l’avenir, il est important de renforcer la coopération entre le gouvernement de la République de Corée et les partenaires sociaux, par exemple en multipliant les projets thématiques financés et mis en œuvre par la Commission européenne, le CESE et l’OIT. Les représentants des partenaires sociaux et des organisations de la société civile de la République de Corée et de l’Union européenne qui participent aux deux GCI doivent être directement associés à la mise en œuvre de ces projets.

7.   Protection de l’environnement et promotion du développement durable

7.1.

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée réaffirme l’attachement des États membres de l’Union aux accords multilatéraux en matière d’environnement auxquels ils ont adhéré, tels que la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’accord de Paris, la convention des Nations unies sur la diversité biologique (CBD) et la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).

7.2.

Depuis 2015, la Corée possède son propre système d’échange de quotas d’émission national (le KETS), qui a été le premier programme de cette sorte à avoir été mis en œuvre en Asie orientale. Il englobe environ 525 des plus grands émetteurs du pays, qui représentent près de 68 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Il couvre les émissions directes des six gaz de Kyoto, ainsi que les émissions indirectes dues à la consommation d’électricité. La République de Corée a l’intention de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 37 % par rapport aux prévisions avancées pour 2030 si aucune mesure n’était prise (contribution prévue déterminée au niveau national, ou «CPDN», soumise à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou CCNUCC). Cet objectif représente une réduction de 22 % par rapport aux niveaux d’émissions de 2012 (25). Le 8 juillet 2016, l’Union européenne a lancé un projet de coopération avec la République de Corée d’un montant de 3,5 millions d’EUR afin de soutenir la mise en œuvre du KETS. Le projet, qui se poursuivra jusqu’en janvier 2019, bénéficie d’un financement au titre de l’instrument de partenariat européen, avec des contributions en nature du gouvernement coréen, et sera piloté conjointement par l’Union européenne et le ministère coréen de la stratégie et des finances (26).

7.3.

L’ancien président Lee Myung-bak, a lancé une initiative gouvernementale du nom de «Croissance verte». Les 27 et 28 octobre 2015 s’est tenu à Séoul le 19e Forum sur l’éco-innovation, dans le cadre de la coopération entre l’Union européenne et la Corée sur les questions d’environnement. Depuis 2006, les forums européens sur l’éco-innovation ont rassemblé des spécialistes venus d’horizons divers: scientifiques, ingénieurs, responsables politiques, financiers, organisations non gouvernementales, universitaires et chefs d’entreprises. Le forum a exploré de nouvelles possibilités commerciales dans le domaine de l’éco-innovation et donné la possibilité d’obtenir de l’information sur les évolutions les plus récentes en matière d’économie circulaire, en mettant tout particulièrement l’accent sur les matériaux et les produits novateurs (27).

7.4.

Dans le cadre des mécanismes de consultation mis en place par l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée, les représentants de la société civile européenne et coréenne ont indiqué qu’ils souhaitent focaliser l’attention sur les questions liées à la mise en œuvre des objectifs de développement durable et de l’accord de Paris. Le Comité est convaincu que les deux GCI, tout comme le forum de la société civile, constituent des instruments efficaces et représentatifs qui peuvent aider les institutions européennes dans leurs actions visant à renforcer la coopération internationale en matière de développement durable, de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part, JO L 127 du 14.5.2011, p. 6 (texte disponible à l’adresse: http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2011:127:FULL).

(2)  Le ou les GCI sur le développement durable (environnement et travail) sont mis en place en vertu de l’article 13.12 et sont chargés de donner des conseils sur la mise en œuvre du chapitre «Commerce et développement durable».

(3)  Source: Commission européenne.

(4)  «Évaluation of the Implementation of the Free Trade Agreement between the EU and its Member States and the Republic of Korea Interim Technical Report» («Évaluation de la mise en œuvre de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres et la République de Corée — Rapport technique intermédiaire») (http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2017/june/tradoc_155673.pdf).

(5)  Ateliers des parties prenantes tenus à Séoul (le 30 novembre 2016) et à Bruxelles (le 23 mars 2017) dans le cadre du projet «Korea EU ILO 111» («Étude comparative sur la mise en œuvre de la convention no 111 de l’OIT en République de Corée et dans les États membres de l’Union européenne») et séminaire de l’OIT organisé à Bruxelles, le 6 décembre 2016, sur le thème «Évaluation des dispositions relatives au droit du travail dans les accords commerciaux: conception, mise en œuvre et participation des parties prenantes».

(6)  http://www.tradingeconomics.com/south-korea/gdp

(7)  Le nouveau président de la République de Corée a été élu en mai 2017 pour remplacer la présidente Park-Geun-hye, qui avait été destituée en décembre 2016, car elle était accusée de corruption et d’abus de pouvoir.

(8)  https://www.ituc-csi.org/coree-le-president-moon-et-le

(9)  Accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée, article 13.12.

(10)  Idem, article 13.13.

(11)  COM(2006) 567 final.

(12)  Ibidem, paragraphe 3.1.iii.

(13)  JO C 211 du 19.8.2008, p. 82.

(14)  JO C 268 du 14.8.2015, p. 19.

(15)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 123.

(16)  «Une partie peut demander à l’autre partie de se concerter sur tout problème d’intérêt mutuel né du présent chapitre, y compris les communications du ou des groupes consultatifs internes visés à l’article 13.12, en soumettant une demande écrite au point de contact de l’autre partie.»

(17)  European Business in Korea: Business Confidence Survey 2016, European Chamber («Entreprises européennes en Corée: enquête sur la confiance des entreprises 2016, Chambre de commerce européenne») (https://ecck.eu/wp-content/uploads/2017/01/Business-Confidence-Survey-2016.pdf).

(18)  Position de Business Europe concernant l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Corée (https://www.businesseurope.eu/sites/buseur/files/media/imported/2007-01113-EN.pdf).

(19)  «IFPI Comments on Partial Amendment of Copyright Act in South Korea» («Observations de l’IFPI concernant la modification partielle de la loi sur les droits d’auteur en Corée du Sud») (https://opennet.or.kr/wp-content/uploads/2013/04/IFPI-Comments-on-Partial-Amendment-of-Copyright-Act-in-South-Korea-March-20131.pdf).

(20)  https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/trade-analysis/statistics/outside-eu/countries/agrifood-south-korea_en.pdf

(21)  Les conventions fondamentales de l’OIT qui n’ont pas été ratifiées par la République de Corée sont les suivantes: la convention de 1930 (no 29) sur le travail forcé; la convention de 1948 (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la convention de 1949 (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective et la convention de 1957 (no 105) sur l’abolition du travail forcé.

(22)  http://www.fez.go.kr/global/en/index.do

(23)  http://english.motie.go.kr/en/tp/alltopiccs/bbs/bbsView.do?bbs_cd_n=3&bbs_seq_n=12

(24)  Résolution du Parlement européen du 18 mai 2017 sur la mise en application de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la République de Corée [2015/2059(INI)] (http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2017-0225+0+DOC+XML+V0//FR).

(25)  Partenariat international d’action sur le carbone, 9 janvier 2017, système d’échange de quotas d’émission coréen.

(26)  https://ec.europa.eu/clima/news/articles/news_2016070801_fr

(27)  http://ec.europa.eu/environment/archives/ecoinnovation2015/2nd_forum/index_en.html


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/209


Avis du Comité économique et social européen sur «Échange et protection de données à caractère personnel à l’ère de la mondialisation»

[COM(2017) 7 final]

(2018/C 081/29)

Rapporteur:

Cristian PÎRVULESCU

Consultation

Commission européenne, 31.5.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

 

Décision de l’assemblée plénière

8.5.2017

 

 

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

28.9.2017

Adoption en session plénière

18.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

175/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Sur la base de ses valeurs fondamentales et de ses documents constitutifs, il incombe à l’Union européenne de devenir un acteur mondial dans la promotion du respect des droits fondamentaux et d’une protection adéquate de la vie privée et des données à caractère personnel. À cet égard, le Comité économique et social européen (CESE) invite la Commission européenne à se montrer proactive au niveau bilatéral et multilatéral concernant la promotion des normes les plus élevées en matière de protection des données à caractère personnel.

1.2.

Le CESE estime que les quatre principaux critères que la Commission doit prendre en considération lorsqu’elle détermine les pays avec lesquels il conviendrait de mener un dialogue sur le caractère adéquat de la protection sont équilibrés et raisonnables. Il importe cependant d’interpréter ces critères à la lumière d’un véritable engagement de la part des gouvernements, des parlements et des tribunaux de ces pays à parvenir à un niveau équivalent et fonctionnel de protection des données à caractère personnel.

1.3.

Le CESE plaide en faveur de plus de transparence et de participation concernant le processus d’octroi des décisions d’adéquation. Les représentants du secteur des entreprises, en particulier les PME, ainsi que les associations de protection des consommateurs, les groupements citoyens et d’autres organisations de la société civile doivent être consultés et associés. Le CESE est disposé à faciliter le processus de consultation.

1.4.

Le CESE se félicite du dialogue engagé par la Commission avec ses principaux partenaires commerciaux en Asie de l’Est et du Sud-Est, y compris le Japon et la Corée, et éventuellement l’Inde, ainsi qu’avec les pays d’Amérique latine et les pays couverts par la politique européenne de voisinage qui ont exprimé un intérêt en faveur de l’obtention d’un «constat d’adéquation».

1.5.

Le CESE espère que la Commission, le Conseil, les gouvernements nationaux et les parlements des États membres, ainsi que le gouvernement et le Congrès américains, accueilleront favorablement les propositions formulées dans la résolution du Parlement européen du 6 avril 2017 sur le caractère adéquat de la protection assurée par le bouclier de protection des données UE-États-Unis. Le Parlement européen exprime de vives inquiétudes dans sa résolution, dont bon nombre indiquent que l’accord et le cadre législatif actuels des États-Unis ne protègent pas, dans la pratique, les droits des citoyens de l’Union européenne.

1.6.

Compte tenu de la rapidité des progrès technologiques et de l’expansion continue des infrastructures en matière de TIC, il est nécessaire d’assurer un contrôle et un suivi gouvernementaux étroits. Même si les décisions sur le caractère adéquat de la protection sont évaluées tous les quatre ans [voir l’article 45, paragraphe 3, du règlement général sur la protection des données (RGPD)], le CESE recommande d’établir un contact permanent entre la Commission, les autorités chargées de la protection des données (APD) et les autorités gouvernementales des pays tiers, afin de déterminer les nouveaux défis qui se profilent dans un environnement technologique et économique très dynamique.

1.7.

Le CESE estime que la promotion de normes de protection des données au moyen d’instruments multilatéraux doit être une priorité pour la Commission européenne et que cet engagement devrait être soutenu par des ressources, de sorte qu’une protection réelle des droits de l’homme existe a priori ainsi qu’une voie de recours effective a posteriori en cas de préjudice.

1.8.

Le Comité souligne que la Commission ne fait pas la distinction, dans sa communication, entre les différents types et utilisations des données à caractère personnel, à l’exception des affaires pénales.

1.9.

La convention no 108 du Conseil de l’Europe de 1981, assortie de son protocole additionnel de 1999, est le seul instrument international contraignant dans le domaine de la protection des données. Cet instrument devrait être davantage développé et un plus grand nombre de pays tiers devraient être encouragés à s’y associer.

1.10.

Les efforts multilatéraux au sein de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), du G20 et de l’APEC (Coopération économique Asie-Pacifique) devraient être renforcés afin de mettre en place un système multilatéral de protection des données véritablement mondial. La coopération avec le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit au respect de la vie privée doit être solide et fonctionnelle.

1.11.

En ce qui concerne les échanges de données à caractère personnel dans le cadre de la prévention et de la poursuite des infractions pénales, ainsi que des enquêtes les concernant, le CESE est un ardent défenseur de la création de garanties solides en matière de protection des données, mais est également ouvert à l’introduction d’un niveau adéquat de protection des données dans le domaine répressif. La protection des données et la prévention et la poursuite des infractions pénales, y compris la cybercriminalité et le terrorisme, ainsi que les enquêtes les concernant, doivent aller de pair.

1.12.

Le CESE rappelle l’importance de la protection des données à caractère personnel des personnes handicapées, y compris celles relatives à leur santé et à leur réadaptation, comme établi à l’article 22 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

2.   Contexte/Introduction

2.1.

La protection des données à caractère personnel fait partie du cadre constitutionnel commun de l’Europe et est consacrée à l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle occupe une place centrale dans la législation de l’Union européenne depuis plus de vingt ans, de l’adoption de la directive sur la protection des données en 1995 (la «directive de 1995») à celle du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la directive «police» en 2016.

2.2.

La réforme de la législation de l’Union européenne sur la protection des données, adoptée en avril 2016, met en place un système qui garantit un niveau élevé de protection, à la fois à l’intérieur de l’Union européenne et dans le cadre des échanges internationaux de données à caractère personnel à des fins commerciales et à des fins répressives. Les nouvelles règles entreront en vigueur en mai 2018.

2.3.

Après avoir mis au point les règles européennes en matière de protection des données, la Commission élabore désormais une stratégie en vue de promouvoir les normes internationales de protection des données. La communication présente les différents outils d’échange de données à caractère personnel au niveau international, sur la base de la réforme des règles de protection des données, ainsi que sa stratégie de coopération future avec les pays tiers sélectionnés afin de parvenir à des décisions d’adéquation et de promouvoir des normes de protection des données au moyen d’instruments multilatéraux.

2.4.

Le règlement général sur la protection des données de 2016 propose une «boîte à outils» comprenant des mécanismes pour le transfert de données à caractère personnel de l’Union européenne vers des pays tiers: décisions d’adéquation, clauses contractuelles types, règles d’entreprise contraignantes, mécanismes de certification et codes de conduite. Ces mécanismes visent principalement à ce que, lorsque les données à caractère personnel d’européens sont transférées à l’étranger, celles-ci continuent de bénéficier de la protection. Tandis que l’architecture des transferts internationaux de données à caractère personnel est similaire à celle prévue au titre de la directive sur la protection des données de 1995, la réforme simplifie et élargit leur utilisation, et introduit de nouveaux outils pour les transferts internationaux (par exemple, les codes de conduite et les mécanismes de certification).

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE salue les efforts de l’Union européenne pour protéger les données à caractère personnel de ses citoyens, tout en permettant à celles-ci de rester ouvertes et intégrées dans un monde de plus en plus interconnecté.

3.2.

Sur la base de ses valeurs fondamentales et de ses documents constitutifs, il incombe à l’Union européenne de devenir un acteur mondial dans la promotion du respect des droits fondamentaux et d’un niveau élevé de protection de la vie privée et des données à caractère personnel. À cet égard, le CESE invite la Commission européenne à se montrer proactive au niveau bilatéral et multilatéral concernant la promotion des normes les plus élevées en matière de protection des données à caractère personnel de ses propres citoyens et de ceux de pays tiers.

3.3.

L’Union européenne devrait soutenir le programme global de conformité en matière de protection des données à caractère personnel et ses principes de base: la protection des données est un droit fondamental et la protection de celui-ci est organisée grâce à l’adoption d’une législation générale dans ce domaine, en introduisant des droits exécutoires en matière de respect de la vie privée et en établissant des autorités de supervision indépendantes.

3.4.

Le plus haut niveau de protection des données à caractère personnel constitue non seulement une responsabilité juridique, mais également une grande chance à saisir. L’économie numérique, les flux internationaux de biens et de services et l’administration en ligne bénéficient tous de la confiance des citoyens dans le cadre institutionnel et les protections réglementaires en place. La protection des données et un commerce international équitable sont tous deux essentiels pour les citoyens et ne devraient pas être considérés comme des valeurs contradictoires.

3.5.

Le CESE continue d’appuyer l’orientation générale de la politique de l’Union européenne en matière de protection des données, comme il l’a fait dans ses précédents avis, tout en insistant sur la nécessité d’établir des niveaux de protection plus élevés. Dans son avis SOC/455 intitulé «Règlement général sur la protection des données», il fournit des exemples précis en ce qui concerne plusieurs articles, dans le sens d’une meilleure définition des droits, du renforcement de la protection des citoyens en général et des travailleurs en particulier, de la nature du consentement, de la licéité du traitement et, en particulier, des fonctions des délégués à la protection des données et du traitement des données en matière d’emploi (1).

3.6.

En outre, le CESE a souligné le droit des personnes, physiques ou morales, à exprimer leur consentement en ce qui concerne leurs données. Dans son avis TEN/631 sur le thème «Protection des données à caractère personnel», le CESE estime que «les utilisateurs doivent être informés, formés, et rester prudents, car une fois leur consentement donné, le fournisseur pourra traiter davantage les contenus et les métadonnées pour obtenir le plus d’actions et de gains possible […]. L’éducation des utilisateurs à faire usage de leurs droits, tout comme l’anonymisation ou le chiffrement, devraient être des priorités liées à ce règlement [règlement concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques]» (2).

3.7.

Le CESE est favorable à la création, à partir de mai 2018, d’un ensemble paneuropéen unique de règles en lieu et place des 28 législations nationales en vigueur aujourd’hui. Grâce au mécanisme de guichet unique nouvellement créé, une seule et unique autorité chargée de la protection des données (l’«APD») aura pour tâche de superviser les opérations transfrontières de traitement de données, réalisées par une entreprise dans l’Union européenne. La cohérence de l’interprétation des nouvelles règles sera garantie. En particulier, dans les affaires transfrontières concernant plusieurs autorités nationales de protection des données, une décision unique sera adoptée pour faire en sorte que des solutions communes soient apportées à des problèmes communs. Le CESE espère que les nouvelles procédures permettront d’assurer non seulement la cohérence de l’interprétation, mais également le niveau le plus élevé possible de protection des données.

3.8.

Le CESE prend note du fait que la communication et ses principales propositions sont accueillies favorablement par DIGITALEUROPE, l’organisation qui représente l’industrie des technologies numériques en Europe (3).

La pénétration croissante de l’informatique en nuage pose de nouveaux défis complexes, qui sont appelés à évoluer en raison de la rapidité des mutations technologiques. La législation doit être adaptable afin qu’elle puisse être mise en adéquation avec l’évolution des technologies et du marché.

4.   Observations particulières

4.1.

Les décisions d’adéquation prises par la Commission sont actuellement l’instrument le plus pertinent pour garantir aux citoyens de l’Union européenne la protection de leurs données dans leurs relations avec les autres pays et entités, tant gouvernementales que privées. Elles sont également un instrument utile pour encourager les pays tiers à aspirer à un niveau de protection similaire pour leurs propres citoyens, et devraient être l’instrument privilégié pour protéger l’échange de données à caractère personnel.

4.2.

Le CESE estime que les quatre principaux critères (4) que la Commission doit prendre en considération lorsqu’elle détermine les pays avec lesquels il conviendrait de mener un dialogue sur le caractère adéquat de la protection sont équilibrés et raisonnables. Il importe cependant d’interpréter ces critères à la lumière du véritable engagement de la part des gouvernements, des parlements et des tribunaux de ces pays à parvenir à un niveau équivalent et fonctionnel de protection des données à caractère personnel.

4.3.

Le CESE plaide en faveur de plus de transparence et de participation concernant le processus d’octroi des décisions d’adéquation. Les représentants du secteur des entreprises, en particulier les PME, ainsi que les associations de protection des consommateurs et les organisations de la société civile, doivent être consultés et associés. Le CESE est disposé à faciliter le processus de consultation.

4.4.

Le CESE se félicite du dialogue engagé par la Commission avec ses principaux partenaires commerciaux en Asie de l’Est et du Sud-Est, y compris le Japon et la Corée, et éventuellement l’Inde, ainsi qu’avec les pays d’Amérique latine et les pays couverts par la politique européenne de voisinage, qui ont exprimé un intérêt en faveur de l’obtention d’un «constat d’adéquation».

4.5.

Le CESE estime que conférer un statut d’adéquation partielle à certains pays, ce qui permettrait d’inclure certains secteurs et territoires, pose problème parce que cette option n’offre pas de garanties constitutionnelles, institutionnelles et procédurales suffisantes et cohérentes que les données à caractère personnel sont protégées. L’adéquation partielle pourrait constituer une étape intermédiaire utile, dans le cadre de laquelle l’Union européenne et les pays respectifs pourraient trouver un terrain d’entente et coordonner leurs efforts. L’objectif à long terme est de parvenir à un accord plus solide et plus complet sur la base des cadres existants dans tous les pays concernés (5).

4.6.

Le CESE accueille favorablement les efforts visant à créer un cadre bilatéral solide et fonctionnel avec les États-Unis d’Amérique. La récente décision sur le bouclier de protection des données UE-États-Unis, en remplacement du cadre sur la sphère de sécurité UE-États-Unis, constitue une avancée. Son champ d’application est bien délimité. En revanche, dans la mesure où il est fondé sur la souscription volontaire, il laisse de côté un grand nombre d’organisations américaines.

4.7.

Le CESE espère que la Commission, le Conseil, les gouvernements nationaux et les parlements des États membres, ainsi que le gouvernement et le Congrès américains accueilleront favorablement les propositions formulées dans la résolution du Parlement européen du 6 avril 2017 sur le caractère adéquat de la protection assurée par le bouclier de protection des données UE-États-Unis. Le Parlement européen exprime de vives inquiétudes dans cette résolution, dont bon nombre indiquent que l’accord et le cadre législatif actuels des États-Unis ne protègent pas, dans la pratique, les droits des citoyens de l’Union européenne (6).

4.8.

Des préoccupations similaires ont été soulevées par plusieurs groupes de la société civile de l’Union européenne et des États-Unis (7). Le CESE encourage toutes les institutions de l’Union européenne à prendre note de ces préoccupations.

4.9.

Le Comité, tout en reconnaissant la volonté de la Commission de créer une nouvelle dynamique, observe que ses propositions maintiennent des incertitudes juridiques pour les personnes dont les droits ont été violés. Plusieurs éléments contribuent à cette situation:

la nature des données concernées n’est pas précisée: par exemple données à caractère personnel, métadonnées, propriété intellectuelle;

les types d’utilisation: quel type de traitement des données à caractère personnel est autorisé à des fins commerciales et à des fins répressives?

la nature des acteurs concernés: quel est le rôle des entreprises privées, des autorités nationales et des tribunaux?

le manque de clarté du statut juridique et de la responsabilité des entreprises travaillant avec des données à caractère personnel; les sanctions et réparations en cas de dommages; quel est le rôle des juridictions nationales des États membres de l’Union européenne ou d’autres tribunaux, y compris dans les pays tiers?

4.10.

Une surveillance à la suite de l’adoption d’une décision d’adéquation est essentielle pour garantir que les accords fonctionnent dans la pratique. Compte tenu de la rapidité des progrès technologiques et de l’expansion continue des infrastructures en matière de TIC, il est nécessaire d’assurer un contrôle et un suivi gouvernementaux étroits. Même si les décisions relatives au caractère adéquat de la protection sont évaluées tous les quatre ans (voir l’article 45, paragraphe 3, du règlement général sur la protection des données — RGPD), le CESE recommande d’établir un contact permanent entre la Commission, les autorités chargées de la protection des données (APD) et les autorités gouvernementales des pays tiers, afin de déterminer les nouveaux défis qui se profilent dans un environnement technologique et économique très dynamique.

4.11.

Le CESE encourage la Commission à collaborer avec les parties prenantes afin de mettre au point d’autres mécanismes de transfert des données à caractère personnel, qui soient adaptés aux besoins ou conditions spécifiques des différents secteurs industriels, modèles commerciaux et/ou opérateurs.

4.12.

Le CESE estime que la promotion de normes de protection des données au moyen d’instruments multilatéraux devrait constituer une priorité pour la Commission et que cet engagement devrait être soutenu par des ressources.

4.13.

La convention no 108 du Conseil de l’Europe, assortie de son protocole additionnel, est le seul instrument international contraignant dans le domaine de la protection des données. Cet instrument devrait être davantage développé et un plus grand nombre de pays tiers devraient être encouragés à s’y associer.

4.14.

Les efforts multilatéraux au sein de l’OCDE, du G20 et de l’APEC devraient être renforcés afin de mettre en place un système multilatéral véritablement mondial de protection des données. La coopération avec le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit au respect de la vie privée doit être solide et fonctionnelle.

4.15.

Le renforcement de la coopération avec les autorités nationales d’application et de contrôle concernées en matière de respect de la vie privée dans les pays tiers devrait être un objectif prioritaire. Même s’il ne crée pas d’obligations juridiquement contraignantes, le Global Privacy Enforcement Network (GPEN — réseau mondial d’application des lois de protection de la vie privée) de l’OCDE peut favoriser la coopération entre les services chargés de l’application, grâce au partage de bonnes pratiques en matière de réponse aux difficultés transfrontières et en soutenant des initiatives conjointes d’application et des campagnes de sensibilisation (8).

4.16.

En ce qui concerne les échanges de données à caractère personnel dans le cadre de la prévention et de la poursuite des infractions pénales, ainsi que des enquêtes les concernant, le CESE est un ardent défenseur de la création de garanties solides en matière de protection des données, mais est également ouvert à l’introduction d’un niveau adéquat de protection des données dans le domaine répressif. La protection des données et la prévention et la poursuite des infractions pénales, y compris la cybercriminalité et le terrorisme, ainsi que les enquêtes les concernant, doivent aller de pair.

4.17.

L’accord-cadre sur la protection des données entre l’Union européenne et les États-Unis, conclu en décembre 2016, constitue un bon exemple de la manière dont les droits et obligations en matière de protection des données, conformes à l’acquis de l’Union, peuvent être intégrés dans des accords bilatéraux. Les mêmes procédures peuvent aussi servir dans différents domaines d’action, tels que la politique de concurrence ou la protection des consommateurs. Le CESE encourage la Commission à étudier la possibilité de conclure des accords-cadres similaires avec ses grands partenaires en matière répressive.

4.18.

Le Comité attend avec intérêt les résultats de la première évaluation annuelle du «bouclier de protection des données» UE-États-Unis cette année, et souhaite qu’elle soit approfondie et constitue un exercice participatif. Le CESE espère que l’Union européenne et les États-Unis resteront déterminés à œuvrer ensemble en faveur d’un niveau élevé de protection des données à caractère personnel.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur le règlement général sur la protection des données du 23 mai 2012. JO C 229 du 31.7.2012, p. 90.

(2)  Avis du CESE sur la protection des données à caractère personnel du 5 juillet 2017. JO C 345 du 13.10.2017, p. 138.

(3)  Lettre à la Commission européenne concernant sa récente communication relative aux transferts internationaux de données, DIGITALEUROPE, 12 mai 2017, consultée le 1er août: http://www.digitaleurope.org/Press-Room/Latest-News/News-Story/newsID/623.

(4)  Les principaux critères sont: 1. l’étendue des relations commerciales (existantes ou potentielles) de l’Union européenne avec un pays tiers donné, notamment l’existence d’un accord de libre échange ou les négociations en cours; 2. l’étendue des flux de données à caractère personnel provenant de l’Union européenne, preuve de liens géographiques et/ou culturels; 3. le rôle précurseur du pays tiers dans le domaine de la protection de la vie privée et des données, qui peut servir de modèle pour d’autres pays de sa région; et 4. la relation politique globale avec le pays tiers concerné, en particulier dans le contexte de la promotion de valeurs communes et d’objectifs partagés au niveau international.

(5)  La Commission encourage les États-Unis à poursuivre leurs efforts en vue de l’établissement d’un système complet de protection de la vie privée et des données à caractère personnel, permettant la convergence entre les deux régimes à plus long terme. Voir la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — «Flux de données transatlantiques: rétablir la confiance grâce des garanties solides», COM(2016) 117 final, 29.2.2016.

(6)  Dans sa résolution du 6 avril 2017 sur l’adéquation de la protection offerte par le bouclier de protection des données UE-États-Unis, le Parlement européen «[d]éplore le fait que, ni les principes du bouclier de protection des données, ni les lettres du gouvernement américain apportant des clarifications et des assurances ne démontrent l’existence de droits de recours effectifs pour les particuliers européens dont les données personnelles sont transférées à une organisation américaine conformément aux principes du bouclier de protection des données et consultées et traitées par les autorités publiques américaines à des fins d’application de la loi et d’intérêt public, droits mis en exergue par la CJUE dans son arrêt du 6 octobre 2015 en ce qu’ils constituent l’essence du droit fondamental prévu à l’article 47 de la charte de l’Union européenne», paragraphe 26.

(7)  Appel de la coalition d’organisations de défense des libertés civiles afin que les législateurs européens agissent pour que la réforme de la surveillance américaine garantisse un cadre de respect des droits des personnes non américaines, 28 février 2017, consulté le 1er août: https://www.accessnow.org/cms/assets/uploads/2017/02/Section702CoalitionLetter1.pdf.

(8)  Voir également le cadre de l’OCDE en matière de protection de la vie privée, OCDE, 2013.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/215


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (UE) no 1295/2013 établissant le programme “Europe créative” (2014 à 2020)»

[COM(2017) 385 final — 2017/0163(COD)]

(2018/C 081/30)

Consultation

Parlement européen, 11.9.2017

Conseil, 22.9.2017

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en session plénière

18.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

196/0/3

Le Comité a adopté son précédent avis sur le programme «Europe créative» (2014-2020) [règlement (UE) no 1295/2013] — CCMI/098 — CES828-2012_AC — le 28 mars 2012 (1).

Dans ce précédent avis, il a pleinement souscrit à la fois au contenu de la proposition de la Commission établissant le programme «Europe créative» (2014-2020) et à l’augmentation du budget permettant de le financer. Néanmoins, si le Comité a souligné l’importance des aspects économiques du programme «Europe créative», il a aussi fait valoir que celui-ci était est trop fortement axé sur l’objectif général de compétitivité, sans donner une visibilité suffisante à celui de promouvoir les valeurs et la diversité linguistiques et culturelles de l’Europe. En outre, le Comité a considéré également que son enveloppe budgétaire était insuffisante pour atteindre ses objectifs en comparaison du budget total de l’Union européenne ou des ressources que certains États membres engagent pour soutenir les activités culturelles.

Dans sa nouvelle proposition, la Commission suggère de créer une solution transparente et solide sur le plan juridique pour garantir un soutien durable de l’Orchestre des jeunes de l’Union européenne (EUYO), qui tienne compte de ses caractéristiques spécifiques, en le reconnaissant en tant qu’«organisme identifié par un acte de base» au sens de l’article 190, paragraphe 1, point d), du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission.

Cette initiative correspond tout à fait au point de vue exprimé par le Comité dans son précédent avis. Ce financement de l’EUYO ne nécessitera pas de ressources supplémentaires du budget de l’Union.

La nouvelle proposition se contente d’ajouter un nouveau point f) à l’article 13, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1295/2013 établissant le programme «Europe créative» (2014 à 2020), à savoir: «f) à l’Orchestre des jeunes de l’Union européenne.»

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant et que par ailleurs il avait déjà fait l’objet de son avis CCMI/098 — CES828-2012_AC, adopté le 28 mars 2012 (2), le Comité, lors de sa 529e session plénière des 18 et 19 octobre 2017 (séance du 18 octobre 2017), a décidé, par 196 voix pour, 0 voix contre et 3 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé et de se référer à la position qu’il avait soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme “Europe créative”», JO C 181 du 21.6.2012, p. 35.

(2)  Voir la note de bas de page no 1.


2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/216


Avis du Comité économique et social européen sur la «Politique économique de la zone euro (2017)»

(supplément d’avis)

(2018/C 081/31)

Rapporteur:

Petr ZAHRADNÍK

Corapporteur:

Javier DOZ ORRIT

Décision de l’Assemblée plénière

27.4.2017

Base juridique

Article 29, point A), des modalités d’application du règlement intérieur

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5.10.2017

Adoption en session plénière

19.10.2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

158/4/6

Préambule

Le présent avis s’inscrit dans un ensemble plus large de quatre avis du Comité économique et social européen (CESE) sur l’avenir de l’économie européenne (approfondissement de l’Union économique et monétaire et politique économique de la zone euro, union des marchés des capitaux et avenir des finances de l’Union européenne)  (1) . Cet ensemble d’avis relève du processus d’élaboration du livre blanc sur l’avenir de l’Europe lancé récemment par la Commission européenne et prend en compte le discours sur l’état de l’Union en 2017 prononcé par le président Juncker. Conformément à la résolution du CESE sur l’avenir de l’Europe  (2) et à ses avis antérieurs sur l’achèvement de l’Union économique et monétaire (UEM)  (3) , ces quatre avis soulignent que la gouvernance de l’Union a besoin d’une vision commune allant bien au-delà des approches et des mesures techniques, et qui est avant tout une question de volonté politique et de perspective commune.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les présentes conclusions et recommandations sont formulées en vue de compléter l’avis ECO/423, avec lequel le présent avis est en plein accord et sur lequel il s’appuie. Elles sont également cohérentes avec les trois autres avis sur le thème de l’avenir économique de l’Europe mentionnés dans préambule.

1.2.

Le CESE salue les progrès réalisés dans le développement d’une politique économique de la zone euro et suit de près les facteurs qui conditionnent son évolution. Toutefois, il attache une importance toute particulière à ceux de ces éléments qui associent l’environnement de la zone euro aux questions budgétaires et au renforcement de son cadre institutionnel.

1.3.

Pour le CESE, il est primordial que la zone euro soit dotée de politiques économiques au dosage équilibré, dont les composantes monétaires, budgétaires et structurelles soient correctement interconnectées. Ce facteur gagne actuellement en importance, avec le regroupement prévu de ces politiques parallèlement à l’évolution de l’économie.

1.4.

Le CESE est en désaccord avec le rejet, par le Conseil européen, de l’idée d’une orientation budgétaire positive et l’invite à reconsidérer cette conclusion à laquelle il est parvenu. C’est notamment le probable abandon, par la Banque centrale européenne, de sa politique d’assouplissement quantitatif qui vient renforcer les arguments en faveur de la mise en œuvre de l’idée d’une orientation budgétaire positive. Dans le même temps, le CESE reconnaît que la portée d’une orientation budgétaire positive doit être bien ciblée, de façon à ne pas accroître le niveau encore élevé de la dette publique, et centrée sur des domaines susceptibles d’apporter des avantages manifestes à long terme.

1.5.

Le CESE constate l’amélioration de la situation économique dans la zone euro, et recommande, afin de maintenir et de renforcer cette tendance, de prendre des mesures décisives pour stimuler l’investissement et mener des réformes structurelles qui favorisent à la fois une augmentation de la productivité et la création d’emplois de qualité. L’application des réformes structurelles devrait intervenir de manière plus conforme aux processus qui sous-tendent le semestre européen. Le CESE recommande en outre que la nécessité de mener des réformes structurelles soit envisagée à l’échelle de la zone euro ou de l’Union européenne dans son ensemble, et non simplement sous la forme de mesures structurelles isolées dans les différents États membres.

1.6.

Le CESE soutient fermement un renforcement de la cohésion dans la zone euro sous la double forme de l’intensification de la coordination des politiques économiques et budgétaires et de l’amélioration de l’intermédiation financière, grâce au parachèvement de l’union financière et au souci d’accroître l’influence de la zone euro dans l’économie mondiale. Pour répondre à ces défis, le CESE recommande de consolider en conséquence son cadre institutionnel.

1.7.

Le CESE estime que l’euro est la monnaie de toute l’Union européenne; il souhaite que l’amélioration de la conjoncture économique dans l’Union européenne ouvre la possibilité d’élargir à nouveau la zone euro, ce dont l’on attend des retombées mutuellement positives tant pour les États qui font actuellement partie de la zone euro, que pour les nouveaux membres.

1.8.

Le CESE constate que, en raison du «Brexit» et du manque de prévisibilité de l’actuelle administration américaine, il importe d’être dûment attentif aux évolutions de la situation politique et économique à l’échelle mondiale.

1.9.

Le CESE est conscient que, dans le cadre défini par les règles actuelles, les possibilités d’améliorer le fonctionnement de la zone euro se heurtent à certaines limites (en particulier pour les mesures de nature structurelle); pour certains aspects plus fondamentaux (comme l’amélioration de son cadre institutionnel ou la mise en place de nouveaux instruments budgétaires), il s’impose toutefois d’adopter de nouvelles règles.

1.10.

Dans le contexte des prochaines recommandations de politique économique pour l’année 2018, le CESE souligne la nécessité de lancer un débat sur:

la création d’une union budgétaire,

le renforcement de la responsabilité de chacun des États membres concernant ses obligations par rapport à la zone euro,

la nécessité de procéder à des réformes structurelles dans le cadre de la plateforme que constitue semestre européen,

un nouveau renforcement de la coordination et de la gouvernance économiques,

l’amélioration du système d’intermédiation financière d’une manière qui conduise à un renforcement des investissements productifs à long terme, conformément aux objectifs de développement durable des Nations unies (ODD), en faisant jouer le rôle de la Banque européenne d’investissement, du Fonds européen d’investissement ou du Fonds européen pour les investissements stratégiques 2.0,

l’accroissement de l’influence de la zone euro à l’échelle mondiale.

1.11.

Le CESE est conscient de la forte nécessité de faire en sorte que l’augmentation des activités d’investissement se reflète de manière visible dans l’évolution correspondante des salaires et la poursuite de la baisse du taux de chômage. Il conviendrait également de s’employer à remédier aux déséquilibres évoqués dans l’avis, lesquels pourraient constituer un obstacle majeur à la croissance à long terme s’ils persistent et ne sont pas corrigés.

1.12.

Pour faire en sorte que les citoyens apportent leur soutien capital au projet de relance de la zone euro et de mise en œuvre, dans son cadre, des réformes structurelles, il y a également lieu de consolider leur dimension sociale et d’introduire, pour sa gouvernance, des modalités démocratiques et transparentes visant à garantir une prospérité économique et un niveau de vie élevé.

2.   Contexte

2.1.

Dans le cadre du processus périodique du semestre européen, la Commission européenne a publié en novembre 2016 des documents relatifs à la recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro, ainsi qu’une communication intitulée «Pour une orientation positive de la politique budgétaire de la zone euro». Le CESE a consacré à ces documents son avis ECO/423, qu’il a adopté lors de sa session plénière de février 2017. Depuis, l’évolution de la politique économique de l’Union européenne, ainsi que les actions engagées par certains États membres ont considérablement modifié la situation. Le présent supplément d’avis vise à mener une réflexion sur les plus importants de ces développements:

projet de recommandation du Conseil concernant la politique économique de la zone euro (mars 2017),

prévisions économiques de printemps (mai 2017),

communication sur les recommandations par pays pour 2017 (mai 2017).

En parallèle, au cours de la même période ont été publiés un livre blanc sur l’avenir de l’Europe et un document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et le financement futur de l’Union européenne, qui ont également été évoqués par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, dans son discours sur l’état de l’Union de septembre 2017. L’on a pu observer, en outre, une évolution visible du mode de fonctionnement de la zone euro sur le plan budgétaire. La teneur du présent avis tient donc compte de l’évolution économique en 2018 et traduit les propositions du CESE sur les recommandations concernant la politique économique de la zone euro pour 2018.

2.2.

L’actuelle reprise économique est légèrement plus rapide que prévu; la zone euro a néanmoins toujours besoin d’investissements plus vigoureux, qui pourraient également être favorisés par un coup de pouce budgétaire modéré, de manière à ne pas aggraver le niveau de la dette publique à long terme. Les effets de la crise et des politiques mises en place continuent de peser lourdement sur le chômage, la pauvreté et les inégalités, et sont également une source de disparités économiques et sociales entre États membres. Il est donc essentiel de doper les perspectives de croissance par un soutien accru aux investissements dans la zone euro, assorti d’une politique sociale qui infléchisse la pauvreté et les inégalités. Selon les prévisions économiques de printemps de la Commission européenne, les investissements accompagnés d’une évolution correspondante des salaires et d’une poursuite de la baisse du chômage, contribuant ainsi au renforcement de la demande intérieure, constituent un facteur clef pour la durabilité de la reprise économique.

2.3.

La cohésion de la zone euro doit par ailleurs être renforcée. Cette évolution pourrait être facilitée par le parachèvement de l’union financière — qui pourrait être réalisé dans le cadre des règles actuelles — et par les effets bénéfiques qui en sont attendus pour les investissements, tandis qu’un nouveau renforcement de la coordination des politiques économiques et budgétaires qui mette l’accent sur des capacités budgétaires pour la zone euro et la création d’un budget autonome qui lui serait propre, ainsi que la mise en place une architecture institutionnelle plus solide pour la zone euro, qui rendrait possibles une meilleure représentation interne et externe et une plus grande responsabilisation de ses différents membres, requièrent l’adoption de nouvelles règles.

2.4.

L’un des scénarios du livre blanc sur l’avenir de l’Europe envisage la possibilité d’une Europe à plusieurs vitesses, où l’une des grandes lignes de partage serait justement la zone euro. Dans ce contexte, le CESE soutient néanmoins l’idée que l’euro est la monnaie de toute l’Union européenne. Il serait dès lors souhaitable de prendre des mesures qui inciteraient les États qui ne sont pas membres de la zone euro à considérer qu’y adhérer constitue l’une des priorités de leurs politiques nationales.

2.5.

Les prévisions d’hiver et de printemps de la Commission européenne sont axées sur une situation caractérisée par une «forte incertitude» en ce qui concerne les risques, tant internes qu’externes, qui pèsent sur la croissance du fait de facteurs géopolitiques, commerciaux et financiers. Dans ses prévisions de printemps, la Commission a fait part de sa préoccupation quant à l’évolution de la situation aux États-Unis et au Royaume-Uni («Brexit»), qui pourrait affecter la (modeste) reprise européenne. Le gouvernement du président Trump, qui est encore moins prévisible qu’il ne paraissait initialement, considère que la persistance d’un fort excédent du compte de transactions courantes de la balance des paiements de l’Allemagne et de la zone euro fait problème. Ce point de vue pourrait amener les États-Unis à adopter des mesures néfastes de politique commerciale, susceptibles d’avoir des effets dommageables pour l’Union européenne et la zone euro. Le retrait du Royaume-Uni de l’Union recèle lui aussi son lot d’inconnues: la longueur du prélude aux négociations n’augure rien de bon quant à leur issue finale, tandis que les élections de juin laissent présager de possibles complications et retards dans la progression de ces tractations.

2.6.

Les plus récentes prévisions économiques de printemps de la Commission européenne invitent à penser que la recommandation de la Commission et l’avis du CESE (ECO/423) allaient dans le bon sens quand ils défendaient de donner en 2017 une orientation positive à la politique budgétaire de la zone euro dans son ensemble — proposition que rejette à présent la recommandation du Conseil du 10 mars 2017. Le CESE exprime son désaccord avec la décision du Conseil européen et estime que les risques qui se sont fait jour depuis, tout comme les prévisions économiques de printemps de la Commission, confirment qu’il est opportun de maintenir une orientation positive de la politique budgétaire.

3.   Observations générales

3.1.

L’importance que l’Union économique et monétaire revêt parmi les priorités essentielles de l’intégration européenne a été soulignée à l’occasion de la commémoration du soixantième anniversaire de la signature des traités de Rome et des débats sur l’avenir de l’Union européenne. Il a également été déclaré que, malgré les problèmes qui restent encore sans solution, ce serait faire fausse route que d’adopter une attitude trop défensive en ce qui concerne la zone euro. En lieu et place, il serait préférable d’embrasser une vision plus ambitieuse de son avenir et d’œuvrer en faveur de mesures concrètes pour mieux tirer parti de son potentiel. Le CESE souscrit à cette position.

3.2.

S’agissant de la prospérité économique de l’Union européenne et de la juste redistribution des revenus et des richesses qu’elle crée, l’avis ECO/423 souligne qu’il importe, pour un dosage équilibré des politiques économiques, de recourir à des instruments monétaires, budgétaires et structurels et de prendre des mesures axées sur l’amélioration du fonctionnement et de l’efficacité des marchés financiers, grâce notamment à une réglementation adéquate qui empêche certaines institutions financières d’adopter des comportements risqués irresponsables. Le CESE a la conviction que les évolutions observées ces derniers mois ont, à bien des égards, renforcé l’importance de cet aspect.

3.3.

Le CESE soutient pleinement l’achèvement et l’approfondissement de l’Union économique et monétaire d’ici 2025. En ce sens, le présent avis est cohérent avec l’ensemble formé par les autres avis consacrés par le Comité à l’avenir économique de l’Europe, mentionnés dans le préambule. Le CESE est convaincu qu’une attention particulière devrait être accordée avant tout aux aspects suivants:

3.3.1.

un renforcement et une coordination accrus des politiques budgétaire, économique et structurelle afin d’instaurer un dosage efficace de ces politiques, y compris en ce qui concerne les efforts visant à consacrer spécifiquement une ligne budgétaire conséquente à la zone euro dans le budget de l’Union européenne. Le document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire utilise, pour la première fois à un niveau politique aussi élevé, l’expression «union budgétaire». Une «union budgétaire» dans un environnement économique et monétaire homogène et au sein d’un marché intérieur qui fonctionne bien comporterait également une politique budgétaire (ce qui veut dire une politique fiscale et de dépense) commune ou étroitement coordonnée permettant de soutenir une fiscalité équitable et une stratégie systématique et efficace en matière de fraude et d’évasion fiscales;

3.3.2.

la responsabilité de chaque acteur pris isolément est un facteur essentiel pour améliorer la situation économique dans la zone euro, dans le cadre d’une vision complexe de la gouvernance économique de l’Union européenne, et en particulier du processus du semestre européen; dans tous les mécanismes de gouvernance économique existants, il conviendrait de maintenir, voire de renforcer, la responsabilité propre à chacun des États membres, de même que leurs obligations, notamment en assurant un suivi objectif et en appliquant toutes les mesures préventives et correctives, ainsi que, s’il y a lieu, des sanctions;

3.3.3.

les conseils de la productivité sont recommandés en tant qu’instrument adéquat, fondé sur une participation active de tous les partenaires sociaux pertinents, qui peut faciliter la mise en œuvre de réformes structurelles qui non seulement renforcent les capacités économiques des différents États membres, mais qui contribuent aussi de manière substantielle à améliorer le fonctionnement et l’homogénéité du marché unique dans son ensemble en éliminant certains obstacles et barrières réglementaires, sans préjudice de l’acquis en matière de droits sociaux et du travail;

3.3.4.

améliorer nettement l’efficacité de l’intermédiation financière en faisant appel à la palette complète des acteurs des marchés financiers conformément à la vision de l’union bancaire et de l’union des marchés des capitaux; la priorité dans le cadre de cette amélioration devrait porter sur les investissements productifs et non sur l’accroissement de la taille du secteur financier virtuel;

3.3.5.

pour une Union économique et monétaire forte et respectée dans le contexte des mutations à l’œuvre dans l’économie mondiale, la question de sa représentation extérieure s’avère également très importante; il est crucial non seulement que les différents États membres parviennent à une position consensuelle à l’égard de leurs partenaires internationaux dans les instances où l’Union européenne parle d’une seule voix, mais aussi de prendre des mesures afin de se doter d’une structure institutionnelle appropriée qui fasse écho à cet intérêt commun sur la scène mondiale (4);

3.3.6.

en outre, il aurait fallu envisager la possibilité d’élargir le périmètre actuel de la zone euro dans des cas où il apparaît judicieux de le faire; certains États, en particulier en Europe centrale et orientale, affichent des indicateurs de performance économique très positifs et font l’objet d’une évaluation très favorable dans le cadre du semestre européen; tout indique qu’ils pourraient être en situation de soutenir le fonctionnement de la zone euro et d’en renforcer le poids au sein de l’Union européenne;

3.3.7.

enfin, gagner le soutien des citoyens en faveur du nouveau projet d’Union économique et monétaire exige de mettre en place de nouveaux instruments de manière à garantir que les décisions relevant de la gouvernance économique soient démocratiques et que le marché unique soit complété par un socle social fort.

3.4.

Le CESE considère qu’il est tout à fait fondamental, pour le fonctionnement de la zone euro, d’encourager une hausse des investissements et d’engager et mettre en œuvre des réformes structurelles qu’il aurait été possible de promouvoir davantage encore dans le processus du semestre européen, à la faveur notamment du cadre offert par le marché unique. Les investissements financés par la Banque européenne d’investissement, le Fonds européen d’investissement ou le Fonds européen pour les investissements stratégiques affichent des résultats positifs, y compris pour des projets régionaux indispensables. Cependant, leur volume n’est toujours pas suffisant pour combler le déficit qui, s’agissant d’investir, est apparu en premier lieu au cours de la période de la crise. Ces instruments devraient contribuer à créer un système suffisamment robuste pour permettre un partage des sources de financement publiques et privées. Pour ce système, l’on devrait pouvoir recourir à la flexibilité offerte par le pacte de stabilité et de croissance pour pouvoir appliquer la règle d’or qui veut que l’on effectue les investissements et les dépenses courantes en rapport de manière à obtenir des bénéfices et des effets futurs. L’on devrait clairement réorienter les réformes structurelles pour qu’elles ne soient plus axées sur les différents États membres pris individuellement mais sur le fonctionnement global du marché unique.

3.4.1.

L’objectif des réformes structurelles devrait être avant tout d’éliminer les déséquilibres existants et de créer les conditions propices à un développement à long terme, conformément à la notion de développement durable (ODD) de l’ONU. Parmi ces déséquilibres figurent les disparités croissantes dans l’Union européenne et au sein même des États membres. Les réformes structurelles devraient conduire à l’adoption de mesures qui tiennent compte de l’environnement paneuropéen, et pas seulement des besoins partiels spécifiques aux différents États membres.

3.4.2.

Dans le contexte de l’Union européenne, les réformes devraient être conçues non seulement en fonction des priorités politiques nationales, mais aussi envisagées sous l’angle de l’Union dans son ensemble, c’est-à-dire dans la perspective de projets stratégiques susceptibles de devenir une source stable de valeur ajoutée dans l’Union.

3.4.3.

Il conviendrait également que les réformes structurelles aillent de pair avec la promotion d’emplois de qualité, en mettant l’accent sur des niveaux de rémunération adéquats et sur le plein respect de la justice sociale.

3.4.4.

De nombreuses réformes restent nécessaires pour améliorer les réglementations de manière à pouvoir soutenir le développement des entreprises et assurer une protection adéquate pour les citoyens. Parmi les exemples de domaines dans lesquels il convient de mener des réformes structurelles, on peut citer les règles relatives à la création d’entreprise, l’octroi de permis de construire, l’obtention de crédits, le paiement des impôts, les échanges commerciaux par-delà les frontières, l’enregistrement des biens immobiliers, ou encore l’harmonisation des politiques fiscales, qui favoriseront le bon fonctionnement du marché intérieur et y limiteront dans le même temps les cas de concurrence préjudiciable. L’environnement public et politique (c’est-à-dire l’efficacité et l’intégrité du secteur public, la sécurité et la stabilité tout au long du cycle de vie des projets) joue aussi un rôle important. C’est tout spécialement sous l’angle de l’acceptation de ces réformes par le public qu’il conviendrait de mettre en avant à quel point l’action sous-jacente à la mise en œuvre de ces réformes est compliquée et que leurs résultats macroéconomiques dépendent du bon fonctionnement de nombreux processus complexes à un niveau microéconomique. En expliquer toutes les ramifications constitue une condition préalable importante pour obtenir l’adhésion du public à ces réformes. Ce soutien exige qu’il soit décidé des instruments créés pour aider la zone euro à fonctionner à l’avenir d’une manière légitime et démocratique qui trouve le juste équilibre entre leur aspect économique et social.

3.4.5.

Il serait possible de consolider les connexions entre les réformes structurelles nécessaires, le semestre européen, le cadre pluriannuel de mise en œuvre des Fonds ESI (ou, plus généralement, du budget de l’Union européenne) et une zone euro plus développée et plus efficace. Le renforcement des connexions entre les réformes structurelles et le budget de l’Union européenne en vue d’encourager la convergence à moyen et à long terme est étroitement lié à la limitation anticipée de la politique d’assouplissement quantitatif de la BCE, lorsqu’une politique monétaire resserrée ouvrira une plus grande marge pour l’utilisation des recettes fiscales.

3.5.

Dans le même temps, il convient de déployer de nouveaux efforts pour assurer une convergence vers le haut des niveaux de vie, des normes sociales et des niveaux de salaires, au sein de chacun des États membres tout comme entre eux, s’agissant d’une condition minimale indispensable pour renforcer la confiance dans l’Union européenne et garantir l’avenir de l’Europe. Le socle européen des droits sociaux devrait favoriser cette convergence.

3.5.1.

Ce contexte invite à penser qu’il est nécessaire de mettre en place des politiques qui renforcent la demande intérieure dans l’Union européenne et la zone euro en général, et notamment dans les pays qui affichent en particulier des excédents élevés de balance courante et commerciale, de sorte à assurer un rééquilibrage au sein de la zone euro et par rapport au reste du monde.

3.5.2.

Les États membres de l’Union européenne ne devraient pas fonder leurs stratégies de compétitivité sur l’hypothèse selon laquelle le niveau des salaires restera bas. Un dosage efficace de politiques économiques devrait permettre de relancer l’activité d’investissement dans les infrastructures et l’augmentation des dépenses consacrées à l’éducation, à la recherche, à la formation professionnelle et aux compétences devrait se traduire par une augmentation de la productivité et une croissance plus forte des salaires et des revenus, reflétant également l’évolution du cycle de vie, l’évolution des carrières et l’adaptation au coût de la vie. Néanmoins, le CESE respecte les spécificités de chaque État membre ainsi que sa responsabilité première de les gérer grâce aux méthodes modernes de négociation collective.

3.5.3.

La situation du marché du travail dans un certain nombre de pays de la zone euro indique que les réformes structurelles en souffrance dans ce domaine devraient s’attacher à réduire les niveaux élevés d’emplois temporaires et à temps partiel contraints et d’emplois faiblement rémunérateurs, et à promouvoir des postes de travail de qualité pour une main-d’œuvre mieux formée et plus compétente. Ce nouveau type de réforme du travail devrait se fonder sur un dialogue social et des négociations collectives robustes, sur la base de l’autonomie des partenaires sociaux. Cela permettrait non seulement d’améliorer la justice sociale mais aussi de stimuler la productivité de l’économie.

3.6.

Le cadre réglementaire actuel permet en particulier de mettre en œuvre des mesures destinées à réaliser des réformes structurelles et renforcer la coordination de la politique économique et budgétaire; elles pourraient encore être renforcées par le prochain cadre financier pluriannuel, pour la période après 2020. En revanche, pour resserrer encore les liens de la zone euro avec une politique budgétaire commune ou pour renforcer la représentation commune de la zone euro sur la scène mondiale, il est nécessaire de mettre en place des règles entièrement nouvelles.

4.   Observations particulières

4.1.

Pour les raisons évoquées dans le présent avis, le CESE invite la Commission européenne et le Conseil à intégrer une orientation budgétaire positive adéquate dans les recommandations concernant la politique économique de la zone euro pour 2018. Cette proposition est particulièrement cruciale pour répondre à la nécessité de bénéficier d’une croissance économique à la fois suffisante et durable et d’assurer un dosage efficace entre les politiques économique et monétaire, dont le caractère expansionniste ne peut pas se prolonger indéfiniment.

4.2.

Nous pensons que, dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’investissement pour l’Europe, auquel nous souscrivons, la priorité devrait être accordée à des projets qui respectent les objectifs de développement durable et tiennent compte de la responsabilité sociale et environnementale.

4.3.

Le CESE a la conviction que les évolutions les plus récentes du modèle de la politique économique de l’Union européenne au cours des derniers mois écoulés, témoignent très clairement d’un soutien politique grandissant en faveur de l’approche qui aboutit à la création d’une union budgétaire sur la base de la plateforme que constitue la zone euro; à cet égard, le CESE préconise un suivi particulièrement vigilant de ces évolutions et est pleinement disposé à participer au processus qui a pour objet de renforcer l’importance des considérations budgétaires, car elles constituent une condition sine qua non si l’on veut créer un environnement plus homogène pour la zone euro; il est crucial aussi de se montrer attentif à la manière dont ces évolutions trouveront un écho dans de possibles modifications des structures et régimes institutionnels.

4.4.

Le CESE persiste à croire qu’au moment où l’approfondissement de l’Union économique et monétaire figure à nouveau parmi les grandes priorités, il est très important de ne pas sous-estimer les processus liés à un fonctionnement plus efficace et opérant du marché unique. Un marché unique efficace et opérationnel constitue l’une des conditions essentielles pour qu’il soit possible ne serait-ce que d’entamer la réflexion sur une Union économique et monétaire approfondie. Cette Union ne pourra donner tous les avantages escomptés que si l’ouverture et la libéralisation du marché unique se poursuivent à l’avenir, que l’on en renforce l’homogénéité et que l’on élimine les protections nationales, visibles ou cachées, qui y font obstacle.

4.5.

Le CESE souscrit au point de vue selon lequel l’environnement d’une Union économique et monétaire approfondie doit également être en concordance avec le processus d’intermédiation financière. Les éléments de l’union financière qui polarisent tout particulièrement l’attention sont l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux. La première est avant tout affaire de stabilité et de prévisibilité des comportements dans le secteur bancaire. Elle doit aussi pouvoir compter sur des ressources financières suffisantes pour gérer d’éventuelles défaillances bancaires. La seconde, quant à elle se comprend comme un élargissement des possibilités d’allocation de ressources financières et en est encore à un stade précoce de son développement. Un fonctionnement amélioré de l’intermédiation financière, pour sa part, devrait être plus visible dans le domaine de l’investissement productif.

4.6.

L’avenir de l’Union européenne dépend également de son intégration accrue et du renforcement de son rôle sur la scène internationale. Il s’agit, particulièrement à l’heure actuelle, d’une des rares priorités essentielles et d’une question d’intérêt commun pour tous les États membres de l’Union européenne. Pour atteindre cet objectif, il peut s’avérer profitable de renforcer la représentation commune de cette dernière sur la scène internationale tout en promouvant et respectant, à ce même niveau, les valeurs, principes et politiques communs tels que, par exemple, la liberté et l’égalité politique et économique et la justice sociale, les bienfaits de la libre entreprise pour le commerce et l’investissement, la mise en place des conditions nécessaires à un cadre de concurrence ouvert et équitable, ainsi que l’élimination des pratiques illicites et frauduleuses des entreprises, par exemple le contournement des régimes fiscaux ou des procédures de passation de marchés publics; par ailleurs, le respect des droits civils et sociaux et des exigences élémentaires en matière environnementale apparaît comme absolument essentiel.

Bruxelles, le 19 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Cet ensemble se compose des avis du CESE sur les thèmes «Politique économique de la zone euro (2017) (supplément d’avis)», «Union des marchés des capitaux: réexamen à mi-parcours» (voir page 117 du présent Journal officiel), «Approfondissement de l’UEM d’ici à 2025» (voir page 124 du présent Journal officiel) et «Les finances de l’UE à l’horizon 2025» (voir page 131 du présent Journal officiel).

(2)  Résolution du CESE, JO C 345 du 13.10.2017, p. 11.

(3)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 10, et JO C 332 du 8.10.2015, p. 8.

(4)  Pour de plus amples détails, voir par exemple JO C 177 du 18.5.2016, p. 16.