ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 34

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

60e année
2 février 2017


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

520e session plénière du CESE des 19 et 20 octobre 2016

2017/C 34/01

Avis du Comité économique et social européen sur Un budget de l’Union européenne fondé sur les performances et axé sur les résultats: la clé d’une bonne gestion financière (avis d’initiative)

1

2017/C 34/02

Avis du Comité économique et social européen sur le Mécanisme européen de contrôle du respect de l’État de droit et des droits fondamentaux (avis d’initiative)

8

2017/C 34/03

Avis du Comité économique et social européen sur les Observations finales du comité des droits des personnes handicapées des Nations unies — Une nouvelle stratégie en faveur des personnes handicapées dans l’Union européenne (avis d’initiative)

15

2017/C 34/04

Avis du Comité économique et social européen sur les Rôle et effets des ITC et des PPP dans la mise en œuvre d’Horizon 2020 pour une mutation industrielle durable (avis d’initiative)

24

2017/C 34/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Renforcer les industries européennes des produits de soin, d’hygiène corporelle et de beauté (avis d’initiative)

31

2017/C 34/06

Avis du Comité économique et social européen sur La démolition navale et la société du recyclage (avis d’initiative)

38

2017/C 34/07

Avis du Comité économique et social européen sur les Prosommation énergétique et coopératives de prosommateurs d’énergie: possibilités et défis dans les États membres de l’Union européenne (avis d’initiative)

44

2017/C 34/08

Avis du Comité économique et social européen sur Les énergies marines: des sources d’énergie renouvelables à développer (avis d’initiative)

53

2017/C 34/09

Avis du Comité économique et social européen sur Le programme à l’horizon 2030 — Une Union européenne engagée en faveur du développement durable à l’échelle mondiale (avis d’initiative)

58

2017/C 34/10

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Horizon 2020 — Évaluation à mi-parcours (avis exploratoire)

66

2017/C 34/11

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Supprimer les obstacles à l’aquaculture durable en Europe (avis exploratoire)

73

2017/C 34/12

Avis du Comité économique et social européen sur La nouvelle organisation du marché de l’électricité et ses incidences potentielles sur les consommateurs vulnérables (avis exploratoire)

78


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

520e session plénière du CESE des 19 et 20 octobre 2016

2017/C 34/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Normes européennes pour le XXIe siècle[COM(2016) 358 final]

86

2017/C 34/14

Avis du du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à contrer le blocage géographique et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2009/22/CE[COM(2016) 289 final — 2016/0152 (COD)]

93

2017/C 34/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs[COM(2016) 283 final — 2016/0148 (COD)]

100

2017/C 34/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux services de livraison transfrontière de colis[COM(2016) 285 final — 2016/0149 (COD)]

106

2017/C 34/17

Avis du Comité économique et social européen sur le Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2015[COM(2016) 393 final — SWD(2016) 198 final]

110

2017/C 34/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’un programme de l’Union en vue de soutenir des activités spécifiques favorisant la participation des consommateurs et autres utilisateurs finaux de services financiers à l’élaboration des politiques de l’Union dans le domaine des services financiers (2017-2020)[COM(2016) 388 final — 2016/0182 (COD)]

117

2017/C 34/19

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et la directive 2009/101/CE[COM(2016) 450 final — 2016/0208 (COD)]

121

2017/C 34/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’accès des autorités fiscales aux informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux[COM(2016) 452 final — 2016/0209 (CNS)]

127

2017/C 34/21

Avis du Comité économique et social européen sur le Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les pratiques commerciales déloyales interentreprises dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire[COM(2016) 32 final]

130

2017/C 34/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil définissant les caractéristiques des navires de pêche (refonte)[COM(2016) 273 final — 2016/0145 (COD)]

140

2017/C 34/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures de gestion, de conservation et de contrôle applicables dans la zone de la convention de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) et modifiant les règlements (CE) no 1936/2001, (CE) no 1984/2003 et (CE) no 520/2007 du Conseil[COM(2016) 401 final — 2016/0187 (COD)]

142

2017/C 34/24

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte)[COM(2016) 270 final — 2016/0133(COD)], sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile et abrogeant le règlement (UE) no 439/2010[COM(2016) 271 final — 2016/0131(COD)], et sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du [règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride], et de l’identification des ressortissants de pays tiers ou apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives (refonte)[COM(2016) 272 final — 2016/0132(COD)]

144

2017/C 34/25

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie de l’Union européenne en matière de chauffage et de refroidissement[COM(2016) 51 final]

151

2017/C 34/26

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché[COM(2016) 287 final — 2016/0151 (COD)]

157

2017/C 34/27

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 531/2012 en ce qui concerne les règles applicables aux marchés de gros de l’itinérance[COM(2016) 399 final — 2016/185(COD)]

162

2017/C 34/28

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/45/CE établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers[COM(2016) 369 final — 2016/0170 (COD)]

167

2017/C 34/29

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/41/CE du Conseil relative à l’enregistrement des personnes voyageant à bord de navires à passagers opérant à destination ou au départ de ports d’États membres de la Communauté et modifiant la directive 2010/65/UE du Parlement européen et du Conseil concernant les formalités déclaratives applicables aux navires à l’entrée ou à la sortie des ports des États membres[COM(2016) 370 final — 2016/171 (COD)]

172

2017/C 34/30

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à un système d’inspections pour l’exploitation en toute sécurité de services réguliers de transbordeurs rouliers et d’engins à passagers à grande vitesse, modifiant la directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l’État du port et abrogeant la directive 1999/35/CE du Conseil[COM(2016) 371 final — 2016/0172 (COD)]

176

2017/C 34/31

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1920/2006 en ce qui concerne l’échange d’informations, le système d’alerte rapide et la procédure d’évaluation des risques pour les nouvelles substances psychoactives[COM(2016) 547 final — 2016/0261 (COD)]

182


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

520e session plénière du CESE des 19 et 20 octobre 2016

2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Un budget de l’Union européenne fondé sur les performances et axé sur les résultats: la clé d’une bonne gestion financière»

(avis d’initiative)

(2017/C 034/01)

Rapporteur:

M. Petr ZAHRADNÍK

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

139/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est d’avis que le budget de l’Union européenne peut constituer un instrument essentiel afin de s’attaquer aux défis qu’affronte actuellement l’Union européenne et à ses changements structurels. Il est toutefois nécessaire d’analyser et d’évaluer soigneusement la destination des dépenses de ses moyens financiers, la manière dont ceux-ci sont dépensés, la manière dont on évalue la performance des moyens ainsi dépensés et la manière dont on communique sur les résultats obtenus (1). Dans ces hypothèses, le budget de l’Union européenne peut se saisir des défis prioritaires de l’Union européenne et contribuer à faire renaître la foi des citoyens européens en l’Union européenne, même dans le cas d’une réduction absolue et relative de son montant.

1.2.

Un préalable au renforcement des performances du budget de l’Union européenne consiste dans le même temps à déterminer aussi des objectifs prioritaires clairement définis en faveur des citoyens de l’Union européenne, les indicateurs agrégés correspondants et un système convaincant de reddition de comptes, en rapport avec les activités concrètes financées par le budget de l’Union européenne, ce qui permettrait de maximiser le rapport coûts-avantages. Pour y parvenir, l’on peut par exemple recourir à des conditions ex ante, à des instruments financiers ou à une souplesse et la capacité à faire face à des défis soudains (2). À l’aspect en tout premier lieu quantitatif du budget de l’Union européenne, qui importe tant, également du point de vue du CESE, pour définir les priorités essentielles et les politiques correspondantes, doit se joindre aussi sa dimension qualitative.

1.3.

Le CESE fait sienne l’approche qui veut qu’en matière de dépenses du budget de l’Union européenne, il importe non seulement de s’assurer qu’elles respectent les règles de légalité et de régularité des procédures, mais aussi de les axer de manière ciblée et systématique sur les résultats et les performances auxquels parvient ledit budget en couvrant les domaines prioritaires de l’Union européenne.

1.4.

Le CESE convient qu’adopter les règles de la culture de la performance dans le contexte du budget de l’Union européenne exige d’assurer un lien étroit entre, d’une part, le montant et la nature des dépenses et, d’autre part, un ensemble cohérent d’indicateurs agrégés de performance pour mesurer cette dernière et les résultats.

1.5.

Dans le même temps, le CESE est d’avis que l’adoption de cette culture de la performance ne se résume pas à une mesure ponctuelle, mais constitue un processus évolutif qui présuppose aussi bien un cadre juridique adéquat qu’une sélection d’instruments qui conduisent les principaux acteurs à agir dans le sens souhaité. Les prochaines discussions, ainsi que la mise en œuvre, d’un budget de l’Union européenne axé sur les performances doivent en outre préciser plus avant le contenu de celui-ci.

1.6.

Le CESE est convaincu qu’un budget de l’Union européenne axé sur les performances est à même d’assurer l’obtention dans les domaines prioritaires de l’Union européenne de résultats et d’incidences qui apportent une valeur ajoutée que l’on puisse clairement identifier. Le débat sur un budget de l’Union européenne fondé sur les performances est donc également un débat sur les politiques prioritaires de l’Union européenne qui ont la capacité d’assurer les mutations structurelles nécessaires.

1.7.

Jusqu’à présent, l’on a procédé à des exercices pilotes pour mesurer les effets du budget de l’Union européenne sur la réalisation des priorités et des objectifs chiffrés de la stratégie Europe 2020. Le CESE estime que cette démarche constitue une avancée positive dans la bonne direction, qu’il est nécessaire de prolonger de manière systématique et nettement plus globale encore. Des tests ont mis en évidence un degré élevé d’inadéquation entre les objectifs visés et les résultats correspondants, ainsi que de nombreux exemples d’une utilisation inefficace des moyens financiers de l’Union européenne et de défaillances des procédures y afférentes.

1.8.

Le CESE soutient la poursuite de l’amélioration et le resserrement de l’interconnexion et du lien entre la stratégie Europe 2020 et le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 ou encore les différents exercices budgétaires de l’Union européenne y afférents, au moyen des indicateurs d’analyse de l’incidence et de l’interprétation qui s’ensuit. À cette occasion, il est souhaitable de mener une réflexion sur la stratégie Europe 2020 pour vérifier si celle-ci cible bien les priorités réelles de l’Union européenne en matière de développement également au cours de la seconde moitié de la présente décennie.

1.9.

Le CESE approuve également l’idée de faire en sorte que les accords de partenariat et les programmes opérationnels soient en mesure de jouer efficacement leur rôle de courroies de transmission pour traduire les objectifs et les priorités de l’Union européenne en objectifs opérationnels mis en œuvre au niveau de chacun des États membres, qu’il s’agisse soit d’améliorer la gestion partagée, soit d’améliorer les règles de procédure des programmes gérés directement par la Commission européenne dans chacun des États membres.

1.10.

Le CESE recommande d’encourager les États membres à inclure dans leurs accords de partenariat et leurs programmes opérationnels un ensemble cohérent et comparable de résultats quantifiables qui devraient être atteints grâce à l’appui des ressources du budget de l’Union européenne et qu’il conviendrait de soumettre par la suite à une évaluation. Tous les accords de partenariat et programmes opérationnels devraient prévoir des indicateurs communs de résultats sur une base transversale ou horizontale, en mettant clairement en évidence l’apport des différents fonds et des Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI) dans leur ensemble, et qui soient conçus de manière à permettre de suivre les progrès accomplis à l’échelle de l’Union européenne, des États membres et de chacune de leurs régions.

1.11.

Le CESE voit dans la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 l’occasion d’appliquer plus vigoureusement une approche de performances et d’orientation sur les résultats, qui devrait se manifester pleinement par la suite sous la forme du cadre financier pluriannuel à compter de 2021.

1.12.

Le CESE estime que le cadre financier pluriannuel qui débutera en 2021 devrait constituer, de concert avec la nouvelle stratégie de compétitivité et de développement et avec le socle des droits sociaux qui est en cours d’élaboration, une plate-forme stratégique clé à moyen terme (à un horizon temporel identique à celui de la stratégie de compétitivité) dotée d’une structure et d’une pondération des différents postes de dépenses adaptées aux besoins et aux priorités réels, et qui devrait dans le même temps autoriser une souplesse accrue pour faire face aux besoins nouveaux qui apparaissent. Le CESE se féliciterait également d’une modification des modalités d’exécution des moyens financiers du budget de l’Union européenne dans le sens d’une efficacité accrue grâce à la mise en œuvre plus large d’instruments remboursables et à la recherche d’une complémentarité entre ces derniers et les crédits de subvention. En outre, il subsiste une large marge d’amélioration des manières d’évaluer le budget de l’Union européenne et son efficacité. Le facteur de la souplesse budgétaire correspondante est tout à fait fondamental du point de vue de la capacité du budget de l’Union européenne de réagir aux nouvelles initiatives, menaces et opportunités qui apparaissent, du maintien de la capacité de l’Union européenne d’agir (à titre d’exemple, l’on peut citer la crise migratoire, la nécessité de faire face à des chocs économiques ou la variation du nombre de membres de l’Union européenne et ses retombées sur les flux budgétaires, une base adéquate en ressources du Fonds de solidarité en cas de catastrophes naturelles), et ce facteur concerne non seulement le volume et la structure des dépenses du budget de l’Union européenne, mais également son volet des recettes.

1.13.

Le CESE recommande de transcrire dans la politique budgétaire de l’Union européenne postérieure à 2020 l’identification du montant correspondant du volet des recettes du budget de l’Union européenne et de la manière dont celui-ci a été établi (il s’agit de trouver une relation équilibrée et solidaire entre les contributions des États membres et les ressources budgétaires propres).

1.14.

Le CESE approuve l’élargissement supplémentaire des possibilités qu’offre une politique budgétaire active, dont par exemple la possibilité d’émettre des obligations européennes. À cette fin, il est souhaitable d’améliorer le cadre et la procédure budgétaires de l’Union européenne et également de résoudre de manière satisfaisante la question de la portée de la politique budgétaire de l’Union européenne à l’endroit, d’une part, des États membres de la zone euro et, d’autre part, des autres États membres de l’Union européenne.

2.   Analyse et description du problème

2.1.    Éléments factuels de base

2.1.1.

Le budget de l’Union européenne constitue un instrument important et crucial de financement des priorités de l’Union européenne dont le montant s’élève à environ 1 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne; son montant pour l’exercice 2015 était de 145,3 milliards d’EUR. Il contribue dans une mesure assez significative à assurer la politique économique dans chacun des États membres, où il représente en moyenne 1,9 % des dépenses publiques; néanmoins dans certains cas, cette proportion est sensiblement supérieure à 10 %.

2.2.    Points de départ de la problématique

2.2.1.

Pour des moyens financiers d’un tel montant, il importe de veiller à leur affectation non seulement dans le respect des règles de légalité et de régularité, mais aussi, et simultanément, une fois respectée cette première condition, de manière à ce qu’ils permettent avant tout d’atteindre les objectifs et les résultats correspondants et de respecter les principes de la bonne gestion financière et de la culture de la performance. La mise en évidence des effets réels de l’exécution du budget de l’Union européenne, mesurée au moyen d’indicateurs et de critères macroéconomiques pertinents, fait l’objet de toutes les réflexions politiques actuelles en matière de politique budgétaire de l’Union européenne.

Un budget performant consiste à orienter de manière adéquate les dépenses du budget de l’Union européenne vers les véritables priorités de celle-ci au cours d’une période donnée. La culture de la performance repose alors sur trois piliers: une stratégie, la simplification et la procédure budgétaire.

2.2.2.

Le budget de l’Union européenne et son exécution devraient se conformer aux priorités suivantes:

adopter une approche renforcée fondée sur les performances et axée sur les résultats, qui compenserait la vision traditionnelle du respect des règles de légalité et de régularité et qui permettrait d’intégrer de nouveaux éléments reflétant les besoins actuels et futurs (voir ci-après) des finances de l’Union européenne,

s’axer davantage sur les performances et les résultats présuppose d’améliorer le traitement des données, leur accessibilité et leur disponibilité sous la forme demandée afin d’évaluer les bénéfices réels, pour autant que les effets de cette activité soient supérieurs aux charges supplémentaires qu’elle engendre,

évaluer la qualité du cadre réglementaire de l’affectation des dépenses du budget de l’Union européenne,

compte tenu de la nature des activités financées par le budget de l’Union européenne, il est capital d’en percevoir l’évolution non pas de manière isolée sous l’angle d’un exercice budgétaire donné, mais sous la forme d’un processus continu de moyen terme au cours duquel chaque exercice marque une trajectoire de l’évolution nécessaire pour la réalisation des résultats correspondants,

respecter l’interconnexion très étroite entre le budget de l’Union européenne et le nouveau modèle de la politique économique de l’Union européenne (3), ainsi que les performances actuelles de l’économie de l’Union européenne à un horizon de moyen terme,

la nécessité d’assurer la continuité de la politique budgétaire de l’Union européenne et d’en réaliser et d’en évaluer les objectifs.

2.2.3.

Le budget de l’Union européenne recèle quelques nouvelles composantes liées au fonctionnement du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, qui sont pertinentes s’agissant de renforcer l’approche fondée sur les performances et axée sur les résultats:

a)

la concentration thématique: le soutien apporté par les moyens financiers de l’Union européenne ne devrait concerner que les domaines prioritaires et ne devrait pas être dirigé vers tout et n’importe quoi; il convient de définir précisément les priorités et de les étayer au moyen d’une analyse quantitative et de plans de faisabilité; il convient de limiter strictement l’ampleur de l’ensemble de priorités; les priorités justifiées doivent être couvertes par un financement suffisant de manière à pouvoir obtenir des résultats et à en tirer de réels avantages;

b)

l’approche intégrée et territorialisée («place-based») et les synergies: non seulement les programmes et projets devraient produire des résultats et des avantages en tant que tels, mais ces derniers devraient correspondre à ceux d’autres programmes et projets grâce aux synergies réalisées; ces dernières devraient l’être dans le cadre d’une unité territoriale définie sur la base du principe de subsidiarité; pour que ce système fonctionne, il importe d’établir une matrice de gestion afin d’obtenir les conditions adéquates pour les projets intégrés;

c)

les conditionnalités et les réserves de performance: le principe de bonne gestion financière suppose que le financement par l’Union européenne s’effectue dans un contexte adéquat des affaires intérieures, macroéconomiques et institutionnelles d’un État, qui constitue un préalable pour effectuer l’affectation en tant que telle; en revanche, une réserve de performance est instituée, qui joue le rôle de bonus pour les entités présentant de bonnes performances;

d)

la simplification: le système de financement de l’Union européenne est extraordinairement compliqué à divers égards, ce qui constitue un obstacle à sa gestion efficace et à la possibilité d’en mesurer les résultats et les avantages réels;

e)

des résultats mieux quantifiés: en vue de concevoir et d’adapter la politique budgétaire de l’Union européenne, il est très important de mesurer efficacement les résultats réellement obtenus et de pouvoir tirer avec précision et sans ambiguïté les leçons des faits observés; à cette fin, il est essentiel d’améliorer le système d’analyse des données, la gestion de celui-ci et l’utilisation des indicateurs.

2.2.4.

Pour l’Union européenne, il s’agit ici de mieux adapter sa politique budgétaire et le fonctionnement pratique de son budget à ses besoins en trouvant un équilibre plus pertinent entre, d’une part, les aspects de forme et de procédure de l’exécution du budget de l’Union européenne et, d’autre part, les approches fondées sur les performances et axées sur les résultats. Dans cette optique de performances et de résultats, une approche visant à une perception et à une compréhension communes de cette notion apparaît plus que nécessaire.

2.2.5.

En ce qui concerne la mesure du non-respect des règles de forme, l’on utilise depuis longtemps l’indicateur du taux d’erreur. Ce dernier s’élève à environ 4 % (environ 4 % des dépenses du budget de l’Union européenne ne s’effectuent pas dans le respect des règles de forme, ce qui, en soi, ne constitue pas un mauvais résultat; en valeur absolue, ce chiffre représente toutefois quelque 6 milliards d’EUR). Le tableau suivant présente l’évolution du taux d’erreur d’ensemble au cours des dernières années:

2011

2012

2013

2014

3,9  %

4,8  %

4,7  %

4,4  %

2.2.6.

Le principe clé du budget de l’Union européenne réside dans le caractère «sain» des flux financiers et des programmes et projets effectifs que ceux-ci financent, et qui permet d’évaluer l’utilisation optimale des ressources de l’Union européenne sous tous leurs aspects. Le CESE fait sienne la tendance actuelle à renforcer l’accent mis sur les performances et les résultats à l’œuvre dans les activités de la Commission européenne [sous la forme de son initiative pour un budget axé sur les résultats (4)] et de la Cour des comptes européenne [sous la forme de la structure de son rapport annuel relatif à l’exercice 2014 (5) et du chapitre qu’elle a spécialement consacré à la performance; les passages relatifs à la gestion partagée comprennent en tant que résultats l’évaluation de la performance des programmes à l’issue d’un exercice pilote].

2.2.7.

Le CESE approuve l’approche utilisée lors de l’exercice pilote, qui vise à analyser la relation et l’interconnexion entre la stratégie Europe 2020 et les accords de partenariat, ou le cas échéant les programmes opérationnels, en ce que ceux-ci constituent des instruments essentiels pour réaliser la politique de cohésion de l’Union européenne et des composantes significatives du volet des dépenses du budget de l’Union européenne. L’on peut considérer cet exercice comme le germe d’une conception globale de l’évaluation des performances et des résultats du budget de l’Union européenne (6).

2.2.8.

Pour parvenir à un suivi équilibré des aspects de forme et de performance liés au budget de l’Union européenne, le processus de traitement, de gestion et de communication des données et des informations entre les organes et les institutions de l’Union européenne (en premier lieu la Commission européenne) et les États membres joue un rôle essentiel. L’exécution du budget de l’Union européenne s’accompagne d’une quantité énorme de données et d’informations, qui, en pratique, ne sont toutefois exploitées que de manière très limitée, afin de s’assurer de la possibilité d’évaluer de manière objective tant le taux d’erreur que, notamment, la réalisation des résultats obtenus par le budget de l’Union européenne et d’établir les procédures pour améliorer la situation constatée.

3.   Observations essentielles

3.1.

Le CESE est d’avis que la principale raison d’être de l’existence du budget de l’Union européenne est qu’il apporte des avantages aux citoyens de l’Union européenne tout en protégeant les intérêts financiers de celle-ci; les avantages qu’il procure prennent la forme d’un soutien financier fondé sur le respect des priorités en matière de développement et de fonctionnement, qui soit compatible avec le cadre de la politique économique et les performances économiques réelles et escomptées; protéger les intérêts financiers de l’Union européenne consiste à effectuer de manière adéquate les dépenses inscrites au budget de l’Union européenne dans le respect des règles, sans erreurs ni actes frauduleux. L’approche politique actuelle devrait contribuer à obtenir ce plein respect et cet équilibre mutuel.

3.2.

Le CESE estime que ce mouvement en direction d’un budget de l’Union européenne axé sur les performances ne saurait prendre la forme concrète d’une mesure ponctuelle. Il est essentiel de concevoir les normes juridiques fondamentales et les objectifs du budget de l’Union européenne et de la politique en rapport avec la volonté de respecter des indicateurs à caractère qualitatif et d’obtenir des résultats mesurables.

3.3.

Pour contribuer significativement à axer le budget de l’Union européenne sur les performances, il conviendrait aussi de parvenir à faire coïncider dans le temps la période budgétaire (à savoir actuellement le cadre financier septennal) et celle impartie à la stratégie clé de développement de l’Union européenne (à savoir actuellement la stratégie décennale Europe 2020). De ce point de vue, l’année 2021 offrira une occasion unique de réaliser une telle coïncidence et de créer les conditions pour un fonctionnement optimal d’un budget de l’Union européenne axé sur les résultats et les performances.

3.4.

Le CESE prend acte des conclusions, auxquelles il se conforme, du rapport annuel relatif à l’exercice 2014 publié par la Cour des comptes, qui a mis en évidence une série de points problématiques pour lesquels l’interconnexion entre la stratégie Europe 2020 et les accords de partenariat, ou le cas échéant les programmes opérationnels, ne s’opère pas de manière tout à fait optimale. Ce rapport constate que ces différents instruments ne sont pas conçus de manière à permettre de traduire systématiquement les objectifs politiques de la stratégie Europe 2020 en objectifs opérationnels concrets (définis par les accords de partenariat et les programmes opérationnels) (7).

3.5.

Le CESE est d’avis que les avantages potentiels qui découlent de la réalisation de synergies entre les cinq Fonds ESI dans le cadre du système d’ensemble de règlementation et de gestion et d’un accord de partenariat dans chaque État membre ne se sont pas encore concrétisés, alors que perdure la pratique de règles différentes pour chacun de ces Fonds, qui produisent une fragmentation de la programmation (au lieu des synergies nécessaires entre eux).

3.6.

Le CESE estime que l’existence de deux éléments nouveaux dans l’utilisation des moyens financiers de l’Union européenne pour la période 2014-2020, à savoir les conditionnalités et les réserves de performance, offre une large marge d’amélioration de l’approche axée sur les performances et les résultats. C’est précisément l’application de conditionnalités macroéconomiques qui devrait garantir que les dépenses du budget de l’Union européenne s’effectuent dans chaque État membre dans un environnement macroéconomique suffisamment sain, ou qui devrait ne pas permettre à un État membre qui ne s’efforce pas de remédier à ses problèmes macroéconomiques de pouvoir utiliser pleinement ces moyens. L’existence de réserves de performance devrait également encourager de manière adéquate les États membres à fournir des performances axées sur la réalisation des objectifs stratégiques de l’Union européenne à l’aide du budget de cette dernière.

3.7.

Le CESE estime que l’exercice pilote pour tester un budget de l’Union européenne axé sur les performances et les résultats par le biais des liens que celui-ci entretient avec les priorités de la stratégie Europe 2020 devrait être néanmoins élargi par la suite à d’autres domaines pertinents de manière à permettre que l’évaluation de cette orientation du budget de l’Union européenne sur les performances et les résultats soit véritablement cohérente et globale — il conviendrait par exemple de s’intéresser aux recommandations par pays et à leur cohérence avec les indicateurs découlant de la mise en œuvre du semestre européen.

3.8.

Le CESE recommande qu’intervienne également dans le cadre des réflexions sur le fonctionnement du budget de l’Union européenne une étude de la notion de défaillance du marché, vers l’élimination de laquelle il conviendrait d’orienter les moyens budgétaires de l’Union européenne; les manifestations d’une défaillance du marché (d’imperfections ou d’échecs du marché) peuvent par exemple prendre la forme d’une asymétrie de l’information, éventuellement dans la manière dont les institutions financières évaluent la rentabilité des investissements sur le plan commercial, qui entrave le financement de certains types de projets, car on n’y tient pas compte de certaines externalités positives ni des avantages sociaux qu’ils procurent plus largement, et qui ne sont pas pertinents dans le contexte du cas commercial en question, mais sont importants dans l’optique du soutien apporté par le financement de l’Union européenne.

3.9.

Le CESE fait sien le constat de la nécessité d’améliorer considérablement le domaine de la gestion partagée entre les organes et les institutions de l’Union européenne (au premier chef la Commission européenne) et les États membres. 76 % des dépenses totales du budget de l’Union européenne s’effectuent par la voie de la gestion partagée. Plus les États membres réaliseront en leur sein les objectifs quantifiés de la stratégie Europe 2020, plus le budget de l’Union européenne sera lié aux objectifs de ladite stratégie, et plus ses objectifs refléteront les vrais besoins de l’Union européenne sur le plan économique, social, territorial ou environnemental, et plus nous créerons un environnement favorable de saine gestion financière pour connecter sans accroc la Commission européenne et les États membres.

3.10.

Le CESE estime qu’une manifestation importante du poids croissant des performances et de l’orientation du budget de l’Union européenne sur les résultats est l’accent mis sur l’utilisation accrue des instruments d’ingénierie financière (IIF) ou des instruments de financement innovants, dont la nature modifie tout à fait fondamentalement la manière dont on utilise les ressources publiques de l’Union européenne et les attentes qui y sont associées. En dépit du potentiel indiscutable des IIF, seuls 65 % environ des ressources autorisées à ce titre au cours de la période 2007-2013 sont parvenus aux destinataires finaux (le reste a été simplement «parqué» dans les IIF, afin d’attester sur le plan formel de leur utilisation). Ce thème ne cesse de gagner en importance pour la période postérieure à 2020, en considération également de la nécessité de renforcer la complémentarité à l’égard du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), et il constitue une réflexion stratégique cruciale s’agissant d’orienter les moyens budgétaires communs de l’Union européenne à partir de l’exercice 2021.

3.11.

Dans le même temps, le CESE est d’avis que renforcer l’orientation sur les performances et les résultats ne saurait signifier, bien évidemment, qu’il faille négliger la légalité et la régularité des procédures. L’on ne saurait faire passer au second plan l’importance du respect des règles de droit et de procédure. Étant donné que le taux d’erreur reprend tous les cas où les moyens financiers n’auraient pas dû être versés, car ils n’ont pas été utilisés dans le respect des règles, l’on présuppose en quelque sorte automatiquement d’une certaine manière que ces règles sont correctes et qu’elles-mêmes ne recèlent aucune contradiction interne ou éléments indésirables. C’est aussi pour cette raison qu’une procédure qui respecte les règles de la bonne gestion financière devrait prévoir de vérifier les incidences de ces règles afin d’en tester la compatibilité et la cohérence avec les besoins et les objectifs de l’Union européenne (8).

3.12.

Le CESE convient de la grande complexité des modalités pratiques de l’exécution du budget de l’Union européenne. Les efforts déployés actuellement afin de simplifier toutes les activités en rapport avec le budget de l’Union européenne, qui touche aussi bien aux questions de procédure qu’à celles de contenu, contribuent également à satisfaire l’exigence de bonne gestion financière; ces efforts de simplification devraient se manifester par la réduction des charges administratives excessives et la limitation de la pratique de la «surréglementation» dans chacun des États membres.

3.13.

Le CESE estime que les propositions formulées dans la section 3 du présent avis, qui mènent aux conclusions et recommandations finales de la section 1, constituent des réflexions conceptuelles cruciales sur la future politique budgétaire de l’Union européenne, susceptibles d’être partiellement appliquées dans le contexte du processus de révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, mais qui ne pourront qu’être pleinement transcrites dans les règles budgétaires qu’à partir de l’exercice 2021. Le concept des perspectives et des réformes nécessaires concernant le budget et le cadre financier pluriannuel après 2020 peut s’appuyer sur les récents avis du CESE sur ce thème ou s’inscrire dans leur lignée (9).

Bruxelles, le mercredi 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir Mme Kristalina Georgieva, vice-présidente de la Commission chargée du budget, pages internet consacrées à «Un budget de l’Union européenne axé sur les résultats».

(2)  Voir l’analyse subséquente, paragraphe 2.2.3.

(3)  Il s’agit entre autres de la stratégie Europe 2020, du semestre européen, du «six-pack», du «two-pack», des recommandations par pays; l’un des moyens possibles peut consister à établir un lien étroit avec lesdites recommandations comme critère de l’efficacité de l’affectation des dépenses du budget de l’Union européenne.

(4)  C’est Mme Kristalina Georgieva, vice-présidente de la Commission européenne chargée du budget et des ressources humaines, qui a annoncé cette initiative lors de la conférence du 22 septembre 2015.

(5)  Ce rapport annuel a été publié le 10 novembre 2015.

(6)  Par leur teneur, plusieurs résolutions du Parlement européen adoptées entre 2013 et 2015 (voir les rapports de M. Geier ou de Mme Gräßle) s’engagent dans une voie semblable, même s’ils s’attachent à des questions partielles; le document sur la décharge relative à la gestion de la Commission européenne pour l’exercice 2014 (rapport élaboré en 2016 par Mme Dlabajová) manifeste une visée globale en la matière dans les matériels du Parlement européen.

(7)  Voir par exemple les paragraphes 3.10 à 3.12 du rapport annuel de la Cour des comptes relatif à l’exercice 2014.

(8)  Par exemple au moyen d’une analyse de l’impact réglementaire, qui constitue un instrument très efficace pour obtenir dans les faits une bonne gestion financière.

(9)  Voir, par exemple, les avis du CESE de 2011 sur «Le réexamen du budget de l’Union européenne» (JO C 248 du 25.8.2011, p. 75), de 2012 sur «Le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020» (JO C 229 du 31.7.2012, p. 32), de 2014 sur le thème «Achever l’Union économique et monétaire — Le rôle de la politique fiscale» (JO C 230 du 14.7.2015, p. 24), de 2015 sur le «Réexamen de la gouvernance économique» (JO C 268 du 14.8.2015, p. 33), de 2015 sur le thème «Achever l’Union économique et monétaire — Propositions pour la prochaine législature européenne» (JO C 451 du 16.12.2014, p. 10), de 2015 sur le thème «Achever l’UEM: le pilier politique» (JO C 332 du 8.10.2015, p. 8), de 2012 «Le PIB et au-delà — Indicateurs complémentaires» (JO C 181 du 21.6.2012, p. 14), de 2012 sur «La taxe sur les transactions financières» (JO C 181 du 21.6.2012, p. 55), de 2013 sur la «Coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières» (JO C 271 du 19.9.2013, p. 36) et de 2012 sur le «Programme d’action pour la douane et la fiscalité pour la période 2014-2020 (Fiscus)» (JO C 143 du 22.5.2012, p. 48).


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/8


Avis du Comité économique et social européen sur le «Mécanisme européen de contrôle du respect de l’État de droit et des droits fondamentaux»

(avis d’initiative)

(2017/C 034/02)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Corapporteur:

Ákos TOPOLÁNSZKY

Consultation

Comité économique et social européen, 21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27 septembre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

202/1/7

1.   Observations et propositions du Comité économique et sociale européen: un mécanisme de l’Union européenne pour le contrôle du respect de l’État de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux

1.1.

L’Union européenne n’est pas seulement un marché commun; c’est aussi une communauté qui partage des valeurs communes, comme l’indique l’article 2 du traité. Elle reconnaît en outre les droits, les libertés et les principes énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ces valeurs, sur lesquelles s’appuie l’Union européenne, constituent le fondement de l’intégration et font partie de l’identité européenne. Elles constituent non seulement des critères d’adhésion, mais doivent par la suite être respectées par les États membres dans la pratique. Il est donc essentiel que les procédures prévues par le traité soient appliquées lorsque ces valeurs sont menacées. Le Comité économique et social européen (CESE) considère que les institutions européennes devraient adopter une stratégie d’anticipation et de prévention dans le cadre de leurs activités politiques de manière à devancer et à éviter les problèmes.

1.2.

À l’instar de nombreuses organisations de la société civile, le CESE s’inquiète de la détérioration de la situation relative aux droits de l’homme et de la dérive populiste et autoritaire qui gagne du terrain, ainsi que du risque que cette situation fait peser sur la qualité de la démocratie et la sauvegarde des droits fondamentaux, ces derniers étant garantis à la fois par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne et constituant des principes généraux du droit de l’Union européenne (1).

1.3.

Les valeurs évoquées dans les points précédents sont menacées partout en Europe. De nombreuses organisations de la société civile dénoncent la situation dans plusieurs États membres et espèrent que le CESE adoptera de nouvelles initiatives permettant aux institutions européennes de réagir avec fermeté. C’est non seulement l’Union européenne qui est en danger, mais aussi la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques nationales et européennes. Le CESE estime que ce risque est très grave et systémique.

1.4.

Le contenu spécifique des principes et normes dérivés de l’État de droit peut varier au niveau national, en fonction du système constitutionnel de chaque État membre. Toutefois la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que les documents élaborés par le Conseil de l’Europe, en particulier la Commission de Venise, précisent ces principes et valeurs de l’Union européenne. Parmi ces principes figurent la légalité, qui suppose l’existence d’une procédure législative transparente, responsable, démocratique et pluraliste, l’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, des juridictions indépendantes et impartiales, un contrôle juridictionnel effectif, y compris le respect des droits fondamentaux, l’égalité devant la loi, et la défense des droits de l’homme, y compris, bien sûr, ceux des personnes appartenant à des minorités.

1.5.

La Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme ont confirmé que ces principes n’étaient pas de nature purement formelle et ne relevaient pas de simples exigences procédurales, mais qu’au contraire ils constituaient les moyens de garantir la conformité à la démocratie et aux droits de l’homme, et le respect de ceux-ci. L’État de droit est un principe constitutionnel comportant des composantes à la fois de procédure et de fond.

1.6.

Le respect de l’État de droit est intrinsèquement lié au respect de la démocratie et des droits fondamentaux: il ne peut exister de démocratie et de protection des droits fondamentaux sans respect de l’État de droit. À l’inverse, les droits fondamentaux ne sont effectifs que s’ils peuvent être invoqués en justice. La démocratie est protégée grâce au rôle fondamental du pouvoir judiciaire, notamment celui des cours constitutionnelles. Il convient d’ajouter qu’il s’agit de droits des personnes, et non des États membres ou des gouvernements. C’est pourquoi il est urgent d’accorder la priorité à leur défense.

1.7.

À la lumière des travaux de la commission des affaires constitutionnelles (AFCO) du Parlement européen, ainsi que des rapports de la Commission et de la résolution du Parlement européen du 27 février 2014 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne, le CESE estime qu’en temps opportun, il serait nécessaire de modifier l’article 51 (2) de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de manière à étendre son champ d’application et à faire en sorte que toutes les dispositions de la charte soient applicables dans les États membres (3).

1.8.

La Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme entretiennent un dialogue régulier; celui-ci pourrait être renforcé si l’Union européenne signait la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). Le CESE propose que la Commission soumette, dans le courant du premier semestre de 2017, une proposition en vue de l’adhésion de l’Union européenne à cette convention, laquelle est prévue à l’article 6, paragraphe 2, du traité.

1.9.

Les obligations qui incombent aux pays candidats au titre des critères de Copenhague doivent continuer à s’appliquer aux États membres après leur adhésion à l’Union en vertu de l’article 2 du traité et, de ce fait, le CESE considère que l’ensemble des États membres devraient être régulièrement évalués afin de vérifier qu’ils continuent à se conformer aux valeurs fondamentales de l’Union européenne, et d’éviter une rupture de la confiance mutuelle.

1.10.

Le CESE estime que les institutions européennes doivent renforcer les procédures et mécanismes afin de protéger et de défendre la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux dans les États membres. Au cours des dernières années et, en particulier, avant 2014, nous avons constaté avec inquiétude qu’en dépit du fait qu’elle ait lancé des procédures d’infraction dans certains cas, la Commission n’est pas parvenue à s’acquitter de manière efficace de son rôle de gardienne des traités et n’a pas été en mesure d’apporter une réponse adéquate aux violations des valeurs et principes européens qui ont été constatées dans plusieurs États membres.

1.11.

Le CESE encourage la Commission à adopter une démarche active en matière de protection et de défense, dans tous les États membres, des valeurs et principes de l’Union européenne, tels qu’ils sont énoncés à l’article 2 du traité sur l’Union européenne, et à faire usage de toutes les possibilités offertes par le cadre de 2014.

1.12.

Le CESE propose l’adoption d’une approche commune par les trois principales institutions de l’Union européenne (Parlement, Conseil et Commission). Le dialogue et la coopération entre les institutions sont essentiels face à un problème aussi important que celui-ci. Le CESE recommande que le Conseil soutienne le cadre existant de la Commission en adoptant une décision visant à consolider le cadre et à soutenir le renforcement de l’État de droit.

1.13.

Les organisations de la société civile jouent un rôle important dans la promotion des valeurs démocratiques, le bon fonctionnement de l’État de droit et la protection des droits fondamentaux. Étant donné la réduction de l’espace démocratique et les contraintes imposées aux organisations non gouvernementales (ONG) dans les États membres, le rôle positif joué par ces organisations sur le terrain mérite l’admiration. Le Comité collabore très activement avec les partenaires sociaux et les ONG pour garantir la sauvegarde des droits fondamentaux et des droits des minorités, des réfugiés et des immigrés.

1.14.

En tant qu’organe représentant la société civile organisée européenne, le CESE souhaite entamer un dialogue avec le Parlement, le Conseil et la Commission en vue d’améliorer la gouvernance et de renforcer la coordination des politiques entre les institutions de l’Union et les États membres, ainsi que de mettre en place un système d’alerte précoce.

1.15.

Le CESE juge essentiel d’établir un mécanisme européen juridiquement contraignant, un cadre associant étroitement le Parlement, le Conseil et la Commission, au sein duquel le Comité jouerait un rôle important en tant que représentant de la société civile. Ce mécanisme viendra compléter le cadre de la Commission et le dialogue intergouvernemental lancé par le Conseil. Il pourrait s’appeler «nouveau mécanisme de Copenhague» (4) et serait soumis à un contrôle démocratique et judiciaire (5).

Ce mécanisme devrait, entre autres, examiner des aspects tels que la légalité, la hiérarchie des normes, la sécurité juridique, l’égalité, la non-discrimination, le libre accès à la justice et le droit à un procès équitable, la prévention des abus de droit et des comportements arbitraires de la part des pouvoirs publics, la séparation des pouvoirs, le respect et la protection du pluralisme politique, des minorités, de la diversité sociale et sexuelle, etc., le respect de la liberté d’expression et de la presse, en vue de détecter les lacunes existantes et de réclamer qu’elles soient corrigées.

1.16.

Le Comité souhaite que le projet de rapport examiné par la commission LIBE du Parlement européen soit adopté et qu’un accord interinstitutionnel soit obtenu sur la mise en œuvre du pacte de l’Union européenne pour la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux. D’une manière générale, le CESE soutient la proposition dans la mesure où elle contient la base en vue de l’application d’un accord institutionnel juridiquement contraignant qui renforce la gouvernance européenne et la coordination des politiques entre les institutions de l’Union et les États membres. Le CESE devrait être inclus dans ce pacte, ce qui permettrait un débat avec la société civile au niveau du Comité, et le CESE devrait jouer un rôle dans le semestre pour la démocratie interinstitutionnelle, l’État de droit et les droits fondamentaux (semestre DEF) proposé.

1.17.

Le mécanisme devrait prendre appui sur des indicateurs qui, eux-mêmes, reposeraient sur des données quantitatives et qualitatives portant sur les domaines suivants:

l’État de droit,

la qualité de la démocratie,

la protection des droits fondamentaux.

1.18.

Le Comité insiste sur l’importance des titres I, II, III et IV de la charte pour l’établissement des indicateurs, en tenant compte du fait que les droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux sont «indissociables» des droits civils et politiques.

1.19.

Il est important que tant les États membres que les institutions, organes et agences de l’Union européenne respectent les droits fondamentaux, notamment les droits sociaux, en particulier en temps de crise. Cela vaut également pour les relations et les accords avec les pays tiers, non seulement du point de vue de leur conformité à ces droits, mais aussi sous l’angle de leur application effective.

1.20.

Le mécanisme requiert l’introduction d’un système de suivi et d’évaluation selon des procédures transparentes. L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) devrait être explicitement mandatée pour soutenir un tel mécanisme. Le CESE souscrit à la proposition du Parlement de créer un groupe d’experts indépendants (6), présidé par le comité scientifique de la FRA.

1.21.

Le Comité propose qu’il fasse partie de ce groupe. Il propose également que les experts désignés par les différents gouvernements soient les médiateurs de chaque État membre.

1.22.

Sur la base des indicateurs et en suivant des procédures transparentes, le groupe d’experts examinera et évaluera la situation dans chaque État membre. Le CESE peut apporter une aide dans ce domaine en organisant des missions dans les États membres, en vue d’examiner la situation en collaboration avec la société civile locale, ainsi qu’établir des rapports.

1.23.

Le CESE soutient la mise en œuvre du semestre DEF. Chaque année, sur la base des rapports des experts, la Commission établira des rapports par pays incluant des recommandations; le Parlement organisera un débat interparlementaire et rédigera une résolution; le Conseil organisera le dialogue annuel et adoptera des conclusions. Le mécanisme doit fonctionner dans le contexte d’un nouveau cycle politique annuel, dans le but d’assurer une approche commune et cohérente au sein de l’Union.

1.24.

Le Comité souhaite participer à la préparation de l’accord interinstitutionnel, et pourrait envisager la création d’un groupe permanent en vue d’organiser des auditions avec la société civile et d’élaborer des projets d’avis et des rapports à ce sujet.

1.25.

Dans le cadre du semestre DEF, le Comité pourrait organiser un forum annuel en coopération avec les organisations de la société civile, afin d’examiner la situation relative à la démocratie, à l’État de droit et aux droits fondamentaux, et rédiger des propositions et des recommandations qui seront transmises au Parlement, au Conseil et à la Commission. Le Comité pourrait également coopérer avec les autres institutions pour la réalisation des analyses d’impact.

2.   Le traité et les questions connexes

2.1.

Ces dernières années ont mis en lumière l’absence de mécanismes appropriés pour protéger les valeurs énoncées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne, qui dispose que «l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes».

2.2.

L’Union est fondée sur ces valeurs, notamment le respect de la démocratie, de l’État de droit et de la protection des droits de l’homme. Elle a la possibilité de vérifier le respect de ces valeurs lors de la période de préparation à l’adhésion d’un État, en vertu de ce que l’on appelle les «critères de Copenhague» ou «critères d’adhésion» (7). L’adhésion requiert du pays candidat qu’il ait des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection.

2.3.

En revanche, il n’existe pas de mécanisme similaire qui pourrait être utilisé après l’adhésion d’un État. L’on parle du «dilemme de Copenhague» pour décrire l’absence d’un tel mécanisme de surveillance de la démocratie, de l’État de droit et des droits fondamentaux.

2.4.

Le bon fonctionnement de l’Union européenne repose sur la «confiance mutuelle» que se portent les institutions européennes et les États membres, ainsi que les États membres entre eux, concernant le fait que les lois et les décisions politiques qui sont adoptées respectent les mêmes principes d’État de droit, de démocratie et de droits fondamentaux. Cette exigence permet d’assurer des conditions équitables de circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux entre les États membres. Ce fonctionnement permet aussi aux gouvernements de coopérer dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, et notamment du droit pénal, de l’asile et de l’immigration.

2.5.

L’Union européenne a été créée pour garantir la paix et la prospérité dans tous les États membres et améliorer le bien-être de ses citoyens; cela dépend non seulement de l’existence du libre-échange, mais aussi de la protection des valeurs fondamentales de l’Union. Ces valeurs fondamentales donnent aux citoyens européens la garantie de vivre à l’abri de l’oppression et de l’intolérance et d’être dirigés par des gouvernements démocratiquement élus et responsables, qui agissent dans le respect de l’État de droit.

2.6.

Ces dernières années, certaines décisions politiques et législatives prises dans plusieurs États membres ont suscité des débats et des litiges avec les institutions européennes et les autres États membres, et la «confiance mutuelle» a été rompue. Bien souvent, il n’a pas été tenu compte comme il se doit des règles de la démocratie, de l’État de droit et des droits fondamentaux, et l’Union européenne n’a pas été capable de réagir de manière adéquate.

2.7.

Le CESE observe avec une vive inquiétude que, dans plusieurs États membres, certains textes législatifs adoptés et certaines politiques mises en œuvre actuellement semblent témoigner d’une grave dégradation de la qualité de la démocratie: violations des droits de l’homme, notamment à l’encontre des minorités, manque d’indépendance de l’appareil judiciaire et des cours constitutionnelles, limitation de la séparation des pouvoirs, restrictions de la liberté de la presse, d’opinion, de réunion et d’association, d’information, liberté de mener des négociations collectives, limitations d’autres droits civils et sociaux fondamentaux. À plusieurs occasions, l’Union européenne a été confrontée, dans certains États membres, à des crises dues à des problèmes spécifiques liés à l’État de droit, et en réaction à ces situations, la Commission a exercé des pressions politiques et ouvert des procédures d’infraction.

2.8.

À ce jour, il n’a jamais été fait usage des mécanismes préventifs ni de ceux reposant sur des sanctions qui sont visés à l’article 7 du traité sur l’Union européenne, qui est la seule disposition figurant dans les traités permettant d’intervenir en cas de violation de la démocratie, de l’État de droit ou des droits fondamentaux, dans des domaines qui ne relèvent pas des compétences législatives de l’Union. Deux approches coexistent: l’une préventive et l’autre reposant sur des sanctions. Dans la pratique toutefois, aucun de ces dispositifs n’a jamais été utilisé du fait de leurs implications politiques et des exigences strictes régissant leur mise en œuvre: ils ne sont en effet applicables qu’en cas de «risque clair» de «violation grave et persistante».

2.9.

Le Parlement et la Commission peuvent intervenir lors de la phase préventive. Dans un second temps, le Conseil peut sanctionner un État membre en prononçant la suspension de certains de ses droits, notamment les droits de vote de ses représentants au sein du Conseil.

2.10.

Cependant, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’application de cette mesure, puisqu’aucun critère spécifique ou transparent ne s’impose à lui pour activer la procédure, décider des indicateurs utilisés, ni pour choisir les procédures d’évaluation. Le Parlement, la Commission et la Cour de justice de l’Union européenne ne disposent que d’un mandat très limité dans ces situations (8); de même, aucune disposition n’est prévue pour consulter le CESE.

3.   Les actions des institutions européennes

3.1.

La Commission a adopté une communication intitulée «Un nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’État de droit» [COM(2014) 158] en mars 2014. Le cadre sera activé si les États membres prennent des mesures, ou tolèrent des situations, qui sont susceptibles de porter atteinte de manière systématique à l’intégrité, à la stabilité ou au bon fonctionnement des institutions et aux mécanismes de protection prévus au niveau national pour garantir l’État de droit. Cela concerne notamment les problèmes liés à leur structure constitutionnelle, à la séparation des pouvoirs, à l’indépendance ou à l’impartialité du pouvoir judiciaire ou au système de contrôle juridictionnel, y compris la justice constitutionnelle.

3.2.

Le cadre de la Commission a pour objectif de répondre aux menaces qui pèseraient sur l’État de droit dans les États membres, avant que les conditions d’activation des mécanismes établis à l’article 7 du traité sur l’Union européenne ne soient réunies. Il relève de la responsabilité de la Commission et est conçu pour combler une lacune. Il n’a pas vocation à remplacer, mais plutôt à précéder et à compléter les mécanismes dudit article 7. En cas de signes clairs attestant de l’existence d’une menace systémique envers l’État de droit dans un État membre, ce cadre faciliterait la tenue d’un dialogue structuré entre la Commission européenne et l’État membre concerné. Le processus de cet échange se déroulerait en trois grandes étapes: un avis de la Commission, une recommandation de celle-ci et un suivi de ladite recommandation. La Commission peut consulter des experts lorsqu’elle procède à l’évaluation (9).

3.3.

Le CESE accueille favorablement le cadre visant à renforcer l’État de droit qui a été adopté par la Commission. Celui-ci présente néanmoins certaines limites.

3.3.1.

L’évaluation ne prévoit aucun examen comparatif périodique concernant les problèmes et litiges dont les États membres sont à l’origine en lien avec la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux. Par définition, ce cadre ne peut être activé que lorsque le problème est devenu «systémique», ce qui constitue un seuil élevé. On pourrait considérer qu’une menace peut être «systémique» à partir du moment où l’appareil judiciaire n’est plus en mesure de garantir que le gouvernement agit dans les limites du droit, une situation qui intervient à un stade relativement tardif le cas échéant.

3.3.2.

La manière dont la Commission analyse l’information doit être transparente et assortie d’indicateurs précis ou de procédures objectives; elle doit également établir des protocoles permettant de consulter la société civile et le CESE.

3.3.3.

Le cadre ne prévoit aucun rôle spécifique pour le Parlement, bien que celui-ci lance ses propres initiatives politiques dans ce domaine.

3.3.4.

Il ne prévoit en outre aucun modèle de coopération interinstitutionnelle plus étroite.

3.4.

Le CESE est préoccupé par l’absence de suivi donné, au sein du Conseil, au cadre visant à renforcer l’État de droit.

3.4.1.

Lors de sa réunion du 16 décembre 2014, le Conseil des affaires générales a adopté des conclusions sur le rôle du Conseil pour garantir le respect de l’État de droit. Le Conseil a entrepris d’instaurer un dialogue annuel entre les États membres, qui se déroulera au sein du Conseil des affaires générales et sera préparé par le Coreper. La présidence luxembourgeoise a lancé ce dialogue en novembre 2015, et il est prévu que celui-ci porte sur différents sujets spécifiques qui n’ont pas été rendus publics: les gouvernements ont été invités à évoquer les aspects relatifs à l’État de droit de leur choix, ainsi qu’à donner un exemple de pratique satisfaisante de leur part et un exemple de situation représentant un défi en la matière. Cela a débouché sur une série de monologues plutôt que sur un dialogue. Les États n’ont pas interagi en se prêtant soutien ou assistance ou en émettant des critiques, aucun d’entre eux n’a formulé ni pris acte de recommandations et ils n’ont pas pris d’engagements pour déployer des mesures de suivi concernant les difficultés relevées. Fin 2016, sous la présidence slovaque, le Conseil procédera à une évaluation de l’expérience.

3.4.2.

Le Conseil n’a pas tenu compte, dans ses conclusions, du cadre de la Commission relatif à l’État de droit et n’y a pas fait référence. Les conclusions ne donnent pas un aperçu clair du rôle précis que le Parlement, la Commission et le CESE joueront dans ce dialogue.

3.5.

La Commission Juncker a inscrit l’État de droit au rang de ses priorités et s’est dotée d’un vice-président chargé de l’État de droit et des droits fondamentaux, en la personne de M. Frans Timmermans. Cependant, l’on ne sait pas encore si la Commission mettra au point des critères et des indicateurs pour mettre en œuvre le cadre relatif à l’État de droit.

3.6.

Prenant en considération une évaluation critique de la situation par la Commission de Venise, un organe du Conseil de l’Europe (10), la Commission a, pour la première fois, mis en œuvre ce cadre en ouvrant à l’encontre de la Pologne une procédure d’infraction aux règles de l’Union européenne.

3.7.

La commission LIBE du Parlement européen examine actuellement un projet de rapport d’initiative (11) intitulé «Recommandations à la Commission sur la création d’un mécanisme de l’Union pour la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux» [2015/2254 (INL), rapporteur: Mme Sophia in ‘t Veld], qui invite, entre autres, «la Commission à présenter, avant la fin 2016, au titre de l’article 295 du [traité sur le fonctionnement de l’Union européenne], une proposition concernant la conclusion d’un pacte de l’Union pour la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux sous la forme d’un accord interinstitutionnel fixant des dispositions visant à faciliter la coopération entre les institutions de l’Union et ses États membres dans le cadre de l’article 7 du [traité sur l’Union européenne], en intégrant, en harmonisant et en complétant les mécanismes existants, suivant les recommandations détaillées figurant en annexe».

3.7.1.

L’annexe contient le projet d’accord interinstitutionnel intitulé «Pacte de l’Union européenne pour la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux», qui doit faire l’objet d’un accord entre le Parlement, le Conseil et la Commission.

3.7.2.

Le pacte comprend un tableau de bord, un débat interparlementaire annuel ainsi que des dispositions pour traiter les risques potentiels ou violations, ainsi que pour activer le volet préventif ou correctif de l’article 7 du traité.

3.7.3.

Le Parlement propose de lancer un semestre pour la démocratie interinstitutionnelle, l’État de droit et les droits fondamentaux (DEF), destiné à rassembler le cadre de la Commission, le dialogue annuel du Conseil et le débat interparlementaire. Ce semestre européen sera assisté par un secrétariat et un panel d’experts, et présidé par le président du comité scientifique de la FRA, qui établira des indicateurs et analysera la situation dans les États membres ainsi que les recommandations.

3.7.4.

Ce cycle politique DEF inclura les rapports annuels du Parlement, du Conseil et de la Commission, tandis qu’un groupe de travail interinstitutionnel chargé des analyses d’impact sera mis en place.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Article 6 du traité sur l’Union européenne.

(2)  Article 51: «Les dispositions de la Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.»

(3)  La proposition de la Convention et les avis du CESE ne prévoyaient pas les limites introduites à l’article 51 par le Conseil européen.

(4)  Comme le propose le Parlement européen au paragraphe 9 de sa résolution du 27 janvier 2014 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2012), P7_TA(2014)1773, rapporteur: M. Louis Michel.

(5)  Carrera, S., E. Guild et N. Hernanz The Triangular Relationship between Fundamental Rights, Democracy and the Rule of Law in the EU: Towards an EU Copenhagen Mechanism (en anglais), Centre d’études de la politique européenne (CEPS), livre broché, Bruxelles, 2013.

(6)  Désignés par les États membres, l’ALLEA, l’ENNHRI, la Commission de Venise, la CEPEJ, les Nations unies et l’OCDE.

(7)  Conclusions du Conseil européen de Copenhague, des 21 et 22 juin 1993.

(8)  Alors que le droit de l’Union européenne prévoit, pour la protection des droits de l’homme, un mécanisme permettant aux individus de défendre leurs droits, l’article 7 du traité sur l’Union européenne est un mécanisme juridique et politique de portée générale, qui est expressément soustrait à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne.

(9)  L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), le Réseau des présidents des Cours suprêmes judiciaires de l’Union européenne, le Conseil de l’Europe (Commission de Venise), l’Association des Conseils d’État et des juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne et le Réseau européen des conseils de la justice.

(10)  Avis sur les amendements à la loi du 25 juin 2015 relative au Tribunal constitutionnel de Pologne, Commission de Venise, le 11 mars 2016.

(11)  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+PE-576.988+01+DOC+PDF+V0//FR


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/15


Avis du Comité économique et social européen sur les «Observations finales du comité des droits des personnes handicapées des Nations unies — Une nouvelle stratégie en faveur des personnes handicapées dans l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2017/C 034/03)

Rapporteur:

Ioannis VARDAKASTANIS

Consultation

Comité économique et social européen, 21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27 septembre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La ratification par l’Union européenne de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH) représente une étape décisive en matière de droits des personnes handicapées, tant pour l’Union européenne que pour ses États membres. L’évaluation de l’Union européenne réalisée par le comité des droits des personnes handicapées des Nations unies (comité CDPH) en 2015 marque le terme de la première période de mise en œuvre de la CNUDPH. Les observations finales du comité CDPH exhortent les institutions de l’Union européenne à respecter leurs obligations et à organiser et à coordonner la mise en œuvre de la CNUDPH conformément auxdites observations. Elles réaffirment en outre la nécessité de modifier en profondeur la manière dont les politiques européennes en matière de handicap ont été élaborées jusqu’ici. À ce jour, l’Union européenne n’a pas vraiment adapté de manière concrète l’élaboration de ses politiques aux modifications demandées par la CNUDPH.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) invite les institutions européennes à intégrer les observations finales du comité CDPH dans la législation et l’élaboration des politiques actuelles et à venir de l’Union européenne. Il demande également à la Commission européenne d’établir un rapport à l’intention du comité CDPH d’ici l’automne 2016.

1.3.

Le CESE estime que la CNUDPH et les observations finales du comité CDPH donnent une occasion unique à la Commission de présenter une stratégie générale de l’Union européenne en matière de droits des personnes handicapées. Les observations finales ont imprimé une dynamique dont les institutions européennes devraient tirer parti, et qui devrait déboucher sur l’inclusion systématique des droits des personnes handicapées dans l’ensemble des législations, politiques et programmes de l’Union européenne.

1.4.

Le CESE souligne que pour intégrer les droits des personnes handicapées, la Commission doit soumettre l’intégralité de ses législations, politiques et programmes à un exercice de cartographie transversale et approfondie dans le but de les harmoniser pleinement avec les dispositions de la CNUDPH, et associer activement les organisations représentatives des personnes handicapées (OPH) à ce processus. Cet exercice de cartographie devrait s’accompagner d’une analyse des lacunes afin d’évaluer les discordances existant entre la législation actuelle, l’élaboration des politiques et l’intégration des droits des personnes handicapées, d’une part, et la CNUDPH, d’autre part. L’exercice de cartographie et l’analyse des lacunes devraient explicitement s’inscrire dans le cadre de la «stratégie européenne révisée en faveur des personnes handicapées».

1.5.

Le CESE rappelle à la Commission qu’elle est tenue de procéder immédiatement à la révision et à la mise à jour de la déclaration de compétence et de sa liste d’instruments. Elle devrait également introduire une clause par laquelle elle s’engage à examiner et à réviser ladite déclaration au moins une fois au cours de son mandat.

1.6.

Le CESE reconnaît que l’évaluation de l’Union européenne réalisée par le comité CDPH a eu lieu au milieu de la période de programmation 2014-2020 et prend acte des difficultés que représente l’intégration, dans les processus d’examen à mi-parcours des stratégies, politiques, programmes et instruments de financement, de la nouvelle stratégie en faveur des droits des personnes handicapées inspirée par les observations finales dudit comité concernant l’Union européenne. Il recommande cependant à la Commission de tout mettre en œuvre pour prendre en compte lesdites observations finales dans ces processus d’examen et pour allouer les ressources nécessaires à la mise en œuvre des obligations qu’elles prévoient au titre de la CNUDPH.

1.7.

La CNUDPH prévoit explicitement que les OPH doivent être consultées et associées au processus présidant à sa mise en œuvre et à son suivi. Le CESE invite instamment la Commission à engager un dialogue structuré réel et constructif avec le mouvement européen pour les personnes handicapées, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, et de l’article 33, paragraphe 3, de la Convention. En outre, la Commission devrait établir un programme de renforcement des capacités destiné aux OPH afin de leur donner les moyens d’assumer leurs missions fondamentales.

1.8.

Le CESE estime que la coopération et le partenariat entre les institutions européennes sont d’une importance cruciale pour la mise en œuvre de la CNUDPH. Par conséquent, il préconise de mettre en place un mécanisme de coordination interinstitutionnelle afin de favoriser la mise en œuvre rapide et aisée des observations finales du comité CDPH et de la CNUDPH, en s’assurant notamment de la consultation et de la participation des OPH.

1.9.

Lesdites observations finales demandent que la stratégie européenne en faveur des personnes handicapées fasse l’objet d’un examen et d’une révision approfondis. Aussi le CESE prie-t-il la Commission de dresser le bilan des avancées obtenues en matière de droits des personnes handicapées et d’élargir le champ d’application de la stratégie européenne, en y introduisant de nouveaux domaines d’action, en la reliant à l’examen et à la révision des politiques, programmes et instruments de financement (par exemple, Europe 2020, la stratégie en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, la stratégie sur les droits de l’enfant ou les engagements de l’Union européenne en matière d’action extérieure) et en l’assortissant d’un calendrier de mise en œuvre clair, d’un budget ainsi que de critères de référence et d’indicateurs.

1.10.

L’Union européenne s’est engagée à mettre en œuvre dans leur intégralité les objectifs de développement durable fixés dans le programme des Nations unies en la matière à l’horizon 2030, et doit veiller à prendre pleinement en considération les observations finales du comité CDPH et les dispositions de la CNUDPH, sur le plan tant intérieur qu’extérieur. En conséquence, le CESE recommande avec vigueur à la Commission d’intégrer la mise en œuvre dudit programme à l’horizon 2030 dans la stratégie européenne révisée en faveur des personnes handicapées et de définir des objectifs et des actions de l’Union européenne afin de réaliser l’ensemble des objectifs de développement durable prévus au sein de l’Union également pour les personnes handicapées.

1.11.

Le CESE est fermement convaincu que l’Union européenne devrait veiller à faire en sorte que le financement de l’Union ne soit pas utilisé pour créer ou assurer la continuité de fonctionnement de dispositifs de placement en institut. Le CESE soutient sans réserve l’utilisation des fonds de l’Union européenne pour créer des services de proximité pour les personnes handicapées, afin de leur permettre de vivre de manière autonome dans leur cadre de vie habituel. Le placement en institut des personnes handicapées constitue une violation de leurs droits et le CESE demande instamment à la Commission de favoriser la désinstitutionnalisation de manière plus systématique et efficace au moyen de politiques, programmes et instruments de financement spécifiques.

1.12.

Le CESE invite la Commission à procéder sans délai à la ratification du protocole facultatif se rapportant à la CNUDPH, du traité de Marrakech et de la convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe.

1.13.

Le CESE propose résolument à la Commission européenne d’établir des points de contact dans l’ensemble de ses directions générales, agences et organes, en incluant et en associant pleinement les OPH au processus d’élaboration des politiques, afin de créer des structures horizontales et verticales de nature à promouvoir la pleine insertion des personnes handicapées et une intégration renforcée de leurs droits dans la législation, les politiques et les programmes de l’Union européenne.

1.14.

Le CESE considère que la Commission devrait engager ce processus en coopération avec d’autres institutions, agences et organes de l’Union européenne, afin de préparer et d’élaborer avec soin la nouvelle stratégie globale relative aux droits des personnes handicapées pour la période 2020-2030, qui devrait être pleinement intégrée dans les grandes stratégies macroéconomiques et sociales (par exemple la stratégie Europe 2020 et ses mécanismes de mise en œuvre); il préconise en outre la création d’un groupe de travail, étant entendu que toutes les parties prenantes et les OPH doivent être associées à la mise en place et à la concrétisation de cette initiative. Le CESE propose à la Commission de lancer la mise en œuvre de la stratégie globale relative aux droits des personnes handicapées pour la période 2020-2030 à l’occasion de l’Année européenne des droits des personnes handicapées en 2021.

1.15.

Le CESE prend acte des initiatives positives lancées par la Commission dans le domaine de l’accessibilité, en particulier l’accord de trilogue sur la directive relative à l’accessibilité des sites web des organes du secteur public et sa proposition concernant un acte législatif européen sur l’accessibilité, et invite instamment les institutions européennes à conclure les négociations. Il est cependant inquiet au sujet de la directive horizontale sur l’égalité de traitement, et plaide pour le déblocage des négociations et la prise en considération des observations finales et de la CNUDPH dans le cadre de cette nouvelle phase.

1.16.

Le CESE demande à toutes les institutions européennes de veiller à ce que les mesures d’austérité n’affectent pas la capacité des personnes handicapées d’exercer leurs droits tels que consacrés dans la CNUDPH; il invite par conséquent la Commission à instaurer les socles de protection sociale nécessaires pour atteindre cet objectif et assurer également le respect du droit des personnes concernées à une protection sociale et à un niveau de vie décent.

1.17.

Le CESE demande à la Commission et à Eurostat de mettre au point des outils statistiques pour mesurer l’incidence de la mise en œuvre de la CNUDPH sur les personnes handicapées, au niveau européen et national. Il considère par ailleurs que la collecte de données fondée sur une approche du handicap axée sur les droits de l’homme et ventilée par sexe, âge et type de handicap aura un effet positif sur l’élaboration et l’application des législations, politiques et programmes de l’Union européenne.

1.18.

Le CESE reconnaît que l’Union européenne est compétente pour accompagner les mesures nationales afin de veiller à l’égalité de tous ses citoyens devant la loi et de s’assurer non seulement qu’ils ne sont pas privés de leurs droits, mais aussi qu’ils puissent participer aux élections européennes ainsi qu’à tous les scrutins sur l’ensemble de son territoire en tout égalité. En conséquence, le CESE demande à la Commission, et plus spécifiquement à sa direction générale de la justice, d’adopter un programme fondé sur la méthode ouverte de coordination afin de faciliter une convergence des États membres vers un respect accru du principe d’égalité devant la loi.

1.19.

Le CESE s’engage à donner l’exemple en appliquant un certain nombre d’obligations spécifiques mises en évidence par le comité CDPH et auxquelles doivent se conformer les institutions européennes, en leur qualité d’administrations publiques, en veillant à ce que ses services chargés des ressources humaines, les droits des membres du CESE et les outils de communication soient en conformité avec la Convention des Nations unies.

2.   Introduction

2.1.

Le CESE accueille favorablement les observations finales du comité CDPH (1), dans la mesure où elles fournissent à l’Union européenne un programme global pour orienter l’élaboration de ses politiques selon une approche soucieuse des personnes handicapées et fondée sur les droits de l’homme.

2.2.

Le CESE rappelle que la Commission a présenté son projet de directive sur l’égalité de traitement avant la conclusion de la CNUDPH. En outre, des amendements à ce projet de directive non conformes aux obligations prévues par la CNUDPH ont été déposés au fil des négociations entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. Aussi le CESE invite-t-il la Commission à présenter, dans le cadre des négociations interinstitutionnelles en cours, une proposition visant à adapter le projet de directive proposé pour prendre en considération la problématique du handicap, afin de s’assurer qu’il soit conforme à la CNUDPH et, bien entendu, aux observations finales en matière de handicap, et à inclure l’interdiction de la discrimination multiple et intersectorielle, ainsi que de la discrimination par association.

2.3.

Le CESE souligne que les mesures d’austérité ont eu un effet négatif sur les conditions de vie des personnes handicapées et de leur famille. La pauvreté, l’exclusion, la discrimination et les inégalités se sont aggravées en raison de la crise économique, qui, dans de nombreux États membres, est devenue une crise des droits de l’homme, et ont laissé un grand nombre de personnes handicapées ainsi que leur famille sans aucune protection. Le CESE invite dès lors instamment l’Union européenne à établir des socles de protection sociale minimale pour garantir les droits des personnes handicapées et leur assurer une protection sociale et un niveau de vie décent. Ce mécanisme devrait s’inscrire dans le cadre du processus du semestre européen.

2.4.

Par ailleurs, le comité CDPH a recommandé à l’Union européenne de mettre en place une stratégie globale au titre de la CNUDPH, qui s’applique à toutes les institutions de l’Union européenne et soit dotée d’un budget spécifique prévu dans le cadre financier pluriannuel. Le CESE estime dès lors qu’il est nécessaire de convoquer une réunion de haut niveau rassemblant les dirigeants des institutions et organes de l’Union européenne, afin de lancer le processus de préparation et d’adoption d’un programme interinstitutionnel concernant la CNUDPH, assorti d’objectifs spécifiques à satisfaire et de cibles à atteindre. Cette stratégie globale devrait définir les responsabilités de chaque institution européenne concernant la mise en œuvre de la CNUDPH.

2.5.

L’Union européenne doit instaurer un dialogue structuré véritable et constructif avec les OPH, en veillant à la fois à ce qu’elles puissent participer efficacement et utilement à l’élaboration des législations et politiques de l’Union européenne et mener de manière proactive leurs campagnes de promotion en faveur des droits des personnes handicapées. En outre, l’Union européenne doit veiller à ce que les OPH disposent des capacités financières nécessaires pour mener leurs travaux. Aussi convient-il de créer une ligne budgétaire spécifique consacrée aux besoins des OPH liés au renforcement de leurs capacités.

2.6.

L’intégration et l’application générales et transversales des dispositions de la CNUDPH par l’Union européenne, ainsi que l’élaboration d’une nouvelle stratégie européenne afférente, exigent la mise en place d’une gouvernance participative et d’un cadre de partenariat qui donnent à l’ensemble des principaux acteurs et parties prenantes les moyens de participer pleinement à l’élaboration des politiques de concert avec les institutions de l’Union européenne, dans une démarche d’ouverture.

2.7.

La Commission devrait soumettre sans délai et de toute urgence toutes les politiques et tous les programmes intérieurs et extérieurs de l’Union européenne à un exercice de cartographie et à une analyse des lacunes, afin de s’assurer de leur conformité avec les dispositions de la CNUDPH. En outre, toutes les stratégies et politiques globales de l’Union européenne doivent respecter les observations finales, notamment la stratégie Europe 2020 et le semestre européen, le socle européen des droits sociaux, le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 et les instruments de financement tels que les Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI).

2.8.

Il est capital de veiller à ce que la mise en œuvre des observations finales du comité CDPH par l’Union européenne soit examinée au plus haut niveau politique. Plus particulièrement, la Commission devrait inclure une initiative spécialement prévue à cet effet dans son programme de travail 2017. Afin d’intégrer pleinement lesdites observations finales dans les politiques et les programmes de l’Union européenne, il convient que la Commission élabore une stratégie globale concernant la CNUDPH. Le CESE invite la Commission à lancer de toute urgence le processus visant à mener à bien l’élaboration d’une stratégie globale concernant la CNUDPH, moyennant la consultation et la participation pleine et entière des OPH.

2.9.

L’année 2021 marquera le 10e anniversaire de la conclusion par l’Union européenne de la CNUDPH. Le CESE estime qu’il s’agit d’une bonne occasion de célébrer la deuxième Année européenne des personnes handicapées, et précise que la première édition a été organisée par la Commission en 2003. Par conséquent, le CESE propose que les institutions de l’Union européenne entament dès à présent leurs préparatifs et prennent les mesures nécessaires pour que l’année 2021 soit proclamée deuxième Année européenne des droits des personnes handicapées.

3.   Les observations finales: une opportunité pour faire de l’Union européenne un espace plus inclusif pour les personnes handicapées

3.1.    Principes généraux et obligations (articles 1er à 4)

3.1.1.

Bien que l’Union européenne ait ratifié la CNUDPH, elle n’a toujours pas procédé à un réexamen complet et transversal de sa législation, de ses politiques et de ses programmes. Le CESE exhorte dès lors la Commission à entreprendre ce réexamen dans les plus brefs délais. Par ailleurs, la Commission devrait désigner, au sein de chaque direction générale, un point de contact pour la CNUDPH qui serait chargé d’accomplir cette mission.

3.1.2.

Il est regrettable que l’Union européenne n’ait pas encore ratifié le protocole facultatif se rapportant à la Convention. Aussi le CESE invite-t-il l’Union européenne à ratifier ce protocole sans plus attendre, ce qui permettra aux personnes handicapées de déposer une plainte auprès du comité CDPH en cas de violation de leurs droits consacrés dans la Convention.

3.1.3.

L’approche du handicap sous l’angle des droits de l’homme devrait être pleinement intégrée et prise en compte dans la législation et l’élaboration des politiques de l’Union européenne. Le CESE invite le service juridique des institutions européennes à réaliser une étude détaillée sur les conséquences de la ratification de la CNUDPH pour le système juridique de l’Union européenne, afin d’en faire un cadre juridique adéquat pour l’élaboration de la législation et des politiques. Les services juridiques de l’Union européenne ne tiennent pas suffisamment compte des obligations de l’Union à l’égard de la CNUDPH.

3.1.4.

Le CESE invite le secrétaire général de la Commission à revoir les lignes directrices concernant les analyses d’impact et à les modifier en y incluant une liste plus détaillée de problèmes et de questions, afin de mieux évaluer leur conformité avec la Convention.

3.1.5.

Le comité CDPH a demandé à l’Union européenne de présenter un réexamen de la déclaration de compétence et de sa liste d’instruments pour l’automne 2016, compte tenu de la vision globale adoptée au point 17 des observations finales. Ladite déclaration devrait faire l’objet d’un réexamen au moins une fois par mandat.

3.2.    Droits spécifiques (articles 5 à 30)

3.2.1.

La Commission n’ayant pas mis en place de stratégie européenne en matière d’égalité et de lutte contre la discrimination des personnes handicapées conformément aux dispositions de la CNUDPH et aux observations finales du comité CDPH, le CESE demande à la Commission d’agir sans délai au niveau de la directive horizontale sur l’égalité de traitement (voir paragraphe 2.2) et préconise également de réviser la directive 2000/78/CE sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

3.2.2.

La Commission devrait inclure le point de vue des femmes et des filles handicapées dans sa politique d’égalité entre les femmes et les hommes, notamment en ce qui concerne la collecte de données par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, les droits des femmes et des filles handicapées devraient être pleinement pris en compte dans l’engagement stratégique de la Commission en faveur de l’égalité des sexes pour la période 2016-2019, ainsi que dans ses travaux législatifs et politiques sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le CESE invite l’Union européenne à ratifier rapidement la convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe.

3.2.3.

L’Union européenne devrait inclure et intégrer, dans le nouveau programme de l’Union en matière de droits de l’enfant, une stratégie globale fondée sur les droits en faveur des garçons et des filles handicapés, et tenir compte des droits ordinaires des enfants handicapés dans l’ensemble des politiques européennes en lien avec le handicap. Les enfants handicapés et leurs familles doivent par ailleurs être associés à l’ensemble du processus décisionnel européen, comme le dispose l’article 4, paragraphe 3, de la CNUDPH.

3.2.4.

L’Union européenne devrait également reconnaître la situation spécifique des jeunes handicapés et le fait que ces derniers sont souvent confrontés à de multiples formes de discrimination dans leur vie quotidienne, plus particulièrement en ce qui concerne l’égalité des chances pour les jeunes sur le marché du travail et la participation active des jeunes handicapés à la société en général. L’Union européenne devrait dès lors examiner la situation spécifique des jeunes handicapés vivant dans l’Union européenne et suggérer des améliorations (2). En outre, l’Union européenne devrait faire en sorte que ce point de vue soit inclus dans la prochaine stratégie européenne en faveur de la jeunesse.

3.2.5.

L’Union européenne devrait organiser et mener une vaste campagne de sensibilisation à la Convention en coopération avec les médias publics (y compris les médias sociaux) afin de lutter contre les préjugés à l’encontre des personnes handicapées. Il est essentiel que celles-ci participent également à cette campagne, au travers des organisations qui les représentent.

3.2.6.

L’Union européenne devrait encourager, faciliter et financer des formations en matière de sensibilisation et d’égalité face au handicap à l’intention du personnel du secteur des transports et du tourisme, ainsi que favoriser la collaboration et l’échange de bonnes pratiques entre les associations européennes actives dans le domaine du handicap et les entités publiques et privées responsables des transports. Toutes les ressources relatives au développement des capacités, à la formation, à la sensibilisation et aux déclarations publiques, entre autres, doivent être mises à disposition dans un format accessible.

3.2.7.

Le CESE se félicite de la proposition d’acte législatif européen sur l’accessibilité présentée par la Commission, lequel doit respecter pleinement les dispositions de la CNUDPH, notamment son article 9, ainsi que des mécanismes d’application et de plaintes efficaces et accessibles au niveau national. Il invite les institutions de l’Union européenne à tenir compte des conclusions et recommandations figurant dans son avis relatif à l’acte législatif européen sur l’accessibilité (3) et à garantir la participation des personnes handicapées, au travers des organisations qui les représentent, au processus d’adoption.

3.2.8.

Le CESE accueille favorablement l’accord interinstitutionnel trouvé lors du trilogue sur la proposition de directive relative à l’accessibilité des sites web des organes du secteur public; il exhorte les institutions à concrétiser ce projet sous la forme d’une décision, et les gouvernements nationaux à transposer d’urgence les dispositions contenues dans ladite proposition. Le CESE se félicite par ailleurs que bon nombre des recommandations adoptées dans son avis (4) aient été intégrées dans le texte final de la directive.

3.2.9.

L’Union européenne n’a pas encore vraiment inclus de mesures suffisantes en faveur des personnes handicapées dans les stratégies de réduction des risques de catastrophe. Aussi le CESE demande-t-il que le Conseil de l’Union européenne adopte un cadre pour la réduction des risques de catastrophe destiné aux personnes handicapées en Europe.

3.2.10.

L’Union européenne devrait prendre toutes les mesures qui s’imposent afin que le numéro d’urgence 112 soit accessible à tous. Le CESE souligne qu’il convient de prendre également sans délai toute mesure permettant de garantir l’accessibilité des points d’urgence nationaux.

3.2.11.

Le CESE invite l’Union européenne et ses États membres à adopter une approche des politiques relatives aux migrants et aux réfugiés handicapés qui soit fondée sur les droits de l’homme. De plus, le CESE souligne que, dans certains pays, le handicap peut très souvent être un motif de persécution et de discrimination; il invite dès lors les autorités européennes à élaborer des lignes directrices et à mener des campagnes d’information (accessibles aux personnes handicapées) à l’intention de ses agences et des États membres concernant le handicap, la migration et l’asile, ainsi qu’à prendre systématiquement en compte le handicap dans les politiques européennes en matière de migration et de réfugiés.

3.2.12.

L’Union européenne doit adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme dans les situations de risques et d’urgences, et adopter un plan de mise en œuvre s’inscrivant dans le fil des conclusions du Conseil de février 2015 sur la prise en compte du handicap dans la gestion des catastrophes et du cadre de Sendai. En outre, il y a lieu de sensibiliser les personnes handicapées, les services d’urgence et les acteurs de la protection civile aux initiatives en matière de réduction des risques de catastrophe et de leur fournir des informations en la matière.

3.2.13.

La Commission devrait jouer un rôle de premier plan en matière de droits à la justice et de droits de l’homme des personnes handicapées. Le CESE plaide pour que la direction générale de la justice organise une conférence européenne à l’intention de tous les services de justice de l’Union européenne, en conduisant notamment une réflexion sur les droits d’accès à la justice des personnes handicapées et la manière dont ces droits sont liés à d’autres droits, tels que la capacité juridique et l’égalité devant la loi.

3.2.14.

La Commission devrait fournir les financements nécessaires pour assurer la formation des fonctionnaires de justice au niveau national et de l’Union européenne concernant la législation européenne et la CNUDPH. En outre, le CESE demande instamment aux juridictions nationales et de l’Union européenne d’appliquer leurs règles et instructions internes de sorte à faciliter l’accès à la justice pour les personnes handicapées. Les recommandations générales du comité CDPH devraient également être prises en compte dans l’administration de la justice, tant au niveau de l’Union européenne qu’au niveau national. Le CESE recommande par ailleurs à la direction générale de la justice d’utiliser la méthode ouverte de coordination afin que les États membres adoptent une approche équilibrée et coordonnée de cette problématique d’une grande importance, ouvrant ainsi la voie à une réponse européenne à la question de l’égalité devant la loi. La Commission devrait définir des normes européennes et encourager les études comparatives dans le domaine de l’accès à la justice.

3.2.15.

Le CESE appelle les institutions de l’Union européenne et les États membres à abolir les législations discriminatoires en matière de tutelle pour permettre aux personnes handicapées d’exercer leurs droits politiques au même titre que les autres citoyens. Il souligne que des aménagements raisonnables et l’accessibilité en matière de procédures, de locaux et d’équipements de vote sont indispensables.

3.2.16.

Malheureusement, en Europe, un nombre indéterminé de personnes handicapées ne jouissent pas du droit à la liberté et à la sûreté et font l’objet de détention et de traitements coercitifs, y compris la stérilisation forcée. Le CESE invite la Commission à prendre des mesures effectives afin de mettre un terme à cette situation insupportable, à produire des données fiables par le truchement d’Eurostat et à mettre en place un mécanisme d’évaluation efficace.

3.2.17.

Le CESE demande à l’Union européenne de réviser ses lignes directrices concernant l’éthique de la recherche, et plus particulièrement de définir des exemples de bonnes pratiques en élaborant des formulaires de consentement dans un format accessible et facile à lire, et d’empêcher toute prise de décision par autrui dans ce domaine.

3.2.18.

L’Union européenne devrait adopter une législation visant à harmoniser la protection et à lutter contre la violence, les abus et l’exploitation, et ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’encontre des femmes et la violence domestique (5). L’Union européenne doit prendre des mesures législatives et politiques pour lutter contre les activités transfrontières impliquant, dans les États membres de l’Union européenne, la traite de femmes et d’enfants handicapés. Le CESE appelle en outre l’Union européenne à lutter contre les violences à l’encontre des enfants handicapés à travers des mesures spécifiques et des services de soutien accessibles.

3.2.19.

L’initiative de la Commission relative au socle européen des droits sociaux devrait pleinement intégrer les dispositions de la CNUDPH en leur accordant une place centrale et instaurer les socles de protection sociale nécessaires, ainsi que de véritables mécanismes visant à prévenir et à atténuer la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion sociale des personnes handicapées et de leurs familles, en accordant une attention particulière aux femmes, aux enfants et aux personnes handicapées âgées.

3.2.20.

Il faut à l’évidence mettre en place un système européen de coordination des prestations de sécurité sociale dans l’Union européenne, y compris un cadre clair pour la transférabilité des droits qui fixe une durée maximale pour la procédure de reconnaissance du handicap.

3.2.21.

L’Union européenne devrait élaborer et mettre en œuvre la stratégie de désinstitutionnalisation (6), ardemment souhaitée depuis longtemps, laquelle devrait avant tout prévoir un contrôle très strict de l’utilisation des Fonds ESI, afin de garantir qu’ils soient exclusivement utilisés pour la mise en place de services de soutien permettant aux personnes handicapées de vivre de manière indépendante dans leur environnement habituel. Le CESE demande en outre que soit créé un Fonds européen autonome pour la désinstitutionnalisation.

3.2.22.

Le CESE déplore que la Commission européenne n’ait pas encore présenté d’étude sur l’incidence des Fonds ESI sur les personnes handicapées, conformément à l’obligation d’établir des rapports annuels sur les mesures prises dans le domaine du handicap, prévue par le règlement relatif au Fonds social européen. Cette étude devrait notamment porter sur le renforcement du suivi, par la Commission, de l’utilisation des Fonds ESI conformément à la CNUDPH et en consultation avec les organisations représentatives des personnes handicapées, ainsi que sur les procédures d’infraction (suspension, retrait, rétablissement) lancées par l’Union européenne en cas de violation des conditions ex ante.

3.2.23.

Il est nécessaire d’améliorer l’efficacité des instances nationales chargées de faire respecter la législation: il convient d’harmoniser et d’étendre leurs compétences afin de faciliter la mise en application des droits des passagers pour tous les modes de transport et de simplifier les procédures de réclamation. Par ailleurs, le CESE invite la Commission à garantir la gratuité du voyage pour les aidants dans tous les modes de transport, y compris l’avion, comme le prévoient déjà les règlements (CE) no 1371/2007 (7) et (UE) no 1177/2010 (8).

3.2.24.

La Commission devrait reconnaître pleinement, officiellement et sans délai, la langue des signes et le braille, et procéder à une évaluation de ses canaux de communication et procédures internes, afin d’élaborer et de présenter les informations d’une manière accessible aux personnes handicapées. Cette présentation devrait comporter différents formats accessibles, tels que la langue des signes, le braille ou encore la communication améliorée et alternative, y compris un format facile à lire. L’Union européenne devrait faire en sorte que toutes les personnes handicapées, quelle que soit leur capacité financière, aient accès à une éducation ouverte à tous.

3.2.25.

L’Union européenne devrait adopter un cadre de qualité inclusif et obligatoire concernant les échanges en matière d’éducation, qui définisse des critères accessibles minimaux pour garantir la mobilité de tous les étudiants, et en particulier des jeunes étudiants handicapés dans l’Union européenne à des fins de formation secondaire, supérieure et professionnelle. Toutes les universités partenaires du programme d’échange d’étudiants Erasmus devraient garantir l’accessibilité aux programmes d’enseignement et des infrastructures permettant à tous les étudiants, et particulièrement aux jeunes étudiants handicapés, d’y participer pleinement.

3.2.26.

L’Union européenne devrait ratifier le traité de Marrakech de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), faciliter et encourager sa ratification au niveau national par les États membres et permettre ainsi la libre circulation de documents imprimés qui soient accessibles aux personnes ayant des déficiences visuelles et d’autres difficultés de lecture des textes imprimés.

3.2.27.

Le CESE appelle la Commission à élaborer et à appliquer une initiative spécifique sur la mise en œuvre du programme et des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 pour les personnes handicapées au sein de l’Union européenne, ainsi que dans ses politiques extérieures, y compris la coopération au développement et le commerce international.

3.3.    Obligations spécifiques (articles 31 à 33)

3.3.1.

Le CESE invite Eurostat à organiser une conférence en vue de trouver un accord sur un mécanisme unique pour tous les instituts de statistiques des États membres de l’Union européenne, afin d’assurer le suivi de l’observation finale no 71. Il est nécessaire de créer un instrument statistique européen concernant les droits de l’homme des personnes handicapées, ventilé par handicap, sexe et âge, afin de recueillir des informations opérationnelles aux fins des politiques européennes et nationales en faveur des personnes handicapées.

3.3.2.

La Commission devrait systématiquement intégrer les droits des personnes handicapées dans tous les programmes et politiques de l’Union européenne en matière de coopération internationale. Le CESE accueille favorablement le projet pilote de l’Union européenne «Combler le fossé» et plaide pour l’adoption d’un programme de financement européen en faveur de la protection des droits des personnes handicapées. Ce programme de financement devrait être mis en œuvre, comme c’est le cas dans certains pays européens, en coopération étroite avec les organisations européennes représentatives des personnes handicapées, en leur qualité d’organes intermédiaires responsables de l’orientation, de la gestion et de la définition des priorités pour les politiques et le financement. Il importe en outre de veiller à ce que les fonds européens ne soient pas accordés à des projets qui ne respectent pas les dispositions de la CNUDPH.

3.3.3.

La Commission européenne doit se conformer pleinement à l’observation finale no 75 en créant et en mettant en place des points de contact au sein de toutes les directions générales, agences et organes. Tous ces points de contact devraient organiser, chaque année, au moins trois réunions, auxquelles les représentants des organisations des personnes handicapées devraient assister et pleinement participer. Tous les 3 décembre, la Commission devrait publier son rapport annuel sur la mise en œuvre de la CNUDPH par l’Union européenne et ses États membres.

3.3.4.

Le CESE se félicite de la décision de la Commission de se retirer de l’instance de suivi indépendante et d’ouvrir la voie à la création d’un mécanisme véritablement indépendant placé sous la supervision d’un organe directeur composé des membres de l’instance indépendante. Toutefois, pour que l’instance de l’Union européenne soit en mesure de mener à bien ses missions de manière efficace, des ressources financières et humaines devraient lui être allouées sans délai.

3.4.    Respect de la Convention par les institutions européennes (en tant qu’administrations publiques)

3.4.1.

Il est impératif que les institutions de l’Union européenne revoient leurs politiques en matière de ressources humaines et les mettent en conformité avec les dispositions de la CNUDPH afin de garantir que les personnes handicapées et les agents ayant des proches handicapés bénéficient d’aménagements raisonnables et d’une aide leur permettant de réaliser un bon équilibre entre vie professionnelle et obligations familiales. Le CESE invite l’Union européenne à revoir son régime commun d’assurance maladie, son système de retraite ainsi que les mesures de sécurité sociale et de protection sociale liées au handicap de manière à assurer la non-discrimination de toutes les personnes handicapées et à garantir l’égalité des chances, notamment en reconnaissant que les besoins sanitaires liés au handicap sont distincts d’une maladie et en promouvant l’autonomie personnelle et professionnelle par le remboursement intégral du surcoût des équipements ou des services nécessaires pour le travail.

3.4.2.

Il est essentiel que toutes les institutions de l’Union européenne prennent les devants et engagent des initiatives afin de respecter les dispositions en matière d’accessibilité de la directive relative à l’accessibilité des sites web des organes du secteur public dans un délai concret, et montrent ainsi l’exemple à suivre s’agissant de cet enjeu fondamental pour les droits des personnes handicapées.

3.4.3.

Le CESE invite la Commission et le conseil supérieur des Écoles européennes à adopter un plan et à allouer les ressources financières et humaines nécessaires pour élaborer et mettre en œuvre un système d’éducation inclusif de qualité à tous les niveaux dans les Écoles européennes, en assurant des aménagements raisonnables, un soutien ainsi qu’une politique d’acceptation à l’égard de tous les élèves de l’enseignement primaire et secondaire souffrant d’un handicap.

3.4.4.

Étant donné que le taux d’emploi des personnes handicapées dans l’Union européenne est très faible, le CESE invite les institutions européennes à mettre en place un dispositif de discrimination positive pour l’embauche (moyennant notamment des concours spécifiques) afin de relever le nombre de personnes handicapées qui sont employées dans leurs services, en leur fournissant des aménagements raisonnables et un soutien. Il convient d’examiner la mise en œuvre de cette politique tous les deux ans afin de déterminer si des mesures correctives s’imposent.

3.4.5.

Le CESE demande aux institutions, agences et organes de l’Union européenne de veiller à ce que les dispositions existantes du statut du personnel soient pleinement et réellement mises en œuvre conformément à la CNUDPH et que les règlements intérieurs et les dispositions d’exécution soient élaborés en pleine conformité avec les dispositions de la Convention.

3.4.6.

Le CESE s’engage à créer une structure visant à mettre en œuvre les observations finales du comité CDPH sur le plan interne concernant sa politique des ressources humaines et ses infrastructures de communication avec les citoyens et ses membres, et à garantir que les membres du CESE souffrant d’un handicap soient pleinement intégrés et traités sur un pied d’égalité avec les autres membres. Il veillera également à promouvoir cette politique dans le cadre de ses relations avec le monde des affaires, les syndicats et la société civile. Cette nouvelle politique sera élaborée en étroite coopération avec le groupe d’étude permanent du CESE sur les droits des personnes handicapées.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH).

(2)  JO C 181 du 21.6.2012, p. 2.

(3)  Avis sur un «Acte législatif européen sur l’accessibilité» (JO C 303 du 19.8.2016, p. 103).

(4)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 116.

(5)  Conventions du Conseil de l’Europe.

(6)  JO C 332 du 8.10.2015, p. 1.

(7)  JO L 315 du 3.12.2007, p. 14.

(8)  JO L 334 du 17.12.2010, p. 1.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/24


Avis du Comité économique et social européen sur les «Rôle et effets des ITC et des PPP dans la mise en œuvre d’Horizon 2020 pour une mutation industrielle durable»

(avis d’initiative)

(2017/C 034/04)

Rapporteur:

M. Antonello PEZZINI

Corapporteur:

M. Enrico GIBELLIERI

Décision de l’assemblée plénière:

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence:

Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)

Adoption en commission

28 septembre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

212/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est convaincu que les partenariats public-privé (1) dans le domaine de la recherche et de l’innovation (R&I) sous leurs diverses formes sont une formule d’excellence et un instrument puissant pour s’attaquer aux grandes questions qui ont une incidence sur la compétitivité de l’Europe, et ont la capacité de répondre de manière efficace aux défis socio-économiques, de l’emploi et d’un environnement durable.

1.2.

La R&I n’est pas un processus linéaire et unidimensionnel. Le CESE est d’avis que la pleine intégration des dimensions technologiques, environnementales et sociales dans les partenariats public-privé du programme Horizon 2020 exige une nouvelle approche fondée sur une transparence accrue des résultats et de l’impact socio-économique obtenus.

1.3.

Pour le CESE, il y a lieu de garantir dans les partenariats une vision plus large de l’innovation, tenant compte des innovations dans le domaine des services et dans le domaine social, ainsi que de la modernisation indispensable aux petites et moyennes entreprises (PME) et à l’économie sociale en vue d’une meilleure intégration tout au long du parcours de démonstration et de développement des applications.

1.4.

La légitimité sociale de l’innovation devrait être favorisée dans les initiatives technologiques conjointes (ITC) et les PPPC, en accroissant la participation des acteurs économiquement plus faibles (syndicats, PME, organisations non gouvernementales) à l’orientation et à la programmation stratégique des activités de R&I, conformément aux dispositions du règlement (UE) no 1025/2012 relatif à la normalisation, en particulier en ce qui concerne les stratégies et la sélection des projets, ainsi que leur utilité sociale.

1.5.

Le CESE considère qu’il est nécessaire d’orienter davantage les PPP sur le marché en accordant une attention particulière à des aspects tels que l’interopérabilité, la normalisation, l’harmonisation et les transferts transnationaux de technologie afin de rendre les résultats pérennes au niveau du territoire et transférables dans toute l’Union européenne.

1.6.

Pour le CESE, il est souhaitable que les ITC et les PPPC s’efforcent:

de renforcer la cohérence avec d’autres partenariats et initiatives, dans un ensemble de plus en plus dense de politiques concurrentes,

d’étendre la chaîne de valeur en mettant davantage l’accent sur le marché et l’élargissement de la participation des acteurs du côté de la demande, tant pour ce qui concerne le nombre d’utilisateurs des pays participants que les nouveaux acteurs tout au long de la chaîne de valeur, par le recours à des synergies favorisant l’interopérabilité avec d’autres initiatives,

d’accorder plus d’importance aux approches pluridisciplinaires, en associant de nouvelles communautés d’acteurs, en particulier au niveau local de proximité,

de favoriser, dans le cadre des ITC et des PPPC, la participation active des PME au processus d’innovation à un stade plus précoce, de façon à ce qu’elles développent graduellement leur propre potentiel de recherche et développement (R&D).

1.7.

Le CESE recommande de mener de nouvelles actions innovatrices dans le cadre des ITC et des PPPC pour interagir davantage avec des investisseurs de pointe en créant des modèles d’entreprise innovants et des profils professionnels avancés, en développant des forums associant les partenaires sociaux et en accordant un soutien plus ciblé à l’exploitation rapide du marché postprojet.

1.8.

Le CESE estime important de renforcer le suivi des capacités et de la cohérence de mise en œuvre des ITC et des PPPC en utilisant de nouveaux outils plus souples et plus conformes aux besoins du marché, ainsi que des approches plus dynamiques pour garantir la qualité, notamment un système complet d’indicateurs clés dynamiques de performance KPDI (key performance dynamic indicators), qui soit comparable entre les différentes initiatives, afin de permettre l’établissement d’un tableau de bord récapitulatif annuel de tous les PPPC et ITC, destiné aux institutions européennes et nationales ainsi qu’aux contribuables européens.

1.9.

Le CESE réclame des efforts accrus pour garantir la cohérence interne entre les objectifs et les priorités du 9e programme-cadre de recherche et innovation de l’Union européenne et les stratégies du secteur industriel en la matière qui prennent la forme d’ITC et de PPPC, en coordination avec toutes les autres formes de partenariat pour l’innovation présentes dans d’autres politiques nationales, régionales et européennes.

1.10.

Le CESE propose le lancement d’un Conseil européen de l’innovation doté d’une forte représentation de l’industrie et de la société, conjugué à la mise en place de réseaux paneuropéens d’aide à l’innovation au moyen d’infrastructures, qui constituerait un instrument utile pour accroître la coordination des initiatives, notamment avec les stratégies d’action des autres organisations de R&I européennes et internationales ainsi qu’avec les partenariats internationaux (2) similaires.

1.11.

Le CESE encourage également les collectivités régionales et locales à accorder une grande priorité à l’innovation sous la forme de PPPC et d’ITC pertinents dans le cadre de la planification et de la mise en œuvre d’actions telles que les stratégies de spécialisation intelligente, les programmes opérationnels et de coopération pour la politique de cohésion ainsi que les programmes de recherche, d’innovation et de développement de projets de mise en œuvre des plans d’adaptation au changement climatique.

1.12.

Le CESE est convaincu que des investissements stratégiques et intelligents réalisés en temps opportun dans des solutions innovantes, adaptées et respectueuses de l’environnement ainsi que dans les infrastructures vertes sont de nature à relancer un processus de réindustrialisation solide et efficace, fondé sur la recherche, l’innovation et leurs applications commerciales.

1.13.

Le CESE insiste sur la nécessité d’«harmoniser les instruments et les priorités de la recherche et de l’innovation en Europe» avec ceux du prochain programme-cadre afin de «garantir la poursuite des investissements dans les secteurs où l’Europe occupe une position de chef de file dans le monde» (3), en s’appuyant sur une stabilité à long terme, subordonnée à des contrôles d’efficacité périodiques.

1.14.

Le CESE appelle le Parlement européen, le Conseil et la Commission à mener une réflexion conjointe en vue d’organiser, dans les meilleurs délais, une conférence interinstitutionnelle sur le rôle des partenariats technologiques public-privé dans la réindustrialisation européenne, en vue du prochain programme-cadre de R&I après 2020.

2.   Les ITC et les PPPC pour la recherche et l’innovation

2.1.

Les ITC sont des PPP dans des domaines clés de la R&I européenne mis en place par la décision no 1982/2006/CE du Parlement européen et du Conseil (4). Déjà dans le 7e programme-cadre (7e PC), les instruments traditionnels s’étaient révélés insuffisants pour atteindre les objectifs en matière d’accroissement et d’amélioration de la compétitivité de l’économie européenne. Les partenariats industriels, orientés vers la R&I, poursuivent des objectifs industriels de marché clairement identifiés, présentent une meilleure concentration des ressources financières et humaines et ont un effet de levier qui permet d’imprimer un élan décisif pour accélérer la transformation des découvertes scientifiques et technologiques en innovations destinées au marché.

2.2.

La structure de l’actuel programme-cadre Horizon 2020 est extrêmement novatrice par rapport au passé, puisqu’elle laisse plus de place à l’influence et aux synergies avec le monde de l’industrie et les États membres grâce à différentes formes de PPP soutenant des secteurs qui:

créent des emplois de qualité,

répondent mieux au besoin de croissance durable et de compétitivité,

ont une incidence forte, innovante et rapide sur le développement des entreprises européennes, notamment les petites entreprises et les jeunes pousses (start-up),

favorisent de nouveaux profils professionnels dans un monde en mutation rapide,

sont en mesure de développer des actions locales et régionales.

2.3.

Plusieurs initiatives ont été mises sur pied pour soutenir différents types de partenariats, axés sur le secteur industriel, soutenus par la communauté scientifique ou pilotés par les pouvoirs publics.

2.4.

Les institutions de l’Union européenne ont apporté un soutien important aux plates-formes technologiques européennes (PTE), créées à l’initiative du monde de l’industrie pour définir, dans le cadre d’un processus ascendant, des objectifs et des priorités stratégiques communs.

2.5.

Les trente-huit PTE existantes, auxquelles s’ajoutent trois initiatives transversales, jouent un rôle stratégique, de mobilisation et de diffusion. À cette fin, elles sont engagées dans les principales activités suivantes:

élaboration de programmes stratégiques en matière de R&I, notamment des feuilles de route et des plans de mise en œuvre,

participation directe de l’industrie aux programmes-cadres, en coopération avec des réseaux nationaux,

promotion d’activités de réseau tout au long de la chaîne de valeur portant sur des défis intersectoriels et des modèles d’innovation plus ouverts,

promotion des possibilités de coopération internationale comme vecteurs de programmation d’Horizon 2020,

renforcement des PPP au sein du programme-cadre et création d’entreprises communes dans le domaine des ITC pour la gestion conjointe d’initiatives publiques et privées.

2.6.

Les ITC réunissent les États membres, la Commission ainsi que le monde universitaire et l’industrie dans des domaines scientifiques et technologiques très importants pour la société. Elles soutiennent plus particulièrement la recherche et l’innovation coopératives en Europe dans des secteurs où des objectifs technologiques et économiques communs sont clairement identifiés.

2.7.

Les ITC visent essentiellement à renforcer l’impact des investissements publics et privés dans les activités de recherche et à consolider l’espace européen de la recherche et de l’innovation en contribuant à stimuler l’innovation scientifique et technologique de premier plan dans le cadre de la stratégie Europe 2020.

2.8.

Le fil conducteur des ITC est l’ouverture à de nouveaux participants et la capacité à communiquer avec un large public et à susciter un effet de levier par des contributions économiques européennes, dans le cadre d’une structure claire, capable d’inciter l’industrie, les PME, l’économie sociale et les États membres à accroître leur participation et leurs investissements.

2.9.

Les ITC sont issues en premier lieu du travail des plates-formes technologiques européennes , sur lesquelles le CESE a eu l’occasion d’élaborer un avis d’initiative (5) et qui sont en mesure d’élaborer des visions communes et partagées de l’évolution des secteurs en mettant en évidence les problèmes à résoudre.

2.10.

Les secteurs dans lesquels il convient d’établir une ITC ont été définis sur la base des critères suivants: l’importance stratégique du secteur et la clarté des objectifs définis; la valeur ajoutée de l’initiative au niveau européen; la capacité à mobiliser des investissements substantiels et à long terme; la capacité à fournir des réponses adéquates et rapides aux défis en matière de croissance, de développement durable et de climat.

2.11.

Pour apprécier l’intensité des innovations, il ne suffit pas de prendre seulement en compte les fonds investis, mais il faut aussi disposer d’indicateurs des résultats induits par cette dépense en termes de performance économique et de marché. Les PPPC doivent faire l’objet de rapports annuels qui portent sur les activités menées, l’augmentation effective de la valeur ajoutée européenne, l’efficacité des instruments financiers innovants ayant un effet de levier, la réalisation des objectifs socio-économiques qualitatifs et quantitatifs sur la base des indicateurs prédéfinis.

2.12.

Le présent avis vise à mettre en évidence de quelle manière la politique et les mutations industrielles sont influencées par la participation directe du secteur industriel dans les activités de R&I financées par l’Union européenne à travers les différentes formes de partenariats institutionnalisés (ITC et PPPC), ainsi qu’à formuler des propositions d’améliorations.

3.   Perspectives de développement des ITC et des PPPC pour une mutation industrielle durable

3.1.

Les enseignements tirés des programmes-cadres de R&I de l’Union européenne montrent combien il est difficile de prendre en compte les besoins concrets de l’industrie européenne, qui risquent trop souvent d’être ignorés dans la définition des objectifs généraux ou les programmes de travail. Cela renforce le paradoxe européen selon lequel l’Europe obtient d’importants résultats scientifiques, mais peine à les transformer rapidement en innovations destinées au marché par rapport à ses concurrents mondiaux.

3.2.

Le travail et l’action des plates-formes technologiques européennes ont progressivement modifié cette approche. L’industrie européenne est parvenue à définir les objectifs et priorités des principaux secteurs manufacturiers, qui ont été en grande partie intégrés dans la structure et les objectifs du programme Horizon 2020.

3.3.

L’approche descendante a été abandonnée au profit d’une démarche ascendante permettant de couvrir le cycle complet de l’innovation et de viser des résultats à plus haut niveau de maturité technologique (TRL) dans le but de créer de nouvelles technologies de production, de nouveaux produits et de nouvelles compétences.

3.4.

Les PPPC et les ITC devraient constituer des instruments essentiels pour s’assurer que les secteurs industriels jouent un rôle actif dans la programmation pluriannuelle et la mise en œuvre des actions de l’Union européenne dans le cadre d’Horizon 2020. Le secteur privé s’est engagé à investir quelque 10 milliards d’EUR dans des initiatives technologiques conjointes pour stimuler l’innovation dans sept secteurs de manière à contribuer à inverser le déclin de l’industrie manufacturière européenne.

4.   Observations et remarques sur les défis à venir de l’Union

4.1.

Le CESE est fermement convaincu que les différentes formes de partenariats dans le domaine de la recherche et de l’innovation sont une formule d’excellence pour le développement et un instrument puissant pour s’attaquer aux grandes questions qui ont une incidence sur la compétitivité de l’Europe.

4.2.

Le CESE considère que les ITC et les PPPC représentent une expérience positive de création de partenariats européens s’ils sont en mesure de rassembler dans un cadre pluriannuel des fonds européens, nationaux et privés, un savoir-faire et des capacités de recherche et d’innovation, dans le but de partager les connaissances et de diffuser des innovations clés dans des secteurs essentiels au succès sur les marchés mondiaux.

4.3.

Pour le CESE, les ITC et les PPPC doivent assumer de manière efficace leurs responsabilités dans les domaines suivants:

résultats économiques,

optimisation de la valeur ajoutée européenne du secteur sur les plans économique, technologique et de l’innovation,

capacité de développer des technologies compétitives sur le marché,

accroissement de l’effet de levier financier,

participation accrue des PME, de l’économie sociale et des utilisateurs finaux,

flexibilité et rapidité du transfert des résultats innovants,

création de réseaux,

rôle clairement axé sur la réindustrialisation de l’économie européenne,

défis de la durabilité environnementale et climatique,

conception de produits et de processus durables sans carbone,

problèmes sociaux et de l’emploi,

participation active des territoires.

Le développement de nouvelles technologies et d’innovations de la part de l’industrie doit conduire à l’organisation de formations de qualité pour les ressources humaines et à de nouvelles compétences professionnelles de pointe, et aller de pair avec une association plus étroite et systématique des partenaires sociaux et des collectivités locales à la définition et à la mise en œuvre des orientations stratégiques du secteur.

4.4.

Selon les résultats initiaux (6) des enquêtes qualitatives mentionnés dans les derniers rapports publiés en 2016 par la Commission (7), alors qu’Horizon 2020 répond apparemment de manière adéquate à la nécessité d’ouverture aux PPP, ces formules ne semblent pas toujours répondre pleinement aux besoins d’ouverture et d’encouragement à la participation de nouveaux venus. En outre, leur capacité de promouvoir l’emploi, la croissance, les investissements et le développement accéléré du marché unique numérique ne fait pas l’unanimité, contrairement à leur capacité de réponse aux défis énergétiques et climatiques.

4.5.

De même, la capacité des ITC et des PPPC d’interagir avec succès avec d’autres instruments financiers européens tels que les Fonds structurels d’investissement européens (FEIS) et le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) est perçue comme très faible, même si certaines ITC ont signé des protocoles en ce sens. Le CESE juge important que soient engagées des synergies en vue de favoriser la participation des acteurs régionaux et locaux, ce qui facilitera l’harmonisation des normes opérationnelles communes.

4.6.

Étant donné que le taux de rejet des propositions de projet semble se situer dans un rapport de 7 à 1 dans le cadre d’Horizon 2020, soit une augmentation par rapport au 7e PC où il se situait dans un rapport de 5 à 1, il conviendrait de rééquilibrer le panel des experts-évaluateurs indépendants auxquels sont soumis les projets candidats. Lors des premiers appels à projets pour des PPPC dans le cadre d’Horizon 2020, plus de la moitié des candidatures provenaient de l’industrie, alors que les panels d’experts étaient constitués pour plus de la moitié de personnes issues du monde académique et à raison d’un peu plus d’un cinquième de personnes ayant une expertise du secteur privé.

4.7.

Les tableaux disponibles pour les ITC et les PPPC font état d’éléments positifs importants pour la viabilité et la compétitivité de l’industrie européenne. Les activités ont été formulées par les partenaires privés au moyen d’un vaste processus ouvert de consultations en vue de l’élaboration des programmes de travail et des appels d’offres correspondants destinés à répondre et à correspondre aux besoins réels de l’industrie, avec des taux de mobilisation élevés et un effet de levier puissant situé entre 3 et 9.

4.8.

S’agissant du tableau «Appels à projet partiels réalisés par les ITC en 2014», la formalisation institutionnelle et les niveaux de gouvernance de ce type de partenariat devraient être précisés, en réponse aux attentes du contribuable européen et des institutions européennes.

4.9.

Selon le CESE, les ITC et les PPPC doivent satisfaire, y compris en ce qui concerne leurs mécanismes d’ouverture et d’accès participatif, à des exigences prioritaires allant dans le sens d’une politique vigoureuse de croissance associant pleinement les partenaires sociaux.

4.10.

Les ITC et les PPPC s’inscrivent en effet dans le cadre d’une compétition mondiale, dont l’objectif est d’être le premier à développer et à commercialiser les nouvelles technologies de demain. Il est dès lors nécessaire de définir et de mettre en œuvre des objectifs clairs en matière de stratégie industrielle:

souplesse,

mécanismes d’évaluation transparents et efficaces,

critères valables d’excellence scientifique et technologique et de pertinence industrielle,

respect du principe de bonne gestion financière,

capacité d’associer les PME de manière efficace,

développement rapide de jeunes pousses et de spin-out.

4.11.

Le CESE souligne qu’il est nécessaire d’associer tous les acteurs des secteurs industriels clés de la scène européenne, que ce soit selon le type de production, la taille de l’entreprise, les ressources humaines, leur formation, leur développement et leurs représentations, afin d’améliorer l’intégration des aspects sociaux et des PME dans les projets de recherche et d’innovation ainsi que la participation des parties prenante à ces projets.

4.12.

À cet égard, le CESE juge important d’inclure des instruments sociaux et de formation adéquats et de surveiller, à travers des indicateurs clés dynamiques de performance (KPDI), non seulement les brevets et les publications scientifiques obtenus, mais aussi et surtout l’évolution des effets socio-économiques et de l’incidence sur la formation des nouveaux profils professionnels.

4.13.

Le CESE estime que réussir à mobiliser, grâce à un important effet de levier, les investissements du secteur privé en partant d’un financement public constitue un facteur essentiel pour atteindre les objectifs en matière de croissance et d’emploi de la stratégie Europe 2020, et plus particulièrement celui des investissements à hauteur de 3 % dans la R&I.

4.14.

Les activités d’innovation à plus haut niveau de maturité technologique devraient continuer à bénéficier de programmes d’appui aux investissements dans les infrastructures et installations industrielles, stables dans le temps et dont l’efficacité est vérifiée périodiquement, conformément au FEIS lancé par le président Juncker.

4.15.

Le CESE considère qu’il serait opportun d’associer un plus grand nombre d’acteurs issus du secteur de l’industrie aux programmes de R&I et aux comités de programme, qui sont un élément crucial si l’on veut obtenir une large participation du monde de l’industrie de chaque État membre.

4.16.

Le CESE estime enfin que, si cela s’avère possible et opportun, les États membres et la Commission devraient revoir et harmoniser le cadre réglementaire des secteurs industriels, notamment des ITC et des PPPC, qui doivent maximiser leur valeur ajoutée sous l’angle des avantages environnementaux, économiques, sociaux et en matière d’emploi, des modèles d’entreprise intelligents, des solutions dans des zones territoriales intégrées, des nouvelles compétences et des innovations sociales (8).

4.17.

Le CESE est d’avis que le développement des diverses formules de partenariat en matière de R&I qui sont appliquées dans les multiples politiques de l’Union européenne au-delà du programme Horizon 2020 doivent se caractériser par une plus grande cohérence et une meilleure coordination des actions de R&I dans le cadre d’une vision globale de l’Union européenne dans ses dimensions intérieures et extérieures. La création d’un Conseil européen de l’innovation doté d’une forte représentation de l’industrie et de la société, conjuguée à la mise en place de réseaux paneuropéens de soutien infrastructurel à l’innovation, pourrait favoriser l’établissement d’un cadre plus efficace.

4.18.

En vue du 9e PC (9), le CESE juge souhaitable de définir un cadre transparent d’évaluation qualitative et quantitative des réussites et des échecs, sur le plan de l’innovation, et sous les angles économique, social et environnemental, des activités exercées par les ITC et les PPPC existants en associant les utilisateurs finaux industriels ainsi que les partenaires sociaux et des représentants des PME et de la société civile, afin d’évaluer leurs priorités stratégiques et remodeler les futurs partenariats sur lesquels devraient être concentrés les efforts à l’horizon 2030.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Il existe deux catégories de partenariats public-privé (PPP): les ITC sont des initiatives technologiques conjointes prévues à l’article 187 du traité sur le fonctiinnement de l’Union européenne et fondées sur le règlement sur l’entreprise commune; les partenariats public-privé contractuels (PPPC) sont des initiatives conjointes de type contractuel, prévues dans le programme Horizon 2020 et donnant lieu à un protocole d’accord.

(2)  Voir UE — Comité de l’espace européen de la recherche et de l’innovation, Forum stratégique pour la coopération internationale S&T, Bruxelles, février 2015, ERAC-SFIC 1353/15.

(3)  Voir COM(2016) 5 final: «[…] plusieurs ITC ont signé des protocoles d’accord avec les autorités de gestion du Fonds européen de développement régional afin d’établir un cadre de coopération structurée.»

(4)  JO L 412 du 30.12.2006, p. 1.

(5)  JO C 299 du 4.10.2012, p. 12.

(6)  Un examen plus complet pourra être réalisé après la publication du rapport provisoire en 2017.

(7)  Voir SWD 2016/123 d’avril 2016.

(8)  Voir par exemple des formules telles que celles mises en place dans certains États membres dans lesquels les partenariats industriels sectoriels peuvent mobiliser directement les autorités publiques compétentes afin d’examiner et d’éliminer des obstacles techniques et réglementaires et des difficultés qui empêchent une transposition rapide des progrès technologiques dans des innovations destinées au marché.

(9)  Voir l’avis INT/792, «Horizon 2020 — Évaluation à mi parcours» (voir page 66 du présent Journal officiel).


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/31


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Renforcer les industries européennes des produits de soin, d’hygiène corporelle et de beauté»

(avis d’initiative)

(2017/C 034/05)

Rapporteur:

Mme Madi SHARMA

Corapporteur:

M. Dirk JARRÉ

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

CCMI

Adoption en section spécialisée

28 septembre 2016

Adoption en session plénière

20 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

181/1/1

1.   Conclusions et recommandations politiques

1.1.

L’Europe a toujours joué un rôle essentiel dans la production, l’innovation et la conception des produits de soin, d’hygiène corporelle et de beauté. Plus récemment, sa position de chef de file du secteur a été progressivement affaiblie par l’action de la concurrence mondiale et par un cadre faisant abstraction de la pression des technologies novatrices et de la réalité commerciale qui s’attache à une compétitivité pérenne.

1.2.

Le présent avis examine le renforcement des industries européennes des produits de soin, d’hygiène corporelle et de beauté, en particulier les produits visés par le règlement (CE) no 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil relatif aux produits cosmétiques. Un «produit cosmétique» désigne toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles; une substance ou un mélange destiné à être ingéré, inhalé, injecté ou implanté dans le corps humain n’est pas considéré comme un produit cosmétique.

1.3.

Les secteurs du papier hygiénique, des mouchoirs et des protections hygiéniques ne relèvent pas du champ d’application du règlement relatif aux produits cosmétiques, mais peuvent être pris en considération dans de nombreuses recommandations en raison de leur valeur ajoutée sur le plan de l’hygiène personnelle.

1.4.

Le présent avis ne concerne pas les produits pharmaceutiques, les tatouages, le maquillage permanent ou les services de soins de beauté, ni les produits administrés par voie chirurgicale ou au moyen d’instruments, ni les produits de soins cutanés pour animaux. Cependant, le Comité économique et social européen (CESE) recommande que tous les produits susmentionnés fassent l’objet d’un document distinct compte tenu de l’inquiétude grandissante des consommateurs à l’égard des substances chimiques nocives.

1.5.

Si la capacité d’innovation des entreprises européennes spécialisées dans ce domaine est impressionnante, l’innovation elle-même et, par conséquent, la production et la commercialisation des inventions de l’Union européenne se sont déplacées vers d’autres parties du monde, avec de lourdes conséquences sur le plan économique et social. La création d’un environnement propice au dépassement de l’industrie 4.0 par la prise en considération des avancées biotechnologiques et la mise en œuvre de stratégies appropriées contribuera grandement à la relocalisation industrielle et au développement de nouveaux produits.

1.6.

Le CESE formule les recommandations sectorielles suivantes, tout en reconnaissant que l’industrie dispose déjà de réglementations adaptées pour assurer la protection et la sécurité des consommateurs; il n’est pas jugé nécessaire d’introduire de nouvelles législations, mais il conviendrait d’envisager un accroissement de la transparence:

améliorer la convergence technologique entre le secteur des sciences de la vie, le développement de la génomique, les produits pharmaceutiques, les dispositifs médicaux et le secteur des produits de beauté et de soin,

améliorer la collaboration entre les petites et les grandes entreprises et le secteur de la recherche biotechnologique,

mettre en œuvre des stratégies permettant de réduire autant que possible la période sans revenus pour les petites et moyennes entreprises (PME) innovantes,

accroître la connaissance du marché et le transfert de connaissances entre les acteurs afin de favoriser l’innovation dans le secteur cosmétique et de promouvoir la personnalisation des produits,

améliorer les perspectives d’emploi dans l’innovation et le développement de nouveaux produits,

mettre en œuvre des stratégies de gestion des ressources et des déchets à des fins de viabilité environnementale et d’économie circulaire,

accorder une priorité élevée à la recherche de substituts à l’expérimentation animale, ainsi qu’à l’acceptation réglementaire de méthodes de substitution éprouvées,

généraliser l’application d’exigences relatives à la préservation de la biodiversité et au respect de la propriété intellectuelle des populations autochtones, et observer les principes du commerce équitable,

développer de nouveaux concepts permettant d’associer les groupes d’utilisateurs et de consommateurs aux processus allant du développement de nouveaux produits jusqu’à leur évaluation,

réexaminer la coopération internationale, de sorte à accroître l’accessibilité, l’harmonisation et la promotion des normes de l’Union européenne à l’échelle mondiale pour lutter contre la fraude.

2.   Présentation générale de l’industrie européenne des produits de soin

2.1.

Les cosmétiques et les produits de soin sont des articles indispensables et utilisés chaque jour par plus de 500 millions de consommateurs européens, dans toutes les tranches d’âge. Leur gamme s’étend des produits d’hygiène quotidienne, tels que le savon, le shampooing, les déodorants et le dentifrice, jusqu’aux articles de beauté de luxe, comme les parfums et le maquillage. À lui seul, le secteur pèse 77 milliards d’EUR (en 2015) et a été l’un des rares à ne pas être touché par la crise financière mondiale. L’Europe s’est imposée comme un des principaux acteurs du secteur dans le monde et elle compte parmi les grands exportateurs de produits cosmétiques. Les exportations européennes pour ce secteur s’élevaient à 17,2 milliards d’EUR en 2015.

2.2.

La notoriété des marques joue un grand rôle dans l’industrie cosmétique, étant donné le degré élevé de concurrence qui la caractérise. La fidélité des consommateurs dépend d’une publicité crédible, de la qualité et de l’innocuité des produits ainsi que du développement de nouveaux produits, une situation qui peut être comparée à celle de l’industrie de la mode, soumise à des changements de tendances saisonniers.

2.3.

Le secteur se compose de sociétés de toutes tailles et l’industrie cosmétique compte plus de 4 600 PME en Europe. Selon les estimations, le segment des PME représente 30 % du marché, mais ce chiffre peut atteindre 98 % dans certains États membres de l’Union européenne. L’offre de produits varie de 20 000 références et plus pour les grandes entreprises à environ 160 pour les plus petites d’entre elles. Un grand fabricant de cosmétiques possède une gamme de quelque 2 000 ingrédients et celle d’une PME en compte approximativement 600, chacune s’enrichissant d’environ 4 % de nouveaux ingrédients chaque année. Ceux-ci ont un effet important sur la rentabilité et la croissance.

2.4.

Au moins deux millions de personnes sont employées tout au long de la chaîne de valeur en Europe, de la fabrication jusqu’au commerce de détail. En 2015, 152 000 travailleurs étaient employés à la fabrication même (1), les femmes y étant représentées dans une proportion légèrement supérieure (56 % contre 44 % d’hommes). Au cours des cinq dernières années, le secteur a vu le nombre de ses emplois directs et indirects croître de 2,3 %, soit plus de 39 000 nouveaux postes (2).

2.5.

En 2015, les dépenses de recherche et développement étaient estimées à 1,27 milliard d’EUR. Elles varient considérablement d’un pays à l’autre. Le secteur emploie plus de 26 000 scientifiques, qui font des recherches dans de nouveaux domaines, travaillent sur de nouveaux ingrédients, développent des formules et réalisent des évaluations de la sécurité, ce qui débouche sur le dépôt d’un nombre impressionnant de brevets dans l’Union européenne chaque année.

2.6.

L’industrie papetière européenne, et plus précisément la branche des mouchoirs, réalise un chiffre d’affaires de plus de 10 milliards d’EUR chaque année et détient 25 % du marché mondial des mouchoirs. L’utilisation croissante de produits de qualité à base de papier, comme les serviettes de papier, les mouchoirs, le papier hygiénique, etc., constitue un facteur important dans l’amélioration de la qualité de vie et des conditions générales d’hygiène, au domicile comme à l’extérieur, et apporte dès lors une contribution notable au secteur des produits de soin.

2.7.

Le secteur européen des produits cosmétiques est salué pour avoir pris l’initiative d’une interdiction complète de l’expérimentation sur les animaux, tout en favorisant l’innovation et la compétitivité. Le marché est désormais axé à parts égales sur la sécurité et l’innovation, avec de nouvelles palettes de couleurs, des traitements spécifiques pour la peau, des produits antivieillissement et des formules uniques. Les consommateurs exigent constamment davantage de choix, une plus grande personnalisation et même une efficacité renforcée. Pour pouvoir répondre plus efficacement aux préférences et aux attentes des utilisateurs, les groupes et associations de consommateurs sont régulièrement consultés dès les premières étapes du développement.

3.   Législation de l’Union européenne

3.1.

Le contrôle des ingrédients et les critères d’expérimentation, y compris en ce qui concerne l’interdiction de l’expérimentation animale, la protection de l’environnement et l’étiquetage, sont autant d’éléments soumis à la législation et à des lignes directrices de l’Union européenne. Le cadre réglementaire pour l’accès au marché, les relations commerciales internationales et la convergence réglementaire font l’objet d’un suivi par la Commission européenne.

3.2.

Le règlement relatif aux produits cosmétiques [règlement (CE) no 1223/2009] est en vigueur depuis 2013, date à laquelle il a remplacé la directive 76/768/CEE adoptée en 1976. Son objet est d’harmoniser les règles de sorte à réaliser un marché intérieur des produits cosmétiques et à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine.

3.3.

Indépendamment des procédés de fabrication ou des circuits de distribution, les produits placés sur le marché de l’Union européenne doivent être sûrs. Le règlement relatif aux produits cosmétiques (y compris ses annexes) et ses modifications prévoient les exigences et restrictions réglementaires applicables à l’ensemble des substances utilisées dans les produits cosmétiques. La «personne responsable» d’un produit cosmétique est chargée de garantir la sécurité du produit et doit veiller à ce que celui-ci soit soumis à une évaluation scientifique de la sécurité par des experts avant d’être mis en vente. La base de données CosIng, qui comprend des informations sur les substances et les ingrédients présents dans les cosmétiques, assure un accès aisé aux données sur ces substances. Assurer un niveau élevé de protection aux fins de la protection de la santé humaine et de la sécurité des consommateurs implique également que les comités scientifiques responsables portent une attention toute particulière aux risques potentiels pour la santé encourus par certaines professions (par exemple, les coiffeurs et esthéticiens), qui utilisent des produits cosmétiques quotidiennement dans le cadre de leurs activités professionnelles et sont dès lors soumises à des niveaux d’exposition plus élevés que le reste du public.

4.   Stratégies en faveur de la croissance du secteur

4.1.

Pour rester compétitifs, les fabricants s’attachent constamment à innover afin de découvrir de nouveaux ingrédients, à utiliser les ingrédients existants dans de nouvelles applications et à créer des produits plus personnalisés. Ils ne peuvent cependant pas travailler en vase clos, et il est dès lors nécessaire que la Commission, les gouvernements nationaux et les parties prenantes, en particulier les organisations représentatives des consommateurs et des travailleurs, œuvrent de concert pour créer un environnement favorable à la croissance.

4.2.

Le CESE reconnaît que les principaux défis auxquels est confronté le secteur en matière de croissance sont comparables à ceux des autres branches de l’industrie. Les recommandations qu’il formule ci-après portent spécifiquement sur le secteur des produits de soin et des cosmétiques:

4.2.1.

Améliorer la convergence entre le secteur des sciences de la vie — notamment la recherche en génomique — et celui des produits de soin et de beauté favoriserait davantage la diversification des produits. La peau est le plus grand organe du corps humain, mais la distinction opérée entre l’application cutanée de produits cosmétiques et le traitement par des produits médicaux tend à disparaître. Il convient de prendre en considération certains effets comme les irritations, les allergies et les cancers de la peau. Des initiatives telles qu’EIT Santé (3), menées dans certains domaines phares des soins de santé, y compris le secteur pharmaceutique, les techniques médicales, les biotechnologies et la santé numérique, offrent de bons exemples de collaboration. Les produits cosmétiques améliorent l’hygiène corporelle et apportent des avantages sur le plan du bien-être et/ou du mode de vie (par exemple, la réduction du stress, une confiance renforcée ou l’amélioration de la qualité du sommeil, qui sont des effets positifs non reconnus dans les règlements). Si les produits cosmétiques ne sont pas des produits médicaux, ils sont néanmoins conçus sur la base de recherches avancées sur la peau et sa fonction. Par conséquent, le développement des cosmétiques peut tirer parti des progrès réalisés dans d’autres disciplines des sciences biologiques, en particulier l’industrie pharmaceutique. Il convient d’encourager la collaboration en matière de recherche de sorte à mettre l’accent sur la personnalisation des produits destinés à être adaptés au mode de vie des individus et de ceux visant leur bien-être.

4.2.2.

Le fait d’améliorer la collaboration entre les petites et les grandes entreprises tout en assurant le développement d’incubateurs (4) ou la constitution de pôles sectoriels pourrait renforcer la compétitivité et favoriser la croissance. Tous les produits cosmétiques sont soumis à une évaluation scientifique de la sécurité par des experts avant d’être mis sur le marché, ce qui peut créer des obstacles administratifs et financiers considérables pour les entreprises plus petites. S’il est essentiel de maintenir une évaluation de la sécurité, les petites entreprises innovantes devraient recourir à une palette de mesures de soutien à l’activité qui pourraient accompagner la période de développement comprise entre le processus d’innovation et de développement de nouveaux produits et la commercialisation réussie du produit final, ce qui réduirait le risque d’échec. Ces mesures pourraient notamment consister à améliorer le partage des connaissances au moyen du transfert de technologies et de connaissances, à exploiter les possibilités d’investissement en coopération, à analyser les réductions de coûts envisageables et à assurer l’accès aux sources de financement (5). En outre, les gouvernements devraient changer d’état d’esprit en ce qui concerne la fabrication pour se concentrer sur le soutien à la production locale et à la création d’emplois en Europe.

4.2.3.

Accroître la connaissance du marché et la fourniture de données par les universités, l’industrie et les consommateurs favorisera la croissance grâce au transfert de connaissances. Les tendances en matière de produits de soin s’orientent désormais vers les produits biologiques, naturels, pro-âge et antivieillissement, ainsi que sur les écrans solaires UVB et UVA, élargissant ainsi le champ de l’innovation. À l’heure actuelle, les innovations en matière de ménopause et de vieillissement offrent un espace de développement pour le segment des produits de beauté, en ciblant un nombre considérable d’individus avec des produits qui les aident à se sentir au mieux et à valoriser leur apparence. Compte tenu du progrès scientifique et technologique que représente le séquençage du génome humain, et de la meilleure compréhension de ses diverses fonctions et de sa stricte individualité, l’avenir de l’industrie cosmétique réside dans une personnalisation extrêmement poussée de ses produits. La recherche et l’investissement dans cette approche, en coopération avec les professions médicales et les milieux universitaires, constituent des enjeux essentiels pour le secteur.

4.2.4.

Encourager une participation accrue des travailleurs. Les salariés sont en première ligne de l’innovation appliquée aux produits, car ils font une expérience globale du secteur, depuis le processus de développement jusqu’aux retours d’informations des consommateurs. Une consultation renforcée, moyennant notamment la promotion de l’«intrapreneuriat», pourrait dès lors favoriser la croissance des entreprises. Le secteur offre des possibilités d’emploi très diverses, et une meilleure communication au sujet des compétences et des aptitudes requises aux fins de son développement actuel et futur le rendra plus attrayant. En Europe, plus de 514 000 étudiants en sciences de la vie (6) s’emploient à mener des travaux de recherche novateurs et à explorer de nouvelles pistes afin de renforcer la collaboration intersectorielle. Dans ce cadre également, une coopération plus étroite entre les universités et les entreprises contribuerait à attirer un spectre plus large de travailleurs.

4.2.5.

Pourvoir à la recherche et au développement. Des investissements, des dépenses dans la recherche et le développement ainsi que des dispositions en matière de sécurité sont nécessaires pour soutenir la croissance. Il convient d’envisager des mécanismes de financement, public comme privé, pour la recherche et le développement, l’enregistrement de brevets et le développement de nouveaux produits dans le secteur de la fabrication de l’Union européenne.

4.2.6.

Les violations de brevets et la contrefaçon de marchandises posent des risques sérieux en matière de rentabilité pour les entreprises européennes, grandes et petites, ainsi que pour la santé des consommateurs. En 2006, les parfums et cosmétiques de contrefaçon ont coûté 3 milliards d’EUR à l’Union européenne en perte de recettes. Une protection accrue de la propriété intellectuelle pour les marques pourrait être garantie par la mention du pays de fabrication sur le produit.

4.2.7.

Un engagement en faveur d’une réglementation «en fonction du risque». Actuellement, les substances sont réglementées non pas sur la base de leurs propriétés intrinsèques (par exemple une substance irritante), mais plutôt en fonction du fait que leur propriété s’exprime ou non dans des conditions réelles d’utilisation (par exemple une utilisation à une concentration inférieure au seuil d’irritation). Cette approche est rendue possible, car l’usage des produits cosmétiques est bien défini et des évaluations complètes du risque peuvent être réalisées. Il en va différemment de la législation sur les produits chimiques (sans usage défini), qui repose sur le «danger» lié aux propriétés intrinsèques. Pour que le secteur puisse continuer à innover et à se développer, il est fondamental qu’une distinction appropriée entre danger et risque soit maintenue dans la législation et les politiques européennes.

4.2.8.

Promouvoir des ingrédients spécifiques au territoire. En facilitant la recherche et la certification de produits naturels spécifiques à certaines régions grâce à l’indication géographique protégée (7) (par exemple l’immortelle de Corse), on pourrait promouvoir les produits régionaux de l’Union européenne et mettre davantage l’accent sur les matières premières locales et sur les produits artisanaux. Actuellement, les coûts induits par le traçage isotopique ou les analyses en laboratoire des produits naturels représentent une barrière pour les entrepreneurs et pour les PME.

4.2.9.

Interdiction de l’expérimentation sur les animaux. Le règlement relatif aux cosmétiques a introduit des interdictions en matière d’expérimentation (interdiction d’expérimentation sur les animaux des produits cosmétiques finis et des ingrédients cosmétiques) et de commercialisation (interdiction de commercialiser dans l’Union des produits cosmétiques finis et des ingrédients de produits cosmétiques testés sur des animaux). Il n’y a aucune intention de lever cette interdiction, mais celle-ci présente néanmoins des défis pour les fabricants en matière d’innovation, de développement de nouveaux produits et d’exportations.

Acceptation réglementaire des méthodes éprouvées de substitution. Dans un certain nombre de domaines liés aux essais d’innocuité, des stratégies sans expérimentation animale ont été développées, validées et acceptées par l’Organisation de coopération et de développement économiques. Celles-ci permettent de prédire avec précision les réactions complexes d’un système biologique, en particulier pour les essais sur les produits cosmétiques finis ainsi que pour certains critères de toxicité en lien avec les essais sur ingrédients. Il est également possible de substituer certaines informations de sécurité manquantes par référence croisée à des ingrédients déjà connus dont la composition chimique est apparentée ou par application d’un seuil de risque toxicologique. Il est essentiel que ces méthodes validées soient acceptées par les autorités de réglementation pour que l’industrie puisse progresser vers un monde innovant et sans expérimentation animale.

Utiliser la recherche et le développement pour améliorer l’évaluation de la sécurité des ingrédients et des produits. En l’absence d’expérimentation animale, il n’existe pas de palette complète d’essais in vitro pour évaluer la sécurité de nouvelles molécules telles que les écrans solaires. Les recherches visant à développer des approches en matière d’évaluation de la sécurité sans recourir à l’expérimentation animale devraient être encouragées aussi bien par le secteur public que celui privé. Compte tenu de l’incidence encore croissante du mélanome de la peau, les activités de recherche et développement visant à comprendre la biologie cutanée afin de mettre au point des produits permettant de prévenir ou de réduire les cancers de la peau revêtent un caractère prioritaire.

Exportations. La plupart des pays de destination des produits cosmétiques européens exportés exigent une expérimentation des produits sur des animaux, au titre des mesures de sécurité pour le consommateur. Cela aboutit à des exigences réglementaires contradictoires entre les pays et pose de sérieux problèmes au secteur. Des accords doivent être négociés sur cette question au niveau mondial.

4.2.10.

Gestion des ressources et des déchets. La croissance démographique, la hausse de la consommation ainsi que la raréfaction des ressources (particulièrement en eau) posent des problèmes aux consommateurs comme aux industriels, en matière de consommation durable et de responsabilité sociale des entreprises. La fabrication de produits respectueux de l’environnement, en tenant compte de la gestion des ressources et des déchets, est une priorité pour le secteur. Le paquet «Économie circulaire» de la Commission et les «lignes directrices à l’intention des entreprises cosmétiques, notamment les PME» publiées par Cosmetics Europe en 2012 sont des outils précieux, mais il faudra encore fournir des efforts, car d’importantes difficultés subsistent. Sur la question de la préservation des ressources vient se greffer celle de la défense de la biodiversité, en tant qu’elle constitue un bien collectif pour les générations présentes et à venir. La recherche de nouveaux produits ne peut s’effectuer aux dépens des populations indigènes et du patrimoine intellectuel qu’elles ont produit. Il est tout à la fois bénéfique et extrêmement nécessaire de diffuser parmi les entreprises du secteur les principes du commerce équitable et des codes de conduite environnementale. L’importance que revêt le comportement des consommateurs n’est pas moindre: ils ne peuvent accepter que des produits soient fabriqués en violation des fondements du développement durable.

4.2.11.

Améliorer la transparence. La surveillance du marché est essentielle pour assurer la protection du consommateur. Une collaboration accrue au niveau national entre les autorités nationales chargées des questions de consommation, les organisations de consommateurs, les usagers et les professionnels de la santé permettrait de renforcer la confiance des consommateurs et d’améliorer la transparence. Les consultations menées avec les parties prenantes devraient avoir lieu tout au long du processus de développement de nouveaux produits et d’innovation. Si la notification des produits au système RAPEX donne aux consommateurs la possibilité d’exiger une sécurité renforcée tout au long de la chaîne d’approvisionnement, ces derniers insistent pour que tout risque sérieux soit notifié dans les délais les plus brefs. Ils affirment qu’une transparence accrue est nécessaire, compte tenu des objectifs suivants:

il convient d’assurer une application plus stricte de la législation en vigueur et de clarifier l’évaluation de la sécurité, afin de préserver la confiance des consommateurs concernant l’innocuité des produits tout en augmentant le niveau de conformité par rapport au règlement relatif aux produits cosmétiques, ce qui requiert notamment un étiquetage plus complet et facile à lire indiquant les modalités d’utilisation des produits et l’usage auquel ils sont destinés,

il est indispensable d’accroître la transparence en ce qui concerne les annonces publicitaires, les «publireportages» et la promotion des produits, de sorte à éviter que le consommateur ne soit induit en erreur. Les coûts de publicité élevés sont prohibitifs pour les petites entreprises. Les contenus publicitaires qui ont fait l’objet d’un paiement doivent être clairement signalés, y compris ceux comparant des produits, car même si ceux-ci portent des noms de marque différents, ils proviennent parfois de la même société,

le règlement relatif aux produits cosmétiques ne prévoit pas de règles spécifiques pour les produits biologiques. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de règles harmonisées au niveau de l’Union européenne établissant des critères pour caractériser les cosmétiques biologiques; par conséquent, il est possible de revendiquer l’appellation «biologique» pour des produits comportant une faible teneur en ingrédients biologiques. Les consommateurs pourraient être induits en erreur, ce qui risque de compromettre la réputation d’intégrité du secteur européen de la beauté si l’on n’applique pas de lignes directrices spécifiques.

4.2.12.

Les débouchés ouverts sur de nouveaux marchés, notamment ceux axés sur les nouvelles habitudes d’achat des consommateurs, comme le commerce en ligne et les ventes directes, offrent de nouveaux modèles commerciaux, en parallèle du commerce transnational. Les premières conclusions d’une enquête sur le secteur du commerce en ligne ont montré que la moitié des entreprises sondées du secteur des cosmétiques et de la santé dans l’Union européenne ne vendaient pas à l’étranger. Si les entreprises de produits cosmétiques ont épousé l’ère du numérique, elles restent limitées par des exigences réglementaires qui sont souvent spécifiques à chaque pays, notamment l’étiquetage dans la langue nationale, la législation sur l’expérimentation animale et les règles de cosmétovigilance.

4.2.13.

Barrières commerciales. L’Union européenne bénéficie d’un excédent commercial confortable en matière de produits cosmétiques, mais la Commission devrait continuer d’encourager la convergence dans le cadre de forums tels que la coopération internationale relative à la réglementation des produits cosmétiques, ainsi que des négociations commerciales pour lesquelles la réglementation européenne devient une norme internationale. Le règlement de l’Union européenne relatif aux produits cosmétiques reste une source d’inspiration en matière de sécurité des consommateurs pour les régions émergentes (Association des nations de l’Asie du Sud-Est, Russie, Amérique latine, Chine). L’industrie et les autorités de réglementation européennes ont ainsi la possibilité de contribuer à l’élaboration, sur les principaux marchés d’exportation, de systèmes réglementaires hautement compatibles avec le système européen.

Un soutien en matière d’harmonisation est nécessaire pour accroître les échanges dans le marché intérieur. L’absence d’une administration des douanes unique renforce les barrières commerciales qui existent au sein de l’Union européenne. Chaque État membre possède une agence distincte chargée des réglementations douanières de l’Union européenne, et ces organismes ne sont pas administrés de manière uniforme. Les règles de l’Union européenne concernant la classification, l’évaluation, l’origine et les procédures douanières sont souvent appliquées différemment suivant les États membres, avec des niveaux de taxe sur la valeur ajoutée différents.

La lutte contre la fraude, la contrefaçon et la falsification, dans le cadre des importations et à l’intérieur de l’Union européenne, est un sérieux problème. Les pays de l’Union européenne doivent coopérer, échanger des informations et agir plus rapidement en ce qui concerne les effets indésirables graves imputables à l’utilisation de cosmétiques. La recrudescence de produits frauduleux et falsifiés, en particulier à cause de la hausse des importations, à laquelle s’ajoute la limitation des ressources dont disposent les États membres pour contrôler les produits, implique une augmentation des risques pour la santé des consommateurs.

Accords commerciaux. Les cosmétiques sont l’un des chapitres les plus âprement discutés du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI). Le PTCI et les autres accords commerciaux pourraient augmenter la diffusion des normes de l’Union européenne, ce qui conforterait la crédibilité et la confiance dans la marque des produits élaborés dans l’Union et permettrait aux entreprises européennes d’accéder à de nouveaux marchés et de toucher davantage de consommateurs.

Bruxelles, le 20 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Source: Eurostat.

(2)  Source: Cosmetics Europe.

(3)  www.eithealth.eu.

(4)  http://www.biocity.co.uk/medicity/nottingham.

(5)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 152.

(6)  Source: Euromonitor International.

(7)  http://ec.europa.eu/agriculture/quality/index_fr.htm.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/38


Avis du Comité économique et social européen sur «La démolition navale et la société du recyclage»

(avis d’initiative)

(2017/C 034/06)

Rapporteur:

M. Martin SIECKER

Corapporteur:

M. Richard ADAMS

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

CCMI

Adoption en section spécialisée

28 septembre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

202/2/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les propriétaires de navires de l’Union européenne contrôlent quelque 40 % de la flotte marchande mondiale. Ils détiennent également environ un tiers du tonnage des navires en fin de vie échoués sur des chantiers non conformes aux normes en Asie du Sud. L’Union européenne est le marché qui envoie le plus de navires en fin de vie à la démolition dans des conditions dangereuses et polluantes. Abritant la plus grande communauté de propriétaires de navires au monde, elle détient également une responsabilité particulière pour ce qui est de la réglementation en matière de recyclage des navires.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) fait valoir qu’il est impératif, au vu de considérations sociales et morales, d’éliminer les abus liés au démantèlement irresponsable des navires en mettant en place un système qui apporterait une valeur ajoutée suffisante aux navires en fin de vie pour compenser les surcoûts engendrés par le recyclage responsable. Si un tel dispositif n’empêchera probablement pas le maintien d’une majorité des activités de recyclage dans les pays à faible coût de main d’œuvre, il permettrait d’assurer une amélioration des conditions de travail tout en réduisant l’empreinte environnementale. En outre, les chantiers de démantèlement européens gagneraient en compétitivité.

1.3.

Bien que les actions de l’Organisation maritime internationale (OMI) n’aient eu que peu d’effets jusqu’à présent, il convient de continuer à faire le maximum pour parvenir à un instrument universel juridiquement contraignant par l’intermédiaire de cette organisation. L’Union européenne peut jouer dans ce processus un rôle d’influence et de dynamisation. La recherche d’une solution efficace à la démolition irresponsable des navires est à l’ordre du jour de l’Union européenne depuis des années. Pour l’heure, elle a conduit à l’adoption du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires, qui sera pleinement applicable d’ici au 31 décembre 2018. Ce règlement comporte cependant une faille fondamentale: les propriétaires de navires peuvent facilement le contourner en «dépavillonnant» leur navire et en l’immatriculant dans un pays tiers.

1.4.

Ce règlement est lacunaire en ce qu’il ne prévoit pas d’instrument économique qui permettrait à la Commission européenne d’influencer favorablement l’évolution de la situation. Un récent rapport extrêmement détaillé a défini un plan d’action pour la mise en place d’un tel instrument, qui repose sur l’instauration d’un «régime de licences de recyclage des navires». D’ici à la fin de l’année, la Commission présentera une proposition fondée sur cette approche, qui incitera les propriétaires de navires dont les bâtiments arrivent en fin de vie utile à procéder à leur démantèlement dans des installations agréées par l’Union européenne, selon des modalités socialement et écologiquement acceptables.

1.5.

L’un des atouts de ce dispositif financier est la synergie qu’il affiche avec le cadre réglementaire actuel. Les mécanismes de contrôle seraient compatibles avec ceux du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires. L’administration et la mise en place d’une telle licence pourraient être gérées par les institutions européennes actuelles. Le CESE invite toutefois instamment la Commission à évaluer également le risque que les partenaires commerciaux de l’Union européenne ne perçoivent la proposition comme une interférence anticoncurrentielle dans la conduite du transport maritime international.

1.6.

Le seul moyen d’éliminer les pratiques condamnables actuelles est de reconnaître la responsabilité des propriétaires de navires en appliquant le principe du «pollueur-payeur» et d’intégrer le coût d’un recyclage responsable dans les frais d’exploitation des navires. Les utilisateurs et les transporteurs de marchandises en vrac, de fret et de passagers ont tous un rôle à jouer. Ils doivent d’abord reconnaître l’existence d’un grave problème, puis soutenir un mécanisme financier progressif et applicable tel que la licence de recyclage des navires, susceptible d’être étendue à l’échelle mondiale sous les auspices de l’OMI et au moyen d’une campagne d’information dépassant les frontières de l’Union européenne.

1.7.

Le CESE soutient la Commission dans sa démarche. Outre qu’il s’inscrit parfaitement dans la politique de l’Union européenne en faveur d’une société du recyclage, un tel projet peut constituer une avancée décisive dans la réforme de l’industrie dangereuse et polluante du démantèlement des navires en Asie du Sud, tout en empêchant sa délocalisation dans une autre région du monde. Le CESE reconnaît le potentiel de la convention internationale de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires (ci-après la «convention de Hong Kong»), pour autant qu’elle intègre les principes du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires, et insiste également sur la nécessité de mettre en place un instrument financier. Il encourage l’Union européenne à fournir une assistance technique aux chantiers navals du monde entier pour les aider à respecter ces dispositions.

2.   État des lieux

2.1.

L’économie mondiale ne peut pas se passer du transport maritime. Chaque année, environ 1 000 grands navires océaniques (pétroliers, porte-conteneurs, cargos et navires à passagers) sont vendus en vue d’être démantelés. Plus de 70 % de ces navires en fin de vie échouent sur des plages en Inde, au Bangladesh ou au Pakistan pour être soumis à de dangereuses opérations de démolition. Les autres sont démantelés principalement en Chine et en Turquie, où des infrastructures et des procédures appropriées débouchent sur des pratiques moins polluantes et plus sûres, pour peu que les procédures adéquates soient appliquées (1).

2.2.

La plupart des navires retirés du service sont démantelés dans des conditions inacceptables selon la méthode de l’«échouage». Cette méthode consiste à échouer littéralement les navires sur des plages, où ils sont ensuite démantelés par des travailleurs largement non qualifiés (dont des enfants, comme cela a été observé au Bangladesh), qui ne disposent pas des équipements adaptés et ne sont pas ou guère protégés contre les substances dangereuses libérées en grandes quantités lors du recyclage (2).

2.3.

L’industrie du recyclage des navires a migré vers l’Asie de l’Est (la Chine et Taïwan) dans les années 70, après la mise en place en Europe de normes plus strictes en matière d’environnement et de santé au travail. Puis, dans les années 80, le durcissement des règles dans cette zone géographique a, à son tour, entraîné le déplacement de ces activités vers l’Asie du Sud. Ces trente dernières années, 470 décès ont été enregistrés en Inde. En 2014, 25 décès et 50 accidents graves ont été signalés sur les chantiers d’Asie du Sud. L’an dernier, 16 travailleurs ont perdu la vie sur les chantiers du Bangladesh et 12 autres y ont péri depuis le début de cette année. Un nombre bien plus élevé de travailleurs sont gravement blessés ou tombent malades après avoir inhalé des émanations toxiques et meurent dans la souffrance des suites de cancers provoqués par une exposition à des substances dangereuses telles que l’amiante. L’environnement naturel autour de ces zones d’échouage est sévèrement dégradé (3).

3.   La cause du problème — Une fuite des responsabilités

3.1.

L’absence d’une gouvernance internationale efficace qui permettrait de trouver une solution mondiale est au cœur du problème du recyclage des navires. L’OMI, une agence des Nations unies, est à l’origine de la convention de Hong Kong, qui n’a pas encore été ratifiée et dont l’application reste incertaine. Comme dans beaucoup d’autres domaines, l’Union européenne peut, en promouvant de bonnes pratiques et des solutions concrètes, proposer un cadre réglementaire et juridique vecteur d’évolutions positives à l’échelle mondiale et porteur de solutions efficaces aux problèmes extraterritoriaux spécifiques de l’industrie maritime.

3.2.

Le droit international exige que chaque navire marchand soit enregistré dans un pays. Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), près de 73 % de la flotte maritime mondiale est enregistrée dans un pays ou bat pavillon d’un pays autre que celui dans lequel le propriétaire effectif des navires est enregistré. Les raisons poussant les propriétaires de navires à battre pavillon étranger incluent l’évasion fiscale, la possibilité de se soustraire à la réglementation nationale en matière de travail et d’environnement et la possibilité de recruter des équipages provenant de pays où la main-d’œuvre est meilleur marché. Un grand nombre de ces registres ouverts sont également désignés sous les termes de «pavillons de complaisance» ou «pavillons de non-respect». Il s’agit de pavillons de pays connus pour leur application toute relative du droit international. Environ 40 % de l’ensemble des navires en fin de vie échoués en Asie du Sud ont été importés sous des pavillons de complaisance ou des pavillons de non-respect, tels que ceux de Saint-Christophe-et-Niévès, des Comores et des Tuvalu. Ces pavillons «de fin de vie» ne sont guère utilisés pendant la période d’exploitation d’un navire et permettent de bénéficier de taux d’escompte spéciaux pour le voyage final, ainsi que d’obtenir rapidement et aisément une immatriculation à court terme, sans aucune condition de nationalité.

3.3.

Seul un petit nombre de propriétaires ont volontairement pris des mesures pour veiller à ce que leurs navires obsolètes soient recyclés de manière non polluante et sûre. Moins de 8 % des navires vendus en vue d’être démolis battent encore pavillon de l’Union européenne. Ces derniers sont essentiellement démantelés de manière sûre et durable. La plupart des navires qui arrivent en fin de service sont vendus à des acheteurs au comptant (cash buyers), qui les acheminent vers leur destination finale en Asie du Sud. La plupart des propriétaires de navires ne traitent pas directement avec les installations de recyclage. Très opportunément, ils délèguent les activités d’élimination à ces acheteurs au comptant spécialisés dans les navires en fin de vie, qui jouent le rôle d’intermédiaire entre les propriétaires de navires et les chantiers de démantèlement. Les services qu’ils proposent comprennent le déplacement et la dotation en personnel d’un navire lors de son dernier voyage, l’obtention des documents nécessaires et le contact avec les autorités sur le lieu de démolition.

Ces pratiques sont utilisées par les propriétaires de navires tant privés que publics.

3.4.

Ce secteur d’activité est rentable pour:

ceux qui organisent le démantèlement à moindre coût à l’échelon local, en exploitant les travailleurs et en portant atteinte à l’environnement,

les propriétaires de navires à travers le monde, qui bénéficient d’un prix plus intéressant pour le démantèlement du navire,

les intérêts économiques des pays concernés, étant donné que ce secteur fournit une source importante de déchets d’acier qui sont utilisés dans l’économie locale et nationale,

les gouvernements pour lesquels ce commerce est une source de revenus, qui ne sont pas particulièrement incités à réguler ou à contrôler le secteur ni à appliquer les garanties juridiques existantes.

3.5.

Si des propriétaires de navires ont entrepris depuis 2009 des actions coordonnées sur une base volontaire, telles que l’élaboration de lignes directrices pour l’établissement d’inventaires des matériaux dangereux et l’adoption d’autres mesures concernant la fin de vie, le Bangladesh, où les conditions sont réputées les plus mauvaises, était en 2015 la destination privilégiée des navires en fin de vie (4).

4.   Traiter le problème — Tentatives de responsabilisation

4.1.

L’OMI a adopté en 2009 la convention de Hong Kong. Cet instrument, qui vise spécifiquement le transport maritime, fixe un cadre réglementaire qui doit permettre d’établir les conditions de concurrence équitables et durables nécessaires aux activités de recyclage des navires dans le monde. Dans les faits, cet objectif ne résiste pas à l’examen. Cette convention constitue certes une modeste avancée, mais les dispositions régissant la manière dont elle sera mise en œuvre et appliquée sont faibles et ouvertes à de multiples interprétations; elle ne prévoit pas de système indépendant de certification ou de contrôle et n’interdit pas, dans les faits, l’échouage des navires.

4.2.

La convention de Hong Kong n’entrera en vigueur que vingt-quatre mois après sa ratification par quinze États, représentant 40 % du tonnage mondial et dont la capacité annuelle de recyclage des navires représente au moins 3 % du tonnage combiné des signataires. À ce jour, seuls cinq pays l’ont ratifiée, le Panama étant le seul grand État de pavillon à l’avoir fait. Aucun d’entre eux ne respecte cependant l’exigence relative à la capacité de recyclage des navires qui permettrait l’entrée en vigueur de la convention, laquelle n’est donc pas attendue de sitôt.

4.3.

Autre initiative de l’OMI, le Fonds international d’affectation spéciale pour le recyclage des navires n’a pas reçu de soutien sur la scène internationale. Si l’OMI a mené à bien des réformes positives dans plusieurs domaines du secteur maritime, elle ne peut se prévaloir d’une action efficace en matière de démantèlement des navires. L’industrie du recyclage des navires a eu tendance à localiser ou à relocaliser ses activités dans des pays où la main-d’œuvre est bon marché et où les normes en matière d’environnement, de santé et de sécurité sont à la fois faibles et inappliquées. Le seul moyen de supprimer le rôle «facilitant» de ces pays est de constituer, pour chaque navire, un important fonds financier, géré par une entité indépendante, qui pourra être récupéré pour autant que le navire soit recyclé de manière responsable. Le transport maritime est une industrie mondiale. Le démantèlement des navires, lui, est un scandale régional (70 % des bâtiments étant démantelés sur trois plages d’Asie du Sud) qui mérite une solution efficace.

4.4.

Au sein de l’Union, les navires retirés du service sont considérés comme des déchets dangereux et relèvent de la convention de Bâle régissant tout type de transport des déchets dangereux, transposée au niveau de l’Union européenne par le règlement sur les transferts de déchets. Ces dispositions auraient théoriquement dû empêcher l’élimination irresponsable des navires battant pavillon de l’un des États membres de l’Union. Les dispositions de ladite convention et du règlement sur les transferts de déchets sont en outre systématiquement contournées par les propriétaires de navires, qui vendent leurs bâtiments en fin de vie à des acheteurs au comptant dès qu’ils quittent les eaux territoriales européennes pour leur dernier trajet. Cependant, après l’entrée en vigueur sur le territoire de l’Union européenne du règlement relatif au recyclage des navires, les navires retirés du service qui battent pavillon d’un État membre de l’Union européenne sortiront, à compter de 2019, du champ d’application du règlement de l’Union européenne sur les transferts de déchets et de la convention de Bâle, qui régit tout type de transport des déchets dangereux.

4.5.

Après analyse, l’Union européenne et ses États membres ont conclu que les conventions de Hong Kong et de Bâle semblent assurer un niveau équivalent de contrôle et d’application des règles pour les navires considérés comme des déchets. Des ONG du monde entier, le rapporteur spécial des Nations unies sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des déchets toxiques ainsi que le Parlement européen et le CESE ont reproché à la convention de Hong Kong de ne pas proposer de solutions appropriées.

4.6.

La recherche d’une solution efficace est à l’ordre du jour de l’Union européenne depuis des années. La Commission a publié en 2007 un livre vert (5) sur ce sujet, suivi en 2008 par une communication (6), puis par une proposition de règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires (7) en 2012. Le règlement est entré en vigueur le 30 décembre 2013, mais sa pleine application n’est prévue que pour le 31 décembre 2018. Le règlement prévoit une entrée en vigueur précoce de certaines exigences de la convention de Hong Kong. Il établit en outre une liste européenne des installations de recyclage agréées, où les navires battant pavillon de l’Union européenne devront être démantelés. Ces installations doivent faire l’objet d’une procédure d’agrément et d’audit indépendante. Le règlement va par ailleurs au-delà de la convention de Hong Kong en fixant des normes plus strictes pour les installations de recyclage, ainsi qu’en abordant la question de la gestion des déchets en aval et celle des droits du travail.

4.7.

Le règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires n’est toutefois qu’un pâle reflet du livre vert et de la communication publiés précédemment sur le même sujet. Ces deux documents présentaient une analyse rigoureuse des problèmes liés au recyclage des navires en Asie du Sud et signalaient la nécessité de prendre des mesures fermes afin de remédier à la situation intolérable que connaissent les pays de cette région. Néanmoins, les mesures prévues par ledit règlement ne permettent pas de résoudre ces problèmes. Celui-ci fixe certes des normes élevées pour les installations de recyclage des navires, normes auxquelles la méthode de l’échouage ne répond manifestement pas, mais les propriétaires de navires n’ont aucun mal à les contourner en procédant à un transfert de propriété ou en dépavillonnant leur navire et en l’immatriculant dans un pays tiers. Le CESE avait déploré le manque cruel de volonté politique de mettre le secteur maritime devant ses responsabilités. Il attendait de la Commission une proposition plus pertinente, créative, audacieuse et riche en initiatives, et aussi ambitieuse que les documents publiés auparavant (8).

5.   Une approche plus efficace

5.1.

Ce règlement est lacunaire en ce qu’il ne prévoit pas d’instrument économique qui permettrait à la Commission d’influencer favorablement l’évolution de la situation. La faille fondamentale qui permet aux propriétaires de navires de se soustraire si facilement au règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires en dépavillonnant leurs navires et en les immatriculant dans un pays tiers a été reconnue par la Commission dans sa proposition initiale de 2012, qui comprenait une clause sur la «responsabilité de l’avant-dernier propriétaire». Si cette clause a été rejetée lors des négociations tripartites, le Parlement européen a veillé à ce qu’un article invitant la Commission à réfléchir à la possibilité d’autres mécanismes financiers soit inclus dans le règlement.

5.2.

La Commission a publié en juillet dernier une nouvelle étude, réalisée par Ecorys, DNV-GL et l’université Erasmus de Rotterdam, sur une «licence de recyclage des navires» visant à encourager les propriétaires à assumer enfin leurs responsabilités en ce qui concerne le démantèlement non polluant et sûr des navires.

5.3.

Une telle licence de recyclage s’accompagnerait de la création d’un fonds dédié spécifique à chaque navire, déposé dans un compte d’une grande institution financière qui gérerait le capital accumulé afin de financer un recyclage sûr et durable. Le montant de la licence serait déterminé en tenant compte du tonnage, du type de transport, de la fréquence des escales dans l’Union européenne, de la conception (sur la base du principe «du berceau au berceau») et de la présence de matériaux toxiques à bord. Le capital serait constitué par les propriétaires de navires, qui, à chaque escale d’un de leurs bâtiments dans un port de l’Union européenne, verseraient la cotisation appropriée au fonds spécifique qui lui est associé.

5.4.

En fin de vie, si le navire a été recyclé dans un chantier agréé par l’Union européenne, cette somme pourra être restituée, ce qui permettra de compenser le surcoût d’un démantèlement responsable. La Commission présentera d’ici à la fin de l’année une position formelle sur cette étude.

5.5.

L’un des atouts principaux de ce système est la synergie qu’il affiche avec le cadre réglementaire actuel. Les mécanismes de contrôle qui accompagnent ce dispositif financier seraient notamment parfaitement compatibles avec les procédures de vérification actuelles prévues par le règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires, telles que les inspections des installations avant et après leur inclusion sur la liste européenne. Les licences pourraient également être incluses sur la liste des certificats à vérifier régulièrement dans le cadre du contrôle par l’État du port au titre des obligations préexistantes. De même, l’actuelle Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) paraît tout à fait adaptée pour conduire les inspections et émettre les licences, alors que des institutions financières européennes telles que la Banque européenne d’investissement (BEI) ou le Fonds européen d’investissement (FEI) pourraient parfaitement gérer les flux financiers issus d’une telle licence de recyclage. Le CESE invite instamment la Commission à évaluer également le risque que les partenaires commerciaux de l’Union européenne ne perçoivent la proposition comme une interférence anticoncurrentielle dans la conduite du transport maritime international.

5.6.

Un tel fonds irait dans le sens de la proposition du CESE en faveur du développement d’une industrie viable du recyclage des navires en Europe. Il existe au sein de l’Union européenne des capacités suffisantes qui ne sont plus exploitées pour la construction et la réparation de navires, mais qui conviennent au recyclage de navires retirés du service. Cette démarche s’inscrit parfaitement dans l’objectif que poursuit l’Union européenne de devenir, à terme, une société durable basée sur le recyclage, avec une économie circulaire où les déchets sont transformés en matières premières grâce à un système de recyclage élaboré et bien conçu. Étant donné les prix des matières premières, qui sont tour à tour instables et en hausse constante, le chômage élevé dans plusieurs États membres de l’Union européenne et le fait qu’un certain nombre de plates-formes pétrolières dans les eaux territoriales européennes arrivent en fin de vie économique, cette piste pourrait se révéler très rentable pour l’Europe dans son ensemble. De plus, une filière spécialisée dans le recyclage des navires en fin de vie représenterait une occasion pour le développement des territoires maritimes, ainsi que pour la formation des jeunes et des chômeurs aux métiers émergents.

5.7.

Le 12 avril 2016, la Commission a publié une note technique explicative concernant les installations de recyclage de navires sollicitant une certification au titre du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires. Les installations souhaitant figurer sur la liste agréée par l’Union européenne doivent garantir des conditions de travail saines et sûres, contrôler la pollution — notamment en gérant correctement les déchets en aval — et veiller au respect du droit international du travail. Les installations situées au sein et en dehors de l’Union européenne peuvent présenter une demande. Outre les installations de l’Union européenne, les meilleurs chantiers de Chine et de Turquie se trouveront très probablement sur cette liste, qui sera publiée d’ici la fin de cette année. Des sites de recyclage qui ont recours à la méthode de l’échouage ont déjà demandé à figurer sur la liste de l’Union européenne. Le CESE convient avec le Parlement et la Commission que les sites qui pratiquent la méthode de l’échouage actuelle ne devraient pas être admis sur cette liste.

5.8.

Pour poursuivre son objectif d’élimination responsable des navires, il semble logique que l’Union européenne veille à ce que le coût d’un tel démantèlement soit intégré dans leurs coûts d’exploitation. Dans une économie de marché, rien n’est gratuit et tout a un coût. Quand les navires sont démantelés de manière responsable, la transaction est pécuniaire. En revanche, lorsqu’ils le sont de manière irresponsable, c’est au prix de la destruction de l’environnement local et de la perte de vies humaines. Puisque l’Union européenne ne souhaite pas accepter ces valeurs comme moyen de paiement légal, elle ne devrait pas non plus autoriser qu’elles fassent office de devise légitime dans ses flux de paiements avec des pays tiers en développement.

5.9.

Le secteur est actuellement en proie à des problèmes de surcapacité et à une baisse des marges. Il est donc raisonnable de s’attendre à ce que la grande majorité des propriétaires de navires s’opposent à toute mesure impliquant une augmentation de leurs charges. Or, l’impact financier pour les propriétaires de navires sera modéré. On estime que les mesures nécessaires pour modifier le comportement de 42 % des propriétaires entraîneront une augmentation des frais d’exploitation de 0,5 % pour les navires de plus petite taille et d’environ 2 % pour les catégories de navires aux dimensions les plus grandes. L’augmentation des frais de licence et/ou la diminution de la durée d’accumulation du capital porteraient le pourcentage de navires vendus en vue d’un recyclage durable à un niveau plus élevé encore, pouvant atteindre 68 %. Le rapport estime qu’à long terme, jusqu’à 97 % des navires en activité dans les ports européens seront en mesure d’accumuler les fonds nécessaires pour couvrir les frais supplémentaires induits par un recyclage responsable (9).

5.10.

Reste cependant à démontrer que les revenus issus de la licence de recyclage permettront de couvrir les coûts liés à un recyclage responsable et que le système de prélèvement sera appliqué de manière équitable à tous les transporteurs faisant escale dans les ports européens. Toutefois, une mesure régionale (c’est-à-dire à l’échelle du continent européen) telle que la licence de recyclage de l’Union européenne ne peut être mise en œuvre efficacement au niveau mondial sans la coopération des propriétaires de navires et de l’OMI. Un dispositif financier de l’Union européenne applicable à tous les navires faisant escale dans un port du territoire de l’Union pourrait poser les jalons d’une telle solution à l’échelle mondiale, qui pourrait être élargie par l’intermédiaire de l’OMI. Les gouvernements des États membres où résident de nombreux propriétaires de flotte doivent déployer des efforts considérables pour faire avancer la législation pertinente et l’aligner sur les politiques de lutte contre la fraude et les orientations de l’Organisation mondiale du commerce.

5.11.

Une opinion publique informée peut également générer et appuyer une volonté politique. Le fait de mettre au jour les conditions scandaleuses qui existent dans la plupart des installations de recyclage en Asie du Sud a une certaine incidence, mais, à l’heure actuelle, les citoyens préoccupés par cette situation n’ont aucun moyen d’influencer directement l’industrie des transports maritimes en achetant ou en boycottant les services concernés. Il convient de changer cet état de fait en encourageant les grandes entreprises utilisatrices de services de fret maritime à exiger que leurs marchandises soient transportées par des navires soumis à des politiques de fin de vie responsables et irrévocables.

5.12.

Comme dans beaucoup d’autres domaines, l’Union européenne a un rôle à jouer et peut, en promouvant de bonnes pratiques et des solutions concrètes, proposer un cadre réglementaire favorable, vecteur d’évolutions positives à l’échelle mondiale et porteur de solutions efficaces aux problèmes extraterritoriaux spécifiques de l’industrie maritime.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Liste de tous les navires démantelés dans le monde en 2015.

(2)  Le démantèlement de navires au Bangladesh et en Inde. Vidéo de National Geographic, Where Ships Go to Die, Workers Risk Everything (Là où les navires vont s’échouer, les travailleurs risquent tout), 2014.

(3)  Plate-forme des organisations non gouvernementales (ONG) sur la démolition navale.

(4)  Shipping Industry Guidelines on Transitional Measures for Ship owners Selling Ships for Recycling (Orientations à l’intention de l’industrie du transport maritime en préparation de l’entrée en vigueur du règlement de l’Union européenne relatif au recyclage des navires), 2e édition, janvier 2016 (en anglais).

(5)  COM(2007) 269.

(6)  COM(2008) 767.

(7)  Règlement (UE) no 1257/2013 du Parlement européen et du Conseil (JO L 330 du 10.12.2013, p. 1).

(8)  JO C 299 du 4.10.2012, p. 158.

(9)  Tableau 4.2, p. 83.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/44


Avis du Comité économique et social européen sur les «Prosommation énergétique et coopératives de prosommateurs d’énergie: possibilités et défis dans les États membres de l’Union européenne»

(avis d’initiative)

(2017/C 034/07)

Rapporteur:

Janusz PIETKIEWICZ

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

225/4/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est d’avis que le développement généralisé de la prosommation énergétique décentralisée devrait constituer un élément important et permanent de la politique de l’Union européenne dans le domaine de l’énergie. Cette solution est avantageuse et peut même s’avérer indispensable au regard de la sécurité énergétique, ainsi que des questions environnementales et sociales.

1.2.

La part de la prosommation énergétique dans la production d’énergie totale devrait être adaptée aux particularités de chaque État membre. En conséquence, le CESE propose que la Commission européenne élabore des principes directeurs concernant la prosommation d’énergie, tandis que les réglementations spécifiques en la matière devraient rester du ressort de chaque État membre.

1.3.

La prosommation énergétique peut s’appuyer sur un large éventail de sources d’énergie renouvelables et son fonctionnement est viable dans tout type d’environnement, indépendamment des conditions climatiques.

1.4.

Une présence à grande échelle des prosommateurs sur le marché est devenue possible grâce aux nouvelles technologies, à la révolution numérique et aux aspirations des consommateurs à participer directement aux processus économiques.

1.5.

Afin que la notion de «prosommateur» soit mieux comprise dans les États membres, le CESE suggère à la Commission d’en élaborer une définition cadre, qui en reprenne les caractéristiques communes fondamentales, comme la taille des installations, le caractère individuel ou collectif de la production énergétique, la propriété des installations ou la question des surplus d’énergie produits.

1.6.

Il est possible d’être un prosommateur que l’on soit ou non détenteur d’un bien immobilier, d’une installation ou d’un équipement donné. Par exemple, le propriétaire d’une maison unifamiliale et le locataire d’un appartement situé dans un immeuble collectif peuvent l’un comme l’autre être des prosommateurs.

1.7.

Les avantages économiques liés à la prosommation énergétique, qui se traduisent essentiellement par des coûts de transport plus faibles, une meilleure utilisation des sources disponibles sur place et une activation professionnelle des communautés locales, devraient permettre d’ici peu à ce type de modèle de fonctionner sans mécanismes d’appui complémentaires.

1.8.

Les économies et les avantages sociaux qui découlent d’une consommation plus consciente et active, l’exploitation décentralisée des sources d’énergie renouvelables, la réduction des pertes de réseau et l’efficacité induite par la coopération sont susceptibles de générer rapidement un bon rendement de l’investissement consenti dans des installations de production énergétique de prosommation, le développement du transport, de la distribution et des réseaux locaux, ainsi que de leur système de gestion, tout comme le déploiement du stockage énergétique.

1.9.

Les systèmes d’appui aux prosommateurs ne doivent en aucun cas fausser la concurrence sur le marché énergétique ou en évincer d’autres acteurs; ils doivent également prendre en considération le fait que certains consommateurs d’énergie ne peuvent ou ne veulent pas devenir des prosommateurs.

1.10.

Les mesures susceptibles d’avoir une incidence financière sur les prosommateurs, telles que les impôts, les droits et autres frais, doivent être favorables à ces acteurs et ne doivent en aucun cas être discriminatoires à leur égard sur le marché de l’énergie.

1.11.

Un développement dynamique de la prosommation énergétique repose sur l’établissement de bonnes relations partenariales entre les prosommateurs, les autres producteurs d’énergie et les entreprises qui se chargent du transport et de la distribution de l’énergie. Il est nécessaire de créer les conditions grâce auxquelles tous les acteurs du marché de l’énergie pourront tirer parti du développement du prosumérisme. Le CESE suggère à la Commission de mener des recherches pour dégager des pistes dans ce domaine.

1.12.

Il est indispensable de mettre en place des solutions qui protègent les prosommateurs face aux pratiques monopolistiques des entreprises qui se chargent du transport et de la distribution de l’énergie, ainsi que des grands producteurs d’énergie.

1.13.

En règle générale, le prosommateur produit de l’énergie pour couvrir des besoins propres (les siens ou ceux d’un groupe de citoyens, de ménages, d’exploitations agricoles, de petites entreprises). Il est impossible d’ajuster avec précision la puissance des équipements à des besoins énergétiques propres. C’est pourquoi il importe tout particulièrement de résoudre le problème du traitement du surplus d’énergie. Cette question a d’autant plus de poids si l’on tient compte de notre volonté et de notre obligation d’encourager les prosommateurs à réduire leur consommation d’énergie.

1.14.

Il convient de soutenir, grâce à des systèmes de vie intelligents (smart living), le processus d’optimisation de la consommation d’énergie par les prosommateurs. Le CESE propose que la Commission en tienne compte dans le cadre des solutions systémiques qu’elle élabore.

1.15.

Étant donné que la production énergétique assurée par des producteurs individuels s’effectue à petite échelle, il conviendrait que les prosommateurs ne soient pas soumis à des restrictions pour l’accès au réseau.

1.16.

Le développement de la prosommation énergétique est lié à l’adaptation et au fonctionnement adéquats des réseaux de distribution et de transport. S’il convient que les prosommateurs participent à la couverture des coûts afférents, il y a également lieu de définir des principes transparents pour établir cette participation aux frais.

1.17.

Une des conditions essentielles à l’essor de la prosommation d’énergie est que l’on entreprenne simultanément de déployer les réseaux intelligents situés à proximité. Le CESE considère que la généralisation des compteurs intelligents fait partie intégrante des infrastructures de réseau, et qu’en conséquence, son coût ne doit pas être supporté directement par les consommateurs. Il insiste sur la nécessité de garantir la protection des données collectées.

1.18.

Les avantages liés à la prosommation vont augmenter sensiblement avec le développement de petites installations de stockage d’énergie. Le Comité recommande de continuer à concentrer les travaux de recherche scientifique sur le perfectionnement des technologies de stockage d’énergie existantes et sur la mise au point de nouvelles solutions.

1.19.

La création de coopératives énergétiques ou d’autres formes de regroupement des prosommateurs permet de stimuler le développement de la prosommation énergétique. Lorsqu’ils agissent en groupe, les prosommateurs sont plus efficaces, ce qui se traduit notamment par une baisse des coûts de la production d’énergie, par le renforcement de la position de ces acteurs sur le marché de l’énergie et par leur participation directe à l’amélioration de la sécurité énergétique locale.

1.20.

Un groupe de prosommateurs est mieux à même d’adapter la quantité d’énergie qu’il génère en fonction des besoins, ce qui permet de limiter plus encore le transport et, partant, les coûts de l’énergie pour les membres du groupe. Un groupe de prosommateurs aura davantage d’incidence sur le réseau de distribution et de transport qu’un prosommateur isolé, grâce à de moindres fluctuations de l’offre et de la demande.

1.21.

Le CESE invite la Commission à souligner, dans le cadre de ses actions en faveur de la construction de bâtiments à basse consommation, l’importance considérable que le développement de la prosommation énergétique revêt dans ce processus.

1.22.

Le Comité propose à la Commission que les questions de prosommation énergétique soient prises en compte dans deux initiatives menées actuellement, à savoir la proposition relative à l’organisation du marché de l’électricité et le réexamen du train de mesures sur les énergies renouvelables.

1.23.

Le CESE estime que les avantages qui découlent de la prosommation énergétique doivent s’inscrire dans le cadre d’une politique active visant à réduire la pauvreté énergétique et à protéger les groupes très vulnérables socialement, ainsi qu’à résoudre les problèmes liés à l’économie des seniors et au vieillissement de la population. La participation des organisations de la société civile revêtira de l’importance à cet égard.

1.24.

Le développement généralisé du prosumérisme ouvre également des perspectives d’activation des entreprises locales, et notamment de création de nouveaux emplois liés à la fourniture des équipements et services nécessaires.

1.25.

L’engagement des collectivités locales et régionales dans ce processus a une incidence considérable sur le développement ultérieur de la prosommation énergétique. Le CESE suggère à la Commission d’inclure cette problématique dans les activités de sa Convention des maires.

1.26.

Étant donné que le niveau de développement de la prosommation énergétique varie d’un État membre à un autre, il est souhaitable d’organiser diverses formes d’échange d’expériences. Le Comité préconise à la Commission d’effectuer un suivi concernant le développement du prosumérisme dans les pays de l’Union européenne, en en faisant un des éléments du rapport qu’elle élabore annuellement dans le cadre de l’union de l’énergie. Les données collectées seront très utiles pour les actions entreprises par chaque État membre.

1.27.

La diffusion généralisée du prosumérisme constitue un processus qui est complexe, présente de multiples facettes et s’étendra sur une longue durée. C’est pourquoi il importe que les solutions qui stimulent le développement de la prosommation énergétique soient stables sur le long terme.

2.   Contexte

2.1.

L’accès aux sources d’énergie, la sécurité de l’approvisionnement en la matière, une politique de prix qui prenne en considération les intérêts des groupes sociaux et des consommateurs en situation difficile constituent des gageures tant pour les sociétés et les différentes entités de gouvernance que pour chaque consommateur considéré isolément.

2.2.

Pour se procurer efficacement de l’énergie, l’humanité ne connaissait, jusqu’il y a peu, d’autre méthode que la combustion, la seule exception étant peut-être l’exploitation de la force hydraulique. Les progrès technologiques ont ouvert la possibilité d’obtenir de l’énergie à grande échelle sans qu’il soit nécessaire de brûler à cet effet quelque matière que ce soit. L’homme a appris à la produire sous la forme la plus propre, à partir du rayonnement solaire, en s’abstenant ainsi de polluer l’environnement. Cette ressource énergétique est en outre gratuite et inépuisable, le seul coût qu’elle induit étant celui des équipements.

2.3.

Il est possible d’assurer une production électrique avec autant d’efficacité en utilisant l’énergie du vent, lequel procède de la même source, le soleil, qui, en réchauffant la Terre différemment d’un endroit à l’autre, génère les flux venteux. Il en va de même pour la biomasse, étant donné que la photosynthèse est le principal moteur de son renouvellement.

2.4.

Il est inéluctable que les énergies renouvelables se développent, du fait d’une moindre disponibilité des combustibles fossiles, de plus en plus consommés, de la dépendance de nombreux pays à l’égard des importations, du réchauffement planétaire et de la pollution atmosphérique. Ces problèmes ont fait que l’Europe et, avec elle, la majeure partie des grandes économies ont commencé à investir dans les sources d’énergie renouvelables.

2.5.

Le sommet de la Terre, qui s’est tenu en 1992 à Rio de Janeiro, a adopté les principes fondamentaux de politique socio-économique qui doivent régir la protection de l’environnement, avec notamment la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

2.6.

En septembre 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté les objectifs de développement durable. L’un d’eux concerne la garantie d’un accès à l’énergie durable pour tous (objectif no 7). Aujourd’hui, 1,2 milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’électricité.

2.7.

Dans l’Union européenne, plus de 120 millions de citoyens sont exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, 10 % des européens vivent dans des ménages dont aucun des membres n’a d’emploi et le nombre de sans-abris ne cesse de croître. Ces chiffres sont également révélateurs d’une pauvreté énergétique.

2.8.

Les sociétés civiles affichent un soutien massif en faveur des sources d’énergie renouvelables et cette position a été corroborée, en 2015, par l’encyclique sur l’écologie du pape François, ainsi que par les déclarations sur le changement climatique de dignitaires religieux musulmans, hindouistes et bouddhistes, lesquels ont invité leurs coreligionnaires à contribuer à un avenir où les émissions de gaz à effet de serre seront nulles ou faibles.

2.9.

Les objectifs adoptés lors de la COP 21 (21e conférence des parties à la convention), qui s’est tenue en 2015 à Paris et à laquelle ont pris part près de 200 pays, sont venus confirmer la nécessité de délaisser les sources d’énergies fossiles. Ils consistent essentiellement à «contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 oC par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 oC».

3.   La révolution numérique donne l’impulsion au développement du prosumérisme

3.1.

Sur les cinquante dernières années, la population mondiale a triplé. En raison de la fragilité de son système financier, l’économie de la planète est menacée d’une stagnation de longue durée. Le taux de chômage élevé et la hausse des coûts de l’énergie provoquent l’instabilité dans de nombreux pays; les frais de fonctionnement des entreprises se sont accrus et les consommateurs doivent supporter des charges supplémentaires.

3.2.

Le monde se trouve désormais face à la nécessité de modifier son paradigme économique et de transformer ses modèles entrepreneuriaux, y compris dans le domaine social. Des instruments pour un nouveau système sont apparus grâce à la révolution numérique mondiale et à l’internet des objets.

3.3.

D’ici 2020, plus de 50 milliards de dispositifs connectés au réseau seront présents sur le marché, soit sept fois le nombre d’habitants sur la planète. Le téléphone intelligent est déjà devenu le principal outil de communication avec le monde, supplantant l’ordinateur personnel. En 2020, il y en aura environ 6,1 milliards sur le marché.

3.4.

L’internet des objets a permis à des millions de personnes de participer aux réseaux sociaux. C’est ainsi qu’a vu le jour le modèle de l’économie du partage, mieux adapté à l’organisation de la société et orienté vers la cohésion sociale. D’un schéma dominé par des institutions centralisées et gérées par le haut, l’économie commence à évoluer vers la notion de «partage», et de nombreux groupes sociaux exclus bénéficient de la possibilité de prendre une part active à la vie économique.

3.5.

Grâce à des plates-formes en ligne, le consommateur peut désormais se muer en producteur, qui crée et diffuse par lui-même des informations et des produits fabriqués à l’aide d’imprimantes 3D. Les plates-formes lui offrent la possibilité de partager des voitures, des logements, des vêtements et d’autres objets. Le consommateur-producteur peut, en toute indépendance, dispenser des formations en ligne, obtenir un conseil médical ou trouver un artisan pour effectuer des réparations chez lui. En évitant le système bancaire grâce au financement participatif, les entrepreneurs sociaux peuvent financer leurs activités commerciales au sein de la nouvelle économie fondée sur le partage.

3.6.

Dans l’univers des potentialités numériques, le capital social devient tout aussi important que le capital financier, l’accès prend le pas sur la propriété et la «valeur de partage» au sein d’une communauté collaborative se substitue de plus en plus souvent à la «valeur d’échange», qui domine sur les marchés capitalistes.

3.7.

Avec le développement des technologies numériques et l’apparition de nouveaux modèles d’activités dans le secteur de l’énergie, dont celui de la production d’énergie décentralisée, les zones rurales, les banlieues des agglomérations, les quartiers résidentiels à logements unifamiliaux, les communautés partageant le même immeuble et les coopératives de logement apparaissent désormais comme de grandes centrales électriques à très haut potentiel, comme la nuée de sources d’énergie décentralisée sur laquelle repose la nouvelle doctrine d’une sécurité énergétique assurée par la base, par les ménages, les exploitations agricoles, les petites entreprises ou les microcoopératives.

3.8.

Dans le secteur de l’énergie, des millions de personnes qui produisent de l’électricité dans leurs foyers, dans des immeubles de bureaux ou sur des toits d’entrepôts ont pu, grâce à l’internet, participer à des réseaux sociaux et partager alors cette ressource grâce à l’«internet de l’énergie», de la même manière qu’aujourd’hui nous générons et échangeons des informations en ligne. Les éléments de ce système, qui nécessitent encore un développement considérable, sont le stockage de l’énergie, l’«internétisation» des réseaux énergétiques et le recours aux voitures électriques.

4.   Vers des sources d’énergie renouvelables décentralisées

4.1.

La production d’énergie propre afin de compléter l’offre du marché et de remplacer les combustibles fossiles a eu pour effet qu’il est devenu nécessaire de transformer les systèmes énergétiques et d’instaurer des règles concernant la participation de nouveaux acteurs dans ce domaine.

4.2.

Conformément aux dispositions du traité de Lisbonne (article 2, paragraphe 3), le développement durable de l’Europe s’inscrit dans le cadre d’une économie sociale de marché. Les acteurs de la société civile jouent un rôle important à cet égard et l’adhésion sociale à la mutation des systèmes énergétiques, surtout au niveau local, constitue une question essentielle.

4.3.

L’Union européenne s’est fixé, pour l’horizon 2030, des objectifs touchant à l’union de l’énergie et à la transformation qui doit faire de l’Europe une économie à haute efficacité et à faibles émissions de dioxyde de carbone (CO2). Ses deux grandes visées en la matière consistent à réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre et à porter à 27 % la part des ressources renouvelables dans son bouquet énergétique, sans toutefois que ces indicateurs ne soient détaillés dans une ventilation pays par pays. Une économie basse énergie doit assurer non seulement la sécurité énergétique et la croissance économique, tout en n’émettant que de faibles rejets de CO2, mais aussi, à plus long terme, un accroissement de la production et de la consommation d’énergie d’origine locale. Selon les dernières données disponibles, les sources d’énergie renouvelables ont permis, dans le monde, de réduire les émissions de CO2 de 380 millions de tonnes en 2014.

4.4.

Parmi les objectifs spécifiques fixés par l’Union européenne pour 2030 figure la réduction des dépenses énergétiques des ménages et des entreprises. Il convient qu’ils puissent faire leur entrée comme intervenants actifs sur le marché de l’énergie, grâce aux possibilités créées par les nouvelles technologies.

4.5.

La balance énergétique de l’Union européenne est tributaire des échanges commerciaux. Annuellement, plus de la moitié de sa consommation intérieure brute d’énergie, pour une valeur de 400 milliards d’EUR, provient d’importations. Il ressort de certaines analyses que, dans ce domaine, son taux de dépendance vis-à-vis des fournisseurs extérieurs pourrait grimper à 70 % en 2030. Selon les estimations, le recours aux sources d’énergie renouvelables a permis de réduire la consommation de carburants fossiles de 114 millions de tonnes d’équivalent pétrole en 2014.

4.6.

Il est capital que l’Union européenne améliore sa balance énergétique. L’une des voies qu’elle peut suivre pour ce faire consiste en ce que chaque utilisateur final tire directement son énergie d’un éventail de ressources locales. Bon nombre de pays pourront éprouver des difficultés pour assurer la sécurité de leur dispositif énergétique s’ils n’accordent pas aux acteurs de la base un soutien généralisé pour produire, à partir de sources renouvelables, une énergie destinée à couvrir les besoins locaux.

4.7.

Le développement des technologies de production énergétique par des installations domestiques, les dispositifs, de plus en plus efficaces, qui donneront la faculté de stocker de l’énergie dans ces installations, sa distribution et sa quantification, assurées, respectivement, par des réseaux et des compteurs intelligents, et, enfin, la gestion de la demande en la matière effectuée au niveau local ont pour corollaire que les équipements de consommation peuvent exercer une influence importante sur le bouquet énergétique de chaque pays.

4.8.

Le secteur des sources d’énergie renouvelables représente un puissant facteur d’innovation technologique. Il est indispensable à une transformation radicale du système énergétique de l’Europe dans le cadre de la stratégie pour le marché unique numérique.

4.9.

La transformation, dans différents secteurs, des consommateurs passifs en prosommateurs actifs ainsi que la possibilité d’articuler les microentrepreneurs avec la stratégie pour un marché unique à l’ère numérique de l’internet des objets constituent des éléments déterminants de la «stratégie pour un marché unique numérique» [COM(2015) 192 final] que la Commission européenne a annoncée en mai 2016 et qui repose sur trois piliers: 1) améliorer l’accès aux biens et aux services numériques; 2) mettre en place un environnement propice au développement des réseaux et services numériques; et 3) maximiser le potentiel de croissance de l’économie numérique. Cette stratégie pourrait apporter 415 milliards d’EUR par an à l’économie européenne et créer des centaines de milliers de nouveaux emplois, y compris dans le secteur des sources d’énergie renouvelables.

4.10.

Dominé jusqu’à présent par les grands producteurs et distributeurs d’énergie, le marché doit s’ouvrir à des acteurs individuels et devenir plus fragmenté. L’énergie électrique ne viendra plus seulement «d’en haut», produite au sommet, dans de grandes centrales gérées de manière centralisée, mais jaillira de toute une série de sources énergétiques renouvelables qui seront décentralisées.

4.11.

Le degré de déconcentration de la production d’électricité doit être adapté aux particularités des consommateurs d’énergie. Les différences dans ce domaine peuvent être liées avant tout à la présence, dans tel ou tel pays, d’industries énergivores.

4.12.

À l’heure actuelle, la sécurité énergétique dépend de plus en plus de la résilience du système énergétique face aux attentats terroristes. Le développement de la production décentralisée a aussi pour effet d’accroître cette sécurité énergétique, car l’énergie produite de cette manière est moins vulnérable aux menaces terroristes.

4.13.

Les sources d’énergie décentralisées donnent la possibilité de faire face aux problèmes de continuité de l’approvisionnement énergétique des opérateurs qui exercent des activités hautement tributaires de l’électricité, comme les fermes avicoles, les usines de transformation ou les installations frigorifiques. Dans certains pays de l’Union européenne, la durée annuelle des coupures de courant ne dépasse pas 20 minutes, mais il en est d’autres où elle se situe en moyenne dans une fourchette de 450 à 500 minutes. Les micro-installations de prosommateurs garantissent aux producteurs précités de pouvoir mener leurs activités.

4.14.

Les possibilités qui s’ouvrent grâce au développement général de la prosommation d’énergie décentralisée peuvent être exploitées dans des domaines qui, socialement parlant, sont importants dans la perspective de la stratégie Europe 2020, à savoir la résolution des problèmes démographiques liés au vieillissement de la population ainsi que la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

4.14.1.

L’un des objectifs de ladite stratégie est de réduire d’au moins 20 millions le nombre de personnes confrontées à la pauvreté et à l’exclusion sociale, sachant que ce phénomène menace une tranche énorme de la population, de 122 millions de citoyens. Des programmes opérationnels d’appui, des mesures actives sur le marché de l’emploi et des fonds ciblés, dont au moins 20 % de la dotation du Fonds social européen, devraient contribuer à atteindre cet objectif. Accorder à ces personnes une aide logistique et financière pour qu’elles créent des microcoopératives ou adhèrent à des entreprises de l’internet des objets qui existent déjà au niveau local ouvre une piste pour réaliser leur intégration professionnelle et sociale et leur permettre d’échapper au risque de pauvreté.

4.14.2.

L’économie des seniors représente un enjeu similaire. L’Union européenne est confrontée à un défi historique auquel aucune autre communauté n’a jamais fait face jusqu’à présent, à savoir une forte hausse de la longévité et, concomitamment, une numérisation généralisée du quotidien, qui exige de mettre en place des approches économiques hors normes ainsi que de nouvelles stratégies sociales.

4.14.3.

En 2060, la population comptera deux seniors pour un jeune (1). Les citoyens et travailleurs âgés doivent être perçus non pas comme une menace ou un poids pour la société, mais plutôt comme une chance qui s’offre de créer, à l’heure de la révolution numérique, une économie qui génère de nombreux emplois («économie riche en emplois») et tire parti de la grande expérience et du temps libre dont disposent les seniors, ainsi que de leur capital financier, fût-il modeste, afin de réaliser des investissements sûrs dans le numérique. Il serait entre autres possible d’associer des personnes âgées, en tant qu’«e-seniors», à des activités professionnelles dans le secteur de l’énergie, liées par exemple à des installations collectives de quartier ou d’immeubles à appartements.

5.   La prosommation énergétique

5.1.

Un trait distinctif du capitalisme moderne a été de définir le concept de consommation, dans ses rapports au processus de la production et de sa commercialisation, lorsque consommer a cessé d’être l’apanage des élites riches pour devenir un phénomène de masse.

5.2.

Le terme «prosommateur» a été mis en circulation en 1980, par l’écrivain et futurologue Alvin Toffler. Dans son livre intitulé La troisième vague, il a décrit la prosommation comme un phénomène ayant pour effet de brouiller la distinction existant sur le marché entre le monde de la production et celui de la consommation. Cette «troisième vague» était un processus qui désignait l’engagement de prosommateurs, qu’il s’agisse d’individus ou de groupes organisés, dans des activités de fabrication de produits en vue de leur propre consommation et, donc, le déplacement de la ligne de démarcation entre les acteurs de la production et ceux de la consommation.

5.3.

La conception d’un marché qui considérait ses consommateurs, dont les ménages, comme étant exclusivement ses utilisateurs passifs ne répondait plus aux défis du développement technologique. Dès 1972, Marshall McLuhan et Barrington Nevitt prévoyaient qu’avec le développement des technologies électriques, le consommateur pourrait se transformer en producteur.

5.4.

Un des éléments fondamentaux sur lesquels repose une société moderne consiste à fournir de l’énergie aux consommateurs d’une manière sûre et à des prix abordables en tenant compte de la nécessité de protéger les groupes sociaux vulnérables, dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique.

5.5.

Les prosommateurs sont des personnes, des groupes de citoyens, des ménages ou des exploitations agricoles qui ont la capacité d’agir selon des structures organisées, par exemple, une association, une fondation ou une coopérative, et sont tout à la fois producteurs et consommateurs d’une énergie qui est produite dans de petites installations, implantées dans des dépendances de leur domicile ou dans des bâtiments à usage résidentiel et économique — il peut s’agir de miniturbines éoliennes, de panneaux photovoltaïques, de capteurs solaires ou de pompes à chaleur. Les petites entreprises, y compris sociales, ainsi que les collectivités locales peuvent elles aussi être des prosommateurs.

5.6.

Outre la génération d’électricité, la notion de «prosumérisme» englobe la production de chaleur et de froid.

5.7.

En principe, l’activité du prosommateur ne vise que son usage propre. Il devient le cofabricant des biens qu’il consomme. Est également considéré comme prosommateur l’individu dont le volume de production énergétique avoisine celui de sa consommation, même si les deux processus ne sont pas simultanés, par exemple lorsqu’il produit essentiellement durant la journée une énergie qu’il consomme relativement peu à ce moment pour ses besoins et dont il revend le surplus à d’autres consommateurs, tandis que ses besoins en la matière se situent en majeure partie à des moments où son offre est déjà beaucoup plus réduite.

5.8.

La prosommation individuelle réorganise le mode de vie des personnes. Généralement, ce choix est lié à l’insatisfaction ressentie vis-à-vis de la production massive et standardisée. À l’ère du numérique, les consommateurs modernes veulent être traités comme des individus et ils entrevoient la possibilité de satisfaire par eux-mêmes leurs besoins et leurs aspirations. Ils adhèrent en toute conscience à des projets liés à la défense de l’environnement et à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

5.9.

Les prosommateurs établissent un lien entre, d’une part, la transition vers un schéma énergétique moderne et, d’autre part, le développement et l’impératif de la créativité et de l’indépendance. Le groupe de prosommateurs le plus actif sur le marché est la «génération internet», dont le trait distinctif est de percevoir le monde sous le prisme de la création plutôt que de la consommation. Elle aspire à satisfaire des besoins qui ont trait à la liberté, à la crédibilité vis-à-vis de la collectivité, à une existence menée à vive allure et à l’esprit d’innovation.

5.10.

Les premiers processus de prosommation sont nés dans le cadre de simples activités de libre-service, du domaine des services et du commerce électronique, permettant aux consommateurs de s’affranchir de la logique marchande. Parmi les autres déclencheurs du mouvement prosommateur figurent les bouleversements qui se sont produits sur le marché de l’emploi, l’informatisation des actions de la vie quotidienne, la possibilité de travail à domicile, sous la forme du télétravail, l’augmentation du temps de loisirs et la nécessité d’en tirer le meilleur parti possible.

5.11.

Du point de vue économique, la prosommation doit son essor, y compris dans des domaines autres que l’énergie, à la baisse des revenus des ménages en période de crise, à l’augmentation du prix des services et des biens ou encore à la nécessité ressentie par l’individu de réaliser des économies au quotidien, en assurant, pour des motivations financières, la réalisation de prestations ou la fabrication de produits pour ses besoins propres.

5.12.

Nombreux sont les pays qui reconnaissent les gains que l’on obtient lorsqu’on développe en parallèle les différentes sources d’énergie décentralisées, dont les micro-installations. Dans le cas de ces dernières, le plafond fixé pour leur puissance se situe entre 50 et 100 kilowatts. Ce sont surtout des installations de prosommation qui sont concernées.

5.13.

La prosommation d’énergie peut être considérée comme un élément important de l’évolution vers une production décentralisée, représentant un schéma globalement souhaitable sous l’angle de la sécurité énergétique, ainsi que du point de vue environnemental et social.

5.14.

Une large diffusion du prosumérisme devrait faciliter considérablement la réalisation des objectifs découlant des conclusions de la COP 21 de Paris.

5.15.

L’Union européenne a placé les consommateurs au cœur de sa politique énergétique, en leur ouvrant la possibilité d’exploiter activement les nouvelles technologies. Ces dernières années ont vu l’émergence d’innovations technologiques en rapport avec les sources d’énergie renouvelables, destinées tant aux installations industrielles de grande envergure qu’aux projets à petite échelle, tandis que, dans le même temps, les coûts de base des investissements diminuaient de manière significative. Le prix des modules solaires photovoltaïques, par exemple, a baissé de 80 % entre 2008 et 2012. En conséquence, les entreprises et les ménages ont pu commencer à produire et à consommer de façon rentable leur propre électricité.

5.16.

Étant donné les avantages liés au développement de la prosommation d’énergie, il convient d’encourager les prosommateurs potentiels à agir dans ce domaine. Ce soutien peut consister à éliminer les obstacles et à simplifier les procédures administratives, à faciliter les raccordements au réseau ou encore à fixer des conditions avantageuses pour la vente des surplus d’énergie.

6.   Les coopératives énergétiques dans leur rôle de prosommateurs

6.1.

Une coopérative énergétique est une association volontaire, rassemblant un nombre de membres illimité, qui est dotée de la personnalité juridique et a pour but de satisfaire collectivement les besoins en énergie de ses membres.

6.2.

Le prosommateur peut agir isolément ou avec ses voisins, dans un immeuble abritant plusieurs ménages. Il est permis de parler de coopérative dès lors que plusieurs personnes se réunissent pour réaliser un investissement dans une installation de prosommation. Il peut s’agir de groupes entiers d’habitants d’un même site. L’objectif de ces groupements consiste à produire, en recourant à des sources renouvelables, l’énergie électrique ou thermique nécessaire pour couvrir leurs besoins propres, mais aussi à écouler d’éventuels surplus sur le réseau. Dans le cas de l’Allemagne, il suffit, pour les constituer, de trois personnes physiques, alors qu’en Pologne, elles doivent être au moins dix, ou encore trois personnes morales.

6.3.

Des expériences recueillies en Allemagne au cours de ces dernières années, il ressort que les coopératives ont pour but non pas de maximiser les profits, mais plutôt d’aider économiquement et de soutenir leurs membres. Sur près d’un millier de coopératives, un quart se sont financées exclusivement grâce aux contributions de leurs membres. Dans les autres cas, les deux tiers des fonds provenaient de banques coopératives. Chaque membre d’une coopérative y dispose d’une voix, quel que soit le montant de son apport financier. En général, cette participation, fixée par les statuts, est peu élevée. Si une coopérative enregistre des pertes, elles sont couvertes par chaque membre à hauteur de la quote-part qu’il a versée.

6.3.1.

Les coopératives, comme toute autre entreprise, sont tenues d’avoir un fonctionnement efficace du point de vue économique. Leur point fort a été le pourcentage infime de faillites qu’enregistre cette forme d’activité — elle ne représente qu’environ 0,1 % du nombre total de faillites en Allemagne. Le dividende, qui atteignait en moyenne une valeur de 5 à 6 % pendant la période initiale, est actuellement compris entre 2 et 3 %.

6.3.2.

Les communes allemandes sont des partenaires très importants des coopératives énergétiques, non seulement parce qu’elles ont mis à disposition des investisseurs des toits et des bâtiments municipaux, mais aussi parce que, dans nombre de cas, c’est le bourgmestre qui a lancé l’initiative de les créer et s’est efforcé de convaincre les citoyens d’y adhérer.

6.4.

Un effet particulièrement notable de la mise en place d’une coopérative énergétique est de donner la possibilité de s’approvisionner en énergie à un coût moins élevé que si on le fait individuellement.

6.5.

Une coopérative énergétique renforce très sensiblement la position de ses prosommateurs par rapport aux grands acteurs du marché de l’énergie.

6.6.

Les coopératives énergétiques permettent également d’associer directement les citoyens au processus de renforcement de la sécurité énergétique sur leur territoire, cette démarche revêtant une importance capitale pour l’optimisation des solutions, afin qu’elles soient adaptées aux besoins et aux conditions des communautés locales.

6.7.

Le mouvement coopératif, tout particulièrement dans les pays qui faisaient déjà partie de l’Union européenne avant ses élargissements les plus récents, a joué un rôle important pour stimuler la croissance et améliorer la compétitivité de l’économie, et a soutenu les valeurs européennes de solidarité, d’autonomie locale et de démocratie. Dans ces États qui sont membres de l’Union européenne de longue date, les coopératives conservent un énorme potentiel économique. Dans les pays d’Europe centrale et orientale qui relevaient jadis du socialisme réel, ces origines socialisantes de la mouvance coopérative, ainsi que les politiques qui y étaient menées, consistant à subordonner les coopératives aux instances de gouvernance de l’échelon central ou territorial, ont un effet inhibiteur et entourent d’un climat de suspicion, bien peu mérité, celles qui réunissent des prosommateurs.

6.8.

Le «modèle de l’autoconsommation» a ouvert des possibilités de réduction des coûts de l’énergie, notamment pour les petites et moyennes entreprises, qui étaient particulièrement handicapées par les prix élevés de l’électricité. Parmi les consommateurs habitant des immeubles résidentiels sont apparus des modèles nouveaux, depuis les dispositifs de panneaux photovoltaïques sur les toits, appartenant à des ménages ou à des tiers, jusqu’aux projets menés par des coopératives citoyennes de production d’énergie à partir de sources renouvelables.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 389 du 21.10.2016, p. 28.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/53


Avis du Comité économique et social européen sur «Les énergies marines: des sources d’énergie renouvelables à développer»

(avis d’initiative)

(2017/C 034/08)

Rapporteur:

Stéphane BUFFETAUT

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

218/3/8

1.   Conclusions

1.1.

Depuis des années, scientifiques et ingénieurs travaillent à l’exploitation de l’énergie des océans. Courants, marées et force de la houle présentent des réserves d’énergie indéfiniment renouvelables. En France, l’usine marémotrice de la Rance d’EDF, inaugurée en 1966 par le général de Gaulle, développe une capacité de 240 mégawatts (MW), avec 24 turbines développant chacune 10 MW. Les éoliennes de dernière génération développent au mieux 8 MW. Cette technologie est donc efficace, même si le barrage de la Rance est resté pendant longtemps le seul exemple mondial d’un tel équipement. Aujourd’hui, il existe un autre exemple d’installation comparable dans le lac de Sihwa, en Corée du Sud, dont la capacité atteint 254 MW. Des projets existaient en Grande-Bretagne, mais ont été bloqués ou suspendus du fait d’oppositions pour des raisons écologiques.

1.2.

Il demeure que de tels investissements sont pertinents quand ils sont installés sur des sites géographiques favorables, avec de forts coefficients de marée, et devraient être mieux pris en compte dans la mixité énergétique nationale.

1.3.

Les premières mises en œuvre industrielles ont été réalisées, ce qui démontre qu’il convient de considérer ces techniques non pas comme des expérimentations hasardeuses, mais comme des sources d’énergie propres à développer.

1.4.

Le Comité économique et social européen (CESE) considère qu’il est donc intéressant de développer ce type de production d’électricité renouvelable et de ne pas se focaliser uniquement sur les technologies des éoliennes ou de l’énergie solaire. Certes, les énergies marines ne sont pas exploitables en tous lieux, mais il serait dommageable de négliger une source d’énergie renouvelable prévisible et dont l’impact sur l’environnement est faible ou maîtrisable. Chacun sait que l’avenir énergétique sera fondé sur la variété des sources d’approvisionnement.

1.5.

La Belgique, le Danemark, l’Allemagne, la France, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et la Norvège ont décidé, le 6 juin 2016, de renforcer leur coopération concernant l’énergie éolienne en mer. Ils ont en effet signé, avec les commissaires européens chargés de l’union de l’énergie et du climat, un plan d’action spécifique aux mers du nord du continent. Cette coopération se traduira notamment par l’harmonisation des réglementations et du régime de subvention de cette énergie éolienne en mer et dans l’interconnexion des réseaux électriques.

1.5.1.

Le CESE recommande vivement d’adopter une démarche similaire en ce qui concerne les énergies marines, que ce soient les hydroliennes ou les barrages marémoteurs, de coopération entre les États membres ou les pays du voisinage de l’Union européenne qui disposent des sites propices à ces types d’installations, qui sont principalement les pays ouverts sur l’Atlantique et la mer du Nord.

1.6.

Il considère qu’il ne faut pas non plus négliger des techniques qui ne sont pas encore arrivées à maturité, comme l’énergie houlomotrice ou l’énergie maréthermique, mais qu’en période de rareté des fonds publics, leur allocation doit répondre à des critères d’efficacité et qu’il convient donc de donner la priorité aux technologies les plus rapidement prometteuses.

1.7.

Il souligne qu’investir en ce domaine permettrait à l’Union européenne de s’imposer, à terme, comme l’avant-garde de nouvelles sources d’énergie renouvelables. Les entreprises européennes possèdent déjà 40 % des brevets en matière d’énergies renouvelables. Le CESE recommande la poursuite des efforts de recherche et de développement dans le domaine des énergies marines, mais aussi dans celui du stockage de l’énergie produite par des sources d’énergie intermittentes afin d’être en mesure de lisser la production d’énergies renouvelables.

1.8.

Il met en garde contre la tentation de réserver les subventions aux seules énergies renouvelables classiques, attitude qui tendrait à réduire le champ des possibles et à fausser l’économie de l’énergie renouvelable au profit de techniques promues par un lobby efficace.

2.   Considérations générales

2.1.

Notre planète est principalement recouverte par les océans et il serait plus juste de la nommer «planète mer» que «planète terre». Depuis toujours les hommes ont utilisé les ressources halieutiques pour se nourrir. Récemment, ils ont réussi à exploiter les ressources gisant dans ou sous les fonds marins (nodules polymétalliques, pétrole, etc.). Quant à l’énergie générée par les océans, elle a été utilisée depuis des siècles, mais à une échelle artisanale, par les moulins à marée que l’on retrouve sur certaines côtes.

2.2.

Aujourd’hui, la nécessité de combattre les pollutions de tous ordres et de réduire les émissions de gaz à effet de serre devrait nous conduire à nous intéresser au potentiel énergétique de la mer. Au demeurant, comment l’Union européenne et les États membres qui possèdent un débouché maritime pourraient-ils ignorer les opportunités que les océans peuvent leur apporter dans le domaine de l’énergie?

2.3.

En effet, la dimension du domaine maritime européen est considérable, mais l’exploitation des ressources en énergies renouvelables de ces vastes étendues est encore très embryonnaire. Pourtant l’Union européenne et les États membres pourraient contribuer à promouvoir la mise en œuvre de nouvelles techniques d’exploitation des énergies marines par des entreprises innovantes et des groupes industriels du secteur de l’énergie. C’est ce que le forum des énergies marines ambitionne de faire.

2.4.

Les sources d’énergie renouvelables en mer sont variées: houle, vague, courants, flux des marées, différence de température entre les eaux de surface, vents. Chaque technique, chaque méthode a ses exigences géographiques et écologiques, ce qui signifie que le déploiement de ces techniques innovantes ne peut être envisagé qu’en tenant compte de ces contraintes et des conséquences qu’elles entraînent.

3.   L’exploitation de l’énergie des courants, des marées, de la houle et des vagues: les hydroliennes

3.1.

Toute personne qui a contemplé l’océan, calme ou en furie, sait que cette immensité est en perpétuel mouvement et que des forces y sont en action. Il est dès lors naturel de se poser la question de savoir s’il est possible d’exploiter ou de capter l’énergie développée par la mer.

3.2.

En pratique les techniques qui ont été étudiées ou mises en œuvre sont les suivantes:

les barrages d’estuaires avec turbines marémotrices. En France, le barrage de la Rance fonctionne depuis des décennies de façon satisfaisante. Deux projets existent au Royaume-Uni, mais ont été bloqués par des groupes de pression écologistes,

les turbines installées en pleine mer et fixées sur des mâts ou des bouées,

les turbines fixées sur le fond, que l’on nomme les hydroliennes. Des projets existent en Bretagne et seront bientôt mis en œuvre.

3.3.

En pratique, c’est principalement l’exploitation des courants de marée qui semble la technique la plus prometteuse. Toutefois le potentiel de ces techniques dépend beaucoup de leur lieu d’implantation. En effet, les zones de l’Atlantique et de la mer du Nord où les coefficients de marée sont les plus importants sont les plus intéressantes. L’efficacité la plus notable se situe en effet dans les zones de fort marnage. L’immense avantage de ce type d’exploitation est de fournir une énergie prévisible et régulière, puisque les marées sont constantes et leur amplitude bien connue à l’avance.

D’après EDF, le potentiel exploitable pour l’Union européenne serait d’environ 5 gigawatts (dont 2,5 sur les côtes françaises), soit l’équivalent de 12 réacteurs nucléaires de 10 800 MW. Néanmoins, l’exploitation des courants de marée est en phase de recherche technologique et n’est pas encore opérationnelle, hormis le cas du barrage de la Rance.

3.4.

Quelles sont les technologies d’hydroliennes à l’essai?

En Bretagne, au large de Paimpol, l’Arcouest (1,5 MW), un prototype d’hydrolienne, a été immergé en 2014. Cette hydrolienne est développée par Open Hydro (groupe de construction navale DCNS) pour le premier parc hydrolien EDF de Paimpol/Bréhat. Elle consiste en quatre turbines représentant une puissance installée de 2 à 3 MW. Il s’agit d’un type d’engin simple et robuste, à centre ouvert, qui dispose d’un rotor à vitesse réduite et fonctionne sans lubrifiant, ce qui minimise son impact sur la vie marine. Cette hydrolienne a été testée durant quatre mois. La turbine a tourné 1 500 heures en continu et a fait l’objet de nombreuses mesures mécaniques et électriques. Les essais ont été concluants et valident ce type d’hydrolienne. Il a donc été décidé de mettre en service un parc de démonstration au cours de l’été 2015. Les turbines ont été construites et sont prêtes à être installées, mais les conditions météorologiques et maritimes ont obligé à repousser leur installation. On peut souligner que ces deux turbines ont été construites à Cherbourg et à Brest, ce qui démontre que ces nouvelles technologies peuvent créer de l’activité industrielle dans les régions côtières.

L’hydrolienne semi-submersible, relevable pour la maintenance. Il s’agit d’une technique britannique développée par la société Tidalstream. Le prototype est mis au point pour un STT (ship to turbine) qui opère dans le détroit de Pentland. Il s’agit d’un appareil composé de quatre turbines de 20 mètres de diamètre pour une puissance maximale totale de 4 MW. Si l’on compare ce système avec une éolienne offshore, l’on note que l’éolienne doit avoir un diamètre de 100 mètres avec une vitesse de vent de 10 mètre par seconde pour obtenir une puissance équivalente. En outre, la base de l’éolienne, située à 25 mètres au-dessous du niveau de la mer, est plus grande de 25 % que celle du STT. Tidalstream estime donc que son système serait compétitif par rapport aux éoliennes offshore et onshore. Le coût de l’électricité produite par le système STT pourrait atteindre 0,03 livre sterling par kilowattheure (environ 0,044 EUR par kilowattheure). Ce système a été expérimenté et validé par des essais qui ont eu lieu dans la Tamise.

L’hydrolienne sur mât de Marine Current Turbines. Cette technologie nécessite d’ancrer un mât dans les fonds marins, ce qui suppose une profondeur d’immersion limitée. Les turbines de l’hydrolienne coulissent le long du mât, ce qui permet de les hisser hors de l’eau pour l’entretien et la maintenance.

Des hydroliennes dont les turbines sont fixées sur une bouée ancrée ont été installées en 2003 dans le détroit de Hammerfest en Norvège.

Enfin, les turbines marémotrices qui sont fixées sous un barrage d’estuaire comme celui de la Rance, qui est le plus ancien exemple de ce type et qui est opérationnel depuis les années 60. Deux projets sont à l’étude en Grande-Bretagne, mais ont été bloqués pour des raisons environnementales.

4.   L’exploitation de l’énergie de la houle et des vagues: l’énergie houlomotrice

4.1.

Il existe un vaste inventaire de solutions houlomotrices, certains prototypes sont immergés, d’autres installés en surface, sur le rivage ou au large. Les systèmes de capture d’énergie varient d’un prototype à l’autre: capture d’énergie mécanique en surface (ondulations) ou sous l’eau (translations ou mouvements orbitaux), capture des variations de pression au passage des vagues (variations de hauteur d’eau) ou encore capture physique d’une masse d’eau grâce à une retenue.

4.2.

L’inconvénient principal est que, contrairement à celle des courants de marée, l’énergie de la houle est peu prévisible. Aujourd’hui l’exploitation de l’énergie de la houle et des vagues en est au stade de la recherche technologique et n’est pas encore opérationnelle. Néanmoins, six techniques différentes sont à l’essai:

la chaîne flottante articulée, dite aussi «serpent de mer». Il s’agit d’une suite de longs flotteurs qui s’alignent dans le sens du vent perpendiculairement aux vagues et dont la tête est ancrée au fond sous-marin par un câble. Les vagues créent une oscillation de la chaîne et les oscillations sont exploitées aux articulations pour comprimer un fluide hydraulique qui entraîne une turbine. Ce système a été testé avec des fortunes diverses,

la paroi oscillante immergée,

la colonne à oscillation verticale,

le capteur de pression immergé,

la colonne d’eau,

le piège à déferlement.

5.   L’exploitation de l’énergie thermique des mers (ETM) ou énergie maréthermique

5.1.

Il s’agit d’exploiter la différence de température entre les eaux superficielles et les eaux profondes des océans. Un acronyme souvent utilisé est «OTEC», qui signifie ocean thermal energy conversion. Les textes de l’Union européenne utilisent le terme d’énergie hydrothermique pour «l’énergie emmagasinée sous forme de chaleur dans les eaux de surface».

5.2.

À la surface, grâce à l’énergie solaire, la température de l’eau est élevée et peut dépasser les 25 oC en zone intertropicale, tandis qu’en profondeur, privée du rayonnement solaire, l’eau est froide, aux alentours de 2 à 4 oC, sauf dans les mers fermées comme la Méditerranée. De plus, les couches froides ne se mélangent pas aux couches chaudes. Cette différence de température peut être exploitée par une machine thermique. Celle-ci a besoin d’une source froide et d’une source chaude pour produire de l’énergie et utilise respectivement l’eau venant des profondeurs et l’eau de surface comme sources.

5.3.

Mais pour pouvoir fonctionner de façon optimale et rentable, ce type d’exploitation thermique des mers (ETM) doit être installé dans des zones spécifiques qui doivent correspondre à une certaine température des eaux de surface et à une certaine profondeur des eaux. En effet, les canalisations nécessaires peuvent descendre jusqu’à 1 000 mètres de profondeur environ, à des coûts et une technologie maîtrisés. Il serait donc aberrant d’éloigner à des kilomètres des côtes l’ETM, ce qui imposerait des tuyaux plus longs et donc des coûts supplémentaires. En pratique, la zone optimale se situe entre le tropique du Cancer et le tropique du Capricorne, c’est à dire entre + 30 et — 30o de latitude, donc, pour l’Union européenne, dans ses territoires dits «périphériques».

6.   L’exploitation de l’énergie du vent en mer: les éoliennes offshore

6.1.

Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’énergies marines stricto sensu, il faut aussi mentionner les éoliennes fixées sur le fond ou flottantes (bien évidemment ancrées), qui sont de très loin les plus développées en mer et qui semblent presque conventionnelles par rapport aux techniques exposées plus haut. Elles ont toutefois un impact environnemental et visuel certain. La question du conflit d’usage avec les pêcheurs a souvent été soulevée. En pratique, les champs d’éoliennes dont la base est fixée sur le fond marin constituent des réserves marines de fait où les poissons prolifèrent. D’une façon indirecte ces installations profitent ainsi aux pêcheurs par la reconstitution des stocks à partir de ces zones interdites à la pêche et où les fondations des mâts jouent le rôle de récifs artificiels.

6.2.

C’est la méthode la plus déployée actuellement en Europe et elle est en plein essor. Près d’une centaine de fermes éoliennes sont actuellement installées, principalement en mer du Nord, dans l’océan Atlantique (Grande-Bretagne) et en mer Baltique. Il existe peu d’installations ou de projets en Méditerranée, mer profonde et avec peu ou pas de plateau continental.

6.3.

Les grandes étapes de la mise en œuvre de ces techniques peuvent être résumées ainsi:

la première installation en mer date de 1991, au Danemark (Vindeby), et développe 450 kilowatts,

la fondation la plus profonde est de 45 mètres et a été installée en 2007 en Grande-Bretagne (Beatrice wind farm). Elle développe deux fois 5 MW,

la première grande éolienne flottante en eau profonde (220 mètres) date de 2009; installée en Norvège (Hywind), elle développe 2,3 MW,

la plus puissante éolienne en mer est de 6 MW et se trouve en Belgique (Bligh Bank),

la plus grande ferme éolienne en mer est en construction et se trouve en Grande-Bretagne sur le Dogger Bank. Elle devrait atteindre une capacité de 12 000 MW avec 166 turbines. On notera que le Royaume-Uni, soucieux de son indépendance énergétique, dispose déjà de 1 452 turbines réparties dans 27 fermes éoliennes.

6.4.

Il existe aussi deux projets importants au large des côtes françaises, l’un en Bretagne, l’autre entre Noirmoutier et l’île d’Yeu. Les appels d’offre ont été lancés, et les consortiums opérateurs choisis.

6.5.

Le rendement économique des fermes éoliennes en mer est conditionné par le site et notamment par la force et la régularité du vent, et peut ainsi varier du simple au double. Parfois, en période de demande creuse, il est arrivé que les surplus d’énergie fournis par l’éolien soient vendus à des prix négatifs sur les marchés au comptant. Ainsi l’essor considérable de ce type de production d’électricité amènera peut-être des surplus difficilement exploitables, car très liés à des événements météorologiques ponctuels et aléatoires (voir l’avis du professeur Wolf sur les énergies intermittentes).

6.6.

Le développement de cette méthode et les progrès technologiques liés à l’exploitation des éoliennes ces vingt dernières années font baisser le coût des investissements et de l’exploitation. Au début des années 2000, le coût du mégawattheure produit était de 190 EUR; il se situe aujourd’hui entre 140 et 160 EUR. Par comparaison, un réacteur nucléaire moderne de type EPR produit le mégawattheure à 130 EUR, mais la production est stable et prévisible.

6.7.

Il est évident que les autres techniques d’exploitation en mer devront pouvoir faire face à la concurrence des éoliennes en mer pour pouvoir se développer à une échelle industrielle et apporter la preuve qu’elles procurent des avantages concurrentiels par rapport aux éoliennes en mer qui nécessitent des frais de maintenance et de surveillance non négligeables. Aujourd’hui, les hydroliennes et les barrages d’estuaire semblent être les systèmes les plus efficaces et les plus rentables. Un de leurs avantages est de fournir une énergie prévisible et régulière.

7.   Quel avenir pour les énergies renouvelables en mer?

7.1.

S’agissant des énergies vertes, celles-ci sont éligibles aux différents systèmes de soutien européens ou nationaux, notamment le prix d’achat préférentiel. Toutefois, hormis les éoliennes offshore, ces technologies doivent encore être testées en «grandeur nature», notamment les hydroliennes. Reste à espérer qu’un certain conservatisme écologique ne vienne pas contrarier les nouvelles techniques expérimentées. On sait que les barrages d’estuaire n’ont pas pu se développer notamment en raison d’oppositions farouches des écologistes et des pêcheurs. Tout équipement a des impacts environnementaux. Il convient donc d’être à même de les mesurer de la façon la plus précise possible afin d’apprécier le réel équilibre entre les coûts et les avantages.

7.2.

Il y a peu de temps, un premier parc d’hydroliennes a été immergé entre Paimpol et l’île de Bréhat. Les courants des marées montantes et descendantes entraînent les pales des turbines; chaque machine peut développer une puissance d’1 MW et ces hydroliennes seront en mesure de satisfaire les besoins en électricité de 3 000 foyers.

7.3.

Enfin, les techniques d’exploitation de l’énergie marine dépendent toutes, pour leur efficacité, de leur emplacement. Elles ne constituent donc pas une source d’énergie universellement efficace. Il conviendra donc de faire preuve, en ce domaine, de plus de raison que pour certaines autres énergies renouvelables subventionnées comme, par exemple, les panneaux solaires, parfois installés plus pour des raisons d’avantages fiscaux que pour des raisons d’efficacité. Il faut aussi souligner que la taxation du dioxyde de carbone contribuera à rendre intéressantes sur le plan économique des techniques de production d’énergie renouvelable aujourd’hui à leurs débuts.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/58


Avis du Comité économique et social européen sur «Le programme à l’horizon 2030 — Une Union européenne engagée en faveur du développement durable à l’échelle mondiale»

(avis d’initiative)

(2017/C 034/09)

Rapporteur:

Ioannis VARDAKASTANIS

Décision de l’assemblée plénière

21 janvier 2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

Section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée

29 septembre 2016

Adoption en session plénière

20 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

141/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement le programme à l’horizon 2030, qui comprend une série ambitieuse d’objectifs et de cibles destinés à transformer notre planète et à marquer un tournant historique dans la manière d’aborder les inégalités économiques, sociales et environnementales dans le monde. L’Union européenne jouant un rôle international important sur les plans de la diplomatie, de la promotion des droits de l’homme, du commerce, du développement et de l’aide humanitaire, et étant donné le travail multilatéral qu’elle accomplit avec des organisations et ses relations bilatérales avec des pays tiers, elle peut exercer une influence considérable sur le processus de réalisation des objectifs de développement durable (ODD) à l’échelle mondiale. Toutefois, le fait que les rapports en la matière soient présentés sur une base volontaire peut nuire à la mise en œuvre cohérente, efficace et mesurable du programme à l’horizon 2030. Le CESE invite l’Union européenne à considérer la mise en œuvre de ce programme comme une obligation et une opportunité pour concevoir les futurs politiques et programmes de l’Union européenne. Il fait également observer que l’Union européenne devrait s’approprier le programme à l’horizon 2030, étant donné que celui-ci propose et fournit de nouveaux récits tournés vers l’avenir, visant à faire de l’Union européenne une union du développement durable et à présenter en conséquence au reste du monde une nouvelle vision en faveur d’un développement humain global.

1.2.

Le programme à l’horizon 2030 reflète totalement les valeurs européennes de prospérité pour tous, des droits de l’homme, de la justice sociale, de la lutte contre la pauvreté, de la gouvernance démocratique, de l’économie sociale de marché et de la protection de l’environnement. L’Union européenne devrait donc jouer un rôle majeur dans la mise en œuvre de ce programme et contribuer à réaliser les ODD à l’échelle mondiale. L’Union européenne sera donc reconnue comme un acteur de premier plan pour promouvoir un développement responsable et durable sur les plans environnemental, social et économique, ainsi que le respect des droits de l’homme, l’égalité des sexes, la non-discrimination et le soutien aux catégories vulnérables. L’éradication de la pauvreté devrait être une priorité absolue dans les programmes et politiques de l’Union européenne. En outre, les principes de la justice climatique et de la «transition juste» devraient être pleinement et effectivement pris en compte et intégrés à la stratégie européenne globale qui préside à la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030.

1.3.

Le CESE souligne que l’Union européenne ne sera en mesure de satisfaire son engagement en faveur du développement durable au niveau mondial, et donc de promouvoir de manière substantielle et efficace la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030, que si elle procède aux modifications nécessaires pour adapter de façon équilibrée et globale ses politiques et ses programmes aux trois piliers des ODD. L’Union européenne et ses États membres ont l’obligation morale et politique envers les citoyens de l’Union, d’une part, et le reste du monde, d’autre part, de procéder à la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 de manière cohérente et coordonnée sur le plan politique. Les institutions européennes et les États membres doivent de toute urgence trouver un accord sur la manière de progresser au plus haut niveau politique au moyen d’un accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission, de manière à établir une base solide pour poursuivre leur action politique (1). Cet accord sur la mise en œuvre des ODD devrait servir de base à une stratégie globale pour intégrer le programme à l’horizon 2030 à toutes les politiques, dans le but de faire de l’Union européenne une union du développement durable.

1.4.

Comme le CESE l’a déjà fait dans un avis antérieur (2), il recommande de mettre en place un Forum de la société civile sur le développement durable afin de promouvoir la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 et d’en effectuer le suivi, de manière à garantir une cohérence entre les programmes et politiques internes et externes de l’Union européenne. Toutes les parties prenantes, notamment le Parlement, le Conseil, la Commission et la société civile, devraient participer pleinement à ce Forum en tant qu’acteurs clés, afin de rendre ses travaux transparents et d’en assumer la responsabilité devant les citoyens européens. Le CESE est disposé à appuyer ce processus.

1.5.

L’Union européenne devrait présenter elle-même, de manière proactive, une révision périodique volontaire de ses politiques et programmes internes et externes au Forum politique de haut niveau (FPHN) des Nations unies à partir de 2017. L’Union européenne serait la première organisation régionale à agir ainsi. En outre, l’Union européenne devrait préparer des rapports thématiques annuels, correspondant aux révisions thématiques annuelles du FPHN des Nations unies. Il convient d’intégrer pleinement la société civile au processus de préparation de ces rapports, par l’intermédiaire du Forum européen du développement durable. Le CESE est disposé à assumer un rôle de coordination pour appuyer ce processus (3).

1.6.

L’Union européenne a l’obligation de respecter intégralement les traités et accords internationaux et européens en matière de protection de l’environnement, de droits de l’homme et de droits économiques, sociaux et culturels. Pour cette raison, les législations internationale et européenne devraient être le fondement de l’approche adoptée par l’Union européenne pour la mise en œuvre, le suivi et le réexamen du programme à l’horizon 2030. Le caractère volontaire de ce programme ne devrait pas compromettre le devoir d’intégrer pleinement et effectivement les obligations qui relèvent du droit international et du droit européen dans le cadre de la stratégie globale de l’Union européenne au service de la mise en œuvre des ODD. Ces obligations internationales devraient s’appliquer à toutes les politiques et à tous les programmes de l’Union.

1.7.

La Commission doit réfléchir à la manière dont les instruments d’action extérieure prennent en compte le programme à l’horizon 2030. L’exercice de recensement des politiques extérieures est une première étape, mais elle n’est pas suffisante et doit s’accompagner d’une analyse et d’une évaluation détaillées et complètes des lacunes existantes, afin de définir les véritables écarts existant entre les politiques et programmes extérieurs actuels et ceux qui, à l’avenir, devront pleinement inclure, incorporer et intégrer, de manière équilibrée et équitable, les piliers économique, social et environnemental du programme à l’horizon 2030. Le CESE invite donc la Commission à prendre des mesures spécifiques pour inclure cet aspect dans la prochaine communication relative à la mise en œuvre des ODD.

1.8.

La Commission a besoin d’intégrer pleinement le programme à l’horizon 2030 dans le cadre de l’action extérieure de l’Union européenne. L’Union est un acteur mondial de premier plan, qui interagit avec d’autres parties prenantes (publiques, intergouvernementales, privées et non gouvernementales) par l’intermédiaire de ses mesures et instruments de politique extérieure. La Commission devrait donc tirer pleinement parti des domaines essentiels que sont les politiques en matière commerciale et de développement, la politique de voisinage, les politiques de l’environnement et l’action en faveur du climat, la politique étrangère et de sécurité, l’économie sociale et solidaire, la promotion des droits de l’homme, l’aide humanitaire, la réduction des risques de catastrophe et les transferts de technologie, dans le but de faire avancer de manière proactive la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030. La Commission devrait pleinement intégrer et exploiter le programme à l’horizon 2030 dans le cadre du consensus européen pour le développement, et le CESE regrette qu’il n’ait pas été suffisamment inclus dans la stratégie globale de politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne (4). La Commission devrait inscrire dans la communication sur le programme à l’horizon 2030, attendue de longue date et fortement retardée, un véritable programme visant à assurer une cohérence et une coordination politiques dans le cadre de ses actions et programmes extérieurs, afin de garantir une approche du développement durable qui soit pleinement intégrée à toutes les politiques externes.

1.9.

La Commission et, plus particulièrement, le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité devraient mettre en place des mécanismes efficaces en vue de coordonner de manière cohérente l’aide publique au développement (APD) et le programme d’action d’Addis-Abeba, afin de veiller à ce que l’APD aille aux partenariats et aux programmes et projets spécifiques développés conformément aux trois piliers du programme à l’horizon 2030, tout en tenant pleinement compte des principes d’éradication de la pauvreté, de l’idée que «nul n’est laissé pour compte», de la justice climatique, de la transition juste, d’une croissance et d’un développement inclusifs, de la promotion de la modernisation, du développement des infrastructures et des entreprises durables, de la lutte contre les inégalités et de la garantie du respect des droits de l’homme.

1.10.

Le CESE recommande à la Commission d’utiliser l’approche conditionnelle des Fonds structurels et d’investissement européens au cours du processus d’intégration du programme à l’horizon 2030 au sein des instruments pour l’action extérieure et, partant, une approche similaire à l’approche conditionnelle de ce programme devrait s’appliquer à l’ensemble des politiques et programmes liés aux ODD.

1.11.

Les délégations de l’Union européenne dans les pays tiers devraient mener des enquêtes afin de mesurer le degré de sensibilisation du public et sa compréhension des ODD. La Commission devrait organiser et mener des actions de sensibilisation et des campagnes visant à faire du programme à l’horizon 2030 un véritable programme européen. Elle devrait entreprendre des enquêtes Eurobaromètre périodiques, afin de mesurer le degré de sensibilisation et de compréhension des citoyens de l’Union vis-à-vis des ODD. Les organisations de la société civile ont un rôle capital à jouer au sein de ce processus.

1.12.

Le CESE invite la Commission à publier un rapport annuel sur la mise en œuvre de l’action extérieure et des fonds concernant le programme à l’horizon 2030. Cette démarche devrait s’inscrire dans le cadre des rapports annuels de l’Union européenne sur la mise en œuvre des ODD. La Commission devrait en outre élaborer un ensemble d’indicateurs et de critères de référence propres au programme à l’horizon 2030, et les intégrer dans ses politiques et ses programmes extérieurs, afin de faciliter l’évaluation et l’établissement de rapports sur le degré d’efficacité des instruments d’action extérieure de l’Union européenne dans l’affectation de financements aux projets et programmes liés aux ODD et, en particulier, sur la manière dont ces instruments tiennent compte des piliers économique, social et environnemental du programme à l’horizon 2030.

1.13.

La Commission devrait promouvoir le modèle de gouvernance pluripartite dans ses politiques et programmes extérieurs, et considérer les organisations de la société civile des pays tiers comme de véritables partenaires de la mise en œuvre des ODD. La transparence, la responsabilité et le partenariat devraient être les moteurs de cette nouvelle approche de la consultation et de la prise de décision participative. La mise en œuvre démocratique du programme à l’horizon 2030 requiert la pleine participation des organisations de la société civile à tous les stades, y compris ceux du suivi et du réexamen.

1.14.

Le CESE demande à la Commission d’intégrer le renforcement des capacités des organisations de la société civile dans ses instruments de financement, ainsi que dans ses politiques et programmes extérieurs. La Commission devrait mettre en place un programme et une ligne de financement spécifiques pour soutenir le renforcement des capacités des organisations de la société civile, afin que celles-ci puissent participer pleinement à ce processus. Les programmes existants de renforcement des capacités doivent être plus explicitement ouverts aux organisations de la société civile, qui établissent des liens entre les enjeux locaux et les enjeux de gouvernance (5).

1.15.

Étant donné que le CESE entretient des relations avec un large éventail de partenaires dans de nombreux pays du monde, il est prêt à faciliter une association véritable et significative de tous les partenaires (principalement issus de la société civile) à la réalisation et au suivi de tous les ODD, et il entreprend à cette fin de simplifier la participation de la société civile à la mise en œuvre à l’échelon national.

2.   Introduction

2.1.

Le CESE se félicite de l’engagement intitulé «Transformer notre monde: le programme de développement durable à l’horizon 2030», pris par les dirigeants du monde le 25 septembre 2015, qui fixe une série d’objectifs visant à éradiquer la pauvreté, à protéger la planète et à assurer la prospérité pour tous. Chaque objectif comporte des cibles spécifiques à atteindre au cours des quinze années à venir. Pour cette raison, le programme à l’horizon 2030 est censé promouvoir la création et la mise en œuvre de partenariats solides et inclusifs entre toutes les parties prenantes, et soutenir ainsi efficacement la réussite d’un nouveau modèle de gouvernance à l’échelle mondiale.

2.2.

Le programme à l’horizon 2030 se caractérise par son approche universelle, indivisible et intégrée des piliers économique, social et environnemental, permettant ainsi de trouver un équilibre unique entre les trois dimensions du développement durable. C’est pourquoi le programme à l’horizon 2030 constitue un changement historique dans la manière d’aborder les disparités économiques, sociales et environnementales dans le monde.

2.3.

Le programme à l’horizon 2030 est un plan d’action en faveur des populations, de la planète et de la prospérité. Il fixe 17 ODD et 169 cibles abordant tout autant les dimensions économiques, environnementales et sociales du développement durable, afin d’assurer la prospérité pour tous, de s’appuyer sur les réalisations des objectifs du Millénaire pour le développement, de remédier aux déficits et aux lacunes de ces derniers et de proposer au monde une nouvelle vision pour le développement durable et la croissance inclusive qui profitera à l’ensemble de la population. Le programme à l’horizon 2030 a également pour but de protéger, de promouvoir et de garantir les droits humains et l’égalité pour tous, en mettant tout particulièrement l’accent sur l’égalité entre les femmes et les hommes (objectif 5).

2.4.

Le CESE comprend et soutient pleinement l’importance du principe selon lequel «nul ne doit être laissé pour compte», qui s’applique à l’ensemble des ODD et des cibles, et qui devrait donc être pleinement intégré dans le cadre du développement des partenariats, des politiques et des actions de mise en œuvre et de suivi du programme à l’horizon 2030.

2.5.

Le programme à l’horizon 2030 a mis en place une structure de gouvernance de haut niveau à l’échelle des Nations unies (FPHN), une plate-forme rassemblant différentes parties prenantes, chargée d’effectuer des évaluations systématiques et d’assurer le suivi de la mise en œuvre du programme. La première réunion du FPHN, tenue après la signature du programme à l’horizon 2030, a eu lieu en juillet 2016; à cette occasion, 22 gouvernements, dont 4 États membres de l’Union européenne, ont présenté les tout premiers «examens nationaux volontaires», établissant des rapports sur les efforts fournis pour mettre en œuvre le programme de développement durable à l’horizon 2030 dans leur pays (les pays concernés étant l’Allemagne, la France, l’Estonie et la Finlande, ainsi que la Chine, la Colombie, l’Égypte, la Géorgie, Madagascar, le Mexique, le Monténégro, le Maroc, la Norvège, les Philippines, la République de Corée, le Samoa, la Sierra Leone, la Suisse, le Togo, la Turquie, l’Ouganda et le Venezuela).

2.6.

Au cours de la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030, l’accent devrait être mis davantage sur les mesures, les politiques, les programmes et la création de partenariats pluripartites, transparents et participatifs, visant à éliminer les disparités économiques, sociales et environnementales dans le monde entier, sur la base des principes d’universalité, d’indivisibilité, de transparence, de responsabilité et des droits de l’homme.

2.7.

La nature universelle et indivisible du programme à l’horizon 2030 s’applique de la même façon aux pays développés et en développement, et sa mise en œuvre appelle des transformations économiques, sociales et environnementales de toutes parts. L’Union européenne étant supposée montrer l’exemple dans la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030, elle devrait, de concert avec ses États membres, aligner toutes les politiques et tous les programmes en vue d’atteindre les objectifs de lutte contre la pauvreté et les inégalités, de préservation de la planète et de création d’une croissance économique inclusive d’une façon équilibrée et cohérente, qui bénéficie à égalité à tous les citoyens et intègre les trois piliers des ODD.

2.8.

Les institutions européennes devront engager des processus de haut niveau qui aboutiront à des décisions politiques de haut niveau pour transformer l’Union européenne en une union du développement durable. Par conséquent, il est de la plus haute importance de développer une stratégie globale pour la réalisation des ODD qui vise à promouvoir, à mettre en œuvre et à intégrer de manière équilibrée la cohérence et la coordination au sein des programmes et politiques de l’Union européenne, en tenant compte de la même façon des trois piliers du programme à l’horizon 2030.

3.   Faire de l’Union européenne un chef de file de la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 au niveau mondial

3.1.

Le principal défi associé à la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 est l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes, y compris la pauvreté extrême. Il s’agit également d’un principe horizontal clé et d’une valeur consacrée dans les traités de l’Union européenne, qui constitue une condition préalable pour parvenir à un développement durable (objectif 1). Grâce à sa forte présence sur la scène internationale, l’Union européenne est de facto devenue un acteur majeur exerçant une influence considérable sur la croissance économique et les politiques de développement à l’échelle de la planète. Par conséquent, elle dispose d’une occasion unique d’axer ses politiques et programmes extérieurs sur la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 au niveau mondial, en veillant à ce que les trois piliers dudit programme soient intégrés de façon équilibrée dans tous les instruments d’action extérieure de l’Union européenne. Compte tenu du caractère universel et indivisible du programme à l’horizon 2030, l’Union européenne devrait s’attendre à être étroitement surveillée, d’abord et avant tout sur la façon dont elle aborde ce défi.

3.2.

L’Union devrait utiliser des mécanismes de partage des inconvénients et des avantages du changement climatique, étant donné que ce dernier influe sur les droits de l’homme, la pauvreté et l’égalité. Un tel mécanisme est celui de la «justice climatique» et sert à aborder le réchauffement de la planète comme une question d’ordre politique et éthique, et pas uniquement environnemental et physique. Pour ce faire, il convient de relier les effets du changement climatique à la notion de «justice», notamment environnementale et sociale, et d’examiner des thèmes tels que l’égalité, les droits de l’homme, les droits collectifs et les responsabilités historiques au regard du changement climatique. Une thèse fondamentale de la justice climatique est que ceux qui sont le moins responsables du changement climatique sont aussi ceux qui en sont le plus victimes.

3.3.

Il importe tout autant d’incorporer et d’intégrer dans les politiques et les programmes extérieurs et intérieurs de l’Union européenne la notion de «transition juste» qui contribue à la protection des droits des citoyens et des travailleurs (par exemple le droit à un travail décent), tout en modernisant les économies nationales et les acteurs économiques et en les rendant respectueux de l’environnement et socialement responsables, par l’intermédiaire des instruments extérieurs de l’Union européenne.

3.4.

La mise en œuvre équitable des piliers économique, social et environnemental du programme à l’horizon 2030 via l’action extérieure de l’Union européenne devrait comprendre des stratégies visant à promouvoir l’économie sobre en carbone, circulaire et collaborative, la production et la consommation alimentaires durables, l’investissement dans l’innovation et dans la modernisation à long terme de l’infrastructure, ainsi que le soutien aux entreprises durables (6).

3.5.

Le programme à l’horizon 2030 est fondé sur le principe et l’approche du volontariat, ce qui peut entraver sa mise en œuvre intégrale et rapide. L’Union européenne devrait cependant faire de cette mise en œuvre un processus obligatoire, tant du point de vue interne qu’externe; les 17 ODD sont pleinement compatibles avec les principes et les valeurs de l’Union européenne, tels que consacrés dans ses traités, et doivent donc être intégrés et appliqués au moyen de ses politiques et programmes. L’action extérieure de l’Union européenne devrait être ancrée dans ces principes et ces valeurs.

3.6.

La mise en œuvre intégrale du programme à l’horizon 2030 par l’Union européenne exige un réel engagement au plus haut niveau politique de la part des institutions et des États membres de l’Union, afin d’incorporer, d’intégrer et d’inclure efficacement et rapidement les ODD dans toutes les politiques et programmes de l’Union européenne.

3.7.

Le caractère universel du programme à l’horizon 2030 et les engagements pris par les pays du monde entier, indépendamment de leur niveau de développement économique et social et de leur niveau de vie, constituent un enjeu très important pour l’Union européenne, si elle entend prendre la direction de la mise en œuvre progressive du programme au niveau mondial et fournir des orientations à cet égard. Toutefois, pour y parvenir et devenir un catalyseur des efforts axés sur l’horizon 2030, l’Union européenne doit prendre les décisions nécessaires et procéder à des changements utiles dans ses politiques et programmes.

3.8.

Il est à noter qu’une année s’est écoulée depuis la conclusion de l’accord sur le programme à l’horizon 2030 et que, jusqu’à présent, la Commission a géré la mise en œuvre de façon très incohérente et désorganisée. La première réunion du Forum politique de haut niveau s’est tenue en juillet 2016 au siège des Nations unies, où quatre États membres (Allemagne, France, Estonie et Finlande) ont présenté leurs rapports volontaires. Le CESE regrette que la Commission n’ait pas présenté de stratégie cohérente et coordonnée lors de cette première réunion, afin de faciliter une meilleure organisation et la création de synergies, d’une part, entre les États membres de l’Union européenne et, d’autre part, entre les États membres et les institutions de l’Union.

3.9.

Tant les documents de consultation portant sur la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne que ceux relatifs au nouveau consensus européen pour le développement reflètent ce manque de coordination, ainsi que l’intégration et l’incorporation limitées du programme à l’horizon 2030. Au début de l’année, la Commission a lancé une consultation sur le socle européen des droits sociaux, en ne faisant référence ni au programme à l’horizon 2030 ni même à son pilier social. Il est à noter que le CESE élabore actuellement un avis sur le socle européen des droits sociaux, dans lequel il expose ses points de vue. Il insiste fortement sur le fait que l’Union européenne ne peut et ne doit pas mettre en œuvre le programme à l’horizon 2030 de façon cloisonnée.

3.10.

L’Union européenne et ses États membres accordent des aides au développement à quelque 150 pays et sont les premiers donateurs d’aide publique au développement (APD), représentant plus de 50 % du montant total octroyé chaque année. Les chiffres préliminaires révèlent que le total de l’APD accordée par l’Union européenne (institutions et États membres) a atteint 68 milliards d’EUR en 2015, soit son niveau le plus élevé à ce jour, après avoir augmenté pour la troisième année consécutive et connu une hausse de 15 % par rapport à 2014. Le CESE invite l’Union européenne et ses États membres à accroître le montant total de l’APD, qui représentait 0,47 % du revenu national brut (RNB) de l’Union européenne en 2015, mais doit atteindre l’objectif de 0,7 %.

3.11.

Selon une enquête Eurobaromètre, près de neuf citoyens de l’Union européenne sur dix approuvent l’aide au développement (89 %, soit une augmentation de quatre points par rapport à 2014). Plus de la moitié des sondés estiment que l’Union européenne doit accorder les montants d’aide promis (7). Les citoyens européens attendent de l’Union européenne qu’elle respecte ses engagements en faveur des ODD, qu’elle ébauche une nouvelle vision d’une Europe durable et qu’elle remplisse ses obligations de mise en œuvre du programme.

3.12.

La Commission devrait procéder au réexamen des politiques et programmes axés sur les pays tiers pour faire en sorte qu’ils soient compatibles avec le programme à l’horizon 2030. L’exercice de recensement que la Commission mène actuellement devrait s’accompagner d’une analyse des lacunes exhaustive et détaillée, afin de relever les défauts des politiques et des programmes de l’Union européenne axés sur les pays tiers, ainsi que leurs incohérences avec les ODD.

3.13.

Des données fiables et désagrégées sur la situation des personnes vulnérables dans le monde font défaut. Par conséquent, la Commission devrait appuyer les travaux du groupe d’experts interinstitutionnel sur les indicateurs des ODD. Eurostat doit renforcer sa capacité à mesurer l’incidence du programme à l’horizon 2030 sur les groupes vulnérables au sein de l’Union européenne. Le CESE préconise la publication d’un rapport annuel sur la mise en œuvre des actions et des fonds concernant le programme à l’horizon 2030. Cette démarche devrait s’inscrire dans le cadre des rapports annuels d’Eurostat sur la réalisation des ODD pour l’Europe.

3.14.

Les institutions européennes devraient prendre les dispositions nécessaires pour pouvoir relever le défi de concrétiser le principe selon lequel personne ne doit être laissé pour compte et de l’intégrer dans leurs politiques et programmes. Pour ce faire, il est nécessaire de disposer d’un volume important de données désagrégées, fiables et accessibles.

3.15.

La Commission devrait toujours associer et consulter la société civile lorsqu’elle réalise l’examen complet de la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 ou met au point des procédures pour suivre ce processus. Toutefois, le CESE estime que la Commission devrait intégrer des activités de renforcement des capacités de la société civile dans toutes ses politiques et programmes et, ainsi, faire de cette dernière un véritable partenaire dans la réalisation des ODD en finançant la coopération internationale de ses organisations représentatives dans l’Union européenne et dans d’autres régions. À cette fin, le CESE demande à la Commission d’approuver la création du Forum européen du développement durable, comme il l’a préconisé dans l’avis sur «Un Forum de la société civile européenne en faveur du développement durable» (8).

3.16.

Les institutions de l’Union européenne devraient créer un mécanisme de coordination interinstitutionnel en vue d’intégrer de façon efficace, rapide et cohérente les objectifs et les cibles du programme à l’horizon 2030 dans l’ensemble des politiques et programmes d’action extérieure de l’Union européenne. Un engagement global de l’Union européenne en faveur de la réalisation des ODD au niveau mondial nécessite une planification stratégique pour l’avenir de ses politiques et programmes extérieurs. Le CESE invite dès lors la Commission à:

3.16.1.

présenter, dans la prochaine communication sur le programme à l’horizon 2030, un plan constructif pour garantir la cohérence et la coordination des politiques dans le cadre de ses actions et programmes extérieurs. Si elle manquait de proposer un plan utile visant à transformer les politiques extérieures de l’Union européenne en des politiques axées sur l’horizon 2030, cette communication décevrait les attentes des citoyens du monde entier. Ce plan devrait faire partie d’une stratégie globale de l’Union européenne prévoyant les mesures et les changements nécessaires à la mise en œuvre cohérente du programme à l’horizon 2030 dans le cadre des politiques et des programmes de l’Union européenne à l’échelle mondiale. Le modèle de gouvernance pluripartite devrait être un élément fondamental de la stratégie globale et garantir que les organisations de la société civile participent pleinement à la réalisation des ODD (9);

3.16.2.

garantir que la stratégie globale de l’Union européenne concernant les questions de politique étrangère et de sécurité constitue un mécanisme plus large englobant le programme à l’horizon 2030 dans des domaines tels que le commerce, le développement, la démocratie, les droits de l’homme, l’aide humanitaire, la réduction des risques de catastrophes, les transferts de technologie et l’action en faveur du climat;

3.16.3.

s’assurer que la proposition relative au futur consensus pour le développement établisse une véritable coordination entre les institutions de l’Union européenne et les États membres, et porte assistance aux pays tiers. Cette coordination devrait inclure une mise en commun des ressources. Le consensus devrait prévoir une coordination bilatérale efficace entre l’Union européenne et les États membres sur leurs priorités nationales, des partenariats avec l’Union européenne et l’association d’autres donateurs publics et privés. Selon les prévisions, cela génèrera un effet multiplicateur pour la réalisation du programme à l’horizon 2030 et atténuera l’incidence négative de la fragmentation et du chevauchement des aides, comme c’est le cas actuellement;

3.16.4.

promouvoir l’économie sociale et solidaire dans le cadre de ses politiques et programmes extérieurs. Le CESE estime que l’économie sociale et solidaire cadre pleinement avec la réalisation des ODD et que ce secteur peut donc contribuer à la mise en œuvre équilibrée des piliers économique, social et environnemental du programme à l’horizon 2030;

3.16.5.

clarifier et préciser les moyens de mettre en œuvre le programme à l’horizon 2030, tout en cherchant à créer de fortes synergies avec le programme d’action d’Addis-Abeba et le Forum sur le financement du développement.

3.17.

La nouvelle approche globale du programme à l’horizon 2030, caractérisée par la nature universelle et indivisible de ses trois piliers interdépendants, plaide en faveur d’un modèle de développement humain plus complet; c’est pourquoi les résultats de la mise en œuvre du programme ne peuvent être appréciés de façon conventionnelle, en utilisant exclusivement le produit intérieur brut pour mesurer la croissance économique et le développement inclusif.

3.18.

L’Union européenne doit concevoir et appliquer des politiques et des programmes spécifiques afin de mettre pleinement en œuvre le programme à l’horizon 2030, en mettant particulièrement l’accent sur la promotion de la démocratie, des droits de l’homme, des politiques de protection de l’environnement, de l’État de droit et de la croissance inclusive, ainsi que d’une réelle amélioration des conditions de vie des groupes vulnérables. Ces éléments devraient fonder l’action, les politiques et les programmes extérieurs de l’Union européenne, qui doit insister sur la promotion de la mise en œuvre équilibrée des trois piliers du programme à l’horizon 2030.

3.19.

Le Service européen pour l’action extérieure devrait également élaborer et mettre en œuvre un plan cohérent pour inclure des actions et des initiatives mesurables. L’objectif doit être que l’Union européenne, en endossant un rôle de chef de file par l’intégration cohérente du programme à l’horizon 2030 dans son action, ses politiques et ses programmes, soit perçue par le reste du monde comme ouvrant la voie vers une mise en œuvre équilibrée et équitable du programme.

3.20.

La Commission devrait fixer une condition liée au programme à l’horizon 2030 et formulée au regard des 17 ODD, qui devrait figurer dans tous les programmes et politiques financés par l’Union européenne dans le cadre de son action extérieure. Les bénéficiaires devraient être tenus de respecter cette condition lors de la mise en œuvre de ces programmes. Il ne fait aucun doute que la condition liée au programme à l’horizon 2030 doit être applicable à tous les programmes et politiques de l’Union européenne de façon égale et intégrale. Le principe de conditionnalité a déjà été intégré dans le cadre réglementaire des Fonds structurels et d’investissement de l’Union européenne (10).

3.21.

Il est largement admis que le programme à l’horizon 2030 génère un changement de paradigme dans le programme pour le développement et qu’il devrait être pleinement pris en compte dans les programmes de coopération au développement de l’Union européenne. Par conséquent, les 17 ODD du programme à l’horizon 2030 devaient être pleinement intégrés, incorporés et inclus dans le programme de coopération au développement de l’Union européenne. Par ailleurs, l’Union européenne devrait pleinement respecter et prendre en compte les traités internationaux, y compris ceux relatifs aux droits de l’homme et à l’environnement, lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de ses actions extérieures (11).

3.22.

La Commission devrait intégrer dans ses politiques et programmes extérieurs des dispositifs permettant d’apprécier la manière dont les citoyens comprennent et perçoivent l’incidence de la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030. Pour ce faire, elle devrait réaliser une enquête Eurobaromètre dans les États membres de l’Union européenne ainsi que des sondages adaptés dans les pays partenaires. Il convient de noter et de souligner que, selon une enquête Eurobaromètre, seul «un tiers des européens ont entendu parler des objectifs de développement durable ou lu des informations à ce sujet (36 %)».

4.   Veiller à ce que les organisations de la société civile jouent un véritable rôle dans le processus de mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 à travers le monde

4.1.

Le programme à l’horizon 2030 engage la planète à tendre vers un modèle de gouvernance qui associe les diverses parties intéressées et qui accorde un rôle accru à la société civile. Cela suppose de nouvelles méthodes de travail plus collaboratives et inclusives, fondées sur une prise de décision participative.

4.2.

Le processus de négociation du programme à l’horizon 2030 a mobilisé et attiré de nouveaux acteurs de la société civile; il convient donc d’exploiter, de renforcer et de formaliser leur participation durant le processus de mise en œuvre. En réalité, la contribution positive et efficace apportée par les organisations de la société civile lors des négociations sur le programme à l’horizon 2030 a rendu le rôle de la société civile indispensable à la mise en œuvre de ce programme et a fait de cette dernière un partenaire de facto dans ce processus.

4.3.

La société civile doit jouer un rôle essentiel dans la mise en œuvre du programme à l’horizon 2030 aux niveaux mondial, national et régional. Il faut veiller à ce qu’elle joue aussi un rôle efficace au niveau national, dans les États membres de l’Union européenne et dans les pays partenaires. Afin de faire de cette participation et de ce partenariat une réalité, le CESE demande à la Commission d’intégrer et d’inclure les activités de renforcement des capacités de la société civile dans ses politiques et ses programmes.

4.4.

Le CESE est conscient des restrictions, des barrières et des obstacles auxquels sont confrontées les organisations de la société civile dans de nombreuses régions du monde et du fait que cette regrettable situation entrave leur participation véritable et effective à ce processus. Par conséquent, il demande à la Commission d’imposer aux pays partenaires de faciliter la participation réelle de la société civile par l’intermédiaire de la consultation systématique de cette dernière et de sa contribution à la planification, à la mise en œuvre et au suivi du programme à l’horizon 2030 dans le cadre de projets et de programmes, notamment de ceux financés par l’Union européenne. À cette fin, les délégations de l’Union européenne dans les pays partenaires devraient suivre attentivement la situation en la matière et faire rapport à la Commission, ainsi qu’au haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Les délégations des Nations unies dans les pays partenaires devraient également organiser des réunions de consultation avec les organisations de la société civile au sujet des programmes de financement de l’Union européenne.

4.5.

La société civile doit néanmoins s’efforcer de s’adapter au plus tôt aux exigences du programme à l’horizon 2030, afin d’exercer une réelle influence sur sa mise en œuvre. À l’évidence, le programme invite les organisations de la société civile à devenir une véritable force motrice de sa mise en œuvre. Cela signifie que la société civile devrait aborder ce processus comme un changement de paradigme dans la manière dont elle s’organise et fonctionne. Elle ne pourra y parvenir que si elle se prépare et se restructure, de façon à être capable de participer pleinement au processus décisionnel. Les organisations de la société civile devraient être représentatives, démocratiques, transparentes et responsables.

4.6.

Le Forum du développement durable, qui sera prochainement mis en place dans l’Union européenne, constitue un bon modèle de plate-forme, qui pourrait être reproduit dans d’autres régions et pays du monde, tout en étant adapté aux conditions locales (12).

4.7.

Le CESE est prêt à faciliter la participation utile des organisations de la société civile à la mise en œuvre, au suivi et au réexamen du programme à l’horizon 2030 au niveau mondial. Il peut soutenir cette démarche en exploitant pleinement son vaste réseau de contacts, de partenaires et de parties prenantes dans de nombreuses régions du monde. Il invite également la Commission à intégrer et à incorporer l’apport d’un soutien structurel et significatif dans ses politiques et programmes extérieurs, afin de permettre aux organisations de la société civile de pays tiers de participer, en tant que partenaires à part entière, au processus de mise en œuvre du programme à l’horizon 2030.

Bruxelles, le 20 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Conformément à la recommandation formulée dans l’avis NAT/693 du CESE intitulé «Développement durable — Recensement des politiques intérieures et extérieures de l’Union européenne», rapporteur: Ioannis Vardakastanis, corapporteur: Jarmila Dubravská (JO C 487 du 28.12.2016, p. 41).

(2)  Avis exploratoire du Comité économique et social européen sur «Un Forum de la société civile européenne en faveur du développement durable» (JO C 303 du 19.8.2016, p. 73).

(3)  Voir note 1.

(4)  Voir note 1.

(5)  Voir note 1.

(6)  Voir note 1.

(7)  Euromètre spécial 441 intitulé «L’Année européenne pour le développement — Avis des européens sur le développement, la coopération et l’aide».

(8)  Voir note 2.

(9)  Avis du CESE sur «Un Forum de la société civile européenne en faveur du développement durable», paragraphe 1.4 (voir note 1); avis du CESE sur le thème «État des lieux de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive», rapporteur: Stefano Palmieri (JO C 12 du 15.1.2015, p. 105).

(10)  Règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil (JO L 347 du 20.12.2013, p. 320).

(11)  Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 21 décembre 1965.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966.

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966.

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, 18 décembre 1979.

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984.

Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989.

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, 18 décembre 1990.

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, 20 décembre 2006.

Convention relative aux droits des personnes handicapées, 13 décembre 2006.

(12)  Voir note 2.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/66


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Horizon 2020 — Évaluation à mi-parcours»

(avis exploratoire)

(2017/C 034/10)

Rapporteur:

Ulrich SAMM

Consultation

Présidence slovaque du Conseil, 14 mars 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

Avis exploratoire

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2016

Adoption en session plénière

20 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

180/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite de l’existence du programme Horizon 2020, un programme fort et couronné de succès, qui rassemble excellence, infrastructures de recherche communes, collaboration internationale ainsi que synergies entre le monde universitaire, l’industrie, les petites et moyennes entreprises (PME) et les organismes de recherche.

1.2.

Le programme Horizon 2020 est un instrument politique de premier plan pour la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020, qui vise à «contribuer à une croissance économique et une compétitivité européennes durables, en renforçant la capacité d’innovation des États membres et de l’Union afin de répondre aux défis majeurs auxquels la société européenne est confrontée».

1.3.

Le Comité économique et social européen (CESE), qui adopte la même position que la commission de la recherche du Parlement européen (ITRE), demande dès lors que 2,2 milliards d’EUR soient retransférés du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) vers le programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne.

1.4.

Le CESE se félicite du fait que l’innovation pèse davantage dans le programme Horizon 2020. L’innovation est essentielle à la croissance économique. Le nouvel instrument pour les PME constitue un bon exemple de processus efficace en matière d’application, de sélection et de suivi.

1.5.

Le financement de la recherche fondamentale connaît un réel succès. Les bourses du Conseil européen de la recherche (CER) en particulier jouissent d’une excellente réputation: elles sont considérées comme des récompenses de haut niveau pour les chercheurs et font office de référence dans l’Europe entière.

1.6.

Le CESE s’inquiète du fait que le financement de la recherche sur les défis de société a été considérablement réduit. Bon nombre de succès engrangés en matière de coopération à l’échelle de l’Union européenne dans le domaine de la recherche, au titre des 6e et 7e programmes-cadres (PC), ont pris fin avec l’arrivée du programme Horizon 2020. La recherche collaborative devrait à nouveau jouer un rôle en tant qu’élément indispensable dans la chaîne de recherche et d’innovation.

1.7.

Le CESE demande une évaluation approfondie afin de trouver un équilibre raisonnable entre les trois piliers de financement: l’excellence scientifique, la primauté industrielle et les défis sociétaux. Cette évaluation devrait tenir compte de leurs différences en matière d’impact, de délai de mise en œuvre, d’effet de levier et, en particulier, de valeur ajoutée européenne spécifique de chacun d’eux.

1.8.

L’Union européenne doit fournir un soutien équilibré à l’ensemble de la chaîne de recherche et d’innovation, de la recherche fondamentale jusqu’à la recherche axée sur les produits.

1.9.

Le CESE souligne également que les sciences sociales et humaines ont un rôle déterminant à jouer dans l’analyse et la prévision des évolutions sociétales générées par les changements relatifs aux conditions de vie et de travail résultant de l’évolution démographique, de la mondialisation, du changement climatique, des nouvelles technologies, de la numérisation et de l’éducation en faveur de nouveaux emplois hautement qualitatifs.

1.10.

Le CESE suit avec grand intérêt les performances de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) et les recommandations formulées par la Cour des comptes européenne. Nous attendons de l’évaluation intermédiaire qu’elle entraîne des améliorations considérables au sein de l’EIT.

1.11.

Le nouveau Conseil européen de l’innovation (CEI), dont la création est proposée par la Commission et qui est censé s’adresser directement aux entrepreneurs et aux innovateurs, pourrait devenir une organisation faîtière regroupant les instruments de financement en faveur de l’innovation, et fournir ce faisant une méthode plus efficace pour combler l’écart en matière d’innovation.

1.12.

Le CESE recommande vivement que toute introduction d’un nouvel instrument de financement donne lieu à un réexamen approfondi des autres instruments, dans le but de réduire leur nombre et de les harmoniser autant que possible.

1.13.

Le CESE tient à souligner que la mise à disposition de fonds en faveur de la mobilité et d’un accès aux infrastructures à l’étranger, allié à un soutien aux chercheurs, constitue un élément essentiel de l’Espace européen de la recherche, qui devrait être soutenu plus efficacement.

1.14.

Le CESE est extrêmement préoccupé par les grandes disparités entre les financements nationaux de la recherche et de l’innovation des différents États membres. Cette situation a mené à des degrés de succès très variables concernant le bénéfice d’un financement de l’Union européenne.

1.15.

Le CESE recommande que tous les instruments soient revus afin d’apporter des améliorations permettant de contribuer à surmonter ces disparités. À cette fin, la recherche collaborative réunissant plusieurs États membres jouera un rôle important, de même que les nouvelles mesures tendant à propager l’excellence et à élargir la participation.

1.16.

Le CESE appelle à un renforcement du financement national de la recherche et de l’innovation, et souhaite rappeler aux États membres que le financement européen de la recherche et de l’innovation ne peut remplacer les efforts nationaux.

1.17.

Le CESE souscrit également aux conclusions du Conseil du 27 mai 2016 soulignant que, dans le cadre du programme Horizon 2020, il convient de veiller à ce que le financement sous forme de prêt ne soit pas davantage intensifié au détriment des financements de la recherche et de l’innovation reposant sur des subventions.

1.18.

Des taux de succès raisonnables doivent être atteints afin d’éviter de gaspiller des ressources et d’engendrer de la frustration parmi les meilleurs acteurs de l’industrie et du monde universitaire. Une série de propositions de contre-mesures est disponible, que la Commission devrait mettre en œuvre immédiatement pour le reste de la durée du programme Horizon 2020.

1.19.

La nécessité de simplifier davantage les procédures du programme Horizon 2020 constitue toujours une question majeure. Nous reconnaissons les efforts fructueux accomplis par la Commission pour faciliter les dossiers de candidature. En revanche, la phase d’exécution du projet ne peut entraîner de charge supplémentaire. Le CESE recommande à la Commission d’accepter, dans la mesure du possible, le principe selon lequel le respect des règles nationales est le critère principal de sélection, aussi longtemps que ces règles satisfont aux normes convenues.

1.20.

L’évaluation intermédiaire devrait analyser la façon dont le programme Horizon 2020 contribue qualitativement à ses objectifs de promouvoir l’excellence scientifique, de relever les défis sociétaux urgents et de soutenir la primauté industrielle au service d’une meilleure croissance économique et inclusive, qui crée de véritables emplois en Europe, au lieu de se concentrer excessivement sur des mesures quantitatives telles que le dénombrement des publications, des brevets et des retours sur investissement, comme l’évaluation du 7e PC l’a fait. Il recommande également la création d’indicateurs compatibles pour les investissements tant de recherche que d’innovation, dans le cadre des Fonds structurels et de l’EFSI.

2.   Introduction

2.1.

Le programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon 2020 (2014-2020) a été lancé en 2014 pour renforcer l’excellence scientifique, relever les défis majeurs auxquels est confrontée la société européenne et promouvoir la croissance économique. Il succédait au 7e programme-cadre de recherche et de développement technologique (2007-2013). La structure du programme Horizon 2020 est radicalement différente de celle du 7e PC, car celui-ci comprend désormais l’EIT et certaines parties de l’ancien programme-cadre pour la compétitivité et l’innovation. Comme l’illustrent son nom et sa nouvelle structure, le programme Horizon 2020 accorde une place beaucoup plus importante à l’innovation que son prédécesseur.

2.2.

Le CESE a fourni une analyse détaillée de la proposition de règlement relatif au programme Horizon 2020 dans son avis de mars 2012 (1).

2.3.

Le CESE se félicite de l’existence du programme Horizon 2020, un programme fort et couronné de succès, qui rassemble excellence, infrastructures de recherche et surtout chercheurs des différents États membres de l’Union européenne, des États associés et du monde entier, et qui produit des résultats importants ainsi que des synergies entre le monde universitaire, l’industrie, les PME et les organismes de recherche. Il s’agit du plus grand programme public de financement au monde pour la recherche et l’innovation, ce qui constitue un signal manifeste que l’Union européenne investit dans son avenir.

2.4.

Les trois principaux piliers du programme Horizon 2020 représentent plus de 90 % de son budget et sont les suivants:

1)

l’«excellence scientifique» avec le CER, les technologies futures et émergentes (FET), la mobilité des chercheurs (actions Marie Skłodowska-Curie) et les infrastructures européennes de recherche (24,4 milliards d’EUR);

2)

la «primauté industrielle», qui se concentre sur la compétitivité de l’industrie européenne dans six sous-programmes, une attention particulière étant accordée au financement des PME (17 milliards d’EUR);

3)

les «défis sociétaux» et leurs sept sous-programmes (29,7 milliards d’EUR).

2.5.

Le Parlement européen et le Conseil ont approuvé ce programme, doté d’un budget total de plus de 70 milliards d’EUR (près de 80 milliards d’EUR aux prix actuels) de financement sur sept ans. Le budget du programme a été réduit de 2,2 milliards d’EUR en 2015, afin que ces fonds puissent être utilisés par l’EFSI.

2.6.

Le programme Horizon 2020 assume des fonctions multiples au sein de la stratégie de l’Union européenne. C’est l’instrument financier qui met en œuvre l’Union pour l’innovation, initiative phare de la stratégie Europe 2020 visant à garantir la compétitivité de l’Europe à l’échelle mondiale. Ses racines remontent cependant au traité de Lisbonne, notamment aux articles 179 et suivants, qui fixent l’objectif de réaliser un espace européen de la recherche et chargent l’Union européenne de la «mise en œuvre de programmes de recherche, de développement technologique et de démonstration en promouvant la coopération avec et entre les entreprises, les centres de recherche et les universités».

2.7.

Le programme Horizon 2020 a été mis sur pied à une époque marquée par des défis économiques majeurs et un chômage élevé qui touche les jeunes en Europe, et a par conséquent accordé une plus grande importance à l’innovation que les précédents programmes de recherche de l’Union européenne. L’innovation est en général définie dans ce contexte comme le lancement commercial de produits et de services, nouveaux ou considérablement améliorés.

2.8.

Dans ces circonstances, le programme Horizon 2020, axé sur la croissance économique, a également créé un nouvel instrument à l’intention des PME, spécialement conçu pour les aider individuellement à devenir plus innovantes. Son objectif est l’absorption par les PME de 20 % du financement des deuxième et troisième piliers, tout en insistant davantage sur les instruments financiers.

3.   De la recherche à l’innovation

3.1.

Le CESE reconnaît la réussite du programme Horizon 2020 et se félicite de l’évolution vers davantage d’innovation en faveur de la croissance de l’économie. Toutefois, il tient également à mettre en évidence certains risques concernant la chaîne de recherche et d’innovation, dont il estime qu’ils pourraient en menacer le succès.

3.2.

L’Union européenne doit traiter l’ensemble de la chaîne de recherche et d’innovation, de la recherche fondamentale à la recherche axée sur les produits. Seul un soutien équilibré tout au long de cette chaîne garantira que la production de savoir-faire donne lieu à l’application de «savoir-faire» et, à terme, à des avantages sociaux et économiques. Le CESE appelle de ses vœux une évaluation attentive en vue de trouver un équilibre raisonnable entre les trois piliers de financement — «excellence scientifique», «primauté industrielle» et «défis de société», en tenant compte de leurs différences en matière d’impact, de délai de mise en œuvre, d’effet de levier et, en particulier, de valeur ajoutée spécifique pour l’Union européenne.

3.3.

La recherche fondamentale connaît en Europe un succès fulgurant. Le financement ascendant assuré par les FET, les actions Marie Skłodowska-Curie et le CER doit absolument être maintenu à un niveau élevé. Les bourses du CER jouissent d’une excellente réputation: elles sont considérées comme des récompenses de haut niveau pour les chercheurs individuels et font office de référence dans l’Europe entière.

3.4.

Il convient cependant de rappeler que la recherche moderne est souvent le fruit d’une collaboration. C’est pourquoi, sans remettre en cause l’importance de soutenir les chercheurs individuels, nous déplorons la réduction drastique du financement destiné à la recherche collaborative fondamentale dans le cadre du programme Horizon 2020.

3.5.

Les pans de la recherche fondamentale dans lesquels le délai de concrétisation de l’innovation est élevé et dans lesquels la recherche est principalement motivée par des défis sociétaux ne sont pour la plupart pas couverts par le CER. Ce type de recherche collaborative a particulièrement bien fonctionné dans les programmes-cadres antérieurs, mais a désormais perdu une grande partie de son importance avec le programme Horizon 2020. Les défis sociétaux ont été réduits de 3,5 % afin de financer l’EFSI, et la recherche collaborative aux niveaux de maturité technologique (TRL) les moins élevés (1 à 5) a perdu du terrain en faveur de celle des niveaux de maturité technologique plus élevés. Cette évolution a éloigné de nombreux instituts de recherche et universités de la recherche sur les défis sociétaux, avec pour conséquence que l’interaction entre l’industrie et le monde universitaire a diminué au lieu d’être renforcée. Le CESE demande instamment à la Commission de réagir à cette évolution préoccupante. Il est vital de rétablir le financement des défis sociétaux et d’accorder une place plus importante à la recherche aux niveaux de maturité technologique 1 à 5 dans les défis sociétaux du programme Horizon 2020, afin de couvrir la totalité du cycle de recherche et d’innovation. Dans ce contexte, il demeure essentiel que la Commission collabore avec les parties intéressées lors de l’élaboration des détails qui caractériseront les défis sociétaux au niveau des programmes de travail.

3.6.

Le CESE se félicite de la place accrue attribuée à l’innovation dans le programme Horizon 2020. L’innovation est essentielle à la croissance économique. Le nouvel instrument pour les PME constitue un bon exemple de processus efficace en matière d’application, de sélection et de suivi. Le fait que l’objectif initial d’une part du budget de 20 % en faveur des PME ait déjà été dépassé témoigne du succès de cet instrument. L’évaluation devrait analyser l’incidence et l’efficacité de cet instrument pour les différents types de PME, et leur motivation à l’utiliser en tant qu’entreprise individuelle (comme la plupart d’entre elles le font) ou en tant que groupement (à l’échelle nationale ou à celle de l’Union). Il convient également d’analyser la mesure dans laquelle une diminution des financements nationaux en faveur des PME correspond aux demandes de financement au niveau de l’Union européenne. Il est essentiel que le financement des PME reste également accessible aux PME au niveau local et régional et que les financements de l’Union ne servent pas à justifier des réductions de cette source importante d’aide au niveau local.

3.7.

La participation de l’industrie est une composante vitale du succès du programme Horizon 2020. Il est évident que la somme totale du financement accordé par le programme Horizon 2020 aux industries est moins significative par rapport à leurs dépenses en matière de recherche et d’innovation. Les principaux bénéfices pour les partenaires industriels sont la création de réseaux et de nouveaux liens avec les universités, les organismes de recherche et d’autres parties prenantes, telles que les villes. Les projets de l’Union européenne jouent un rôle important, car ils fournissent une masse critique qui permet de développer de nouvelles normes et apporter aux industries une nouvelle expertise, de nouveaux clients, de nouveaux marchés et de nouveaux talents. Cet effet avantageux pour la compétitivité européenne doit être davantage encouragé. Il faut noter que les indicateurs de succès tels que le nombre de nouveaux emplois ne s’appliquent pas encore au programme Horizon 2020, étant donné le délai nécessaire à la concrétisation de l’innovation et de la création d’emploi.

3.8.

Le CESE suit avec grand intérêt les performances de l’EIT. L’Europe a besoin d’une forte interaction entre les entreprises, la recherche et l’enseignement, ce qui est le principal objectif de l’EIT. Selon le rapport spécial de la Cour des comptes (avril 2016), l’EIT fait cependant face à plusieurs défis importants. Bien que certains d’entre eux aient déjà été relevés récemment, nous espérons que l’évaluation intermédiaire donnera lieu à d’importantes améliorations globales au sein de l’EIT.

3.9.

La Commission a entamé une discussion sur la création et la portée d’un Conseil européen de l’innovation (CEI). Le CEI est censé s’adresser directement aux entrepreneurs et aux innovateurs. Le CEI pourrait devenir un mécanisme plus rapide pour achever les dernières étapes permettant de combler l’écart en matière d’innovation. Le CEI pourrait devenir une organisation faîtière regroupant les instruments de financement en faveur de l’innovation. Il va de soi que cela nécessite une synchronisation et une harmonisation scrupuleuses avec l’ensemble des autres instruments de financement. Le CESE salue cette initiative et est prêt à contribuer à cette discussion dès que des propositions concrètes seront disponibles.

3.10.

L’un des principaux défis pour les années à venir concernant le programme Horizon 2020 sera de déployer son plein potentiel pour soutenir l’innovation sociale, ce qui est essentiel pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020. Le CESE rappelle qu’en raison de leur nature, les entreprises du secteur de l’économie sociale ont un rôle important à jouer en ce sens; il invite instamment la Commission et les États membres à veiller à ce que l’accès de ces entreprises aux financements Horizon 2020 intervienne aux mêmes conditions que pour d’autres acteurs.

3.11.

Le CESE souligne également que les sciences sociales et les sciences humaines revêtent une grande importance en Europe. Notre société va inévitablement changer en raison du vieillissement et de l’évolution démographique, ce qui entraîne de nouvelles priorités en matière de recherche (2). Notre société va être soumise à de profonds bouleversements pour parvenir à des conditions durables. L’évolution des conditions contraignantes résultant de phénomènes tels que la mondialisation, le changement climatique, l’accès à l’énergie, et les technologies émergentes, dont la numérisation est un moteur majeur, vont même accélérer les changements sociétaux. L’amélioration de notre système éducatif sera fondamentale si nous voulons être certains d’être préparés pour l’avenir et de disposer des compétences requises pour de futurs emplois de qualité. L’évaluation de l’impact de toutes ces évolutions sur notre société, y compris tout problème pouvant être provoqué par l’évolution des conditions de travail et de vie, devrait faire l’objet d’une priorité absolue, et les sciences sociales doivent jouer un rôle essentiel à cet égard.

4.   L’Espace européen de la recherche et la valeur ajoutée européenne du programme Horizon 2020

4.1.

L’un des objectifs du «programme-cadre pour la recherche et l’innovation» (Horizon 2020) est d’achever l’Espace européen de la recherche (EER). Le programme Horizon 2020 est également considéré comme un instrument politique pour la mise en œuvre des initiatives Europe 2020 et Union de l’innovation. Les éléments suivants sont essentiels à l’EER: une politique commune pour l’infrastructure européenne de recherche, des projets de recherche collaborative, la mobilité des chercheurs au-delà des frontières et la coordination de grands programmes de recherche dans le respect de la condition limite difficile imposée par la nécessité, pour les programmes de l’Union européenne, d’agir dans un environnement dans lequel la majeure partie du financement public en faveur de la recherche et l’innovation est gérée par les États membres.

4.2.

Le Forum stratégique européen pour les infrastructures de recherche a jusqu’ici été un instrument utile de coordination en vue de recenser les nouvelles infrastructures de recherche présentant un intérêt paneuropéen. S’il est vrai que la création de grandes infrastructures de recherche dépend principalement des financements nationaux, le niveau européen est important pour aider les consortiums et pour permettre aux chercheurs d’avoir accès aux infrastructures dans l’ensemble de l’Union. Le CESE partage les inquiétudes des communautés de recherche quant à l’insuffisance de ce soutien et prie instamment la Commission de le renforcer de façon significative, en garantissant ce faisant l’accès des chercheurs européens aux infrastructures nationales et européennes, qui sont un atout majeur de l’EER.

4.3.

De manière générale, la mobilité au sein de l’EER est un aspect crucial. Par conséquent, nous demandons instamment que des programmes tels que les actions Marie Skłodowska-Curie conservent un rôle majeur.

4.4.

Nous nous félicitons de l’initiative Ouvert au monde, si tant est que la qualité scientifique reste la motivation première de cette activité. Les premières indications selon lesquelles la diminution de la participation de pays tiers touche même les économies industrialisées — comme les États-Unis — doivent être examinées attentivement, afin de déterminer les causes de cette évolution inquiétante.

4.5.

Le CESE souhaite souligner que la recherche collaborative organisée entre un minimum de trois partenaires de différents États membres doit rester le pilier du financement européen de la recherche. Il faut permettre à différents acteurs de l’innovation et de la recherche d’allier leurs forces afin de surmonter les défis infranchissables par les pays seuls et créer des synergies dans le paysage de la recherche européenne au niveau de l’Union européenne et apporter une valeur ajoutée européenne significative.

4.6.

Le CESE est extrêmement préoccupé par les grandes disparités entre les financements nationaux de la recherche et de l’innovation des différents États membres. Cela a mené à des degrés de succès très variables concernant la réception de financements de l’Union européenne. Nous constatons avec une profonde inquiétude que ces disparités sont effectivement croissantes. Ce sont en particulier les États membres EU-13 qui ont reçu peu de financements du programme Horizon 2020. Les différences en termes de financements nationaux pour la recherche et l’innovation sont énormes. Cela n’est pas uniquement dû aux différences entre les produits nationaux bruts (PNB) dans l’Union européenne. En outre, les États membres les plus forts dépensent beaucoup plus en termes relatifs pour la recherche et l’innovation que leurs homologues plus faibles.

4.7.

On peut clairement affirmer que, si l’objectif de 3 % du PNB pour le financement de la recherche et de l’innovation (Lisbonne 2007) n’a pas été atteint, c’est essentiellement à cause d’un manque de financement de la recherche et de l’innovation au niveau national. La contribution du programme Horizon 2020 ne représente ici qu’une petite partie. Le CESE appelle à un renforcement du financement national de la recherche et souhaite rappeler aux États membres que le financement européen de la recherche ne peut remplacer les efforts nationaux. Ce renforcement est également essentiel pour lutter contre les risques de fuite des cerveaux dans certains États membres.

4.8.

Une analyse de l’écart grandissant entre les États membres devrait être réalisée afin d’évaluer les raisons qui expliquent cette situation. Le CESE accueille favorablement les nouvelles mesures visant à «propager l’excellence et élargir la participation», qui peuvent contribuer à réduire cet écart. Parmi les autres mesures à envisager, on trouve la fourniture de conseils aux candidats en matière de structures de soutien ou l’ajout de la participation des pays de l’EU-13 en tant que critère de priorité face à plusieurs projets de qualité équivalente, dans la mesure où les candidats en concurrence satisfont au même critère d’excellence. Nous proposons plus particulièrement de renforcer un instrument de financement déjà en vigueur — la recherche collaborative, qui permet d’établir des passerelles entre les communautés de recherche et contribue, ce faisant, à la suppression des disparités.

4.9.

Le CESE soutient les activités de science ouverte (3). L’utilisation du libre accès aux publications a progressé; toutefois, certains éditeurs posent toujours des problèmes importants, mais cet obstacle pourrait être surmonté grâce aux efforts coordonnés de l’Union. Le développement de données ouvertes doit être salué, mais un processus ascendant au sein des communautés de recherche reste nécessaire pour définir les modalités de sa mise en œuvre.

4.10.

Un nuage européen au service de la science, comme proposé par la Commission, offrirait aux chercheurs européens un environnement virtuel où converser, partager et réutiliser leurs données par-delà les disciplines et les frontières. Le CESE soutient cette initiative (4) et est d’avis qu’elle pourrait être un élément important pour les données ouvertes. Nous invitons instamment la Commission à prendre soigneusement en compte les systèmes transfrontaliers d’informatique en nuage qui existent déjà et fonctionnent bien dans certaines communautés scientifiques spécifiques, ainsi que les activités nationales ayant le même objectif.

5.   Vers des processus efficaces

5.1.

Le CESE accueille favorablement les efforts de la Commission visant à «simplifier» davantage le programme Horizon 2020. En particulier, les acteurs de moindre envergure seront attirés par une bureaucratie diminuée, des règles simplifiées et une sécurité juridique accrue.

5.2.

Le nouvel instrument pour les PME constitue un bon exemple de processus efficace de candidature, de sélection et de suivi. Les entreprises ont exprimé un avis très favorable sur des éléments tels que le court délai d’octroi des demandes de prêts et le financement d’idées «émanant du terrain». Ces éléments devraient être utilisés comme un exemple de bonne pratique pour d’autres instruments du programme Horizon 2020.

5.3.

De nombreuses réalisations majeures ont été accomplies en matière de simplification des règles et des outils, comme l’amélioration considérable du portail des participants, mais des problèmes importants devront encore être résolus, du fait qu’ils nuisent gravement à l’attractivité du programme. Par exemple, la facturation interne telle qu’elle est utilisée par la majorité des organisations universitaires et industrielles est pratiquement impossible, et le renforcement des dispositions relatives à la «capacité totale» des installations utilisées a entraîné des complications supplémentaires. Le problème posé par la réticence de la Commission à rembourser les coûts salariaux réels plutôt que les valeurs antérieures du dernier exercice financier clos a été partiellement résolu, mais est toujours synonyme de charge administrative supplémentaire. Les règlements du programme Horizon 2020 nécessitent encore souvent une comptabilité parallèle. L’expertise administrative considérable dont les participants doivent toujours faire preuve pour mettre en œuvre ces éléments du programme Horizon 2020 rend la participation particulièrement lourde pour les PME et décourage également les partenaires internationaux.

5.4.

Le CESE encourage donc la Commission à poursuivre ses efforts de simplification du programme Horizon 2020 et à respecter les règles de participation à celui-ci, qui envisagent une «acceptation plus large des pratiques habituelles en matière de comptabilité analytique des bénéficiaires». Il recommande par ailleurs que les réflexions relatives aux futurs programmes-cadres s’efforcent de continuer à progresser dans cette voie, en acceptant les principes comptables usuels des participants lorsque cela est possible et en partant du principe que le respect des règles nationales est le critère principal, pour autant que celles-ci soient conformes aux normes convenues. Ces normes pourraient être développées et testées en collaboration avec la Cour des comptes.

5.5.

Compte tenu du prochain programme-cadre, le CESE demande instamment de s’abstenir de créer de nouveaux instruments et encourage plutôt la Commission à réduire activement le nombre d’instruments et à utiliser l’évaluation des ITC pour les limiter aux plus efficaces d’entre eux.

5.6.

Le CESE, adoptant la même position que la commission de la recherche du Parlement européen (ITRE), demande que 2,2 milliards d’EUR soient reversés depuis l’EFSI vers le programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 pour compenser l’impact négatif considérable des coupes budgétaires. L’EFSI investit dans des projets qui ne peuvent pas être considérés comme une compensation pour les projets qui ne peuvent plus être réalisés au titre d’Horizon 2020, étant donné que la grande majorité des projets relevant de l’EFSI abordent non pas le volet de la recherche, mais la mise en œuvre des technologies existantes. Cela présente assurément des avantages, mais ne doit pas limiter les sources de nouvelles technologies innovantes pour la compétitivité de l’Europe que peut offrir le programme Horizon 2020.

5.7.

Dans le cadre du programme Horizon 2020, le cofinancement classique de projets dans le cadre desquels la Commission octroie des subventions à des projets spécifiques, contribuant ainsi aux coûts totaux, ne cesse de perdre du terrain face aux instruments financiers. Le financement de la recherche par des prêts, que ce soit en faveur de l’industrie ou des universités, n’est cependant utile qu’à la fin de la chaîne d’innovation et non dans le domaine des percées novatrices. De plus, beaucoup d’acteurs impliqués ne sont pas concernés par ces instruments, car, dans beaucoup d’États membres, les organismes publics de recherche ne sont pas autorisés à contracter des emprunts. Par conséquent, le CESE demande instamment que le programme Horizon 2020 et ses successeurs continuent à se concentrer en premier lieu sur le cofinancement.

5.8.

Le CESE souscrit donc aux conclusions du Conseil du 27 mai 2016 soulignant que, dans le cadre du programme Horizon 2020, il convient de veiller à ce que le financement sous forme de prêt ne soit pas davantage intensifié au détriment des financements de la recherche et de l’innovation reposant sur des subventions. L’industrie européenne doit disposer d’un accès aux nouvelles technologies novatrices issues de projets à haut risque, et ce ne sont pas des prêts qui permettront de les découvrir.

5.9.

Pendant les premières années du programme Horizon 2020, les taux de réussite ont, dans certains cas, atteint à peine 3 %. En général, les taux de réussite sont passés de 1:5 au titre du 7e PC à 1:8 dans le cadre du programme Horizon 2020. Des taux de succès raisonnables doivent être atteints afin d’éviter de gaspiller des ressources et d’engendrer de la frustration parmi les meilleurs participants de l’industrie et du monde universitaire. Lorsque les taux de succès sont beaucoup plus faibles, les coûts générés par les efforts consentis dans les propositions peuvent dépasser le financement prévu. Une série de propositions de contre-mesures sont disponibles (impact déterminé de manière plus précise, processus en deux phases, conseillers professionnels, suivi des bonnes pratiques), et la Commission devrait les mettre en œuvre immédiatement pour le reste de la durée du programme Horizon 2020.

5.10.

Le sceau d’excellence réservé aux excellentes propositions n’ayant pas obtenu de financement pourrait se révéler particulièrement bénéfique pour les PME qui espèrent être financées par les Fonds structurels et d’investissement européens. La question des problèmes potentiels liés aux aides d’État dans ces cas doit encore être éclaircie.

5.11.

Le CESE recommande que l’évaluation intermédiaire analyse la façon dont le programme Horizon 2020 contribue qualitativement à ses objectifs de promouvoir l’excellence scientifique, de relever les défis sociétaux urgents et de soutenir la primauté industrielle au service d’une meilleure croissance économique et inclusive, qui crée des emplois en Europe, au lieu de se concentrer excessivement sur des mesures quantitatives telles que le dénombrement des publications, des brevets et des retours sur investissement, comme l’a fait l’évaluation du 7e PC. Il recommande également la création d’indicateurs compatibles pour le soutien à apporter tant à la recherche qu’à l’innovation, dans le cadre des Fonds structurels et de l’EFSI.

Bruxelles, le 20 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 181 du 21.6.2012, p. 111.

(2)  JO C 229 du 31.7.2012, p. 13.

(3)  JO C 76 du 14.3.2013, p. 48.

(4)  Avis sur l’«Initiative européenne sur l’informatique en nuage — Bâtir une économie compétitive fondée sur les données et la connaissance en Europe» (TEN/592) (JO C 487 du 28.12.2016, p. 86).


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/73


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Supprimer les obstacles à l’aquaculture durable en Europe»

(avis exploratoire)

(2017/C 034/11)

Rapporteur:

Gabriel SARRÓ IPARRAGUIRRE

Consultation

Commission européenne, 29 avril 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

Avis exploratoire

Décision du Bureau du Comité:

15 mars 2016

 

 

Compétence

Agriculture, développement rural, environnement

Adoption en section spécialisée

30 septembre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se déclare très préoccupé par le fait que la position de l’aquaculture de l’Union européenne ne se soit pas améliorée malgré une attitude favorable à son développement au niveau de la politique commune de la pêche (PCP), de l’organisation commune des marchés (OCM) et du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

1.2.

Le CESE constate que la lenteur des démarches administratives pour la pratique de l’aquaculture et l’indisponibilité de sites sont principalement imputables à la complexité de la mise en œuvre des normes environnementales de l’Union européenne, essentiellement la directive-cadre sur l’eau, la directive-cadre «Stratégie pour le milieu marin» et les directives relatives au réseau Natura 2000, par les administrations publiques des États membres et de leurs régions. Cette situation entraîne l’imposition aux entreprises d’aquaculture d’exigences qui les pénalisent très lourdement sur le plan économique et qui, paradoxalement, n’assurent pas une protection accrue de l’environnement.

1.3.

Le CESE invite la Commission européenne à remplir pleinement ses obligations de coordination des compétences partagées en matière d’aquaculture, en incluant dans cette démarche la simplification des formalités administratives et en y associant les services des administrations publiques nationales et régionales dotés de compétences en matière d’aquaculture.

1.4.

Le CESE demande à la Commission de veiller à ce que les États membres utilisent les lignes directrices sur l’application des dispositions environnementales, en tant qu’instrument essentiel pour réduire les charges administratives inutiles, tout en assurant la préservation de la qualité des eaux et des écosystèmes.

1.5.

Le CESE souligne qu’aussi longtemps que les problèmes liés aux procédures administratives et à la disponibilité de sites ne seront pas résolus, l’aquaculture de l’Union ne pourra pas tirer adéquatement profit des fonds disponibles dans le cadre du FEAMP, comme ce fut également le cas avec l’ancien Fonds européen pour la pêche (FEP). Par ailleurs, il est préoccupant que les mesures de réduction du déficit budgétaire mises en œuvre dans les États membres puissent mettre fin au financement d’initiatives en matière d’aquaculture durable qui pourraient être source de développement et d’emploi.

1.6.

Le CESE demande instamment à la Commission de mettre en place de toute urgence le conseil consultatif de l’aquaculture et de contribuer activement à son fonctionnement efficace. Pour que ce forum soit efficace, il faut qu’y participent à la fois les acteurs concernés et les administrations publiques européennes et nationales, mais aussi et surtout que la Commission elle-même contribue à ses travaux.

1.7.

Le CESE demande instamment à la Commission que, conjointement avec les États membres, elle procède à un suivi scrupuleux des plans stratégiques nationaux pluriannuels en matière d’aquaculture, en vue de savoir dans quelle mesure ils atteignent leurs objectifs, et qu’elle veille à ce qu’y soient associés tous les services des administrations publiques nationales disposant de compétences dans le domaine de l’environnement.

1.8.

Le CESE attire l’attention de la Commission sur le fait que les années à venir seront décisives pour l’avenir de l’aquaculture dans l’Union européenne. L’effort qu’elle a consenti pour établir un cadre réglementaire favorable à l’aquaculture durable pourrait être vain si la situation dans ce secteur ne fait pas l’objet d’un suivi rigoureux et si les goulets d’étranglement actuels ne sont pas éliminés, lesquels, ainsi qu’il a été indiqué, se situent au niveau des services des administrations publiques des États membres qui n’ont pas été associés à l’élaboration des plans stratégiques nationaux pluriannuels en matière d’aquaculture.

2.   Contexte

2.1.

Les règlements qui régissent actuellement la PCP et l’OCM dans le secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture confèrent une importance sans précédent au développement durable de l’aquaculture dans l’Union européenne.

2.2.

Le FEAMP dispose d’un budget spécifique pour le développement de l’aquaculture durable, doté d’une enveloppe généreuse de 1 200 millions d’EUR pour la période 2014-2020.

2.3.

Ces dernières années, le CESE a élaboré deux avis relatifs à l’aquaculture (1)  (2). Ces deux avis mettent en avant l’importance de cette activité pour l’Union européenne et invitent les États membres et la Commission à promouvoir une aquaculture responsable et durable.

2.4.

La Commission a publié en 2013 des orientations stratégiques pour le développement durable de l’aquaculture dans l’Union européenne. Ces lignes directrices avaient pour objet de guider les États membres en vue de la définition d’objectifs nationaux dans ce secteur, en tenant compte de leurs situations de départ respectives, des conditions prévalant au niveau national et des dispositions institutionnelles.

2.4.1.

Entre autres propositions, les lignes directrices recommandaient aux États membres d’élaborer des plans stratégiques nationaux pluriannuels en matière d’aquaculture fixant des objectifs communs et, si possible, de définir des indicateurs pour mesurer les progrès accomplis vers la réalisation de ces objectifs. Ces plans stratégiques devaient servir à améliorer la compétitivité du secteur aquacole et à soutenir son développement au moyen de l’innovation, ainsi qu’à stimuler l’activité économique, à promouvoir la diversification, à améliorer la qualité de la vie dans les régions côtières et rurales et à garantir aux opérateurs du secteur de l’aquaculture des conditions équitables quant à l’accès à l’espace marin et terrestre.

2.4.2.

Tous les États membres dans lesquels l’aquaculture est pratiquée ont présenté en 2013 des plans stratégiques nationaux pluriannuels. La plupart des mesures et des actions proposées dans ces plans ont par la suite été intégrées dans les programmes opérationnels respectifs en vue de leur financement par le FEAMP, ce qui devait faciliter la mise en œuvre de ces mesures et actions.

2.5.

La nouvelle PCP prévoit la création d’un conseil consultatif de l’aquaculture, qui doit prendre le relais de l’ancien comité consultatif de la pêche et de l’aquaculture (groupe II: Aquaculture). Ce conseil aura pour mission de faciliter le débat sur des questions pertinentes pour l’aquaculture et de soumettre des recommandations et des suggestions aux institutions européennes. Parallèlement, un conseil consultatif des marchés est en train de se constituer, dont la mission est d’assurer une commercialisation plus appropriée des produits de l’aquaculture, en plus de ceux de la pêche.

3.   Observations générales

3.1.

Selon les estimations de la FAO, il serait nécessaire que la production mondiale de denrées alimentaires augmente d’environ 70 % d’ici à 2050 pour nourrir les 9 milliards de personnes que compterait alors notre planète. Cette organisation attache une importance particulière à l’aquaculture en tant que source de nourriture disposant d’un potentiel de croissance et recommande sa promotion en tant que pourvoyeuse de denrées alimentaires, d’emplois et de richesse.

3.2.

La consommation de poisson et d’autres aliments d’origine aquatique est recommandée compte tenu de la valeur nutritionnelle de ces denrées et de leur importance pour la préservation d’une bonne santé. Offrir à la population l’accès à une alimentation suffisamment riche en produits aquatiques est une priorité sociale. La consommation annuelle par habitant de produits aquatiques dans l’Union européenne est approximativement de 23,9 kilogrammes et est en légère progression.

3.3.

Le CESE constate un déficit de la balance du commerce extérieur de l’Union européenne en ce qui concerne les produits d’origine aquatique destinés à la consommation humaine. Dans le marché intérieur, la demande annuelle de produits aquatiques est de 13,2 millions de tonnes environ, dont 10 % seulement proviennent de l’aquaculture de l’Union européenne, tandis que 25 % sont issus de la pêche extractive et 65 % des importations. La part des importations est allée en augmentant, même si elle s’est stabilisée au cours des dernières années. En tout état de cause, cette situation traduit un profond déséquilibre qui place l’Union européenne en position de faiblesse quant à sa sécurité alimentaire présente et future.

3.4.

Dans l’Union européenne, la production annuelle de l’aquaculture s’élève à 1,2 million de tonnes. 65,4 % de cette production proviennent de l’aquaculture marine et 34,6 % de l’aquaculture en eau douce. Sa valeur en première vente est d’environ 4 milliards d’EUR. Les modes de production sont variés, allant des systèmes traditionnels dans des lagunes ou des bassins, à d’autres plus complexes techniquement, notamment ceux localisés dans des réservoirs, dans des cages en pleine mer ou dans des installations de recirculation.

3.5.

Le règlement FEAMP a été approuvé et publié en mai 2014. Les programmes opérationnels des États membres relatifs au FEAMP n’ont été définitivement adoptés par la Commission qu’à l’automne 2015, soit avec un an et cinq mois de retard.

3.5.1.

La Cour des comptes européenne a publié en 2014 une étude sur l’efficacité du soutien à l’aquaculture apporté par l’ancien FEP. La Cour a conclu dans cette étude que le FEP n’avait pas soutenu efficacement le développement durable de l’aquaculture. Elle a considéré qu’à l’échelon européen, les mesures de soutien n’avaient pas été bien conçues ni contrôlées et qu’elles n’avaient pas fourni un cadre suffisamment clair pour le développement de l’aquaculture. Au niveau des États membres, les mesures d’aide n’ont pas été conçues et appliquées de manière appropriée, tandis que les plans stratégiques nationaux et leurs programmes opérationnels n’ont pas fourni une base suffisamment claire pour la promotion de l’aquaculture.

3.6.

L’aquaculture dans l’Union européenne fournit actuellement quelque 85 000 emplois directs, mais ce chiffre stagne. Le CESE évalue positivement l’estimation de la Commission selon laquelle toute augmentation d’un point de pourcentage de la consommation de produits aquacoles dans l’Union européenne entraînerait la création de 3 000 à 4 000 emplois à temps plein. Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’industrie auxiliaire de l’aquaculture, la transformation et les activités complémentaires représentent environ 200 000 emplois indirects.

3.7.

Le CESE apprécie le fait que les États membres aient élaboré et présenté à la Commission leurs plans stratégiques nationaux pluriannuels en matière d’aquaculture. Il considère cependant que la participation des acteurs économiques, environnementaux et sociaux à cette élaboration n’a pas été suffisante face à l’intervention des administrations publiques et, parmi ces dernières, face au rôle joué par les administrations directement compétentes en matière d’aquaculture.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE constate que le déséquilibre de la balance du commerce extérieur de l’Union européenne en ce qui concerne les produits aquatiques n’est pas acceptable, ni d’un point de vue économique, en raison du déficit commercial qu’il induit, ni d’un point de vue social, compte tenu des possibilités d’emploi qui restent ainsi inexploitées.

4.2.

Le CESE observe qu’après avoir marqué le pas jusqu’en 2000, la croissance de la production aquacole de l’Union européenne ne parvient pas à reprendre, en dépit des efforts consentis par les différentes institutions européennes, nationales et régionales. Les volumes produits stagnent encore, malgré une légère reprise de leur valeur ajoutée commerciale.

4.3.

Les raisons pour lesquelles l’aquaculture de l’Union européenne connaît une situation de blocage, alors qu’elle continue de croître à un rythme élevé dans le reste du monde, ont été correctement décrites par la Commission dans ses orientations stratégiques de 2013 pour le développement durable de l’aquaculture dans l’Union européenne. Les deux principales raisons invoquées concernaient la complexité des démarches administratives à accomplir pour pouvoir exercer cette activité et les difficultés rencontrées pour accéder légalement aux sites d’exploitation ou pour les étendre.

4.4.

Le CESE reconnaît les efforts déployés par la Commission pour aider les administrations nationales et régionales à mettre en œuvre la législation européenne en matière d’environnement sans imposer de charges inutiles aux aquaculteurs. Des lignes directrices relatives à l’aquaculture, aux zones Natura 2000 et à la directive-cadre sur l’eau ont été publiées à cette fin, et celles ayant trait à leur relation avec la directive-cadre «Stratégie pour le milieu marin» sont en voie d’élaboration. Cependant, il déplore que ces lignes directrices soient méconnues et qu’elles ne soient pas appliquées par les administrations nationales et régionales dotées de compétences dans le domaine de l’environnement.

4.5.

Le CESE constate qu’en raison du retard pris dans l’adoption du règlement FEAMP et des programmes opérationnels nationaux, les opérateurs des États membres ne pourront commencer à bénéficier des fonds du FEAMP qu’à la fin 2016 dans le meilleur des cas, ce qui représente un retard de près de trois ans.

4.6.

Il ressort de rapports tels que celui publié par la Cour des comptes en 2014 que le développement durable de l’aquaculture a été freiné par l’absence d’une planification appropriée de l’espace maritime, associée à la complexité des procédures d’autorisation. La Cour a également confirmé que les principaux objectifs de croissance du secteur aquacole n’ont pas été atteints à ce jour et que celui-ci a connu de nombreuses années de stagnation.

4.7.

Le CESE note avec satisfaction que le budget consacré par le FEAMP au développement de l’aquaculture durable est pratiquement trois fois plus élevé que celui prévu par l’ancien FEP.

4.7.1.

Le CESE souligne les difficultés rencontrées par les États membres qui sont les principaux producteurs de l’Union européenne dans le domaine de l’aquaculture pour contribuer au cofinancement du FEAMP, du fait des restrictions budgétaires découlant de leur obligation de respecter leurs engagements en matière de réduction du déficit.

4.8.

Le CESE reconnaît la nécessité absolue de disposer d’un forum européen associant l’ensemble des acteurs concernés, à l’instar de l’ancien comité consultatif de la pêche et de l’aquaculture, afin de discuter de la situation de l’aquaculture et de soumettre aux institutions européennes et nationales des recommandations consensuelles. En conséquence, il accueille favorablement le nouveau conseil consultatif de l’aquaculture (CCA), qui assure une large représentation des acteurs économiques, sociaux et environnementaux, ainsi que des chercheurs et des consommateurs. Il regrette toutefois le retard pris dans sa création et son lancement, qui s’est traduit par une interruption de trois ans entre la fermeture du premier et l’entrée en fonction du second.

4.8.1.

Le CESE est préoccupé par le fait que le niveau de participation de la Commission au nouveau CCA ne soit pas le même que dans le cadre de l’ancien comité consultatif. La raison en est que c’est la Commission elle-même qui dirigeait le secrétariat exécutif du comité consultatif, tandis que dans le nouveau CCA, le secrétariat sera complètement externe à la Commission. Cela pourrait affecter aussi bien sa capacité à mobiliser les administrations publiques européennes qu’à diffuser les recommandations. Le CESE s’inquiète du fait que la Commission pourrait être considérée comme un simple participant au CCA, alors qu’elle doit continuer à y jouer un rôle de premier plan.

4.9.

Le CESE constate que les plans stratégiques nationaux pluriannuels en matière d’aquaculture des États membres n’ont pas encore abouti. Par ailleurs, pour la plupart d’entre eux, les mécanismes de suivi des résultats ne sont pas mis en œuvre.

4.9.1.

Le CESE constate que, jusqu’à présent, les faibles résultats de la mise en œuvre des plans stratégiques nationaux pluriannuels pour l’aquaculture tiennent au fait que les goulets d’étranglement qui font obstacle au développement durable de l’aquaculture ne sont pas traités avec suffisamment de rigueur. Ces obstacles se situent pour la plupart au niveau des services des administrations publiques des États membres qui n’ont pas participé à l’élaboration des plans stratégiques et qui, de ce fait, ne les connaissent pas. C’est pourquoi la participation active de ces services à la mise en œuvre des plans stratégiques est une nécessité.

4.10.

Le CESE demande à la Commission d’inviter les administrations publiques des États membres et de leurs régions à tenir compte, dans l’application des dispositions environnementales européennes, du développement durable, avec ses trois composantes: environnementale, sociale et économique, à la lumière également de la nécessité d’améliorer la sécurité alimentaire de l’Union.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur le thème «Construire un avenir durable pour l’aquaculture. Donner un nouvel élan à la stratégie pour le développement durable de l’aquaculture européenne» (JO C 18 du 19.1.2011, p. 59).

(2)  Avis du CESE sur les «Orientations stratégiques pour le développement durable de l’aquaculture dans l’Union européenne» (JO C 67 de 6.3.2014, p. 150).


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/78


Avis du Comité économique et social européen sur «La nouvelle organisation du marché de l’électricité et ses incidences potentielles sur les consommateurs vulnérables»

(avis exploratoire)

(2017/C 034/12)

Rapporteur:

Vladimír NOVOTNÝ

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 14 mars 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

Avis exploratoire

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

146/66/43

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient l’idée de base d’une nouvelle organisation du marché de l’électricité de l’Union européenne. Cette dernière est nécessaire afin d’assurer un système stable d’approvisionnement en électricité au service des objectifs de l’union de l’énergie. La conversion qu’il conviendra d’effectuer à moyen voire à long terme au niveau de la production et de la commercialisation de l’électricité afin d’obtenir des structures plus décentralisées ainsi que la réalisation des objectifs fixés par la directive de l’Union européenne sur les «sources d’énergie renouvelables» rendent nécessaire une conception entièrement nouvelle du marché de l’électricité. À cet égard, le CESE fait état de ses avis TEN/577, TEN/578 ainsi que TEN/583, dans lesquels il a exprimé son point de vue en la matière, mais également sur le rôle futur des consommateurs, des prosommateurs et des nouveaux acteurs du marché.

1.2.

De l’avis du CESE, les réseaux de distribution dits «intelligents», combinés avec des compteurs intelligents et les technologies de stockage, constitueront à moyen et à plus long terme une autre composante significative de la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Ces réseaux et ces technologies de commande et de stockage intelligents peuvent alors produire des effets favorables s’agissant tant d’optimiser la consommation d’électricité que de l’économiser.

1.3.

Le CESE attire l’attention sur les possibilités de réduction de la pauvreté énergétique que représentent les petits producteurs-consommateurs («prosommateurs»), mais aussi d’autres modèles nouveaux tels que celui des coopératives d’énergie. Afin de les intégrer pleinement dans le marché de l’énergie, le Comité considère qu’il est entre autres indispensable d’éliminer les obstacles administratifs et tout autre obstacle superflu qui entravent leur activité et de favoriser leur accès aux réseaux de distribution sur la base des conditions qui prévalent sur le marché en matière de financement de l’exploitation desdits réseaux.

1.4.

Le CESE estime que le recours à des commandes intelligentes de régulation dans les foyers dits «intelligents» constitue également une composante importante de la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Leur utilisation conduira à accroître le rôle actif que joueront les ménages lors de leur pleine intégration à la nouvelle organisation du marché de l’électricité et à réduire les risques de pauvreté énergétique. Ces changements importants seront facilités par des programmes de formation incitatifs à l’intention de larges pans de la population, ainsi que par le soutien à leur mise en œuvre auprès de la catégorie des ménages vulnérables et des autres clients vulnérables sur le marché de l’énergie, comme par exemples les petites et moyennes entreprises (PME).

1.5.

Le CESE est convaincu que tous les changements escomptés de la nouvelle organisation du marché de l’électricité sont conditionnés par le fait que ce nouveau marché fournira des indications de prix (prix de vente) à court terme et des signaux de prix (coûts de revient) à long terme qui soient corrects, qui permettront et favoriseront de vastes activités d’investissement dans le secteur de l’énergie électrique de l’Union européenne. En l’affaire, il est également indispensable que les prix reflètent pleinement les coûts réels, c’est-à-dire qu’ils incluent aussi les «coûts externes».

1.6.

L’évolution des marchés de l’électricité a conduit au cours des dernières années à une réduction sensible des prix de gros, dont les consommateurs les plus modestes et les PME n’ont cependant pas encore bénéficié, car les prix qui leur sont appliqués ont davantage monté que baissé.

1.7.

En concevant habilement le marché de l’électricité, en lien avec des investissements stratégiques dans les installations auxquels sont aussi, et tout particulièrement, associés les citoyens socialement défavorisés, par exemple sous la forme de coopératives d’énergie, il sera possible à l’avenir de lier politique énergétique, politique sociale et valeur ajoutée régionale.

1.8.

Pour ce faire, les instances politiques doivent répondre sans ambiguïté à la question de savoir qui devrait, a le droit et/ou peut produire et commercialiser de l’électricité dans le cadre d’une future production plus décentralisée. Cette réponse revêt également une importance capitale pour résoudre le problème de la pauvreté énergétique.

1.9.

À ce titre, l’on peut citer l’exemple de la voïvodie de Podlachie, en Pologne, où on lance actuellement un programme de subventions pour de petites installations photovoltaïques. Il est possible d’y réduire de moitié les coûts de l’électricité que supportent les consommateurs grâce à un taux de subvention des investissements de 60 % et au système de facturation nette que la Pologne prévoit de mettre en place.

2.   Introduction

2.1.

Le 14 mars 2016, la présidence slovaque du Conseil de l’Union européenne a adressé une lettre au CESE lui demandant d’élaborer un avis sur la dimension sociale de la nouvelle organisation du marché de l’électricité dans la dynamique du développement économique et social.

2.2.

Dans sa demande, la présidence slovaque fait observer que la nouvelle organisation du marché de l’électricité est porteuse de possibilités pour les consommateurs pour autant qu’on leur offre une manière plus proactive d’interagir avec le marché. Outre les incidences que pourrait avoir une éventuelle augmentation des prix de l’électricité sur la compétitivité de l’industrie de l’Union, il est toutefois indispensable de prendre en compte les dangers éventuels qu’elle pourrait représenter pour les clients socialement vulnérables.

2.3.

Dans nombre de ses avis antérieurs (1)  (2), le CESE a procédé à un examen approfondi de l’évolution escomptée du marché de l’énergie, et il estime que les recommandations et conclusions qu’il a adoptées n’ont rien perdu de leur actualité. Aussi le présent avis s’attache-t-il aux risques, tout comme aux opportunités, que la nouvelle organisation du marché de l’électricité peut représenter pour les catégories de population socialement vulnérables et aux manifestations spécifiques de la pauvreté énergétique en lien avec la possibilité d’accéder à l’énergie électrique.

3.   La vision de la nouvelle organisation du marché de l’énergie

3.1.

La nouvelle organisation du marché de l’électricité fondée sur les principes de durabilité doit avoir pour rôle essentiel de garantir à tous les consommateurs un approvisionnement en électricité sûr et à un prix abordable et compétitif.

3.2.

Le cadre stratégique de l’Union européenne pour une union de l’énergie vise les objectifs stratégiques essentiels suivants:

la sécurité énergétique, la solidarité et la confiance,

un marché intérieur de l’énergie pleinement intégré,

la contribution de l’efficacité énergétique à la modération de la demande d’énergie,

la décarbonisation de l’économie,

une union de l’énergie au service de la recherche, de l’innovation et de la compétitivité.

3.3.

Les principaux traits du cadre stratégique du marché de l’électricité sont:

la transition vers des systèmes énergétiques à faible intensité de carbone,

l’intégration rentable des énergies renouvelables intermittentes,

l’abandon des centrales électriques conventionnelles pour passer à la production décentralisée d’une électricité issue d’énergies renouvelables,

l’évolution du rôle des consommateurs sur le marché de l’électricité,

une sécurité et une fiabilité accrues de l’approvisionnement en électricité.

3.4.

L’évolution du rôle que jouent les consommateurs sur le marché de l’électricité devrait occuper une place éminente dans la nouvelle organisation de ce marché (3).

4.   La pauvreté énergétique et la prévention de son apparition

4.1.

Dans un passé récent, le CESE a adopté une série d’avis sur la problématique de la pauvreté énergétique, notamment l’avis TEN/516 sur le thème «Pour une action européenne coordonnée pour prévenir et combattre la pauvreté énergétique» (rapporteur: M. Coulon, 2013) (4), qui a fait l’objet de travaux détaillés d’analyse à l’échelon national, par exemple de la part du Conseil économique et social de Bulgarie dans son avis proposant des «Mesures pour vaincre la pauvreté énergétique en Bulgarie» (ESC/3/030/2015). Le CESE estime que les recommandations et conclusions formulées dans ces documents n’ont rien perdu de leur actualité et il n’entend pas les répéter ici.

4.2.

La question de la pauvreté énergétique est également abordée, entre autres, dans les avis TEN/578 sur «Une nouvelle donne pour les consommateurs d’énergie» et TEN/583 sur le thème «Prosommation énergétique et coopératives de prosommateurs d’énergie: possibilités et défis dans les États membres de l’Union européenne».

4.3.

On caractérise la pauvreté énergétique comme un accès limité aux sources d’énergie en raison de l’absence ou du mauvais fonctionnement des infrastructures énergétiques ou comme l’incapacité de payer les fournitures de produits énergétiques. Si les infrastructures menacent de ne pas fonctionner, il est indispensable d’en accroître la capacité ou de créer de nouvelles capacités de manière à garantir la sécurité et la fiabilité de l’approvisionnement en électricité. En l’affaire, même les gestionnaires de réseau ont fini par constater que les installations décentralisées de production, telles que les installations photovoltaïques sur les maisons privées, peuvent contribuer à stabiliser l’approvisionnement à l’échelon régional et bien souvent aussi les réseaux déficients du même échelon.

4.4.

Même si l’on appréhende souvent la pauvreté énergétique par rapport aux consommateurs finals privés, il importe de faire observer que certaines PME y sont également souvent exposées, avec toutes les conséquences qui en découlent pour leur compétitivité.

4.5.

Le plus souvent, la pauvreté énergétique se rapporte à la capacité d’assurer le chauffage des foyers et l’on peut également la rapporter, dans les États méridionaux de l’Union européenne, à la disponibilité d’une climatisation durant les mois chauds en été. La pauvreté énergétique se manifeste spécifiquement par l’incapacité de payer les factures d’électricité. Dans ce cas, l’on recourt à des approches fondées sur une aide directe ou indirecte aux clients vulnérables face à la pauvreté énergétique.

4.6.

L’aide directe aux clients vulnérables est fournie avant tout sous la forme de programmes de subventions à caractère social comme un remboursement direct en espèces ou en nature des paiements, et elle s’ancre dans les systèmes internes de protection sociale à l’échelon de chacun des différents États membres.

4.7.

Dans chacun des différents États membres, le client vulnérable est défini différemment, en fonction de la situation spécifique et des divers systèmes sociaux des États membres.

4.8.

L’aide indirecte est fournie sous la forme de tarifs sociaux ou spéciaux. Actuellement, dix États membres pratiquent des tarifs sociaux, huit États membres ont défini un statut du client vulnérable et seize États membres en tout pratiquent sur leur marché domestique des prix réglementés de l’électricité. Le CESE a exprimé sans ambiguïté son opposition à de tels prix règlementés (voir son avis TEN/578).

4.9.

Il sera toutefois possible de réduire les risques de pauvreté énergétique grâce à l’adoption d’une série de mesures compatibles avec la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Il s’agira notamment des éléments suivants:

améliorer l’accessibilité des informations sur les prix de l’électricité proposés par les différents fournisseurs,

supprimer les obstacles au changement de fournisseur de services énergétiques,

renforcer la concurrence et une offre transparente de services énergétiques complexes,

assurer la transparence des contrats, des prix et des factures d’énergie,

former et éduquer les clients avec une forte participation active de leurs municipalités,

éliminer les pratiques commerciales déloyales et les techniques de pression lors de la conclusion des contrats de fourniture d’énergie,

économiser sur la consommation d’énergie et rendre accessibles à chacun les informations sur sa consommation propre, rendre largement accessibles aux ménages et aux autres petits consommateurs les commandes intelligentes de mesure et de régulation,

soutenir l’isolation thermique des appartements et des maisons, rénover et réhabiliter les bâtiments anciens dans le but de réduire les pertes d’énergie,

soutenir les programmes d’incitation et de formation à l’intention des clients vulnérables,

soutenir les initiatives locales de lutte contre la pauvreté énergétique,

prohiber les tarifs excessivement coûteux à l’endroit des clients vulnérables,

accroître l’efficacité et la fiabilité de l’approvisionnement en électricité.

4.10.

L’évolution des marchés de l’électricité a conduit au cours des dernières années à une réduction sensible des prix de gros, dont les consommateurs les plus modestes et les PME n’ont cependant pas encore bénéficié, car les prix qui leur sont appliqués ont davantage monté que baissé.

4.11.

Le CESE souligne que les petits producteurs-consommateurs («prosommateurs») peuvent également jouer un rôle particulier en matière de réduction de la pauvreté énergétique. Afin de réussir à les intégrer dans les marchés de l’énergie, il est donc indispensable d’éliminer au plus vite tous les obstacles administratifs et de leur permettre d’accéder aux réseaux tout en préservant les conditions de marché et en respectant les normes de qualité des fournitures d’électricité.

4.12.

Le CESE estime qu’en dépit de l’application des éléments, conformes aux règles du marché, qui viennent d’être cités en matière d’aide aux clients vulnérables, l’essentiel de la charge de la lutte contre la pauvreté énergétique et ses conséquences continuera même à l’avenir d’être supporté par les systèmes sociaux au sein des États, en ce qu’ils constituent la seule alternative conforme du point de vue du marché.

4.13.

En concevant habilement le marché de l’électricité, en lien avec des investissements stratégiques dans les installations auxquels sont aussi, et tout particulièrement, associés les citoyens socialement défavorisés, par exemple sous la forme de coopératives d’énergie, il sera possible à l’avenir de lier politique énergétique, politique sociale et valeur ajoutée régionale.

4.14.

Pour ce faire, les instances politiques doivent répondre sans ambiguïté à la question de savoir qui devrait, a le droit et/ou peut produire et commercialiser de l’électricité dans le cadre d’une future production plus décentralisée. Cette réponse revêt également une importance capitale pour résoudre le problème de la pauvreté énergétique.

4.15.

Les énergies renouvelables offrent en effet de toutes nouvelles possibilités de faire face à la pauvreté énergétique en tant que problème social. Ainsi, une étude du Centre commun de recherche de la Commission européenne était déjà parvenue en 2014 à la conclusion que 80 % des citoyens européens pourraient eux-mêmes produire, grâce à des installations photovoltaïques, une électricité moins coûteuse que s’ils s’approvisionnaient sur le réseau. Le problème est qu’une partie de la population ne possède pas de toit ou de terrain pour y placer de telles installations. Un élargissement de la définition de la notion de «prosommateur» pourrait y remédier, tout comme une aide aux installations organisées en commun (coopératives d’énergie).

4.16.

Dans une étude publiée tout récemment, CE Delft calcule que d’ici à 2050 jusqu’à 83 % des ménages pourraient produire eux-mêmes l’électricité nécessaire pour couvrir leurs besoins.

4.17.

Un problème important réside souvent dans le fait que les citoyens socialement défavorisés sont précisément ceux qui ne disposent pas des moyens financiers de réaliser les investissements nécessaires. L’«inconvénient» des énergies renouvelables résulte du fait qu’il est tout d’abord nécessaire de réaliser des investissements relativement importants, alors que les frais courants sont par ailleurs très modestes (il est bien connu que le soleil et le vent ne coûtent rien). Ce problème peut être toutefois traité sur le plan politique, notamment grâce à des investissements stratégiques correspondants.

4.18.

À ce titre, l’on peut citer l’exemple de la voïvodie de Podlachie, en Pologne, où l’on lance actuellement un programme de subventions pour de petites installations photovoltaïques. Il est possible d’y réduire de moitié les coûts de l’électricité que supportent les consommateurs grâce à un taux de subvention des investissements de 60 % et au système de facturation nette que la Pologne prévoit de mettre en place.

4.19.

En l’affaire, le Comité invite le Parlement européen, le Conseil et la Commission à traiter également davantage d’évolutions à moyen et à plus long terme qui pourraient être favorables aux consommateurs. L’on peut citer ici l’exemple de la mobilité électrique. On peut prévoir qu’au cours des vingt à trente prochaines années, les voitures électriques seront bien plus présentes sur le marché. Une voiture électrique consomme environ 14 kilowattheures aux 100 kilomètres, ce qui, pour un prix de l’électricité de 0,25 EUR par kilowattheure, représente 3,50 EUR. Un trajet en voiture de 100 kilomètres dans un véhicule doté d’un moteur à combustion, en tenant compte d’une consommation de 7 litres aux 100 kilomètres et d’un prix de 1,20 EUR par litre, revient à une dépense de 8,40 EUR. Pour produire la quantité d’électricité que requiert une voiture électrique pour parcourir 10 000 kilomètres, une installation photovoltaïque comptant à peu près six modules est suffisante sur le papier; au moyen d’un investissement qui s’élève aujourd’hui à 3 000 EUR, une telle voiture pourrait donc être alimentée en électricité (que l’on a produite soi-même) durant vingt ans. Jusqu’à présent, l’on ne débat que trop peu des aspects économiques, aussi bien pour les citoyens que, le cas échéant, pour les régions, qui pourraient être liés à la conversion à la mobilité électrique.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 82 du 3.3.2016, p. 13.

(2)  JO C 424 du 26.11.2014, p. 64.

(3)  JO C 82 du 3.3.2016, p. 22.

(4)  JO C 341 du 21.11.2013, p. 21.


ANNEXE

Le contravis ci-après a été rejeté au profit de l’avis adopté par l’assemblée, mais a recueilli au moins un quart des voix exprimées.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE escompte que la nouvelle organisation du marché de l’électricité, telle que proposée par la Commission européenne en tant que volet du paquet sur l’énergie automne/hiver, conduira à la pleine intégration des sources renouvelables dans le marché commun de l’énergie électrique, ce qui constitue un outil important pour la réalisation des engagements de l’Union européenne en matière de protection du climat.

1.2.

Cette proposition doit avoir pour objectif de garantir la fiabilité et la sécurité de l’approvisionnement en énergie électrique sur le long terme, de conduire à l’élimination des distorsions du marché existantes, tout en conduisant à des prix de l’électricité qui garantiront la compétitivité de l’économie européenne et seront stables et accessibles pour les clients finals, y compris les groupes de population à faibles revenus.

1.3.

Le CESE est convaincu que la nouvelle organisation du marché de l’électricité, dans sa forme définitive, permettra de réduire ou d’éliminer les risques d’effets négatifs potentiels sur la pauvreté énergétique.

1.4.

Le CESE estime que le processus de transformation qui fera évoluer le marché de l’électricité de sa forme actuelle vers une nouvelle organisation du marché de l’électricité sera associé à des risques d’impact potentiel sur les groupes vulnérables de consommateurs d’électricité, notamment les citoyens.

1.5.

De l’avis du CESE, les risques que présente la transformation du marché de l’électricité en nouvelle organisation du marché sont notamment liés à la nécessité de renforcer fondamentalement la puissance des réseaux nationaux de transport d’électricité en 220/440 kilowatts ainsi que l’interconnexion de leurs capacités, d’élargir le rôle des réseaux de distribution au rôle assumé actuellement par les seuls réseaux de transport (par exemple assurer la stabilité du réseau) et de les convertir en systèmes «intelligents», de résoudre le problème du stockage de grandes capacités d’énergie électrique, de décentraliser la production d’électricité, de raccorder la production décentralisée au réseau de distribution et de changer la nature du rôle et du comportement des consommateurs d’électricité sur le marché.

1.6.

Les processus de transformation énumérés ci-avant s’inscrivent sur le long terme: leur réalisation exigera des décennies, de lourds investissements qui devraient atteindre plusieurs centaines de milliards d’EUR ainsi que d’autres coûts comparables liés au développement de nouvelles solutions techniques, qui souvent sont encore inconnues.

1.7.

Pour ce qui concerne la mise en œuvre intégrale des principes du marché, une partie importante de ces coûts sera répercutée sur la composante réglementée du prix de l’électricité, ce qui, lors du processus de transformation, peut conduire à des effets négatifs potentiels menant à la pauvreté énergétique des groupes vulnérables de la population.

2.   Introduction

2.1.

Le 14 mars 2016, la présidence slovaque du Conseil de l’Union européenne a adressé une lettre au CESE lui demandant d’élaborer un avis sur la dimension sociale de la nouvelle organisation du marché de l’électricité dans la dynamique du développement économique et social.

2.2.

Il y a été demandé d’analyser plus largement les facteurs qui influent sur le marché de l’électricité et d’en évaluer l’influence sur l’évolution des prix de l’énergie dans l’Union européenne, de manière que cette évolution soit durable non seulement d’un point de vue environnemental (en matière de protection du climat), mais également sur les plans économique et social, et tout particulièrement de la sécurité et de la disponibilité de l’approvisionnement en électricité.

2.3.

Dans sa demande, la présidence slovaque fait observer que la nouvelle organisation du marché de l’électricité est porteuse de possibilités pour les consommateurs et leur offre une manière plus proactive d’interagir avec le marché. Outre les incidences que pourrait avoir une éventuelle augmentation des prix de l’électricité sur la compétitivité de l’industrie de l’Union, il est toutefois indispensable de prendre en compte les dangers éventuels qu’elle pourrait représenter pour les clients socialement vulnérables.

2.4.

Dans nombre de ses avis antérieurs, le CESE a procédé à un examen approfondi de l’évolution escomptée du marché de l’énergie et il estime que les recommandations et conclusions qu’il a adoptées n’ont rien perdu de leur actualité. Aussi le présent avis s’attache-t-il uniquement aux risques que la nouvelle organisation du marché de l’électricité peut représenter pour les catégories de population socialement vulnérables et aux manifestations spécifiques de la pauvreté énergétique en lien avec la possibilité d’accéder à l’énergie électrique.

3.   Principaux problèmes que connaît actuellement le marché de l’électricité dans l’Union européenne et risques liés à son développement à moyen terme

3.1.

On peut résumer les principaux problèmes que connaît actuellement le marché de l’électricité dans l’Union européenne de la manière qui suit:

le marché de l’électricité subit une distorsion fondamentale,

les investissements d’équipement consacrés aux nouvelles sources d’énergie modulables ne sont pas suffisants,

le développement des infrastructures de transport est négligé au profit de l’essor des sources d’énergie renouvelables,

la sécurité et la fiabilité de l’approvisionnement en électricité connaissent un recul et sont menacées,

il n’y a pas de coordination efficace des politiques énergétiques nationales, sachant que celle-ci devrait toutefois plutôt revêtir le caractère d’une coopération et d’une coordination à l’échelon des régions transnationales sur la base des conditions réelles prévalant sur les marchés existants,

la distorsion du marché de l’électricité s’aggrave en raison d’une intégration inefficace des marchés.

3.2.

Un autre facteur négatif important du dysfonctionnement dont souffrent dans les faits les marchés de l’électricité dans l’Union européenne est lié au fait que certains regroupements majeurs de sources d’énergie renouvelables sont géographiquement éloignés des zones de forte consommation d’électricité; il faut y ajouter l’insuffisance des capacités de transport au sein des États. La production incontrôlée d’électricité, notamment à partir de l’énergie éolienne, donne lieu, lors de pics temporaires, à un acheminement d’électricité vers des États voisins, ce qui provoque ensuite des situations de crise sur les réseaux de transport avec un risque élevé de panne générale.

3.3.

Dans nombre d’États membres, afin de réagir à l’instabilité de l’approvisionnement à partir de sources renouvelables, des systèmes de mécanismes de capacité sont mis en place, accompagnés de certains éléments discriminatoires, tels qu’une orientation vers des technologies de production d’électricité préalablement sélectionnées ou l’exclusion des livraisons transfrontalières. Le nouveau modèle de marché de l’électricité devrait prendre en compte et éliminer les lacunes existantes; cependant, il est tout à fait essentiel d’accroître la qualité des infrastructures électriques de l’Union européenne.

3.4.

Les réseaux de transport des États membres ne garantissent pas la couverture opérationnelle d’une pénurie locale de ressources entre les États membres; il s’avère dès lors problématique de poursuivre dans les circonstances actuelles l’intégration du marché de l’électricité. On compte en Europe un certain nombre de marchés régionaux de l’électricité qui ne coopèrent pas entre eux et dont l’action n’est pas suffisamment coordonnée.

3.5.

Leur interconnexion intervient progressivement conformément à la législation en vigueur (codes de réseau). Pour l’instant, il existe des différences considérables entre ces marchés, que ce soit du point de vue de leur sécurité opérationnelle ou du niveau des prix auxquels sont fournis les produits et les services. Ce processus d’intégration est absolument nécessaire, mais il s’avère qu’il sera très difficile.

3.6.

Nombre d’États membres recourent, en réaction aux problèmes d’intégration des sources renouvelables intermittentes à leurs systèmes énergétiques, à des mécanismes de capacité qui garantissent la fiabilité et la disponibilité de l’approvisionnement en électricité lorsque les sources renouvelables sont hors service du fait de leur dépendance vis-à-vis des conditions naturelles. Ce recours aux mécanismes de capacité prend la forme de marchés de capacité ou celle de réserves stratégiques. Alors que les réserves stratégiques sont par nature neutres pour le marché de l’électricité et qu’il conviendrait de leur accorder la préférence en tant que solution conforme du point de vue du marché, les marchés de capacité présentent le risque d’une distorsion du marché.

3.7.

La dimension prospective de la situation en matière d’énergie ces vingt prochaines années est un facteur important, qui aura une influence sur la forme finale que prendra la nouvelle organisation du marché de l’électricité ainsi que sur, bien évidemment, l’impact pour les clients vulnérables. À cet égard, il est nécessaire de prendre en compte les facteurs suivants:

3.7.1.

En raison de son évolution au cours des dix dernières années, le contexte énergétique dans l’Union européenne appelle une solution urgente fondée sur une réflexion stratégique objective. La fiabilité d’un approvisionnement durable en électricité à un prix acceptable ou abordable ne peut pas en rester seulement au stade des grands discours, mais elle doit être solidement assise sur les trois piliers fondamentaux du développement durable. À elle seule, la rénovation des réseaux exigera vraisemblablement 655 milliards de dollars des États-Unis.

3.7.2.

Au cours de la période 2016-2025, des capacités thermiques installées représentant quelque 150 gigawatts (GW) arriveront en fin de vie dans l’Union européenne, soit un quart des capacités thermiques actuelles de l’Union européenne. Pour préserver le caractère adéquat du système de production d’électricité et l’approvisionnement des consommateurs, cela signifie de construire 100 GW de nouvelles capacités thermiques de puissance stable, sachant que jusqu’en 2035 les sources fossiles compteront pour 200 GW, et ce même dans le cas où se vérifient les hypothèses en matière développement technologique tant dans le domaine de l’efficacité énergétique que dans celui du stockage de l’énergie électrique.

3.7.3.

En l’état actuel du marché de l’électricité, il n’est toutefois pas possible d’investir dans de telles capacités de production et la garantie de la sécurité énergétique exigera des réformes systémiques radicales de manière à entraîner une stricte application des mécanismes de marché accompagnée de retombées favorables sur les prix pour les consommateurs finals.

Le contravis a été rejeté par 141 voix contre, 91 voix pour et 22 abstentions.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

520e session plénière du CESE des 19 et 20 octobre 2016

2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/86


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Normes européennes pour le XXIe siècle»

[COM(2016) 358 final]

(2017/C 034/13)

Rapporteur:

Antonello PEZZINI

Consultation

Commission européenne, 17 août 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

COM(2016) 358 final

Compétence

Marché unique, production et consommation

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2016

Adoption en session plénière

20 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

147/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime qu’une nouvelle vision est essentielle pour organiser un système européen de normalisation (SEN) qui sache s’adapter à des contextes internationaux en évolution constante et puisse être le vecteur d’avantages de plus en plus importants pour les entreprises, les consommateurs, les travailleurs et l’environnement.

1.2.

En sa fonction de «maison de la société civile», le CESE accorde une importance toute particulière à ce que le SEN soit davantage transparent et inclusif, et il revendique le rôle d’anticipation active qui est le sien pour ce qui est de l’orientation stratégique, de la mise en œuvre et de la diffusion des normes, ainsi que du soutien à une culture de la normalisation.

1.3.

Le CESE souligne qu’il importe de renforcer le rôle stratégique de la normalisation technique, afin d’assurer:

des biens et services sûrs, de qualité et affichant de bonnes performances,

un degré toujours plus élevé de protection du consommateur et de l’environnement,

des niveaux d’innovation plus élevés, pour la compétitivité des entreprises.

1.4.

Le CESE se félicite du lancement de l’initiative commune sur la normalisation (ICN), qui réunit les partenaires publics et privés du SEN aux fins de définir une approche commune pour la détermination des priorités, s’agissant de développer des actions conjointes destinées à moderniser et à simplifier l’adoption des normes.

1.5.

Le CESE s’inquiète toutefois du caractère limité des indications pratiques pour la mise en œuvre et de la modestie de la dotation en ressources financières, lesquelles sont cruciales pour convertir une vision commune novatrice en stratégies et actions concrètes de modernisation.

1.6.

Sur ce point, le CESE recommande que le partenariat public-public ICN (1) soit implanté, sur les plans organisationnel et financier, au sein des initiatives technologiques conjointes au titre d’Horizon 2020 (2), avec pour objectif:

d’assurer la réalisation d’objectifs technico-normatifs bien définis dans le secteur de l’industrie, des services et de la consommation,

de parvenir à concentrer mieux et davantage les ressources financières, humaines et cognitives sur des priorités partagées.

1.7.

Le CESE soutient la Commission européenne s’agissant d’élaborer un système intégré et structuré qui aura pour objectif de mettre à exécution une stratégie commune aboutissant à réduire les cloisonnements dans le domaine des normes et de leurs systèmes de programmation.

1.8.

En conséquence, le CESE prône, pour les stratégies d’action normative, un système de gouvernance amélioré, qui tienne compte de la convergence des technologies et de l’informatisation des entreprises et des services, ainsi que des compétences nouvelles et croissantes en matière sociale et environnementale, et qui soit à même d’épauler l’actuel comité technique pour la normalisation.

1.9.

Le dialogue interinstitutionnel européen sur la normalisation doit garantir que tous les acteurs représentatifs puissent jouer un rôle privilégié. Il conviendrait que les groupes permanents d’évaluation et de pilotage soient constitués au sein des institutions de l’Union européenne, en particulier avec le CESE et le Comité des régions (CdR), compte tenu des compétences que leur attribue l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne concernant leur consultation obligatoire.

1.10.

De l’avis du CESE, il s’impose de renforcer, au sein du SEN et des directions générales de la Commission qui sont compétentes en la matière, les capacités d’utilisation coordonnée de l’instrument que constitue la normalisation technique, qui est pertinent pour les différents secteurs, en particulier celui des services.

1.11.

Le Comité juge qu’il est prioritaire d’enclencher une action qui vise à développer une véritable et authentique culture européenne de la normalisation et s’étende des niveaux de base de l’enseignement jusqu’aux décideurs politiques et aux négociateurs d’accords internationaux, en lançant et en soutenant une campagne européenne percutante de sensibilisation.

1.12.

Le CESE souligne que pour être véritablement novatrice, une politique européenne de normalisation devra obéir avant tout au principe de la satisfaction du client, à savoir les citoyens, les entreprises et les travailleurs, et qu’elle devra atteindre des niveaux élevés en matière de sécurité, qualité et efficacité, de création d’emplois et de compétitivité internationale, grâce à une approche équilibrée et souple entre l’établissement de normes et la créativité (3).

2.   Le système de normalisation technique face aux défis européens et mondiaux

2.1.

La normalisation technique joue un rôle déterminant pour le fonctionnement du marché intérieur et la compétitivité internationale des produits et des services, en tant qu’elle constitue un instrument stratégique pour assurer la qualité, le bon fonctionnement et la garantie de sécurité des biens et des services, l’interopérabilité des réseaux et des systèmes, des degrés élevés de protection des entreprises, des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement, ainsi que des niveaux accrus de performance en matière d’innovation et d’inclusion sociale.

2.2.

À la lumière des nouvelles évolutions technologiques, des priorités politiques et des tendances mondiales, notamment s’agissant des services et de la révolution informatique, il est nécessaire de revoir le SEN, afin d’en préserver les nombreux éléments qui ont été une réussite, de pallier ses insuffisances et de veiller à un juste équilibre entre les dimensions européenne et nationale ainsi qu’entre la liberté d’innovation, la créativité et l’interopérabilité technique et normative et, plus généralement, afin de répondre aux nouvelles exigences et attentes des entreprises, des consommateurs, des travailleurs et de la société européenne dans son ensemble.

2.3.

En sa fonction de «maison de la société civile», le CESE est tout particulièrement attaché à ce que le SEN soit davantage transparent et inclusif, et il revendique un rôle toujours plus axé sur l’anticipation en matière d’orientation stratégique, de mise en œuvre et de diffusion des normes, ainsi que de soutien à une culture de la normalisation, en tant que fondement de la réussite des entreprises et des générations futures.

2.4.

Le CESE a toujours soutenu qu’«un processus européen de normalisation rapide, efficace et associant à sa démarche les parties prenantes constitue non seulement un pilier essentiel de l’architecture du marché unique, qui est la clé de voûte de l’intégration européenne et de la stratégie Europe 2020 destinée à la réaliser, mais aussi et surtout un facteur fondamental de la compétitivité de l’économie européenne et un instrument de stimulation de l’innovation» (4). C’est précisément pour cette raison que nous avons besoin de normes claires et transparentes, afin de protéger tant les consommateurs et les entreprises que l’environnement et la société.

2.5.

Les principaux objectifs généraux du SEN consistent, tout en assurant des niveaux élevés de protection des consommateurs, des travailleurs et de l’environnement, à accroître la contribution des normes et du processus de normalisation européenne à la libre circulation des biens et des services dans le marché intérieur, afin de stimuler la croissance et l’innovation et de favoriser la compétitivité des entreprises européennes, et notamment des petites et moyennes entreprises (PME), grâce à des processus d’élaboration plus amples mais rapides, inclusifs et transparents, tant au niveau national qu’au niveau européen, sur la base de critères reconnus tels que ceux prévus dans l’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les obstacles techniques au commerce et dans le règlement (UE) no 1025/2012.

2.6.

Récemment, le CESE a souligné que «la normalisation européenne doit contribuer […] à compléter et à enrichir les processus à l’œuvre dans les économies mondiales», et plaidé pour que «la culture européenne de la normalisation soit plus présente et occupe une place plus importante dans les processus mondiaux de normalisation» (5), notamment grâce à une action de sensibilisation concernant la communication, la facilité d’accès et le coût des contenus.

2.6.1.

Par ailleurs, il est important de maintenir un juste équilibre entre la normalisation et la créativité (6), en offrant, notamment aux artisans et aux petites entreprises, la garantie qu’ils pourront s’exprimer librement et enrichir des produits et services, dans le respect des limites de base fixées par les normes.

2.7.

La normalisation européenne est appelée à jouer un rôle essentiel dans la création et le fonctionnement du marché unique des biens et des services, grâce à l’harmonisation progressive, au niveau de l’Union européenne, de normes nationales qui sont souvent susceptibles de créer des obstacles techniques à l’accès aux marchés des États membres et au commerce et échanges intra-européens.

2.8.

En raison de la convergence des technologies et de l’informatisation de la société, des entreprises et des services publics, la dichotomie traditionnelle entre la normalisation générale et celle du numérique est en train de s’estomper, comme l’a notamment bien montré un autre avis (7) du CESE, si bien qu’il y a lieu de disposer d’une approche cohérente, au sein de la Commission, pour concevoir la normalisation et en définir les priorités.

2.9.

Eu égard aux préférences exprimées par plusieurs acteurs économiques et industriels de l’Union en faveur de normes internationales ISO/CEI, il devient particulièrement important de renforcer le SEN pour garantir que ces normes internationales s’appuient sur une normalisation européenne rapide, efficace et incluant toutes les parties prenantes, en particulier pour ce qui concerne la représentation des petites entreprises, des consommateurs et des autres acteurs concernés.

2.10.

Une intensification du développement de normes européennes volontaires dans le domaine des services serait susceptible de stimuler l’emploi et la croissance, sous la forme de prestations transfrontières renforcées dans ce domaine et d’une intégration accrue des marchés, en ce qu’elle donne la possibilité d’exploiter pleinement le potentiel que le secteur possède pour l’économie européenne tout en préservant et en respectant les conditions de travail et de vie au plan local, et contribue à réduire les obstacles qui résultent de l’utilisation de systèmes nationaux de certification.

2.11.

En réponse à l’évolution rapide des cycles technologiques, à l’accroissement de la complexité et aux interactions accrues dans les systèmes industriels et à l’effacement progressif des frontières entre les produits, les services et les technologies de l’information et de la communication, la Commission a lancé une initiative commune sur la normalisation qui réunit les partenaires publics et privés du SEN, grâce à la définition, que le CESE avait appelée de ses vœux, d’une vision commune partagée et d’une démarche commune de concentration sur une série d’initiatives visant à moderniser, à définir des priorités et à accélérer et à simplifier la procédure d’adoption des normes d’ici la fin 2019, au moyen d’actions dans les domaines suivants:

sensibilisation et formation pour une meilleure compréhension du SEN,

diligence, qualité et alignement des priorités et des plans normatifs sur le cadre de la recherche et de l’innovation,

coordination, coopération, transparence et inclusivité par rapport aux instances de représentation, y compris de taille mineure,

association active et transparente de toutes les parties intéressées à la démarche,

compétitivité et dimension internationale, avec le développement de modèles normatifs communs.

3.   Les propositions de la Commission

3.1.

La communication de la Commission offre une vision assortie d’un programme de normalisation qui prévoit une série d’objectifs de modernisation du SEN:

initiative commune sur la normalisation — ICN: un processus novateur de partenariat entre les organisations européennes et nationales de normalisation, l’industrie et les associations professionnelles, les PME, les associations de consommateurs, les syndicats, les associations de protection de l’environnement, les États membres, l’Association européenne de libre-échange (AELE) et la Commission, avec pour objectif de développer des actions concrètes afin d’accélérer et de rationaliser les travaux de normalisation technique,

normes techniques et réglementaires européennes pour les services: un guide visant à encourager le développement de normes européennes volontaires dans le secteur des services, à réduire les obstacles résultant de normes nationales et des régimes de certification et à améliorer les informations destinées aux prestataires de services,

dialogue interinstitutionnel structuré entre le Parlement européen, le Conseil, la Commission, le CESE et le CdR: un système de rapport annuel et un retour d’information sur la mise en œuvre de la politique de l’Union européenne en matière de normalisation,

présentation de programmes de travail annuels: le programme de travail 2017 établit les priorités annuelles du SEN.

3.2.

La Commission, en particulier dans le secteur des services, entend:

procéder à des analyses des domaines dans lesquels les normes nationales s’opposent ou se chevauchent,

définir des critères pour établir les priorités en matière de normes européennes pour les services,

produire une révision ciblée collectant des informations sur les normes nationales applicables et les pratiques en matière d’autorisations relatives aux normes et certificats,

demander au CEN de recenser annuellement les domaines dans lesquels les normes de service nationales sont susceptibles de s’opposer ou de se chevaucher, ainsi que les lacunes potentielles en matière de développement de normes,

prendre en compte la dimension européenne avant d’envisager l’élaboration d’une norme nationale;

recommander aux États membres d’étudier l’utilisation de normes européennes relatives aux services.

3.2.1.

La Commission propose en outre que les informations sur les normes européennes harmonisées soient plus aisément disponibles, grâce à l’amélioration de l’accès au portail numérique unique proposé dans la stratégie pour le marché unique.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE souscrit lui aussi, une fois de plus (8), à l’idée qu’il est urgent de procéder à une modernisation effective et opérante du SEN, qui est évoquée depuis plus de cinq ans, et estime qu’une nouvelle vision commune et des actions concrètes sont indispensables pour répondre, toujours sur une base volontaire, aux défis mondiaux de la normalisation par un processus novateur de collaboration, fondé sur le consensus, pour mettre au point des normes en temps utile dans un environnement technologique en évolution rapide.

4.2.

De l’avis du CESE, il convient d’enclencher le processus normatif dès les phases de recherche et développement, par des actions de conormalisation et de prénormalisation, et de renforcer les mécanismes de transfert des normes européennes au niveau international, avec le soutien de l’industrie et des organisations représentatives des PME, des consommateurs, des partenaires sociaux, des défenseurs de l’environnement et des acteurs pertinents de la société civile.

4.3.

Afin que les actions de modernisation du SEN, telles que mentionnées dans le document commun de l’ICN, deviennent opérantes et efficaces sur le plan intérieur et international, le CESE estime qu’il faut, en priorité:

aligner les systèmes de programmation, d’élaboration et de suivi des différents cadres européens de référence, en en renforçant la coordination,

mettre en place un cadre pluriannuel renforcé de dotation financière pour les organismes de normalisation européens et leurs composantes nationales, afin que les actions prévues bénéficient d’un suivi concret (9),

encourager, financièrement et sur le plan organisationnel, une participation inclusive des organisations et instances de représentation les plus faibles et les moins bien équipées, au moyen d’actions concernant le développement de normes technico-normatives, la «sensibilisation et formation pour une meilleure compréhension» et l’inclusivité «européenne», ainsi que dans le domaine de la «dimension internationale».

4.3.1.

Sur ce point, le CESE recommande de lancer une initiative de partenariat public-privé au titre des initiatives technologiques conjointes (ITC) d’Horizon 2020, qui emprunte la voie tracée par l’initiative conjointe sur la normalisation et soit assortie d’une enveloppe financière adéquate et d’un dispositif structuré pour définir les stratégies et les priorités.

4.4.

Le CESE s’inquiète également de constater que, hormis le comité «Normes» et les initiatives louables que sont l’initiative commune sur la normalisation et le dialogue structuré, il n’existe pas d’architecture forte et novatrice qui agence les priorités, tant entre les diverses politiques de l’Union européenne et les différentes directions générales qui les mettent en œuvre qu’entre les instruments de programmation.

4.4.1.

De l’avis du CESE, il s’impose dès lors de disposer d’un nouvel organisme de gouvernance pour assurer l’élaboration et le suivi de stratégies d’action normative qui reprennent l’ensemble des différents aspects de la normalisation, de ses volets scientifiques et technologiques jusqu’à ses enjeux sociaux et environnementaux, et qui vienne épauler l’actuel comité technique pour la normalisation.

4.4.2.

Le Comité estime que face aux demandes pressantes du Conseil de mars 2015 à ce sujet, il n’est pas possible de se cantonner dans une démarche de «train-train habituel» si l’on veut répondre à l’urgente nécessité de réaliser des progrès pour moderniser et valoriser vigoureusement le SEN. Le dialogue interinstitutionnel structuré mené au niveau européen sur la question de la normalisation devrait assurer qu’un rôle privilégié d’anticipation soit reconnu aux instances représentatives, dont, en particulier, le CESE et le CdR, compte tenu des compétences que leur attribue l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne concernant leur consultation obligatoire.

5.   Observations particulières

5.1.

Des normes techniques européennes établies rapidement et en temps voulu. Il existe des divergences d’intérêts pour ce qui est de la rapidité et de la difficulté d’appliquer une solution unique applicable dans tous les cas pour réduire les délais nécessaires et les carences dans le suivi des processus. Il est plus important d’agir dans les temps voulus que rapidement, dès lors que la rapidité peut nuire au dégagement d’un consensus.

5.2.

Soutien à la compétitivité des entreprises européennes. Il y a lieu de vaincre les obstacles à la participation des PME aux processus d’élaboration ou de mise en œuvre des normes et de renforcer les liens entre la normalisation, d’une part, et l’innovation et les projets de recherche, d’autre part, notamment grâce à des actions de développement des capacités en faveur des petites entreprises.

5.3.

Soutien à la législation et aux politiques de l’Union. On note une demande croissante de normes pour appuyer la législation et les politiques menées par l’Union européenne afin d’obtenir la normalisation souhaitée: il apparaît nécessaire d’accroître les capacités de coordination intercommunicationnelle entre les divers intervenants et acteurs intéressés.

5.4.

Amélioration des capacités d’anticipation. La nécessité se fait sentir d’accroître les aptitudes à réagir ponctuellement aux besoins d’anticipation normative dans la définition des processus de normalisation européens, afin, notamment, de réduire le risque d’être confronté à l’existence de normes nationales susceptibles d’affaiblir l’efficacité générale du SEN.

5.5.

Inclusivité. Il y a lieu d’améliorer les capacités représentatives des acteurs de la société civile et des organisations de moindre envergure, grâce à des actions de développement des capacités des acteurs concernés. Le CESE a déjà eu l’occasion de souligner «l’importance de faciliter l’accès au processus de normalisation pour les PME et les acteurs sociétaux» et d’insister sur «un suivi approfondi des efforts menés par les acteurs principaux de la normalisation, et ce afin de renforcer la dimension d’inclusivité du SEN» (10). Il convient d’octroyer aux organisations visées à l’annexe III un statut spécifique de membre ou de partenaire, assorti d’obligations et de droits, notamment celui d’émettre des avis.

5.6.

Soutien aux normes européennes au niveau mondial. Il est nécessaire d’agir de manière plus percutante et d’accroître la capacité représentative, la compétence et la cohérence, au premier chef dans le cadre de l’ISO/CEI/UIT, tout particulièrement pour les petites entreprises, les consommateurs et les milieux environnementaux, ainsi que dans les enceintes internationales et pour les accords de libre-échange.

5.7.

Gouvernance. Il y a lieu:

de repenser les structures de gouvernance et de coordination, dans le sens de l’efficacité,

d’améliorer les réseaux interopérationnels de communication de la Commission entourant le processus normatif,

d’harmoniser les méthodes de travail grâce à des structures de programmation transparentes et inclusives reposant sur des partenariats public-privé, ainsi que des mécanismes de dialogue interactif.

5.8.

Soutiens financiers pluriannuels. Il est indispensable de disposer d’un cadre pluriannuel de dotation financière qui soit destiné non seulement à mener une recherche de prénormalisation et de conormalisation (11), à lancer des actions relevant des problématiques «science et société» et «sciences sociales et humaines» et à faire émerger une conscience et une culture largement répandue de la normalisation, mais qui ait également pour visée de soutenir des stratégies et des actions pilotes concrètes en matière normative dans des secteurs de pointe, grâce à l’utilisation du cofinancement dans le cadre général et normatif d’Horizon 2020.

5.9.

Structures et stratégies pour l’avenir. Il y a lieu de réaliser des analyses d’impact des futures normes internationales sur le marché européen et des analyses prospectives sectorielles et intersectorielles. Des évaluations régulières des actions arrêtées et un suivi de l’efficacité de leur mise en œuvre doivent être effectués, avec le recours à des dispositifs spécifiques dans les institutions, par exemple un groupe permanent sur la normalisation au sein du CESE ou des instances analogues au Parlement européen et au CdR.

5.10.

La normalisation comme instrument des politiques de l’Union européenne. Pour toutes les politiques européennes, il s’impose de renforcer, au sein du SEN et des différentes directions générales de la Commission qui sont compétentes en la matière, les capacités d’activation et d’utilisation coordonnée de l’instrument que constitue la normalisation technique, qui est pertinent pour les différents secteurs.

5.11.

Dialogue interinstitutionnel structuré. Le CESE estime que cet instrument doit être totalement interactif et axé sur l’anticipation, tirant parti des activités des groupes permanents au sein des institutions grâce à la participation, dès le début du travail de programmation, du CESE et du CdR, étant donné les compétences que le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (12) leur attribue, en particulier, dans le cas du premier, pour ce qui concerne le marché intérieur, dont la normalisation constitue une partie intégrante.

Bruxelles, le 20 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  En anglais, Joint Initiative on Standardisation (JIS).

(2)  Voir par exemple le partenariat public-public de métrologie.

(3)  Voir l’avis TEN/593 — Priorités pour la normalisation en matière de TIC dans le marché unique numérique (JO C 487 du 28.12.2016, p. 92).

(4)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 69.

(5)  JO C 177 du 18.5.2016, p. 1.

(6)  Voir note 3.

(7)  Voir note 5.

(8)  Voir note 4.

(9)  Voir l’annexe I de l’ICN, à la rubrique de la stratégie du marché unique, 13 juin 2016, Amsterdam.

(10)  «Normalisation européenne pour 2016» (JO C 303 du 19.8.2016, p. 81).

(11)  Voir le programme EMPIR pour la métrologie (2014-2020).

(12)  Voir en particulier l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/93


Avis du du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à contrer le blocage géographique et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2009/22/CE»

[COM(2016) 289 final — 2016/0152 (COD)]

(2017/C 034/14)

Rapporteur:

Joost VAN IERSEL

Consultation

Parlement européen, 9 juin 2016

Conseil de l’Union européenne, 10 juin 2016

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

COM(2016) 289 final — 2016/0152 (COD)

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production, consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

216/3/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la proposition de règlement sur le blocage géographique, tant pour les entreprises que pour les consommateurs, car elle constitue un élément clé de la stratégie pour un marché unique numérique. Ce n’est toutefois qu’une légère avancée qui ne changera pas la donne. Tant les entreprises que les clients, en tant qu’utilisateurs finaux, continueront de se heurter à des obstacles de taille lors des transactions de vente et d’achat au sein du marché unique.

1.2.

Le CESE prie le Conseil et la Commission européenne d’adopter des dispositions juridiques ambitieuses et bien définies afin de réaliser un marché unique numérique favorable aux consommateurs et aux entreprises, qui constitue par ailleurs une condition préalable à l’avènement d’une économie européenne forte sur la scène mondiale. Ces dispositions donneraient également de l’Union européenne une image positive.

1.3.

Il reste à voir si ce règlement permettra réellement de réduire les frustrations des consommateurs. Si le commerce hors ligne traditionnel reste important, le nombre de sociétés actuellement engagées dans le commerce électronique transfrontière est encore assez limité. Or, le potentiel d’achat et de vente en ligne, en particulier entre États membres, est énorme.

1.4.

Il est urgent d’instaurer des conditions de concurrence équitables pour les échanges en ligne et hors ligne. Par conséquent, l’Union européenne doit s’attacher non seulement à mettre un terme au blocage géographique injustifié, mais aussi à démanteler, au sein du marché unique, les derniers obstacles qui découragent les professionnels ou entravent la vente en ligne et/ou hors ligne au-delà des frontières.

1.5.

Il convient de stimuler la confiance des entreprises et des consommateurs et ce en adoptant en parallèle d’autres instruments juridiques. Parmi les principaux, citons un règlement sur la livraison de colis (1), qui vise à limiter les problèmes liés au transport et à réduire les coûts en instaurant des conditions de concurrence équitables, comprenant des dispositions sociales, et qui respecte pleinement la législation de l’Union européenne dans ce domaine, — ainsi qu’une révision équilibrée des règles européennes en matière de droit d’auteur.

1.6.

Le Comité s’oppose au blocage géographique injustifié. Toutefois, il reconnaît qu’il existe un certain nombre de raisons fondées qui justifient que les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et les microentreprises, évitent ou refusent le commerce transfrontière en ligne ou adaptent les prix et/ou les conditions en fonction des différences entre les marchés. Ces dernières consistent entre autres en des environnements juridiques divergents, des exigences nationales supplémentaires, des coûts de transport additionnels, des exigences linguistiques en matière d’informations précontractuelles et des besoins en services postmarché (back office).

1.7.

Le CESE souligne que le blocage géographique justifié résultant de la grande diversité des politiques industrielles et systèmes juridiques nationaux entrave le développement spontané des PME et l’expansion des entreprises opérant à l’échelle européenne. Ces divergences nuisent également à la transparence et à la prévisibilité, deux aspects cruciaux pour stimuler les investissements et rassurer les marchés à l’ère numérique.

1.8.

C’est à juste titre que le règlement proposé n’impose nullement aux professionnels l’obligation de livrer des biens ou de fournir des services dans les pays des clients s’ils ne livrent ou n’exercent pas (encore) d’activités dans les pays en question.

1.9.

Tout client au sein du marché unique est en droit de bénéficier de toutes les offres et peut acquérir un bien ou un service, pour autant qu’il se charge de l’enlèvement du bien ou bénéficie du service sur le territoire au sein duquel le professionnel exerce déjà ses activités, ce qui permet raisonnablement à ce dernier d’appliquer les normes de son pays d’origine.

1.10.

En outre, le CESE se félicite des exigences en matière d’information qui sont imposées aux professionnels dans le but d’accroître la transparence et de permettre aux clients d’être informés, comme le prévoit la directive relative aux droits des consommateurs de 2011. Un site web informatif créé par l’Union européenne pourrait s’avérer utile à cette fin. Conformément à la directive sur les droits des consommateurs de 2011, les entreprises sont tenues de veiller à la transparence des prix. Le CESE encourage les entreprises à viser plus haut que les normes minimales afin de gagner la confiance des consommateurs.

1.11.

Le CESE se réjouit des premières conclusions de l’enquête sectorielle sur le commerce électronique récemment publiée par la Commission (2), qui montrent notamment que le commerce en ligne constitue un facteur clé de la transparence et de la concurrence sur le plan tarifaire. Le blocage géographique injustifié contrecarre cette évolution naturelle.

1.12.

Certains aspects méritent cependant d’être approfondis, et notamment les suivants.

1.12.1.

Il est urgent de reformuler plus clairement le passage consacré au droit applicable: l’article 1er, paragraphe 5, prévoit que les professionnels peuvent «vendre» selon les conditions de leur pays d’origine.

1.12.2.

Les services après-vente (en cas de non-conformité, frais de retour, possibilités de compensation, etc.) ne sont pas expressément abordés par le règlement et sont, par conséquent, régis par la directive relative aux droits des consommateurs de 2011. Le règlement sur le blocage géographique devrait spécifier quelle réglementation de l’Union européenne est applicable. Cela mérite un examen plus approfondi.

1.12.3.

Certaines dispositions majeures, telles que l’article 7 relatif aux sanctions applicables aux violations et l’article 8 relatif à l’assistance aux consommateurs, prévoient que les États membres se chargent de la mise en application du règlement. Il faut s’assurer que les éventuelles divergences d’interprétation n’aboutissent pas à une plus grande fragmentation et, partant, à un affaiblissement de l’impact de ce règlement. Le CESE se félicite de la volonté de la Commission de proposer aux consommateurs un formulaire type européen pour le dépôt de plaintes (3).

1.13.

La date d’entrée en vigueur de l’article 4, paragraphe 1, point b), mentionnée à l’article 11, à savoir, le 1er juillet 2018, ne devrait être fixée qu’ultérieurement, en fonction de la durée du processus législatif.

1.14.

Le CESE soutient la proposition de la Commission concernant un formulaire type uniforme pour le dépôt de plaintes.

2.   Introduction

2.1.

Tant la révolution numérique dans les entreprises que les marchés numériques progressent rapidement dans le monde entier. Compte tenu des conséquences considérables qu’entraîneront ces processus dynamiques, la Commission a décidé avec raison de faire du marché unique numérique l’une de ses principales priorités.

2.2.

Le CESE est également étroitement associé aux discussions sur la transformation numérique. Dans nombre de ses avis, le CESE s’est exprimé sur les aspects généraux et horizontaux de la numérisation et sur des propositions relatives à des questions spécifiques présentées par la Commission (4).

2.3.

De l’avis du CESE, la révolution numérique exige que l’on définisse des bases solides afin de promouvoir le marché unique dans cette ère nouvelle. Ces bases doivent s’inscrire dans un cadre législatif nouveau et/ou révisé adéquat, qui garantisse le respect des droits des citoyens et des consommateurs. En outre, il convient d’encourager les entreprises à utiliser des outils numériques et à trouver des solutions innovantes pour exercer leurs activités au-delà des frontières.

2.4.

Chacune des seize propositions législatives et non législatives qui constituent le train de mesures sur le marché unique numérique doit être pleinement prise en considération dans cette optique. Il en va de même pour la proposition sur le blocage géographique.

2.5.

L’évaluation des pratiques actuelles montre clairement qu’il subsiste de nombreux obstacles aux transactions transfrontières en ligne. Le développement limité du marché au-delà des frontières résulte rarement de pratiques déloyales en matière de segmentation du marché, mais plutôt de l’incertitude des professionnels quant à l’attitude des consommateurs et aux obstacles administratifs persistants, à la divergence entre les cadres réglementaires et aux barrières linguistiques. De telles incertitudes entament également la confiance des consommateurs.

2.6.

Par ailleurs, le manque d’informations contribue au fait que le commerce en ligne (tant l’achat que la vente) décolle à l’échelle nationale, mais ne se développe guère au-delà des frontières.

2.7.

Les activités commerciales transnationales varient aussi fortement selon le secteur, la taille des entreprises ainsi que le type d’opérateur, tel que les détaillants ou les intermédiaires et les sites web, tandis que le volume des échanges internationaux en ligne varie considérablement d’un État membre à l’autre.

2.8.

La situation est complexe. Afin de favoriser les conditions de concurrence équitables indispensables et des solutions transparentes pour les entreprises et les consommateurs, il convient d’introduire le train de mesures sur le marché unique numérique de manière cohérente et, dans le même temps, d’assurer la compatibilité totale des autres textes législatifs portant sur des questions connexes, telles que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la livraison de colis, l’élimination des déchets et les droits des consommateurs.

2.9.

L’évolution économique et technologique est irréversible. De ce fait, les transactions en ligne étant vouées à se développer, il est urgent de mettre en place des conditions de concurrence équitables à l’échelle européenne, tant pour les citoyens que les entreprises.

3.   Un champ d’application étendu

3.1.

Dans ce contexte de bouleversement, les industries, tant dans le secteur manufacturier que celui des services, évoluent en permanence. De nouveaux modèles d’entreprises fondés sur l’économie collaborative font leur apparition et les modes de commercialisation sont adaptés en conséquence. Les services et les médias sociaux ont un impact déterminant sur le développement de nouveaux modes de commercialisation et d’achat de marchandises. Les répercussions sont considérables, tant pour les entreprises que les consommateurs. L’Union européenne doit harmoniser la législation existante et future avec les nouvelles réalités du marché, en faisant preuve de souplesse, de manière à ne pas entraver le développement de nouveaux modèles d’entreprise et d’approches innovantes.

3.2.

Le blocage géographique est incompatible avec un des principes fondamentaux du marché unique. Bien qu’il soit souvent justifié d’appliquer des traitements différents en termes de tarification ou de conditions, du fait, par exemple, de la persistance d’une fragmentation du marché ou de divergences résiduelles entre marchés nationaux, les entreprises, comme les consommateurs, bénéficieront d’un marché ouvert et concurrentiel et, dès lors, d’un choix élargi et d’une meilleure qualité à des prix équitables.

3.3.

L’importance que revêt le commerce électronique B2C (relation directe entre les consommateurs et les entreprises en tant qu’utilisateurs finaux) doit être envisagée dans un contexte plus large. Aujourd’hui plus que jamais, les sociétés sont tenues d’innover et de travailler efficacement, à un coût modéré. De nouvelles avancées repoussent les limites et contribuent à renforcer la solidité et la résistance des entreprises. C’est notamment pour cette raison que le CESE souscrit pleinement à l’objectif de mettre un terme à toute discrimination à l’encontre des clients du fait de leur nationalité et/ou de leur lieu de résidence.

3.4.

Toutefois, la décision de se lancer sur le marché international appartient et continuera à appartenir exclusivement aux entreprises. La pratique montre que la (grande) majorité des sociétés privilégient une approche nationale.

3.5.

L’Europe est toujours à la traîne par rapport aux États-Unis. Les secteurs numériques chinois et indien sont en voie de devenir des acteurs majeurs. Aucune entreprise européenne n’apparaît dans le classement mondial des vingt plus grands opérateurs sur le web. Selon des études internationales, l’Europe est championne en termes de création d’entreprises. Toutefois, la fragmentation du marché européen freine le développement spontané des jeunes pousses et l’expansion des entreprises à travers l’Europe. La segmentation du marché a souvent pour effet de freiner le développement du marché.

3.6.

La Commission fait à juste titre une distinction entre blocage géographique justifié et blocage géographique injustifié. Le blocage géographique justifié dans les échanges commerciaux entre entreprises et consommateurs résulte principalement de la fragmentation du marché de l’Union et de situations peu transparentes.

3.7.

Un effet secondaire très parlant de la lutte contre le blocage géographique est qu’elle met en évidence les (nouvelles) défaillances du marché intérieur. Il est indispensable de procéder à des analyses au cas par cas afin de déterminer s’il existe des éléments justifiant les restrictions d’accès à un service déterminé ou des différences de traitement en termes de prix et/ou de conditions sur la base de la nationalité ou du lieu de résidence.

3.8.

Bien que coûteuse et difficile à réaliser, une analyse du blocage géographique et de l’évolution du secteur au sein d’un marché intérieur aussi vaste que celui États-Unis aurait été extrêmement utile. En effet, l’Europe aurait pu s’inspirer de la situation américaine. Comme en Europe, les différents États qui constituent les États-Unis peuvent disposer de certaines compétences juridiques qui freinent les échanges à l’échelle nationale, mais leur portée est certainement plus réduite qu’en Europe. La liberté d’entreprise et la demande des consommateurs favorisent probablement de manière déterminante le commerce électronique entre entreprises et consommateurs, et créent de la sorte un environnement fertile pour la concurrence, les jeunes pousses en croissance rapide et les sociétés en expansion au sein du marché intérieur américain.

3.9.

Une telle étude pourrait contribuer à se faire une idée de l’évolution future en Europe. Les analyses de la Commission, établies sur la base d’enquêtes menées auprès de professionnels, décrivent les pratiques actuelles sur des marchés à caractère essentiellement national. L’exemple des États-Unis pourrait révéler le potentiel économique réel qu’aurait le commerce électronique entre les entreprises et les consommateurs une fois les principaux obstacles levés.

3.10.

La promotion de la vente transfrontière est à l’ordre du jour de l’Union européenne depuis un certain temps. Une série de directives ont été adoptées, dont la directive relative aux services de 2006 et la directive relative aux droits des consommateurs de 2011. Ces textes mettent l’accent sur la protection des consommateurs et visent à contraindre les entreprises à garantir un minimum de transparence pour ces derniers et à empêcher la discrimination transfrontière non justifiée.

3.11.

Le CESE constate à regret que la mise en œuvre inadéquate et l’application incorrecte de la législation européenne actuelle, ainsi que son respect insuffisant, débouchent souvent sur l’apparition d’obstacles durables.

3.12.

Toutefois, à ce jour, les effets des dispositions juridiques visant à favoriser le commerce électronique par-delà les frontières restent limités. Se fondant sur de vastes études de marché et enquêtes auprès des entreprises et des consommateurs, la Commission conclut que, si le commerce électronique est devenu habituel pour les consommateurs, les achats en ligne à l’étranger restent exceptionnels. Seule la moitié des sociétés de vente en ligne opèrent à l’étranger (5).

3.13.

Le CESE partage le point de vue selon lequel les restrictions transfrontières liées à la nationalité ou au lieu de résidence entament la confiance dans le marché unique et devraient par conséquent être combattues. Si l’on se base sur les résultats de plusieurs enquêtes approfondies, il serait parfaitement fondé de conclure que les consommateurs, comme les entreprises, sont massivement favorables à l’ouverture du marché européen de commerce en ligne entre entreprises et consommateurs. Le Parlement européen est du même avis (6).

4.   État des lieux

4.1.

Afin d’améliorer les échanges transfrontières, la Commission a élaboré un ensemble de mesures couvrant différents domaines, tels que l’immatriculation à la TVA ou les règles de TVA en matière de commerce électronique, la livraison de colis, la réforme du droit d’auteur et la réforme du règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs. Il est également essentiel que les accords verticaux conclus entre fournisseurs et distributeurs et les mesures unilatérales prises par des entreprises individuelles soient pleinement conformes à la politique de concurrence de l’Union européenne.

4.2.

La proposition de règlement sur le blocage géographique fait partie de ce train de mesures. Il convient de noter qu’un certain nombre de secteurs importants ne sont pas couverts par le règlement, par exemple le secteur de la santé/patients, le transport ferroviaire de passagers, les services financiers de détail, la musique au format numérique, les services audiovisuels et certains types de jeux d’argent et de hasard. Cela s’explique par le fait que ces secteurs requièrent l’adoption de dispositions spécifiques, qui, selon le CESE, devraient être mises en œuvre rapidement afin de combler les lacunes de la législation sur le marché unique numérique.

4.3.

Il en va de même pour la question cruciale du droit d’auteur. Si les questions de droit d’auteur sont à juste titre exclues du champ d’application de la présente proposition, bien qu’elles s’y rapportent clairement, le CESE demande instamment à la Commission de prendre des mesures appropriées afin de lutter contre la fragmentation dans ce domaine, d’atténuer les frustrations des consommateurs et de contribuer à construire un véritable marché unique numérique.

4.4.

La synthèse de la consultation publique de 2015 sur le blocage géographique conclut que, de manière générale, tant les consommateurs que les entreprises déplorent la fragmentation actuelle du marché unique. Il semble que les entreprises et les associations d’entreprises acceptent néanmoins la situation actuelle, qu’elles imputent aux divergences entre les régimes juridiques des différents États membres (7).

4.5.

Le CESE fait observer qu’il est important pour les PME que la proposition n’entraîne pas l’obligation de livrer dans toute l’Europe. Toutefois, les PME bénéficieront sans nul doute de l’opportunité (8) de vendre leurs produits et services sur le continent, notamment dans les régions frontalières, alors qu’en tant qu’utilisateurs finaux, elles bénéficient des mêmes droits que les consommateurs, ce qui est utile en cas d’achat de produits et de services dans d’autres États membres. De plus, le CESE souligne que le succès de la mise en œuvre du règlement sur les services de livraison de colis est nécessaire pour soutenir et stimuler le commerce transfrontière.

4.6.

Les divergences entre les systèmes juridiques expliquent partiellement la distinction entre blocage géographique justifié et injustifié. Exception faite du cas des entreprises qui ne souhaitent pas se développer à l’international, les réticences des entreprises par rapport à la suppression du blocage géographique s’expliquent dans une large mesure par l’incertitude liée aux différentes pratiques adoptées à travers l’Europe, qui constituent un obstacle aux échanges internationaux.

4.7.

Le commerce transfrontière fait l’objet de nombreuses plaintes de la part des consommateurs, bien que l’on ne dispose que d’échantillons de taille réduite et qu’une analyse plus approfondie soit souhaitable. Les plaintes portent sur un large éventail de questions, telles que le manque d’information, les restrictions relatives aux livraisons ou le refus de livrer, l’incapacité de fournir des justifications ou explications en cas de refus d’une commande de biens ou de services, le réacheminement, les différences de prix, le rejet de certaines cartes de crédit, les différences appliquées en fonction des adresses de facturation et de livraison ainsi que les langues. Certaines de ces situations s’expliquent par les divergences entre les systèmes juridiques. D’autres, par contre, résultent de dispositions contractuelles ou de pratiques concertées et entraînent une segmentation verticale relativement importante du marché, c’est-à-dire fondée sur des caractéristiques personnelles. Elles doivent être interdites (9). Si l’on entend stimuler le commerce électronique transfrontière au profit des consommateurs, des entreprises comme des citoyens, il est essentiel de renforcer la confiance des consommateurs et des entreprises à l’égard des marchés en ligne.

4.8.

Au même titre que l’application d’un traitement différent en termes de prix, de conditions, ou d’autres aspects des services fournis au même moment et au même endroit (par exemple par le repérage des adresses IP ou le profilage), le blocage géographique injustifié devrait être interdit. Rien ne justifie une différence systématique de traitement pour des services tels que ceux proposés par les loueurs de voitures, les hôtels et les parcs de loisirs. Cependant, il convient d’autoriser les variations de prix ou les promotions appliquées pendant une durée limitée, par exemple lors des vacances scolaires, c’est-à-dire sur une base temporaire et horizontale.

4.9.

Les restrictions imposées par contrat aux ventes transfrontières se traduisent de diverses manières et les restrictions territoriales contractuelles concernent toutes les catégories de produits (10). Néanmoins, certaines restrictions apparemment injustifiées sont en fait acceptables, comme dans l’exemple courant de la tarification variable. La Commission évoque à juste titre l’existence d’une zone d’ombre (11) dans ce contexte. Ainsi, les différences de prix peuvent, du moins en partie, s’expliquer par la diversité des marchés et des catégories de consommateurs ciblés, et par des coûts plus élevés occasionnés par des réglementations nationales et conseils juridiques différents ou additionnels, les services de paiement ainsi que la gestion des livraisons et des retours (12).

4.10.

Les consommateurs comme les entreprises ont très souvent une perception négative du marché unique et les plaintes relatives aux fausses promesses de ce dernier sont nombreuses. Ces plaintes concernent principalement deux questions connexes: les politiques industrielles et les dispositions législatives divergentes des États membres.

4.11.

Le CESE a, à maintes reprises, critiqué l’existence de vingt-huit politiques industrielles différentes. En effet, la dimension nationale des politiques menées dans ce secteur entrave les échanges au sein de l’Union et, en particulier, limite les opportunités commerciales transfrontières des PME. Dans certains cas, l’absence de coordination et l’hétérogénéité flagrante des politiques nationales sont un obstacle à la planification transfrontière. Les mesures gouvernementales imprévisibles ou arbitraires renforcent encore l’incertitude.

4.12.

Le paysage actuel est très varié: il existe une grande diversité de normes nationales et de systèmes de certification; certains sites web sont bloqués pour empêcher la vente à partir d’un autre pays; les systèmes de paiement sont souvent différents; les exigences linguistiques peuvent constituer des barrières aux échanges; les autorités de surveillance du marché imposent parfois des conditions supplémentaires (13) et les directives européennes sont mal appliquées, voire pas du tout. L’article 20 de la directive relative aux services en constitue un exemple bien connu: les États membres l’ignorent systématiquement, même si, dans ce cas particulier, la procédure de mise en œuvre est assez floue. Tous ces facteurs sont autant de freins à la transparence du marché et aux conditions de concurrence équitables souhaitées.

4.13.

Le marché intérieur est une problématique essentielle, ce que la société en ligne met vivement en lumière. Il rapproche les entreprises et les consommateurs de tout le continent. En un clic, d’innombrables options et choix se présentent à vous. Les offres de solutions spécialisées et sur mesure peuvent être multipliées de manière exponentielle. Il convient toutefois de garder à l’esprit que, même si le marché unique fonctionnait parfaitement, il subsisterait des différences entre les régions.

4.14.

Les barrières artificielles freinent le développement spontané des entreprises, et en particulier des PME. Les entreprises espèrent la mise en œuvre d’actions concertées qui leur permettent de contourner les problèmes ou de surmonter les obstacles afin de conforter leur position sur le marché. Les accords verticaux et horizontaux conclus entre les professionnels et les distributeurs, ainsi que divers types de segmentations du marché généralement considérés comme constituant un blocage géographique injustifié, doivent souvent être envisagés aussi comme des mesures défensives face à ce que les entreprises jugent être des barrières nationales arbitraires. Ainsi, les frais d’envoi et le coût des services après-vente peuvent augmenter de manière inattendue. Une société tenue de livrer en toutes circonstances pourrait éprouver des difficultés à remplir ses obligations en raison de conditions qu’elle ne connaissait pas.

4.15.

Dans certains cas, on recourt aux intermédiaires transfrontières pour gérer les complications qui peuvent survenir entre la société du pays d’origine et les clients résidant dans un autre État membre du fait de la législation nationale. Quelle que soit l’utilité de cette intervention, ces situations ne facilitent généralement pas les relations directes entre entreprises et clients.

4.16.

Il est certain que les blocages géographiques injustifiés doivent être répertoriés et combattus, mais le CESE insiste sur le fait qu’il convient, lors de la mise en place des conditions adéquates, de tirer les conclusions qui s’imposent de l’actuelle fragmentation du marché intérieur qui résulte de la divergence entre les approches nationales.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  L’avis du CESE sur la proposition de règlement relatif aux services de livraison transfrontière de colis complète les propositions avancées dans le présent avis (voir page 106 du présent Journal officiel).

(2)  L’enquête a été publiée en mai 2015 et les premières conclusions rendues publiques le 15 septembre 2016.

(3)  Compte tenu de la diversité des approches nationales, ce ne sera pas chose aisée. Cette proposition fait actuellement l’objet de discussions entre le Conseil et la Commission.

(4)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 86;

JO C 264 du 20.7.2016, p. 57;

JO C 264 du 20.7.2016, p. 51;

JO C 71 du 24.2.2016, p. 65.

(5)  Voir l’analyse d’impact sur le blocage géographique et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement en Europe [COM(2016) 289 final], p. 2. Cependant, la Commission a, à juste titre, constaté dans son document de travail de 2012 sur les services, que les entreprises sont libres de déterminer la zone géographique de l’Union dans laquelle elles entendent opérer, même lorsqu’elles vendent en ligne.

(6)  Voir le chapitre 2 de la résolution du Parlement européen du 19 janvier 2016 intitulée «Vers un acte sur le marché unique numérique» [2015/2147(INI)].

(7)  Synthèse des réponses à la consultation publique de 2015 de la Commission européenne sur le blocage géographique, p. 15.

(8)  Voir l’Alliance européenne des petites entreprises (ESBA).

(9)  Voir également le document de réflexion qui présente les premières conclusions de l’enquête sur le secteur du commerce électronique menée par la DG Concurrence [SWD(2016) 70 final], paragraphe 7.

(10)  Ibidem, paragraphes 98 et 99.

(11)  Ibidem, paragraphe 102. Cette «zone d’ombre» devrait être levée.

(12)  Ibidem, paragraphe 114.

(13)  Voir l’exemple de l’Allemagne.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/100


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs»

[COM(2016) 283 final — 2016/0148 (COD)]

(2017/C 034/15)

Rapporteur:

Bernardo HERNÁNDEZ BATALLER

Consultation

Parlement européen, 9 juin 2016

Conseil, 30 juin 2016

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

COM(2016) 283 final — 2016/0148 (COD)

Compétence:

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

219/4/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) exprime son soutien à la proposition de la Commission européenne, dont elle apprécie aussi bien l’opportunité que le bien-fondé dans la manière dont elle aborde et développe les questions envisagées. À cet égard, il convient de souligner l’extension des avantages attendus de la mise en œuvre de la proposition à tous les acteurs concernés, les consommateurs, les entreprises et les autorités nationales, comme le signale la proposition elle-même.

1.2.

Le CESE exprime également son inquiétude et sa préoccupation concernant le fait que la réglementation de ces matières telle qu’elle figure dans cette proposition est susceptible d’affecter la protection des droits fondamentaux et leur application par les États membres.

1.3.

Par ailleurs, le CESE invite instamment les États membres et la Commission à ce que les règles de procédure communes prévues à l’article 8 de la proposition soient mises en œuvre de manière efficace, conformément aux principes qui régissent une bonne pratique administrative.

1.4.

Enfin, le CESE exhorte la Commission à veiller à assurer une coordination appropriée avec les États membres pour la mise en œuvre des mesures prévues dans la présente proposition et à renforcer la portée des actions coordonnées.

2.   Contexte

2.1.

Le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (1) relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs (ci-après le «règlement CPC») a été approuvé à la suite de l’avis favorable du CESE (2).

2.2.

Le règlement CPC harmonise le cadre de coopération entre les autorités nationales de l’Espace économique européen, de sorte que l’action des administrations chargées de la protection des consommateurs couvre la totalité du champ d’application territorial du marché unique.

2.3.

La législation à laquelle s’applique le règlement CPC figure à l’annexe dudit règlement; cette annexe est mise à jour à chaque fois qu’entre en vigueur une nouvelle législation. Elle comprend à l’heure actuelle vingt directives et règlements dans le domaine de l’acquis de l’Union en matière de droit des consommateurs et de commercialisation de produits et de services.

2.4.

Le règlement CPC vise à garantir le bon fonctionnement des marchés de détail dans l’ensemble de l’Union européenne.

2.4.1.

Le règlement CPC définit les pouvoirs minimaux pour les autorités nationales et leur permet de mettre fin aux infractions transfrontalières.

3.   Évaluation du règlement CPC

3.1.

L’article 21 bis du règlement CPC charge la Commission d’évaluer l’efficacité et les mécanismes de fonctionnement prévus, d’examiner l’inclusion éventuelle d’actes législatifs supplémentaires et, le cas échéant, de formuler une proposition législative en vue de modifier ledit règlement.

3.2.

Après avoir fait réaliser une évaluation externe (3) suivie d’une consultation publique, la Commission a publié un rapport (4) énumérant les facteurs susceptibles de nuire à l’efficacité du règlement CPC:

a)

l’insuffisance des pouvoirs minimaux des autorités pour coopérer de manière efficace et rapide, en particulier dans l’environnement numérique;

b)

l’insuffisance du partage des informations commerciales;

c)

la limitation du mécanisme destiné à lutter contre les infractions commises dans plusieurs pays. Les autorités nationales constatent que, souvent, ont lieu sur leurs marchés simultanément des infractions similaires. Il conviendrait de couvrir les «infractions de grande ampleur» et les infractions «relativement courtes» mais qui sont susceptibles d’avoir des effets nocifs;

d)

la nécessité de modifier l’annexe du règlement CPC afin d’en étendre le champ d’application sur la base des critères suivants:

i)

intérêts collectifs des consommateurs;

ii)

incidence transfrontalière;

iii)

dimension policière et cohérence avec la législation sectorielle et horizontale qui figure en annexe;

e)

aucune obligation juridique supplémentaire ne doit être imposée aux entreprises.

3.3.

En définitive, il était proposé de renforcer les mécanismes de coopération pour la mise en œuvre du règlement CPC et d’appliquer de manière efficace le droit des consommateurs à disposer d’un marché unique fort et dynamique.

4.   La proposition de la Commission

4.1.

La proposition de règlement a pour objectif général d’éliminer les distorsions de concurrence et les obstacles sur le marché intérieur. Elle vise à préserver et à renforcer l’efficacité et l’efficience du système d’application transfrontalière de la législation en matière de protection des consommateurs de l’Union.

4.2.

Elle modernise l’actuel règlement à travers une harmonisation plus poussée, ce qui permettra de résoudre les problèmes susmentionnés et de faciliter l’application transfrontière des dispositions législatives de l’Union européenne en matière de protection des consommateurs au sein du marché unique.

4.3.

La proposition est conforme au principe de subsidiarité, étant donné que la protection des consommateurs fait partie des compétences partagées entre l’Union européenne et les États membres. Par ailleurs, elle est également conforme au principe de proportionnalité, dans la mesure où elle prévoit une série commune de pouvoirs minimaux communs à toutes les autorités compétentes des États membres dans le cadre de son champ d’application.

4.4.

Elle propose, entre autres instruments, dans le cadre de la coopération visant à répondre aux «infractions de grande ampleur», une procédure commune au niveau de l’Union destinée à lutter contre les infractions importantes de grande ampleur concernant au moins trois quarts des États membres et au moins trois quarts de la population de l’Union.

4.4.1.

Il est proposé que la Commission, en cas d’«infraction de grande ampleur», lance une action commune et qu’elle en assure obligatoirement la coordination. La participation des États membres intéressés à cette action commune est également obligatoire.

4.5.

Le chapitre I de la proposition, «Dispositions introductives», comporte une mise à jour des définitions afin de tenir compte de l’élargissement et du champ d’application du règlement aux «infractions de grande ampleur» et aux «infractions ayant cessé».

4.6.

Il présente la marche à suivre pour désigner les autorités compétentes et les bureaux de liaison uniques, et précise le rôle de ces derniers. Il définit en outre les pouvoirs minimaux d’enquête et d’application, clarifie les pouvoirs actuels et ajoute certains pouvoirs nouveaux que les autorités compétentes jugent nécessaires pour agir dans un contexte transfrontalier.

4.7.

Pour sa part, il prévoit un mécanisme d’assistance mutuelle, lequel se compose de deux instruments:

les demandes d’informations, qui permettent aux autorités compétentes d’obtenir des preuves et des informations à l’étranger, et

les demandes de mesures d’exécution, qui permettent à une autorité compétente de demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de prendre des mesures d’exécution.

4.8.

En ce qui concerne la coordination des activités de surveillance, les enquêtes et le mécanisme d’exécution pour les «infractions de grande ampleur», il prévoit des instruments tels que les actions coordonnées, les actions communes contre les infractions de grande ampleur présentant une dimension européenne et les enquêtes concertées sur les marchés de consommation.

4.8.1.

La proposition prévoit la création d’un nouvel instrument en vue de traiter les infractions de grande ampleur de dimension européenne susceptibles de porter préjudice aux consommateurs d’une grande partie de l’Union. Elle définit les seuils déterminant les infractions présumées qui présentent une dimension européenne.

4.8.2.

Ces seuils sont basés sur deux critères, le nombre de pays et la population concernée, qui doivent tous deux être remplis. Le cas échéant, l’action commune est adoptée sous forme d’une décision. L’objectif est de mettre fin à l’infraction et de garantir, si nécessaire, réparation au consommateur grâce aux engagements pris par le professionnel responsable.

4.8.3.

La proposition prévoit des dispositions communes pour les procédures relatives aux actions coordonnées et communes, telles que le droit pour les professionnels d’être entendus, le rôle du coordinateur, la prise de décisions et le régime linguistique. Elle établit également la base juridique pour les enquêtes concertées sur les marchés de consommation (opérations «coup de balai»).

4.9.

Enfin, il existe d’autres activités à l’échelle de l’Union, notamment en matière de coordination sur les autres activités liées à la surveillance et à l’application, l’échange de fonctionnaires entre les autorités compétentes, l’échange d’informations sur la politique des consommateurs et la coopération internationale.

4.9.1.

La proposition comporte une annexe incluant la liste des lois protégeant les intérêts des consommateurs et détermine le champ d’application du règlement ratione materiae.

5.   Observations générales

5.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission, qui implique une coopération renforcée et améliore la sécurité juridique grâce à des mécanismes modernes et efficaces qui permettent de réduire les préjudices causés aux intérêts collectifs des consommateurs et au marché unique par les infractions transfrontières.

5.2.

La proposition est bénéfique pour tous les professionnels qui pâtissent de la concurrence déloyale engendrée par les vendeurs en infraction qui ont élaboré des modèles commerciaux leur permettant d’échapper aux lois et de porter préjudice aux consommateurs d’autres pays.

5.2.1.

Elle permet d’accroître la protection des consommateurs et la sécurité juridique des entreprises, une application transfrontalière plus cohérente et des conditions de concurrence équitables au sein du marché unique, sans qu’il ne soit nécessaire d’imposer des charges disproportionnées aux entreprises.

5.2.2.

Le CESE rappelle qu’en conséquence de ce qui précède, les autorités compétentes, lorsqu’elles exercent les pouvoirs qui leur sont conférés, veillent à trouver un équilibre approprié entre les intérêts fondamentaux en jeu, tels qu’un niveau élevé de protection des consommateurs, la liberté d’entreprise et la liberté d’information. Le CESE insiste sur l’importance de respecter les droits de la défense, le droit d’être entendu et celui d’utiliser la langue de son choix durant la procédure.

5.3.

Non seulement la proposition formule des solutions a priori efficaces et conformes à la portée et à l’importance des infractions de grande ampleur, mais elle comporte également des mesures qui vont dans le sens de la protection effective des droits des consommateurs et des usagers et qui peuvent s’appliquer à des cas qui ne font pas l’objet de la présente proposition.

5.4.

Pour se conformer à l’objet et à la finalité de la proposition, il est nécessaire que les autorités publiques disposent des pouvoirs et des moyens nécessaires leur permettant de coopérer efficacement et d’adopter les mesures en application du règlement. Le CESE est favorable à un accroissement des pouvoirs minimaux d’enquête et d’exécution, et des moyens prévus par la proposition pour les autorités publiques compétentes, tout en tenant compte des différentes traditions juridiques dans les États membres.

5.4.1.

Aux fins de l’efficacité de la mise en œuvre de la législation, l’on soulignera l’importance de la possibilité d’ordonner la restitution des avantages illicites tirés de la commission des infractions, que le CESE avait déjà soutenue (5). La proposition établit à juste titre une distinction parmi les pouvoirs minimaux des autorités compétentes lorsqu’il s’agit de l’indemnisation du consommateur et de la restitution des profits obtenus à la suite de l’infraction.

5.4.2.

En ce qui concerne la publicité des sanctions, il importe que la proposition prévoie une telle possibilité en tant que mesure d’assainissement du marché, afin d’assurer une plus grande transparence de son fonctionnement et de rendre effectif le droit à la liberté de l’information (6).

5.5.

Par ailleurs, la proposition n’aborde pas de mesures à caractère proactif qui seraient susceptibles de contribuer à l’objectif qu’elle poursuit; elle se limite à une approche réactive qui a pour conséquence que dans de nombreux cas, l’effet coercitif ne peut empêcher que l’impact des infractions à compenser ne soit pas celui qui est escompté, en particulier si les procédures communes ou leur efficacité se font attendre.

5.6.

En outre, il y a lieu de revoir la mise en œuvre future du règlement afin d’évaluer son effet sur la correction du marché, étant donné que les sanctions ne sont pas toujours suivies d’une rectification des pratiques irrégulières dans la mesure souhaitable ni de la réversibilité des conséquences de ces dernières, en particulier en ce qui concerne la répétition et la récidive.

5.7.

Une approche plus globale de la proposition relative à l’éradication des irrégularités de grande ampleur pourrait peut-être accroître les garanties de succès, dans lequel la perception et les attentes des consommateurs et des utilisateurs jouent également un rôle prépondérant.

5.7.1.

Par conséquent, la connaissance de ces attentes et l’application concomitante de mesures proactives et réactives, en mettant plus particulièrement l’accent sur la valeur de l’autorégulation et de la corégulation ainsi que de l’action conjointe du consommateur, peuvent mettre en place des synergies conduisant à une plus grande efficience et à une plus grande efficacité de la proposition.

5.8.

Le CESE accueille favorablement la possibilité de participation des organisations de la société civile prévue par la proposition, étant donné qu’une telle mesure favoriserait la bonne gouvernance, la transparence et l’application du principe d’ouverture dans le fonctionnement des institutions de l’Union (7).

5.8.1.

Le CESE considère l’extension du mécanisme d’alertes à la participation d’autres entités comme un facteur clé dans la réalisation des objectifs prévus pour la responsabilité partagée de tous les acteurs.

6.   Observations particulières

6.1.

L’on aurait pu envisager, dans la proposition, la possibilité d’inclure le détail des mesures accessoires ou alternatives à la sanction financière proprement dite.

6.2.

En ce qui concerne la coopération avec les autres autorités publiques et les organismes désignés, il conviendrait d’établir des critères de coordination assurant une intégration uniforme pour la réalisation optimale des dispositions prévues à l’article 6, afin d’empêcher toute divergence ou tout dysfonctionnement dans sa mise en œuvre.

6.3.

De même, il y a lieu de se féliciter du développement de l’article 8, car l’énumération qu’il comporte précise clairement les pouvoirs minimaux dont disposent les autorités compétentes pour agir, ce qui, en attendant que ces dernières se déterminent, peut donner un éventail d’intervention plus large que les dispositions actuellement en vigueur.

6.4.

En tout état de cause, il est capital que les États membres veillent à ce que les autorités compétentes et les bureaux de liaison uniques soient dotés des crédits budgétaires nécessaires au bon exercice de leurs compétences.

6.5.

Le CESE estime nécessaire de veiller à ce que l’élaboration et la mise en œuvre du mécanisme d’assistance mutuelle et des procédures administratives respectent à la lettre les principes tels que la transparence et la simplification administrative.

6.6.

Dans le chapitre relatif à la coordination des actions de surveillance, des enquêtes et au mécanisme d’exécution pour les infractions de grande ampleur, il serait nécessaire d’apporter davantage de clarté afin de faciliter la compréhension et l’adoption immédiate du texte, étant donné la multiplication des circuits et des itinéraires de procédure ainsi que la casuistique qui en découle. Cette remarque vaut également pour les différentes phases de chacune des procédures.

6.7.

Quant à l’article 24, il n’est pas certain que l’acceptation des engagements du vendeur par les consommateurs implique la cessation de toute autre action de réparation engagée, ni qu’elle puisse l’impliquer ultérieurement, même si l’on peut déduire du contenu de l’article 25 que les engagements et l’action répressive s’excluent mutuellement, ce qui pourrait entrer en conflit avec les règles actuelles des États membres dans leur champ d’application territorial.

6.7.1.

De même, il n’est pas certain que l’emploi de formules incompatibles puisse s’appliquer à tous les cas qui se présenteraient, car l’analyse des circonstances spécifiques peut conduire à l’une comme à l’autre et requérir une gradation différente. Peut-être l’ambiguïté peut-elle faire place à une application plus individualisée de la proposition, mais toujours dans l’idée d’éviter des traitements non uniformes.

6.7.2.

Enfin, s’agissant des enquêtes concertées sur les marchés de consommation, il serait souhaitable d’étendre l’enquête comme une pratique administrative à caractère préventif, conformément à ce qui a été exposé ci-dessus, ce qui permettrait d’éviter non seulement l’émergence de situations de risque d’infractions de grande envergure, mais empêcherait également les biais temporaires découlant des actions menées jusqu’alors et permettrait en outre une réaction précoce.

6.8.

Il convient de noter, aux fins d’efficacité et d’efficience, la nécessité d’interopérer les mécanismes de surveillance et d’alertes dans les systèmes déjà mis en œuvre, et même les lier de manière directe, en essayant d’en homogénéiser ou d’en normaliser le fonctionnement intégré.

6.9.

L’on pourrait inclure au chapitre VI un article établissant la procédure pour une communication efficace à la population dans les cas qui l’exigent, en déterminant les critères d’application et leur développement.

6.10.

En ce qui concerne la base de données et le système d’échange d’informations sur les infractions, l’on réitérera ici la remarque formulée à propos du mécanisme de surveillance, s’agissant de la nécessité de rendre interopérables les mécanismes de surveillance et d’alerte.

6.11.

Le CESE considère que le délai pour la présentation du rapport sur la mise en œuvre de cette proposition est trop large et, compte tenu de l’importance des objectifs poursuivis, est d’avis qu’il est nécessaire soit de le réduire, soit de recourir à un système d’évaluation partielle continue, de manière à pouvoir mettre en évidence à un stade précoce tout écart dans son fonctionnement et à adopter, si nécessaire, les mesures appropriées de révision de la proposition et de sa mise en œuvre.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO L 364 du 9.12.2004, p. 1.

(2)  JO C 108 du 30.4.2004, p. 86.

(3)  Rapport final du Consumer Policy Evaluation Consortium du 17 décembre 2012.

(4)  COM(2016) 284 final du 25 mai 2016.

(5)  JO C 175 du 28.7.2009, p. 20, et JO C 162 du 25.6.2008, p. 1.

(6)  JO C 248 du 25.8.2011, p. 87, et JO C 218 du 23.7.2011, p. 69.

(7)  JO C 11 du 15.1.2013, p. 3.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/106


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux services de livraison transfrontière de colis»

[COM(2016) 285 final — 2016/0149 (COD)]

(2017/C 034/16)

Rapporteur:

Raymond HENCKS

Consultation

Parlement européen, 9 juin 2016

Conseil de l’Union européenne, 21 juin 2016

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

COM(2016) 285 final — 2016/0149 (COD)

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

212/0/8

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Différentes études commanditées par la Commission européenne ont démontré que les tarifs de livraison transfrontière de colis, surtout pour les particuliers et les petites et moyennes entreprises (PME), sont parfois près de cinq fois plus élevés que les tarifs pour les envois nationaux, et que ces différences ne peuvent s’expliquer par les coûts de main-d’œuvre ou autres dans le pays de destination. De ce fait, les consommateurs et les détaillants du commerce électronique ne peuvent exploiter pleinement les possibilités qu’offre le marché unique.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît qu’une nouvelle action de la part de la Commission est devenue indispensable afin que tous les détaillants en ligne et les consommateurs, en particulier les personnes privées et les PME dans les zones éloignées, puissent enfin bénéficier de services de livraison transfrontière de colis qui soient à la fois accessibles, de qualité élevée et à des prix abordables.

1.3.

La Commission entend s’attaquer aux tarifs surévalués par le règlement sous avis, qui toutefois ne s’applique qu’aux seuls prestataires du service universel qui fournissent des services de livraison de colis.

1.4.

Le CESE craint que les mesures préconisées par ledit règlement, notamment l’introduction d’une transparence des tarifs et des droits terminaux, la publication d’une offre de référence ainsi qu’une évaluation du caractère abordable des tarifs, dont on ne saurait toutefois mettre en doute la nécessité, risquent, sans mesures supplémentaires, d’être insuffisantes et de ne guère inciter les services de livraison transfrontière de colis concernés à pratiquer des tarifs raisonnables.

1.5.

Le CESE regrette que la Commission reporte d’éventuelles mesures plus contraignantes jusqu’à la fin de 2018, dans l’attente de voir si la situation s’améliore d’ici là. La Commission ne fournit toutefois aucune indication sur ses intentions futures si l’amélioration espérée ne se réalisait pas.

1.6.

Le CESE demande que la Commission, à l’image de ce qu’elle a mis à exécution en matière de prix d’itinérance dans la mobilophonie, adresse, à tout le moins, un dernier appel pressant à tous les services de livraison transfrontière de colis à baisser leurs tarifs, et qu’elle annonce dès à présent que, si tel n’est pas le cas, elle interviendra par une réglementation et par un plafonnement des tarifs.

1.7.

En ce qui concerne l’évaluation des prix abordables, cela fait des années que le CESE demande de clarifier le concept du caractère abordable des services d’intérêt économique général et d’introduire des mesures législatives obligeant les États membres à définir des indicateurs pour déterminer ledit caractère abordable. Il estime donc que les dispositions du présent règlement constituent un premier pas dans la bonne direction, étant entendu qu’une telle évaluation devra, le cas échéant, être suivie des mesures appropriées.

2.   Les services de livraison dans le cadre du commerce électronique

2.1.

La livraison physique des produits commandés en ligne est un des éléments essentiels de la croissance du commerce électronique. Au sein de l’Union européenne, le commerce électronique se développe beaucoup plus lentement à l’échelle transnationale que nationale. Ainsi, en 2014, et à des degrés très variables selon les États membres, à peine 15 % des consommateurs ont fait des achats en ligne dans d’autres États membres, contre 44 % dans leur propre pays.

2.2.

Les tarifs, ainsi que la qualité et les procédures de livraison physique de produits commandés en ligne, ainsi que les conditions d’un éventuel renvoi du colis constituent, entre autres, des facteurs influençant la décision d’un consommateur de passer une commande en ligne. La satisfaction d’un acheteur en ligne dépend donc partiellement de son expérience de livraison. L’accès à des solutions de livraison abordables et performantes est particulièrement important pour les PME, les microentreprises et les consommateurs privés implantés dans les zones isolées ou périphériques.

2.3.

La livraison de colis jusqu’à un poids de 31,5 kilogrammes est, dans de nombreux États membres, un service en pleine expansion. De nombreux opérateurs ont mis au point des solutions susceptibles de mieux correspondre aux attentes de leurs clients, notamment grâce à toute une série de services accessoires tels que l’envoi ordinaire ou différé, express ou la livraison dans la journée, le suivi des envois, la preuve de livraison, le choix du lieu de livraison, le relais colis, l’automate à colis, le recommandé, la valeur déclarée, etc., alors que les envois postaux de moins de 2 kilogrammes, estimés à 80 % des envois générés par le commerce électronique, sont souvent considérés comme «petit paquet» faisant partie intégrante de la poste aux lettres.

2.4.

La livraison de colis jusqu’à 10 kilogrammes, qui peut être portée jusqu’à 20 kilogrammes, est couverte par une obligation de service universel, selon laquelle les États membres doivent veiller à ce qu’il existe, en tout point du territoire et à des prix abordables pour tous les utilisateurs, un service de base national et transfrontière.

2.5.

Le marché du commerce électronique est extrêmement divergent. Il est souvent dominé par quelques grands marchands en ligne, qui produisent chaque jour un très grand nombre de colis et qui, de ce fait, sont très bien armés pour négocier les tarifs et les conditions d’envoi avec les opérateurs de services de livraison de colis, mis sous pression pour concéder des tarifs «négociés» très avantageux et des conditions de livraison spécifiques. Souvent, ces marchands en ligne prennent à leur charge les frais de livraison des colis, même transfrontière. Seuls quelques grands distributeurs de colis peuvent concourir sur ce marché «négocié», aussi bien national que transfrontière, alors que pour ce dernier domaine, il faut en plus avoir accès à un réseau de distribution internationale.

2.6.

Toutefois, ces opportunités n’existent pas à l’heure actuelle ni pour les achats en ligne transfrontières à plus faible volume ou occasionnel ni pour des expéditeurs individuels, y compris de nombreuses PME; les services de livraison ne bénéficient pas de tarifs négociés et n’ont accès à un réseau de distribution international qu’à des prix élevés au point que, en fin de compte, le consommateur final doit souvent payer des prix de livraison surévalués. Dans ces cas, les tarifs de la livraison transfrontière peuvent être trois à cinq fois plus élevés que pour les envois nationaux (1), sans que ces différences puissent s’expliquer par les coûts de main-d’œuvre ou autres dans le pays de destination. Des exemples de prix surélevés et d’écarts substantiels dans les relations bidirectionnelles entre différents États membres sont documentés dans l’analyse d’impact SWD(2016) 166 final de la Commission.

2.7.

La Commission se préoccupe depuis des années de ce problème et a élaboré diverses communications à ce sujet:

COM(2011) 942 final, «Un cadre cohérent pour renforcer la confiance dans le marché unique numérique du commerce électronique et des services en ligne»,

COM(2012) 698 final, «Livre vert — Un marché intégré de la livraison de colis pour soutenir la croissance du commerce électronique dans l’Union européenne»,

COM(2013) 886 final, «Feuille de route pour l’achèvement du marché unique concernant la livraison de colis. Instaurer la confiance dans les services de livraison et favoriser les ventes en ligne»,

COM(2015) 192 final, «Stratégie pour un marché numérique en Europe».

2.8.

Elle entendait mettre au point des solutions susceptibles de mieux correspondre aux attentes des consommateurs.

2.9.

Comme ces démarches n’ont que partiellement abouti, la Commission s’est vue contrainte d’émettre le règlement sous avis appuyé d’un document d’accompagnement [SWD(2016) 167 final], d’une annexe [COM(2016) 285 final] et d’une volumineuse étude d’impact de 289 pages [SWD(2016) 166 final].

3.   Contenu de la proposition de règlement

3.1.

L’amélioration des services de livraison transfrontalière de colis est une des mesures prévues par la «Stratégie pour un marché unique numérique en Europe» visant à promouvoir l’accès des consommateurs et des entreprises aux biens et services numériques dans toute l’Union.

3.2.

Les mesures proposées concernent:

l’amélioration du fonctionnement des marchés, d’une part, en renforçant l’efficacité et la cohérence de la surveillance réglementaire du marché de livraison de colis et, d’autre part, la promotion de la concurrence dans le domaine des services de livraison transfrontière de colis,

l’accroissement de la transparence des tarifs et des droits terminaux, afin de réduire, d’une part, les écarts tarifaires injustifiés et, d’autre part, les tarifs payés par les particuliers et les petites entreprises, en particulier dans les régions reculées,

l’évaluation, par l’autorité réglementaire nationale, du caractère abordable des tarifs de livraison,

l’accès transparent et non discriminatoire aux services et à l’infrastructure nécessaires à la fourniture de services de livraison transfrontière de colis.

4.   Remarques générales

4.1.

Comme les différentes initiatives de la Commission, entre autres, en 2012, le «Livre vert — Un marché intégré de la livraison de colis pour soutenir la croissance économique du commerce électronique dans l’Union européenne» et, en 2013, la «Feuille de route pour l’achèvement du marché unique concernant la livraison de colis. Instaurer la confiance dans les services de livraison et favoriser les ventes en ligne» (2), n’ont obtenu qu’un succès très limité en ce qui concerne les tarifs transfrontaliers, une nouvelle action de la part de la Commission est devenue indispensable, afin que tous les détaillants en ligne et les consommateurs, en particulier les personnes privées et les PME dans les zones éloignées, puissent enfin bénéficier de services de livraison transfrontière de colis qui soient à la fois accessibles, de qualité élevée et à des prix abordables.

4.2.

Selon l’étude de l’université Saint-Louis de Bruxelles, les prix publics des prestataires pour les livraisons de colis payés par les particuliers et les petites entreprises étaient près de cinq fois plus élevés que ceux des envois nationaux, alors que l’étude de Copenhague Economics a constaté que les prix des autres opérateurs sont trois à cinq fois plus élevés que les tarifs nationaux, sans que ces différences puissent s’expliquer par les coûts de main-d’œuvre ou autres dans le pays de destination.

4.3.

Le CESE constate donc que les prix facturés aux particuliers et aux petites entreprises sont surévalués quel que soit le service de livraison des colis. La Commission entend s’attaquer à ce problème en chargeant l’autorité réglementaire nationale d’évaluer le caractère abordable des tarifs de livraison transfrontière.

4.4.

Le CESE approuve que, pour ne pas perdre de temps supplémentaire, la Commission ait recours à un règlement. Il craint toutefois que les mesures préconisées par ledit règlement ne restent que peu efficaces. Se limiter à vouloir introduire une transparence des tarifs et des droits terminaux, la publication d’une offre de référence ainsi qu’une évaluation du caractère abordable des tarifs, dont on ne saurait nullement mettre en doute la nécessité, risque, sans mesures supplémentaires, de ne guère inciter les fournisseurs de services de livraison concernés à pratiquer des prix raisonnables.

4.5.

Le CESE regrette que la Commission reporte d’éventuelles mesures plus contraignantes jusqu’à la fin de 2018, dans l’attente d’un rapport d’évaluation sur l’application du règlement sous avis. Dans ce rapport, la Commission entend évaluer si le caractère abordable des services de livraison transfrontière de colis s’est amélioré et si l’accès de gros transfrontière est accordé de manière transparente et non discriminatoire par les prestataires de service universel qui fournissent des services de livraison de colis. La Commission ne fournit toutefois aucune indication sur ses intentions futures si l’amélioration et l’accès non discriminatoire précités ne se réalisaient pas.

4.6.

Le CESE aurait préféré que la Commission, à l’image de ce qu’elle a mis à exécution en matière de prix d’itinérance dans la mobilophonie, lance, à tout le moins, un dernier appel pressant à tous les services de livraison transfrontière de colis à baisser leurs prix, et qu’elle annonce dès à présent que, si tel n’est pas le cas, elle interviendra par une réglementation et un plafonnement des prix.

4.7.

En outre, les propositions du règlement traitant de la transparence des tarifs et des droits terminaux, de la publication d’une offre de référence, de l’évaluation du caractère abordable des tarifs et de l’accès transfrontière transparent et non discriminatoire ne s’appliquent qu’aux seuls prestataires du service universel qui fournissent des services de livraison de colis.

4.8.

Or, dans le marché total de la livraison de colis, la part des prestataires du service universel varie entre 10 % (Bulgarie, Espagne, Italie, Royaume-Uni) et 25 % (République tchèque, Danemark, France, Estonie), alors qu’un faible pourcentage seulement (de 5 à 10 %) de ces colis est couvert par les obligations du service universel. Il s’ensuit que le règlement sous avis ne traite que d’une partie marginale du marché, qui pourtant est indispensable pour les consommateurs et les PME dans les zones éloignées qui ne disposent pas d’autres alternatives.

4.9.

En ce qui concerne l’évaluation des prix abordables, cela fait des années que le CESE demande de clarifier le concept du caractère abordable des services d’intérêt économique général et d’introduire des mesures législatives obligeant les États membres à définir des indicateurs pour déterminer ledit caractère abordable (3). Il estime donc que les dispositions du présent règlement constituent un premier pas dans la bonne direction, étant entendu qu’une telle évaluation devra, le cas échéant, être suivie des mesures appropriées.

4.10.

Toutefois, l’évaluation prévue par le règlement sous avis se limitera aux seuls tarifs des catégories d’envois énumérées sur la liste publique des tarifs transfrontières prévue à l’annexe dudit règlement, à savoir les colis de 0,5, 1, 2 ou 5 kilogrammes (avec ou sans suivi et localisation). Le CESE estime que cette évaluation devrait être étendue aux colis de 10, 15 et 20 kilogrammes, cela également dans l’optique d’une éventuelle future réglementation des tarifs de livraison transfrontière des colis.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Copenhague Economics, «E-commerce and delivery»; Un marché intégré de la livraison de colis pour soutenir la croissance du commerce électronique dans l’Union européenne [COM(2012) 698 final].

(2)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 51.

(3)  JO C 177 du 11.6.2014, p. 24.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/110


Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Rapport sur la politique de concurrence 2015»

[COM(2016) 393 final — SWD(2016) 198 final]

(2017/C 034/17)

Rapporteur:

M. Juan MENDOZA CASTRO

Consultation

Commission européenne, 17 août 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 393 final — SWD(2016) 198 final]

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

211/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement le rapport 2015; il juge fondamental pour l’économie sociale et de marché de l’Union européenne de disposer d’une politique de concurrence qui garantisse des conditions égales dans tous les secteurs.

1.2.

Les importations fondées sur une concurrence déloyale représentent une menace pour les entreprises européennes. Les mesures antidumping sont indispensables pour préserver les emplois et protéger les secteurs économiques concernés.

1.3.

Le CESE partage les préoccupations que nourrissent les petites et moyennes entreprises (PME), les syndicats et les associations d’employeurs de l’Union européenne à l’égard de la possible reconnaissance du statut d’économie de marché à la Chine.

1.4.

Les PME, qui sont essentielles pour la relance économique, sont les plus vulnérables face aux abus de position dominante.

1.5.

Si le contrôle des aides d’État permet d’utiliser les ressources de manière plus efficace et d’améliorer les finances publiques, ces aides peuvent cependant se révéler essentielles pour garantir la fourniture de services économiques d’intérêt général.

1.6.

Afin de garantir une publicité et une transparence accrues, le CESE recommande d’améliorer les informations sur les aides d’État octroyées.

1.7.

Un petit nombre de pays tiers sont des acteurs mondiaux qui contrôlent l’innovation numérique, et il est fondamental pour l’Europe de préserver sa position de premier plan grâce à son marché unique numérique.

1.8.

Le grand défi qui se pose à la politique européenne de concurrence dans un secteur dominé par les géants de la technologie consiste à garantir que les consommateurs puissent accéder aux meilleurs produits et aux meilleurs prix, et que toutes les entreprises, grandes ou petites, puissent participer à la concurrence sur un marché ouvert et selon les mérites de leurs produits. Le CESE estime qu’en dépit de certaines critiques émises, les actions de l’Union européenne sont d’une manière générale équilibrées et conformes à la réglementation.

1.9.

L’Union européenne de l’énergie a obtenu des résultats de taille en matière de sécurité d’approvisionnement (ce qui constitue un succès stratégique), de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de promotion des énergies renouvelables et d’élargissement des choix qui s’offrent aux consommateurs. Elle doit toutefois relever d’importants défis concernant le coût de l’énergie, l’interconnexion accrue des réseaux et son rôle de chef de file dans la mise en œuvre de l’accord de Paris.

1.10.

Dans le secteur de l’énergie, il y a lieu de concilier le contrôle des concentrations et les fusions et acquisitions prévisibles aux fins de réduire les coûts de production, ce phénomène étant appelé à réduire le nombre d’entreprises.

1.11.

Le règlement (CE) no 1/2003 a renforcé les autorités nationales de concurrence (ANC) et a contribué à asseoir le prestige international de la politique de concurrence de l’Union européenne. La coordination entre les ANC et entre celles-ci et la Commission accroît l’efficacité des actions déployées dans le cas d’opérations transfrontalières.

1.12.

En ce qui concerne la crise financière, le CESE réaffirme qu’il convient de réduire l’exposition des contribuables aux coûts de renflouement des banques.

1.13.

Le CESE plaide pour que la réglementation de l’Union européenne qui limite les commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées aux cartes de crédit et de débit s’applique quel que soit le pays d’établissement de l’émetteur et pour que l’on n’empêche pas les banques d’offrir des commissions d’interchange plus faibles aux détaillants établis dans un autre pays de l’Espace économique européen (EEE).

1.14.

Le CESE souhaite souligner la nécessité pour la Commission de poursuivre ses travaux visant à promouvoir la concurrence en réduisant les distorsions d’origine fiscale induites par les décalages entre les 28 systèmes fiscaux.

1.15.

La généralisation des systèmes de concurrence résultant de la mondialisation rend indispensable la coopération internationale. Compte tenu des exigences croissantes et de la participation à diverses instances (OCDE, Cnuced, réseau international de la concurrence), le CESE souligne qu’il faut que l’Union européenne, qui est actuellement écoutée et respectée, dispose des ressources suffisantes pour pouvoir continuer à faire entendre sa voix.

2.   Le rapport sur la politique de concurrence 2015

2.1.

La Commission affirme qu’«une politique de concurrence de l’Union européenne forte et efficace a toujours été l’un des fondements du projet européen».

2.2.

Les principaux éléments du rapport s’articulent en trois chapitres:

la politique de concurrence stimule l’innovation et les investissements dans l’ensemble de l’Union européenne,

saisir les opportunités du marché unique numérique, et

construire une Union européenne de l’énergie intégrée et respectueuse du climat.

2.3.

La Commission rend compte des mesures spécifiques qu’elle a prises dans ces domaines et souligne que les principes fondamentaux qui ont guidé la mise en œuvre des règles de concurrence sont la préservation de l’impartialité, l’application des règles de l’état de droit et le respect de l’intérêt général européen.

2.4.

Au cours des vingt-cinq dernières années, le nombre de régimes de concurrence dans le monde a augmenté de manière spectaculaire, passant d’une vingtaine au début des années 1990 à environ 130 en 2015, avec une couverture de 85 % de la population mondiale.

3.   Observations générales

3.1.    Politique de concurrence de l’Union européenne

3.1.1.

Le CESE accueille favorablement le rapport 2015, qui porte sur des domaines clés pour le développement de l’économie et le bien-être des citoyens de l’Union européenne.

3.1.2.

Une politique de concurrence fondée sur des conditions égales dans tous les secteurs est l’une des clés de voûte de l’économie sociale de marché en Europe. C’est aussi un outil essentiel pour assurer le bon fonctionnement d’un marché intérieur dynamique, efficace, durable et innovant de même que pour stimuler la croissance économique, la création d’emplois et la compétitivité sur la scène mondiale.

3.1.3.

La politique de concurrence ne doit pas faire obstacle à l’émergence de champions industriels dans l’économie européenne. Une politique de concurrence efficace et crédible ne doit pas uniquement être axée sur la baisse des prix à la consommation, mais doit aussi favoriser le développement de la compétitivité des entreprises européennes sur les marchés mondiaux.

3.1.4.

Une base industrielle forte est fondamentale pour la prospérité et la croissance. Compte tenu de la menace qu’une concurrence déloyale représente pour les entreprises européennes, le CESE rappelle que les mesures antidumping protègent des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects et sont un rempart contre les politiques d’importation déloyales.

3.1.5.

Les importations dans des conditions de dumping, qui mettent en danger des milliers d’emplois dans l’Union européenne, constituent une concurrence déloyale. Le CESE estime que la Chine peut difficilement affirmer qu’elle opère dans des conditions de marché, dès lors qu’elle ne respecte pas quatre des cinq critères retenus par la pratique de la Commission ainsi que par le règlement (CE) no 1225/2009 (1).

3.1.6.

Les Fonds structurels de l’Union ne doivent pas être utilisés pour soutenir, directement ou indirectement, la délocalisation de services ou de la production dans d’autres États membres.

3.1.7.

Les PME sont le pilier de la reprise économique en Europe. Ce sont également elles qui, de par leur dimension, sont les plus vulnérables face aux pratiques d’abus de position dominante, qui les condamnent souvent à la disparition. Cette situation doit faire l’objet d’une attention particulière dans la politique de concurrence, en particulier concernant les pratiques des grands groupes d’entreprises.

3.1.8.

Le CESE souligne une fois de plus l’absence d’un véritable mécanisme judiciaire pour les actions collectives qui permettrait effectivement l’exercice des droits à réparation des victimes de pratiques anticoncurrentielles et continue d’estimer que la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 et la recommandation relative aux principes communs applicables aux recours collectifs dans le cadre des infractions à la législation relative à la concurrence ne sont pas en mesure d’assurer comme il se doit la défense collective des droits des victimes de ces infractions.

3.2.    Les aides d’État

3.2.1.

La modernisation des aides d’État permet à l’Union européenne d’utiliser plus efficacement les ressources et d’améliorer la qualité des finances publiques. Elle contribue, en outre, à ce que les États membres puissent réaliser les objectifs de la stratégie Europe 2020 pour la croissance et l’assainissement budgétaire.

3.2.2.

Toutefois, les aides d’État sont parfois fondamentales pour garantir la fourniture de services d’intérêt économique général (SIEG), notamment dans les secteurs de l’énergie, des transports et des télécommunications. Par ailleurs, elles sont souvent le meilleur outil politique possible pour assurer les services essentiels au soutien de l’économie et des conditions sociales dans les régions isolées, éloignées ou périphériques et les îles de l’Union européenne.

3.2.3.

Le CESE estime nécessaire de maintenir la cohérence entre la politique de concurrence et les autres politiques de l’Union, en particulier en matière d’investissements servant à stimuler l’innovation et la recherche, notamment en ce qui concerne la R&D&I, le financement du risque et la généralisation de la large bande.

3.2.4.

Les citoyens de l’Union considèrent qu’ils ne disposent pas suffisamment d’informations sur le système complexe des aides d’État et soulignent qu’il est difficile d’avoir accès aux informations relatives aux entreprises qui bénéficient de ces aides (2). Afin d’accroître la publicité et la transparence, le CESE recommande que les États membres publient, dans chaque cas, les bénéficiaires, les montants et les objectifs des aides octroyées.

3.3.    La concurrence dans le marché unique numérique

3.3.1.

Le marché unique numérique est une stratégie clé de l’Union européenne pour en finir avec le cloisonnement en multiples marchés nationaux et fusionner ceux-ci dans une approche européenne (3). Un petit nombre de pays tiers sont des acteurs mondiaux qui contrôlent l’innovation numérique, et il est fondamental pour l’Europe de préserver sa position de premier plan grâce à son marché unique numérique.

3.3.2.

Le grand défi qui se pose à la politique européenne de concurrence dans un secteur dominé par les géants de la technologie consiste à garantir aux consommateurs l’accès aux meilleurs produits aux meilleurs prix et à toutes les entreprises, grandes ou petites, qu’elles puissent participer à la concurrence sur un marché ouvert et selon les mérites de leurs produits.

3.3.3.

La Commission examine les cas suivants:

Les services de recherche en ligne. Dans sa communication des griefs, la Commission affirme que Google favorise systématiquement son propre comparateur de prix. La Commission enquête en outre sur trois autres sujets de préoccupation.

Les livres numériques. Amazon impose des clauses qui sont susceptibles de porter atteinte à la concurrence, s’agissant par exemple, du droit d’être informée des conditions plus favorables ou différentes offertes par ses concurrents.

La fourniture transfrontière de services de télévision payante au Royaume-Uni et en Irlande. Les accords de licence conclus entre Sky UK et six grands studios de cinéma aux États-Unis contraignent Sky UK à bloquer l’accès aux films en dehors du territoire pour lequel elle dispose d’une licence.

Les appareils mobiles, comme les smartphones et les tablettes. Entre autres pratiques, Android exige des fabricants qu’ils préinstallent Google Search et le navigateur Chrome de Google et les oblige à sélectionner Google Search comme service de recherche par défaut dans leurs appareils avant de leur octroyer les licences de certaines applications exclusives de Google.

Les chipsets de bande de base utilisés dans les appareils électroniques. La Commission enquête pour déterminer si Qualcomm, le premier fournisseur mondial de chipsets de bande de base, a proposé des incitations financières à un grand fabricant de smartphones et de tablettes à condition qu’il utilise exclusivement ses produits.

3.3.4.

D’une manière générale, il s’agit de possibles pratiques monopolistiques et d’abus de position dominante. La complexité technique et l’incidence considérable des affaires faisant l’objet d’une enquête suscitent des critiques, l’une d’elle étant que l’Union «a déclaré la guerre à la Silicon Valley». Le CESE ne partage pas ce point de vue et soutient les actions de la Commission, qu’il juge équilibrées et conformes à la réglementation.

3.3.5.

Google, dont les recettes ont atteint 74,5 milliards de dollars en 2015, occupe dans tout l’EEE, une position dominante sur le marché de la prestation de services de recherche générale en ligne, des systèmes d’exploitation avec licence pour smartphones et des points de vente d’applications pour le système d’exploitation mobile Android, sa part de marché excédant 90 % dans les pays concernés. Google fait valoir que l’enquête de la Commission empêche l’Union européenne de devenir un centre d’idées innovantes et qu’elle se base sur des données techniques inexactes. Toutefois, en 2012, les services techniques de la Commission fédérale du commerce des États-Unis ont conclu que Google, qui contrôle deux tiers du marché nord-américain, utilisait des tactiques anticoncurrentielles et abusait de sa position dominante, au préjudice de ses utilisateurs et de ses concurrents (4). Une enquête menée dans ce pays est arrivée à la même conclusion (5).

3.4.    Une union européenne de l’énergie respectueuse du climat

3.4.1.

D’importantes réalisations ont été accomplies dans le cadre de l’union européenne de l’énergie.

En matière de sécurité d’approvisionnement, l’Union européenne a connu un succès stratégique et est aujourd’hui bien mieux préparée pour faire face à une crise comme celle qui s’est produite en 2009. La dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz en provenance de Russie a été réduite d’un tiers et les infrastructures pour la circulation intérieure du gaz, les possibilités d’approvisionnement externe et la capacité de stockage se sont considérablement améliorées.

Les objectifs fixés en vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de l’augmentation de l’utilisation de sources d’énergie renouvelables (20-20-20 à l’horizon 2020) semblent devoir être atteints avant l’échéance du délai prévu et il apparaît que l’objectif en matière d’efficacité énergétique est presque réalisé, même si on le doit en partie à la crise économique.

Les marchés ont été ouverts et le choix des consommateurs s’est élargi.

3.4.2.

Toutefois, le CESE, qui a déjà manifesté son soutien à la stratégie-cadre de 2015 (6), doit mettre plus particulièrement l’accent sur les grands défis que l’Union européenne devra relever dans les années à venir:

réduire le coût de l’énergie, qui reste très élevé pour le consommateur européen et a des conséquences sociales (risque de pauvreté énergétique), économiques (surtout pour les PME) et affecte la compétitivité extérieure des entreprises (l’énergie est beaucoup moins chère sur d’autres marchés, comme celui des États-Unis,

renforcer l’intégration des marchés en améliorant l’interconnexion des réseaux, et

jouer un rôle de premier plan dans la mise en œuvre des objectifs de la COP 21 de Paris, afin de réussir le changement radical que représente une transition progressive rentable vers une économie à faible intensité de carbone.

3.4.3.

Le CESE soutient la Commission dans l’application rigoureuse de la législation en matière d’ententes, laquelle est fondamentale pour lutter contre les comportements abusifs des opérateurs qui dominent le marché. Il convient de mettre l’accent sur l’accord juridiquement contraignant conclu entre la Commission et la société Bulgarian Energy Holding.

3.4.4.

En 2012, le secteur de l’énergie a bénéficié d’une aide publique de 122 000 millions d’EUR (EU-28) (7). Sans ces aides, les consommateurs ne pourraient pas payer le coût de l’énergie, qui est actuellement déjà très élevé pour eux. Lors de la mise en œuvre des politiques en matière d’aides d’État (8), la Commission ne doit pas perdre de vue que certains types d’énergies renouvelables (qui sont, avec 44 000 millions d’EUR, les principales bénéficiaires de l’aide) ont des coûts de production plus élevés, ce qui empêche les sociétés prestataires d’être compétitives sur le marché.

3.4.5.

Le CESE note que la Commission a approuvé l’acquisition des activités «énergie» d’Alstom par l’américain General Electric (GE) (9).

3.4.6.

La Commission affirme que «le contrôle des concentrations reste un outil efficace pour préserver l’ouverture du marché européen de l’énergie». Ce contrôle doit tenir compte du fait que le niveau peu élevé des prix du pétrole pourrait rendre inévitables des fusions d’entreprises visant à réduire les coûts de production. Selon certaines prévisions, le nombre d’entreprises productrices de gaz et de pétrole diminuera d’un tiers.

4.   Renforcement du marché unique de l’Union européenne

4.1.    Fiscalité

4.1.1.

Le CESE partage l’avis selon lequel la transparence et le partage équitable de la charge fiscale sont indispensables pour garantir l’existence du marché unique. L’évasion, la fraude et les paradis fiscaux coûtent cher au contribuable européen et génèrent des distorsions de la concurrence. Selon les estimations, la fraude fiscale ferait perdre à l’Union européenne entre 50 et 70 milliards d’EUR de recettes fiscales par an, ce qui représente un peu plus de 16 % des investissements publics dans l’Union européenne. Si on ajoute à cela les pertes de recettes résultant de pratiques d’ingénierie fiscale légales, ou prétendument légales, le préjudice s’accroît considérablement (10).

4.1.2.

Le plan d’action pour la mise en œuvre d’une fiscalité des entreprises équitable et efficace est une étape importante pour réduire la planification fiscale agressive, une pratique qui érode les assiettes fiscales des États membres et favorise une concurrence déloyale (11).

4.1.3.

Le CESE souhaite souligner la nécessité pour la Commission de poursuivre ses travaux visant à promouvoir la concurrence en réduisant les distorsions d’origine fiscale induites par les décalages entre les 28 systèmes fiscaux. Le système de fixation des prix de transfert, fort complexe, qui est actuellement en place pour les transactions intragroupe est particulièrement coûteux et contraignant pour les entreprises opérant dans l’Union européenne; il donne lieu à des litiges entre les administrations des États membres et entraîne une double imposition des sociétés. Il y a lieu de mettre en place une assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS) à l’intention des entreprises exerçant des activités transnationales.

4.1.4.

La Commission enquête sur les accords fiscaux entre certains États membres et de grandes entreprises multinationales: Luxembourg (Fiat, Starbucks, McDonald’s et Amazon) et Pays-Bas (Starbucks). Dans le cas d’Apple, la Commission estime que grâce au traitement fiscal dont elle a fait l’objet, l’entreprise a peut éviter de payer l’impôt sur la vente de pratiquement tous ses produits dans l’Espace économique européen (EEE), raison pour laquelle elle devrait restituer à l’Irlande une somme estimée à 13 000 millions d’EUR. Sans préjuger la décision qui sera finalement adoptée, le Comité soutient la Commission dans ses enquêtes portant sur des accords fiscaux susceptibles d’être préjudiciables à la concurrence.

4.2.    Autorités nationales de concurrence

4.2.1.

Le règlement (CE) no 1/2003 (12) a renforcé les autorités nationales de concurrence et a contribué au prestige international de la politique de concurrence de l’Union européenne. La Commission a lancé une consultation publique sur le renforcement des autorités nationales de concurrence (ANC), qui sont actuellement chargées de la majorité des affaires. La coordination entre les ANC et entre ces autorités et la Commission accroît l’efficacité des actions déployées dans le cas d’opérations transfrontalières.

4.3.    Paiements par carte

4.3.1.

En dépit de la généralisation des systèmes de paiement électroniques, globalement, les consommateurs règlent 85 % de leurs achats en espèces. Au sein de l’Union européenne, ce pourcentage est similaire dans plusieurs États membres, même s’il n’est que de 10 % dans les pays scandinaves. En tout état de cause, les paiements par carte sont essentiels pour le fonctionnement du commerce et revêtent une grande importance pour les consommateurs. Le règlement (UE) 2015/751 impose des limites quant au niveau des commissions d’interchange (13).

4.3.2.

La communication des griefs contre MasterCard se fonde sur l’interdiction faite aux banques d’offrir des commissions d’interchange moins élevées aux détaillants établis dans un autre pays de l’Espace économique européen (EEE) et sur la perception de commissions d’interchange plus élevées s’agissant des cartes émises dans d’autres parties du monde. Les associations de consommateurs européennes ont dénoncé à plusieurs reprises les pratiques abusives d’entreprises émettrices telles que Visa et MasterCard, favorisées par leur domination du marché. Le CESE souhaite que les enquêtes débouchent sur la suppression de ces entraves et que les limites sur les commissions d’interchange établies dans l’Union européenne s’appliquent indépendamment du pays d’émission des cartes.

4.4.    Aides d’État dans le secteur bancaire

4.4.1.

La Commission rend compte d’aides d’État qui ont été autorisées en faveur d’établissements bancaires de plusieurs pays. À ce jour, la crise a eu un coût élevé pour le contribuable européen. Pour éviter un effondrement total du système bancaire, les gouvernements ont procédé au sauvetage de leurs banques en leur accordant une aide d’urgence d’une ampleur sans précédent. Dans la zone euro, entre 2008 et 2014, l’aide publique aux établissements financiers a atteint 8 % du PIB, dont 3,3 % ont été récupérés (14).

4.4.2.

En plus du coût énorme qu’ils représentent pour les finances publiques, les sauvetages de banques, qui doivent suivre la réglementation en vigueur depuis le 1er janvier 2015 (15), peuvent entraîner des distorsions de concurrence.

De l’avis du CESE, il convient de:

réduire l’exposition des contribuables aux coûts du renflouement des banques,

doter les autorités publiques des compétences nécessaires pour prendre des mesures préventives, et

conférer aux autorités de résolution le pouvoir de déprécier les créances non garanties de l’établissement défaillant et de convertir la créance en capital (16).

5.   La concurrence à l’ère de la mondialisation

5.1.

La généralisation des systèmes de concurrence résultant de la mondialisation rend indispensable la coopération internationale. Le CESE soutient vivement la participation active de la Commission au sein d’instances telles que le comité de la concurrence de l’OCDE, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) et le réseau international de la concurrence (RIC).

5.2.

Actuellement, la voix de l’Union européenne est écoutée et respectée dans ces enceintes. Le Comité souligne la nécessité de préserver les ressources matérielles et humaines adaptées à cette responsabilité.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 389 du 21.10.2016, p. 13. Voir aussi «Déclaration conjointe CES — BusinessEurope sur le statut d’économie de marché de la Chine» (19 juillet 2016) et «Granting of Market Economy Status to China», Parlement européen, décembre 2015.

(2)  Perception and awareness about Transparency of State aid. Eurobaromètre, juillet 2016.

(3)  JO C 71 du 24.2.2016, p. 65.

(4)  http://www.wsj.com/articles/inside-the-u-s-antitrust-probe-of-google-1426793274.

(5)  «Does Google content degrade Google search? Experimental evidence», (Les contenus Google mènent-ils à une dégradation des résultats de recherche Google? Données expérimentales), Harvard Business School, 2015.

(6)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 84.

(7)  «Subsidies and costs of EU energy» (11 novembre 2014). http://ec.europa.eu/energy/en/content/final-report-ecofys.

(8)  JO C 200 du 28.6.2014, p. 1.

(9)  La société GE a annoncé que, entre 2016 et 2017, elle supprimerait 6 500 emplois en Europe, dont 765 en France. Le Monde du 14 janvier 2016.

(10)  Voir (en anglais): Bringing Transparency, coordination and convergence to Corporate tax policies in the European Union, septembre 2015.

(11)  JO C 71 du 24.2.2016, p. 42.

(12)  Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Dix ans de mise en œuvre des règles concernant les pratiques anticoncurrentielles sous le régime du règlement no 1/2003: bilan et perspectives. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52014DC0453.

(13)  JO L 123 du 19.5.2015, p. 1.

(14)  Bulletin de la BCE.

(15)  JO L 173 du 12.6.2014, p. 190.

(16)  JO C 44 du 15.2.2013, p. 68.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/117


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’un programme de l’Union en vue de soutenir des activités spécifiques favorisant la participation des consommateurs et autres utilisateurs finaux de services financiers à l’élaboration des politiques de l’Union dans le domaine des services financiers (2017-2020)»

[COM(2016) 388 final — 2016/0182 (COD)]

(2017/C 034/18)

Rapporteure:

Reine-Claude MADER

Consultation

Parlement européen, 22 juin 2016

 

Conseil, 11 juillet 2016

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 388 final — 2016/0182 (COD)]

Compétence

Section spécialisée «Marché unique, production et consommation»

Adoption en section spécialisée

4 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

223/2/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la prise en compte par la Commission des intérêts des consommateurs et des épargnants et de l’aide apportée à leurs organisations. Il considère en effet que les services financiers doivent faire l’objet d’une attention particulière en raison de leur technicité peu accessible aux non-initiés et des enjeux concernés.

1.2.

Le Comité soutient l’initiative prise dans le cadre du projet pilote lancé fin 2011 par la Commission, destiné à soutenir la création d’un centre d’expertise financière au profit des consommateurs et utilisateurs finaux de services financiers pour leur permettre de prendre part à l’élaboration des politiques de l’Union dans le domaine des services financiers, et conduire au rétablissement de la confiance dans le système financier européen.

1.3.

Le CESE constate que les deux organisations non gouvernementales (ONG), Better Finance et Finance Watch, répondent aux conditions d’éligibilité aux subventions de fonctionnement attribuées par la Commission européenne par l’intermédiaire d’appels de propositions ouverts et que leurs actions ont fait l’objet d’une évaluation globalement positive en 2015.

1.4.

Il lui semble cependant utile d’insister sur un certain nombre de conditions qui doivent être réunies.

Légitimité

1.5.

Le CESE insiste sur le fait que la légitimité de ces organisations doit reposer sur les membres qui les composent, leur gouvernance, mais aussi sur les actions entreprises pour rendre compréhensible au grand public la technicité de la législation financière et des outils financiers.

1.6.

À cet égard, il semble au CESE qu’un effort particulier doit être déployé pour réellement impliquer les utilisateurs finaux dans les travaux desdites associations. Ceci doit se matérialiser dans la composition et la gouvernance de Finance Watch et Better Finance et de nouvelles méthodes de travail adaptées.

Indépendance, transparence et responsabilité financières

1.7.

Le CESE se réjouit de la transparence financière affichée par Finance Watch (1). Par ailleurs, il considère que cette dernière et Better Finance doivent poursuivre leurs efforts pour atteindre une plus grande indépendance financière, y compris de la Commission européenne, car il en va de la crédibilité de leurs actions et de leur légitimité au regard du grand public.

1.8.

Le CESE rappelle que la responsabilité financière de ces associations peut être engagée en cas d’irrégularités: la Commission européenne et la Cour des comptes disposent en effet d’un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place auprès des opérateurs économiques concernés de façon directe ou indirecte par les subventions attribuées. L’Office européen de lutte antifraude (OLAF) peut pour sa part procéder à des contrôles et vérifications sur place en vue d’établir l’existence éventuelle de fraude, de corruption ou de toute autre action illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (2).

1.9.

Le CESE se félicite du caractère pluriannuel de l’enveloppe financière prévue au titre de l’exécution du programme de l’Union visant à favoriser la participation des consommateurs et autres utilisateurs finaux de services financiers, car il permettra d’assurer davantage de stabilité financière aux associations bénéficiaires. Ces dernières pourront organiser leur fonctionnement et fixer leur programme sur un plus long terme.

Visibilité auprès du grand public

1.10.

Le CESE relève que malgré les efforts entrepris en matière de communication et de visibilité, notamment grâce à des articles parus dans la presse économique et par l’organisation de conférences, Finance Watch et Better Finance restent encore largement inconnues du grand public et des associations nationales de consommateurs qui devraient d’ailleurs recevoir directement leurs newsletters.

1.11.

Il prend note des résultats de l’évaluation ex-post du projet pilote destiné à soutenir la création d’un centre d’expertise financière au profit des consommateurs et utilisateurs finaux de services financiers lancé fin 2011 par la Commission (3). Il invite ces ONG à développer leurs efforts pour renforcer le rôle, l’intérêt et l’information des utilisateurs finaux et des consommateurs dans l’élaboration des politiques de l’Union dans le secteur financier.

Équilibre entre professionnels et utilisateurs

1.12.

Le CESE reconnaît la nécessité de développer une expertise technique afin que les utilisateurs de services financiers puissent discuter sur un pied d’égalité avec les spécialistes de l’industrie financière. Cette expertise est une clé de la crédibilité de l’action des associations concernées face au monde de la finance dont les moyens sont plus développés.

1.13.

Le CESE appelle de ses vœux à un juste équilibre qui fasse progresser l’idée d’une finance stable, durable et axée sur le long terme.

2.   Présentation de la proposition de règlement  (4)

2.1.

Elle s’inscrit dans la continuité des initiatives que la Commission européenne a prises à partir de 2007 pour rétablir la confiance des consommateurs à la suite de la crise financière.

2.2.

L’objectif de la Commission est de faire en sorte que le point de vue des consommateurs soit davantage pris en compte, ce qui a conduit en 2010 à la création du groupe des utilisateurs de services financiers (GUSF), à la systématisation de la participation des consommateurs et des représentants de la société civile dans les groupes d’experts créés puis, en 2011, au lancement d’un projet pilote de subventions visant à soutenir la mise en place d’un centre d’expertise financière.

2.3.

Deux organisations à but non lucratif ont été retenues à la suite de l’appel de propositions de la Commission: Finance Watch, créée en 2011 sous la forme d’une association sans but lucratif internationale de droit belge, dont la mission est la représentation des intérêts de la société civile dans le secteur financier, et Better Finance, née de la réorganisation d’associations européennes d’investisseurs et d’actionnaires existant depuis 2009, et destinée à former un centre d’expertise financière constitué notamment d’investisseurs privés, d’épargnants et d’autres utilisateurs finaux.

2.4.

Ces organisations ont bénéficié de subventions de fonctionnement de la Commission européenne entre 2012 et 2015. Finance Watch a reçu 3,04 millions d’EUR entre 2012 et 2014 et Better Finance 0,90 million d’EUR en trois ans. Ces subventions représentent 60 % de leurs coûts éligibles.

2.5.

L’évaluation réalisée en 2015 a conclu que les objectifs stratégiques fixés par la Commission avaient été atteints, tout en soulignant que des améliorations devaient être apportées sur les aspects liés à l’information des consommateurs et à la prise en compte de leur point de vue.

2.6.

La Commission relève également que, malgré leurs efforts, ces organismes n’ont pas réussi à obtenir un financement stable et suffisant de bailleurs de fonds indépendants du secteur financier, ce qui rend indispensable le financement de l’Union pour la poursuite de leurs activités.

2.7.

La proposition de règlement définit sur la période 2017-2020 un programme de recherche, de sensibilisation, y compris à un public de non-experts, et d’activités visant à renforcer les interactions entre les membres des organisations bénéficiaires ainsi que les activités de plaidoyer visant à promouvoir leurs positions au sein de l’Union européenne.

2.8.

Les objectifs visent à continuer à renforcer la participation des consommateurs et des utilisateurs finaux de services financiers à l’élaboration des politiques de l’Union dans le domaine et à contribuer à leur information sur les enjeux de la réglementation du secteur financier.

2.9.

Le financement de Finance Watch et de Better Finance est fixé à un maximum de 6 000 000 d’EUR pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020.

2.10.

Chaque année, les bénéficiaires devront fournir une description des actions réalisées et de celles à venir.

3.   Observations générales et spécifiques

3.1.

Avec la crise financière, la Commission européenne et le Parlement européen ont pris conscience du déséquilibre entre la représentation des professionnels du secteur financier dans les différentes instances et la représentation des utilisateurs de ces services.

3.2.

Se fondant sur l’article 169, paragraphe 2, point b) du TFUE qui prévoit qu’il lui appartient de promouvoir les intérêts des consommateurs et d’assurer un niveau élevé de protection de ces derniers, la Commission européenne propose de co-financer l’action d’associations spécialisées dans le domaine des services financiers.

3.3.

Le CESE ne peut que se rallier à cet objectif qu’il a fixé à travers plusieurs de ses avis, dans lesquels il insistait sur la nécessité de mettre le consommateur au centre de toutes les politiques, ce qui induit de donner des moyens à ses représentants (5).

3.4.

Le CESE soutient, notamment en raison de la complexité des questions traitées en matière d’épargne et d’investissements, la mise en place d’un centre d’expertise financière indépendant des milieux financiers, à la disposition des organisations représentatives des intérêts des consommateurs, des épargnants et des utilisateurs finaux qui ne disposent pas d’expertise en matière financière, compte tenu de la technicité peu accessible aux non-initiés et des enjeux concernés.

3.5.

À cet égard, il considère qu’il convient d’être très vigilant sur l’absence de liens financiers ou autres qui pourraient influencer négativement l’action de ces associations.

3.6.

Le CESE insiste sur le fait que la légitimité de ces organisations doit reposer sur les membres qui les composent, sur leur gouvernance, mais aussi sur les actions entreprises pour rendre compréhensible au grand public la technicité de la législation financière et des outils financiers.

3.7.

Le CESE souligne que malgré les efforts entrepris en matière de communication et de visibilité, notamment grâce à des articles parus dans la presse économique et l’organisation de conférences, Finance Watch et Better Finance restent encore largement inconnues du grand public et des associations nationales de consommateurs qui pourraient recevoir directement leurs newsletters.

3.8.

Le Comité considère que les experts n’ont pas vocation à se substituer aux représentants de la société civile, mais qu’ils doivent leur donner les moyens de cerner les enjeux et d’apprécier les mesures qui doivent être prises et de faire des propositions.

3.9.

Le CESE partage l’avis de la Commission européenne sur la nécessité de favoriser la participation des consommateurs et autres utilisateurs finaux à l’élaboration des politiques de l’Union, tout en restaurant leur confiance dans le système financier européen.

3.10.

Le Comité prend note du programme de l’Union prévu par la proposition de règlement et de ses objectifs et tient à souligner l’extrême difficulté pour les institutions et organisations d’interagir avec le grand public.

3.11.

Le CESE constate que la création de Finance Watch et de Better Finance coïncide avec la mise en place du projet pilote (6) et insiste sur la nécessité de s’assurer de l’indépendance de chacun de leurs membres au regard des milieux industriels, commerciaux ou économiques.

3.12.

Le Comité considère que la durée et la forme de financement retenues sont adéquates: il se félicite du caractère pluriannuel de l’enveloppe financière prévue au titre de l’exécution du programme de l’Union visant à favoriser la participation des consommateurs et autres utilisateurs finaux de services financiers, car celui-ci permettra d’assurer davantage de stabilité financière aux associations bénéficiaires. Ces dernières pourront de ce fait organiser leur fonctionnement et fixer leur programme sur un plus long terme, même si le montant de la subvention envisagée est modeste au regard des ambitions affichées.

3.13.

Le CESE pense également qu’il convient pour ces organismes de trouver des sources de financement complémentaires pour assurer leur développement, l’équilibre des comptes et leur indépendance notamment vis-à-vis de la Commission.

3.14.

Le CESE insiste pour une adoption rapide du règlement afin que la dynamique initiée par le projet pilote ne soit pas interrompue.

3.15.

Le CESE soutient la procédure d’évaluation indispensable pour apprécier si les objectifs sont atteints et si les règles de transparence et de responsabilité financières évoquées à l’article 8 de la proposition de règlement sont respectées (7).

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Ressources totales pour 2015 de Finance Watch: donateurs et fondations: 32,1 %, projets de recherche: 7,4 %, subventions européennes: 56,4 %, organisation d’évènements: 1,3 %, cotisations des membres: 2,7 %. Sources: http://www.finance-watch.org/a-propos/gouvernance-et-financement.

(2)  Article 8 de la proposition de règlement du parlement et du Conseil portant création d’un programme de l’Union en vue de soutenir des activités spécifiques favorisant la participation des consommateurs et autres utilisateurs finaux de services financiers à l’élaboration des politiques de l’Union dans le domaine des services financiers pour la période 2017-2020 et règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement et du Conseil du 11 septembre 2013 relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO L 248 du 18.9.2013, p. 1) et règlement (Euratom, CE) no 2185/96 du Conseil du 11 novembre 1996 relatif aux contrôles et vérifications sur place effectuées par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO L 292 du 15.11.1996, p. 2).

(3)  http://ec.europa.eu/finance/finservices-retail/docs/users/151222-staff-working-document_en.pdf.

(4)  Proposition de règlement du Parlement et du Conseil portant création d’un programme de l’Union en vue de soutenir des activités spécifiques favorisant la participation des consommateurs et autres utilisateurs finaux de services financiers à l’élaboration des politiques de l’Union dans le domaine des services financiers pour la période 2017-2020 [COM(2016) 388 final — 2016/0182 (COD)].

(5)  JO C 181 du 21.6.2012, p. 89.

(6)  Projet pilote de subventions visant à soutenir la mise en place d’un centre d’expertise financière au profit des utilisateurs finaux et des autres parties intéressées extérieures au secteur financier et à renforcer la capacité de ces derniers à participer à l’élaboration des politiques de l’Union dans le domaine des services financiers lancé en 2011 — Proposition de règlement du Parlement et du Conseil portant création d’un programme de l’Union en vue de soutenir des activités spécifiques favorisant la participation des consommateurs et autres utilisateurs finaux de services financiers à l’élaboration des politiques de l’Union dans le domaine des services financiers pour la période 2017-2020 [COM(2016) 388 final — 2016/0182 (COD), page 2].

(7)  Précité.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/121


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et la directive 2009/101/CE»

[COM(2016) 450 final — 2016/0208 (COD)]

(2017/C 034/19)

Rapporteur:

Javier DOZ ORRIT

Consultation

Conseil, 19.8.2016

Parlement européen, 12.9.2016

Base juridique

Articles 50 et 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 450 final — 2016/0208 (COD)]

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5.10.2016

Adoption en session plénière

19.10.2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

182/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que la lutte contre le terrorisme et son financement ainsi que la lutte contre le blanchiment de capitaux et d’autres formes de criminalité économique associées doivent constituer des priorités permanentes de la politique de l’Union européenne.

1.2.

Le CESE marque en principe son accord avec les mesures prévues dans la proposition de modification de la directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (1), et avec le caractère urgent de sa transposition.

1.3.

Compte tenu de la nature mondiale de ces phénomènes, le Comité plaide pour que l’Union européenne et ses États membres assument à l’avenir un rôle encore plus important et jouent un rôle moteur au sein des instances et forums internationaux actifs dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et les formes graves de criminalité qui l’accompagnent. Il importe de mettre en œuvre des actions et des mesures internationales et mondiales coordonnées, afin de faire preuve d’une plus grande efficacité et d’engranger davantage de résultats, et l’Europe peut, à cet égard, jouer un rôle de premier plan.

1.4.

Le Comité est conscient de l’effort que les entreprises et entités assujetties ainsi que les autorités de contrôle doivent consentir afin de se conformer à la directive. C’est cependant un effort nécessaire que tous doivent faire pour réaliser les objectifs pleinement partagés, parmi lesquels la défense du système financier et d’autres entités assujetties contre l’utilisation de ce dernier à des fins criminelles. Le Comité propose de réaliser une évaluation de l’impact de l’application de ces mesures.

1.5.

Le CESE exprime sa préoccupation quant au fait que plusieurs facteurs risquent de limiter sérieusement l’efficacité dans la pratique des 4e et 5e directives relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux (directives LBC). En premier lieu, la liste des pays tiers à haut risque, publiée le 14 juillet 2016, omet de nombreux pays et juridictions au sujet desquels il existe des indices sérieux qu’ils servent de paradis fiscaux à des fins de blanchiment d’argent, et ne comporte aucun des vingt et un pays mentionnés dans les «Panama Papers». Compte tenu du fait que les mesures renforcées de surveillance appropriée prévues dans la 5e directive LBC ne s’appliquent qu’aux pays tiers répertoriés comme étant à haut risque, le CESE propose soit d’élaborer une nouvelle liste de pays tiers à haut risque, soit d’étendre le champ d’application des mesures visées à l’article 18 bis de ladite directive. Le CESE considère comme prioritaire la création de registres publics nationaux des bénéficiaires effectifs de comptes bancaires, des sociétés, des fiducies/trusts et des transactions, et l’accès à ceux-ci par les entités assujetties.

1.6.

Le CESE invite instamment les institutions européennes à renforcer leurs politiques visant à en finir avec les paradis fiscaux. Il estime plus particulièrement qu’il est nécessaire que toutes les obligations établies par la 5e directive LBC, et notamment celles relatives à l’identification des bénéficiaires effectifs de comptes bancaires, des sociétés, des fiducies/trusts et des transactions, soient étendues à tous les territoires ou juridictions sous souveraineté des États membres.

1.7.

Il faut articuler davantage la lutte contre le blanchiment de capitaux avec les mesures qu’il convient de mettre en œuvre contre la fraude et l’évasion fiscales, la corruption et d’autres infractions connexes — trafics d’armes, de drogue, d’êtres humains, etc. — ainsi que contre les organisations de l’économie criminelle. Il y a lieu d’élaborer de nouvelles initiatives contre ces délits et leurs connexions avec le blanchiment. Il serait également nécessaire de prévoir des mesures contre la concurrence fiscale déloyale.

1.8.

La lutte contre le terrorisme et le blanchiment de capitaux nécessite une coopération plus étroite entre les différents services de renseignement et de sécurité des États membres, et entre ceux-ci et Europol.

1.9.

Le CESE est d’avis que les accords de libre-échange et de partenariat économique devraient inclure un chapitre sur les mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il invite la Commission européenne à l’inclure à titre de proposition de l’Union européenne dans le cadre des négociations en cours, notamment celles sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), ainsi que dans les traités en vigueur, au moment de leur révision.

1.10.

Le travail des cellules de renseignement financier (CRF) des États membres et leur coordination permanente au niveau européen sont essentiels. Le CESE estime qu’il serait judicieux de créer un instrument européen de surveillance, de coordination et d’anticipation des changements technologiques.

1.11.

La lutte contre le blanchiment revêtant une grande importance et afin de garantir une application efficace et uniforme des règles en la matière dans tous les États membres, il est essentiel que les textes et les concepts qui figurent dans les mesures proposées soient aussi clairs que possible. Cela favorisera dans le même temps la nécessaire sécurité juridique pour tous ceux qui doivent appliquer ces textes.

1.12.

Il serait souhaitable d’harmoniser à l’échelle européenne le traitement juridique — définitions et sanctions — de l’ensemble des infractions liées au blanchiment de capitaux, à la fraude fiscale, à la corruption et au financement du terrorisme et des infractions connexes. De même, une harmonisation des sanctions résultant du non-respect des dispositions des directives LBC serait nécessaire.

1.13.

Le CESE propose que soient prévues des mesures de contrôle des filiales des entités assujetties dans des pays tiers à haut risque et que les clients ne soient pas les seuls à être surveillés.

1.14.

Le CESE propose à la Commission d’étudier des mesures supplémentaires de protection des droits des citoyens face à une utilisation illicite ou abusive de l’information enregistrée par les autorités compétentes ou par les entités assujetties.

1.15.

Le Comité se félicite du traitement rapide de ces propositions et espère qu’elles entreront en vigueur dans les plus brefs délais, sans toutefois que l’on rogne sur la qualité des résultats. Il y a lieu, dès lors, de prévoir un calendrier réaliste pour la transposition des textes et leur application dans les États membres, ainsi que des orientations claires.

2.   Contexte et proposition de la Commission

2.1.

Les violents attentats terroristes perpétrés en France, en Belgique et dans d’autres pays européens, ainsi que les fuites sur le blanchiment d’argent provenant d’activités criminelles qui se déroulent dans des paradis fiscaux, la dernière en date étant celle révélée par l’ICIJ (2) sur les «Panama Papers», ont amené la Commission à proposer de nouvelles mesures contre l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Le 5 juillet 2016, la Commission a approuvé, parallèlement à la proposition de la 5e directive LBC, une autre proposition pour fournir aux autorités fiscales l’accès aux informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux (3), ainsi qu’une communication sur d’autres mesures visant à renforcer la transparence et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (4).

2.2.

Une récente étude du Parlement européen (5) souligne que «les “Panama Papers” ont mis en évidence le rôle des paradis fiscaux en tant que facilitateurs de l’évasion fiscale et la nature agressive de certaines pratiques d’évasion fiscale qui masquent la frontière entre fraude et évasion. Dans ce contexte, l’opacité résultant du secret, de l’absence de traçabilité et du manque d’échange d’informations fiscales joue un rôle important dans les cas de non-respect des sanctions économiques, et occulte des informations utiles et nécessaires relatives au crime organisé, y compris au blanchiment d’argent lié à l’activité terroriste, à la corruption et au trafic de drogues».

2.3.

L’ICIJ a publié les «Panama Papers». Sa base de données — l’Offshore Leaks Database (6) — contient des références relatives à 45 131 sociétés de l’Union européenne (7). Sur les vingt et un territoires que le cabinet Mossack Fonseca utilisait pour les opérations de fraude et d’évasion fiscales et de blanchiment de capitaux, deux sont des États membres de l’Union européenne et trois, des juridictions qui dépendent de l’un d’eux (8).

2.4.

La 5e directive LBC concrétise une partie des propositions du plan d’action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme (9), à savoir celles qui impliquent une modification de la 4e directive LBC (10) et de la directive sur les garanties exigées des sociétés pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (11). Le plan propose d’avancer la date de transposition de la 4e directive LBC du 26 juin 2017 au 1er janvier 2017, qui est également la date limite pour la transposition des deux propositions de directive du 5 juillet 2016.

2.5.

Le cadre politique et législatif complexe de la 5e directive LBC inclut, à partir de 2015 seulement, deux autres initiatives: le programme européen en matière de sécurité  (12) et la proposition de directive relative à la lutte contre le terrorisme  (13), qui établit une nouvelle qualification des délits liés au financement du terrorisme.

2.6.

Le 14 juillet 2016, la Commission a adopté le règlement délégué sur le recensement des pays tiers à haut risque et une liste en annexe (14) qui reprend celle approuvée par le Groupe d’action financière (GAFI) lors de sa réunion à Busan (Corée), le 24 juin 2016.

2.7.

La proposition de la 5e LBC impose de nouvelles mesures de vigilance appropriée que doivent appliquer les entités assujetties — établissements financiers, professionnels liés au secteur, prestataires de services aux fiducies et aux jeux de hasard, agents immobiliers, etc. — à leurs clients, nouveaux et existants. Surtout, elle prévoit, dans son article 18 bis, des mesures de vigilance renforcées à l’égard de la clientèle en activité dans des pays tiers à haut risque. Les États membres peuvent également appliquer des contre-mesures pour les juridictions à haut risque, y compris l’interdiction d’y créer des succursales ou des bureaux de représentation, ou d’y effectuer des transactions financières.

2.8.

Une nouveauté réside dans le fait que les plates-formes de change de monnaies virtuelles et les fournisseurs de portefeuilles de stockage relèveront du champ d’application de la directive et seront considérés comme des entités assujetties aux fins des mesures de vigilance. Par ailleurs, l’anonymat est supprimé pour l’utilisation en ligne des cartes prépayées et le seuil de 250 EUR applicable aux cartes prépayées anonymes est abaissé à 150 EUR en cas d’utilisation en face-à-face.

2.9.

La 5e directive LBC propose également les mesures suivantes: renforcer les compétences des CRF et promouvoir la coopération entre elles; faciliter l’identification des titulaires de comptes bancaires et de paiement, en mettant en place, au niveau national, des registres centraux automatisés de ces comptes; rendre obligatoire l’identification et l’enregistrement des bénéficiaires effectifs d’entreprises (en ramenant le seuil de participation de 25 % à 10 % des actions), de fiducies/trusts, de fondations et d’entités similaires; et permettre l’accès public à ces informations sous certaines conditions.

3.   Observations générales

3.1.

Les différentes formes de criminalité qui exploitent le blanchiment d’argent et les paradis fiscaux aux dépens des droits fondamentaux de toute la population sont très graves. Le blanchiment de capitaux est en constante augmentation malgré les efforts déployés par les autorités européennes et nationales.

3.2.

La libéralisation des flux de capitaux dans le monde et la vitesse d’application de nouvelles technologies numériques aux transactions rendent difficile la lutte contre l’utilisation du système financier à des fins criminelles. Les enquêtes sur les derniers attentats du terrorisme djihadiste en Europe ont fourni des informations sur ses modes de financement, lesquels n’étaient pas couverts par la 4e directive LBC. Il est dès lors justifié de proposer sa modification, alors qu’elle n’est pas encore entrée en vigueur, et d’avancer la date limite de sa transposition.

3.3.

Le CESE marque en principe son accord avec les mesures proposées dans la 5e directive LBC et croit qu’elles peuvent être utiles pour contribuer à mettre fin au terrorisme et au blanchiment de capitaux.

3.4.

On pourrait toutefois émettre une réserve concernant les conséquences qu’une utilisation inappropriée par les autorités compétentes d’un grand volume d’informations sensibles pourrait avoir sur les droits fondamentaux, notamment en matière de protection des données à caractère personnel. La proposition de 5e directive LBC prévoit certaines mesures de précaution à cet égard. La connaissance de certains comportements gouvernementaux, dont témoignent les révélations de Wikileaks (2010 et 2012) et les «documents de Snowden» (2013), nous conduisent à proposer à la Commission d’étudier la possibilité de mettre en place des mesures supplémentaires de protection des droits des citoyens face à l’usage abusif des informations enregistrées, et notamment d’analyser la possibilité d’établir une qualification pénale commune de l’utilisation illicite d’informations et de données à caractère personnel. Le CESE pourrait contribuer à la réalisation de cette étude.

3.5.

Sans préjudice des propositions actuelles et des autres initiatives et mesures que le Comité préconise, dans le présent avis, de mettre en œuvre au niveau européen, il est essentiel que l’Union européenne et ses États membres assument à l’avenir un rôle encore plus important et jouent un rôle moteur au sein des instances et forums internationaux actifs dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et les formes graves de criminalité qui l’accompagnent, des phénomènes mondiaux qui, en règle générale, sont de nature transfrontalière. Il importe de mettre en œuvre des actions et des mesures internationales et mondiales coordonnées, afin de faire preuve d’une plus grande efficacité et d’engranger davantage de résultats, et l’Europe peut, à cet égard, jouer un rôle de premier plan.

3.6.

Alors que de nombreux citoyens de l’Union continuent de subir les effets de la crise, les politiques d’ajustement et l’augmentation de la pauvreté et de l’inégalité, ils apprennent que les grandes entreprises multinationales pratiquent l’évasion et la fraude fiscales et que des personnalités du monde économique, politique, culturel ou sportif éludent l’impôt et blanchissent leur argent dans des paradis fiscaux. Le fait que certaines de ces procédures et juridictions soient également utilisées pour financer des organisations terroristes susceptibles de commettre les crimes les plus atroces, en Europe et dans d’autres parties du monde, rend cette situation intolérable. Il y a lieu d’exiger des autorités européennes et nationales d’agir efficacement pour y mettre fin.

3.7.

Nonobstant le paragraphe 3.2, la réalisation des objectifs des directives LBC pourrait être sérieusement entravée par les carences de l’action politique menée en vue d’en finir avec les paradis fiscaux, pôles indispensables pour le blanchiment de capitaux, et ce, en raison également d’une articulation insuffisante des initiatives de lutte contre le blanchiment de capitaux avec les activités relevant de la lutte contre les délits qui le facilitent (fraude fiscale, appartenance à des organisations terroristes ou criminelles, trafic d’armes, de drogue et d’êtres humains, etc.) dans un contexte marqué par la survivance de pratiques de concurrence fiscale déloyale dans l’Union européenne.

3.8.

La liste des pays à haut risque qui a été publiée par la Commission le 14 juillet 2016 (15) ne comprend aucun de ceux qui figurent sur la liste des «Panama Papers». Ce fait est paradoxal puisque l’un des arguments avancés par la Commission pour proposer la 5e directive LBC s’appuie sur les révélations contenues dans ces documents. Un seul pays à haut risque qui ne collabore pas est inscrit sur cette liste: la Corée du Nord. Dans le groupe II, qui inclut les pays qui ont pris l’engagement de remédier aux carences et ont demandé une assistance technique pour la mise en œuvre du plan d’action du GAFI, figure l’Iran. Dans le groupe I de pays qui ont déjà élaboré un plan d’action qui leur permettra d’être supprimés de la liste dès qu’ils se seront conformés aux prescriptions figurent neuf pays (dont quatre en guerre: Afghanistan, Iraq, Syrie et Yémen). Une partie de l’argent qui sert à financer le terrorisme passe par ces pays. Toutefois, ce que montrent toutes les analyses et recherches sur ce thème, c’est que la majeure partie des opérations de blanchiment de capitaux provenant des autres formes de criminalité ne sont pas réalisées dans ces pays.

3.9.

Il est regrettable qu’un organisme tel que le GAFI, qui accomplit un travail aussi important pour ce qui est d’analyser la criminalité financière internationale et de proposer des solutions pour la combattre, n’ait pas trouvé le moyen approprié pour établir ses listes de pays à risque. Il est logique que la Commission se serve des recommandations (16) et autres propositions du GAFI pour lutter contre le blanchiment de capitaux. Toutefois, se plier à celles-ci peut annuler une partie de l’efficacité de la 5e directive LBC dès lors que les mesures renforcées visées à l’article 18 bis ne s’appliqueront qu’aux pays tiers à haut risque.

3.10.

Le CESE estime que l’efficacité dans la pratique de la 5e directive LBC supposerait soit de bien revoir la liste des pays tiers à haut risque pour y inclure les pays ou territoires où sont réalisées les principales opérations de blanchiment de capitaux, soit d’élargir le champ d’application de l’article 18 bis à toutes les entités assujetties et les juridictions qui, selon les informations détenues par les CRF, sont soupçonnées de se livrer à des opérations de blanchiment de capitaux. Le CESE propose également l’établissement d’une liste unique de juridictions qui ne coopèrent pas en matière de poursuite des infractions économiques.

3.11.

Le fait qu’une partie non négligeable des opérations de blanchiment est effectuée dans des juridictions dépendantes d’États membres devrait amener toutes les institutions de l’Union à prendre un engagement politique ferme pour en finir avec les paradis fiscaux sur leur territoire. Plus concrètement, les obligations d’identification des bénéficiaires effectifs de comptes bancaires, de la propriété des entreprises et de toutes les parties des fiducies/trusts et des transactions que la proposition de 5e directive LBC impose aux entités assujetties de l’Union européenne devraient être étendues à tous les territoires sous souveraineté des États membres, y compris ceux qui disposent de législations fiscales spéciales. Pour remplir leurs obligations, les entités assujetties doivent pouvoir également s’appuyer sur les données des registres (administratifs) nationaux. De même, les mesures renforcées de l’article 18 bis devraient s’appliquer aux juridictions dépendantes d’États de l’Union européenne qui effectuent des opérations de blanchiment d’argent.

3.12.

La fraude et l’évasion fiscales sont étroitement liées au blanchiment de capitaux. Une partie de l’argent blanchi provient de la fraude et de l’évasion fiscales. Aussi est-il nécessaire de coordonner la prévention et la répression de ces deux formes d’infraction, tant sur le plan législatif que sur celui de l’action politique et des activités des services de renseignement, de la police et des systèmes judiciaires. Le CESE a accueilli favorablement les initiatives récentes de la Commission visant à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales dans l’Union européenne, mais estime qu’elles demeurent insuffisantes et qu’il serait par conséquent inutile d’en engager d’autres, qui s’articuleraient avec celles prises contre le blanchiment de capitaux.

3.13.

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme exige une étroite coopération entre les différents services de renseignement et de sécurité des États membres, et entre ceux-ci et Europol. Force est de constater que les niveaux actuels de coopération sont insuffisants. Malgré les déclarations publiques des responsables nationaux et européens et le soutien des citoyens en faveur du renforcement de cette coopération, d’importantes lacunes en matière de coordination sont rendues publiques après chaque attaque terroriste. Dans certains cas, des problèmes de coordination sont détectés entre les différents services d’un même État. Il y a lieu de mettre tout en œuvre pour remédier à cette situation.

3.14.

Au cours des dernières années, l’Union européenne a négocié et signé des accords de libre-échange et de partenariat économique. Elle négocie actuellement un traité d’une grande importance: le PTCI. Ces traités devraient offrir une excellente occasion de mettre en place des mesures bilatérales ou birégionales en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le CESE demande à la Commission de réfléchir à la façon d’introduire un chapitre y relatif dans les traités négociés actuellement et à l’occasion de la révision de ceux qui sont déjà en vigueur. Le CESE souscrit pleinement, sur ce point, aux conclusions de l’étude du Parlement européen susmentionnée (17).

4.   Observations particulières

4.1.

Les CRF des États membres doivent mener à bien un important travail d’information, de surveillance et de prévention, y compris l’anticipation des évolutions technologiques rapides qui sont susceptibles d’être utilisées aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Il est absolument nécessaire de faire acte de diligence pour apporter des réponses nationales et mettre en commun au niveau européen les résultats des différentes enquêtes. La coordination permanente et rapide des CRF est essentielle. Le CESE estime qu’il serait judicieux de créer un instrument européen de surveillance, de coordination et d’anticipation technologique.

4.2.

Les entités assujetties, telles que visées par les 4e et 5e directives LBC, doivent accomplir des tâches de surveillance et de contrôle des personnes et des mouvements suspects. Toutefois, ces directives ne prévoient pas d’exigences ni d’obligations quant aux activités des entités assujetties dans des pays tiers à haut risque. Il conviendrait de remédier à cette situation dans laquelle on surveille davantage les clients que les entités elles-mêmes.

4.3.

Les recommandations suivantes de l’avis du CESE CCMI/132 sur la lutte contre la corruption (18) sont particulièrement utiles: a) élaborer sans délai une stratégie quinquennale de lutte contre la corruption qui soit cohérente et globale, assortie d’un plan d’action; b) créer un Parquet européen et renforcer les capacités d’Eurojust; et c) imposer aux entreprises multinationales de faire part de leurs données financières clés sur leurs activités dans tous les pays dans lesquels elles opèrent.

4.4.

De l’avis du CESE, il serait nécessaire de mettre en place une harmonisation à l’échelle européenne du traitement pénal — définitions et sanctions — de l’ensemble des infractions liées au blanchiment de capitaux, à la fraude fiscale, à la corruption et au financement du terrorisme ainsi qu’aux infractions associées. La Commission et l’Autorité bancaire européenne devraient également favoriser l’harmonisation des sanctions en cas de non-respect des obligations par les entités assujetties.

4.5.

La lutte contre le blanchiment revêt une grande importance et doit être efficace, énergique et résolue. Il est dès lors essentiel que les textes et les concepts qui figurent dans les mesures proposées soient aussi clairs que possible. Cela favorisera dans le même temps l’indispensable sécurité juridique pour tous ceux qui doivent appliquer ces textes, et garantira une application uniforme dans l’ensemble de l’Union.

4.6.

Le Comité se félicite du traitement rapide de ces propositions et espère qu’elles seront adoptées et entreront en vigueur dans les plus brefs délais. Il convient toutefois de ne pas rogner sur la qualité des résultats. Il y a lieu, dès lors, de prévoir un calendrier réaliste pour la transposition des textes et leur application dans les États membres, ainsi que des orientations claires.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Ci-après la «5e directive LBC», selon son sigle français: COM(2016) 450 final.

(2)  International Consortium of Investigative Journalists (Consortium international des journalistes d’investigation).

(3)  COM(2016) 452 final.

(4)  COM(2016) 451 final.

(5)  Service de recherche du Parlement européen (EPRS): «The inclusion of financial services in EU free trade and association agreements: Effects on money laundering, tax evasion and avoidance. Ex-Post Impact Assessment», p. 18.

(6)  Offshore Leaks Database.

(7)  EPRS, op. cit., p. 19 et 20.

(8)  EPRS, op. cit., p. 21.

(9)  COM(2016) 50 final.

(10)  JO L 141 du 5.6.2015, p. 73.

(11)  JO L 258 du 1.10.2009, p. 11.

(12)  COM(2015) 185 final.

(13)  COM(2015) 625 final, p. 2.

(14)  C (2016) 4180 final.

(15)  Règlement délégué C(2016) 4180 et annexe avec la liste de pays: http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/3/2016/FR/3-2016-4180-FR-F1-1-ANNEX-1.PDF

(16)  Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération.

(17)  EPRS, op. cit., p. 59.

(18)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 63.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/127


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’accès des autorités fiscales aux informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux»

[COM(2016) 452 final — 2016/0209 (CNS)]

(2017/C 034/20)

Rapporteur:

Petru Sorin DANDEA

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 27 juillet 2016

Base juridique

Articles 113 et 115 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 452 final — 2016/0209 (CNS)]

Compétence

Section «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

227/3/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de l’initiative de la Commission et soutient les efforts de celle-ci pour lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, une pratique qui non seulement entraîne l’érosion des assiettes fiscales des États membres, mais constitue aussi l’une des principales sources de financement des organisations criminelles et terroristes au niveau mondial.

1.2.

Compte tenu de la gravité des conséquences de la fraude et de l’évasion fiscales, le CESE approuve les règles énoncées par la proposition de directive modifiant la directive sur la coopération administrative (directive DAC). Le fait d’inclure dans les catégories d’informations faisant l’objet d’un échange entre les services fiscaux des États membres les informations relatives aux bénéficiaires réels des opérations financières, qui, sur la base des constatations faites lors de contrôles, examens et audits, pourraient être suspectes quant à leur légalité, voire s’avérer être des opérations de blanchiment de capitaux, permettra de renforcer la capacité administrative et l’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux.

1.3.

La modification de la directive DAC ne pouvant être pleinement mise en œuvre que dans la mesure où la proposition de directive modifiant la quatrième directive en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux (1) est elle-même approuvée, le CESE recommande aux États membres et au Parlement européen d’approuver dans son intégralité le paquet réglementaire proposé par la Commission.

Le CESE recommande aux États membres de garantir les ressources humaines, financières et logistiques nécessaires aux administrations fiscales pour leur permettre de mettre en œuvre avec succès les nouvelles règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.

2.   Proposition de la Commission européenne

2.1.

Dans le cadre du programme de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et du plan d’action contre le financement du terrorisme, la Commission a présenté en juillet 2016 un paquet réglementaire visant à améliorer l’accès des administrations fiscales aux informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux. La proposition de directive du Conseil (2) modifiant la directive 2011/16/UE (directive DAC) en ce qui concerne l’accès des autorités fiscales aux informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux en fait également partie.

2.2.

La proposition de la Commission modifie l’article 22 de la directive DAC de manière à inclure aussi dans l’échange entre les administrations fiscales des États membres les informations spécifiques qui concernent les opérations financières facilitant le blanchiment d’argent.

2.3.

L’objectif de la présente initiative est de permettre aux autorités fiscales de bénéficier d’un accès systématique aux informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux pour accomplir leurs tâches de suivi de la bonne application de la directive sur la coopération administrative par les institutions financières.

2.4.

La proposition de directive établit des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur. De même, elle vise à assurer aux administrations fiscales l’accès aux informations relatives aux bénéficiaires réels des opérations financières, qui, sur la base des constatations faites lors de contrôles, d’examens et d’audits, pourraient être suspectes quant à leur légalité, voire s’avérer être des opérations de blanchiment de capitaux bénéficiant à des organisations criminelles ou terroristes.

3.   Observations générales et spécifiques

3.1.

La proposition de directive appelle à une mise en œuvre uniforme dans tous les États membres de règles régissant l’échange, entre administrations fiscales nationales, des informations relatives aux véritables bénéficiaires des opérations financières susceptibles d’être des opérations de blanchiment de capitaux. Comme il l’a déjà souligné dans de précédents avis (3), le CESE se félicite de l’initiative de la Commission et soutient les efforts de celle-ci en matière de lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, une pratique qui entraîne non seulement l’érosion des assiettes fiscales des États membres, mais constitue aussi l’une des principales sources de financement des organisations criminelles et terroristes au niveau mondial.

3.2.

Le CESE approuve les règles régissant l’accès des administrations fiscales aux mécanismes, procédures, documents et informations relatifs aux opérations financières susceptibles d’être des opérations de blanchiment de capitaux. Dans sa déclaration du 18 avril, le G20 a demandé au groupe d’action financière de présenter des propositions pour améliorer la mise en œuvre des normes internationales sur la transparence, et notamment en ce qui concerne la disponibilité des informations sur les bénéficiaires effectifs, et l’échange de celles-ci au niveau international. Aussi le CESE invite-t-il les États membres et la Commission à intensifier leurs efforts de négociation au niveau international, dans le cadre d’organisations telles que l’Organosation de coopération et de développement économiques ou le G20, afin de rendre possible l’application de ces dispositions à l’échelle mondiale.

3.3.

Compte tenu du fait que la proposition de directive modifiant la directive DAC ne pourra être pleinement mise en œuvre qu’à la condition que le projet de directive portant modification de la quatrième directive en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux (4) soit approuvé, le CESE recommande aux États membres et au Parlement européen d’approuver dans son intégralité le paquet réglementaire proposé par la Commission.

3.4.

Étant donné l’amplification des activités terroristes au niveau mondial, et l’augmentation du nombre d’attentats qui ont entraîné la perte de vies humaines dans plusieurs États membres, le CESE estime que les règles proposées par la Commission doivent être approuvées de toute urgence. La mise en place de meilleures dispositions visant à lutter contre le blanchiment de capitaux tarira l’une des principales sources de financement des organisations terroristes.

Le CESE recommande aux États membres de garantir les ressources humaines, financières et logistiques nécessaires à la mise en œuvre des nouvelles règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux présentées dans le paquet proposé par la Commission. Par ailleurs, le CESE considère que le développement de programmes visant à assurer l’échange de bonnes pratiques entre experts des services fiscaux des États membres pourrait contribuer à l’obtention de meilleurs résultats dans la mise en œuvre des nouvelles réglementations.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2016) 450 final.

(2)  COM(2016) 452 final.

(3)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 31.

(4)  Voir note 1.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/130


Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les pratiques commerciales déloyales interentreprises dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire»

[COM(2016) 32 final]

(2017/C 034/21)

Rapporteur:

Peter SCHMIDT

Consultation

Commission européenne, 4.3.2016

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 32 final]

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement»

Adoption en section spécialisée

30.9.2016

Adoption en session plénière

19.10.2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

221/0/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) met l’accent sur la nécessité de remédier à la faiblesse qui caractérise la position des maillons les plus vulnérables de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, en mettant un terme aux pratiques commerciales déloyales (PCD) des détaillants du secteur alimentaire (NB: dans le présent document, le terme «détaillant» fait référence à la grande distribution) qui accroissent les risques et l’incertitude pour l’ensemble des opérateurs sur toute l’étendue de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et induisent ainsi des coûts superflus.

1.2.

Le CESE reconnaît que pour résoudre les problèmes structurels du marché, il ne suffira pas d’empêcher simplement ces pratiques dans la chaîne de l’approvisionnement alimentaire, telles que les déséquilibres temporaires du marché ou la situation de vulnérabilité des agriculteurs, pour ne citer que ces exemples.

1.3.

Le CESE réitère les préoccupations et les recommandations qu’il a exprimées dans son avis antérieur sur le thème des «Relations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs des denrées alimentaires — État actuel» (1). En particulier, il appelle encore une fois la Commission à adapter la législation européenne aux caractéristiques spécifiques des différents acteurs du secteur de l’alimentation.

1.4.

Le CESE attire l’attention sur les défaillances du marché, étant donné que la situation continue à se détériorer, dans ce système qui n’est pas suffisamment encadré (2).

1.5.

Le CESE soutient fermement la résolution du Parlement européen du 7 juin 2016 (3), soulignant qu’une législation-cadre à l’échelle de l’Union est nécessaire pour combattre les pratiques commerciales déloyales des détaillants du secteur alimentaire et de certaines multinationales, et faire en sorte que les agriculteurs et les consommateurs européens bénéficient de conditions de vente et d’achat équitables. Il a la conviction que la nature de ces pratiques requiert et nécessite tout à la fois une législation de l’Union européenne qui les interdise.

1.6.

Le CESE appelle la Commission et les États membres à entreprendre rapidement une action pour empêcher les pratiques commerciales déloyales en constituant un réseau, coordonné au niveau de l’Union européenne, qui rassemblerait les autorités chargées de faire appliquer les règles en la matière, afin de créer un environnement de concurrence équitable au sein du marché unique.

1.7.

Pour autant qu’ils viennent en complément de mécanismes efficaces et rigoureux de mise en œuvre des dispositions au niveau des États membres, le CESE salue le lancement de l’initiative de la chaîne d’approvisionnement (SCI), à l’échelle de toute l’Union européenne, ainsi que les autres dispositifs nationaux volontaires. Il s’impose toutefois que garantir que tous les intervenants puissent y participer — tel doit être le cas, par exemple, des agriculteurs et des syndicats — et qu’il soit possible d’introduire des réclamations sous anonymat. Il y a lieu, par ailleurs, d’instaurer des sanctions dissuasives et les plates-formes de ce type devraient en outre avoir la possibilité de réagir de manière indépendante. Le CESE propose aussi d’instituer un médiateur doté de pouvoirs réglementaires pour la médiation avant une action en justice.

1.8.

Le CESE plaide pour une interdiction des pratiques abusives, telles que celles énumérées au paragraphe 3.3 du présent avis.

1.9.

Le CESE recommande en particulier que les fournisseurs, comme les agriculteurs, soient payés à des tarifs qui ne soient pas inférieurs à leurs coûts de production. En outre, il exige une interdiction effective de la vente à perte par le secteur de la distribution alimentaire.

1.10.

Le CESE conseille d’encourager et de soutenir, par exemple au moyen des politiques de marchés publics des États membres, les modèles économiques de substitution qui jouent un rôle pour raccourcir la chaîne de l’approvisionnement, du producteur de denrées à l’utilisateur final.

1.11.

Le CESE préconise que pour rétablir l’équilibre des forces en présence, l’on renforce le rôle et la position des coopératives et des organisations de producteurs, car elles constituent une forme d’entreprise grâce à laquelle les agriculteurs, qui en sont les propriétaires, peuvent, de concert, améliorer leur position sur le marché, même dans les conditions qui régissent le marché unique européen, et rééquilibrer de manière agissante le pouvoir de négociation des différents maillons de la chaîne alimentaire.

1.12.

Le CESE invite instamment les opérateurs de la chaîne alimentaire à développer des relations commerciales équitables reposant sur des contrats stables et à long terme et à coopérer les uns avec les autres en œuvrant ensemble à la satisfaction des besoins et des demandes des consommateurs.

1.13.

Le CESE demande qu’une protection soit accordée aux lanceurs d’alerte qui dénoncent des pratiques commerciales déloyales et que leur anonymat soit garanti.

1.14.

Le CESE recommande de conférer aux associations le droit d’agir en justice.

1.15.

Le CESE propose qu’une campagne d’information et de sensibilisation sur la «valeur de la nourriture» soit lancée à travers toute l’Europe. Une telle initiative serait nécessaire pour provoquer un changement de long terme dans le comportement des consommateurs.

2.   Introduction

2.1.

Dans l’économie européenne, la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire allie des secteurs, aussi divers qu’importants, qui jouent un rôle essentiel pour le bien-être économique, social et environnemental des citoyens européens, ainsi que pour leur santé. Au cours de ces dernières années, on y a toutefois constaté un déplacement du pouvoir de négociation, principalement à l’avantage du secteur de la distribution et de quelques multinationales de l’industrie manufacturière et au détriment des fournisseurs, en particulier les producteurs primaires.

2.2.

À l’heure actuelle, un petit nombre d’entreprises domine la commercialisation et la vente des denrées alimentaires. Ainsi, dans un nombre d’États membres en forte augmentation, de nombreux marchés de l’alimentation sont sous le contrôle majoritaire de trois à cinq détaillants, dont la part de marché cumulée, parmi les détaillants modernes, varie de 65 à 90 % du total (4), (5).

2.3.

La concentration du pouvoir de négociation a abouti à des abus de position dominante, qui ont accru la vulnérabilité des opérateurs les plus faibles face aux pratiques commerciales déloyales. Cette évolution a eu pour effet de transférer le risque économique de marché vers l’amont de la chaîne d’approvisionnement et a eu des répercussions négatives sur les consommateurs et certains opérateurs tels que les agriculteurs, les travailleurs et les PME.

2.4.

Le CESE a déjà abordé la question des pratiques commerciales déloyales en février 2013, dans son avis sur les «Relations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs des denrées alimentaires — État actuel» (6). Depuis lors, la situation en matière de pratiques commerciales déloyales ne s’est guère améliorée. Au contraire, le pouvoir de la grande distribution s’est même renforcé et cette tendance pourrait déboucher sur des abus vis-à-vis de certains opérateurs, notamment les agriculteurs, les travailleurs et les PME.

3.   Les pratiques commerciales déloyales et leurs répercussions

3.1.

Dans les grandes lignes, les pratiques commerciales déloyales peuvent être définies comme étant celles qui s’écartent, dans une mesure notable, des règles de bonne conduite commerciale et entrent en contradiction avec les principes de bonne foi et de loyauté (7).

3.2.

Si les pratiques commerciales déloyales peuvent survenir à tous les stades de la chaîne d’approvisionnement et entre toutes une palette d’intervenants, c’est dans des maillons situés en bout de chaîne qu’elles sont le plus répandues, du fait que le pouvoir est plus concentré parmi les détaillants et certaines multinationales. Quand on en retrouve plus en amont, elles sont souvent la résultante d’un report des risques imputable à d’autres de ces pratiques, qui s’exercent sur des segments ultérieurs.

3.3.

Comme exemple de telles pratiques, on peut citer, sans prétendre aucunement à l’exhaustivité:

le transfert déloyal du risque commercial,

les clauses contractuelles peu claires ou non précisées,

les changements unilatéraux et rétroactifs dans les contrats, y compris pour ce qui concerne le prix,

les changements dans la qualité des produits ou dans l’information des consommateurs qui sont effectués sans communication, consultation ou accord avec les acheteurs,

les participations aux frais de promotion ou de commercialisation qui sont exigées,

les retards de paiement,

les primes pour référencement ou fidélisation,

les frais de placement de produits,

les réclamations concernant les produits gaspillés ou invendus,

l’invocation des caractéristiques esthétiques des produits afin de refuser des livraisons de produits alimentaires ou d’en réduire le prix payé,

les pressions exercées pour réduire les prix,

la facturation de services fictifs,

les annulations de commande en dernière minute et les réductions opérées dans les volumes qui avaient été prévus,

les menaces de déréférencement,

les redevances forfaitaires qu’une entreprise réclame à celles qui veulent figurer sur la liste de ses fournisseurs («payez pour rester»).

3.4.

Les répercussions des pratiques commerciales déloyales sont très étendues, pour les opérateurs, les consommateurs et l’environnement. De par leur nature même, elles sont toutefois fort lucratives et génèrent donc des bénéfices à court terme pour ceux qui y recourent, au détriment des autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Sur le long terme, les opérateurs de la chaîne alimentaire ont besoin d’avoir des relations durables pour leur approvisionnement et doivent s’employer à éviter les ruptures de leurs circuits en la matière, s’ils veulent rester dans la course et continuer à répondre aux évolutions constantes dans les demandes des consommateurs.

3.5.   Incidence des pratiques commerciales déloyales sur les fournisseurs

3.5.1.

Les diverses pratiques commerciales déloyales ont des effets variés et considérables pour les opérateurs qui en sont victimes et elles peuvent aboutir à faire baisser leurs revenus, soit en diminuant les prix, soit en induisant une augmentation de leurs charges. Il a été estimé que leur coût se situe dans une fourchette de 30 à 40 milliards d’euros (8). En plus de faire constamment pression sur les fournisseurs pour ce qui concerne les prix, ces pratiques sont porteuses d’incertitude et, de ce fait, débouchent sur une stagnation de l’innovation et des investissements dans la chaîne d’approvisionnement et peuvent évincer du marché des fournisseurs compétents et responsables.

3.5.2.

La pression exercée sur les agriculteurs et les transformateurs de denrées alimentaires, et la tendance baissière qui en résulte en matière de prix ont également pour conséquence de déprimer les salaires, tant dans le secteur agricole que pour les salariés de l’industrie alimentaire. Lorsque le travail présente un caractère plus stable, la spirale à l’écrasement des prix débouche également sur une compression des salaires, visant à ce que les fournisseurs réalisent leurs marges.

3.5.3.

Les PME sont souvent les acteurs les plus fragiles face aux pratiques commerciales déloyales: ainsi, sur le marché mondial de la banane, où l’on fait souvent appel à eux pour «faire l’appoint» des volumes livrés par de plus grandes plantations, les petits producteurs risquent d’être les premiers écartés d’une vente si une commande est annulée sans préavis (9).

3.5.4.

Dans certains secteurs de la production et de la transformation d’aliments, la liberté contractuelle n’existe plus. En Allemagne, les évolutions récentes montrent que les prix de détail ont été baissés de manière unilatérale, sans négociations avec les fournisseurs. Dans les magasins britanniques, le lait est souvent un produit d’appel, vendu à perte, et les producteurs laitiers du Royaume-Uni ont été contraints d’accepter que leur production soit payée à des tarifs de plus en plus faibles, inférieurs, dans certains cas, à son coût. En Espagne, il est légal, pour l’industrie de la transformation, d’acheter des produits à un prix inférieur à leur coût de production, de sorte que la formation des prix s’en trouve fragilisée tout au long de la chaîne.

3.5.5.

Le secteur des produits frais est particulièrement touché par les pratiques commerciales déloyales, en raison du caractère très périssable des denrées qu’il fournit au marché européen. Les agriculteurs n’ayant que peu de temps pour les vendre en garantissant une durée de conservation convenable à leur client final et au consommateur en bout de chaîne, les acheteurs commerciaux des détaillants et des intermédiaires abusent souvent de cette spécificité en imposant des réductions de prix non négociables à la réception de la marchandise.

3.5.6.

De différentes recherches, il ressort que certains opérateurs disposent à l’évidence d’une puissance d’achat qui aboutit à des abus par le biais de pratiques commerciales déloyales (10). Elles peuvent se développer à chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et sont également patentes dans les rapports entre les agriculteurs et l’industrie alimentaire, étant donné que les entreprises de ce secteur possèdent elles aussi une puissance d’achat, car le pouvoir y est relativement concentré (11).

3.5.7.

En privilégiant la commercialisation de produits «sous marque propre» (produits blancs ou marques détenues par les détaillants), les entreprises de la distribution ont la possibilité de changer souvent de fournisseurs, dès qu’elles trouvent un producteur moins cher, une fois le contrat venu à expiration, voire alors même qu’il a pris cours. Ces articles sous marque propre ne sont toutefois pas foncièrement inéquitables et ils peuvent aider des PME à s’implanter sur un marché et élargir l’éventail offert au consommateur.

3.5.8.

Le développement de certaines activités de détail par une intégration verticale au niveau de l’approvisionnement et de la transformation peut amener les détaillants à casser les prix. Il s’agit là d’un exemple de l’augmentation du pouvoir de négociation par la concentration continue des pouvoirs.

3.5.9.

La grande distribution et certaines multinationales compromettent la pérennité à long terme de la production agricole de l’Europe lorsqu’elles vendent à des prix inférieurs au coût de production et utilisent comme produits d’appel (vendus à perte) des denrées essentielles fournies par l’agriculture, comme le lait, le fromage, les fruits ou les légumes.

3.6.   Incidence des pratiques commerciales déloyales sur les consommateurs

3.6.1.

Les pratiques commerciales déloyales exercent sur les consommateurs européens des effets délétères qui sont considérables. Si les opérateurs d’une certaine importance parviennent souvent à absorber le coût induit par ces pratiques, les entreprises d’une taille plus modeste sont soumises à une pression croissante et, devenues incapables d’investir et d’innover, se retrouvent évincées de marchés à haute valeur (12). Ce processus aboutit à restreindre le choix disponible pour le consommateur et, en fin de compte à accroître le prix qu’il paie.

3.6.2.

Le manque de transparence dans l’étiquetage porte préjudice au consommateur, qui est souvent dans l’incapacité d’effectuer des décisions d’achat éclairées, alors qu’à maintes reprises, il a manifesté sa préférence pour des produits agroalimentaires qui soient sains, respectueux de l’environnement, présentent une haute qualité et entretiennent un lien avec la région où il vit. Cette opacité obère son niveau de confiance et, ainsi, ne fait qu’aggraver la crise qui affecte le secteur agricole.

3.6.3.

La pression sur les prix force les entreprises de transformation alimentaire à produire au coût le plus bas possible, et cette évolution est susceptible de détériorer la qualité des aliments proposés aux consommateurs. Pour faire baisser ces prix de revient, elles recourent dans certains cas à des matières premières moins chères, au détriment de la qualité et de la valeur des produits alimentaires concernés — par exemple, les acides gras trans remplacent, dans de nombreux produits, des huiles et des graisses plus saines provenant d’Europe.

3.7.   Incidence des pratiques commerciales déloyales sur l’environnement

3.7.1.

Il convient de reconnaître l’incidence que les pratiques commerciales déloyales produisent sur l’environnement. Elles encouragent la surproduction, s’agissant d’un des moyens par lequel les producteurs se prémunissent contre les incertitudes, mais qui peut se traduire par un gaspillage alimentaire, ayant pour effet de consommer inutilement des ressources, dont la terre, l’eau, les produits de l’agrochimie et le carburant (13), (14).

4.   Synthèse du rapport de la Commission européenne sur les pratiques commerciales déloyales interentreprises dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire

4.1.

La Commission européenne a élaboré un rapport (15) qui, d’une part, examine s’il existe des cadres nationaux pour faire appliquer des mesures de lutte contre les pratiques commerciales déloyales et, le cas échéant, en évalue l’efficacité et, d’autre part, se penche également sur le rôle joué par l’initiative relative à la chaîne d’approvisionnement (SCI), à participation libre, et à ses plates-formes nationales, pour lesquelles l’adhésion s’effectue également sur une base volontaire.

4.2.

Le rapport élaboré par la Commission en 2016 souligne qu’une grande majorité d’États membres a d’ores et déjà instauré des mesures réglementaires à l’encontre des pratiques commerciales déloyales, ainsi que des dispositifs officiels pour en assurer l’application. Certains sont plus avancés que d’autres dans ce domaine mais bon nombre d’entre eux ne sont toujours pas en mesure de contrer l’«atmosphère de peur» que ressentent les victimes de ces pratiques. Dans la mesure où il existe plusieurs approches qui seraient susceptibles de faire pièce à ces phénomènes, la Commission a conclu qu’au stade actuel, une législation spécifique de l’Union européenne en la matière n’apporterait aucune valeur ajoutée.

4.3.

L’initiative relative à la chaîne d’approvisionnement (SCI) (16) constitue une action conjointe émanant de huit associations au niveau de l’Union européenne. Elles représentent le secteur de l’alimentation et des boissons, les fabricants de produits de marque, le secteur de la distribution, les PME et les négociants en produits agricoles. La SCI a été lancée dans le cadre du «Forum à haut niveau sur l’amélioration du fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire» (17), avec pour but d’aider les parties prenantes à lutter contre les pratiques commerciales déloyales.

4.4.

Le rapport de la Commission arrive à la conclusion que la SCI a sensibilisé à la question des pratiques commerciales déloyales et qu’elle peut représenter une solution plus rapide et moins coûteuse qu’une action judiciaire. Elle pourrait également contribuer à résoudre les problèmes qui se posent à l’échelle transfrontière. La Commission met également l’accent sur les améliorations qu’il serait possible d’apporter à la SCI, telles que conférer davantage d’impartialité à sa structure de gouvernance ou encore lui donner la possibilité d’enregistrer confidentiellement des plaintes individuelles.

5.   Observations générales

5.1.

La position du CESE sur le rapport de la Commission européenne concorde avec la résolution du Parlement européen sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, qui a été adoptée le 7 juin 2016, avec un fort soutien, dépassant les clivages partisans (18). Le Parlement insiste sur la nécessité d’une législation-cadre à l’échelle de l’Union européenne et appelle la Commission à avancer des propositions pour contrer ces pratiques qui ont cours dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, de manière à garantir que les agriculteurs bénéficient de revenus décents et les consommateurs, d’un choix étendu. Le Parlement souligne encore qu’il convient de développer la SCI et les autres dispositifs facultatifs des États membres et de l’Union européenne non pas à titre de voie de substitution mais «parallèlement à l’instauration de mécanismes de mise en œuvre forts et efficaces à l’échelle des États membres, en veillant à ce que des plaintes puissent être déposées anonymement et en établissant des sanctions dissuasives, avec une coordination au niveau de l’Union» (19).

5.2.

La Commission estime que l’initiative relative à la chaîne d’approvisionnement est encore trop récente pour que l’on puisse juger de son succès. Cependant, le CESE constate que la SCI n’a réussi à faire régresser ni les pratiques commerciales déloyales, ni les abus de puissance d’achat, pour les raisons suivantes:

5.2.1.

Le rôle moteur que joue grande distribution au sein de la SCI constitue un des grands facteurs propres à dissuader tout agriculteur de s’engager activement dans la plate-forme, compte tenu de la défiance qui règne entre ces deux types d’acteurs. La SCI ne garantit donc pas aux fournisseurs l’anonymat dont ils ont besoin pour surmonter l’«atmosphère de peur». En outre, la SCI ne peut pas prendre les devants en menant de sa propre initiative des enquêtes au sein des chaînes d’approvisionnement et est donc tributaire, pour agir, du dépôt d’une plainte par un opérateur, de sorte que le poids de la charge de la preuve repose sur les victimes de pratiques commerciales déloyales.

5.2.2.

La Commission donne à penser que la SCI permet l’autoréglementation en matière de pratiques commerciales déloyales. Toutefois, l’absence de sanctions financières a pour effet que rien ne viendra dissuader les acheteurs de recourir à des pratiques commerciales déloyales qui s’avèrent par ailleurs payantes. Ainsi, Tesco PLC a été récemment convaincu d’avoir recours à des pratiques commerciales déloyales dans ses rapports avec ses fournisseurs, alors même qu’il est membre de la SCI. Bien que Tesco ait fait l’objet de sanctions non financières dans le cadre de la législation britannique (arbitre du code des supermarchés), il n’a pas été pénalisé par la SCI. La possibilité d’exclure une entreprise contrevenante est la seule arme dissuasive dont dispose la SCI, qui n’y a toujours pas recouru à l’encontre de Tesco PLC. Cet exemple prouve à l’évidence que la SCI n’empêche pas les pratiques commerciales déloyales.

5.2.3.

Le CESE relève également que la SCI ne compte dans ses rangs ni agriculteurs, ni syndicats. Si certaines de ces organisations n’ont jamais adhéré à l’initiative ou à ses pendants nationaux, la Fédération centrale des producteurs agricoles et propriétaires forestiers (MTK) de Finlande, qui figurait parmi les membres fondateurs de la plate-forme de mise en œuvre de la SCI dans le pays, a décidé de s’en retirer, en affirmant qu’elle est inopérante, puisqu’elle accroît les risques pour les producteurs, en raison du manque d’anonymat.

6.   Mécanismes d’application actuels visant à prévenir les pratiques commerciales déloyales en Europe

6.1.

Vingt États membres ont mis en place des dispositions législatives et des initiatives réglementaires mais leur succès reste mitigé (20). Quinze d’entre eux ont adopté ces mesures au cours de ces cinq dernières années, témoignant ainsi que les pratiques commerciales déloyales sont très répandues dans leur chaîne d’approvisionnement. Il existe toutefois une grande disparité entre les différents degrés de réglementation et beaucoup des autorités de mise en œuvre ne sont pas habilitées à émettre des sanctions financières ou à enregistrer des plaintes sous garantie d’anonymat.

6.2.

Le Code des bonnes pratiques pour d’approvisionnement des magasins d’alimentation (GSCOP) (21), en vigueur au Royaume-Uni, est considéré comme une des initiatives législatives les plus avancées pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales (22). Avant sa promulgation, il existait un code de conduite à caractère facultatif mais il avait été jugé inefficace pour prévenir les pratiques commerciales déloyales, car il ne prévoyait pas de régulation. Le régulateur du Code des bonnes pratiques d’approvisionnement pour les magasins d’alimentation est constitué par l’arbitre du code des supermarchés (GCA), qui est juridiquement habilité à recevoir des plaintes anonymes concernant des pratiques commerciales déloyales, à ouvrir des enquêtes d’office, à faire connaître les pratiques frauduleuses auxquelles se livrent les entreprises et à infliger aux détaillants des amendes pouvant atteindre 1 % de leur chiffre d’affaires annuel lorsqu’ils ne respectent pas ledit code. L’arbitre a certes obtenu certains résultats mais la régulation exercée par l’arbitre du code des supermarchés ne peut porter que sur les relations entre les détaillants et leurs fournisseurs directs, qui sont pour une grande part établis au Royaume-Uni. Cette situation est porteuse d’«aléas moraux», dans la mesure où tant les détaillants que leurs fournisseurs directs transféreront, en recourant à des pratiques commerciales déloyales, le poids du risque vers ceux qui les fournissent indirectement.

6.3.

Des enquêtes similaires à celle de la commission de la concurrence du Royaume-Uni ont été menées en Espagne (23), en Finlande (24), en France (25), en Italie (26) et en Allemagne: toutes ont révélé une forte présence des pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

6.4.

En Europe, de nombreux opérateurs exercent leurs activités dans plusieurs États membres, si bien que ces entreprises ont la possibilité de chercher systématiquement les conditions juridiques qui leur sont les plus favorables, affaiblissant d’autant la force de la législation au niveau des États membres. L’absence d’harmonisation de l’environnement législatif dans l’ensemble de l’Union européenne a fait que le cadre dans lequel s’exerce la concurrence au sein du marché unique est inéquitable. En outre, lorsque la loi ne régit que les relations entre les fournisseurs directs et les détaillants, ces derniers recourent à des intermédiaires pour procéder à leurs achats de denrées alimentaires, de sorte que l’efficacité de cette législation est réduite: tel est, par exemple, le cas du Royaume-Uni. Il s’agit d’un argument supplémentaire en faveur d’une législation à l’échelle européenne.

6.5.

Les fournisseurs étrangers approvisionnent généralement les détaillants européens de manière indirecte, par le truchement d’importateurs et autres intermédiaires. De ce fait, l’existence de telles instances n’est guère connue (27) et les acteurs qui en ont connaissance n’ont pas la possibilité d’accéder à la plupart des autorités chargées de l’application pour obtenir réparation face à des pratiques commerciales déloyales.

7.   Appel à la constitution d’un réseau européen des autorités nationales chargées de l’application de la réglementation aux fins de lutter contre les pratiques commerciales déloyales

7.1.

Eu égard aux observations formulées ci-dessus, le CESE demande que soit mis en place un réseau européen des autorités chargées de l’application des dispositions contre les pratiques commerciales déloyales, afin d’éviter qu’il n’y soit fait recours au sein du marché unique. De par leur nature, ces pratiques requièrent et justifient tout à la fois une législation de l’Union européenne qui les interdise, de manière à protéger les fournisseurs de denrées alimentaires, quel que soit leur site d’implantation, même quand il se situe dans des pays tiers. Pour que cette action soit efficace, les autorités d’application faisant partie du réseau doivent être dotées des capacités suivantes:

disposer d’un libre accès à l’ensemble des acteurs et parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement alimentaire de l’Union européenne, indépendamment de leur localisation géographique,

bénéficier de dispositions qui permettent de protéger efficacement l’anonymat et la confidentialité des parties prenantes qui souhaitent déposer une plainte contre des pratiques commerciales déloyales,

pouvoir mener des enquêtes d’office sur des entreprises soupçonnées d’abus de puissance d’achat,

être habilitées à prononcer des sanctions, financières et non financières, à l’encontre des entreprises en infraction,

se coordonner entre elles au niveau de l’Union européenne,

pouvoir participer à une éventuelle coordination internationale avec des autorités d’application de pays non européens afin de lutter contre les pratiques commerciales déloyales qui sévissent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du marché unique.

7.2.

Tous les États membres devraient avoir pour objectif de mettre en place des autorités nationales d’application afin de traiter les plaintes relatives aux pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Il conviendrait de les concevoir de telle manière qu’elles suivent pour norme d’assurer au minimum les tâches énumérées ci-dessus.

7.3.

Les mesures législatives visant à prévenir les pratiques commerciales déloyales peuvent et doivent présenter une bonne efficacité par rapport à leur coût.

7.4.

Dans sa résolution, le Parlement européen appelle également la Commission à prendre des mesures pour mettre en place des mécanismes d’exécution efficaces, comme l’élaboration et la coordination d’un «réseau d’autorités nationales bénéficiant d’une reconnaissance mutuelle au niveau de l’Union» (28).

7.5.

L’Institut britannique de droit international et comparé (BIICL) a recommandé que l’Union européenne adopte une directive qui définisse des objectifs communs pour les autorités d’application des États membres, afin de prévenir les pratiques commerciales déloyales, et qu’elle prévoie des règles pour coordonner ces instances à l’échelle européenne (29).

8.   Bonnes pratiques actuelles du secteur pour prévenir les pratiques commerciales déloyales

8.1.

La tarification fixe ou le prix minimal contractuellement garanti, résultant de négociations équitables entre acheteurs et fournisseurs, offrent à ces derniers un niveau de sécurité plus élevé que lorsqu’ils vendent leurs produits sur le marché libre. Ces types de contrat garantissent aux fournisseurs des prix fixes mais cette pratique pourrait néanmoins être améliorée si les volumes étaient eux aussi fixés à l’avance ou assortis de garanties minimales. Actuellement, ils sont susceptibles d’être modifiés de manière rétroactive et les produits peuvent être refusés par les acheteurs quand la demande du marché évolue, et ce, parfois à la dernière minute, d’où des frais non prévus pour commercialiser ailleurs les denrées concernées, les reconditionner ou les éliminer.

8.2.

Certains fournisseurs de l’Union européenne commencent à avoir recours aux services de tiers pour inspecter les produits lors de leur arrivée à destination, de manière à pouvoir récuser les plaintes fondées sur des motifs fallacieux que des importateurs émettent afin de refuser des livraisons. Ces intervenants formulent de telles réclamations lorsque des modifications se produisent dans les prévisions d’offre et de demande et ils accroissent ainsi le risque pesant sur les acheteurs des maillons ultérieurs de la chaîne d’approvisionnement. Ce phénomène a un caractère saisonnier, car lorsque l’offre est élevée et que les prix sont donc bas, les fournisseurs sont plus exposés au risque de refus de leur marchandise que dans les périodes où elle est limitée. S’il est certain que le recours aux tierces parties susmentionnées réduit la fréquence de ces rejets de marchandises dont sont victimes les exportateurs, ces services représentent un coût supplémentaire pour le fournisseur et limitent encore plus sa capacité à investir dans son entreprise et y apporter des innovations. En outre, les fournisseurs de moindre envergure ne peuvent généralement pas s’offrir une telle aide et ne bénéficient donc pas de cette pratique.

9.   Autres possibilités de chaînes d’approvisionnement alimentaire

9.1.

Il existe de nombreux exemples de chaînes d’approvisionnement de substitution, qui adoptent des pratiques commerciales plus équitables et assurent un plus juste équilibre en matière de distribution ou de répartition. Le monde coopératif a développé certaines approches prometteuses mais elles sont de plus en plus menacées par la montée en puissance des conglomérats d’entreprises et des multinationales.

9.2.

Pour que la chaîne d’approvisionnement alimentaire de l’Union européenne devienne plus équitable, il convient de prendre tout un éventail de mesures visant à contrer le pouvoir qu’y détiennent les grandes entreprises, en prévenant les pratiques commerciales déloyales, et de renforcer les contre-pouvoirs, en encourageant le développement de coopératives et d’autres circuits de distribution alimentaire.

9.3.

La mise en place de coopératives et d’associations d’agriculteurs, en Europe comme sur les autres continents, a permis aux fournisseurs de cumuler leurs volumes de production, de manière à augmenter leur puissance de vente, pénétrer les grands marchés et négocier de meilleurs prix. De tels modèles commerciaux offrent aux petits fournisseurs la possibilité de mieux contrôler la production et la commercialisation de leurs produits et ouvrent une autre voie que celle des opérations de croissance à grande échelle. Le Parlement européen a invité la Commission européenne à encourager ces modèles d’entreprise «afin d’améliorer leur pouvoir de négociation et leur position dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire» (30). En outre, il y a lieu de promouvoir plus vigoureusement la coopération sectorielle et régionale entre les producteurs et les coopératives (31).

9.4.

Grâce aux dispositifs d’agriculture soutenue par la communauté (ASC) et autres groupements coopératifs rassemblant des agriculteurs et des consommateurs, ces derniers peuvent contribuer directement à la production de la nourriture qu’ils consomment. Des chiffres récents indiquent qu’à l’heure actuelle, 2 776 de ces groupements d’agriculture à soutien collectif opèrent en Europe et qu’ils nourrissent 472 055 consommateurs (32). Plus étendus, les modèles fondés sur une offre de «paniers de produits» mettent également à profit des circuits d’approvisionnement courts, pour livrer des produits soit directement aux ménages qui les consomment, soit dans des points de dépôt centralisés.

9.5.

Les circuits de vente directe de produits agroalimentaires qui sont gérés par les agriculteurs eux-mêmes, comme les marchés paysans, présentent un double avantage: d’une part, ils préservent les producteurs de toute pratique abusive, accroissent leur degré d’autonomie et augmentent leurs revenus et, d’autre part, ils ouvrent aux consommateurs l’accès à des produits frais, authentiques et durables, dont l’origine est assurée. Une étude (33) a montré que quand ils optent pour ces chaînes d’approvisionnement plutôt que pour leurs débouchés traditionnels, les agriculteurs engrangent des revenus nettement plus élevés. Dans la mesure où ces initiatives génèrent croissance et emplois, tout en répondant aux besoins des consommateurs, il conviendrait qu’elles bénéficient d’un soutien bien plus important sur fonds publics, par exemple au titre des versements ressortissant au second pilier de la politique agricole commune.

9.6.

Dans la mise en œuvre des nouvelles directives sur les marchés publics, qui vont au-delà de la recherche du rabais maximal, les États membres devraient développer des pistes pour améliorer la situation des agriculteurs et des entreprises alimentaires locales grâce à des contrats directs que les pouvoirs publics pourront passer avec eux.

9.7.

Il convient en outre de lancer à l’échelle européenne une campagne d’information et de sensibilisation sur la valeur des aliments. Mieux sensibiliser les consommateurs à l’importance que revêt la production alimentaire et valoriser davantage les denrées alimentaires s’avère en effet de plus en plus nécessaire et est susceptible de contribuer à des pratiques commerciales plus équitables.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 133 du 9.5.2013, p. 16.

(2)  Voir note 1 de bas de page.

(3)  Rapport du Parlement européen du 7 juin 2016 sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire [2015/2065(INI)].

(4)  Les amis de la terre, 2015. Eating From The Farm (Se nourrir à la ferme).

(5)  Consumers International, 2012. The relationship between supermarkets and suppliers: What are the implications for consumers? («Les relations entre la grande distribution et les fournisseurs: quelles conséquences pour les consommateurs?»)

(6)  Voir note 1 de bas de page.

(7)  Commission européenne, 2014. Lutter contre les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire interentreprises — COM(2014) 472 final.

(8)  Europe Economics. Estimated costs of Unfair Trading Practices in the EU Food Supply Chain («Estimation des coûts des pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire»).

(9)  Le Juste Fruit, 2015. Banana Value Chains in Europe and the Consequences of Unfair Trading Practices («Les chaînes de création de valeur de la banane en Europe et les conséquences des pratiques commerciales déloyales»). http://www.makefruitfair.org/wp-content/uploads/2015/11/banana_value_chain_research_FINAL_WEB.pdf.

(10)  Rapport hebdomadaire, Berlin 13/2011, p. 4 et suiv.

(11)  Voir note 1 de bas de page.

(12)  Bureau de plaidoyer pour le commerce équitable, 2014. Who’s got the power? Tackling imbalances in agricultural supply chains. («Qui détient le pouvoir? Remédier aux déséquilibres dans les chaînes d’approvisionnement»), p. 4.

(13)  Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) du Parlement européen, 2016. Rapport sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire [2015/2065(INI)].

(14)  Feedback, 2015. Food Waste In Kenya: uncovering food waste in the horticultural export supply chain («Le gaspillage alimentaire au Kenya: révélations sur le gaspillage alimentaire dans la chaîne d’approvisionnement pour l’exportation horticole»).

(15)  COM(2016) 32 final.

(16)  http://www.supplychaininitiative.eu/fr/homepage.

(17)  http://ec.europa.eu/growth/sectors/food/competitiveness/supply-chain-forum/index_en.htm.

(18)  Résolution du Parlement européen du 7 juin 2016 sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire [2015/2065(INI)].

(19)  Résolution du Parlement européen 2015/2065(INI), ibidem.

(20)  Voir note 15 de bas de page.

(21)  Gouvernement du Royaume-Uni, 2016: www.gov.uk/government/publications/groceries-supply-code-of-practice.

(22)  Le code a été élaboré à la suite d’une enquête menée par la commission de la concurrence du Royaume-Uni, qui a constaté que les détaillants disposaient, au sein de la chaîne d’approvisionnement, d’un pouvoir démesuré, qui aboutissait à reporter les risques vers l’amont de la chaîne d’approvisionnement.

(23)  Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (Commission nationale des marchés et de la concurrence), Informe sobre las relaciones entre fabricantes y distribuidores en el sector alimentario («Rapport sur les relations entre les producteurs et les distributeurs du secteur alimentaire»), 2011.

(24)  Autorité finlandaise de la concurrence (FCA): FCA study shows that daily consumer goods trade uses its buying power in several ways that are questionable for competition («L’étude de la FCA montre que le commerce des produits de consommation courante utilise sa puissance d’achat selon diverses modalités qui sont contestables du point de vue de la concurrence»), 2012.

(25)  Autorité de la concurrence, avis no 12-A-01 du 11 janvier 2012 relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris.

(26)  Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (Autorité garante de la concurrence et du marché), Indagine conoscitiva sul settore della Grande Distribuzione Organizzata («Enquête de récolte d’éléments sur le secteur de la grande distribution organisée»), 2013.

(27)  Feedback, 2015, ibid.

(28)  Résolution du Parlement européen [2015/2065(INI)], ibidem.

(29)  http://www.biicl.org/documents/872_biicl_enforcement_mechanisms_report_-_final_w_exec_sum.pdf?showdocument=1.

(30)  Résolution du Parlement européen [2015/2065(INI)], ibidem.

(31)  JO C 303 du 19.8.2016, p. 64.

(32)  Groupe de recherche européen sur l’agriculture soutenue par la communauté, 2015. Overview of Community Support Agriculture in Europe («Bilan des systèmes d’agriculture à soutien collectif en Europe»). http://groupedebruges.eu/sites/default/files/publications/downloads/overview-of-community-supported-agriculture-in-europe-final.pdf.

(33)  http://www.foeeurope.org/sites/default/files/agriculture/2015/eating_from_the_farm.pdf.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/140


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil définissant les caractéristiques des navires de pêche (refonte)»

[COM(2016) 273 final — 2016/0145 (COD)]

(2017/C 034/22)

Rapporteur:

M. Gabriel SARRÓ IPARRAGUIRRE

Consultation

Conseil: 1er juin 2016

Parlement européen: 6 juin 2016

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

 

[COM(2016) 273 final — 2016/0145 (COD)]

Décision du Bureau du Comité:

14 juin 2016

 

 

Compétence:

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

30 septembre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

222/0/2

1.   Conclusions

1.1.

Le CESE exprime son accord avec la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil définissant les caractéristiques des navires de pêche (refonte), règlement qu’il juge nécessaire et très pertinent pour le droit de l’Union.

2.   Contexte

2.1.

L’objet de la proposition de la Commission est de procéder à la codification du règlement (CEE) no 2930/86 du Conseil, du 22 septembre 1986, définissant les caractéristiques des navires de pêche, modifié par le règlement (CE) no 3259/94 du Conseil, du 22 décembre 1994.

2.2.

Cette codification fait suite aux conclusions de la présidence du Conseil européen d’Édimbourg, de décembre 1992, qui a confirmé la décision de la Commission de procéder à la codification de tous les actes (acte original et modifications ultérieures) au plus tard après leur dixième modification.

2.3.

La codification est nécessaire aux fins de la simplification, de la clarté et de la transparence du droit de l’Union, afin de le rendre plus lisible et plus accessible au citoyen en lui offrant ainsi des possibilités accrues de faire usage des droits spécifiques qui lui sont conférés.

2.4.

La codification doit être effectuée dans le strict respect de la procédure normale d’adoption des actes de l’Union.

3.   Observations générales

3.1.

La proposition de la Commission respecte pleinement le contenu des textes codifiés.

3.2.

Elle apporte néanmoins certaines modifications de fond à l’article 5, paragraphe 3, du règlement (CEE) no 2930/86 afin de déléguer à la Commission le pouvoir d’adapter au progrès technique les spécifications relatives à la détermination de la puissance continue du moteur. La proposition est dès lors présentée sous la forme d’une refonte.

3.3.

La proposition de refonte a été élaborée sur la base d’une consolidation préalable du texte, dans les 23 langues officielles, du règlement (CEE) no 2930/86 et de l’acte qui l’a modifié, effectuée, au moyen d’un système informatique, par l’Office des publications de l’Union européenne.

3.4.

La proposition comporte trois annexes qui reprennent la modification de l’annexe (adaptée) du règlement (CE) no 3259/94 et la corrélation, lorsque les articles ont été renumérotés, entre l’ancienne et la nouvelle numérotation de la proposition.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE marque son accord avec les modifications apportées au contenu de l’article 5, paragraphe 3, habilitant la Commission à adopter des actes délégués pour l’adaptation au progrès technique des spécifications relatives à la détermination de la puissance continue du moteur, conformément aux spécifications adoptées par l’Organisation internationale de normalisation dans sa norme internationale recommandée ISO 3046/1, deuxième édition, d’octobre 1981.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/142


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures de gestion, de conservation et de contrôle applicables dans la zone de la convention de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) et modifiant les règlements (CE) no 1936/2001, (CE) no 1984/2003 et (CE) no 520/2007 du Conseil»

[COM(2016) 401 final — 2016/0187 (COD)]

(2017/C 034/23)

Rapporteur:

Thomas McDONOGH

Consultation

Parlement européen: 22 juin 2016

Conseil: 30 juin 2016

Base juridique

Article 43, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

[COM(2016) 401 final — 2016/0187 (COD)]

 

 

Décision du Bureau du Comité

12 juillet 2016

 

 

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

30 septembre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

224/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite de la transposition, dans le droit de l’Union, des mesures adoptées depuis 2008 par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA). Le Comité invite instamment la Commission européenne à jouer un rôle plus actif au sein de la CICTA et d’autres organisations régionales de gestion des pêches (ORGP).

1.2.

Le CESE demande à toutes les parties concernées de veiller avec la plus grande rigueur à l’application de cette réglementation et d’autres mesures de conservation. La majorité des pêcheurs respectent les règles du jeu et méritent des conditions équitables.

1.3.

Le CESE demande à la Commission de vérifier et, le cas échéant, de supprimer l’article 7, paragraphe 2, et également de modifier, dans le sens préconisé dans cet avis, l’article 9, paragraphe 1, les articles 31, 32, 34 à 36 et l’article 38, paragraphe 4. L’exception prévue pour le transbordement en mer, faisant l’objet des articles 52 à 59, devrait aussi être attentivement réévaluée et, le cas échéant, supprimée si l’obligation générale de transbordement au port doit primer.

2.   Contexte

2.1.

Parallèlement aux accords bilatéraux tels que les accords de partenariat dans le domaine de la pêche durable ou les accords de réciprocité, la politique commune de la pêche (PCP) offre à l’Union européenne la possibilité de conclure des accords multilatéraux dans le cadre d’ORGP. L’objectif de ces accords est de renforcer la coopération régionale en vue de garantir la conservation et l’exploitation durable des ressources halieutiques.

2.2.

La CICTA est chargée de la conservation des thonidés et des espèces voisines (une trentaine au total) dans l’océan Atlantique et les mers adjacentes. L’Union européenne est partie contractante depuis 1997, et remplace l’action individuelle des États membres.

2.3.

La CICTA a le pouvoir d’adopter des recommandations contraignantes qui doivent être transposées dans le droit de l’Union, dans la mesure où elles ne sont pas déjà couvertes par sa législation.

3.   Observations

3.1.

L’article 7, paragraphe 2, de la proposition, qui limite le remplacement de certains navires par des navires d’une capacité équivalente ou inférieure, repose sur la recommandation 14-01 de la CICTA, qui n’est plus en vigueur. La nouvelle recommandation sur les thonidés tropicaux (15-01) ne prévoit, dans sa forme actuelle, aucune limitation en ce qui concerne les remplacements.

3.2.

L’article 9, paragraphe 1, concernant les plans de gestion des dispositifs de concentration des poissons (DCP) fixe le délai de transmission au secrétariat de la CICTA au 1er juillet de chaque année, qui était la date d’échéance fixée par la recommandation 14-01. La limite fixée dans la recommandation 15-01 est le 31 janvier; étant donné que cette échéance s’applique à la Commission, il y a lieu de fixer une date antérieure pour les États membres, par exemple le 15 janvier.

3.3.

Les articles 31, 32, 34, 35 et 36, qui interdisent le débarquement d’espèces de requins non autorisées, pourraient inclure une référence à l’article 15, paragraphe 4, du règlement de base relatif à la politique commune de la pêche (1), qui prévoit des exceptions à l’interdiction générale de rejet.

3.4.

L’article 38, paragraphe 4, devrait commencer, comme dans la recommandation 07-07 de la CICTA, par les mots «lorsque cela est possible». Cela ne devrait pas empêcher la négociation d’un compromis plus contraignant au sein de la CICTA.

3.5.

Les articles 54 et 55 visent à introduire les exceptions prévues par la CICTA pour les palangriers en ce qui concerne les transbordements en mer, mais, dans le cas de la flotte de l’Union européenne, il convient d’appliquer la règle générale selon laquelle toutes les opérations de transbordement doivent être effectuées au port.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Règlement (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/144


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte)»

[COM(2016) 270 final — 2016/0133(COD)],

sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile et abrogeant le règlement (UE) no 439/2010»

[COM(2016) 271 final — 2016/0131(COD)],

et sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’“Eurodac” pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du [règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride], et de l’identification des ressortissants de pays tiers ou apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives (refonte)»

[COM(2016) 272 final — 2016/0132(COD)]

(2017/C 034/24)

Rapporteur:

M. José Antonio MORENO DÍAZ

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 15.6.2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 270 final — 2016/0133(COD)], [COM(2016) 271 final — 2016/0131(COD)], [COM(2016) 272 final — 2016/0132(COD)]

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section spécialisée

27.9.2016

Adoption en session plénière

19.10.2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

215/1/4

1.   Conclusions

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) juge indispensable une réforme efficace et effective du régime d’asile européen commun (RAEC) et une amélioration des voies légales d’accès à l’Union européenne dans le cadre du respect des droits des personnes victimes de persécution.

1.2.

C’est dans cette perspective qu’il y a lieu de proposer un véritable régime commun et obligatoire pour l’ensemble des États membres, qui harmoniserait toutes les législations nationales ou — à défaut — introduirait au moins un système commun de reconnaissance mutuelle des décisions en matière d’asile entre tous les États membres de l’Union européenne permettant un véritable régime d’asile européen commun.

1.3.

En tout état de cause, le CESE accueille favorablement l’objectif proposé d’améliorer et d’accélérer les procédures de détermination de l’État membre responsable dans un souci d’une plus grande efficacité, mais estime qu’il y a lieu de préciser et d’intégrer des dispositions protectrices concernant les questions de procédure, le traitement individualisé des demandes, le maintien des clauses discrétionnaires, le maintien du délai de cessation de l’obligation de prise en charge de la part d’un État membre, les droits des demandeurs d’asile et la limitation du mécanisme d’attribution correcteur.

1.4.

Il est nécessaire de veiller à la cohérence des dispositions proposées dans le règlement avec les dispositions existantes dans ce domaine ainsi que les mesures y afférentes que la Commission européenne prévoit de développer dans le cadre du changement fondamental du régime d’asile européen commun, ainsi qu’à la cohérence avec les autres politiques de l’Union.

1.5.

Tous les États membres devraient être responsables de la mise à disposition du demandeur d’informations détaillées et actualisées sur les procédures découlant du système de Dublin conformément aux exigences énoncées à l’article 4.

1.6.

Il convient de garantir le principe de proportionnalité afin de favoriser une véritable durabilité du système, en ce qui concerne l’accès rapide des demandeurs à la procédure d’asile et la capacité des administrations des États membres à mettre en œuvre le système.

2.   Contexte

2.1.

Le 6 avril 2016, la Commission a publié une communication dans laquelle elle prend acte des insuffisances dans la conception et la mise en œuvre du régime d’asile européen commun, en ce qui concerne en particulier les dispositions du «règlement Dublin», et définit cinq domaines prioritaires pour améliorer cette situation.

2.2.

La Commission propose de réformer le régime d’asile européen commun en vue de mettre en place un système plus équitable, plus efficace et plus durable en modifiant l’actuel règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale.

2.3.

La Commission constate que le système de Dublin n’a pas été conçu pour garantir un partage de responsabilité durable, équitable et efficace en ce qui concerne les demandeurs de protection internationale, dans l’ensemble de l’Union européenne. Le système de Dublin n’a pas fonctionné convenablement ni de façon homogène: l’expérience de ces dernières années a démontré qu’en cas de flux migratoires massifs, un nombre limité d’États membres doit examiner la majorité des demandes de protection internationale, ce qui conduit dans certains cas à des violations de plus en plus fréquentes des règles de l’Union européenne en matière d’asile.

2.4.

Pour remédier à ces lacunes, la Commission propose de modifier le règlement avec les objectifs suivants:

renforcer l’efficacité du système en déterminant un seul État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale,

décourager les abus du régime d’asile et prévenir les mouvements secondaires des demandeurs au sein de l’Union,

établir un système plus juste de répartition au moyen d’un mécanisme correcteur qui détecte automatiquement si un État membre est confronté à un nombre disproportionné de demandes d’asile,

préciser les obligations des demandeurs d’asile dans l’Union européenne, ainsi que les conséquences du non-respect de ces obligations,

modifier le règlement Eurodac pour l’adapter aux changements apportés au système de Dublin et garantir sa mise en œuvre correcte,

renforcer le mandat du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) en mettant en place l’Agence de l’Union européenne pour l’asile.

3.   Analyse

3.1.    Critères de Dublin proposés pour déterminer la responsabilité de l’État membre

Dans l’actuel règlement (UE) no 604/2013, le principal critère général pour déterminer le transfert consiste dans les documents et le lieu d’entrée, ce qui a pour résultat que les États membres situés aux frontières extérieures doivent prendre la responsabilité d’un très grand nombre de cas. Les données enregistrées dans Eurodac et le système d’information sur les visas (VIS) sont acceptées à titre de preuve par la plupart des États membres. Toutefois, il arrive qu’elles ne soient pas considérées comme des éléments probants suffisants.

Dans la proposition, le critère de détermination de l’État membre n’est appliqué qu’une seule fois et l’article 9 prévoit qu’un demandeur doit effectuer une demande de protection internationale au premier État membre d’entrée, que cette entrée soit irrégulière ou que le séjour soit régulier. Les critères hiérarchiques décrits aux articles 10 à 17 prévoient le maintien de dispositions similaires.

3.1.1.

Mineurs: la proposition de réforme maintient les dispositions existantes, mais uniquement pour les mineurs non accompagnés qui sont demandeurs d’une protection internationale.

3.1.2.

Membres de la famille: la proposition élargit la définition des membres de la famille dans deux sens: elle l’étend aux frères et sœurs et elle prend en considération les familles formées avant l’arrivée dans l’État membre, et pas nécessairement dans le pays d’origine comme le prévoyait le règlement Dublin III. Ces deux aspects sont essentiels, et nous attirons en particulier l’attention sur les situations de détresse qui découlent de facto du fait que les frères et sœurs sont considérés comme «non-membres de la famille» et qui touchent dans de nombreux cas des mineurs non accompagnés, dont les seuls liens familiaux dans un État membre sont un frère ou une sœur.

3.1.3.

Titre de séjour ou visa: la proposition maintient la responsabilité de l’État membre pour l’examen de la demande de protection internationale en ce qui concerne l’émission de ces documents. Elle introduit toutefois des dispositions destinées à clarifier les critères de responsabilité.

3.1.4.

Entrée irrégulière dans un État membre: la proposition supprime les dispositions relatives à la cessation de la responsabilité douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière.

3.1.5.

Clauses discrétionnaires: la proposition limite la capacité des États membres en la matière et prévoit la possibilité qu’ils prennent la responsabilité d’une demande de protection internationale dont ils ne sont pas responsables uniquement sur la base de relations familiales qui ne relèvent pas de la définition des membres de la famille.

3.1.6.

En ce qui concerne les personnes à charge, la proposition ne prévoit pas de modification. Dès lors, lorsque, du fait d’une grossesse, d’un enfant nouveau-né, d’une maladie grave, d’un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l’assistance de son enfant, de ses frères ou sœurs, ou de son père ou sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque les mêmes personnes sont dépendantes de l’assistance du demandeur, les États membres les laissent ensemble ou les rapprochent, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d’origine, qu’ils soient capables de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit.

3.2.    Procédure de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale

3.2.1.

La proposition de réforme du règlement Dublin vise à établir un système plus équitable et plus durable, en simplifiant la procédure et en améliorant son efficacité. Toutefois, les modifications apportées ne sont pas toujours orientées vers la réalisation de ces objectifs.

L’article 3 de la proposition de réforme prévoit l’analyse des critères de recevabilité d’une demande de protection internationale préalablement à la détermination de l’État membre responsable sans toutefois entreprendre l’examen de la question de la présence de membres de la famille dans un autre État membre ou des besoins des mineurs.

Les critères de recevabilité qui peuvent être évalués au préalable sont les différents concepts de pays tiers sûr, de premier pays d’asile, de pays d’origine sûr ainsi que la notion juridique indéterminée de «danger pour la sécurité».

La proposition introduit des modifications consistant à réduire sensiblement les délais et à accélérer les procédures de réadmission.

3.2.2.

La réforme supprime les cas de cessation de la responsabilité visés actuellement à l’article 19 (en cas de départ volontaire du demandeur du territoire des États membres pendant une durée d’au moins trois mois ou d’expulsion): cela suppose que l’État membre reste responsable de toute demande présentée par une personne à tout moment, même si elle a regagné son pays d’origine pendant de longues périodes de temps, que sa situation personnelle et familiale a changé dans l’intervalle ou que la situation dans cet État membre a évolué de façon substantielle.

3.3.    Garanties procédurales et de respect des droits fondamentaux dans le cadre de la procédure de détermination de l’État membre responsable

3.3.1.

Droit à l’information: l’article 6, paragraphe 1, renforce le droit à l’information des demandeurs d’une protection internationale soumis à des procédures de détermination de l’État responsable et précise les informations à communiquer.

3.3.2.

Droit de recours effectif: l’article 27 de la réforme impose que la notification de la décision de transfert vers l’État membre responsable s’effectue par écrit au demandeur et sans tarder, en l’informant de la possibilité d’introduire un recours contre cette décision. L’article 28 garantit l’effet suspensif des recours contre des décisions de transfert des demandeurs de protection internationale et prévoit des délais pour cette procédure de révision, qui s’avèrent cependant trop courts (seulement sept jours pour l’introduction du recours).

3.3.3.

Droit à la liberté de mouvement et rétention des demandeurs soumis aux procédures de détermination de l’État responsable: l’article 29 de la proposition réduit de moitié les délais des procédures lorsque la personne concernée se trouve en rétention. Le délai pour l’exécution du transfert ou, dans le cas contraire, la remise en liberté est également réduit de six à quatre semaines.

3.4.    Obligations et sanctions

3.4.1.

La proposition énonce de manière explicite les obligations du demandeur de protection internationale:

déposer une demande de protection internationale dans le premier pays par lequel il est entré de manière irrégulière ou dans le pays où son séjour régulier est autorisé,

fournir toutes les informations et tous les éléments de preuve le plus rapidement possible, et au plus tard au cours de l’entretien de détermination de l’État responsable, et coopérer avec les autorités de l’État membre chargé de la détermination de l’État membre responsable,

être présent et à la disposition des autorités de l’État membre qui procède à la détermination de l’État membre responsable,

respecter le transfert vers l’État membre responsable.

3.4.2.

En cas de manquement à ces règles, l’article 5 prévoit des conséquences disproportionnées sur le plan des procédures et de l’accueil, qui vont à l’encontre des normes prévues dans les directives actuelles relatives aux procédures (directive 2013/32/UE) et à l’accueil (directive 2013/33/UE), ainsi que de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne:

en cas de non-présentation de la demande à l’État membre dans lequel est autorisé le séjour ou dans l’État membre par lequel le demandeur est entré de manière irrégulière, l’examen de la demande s’effectue selon la procédure accélérée, conformément à l’article 31, paragraphe 8, de la directive 2013/32/UE. Cependant, l’article en question n’envisage pas ce cas, ce qui suppose une extension des cas auxquels s’applique une procédure qui, dans la pratique, entraîne une réduction des délais d’examen du fond de la demande, une diminution des garanties et des difficultés accrues pour détecter les profils vulnérables dans des délais aussi réduits. Ce point revêt une importance particulière par rapport à l’obligation prévue à l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2013/32/UE de ne pas appliquer les procédures accélérées dans les cas de demandeurs particulièrement vulnérables,

il n’est tenu compte que des informations et documents fournis au plus tard lors de l’entretien en vue de la détermination de l’État responsable. Toutefois, la certification des liens familiaux nécessite souvent des preuves de filiation dont l’obtention peut prendre du temps,

exclusion des conditions d’accueil fixées par les articles 14 à 19 de la directive 2013/33/UE dans tout autre État membre: parmi ces conditions d’accueil qui seraient exclues figurent la scolarisation des mineurs d’âge (article 14 de la directive 2013/33/UE), ce qui est une violation manifeste du droit à l’éducation des mineurs (articles 14 et 24 de la Charte des droits fondamentaux), les soins de santé au-delà des soins urgents (article 19 de la directive 2013/33/UE) ou un niveau de vie adéquat qui garantit leur subsistance et protège leur santé physique et mentale (article 17 de la directive 2013/33/UE),

la proposition exclut la possibilité de former un recours contre le refus d’une demande de protection internationale aux demandeurs à qui elle a été refusée et qui se sont rendus dans un autre État membre (article 20, paragraphe 5, de la proposition). Cette disposition peut constituer une violation de l’article 46 de la directive 2013/32/UE et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux.

3.5.    Mécanisme d’attribution correcteur

Un mécanisme correcteur est établi en cas de disproportion du nombre de demandes que chaque État membre doit prendre en charge selon les critères antérieurs. Pour déterminer une telle situation, une valeur de référence du nombre de demandes et de réinstallations que chaque État membre est en mesure de supporter est calculée sur la base du produit intérieur brut et de la population. Si le nombre de demandes dépasse 150 % de cette valeur, le mécanisme correcteur est activé de manière automatique, et relocalise les demandeurs d’une protection internationale de cet État membre (bénéficiaire) dans d’autres États membres (d’attribution) qui supportent une charge moindre.

3.6.    Renforcement du système Eurodac

La proposition de la Commission prévoit d’adapter et d’améliorer le système Eurodac créé en 2000 pour la mise en place et l’utilisation d’une base de données européenne dans laquelle sont enregistrées les empreintes digitales des demandeurs de protection internationale et de plusieurs catégories de migrants en situation irrégulière. L’objectif de ce système est de faciliter l’application du règlement Dublin en permettant de déterminer quel État membre est le premier point d’entrée dans l’Union européenne d’un demandeur de protection internationale. La proposition prévoit la possibilité d’élargir le champ d’action et d’inclure le stockage de données de personnes provenant d’États tiers qui ne sont pas demandeurs d’une protection internationale et résident de manière irrégulière dans l’Union européenne.

3.7.    Nouveau mandat pour l’agence de l’Union européenne chargée des questions relatives à l’asile

La Commission propose de modifier le mandat du Bureau européen d’appui en matière d’asile afin de faciliter le fonctionnement du régime d’asile européen commun et du règlement Dublin.

La Commission prévoit la transformation de ce Bureau, étendant son mandat de manière à élargir son rôle et à assurer une mise en œuvre effective du régime d’asile européen commun.

4.   Recommandations particulières

4.1.    Mineurs non accompagnés

Les dispositions prévues vont à l’encontre de l’«intérêt supérieur de l’enfant» compte tenu du fait que nombreux sont les cas de mineurs non accompagnés qui, pour des raisons diverses, n’ont pas accès à la procédure de protection internationale, ni à la garantie d’une évaluation des besoins individuels de chacun d’entre eux.

4.2.    Entrée irrégulière dans un État membre

La suppression de la cessation de responsabilité de douze mois à compter de la date à laquelle a eu lieu le franchissement irrégulier de la frontière semble aller à l’encontre d’un des objectifs prioritaires de la réforme, qui est de garantir une répartition durable des responsabilités et un système plus équitable. La suppression de cette règle relative à la cessation de la responsabilité ne garantit pas l’équité aux États membres qui se trouvent aux frontières extérieures.

4.3.    Clauses discrétionnaires

4.3.1.

Le CESE ne partage pas l’idée d’une limitation de ces clauses aux seuls cas de relations familiales qui ne relèvent pas de la définition des membres de la famille, car il est essentiel de prendre en compte des problèmes susceptibles de survenir dans un État membre non seulement quantitatifs, au regard du nombre de demandeurs d’une protection internationale, mais aussi qualitatifs, lesquels concernent les questions liées à la mise en œuvre effective de la directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, l’accès des demandeurs d’une protection internationale à la procédure d’asile, l’information et le conseil, les garanties procédurales et les procédures spéciales pour les personnes qui en ont besoin. La directive 2013/33/UE relative aux conditions d’accueil (refonte) contient également des règles communes visant à garantir aux demandeurs d’une protection internationale des conditions de vie comparables dans tous les États membres ainsi que le plein respect de leurs droits fondamentaux.

4.3.2.

Dans certaines situations, il peut arriver qu’un État membre ne soit pas en mesure de garantir le respect des dispositions prévues dans ces directives et qu’il soit nécessaire de maintenir la formulation du règlement Dublin III en ce qui concerne la décision d’un État membre d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas.

4.3.3.

En outre, il convient de tenir compte du fait que de nombreux demandeurs de protection internationale se trouvent en situation de maladie et/ou de handicap graves, et qu’ils n’ont aucun lien familial dans un État membre: toutefois, à cause de leur situation particulière, ils ne se trouvent pas en état, pour des raisons médicales, d’être transférés dans l’État membre responsable, ce qui établit leur relation de dépendance avec l’État membre dans lequel ils ont introduit leur demande de protection internationale. La nouvelle proposition devrait inclure ces cas dans les clauses discrétionnaires.

4.3.4.

Il est indispensable de maintenir la prise en charge d’un demandeur pour des raisons humanitaires ou culturelles afin de garantir l’accompagnement des personnes demandant une protection internationale en situation de vulnérabilité particulière, conformément aux dispositions de la directive 2013/32/UE, ainsi que le traitement différencié sur la base de l’évaluation des circonstances spécifiques.

4.4.    Procédure de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale

4.4.1.

Lorsqu’elle conduit à un refus d’une demande de protection internationale, l’analyse des critères de recevabilité d’une demande de protection internationale sans que soit entrepris l’examen de la présence de membres de la famille dans un autre État membre ou des besoins des enfants, peut aller à l’encontre du droit au respect de la vie familiale, tel qu’il est protégé par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

4.4.2.

L’application automatique des concepts de pays tiers sûr, de premier pays d’asile, de pays d’origine sûr ainsi que de la notion juridique indéterminée de «danger pour la sécurité» peut conduire à des situations discriminatoires selon la nationalité ou les routes de migration. En outre, dans le cas d’un pays d’origine sûr et d’un risque pour la sécurité, l’article 3, paragraphe 3, prévoit l’application d’une procédure accélérée: celle-ci ne peut en aucun cas porter atteinte aux garanties de procédure au motif de la brièveté des délais. De même, cette procédure ne peut pas déboucher sur une évaluation non individuelle des demandes de protection internationale, comme l’interdit l’article 10, paragraphe 3, point a), de la directive 2013/32/UE.

4.4.3.

L’article 33 de la proposition n’introduit aucune amélioration en ce qui concerne la transmission entre États membres des informations sur les cas de personnes vulnérables, les situations médicales et d’autres profils particuliers des demandeurs qui vont être transférés, alors qu’il s’agit d’un des principaux problèmes constatés dans l’application pratique du système de Dublin.

4.4.4.

La disposition relative à la cessation de la responsabilité en cas de départ volontaire du demandeur du territoire de l’Union européenne pendant une durée d’au moins trois mois ou d’expulsion peut conduire à des situations dans lesquelles il n’est pas tenu compte des liens familiaux formés dans le pays d’origine après une première demande de protection internationale dans l’Union européenne ou dans lesquelles les conditions d’accueil et de procédures dans l’État membre responsable qui étaient effectivement remplies au moment de la première demande ne le sont pas au moment de la deuxième demande.

4.5.    Garanties procédurales

4.5.1.

En ce qui concerne le droit à l’information, la disposition relative à la communication de l’information par l’intermédiaire d’une brochure d’information ne tient pas compte du fait que, dans la plupart des États membres, elle ne contient que des informations générales dans un langage peu ou pas du tout intelligible pour les demandeurs. Cette information devrait toujours être fournie lors de l’entretien.

4.5.2.

En ce qui concerne le droit à un recours effectif, il est entendu que ledit recours ne doit pas se limiter uniquement aux trois cas de figure prévus, car cela limiterait l’accès à une protection juridictionnelle effective:

risque de traitement inhumain ou dégradant dans l’État membre responsable en raison de défaillances du régime d’asile,

décisions de transfert fondées sur le critère relatif aux mineurs (article 10), sur le critère familial (articles 11 à 13) et sur celui des personnes dépendantes (article 18),

décisions de prise en charge de l’examen (le non-transfert), lorsque les critères familiaux ne s’appliquent pas.

4.5.3.

En ce qui concerne le droit à la liberté de mouvement et la possibilité de rétention de demandeurs soumis aux procédures de détermination de l’État responsable, la limitation de la durée de rétention (deux semaines) ne donne lieu à aucune disposition nouvelle concernant les cas exceptionnels où il y a lieu d’ordonner la rétention. Étant donné les divergences observées par la Commission elle-même entre les pratiques nationales, il y a lieu de recommander l’établissement de critères clairs et précis concernant le caractère exceptionnel de la rétention ainsi que l’évaluation de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure.

4.6.    Mécanisme d’attribution correcteur

4.6.1.

L’application d’un seuil aussi élevé, à savoir 150 % de la capacité de l’État membre en cause, est de nature à compromettre les conditions d’accueil et des procédures auxquelles sont confrontés les demandeurs de protection internationale qui se trouvent déjà dans cet État jusqu’à ce que ce chiffre soit atteint. Si une capacité d’accueil a été définie en fonction de ces critères, il paraît logique d’activer ce mécanisme correcteur dès que cette capacité est dépassée sans attendre que la valeur de 150 % soit atteinte. En outre, pour rendre ce mécanisme efficace, l’attribution doit s’appliquer à toutes les personnes remplissant les conditions pour demander le droit d’asile, quel que soit leur pays d’origine.

4.6.2.

Ce mécanisme s’applique de manière préalable à la détermination de l’État membre responsable, laquelle est effectuée a posteriori par l’État membre auquel le demandeur a été attribué. Cela signifie que, après son transfert de l’État membre bénéficiaire vers l’État membre d’attribution, le demandeur d’une protection internationale est susceptible d’être à nouveau transféré vers un troisième État membre dans lequel se trouvent les membres de sa famille, ce qui aboutirait à rendre le système peu efficace et occasionnerait des retards supplémentaires dans l’accès aux procédures de détermination du statut de protection internationale.

4.6.3.

En outre, comme le mécanisme est automatique, il ne tient pas compte des cas individuels des demandeurs de protection internationale ni des besoins spécifiques tels que les situations de vulnérabilité, qui peuvent amener à déconseiller le transfert dans l’État membre d’attribution.

4.6.4.

Le mécanisme correctif ne tient pas compte des demandeurs d’une protection internationale qui sont arrivés avant l’entrée en vigueur de cette réforme et sont exclus de l’attribution des personnes dont la demande a été refusée avant l’application des critères de détermination de l’État membre responsable, conformément à l’article 3, ainsi que des demandeurs arrivés dans l’État membre avant que celui-ci n’atteigne 150 % de sa capacité. Ces éléments sont susceptibles de dénaturer l’objectif ultime de ce mécanisme et de limiter fortement les effets sur la répartition de la responsabilité de l’examen des demandes et de l’accueil.

4.6.5.

La possibilité pour les États membres de se soustraire à l’application de ce mécanisme correcteur en acquittant un montant donné pour chaque demandeur de protection internationale qui n’est pas attribué à son territoire peut conduire à des situations discriminatoires, en permettant aux États membres de choisir les demandeurs de protection internationale qu’ils acceptent ou refusent sur la base de la religion, de l’ethnie ou de la nationalité.

4.7.    Système Eurodac

Toute adaptation du règlement envisagée devrait pouvoir justifier la nécessité et la proportionnalité des mesures prises compte tenu de la sensibilité des données enregistrées, notamment en ce qui concerne les demandeurs de protection internationale et la confidentialité de la procédure.

4.8.    Mandat de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile

Le CESE approuve les propositions avancées, car, depuis sa mise en place, le Bureau européen d’appui en matière d’asile n’a pas répondu aux attentes. Il estime que la nouvelle proposition doit renforcer et développer le rôle du forum de consultation des organisations, qui existe actuellement mais dont les capacités sont en pratique très limitées. La future agence devrait pouvoir compter sur les informations provenant de ces organisations et le travail qu’elles développent dans chacun des États pour la surveillance de la bonne application du régime d’asile européen commun et de sa mise en œuvre.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/151


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie de l’Union européenne en matière de chauffage et de refroidissement»

[COM(2016) 51 final]

(2017/C 034/25)

Rapporteure:

Baiba MILTOVIČA

Consultation

Commission européenne, 16 février 2016

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 51 final]

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

229/3/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Une stratégie axée sur le chauffage et le refroidissement, un secteur qui a une incidence directe et quotidienne sur tous les citoyens de l’Union européenne, est attendue de longue date et tout à fait bienvenue. Si l’on suit les bonnes pratiques et que l’on établit un cadre politique cohérent, appuyé par des financements disponibles, il existe de nombreuses possibilités d’amélioration partout en Europe.

1.2.

Cette stratégie globale de l’Union européenne est extrêmement ambitieuse. Elle suppose que la réalisation des objectifs climatiques et énergétiques de l’Union européenne dépendra, dans une large mesure, de son application efficace et cohérente au niveau des États membres. Elle laisse entendre que renforcer le rôle des sources d’énergie renouvelables dans les secteurs du chauffage et du refroidissement pourrait bien être l’élément qui contribuera le plus à atteindre les objectifs à moyen et à long terme, et qu’il conviendrait de le reconnaître en tant que tel dans le programme continu de l’union de l’énergie.

1.3.

Par conséquent, le Comité économique et social européen (CESE) recommande que le rapport annuel sur l’état de l’union de l’énergie comporte un chapitre particulier recensant les progrès accomplis dans le cadre de cette stratégie.

1.4.

Le Comité se félicite des travaux que la Commission a engagés pour collecter et compiler les données concernant le chauffage et le refroidissement. Ces données sont indispensables. Eurostat devrait donner la priorité aux travaux relatifs à la collecte d’une série de données plus exhaustive, en particulier en ce qui concerne l’énergie utilisée pour le chauffage.

1.5.

Le consommateur à un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre de toute stratégie globale efficace et le Comité demande instamment de poursuivre le développement de sa proposition visant à nouer un vaste dialogue européen sur l’énergie afin d’améliorer considérablement la sensibilisation des consommateurs, ainsi qu’à mettre en place des mesures incitatives à l’intention des consommateurs, pour induire chez eux un changement de comportement. Ces mesures incitatives ne devraient pas être exclusivement financières mais mettre également l’accent sur l’incidence sociale positive de nombreuses dispositions prévues par la stratégie, et cibler les personnes les plus vulnérables et en proie à la pauvreté énergétique.

1.6.

Le Comité recommande d’effectuer au plus vite une analyse comparative des dispositifs, relevant des secteurs public et privé, qui visent à appuyer des programmes de chauffage et de refroidissement efficaces et sobres en carbone.

1.7.

Il convient de mettre en place, dans tous les États membres, aux niveaux régional et municipal, une nouvelle démarche en matière de politique d’aménagement urbain qui soit cohérente avec la stratégie proposée, afin de garantir la bonne mise en œuvre de cette dernière. Le Comité souligne le rôle de la Convention des maires à cet égard.

1.8.

Il y a lieu que les États membres traduisent en contributions explicites les objectifs énergétiques et climatiques de haut niveau que s’est assignés l’Union européenne, en les transposant dans des plans nationaux, par exemple via des objectifs quinquennaux propres à chaque secteur, et assortis d’indicateurs élaborés spécifiquement pour le chauffage et le refroidissement.

2.   Introduction

2.1.

La stratégie en matière de chauffage et de refroidissement prévoit la réalisation, pour la toute première fois au niveau de l’Union européenne, d’une évaluation consacrée au secteur dans son ensemble. Ce dernier représente environ 50 % de la consommation énergétique totale de l’Union européenne et restera le principal facteur de la demande d’énergie à long terme, le chauffage des bâtiments en étant la branche la plus importante. En raison de leur caractère durable, les technologies de chauffage des bâtiments joueront un rôle déterminant dans la réalisation des objectifs climatiques et énergétiques à moyen et à long terme de l’Union européenne. Le chauffage des espaces et de l’eau courante dans les bâtiments est actuellement l’un des secteurs qui consomme le plus d’énergie et dont la décarbonation est la plus problématique. À l’heure actuelle, l’énergie utilisée pour le chauffage provient principalement de combustibles fossiles qui sont acheminés directement dans les bâtiments, créant ainsi des problèmes en matière de sécurité et d’émissions au niveau local.

2.2.

Tous les secteurs de la société civile sont concernés. La plupart des grandes industries de transformation, qui utilisent la chaleur à grande échelle, ont des besoins énergétiques qui ont une incidence directe sur leur compétitivité; le refroidissement est essentiel pour de nombreuses activités de transformation, de distribution, de vente au détail et de stockage d’aliments. Quant au coût et à l’efficacité du chauffage et du refroidissement des logements, ils concernent tout un chacun.

2.3.

Dans tous les États membres, un nombre croissant de ménages consacrent une part importante de leurs revenus à l’énergie, cette tendance ayant pour effet d’augmenter le niveau de pauvreté énergétique. Les personnes âgées, les personnes vulnérables et les groupes à faibles revenus sont particulièrement exposés à ce risque; le CESE a donc proposé la création d’un Observatoire de la pauvreté énergétique, pour analyser et traiter ce problème (1). Des mesures sociales, financières et techniques doivent être combinées et appliquées en synergie pour générer des résultats effectifs. Mettre davantage l’accent sur la collecte de données précises sur le chauffage contribuera à l’élan de la lutte contre la pauvreté énergétique.

2.4.

En tant que tels, le chauffage et le refroidissement ne sont pas faciles à transporter, que ce soit du point de vue physique ou économique. Cette spécificité produit des «marchés» très locaux et fragmentés. Le refroidissement représente seulement 5 % de la demande d’énergie, contre 95 % pour le chauffage; la deuxième branche dépasse donc de loin la première, bien que le refroidissement soit vital dans les États membres au climat plus chaud. L’investissement de capitaux dans les systèmes de chauffage et de refroidissement tend à s’effectuer dans une perspective à moyen et à long terme, mais l’évolution technologique et l’innovation sont rapides dans ce secteur.

2.5.

Dans des avis antérieurs (2), le CESE a plaidé pour une approche politique intégrée et cohérente dans le secteur de l’énergie, ainsi que pour un rôle accru de la société civile et un dialogue avec cette dernière sur ces questions. Le train de mesures sur l’union de l’énergie en a désormais fait une priorité officielle et maintenant que le chauffage et le refroidissement ont été définis comme un secteur essentiel, il devient possible d’établir des références croisées et d’assurer une cohérence entre les nombreux trains de mesures législatives qui sont en cours d’élaboration en matière climatique et énergétique.

3.   Aperçu du contenu de la communication de la Commission et observations

3.1.

La communication évalue les potentialités que recèle le secteur pour contribuer à la réalisation des objectifs climatiques et énergétiques de l’Union européenne, et elle est accompagnée d’un document de travail des services de la Commission qui lui fournit un fondement analytique et scientifique. Elle vise à donner la priorité à la branche du chauffage comme domaine d’intervention à l’appui de l’efficacité énergétique. Elle recommande en outre de tenir un débat éclairé, et de dégager un consensus sur ce sujet et sur les questions connexes concernant la réduction de la demande énergétique et la décarbonisation.

3.2.

Ce cadre stratégique définit quatre domaines d’action clés, à savoir: l’efficacité thermique des bâtiments, les technologies de chauffage efficaces et durables, l’intégration du potentiel inexploité de l’industrie et l’amélioration de son efficacité, et, enfin, le renforcement des synergies avec le réseau électrique, dans lequel les pompes à chaleur et les autres systèmes reposant sur les énergies renouvelables ont un rôle important à jouer. Il expose nombre d’actions possibles mais des solutions précises seront présentées dans le cadre du train de mesures législatives portant notamment sur l’union de l’énergie.

3.3.

La perspective dominante est celle de la décarbonation des bâtiments, grâce aux travaux de rénovation, à des systèmes de chauffage et de refroidissement plus efficaces, au développement du chauffage urbain et à une transition des combustibles fossiles vers les sources d’énergie sobres en carbone. Les bâtiments résidentiels représentent la majeure partie du parc immobilier de l’Europe. Dans l’Union européenne, 60 à 70 % des logements ont été construit en 1980 ou auparavant et les habitations enregistrent la plus grande consommation spécifique (en kWh/m2/an). Le faible taux de rénovation des bâtiments ne fait qu’augmenter la charge financière pour les consommateurs. Les ménages de l’Union européenne affectent en moyenne 6,4 % [COM(2014) 520 final] de leur revenu disponible aux dépenses d’énergie liées au logement, deux tiers étant consacrés au chauffage et un tiers à d’autres utilisations. Un nombre croissant de ménages éprouvent des difficultés à couvrir leurs dépenses en énergie. Des systèmes de chauffage et de refroidissement abordables sont essentiels au maintien d’une bonne qualité de vie pour les consommateurs domestiques.

3.4.

Étant donné que toutes les secteurs industriels ne peuvent s’engager sur la voie d’une énergie sobre en carbone, notamment parce que des combustibles fossiles à forte teneur énergétique sont nécessaires pour de nombreuses industries de transformation, il sera crucial d’exploiter, en tant que produit dérivé, une part bien plus élevée de la chaleur résiduelle provenant de certaines installations industrielles et centrales électriques. Le document de travail reconnaît le potentiel majeur que peut apporter l’exploitation de la chaleur résiduelle industrielle pour alimenter les systèmes de chauffage urbain, ainsi que le rôle croissant des nouvelles technologies et des carburants de substitution.

3.5.

La stratégie relève plusieurs défis de taille. Les combustibles fossiles représentant plus de 80 % de l’énergie utilisée, ce secteur revêt une importance capitale pour réaliser les objectifs de réduction des émissions de carbone et assurer la transition vers un système énergétique plus efficace et plus sûr. Les deux tiers des bâtiments de l’Union européenne — dont la plupart seront toujours un usage en 2050 — ont été construits avant la mise en place d’exigences en matière d’efficacité énergétique. Les incitations à «améliorer» les bâtiments peuvent être morcelées, du fait de la structure de la propriété ou des contrats de location, et affaiblies par l’absence de mécanismes de financement appropriés. On constate un déficit de concurrence axée sur le marché dans le secteur du chauffage, un manque de formation et d’expertise chez les constructeurs et les installateurs, et une sensibilisation défaillante des consommateurs domestiques aux avantages possibles de la rénovation. Le taux de rénovation des bâtiments est faible (0,4 à 1,2 % par an); en outre, la pauvreté énergétique est un problème qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans l’Union européenne.

3.6.

Près de 50 % des bâtiments sont équipés de chaudières qui ont une efficacité inférieure à 60 %, alors qu’avec les technologies modernes, elle atteint un niveau de plus de 90 %, désormais imposé par la loi en cas de remplacement. En outre, le chauffage domestique (aux combustibles fossiles et à la biomasse) a une incidence majeure sur la pollution de l’air dans certaines parties de l’Europe. Toutefois, une part importante des chaudières fonctionne bien au-delà de leur durée de vie technique. Le coût reste un facteur important lorsqu’il s’agit de remplacer un équipement et même si le retour sur investissement est invariablement très avantageux, il peut s’avérer difficile de trouver le capital initial, en particulier pour le passage à une source de chaleur renouvelable, telle qu’une installation solaire thermique ou géothermique, ou des pompes à chaleur. Depuis le début de ce siècle, l’industrie a réalisé d’importants gains d’efficacité énergétique, mais les petites et moyennes entreprises, en particulier, éprouvent des difficultés à donner la priorité aux démarches d’amélioration et à les financer.

3.7.

Il a été relevé que le chauffage urbain, qui représente actuellement 9 % du chauffage dans l’Union européenne, est susceptible d’être développé à grande échelle et que grâce à l’exploitation de la chaleur résiduelle, il est plus apte à passer à des sources de chaleur renouvelables ou mixtes que les systèmes de chauffage des habitations individuelles. La cogénération de chaleur et d’électricité est également sous-développée. Lorsqu’ils s’articulent avec un réseau intelligent, les bâtiments intelligents — qu’il s’agisse d’habitations, de locaux de services ou de constructions industrielles — offrent un potentiel en matière de perspectives d’efficacité, ainsi que la possibilité, pour les ménages, de participer davantage au processus en tant que «prosommateurs». La stratégie préconise indirectement de développer le «prosumérisme» au sein des ménages, grâce aux nouvelles technologies de chauffage et à une sensibilisation accrue à cette pratique.

3.8.

Dans sa communication, la Commission propose des outils et des solutions. L’intégration, la révision et la mise en œuvre cohérentes des instruments de l’Union européenne dans le cadre du programme de l’union de l’énergie qui est en cours d’élaboration seront les pièces maîtresses sur lesquelles reposera la stratégie. À cet égard, on peut notamment citer la directive sur l’efficacité énergétique, la directive sur la performance énergétique des bâtiments, le cadre d’écoconception et d’étiquetage énergétique de l’Union européenne, la directive sur les énergies renouvelables et le système d’échange de quotas d’émission. La stratégie devrait contribuer à rendre la coordination de ces mesures plus efficace.

3.9.

La Commission définit les actions spécifiques qu’elle entreprendra pour relever défis décrits et soutenir les mesures législatives qui sont déjà en place. Il s’agit notamment de promouvoir les énergies renouvelables, d’inciter les citoyens à participer, de renforcer la coopération avec les associations de consommateurs, de renforcer l’engagement en faveur de l’innovation, par exemple par grâce au plan stratégique européen pour les technologies énergétiques (plan SET), ainsi que d’encourager de nouvelles approches de financement des mesures. La stratégie doit être axée sur les consommateurs et mettre l’accent sur la transition vers des systèmes décarbonisés basés sur l’exploitation des sources d’énergie renouvelables et de la chaleur résiduelle.

4.   Observations générales

4.1.

Le secteur du chauffage et du refroidissement joue un rôle prépondérant dans l’industrie, dans la transformation et le stockage des produits alimentaires, ainsi que dans le secteur tertiaire. Par ailleurs, il a une incidence sur tous les citoyens de l’Union européenne, en ce qu’ils sont animés du désir universel de bénéficier de conditions de vie et de travail confortables. Le coût et la disponibilité du chauffage et du refroidissement déterminent non seulement le degré de pauvreté énergétique d’une société mais aussi la compétitivité de secteurs d’activité entiers. Le CESE se félicite donc de ce premier aperçu stratégique du secteur du chauffage et du refroidissement dans l’Union européenne.

4.2.

L’idée maîtresse du document est que la mise en œuvre des stratégies exposées jouera un rôle efficace dans l’abaissement des coûts, l’amélioration de la sécurité énergétique, la réduction de la dépendance à l’égard des importations et la réalisation des objectifs en matière de climat. Le Comité soutient pleinement cette idée mais attire l’attention sur l’étendue et la complexité des défis décrits dans la stratégie. Certains d’entre eux pourraient bien être sous-estimés, comme: les exigences considérables qui seront posées aux États membres, les changements de comportement requis de la part des citoyens, l’efficacité des régimes d’aide financière, la réaction face à l’instabilité des prix de l’énergie, ou encore la définition et l’application des solutions techniques les plus efficaces.

4.3.

Dans de nombreux États membres, les consommateurs sont desservis par des systèmes de chauffage urbain qui peuvent présenter des avantages considérables du point de vue du coût, de l’efficacité et de l’utilisation de la chaleur résiduelle. Le Comité encourage les institutions de l’Union européenne à reconnaître l’intérêt clair et positif que la stratégie porte à ce secteur, ainsi qu’à soutenir la conception et l’optimisation des systèmes municipaux de chauffage urbain au moyen de mesures financières et de la fourniture d’une aide à la rénovation et à l’amélioration technique. La modernisation des installations thermiques peut apporter d’importants avantages en ce qui concerne la consommation d’énergie et les émissions, et les nouvelles règles de conception du marché en cours d’élaboration devraient exiger le recours aux meilleures technologies disponibles. Il conviendrait en particulier d’induire d’éventuelles synergies entre la valorisation énergétique des déchets (vu son potentiel considérable) et le chauffage urbain.

4.4.

La stratégie pourrait accorder une attention accrue au rôle des consommateurs, et notamment à l’importance de l’éducation et de la formation en matière d’évolution comportementale. La prise de conscience concernant l’utilisation et les coûts du chauffage dans les logements collectifs constitue un enjeu particulier. Les occupants de bâtiments intelligents équipés de systèmes de chauffage intelligents doivent posséder de bonnes compétences numériques. La stratégie ne met pas suffisamment l’accent sur le rôle que les consommateurs doivent jouer pour garantir l’efficacité de toute stratégie globale. C’est en menant davantage de recherches approfondies pour déterminer les facteurs déclencheurs des changements de comportement qu’il s’imposera de reconnaître qu’il existe une tendance à faire passer le «confort» avant les gains d’efficacité, ainsi qu’une réticence, chez les consommateurs, à modifier de manière significative leur style de vie afin de tirer le meilleur parti des nouvelles technologies.

4.5.

La stratégie indique clairement que des formules de financement ciblées seront essentielles pour encourager les investissements publics et privés nécessaires. Le CESE constate que seule une très faible part du financement approuvé par la Banque européenne d’investissement (BEI) pour le secteur de l’énergie au titre du Fonds européen pour les investissements stratégiques est affectée à des projets de chauffage et de refroidissement pertinents. Le document de travail ne contient aucun exemple, ni aucune analyse des dispositifs concernés dans les États membres, dont quelques-uns seulement ont réussi à encourager les investissements.

4.6.

Étant donné l’importance cruciale que revêt le secteur du chauffage et du refroidissement dans la réalisation des objectifs énergétiques et climatiques de l’Union européenne, le CESE propose que le rapport annuel sur l’état de l’union de l’énergie comporte une section spécifique recensant les progrès accomplis et indiquant la voie à suivre, au regard des défis définis dans la partie 3 de la stratégie. L’inclusion d’une telle section dans le rapport présenterait deux avantages majeurs:

elle mettrait en évidence le rôle central du volet du chauffage dans la réalisation les objectifs et tous les aspects du programme de l’union de l’énergie seraient obligés de le reconnaître;

elle permettrait d’axer concrètement le rapport sur les consommateurs et d’appuyer la volonté d’accorder une place centrale à ces derniers, ainsi qu’aux groupes vulnérables.

5.   Observations particulières

5.1.

Le document de travail qui accompagne la communication s’appuie sur des données tirées de nombreuses sources pour dresser un tableau de la manière dont l’énergie est utilisée pour le chauffage et le refroidissement dans l’Union européenne. S’il procède à des estimations et des déductions raisonnables, il dépeint essentiellement la situation du secteur tel qu’il se présentait en 2012 et 2013. Il aurait été utile de disposer de davantage de données indiquant son évolution au cours des dix dernières années. Eurostat devrait concentrer ses efforts sur une collecte de données plus exhaustive, en particulier en ce qui concerne l’énergie utilisée pour le chauffage (3).

5.2.

En outre, il est à noter que si 90 % de la croissance attendue de l’énergie issue de sources renouvelables qui sera utilisée dans le secteur du chauffage d’ici 2020 proviendront de la biomasse, la réduction des émissions de particules et de gaz issues du processus de combustion de ladite biomasse demeurera un défi. Les conclusions de la politique actualisée de l’Union européenne en matière de bioénergies durables pour la période 2020-2030 revêtiront une importance particulière (Elles feront partie du train de mesures de l’Union européenne sur les sources d’énergie renouvelables, dont la publication est prévue d’ici fin 2016) et devront tenir compte, entre autres questions, des incidences négatives sur la santé de certains types de biomasse.

5.3.

Les systèmes énergétiques, les structures juridiques, les technologies de construction et les nouveaux modèles d’entreprise varient fortement d’un État membre à un autre. Les prochains trains de mesures législatives concernant la mise en œuvre de la stratégie devraient prévoir une marge pour des adaptations aux situations nationales.

5.4.

Dès lors que cette diversité entre les États membres aura été reconnue, il importera, après avoir fixé les objectifs nécessaires, de maintenir une neutralité technologique quant aux moyens de les réaliser le mieux possible aux niveaux national et local. La vaste expérience des villes et des collectivités locales dans l’élaboration de plans d’action en faveur de l’énergie durable, telle qu’exposée dans le cadre de la Convention des maires, offre de précieuses perspectives.

5.5.

La stratégie préconise d’encourager les banques de détail à proposer des prêts spéciaux pour la rénovation des bâtiments locatifs appartenant à un propriétaire privé mais des établissements européens de prêts hypothécaires (La Fédération hypothécaire européenne et le Conseil européen des obligations sécurisées) ont des projets grâce auxquels les propriétaires immobiliers pourront bénéficier de taux de remboursement réduits sur leurs emprunts hypothécaires s’ils procèdent à des rénovations de leur bien à des fins d’efficacité énergétique, ainsi que de taux d’intérêt plus faibles sur les prêts destinés à financer ces rénovations. Le CESE presse les régulateurs européens d’envisager favorablement cette initiative, et ce dans les meilleurs délais.

5.6.

Dans plusieurs avis, le CESE a relevé l’essor que connaissent les sociétés de services énergétiques (SSE) (4) et le rôle qu’elles peuvent jouer pour orienter le consommateur dans ses choix énergétiques et l’encourager à opter pour l’efficacité. Bien qu’il se félicite de cette contribution, le CESE invite instamment la Commission à encourager les États membres à assurer une supervision et un contrôle appropriés des SSE ou d’autres organismes privés similaires, s’agissant de protéger les intérêts des consommateurs. Il est essentiel que ces derniers aient confiance en de tels services et en d’autres programmes de conseil dans le domaine de l’énergie (5).

5.7.

Le CESE se félicite vivement de l’initiative qu’a prise la Commission européenne en organisant à Londres le Forum des citoyens pour l’énergie et préconise une participation citoyenne accrue, appuyée par une coopération renforcée avec les associations européennes de consommateurs. Les évolutions complexes de la législation, de la réglementation, des technologies, de la société et des comportements qui sous-tendent la transition énergétique devront, pour livrer leur plein potentiel, être comprises et appuyées par les citoyens. La proposition du CESE concernant un Dialogue européen sur l’énergie, qui nourrit de telles aspirations, plaide pour que la participation citoyenne soit davantage mise à l’honneur.

5.8.

La stratégie à l’examen préconise d’accorder la plus haute priorité à une démarche radicale et coordonnée en matière de chauffage et de refroidissement. Il convient d’intégrer une telle démarche dans les réexamens actuels de réglementations et les trains de mesures législatives en cours d’élaboration. Par conséquent, les réexamens de la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique et de la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments, la nouvelle directive sur les sources d’énergie renouvelables pour la période 2020-2030, ainsi que la politique actualisée sur l’exploitation durable de la bioénergie, doivent faire spécifiquement référence à la place centrale qu’occupe la problématique du chauffage et du refroidissement et adopter les mesures de coordination proposées dans la stratégie à l’examen.

5.9.

Le Comité constate donc avec préoccupation que, dans la proposition de règlement relatif à la répartition de l’effort [COM(2016) 482 final] publiée récemment, le législateur européen n’a pas saisi l’occasion de placer l’efficacité énergétique au rang des priorités. Les États membres d’Europe oriental pourraient recourir davantage à la rénovation des bâtiments, en ce qu’elle constitue une solution aux problèmes de pollution, de dépendance et de pauvreté énergétiques; ce règlement serait à même de drainer les ressources pour ce faire.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 341 du 21.11.2013, p. 21.

(2)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 84; JO C 198 du 10.7.2013, p. 56; JO C 318 du 29.10.2011, p. 155; JO C 277, 17.11.2009, p. 75.

(3)  JO C 264 du 20.7.2016, p. 117.

(4)  JO C 120 du 20.5.2005, p. 115; JO C 162 du 25.6.2008, p. 62; JO C 24 du 28.1.2012, p. 134.

(5)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 84.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/157


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché»

[COM(2016) 287 final — 2016/0151 (COD)]

(2017/C 034/26)

Rapporteur:

Raymond HENCKS

Consultation

Commission européenne, 6 juillet 2016

Base juridique

Article 53, paragraphe 1, et article 62 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

[COM(2016) 287 final — 2016/0151 (COD)]

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

218/2/7

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît que face aux évolutions du marché audiovisuel résultant de l’émergence de nouvelles formes de services, de l’apparition de nouveaux acteurs et du développement de nouvelles formes de consommation «à la demande», l’adaptation du cadre réglementaire européen des services de médias audiovisuels est devenue indispensable. Il soutient la Commission européenne dans ses démarches d’actualisation de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) de 2010, sous réserve des remarques ci-après.

1.2.

Les services de médias audiovisuels ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale. Le CESE estime que les mesures de protection des mineurs et adolescents, de même que les mesures visant à garantir la participation des personnes handicapées, âgées, pauvres ou exclues à la vie sociale et culturelle, ne pourront être subordonnées à des considérations économiques.

1.3.

Le CESE prend note de la suppression programmée de l’actuel article 7 de la directive SMA traitant de l’accessibilité pour les personnes handicapées, censé être remplacé par la proposition de directive relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services [COM(2015) 615 final]. Si cette proposition de la Commission devait ne pas aboutir, il faudrait revaloriser ledit article 7 en obligeant les États membres à promouvoir, de manière non exhaustive, la langue des signes, le sous-titrage, la description audio et la réalisation de menus de navigation faciles à comprendre.

1.4.

Le CESE approuve le fait que, dans un esprit de diversité culturelle, l’Union favorise la diffusion d’œuvres européennes et que les grands prestataires de SMA soient obligés d’en proposer un quota déterminé dans leurs programmes ou catalogues. Il propose néanmoins de revoir à la hausse le quota minimal de 20 % d’œuvres européennes imposé aux grands fournisseurs de vidéos à la demande pour le porter à 50 %, à l’image du quota minimal fixé pour la radiodiffusion télévisuelle. Il propose également de prévoir un quota minimal de 20 % pour les fournisseurs qui ont un chiffre d’affaires peu élevé ou une faible audience, tout en précisant ce qu’il faut entendre par «chiffre d’affaires peu élevé» et «faible audience».

1.5.

Le CESE se prononce contre l’option facultative accordée aux États membres d’imposer aux services à la demande relevant de leur compétence, ainsi qu’à ceux établis hors de leurs frontières et ciblant leur public national, des contributions financières sous la forme d’investissements directs dans des œuvres ou de versements aux fonds cinématographiques nationaux, ce qui pourrait fausser la concurrence selon qu’un État membre introduit ou non de telles contributions et ce qui pourrait pénaliser les services audiovisuels d’un État membre destinés à leurs citoyens établis dans un autre État membre.

1.6.

En ce qui concerne la protection des mineurs, le CESE approuve le fait que la proposition de directive prévoie d’aligner les normes de protection applicables aux fournisseurs de plateformes de partage de vidéos sur celles applicables à la radiodiffusion télévisuelle. Il demande toutefois que l’on profite de l’occasion pour préciser la disposition de l’article 27 de la directive SMA (2010/13/UE) qui veut que les États membres prennent des mesures pour que les émissions ne comportent, pendant les heures où les mineurs se trouvent dans le champ de diffusion, aucun programme susceptible de nuire gravement à leur épanouissement physique, mental et moral. Le CESE propose de fixer un horaire précis et d’inclure dans cet horaire une défense de publicité pour les boissons alcooliques.

1.7.

Le CESE approuve la modification proposée par le nouvel article 6, qui précise que les services de SMA ne peuvent contenir aucune incitation à la violence ou à la haine envers un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe défini par référence au sexe, à l’origine raciale ou ethnique, à la religion ou aux convictions, au handicap, à l’âge ou à l’orientation sexuelle. Il attire toutefois l’attention sur le fait que dans le nouvel article 28 bis traitant des plateformes de vidéos, la référence au sexe, à l’orientation sexuelle et au handicap a été oubliée et que la terminologie utilisée est parfois différente. Il est proposé de reprendre à l’article 28 bis, paragraphe 1, point b), les mêmes formulations qu’à l’article 6.

1.8.

Dans le cadre de la protection de l’ensemble des citoyens contre les contenus comportant une incitation à la violence ou à la haine, et de la protection des mineurs contre les contenus susceptibles de nuire à leur épanouissement, le CESE approuve la promotion de la corégulation et de l’autorégulation au moyen de codes déontologiques, dans la mesure où le Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA) est effectivement constitué et doté des moyens lui permettant d’exercer efficacement ses compétences, notamment celle visée à l’article 30 bis, paragraphe 3, point c).

1.9.

Le CESE se prononce contre la proposition de la Commission européenne de réserver plus de place et plus de flexibilité à la publicité pour les services de médias audiovisuels au détriment des consommateurs, qui seront confrontés à un nombre plus élevé d’interruptions de programmes pour insérer de la publicité d’une durée plus longue pendant les heures de pointe et de grande audience. Ces nouvelles règles d’interruptions publicitaires risqueront également de porter atteinte à l’intégrité des œuvres et au droit moral des auteurs.

1.10.

Le CESE estime que les règles de surveillance par les autorités de régulation nationales sont défaillantes en ce qui concerne les entreprises fictives d’un État membre qui utilisent des capacités satellitaires d’un pays tiers pour atteindre une grande audience dans un autre État membre, et qu’elles devront être revues et complétées par une disposition soumettant un opérateur qui dispose d’une licence audiovisuelle dans un État membre, mais qui fournit des services audiovisuels dans un autre État membre, aux dispositions réglementaires des deux États membres.

2.   Introduction

2.1.

Depuis 1989, des règles européennes encadrent les médias audiovisuels et garantissent la diversité culturelle et la libre circulation des contenus dans l’Union européenne. La directive «Services de médias audiovisuels» (directive SMA), qui a été mise à jour à plusieurs reprises en fonction des évolutions technologiques et commerciales, harmonise, au niveau européen, toutes les législations nationales concernant les médias audiovisuels. Actuellement, elle couvre les émissions de télévision et les services de vidéo à la demande (VOD).

2.2.

Or, le paysage audiovisuel évolue rapidement en raison de la convergence croissante entre la télévision et les services distribués par internet. De nouveaux modèles économiques apparaissent et de nouveaux instruments technologiques de communication, de nouveaux acteurs, notamment des fournisseurs de vidéos à la demande et des plateformes de partage de vidéos, offrent des contenus audiovisuels sur internet.

2.3.

La radiodiffusion télévisuelle et la vidéo à la demande sont soumises à des règles différentes et à des niveaux variables de protection des consommateurs. C’est pourquoi la Commission entend parvenir à un meilleur équilibre des règles qui s’appliqueront aux organismes traditionnels de radiodiffusion télévisuelle, aux fournisseurs de vidéos à la demande et aux plateformes de partage de vidéos.

3.   Contenu de la proposition de la Commission

3.1.

Dans le cadre de sa stratégie pour un marché unique numérique, la Commission propose une mise à jour de la directive SMA afin de créer un environnement plus équitable pour tous les acteurs du marché, de promouvoir la diversité culturelle européenne et les films européens, de mieux protéger les mineurs, de lutter contre les discours de haine et d’incitation à la violence, de garantir l’indépendance des autorités de régulation de l’audiovisuel et d’offrir une plus grande souplesse aux organismes de diffusion en matière de publicité. La directive SMA modifiée s’appliquera également aux plateformes en ligne et aux sites de partage de vidéos et de contenus.

3.2.

La Commission propose les mesures suivantes:

3.2.1.   Attitude responsable des plateformes de partage de vidéos

Les plateformes de vidéos devront protéger les mineurs des contenus préjudiciables et protéger tous les citoyens de l’incitation à la violence, à la haine ou au racisme. La Commission invitera toutes les plateformes de partage de vidéos à coopérer au sein de l’Alliance pour une meilleure protection des mineurs en ligne, en vue d’élaborer un code déontologique pour l’industrie. Les autorités nationales de régulation de l’audiovisuel auront compétence pour faire respecter les règles, ce qui, selon la législation nationale applicable, pourra aussi donner lieu à des amendes. Les mesures de protection des consommateurs prévues dans la directive sur le commerce électronique seront également applicables aux plateformes de partage de vidéos.

3.2.2.   Un rôle renforcé pour les autorités nationales de régulation de l’audiovisuel

La directive garantira désormais l’indépendance des autorités nationales de régulation. Le rôle du Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA), composé de l’ensemble des 28 autorités nationales de l’audiovisuel, sera défini dans la législation de l’Union européenne. L’ERGA évaluera les codes déontologiques en matière de corégulation et conseillera la Commission européenne.

3.2.3.   Une créativité européenne plus développée

La Commission souhaite que les organismes de radiodiffusion télévisuelle continuent à consacrer au moins la moitié du temps de visionnage à des œuvres européennes et obligera les fournisseurs de services à la demande à garantir une part d’au moins 20 % de contenus européens dans leurs catalogues. La proposition précise également que les États membres pourront demander aux services à la demande disponibles ou diffusés sur leur territoire de contribuer financièrement à la production d’œuvres européennes.

3.2.4.   Une plus grande souplesse en faveur de la publicité diffusée par des organismes de radiodiffusion télévisuelle

La nouvelle réglementation audiovisuelle n’augmente pas, pour les organismes de radiodiffusion télévisuelle, la durée totale du temps publicitaire admissible durant la période comprise entre 7 heures et 23 heures, mais leur accorde une plus grande flexibilité en leur laissant largement le choix du moment auquel placer les publicités. Il est ainsi proposé de supprimer la limite horaire et d’introduire une limitation quotidienne de 20 % de publicité au cours de la période comprise entre 7 heures et 23 heures. Les organismes de radiodiffusion et les fournisseurs de services à la demande jouiront également d’une plus grande souplesse pour recourir au placement de produits et au parrainage.

4.   Remarques générales

4.1.

Le CESE exprime son attachement à la diversité des services de médias audiovisuels (SMA), promouvant la libre circulation de l’information, le développement de la culture ainsi que la libre formation des opinions, dans des conditions permettant de sauvegarder le pluralisme des informations ainsi que la diversité culturelle et linguistique.

4.2.

Il approuve également que la directive à l’examen s’applique à respecter les droits fondamentaux et à observer les principes consacrés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment le droit à la liberté d’expression, la liberté d’entreprise, le droit à un recours juridictionnel ainsi que la promotion de l’application des droits de l’enfant.

4.3.

Il soutient la Commission dans ses démarches visant à valoriser le patrimoine européen, à développer la création audiovisuelle de l’Europe et à accroître la production et la circulation de programmes européens de haute qualité, tout en respectant les principes de la dignité humaine et en assurant un niveau élevé de protection des mineurs, des consommateurs et des données à caractère personnel ainsi qu’une concurrence équitable et loyale.

4.4.

Le CESE reconnaît que face aux évolutions du marché audiovisuel résultant de l’émergence de nouvelles formes de services et de nouveaux instruments technologiques de communication, de l’apparition de nouveaux acteurs et du développement de nouvelles formes de consommation «à la demande», l’adaptation du cadre réglementaire européen des services de médias audiovisuels est devenue indispensable.

4.5.

Vu la complexité des dispositions législatives relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, le CESE estime qu’il serait opportun, pour des raisons de clarté et de rationalité, de reprendre dans un texte consolidé les modifications et ajouts que la directive à l’examen entend introduire dans la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 sur les SMA.

4.6.

Les services de médias audiovisuels sont des services publics essentiels de nature économique, sociale et culturelle, porteurs de valeurs et de sens qui, en grande partie, relèvent des droits de l’homme et qui ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale. Ceci vaut surtout pour les mineurs et adolescents dont la formation et l’éducation dépendent de plus en plus des médias, compte tenu de l’influence des services de médias audiovisuels sur la manière dont les auditeurs se forment une opinion, mais cela vaut au même titre pour les personnes handicapées, âgées, pauvres ou exclues, appelées à participer et à s’intégrer à la vie sociale et culturelle, qui est indissociable de la fourniture de services de médias accessibles et financièrement abordables.

4.7.

Le CESE prend note que l’actuel article 7 de la directive SMA, extrêmement flou et peu disant, est supprimé et est censé être remplacé par la directive relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services [COM(2015) 615 final], qui pour le moment n’en est qu’au stade de la proposition de directive.

4.8.

Si l’initiative de la Commission consistant à créer par un acte législatif européen un cadre général en matière d’accessibilité aux produits et services, conformément à la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, n’aboutissait pas, il faudrait que des dispositions législatives plus contraignantes, obligeant les États membres à promouvoir, de manière non exhaustive, la langue des signes, le sous-titrage, la description audio et la réalisation de menus de navigation faciles à comprendre, conformément au considérant 46 de la directive SMA de 2010, soient reprises dans un nouvel article 7 de la directive SMA. Le CESE souligne dans ce contexte que dans les États membres où les émissions audiovisuelles sont en règle générale sous-titrées, le nombre de citoyens bi- ou multilingues est particulièrement élevé.

4.9.

Le CESE approuve le fait que, dans un esprit de diversité culturelle, l’Union favorise la diffusion d’œuvres européennes et que les grands prestataires de SMA soient obligés d’en proposer un quota déterminé dans leurs programmes ou catalogues.

4.10.

Quant au quota minimal de 20 % d’œuvres européennes imposé aux grands prestataires de services de VOD, cette obligation ne leur demandera pas d’efforts supplémentaires puisqu’ils les atteignent d’ores et déjà (voir les statistiques de l’Observatoire européen de l’audiovisuel). Par ailleurs, ce quota est fort modeste par rapport à celui applicable aux diffuseurs linéaires de la radiodiffusion télévisuelle, qui sont toujours tenus de respecter une proportion minimale de 50 % d’œuvres européennes. Le quota minimal pour les services de VOD devrait donc être égal à celui fixé pour la radiodiffusion télévisuelle.

4.11.

Le CESE exprime des réserves par rapport à la possibilité d’accorder des dérogations relatives aux œuvres européennes aux petites et moyennes entreprises qui ont un chiffre d’affaires peu élevé ou une faible audience, ce qui pourrait constituer une nouvelle forme de concurrence déloyale. Il estime qu’il y a lieu de fixer un quota minimal de 20 % et demande de préciser ce qu’il faut entendre par «chiffre d’affaires peu élevé» et «faible audience».

4.12.

Les États membres seront autorisés à imposer aux services «à la demande» relevant de leur compétence, ainsi qu’à ceux établis hors de leurs frontières et ciblant leur public national, des contributions financières sous la forme d’investissements directs dans des œuvres ou de versements aux fonds cinématographiques nationaux.

4.13.

Le CESE se prononce contre le caractère facultatif de cette mesure, qui pourrait fausser les règles de concurrence selon qu’un État membre introduit ou non de telles contributions et qui pourrait pénaliser les services audiovisuels d’un État membre destinés à leurs citoyens établis dans un autre État membre.

4.14.

En ce qui concerne la protection des mineurs, le CESE approuve le fait que la proposition de directive prévoit d’aligner les normes de protection applicables aux fournisseurs de plateformes de partage de vidéos sur celles applicables à la radiodiffusion télévisuelle. Le CESE demande toutefois que l’on profite de l’occasion pour préciser la disposition de l’article 27 de la directive SMA (2010/13/UE) qui veut que les États membres prennent des mesures pour que les émissions ne comportent, pendant les heures où les mineurs se trouvent dans le champ de diffusion, aucun programme susceptible de nuire gravement à leur épanouissement physique, mental et moral. Le CESE propose de fixer un horaire précis et d’inclure dans cet horaire une défense de publicité pour les boissons alcooliques ainsi que pour les médicaments en vente libre et les denrées alimentaires considérées comme nocives en raison de leur incidence sur l’augmentation de l’obésité chez les enfants.

4.15.

Dans le cadre de la protection de l’ensemble des citoyens contre les contenus comportant une incitation à la violence ou à la haine, et des mineurs contre les contenus susceptibles de nuire à leur épanouissement, le CESE approuve la promotion de la corégulation et de l’autorégulation au moyen de codes déontologiques, qui doivent être conçus de manière à être largement acceptés par les principaux acteurs. Le CESE rappelle (1) que pour que ces instruments de régulation soient des instruments valables et reconnus dans n’importe quel ordre juridique, leur configuration et leur champ d’application doivent être définis par des dispositions expresses et explicites de la législation contraignante et être applicables par voie judiciaire, tant au niveau national qu’à celui de l’Union européenne; lesdites dispositions doivent en outre respecter la nature de ces instruments, en particulier l’accord volontaire des parties. C’est dans ce contexte qu’il s’avère particulièrement nécessaire de mettre en place l’ERGA, et de le doter des moyens indispensables pour qu’il exerce efficacement ses compétences, notamment celle visée à l’article 30 bis, paragraphe 3, point c).

4.16.

La Commission européenne souhaite réserver plus de place et plus de flexibilité à la publicité pour tous les services de médias audiovisuels. Ainsi, des films conçus pour la télévision, des œuvres cinématographiques ou des programmes d’information pourront être interrompus par la publicité télévisée ou le téléachat une fois par tranche programmée de 20 minutes au moins, alors qu’au stade actuel cette tranche est fixée à 30 minutes au moins, ce qui signifie qu’il pourra dorénavant y avoir une interruption supplémentaire par heure. De plus, la durée maximale de publicité autorisée par tranche d’une heure, actuellement fixée à 20 %, soit 12 minutes par heure, est remplacée par une proportion quotidienne de spots de publicité ou de spots de téléachat de 20 % au cours de la période comprise entre 7 heures et 23 heures, soit 192 minutes au total. En outre, des spots isolés seront autorisés et les dispositions concernant le parrainage et le placement de produits seront rendues plus flexibles.

4.17.

Il s’ensuit que les diffusions en question pourront être interrompues plus souvent et plus longtemps pendant des heures choisies par les organismes de radiodiffusion télévisuelle, dans le respect du maximum de 192 minutes de publicité entre 7 heures et 23 heures.

4.18.

Il est évident que dorénavant, les interruptions de programmes pour insérer de la publicité se feront de manière soutenue pendant les heures de pointe et de grande audience, alors que tôt le matin et tard en soirée la publicité se fera rare, afin de créer la marge de manœuvre nécessaire pour respecter le quota de 20 % de publicité sur la journée. Ces nouvelles règles d’interruptions publicitaires risqueront également de porter atteinte à l’intégrité des œuvres et au droit moral des auteurs.

4.19.

Le CESE se prononce contre ces nouvelles règles de publicité et demande de maintenir telles quelles les dispositions en la matière actuellement en vigueur, voire de les renforcer, comme il l’a déjà recommandé par le passé.

4.20.

La différenciation entre «services linéaires» et «services non linéaires», qui est dépassée par l’évolution numérique, pourrait être abandonnée.

4.21.

Le CESE approuve les mesures prises pour garantir l’indépendance de l’autorité nationale de régulation de l’audiovisuel, sachant que dans certains États membres, la séparation juridique et fonctionnelle de toute autre entité publique ou privée n’était pas garantie et était sujette à des abus.

4.22.

Le CESE estime que les règles de surveillance par les autorités nationales de régulation sont défaillantes en ce qui concerne les entreprises fictives d’un État membre qui utilisent des capacités satellitaires d’un pays tiers pour atteindre une grande audience dans un autre État membre. Pour éviter de telles pratiques abusives, le CESE recommande de compléter la directive à l’examen par une disposition soumettant un opérateur qui dispose d’une licence audiovisuelle dans un État membre, mais qui fournit des services audiovisuels dans un autre État membre, aux dispositions réglementaires des deux États membres.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 248 du 25.8.2011, p. 118


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/162


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 531/2012 en ce qui concerne les règles applicables aux marchés de gros de l’itinérance»

[COM(2016) 399 final — 2016/185(COD)]

(2017/C 034/27)

Rapporteur:

Raymond HENCKS

Consultation

Parlement européen, 4 juillet 2016

Conseil européen, 7 juillet 2016

Base juridique

Article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

[COM(2016) 399 final — 2016/185(COD)]

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

224/3/4

1.   Conclusions et Recommandations

1.1.

Le CESE s’est toujours porté fort de la suppression de tout prix spécifique pour les communications mobiles d’itinérance. Il soutient la Commission dans ses initiatives visant à parvenir à l’itinérance aux tarifs nationaux à partir du 15 juin 2017 et à éliminer auparavant les défaillances du marché de gros de l’itinérance qui risquent de compromettre l’objectif précité.

1.2.

Parallèlement à la suppression des prix d’itinérance, il faudra prendre des mesures préventives pour éviter que les opérateurs ne compensent la diminution des recettes, résultant de l’abolition des prix d’itinérance, par une augmentation des tarifs nationaux ou par d’autres mesures abusives. De même, il importera de veiller à ce que les tarifs nationaux, surtout les offres forfaitaires, soient rendus plus transparents et que les autorités règlementaires élaborent, en collaboration avec les organisations des consommateurs, un modèle d’information standardisée sur la composition des prix.

1.3.

Le CESE estime que les prix de gros moyens maximums que l’opérateur visité peut demander au fournisseur de services d’itinérance, proposés par la Commission pour la fourniture d’un appel, d’un SMS et des services de données en itinérance, sont raisonnables et devraient laisser suffisamment de marge pour une saine concurrence entre fournisseurs de gros de services mobiles d’itinérance.

1.4.

Par contre, le CESE exprime de grandes réserves concernant la nouvelle possibilité offerte par la proposition de règlement à l’examen aux opérateurs de négocier des «barèmes de prix de gros innovants» en dehors des prix (plafonds) réglementés et qui ne seraient pas directement liés aux volumes réellement consommés. Des négociations commerciales fondées sur des forfaits, des engagements préalables ou sur la capacité, risquent de créer des ententes et des abus de position dominante de la part des gros opérateurs et de ceux pouvant se prévaloir d’un réseau disposant d’une couverture nationale, au détriment des petits opérateurs et des opérateurs de réseau mobile virtuel, ce qui ne pourra que conforter les oligopoles existants et les accords d’itinérance bilatéraux que la Commission considère comme source des défaillances actuelles du marché.

1.5.

Le CESE approuve la proposition du règlement à l’examen qu’en cas de litige entre opérateurs concernant les marchés de gros d’itinérance, les autorités règlementaires nationales soient tenues de recueillir l’avis de l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) à propos des mesures à prendre, ce qui mènera à une plus grande cohérence des approches réglementaires appliquées au niveau desdites autorités nationales. Le CESE propose de compléter les dispositions traitant des litiges et d’inviter les autorités nationales à encourager, le cas échéant, les parties en cause à recourir d’abord au règlement des litiges par la procédure extrajudiciaire.

2.   Introduction

2.1.

L’objectif de l’Union visant à faire de l’Europe un continent connecté, basé sur une infrastructure à la pointe du progrès et sur des prix des services fixes et sans fil abordables, s’est heurté, entre autres, à des prix des communications mobiles européennes en itinérance excessifs et largement supérieurs aux tarifs facturés pour le même service à l’intérieur d’un pays.

2.2.

Comme les appels réitérés, lancés depuis 2006 par la Commission, invitant les opérateurs de la téléphonie mobile à abaisser leur tarification excessive des communications mobiles en itinérance, étaient restés infructueux, l’Union a commencé en 2007 à introduire un plafond tarifaire («l’eurotarif») pour le marché de gros et de détail des appels vocaux intereuropéens, ensuite pour les SMS et finalement pour la transmission de données en itinérance, le tout dans l’espoir qu’une saine concurrence se développe et que les usagers ne soient plus forcés de payer des prix excessifs.

2.3.

Les prix maximaux d’itinérance pour les communications vocales, l’envoi de SMS et l’utilisation de services de données, y compris les MMS, ont donc dû être successivement abaissés (voir le tableau ci-après) en vue de l’objectif final d’aboutir à la suppression complète des frais d’itinérance et d’aligner les tarifs des communications intereuropéennes sur les tarifs appliqués au niveau national.

 

Appels vocaux

EUR/minute

hors TVA

SMS

EUR/SMS

hors TVA

Données

EUR/kilooctet

hors TVA

Prix de gros

Prix de détail appel passé

Prix de détail appel reçu

Prix de gros

Prix de détail

Prix de gros

Prix de détail

prix moyen avant le 1.9.2007

 

0,7692

0,417

Règlement (CE) no 717/2007

prix max. 1.9.2007 — 31.8.2008

0,30

0,49

0,24

prix max. 1.9.2008 — 30.6.2009

0,28

0,46

0,22

prix max. 1.7.2009 — 30.6.2010

0,26

0,43

0,19

0,04

0,11

1,00

Règlement (CE) no 544/2009

prix max. 1.7.2010 — 30.6.2011

0,22

0,39

0,15

0,04

0,11

0,80

prix max. 1.7.2011 — 30.6.2012

0,18

0,35

0,11

0,04

0,11

0,50

prix max. 1.7.2012 — 30.6.2013

0,14

0,29

0,08

0,03

0,09

0,25

0,70

Règlement (UE) no 531/2012

prix max. 1.7.2013 — 30.6.2014

0,10

0,24

0,07

0,02

0,08

0,15

0,45

prix max. 1.7.2014 — 30.6.2015

0,05

0,19

0,05

0,02

0,06

0,05

0,20

prix max. 1.7.2015 — 30.6.2017

0,05

0,19

0,05

0,02

0,06

0,05

0,20

prix max. 1.7.2015 — 30.6.2022

0,05

 

 

0,02

 

0,05

 

2.4.

Aucun réseau mobile ne couvre la totalité des États membres de l’Union. Par conséquent, pour pouvoir fournir des services de communications mobiles à leurs clients nationaux en déplacement dans un autre État membre, les fournisseurs de services d’itinérance doivent acheter de tels services de gros aux opérateurs actifs dans le pays visité ou échanger des services d’itinérance avec lesdits opérateurs.

2.5.

Le plafonnement des tarifs dans l’Union a été accompagné de mesures structurelles, entre autres, pour le marché de l’itinérance de gros (1). Ainsi, les opérateurs de réseaux mobiles visités doivent:

satisfaire toutes les demandes raisonnables d’accès aux services d’itinérance et ne peuvent refuser les demandes d’accès de gros aux services d’itinérance que sur la base de critères objectifs,

publier une offre de référence suffisamment détaillée, tenant compte des lignes directrices de l’ORECE, qu’ils transmettent à l’entreprise demandant l’accès de gros aux services d’itinérance,

fournir à l’entreprise demandant l’accès un projet de contrat relatif à cet accès au plus tard dans un délai d’un mois après la réception initiale de la demande par l’opérateur de réseau mobile. L’accès de gros aux services d’itinérance est accordé dans un délai raisonnable ne dépassant pas trois mois à compter de la conclusion du contrat,

répondre dans un délai ne dépassant pas deux mois à la demande d’un opérateur d’entamer des négociations commerciales pour inclure également des éléments qui ne sont pas couverts par l’offre de référence.

2.6.

Finalement, le règlement (UE) 2015/2120 prévoit qu’avec effet au 15 juin 2017, mais sous réserve d’une utilisation raisonnable et d’un résultat positif d’un réexamen du fonctionnement correct du marché, les fournisseurs de services d’itinérance ne facturent plus de frais supplémentaires aux clients en itinérance dans un État membre en plus du prix de détail national pour des appels vocaux en itinérance réglementés passés ou reçus, pour l’envoi de SMS en itinérance réglementés et pour l’utilisation de services de données en itinérance réglementés, et ne facturent pas de frais généraux liés à l’activation des services ou des équipements terminaux à utiliser à l’étranger.

2.7.

Néanmoins, dans des circonstances particulières et exceptionnelles, afin de garantir la viabilité de son modèle tarifaire national, si un fournisseur de services d’itinérance n’est pas en mesure de couvrir l’ensemble des coûts réels et prévisionnels afférents à la fourniture de services d’itinérance réglementés, il peut solliciter l’autorisation de facturer des frais supplémentaires. Ces frais supplémentaires ne sont appliqués que dans la mesure nécessaire pour couvrir les coûts afférents à la fourniture de services d’itinérance au détail réglementés, en tenant compte des prix de gros maximaux applicables.

2.8.

Or, il ressort du rapport sur le réexamen du marché de gros de l’itinérance [COM(2016) 398], que les mesures structurelles prévues sont restées insuffisantes sur le marché intérieur des services d’itinérance pour renforcer la concurrence et pour réaliser un marché intérieur des services de communication mobile sans distinction entre les tarifs nationaux et les tarifs d’itinérance.

2.9.

Cette analyse des marchés a démontré que le fonctionnement des marchés de gros souffre toujours d’un certain nombre de défaillances dues à des situations oligopolistiques combinées à des accords d’itinérance bilatéraux, au manque de produits de remplacement au niveau du gros et à des prix nettement supérieurs aux coûts estimés, notamment pour les services de données.

2.10.

Comme il existe une étroite corrélation entre les marchés de gros et de détail, et à défaut d’une marge suffisante entre les prix de gros et de détail, l’objectif d’une «itinérance aux tarifs nationaux» devient irréalisable et structurellement non viable, surtout pour les petits opérateurs, les opérateurs de réseau mobile virtuel et les opérateurs à fort trafic sortant net.

2.11.

Il s’ensuit que la Commission se voit obligée de proposer une nouvelle intervention réglementaire de l’Union européenne sur les marchés de gros d’itinérance.

2.12.

L’article 6 quinquies du règlement (UE) 2015/2120, modifiant le règlement (UE) no 531/2012, invite la Commission à présenter au plus tard le 15 décembre 2016, entre autres, un acte d’exécution fixant des règles détaillées sur l’application par les opérateurs d’une politique «d’utilisation raisonnable» en matière de consommation de services d’itinérance au détail réglementés, fournis au prix de détail national applicable. Pour le moment, cet acte d’exécution reste en suspens après qu’une première proposition afférente a été retirée par la Commission.

3.   Contenu de la proposition de la Commission

3.1.

La proposition de révision du règlement (UE) no 531/2012 prévoit:

l’abaissement, pour la période du 15 juin 2017 au 30 juin 2022, du prix moyen d’itinérance de gros maximal:

d’un appel: de 0,05 EUR/minute à 0,04 EUR/minute,

d’un SMS: de 0,02 EUR à 0,01 EUR,

d’un service de données: de 0,05 EUR/Mo à 0,0085 EUR/Mo,

la possibilité pour les deux parties concluant un accord de fourniture d’itinérance en gros de convenir expressément de ne pas soumettre l’application de l’accord au prix de gros maximal prévu par le règlement durant une période déterminée,

dans le cas d’un litige entre les opérateurs de réseau visité et les autres opérateurs concernant les services d’itinérance de gros, l’obligation pour les autorités règlementaires nationales de consulter l’ORECE à propos des mesures à prendre,

l’élaboration par la Commission d’un rapport à soumettre, tous les deux ans après le 15 juin 2017, au Parlement européen et au Conseil, sur la base de données sur l’évolution de la concurrence sur les marchés de l’itinérance de l’Union recueillies par l’ORECE.

4.   Remarques générales

4.1.

Dans ses avis antérieurs, le CESE a toujours approuvé les propositions de la Commission en vue d’un plafonnement des prix d’itinérance, estimant qu’elles vont dans la bonne direction, à savoir la disparition, à moyen terme, de toute forme spécifique de prix des communications mobiles d’itinérance. Il ne peut donc qu’approuver les nouvelles propositions de la Commission visant à supprimer les défaillances du marché de gros de l’itinérance qui risquent de compromettre la réalisation de «l’itinérance aux tarifs nationaux» à partir du 15 juin 2017.

4.2.

En ce qui concerne «l’itinérance aux tarifs nationaux», le CESE rappelle qu’il a toujours mis en garde contre d’éventuels effets contre-productifs et qu’il a invité les autorités règlementaires à prendre des mesures préventives pour éviter que les opérateurs ne compensent la diminution des recettes, résultant de l’abolition des prix d’itinérance, par une augmentation des tarifs nationaux ou par d’autres mesures abusives au détriment du consommateur, comme par exemple une facturation de l’accès au réseau sans qu’une communication ne soit établie (taxe d’activation).

4.3.

Pour que les consommateurs puissent effectivement bénéficier de «l’itinérance aux tarifs nationaux», et vérifier qu’il n’y a pas de relèvement des tarifs nationaux, le CESE réitère sa proposition que les autorités règlementaires élaborent, en collaboration avec les organisations des consommateurs, un modèle d’information standardisée sur la composition des prix, de manière à parvenir à une plus grande transparence des tarifs et en particulier des offres forfaitaires.

4.4.

Le CESE est tout à fait conscient que les prix de gros maximaux devront permettre aux opérateurs de recouvrer leurs coûts tout en laissant une marge bénéficiaire raisonnable. Or, comme le reconnaît la Commission (2), l’évaluation du coût de la fourniture de services d’itinérance de gros est une tâche complexe, impliquant un grand nombre de choix et d’hypothèses et elle n’est pas exempte d’incertitudes.

4.5.

Compte tenu des différents éléments faisant partie intégrante du coût de la fourniture des services d’itinérance de gros (tarif de terminaison d’appel mobile au pays d’origine et au pays de destination), ainsi que d’autres coûts, en particulier des coûts de transit non réglementés, les plafonds proposés par la Commission semblent raisonnables et devraient laisser une marge suffisante pour une saine concurrence entre fournisseurs de services d’itinérance en gros.

4.6.

Le CESE exprime de grandes réserves concernant la nouvelle possibilité que la proposition de règlement à l’examen offre aux opérateurs de négocier des «barèmes de prix de gros innovants» en dehors des prix (plafonds) réglementés et qui ne seraient pas directement liés aux volumes réellement consommés. Des négociations commerciales fondées sur des forfaits, des engagements préalables ou sur la capacité, risquent de créer des ententes et des abus de position dominante de la part des gros opérateurs et de ceux pouvant se prévaloir d’un réseau disposant d’une couverture nationale, au détriment des petits opérateurs et des opérateurs de réseau mobile virtuel.

4.7.

Le CESE approuve la proposition qu’en cas de litige entre opérateurs concernant les marchés de gros d’itinérance, les autorités règlementaires nationales soient tenues de recueillir l’avis de l’ORECE à propos des mesures à prendre, ce qui mènera à une plus grande cohérence des approches réglementaires appliquées au niveau des desdites autorités nationales. Le CESE propose de compléter les dispositions traitant des litiges et d’inviter les autorités nationales à encourager, le cas échéant, les parties en cause à recourir d’abord au règlement des litiges par la procédure extrajudiciaire.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO L 172 du 30.6.2012, p. 10.

(2)  COM(2016) 398 final.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/167


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/45/CE établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers»

[COM(2016) 369 final — 2016/0170 (COD)]

(2017/C 034/28)

Rapporteur:

Tomas ABRAHAMSSON

Consultation

Parlement européen, 9 juin 2016

 

Conseil de l’Union européenne, 22 juin 2016

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 369 final — 2016/0170 (COD)]

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

229/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite dans l’ensemble de la proposition de la Commission modifiant la directive 2009/45/CE établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers. Comme l’indique le bilan de qualité [REFIT — Ajuster le cap: bilan de qualité de la législation de l’Union européenne relative à la sécurité des navires à passagers, COM(2015) 508 final] réalisé, la directive 2009/45/CE manque, en certains endroits, de clarté en ce qui concerne un certain nombre de définitions et d’exigences et contient des prescriptions obsolètes ou redondantes, qui ont donné lieu à des incohérences dans la mise en œuvre du cadre juridique applicable aux navires à passagers. Les modifications proposées visent à simplifier la législation, à éliminer les doubles emplois et les redondances, ainsi qu’à clarifier les exigences et le champ d’application tout en préservant le niveau de sécurité actuel.

1.2.

La législation européenne relative à la sécurité des navires à passagers effectuant des voyages nationaux est très importante puisque ce sont 120 millions de personnes qui voyagent à leur bord chaque année. La proposition de modification de la directive 2009/45/CE exclut cependant tous les petits navires d’une longueur inférieure à 24 mètres du champ d’application de la directive, alors qu’en l’état actuel, seuls les navires à passagers existants en sont exclus, et non les navires neufs.

1.3.

Ce point est justifié dans la proposition, premièrement, par le fait que la directive 2009/45/CE ne s’applique actuellement qu’à 70 petits navires sur 1 950 et, deuxièmement, par le principe de subsidiarité: ces navires sont construits pour assurer un vaste éventail de services et il serait extrêmement difficile d’élaborer un socle commun de règles. Les États membres seraient dès lors mieux placés pour prendre des dispositions réglementaires.

1.4.

Le CESE prend acte de la justification susmentionnée mais recommande de continuer d’appliquer le texte aux navires neufs d’une longueur inférieure à 24 mètres, dans l’intérêt de la sécurité des passagers.

1.5.

La proposition de modification de la directive 2009/45/CE clarifie le fait qu’aux fins de la directive à l’examen, l’aluminium est un matériau équivalent à l’acier et précise que de ce fait, les normes correspondantes en matière de protection contre l’incendie sont applicables. Actuellement, tous les États membres ne certifient pas les navires en aluminium conformément à la directive, ce qui crée des disparités. Le CESE se félicite de cette clarification.

1.6.

Le CESE se félicite vivement de l’importance accordée, dans les règles actuelles de l’Union européenne relatives à la sécurité des navires à passagers, à l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite (considérant 17 de la directive 2009/45/CE) et se déclare satisfait que les normes de l’Union européenne apportent une forte valeur ajoutée par rapport aux normes internationales, qui ne prévoient aucune disposition obligatoire en la matière. Le CESE est très favorable à cette disposition et considère qu’il conviendrait de l’appliquer à tous les types de navires assurant un service de transport national de voyageurs.

1.7.

Le CESE se réjouit de la clarification apportée par la Commission au nouveau point z bis). Ce point clarifie le fait qu’un «autre matériau équivalent» désigne un alliage d’aluminium ou tout autre matériau incombustible qui possède, après isolation, des propriétés équivalentes à celles de l’acier du point de vue de la résistance mécanique et de l’intégrité, à l’issue de l’essai au feu standard. Certains États membres ne procédant pas à la certification de leurs navires en aluminium conformément à la directive à l’examen, le CESE se félicite, en principe, de cette clarification. Il préconise néanmoins d’apporter une clarification supplémentaire, en concertation avec des experts nationaux, concernant la norme technique correspondante qui est visée à l’annexe à la directive 2009/45/CE.

2.   Introduction et contexte

2.1.

La configuration géographique de l’Europe en vaste péninsule donne une idée de l’importance cruciale que revêtent les services de transport maritime, y compris le transport de passagers. Plus de 400 millions de personnes transitent par les ports de l’Union européenne chaque année, dont 120 millions à bord de navires à passagers qui effectuent des voyages nationaux. Pour cette raison, il est important de garantir les normes de sécurité les plus exigeantes dans les eaux de l’Union européenne, étant donné que la législation relative à la sécurité des navires a des répercussions considérables, notamment sur l’environnement, le droit du travail, la mobilité des citoyens de l’Union et la facilitation du commerce des navires à passagers, puisque ceux-ci répondent aux mêmes normes dans toute l’Union européenne.

2.2.

À la suite de la tragédie de l’Estonia, l’Organisation maritime internationale (OMI) a modifié la convention SOLAS (convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer) notamment en imposant des exigences supplémentaires concernant la stabilité des transbordeurs rouliers en cas d’avarie.

2.3.

Cependant, des incidents ont continué à se produire, ce qui a conduit l’Europe, au cours des deux dernières décennies, à prendre des mesures complémentaires en faveur de la sécurité des navires à passagers. Il s’agit notamment de quelques règles spécifiques, par exemple l’enregistrement des personnes à bord, adoptées en marge de la convention SOLAS pour les voyages internationaux dont relèvent les voyages entre deux États membres ou davantage, ainsi que de mesures européennes beaucoup plus nombreuses relatives aux voyages nationaux.

2.4.

Les propositions s’inscrivent dans le cadre du programme REFIT, que la Commission européenne a appliqué à la législation sur la sécurité des navires à passagers. L’abréviation REFIT désigne le programme pour une réglementation affûtée et performante.

2.5.

L’objectif était de simplifier et d’harmoniser dans la mesure du possible les règles européennes existantes en la matière, et ce, de manière à:

maintenir des règles à l’échelon de l’Union européenne uniquement dans les cas où elles sont nécessaires et proportionnées,

assurer une mise en œuvre correcte et uniforme,

éliminer les chevauchements et les contradictions.

Ces mesures sont conformes aux souhaits du CESE concernant le programme REFIT, tels qu’ils ont été exprimés dans le récent avis exploratoire SC/044 (26 mai 2016).

2.6.

Cet ensemble cohérent de propositions devrait atteindre ces objectifs. Le train de mesures sur la sécurité des navires à passagers comprend des propositions de révision de presque toute la réglementation européenne relative à la sécurité des navires à passagers, à l’exception bien sûr de la directive purement technique 2003/25/CE portant sur les exigences supplémentaires relatives à la stabilité des transbordeurs rouliers.

2.7.

Le paquet comprend les trois propositions suivantes:

restriction et clarification du champ d’application de la directive 2009/45/CE (prescriptions techniques applicables aux navires à passagers effectuant des voyages nationaux en mer),

amélioration et clarification des obligations en matière de déclaration découlant de la directive 98/41/CE (enregistrement des personnes voyageant à bord de navires à passagers) par rapport à d’autres instruments (directive 2010/65/UE concernant les formalités déclaratives et la directive 2002/59/CE concernant le système communautaire de suivi du trafic et d’information), ainsi que la suppression des doubles emplois,

clarification et simplification du régime de l’Union européenne sur les visites et inspections relatives aux transbordeurs rouliers (transbordeurs capables de transporter des véhicules et des trains en plus des passagers) et navires à passagers à grande vitesse.

2.8.

C’est la première proposition qui fait l’objet du présent avis.

2.9.

La directive 2009/45/CE, en date du 6 mai 2009, est une refonte de la directive 98/18/CE, qui a dû être abrogée à des fins de clarification. Elle introduit un niveau de sécurité uniforme pour les navires à passagers qui effectuent des voyages nationaux. Toutefois, après quinze ans, la Commission a jugé nécessaire de réviser cette directive après avoir réalisé un bilan de qualité qui a souligné le besoin de simplification et de clarification des exigences actuelles — position à laquelle le CESE souscrit pleinement.

2.10.

Le CESE a participé activement à l’élaboration de la législation relative à la sécurité maritime en élaborant plusieurs avis. Sur la question spécifique de la sécurité des navires à passagers, il est utile de noter que le 29 mai 1996, le Comité a adopté un avis sur les règles et normes de sécurité pour les navires à passagers (1), suivi, le 11 décembre 2002, d’un avis sur les prescriptions spécifiques de stabilité applicables aux navires rouliers à passagers et d’un autre sur une révision de la directive 98/18/CE établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers. En outre, il convient de noter que, plus récemment, le 16 janvier 2008, le Comité a souscrit sans réserve à la proposition concernant la refonte susmentionnée de la directive 98/18/CE.

2.11.

À la lumière de l’importance que revêt le processus de réexamen actuellement mené par la Commission, le CESE entend démontrer qu’il est extrêmement attentif à l’amélioration continue de la sécurité des navires à passagers exploités sur des lignes nationales.

3.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

3.1.

La directive 2009/45/CE établissant des règles et normes de sécurité pour les navires à passagers s’applique aux navires en acier et en matériau équivalent ainsi qu’aux engins à grande vitesse, quelle que soit leur longueur. Mise en œuvre au niveau de l’Union européenne et s’appliquant uniquement aux voyages nationaux, elle établit des exigences techniques pour la construction, la stabilité, la prévention des incendies et l’équipement de sauvetage des navires, sur la base à la fois des dispositions de la convention SOLAS (Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, telle que modifiée) et de certaines exigences motivées par plusieurs sinistres maritimes ayant occasionné des pertes en vies humaines, d’où la nécessité de corriger le caractère quelque peu fragmenté de la législation.

3.2.

À la suite d’un bilan de qualité réalisé dans l’esprit des programmes REFIT (Programme de la Commission européenne pour une réglementation affûtée et performante) et «Mieux légiférer», la Commission en est venue à la conclusion qu’il était possible de renforcer le niveau de sécurité, l’efficacité et la proportionnalité de la directive à l’examen. La révision qui est proposée a donc pour but de simplifier et de rationaliser l’actuel cadre réglementaire qui, s’il atteint ses objectifs et conserve toute sa pertinence, doit être débarrassé de certaines exigences et définitions ambiguës, dépassées ou redondantes.

3.3.

La Commission propose d’apporter un nombre limité de changements à la directive actuelle, dans les domaines suivants:

l’exclusion des navires d’une longueur inférieure à 24 mètres du champ d’application de la directive au motif que les petits navires sont pour l’essentiel construits dans des matériaux autres que l’acier et sont déjà homologués conformément à la législation nationale,

la clarification du champ d’application de la directive en précisant que l’aluminium est un matériau équivalent à l’acier (ce qui a des conséquences sur les exigences en matière d’isolation au feu) et en précisant que les navires de maintenance en mer pour les parcs éoliens, tout comme les navires traditionnels, ne relèvent pas du champ d’application de la directive,

la clarification et la simplification de la définition des zones maritimes dans la directive 2009/45/CE tout en supprimant la mention «où des personnes naufragées peuvent gagner la terre» et la notion de «refuge».

3.4.

Par ailleurs, le rapport REFIT préconise d’élaborer des lignes directrices ou des normes pour les petits navires et les navires qui ne sont pas construits en acier ou en matériaux équivalents, sur la base d’exigences fonctionnelles s’inscrivant dans un cadre de normes axé sur des objectifs.

3.5.

Enfin, il est utile de noter que la Commission entend préserver, dans sa proposition, le niveau commun de sécurité établi par la directive 2009/45/CE pour les navires effectuant des voyages nationaux dans les eaux européennes, ce qui facilite le transfert de navires entre les registres nationaux et maintient des conditions de concurrence égales concernant les voyages nationaux.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE observe qu’il est tout à fait possible que l’insuffisance des données ait nui au bilan de qualité qui a été appliqué aux règles et normes de sécurité de l’Union européenne pour les navires à passagers, et demande, pour cette raison, que de meilleurs systèmes de collecte de données et de suivi soient mis en place à l’avenir, afin de mieux étayer les évaluations de l’Union européenne postérieures à la mise en œuvre des mesures.

4.2.

S’il prend acte de la justification invoquée pour exclure les petits navires (d’une longueur inférieure à 24 mètres) du champ d’application de la directive, le CESE estime qu’il conviendrait de continuer de l’appliquer aux navires neufs dont la longueur est inférieure à 24 mètres.

4.3.

Il est indiqué dans le rapport REFIT ainsi qu’au considérant 17 de la directive 2009/45/CE que les normes de l’Union européenne garantissent aux personnes à mobilité réduite un accès aux services de transport de passagers par transbordeur dans le cadre de voyages nationaux, une disposition qui est recommandée mais non obligatoire en vertu des normes internationales. Le CESE est très favorable à cette disposition et considère qu’il conviendrait de l’appliquer à tous les types de navires assurant un service de transport national de voyageurs.

4.4.

Il estime aussi qu’il est essentiel de communiquer à tous les passagers des informations détaillées concernant la sécurité du navire à bord duquel ils se trouvent. Il est vital de veiller à ce que les personnes handicapées aient, elles aussi, accès à ces informations détaillées.

5.   Observations spécifiques concernant les propositions de modification de la directive 2009/45/CE

5.1.    Article 2 — Définitions

5.1.1.

Point h) — La définition d’un «navire neuf» comme tout navire dont la quille a été posée ou qui se trouvait à un stade de construction équivalent le 1er juillet 1998 ou après cette date est obsolète; aucun changement n’a cependant été proposé.

5.1.2.

Point u) — Le remplacement d’«État d’accueil» par «État du port» n’est pas expliqué. Le CESE recommande à la Commission d’expliquer ce changement de terminologie, voire de fond.

En outre, la directive semble ne pas opérer de distinction, à ce point, entre les pavillons de l’Union européenne et ceux des pays tiers, ce qui pourrait être important puisque les navires en question font du cabotage maritime [Règlement (CEE) no 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres (cabotage maritime)].

5.1.3.

Nouveau point z bis) — Ce point clarifie le fait qu’un «autre matériau équivalent» désigne un alliage d’aluminium ou tout autre matériau incombustible qui possède, après isolation, des propriétés équivalentes à celles de l’acier du point de vue de la résistance mécanique et de l’intégrité, à l’issue de l’essai au feu standard. Certains États membres ne procédant pas à la certification de leurs navires en aluminium conformément à la directive à l’examen, le CESE se félicite, en principe, de cette clarification. Il préconise néanmoins d’apporter une clarification supplémentaire, en concertation avec des experts nationaux, concernant la norme technique correspondante qui est visée à l’annexe de la directive 2009/45/CE.

Enfin, le CESE estime que la nouvelle définition d’un «autre matériau équivalent», en particulier la référence à «tout autre matériau incombustible», pourrait prêter à confusion car elle ne précise pas suffisamment à quel type de matériau un matériau doit être équivalent pour relever du champ d’application de la directive modifiée.

5.1.4.

Nouveau point z quinquies) — En ce qui concerne la définition proposée d’un «bateau/engin de plaisance» comme désignant «un navire ne transportant pas de cargaison ni pas plus de 12 passagers, utilisé à des fins non commerciales, quel que soit le moyen de propulsion», le CESE estime qu’à des fins de clarté, il conviendrait de conserver la formulation actuelle faisant état de «passagers à des fins commerciales».

5.2.    Article 3 — Champ d’application

5.2.1.

Paragraphe 1, point a) — [La présente directive s’applique aux…] «navires à passagers neufs et existants d’une longueur égale ou supérieure à 24 mètres». La proposition de modification de la directive 2009/45/CE exclut ainsi tous les petits navires, alors que l’actuelle réglementation n’exclut que les navires existants, et non les navires «neufs» dont la longueur est inférieure à 24 mètres. Voir le paragraphe 5.1.1 ci-dessus pour la définition d’un «navire neuf».

5.2.2.

Le motif invoqué pour l’exclusion est que la directive 2009/45/CE ne s’applique actuellement qu’à 70 petits navires sur 1 950.

5.2.3.

Une autre justification donnée à l’exclusion proposée est l’application du principe de subsidiarité, au motif que ces navires sont construits pour assurer un vaste éventail de services et qu’il serait extrêmement difficile d’élaborer un socle commun de règles; les États membres seraient dès lors mieux placés pour prendre des dispositions réglementaires.

5.2.4.

Le CESE peine à comprendre ces arguments. Si 96 % de la flotte de petits navires n’est pas couverte par la directive car ceux-ci sont construits dans des matériaux autres que l’acier ou des matériaux équivalents, ou qu’il s’agit de navires naviguant exclusivement dans des zones portuaires, etc., il n’est dès lors aucunement avantageux, pour ces navires, d’exempter ceux dont la longueur est inférieure à 24 mètres. Qu’en est-il cependant des 4 % restants?

5.2.5.

Si des règles harmonisées ne sont pas appropriées pour certains navires d’une longueur inférieure à 24 mètres, les États membres sont déjà libres, actuellement, d’accorder des exemptions en vertu de l’article 9 de la directive. Or si la proposition modifiant la directive sur ce point est acceptée, certains navires d’une longueur pouvant aller jusqu’à 24 mètres ne seront plus couverts par la directive.

5.2.6.

Un navire à passagers d’une longueur de 24 mètres n’est pas nécessairement un navire sans importance puisqu’il pourrait accueillir quelque 250 passagers à son bord. Il pourrait être avancé que les passagers devraient jouir du même droit à la sécurité que leur navire mesure 23,9 mètres ou 24,1 mètres. Pour ces raisons, le CESE estime que la directive devrait continuer de s’appliquer aux navires neufs d’une longueur inférieure à 24 mètres, les États membres pouvant continuer d’autoriser des exemptions s’ils le jugent nécessaire.

5.3.    Article 5

En ce qui concerne la modification apportée à l’article 5, paragraphe 3, concernant les inspections, le CESE est d’avis qu’il conviendrait de faire également référence aux transbordeurs rouliers et aux engins à passagers à grande vitesse qui effectuent des voyages nationaux dans le cadre d’un service régulier au sens de la nouvelle directive proposée [COM(2016) 371 final] abrogeant la directive 1999/35/CE (voir l’article premier). Dans le but de rationaliser davantage les efforts consentis par les administrations nationales en matière d’inspections, de maximiser la durée pendant laquelle les navires peuvent être exploités commercialement et d’éliminer les possibles redondances entre les inspections spécifiques effectuées en vertu de la nouvelle directive [COM(2016) 371 final] abrogeant la directive 1999/35/CE, d’une part, et les visites exigées à l’article 12, d’autre part, il est suggéré:

de remplacer le terme «visite» par le terme «inspection» en vertu de l’article 5, et

de faire clairement référence, au titre de l’article 5, aux exigences en matière d’inspection en vertu de la nouvelle directive proposée [COM(2016) 371 final] abrogeant la directive 1999/35/CE.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 212 du 22.7.1996, p. 21.


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/172


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/41/CE du Conseil relative à l’enregistrement des personnes voyageant à bord de navires à passagers opérant à destination ou au départ de ports d’États membres de la Communauté et modifiant la directive 2010/65/UE du Parlement européen et du Conseil concernant les formalités déclaratives applicables aux navires à l’entrée ou à la sortie des ports des États membres»

[COM(2016) 370 final — 2016/171 (COD)]

(2017/C 034/29)

Rapporteur:

M. Vladimír NOVOTNÝ

Consultation

Parlement européen, 9 juin 2016

 

Conseil de l’Union européenne, 22 juin 2016

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

[COM(2016) 370 final — 2016/171 (COD)]

 

 

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6 octobre 2016

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

205/9/15

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) est convaincu que l’adaptation proposée conduira à accroître dans les eaux de l’Union européenne la sécurité du transport par navire, et en premier lieu celle des passagers, et qu’en cas de fortune de mer, elle contribuera à améliorer l’efficacité des opérations de sauvetage.

1.2.

Le CESE approuve l’extension des données enregistrées à celles concernant la nationalité des personnes, sachant qu’en cas de fortune de mer, ces données permettent d’informer plus rapidement les familles de la situation de leurs membres figurant parmi les passagers et de dissiper l’incertitude quant à leur sort.

1.3.

Dans la lignée des résultats des consultations de travail menées par la Commission européenne, le CESE attire l’attention sur la problématique des petits transporteurs et sur la nécessité de les protéger contre l’accroissement des exigences administratives. Le CESE est d’avis que la proposition garantit que la concurrence puisse continuer de s’exercer dans les eaux de l’Union européenne dans les mêmes conditions pour tous les exploitants.

1.4.

Le CESE apprécie que la proposition de directive s’accompagne d’un plan de mise en œuvre qui énumère les actions nécessaires à la mise en œuvre des mesures de simplification et établit les principaux défis techniques, juridiques et de calendrier liés à l’instauration des nouvelles procédures.

1.5.

Le CESE accueille favorablement la proposition de modification de la directive 98/41/CE du Conseil, en ce qu’elle constitue une contribution importante à la réalisation du programme de la Commission pour une réglementation affûtée (REFIT) et du programme «Mieux légiférer» de l’Union européenne.

2.   Introduction

2.1.

Dans le prolongement direct du bilan de qualité de la législation de l’Union européenne relative à la sécurité des navires à passagers, la Commission avance un ensemble de propositions qui a pour objectif de simplifier et de rationaliser l’actuel cadre réglementaire de l’Union européenne en matière de sécurité des navires à passagers dans l’Union européenne, de manière à éliminer d’éventuelles obligations redondantes et contradictions entre les différents actes législatifs, tout en conservant les règles de l’Union européenne et en garantissant leur mise en œuvre correcte.

2.2.

Cet ensemble de propositions, parmi lesquelles l’on compte une modification de la directive 2009/45/CE du Parlement eruopéen et du Conseil relatives aux exigences techniques pour les navires à passagers, une proposition de directive remplaçant la directive 1999/35/CE du Conseil sur le contrôle pour les services réguliers des navires rouliers à passagers et, avant tout, une modification de la directive 98/41/CE relative à l’enregistrement des personnes voyageant à bord de navires à passagers, vise à fournir un cadre juridique clair, simple et à jour qui soit plus facile à mettre en œuvre, à contrôler et à faire appliquer, augmentant ainsi le niveau global de sécurité du transport par navire.

2.3.

Les adaptations proposées découlent du programme REFIT de la Commission et constituent une contribution à la réalisation du programme «Mieux légiférer» de l’Union européenne.

2.4.

La proposition répond au programme «Mieux légiférer» de la Commission en veillant à ce que la législation existante soit simple et claire, ne fasse pas peser de charge inutile et s’adapte aux évolutions politiques, sociétales et technologiques. Elle s’efforce également d’atteindre les objectifs de la «Stratégie Transport Maritime 2018», en assurant des services de transport par transbordeur de qualité dans le cadre des transports réguliers de passagers à l’intérieur de l’Union européenne.

3.   Document de la Commission

3.1.

La directive 98/41/CE prévoit le comptage et l’enregistrement de tous les passagers et membres d’équipage présents à bord de navires à passagers opérant à destination ou au départ de ports de l’Union européenne. En vertu des dispositions en vigueur, ces informations doivent être enregistrées dans le système d’information de la compagnie et être accessibles facilement et à tout moment pour être communiquées à l’autorité de sécurité compétente responsable des opérations de recherche et de sauvetage. Les données enregistrées comprennent le nom, l’âge et le sexe, mais ne mentionnent pas toujours la nationalité, rendant ainsi plus difficile l’assistance aux éventuelles victimes et à leurs proches.

3.2.

Par conséquent, les exploitants qui transmettent déjà ces données au guichet unique national se voient ainsi contraints de faire une double déclaration. La règlementation applicable jusqu’à présent ne tient pas compte de la mise au point de systèmes tels que SafeSeaNet et le guichet unique national, et elle prévoit que l’autorité nationale compétente doit prendre contact avec la compagnie maritime en cas d’urgence. Cette démarche est pleinement conforme au programme REFIT de la Commission et vise à exploiter les possibilités de passer au numérique pour l’enregistrement, la transmission des données, leur accès et leur protection.

3.3.

L’efficacité des opérations de recherche et de sauvetage dépend d’un accès immédiat à des données précises en ce qui concerne les personnes à bord. La formulation de la directive en vigueur ne garantit pas cet accès dans la mesure requise. La Commission propose dès lors de mettre à jour, de clarifier et de simplifier les exigences en vigueur pour le comptage et l’enregistrement des passagers et des membres d’équipage présents à bord de navires à passagers et de renforcer ainsi le niveau de sécurité qu’elles prévoient.

3.4.

L’exigence posée par la proposition à l’examen d’un enregistrement des informations sur les personnes à bord dans un système électronique existant (qui, en cas d’urgence, permet à l’autorité compétente d’accéder immédiatement aux données) est considérée comme présentant une avancée par rapport au niveau de sécurité actuel, sans générer de coûts importants pour les exploitants ou les administrations compétentes.

3.5.

La Commission propose d’éliminer les exigences de double communication relative aux passagers et d’aligner les exigences de communication pour tous les exploitants en prévoyant l’enregistrement des informations sur le nombre de personnes à bord dans un système électronique existant, qui, en cas d’urgence ou d’accident, permet une transmission immédiate de données à l’autorité compétente, plutôt que leur extraction à partir du système de la compagnie, avant le départ et avant l’arrivée dans tout port d’escale de l’Union européenne, ainsi que l’enregistrement — pour chaque voyage de plus de 20 milles marins — des informations requises sur l’équipage et les passagers dans le même système que celui susmentionné plutôt que dans le système de la compagnie, avant le départ et avant l’arrivée dans tout port d’escale de l’Union européenne.

3.6.

De plus, elle propose d’éviter les chevauchements et d’exiger — pour chaque voyage de plus de 20 milles marins — la nationalité des passagers à enregistrer et à transmettre à l’autorité compétente, en utilisant les mêmes moyens et critères que ceux en place pour l’enregistrement et la transmission des données déjà requises concernant le nom, l’âge, etc.; d’expliciter les définitions relatives à l’enregistrement des passagers figurant dans la directive 98/41/CE, comme celle de «durée du voyage»; d’éliminer de la directive 98/41/CE l’exigence relative à l’approbation des systèmes d’enregistrement des passagers et de rationaliser le mécanisme de communication des exemptions/équivalences en vertu des directives 2009/45/CE et 98/41/CE. La proposition précise en outre les définitions et exigences correspondantes de la directive 98/41/CE.

3.7.

La proposition garantit que la concurrence puisse continuer de s’exercer dans les eaux de l’Union européenne dans les mêmes conditions pour tous les exploitants.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE accueille favorablement la proposition de modification de la directive 98/41/CE en ce qu’elle constitue une contribution importante à la réalisation du programme REFIT de la Commission et du programme «Mieux légiférer» de l’Union européenne.

4.2.

Le Comité considère que les modifications proposées en matière de déclaration prévoyant le recours aux moyens modernes de communication électronique sont judicieuses et qu’elles conduisent à accroître l’efficience et l’efficacité du système d’enregistrement et de déclaration des personnes voyageant à bord de navires à passagers.

4.3.

Le CESE est convaincu que l’adaptation proposée conduira à accroître la sécurité du transport par navire dans les eaux de l’Union européenne et qu’en cas de fortune de mer, elle contribuera à améliorer l’efficacité des opérations de sauvetage.

4.4.

Le CESE approuve l’extension des données enregistrées à celles concernant la nationalité des personnes, sachant qu’en cas de fortune de mer, ces données permettent d’informer plus rapidement les familles de la situation de leurs membres figurant parmi les passagers et de dissiper l’incertitude quant à leur sort.

4.5.

Le CESE apprécie l’approche adoptée par la Commission, qui a procédé, au cours des travaux préparatoires de la proposition modifiant la directive 98/41/CE, à des consultations ciblées auprès du public spécialisé issu du milieu des transporteurs et aussi de celui des représentants des voyageurs. La Commission a résumé et évalué les résultats de ces consultations dans le document de travail qui figure en annexe de la proposition modifiant la directive 98/41/CE. Elle a intégré les conclusions de ces consultations dans la proposition de directive.

4.6.

Le CESE considère qu’il est indispensable de renforcer la protection des données personnelles soumises à enregistrement et de moderniser radicalement la directive 98/41/CE conformément à l’évolution du droit dans le domaine de la protection des données personnelles, et notamment au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil.

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE est d’avis, abondant ainsi dans le sens de la Commission, qu’il convient de trouver un équilibre entre la protection des données personnelles et les exigences d’accessibilité restreinte de ces données qui doivent être communiquées aux autorités nationales compétentes sur demande (le mécanisme d’échange en cas d’urgence ou à la suite d’un accident étant le système SafeSeaNet tel que défini dans la directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil). Tout comme pour le guichet unique national, le système SafeSeaNet est dicté par la législation de l’Union européenne concernant la protection des données à caractère personnel et prévoit pour ces données une sécurité et des droits d’accès clairement définis. Le CESE recommande de préciser plus en détail dans la proposition de directive la durée de conservation des données.

5.2.

Le CESE est d’avis qu’il doit être strictement garanti que la transmission proposée au guichet unique national réponde aux exigences de confidentialité (telles que définies à l’article 8 de la directive 2010/65/UE) et que cette transmission de données respecte la législation de l’Union européenne relative à la protection des données à caractère personnel.

5.3.

Dans la lignée des résultats des consultations de travail menées par la Commission, le CESE attire l’attention sur la problématique des petits transporteurs et sur la nécessité de les protéger contre l’accroissement des exigences administratives. Pour cette raison, le CESE approuve la proposition de la Commission qui doit permettre aux petits transporteurs de s’acquitter de leurs obligations en matière d’enregistrement au moyen d’une connexion à l’internet, qui constitue une variante moins chère et plus souple, ou bien de choisir de transmettre le nombre de personnes à bord via le système d’information automatisé, un système de diffusion maritime basé sur la transmission de signaux radio à très haute fréquence. Cela permettrait au centre local de recherche et de sauvetage de retrouver facilement le nombre de personnes à bord, à tout moment, indépendamment de la disponibilité d’une personne de contact.

5.4.

Le CESE apprécie que la proposition de directive s’accompagne d’un plan de mise en œuvre qui énumère les actions nécessaires à la mise en œuvre des mesures de simplification et établit les principaux défis techniques, juridiques et de calendrier liés à l’instauration des nouvelles procédures.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/176


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à un système d’inspections pour l’exploitation en toute sécurité de services réguliers de transbordeurs rouliers et d’engins à passagers à grande vitesse, modifiant la directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil relative au contrôle par l’État du port et abrogeant la directive 1999/35/CE du Conseil»

[COM(2016) 371 final — 2016/0172 (COD)]

(2017/C 034/30)

Rapporteur:

Jan SIMONS

Consultation

Parlement européen: 9.6.2016

Conseil de l’Union européenne: 22.6.2016

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 371 final — 2016/0172 (COD)]

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6.10.2016

Adoption en session plénière

19.10.2016

Session plénière

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

222/2/6

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) se félicite dans son ensemble des intentions du programme de la Commission européenne pour une réglementation affûtée et performante (REFIT), dont l’objectif principal est de mettre en place un cadre juridique clair, simple et cohérent en matière de sécurité des navires à passagers qui soit plus facile à mettre en œuvre, à contrôler et à faire respecter, de manière à garantir le niveau global de sécurité des passagers et de l’équipage des navires.

1.2.

Le CESE attache une grande importance à la mise en place d’un système d’inspection de l’Union européenne qui soit applicable aux navires à passagers qui effectuent des voyages nationaux et/ou internationaux, de façon à maintenir des conditions de concurrence égales dans les eaux de l’Union européenne pour tous les navires à passagers, quel que soit leur pavillon. Cependant, le CESE est d’avis que l’Union européenne devrait avant tout s’efforcer de veiller au maintien de normes appropriées de sécurité maritime et de protection du milieu marin à l’échelle mondiale, qui s’appliquent également aux navires opérant dans les eaux de l’Union européenne.

1.3.

Le CESE considère qu’il est nécessaire de clarifier davantage la réglementation et d’adopter de nouvelles dispositions dans le cadre de la nouvelle directive proposée afin d’éviter toute redondance dans les inspections et de s’abstenir d’imposer des charges supplémentaires superflues aux administrations des États membres, de nature à entraver l’exploitation commerciale du navire ou à accroître la fatigue de l’équipage. Il s’agit notamment de la nécessité:

d’éviter tout double emploi dans les inspections réalisées en vertu de la nouvelle directive proposée et de la directive 2009/16/CE sur le contrôle par l’État du port,

de mettre en place une coordination appropriée entre les autorités compétentes des États membres pour la programmation des inspections.

1.4.

Même si la proposition de nouvelle directive vise à bon escient à réduire la fatigue de l’équipage du navire, le CESE recommande que le respect des exigences minimales pour le travail des gens de mer à bord d’un navire, y compris la certification médicale et celle de la formation couverte par la Convention STCW (Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille), constitue un élément essentiel du point de vue de la sécurité maritime. Ce respect doit être assuré conformément aux conventions internationales en vigueur, telles que la convention du travail maritime de 2006, qui est mise en œuvre dans le droit de l’Union européenne par la directive 2009/13/CE du Conseil.

1.5.

À la lumière de ce qui précède, le CESE reconnaît que le nombre de dispositions destinées à clarifier les règles imposera aux États membres et aux compagnies de navigation d’adapter leurs procédures actuelles. Le CESE souhaiterait dès lors soutenir le rôle de l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) ainsi que le recours à l’actuel groupe d’experts sur la sécurité des navires à passagers (PSS EG) auprès du groupe de sécurité maritime, afin de faciliter les processus de transposition et de mise en œuvre, en liaison avec les groupes d’experts correspondants en charge des inspections menées dans le cadre du contrôle par l’État du port et de la mise en œuvre du guichet unique national.

1.6.

Le CESE a sept commentaires techniques spécifiques à formuler pour lesquels il convient de se référer à la section 5 du présent avis.

2.   Introduction

2.1.

La configuration géographique de l’Europe en vaste péninsule donne une idée de l’importance cruciale que revêtent les services de transport maritime, y compris le transport de passagers. Plus de 400 millions de personnes transitent par les ports de l’Union européenne chaque année, dont 120 millions voyagent sur des navires à passagers nationaux. Pour cette raison, il est important de garantir les normes de sécurité les plus exigeantes dans les eaux de l’Union européenne, étant donné que la législation relative à la sécurité des navires a des répercussions considérables sur l’environnement, le droit du travail, la mobilité des citoyens de l’Union et la facilitation du commerce des navires à passagers puisque ceux-ci répondent aux mêmes normes dans l’ensemble de l’Union européenne.

2.2.

Les tragiques accidents des transbordeurs Herald of Free Enterprise (en 1987, au départ de Zeebrugge, en Belgique) et Estonia (dans la nuit du 27 au 28 septembre 1994, au large des côtes finlandaises, alors qu’il effectuait la liaison entre Tallinn et Stockholm) sont restés gravés dans la mémoire collective, en tout cas des personnes qui s’intéressent aux questions maritimes. Dans le premier cas, le navire s’est échoué sur un banc de sable, entraînant la mort de 193 personnes, et dans le second, le nombre de personnes ayant perdu la vie a atteint le chiffre record de 852. Pour ce qui est de la cause, dans un cas, les portes d’étrave, par lesquelles les passagers et les véhicules sont embarqués et débarqués (roll-on/roll-off, d’où les termes de navires RoRo ou transbordeurs rouliers), n’avaient pas été fermées; dans l’autre, elles ont été brisées par une violente tempête. Avec pour conséquence une gîte rapide due à l’entrée d’une grande quantité d’eau, et le chavirement du navire, le tout en une demi-heure à peine.

2.3.

À la suite de la tragédie de l’Estonia, l’Organisation maritime internationale (OMI), une agence spécialisée des Nations unies basée à Londres, a modifié la convention SOLAS (convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer) notamment en imposant des exigences supplémentaires concernant la stabilité des transbordeurs rouliers en cas d’avarie.

2.4.

Cependant, des incidents ont continué à se produire, ce qui a conduit l’Europe, au cours des deux dernières décennies, à prendre des mesures complémentaires en faveur de la sécurité des navires à passagers. Il s’agit notamment de quelques règles spécifiques, par exemple l’enregistrement des personnes à bord, adoptées en marge de la convention SOLAS pour les voyages internationaux dont relèvent les voyages entre deux États membres ou davantage, ainsi que de mesures européennes beaucoup plus nombreuses relatives aux voyages nationaux.

2.5.

Les propositions s’inscrivent dans le cadre de REFIT, le programme pour une réglementation affûtée et performante, que la Commission a appliqué à la législation sur la sécurité des navires à passagers. L’abréviation REFIT désigne le programme pour une réglementation affûtée et performante.

2.6.

L’objectif était de simplifier et d’harmoniser dans la mesure du possible les règles européennes existantes en la matière, et ce, de manière à:

maintenir des règles à l’échelon de l’Union européenne uniquement dans les cas où elles sont nécessaires et proportionnées,

assurer une mise en œuvre correcte et uniforme,

éliminer les chevauchements et les contradictions.

Ces mesures sont conformes aux souhaits du CESE concernant le programme REFIT, tels qu’ils ont été exprimés dans le récent avis exploratoire SC/044 (26 mai 2016).

2.7.

Cet ensemble cohérent de propositions devrait atteindre ces objectifs.

Le train de mesures sur la sécurité des navires à passagers comprend des propositions de révision de presque toute la réglementation européenne relative à la sécurité des navires à passagers, à l’exception bien sûr de la directive purement technique 2003/25/CE portant sur les exigences supplémentaires relatives à la stabilité des transbordeurs rouliers.

2.8.

Le paquet comprend les trois propositions suivantes:

restriction et clarification du champ d’application de la directive 2009/45/CE (prescriptions techniques applicables aux navires à passagers effectuant des voyages nationaux en mer),

amélioration et clarification des obligations en matière de déclaration découlant de la directive 98/41/CE (enregistrement des personnes voyageant à bord de navires à passagers) par rapport à d’autres instruments (directive 2010/65/UE concernant les formalités déclaratives et directive 2002/59/CE concernant le système communautaire de suivi du trafic et d’information), ainsi que suppression des doubles emplois,

clarification et simplification du régime de l’Union européenne sur les visites et inspections relatives aux transbordeurs rouliers (transbordeurs capables de transporter des véhicules et des trains en plus des passagers) et navires à passagers à grande vitesse.

2.9.

C’est cette dernière proposition qui fait l’objet du présent avis.

3.   Synthèse de la proposition de la Commission

3.1.

La proposition vise à clarifier et à simplifier le système de l’Union européenne de visites et d’inspections des transbordeurs rouliers et des engins à passagers à grande vitesse, qui sont actuellement mises en œuvre en vertu de la directive 1999/35/CE (visites obligatoires des transbordeurs rouliers et des engins à passagers à grande vitesse en services réguliers) et de la directive 2009/16/CE (contrôle par l’État du port).

3.2.

La proposition est envisagée en combinaison avec les directives 2009/21/CE et 2009/45/CE (contrôle de l’État du pavillon sur les navires de haute mer effectuant respectivement des voyages internationaux et nationaux). Dans ce cas également, il apparaît que la directive est appliquée de manière divergente selon les États membres.

3.3.

La proposition supprime la notion d’«État d’accueil» (selon la directive 1999/35/CE, c’est l’État d’accueil, c’est-à-dire le pays dans lequel le bateau opère sous le pavillon d’un autre pays, qui doit inspecter les transbordeurs rouliers). Les inspections sont intégrées dans les inspections par l’État du pavillon et par l’État du port. Enfin, la proposition précise à quel moment les deux inspections annuelles prévues par l’actuelle directive 1999/35/CE doivent être effectuées.

3.4.

Il est donc proposé de modifier la directive 2009/16/CE et d’abroger la directive 1999/35/CE au moyen d’une nouvelle directive qui la remplace. Les principaux points de cette nouvelle directive sont les suivants. Elle:

limite le champ d’application de la directive aux navires assurant des services réguliers de transbordeur roulier et d’engin à passagers à grande vitesse entre des ports situés au sein d’un État membre ou entre un port d’un État membre et un port d’un pays tiers où le pavillon du navire est le même que celui de l’État membre en question,

élimine un certain nombre de définitions et de références redondantes telles que «passagers», «État d’accueil», «voyages internationaux», «certificats d’exemption», et supprime les références à l’enquête sur les accidents maritimes, qui est désormais couverte par la directive 2009/18/CE du Parlement européen et du Conseil,

prévoit un système d’inspections fondées sur le navire (plutôt que sur la compagnie) avant le début d’un service régulier. Le navire doit subir une inspection conformément à l’annexe II; un certain nombre de points liés à la gestion de la sécurité énoncés dans l’annexe I doivent également être vérifiés,

précise que les navires relevant du champ d’application de la directive sont inspectés deux fois par an, avec un certain laps de temps entre les inspections, et que l’une de ces inspections devrait être une inspection en service pendant une traversée régulière,

prévoit que les États membres peuvent, s’ils le souhaitent, combiner l’inspection avec une visite par l’État du pavillon à laquelle un navire devrait être soumis une fois par an,

harmonise les dispositions relatives aux rapports d’inspection, aux interdictions de départ, aux recours, aux coûts, à la base de données des inspections et aux sanctions avec celles prévues dans la directive 2009/16/CE,

met la directive en conformité avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne l’exercice des pouvoirs de la Commission liés aux actes délégués,

modifie la directive 2009/16/CE afin de veiller au maintien du contenu et de la fréquence des inspections des transbordeurs rouliers et des engins à passagers à grande vitesse,

prévoit l’évaluation de la directive proposée par la Commission.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE se félicite dans son ensemble des intentions du programme de la Commission pour une réglementation affûtée et performante, dont l’objectif principal est de mettre en place un cadre juridique clair, simple et cohérent en matière de sécurité des navires à passagers, qui soit plus facile à mettre en œuvre, à contrôler et à faire respecter, de manière à garantir le niveau global de sécurité des passagers et de l’équipage des navires. Ces initiatives relevant du programme REFIT et ces évaluations complètent également les objectifs de la stratégie du transport maritime de l’Union européenne [COM(2009) 8 final] qui vise à tirer pleinement parti du potentiel que représente la demande croissante de transport maritime à courte distance et de services de transport maritime pour les entreprises et les particuliers en Europe.

4.2.

Comme en attestent les statistiques relatives aux accidents, le cadre réglementaire en vigueur a permis d’atteindre un niveau élevé de sécurité des navires à passagers dans les eaux de l’Union européenne. Le CESE approuve le nouvel accent qui est mis sur les caractéristiques de sécurité spécifiques aux transbordeurs rouliers et engins à passagers à grande vitesse par la proposition de nouvelle directive modifiant la directive 2009/16/CE. L’exercice REFIT clarifie et simplifie les obligations en vigueur dans le cadre des visites au titre de la directive 1999/35/CE, les inspections renforcées dans le cadre du contrôle par l’État du port et les inspections annuelles par l’État du pavillon, tout en maintenant le même niveau de sécurité pour les passagers voyageant sur les transbordeurs rouliers et les engins à passagers à grande vitesse en service régulier dans les eaux de l’Union européenne.

4.3.

Le CESE attache une grande importance à la mise en place d’un système d’inspection de l’Union européenne qui soit applicable à tous les navires à passagers, qu’ils effectuent des voyages nationaux ou internationaux, de façon à maintenir des conditions de concurrence égales dans les eaux de l’Union européenne pour tous les navires à passagers, quel que soit leur pavillon.

4.4.

Le CESE se félicite du fait que la simplification envisagée permettra non seulement de parvenir à une plus grande clarté juridique, mais aussi de rationaliser davantage le nombre d’inspections à effectuer par les administrations nationales et, dans le même temps, d’optimiser l’exploitation commerciale du navire.

4.5.

Depuis 2009, le nouveau régime d’inspection (NRI) régi par le mémorandum d’entente de Paris a accordé une importance particulière aux performances des navires en procédant à des inspections plus nombreuses pour les navires moins respectueux des normes et en prévoyant des intervalles plus longs pour les navires présentant un haut niveau de conformité. Le CESE reconnaît le succès de ce nouveau régime d’inspection, en particulier au regard du fait que l’augmentation des charges administratives est une préoccupation croissante pour les navires effectuant des transports maritimes commerciaux à courte distance, et que chaque inspection supplémentaire augmente cette charge.

4.6.

Le CESE souligne que le respect des exigences minimales pour le travail des gens de mer à bord d’un navire, y compris la certification médicale et celle de la formation couverte par la Convention STCW, constitue un élément essentiel du point de vue de la sécurité maritime. C’est pourquoi ce respect devrait être assuré conformément aux conventions internationales en vigueur telles que la convention du travail maritime de 2006, qui est mise en œuvre dans le droit de l’Union européenne par la directive 2009/13/CE du Conseil. Cette directive a également modifié la législation spécifique concernant le temps de travail des gens de mer, à savoir la directive 1999/63/CE dont l’objectif est de protéger la santé et la sécurité des gens de mer en fixant des exigences minimales en matière de temps de travail. Parallèlement, la directive 1999/95/CE vise à améliorer la sécurité en mer, à lutter contre la concurrence déloyale des armateurs de pays tiers et à protéger la santé et la sécurité des gens de mer à bord des navires faisant escale dans les ports de l’Union européenne.

4.7.

Le CESE reconnaît que la quantité de dispositions destinées à clarifier les règles imposera aux États membres et aux compagnies de navigation d’adapter leurs procédures actuelles. Le CESE souhaiterait dès lors soutenir le rôle de l’AESM ainsi que le recours à l’actuel groupe d’experts sur la sécurité des navires à passagers auprès du groupe de sécurité maritime (groupe d’experts permanent sur la sécurité maritime créé par la direction générale de la mobilité et des transports), afin de faciliter les processus de transposition et de mise en œuvre, en liaison avec les groupes d’experts correspondants en charge des inspections menées dans le cadre du contrôle par l’État du port et de la mise en œuvre du guichet unique national. Le CESE se réjouit de la possibilité récemment offerte aux organisations de parties prenantes de participer au groupe d’experts sur la sécurité des navires à passagers. En effet, ces plateformes de discussion, à l’instar du Forum européen sur le transport maritime durable (ESSF), peuvent s’avérer très utiles en réunissant la Commission, les acteurs du secteur et des organisations non gouvernementales, ainsi que les autorités compétentes des États membres.

4.8.

En ce qui concerne les inspections régulières prévues à l’article 5, il peut arriver qu’un navire effectuant des services réguliers soumis à des inspections au titre de la nouvelle directive proposée fasse dans le même temps l’objet d’inspections au titre du contrôle par l’État du port effectuées conformément à la directive 2009/16/CE telle que modifiée par la présente directive à l’article 14 relatif à l’inspection des transbordeurs rouliers et des engins à passagers à grande vitesse dans le cadre d’un service régulier. Cette proposition de nouvelle directive devrait prévenir, par souci de rationalisation, le risque de double emploi s’agissant des inspections menées au titre des deux directives susmentionnées.

4.8.1.

Même si les paramètres de risque dans l’actuel système de contrôle par l’État du port peuvent avoir pour effet que le navire n’est pas susceptible d’être soumis à une inspection renforcée dans le cadre de ce système au moment où une inspection au titre de la nouvelle directive est prévue, une coordination appropriée entre les États membres sera néanmoins indispensable pour satisfaire aux délais à prévoir entre les deux inspections, tels que requis à l’article 5, paragraphe 1, point b).

4.8.2.

En vertu de l’article 10 de la proposition de nouvelle directive, la Commission est invitée à créer une base de données des inspections. Il convient de préciser si cette base de données des inspections sera tenue à jour parallèlement au système Thetis régi par le mémorandum d’entente de Paris et l’AESM, et en particulier de quelle manière les inspections réalisées dans le cadre de cette nouvelle directive auront une incidence sur le profil de risque des navires au regard du mémorandum d’entente de Paris.

4.8.3.

S’agissant de l’article 1er, paragraphe 1, il conviendrait de clarifier la définition de «pays tiers» afin de préciser s’il s’agit de pays non-membres de l’Union européenne ou à la fois d’États membres de l’Union européenne et d’États non-membres de l’Union européenne. Le CESE est d’avis que le pays tiers devrait être défini uniquement comme un État non-membre de l’Union européenne afin d’éviter toute confusion avec les transbordeurs rouliers et engins à passagers à grande vitesse faisant l’objet d’inspections de contrôle par l’État du port au titre de l’article 14 de la nouvelle directive proposée.

4.9.

Le CESE estime que le rôle principal de l’Union européenne est de veiller à ce que toutes les modifications apportées aux instruments internationaux visés à l’article 2 de la présente proposition de directive permettent de maintenir un niveau adéquat de sécurité maritime et de protection du milieu marin à l’échelle mondiale. Par conséquent, le CESE juge que les dispositions relatives à la possibilité à l’avenir de s’écarter de la législation internationale visée aux articles 12 et 13 de la proposition de directive ne devraient être utilisées qu’en dernier recours, et devraient prévoir, le cas échéant, une action au niveau de l’Union européenne pour s’assurer que tout conflit entre la législation maritime européenne et les instruments internationaux débouche en dernière instance sur une solution compatible au niveau international.

5.   Observations particulières

5.1.

S’agissant de la définition de «service régulier» visée à l’article 2, paragraphe 5, point a), et à l’article 14 de la proposition de directive, le CESE propose d’y apporter la précision suivante: «selon des horaires de départ et d’arrivée accessibles au public ou planifiés».

5.2.

En ce qui concerne les «inspections préalables à la mise en exploitation» prévues à l’article 3, paragraphe 2, et les «exceptions à l’obligation d’inspections préalables à la mise en exploitation» visées à l’article 4, paragraphe 1, certaines exigences sont redondantes et sources de confusion. Le CESE propose de fusionner ces deux paragraphes dans un nouvel article 4, paragraphe 1, afin d’énoncer de manière cohérente les conditions pour qu’un navire soit dispensé d’inspections pour autant que les précédentes inspections ou visites soient jugées satisfaisantes par l’État membre. Ce nouveau paragraphe devrait également se référer aux inspections préalables à la mise en exploitation prévues pour les transbordeurs rouliers et les engins à passagers à grande vitesse en vertu de la directive 2009/16/CE telle que modifiée par l’article 14 de la nouvelle directive proposée.

5.3.

Bien que la nouvelle directive proposée établisse une procédure en cas de remplacement rapide d’un transbordeur roulier ou engin à passagers à grande vitesse par suite de circonstances imprévues (article 4, paragraphe 3), le CESE propose d’établir une procédure spécifique de remplacement d’un navire pendant une période de temps limitée, lorsque l’article 4, paragraphe 1, n’est pas applicable, en cas de maintenance planifiée du navire opérant sur une ligne régulière.

5.4.

La régularité des deux inspections annuelles, définie à l’article 5, paragraphe 1, point b), devrait également être précisée à l’article 14 bis, paragraphe 2, afin d’assurer dans le temps un niveau de sécurité commun entre la présente directive et la directive 2009/16/CE. En outre, la régularité des deux inspections annuelles qui doivent être effectuées sur une période de douze mois n’est pas spécifiée pour les navires exploités en service saisonnier et devrait être explicitée.

5.5.

La référence, faite à l’article 5, paragraphe 1, point b), au «nombre suffisant des points énumérés aux annexes I et II» qui doivent être envisagés par l’inspection au cours d’un service régulier est source de confusion. Le CESE suggère que l’inspecteur se serve de son jugement professionnel pour déterminer les points qui doivent être vérifiés et l’étendue de cette vérification, afin de contrôler l’état général du navire relatif à ces aspects et éviter la répétition du contrôle de points qui ont déjà fait l’objet d’une vérification au titre d’autres règles internationales. Il est proposé d’apporter la même modification à l’article 14 bis, paragraphe 2, point b). En outre, l’article 5, paragraphe 1, point b), et l’annexe III pourraient, par souci de clarté, indiquer qu’il s’agit d’une inspection en service qui aura lieu au cours d’une traversée régulière. En particulier, les inspections en service sur les liaisons maritimes à très courte distance devraient être envisagées en tenant compte à la fois des aspects pratiques et du temps limité qui est disponible durant la traversée.

5.6.

Alors qu’elle est de toute évidence inspirée par l’article 19 relatif à la suppression des anomalies et l’immobilisation du navire de la directive 2009/16/CE, la proposition de nouvelle directive devrait préciser que «lorsqu’une inspection est effectuée au titre de la présente directive, tous les efforts possibles sont déployés afin d’éviter qu’un navire ne soit indûment immobilisé ou retardé».

5.7.

Dans la mesure où les transbordeurs rouliers et les engins à passagers à grande vitesse sont définis séparément à l’article 2 de la nouvelle directive proposée, le CESE suggère, par souci de clarté, de se référer exclusivement et en toutes circonstances aux «transbordeurs rouliers et engins à passagers à grande vitesse». Le considérant 6 de la proposition devrait être modifié en conséquence.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/182


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1920/2006 en ce qui concerne l’échange d’informations, le système d’alerte rapide et la procédure d’évaluation des risques pour les nouvelles substances psychoactives»

[COM(2016) 547 final — 2016/0261 (COD)]

(2017/C 034/31)

Consultation

Conseil, 7 septembre 2016

Base juridique

Article 148, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

COM(2016) 547 final — 2016/0261 (COD)

Compétence

Section spécialisée «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en session plénière

19 octobre 2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

228/2/5

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et que par ailleurs il avait déjà fait l’objet de son avis sur «Les nouvelles substances psychoactives» (EESC-2013-06166-00-00-AC-TRA), adopté le 21 janvier 2014 (1), le Comité, lors de sa 520e session plénière des 19 et 20 octobre 2016 (séance du 19 octobre 2016), a décidé de rendre un avis favorable au texte proposé et de se référer à la position qu’il avait soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les nouvelles substances psychoactives», [COM(2013) 619 final — 2013/0305 (COD), COM(2013) 618 final — 2013/0304 (COD)] (JO C 177 du 11.6.2014, p. 52).