ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 303

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Édition de langue française

Communications et informations

59e année
19 août 2016


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

517e session plénière du CESE des 25 et 26 mai 2016

2016/C 303/01

Avis du Comité économique et social européen sur Le charbon indigène dans la transition énergétique de l’UE (avis d'initiative)

1

2016/C 303/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Les effets des conclusions de la COP 21 en matière de politique européenne des transports (avis d’initiative)

10

2016/C 303/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Un travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales (avis d’initiative)

17

2016/C 303/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème L’innovation comme moteur de nouveaux modèles économiques (avis exploratoire)

28

2016/C 303/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème L’économie du partage et l’autorégulation (avis exploratoire)

36

2016/C 303/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème REFIT (avis exploratoire)

45

2016/C 303/07

Avis du Comité économique et social européen sur L’évolution de la nature des relations de travail et l’impact sur le maintien d’un salaire décent, ainsi que l’impact de l’évolution technologique sur le système de sécurité sociale et le droit du travail (avis exploratoire)

54

2016/C 303/08

Avis du Comité économique et social européen sur Des systèmes alimentaires plus durables (avis exploratoire)

64

2016/C 303/09

Avis du Comité économique et social européen sur Un Forum de la société civile européenne en faveur du développement durable (avis exploratoire)

73


 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

517e session plénière du CESE des 25 et 26 mai 2016

2016/C 303/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen — Programme de travail annuel de l’Union en matière de normalisation européenne pour 2016 [COM(2015) 686 final]

81

2016/C 303/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules [COM(2016) 31 final — 2016/0014 (COD)]

86

2016/C 303/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne certaines dates, la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers [COM(2016) 56 final — 2016/0033 (COD)] et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne certaines dates, le règlement (UE) no 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) no 596/2014 sur les abus de marché et le règlement (UE) no 909/2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres [COM(2016) 57 final — 2016/0034 (COD)]

91

2016/C 303/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission – Investir dans la croissance et l’emploi – Optimiser la contribution des Fonds structurels et d’investissement européens [COM(2015) 639 final]

94

2016/C 303/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services [COM(2015) 615 final — 2015/0278 (COD)]

103

2016/C 303/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 768/2005 du Conseil instituant une Agence communautaire de contrôle des pêches [COM(2015) 669 final — 2015/0308 (COD)], la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et une gestion efficace des frontières extérieures de l’Europe [COM(2015) 673 final] et la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant le règlement (CE) no 2007/2004, le règlement (CE) no 863/2007 et la décision 2005/267/CE du Conseil [COM(2015) 671 final — 2015/0310 (COD)]

109

2016/C 303/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion durable des flottes de pêche externes, abrogeant le règlement (CE) no 1006/2008 du Conseil [COM(2015) 636 final — 2015/0289 (COD)]

116

2016/C 303/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au mercure et abrogeant le règlement (CE) no 1102/2008 [COM(2016) 39 final — 2016/023 (COD)]

122

2016/C 303/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil sur l’utilisation de la bande de fréquences 470-790 MHz dans l’Union [COM(2016) 43 final — 2016/0027 (COD)]

127

2016/C 303/19

Avis du Comité économique et social européen sur L’avenir des relations entre l’UE et les pays ACP

131

2016/C 303/20

Avis du Comité économique et social européen sur la communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions Réexamen de la politique européenne de voisinage [JOIN(2015) 50 final]

138

2016/C 303/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 258/2014 établissant un programme de l’Union visant à soutenir des activités spécifiques dans le domaine de l’information financière et du contrôle des comptes pour la période 2014-2020 [COM(2016) 202 final — 2016/0110 (COD)]

147

2016/C 303/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant le taux d’ajustement prévu par le règlement (UE) no 1306/2013 pour les paiements directs en ce qui concerne l’année civile 2016 [COM(2016) 159 final — 2016/0086 COD]

148


FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

517e session plénière du CESE des 25 et 26 mai 2016

19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/1


Avis du Comité économique et social européen sur «Le charbon indigène dans la transition énergétique de l’UE»

(avis d'initiative)

(2016/C 303/01)

Rapporteur général:

M. Dumitru FORNEA

Corapporteure générale:

Mme Renata EISENVORTOVÁ

Le 19 février 2015, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur la:

«Contribution des ressources indigènes de houille et de lignite à la sécurité énergétique de l’UE»

(avis d'initiative).

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 novembre 2015.

Lors de sa réunion du 24 mai 2016, le bureau a décidé de modifier le titre de l'avis comme suit:

«Le charbon indigène dans la transition énergétique de l’UE».

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 139 voix pour, 17 voix contre et 54 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Dans sa transition énergétique vers l’économie à faibles émissions, le système énergétique de l’UE affronte une période de mutation profonde, technologique, économique et sociale, qui affectera bon nombre de secteurs énergétiques, dont l’industrie charbonnière et, partant, les régions de l’UE où l’on extrait du charbon.

1.2

Dans certains États membres, les ressources indigènes de houille et de lignite continuent à jouer un rôle important pour la production d’électricité et le chauffage. Elles contribuent à assurer un approvisionnement énergétique sûr et abordable, ainsi que la compétitivité de l’économie, et jouent un rôle stabilisateur dans le système énergétique, sur le plan technique comme économique.

1.3

Toutefois, les régions d’extraction charbonnière doivent se préparer à la disparition par étapes de la production de houille, que ce soit pour respecter les décisions que l’UE a prises en matière de politique énergétique et climatique, s’agissant de l’utilisation des combustibles fossiles ou pour des raisons économiques.

1.4

Il convient d’intégrer dans une planification couvrant deux générations, c’est-à-dire une période de 25 à 50 ans, la question de l’avenir des régions qui sont actuellement tributaires du recours au charbon et des conditions de vie qui y prévaudront. On ne peut accepter que l’abandon progressif de l’utilisation du charbon à des fins énergétiques dans ces régions aboutissent à les plonger dans le marasme. Eu égard à leur potentiel économique et social, elles doivent être associées à la mise en œuvre de la politique énergétique et climatique de l’UE. Pour assurer leur développement durable, il s’imposera d’y garantir des concertations politiques, citoyennes et sociales, propres à assurer que des plans existent pour qu’elles opèrent leur transition, au niveau du pays, des branches d’activité et des entreprises.

1.5

Pour préserver la sécurité énergétique, la compétitivité de l’industrie, la protection de l’environnement, le respect des obligations concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la cohésion sociale dans les régions d’extraction charbonnière, le CESE recommande d’établir un «plan de soutien aux collectivités tributaires de la production charbonnière» (ci-après le «plan») qui aurait pour objectif de traiter les problématiques de la restructuration de l’industrie charbonnière durant la transition énergétique, de manière que ces zones minières puissent s’adapter au changement.

1.6

Le plan pourrait être développé par un groupe consultatif, en coopération avec la Commission européenne et le Parlement européen. Les membres qui le composeraient devraient être des représentants des régions d’extraction charbonnière, des syndicats, des organisations non gouvernementales, des milieux de la recherche et développement et de l’industrie du charbon.

1.7

Il conviendrait que le plan soit fondé sur trois piliers, à savoir: i) les dialogues politiques, citoyens et sociaux; ii) les investissements économiques, sociaux et environnementaux; et iii) ceux consentis dans l’éducation, la formation, la recherche et le développement, l’innovation et la culture.

1.8

Le plan devrait inciter les régions au changement, y stimuler le développement novateur, préserver leur capacité à attirer l’investissement et ouvrir des perspectives pour l’emploi et une existence décente. Dans ce processus de transition, il y a lieu de tirer tout le parti possible du savoir-faire des régions minières et de leurs potentialités.

1.9

Les pouvoirs publics régionaux, les gouvernements des États membres et les institutions de l’Union européenne doivent tous s’engager pour assurer la transition énergétique et la restructuration des régions d’extraction charbonnière qui en est le corollaire.

1.10

Le Comité économique et social européen et le Comité des régions disposent l’un et l’autre de l’expérience requise pour être associés à cette démarche, au niveau tant européen que national. Ils sont également en mesure de fournir un cadre efficace pour le dialogue politique, social et citoyen qui est nécessaire afin de consulter la population de ces régions d’extraction charbonnière.

1.11

En ce qui concerne la transition énergétique, les régions charbonnières de l’UE se préoccupent notamment de pouvoir disposer d’un cadre institutionnel et politique adéquat, susceptible de stimuler les investissements publics et privés qu’il sera nécessaire de consentir ces prochaines années.

2.   La transition énergétique de l’UE

2.1

Durant la dernière décennie, le système énergétique de l’UE a connu des bouleversements majeurs. L’UE a emprunté la voie grâce à laquelle elle se muera en une économie à faibles émissions de carbone et réalisera les objectifs qu’elle s’est assignés en matière d’émission de gaz à effet de serre, d’efficacité énergétique et de sources d’énergie renouvelables, pour atteindre les chiffres-cibles «20-20-20». En 2014, l’UE a adopté son cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, qui prévoit de faire baisser de 40 % ses émissions de gaz à effet de gaz, de porter à 27 % la part des sources renouvelables dans la consommation d’énergie et de réaliser 27 % d’économies d’énergie. Ces objectifs à moyen terme visent à aider l’UE à atteindre le but qu’elle s’est assigné pour les échéances longues, à savoir réduire ses rejets de gaz à effet de serre de 80 à 95 % d’ici 2050.

2.2

Le système énergétique de l’UE s’éloigne ainsi de l’ère de la prépondérance des combustibles fossiles et de la production électrique assurée par des grosses unités centralisées pour passer à une électricité tirée de sources d’énergie renouvelables et produite dans des installations décentralisées, tout en exploitant au maximum les possibilités ouvertes par l’augmentation de l’efficacité énergétique et une gestion améliorée de la demande d’énergie.

2.3

La transition énergétique et l’ambitieuse politique climatique de l’UE ont trouvé un relais important dans le projet de l’union énergétique et ont été mis vivement en avant après la conclusion de l’accord de Paris, lequel a clairement indiqué qu’il y a lieu de contenir sous la barre des 2 oC l’augmentation de la température moyenne de la planète d’ici la fin du siècle.

2.4

Pour stabiliser le climat, il sera nécessaire d’opérer des modifications de grande ampleur dans les systèmes énergétiques de tous les secteurs de l’économie (1).

2.5

La transition énergétique comporte des dimensions couvrant la technologie, la recherche, la société, la culture, l’économie et l’environnement et une implication qui en découle clairement est qu’un rôle plus actif doit être joué par les individus comme par les communautés. Ce processus nécessite de prêter une attention particulière à la recherche et au développement, dans la mesure où il pose de nouveaux défis au système énergétique et aux différents secteurs de l’industrie, qui devront réagir et s’adapter à cette nouvelle situation.

3.   Le charbon et son industrie en Europe

3.1

L’industrie charbonnière constitue l’un des secteurs qui sont profondément affectés par la transition énergétique. Durant des centaines d’années, c’est sur le charbon qu’a reposé l’essor de l’industrie et de la société en Europe et dans le monde. L’Union européenne elle-même est née sous l’effet d’une volonté politique de mettre en commun les ressources de production charbonnière et sidérurgique de ses six premiers États membres, qui en ont été les fondateurs (2).

3.2

Les préoccupations concernant la protection de l’environnement, le changement climatique et la santé humaine  (3) ont engendré une série de démarches politiques et sociétales qui remettent en question l’opportunité de continuer à utiliser le charbon et d’autres combustibles fossiles pour produire de l’électricité et de la chaleur.

3.3

Du fait de cette nouvelle approche politique, les jours du charbon semblent comptés, même si à l’heure actuelle, l’UE produit encore plus du quart de son électricité dans 280 centrales utilisant ce combustible, dans 22 pays. Seuls six États membres ont une production électrique totalement indépendante de la houille [Chypre, Estonie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg et Malte (4)].

3.4

Si l’idée d’évincer progressivement le charbon de l’équation énergétique semble généralement bien acceptée dans les États membres qui n’exploitent pas de ressources houillères indigènes, il n’en va pas de même dans les régions d’extraction charbonnière, où le secteur de la houille occupe directement 240 000 travailleurs. Si l’on y ajoute les emplois dans l’industrie de l’équipement minier, ceux des autres maillons de la chaîne d’approvisionnement du secteur et ceux qui s’y rattachent indirectement, c’est près d’un million de postes de travail que fournit ce secteur d’activité, dont bon nombre dans des régions qui n’offrent guère d’autres possibilités d’embauche (5).

3.5

L’extraction d’anthracite est pratiquée dans six États membres: l’Allemagne, l’Espagne, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie et le Royaume-Uni. Dix États membres exploitent du lignite, en tant que combustible concurrentiel pour la production d’énergie: l’Allemagne, la Bulgarie, l’Espagne, la Grèce, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.

3.6

Dans ces pays, le charbon et le lignite indigènes jouent un rôle important pour sécuriser l’approvisionnement et, ainsi, contribuer à assurer la sécurité énergétique de l’UE et réduire sa forte dépendance aux importations. Comme l’explique la stratégie européenne en matière de sécurité énergétique (6), la facture énergétique extérieure de l’UE se monte à plus d’un milliard d’euros par jour. En 2013, son montant total s’est établi à environ 400 milliards d’euros, soit plus d’un cinquième du total des importations de l’Union, laquelle doit importer 90 % de sa consommation pour le pétrole brut, 66 % pour le gaz naturel, 42 % pour les combustibles solides et 40 % pour ceux destinés au nucléaire. Certains États membres qui ont une forte production charbonnière indigène, comme l’Allemagne et la République tchèque, génèrent quelque 50 % de leur électricité dans des centrales alimentées au charbon. En Pologne, ce pourcentage dépasse les 80 %.

3.7

En plus de son utilisation pour la production électrique, le charbon a beaucoup d’autres usages. Il est employé dans la fabrication de ciment et peut être converti en combustibles liquides. Parmi les autres grands utilisateurs de cette matière première, on citera la sidérurgie, le raffinage, l’industrie papetière, chimique et pharmaceutique, ou encore le secteur de la transformation des aliments.

3.8

Le charbon constitue également un élément essentiel pour la fabrication de produits spéciaux, comme le charbon actif qui est utilisé dans les filtres, ou les fibres de carbone qui s’emploient dans l’industrie aérospatiale, l’ingénierie civile, le secteur militaire, etc. Des processus industriels sont disponibles pour fabriquer, à partir du charbon, des carburants synthétiques ou les produits chimiques de base dont a besoin l’industrie chimique, à l’exemple du méthanol, à partir duquel il est possible d’obtenir toute une série de produits pétrochimiques qui le sont actuellement à partir d’autres combustibles fossiles.

3.9

Pour réaliser son objectif d’une union énergétique résiliente et dotée d’une politique qui soit axée sur l’avenir en matière de changement climatique, les industries énergétiques de l’UE devront travailler de manière sérieuse et intense sur l’indispensable transition énergétique. L’industrie charbonnière doit concentrer son attention sur l’utilisation plus efficace et propre du charbon et développer des usages de substitution pour cette matière première. En conséquence, l’UE devrait dégager les ressources nécessaires pour la recherche et le développement dans la chimie du charbon.

4.   Mesures pour une utilisation du charbon qui soit moins préjudiciable et plus efficace

4.1

Même si l’on peut escompter que l’abandon progressif du charbon sera chose faite à un certain moment dans le futur, plusieurs pays et régions d’extraction continueront à l’utiliser pour quelques décennies à venir. En vertu du traité de Lisbonne, les États membres ont le droit d’exploiter leurs ressources énergétiques propres et de définir leur palette de sources d’énergie, étant entendu qu’aucune de ces sources de production ne devrait bénéficier de subvention et que les engagements climatiques doivent être pris en considération. L’industrie charbonnière se doit néanmoins de répondre à la transition énergétique en cours, au mouvement vers une économie à bas carbone ainsi que, plus spécifiquement, à l’objectif de décarbonisation, en recourant à tous les dispositifs et techniques disponibles pour une utilisation moins préjudiciable et plus efficace du charbon. Sur ce point, certains instruments bénéfiques et éprouvés méritent d’être mentionnés, en l’occurrence l’augmentation de l’efficacité, la flexibilité et la cogénération.

4.2

Dès lors que la production d’électricité représente le principal domaine d’utilisation du charbon, une efficacité améliorée constitue un important instrument pour qu’il soit utilisé de manière moins polluante. S’il est employé de manière plus efficace, il sera possible d’en tirer davantage d’électricité par tonne et les émissions de CO2 pourront être réduites de 30 %, voire davantage. On peut trouver en Allemagne de bons exemples de centrales électriques alimentées au charbon qui présentent un excellent rendement, grâce à des équipements fonctionnant avec une technologie qui repose sur des systèmes optimisés. Ces centrales électriques au charbon présentent également une grande flexibilité et elles peuvent rapidement augmenter ou diminuer leur production, pour faire ainsi l’appoint des énergies renouvelables intermittentes.

4.3

La cogénération (production combinée de chaleur et d’électricité ou PCCE) constitue une filière efficace et opérante pour produire de l’énergie électrique et elle offre des avantages significatifs du point de vue tant énergétique qu’environnemental. Alors que les centrales électriques classiques rejettent dans l’environnement de la chaleur résiduelle, celles qui recourent à la cogénération la récupèrent et l’utilisent, tirant ainsi un parti plus efficace de leur carburant. À l’heure actuelle, 11,7 % de l’électricité de l’UE est cogénérée (7).

4.4

À moyen terme, on peut espérer que le captage et stockage du carbone (CSC) pourrait jouer un rôle dans une économie décarbonisée. Avant de lancer une quelconque action en la matière, il sera nécessaire de procéder à des améliorations d’échelle des processus existants, d’optimiser les infrastructures et le stockage et d’établir clairement si des centrales au charbon dotées de dispositifs de captage et de stockage peuvent être compétitives. Il conviendrait de réaliser une analyse d’impact qui soupèse les avantages du procédé par rapport à son coût et qui l’analyse du point de vue de son incidence sur l’environnement.

4.5

S’agissant d’étudier une manière d’utiliser la houille qui soit efficace et moins polluante, on se doit également de faire état, par exemple, de la liquéfaction du charbon. Cette matière première se prête à être convertie en carburants liquides (essence, diesel ou celui utilisé par le transport aérien) ou encore en produits pétrochimiques. Les technologies afférentes ont été développées mais la question des investissements et coûts opérationnels doit être prise en considération.

5.   Les régions européennes d’extraction charbonnière et leur avenir

5.1    La situation dans les régions européennes d’extraction charbonnière

5.1.1

Les régions d’extraction charbonnière constituent des zones de tradition industrielle, qui ont été industrialisées en lien avec l’exploitation des ressources minérales locales. En conséquence, elles sont historiquement liées aux secteurs traditionnels de l’économie, la métallurgie lourde, l’industrie chimique et le secteur énergétique y jouant les premiers rôles. Ces dernières années, ces branches d’activité et les entreprises qui y évoluent ont connu de brusques changements dans leur environnement extérieur (conditions de marché, concurrence, clientèle, technologies) et des mutations internes essentielles (modifications de la propriété, objectifs des détenteurs et intensité capitalistique).

5.1.2

En plus de ces évolutions majeures, certaines industries traditionnelles ont subi une situation de stagnation, opéré un retrait de la région concernée, ou même entamé une extinction progressive. Dans certaines zones, le charbon européen n’a pas pu soutenir la concurrence de celui qui est importé ou d’autres sources d’énergie fossiles, de sorte que l’extraction houillère a enregistré un repli spectaculaire. Pour ne prendre que cet exemple, le Royaume-Uni, voici un siècle, produisait annuellement quelque 300 millions de tonnes et comptait plus d’un million de mineurs. La désindustrialisation a beau avoir provoqué des pertes d’emplois, les entreprises d’extraction charbonnière, dans un certain nombre de régions, comptent encore parmi les plus gros employeurs. La réduction progressive des activités de ces sociétés charbonnières ou leur abandon pur et simple ont dès lors de lourdes répercussions pour les aires concernées. Cette situation exerce une forte incidence sur les petites et moyennes entreprises liées aux sociétés minières.

5.1.3

Dans de nombreux pays, les régions d’extraction charbonnière se caractérisent par un taux de chômage et de chômage de longue durée qui est plus élevé que la moyenne nationale. Il sera dès lors difficile pour les mineurs licenciés de trouver de nouvelles possibilités d’emploi. Ainsi, la pauvreté, la stagnation, la détérioration du niveau de vie et le nombre de régions et de populations socialement exclues sont autant de phénomènes en augmentation.

5.1.4

Le principal problème causé par la hausse des taux de chômage est le déséquilibre de l’offre et de la demande sur le marché du travail. En d’autres termes, alors que le taux de chômage est élevé, la demande de main-d’œuvre est très nette mais elle porte sur des compétences qui répondent aux exigences du marché du travail. Le profil éducatif des anciens mineurs, lesquels possèdent surtout des compétences manuelles, n’est pas totalement compatible avec les besoins du marché du travail du point de vue des perspectives professionnelles (qualifications) et personnelles (motivation). Lorsqu’une mine ferme et qu’un grand nombre de mineurs se retrouvent ainsi licenciés, ce sont de très nombreux emplois qui disparaissent pratiquement du jour au lendemain et cette spécificité peut conduire à des chocs sévères au niveau local.

5.1.5

Les travailleurs du secteur minier affichent également un esprit d’entreprise beaucoup moins développé et sont peu enclins à se lancer dans de nouvelles activités. Leur manque d’enthousiasme pour la libre entreprise indépendante est dû à l’influence persistante exercée sur ce secteur par les grandes et puissantes sociétés houillères qui favorisaient une culture de salariat parmi leur personnel, dont l’une des composantes est la réticence à prendre des risques. Toutefois, cette tendance peut également être observée de manière plus générale. Même les étudiants ont tendance, après l’obtention de leur diplôme, à préférer être employés.

5.1.6

La situation est souvent exacerbée par le manque d’emplois prometteurs et de perspectives de carrière, des conditions moins favorables pour la création d’entreprises indépendantes, des indices de qualité de vie médiocres et des performances inférieures à la moyenne en matière d’innovation, se traduisant par un rôle plus faible pour la science, la recherche et le développement. Les capacités publiques en matière de recherche et développement ne sont pas suffisamment développées partout et le transfert de connaissances et d’applications vers le monde de l’entreprise ne fonctionne pas très bien. C’est également pour ces raisons que la transformation économique est plus exigeante et plus difficile, et qu’elle n’est pas toujours couronnée de succès.

5.2    Les problèmes de restructuration dans les régions minières

5.2.1

Dans les États membres de l’UE producteurs de charbon, la restructuration a souvent été menée en réaction à des crises, sans s’accompagner d’engagements politiques adéquats, si bien que la qualité de vie des populations des bassins miniers s’en est trouvée affectée de manière brutale. Toute réduction de la production houillère ne peut que provoquer une aggravation du chômage, surtout dans le cas des régions d’extraction qui sont engagées dans un déclin à long terme, de nature structurelle. Nombre d’anciens mineurs et de travailleurs issus d’entreprises liées à l’extraction minière sont confrontés à un chômage de longue durée, voire définitif, qui ne fait qu’accentuer leur paupérisation.

5.2.2

Malheureusement, à quelques exceptions près, les autorités européennes et nationales compétentes ont jusqu’à présent opté pour la «politique de l’autruche» face aux effets prévisibles des politiques climatiques sur le secteur houiller, en évitant d’engager l’indispensable dialogue civique et social avec les travailleurs et les citoyens des communautés minières. Le souvenir des restructurations précédentes, réalisées sur la base de promesses politiques populistes qui, en fin de compte, ne se sont pas traduites par des mesures concrètes pour le redéploiement économique de ces communautés, se reflète encore aujourd’hui dans un niveau accru de méfiance de la part des travailleurs quant à la capacité des autorités à s’attaquer efficacement aux processus de restructuration industrielle.

5.2.3

Dans le même temps, l’on observe, au niveau européen et national, un faible niveau d’empathie et un véritable manque de compréhension des problèmes que connaissent les régions minières. Il existe une tendance à politiser à l’excès le débat sur l’avenir de l’industrie minière dans le cadre des politiques en matière de climat, surtout dans les bassins houillers où l’extraction du charbon ne requiert pas d’aides d’État mais également dans les régions où l’industrie charbonnière est déjà engagée dans un douloureux processus de restructuration, les responsables politiques évitant d’aborder le sujet parce que les mesures de transition vers un nouveau profil régional ne rapportent aucun capital électoral immédiat, sont impopulaires et nécessitent plusieurs décennies avant de produire des résultats.

5.2.4

Étant donné qu’il existe un lien évident entre l’abandon progressif du charbon et la politique en matière de changement climatique, la politique européenne concernant la mise en œuvre des objectifs climatiques doit comporter un volet d’aide aux régions subissant des changements structurels, c’est-à-dire les régions minières.

5.2.5

Il existe souvent des situations où les autorités locales ne disposent pas des capacités financières et administratives nécessaires pour souscrire et gérer des projets conformément aux exigences spécifiques de la Commission européenne et des autorités nationales: telle est la raison pour laquelle les fonds européens ne produisent que des résultats assez limités pour ce qui est des perspectives offertes aux populations des bassins miniers et de leur qualité de vie.

5.3    Conditions, possibilités et mesures concernant la restructuration des régions minières

5.3.1

Il est possible d’assurer une «transition équitable» (8) pour les communautés minières, à la condition que les pouvoirs publics nationaux et européens sachent élaborer en temps utile un plan de mesures ciblé afin de préserver des salaires décents et la sécurité de l’emploi pour les travailleurs concernés, de faciliter la formation, le développement des compétences et un redéploiement offrant des propositions d’emplois décents, de respecter les droits de l’homme et de garantir les mesures de protection sociale, y compris des pensions de retraite, de soutenir les personnes concernées tout au long de la transition et, enfin, de garantir des investissements dans la revitalisation des communautés, notamment par des fermetures de puits doublées d’activités de réhabilitation des sites miniers, ou par des travaux de construction et des services liés à la transition énergétique.

5.3.2

Par conséquent, ces régions auront besoin d’urgence d’une aide scientifique et financière, non pas seulement pour évoluer vers un nouveau modèle économique et social, mais aussi afin de gérer, dans un délai raisonnable, les multiples risques pour la santé humaine et l’environnement qui sont liés aux activités minières présentes et passées. Dans les États membres, les organismes chargés des études géologiques et les autorités responsables de la fermeture et de la réhabilitation des mines doivent coopérer à cet égard afin de collecter et stocker les données minéralogiques et minières et dresser la carte des principaux risques liés aux activités extractives passées, aux fermetures de mines ou à leur préservation.

5.3.3

Il convient d’intégrer dans une planification couvrant deux générations, c’est-à-dire une période de 25 à 50 ans, la question de l’avenir des régions qui sont actuellement tributaires du recours au charbon et des conditions de vie qui y prévaudront. On ne peut accepter que l’abandon progressif de l’utilisation du charbon à des fins énergétiques dans ces régions aboutisse à les plonger dans la stagnation. Eu égard à leur potentiel économique et social, elles doivent être associées à la mise en œuvre de la politique énergétique et climatique de l’UE. Pour assurer leur développement durable, il s’imposera d’y garantir des concertations politiques, citoyennes et sociales, propres à assurer que des plans existent afin qu’elles effectuent leur transition, au niveau du pays, des branches d’activité et des entreprises.

5.3.4

Il y a également lieu d’enrayer le déclin de la capacité de ces régions à attirer de nouveaux investisseurs tant locaux qu’étrangers; indépendamment de l’inadéquation des compétences de la main-d’œuvre, elle pâtit du manque de sites adéquats et bien aménagés pour l’implantation d’entreprises et de grandes zones industrielles stratégiques.

5.3.5

Par conséquent, la situation n’est pas facile pour les anciens mineurs des bassins houillers. Les représentants éclairés des régions charbonnières devraient faire appel à leurs gouvernements nationaux respectifs, afin de préparer ensemble leur restructuration et leur développement longtemps avant tout projet de réduction ou de suppression progressive de l’activité minière.

5.3.6

Les pouvoirs publics régionaux, les gouvernements des États membres et les institutions de l’Union européenne doivent tous s’engager pour assurer la transition énergétique, ainsi que la restructuration des régions d’extraction charbonnière qui en est le corollaire.

5.3.7

Néanmoins, les régions charbonnières possèdent un potentiel considérable tant pour se restructurer que pour se développer. Il conviendrait de développer un ensemble de mesures de développement, consistant notamment à promouvoir la recherche et le développement dans un cadre novateur, en couvrant tout à la fois les secteurs traditionnels qui ont survécu dans les régions minières et les nouvelles activités en expansion.

5.3.8

Les infrastructures énergétiques existantes et les ressources humaines qualifiées des régions charbonnières doivent être pleinement exploitées; parmi les mesures à financer à cet égard figure la promotion de l’investissement public et privé. Les entreprises existantes et les autres acteurs du marché se doivent d’investir massivement dans de nouvelles unités de production, y compris des installations de production d’énergie renouvelable.

5.3.9

Des études de faisabilité pourraient montrer que certaines régions d’extraction charbonnière ont non seulement un grand potentiel pour la production d’énergie solaire, éolienne ou géothermique mais qu’elles réunissent plus facilement d’autres conditions requises pour l’investissement et le déploiement de technologies vertes, qu’il s’agisse de l’accès à des terrains pour l’implantation de nouveaux sites de production ou de la présence d’une main-d’œuvre qualifiée ou disposée à se reconvertir, de pouvoirs publics locaux familiarisés avec les défis du domaine énergétique et de communautés locales habituées aux projets industriels.

5.3.10

Les sociétés minières actuelles possèdent ou détiennent en concession de grandes étendues de terrain et des centaines de kilomètres de galeries souterraines qui pourraient être utilisées dans la transition énergétique. En outre, la plupart des mines disposent d’interconnexions fiables avec les réseaux régionaux et nationaux de transport d’énergie.

5.3.11

Dans le but de stimuler de nouveaux investissements de la part du secteur privé, dont le rôle sera capital, les fonds structurels et d’innovation européens (fonds ESI) ont spécifiquement alloué une enveloppe, d’un montant minimal de 27 milliards d’euros, pour les besoins des investissements dans une économie à faible émission de carbone, y compris l’efficacité énergétique. Dans les régions de l’UE moins développées, en transition et plus développées, un pourcentage déterminé de la contribution du Fonds européen de développement régional (FEDER), respectivement 12, 15 et 20 %, doit être investi pour soutenir le passage à une économie à faibles émissions de carbone dans tous les secteurs. Si une intervention du Fonds de cohésion est prévue pour de tels investissements, cette proportion est portée à 15 % pour les régions moins développées (9).

5.3.12

Les fonds européens peuvent aider en partie les bassins miniers dans leurs efforts vers la diversification économique et la transition énergétique, mais une grande partie des investissements pour le développement économique doit être fournie par les fonds publics des États membres concernés ou par les nouveaux investissements privés qui auront pu être attirés dans ces régions.

5.3.13

Les éléments précités doivent être pris en compte lors de l’élaboration des mesures visant à aider les régions d’extraction charbonnière à s’engager dans cet indispensable processus de transition énergétique et de diversification économique; en outre, il convient que les partenaires sociaux, la société civile et l’ensemble des citoyens de ces zones soient associés à la recherche de nouvelles pistes de développement pour leurs communautés.

5.3.14

Un «plan d’appui à la transition pour les communautés et régions dépendantes de la production de charbon» devrait encourager les régions à procéder à une transition, y stimuler un développement novateur, préserver leur capacité à attirer l’investissement et créer des perspectives d’emploi et de vie décente.

5.3.15

Le plan pourrait être développé par un groupe de conseil, en coopération avec la Commission européenne et le Parlement européen. Les membres qui le composeraient devraient être des représentants des régions d’extraction charbonnière, des syndicats, des organisations non gouvernementales, des milieux de la recherche et développement et de l’industrie du charbon.

5.3.16

Le plan de soutien aux communautés et régions dépendantes de la production de houille devrait reposer sur trois piliers:

la conduite d’un dialogue politique, civil et social,

des investissements dans le domaine économique, social et environnemental,

ainsi que dans l’éducation, la formation, la recherche et le développement, l’innovation et la culture.

5.4    Évolution prévisible des régions minières

5.4.1

L’avenir des régions charbonnières européennes se développera selon deux directions. Dans certaines d’entre elles, l’on peut escompter que l’élimination graduelle de la production houillère s’effectuera à un rythme rapide, voire précipité, tandis que dans d’autres, l’extraction pourrait se poursuivre encore pendant plusieurs décennies.

5.4.2

Dans le premier cas, l’abandon progressif pourrait être la conséquence de la situation sur le plan de l’économie et du marché, qui est compliquée, notamment dans l’industrie houillère européenne, laquelle est confrontée à la concurrence d’importations de charbon à très bas prix. Cette conjoncture mène la vie dure aux charbonnages, y compris ceux qui étaient rentables jusqu’à récemment. Dans certaines régions, les pouvoirs publics ou les entreprises concernées pourraient décider de fermer des mines conformément au traité de Lisbonne et au droit des États membres de décider de la composition de leur bouquet énergétique.

5.4.3

Pour ces régions, il serait bénéfique de mettre rapidement en place un programme social, en se fondant sur les bonnes pratiques des différents pays producteurs de charbon de l’UE qui ont une expérience s’agissant d’abandonner progressivement la production houillère ou qui se préparent à en sortir par étapes. Dans ce contexte, l’expérience de l’Allemagne pourrait se révéler utile, ce pays prévoyant de cesser toute extraction de houille en 2018. Il existe de nombreuses autres anciennes régions charbonnières, par exemple au Royaume-Uni, en France, aux Pays-Bas et en Belgique, dont chacune a accumulé un précieux savoir en la matière.

5.4.4

Dans les régions où la production de houille devrait se poursuivre à plus long terme, il est important de se concentrer avant tout sur une utilisation efficace et moins préjudiciable du charbon ainsi produit. Là où il est utilisé pour produire de l’électricité, la réduction des émissions demeurera une priorité. L’UE dispose d’outils pour ce faire: la révision du système européen d’échanges de quotas d’émissions, qui suppose de parvenir à un taux de zéro émission de carbone d’ici 2058, la directive relative aux émissions industrielles et le nouveau document de référence sur les meilleures techniques disponibles (MTD) concernant les grandes installations de combustion, qui est presque achevé.

5.4.5

Dans la stratégie relative aux bassins charbonniers qui possèdent un avenir à plus long terme, la recherche et le développement joueront un rôle très important: de nouveaux progrès dans le rendement des centrales électriques au charbon aboutiront à diminuer encore leurs émissions et leur consommation de combustible. Une flexibilité accrue de ces centrales peut aider à soutenir les sources d’énergie renouvelables de nature intermittente. Indépendamment des technologies charbonnières propres et de l’utilisation, ou du stockage du CO2, de nouveaux usages du charbon devront être pris en considération.

5.4.6

Toutefois, même les régions où l’extraction du charbon possède des perspectives à plus long terme doivent se donner pour priorité de se préparer à la fin de l’exploitation minière et à la restructuration des bassins houillers.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  En 2015, les pays du G7 se sont accordés à considérer que dans le courant du siècle actuel, il sera nécessaire de réaliser une décarbonisation totale de l’économie mondiale et, par conséquent, d’effectuer une «transformation des secteurs énergétiques d’ici 2050».

(2)  Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier a été signé en 1951 à Paris et a rassemblé la France, l’Allemagne, l’Italie et les pays du Benelux au sein d’une Communauté qui avait pour objectif d’organiser la libre circulation du charbon et de l’acier et d’assurer la liberté d’accès aux sources de production. Ce traité est à l’origine des institutions telles que nous les connaissons aujourd’hui.

(3)  http://www.env-health.org/resources/press-releases/article/eur8-5-billion-in-health-costs.

(4)  Rapport Greenpeace «End of an Era: Why every European country needs a coal phase-out plan» («La fin d’une époque: pourquoi chaque pays européen a besoin d’un plan de sortie progressive du charbon»).

(5)  Eurocoal (Association européenne du charbon et du lignite) (2013) Coal industry across Europe («L’industrie charbonnière en Europe»), Bruxelles, p. 20.

(6)  COM(2014) 330 final, 28 mai 2014.

(7)  Statistiques Eurostat 2013, publiées en 2015.

(8)  ETUC Transfrontaliers Briefing, octobre 2015, Climate justice: Paris and Beyond («Justice climatique: Paris et au-delà»).

(9)  La sécurité énergétique européenne, COM(2014) 330 final, 28 mai 2014, chapitre 3, page 7.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/10


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Les effets des conclusions de la COP 21 en matière de politique européenne des transports»

(avis d’initiative)

(2016/C 303/02)

Rapporteur:

Raymond HENCKS

Le 21 janvier 2016, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

Les effets des conclusions de la COP 21 en matière de politique européenne des transports

(avis d’initiative)

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 26 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 188 voix pour, 2 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se félicite de l’adoption de l’accord de Paris par la 21e session de la Conférence des parties (COP 21) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ainsi que de la contribution prévue déterminée au niveau national (CPDN) de l’Union européenne (UE) et de ses États membres, prenant l’engagement d’une réduction des émissions domestiques des gaz à effet de serre (EGES) d’au moins 40 % vers 2030 et de 80 à 95 % à l’horizon 2050 par rapport au niveau d’émissions de 1990.

1.2

Il approuve également le fait que cet objectif devra être atteint collectivement et par une responsabilité partagée entre l’UE et les États membres, et que de nouvelles CPDN seront communiquées tous les 5 ans.

1.3

En ce qui concerne les transports, l’objectif d’une réduction de 60 % des EGES par rapport au niveau d’émissions de 1990 reste très ambitieux et nécessite de gros efforts. Même si la décision concernant la répartition des efforts pour la période en vigueur jusqu’à 2020 (décision 406/2009/CE), de même que la future décision pour la période 2020-2030, laissera la main entièrement libre aux États membres dans le choix des secteurs économiques qui devront réduire leurs EGES, la Commission suggère néanmoins, si des efforts supplémentaires étaient nécessaires, d’utiliser des quotas internationaux et d’éviter des engagements supplémentaires pour les secteurs qui ne relèvent pas du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE) [COM(2015) 81], et estime, en ce qui concerne les transports, que «l’on peut obtenir des réductions plus fortes dans d’autres secteurs de l’économie» [COM(2011) 144]. L’objectif d’une réduction de 60 % des EGES concernant les transports peut donc toujours être considéré comme d’actualité et conforme à l’objectif général de l’UE dans le cadre de la COP 21, à condition que les actions et initiatives afférentes soient mises en œuvre d’urgence, avec la détermination requise et dans les meilleurs délais.

1.4

Néanmoins, cela ne dispensera pas l’Union et les États membres de réévaluer les différentes actions et initiatives engagées ou prévues dans le livre blanc sur les transports [COM(2011) 144 final] et dans la feuille de route sur un cadre stratégique pour une union de l’énergie stable [COM(2015) 80 final], par rapport à leur efficacité, leur faisabilité et, plus particulièrement, par rapport à l’objectif de décarbonisation du transport, et de les réformer et/ou d’en ajouter de nouvelles dans le cadre de la révision du livre blanc «Transport» annoncée pour 2016, sans pour autant nuire à la compétitivité de l’UE. Certaines d’entre elles seront de nature législative, mais la plupart devront se fonder sur des contributions volontaires nationales en vue d’un changement de comportement ou d’habitude, indispensables au succès.

1.5

Le CESE attire également l’attention sur l’importance de l’action prévue par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) afin d’établir un système d’échange de quotas d’émission (SEQE) mondial pour l’aviation et par l’Organisation maritime internationale (OMI) afin de surveiller les émissions du transport maritime et appelle à viser des résultats ambitieux dans le cadre des négociations en cours avec ces organisations.

1.6

Il souligne qu’il convient d’appliquer le principe du pollueur-payeur avec flexibilité, en particulier dans le cas des zones reculées rurales, montagneuses et insulaires, afin d’éviter des effets inversement proportionnels aux coûts et afin de préserver son utilité comme moyen d’infléchir les choix concernant l’organisation des opérations de transport tout en supprimant toute concurrence déloyale entre les divers modes de transport. Le CESE préconise d’envisager d’instaurer une organisation globale du transport rural dans les régions, et ce pour se conformer à l’accord conclu dans le cadre de la COP 21 et répondre aux besoins des populations vulnérables.

1.7

De toute façon, l’application du principe du pollueur-payeur ne suffira pas pour assurer la transition vers une société à faible utilisation de carbone. Des mesures supplémentaires, telles que l’accroissement de l’efficacité énergétique, de l’électromobilité, du covoiturage et de la comodalité, le développement des sources d’énergie alternatives et l’élaboration de normes de qualité environnementale et, avant tout, la promotion des transports publics, sont d’autant plus importantes.

1.8

En ce qui concerne les bioénergies, il convient de déployer des efforts continus pour atteindre des taux plus élevés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et éviter les changements dans l’affectation des sols. En conséquence, il faudra continuer à promouvoir davantage l’exploitation énergétique des résidus, des sous-produits et des déchets pour la production de carburants. Il existe encore un certain potentiel pour les biocarburants dans le fret routier, l’aviation et le transport maritime. Ils ne constituent toutefois pas une option qui serait suffisante en soi et ne dispensent pas de développer et de promouvoir des solutions visant à remplacer le moteur à combustion par la mobilité électrique et/ou les technologies de l’hydrogène ou d’autres sources d’énergie alternatives et durables.

Finalement, il ne s’agira pas de freiner la mobilité en tant que telle mais de réduire les déplacements motorisés individuels dès lors qu’une alternative valable existe et de favoriser les transports collectifs dans l’intérêt général de l’environnement, afin d’éviter que les villes n’étouffent à cause de la circulation.

1.9

Le désinvestissement dans les activités polluantes ne devra pas être l’affaire des seuls gouvernements et ne pourra se faire sans la sensibilisation et la mobilisation de l’ensemble de la chaîne de transport (constructeurs, transporteurs, utilisateurs) au moyen de mesures législatives ou incitatives, voire dissuasives. Le renforcement des capacités, l’assistance technique et la facilitation de l’accès au financement aux niveaux local et national sont essentiels à la transition vers un système de transport à faible carbone. Tout en intégrant tous les modes de transport, les programmes d’investissement de l’Union européenne accorderont alors la priorité aux projets les plus efficaces d’un point de vue climatique, en utilisant pour ce faire des critères d’évaluation cohérents avec les conclusions de la COP 21.

1.10

La forte mobilisation dont ont fait preuve des organisations de la société civile et des acteurs économiques et sociaux dans le cadre de la COP 21 devra être poursuivie pour amplifier un mouvement civique pour la justice climatique et le désinvestissement dans les activités polluantes.

1.11

Par conséquent, le CESE recommande le recours au dialogue participatif avec la société civile, tel que défini dans son avis exploratoire du 11 juillet 2012 intitulé «Livre blanc des transports: l’acquisition du soutien de la société civile» (CESE 1598/2012).

2.   Décisions clés de la COP 21 — L’accord de Paris

2.1

La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (à laquelle se réfèrent les accords de la COP 21 de 2015) se limitait à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre [le principal gaz à effet de serre dans le secteur des transports est le dioxyde de carbone (CO2), qui est émis lors de la phase de production pour l’électricité et lors des phases de production et de fonctionnement pour les carburants] dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. L’accord de Paris du 12 décembre 2015, en revanche, engage, pour la première fois, l’ensemble des 195 parties signataires de la convention-cadre précitée à accélérer la réduction des EGES, en vue de l’objectif ultime à long terme consistant à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 oC (à l’horizon 2100) par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre l’action menée pour la limiter à 1,5 oC, par opposition à l’actuelle trajectoire de 3 oC de réchauffement climatique à la fin du XXIe siècle.

2.2

Après ratification dudit accord, il incombera aux parties signataires d’engager et de communiquer les contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN) selon des programmes portant chaque fois sur 5 ans, en vue de la réalisation de l’objectif ultime.

2.3

L’entrée en vigueur de l’accord de Paris est prévue à partir de 2020, à condition qu’il ait été ratifié par au moins 55 États représentant au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre planétaires, sans préjudice de la possibilité, fortement recommandée, de l’appliquer avant qu’il ne soit entré en vigueur.

2.4

L’UE et ses États membres sont convenus, le 6 mars 2015, en conformité avec les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014, d’un objectif contraignant d’une réduction des EGES d’au moins 40 % vers 2030 et de 80 à 95 % à l’horizon 2050.

2.5

D’après les conclusions précitées, l’objectif devra être atteint collectivement par l’UE et les États membres, notamment par des réductions de 43 % à opérer d’ici à 2030 dans les secteurs relevant du SEQE et de 30 % dans les secteurs qui n’en relèvent pas (le tout par rapport à 2005), et par une participation conciliant équité et solidarité.

3.   La situation actuelle du secteur des transports de l’UE

3.1

Dans son livre blanc sur les transports de 2011 [COM(2011) 144 final], la Commission européenne avait déjà lancé un pressant appel concernant la nécessité de réduire sensiblement les EGES, afin que le changement climatique reste inférieur à 2 oC, tout en signalant qu’il est impératif de parvenir à une réduction des EGES dans les transports d’au moins 60 % par rapport au niveau d’émissions de 1990 et en notant par ailleurs qu’«on peut obtenir des réductions plus fortes dans d’autres secteurs de l’économie».

3.2

Le transport est responsable d’environ un quart des EGES de l’UE: 12,7 % des émissions globales «transport» sont générées par l’aviation, 13,5 % par le transport maritime, 0,7 % par le rail, 1,8 % par la navigation fluviale et 71,3 % par le transport routier (2008). L’impact environnemental d’un mode de transport ne dépend toutefois pas uniquement des émissions directes mais est également tributaire des émissions indirectes, qui sont surtout dues à la production de l’énergie nécessitée pour les déplacements.

3.3

Au niveau mondial, les transports représentent le secteur d’activité qui enregistre la plus forte croissance des émissions de CO2. Au sein de l’UE, le secteur du transport est, en volume, le deuxième émetteur de gaz à effet de serre. En outre, les émissions provenant de l’aviation et du transport maritime enregistrent la croissance la plus rapide, alors que ces secteurs n’ont pas été pris en considération dans l’accord de Paris.

3.4

Le livre blanc sur les transports de 2011 constate que le système de transport de l’UE n’est pas encore durable et, pour y remédier, prévoit:

de rompre la dépendance des transports à l’égard du pétrole sans sacrifier leur efficacité ni compromettre la mobilité;

d’utiliser l’énergie de manière plus limitée et d’améliorer les performances énergétiques des véhicules pour tous les modes de transport.

3.5

Dans le livre blanc sur les transports ainsi que dans la feuille de route sur un cadre stratégique pour une union de l’énergie stable, la Commission propose plusieurs mesures afin de développer un secteur des transports décarbonisé.

3.6

Les mesures suggérées comprennent des normes d’émissions de CO2 plus strictes pour les voitures et les camionnettes après 2020, des mesures pour améliorer l’efficacité des carburants et réduire les émissions des véhicules lourds, et une gestion améliorée du trafic. Il y a lieu d’encourager des systèmes de péage routier basés sur le principe du pollueur-payeur/usager-payeur, de même qu’un déploiement de carburants alternatifs, y compris l’électromobilité, en tenant particulièrement compte du besoin de déployer des infrastructures adéquates.

4.   Suites à réserver à l’accord de Paris

4.1

Après ratification dudit accord (jusqu’au 21 avril 2017), il incombera aux parties signataires d’engager et de communiquer des contributions déterminées au niveau national selon des programmes portant chaque fois sur 5 ans, en vue de la réalisation de l’objectif ultime.

4.2

L’Union européenne, peut, conformément à l’article 4, paragraphe 16, de l’accord de Paris, agir conjointement avec ses États membres, dans le cadre d’une responsabilité partagée, et devra notifier au secrétariat de l’accord de Paris le niveau d’émissions attribué à chaque État membre.

4.3

Selon l’article 4, paragraphe 9, de l’accord de Paris et de la décision 1/CP.21, les contributions établies selon un calendrier jusqu’à 2030 sont à communiquer ou à actualiser d’ici à 2020, un exercice à refaire tous les 5 ans dans le cadre d’une stratégie de développement à faible EGES à l’horizon 2050. Les contributions successives devront représenter une progression par rapport à la contribution antérieure (article 4, paragraphe 3).

4.4

Si l’Union européenne s’est d’ores et déjà fixé des objectifs et contributions à l’horizon 2030 et 2050, il reste que les niveaux des émissions globales (tous secteurs économiques confondus) estimés par la COP 21 sur la base des contributions nationales en 2030 (55 gigatonnes) sont insuffisants par rapport à l’objectif de maintenir la hausse de température en dessous de 2 oC, de sorte que des efforts supplémentaires sont indispensables pour diminuer les émissions à 40 gigatonnes.

4.5

Même si la décision concernant la répartition des efforts pour la période en vigueur jusqu’à 2020 (décision no 406/2009/CE) et la future décision pour la période 2020-2030 laisseront la main entièrement libre aux États membres dans le choix des secteurs économiques qui devront réduire leurs EGES, la Commission suggère dans sa communication intitulée «Protocole de Paris — Programme de lutte contre le changement climatique planétaire après 2020» [COM(2015) 81 final], si des efforts supplémentaires étaient nécessaires, d’utiliser des quotas internationaux et d’éviter des engagements supplémentaires pour les secteurs qui ne relèvent pas du SEQE. Le CESE a soutenu cette position de l’UE (avis NAT 665/2015). En outre, la Commission a retenu dans le livre blanc sur les transports qu’«on peut obtenir des réductions plus fortes dans d’autres secteurs de l’économie».

4.6

À la lumière de ce qui précède, et compte tenu du fait que la réduction de l’ordre de 60 % des EGES dans les transports avait déjà été décidée dans l’optique du maintien du changement climatique en dessous de 2 oC, bien avant la Conférence de Paris, le CESE estime que cet objectif d’une réduction de 60 % reste d’actualité et conforme aux décisions de la COP 21.

4.7

Il reste à noter que l’engagement de l’UE d’agir, au sein de l’OACI afin de soutenir le développement d’un SEQE planétaire pour l’aviation et au sein de l’OMI concernant l’obligation du transport maritime de rendre compte des EGES, ne fait pas partie de la CPDN. L’UE devrait inciter à obtenir des résultats ambitieux dans le cadre des négociations en cours avec l’OACI et l’OMI.

5.   La stratégie: ce qui doit être fait concrètement

5.1

Le CESE constate donc une grande cohérence entre la CPDN de l’UE et les objectifs définis dans diverses communications de la Commission relatives aux mesures de politique climatique en ce qui concerne les transports. Il reste toutefois urgent et impératif que les 40 actions et 131 initiatives du livre blanc sur les transports soient mises en œuvre avec la détermination requise et dans les meilleurs délais.

5.2

Néanmoins, il convient de réévaluer les mesures du livre blanc sur les transports traitant de la réduction des EGES à la lumière de la CPDN de l’UE et des objectifs définis dans le paquet sur l’union de l’énergie lors de la révision dudit livre blanc en 2016, annoncée par la Commission (1).

5.3

Il s’agira d’évaluer les différentes initiatives engagées au titre du livre blanc sur les transports et du paquet sur l’union de l’énergie, par rapport à leur efficacité, à leur faisabilité et, plus particulièrement, par rapport à l’objectif de décarbonisation du transport, ainsi que de les réformer et/ou d’en ajouter de nouvelles. Certaines d’entre elles seront de nature législative, mais la plupart devront se fonder sur des contributions volontaires nationales en vue d’un changement de comportement ou d’habitude, indispensable au succès.

5.4

La transition vers un transport à faible carbone pose les défis suivants:

réaliser une articulation juste entre les impératifs économiques et sociaux,

tenir compte de l’intérêt général et des impératifs environnementaux,

ne pas freiner la mobilité en tant que telle, réduire substantiellement la circulation et les transports individuels par des mesures d’aménagement du territoire et de politique économique dans les centres urbains et périurbains, et promouvoir les transports collectifs,

influencer les comportements, y compris les habitudes de déplacement, tout comme une logistique efficace de transport de marchandises, également en milieu urbain, et favorisant des solutions coopératives en vue de l’utilisation optimale des ressources,

promouvoir la comodalité.

En matière de transport, des activités adéquates destinées à diminuer les émissions aux niveaux national et infranational permettraient d’engager les villes dans une voie qui; pour 2050, les réduirait de 50 % par rapport à un scénario de statu quo. Les démarches isolées qui existent déjà devraient être intégrées dans des politiques de planification stratégique de la mobilité qui permettent une meilleure coordination entre les politiques urbaines et celles du transport. Le renforcement des capacités, l’assistance technique et la facilitation de l’accès au financement aux niveaux local et national sont des éléments essentiels pour réaliser ces objectifs.

5.5

Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, les Fonds structurels et de cohésion, le Fonds européen pour les investissements stratégiques, ainsi que tout autre programme de l’UE soutenant les investissements dans les transports, dans le cadre du financement de projets, accorderont la priorité aux projets les plus efficaces d’un point de vue climatique, tout en intégrant, dans le même temps, les différents modes, afin de réaliser un réseau européen de transport. Les critères d’évaluation des demandes de financement incluront des références explicites aux principes correspondant aux conclusions de la COP 21.

5.6

La répartition des efforts entre les États membres et entre les secteurs SEQE et hors SEQE, y compris les transports, sera un élément clé pour la mise en œuvre de la CPDN de l’UE et devra également être en conformité avec les objectifs stratégiques de celle-ci. Cette répartition doit prendre en considération les conclusions du Conseil européen d’octobre 2014, afin d’arriver à un résultat équilibré, compte tenu de l’efficacité par rapport aux coûts et à la compétitivité. Ces paramètres devraient prévaloir lors de la décision concernant les efforts pour la période 2020-2030 qui sera prise en 2016 [COM(2015) 80, annexe 1], tout en tenant compte du maintien de la compétitivité de l’UE.

5.7

La révision précitée du livre blanc devra, en outre, prévoir des moyens spécifiques pour animer un large débat avec la société civile, étant entendu qu’une acceptation sociale de mesures, parfois peu populaires, est indispensable, alors que toutes les actions resteront inefficaces si tous ceux à qui elles s’adressent ne s’identifient pas avec la démarche. La forte mobilisation dont ont fait preuve des organisations de la société civile et des acteurs économiques et sociaux dans le cadre de la COP 21 devra dès lors être poursuivie pour amplifier un mouvement civique pour la justice climatique et le désinvestissement dans les activités polluantes.

5.8

Il y a lieu de promouvoir et d’étendre les initiatives telles que l’initiative mondiale pour les économies de carburant (GFEI), réunissant des pays qui s’engagent à élaborer des politiques et des réglementations sur l’efficacité énergétique des véhicules, ou la déclaration de Paris sur l’électromobilité et les changements climatiques et l’appel à l’action connexe, s’appuyant sur les engagements de centaines de partenaires à déployer des efforts décisifs en faveur de l’électrification durable des transports, l’initiative MobiliseYourCity, qui vise à aider des villes et des pays en développement ou émergents à concevoir et mettre en œuvre des plans de mobilité urbaine durable et des politiques de transports urbains à l’échelle nationale, ou encore le plan d’action mondial pour un fret respectueux de l’environnement.

5.9

Comme l’a déjà signalé le CESE (2), la gouvernance participative requiert une bonne structure organisationnelle et procédurale pour être efficace et atteindre les objectifs poursuivis. L’engagement des parties prenantes en faveur d’un développement durable à long terme est plus efficace s’il est organisé comme un processus continu et propice à une démarche d’ensemble plutôt que sous la forme d’un engagement isolé ou ponctuel.

5.10

Le CESE a décidé la création d’un forum de la société civile européenne en faveur du développement durable, qui devrait fournir un cadre structuré et indépendant pour la participation de la société civile à la mise en œuvre, au suivi et au réexamen des questions horizontales relevant du programme de développement durable à l’horizon 2030 et en particulier de son objectif 13 (Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions). Pour les questions relatives au secteur du transport, il conviendra d’utiliser le dialogue participatif géré par le CESE et prévu pour la mise en œuvre du livre blanc de 2011 sur la politique des transports.

5.11

Le CESE travaille par ailleurs sur un avis (NAT/684) sur le thème «Construire une coalition entre la société civile et les collectivités infranationales pour concrétiser les engagements de l’accord de Paris». Au lieu d’ajouter encore une plate-forme d’engagements à celles qui existent déjà, l’accord de Paris devrait mettre en place un cadre général grâce auquel les actions des entités non étatiques et celles des gouvernements harmoniseront sur le long terme. La société civile joue un rôle absolument essentiel dans la mise en œuvre des engagements.

5.12

Le désinvestissement dans les activités polluantes ne devra pas être l’affaire des seuls gouvernements et ne pourra se faire sans la sensibilisation et la mobilisation de l’ensemble de la chaîne de transport (constructeurs, transporteurs, utilisateurs) au moyen de mesures législatives ou incitatives, voire dissuasives.

5.13

La stratégie d’engagements volontaires retenue par la COP 21 se limite pour chaque pays à indiquer des engagements non contraignants, alors que l’introduction d’une norme d’émissions contraignante serait certainement la solution la plus efficace pour obtenir le résultat escompté par l’accord de Paris. Néanmoins, la répartition au sein de l’UE des efforts pour la période 2020-2030 dont il est question au paragraphe 5.5 ci-dessus renforcera les engagements pris.

6.   Système du pollueur-payeur

6.1

Selon le traité de Lisbonne (voir article 191, paragraphe 2, TFUE), la politique de l’UE en matière d’environnement est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, et sur le principe du pollueur-payeur.

6.2

Il s’agit de faire payer le prix des dommages environnementaux dont sont responsables les pollueurs. Or dans les États membres, le prix du carbone s’inscrit de manière très différente dans les politiques climatiques, avec une prédominance des taxes qui, toutefois, touchent en premier lieu le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes et les emplois.

6.3

Selon le livre blanc sur les transports, les tarifs et les taxes doivent être restructurés afin de mieux tenir compte des principes du pollueur-payeur et de l’utilisateur-payeur.

6.4

L’approche telle que la conçoit la Commission se base sur un système de pollueur-payeur et sur les possibilités qu’offre la tarification routière en tant que moyen de financer la construction et l’entretien des infrastructures. Ce système est appelé à promouvoir des modes de transport durables, grâce à l’internalisation des coûts externes, et à assurer le financement.

6.5

Or, il existe dans l’Union un patchwork de systèmes différents et sans cohérence, constitué de péages électroniques, vignettes, taxes liées aux embouteillages, redevances au kilomètre calculées par satellite (GNSS). En outre, les règles de l’Union de taxation du transport routier pour véhicules lourds (Eurovignette) ne s’appliquent plus que dans 4 États membres, alors que d’autres États membres ne perçoivent même pas du tout de péage routier. Cette situation pose de sérieuses questions pour le développement du marché unique et pour les citoyens, avec des effets négatifs sur la croissance économique et l’accroissement des inégalités sociales dans de nombreux États membres. En plus, le fait de ne pas prélever des taxes d’utilisation du réseau routier peut avoir une incidence (sans parler des coûts des effets négatifs sur l’environnement) sur les conditions de concurrence vis-à-vis du transport par rail, dans la mesure où un service ferroviaire est disponible.

6.6

Toutefois, dans un système européen de taxation routière, il importe de prévoir une certaine flexibilité afin de pouvoir tenir compte de la situation des régions périphériques et des zones reculées rurales, montagneuses et insulaires qui sont à faible densité de population et sans alternatives valables au transport routier, de sorte qu’une internalisation des coûts externes serait sans effet sur les comportements ou sur l’organisation des transports et aurait pour seul effet de nuire à leur compétitivité. Le bien-être économique et social des régions rurales dépend d’un système de transport qui présente un bon rapport coût/efficacité tout en étant respectueux de l’environnement. Différentes formes de taxes sur le carbone ont été introduites par certains gouvernements en tant que moyen de réduire les émissions du secteur des transports mais elles n’ont pas réussi à limiter les émissions dues aux transports et ont grevé de manière significative le budget des familles, en particulier dans les zones rurales, isolées et montagneuses.

6.7

Selon la commissaire des transports, la Commission prévoit de proposer, vers la fin de 2016, un système européen pour les camions et les voitures particulières avec une réglementation uniforme pour la perception de péages dans tous les États membres de l’UE, basé exclusivement sur le nombre de kilomètres parcourus.

6.8

Le CESE se félicite de l’intention de la Commission d’harmoniser au niveau européen un système de taxation routier basé sur le principe du pollueur-payeur, mais estime que le volet «internalisation» de la tarification ne suffira certainement pas pour aboutir à une politique des transports durable, respectueuse des engagements pris dans le cadre de la COP 21, qui demande des mesures supplémentaires telles que l’accroissement de l’efficacité énergétique, de l’électromobilité, du covoiturage et de la comodalité, le développement des sources d’énergie alternatives, l’élaboration de normes de qualité environnementale et, avant tout, la promotion des transports publics.

6.9

Une autre des mesures pourrait être un prix carbone basé sur des critères économiques et sociaux. Un prix trop bas du pétrole, comme c’est le cas aujourd’hui, n’envoie certainement pas un signal à tous les acteurs du transport pour modifier leur comportement et prendre des mesures afin de réduire leur consommation d’énergie. Toutefois, des normes et standards plus stricts concernant le carburant, l’efficacité énergétique, la gestion informatisée de la circulation et le développement de carburants alternatifs peuvent ouvrir des passerelles vers une réduction des émissions, sans pour autant affecter la compétitivité de façon négative.

7.   Innovation, recherche et développement, carburants alternatifs

7.1

Le CESE insiste sur l’absolue nécessité d’une politique industrielle active et d’une recherche et d’un développement (R & D) coordonnés pour favoriser le passage à une économie à faible intensité de carbone. Déconnecter la hausse inévitable du transport de la baisse des émissions polluantes requiert des efforts de R & D soutenus.

7.2

La feuille de route sur les transports laisse entendre qu’il sera nécessaire de poursuivre le développement des biocarburants, en particulier pour ce qui est de l’aviation et des poids lourds, tout en relevant que des problèmes en matière de sécurité alimentaire et d’environnement sont liés au développement des biocarburants, et elle souligne qu’il importe de mettre au point des biocarburants plus durables de deuxième et troisième générations.

7.3

En ce qui concerne les bioénergies, il convient de déployer des efforts continus pour atteindre des taux plus élevés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et éviter les changements dans l’affectation des sols. En conséquence, il faudra continuer à promouvoir davantage l’exploitation énergétique des résidus, des sous-produits et des déchets pour la production de carburants. Il existe encore un certain potentiel pour les biocarburants dans le fret routier, l’aviation et le transport maritime. Ils ne constituent toutefois pas une option qui serait suffisante en soi et ne dispensent pas de développer et de promouvoir des solutions visant à remplacer le moteur à combustion par la mobilité électrique et/ou les technologies de l’hydrogène ou d’autres sources d’énergie alternatives et durables.

7.4

La transition vers la mobilité électrique devra s’accompagner de la transition vers la voiture à usage partagé. Il faudra toutefois rester conscient que, même avec une transition complète vers des moteurs à carburants durables, le risque que les villes étouffent dans le trafic reste d’actualité aussi longtemps que les transports collectifs et des systèmes de distribution efficaces ne deviennent pas la règle générale.

Bruxelles, le 26 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 291 du 4.9.2015, p. 14.

(2)  JO C 299 du 4.10.2012, p. 170.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/17


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Un travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales»

(avis d’initiative)

(2016/C 303/03)

Rapporteure:

Mme Emmanuelle BUTAUD-STUBBS

Le 21 janvier 2016, le Comité économique et social européen (CESE) a décidé, conformément à l’article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

«Un travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales»

(avis d’initiative)

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 avril 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 188 voix pour et 1 voix contre.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

La question du travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales (CAM), dans des domaines tels que le textile d’habillement et les chaussures, l’électronique, les minerais et l’agro-industrie, est une question cruciale pour tous les acteurs publics et privés concernés au niveau national et international par la gestion des chaînes d’approvisionnement.

1.2

Le CESE a adapté ses procédures internes pour être en mesure de rendre un avis avant la 105e session de la Conférence internationale du travail (CIT), qui se tiendra à Genève et portera sur le thème du travail décent dans les CAM.

Le CESE recommande:

1.3

L’adoption, par la Commission européenne, d’une stratégie globale et ambitieuse afin de promouvoir, dans toutes ses politiques internes (accès aux marchés publics de l’UE, étiquetage, etc.) et externes (commerce, développement, politique de voisinage, etc.), le travail décent dans les CAM.

1.4

L’adoption d’un langage commun et de définitions communes, et l’évaluation des données statistiques par les différentes parties prenantes — OCDE, OIT, OMC, Commission européenne, Banque mondiale et FMI (1) — afin d’éviter toute confusion et toute interprétation erronée, et l’élaboration d’une politique cohérente par les organismes publics concernés par ce domaine, dotés de compétences diverses.

1.5

Compte tenu des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, la reconnaissance et la promotion des meilleures pratiques et initiatives disponibles dans la «boîte à outils» existante: principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, guides OCDE sur le devoir de diligence dans divers secteurs (textile et habillement, minerais, agriculture et finances), aides au commerce, mécanismes financiers pour compenser les dommages causés, codes de conduite, labels, normes et outils d’autoévaluation. Le but est de mettre en place une politique progressive, cohérente et durable en matière de gestion responsable des CAM.

1.6

La promotion d’approches pratiques et appropriées, fondées sur les risques, qui tiennent compte de la nature spécifique de la chaîne de valeur mondiale et de la CAM (linéaire ou modulaire, simple ou complexe, courte ou longue).

1.7

Sur la base d’une évaluation des pratiques existantes, la promotion d’un modèle associant plusieurs parties prenantes, impliquant des acteurs publics et privés, des partenaires sociaux, des organisations non gouvernementales (ONG), des experts, etc., afin de constituer le meilleur éventail d’actions, inspiré par les principes directeurs de l’OCDE concernant la détection des risques, leur prévention et leur atténuation, la communication et le rapport sur le plan d’action. Les plans d’action pourraient prévoir à la fois des mesures législatives et non législatives, des bonnes pratiques, des incitations financières, l’accès à la formation ainsi que le renforcement des capacités pour le dialogue social et les syndicats.

1.8

Une réflexion spécifique sur le type d’outils de transparence qui pourraient être mis en place afin d’informer le consommateur final des conditions sociales de production.

1.9

L’étude, lors de la prochaine conférence de l’OIT, des possibilités dont elle dispose pour jouer un rôle actif en vue de garantir un travail décent tout au long des chaînes d’approvisionnement mondiales, et notamment la réflexion sur la mise au point et l’adoption future des instruments pertinents et adaptés qui pourraient, grâce à l’engagement des parties prenantes concernées, contribuer à une véritable amélioration des conditions de travail.

2.   Le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales: définitions, contextes et enjeux

2.1    Définitions

2.1.1

Chaîne de valeur mondiale (CVM): ce concept est apparu au milieu des années 90 pour décrire «la gamme complète des activités nécessaires pour amener un produit au consommateur final, s’agissant de sa conception et de son élaboration, des matières premières et des intrants intermédiaires, de sa commercialisation, de sa distribution et du service à la clientèle» (2).

Les CVM sont censées favoriser «l’amélioration des processus» (le producteur utilise de meilleures technologies afin d’améliorer l’efficacité) et «l’amélioration fonctionnelle» (la capacité d’un producteur à développer des aptitudes en matière de conception, d’image de marque et de commercialisation). Toutefois, un certain nombre d’exemples montrent que ce n’est pas toujours le cas.

La question de la gestion durable et responsable des CVM figure parmi les priorités au niveau international [OCDE, OIT, G7, G20, UE, Organisation des Nations unies (ONU)] étant donné qu’un volume croissant d’échanges commerciaux et d’investissements dans le monde passe par des CVM et que l’externalisation et la coordination transfrontalière de la production mondiale par des entreprises chefs de file ont d’importantes répercussions sociales. Certaines d’entre elles sont positives, par exemple des emplois mieux rémunérés, l’accroissement de l’emploi des femmes, la création d’emplois offrant un accès au monde du travail, le développement des compétences et la diffusion des connaissances et des technologies. D’autres donnent matière à préoccupation, notamment le travail précaire, de mauvaises conditions de travail (notamment dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail), l’absence de droits sociaux (y compris en matière de couverture sociale) et la violation des droits de l’homme et des droits fondamentaux des travailleurs.

Cela a abouti à l’élaboration et à la mise en œuvre de divers instruments aux niveaux national et international, tels que les conventions de l’OIT, les principes directeurs de l’OCDE ou les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (voir également le paragraphe 2.3.3) ainsi que des cadres stratégiques, tels que le programme de développement durable à l’horizon 2030 (3) et le programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement (4) qui l’accompagne, et qui vise à promouvoir le respect des normes du travail et le travail décent, ainsi que la poursuite du développement du commerce, des investissements, du secteur privé et des chaînes d’approvisionnement.

2.1.2

Chaîne d’approvisionnement mondiale (CAM): une CAM se compose d’organisations, de ressources et de processus interdépendants, qui permettent de créer et de fournir des produits et services aux utilisateurs finaux. En tant que telle, elle est un élément de la CVM lié à l’approvisionnement, et non à la conception ou à la distribution des biens ou des services.

Un débat général sur le travail décent dans les CAM aura lieu lors de la session de juin 2016 de la Conférence internationale du travail (CIT) (l’organe décisionnel suprême de l’OIT). Il devrait aider les composantes de l’OIT (c’est-à-dire les gouvernements, les employeurs et les travailleurs) à mieux comprendre comment l’engagement dans les CAM peut aider les économies nationales et locales à croître de manière durable et inclusive, en contribuant à la création d’entreprises et à leur croissance ainsi qu’à la promotion d’emplois de qualité et au respect des normes du travail. Le CESE entend, par le présent avis, contribuer à ce débat.

2.1.3

Travail décent: concept formulé par les composantes de l’OIT dans la déclaration sur la justice sociale pour une mondialisation équitable (5), adoptée par la CIT; il s’applique aux programmes nationaux et locaux mis en place pour atteindre quatre objectifs stratégiques:

promouvoir la création d’emplois, le développement des compétences et des moyens de subsistance durables,

garantir les droits au travail, notamment pour les travailleurs défavorisés et les travailleurs pauvres,

étendre la protection sociale pour les hommes et les femmes afin de leur offrir une compensation appropriée en cas de perte ou de baisse des revenus et l’accès à des soins de santé adéquats,

promouvoir le dialogue social par une participation forte et indépendante des organisations de travailleurs et d’employeurs.

En tant qu’organe de normalisation au niveau mondial, l’OIT a adopté une série de conventions pertinentes pour les chaînes d’approvisionnement mondiales. Il s’agit notamment des normes fondamentales du travail (c’est-à-dire la promotion de la liberté d’association et le droit de négociation collective, la promotion de la non-discrimination sur le lieu de travail et l’interdiction du travail forcé et du travail des enfants) ainsi que de conventions dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail et de l’inspection du travail, entre autres. Les pays qui ratifient ces conventions sont tenus d’aligner sur celles-ci leur législation et leurs pratiques. Par ailleurs, conformément à la déclaration de l’OIT de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail (6), tous les États membres de l’OIT sont tenus de respecter et de concrétiser dans leur législation et leurs pratiques les normes fondamentales du travail, même lorsqu’ils n’ont pas ratifié les conventions en question.

2.2    Structure et poids des CVM et des CAM dans le commerce international

2.2.1

Le poids des CVM dans le commerce mondial a augmenté rapidement et, selon l’OMC, l’OCDE, l’OIT et un rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) de 2013 (7), elles représentent entre 60 et 80 % du commerce international et plus de 20 % des emplois dans le monde (8). Les secteurs couverts par des composantes organisationnelles interdépendantes telles que la conception, la production, la distribution et la consommation, dominés par des multinationales, sont l’agriculture, l’industrie (automobile, aéronautique, électronique, des jouets, du textile et de l’habillement, par exemple) et les services (notamment les centres d’appel et les technologies de l’information).

2.2.2

Les formes et structures de ces CVM varient également: certaines d’entre elles sont relativement courtes (petit nombre d’activités) tandis que d’autres sont longues et impliquent des liens économiques, sociaux et financiers entre des sociétés établies dans un grand nombre de pays situés aux quatre coins du monde (États-Unis, UE et Asie). Selon Gary Gereffi (9), on distingue trois grands types d’organisation des CVM: celles axées sur l’acheteur et, dans la plupart des cas, axées sur les coûts (comme les CVM de l’habillement et du secteur de la chaussure), et les CVM axées sur le producteur, impliquant certaines compétences technologiques du fournisseur dans les pays en développement, y compris en matière de conception et d’innovation (électronique).

2.2.3

La CAM, en tant que composante de la CVM, repose sur la relation entre les acheteurs et les fournisseurs et les sous-traitants éventuels. Cette «chaîne» peut avoir diverses formes: intégrée verticalement ou captive, à gouvernance modulaire (les principaux fournisseurs sont en mesure de fonctionner indépendamment de l’entreprise chef de file) ou chaîne de marché pour les marchés de matières premières.

2.3    Gestion de la CAM dans le cadre de la stratégie de responsabilité sociale des entreprises (RSE): principaux acteurs et boîte à outils

2.3.1

Selon la définition de l’UE, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) est «la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société» (10).

2.3.2

Sur la base d’un certain nombre de problèmes survenus au cours des vingt dernières années, notamment dans des secteurs tels que l’électronique, les articles de sport et l’habillement, l’OCDE en particulier a relevé les points suivants, qui sont jugés déterminants pour une gestion durable de la CVM et de la CAM par l’entreprise multinationale en tant qu’entreprise chef de file:

a)

détection des risques de violations graves des droits de l’homme et des droits du travailleur, de dommages environnementaux et de corruption;

b)

prévention de tels risques grâce à une approche fondée sur une obligation de diligence et la mise en œuvre d’une gestion durable grâce à une évaluation du profil de risque du pays et l’évaluation individuelle du risque du fournisseur (11);

c)

atténuation des risques grâce à des politiques cohérentes, solides et durables de RSE à l’égard de la chaîne d’approvisionnement: choix du fournisseur, exigences et contrat avec les fournisseurs existants, audits sociaux et critères d’optimisation pour évaluer les progrès réalisés;

d)

transmission de rapports aux différentes parties prenantes et communication avec ces dernières, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, par exemple les syndicats, les ONG ou l’administration publique chargée des questions de santé et de sécurité au travail ou de la mise en œuvre des conventions de l’OIT sur l’amélioration de la gestion durable des CAM.

2.3.3

Un large éventail d’acteurs — organes publics et privés, organisations nationales, européennes et internationales — travaillent actuellement sur ces questions, en particulier depuis le drame du Rana Plaza (Bangladesh) qui a causé la mort de plus de 1 100 salariés en 2013:

a)

à l’échelon national, outre des mesures législatives dans les domaines concernés par le travail décent et les droits de l’homme (la loi britannique de 2015 sur l’esclavage moderne contient des dispositions sur la transparence des chaînes d’approvisionnement) (12), les gouvernements et les parlements, avec le soutien des partenaires sociaux, de parties intéressées comme les ONG, et du point de contact national de l’OCDE, élaborent et mettent en œuvre diverses initiatives (par exemple des plans d’action nationaux sur les entreprises et les droits de l’homme ou sur la RSE et, plus récemment, en France ou en Allemagne, en matière de devoir de diligence);

b)

au niveau de l’UE, des mesures ont été prises dans le cadre des différentes politiques intérieures et extérieures, tant dans le contexte de partenariats plus larges avec des pays tiers que par le biais d’initiatives sectorielles. Ainsi, les chapitres sur le commerce et le développement durable récemment négociés et mis en œuvre dans les accords de commerce et d’investissement de l’UE prévoient une obligation, pour les parties, de respecter les normes fondamentales du travail (notamment en progressant sur la voie de la ratification des conventions fondamentales de l’OIT et en visant des niveaux plus élevés de protection du travail dans leur pays), de mettre effectivement en œuvre les conventions de l’OIT ratifiées, de promouvoir le travail décent, les régimes de commerce équitable et les pratiques socialement responsables des entreprises. Ils envisagent aussi la création d’un mécanisme de suivi de la société civile (outre l’organe intergouvernemental), auquel seraient associés les partenaires sociaux, afin de superviser la mise en œuvre de ces dispositions et de conseiller les parties sur les questions relatives notamment aux échanges commerciaux et à la main-d’œuvre. S’agissant des pays en développement, les préférences tarifaires accordées au titre du régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable (SPG+) accordent une suppression tarifaire complète sur plus de 66 % des lignes tarifaires aux pays vulnérables qui prennent l’engagement contraignant de ratifier et de mettre effectivement en œuvre 27 conventions internationales fondamentales, y compris les 8 conventions fondamentales de l’OIT (13). L’UE a également élaboré et mis en œuvre divers documents: une stratégie sur la RSE et la révision de la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations non financières (questions environnementales et sociales, respect des droits de l’homme, lutte contre la corruption, diversité des organes de l’entreprise, etc.); le pacte sur la durabilité au Bangladesh (initiative internationale lancée par l’UE, visant à améliorer le respect des droits des travailleurs, la santé et la sécurité au travail et les normes de sécurité des bâtiments dans le secteur de la confection du pays) (14); une nouvelle stratégie de l’UE en matière de commerce et d’investissement, prévoyant notamment une gestion responsable des CAM (15); l’actuelle présidence (néerlandaise) du Conseil met en outre l’accent sur la gestion responsable des CAM;

c)

au niveau international, des discussions et des travaux sont menés au sein de l’OCDE [par exemple préparation du guide sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables dans l’industrie de l’habillement et de la chaussure (16), principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales (17), lancement du guide pour des filières agricoles responsables (18)], des Nations unies [par exemple, le pacte mondial et les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (19)] et de l’OIT (révision de la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale et préparation du débat à la CIT de juin 2016 consacrée au travail décent dans les CAM).

Plusieurs initiatives privées ont été mises en place, soit à titre permanent, soit à titre temporaire, par exemple pour améliorer la santé et la sécurité dans les usines textiles du Bangladesh après la catastrophe du Rana Plaza (accord sur la sécurité des bâtiments et la protection contre les incendies au Bangladesh) (20).

2.3.4

L’ensemble de ces acteurs publics et privés sont engagés dans le développement et la mise en œuvre de divers outils et instruments visant à améliorer les conditions de travail et les droits des travailleurs:

réglementation, législation, conventions;

codes de conduite;

dialogue social, y compris dans le contexte transfrontalier (21);

certifications en matière de RSE et de responsabilité sociale;

régimes de financement pour l’indemnisation des victimes;

autres initiatives multipartites;

programmes d’aide et de développement, y compris le renforcement des capacités (santé et sécurité au travail, dialogue social, mise en œuvre des conventions de l’OIT, etc.).

3.   Évaluation de certaines bonnes pratiques dans deux secteurs économiques différents

3.1    La CAM dans le secteur de l’habillement et de la chaussure

3.1.1

La CAM dans le secteur de l’habillement et de la chaussure implique différents acteurs et processus de production. La valeur des exportations de vêtements, textiles et chaussures de la région Asie-Pacifique s’élève à 601 milliards de dollars, ce qui représente 60 % des échanges mondiaux, la Chine se taillant la part du lion. Des pays tels que le Bangladesh ou le Cambodge se spécialisent de plus en plus dans la production et l’exportation de vêtements et de chaussures, leur part du total des exportations de marchandises en 2014 s’élevant respectivement à 89,2 et 77,4 % (22). Cette situation est due principalement à la forte augmentation des salaires dans le secteur chinois de l’habillement et du textile, qui a incité les acheteurs internationaux à rechercher de nouveaux fournisseurs en Asie.

Selon l’OIT (23), en 2014, le salaire moyen était inférieur à 200 dollars par mois dans la plupart des pays. Un salaire minimal pour les travailleurs non qualifiés du secteur textile s’applique en Chine (jusqu’à 297 dollars), aux Philippines, en Malaisie et en Indonésie (247 dollars), en Thaïlande et au Viêt Nam (145 dollars), en Inde (136 dollars), au Cambodge (128 dollars), au Pakistan (119 dollars), au Bangladesh (71 dollars) et au Sri Lanka (66 dollars).

Les principaux risques sont l’absence d’un salaire minimal vital, le travail forcé ou le travail des enfants, de mauvaises relations industrielles en raison d’une faible protection de la liberté d’association et de négociations collectives limitées, de mauvaises conditions de santé et de sécurité au travail, une inspection du travail insuffisante, des régimes d’accident du travail peu développés, la pollution de l’eau, l’exposition à des substances chimiques et l’exploitation de la main-d’œuvre féminine.

3.1.2

Le 24 avril 2013, l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh, occupé par des ateliers de confection, provoque la mort de 1 136 personnes, essentiellement des femmes. L’ampleur de l’accident, résultant du très mauvais état du bâtiment et de l’absence d’issues de secours, a amené des autorités gouvernementales (UE et États membres, États-Unis, Canada, Norvège), des organisations internationales (OIT, OCDE et Banque mondiale) et des acteurs internationaux et locaux à se mobiliser de façon exceptionnelle autour d’un ensemble ambitieux d’actions visant à encourager des mesures nationales à court terme (indemnisation des familles des victimes, inspection des usines textiles et mesures correctives, nouvelles méthodes de contrôle, révision du droit du travail), des mesures nationales à moyen terme (par exemple développement de syndicats indépendants et renforcement de l’inspection du travail) et des mesures systématiques afin de promouvoir une gestion responsable des chaînes d’approvisionnement mondiales.

Exemple: Évaluation des progrès accomplis dans le secteur du prêt-à-porter au Bangladesh depuis l’effondrement du Rana Plaza (janvier 2016)

Accord sur la sécurité des bâtiments et la protection contre les incendies au Bangladesh: signé par 220 acheteurs du secteur de la confection.

Alliance pour la sécurité des travailleurs au Bangladesh: établie en mai 2013 par 26 marques, pour l’essentiel nord-américaines.

341 nouveaux syndicats ont été créés dans le secteur du prêt-à-porter au Bangladesh jusqu’à janvier 2016 (132 en 2014).

Jusqu’à janvier 2016, des inspections ont été menées en matière de sécurité structurelle et électrique et de protection contre les incendies dans 3 734 usines de prêt-à-porter pour l’exportation.

235 nouveaux inspecteurs ont été engagés  (24).

Le programme «Better Work» pour le Bangladesh: 38 usines fournissant des vêtements à 17 marques et détaillants.

Indemnisation des victimes: 24,1 millions de dollars pour 3 490 demandes reçues.

3.1.3

L’OCDE prépare actuellement un guide sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables dans le secteur de l’habillement et de la chaussure.

3.1.4

L’OIT, en collaboration avec les donateurs internationaux, les gouvernements, les travailleurs et les employeurs, met en œuvre des projets dans le secteur de l’habillement (par exemple en Asie) visant à accroître l’accès à l’information sur les salaires, les conditions de travail et les relations industrielles, afin d’améliorer la qualité du dialogue social sur les normes du travail, de renforcer la capacité des partenaires sociaux et les mécanismes de négociation collective, ainsi que de garantir le respect de normes du travail au niveau des entreprises (25).

3.1.5

La Commission européenne travaille sur une initiative phare pour une chaîne textile durable, laquelle porterait notamment sur une programmation conjointe, un financement coordonné, une mise en œuvre conjointe de programmes, la sensibilisation des consommateurs, etc.

3.1.6

Les partenaires sociaux européens du secteur du textile et de l’habillement ont développé une initiative conjointe, soutenue par la Commission européenne, pour un outil d’évaluation du risque en matière de RSE pertinent pour les CAM. Ils le finalisent actuellement en vue de préparer sa diffusion parmi les PME et les autres parties prenantes.

3.1.7

La présidence néerlandaise du Conseil de l’UE souhaite explorer les moyens de renforcer les synergies entre les politiques commerciales et de développement de l’UE dans le but de contribuer à la pérennité des CVM.

3.1.8

Le ministre fédéral allemand de l’économie, de la coopération et du développement, M. Gerd Müller, a mis en place une alliance spécifique pour des «textiles durables» associant les principaux partenaires. Lors de la dernière réunion du G7, il a dressé une synthèse très concrète de la situation: «Assumer ses responsabilités coûte un euro: un seul euro par robe, par veste ou par pantalon, pour garantir une rémunération décente du travail pénible au Bangladesh, au Cambodge ou en Afrique, et offrir des perspectives d’avenir aux enfants et aux couturières» (26).

3.1.9

Une multitude d’initiatives privées ont permis d’acquérir de l’expérience et d’échanger les bonnes pratiques. Parmi elles, ICS (initiative «clause sociale»), qui réunit 22 des plus gros détaillants tels que Monoprix, Carrefour ou Casino, représentant un chiffre d’affaires combiné de 243 milliards d’euros et partageant une méthodologie similaire pour leurs audits sociaux; et BSCI (Business Social Compliance Initiative), lancée en 2003 par l’Association du commerce extérieur (FTA), organisation implantée à Bruxelles qui regroupe plus de 1 700 détaillants et importateurs de 36 pays entretenant des relations d’affaires avec 30 000 usines.

3.2    Les CVM et les CAM dans le secteur de l’électronique

3.2.1

D’après l’étude sur les CVM de Sturgeon et Kawakami (27), «les intrants intermédiaires dans l’industrie de l’habillement semblent être beaucoup moins importants pour ce qui est de la valeur des biens intermédiaires que les intrants dans les industries de l’électronique et des véhicules de transport de personnes» .

3.2.2

La CVM de l’électronique est l’une des plus importantes dans le secteur des marchandises: elle représente plus de 17 % du total des biens intermédiaires manufacturés en 2006, contre 2,7 % pour les produits chimiques et plastiques et 1,9 % pour les pièces d’aéronefs. Les deux pays en tête des exportations de produits électroniques intermédiaires sont la Chine/Hong Kong et les États-Unis.

3.2.3

Les trois types de firmes assurant la «modularité de la chaîne de valeur» sont les suivants:

les entreprises chefs de file (principalement dans les pays industrialisés),

les sous-traitants chargés de l’achat des composants, de l’assemblage des circuits imprimés, de l’assemblage final et des essais, principalement en Chine, à Taïwan et au Viêt Nam,

les leaders de plateforme, c’est-à-dire «les entreprises qui ont réussi à implanter leur technologie (sous une forme logicielle ou matérielle, ou une combinaison des deux) dans les produits d’autres entreprises».

La modularité de cette chaîne de valeur spécifique réside dans la codification et la normalisation de processus opérationnels clés comme la conception assistée par ordinateur, la planification de la production et le contrôle des inventaires et de la logistique.

3.2.4

Les produits électroniques grand public ont des cycles de vie courts, de 3 à 18 mois, et ils cessent d’être pris en charge peu de temps après l’arrêt de leur production. En conséquence, les fournisseurs de ces produits sont confrontés à des délais de commercialisation de plus en plus courts. Par exemple, lorsque l’iPhone d’Apple a été lancé en 2007, le délai de commercialisation était de 6 mois; en 2012, il était réduit à moins de 2 semaines (28). Pour les fabricants et les travailleurs, il s’agit là d’un défi et il y a lieu de développer et de mettre en œuvre des solutions pour remédier à cette situation.

Alors que, dans certaines entreprises, des accords sont conclus pour que les ouvriers prestent des heures supplémentaires ou travaillent par équipes pendant les pics d’activité, moyennant des compensations pendant le reste de l’année, d’autres entreprises accroissent de façon substantielle le recours à des contrats temporaires et emploient des intérimaires ou des migrants (par exemple au Mexique, en 2009, les travailleurs intérimaires représentaient 60 % de la main-d’œuvre dans l’industrie électronique, ce taux augmentant jusqu’à 90 % pendant les pics) (29). Cela est souvent synonyme de réduction des droits des travailleurs, sous la forme notamment de salaires inférieurs, d’absence de couverture sociale ou d’interdiction d’adhérer à un syndicat. Des solutions peuvent être recherchées non seulement dans la législation nationale, mais aussi sous la forme d’accords au niveau des entreprises ou d’une meilleure coordination et d’un meilleur échange d’informations entre acheteurs et fournisseurs, permettant ainsi une meilleure planification de la production et le recours à des travailleurs à durée indéterminée plutôt qu’à durée déterminée.

3.2.5

La question du respect des droits de l’homme et du travail n’est pas sans similitude avec celle des minerais originaires de zones de conflit ou à haut risque, telles que la région des Grands Lacs africains (30). À la suite de l’adoption de la loi Dodd-Frank aux États-Unis, la Commission européenne a présenté en 2014 une proposition de règlement instaurant un mécanisme d’autocertification pour les importateurs d’étain, de tantale, de tungstène et d’or sur le marché de l’UE afin que les revenus issus de l’extraction et du commerce de ces minerais ne soutiennent pas les conflits armés locaux. La diligence déployée en parallèle à d’autres mesures devrait contribuer à la transparence tout au long de la chaîne d’approvisionnement, et influer de manière positive sur la création d’emplois et les conditions de travail dans les mines, notamment sous l’angle de la santé et de la sécurité au travail, du niveau des revenus ou de l’officialisation d’activités souterraines. Cette manière de procéder permettrait également de poursuivre l’approvisionnement en Afrique plutôt que de se tourner vers d’autres régions du globe non touchées par le conflit (31).

3.2.6

L’OCDE a élaboré un guide sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque (32).

3.3    CVM et CAM dans d’autres secteurs

3.3.1

Le CESE entend également souligner que les CVM et les CAM dans d’autres secteurs, tels que les services et l’agro-industrie, pourraient être confrontées à des problèmes s’agissant des conditions de travail, notamment en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail.

3.3.2

Le soutien de l’OIT au travail décent dans l’économie rurale (33) est axé sur trois domaines prioritaires d’activité: le travail décent pour les populations rurales défavorisées, marginalisées et vulnérables; le travail décent pour les travailleurs ruraux dans les chaînes d’approvisionnement; le travail décent pour les travailleurs ruraux dans les plantations.

4.   La contribution du CESE concernant la manière de garantir la décence du travail dans les CAM

Dans la perspective de la 105e session de la Conférence internationale du travail en juin 2016 (Genève), le CESE souhaite rendre publique sa contribution contenant plusieurs recommandations sur les moyens les plus efficaces de garantir une amélioration des conditions de travail dans les entreprises sous-traitantes ou chez les fournisseurs disposant de capacités de production au sein des CAM.

4.1    Clarifier le rôle de chacun des acteurs concernés

Les rôles et responsabilités de chacun des acteurs doivent être clarifiés afin d’éviter toute confusion:

Les gouvernements sont responsables de l’élaboration, de la mise en œuvre et du respect du droit du travail et du droit social nationaux, de la ratification et de l’application effective des conventions de l’OIT et, dans le cas des États membres de l’UE, de la transposition et de la mise en œuvre des directives européennes; il leur appartient également de fournir toutes les ressources administratives et financières, y compris pour l’inspection du travail, permettant de veiller au respect du cadre légal.

Les organisations internationales définissent des normes et déploient des initiatives à l’échelle mondiale afin de promouvoir les normes internationales du travail et le comportement responsable des entreprises. Dans ce contexte, certains documents, tels que les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (cadre «protéger, respecter et réparer»), définissent des orientations en ce qui concerne les rôles et les responsabilités des principaux acteurs.

Les partenaires sociaux sont encouragés à s’engager dans le dialogue social et à le promouvoir en ce qui concerne les normes de travail et les conditions de travail, y compris dans le contexte sectoriel et transfrontalier, et les gouvernements devraient garantir une protection effective et la promotion de la liberté d’association et du droit à la négociation collective.

Les entreprises multinationales doivent respecter le droit applicable dans les pays où elles opèrent; elles sont également encouragées à mettre en œuvre des systèmes de RSE et à respecter l’obligation de diligence.

Les ONG complètent les efforts des autres acteurs et jouent un rôle essentiel dans la sensibilisation aux droits du travail ainsi que dans la dénonciation des abus.

Étant donné la complexité et les risques majeurs auxquels ces acteurs clés doivent faire face, le CESE plaide en faveur de plateformes de parties prenantes structurées, transparentes et inclusives pour traiter ces questions complexes.

4.2    Relever le défi statistique que constitue la mesure des flux d’échanges et d’investissements

Le CESE a l’ambition d’apprécier la réalité des CVM et CAM en termes de valeur, de croissance et d’emplois, ainsi que leur récente évolution qualitative. Cela suppose une collaboration notamment avec Eurostat et la DG Commerce sur les données disponibles recueillies par l’OMC et l’OCDE. Cette meilleure compréhension de la nouvelle organisation du commerce international ne manquera pas de susciter de nouvelles propositions concernant l’utilisation des outils traditionnels des accords de commerce et de développement, tels que la suppression des droits de douane, la convergence réglementaire, un accès plus aisé aux marchés publics, des règles d’origine communes, le renforcement des capacités et l’aide au commerce.

4.3    Œuvrer en faveur d’une approche véritablement intégrée de l’UE concernant notamment le commerce, le développement et la politique de voisinage

Le CESE soutient la volonté de la Commission européenne, exprimée dans la récente communication sur la politique commerciale et d’investissement de l’Union, d’utiliser l’éventail des politiques extérieures de l’UE afin d’encourager le développement durable dans les pays tiers, notamment dans les pays en développement tels que le Bangladesh, le Viêt Nam, le Myanmar/la Birmanie (34), le Cambodge ou le Laos, ainsi que dans les pays d’autres continents, au moyen de plusieurs instruments. Il y aurait lieu notamment d’inclure des chapitres «Commerce et développement durable» dans les accords de libre-échange en cours de négociation et dans les futurs accords de ce type, d’assurer un meilleur lien entre la politique commerciale et les politiques d’aide et de renforcement des capacités, de promouvoir le comportement responsable des entreprises en matière de politique de l’investissement et de développement du secteur privé, de mener des projets spécifiques visant à améliorer le respect des normes du travail, de soutenir les partenaires sociaux nationaux en matière de formation, d’organiser des séminaires d’information, etc.

4.4    Proposer des engagements réalistes

Le CESE dispose d’une vaste expérience dans le domaine de la durabilité, grâce à sa participation à la mise en œuvre et au suivi des chapitres consacrés à ce thème dans les accords de libre-échange (ALE), sa participation à un large éventail de forums de la société civile qui lui permettent de proposer un juste équilibre entre, d’une part, les exigences juridiques nécessaires dans le domaine des droits de l’homme et du travail, la transparence, la lutte contre la corruption et, d’autre part, la flexibilité nécessaire aux multinationales pour organiser et développer leurs CAM de manière efficace, adaptée aux différents contextes locaux.

4.5    Promouvoir des mesures de prévention efficaces

Dans le monde entier, les petites et moyennes entreprises (PME) s’engagent de plus en plus dans des CAM, et il reste un potentiel largement inexploité pour elles dans ce domaine. Par conséquent, le CESE souhaite donner davantage de publicité à certains des outils concrets disponibles sur le marché, qui ont déjà fait leurs preuves pour les entreprises et qui aideront les PME à s’engager dans la gestion durable de leurs CAM: cartographie des fournisseurs, outils d’autoévaluation, normes et propositions de clauses contractuelles.

4.6    Contribuer à créer une nouvelle génération d’audits

Les audits sociaux sont apparus dans les années 90 et ont suscité des critiques concernant à la fois des aspects techniques (qualifications des auditeurs, méthodes, nature des questions, par exemple) et des aspects matériels (évaluation provisoire d’un fournisseur, absence de progrès systémique et graduel, tiers chargés de l’amélioration des conditions sociales, etc.). Le CESE entend encourager l’émergence d’une nouvelle génération d’audits qui portera non seulement sur les volets environnemental et social, mais aussi sur les questions de gouvernance, avec des objectifs plus ambitieux. L’objectif ultime sera de remplacer les questionnaires standardisés par des diagnostics multicritères spécifiques pour chaque entreprise de la chaîne d’approvisionnement mondiale et de mettre en place une procédure fiable de suivi avec le soutien des partenaires sociaux.

4.7    Inventer des outils de transparence efficaces pour le consommateur

Le sommet du G7 de décembre 2015 a accueilli favorablement, par exemple, des outils pratiques tels que des applications pour appareils mobiles, qui peuvent aider les consommateurs à comparer et à comprendre les labels sociaux et environnementaux des produits.

Le CESE soutient les efforts déployés actuellement par l’UE afin de mesurer et d’afficher l’empreinte écologique de certaines catégories de biens de consommation, et est disposé à promouvoir les meilleures pratiques nationales dans le domaine de l’étiquetage environnemental, telles que l’expérience d’étiquetage environnemental multicritère menée en France entre 2010 et 2013.

4.8    Soutenir des programmes de renforcement des capacités et d’autres initiatives visant à encourager le dialogue social et les approches multipartites

La performance économique globale des entreprises et le respect des principes du travail décent sont étroitement liés à l’existence d’organisations syndicales et patronales indépendantes, à la qualité du dialogue social et au bien-être de la main-d’œuvre.

Le CESE soutient le programme «Better Work», conçu par l’OIT, dont l’objectif est d’aider les partenaires sociaux locaux à agir efficacement et de les mettre en mesure de mener des négociations collectives.

Des initiatives sectorielles, telles que l’accord sur la sécurité des bâtiments et la protection contre les incendies dans l’industrie de la confection au Bangladesh, peuvent mobiliser les acheteurs, les producteurs et les syndicats afin qu’ils élaborent et mettent en œuvre une approche globale et efficace couvrant l’ensemble du secteur.

Le CESE soutient également le dialogue social interprofessionnel, y compris les AET/ACI. Les AET/ACI existants se sont révélés être un outil important pour promouvoir les droits des travailleurs dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. La poursuite de leur développement ou leur application plus étendue doivent toutefois tenir compte de la nécessité de préserver la flexibilité de ces accords, tant au niveau des contenus que des mécanismes de suivi. Sur la base des enseignements tirés au niveau de la mise en œuvre, les partenaires devraient également œuvrer pour leur amélioration continue.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  OCDE: Organisation de coopération et de développement économiques; OIT: Organisation internationale du travail; OMC: Organisation mondiale du commerce; FMI: Fonds monétaire international.

(2)  www.globalvaluechains.org/concept-tools

(3)  http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/70/1&Lang=F

(4)  http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/69/313&referer=http://www.un.org/esa/ffd/ffd3/documents.html&Lang=F

(5)  http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/mission-and-objectives/WCMS_099767/lang--fr/index.htm

(6)  http://www.ilo.org/declaration/thedeclaration/textdeclaration/lang--fr/index.htm

(7)  http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/wir2013_en.pdf

(8)  http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---dcomm/---publ/documents/publication/wcms_368626.pdf

(9)  «The organisation of Buyer-Driven Global Commodity Chain: How US Retailers Shape Overseas Production Networks», dans Commodity Chains and Global Capitalism, Wesport, 1994.

(10)  http://ec.europa.eu/growth/industry/corporate-social-responsibility/index_en.htm

(11)  Voir par exemple l’outil d’autoévaluation mis au point par Euratex et IndustriAll avec le soutien de la Commission européenne pour les entreprises du textile et de l’habillement de l’UE.

(12)  http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2015/30/contents/enacted.

(13)  Le CESE a adopté un avis sur ce schéma en 2011 (JO C 43 du 15.2.2012, p. 82).

(14)  http://trade.ec.europa.eu/doclib/events/index.cfm?id=1433 et http://trade.ec.europa.eu/doclib/press/index.cfm?id=1447

(15)  http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/october/tradoc_153879.pdf

(16)  https://mneguidelines.oecd.org/responsible-supply-chains-textile-garment-sector.htm

(17)  https://mneguidelines.oecd.org/text/

(18)  http://www.oecd.org/fr/daf/inv/politiques-investissement/rbc-agriculture-supply-chains.htm

(19)  http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf

(20)  http://bangladeshaccord.org/

(21)  Cela peut prendre la forme d’accords d’entreprise transnationaux (AET), également appelés accords-cadres internationaux (ACI). Pour plus de détails, voir le rapport d’information REX/443, p. 8: http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.rex-opinions&itemCode=35349

(22)  http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---asia/---ro-bangkok/documents/publication/wcms_419798.pdf

(23)  Ibidem.

(24)  «Progress in implementation, outcome of the Review meeting on the Sustainability Compact for Bangladesh», 11 janvier 2016.

(25)  http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---asia/---ro-bangkok/---ilo-islamabad/documents/publication/wcms_363149.pdf

(26)  http://www.bmz.de/g7/en/Entwicklungspolitische_Schwerpunkte/Menschenwuerdige_Arbeit/index.html

(27)  «Was the crisis a Window of Opportunity for Developing Countries?», Timothy J. Sturgeon et Momoko Kawakami, document de recherche de la Banque mondiale.

(28)  http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_dialogue/---sector/documents/meetingdocument/wcms_345445.pdf

(29)  http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_dialogue/---sector/documents/meetingdocument/wcms_317267.pdf

(30)  En octobre 2013, le CESE a adopté un avis sur les importations essentielles pour l’UE, dont celles de minerais et de matières premières (JO C 67 du 6.3.2014, p. 47).

(31)  http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-14-157_en.htm?locale=FR (en anglais).

(32)  Voir http://www.oecd.org/fr/gouvernementdentreprise/mne/mining.htm

(33)  http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_norm/@relconf/documents/meetingdocument/wcms_311652.pdf

(34)  Par exemple l’initiative sur les droits du travail au Myanmar/en Birmanie (OIT, États-Unis, Japon, Danemark, UE).


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/28


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’innovation comme moteur de nouveaux modèles économiques»

(avis exploratoire)

(2016/C 303/04)

Rapporteur:

Mme Ariane RODERT

Corapporteur:

M. Oliver RÖPKE

Le 16 décembre 2015, M. BOEREBOOM, directeur général au ministère néerlandais des affaires sociales et de l’emploi, agissant au nom de la future présidence néerlandaise du Conseil, a invité le Comité économique et social européen (CESE) à élaborer un avis exploratoire sur le thème:

«L’innovation comme moteur de nouveaux modèles économiques»

(avis exporatoire).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le CESE a adopté le présent avis par 131 voix pour et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’Europe est confrontée à des défis complexes, qui appellent un renouvellement des modèles sociaux et économiques. Pour y créer du progrès, de la croissance et du bien-être, il convient de prendre le virage d’une économie fondée sur l’innovation.

1.2.

C’est dans ce contexte qu’émergent de nouveaux concepts et modèles économiques, qui témoignent d’une réorientation substituant à l’innovation traditionnelle une autre, qui intègre des perspectives techniques, environnementales et sociales, en mettant l’accent sur la vie des citoyens et leur bien-être.

1.3.

Par conséquent, le CESE invite la Commission européenne à élaborer un cadre d’action pour soutenir ces nouveaux modèles économiques naissants. Il convient à cet effet de reconnaître, d’articuler et de promouvoir certains concepts centraux pour ces modèles d’entreprises, en s’appuyant sur des théories telles que le bénéfice réciproque, l’impact collectif, la mesure de l’impact, les partenariats «en hélice» et l’innovation sociale.

1.4.

Le cadre dont il est question implique également d’instaurer des conditions favorables, qui lèvent les barrières existantes et étoffent les principes traditionnels de l’entreprise. Les points qu’il convient d’explorer sont les marchés publics, la réglementation favorable à l’innovation, les instruments financiers sur mesure, un appui mieux ciblé des Fonds structurels, d’éventuelles incitations fiscales, la formation, le soutien et la mise à niveau des compétences, en portant une attention toute particulière, pour ce dernier point, à la numérisation et à la robotisation.

1.5.

Il est crucial que les États membres et les institutions européennes encouragent et reconnaissent pleinement les modèles économiques «plus équitables», dont l’axe central consiste à mettre l’innovation au service du progrès social, en intégrant une mesure de l’impact social parallèlement au relevé des progrès économiques.

1.6.

Le CESE presse la Commission de reprendre dans leur intégralité, lors de l’élaboration du socle européen des droits sociaux, les principes du train de mesures sur les investissements sociaux et de tenir dûment compte de leur lien avec l’innovation sociale, puisque bon nombre des nouveaux modèles économiques à l’examen sont une transposition concrète desdits principes.

1.7.

Les États membres et la Commission doivent veiller à ce que l’innovation sociale soit pleinement intégrée aux programmes en faveur de l’innovation. Il convient de faire plein usage de l’appui financier octroyé par l’Union en faveur de l’innovation sociale, par exemple celui d’Horizon 2020, et de l’évaluer en prenant pour critères son assimilation technique par chaque partie prenante et son impact politique.

1.8.

Les États membres et les institutions européennes doivent intégrer les principes de l’innovation à la politique de l’entreprise, afin d’assurer l’émergence d’une culture qui offre un terreau favorable et soit de nature à promouvoir ladite innovation, à lui réserver bon accueil, à la récompenser et à la diffuser. Cette culture comporte des éléments tels que l’expérimentation, de nouvelles constellations de partenariats et une vision plus large de la création de valeur dans la société.

1.9.

L’Union doit mettre plus nettement l’accent, dans ses initiatives relevant de la politique en matière d’innovation, sur le soutien et la protection des petites et moyennes entreprises (PME), en particulier des entreprises de l’économie sociale, des microentreprises et des entreprises familiales, ainsi que de tous les types de jeunes entreprises, en vue d’instaurer des conditions plus favorables à la durabilité des modèles et à leur reproduction, y compris à plus grande échelle.

1.10.

Il convient de prendre pleinement en considération les modèles économiques novateurs dans les initiatives stratégiques ayant trait à la révolution industrielle 4.0 et les politiques qui y sont liées, par exemple celles concernant l’économie circulaire, l’économie du partage et l’économie de fonctionnalité. Pour ce faire, il y a lieu d’encourager l’adaptation de toutes les entreprises et tous les modèles existants, en soutenant l’émergence de formes d’entreprises inédites et non conventionnelles, l’établissement de nouveaux types de relations et des modèles de coopération ajustés.

1.11.

Dans la perspective de la révision prochaine de la stratégie pour le marché unique, prévue pour 2017, le CESE invite la Commission à pleinement intégrer ces nouveaux modèles économiques et à proposer de nouvelles mesures pour avancer dans cette direction.

1.12.

Comme pour toute entreprise, il est essentiel, dans le cas des nouveaux modèles économiques, d’assurer le respect plein et entier des principes du travail décent, des droits sociaux des salariés et du rôle des partenaires sociaux.

2.   Introduction

2.1.

Un nouveau paysage émerge rapidement dans la société européenne et appelle de nouveaux modèles sociaux et économiques, afin de redéfinir l’Europe en tant qu’économie moderne et compétitive sur le plan mondial.

2.2.

Un changement de mentalité à l’égard de l’innovation s’impose pour créer de la croissance propice au progrès, de la cohésion sociale et du bien-être. Dans le monde entier, c’est désormais cet état d’esprit qui prévaut non seulement dans les domaines de l’innovation et de la recherche, mais aussi dans bon nombre d’entreprises, qui s’efforcent à présent de produire de la croissance et d’avoir un impact sur le plan à la fois économique et social et environnemental. En outre, la demande et les attentes des consommateurs attestent du soutien porté à ce type d’approche. En témoigne de manière évidente l’apparition d’initiatives telles que l’économie collaborative, l’économie circulaire ou l’économie du partage, lesquelles ont pour point commun de s’appuyer sur un nouveau faisceau de valeurs et d’aspirer à une croissance intelligente, durable et inclusive, qui soit mise au service du progrès et mêle innovations techniques, environnementales et sociales.

2.3.

Le présent avis a pour objet d’analyser certains nouveaux concepts qui sont primordiaux pour l’innovation en tant que moteur de nouveaux modèles économiques. À titre d’exemple, il étudiera en particulier les entreprises de l’économie sociale. Il s’appuie sur l’expérience acquise par le CESE dans ce domaine et, en particulier, sur les travaux qu’il a réalisés dans le cadre de son projet sur l’entreprise sociale (1). Le présent document n’aborde pas des concepts tels que l’économie circulaire, l’économie collaborative, l’économie de fonctionnalité ou l’économie du partage, ou encore les politiques relatives à l’innovation ou aux PME, qui font l’objet d’avis connexes du Comité.

3.   L’apparition de nouveaux concepts

3.1.    Promouvoir l’innovation sociale et sociétale comme modèle d’entreprise

3.1.1.

L’Europe est confrontée à des défis sociétaux complexes, auxquels les systèmes existants ne parviennent pas à répondre. Cette situation témoigne d’un changement de modèle qui exige une évolution des attitudes et des solutions novatrices. De telles innovations sont souvent qualifiées de «sociales» ou de «sociétales». «Une innovation est dite sociale quand elle l’est tant dans ses objectifs que dans ses moyens À cela on peut ajouter que les innovations sociales se définissent plus spécifiquement comme des idées nouvelles (produits, services et modèles) qui répondent aux besoins sociaux (de manière plus efficace que les autres approches) tout en créant de nouveaux liens sociaux ou collaborations. En d’autres termes, les innovations sont non seulement utiles à la société, mais elles renforcent également ses capacités d’action» (2). Des innovations sociales apparaissent dans tous les secteurs; sans pour autant qu’elles soient révolutionnaires, leur caractéristique commune étant qu’elles aboutissent, en définitive, à un changement systémique.

3.1.2.

Dans le monde universitaire, la notion d’«innovation» va bien au-delà, désormais, de la seule évolution de la technique. Les chercheurs s’accordent aujourd’hui à considérer que l’innovation et la recherche doivent prendre en considération les paramètres techniques, environnementaux et sociaux. Il existe une interdépendance entre innovation sociale, numérique et technique. Dans ce contexte, le rôle des technologies du numérique est celui d’un outil qui permet d’encourager le partage et la faculté donnée aux citoyens d’agir, tandis que l’innovation sociale reste l’objectif principal.

3.1.3.

L’innovation sociale ne prend pas la même forme que l’innovation technique. Elle est motivée par les besoins et tend souvent à répondre à un problème dans la société ou à mettre l’accent sur un groupe spécifique d’utilisateurs, tout en tenant compte des dimensions sociales, environnementales et économiques. Les innovations sociales les plus fructueuses vont de pair avec une réflexion globale qui, plutôt que de traiter isolément un problème ou un sujet, aboutit, en dernier ressort, à un changement systémique.

3.1.4.

L’innovation sociale a pour fondement un point de vue éthique, idéologique ou axé sur l’intérêt général. En témoignent le rôle joué par la société civile aujourd’hui et celui qu’elle a assumé, historiquement, dans la formation des systèmes de protection sociale. Si elle est nouvelle en tant que concept, l’innovation sociale existe en fait depuis très longtemps.

3.1.5.

L’innovation sociale repose sur une communication ouverte et sur une approche collaborative de la résolution des problèmes, mobilisant des pratiques et des parties prenantes d’horizons divers pour faire émerger des solutions nouvelles. Elle décloisonne les secteurs et les marchés, en remplaçant la logique de concurrence par des formules de partenariat collaboratives qui s’inscrivent dans sur le long terme. Elle a pour finalité le partage, est liée au mouvement en faveur du libre accès aux sources (open source) et applique des approches non concurrentielles.

3.1.6.

L’innovation sociale dessine un nouvel horizon essentiel pour l’Europe et encouragera la véritable «économie sociale de marché» visée à l’article 2 du traité de Lisbonne. Néanmoins, ce but ne pourra être atteint que si l’innovation tend résolument vers des objectifs tels que l’inclusion et l’égalité, lesquels, en retour, auront pour effet d’accélérer l’apparition de nouvelles innovations sociétales.

3.2.    Redéfinir la création de valeur du point de vue du bénéfice réciproque

3.2.1.

Une vision plus globale de la création de valeur — sur le plan économique, social et environnemental — est de plus en plus perçue comme un paramètre essentiel d’un scénario d’activité prometteur. La croissance économique est liée aux progrès sociaux et environnementaux: la preuve évidente en est qu’un bénéfice économique est obtenu ou augmenté dès lors que l’on produit une valeur sociale et environnementale plus élevée. Ce mécanisme, qualifié de «création de valeur réciproque», a fait l’objet de plusieurs travaux de recherche (3).

3.2.2.

Il est essentiel, dans le cadre de cette stratégie, de se détourner de la norme consistant à optimiser les résultats financiers à court terme et de privilégier une création de valeur économique qui génère également du progrès social et de la valeur pour la société. Le bénéfice réciproque pourrait bien constituer le moteur de la prochaine vague d’innovations et de gains de productivité dans l’économie mondiale.

3.2.3.

Pour soutenir une véritable économie sociale de marché, il convient d’encourager les formes d’investissement spécifiquement conçues pour favoriser l’émergence d’une économie plus participative, démocratique et inclusive. Un écosystème financier complet est nécessaire à cet égard, dans le cadre duquel il serait particulièrement intéressant d’envisager des formules faisant intervenir des capitaux hybrides ou mixtes, thème que le CESE a déjà examiné dans des travaux antérieurs (4).

3.2.4.

Dans la logique du bénéfice réciproque, la création de valeur représente non plus le transfert d’une valeur existante, mais une augmentation globale de la valeur sociale, environnementale et économique. Ce raisonnement montre par ailleurs que le marché ne se définit pas uniquement en termes économiques, mais qu’il intègre également des aspects sociaux et environnementaux. L’une des principales caractéristiques du bénéfice réciproque est qu’il s’appuie sur les atouts comme sur les différences du secteur privé et de la société civile pour appliquer un modèle de création conjointe, qui conduit en définitive à élargir les marchés et à en créer de nouveaux.

3.3.    S’appuyer sur une approche de partenariat

3.3.1.

Il est souvent nécessaire, pour affronter des défis sociétaux complexes, que les pouvoirs publics, le marché et la société civile travaillent en étroite collaboration afin de faire émerger des démarches efficaces. Ce partenariat repose sur une compréhension fine des points de vue de chacune des parties prenantes, une prise de décision rapide et des approches empathiques.

3.3.2.

La coopération, la création conjointe et l’innovation transversale présentent d’énormes avantages par rapport aux schémas que la société a adoptés, par le passé, pour s’emparer des questions sociétales. Il est primordial, dans ce contexte, de rassembler les parties prenantes bien en amont afin d’élaborer une définition conjointe de l’objectif commun et de la voie à suivre.

3.3.3.

Puisque les innovations apparaissent souvent dans le contexte local, à proximité des besoins réels, il est utile de signaler que l’attention et le soutien qui leur sont portés doivent l’être au bénéfice de l’ensemble de la société. De vastes possibilités s’ouvrent pour recenser et partager ces expériences locales, dont un grand nombre pourraient être reproduites, y compris à plus grande échelle, dans différents pays et régions.

3.4.    À la recherche d’un impact collectif

3.4.1.

Comme il a été dit précédemment, un changement social à grande échelle exige une coordination, un consensus et un partenariat de large portée et de nature transversale. Un des résultats recherchés, en outre, doit être celui d’un impact collectif.

3.4.2.

L’impact collectif repose sur l’engagement d’un groupe central de parties prenantes, issues de différents secteurs, dont l’action se concentre sur un programme commun visant à répondre à un problème social ou sociétal spécifique. Il suppose aussi une infrastructure centralisée, des effectifs propres, un processus structuré, un système de mesure partagé, une communication continue et des activités mutuellement complémentaires parmi l’ensemble des participants. L’émergence d’un changement social à grande échelle sera le fruit d’une meilleure coordination transversale plutôt que de l’action d’organisations isolées.

3.5.    Mettre en œuvre la mesure de l’impact social

3.5.1.

Si le concept d’innovation sociale consiste à ne pas se limiter aux seules considérations techniques, mais à tenir compte aussi des paramètres sociaux et environnementaux, les progrès doivent alors être mesurés différemment. Le CESE a déjà examiné des thèmes [la mesure de l’impact social (5) et l’économie du bien commun (6)] pour lesquels il a été clairement démontré que les résultats et les rapports devaient être envisagés sous un angle plus large.

3.5.2.

Les indicateurs économiques ont longtemps constitué la norme pour mesurer les résultats. Toutefois, l’apparition de plus en plus fréquente de structures hybrides agissant comme des vecteurs d’innovation exige que l’on définisse une palette de nouveaux indicateurs globaux qui permettent de mesurer les impacts sociaux, environnementaux et économiques.

3.5.3.

Appliquer les principes de la mesure de l’impact social suppose d’avoir une approche axée sur les parties prenantes, une vision et une définition partagées des principaux résultats, ainsi qu’un paramétrage commun des indicateurs. Ces éléments contribueront à mettre en lumière la valeur effectivement créée. L’accent, qui était placé sur le compte rendu économique, doit désormais porter sur la mesure d’éléments tels que les facteurs à l’entrée et à la sortie, les résultats et l’impact, vus sous l’angle social. Il importe que toutes les parties prenantes aient la même approche de ces concepts, étant donné qu’ils s’appliquent tout à la fois dans le cadre de l’innovation et dans des contextes commerciaux.

3.6.    Innovation et travail décent

3.6.1.

L’innovation sociale et technique peut avoir un impact immense sur l’organisation du travail et les conditions dans lesquelles les salariés l’exercent. L’individualisation croissante et la progression de l’autonomie et de la flexibilité dans les relations de travail ne devraient pas conduire à une dégradation de la protection sociale. Pour que les modèles novateurs soient une réussite, il est nécessaire que les principes du travail décent continuent d’être garantis, même dans un environnement modifié (7).

3.6.2.

L’innovation n’ira de pair avec des progrès sociaux généraux que si toutes les parties prenantes y sont associées et en bénéficient, si la valeur ajoutée est équitablement distribuée et si les droits sociaux ne sont pas démantelés. La protection sociale des travailleurs doit rester garantie, même dans des conditions modifiées.

3.6.3.

Le même impératif s’applique aux droits sociaux individuels des salariés, et notamment à leurs conditions de travail et à leurs rémunérations. Les modèles novateurs et la numérisation, en particulier, aboutissent souvent à une individualisation accrue sur le lieu de travail et mettent en péril les normes de protection sociale. Les modèles novateurs et durables doivent respecter les droits des salariés et leurs conditions d’exercice, même dans un monde du travail en mutation.

3.6.4.

Les nouveaux modèles économiques novateurs doivent promouvoir les droits collectifs des salariés et leur application pratique, ainsi que le rôle des partenaires sociaux. Ces derniers, tout comme les conventions collectives et la participation des travailleurs, constituent souvent une source d’innovation, puisqu’ils créent les conditions-cadres requises.

3.6.5.

Il convient de continuer à promouvoir le dialogue social et des conventions collectives étendues, car ces pratiques peuvent aussi contribuer à améliorer les conditions-cadres d’une transition vers des modèles économiques novateurs. Les «règles du jeu social» ont dû être régulièrement adaptées aux évolutions techniques et sociales et ce processus restera également nécessaire dans le futur. L’on citera pour illustrer ce propos la redistribution du travail (par exemple la réduction du temps de travail).

4.   Promouvoir la diversité des modèles d’entreprise — L’exemple des entreprises de l’économie sociale

4.1.

Le CESE défend l’idée qu’il est nécessaire de reconnaître et de promouvoir dans toute leur diversité et leur pluralité les modèles économiques et les modèles d’entreprises qui, ensemble, composent le marché unique (8). Le CESE dispose d’une expertise spécifique dans le domaine des entreprises de l’économie sociale. Ces dernières, tout comme les entrepreneurs sociaux, intègrent plusieurs des notions examinées ci-dessus et sont assez représentatives de ces modèles d’entreprise aux formes hybrides qui apparaissent en Europe.

4.2.

L’on compte en Europe plus de 2 millions d’entreprises sociales, qui contribuent à son produit intérieur brut (PIB) à hauteur de 10 %. Toutefois, dans de nombreux États membres, ce secteur est nouveau et peu développé, ce qui laisse augurer qu’il dispose d’un fort potentiel de développement. La société civile et l’économie sociale sont unies par des liens étroits et ont contribué, par leur action d’innovation, à des mutations systémiques de grande ampleur dans la société, touchant des secteurs tels que la garde des enfants, l’hôpital, la promotion de l’autonomie personnelle et de l’indépendance au quotidien des plus âgés et des personnes handicapées, l’équilibre entre vie professionnelle et privée, l’insertion professionnelle et le logement, dont le logement social, mais aussi de nombreuses inventions et découvertes scientifiques.

4.3.

Focalisées sur un groupe d’utilisateurs donné, répondant spécifiquement à un besoin non satisfait au sein de la société ou destinées à combler une lacune, les entreprises de l’économie sociale se livrent à des expériences et trouvent des solutions innovantes en s’engageant dans une activité économique. Elles réinvestissent leurs bénéfices pour remplir leur mission sociale et produire l’impact recherché au plan social. Si elles ont été particulièrement mises en avant récemment, c’est parce qu’elles offrent une solution intéressante en assurant une double création de valeur: sociale, grâce à leurs activités (insertion ou cohésion sociale), et économique (au travers d’échanges, de la création d’activités et de l’offre d’emplois).

4.3.1.

La stimulation de l’innovation et de la créativité dépend de chaque acteur concerné, ainsi que des comportements et attitudes adoptés. C’est pourquoi il est essentiel non seulement de renforcer le secteur des entreprises de l’économie sociale, mais aussi de veiller à ce que prévale un esprit d’ouverture à l’égard d’autres modèles, différents, qui émergent. Il convient d’entretenir une culture de la coopération et du bénéfice réciproque, principe qui s’est depuis toujours trouvé au cœur, par exemple, de l’économie sociale. Attendu que les entreprises de l’économie sociale ouvrent de nouveaux débouchés commerciaux grâce à leur action d’innovation, il y a lieu d’accorder une attention toute particulière à la protection de ces entités, afin qu’elles puissent continuer de se développer.

4.3.2.

On relèvera en particulier que, selon les conclusions des chercheurs, les femmes sont davantage représentées dans l’entreprise sociale que dans l’entreprise traditionnelle. En outre, des études menées à ce sujet, pour lesquelles des données ventilées par sexe ont été recueillies, ont montré que parmi les chefs d’entreprises sociales, les femmes étaient même plus nombreuses que les hommes dans certains pays d’Europe. Les mêmes travaux semblent également indiquer que ces femmes font davantage œuvre novatrice que leurs homologues masculins, tout en dépensant moins pour l’innovation (9). Ces recherches mettent en évidence l’existence d’un vaste terrain de développement, une attention toute particulière devant être portée au soutien qu’il convient de dispenser à l’entrepreneuriat social féminin.

5.   Créer un environnement propice aux modèles économiques nouveaux et novateurs

5.1.

Les modèles économiques nouveaux et novateurs, tels que les entreprises de l’économie sociale, font partie de l’économie traditionnelle et ne présentent pas de caractère antinomique par rapport aux autres modèles économiques. Face à l’évolution du paysage sociétal en Europe, il convient de s’attacher à capter toutes les formes d’innovation qui débouchent sur de nouveaux modèles économiques. Alors qu’ils s’appuient sur bon nombre des notions examinées au paragraphe 3 ci-dessus, il arrive souvent que ni la majeure partie des programmes existants de soutien et de développement destinés aux entreprises, y compris celles en phase de démarrage, ni les autres composantes nécessaires de l’encadrement, telles que les instruments législatifs et financiers, ne parviennent à accompagner ces schémas d’activité différents, étant donné que les dispositifs d’appui proposés et les politiques menées restent majoritairement conçus en fonction d’un modèle économique et d’une vision de l’entreprise plus traditionnels et s’inscrivant dans la norme. Par conséquent, si l’on veut mobiliser des soutiens en faveur de toute la palette des différents modèles économiques qui apparaissent en Europe, il convient d’être attentif aux éléments exposés ci-après.

5.1.1.

S’agissant des entreprises de l’économie sociale, le CESE plaide activement en faveur d’un écosystème complet qui soit spécifiquement adapté aux caractéristiques uniques de ce modèle économique particulier (10). De même, des écosystèmes doivent aussi être créés au service d’autres formules commerciales inédites et hybrides. Par ailleurs, il convient que le soutien dispensé à l’heure actuelle soit actualisé et ajusté pour refléter ces nouveaux modèles, ainsi que pour aider les entreprises existantes à s’adapter à ces nouvelles tendances et à se les approprier. L’écosystème idéal intègre des éléments tels qu’un environnement financier personnalisé qui offre des montages à capitaux hybrides, des formes améliorées de passation de marchés, une aide au développement des entreprises taillée sur mesure ainsi qu’une mise en œuvre de la mesure de l’impact social. Ces dispositifs sont essentiels pour favoriser l’émergence et la durabilité de chaque modèle économique.

5.1.2.

L’innovation n’est plus un processus linéaire. Il est essentiel d’en combiner les dimensions techniques, environnementales et sociales afin de trouver des solutions pour l’avenir. L’intégration complète de ces notions exige de porter un regard nouveau sur la description des progrès, qui doit être axée sur les résultats, autrement dit, sur l’impact. Deux éléments sont particulièrement importants à cet égard: la création de valeur réciproque et le triple bilan (à savoir la garantie qu’un poids égal est accordé aux progrès sociaux, environnementaux et économiques). Dès lors qu’il sera tenu compte de la valeur totale créée, sous la forme de l’impact conjoint des paramètres économiques, sociaux et environnementaux, de nouvelles formes d’entreprises hybrides ne tarderont pas à voir le jour. Le bénéfice réciproque n’en est encore qu’à ses balbutiements. Par conséquent, il conviendra que les cadres dirigeants acquièrent de nouvelles compétences et connaissances et que les pouvoirs publics apprennent à légiférer de manière à favoriser le bénéfice réciproque au lieu de le desservir.

5.1.3.

Les marchés financiers ont un rôle essentiel à jouer s’agissant de la bonne affectation des ressources au sein de la société. Toutefois, leur penchant de plus en plus affirmé pour une vision à court terme entre en contradiction directe avec la nécessité de répondre aux besoins de la société sur le long terme — ce problème a été étudié dans de nombreux rapports (11). Il convient d’ouvrir aux entreprises un espace dans lequel elles puissent investir pour l’avenir, de sorte à produire de la valeur pour les investisseurs comme pour la société en général. Il est nécessaire, à cette fin, de mettre au point de nouveaux systèmes qui récompensent les comportements d’investissement à long terme. À cet égard, les financements publics, qui prennent fréquemment la forme de dispositifs recourant à des capitaux mixtes, revêtent une grande importance et renforcent souvent le développement des entreprises.

5.1.4.

Il convient de promouvoir en permanence une culture qui favorise l’innovation, afin qu’elle puisse s’imposer comme la force motrice de nouveaux modèles économiques. Il est fondamental d’encourager des dispositifs d’expérimentation qui acceptent à la fois le succès et l’échec, en tant qu’étapes d’un apprentissage, pour promouvoir une culture de l’innovation en Europe. Le principe d’innovation devrait s’appliquer de manière complémentaire au principe de précaution, sans que ce dernier ne constitue un frein à l’innovation; il suppose de tenir compte de l’impact des lois et des réglementations sur l’innovation. Un point de départ consiste à concevoir des processus et systèmes axés autour de la notion de «partenariat», en fédérant les principales parties prenantes — il y a lieu, ainsi, de favoriser les forums ouverts, les espaces de dialogue et les réunions coopératives. Ce modèle est d’ores et déjà à l’œuvre en Europe et pourrait facilement être étoffé, partagé et diffusé (12).

5.2.

La volonté politique et l’appropriation des enjeux sont fondamentales pour stimuler la création d’entreprises en Europe. Il est essentiel d’établir, au niveau de l’Union et des États membres, des programmes stratégiques cohérents et adaptés pour soutenir des modèles économiques diversifiés. Force est de constater qu’il s’impose d’évoluer dans la direction d’une économie et d’une société fondées sur l’innovation si l’on veut parvenir à créer de la croissance et du bien-être en Europe. La législation et les politiques relatives au marché intérieur devraient être dûment calibrées à cette fin. La révision de la stratégie pour le marché unique, prévue en 2017, offre une occasion d’envisager de nouvelles mesures en ce sens.

5.2.1.

Compte tenu de l’accent mis sur le bénéfice réciproque et le triple bilan, il est éminemment important d’octroyer un soutien adéquat et durable à la recherche fondamentale et appliquée, en tant que terreau de l’innovation future. En outre, les activités liées à ces nouveaux modèles économiques doivent faire l’objet d’une approche statistique, afin que l’on puisse leur dispenser l’appui aux politiques qui soit le mieux adapté.

5.2.2.

Il importe de mener une action de sensibilisation aux différentes formes de l’innovation et de ses acteurs. Souvent, les entreprises de l’économie sociale et la société civile ne se qualifient pas elles-mêmes d’agents novateurs. Accroître la visibilité de l’innovation sociale et veiller à sa prise en considération, en reconnaissant explicitement la contribution importante qu’elle apporte à la société, encouragera à innover davantage dans l’ensemble des secteurs.

5.2.3.

L’Union européenne continue de jouer un rôle essentiel pour ce qui est de recenser et de diffuser de nouvelles initiatives, de faciliter l’apparition d’un environnement favorable et de veiller à ce que ces nouvelles tendances se reflètent effectivement dans les principales interventions menées. La Commission est bien placée pour faciliter cet échange des bonnes pratiques et des modèles à reproduire.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.social-entrepreneurship-make-it-happen

(2)  Source: http://ec.europa.eu/archives/bepa/pdf/publications_pdf/social_innovation.pdf.

(3)  https://hbr.org/2011/01/the-big-idea-creating-shared-value/ar/1.

(4)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 152.

(5)  JO C 170 du 5.6.2014, p. 18.

(6)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 26.

(7)  D’après l’Organisation internationale du travail (OIT), les principes du travail décent répondent aux objectifs suivants: la mise en œuvre des normes fondamentales du travail, des possibilités d’emploi décentes accompagnées d’une rémunération suffisante ainsi que le renforcement de la sécurité sociale et du dialogue entre les partenaires sociaux.

(8)  JO C 318 du 23.12.2009, p. 22.

(9)  WEstart, Mapping Women’s Social Entrepreneurship in Europe («Cartographie de l’entrepreneuriat social féminin en Europe»), 2015.

(10)  http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.social-entrepreneurship-make-it-happen

(11)  Rapport Kay, 2012: https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/253454/bis-12-917-kay-review-of-equity-markets-final-report.pdf.

(12)  Europe Tomorrow — Projets Loss (France) et UnMonastery (Italie).


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/36


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «L’économie du partage et l’autorégulation»

(avis exploratoire)

(2016/C 303/05)

Rapporteur:

M. Jorge PEGADO LIZ

Par courrier du 16 décembre 2015, M. J. BOEREBOOM, directeur général au ministère des affaires sociales et de l’emploi des Pays-Bas, agissant au nom de la présidence néerlandaise, a demandé au Comité économique et social européen (CESE), conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’élaborer un avis exploratoire sur le thème:

«L’économie du partage et l’autorégulation»

(avis exploratoire).

La section spécialisée «Marché unique, production, consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le CESE a adopté le présent avis par 133 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

À la suite de la demande que la présidence néerlandaise lui a adressée d’élaborer un avis exploratoire sur le thème de «L’économie du partage et l’autorégulation», le CESE, parvenu au terme de ses travaux, présente maintenant son avis et formule les conclusions ci-après.

1.2.

Dans plusieurs de ses avis, auxquels celui qu’on a sous les yeux est évidemment redevable, le CESE avait déjà anticipé divers aspects du phénomène, sous les différents vocables qui le désignent selon les langues et les différents angles d’approche.

1.3.

Conformément à la requête qui lui a été présentée, le Comité s’est à présent efforcé de donner une définition des traits caractéristiques de l’économie du partage qui englobe les pratiques économiques relevant de son acception, ainsi que de déterminer de quelle manière, sous quelles formes et par quels moyens, notamment par voie d’autorégulation ou de corégulation, il convient que ces comportements économiques et sociaux bénéficient d’une protection juridique.

1.4.

L’économie du partage, qui a pris son essor sur le plan social et économique à partir des années 2000, avec l’utilisation de l’internet et des réseaux sociaux, ne ressortit pas à la relation réciproque de troc, qui est aussi vieille que l’apparition de l’homme, mais se rattache plutôt à un «comportement prosocial non réciproque» ou, plus exactement à «un acte et un processus qui consistent à partager ce que l’on a avec d’autres pour son usage ou à recevoir ou prendre, pour son propre usage, quelque chose d’autrui».

1.5.

Plus que de définir l’économie du partage, comme l’on s’efforcera pourtant de le faire, il importe d’en dégager les caractéristiques, parmi lesquelles on relèvera les traits saillants suivants:

cette pratique n’aboutit pas à conférer la propriété, ni la copropriété, sur les biens concernés, mais débouche sur une communauté d’usage ou d’utilisation,

elle s’effectue par l’intermédiaire d’une plate-forme qui, notamment par des moyens électroniques, met en contact, d’une part, plusieurs acteurs disposant de biens ou de services et, d’autre part, une pluralité d’utilisateurs,

elle poursuit un objectif commun d’une meilleure utilisation, grâce à leur partage, des biens ou des services concernés,

les acteurs finaux de ces transactions d’une nature triangulaire complexe sont au premier chef des «pairs» («de pair à pair», P2P) et ne ressortissent jamais à des relations contractuelles d’entreprises à consommateurs (B2C).

1.6.

Cette caractérisation du phénomène, qui s’appuie sur une conception relativement consensuelle, ouvre la possibilité de définir un modèle pour ce type de relation économique et d’opérer la distinction entre les activités qui relèvent bel et bien de l’économie du partage et doivent bénéficier d’un régime spécial et celles qui, au contraire, utilisent cette dénomination de manière indue, dans le seul but de se soustraire à une réglementation qu’il convient de leur appliquer, et dont l’actualité fournit un exemple avec le cas d’Uber. Il serait possible de mieux assister la prise de décision politique et de rendre la régulation plus adéquate si l’on établissait des distinctions analytiques plus précises quant au contenu de la notion de «partage» et des dispositifs fondés sur une plate-forme.

1.7.

Le poids économique croissant qu’acquièrent les diverses formes dans lesquelles s’incarne l’économie du partage se marque également dans le chiffre d’affaires déjà significatif qu’elle atteint en Europe et dans le monde, de même que s’affirme sa dimension sociale et environnementale, qui aide à resserrer les liens de solidarité entre les citoyens, à revitaliser l’économie locale, à créer de l’emploi, à rationaliser la consommation des ménages, en mutualisant l’utilisation de certains biens, à réduire l’empreinte énergétique et à favoriser une consommation plus responsable et durable. Le paragraphe 5.2 en fournit quelques exemples pertinents.

1.8.

Dans le cadre ainsi tracé, le CESE entend presser la Commission de mettre en œuvre toute une série de mesures, de nature politique, qui sont indispensables pour qu’au niveau de l’Union européenne et dans chaque État membre, l’économie partagée, sous ses multiples formes et modalités, soit soutenue et mise en œuvre, qu’elle gagne en crédibilité et suscite davantage la confiance.

1.9.

Le CESE souligne également que ces nouveaux modèles économiques auront à respecter la législation des États membres et de l’Union qui est applicable et, notamment, à garantir les droits des travailleurs, une imposition adéquate, la protection des données et de la vie privée des parties prenantes, les droits sociaux, une concurrence loyale et la lutte contre les monopoles et les pratiques anticoncurrentielles, la responsabilité des plates-formes vis-à-vis des transactions conclues entre leurs intervenants et de la légalité de leurs offres et, surtout, la protection des droits de tous les acteurs qui participent à l’économie du partage, y compris les «prosommateurs», ces relations devant être adaptées à l’ensemble de l’acquis de l’Union en matière de droits des consommateurs, en particulier pour ses dispositions concernant les clauses abusives, les pratiques commerciales déloyales, la santé et la sécurité et le commerce électronique.

1.10.

Le CESE estime par ailleurs que l’Union européenne et, bien entendu, les États membres réunis sous la houlette de la présidence néerlandaise, devront définir d’urgence le cadre juridique, clair et transparent, dans lequel il conviendra que ces activités se déploient et s’effectuent dans l’espace européen, dans l’acception définie au paragraphe 8.2.4, et il insiste auprès de la Commission pour qu’elle publie rapidement son programme pour l’économie partagée ou collaborative, qui n’a que trop tardé.

1.11.

Il conviendra que dans ledit programme, elle définisse le rôle complémentaire que devront jouer l’autorégulation et la corégulation, dans la ligne des principes et modalités que le CESE a déjà définis, voici des années, dans les avis et rapports d’information qu’il a consacrés spécifiquement à ces aspects et qu’il réitère à présent et considère comme étant récapitulés dans le présent avis.

2.   Introduction: une thématique actuelle et controversée

2.1.

Dans une lettre qui lui a été adressée par le ministère des affaires sociales et de l’emploi, la présidence néerlandaise a demandé au CESE d’élaborer un avis exploratoire sur le thème de «L’économie du partage et l’autoréglementation», sans indiquer aucune orientation à l’appui ni formuler quelque question que ce soit.

2.2.

C’est une question hautement controversée et de grande actualité que cette problématique de l’économie du partage, et ce depuis sa définition et sa démarcation conceptuelle jusqu’aux différentes notions qu’elle englobe et aux pratiques qu’elle intègre et à leurs effets.

2.3.

Innombrables sont les activités qui, ces dernières années, se réclament de cette notion, tout comme les documents écrits, de toute nature, qui ont été consacrés à la thématique afférente.

2.4.

Il n’est donc pas étonnant que, dans plusieurs de ses avis, auxquels celui qu’on a sous les yeux est évidemment redevable et dont il recueille et développe la philosophie générale (1), le CESE, toujours attentif aux divers mouvements qui animent la société civile, ait anticipé divers aspects du phénomène, sous les différents vocables qui le désignent, selon les langues et les différents angles d’approche.

2.5.

Le présent avis a pour objet de répondre à la demande formulée par la présidence néerlandaise, en essayant d’aboutir à une définition des traits caractéristiques de l’économie du partage, de manière à lui conférer une autonomie conceptuelle et à englober les pratiques économiques relevant de son acception, ainsi qu’à déterminer s’il y a lieu que ces comportements économiques et sociaux bénéficient d’une protection juridique et, dans l’affirmative, sous quelles formes et par quels moyens, dont l’autorégulation ou la corégulation, il convient que cette protection leur soit assurée.

3.   Une question d’attitude vis-à-vis de la problématique «être et avoir»

3.1.

Les pratiques de certaines formes dites «de l’économie du partage» sont nées avant même que cette notion ait été conceptualisée, découlant d’une attitude face à «l’être et l’avoir», qui procède fondamentalement de l’idée que «l’on est non pas ce que l’on possède», mais «ce à quoi l’on peut accéder».

3.2.

Il est évident qu’une certaine économie du partage est aussi vieille que l’humanité et plonge ses racines historiques dans l’«économie du troc» des sociétés primitives et qu’elle n’a été progressivement détrônée de sa position qu’avec l’introduction de la monnaie, qui confère à son détenteur la possibilité d’acheter et, partant, d’avoir.

3.3.

Toutefois, les évolutions qui ont pris de l’importance sur le plan social et économique à partir des années 2000, avec l’utilisation de l’internet et des réseaux sociaux, ressortissent non pas à une relation réciproque de troc, mais plutôt à un «comportement prosocial non réciproque» ou, plus exactement, à «un acte et un processus qui consistent à partager ce que l’on a avec d’autres pour son usage ou à recevoir ou prendre, pour son propre usage, quelque chose d’autrui». L’économie du partage s’inspire donc de divers courants de pensée, qui vont du libre accès, universel et gratuit, à la connaissance jusqu’à l’économie de la fonctionnalité ou l’économie du don, axée sur des échanges dont le profit est absent. À la différence de l’économie de troc pur, celle du partage repose sur une notion de «contrepartie», monétaire ou non.

4.   Une pratique économiquement pertinente

4.1.

C’est de cette notion qu’il conviendra de partir pour délimiter le domaine propre et spécifique de l’économie du partage, sous ses différentes facettes, en énonçant les caractéristiques que ses usages doivent présenter et qui donnent la possibilité de les distinguer des autres pratiques économiques de marché.

4.2.

Au premier chef, son trait dominant et commun est qu’elle n’aboutit pas à conférer la propriété, ou la copropriété, sur les biens concernés, mais débouche sur une communauté d’usage ou d’utilisation.

4.3.

Par ailleurs, il est essentiel qu’une intermédiation soit assurée par une plate-forme qui, notamment par des moyens électronique, sous la forme d’un navigateur ou d’une application, mette en contact une pluralité, d’une part, d’acteurs disposant de biens ou de services et, d’autre part, d’utilisateurs.

4.4.

Un objectif commun et caractéristique de ce type d’activité consiste à améliorer la disponibilité (idling capacity) des biens ou des services concernés, grâce à leur partage.

4.5.

De même, on estime qu’il est capital, dans ce modèle économique, que les acteurs finaux ne ressortissent jamais à des relations contractuelles d’entreprises s’adressant à des consommateurs (B2C), mais soient essentiellement des «pairs» (P2P), qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, lesquelles peuvent également être des firmes pour autant qu’elles ne fassent pas de ce partage leur objet commercial: ainsi, une société peut partager avec une autre l’utilisation de son parc automobile ou d’une batterie d’équipements de reprographie. Néanmoins, on ne peut exclure la possibilité qu’une relation de «transaction» se crée entre deux «pairs».

4.6.

Le schéma ci-après illustre les différences entre les modèles économiques concernés:

Relation de pair à pair (P2P)

Relation d’entreprise à consommateur (B2C)

Image

Image

4.7.

Ce type de transaction implique une triangulation contractuelle complexe, qui se traduit dans les relations à nature de contrat qui sont entretenues, tout d’abord, entre le détenteur du bien ou le prestataire de services et l’entité qui gère la plate-forme, ensuite, entre l’utilisateur et l’entité qui joue les intermédiaires sur ladite plate-forme, éventuellement contre rémunération, et, enfin, entre ses différents utilisateurs pour cette utilisation.

4.8.

En conséquence, on estime qu’il ne faut pas ranger parmi les caractéristiques distinctives ou spécifiques de l’économie du partage les éléments suivants:

a)

la gratuité ou le caractère payant (Couchsurfing par opposition à Airbnb);

b)

la réciprocité des positions contractuelles;

c)

le caractère financier ou non de l’opération, d’où l’inclusion du financement participatif dans le périmètre de l’économie du partage;

d)

le simple partage de biens ou de services entre particuliers (le trajet dont on fait bénéficier un collègue, l’ami auquel on prête temporairement une chambre pour une nuit ou un séjour, le voisin dont le lave-linge est tombé en panne et auquel on propose d’utiliser le sien);

e)

l’échange ou la vente de biens en seconde main, étant donné qu’ils n’induisent pas de partage et ont pour effet un changement de propriété des objets concernés.

5.   Quelques exemples concrets de phénomènes qui relèvent ou ne relèvent pas de l’économie partagée

5.1.

Les limites de volume qui sont posées au présent avis ne donnent guère la possibilité ni d’y énoncer, ni, a fortiori, d’examiner en détail la nature de toute une palette, fort étendue, de situations qui se rattachent censément aux caractéristiques assignées à l’économie partagée.

5.2.

Pour illustrer l’objet du présent avis, il s’impose néanmoins de mentionner spécifiquement certaines d’entre elles.

5.2.1.

Dans le secteur de l’hébergement, on relèvera en particulier Airbnb, Rentalia, Homeaway, Couchsurfing et Bedycasa, qui sont des plates-formes sur lesquelles le propriétaire d’un bien immobilier s’inscrit afin de proposer de mettre à disposition soit l’une de ses chambres, soit le logement en totalité, tout en permettant que des auberges, petites structures hôtelières ou autres logis touristiques y affichent eux aussi leurs offres. Vu la facilité avec laquelle tout un chacun peut placer son bien sur ces réseaux de partage et dès lors que les propriétaires retirent de cette activité des gains de plus en plus élevés, la multiplication des hébergements dans ce segment du marché a donné lieu, notamment à Paris et à Amsterdam, à la conclusion d’accords de collaboration entre ces plates-formes et l’administration fiscale, aux fins d’assurer le recouvrement et le paiement de l’impôt dû. Amsterdam, Barcelone, Londres et Berlin ont institué un dispositif d’enregistrement obligatoire de ces logements et des règles qui en limitent l’utilisation dans le temps, dans l’objectif de ne pas porter préjudice à la location à long terme et d’éviter ainsi que les loyers n’augmentent.

5.2.2.

Dans le domaine du transport, on peut citer Blablacar, Umcoche, Liftshare ou Karzoo, soit des applications sur lesquelles peuvent s’inscrire les propriétaires de véhicules particuliers désireux de mettre à disposition les sièges libres de leurs voitures lors de leurs déplacements (covoiturage). Certaines d’entre elles autorisent un partage des frais de transport, mais aucune ne permet de percevoir des paiements à des fins lucratives. Uber, en revanche, se présente comme un cas de figure qui demande à être distingué des précédents, dans la mesure où il offre tout à la fois des dispositifs de partage de véhicules particuliers, en l’occurrence UberPop, qui est interdit sur pratiquement tout le territoire de l’Union, et la possibilité de demander une prestation de déplacement assurée par des chauffeurs professionnels, avec Uberblack et UberX, qui se rapprochent d’un service traditionnel de taxis. On ne voit pas clairement dans quelle catégorie il convient de le ranger et le modèle économique de l’entreprise manque également de transparence, les instances judiciaires ayant même déjà débattu de la question de savoir si les conducteurs d’Uber sont des salariés de cette société (2). Son offre a suscité des manifestations, parfois violentes, et débouché sur des procédures judiciaires un peu partout en Europe. L’Estonie et le Royaume-Uni sont les seuls pays de l’Union européenne à disposer d’une législation qui a entrepris de légaliser ces services, dans l’attente de la réponse que la Cour de justice de l’Union européenne doit apporter aux questions préjudicielles qui lui ont été soumises par un tribunal de Barcelone et un autre de Bruxelles pour en éclaircir la nature (3).

5.2.3.

Comme exemples de financement participatif, on peut citer des dispositifs qui consentent des prêts, avec paiement d’intérêts, tels que Zopa et Auxmoney, apportent des capitaux, moyennant participation au capital social de l’entreprise créée, par exemple avec Fundedbyme et Crowdcube, financent contre des récompenses, dans le cas de Kickstarter ou Indiegogo, ou encore accordent un soutien financier sous la forme de don, sans aucune contrepartie pour les montants versés.

6.   Nécessité de définir un concept

6.1.

Comme souvent, l’effort de conceptualisation ne suit pas une trajectoire linéaire, surtout s’il passe par une méthode inductive, car il demande du temps pour se consolider et dégager un consensus. Tel est également le cas en ce qui concerne le concept d’«économie partagée», qui apparaît dans les médias sociaux aux côtés d’autres notions, comme l’«économie sociale» ou l’«économie solidaire», l’«économie fonctionnelle», l’«économie verte», l’«économie bleue», l’«économie des solutions», l’«économie horizontale», l’«économie à la demande», l’«économie des plates-formes» ou encore l’«économie des petits boulots».

6.2.

De ce fait, certains auteurs choisissent de ne même pas tenter de donner une définition du phénomène, par crainte qu’elle ne soit pas suffisamment englobante ou qu’au contraire elle ne délimite pas correctement son champ d’application.

6.3.

Bien qu’ils fassent abondamment référence à la notion d’«économie du partage», les avis du CESE n’ont jamais essayé de la définir. De la même manière, celui que le Comité des régions (4) y a consacré tente bien d’établir une classification, en deux grandes catégories et quatre formes, mais ne se risque pas plus à la définir. Enfin, la Commission, dans sa récente communication «Améliorer le marché unique» (5), utilise plutôt l’expression d’«économie collaborative», prise comme son synonyme, mais, en lieu et place de lui donner une définition, elle se borne à en énumérer les avantages pour certains acteurs (consommateurs, travailleurs) et à insister sur ses effets dans le domaine de la productivité et de la durabilité, non sans promettre, pour 2016, un programme européen sur l’économie collaborative. Du côté du Parlement européen, on ne relève pas pour l’instant de contribution substantielle, hormis la résolution du 21 décembre 2015«Vers un acte sur le marché unique numérique» (6), quelques études, de grande qualité, et un certain nombre de notes sur des thématiques ponctuelles. Jusqu’à présent, néanmoins, personne n’a procédé, dans un de ces documents, à une étude d’impact du point de vue de la création d’emplois et de la croissance.

6.4.

Sur ce point, on estime qu’il n’y a pas lieu de vouloir faire preuve d’originalité dès lors que, parmi les multiples définitions qui ont été formulées, il en existe une qui apparaît recueillir une large adhésion: on adoptera donc celle que Botsman et Rogers ont donnée, définissant l’«économie partagée» comme «un système économique fondé sur le partage direct entre particuliers, gratuitement ou contre rémunération, de biens ou de services sous-utilisés», par le truchement de plates-formes en ligne, bien qu’il serait possible de mieux assister la prise de décision politique et de rendre la régulation plus adéquate si l’on établissait des distinctions analytiques plus précises quant au contenu de la notion de «partage», en l’occurrence son caractère «non lucratif», ainsi qu’aux éléments qui sont fondés sur la plate-forme concernée.

6.5.

Cette définition est suffisamment large pour embrasser des domaines aussi variés que la production ou la consommation, en passant par les mécanismes financiers (financement participatif) ou la connaissance elle-même, et permettre d’y distinguer quatre secteurs relativement autonomes: la consommation collaborative, l’éducation, la formation et la connaissance collaboratives, le financement collaboratif et, enfin, la production collaborative (7).

6.6.

Cette définition offre également la possibilité d’opérer la distinction avec des modèles économiques qui, s’avançant sous le couvert de l’économie partagée, recouvrent en fait des activités qui ont une finalité exclusivement lucrative et ressortissent à des schémas «de l’entreprise au consommateur» (B2C). Cette conclusion peut se déduire d’une analyse de la manière dont fonctionnent ces plates-formes, même si elle n’est pas toujours transparente, et l’on peut trouver des cas de dispositifs, ressortissant véritablement à l’économie partagée, pour lesquels la relation nouée par la plate-forme est du type «de pair à pair» (P2P) et ladite plate-forme a pour seul rôle de faciliter ces contacts entre pairs, mais également d’autres exemples d’entreprises qui, revêtant les apparences d’une plate-forme de pair à pair, interviennent à ce point dans les transactions, que ce soit en prélevant des commissions, en jouant le rôle de destinataires des paiements ou en assurant des services annexes, qu’il convient de les traiter non plus comme des parties prenantes de l’économie partagée, mais comme des prestataires de services d’entreprise aux consommateurs, avec les conséquences qui en découlent.

6.7.

Par voie de conséquence, cette définition offre en outre la possibilité d’exclure du champ de l’économie du partage certains types d’activités que d’aucuns ont voulu y inclure, comme, entre autres exemples:

a)

le partage de denrées alimentaires ou de biens de consommation non durables;

b)

les mutuelles et coopératives;

c)

l’entrepreneuriat social;

d)

les initiatives de bienfaisance;

e)

l’économie à la demande;

f)

l’économie de la fonctionnalité, qui se rattache plutôt à celle de type circulaire;

g)

l’intermédiation pure et simple.

7.   La visibilité économique croissante du phénomène et quelques pistes politiques à développer

7.1.

Bien qu’il n’existe pas encore de définition tout à fait claire du champ que couvre le phénomène, on a assisté à une multiplication des études et enquêtes visant à en déterminer le poids économique, au niveau de l’Union européenne et du monde entier.

7.2.

Il est dès lors incontestable que ces dernières années et, précisément, dans ces temps de crise et en réaction à cette conjoncture, le nombre d’initiatives d’économie partagée n’a cessé de croître; le site internet www.collaborativeconsumption.com en recense plus d’un millier.

7.3.

Des estimations dont la Commission européenne a fait usage montrent qu’en 2013 les activités qui se rangent dans la catégorie de l’«économie du partage» ont représenté, au niveau mondial, un chiffre d’affaires qui a atteint 3,5 milliards de dollars des États-Unis (USD), affichant une croissance annuelle de 25 %. Aujourd’hui, on en serait désormais à 20 milliards d’USD. Les prévisions effectuées par le bureau d’étude PwC tablent sur une croissance nettement plus forte d’ici 2025 (8).

7.4.

En plus de générer de la valeur économique, l’économie du partage constitue, dans sa dimension sociale et environnementale, un facteur qui resserre les liens de solidarité entre les citoyens, revitalise l’économie locale, crée de l’emploi, rationalise la consommation des ménages, par la mutualisation de l’utilisation de certains biens, réduit l’empreinte énergétique et favorise une consommation plus responsable et durable.

7.5.

Le CESE estime néanmoins que ce type d’économie «représente une innovation qui consiste à compléter l’économie de la production par une économie de l’utilisation, source d’avantages économiques, sociaux et environnementaux», et que, de plus, il «offre une solution à la crise économique et financière» (9).

7.6.

En conséquence, le CESE n’a pas hésité à presser la Commission de mettre en œuvre toute une série de mesures, de nature politique, qui sont indispensables pour qu’au niveau de l’Union et dans chaque État membre, l’économie partagée, sous ses multiples formes et modalités, soit soutenue et mise en œuvre, qu’elle gagne en crédibilité et suscite davantage la confiance. Dans le cadre du présent avis, on ne peut donc que réitérer les positions que le CESE a déjà adoptées sur ces aspects de la question et auxquelles on renverra expressément. En conséquence, il considère que les nouveaux modèles économiques que constituent les plates-formes soulèvent des questions urgentes s’agissant, notamment, d’assurer l’application de la législation nationale, les droits des travailleurs et des rémunérations correctes. Il invite la Commission à se pencher sur ces préoccupations, si elle souhaite que puissent se concrétiser les avantages que ces schémas d’activité recèlent pour la société.

7.7.

Il importe aussi de lancer un appel quant à l’urgence de produire des définitions, des orientations ou des lignes directrices au niveau européen, dans la mesure où certains États membres s’emploient déjà à définir leurs propres politiques, isolément et par anticipation, face au retard qu’accusent les institutions européennes et à leur apparente absence de détermination.

8.   Une activité protégée par le droit

8.1.    Les intérêts concernés et leur protection juridique

8.1.1.

Comme toute activité mettant en relation des personnes qui ont leurs intérêts propres, éventuellement contradictoires, l’économie partagée entre dans le champ du droit et de la réglementation qui régissent lesdits intérêts. En conséquence, il convient de fustiger, pour son manque total de sérieux, la position de ceux qui prétendent que l’économie du partage doit être une zone de «non-droit», dans laquelle il convient que règne une liberté dégagée de quelconques barrières ou contraintes et reposant exclusivement sur la confiance dans la bonté naturelle de l’homme, à l’image du «bon sauvage» de Rousseau.

8.1.2.

Si le CESE a soutenu, de manière aussi constante que cohérente, que toute activité économique doit être protégée par le droit, une autre thèse qu’il a toujours défendue est que ces dispositions peuvent en revanche ressortir à des catégories différentes, dont l’articulation doit en tout état de cause être harmonieuse.

8.1.3.

Dans son récent avis sur le rôle de l’autorégulation et de la corégulation dans l’Union européenne (10), au contenu duquel on renvoie ici, le CESE a soutenu en particulier, entre autres positions, que ces deux formes de régulation, en tant que «mécanismes, spontanés ou induits, de régulation des intérêts économiques et sociaux ou des relations et des pratiques commerciales des différents acteurs économiques», doivent être considérés comme «des instruments complémentaires ou supplémentaires importants qui s’ajoutent à l’hétérorégulation (législation contraignante, hard law)», dont la validité dépend de ce que «leur configuration et leur champ d’application doivent être définis par des dispositions expresses et explicites de la législation contraignante et être applicables par voie judiciaire, au niveau tant national qu’européen; lesdites dispositions doivent en outre respecter la nature de ces instruments, en particulier l’accord volontaire des parties».

8.2.    Les droits et obligations

8.2.1.

En effet, dès lors qu’elles prennent les contours d’une activité économique et que les droits et obligations réciproques des parties revêtent un caractère contractuel, les pratiques purement spontanées menées entre particuliers doivent ipso facto être soumises aux dispositions, nationales ou européennes, qui forment l’encadrement juridique des droits et obligations des uns et des autres.

8.2.2.

Il se fait que la complexité des relations qui sont à l’œuvre dans ce phénomène, telle que décrite dans le paragraphe 4.7, est de nature à justifier que l’on définisse un cadre juridique dans lequel les intervenants devront opérer, en particulier quand les activités concernées présentent un caractère hybride, comme le sont les cas de figure des prestations à service de base gratuit et fonctionnalités supplémentaires payantes (freemium) ou des logiciels dont la rétribution est laissée à l’appréciation des utilisateurs (donationware), qui ont été bien mis en évidence dans l’exemple emblématique des actions de constitution de géocaches (geocaching).

8.2.3.

Dans la mesure où, de par sa nature même, le phénomène dépasse manifestement les frontières des États membres, il est nécessaire que l’Union définisse, pour son espace commun et intégré du grand marché unique, un cadre juridique qui soit applicable chaque fois que ces activités s’exercent à l’échelle transfrontière. L’absence d’un tel cadre juridique a d’ores et déjà suscité, dans différents États membres, une série de prises de position disparates et contradictoires sur certains dossiers concrets, comme celui d’Uber, à l’image des développements auxquels on assiste également aux États-Unis.

8.2.4.

Ce cadre juridique relève notamment des domaines prioritaires suivants:

a)

la protection des droits de toutes les parties prenantes qui interviennent dans l’économie partagée, y compris les «prosommateurs», par une action qui adapte à ces relations l’intégralité de l’acquis du droit de l’Union en vigueur concernant les droits des consommateurs, notamment en rapport avec les clauses abusives, les pratiques commerciales déloyales, la santé et la sécurité, ou encore le commerce électronique;

b)

les droits fondamentaux des «consommateurs», qui doivent pouvoir être étendus à ladite activité (information, transparence, protection des données et de la vie privée, santé et sécurité);

c)

une préservation des données des intervenants et de leur vie privée, vis-à-vis du traçage et du profilage, qui garantisse la portabilité desdites données;

d)

le droit de la concurrence, dans la mesure où ce type d’activité entre en concurrence sur le marché avec des entreprises qui poursuivent des finalités et activités identiques et où il garantit une concurrence loyale et lutte contre les monopoles et les pratiques anticoncurrentielles et œuvre à relever les autres défis posés par l’économie du partage;

e)

le droit de la fiscalité, étant donné qu’il convient d’éviter, en luttant contre la fraude et l’évasion fiscales, que les revenus de ces activités n’échappent à une taxation adéquate;

f)

la responsabilité des plates-formes vis-à-vis des transactions, en fonction des prestations assurées et en proportion du niveau de l’intervention effectuée par elles dans les opérations qui se réalisent par leur entremise, ainsi que la garantie que leurs offres respectent la légalité;

g)

l’impact de ces activités sur le marché de l’emploi et la définition même de la notion de «travail» dans un contexte numérique et des formes qu’il revêt;

h)

la protection des travailleurs, l’enjeu étant d’opérer une distinction concernant la situation de ceux qui n’ont pas une relation de travail effective avec la plate-forme, de les protéger suivant les principes applicables aux actifs indépendants et d’appliquer les principes de protection des salariés à ceux qui peuvent effectivement être considérés comme des employés de ces structures, en particulier pour ce qui concerne les «faux» indépendants ou le travail précaire;

i)

la préservation des droits et outils sociaux des travailleurs, comme le droit d’association, de grève, de conclusion de conventions collectives ou de dialogue social;

j)

la sauvegarde des modèles sociaux et de la capacité des États membres à les préserver durablement à l’avenir;

k)

la dimension environnementale, s’agissant de contrôler l’incidence que l’économie collaborative produit sur l’environnement, afin d’éviter des retombées négatives (11);

l)

les droits d’auteur et la propriété intellectuelle, à prendre en considération dans la révision de la directive 2001/29/CE.

8.3.    Les formules de réglementation

8.3.1.

Au niveau de l’Union, qui est le seul pertinent pour le présent avis, le CESE estime que ses institutions, à commencer par la Commission, en raison de son pouvoir d’initiative, mais aussi le Parlement européen et le Conseil, doivent se fixer pour objectif de veiller avec une attention toute particulière et sans délai à adopter un cadre réglementaire qui définisse exactement son champ d’application et les conditions dans lesquelles cette activité doit s’exercer, étant entendu que les mesures doivent être adaptées aux différents types d’économies partagées.

8.3.2.

Cet encadrement doit donner une place de choix aux principes communs de l’intérêt et de l’ordre publics, dans lesquels il conviendra de voir des impératifs qui devront être obligatoirement respectés par les acteurs de ces formes d’activité économique et qui ont notamment trait aux points mentionnés dans le paragraphe 8.2.4.

8.3.3.

Toutefois, comme le CESE n’a cessé de l’affirmer, il existe en parallèle et dans le même temps tout un espace qui doit être réservé à l’autorégulation et à la corégulation — il apparaît même que l’on a ici affaire à un dossier exemplaire de la démarche que l’on a d’ores et déjà qualifiée de «réglementation partagée», comme l’a récemment soutenu la Société royale pour l’encouragement des arts, de l’industrie et du commerce (RSA House), de Londres, ou le code de conduite élaboré par Sharing Economy UK [«Économie du partage Royaume-Uni», SEUK (12)].

8.4.    Un rôle spécial pour l’autoréglementation

8.4.1.

La position du CESE a toujours été que ni les institutions de l’Union ni les pouvoirs publics nationaux ne peuvent définir la teneur des codes d’autorégulation, qui doit être laissée à l’entière appréciation des parties concernées, pour autant que celles-ci ne cherchent pas à obtenir une reconnaissance mutuellement contraignante.

8.4.2.

Néanmoins, dès lors que ces accords prétendent à être reconnus «en tant qu’instrument accessoire de régulation dans l’ordre juridique» qui est concerné, le CESE estime, dans son avis susmentionné, que l’Union «doit clairement définir les paramètres régissant leur reconnaissance ainsi que les principes auxquels ils doivent obéir, de même que leurs limites». Cette doctrine s’applique tout à fait au cas de l’économie du partage, qui ne peut en être exemptée.

8.4.3.

Le CESE déplore que le Parlement européen, le Conseil et la Commission n’aient pas affiné leur nouvel accord interinstitutionnel, adopté le 13 avril 2016, dans le sens que le CESE avait préconisé dans son avis susmentionné sur l’autorégulation et la corégulation, en ce qui concerne les éléments qui figuraient, en la matière, dans celui qui a précédé, et il regrette que dans la communication sur le train de mesures «Mieux légiférer», hormis quelques allusions éparses dans les «lignes directrices» et la «boîte à outils», la présence de cette thématique se réduise à présent à une vague mention, renvoyant à une note infrapaginale qui énonce les principes pour un meilleur usage desdites autorégulation et corégulation et une plate-forme de communication sur les progrès accomplis (CoP).

8.4.4.

Or, s’il existe un domaine dans lequel la définition des paramètres énoncés ci-dessus devient tout à fait nécessaire pour qu’il devienne crédible auprès de ses utilisateurs et suscite leur confiance envers lui, c’est assurément celui de l’économie partagée, qui aurait beaucoup à gagner de bénéficier de l’armature solide que lui conférerait un encadrement responsable d’autorégulation ou de corégulation à l’échelle européenne.

8.4.5.

Dès lors, le CESE attend avec grand intérêt le «programme européen sur l’économie collaborative», en encourageant dès à présent la Commission à n’y négliger ni les aspects de réglementation de cette activité ni le rôle que doivent y jouer l’autorégulation et la corégulation.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 177 du 11.6.2014, p. 1.

(2)  http://www.theguardian.com/technology/2015/sep/11/uber-driver-employee-ruling.

(3)  JO C 363 du 3.11.2015, p 21 et JO C 429 du 21.12.2015, p. 9.

(4)  JO C 51 du 10.2.2016, p. 28.

(5)  COM(2015) 550 final, p. 4.

(6)  A8-0371/2015.

(7)  http://www.euro-freelancers.eu/marco-torregrossa-presentation-on-the-sharing-economy-2/.

(8)  http://www.cpcp.be/medias/pdfs/publications/economie_collaborative.pdf.

(9)  JO C 177 du 11.6.2014, p. 1.

(10)  JO C 291 du 4.9.2015, p. 29.

(11)  http://www.iddri.org/Evenements/Interventions/ST0314_DD%20ASN_sharing%20economy.pdf.

(12)  http://www.sharingeconomyuk.com.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/45


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «REFIT»

(avis exploratoire)

(2016/C 303/06)

Rapporteur:

Denis MEYNENT

Le 13 janvier 2016, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur le thème:

«REFIT»

(avis exploratoire).

Le sous-comité «REFIT», créé au titre de l’article 19 du règlement intérieur et chargé de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son projet d’avis le 19 avril 2016 à l’unanimité.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 26 mai 2016), le CESE a adopté le présent avis par 185 voix pour, 4 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité rappelle que l’objectif premier du programme REFIT (1) est d’améliorer la qualité et l’efficacité de la législation européenne et d’élaborer des réglementations simples, compréhensibles et cohérentes, sans remettre en question les objectifs stratégiques établis ni agir au détriment de la protection des citoyens, des consommateurs, des travailleurs et du dialogue social ou de l’environnement.

1.2.

La réglementation européenne est un facteur d’intégration essentiel qui ne constitue pas une charge ou un coût à réduire. Bien proportionnée, elle est au contraire un gage de protection, de promotion et de sécurité juridique important pour tous les acteurs et citoyens européens.

1.3.

Les analyses d’impact de toute proposition législative doivent être intégrées et donner aux dimensions économiques, sociales et environnementales, y compris pour les petites et moyennes entreprises (PME), toute l’importance qui leur revient. Le Comité plaide pour que le Parlement européen, le Conseil et la Commission puissent s’accorder sur une méthodologie commune concernant l’analyse d’impact, dont le Comité et le Comité des régions (CdR) pourront également s’inspirer.

1.4.

Le processus de consultation publique, de même que la consultation des experts et des parties prenantes, doit être aussi ouvert que possible, mais ne saurait se substituer aux consultations des partenaires sociaux et du Comité.

1.5.

Le Comité demande à la Commission d’intégrer dans son tableau de bord une évaluation annuelle des principaux coûts et bénéfices des mesures du programme REFIT, sur le plan quantitatif et qualitatif, y compris concernant le niveau et la qualité de l’emploi, la protection sociale et environnementale et la protection des consommateurs.

1.6.

Le processus décisionnel doit rester aussi fluide et pertinent que possible. Tous les organes et tous les filtres créés pour en vérifier le bien-fondé ne peuvent attenter à la décision politique, qui doit rester souveraine. À cet égard, il faut lutter contre la bureaucratisation du processus décisionnel.

1.7.

Le Comité prend acte de la mise en place de la plate-forme REFIT, qui a notamment reçu pour mandat d’œuvrer en faveur d’une législation plus efficace et de règles administratives plus simples. Il souligne que celle-ci devrait se limiter à l’examen limité d’un nombre de thèmes et ne saurait remplacer les colégislateurs ou les consultations obligatoires du Comité — ses travaux étant d’une nature différente — et des partenaires sociaux prévues par les traités. Il invite la Commission à rendre publics les critères de présélection des suggestions adressées à la plate-forme, à veiller à leur équilibre et à faire la clarté sur les suites données aux préconisations de la plate-forme, de manière à permettre une traçabilité des influences.

1.8.

En ce qui concerne la représentativité de la plate-forme REFIT, le Comité estime que l’octroi de deux sièges supplémentaires lui permettrait de respecter pleinement la nature de son mandat et de refléter ainsi la société civile qu’il est chargé de représenter. Par ailleurs, le Comité constate l’absence de représentation paneuropéenne des micro-, petites et moyennes entreprises dans le «groupe des parties prenantes» de la plate-forme et demande qu’il y soit remédié dès que possible.

1.9.

Le Comité, qui présente l’avantage d’un contact direct avec la réalité du terrain et bénéficie d’un vaste réseau d’organisations au niveau national et de l’expertise de ses membres, est bien placé pour apporter une contribution significative aux évaluations d’impact réalisées au niveau européen. Il entend privilégier les évaluations ex post et qualitatives, à même de cerner l’impact d’une intervention législative ou d’une politique européenne, et de faire remonter le vécu et le ressenti des partenaires économiques et sociaux européens.

1.10.

Dans le cas de la transposition de certaines directives, le Comité souhaite apporter une contribution spécifique au rapport d’initiative du Parlement européen sur le rapport annuel relatif à la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne par les États membres, en ciblant les ajouts apportés par les États membres lors de la transposition.

1.11.

Le Comité appelle le programme REFIT à être un exercice qui fonctionne dans les deux sens, c’est-à-dire qui ne préjuge pas, a priori, de l’orientation qu’il faut donner à la réglementation: validation, ajout, complément, modification ou suppression d’un acte législatif.

1.12.

Le Comité ne saurait accepter de s’engager dans un exercice d’objectifs ciblés de réduction de l’acquis de l’Union sur une base quantitative sans en mesurer au préalable toutes les conséquences sur la protection sociale et environnementale et la protection des consommateurs.

1.13.

Le Comité est favorable à une évaluation ex post plus rigoureuse des effets de la réglementation de l’Union dans le cadre du cycle politique de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne les retombées attendues sur la croissance et l’emploi indiquées dans l’analyse d’impact accompagnant la proposition législative initiale. Les analyses ex post devraient être réalisées de manière pluraliste à l’issue d’un laps de temps raisonnable après la date limite de transposition dans le droit national.

2.   Observations générales

2.1.

Le Comité rappelle que la législation est essentielle pour atteindre les objectifs du traité ainsi que pour instaurer les conditions d’une croissance intelligente, durable et inclusive au profit des citoyens, des entreprises et des travailleurs (2). La réglementation contribue également à améliorer le bien-être, à protéger l’intérêt général et les droits fondamentaux, à promouvoir un haut niveau de protection sociale et environnementale et à assurer la sécurité et la prévisibilité juridiques. Elle devrait empêcher la distorsion de concurrence et le dumping social.

2.2.

Le Comité se félicite, dès lors, que le vice-président Timmermans ait rappelé à plusieurs reprises que le programme REFIT ne pouvait conduire à une déréglementation de l’acquis de l’Union ni avoir pour effet de réduire le niveau de protection sociale, la protection de l’environnement et les droits fondamentaux (3).

2.3.

Le Comité estime que la réglementation génère des coûts et des charges administratives qui peuvent se révéler lourdes ou non nécessaires, mais également des bénéfices substantiels pour les citoyens, les entreprises et les autorités publiques. Il rappelle que la réglementation intelligente doit toujours chercher à atteindre une réelle valeur ajoutée. Chaque fois que c’est possible, les règles de l’Union doivent supprimer des charges plutôt que d’en créer de nouvelles.

2.4.

Le Comité estime que le «Mieux légiférer» doit privilégier la réponse la plus adéquate pour approfondir l’achèvement du marché intérieur de l’Union: harmonisation ciblée, application pertinente du principe de reconnaissance mutuelle dans les domaines non harmonisés, corégulation, autorégulation et normalisation. Le Comité rappelle à cet égard qu’une harmonisation ciblée et intelligente des législations contribue à lever les entraves au bon fonctionnement du marché intérieur. Une harmonisation des 28 législations nationales constitue, pour les entreprises et les citoyens de l’Union, une source importante de simplification et de réduction de la charge réglementaire et administrative.

2.5.

Le Comité rappelle que l’objectif premier du programme REFIT est d’améliorer la qualité et l’efficacité de la législation européenne et d’élaborer des réglementations simples, compréhensibles et cohérentes, sans remettre en question les objectifs stratégiques établis ni agir au détriment de la protection des citoyens, des consommateurs, des travailleurs et du dialogue social ou de l’environnement.

2.6.

Le Comité rappelle à cet égard son attachement à ce que la législation considérée et la charge qui lui est liée soient utiles, qu’elles procurent des bénéfices finaux supérieurs aux coûts qu’elles génèrent, et que la législation soit proportionnée et assure une sécurité juridique suffisante.

2.7.    Au niveau de l’évaluation d’impact

2.7.1.

Le Comité prend acte de la signature de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» intervenu entre les trois institutions le 13 avril 2016.

2.7.2.

Le Comité salue notamment le fait que les trois institutions aient reconnu que le système d’analyse d’impact est un instrument qui doit les aider à parvenir à des décisions bien informées, et qui ne se substitue pas aux décisions politiques (4).

2.7.3.

Le Comité se félicite de ce que la Commission inclue dans le cadre de ses analyses d’impact intégrées, équilibrées et pluralistes non seulement des solutions alternatives qui concernent le coût de la non-Europe et l’impact sur la compétitivité des différentes options, mais également l’incidence des propositions sur les PME et les microentreprises ainsi que la dimension numérique et territoriale (5).

2.7.4.

Le Comité se félicite de ce que la Commission puisse compléter son analyse d’impact de sa propre initiative ou sur demande du Parlement européen ou du Conseil, mais regrette que chaque institution détermine seule la manière d’organiser son travail d’évaluation. Le Comité plaide pour que les trois institutions puissent s’accorder sur une méthodologie commune concernant l’analyse d’impact, dont le CESE et le CdR pourront également s’inspirer pour fonder leurs propres amendements.

2.7.5.

Du point de vue du Comité, les évaluations d’impact doivent être réalisées au sein même des institutions européennes. Néanmoins, lorsqu’il est envisagé de recourir à des consultants privés pour des raisons précises, le Comité insiste pour que:

le cahier des charges soit rédigé de manière impartiale, sur la base de critères transparents et clairs, et qu’il soit rendu public à l’avance,

la sélection des candidats se fasse dans des conditions de totale transparence, sur la base d’un appel d’offres large et pluraliste permettant la rotation des consultants retenus et la vérification de leurs compétences,

l’attribution du marché soit rendue publique.

2.8.    Au niveau de la consultation des parties prenantes

2.8.1.

Le Comité estime que la consultation des parties prenantes et des experts ne doit remplacer ni la consultation des partenaires sociaux, du Comité et du CdR, qui interviennent à des moments bien précis du cycle législatif et dans les limites fixées par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ni les consultations existantes au niveau national, qui doivent reposer sur une participation renforcée des partenaires sociaux. Il souligne qu’une cartographie appropriée des parties prenantes est essentielle à une bonne représentativité des acteurs et à une procédure de consultation de qualité, et invite la Commission à s’appuyer pour ce faire sur le registre de transparence.

2.8.2.

Le Comité demande que la consultation s’effectue sans préjudice du dialogue civil structuré (article 11, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne) ou des consultations ayant lieu dans des cadres spécifiques, telles que la consultation des partenaires sociaux menée dans le cadre du dialogue social (organisations patronales et syndicales) (article 154 du TFUE) ou de la consultation des organes consultatifs tels que le CESE (article 304 du TFUE).

2.8.3.

Le Comité souligne qu’une bonne répartition, géographique et par groupe cible, avec une attention particulière aux groupes sous-représentés, doit être assurée dans la «cartographie des parties prenantes». Un mécanisme de pondération motivée devra être appliqué dans le cadre de l’analyse des réponses aux consultations (6).

2.9.    Au niveau du programme REFIT

2.9.1.

Le Comité prend acte des objectifs généraux du programme REFIT développé par la Commission et renvoie notamment à ses avis (7) traitant du programme «Mieux légiférer» et de la «réglementation intelligente». Selon le Comité, une «réglementation intelligente» ne dispense pas de respecter la réglementation relative à la protection des citoyens, des consommateurs et des travailleurs, les normes d’égalité entre femmes et hommes ou les normes environnementales, et ne peut avoir pour effet d’en empêcher les améliorations. Elle doit aussi respecter la dimension sociale du marché intérieur telle que prévue par le traité, notamment au niveau de la transposition des accords négociés dans le cadre du dialogue social européen.

2.9.2.

Le Comité note que la Commission cherche à améliorer le processus et la qualité des instruments destinés à assurer un suivi optimal de la mise en œuvre.

2.9.3.

Le Comité demande à la Commission d’intégrer dans son tableau de bord une évaluation annuelle des principaux coûts et bénéfices des mesures du programme REFIT, sur le plan quantitatif et qualitatif, y compris concernant le niveau et la qualité de l’emploi, la protection sociale et environnementale et la protection des consommateurs.

2.9.4.

Le Comité précise que l’amélioration de la réglementation ne peut et ne saurait se substituer aux décisions politiques.

2.10.    Plate-forme REFIT

2.10.1.

Le Comité prend acte de la mise en place de la plate-forme REFIT à laquelle il participe, qui doit analyser les propositions visant à réduire la charge administrative et réglementaire inutile et à faciliter l’application de la législation européenne dans les États membres. Il note que les domaines relevant du dialogue social et de la compétence des partenaires sociaux ont été écartés des attributions de la plate-forme.

2.10.2.

Le Comité observe toutefois que la plate-forme doit:

rester une enceinte d’échange de nature consultative, qui ne saurait modifier le fonctionnement normal des institutions, et notamment celui des colégislateurs,

respecter la consultation du Comité et les autres consultations obligatoires prévues dans les traités, notamment à l’article 154 du TFUE en ce qui concerne les partenaires sociaux,

se limiter à l’examen d’un nombre restreint de thèmes.

2.10.3.

Le Comité s’attend également à ce que:

cette plate-forme ne duplique pas les processus de consultation mis en œuvre par ailleurs et ne constitue pas une étape bureaucratique inutile,

la plate-forme n’interfère pas dans le processus décisionnel au motif qu’elle aurait été saisie, aurait consacré un débat à une question spécifique ou aurait suggéré une voie particulière d’intervention.

2.10.4.

Le Comité attire l’attention sur le fait que le grand nombre de participants à cette plate-forme, la nature très différente des intervenants (États membres, partenaires sociaux, organisations non gouvernementales, membres de la société civile), le champ très vaste des sujets inscrits à l’ordre du jour ainsi que la fréquence limitée des réunions ne sont pas de nature à générer des discussions approfondies sur les suggestions traitées par la plate-forme.

2.11.    Au niveau de la représentativité de la plate-forme REFIT

2.11.1.

Le Comité souligne à cet égard qu’il ne dispose que d’un seul siège et participe aux travaux sur la base d’une rotation entre ses trois groupes alors qu’il est une institution établie par les traités, représentative de la diversité de l’Union.

2.11.2.

Le Comité estime dès lors que l’octroi de deux sièges supplémentaires permettrait de respecter la nature tripartite de l’institution et de son mandat, et de refléter ainsi la société civile qu’elle est chargée de représenter.

2.11.3.

Le Comité constate l’absence de représentation paneuropéenne des micro-, petites et moyennes entreprises dans le «groupe des parties prenantes» de la plate-forme et demande qu’il y soit remédié dès que possible.

2.12.    Concernant le fonctionnement de la plate-forme

2.12.1.

Le Comité invite la Commission:

à clarifier les modalités et les critères de sélection des parties représentées à la plate-forme,

à s’assurer que chaque représentant(e) des parties prenantes dispose des moyens matériels lui permettant de préparer les réunions et d’intervenir utilement lors de celles-ci,

à rendre publics le nombre et les critères de présélection des suggestions reçues par la Commission et transmises ensuite à la plate-forme,

à veiller à la bonne représentativité des suggestions (États membres, partenaires sociaux, membres de la société civile),

à fournir, en temps opportun, des documents préparatoires exhaustifs et utiles à l’intention des membres, pour leur permettre de se préparer à la réunion dans des conditions optimales en vue de contribuer efficacement à l’exercice dans son ensemble,

à assurer le suivi des préconisations, de manière à permettre une traçabilité des influences,

à publier les résultats obtenus dans le cadre des travaux de la plate-forme.

3.   Observations secondaires

3.1.    Évaluation des politiques de l’Union européenne

3.1.1.

Le Comité rappelle qu’il doit être considéré comme un partenaire institutionnel à part entière et non comme une sous-catégorie des parties prenantes aux intérêts multiples, variés et contradictoires.

3.1.2.

Le Comité rappelle qu’ayant l’avantage d’un contact direct avec la réalité du terrain et bénéficiant d’un vaste réseau d’organisations au niveau national et de l’expertise de ses membres, il est bien positionné pour apporter une contribution significative à cette évaluation d’impact.

3.1.3.

Le Comité souligne que cette activité d’évaluation sera de nature à renforcer ses relations avec les différentes organisations de la société civile et lui permettra d’accroître davantage ce rôle de pont entre les institutions et les représentants de la société civile.

3.1.4.

Le CESE précise que cette évaluation qu’il entreprendra s’exprimera sous forme de recommandations sur la politique et que celles-ci mettront en évidence les principales incidences de la politique à l’examen sur la société civile en proposant la meilleure marche à suivre pour l’avenir.

3.1.5.

Le Comité souligne qu’il devra privilégier les évaluations ex post et qualitatives, à même de cerner l’impact d’une intervention législative ou d’une politique européenne et de faire remonter le vécu et le ressenti des partenaires économiques et sociaux européens.

3.1.6.

Le Comité est d’avis que les évaluations ex post du Parlement européen et de la Commission auxquelles il contribuera devraient servir de base à une modification législative ou à une nouvelle législation sur laquelle il sera consulté.

3.1.7.

Le Comité se réjouit de ce qu’il puisse s’inscrire ainsi pleinement dans le cycle législatif et multiplier les possibilités de contribuer à la définition des futures stratégies politiques de l’Union.

3.2.    Transposition des directives

3.2.1.

Dans le cadre de la transposition des directives dans le droit national, les États membres ajoutent parfois des éléments qui ne sont aucunement liés à la législation de l’Union concernée; le Comité estime dès lors que ces ajouts devraient être mis en évidence soit par l’acte ou les actes de transposition, soit par des documents y relatifs (8). Dans ce contexte, le Comité estime que le terme de «gold-plating», qui se réfère à la «surréglementation», est une expression qu’il ne doit pas utiliser dans la mesure où elle stigmatise certaines pratiques nationales tout en excluant une approche différenciée et flexible.

3.2.2.

Le Comité considère que, dans des cas d’harmonisation minimale, les États membres doivent garder la faculté de prévoir, dans leur droit interne, des dispositions qui ont pour objectifs la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, une protection sociale adéquate, un niveau d’emploi élevé et durable et la lutte contre les exclusions (9), la promotion et le développement des PME, ainsi qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine ou des consommateurs (10) et de protection dans le domaine de l’environnement (11), sans pour autant créer de barrières réglementaires ou administratives inutiles, et qu’il importe donc de privilégier les règlements plutôt que les directives, chaque fois que cela sera possible.

3.2.3.

Le Comité constate que les efforts déployés pour assurer une harmonisation maximale dans les propositions législatives conduisent bien souvent à une multitude de dérogations et d’exclusions ayant pour effet de créer et de légitimer des barrières supplémentaires au marché intérieur.

3.2.4.

Le Comité estime qu’il peut jouer un rôle utile en tant qu’intermédiaire entre législateurs et usagers de la législation de l’Union et apporter une contribution spécifique au rapport d’initiative du Parlement européen sur le rapport annuel relatif à la mise en œuvre de la législation de l’Union européenne par les États membres en ciblant les ajouts apportés par les États membres lors de la transposition, et estime à cet égard que l’étude de son Observatoire du marché unique sur «Les effets de la directive “Services” sur le secteur de la construction» (12) ainsi que l’étude de son Observatoire du marché du travail sur le chômage des jeunes (13), pour ne citer que deux exemples, pourraient s’avérer utiles sur le plan de la méthodologie.

3.3.    Dimension prospective

3.3.1.

Le Comité appelle le programme REFIT à être un exercice qui fonctionne dans les deux sens, c’est-à-dire qui ne préjuge pas, a priori, de l’orientation qu’il faut donner à la réglementation: ajout, complément, modification ou suppression d’un acte législatif.

3.3.2.

Le Comité est d’accord sur le fait qu’un criblage et une réévaluation permanents de l’acquis de l’Union soient réalisés par la Commission, notamment en examinant la pertinence et la valeur ajoutée des actes législatifs et non législatifs de l’Union.

3.3.3.

Le Comité estime que le caractère intégré et holistique des analyses d’impact est fondamental et que la Commission ne doit pas se concentrer uniquement sur la dimension de la compétitivité; il considère qu’il importe de prendre dûment en compte la valeur ajoutée de l’intervention de l’Union et que l’analyse coûts-bénéfices devrait envisager tous les aspects, en ce compris les coûts de l’absence d’action.

3.3.4.   Analyse d’impact

3.3.4.1.

Le Comité estime que la multiplication des critères d’analyse d’impact ne peut pas conduire la Commission à ne pas agir ou à refuser une initiative au motif qu’un ou plusieurs critères ne seraient pas rencontrés; il estime dès lors que la Commission doit pondérer les critères entre eux et estime également que la multiplicité des critères ne peut conduire à une forme de bureaucratisation du processus décisionnel et à une abstinence législative.

3.3.4.2.

Le Comité accorde une attention particulière au principe «priorité aux PME» (Think Small First) et au test PME, notamment dans le cadre de son avis sur le Small Business Act (14), mais estime qu’il n’est pas opportun d’octroyer aux microentreprises des exemptions généralisées et qu’il serait plus judicieux d’adopter, s’agissant des propositions législatives, une approche au cas par cas, sur la base d’une analyse d’impact minutieuse.

3.3.4.3.

Le Comité marque son accord sur le fait que les propositions de la Commission soient accompagnées d’une analyse d’impact rigoureuse fondée sur des données probantes (evidence-based), mais souligne qu’il incombe au législateur de l’Union d’exercer son pouvoir d’appréciation en assurant un certain équilibre entre, d’une part, la protection de la santé, de l’environnement et des consommateurs et, d’autre part, les intérêts économiques des opérateurs, dans la poursuite de l’objectif qui lui est assigné par le traité d’assurer un niveau élevé de protection de la santé et de l’environnement (15).

3.3.4.4.

Le Comité précise que cet exercice pourra également porter sur la quantification de la charge réglementaire et administrative, pour autant qu’il:

examine la question du coût et des charges de la réglementation au regard de son impact sur les entreprises et la compétitivité en général, mais également au regard des bénéfices de la réglementation existante en matière sociale, environnementale, de droits des consommateurs, de santé publique et d’emploi,

n’ait pas pour conséquence de réduire ou d’affaiblir les objectifs politiques de l’Union;

vérifie les «trous» dans la réglementation et les initiatives à entreprendre pour doter l’Union de normes intelligentes de très haute qualité.

3.3.4.5.

Le Comité ne saurait accepter de s’engager dans un exercice d’objectifs ciblés de réduction de l’acquis de l’Union sur une base quantitative sans en mesurer au préalable toutes les conséquences sur la protection sociale et environnementale et la protection des consommateurs.

3.3.4.6.

S’agissant de l’évaluation des coûts cumulés (CCA), le Comité précise que, lorsque la Commission évaluera l’impact ex ante ou ex post d’un pan de la législation européenne, elle devra tenir compte du fait que ces nouveaux coûts s’ajoutent à des coûts de conformité et de mise en œuvre existants. Le Comité admet que les CCA s’attachent à calculer les coûts financiers qui grèvent la législation d’un secteur particulier, mais précise que cette évaluation ne saurait être de nature à exonérer, partiellement ou totalement, un secteur.

3.3.5.   Évaluation ex ante

3.3.5.1.

Le Comité s’inquiète du fait que la discussion se déplace de plus en plus en amont du processus, avant que n’interviennent les colégislateurs et les partenaires sociaux, qui risquent ainsi d’être dépossédés des termes du débat, qui aura déjà eu lieu sans eux.

3.3.6.   Évaluation ex post

3.3.6.1.

Le Comité estime que les évaluations ex post sont au moins aussi importantes que l’évaluation ex ante; il demande à la Commission de présenter à cet égard un guide méthodologique portant sur les critères de développement durable.

3.3.6.2.

Le Comité est favorable à une évaluation ex post plus rigoureuse des effets de la réglementation de l’Union dans le cadre du cycle politique de l’Union, notamment en ce qui concerne les retombées attendues sur la croissance et l’emploi indiquées dans l’analyse d’impact accompagnant la proposition législative initiale.

3.3.6.3.

Le Comité est d’avis que les analyses ex post devraient être réalisées de manière pluraliste à l’issue d’un laps de temps raisonnable après la date limite de transposition dans le droit national.

3.3.6.4.

Le Comité estime que les évaluations ex post constituent d’importants outils d’analyse et que les conclusions tirées des évaluations peuvent directement alimenter une éventuelle analyse d’impact en vue de la révision d’un acte législatif.

Bruxelles, le 26 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  L’abréviation désigne le programme pour une réglementation affûtée et performante.

(2)  COM(2012) 746 final, p. 2.

(3)  COM(2015) 215 final.

(4)  Accord interinstitutionnel (AII) du 15 décembre 2015, point 7 (http://ec.europa.eu/smart-regulation/better_regulation/documents/iia_blm_final_en.pdf).

(5)  Ibidem.

(6)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 57.

(7)  JO C 327 du 12.11.2013, p. 33, JO C 248 du 25.8.2011, p. 87 et JO C 48 du 15.2.2011, p. 107.

(8)  Point 31 de l’AII.

(9)  Article 151 du TFUE.

(10)  Articles 168 et 169 du TFUE.

(11)  Article 191 du TFUE.

(12)  http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/eesc-2014-02466-00-01-tcd-tra-fr.pdf.

(13)  http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.lmo-observatory-impact-study-youth.

(14)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 51.

(15)  Arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 2010 dans l’affaire Afton Chemical, C-343/09, ECLI:EU:C:2010:419, point 56.


ANNEXE

Les propositions d’amendements suivantes, qui ont recueilli plus d’un quart des suffrages exprimés, ont été rejetées au cours des débats (conformément à l’article 54, paragraphe 3, du règlement intérieur):

a)   Paragraphe 2.11.1 et paragraphe 2.11.2

Le Comité souligne à cet égard qu’il ne dispose que d’un seul siège et participe aux travaux sur la base d’une rotation entre ses trois groupes alors qu’il est une institution établie par les Traités, représentative de la diversité de l’UE.

Le Comité estime dès lors que l’octroi de deux sièges supplémentaires permettrait de respecter la nature tripartite de l’institution et de son mandat, et de refléter ainsi la société civile qu’elle est chargée de représenter.

b)   Paragraphe 1.8

En ce qui concerne la représentativité de la plate-forme REFIT, le Comité estime que l’octroi de deux sièges supplémentaires lui permettrait de respecter pleinement la nature de son mandat et de refléter ainsi la société civile qu’il est chargé de représenter. Par ailleurs, le Comité constate l’absence de représentation paneuropéenne des micro-, petites et moyennes entreprises dans le «groupe des parties prenantes» de la plate-forme et demande qu’il y soit remédié dès que possible.

Exposé des motifs

La représentation du CESE ne peut être qu’unique. Elle est celle du CESE et non celle de chacun des groupes. La manière d’assurer cette unité est du ressort exclusif du CESE. Celui-ci ne doit pas pouvoir s’exprimer et voter par l’entremise de trois voix, le cas échéant, discordantes.

Résultat du vote:

Voix pour:

49

Voix contre:

123

Abstentions:

16


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/54


Avis du Comité économique et social européen sur «L’évolution de la nature des relations de travail et l’impact sur le maintien d’un salaire décent, ainsi que l’impact de l’évolution technologique sur le système de sécurité sociale et le droit du travail»

(avis exploratoire)

(2016/C 303/07)

Rapporteure:

Mme Kathleen WALKER SHAW

Dans un courrier daté du 16 décembre 2015 et conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le ministère des affaires sociales et de l’emploi a demandé, au nom de la présidence néerlandaise du Conseil, que le Comité économique et social européen élabore un avis exploratoire sur:

«L’évolution de la nature des relations de travail et l’impact sur le maintien d’un salaire décent».

Dans un courrier daté du 14 mars 2016 et conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le ministère des affaires étrangères et européennes de la République slovaque, laquelle assumera la présidence du Conseil à partir de juillet 2016, a demandé que le Comité économique et social européen élabore un avis exploratoire en préparation de la réunion informelle du Conseil «Emploi, politique sociale, santé et consommateurs» (EPSCO) des 14 et 15 juillet 2016 sur:

«L’impact de l’évolution technologique sur le système de sécurité sociale et le droit du travail».

(avis exploratoire)

Étant donné que les travaux liés à cette demande coïncident en grande partie avec ceux effectués au titre de l’avis demandé par la présidence néerlandaise et eu égard aux contraintes de temps pour le Conseil, il a été convenu de traiter les deux demandes en un seul avis.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 201 voix pour, 3 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

La nature des relations de travail et d’emploi évolue très rapidement. L'UE a un défi à relever, qui est d’encourager l’innovation, le développement technologique et la créativité de sorte à stimuler l’obtention de résultats favorables à une économie sociale de marché qui soit durable et compétitive. Il convient d’évaluer l’impact de ces évolutions sur le marché du travail et les normes, l’économie, les régimes fiscaux et de sécurité sociale, et la décence du salaire. La création de conditions de concurrence identiques et d’une économie numérique équitable pour les travailleurs et les entreprises de toutes tailles et dans tous les secteurs ainsi que le renforcement des compétences numériques comptent parmi les principaux défis que nous avons à relever. L’Europe et ses partenaires sociaux ont un rôle essentiel à jouer pour veiller à ce que ce processus aboutisse à un résultat favorable, équitable et durable, et que toutes les zones d’ombre en matière de droits et de protections soient levées.

1.2

Le CESE place la préservation de la qualité et de la viabilité financière des régimes de protection sociale de toute l’UE au rang de ses priorités et invite la Commission européenne et les États membres de l’UE à entreprendre, en concertation avec les partenaires sociaux, des recherches sur les bonnes pratiques qui serviront de base au développement de modèles de protection sociale capables de couvrir des formes plus flexibles d’emploi et qui devraient permettre à l’ensemble des travailleurs de bénéficier de niveaux appropriés de protection sociale, y compris les travailleurs indépendants qui ne sont pas couverts par le système de protection sociale traditionnel. Cet aspect devrait être pris en compte dans le cadre du développement du socle européen des droits sociaux. Ce point fait l’objet d’un avis distinct du CESE, ce dont il convient de se réjouir.

1.3

Le CESE recommande une analyse plus approfondie de l’incidence de ces évolutions sur les compétences, ainsi qu’une évaluation des options de formation tout au long de la vie, de requalification et de perfectionnement à la disposition des travailleurs dans le cadre de ces nouvelles relations, afin d’éviter que ces innovations n’aient un effet de déqualification ou incidence négative sur les qualifications, et de garantir de meilleures perspectives d’emploi. La promotion et le renforcement des compétences numériques doivent figurer au rang des priorités de l’UE.

1.4

Le CESE estime qu’il convient de disposer, au niveau de l’UE, de données et d’analyses supplémentaires en ce qui concerne l’ampleur de l’emploi organisé dans le cadre de plateformes en ligne (externalisation ouverte), les caractéristiques des travailleurs concernés (crowd workers ou «microtravailleurs»), les différentes formes nouvelles de travail telles que les contrats «zéro heure» et «à la demande» et les nouvelles professions, les contrats de droit civil, la taille de l’«économie des plateformes», les secteurs concernés et la distribution géographique de ce type d’emploi à travers l’UE. Ces données aideront à évaluer les besoins des entreprises et des travailleurs, lors du recours à ces formes d’emploi.

1.5

Il y a lieu de recueillir plus systématiquement des statistiques sur ces développements, au moyen d’enquêtes sur l’emploi à l’échelle européenne, et de rapports sur le marché du travail recensant les bonnes pratiques là où elles existent. Cela permettra de surveiller l’incidence des nouvelles formes de relation d’emploi et de travail sur le marché de l’emploi et l’économie, et d’évaluer leur contribution à la création d’emplois durables de qualité et de croissance, afin d’étayer l’élaboration des politiques de l’UE en matière d’emploi, y compris dans le cadre du semestre européen et de la stratégie Europe 2020. Cette recherche devrait être financée par le programme Horizon 2020 et d’autres lignes de financement pertinentes de l’UE.

1.6

Des données longitudinales sont également nécessaires pour déterminer les répercussions à long terme des nouvelles formes de travail, ainsi que leur impact sur la durabilité du travail tout au long de la vie (1). Il est également important de déterminer la mesure dans laquelle elles sont liées à l’égalité hommes-femmes ou à d’autres variables démographiques (telles que l’âge, le handicap, l’origine ethnique et le statut de migrant).

1.7

Il y a lieu de clarifier de toute urgence le statut juridique des nouveaux intermédiaires sur le marché du travail, comme les plateformes en ligne, pour permettre leur recensement dans les statistiques officielles, afin de surveiller leur croissance et d’établir quelles normes, obligations, responsabilités et règles de fonctionnement devraient s’appliquer et quels organes de réglementation devraient être chargés de l’inspection et de la lutte contre les infractions, tout en reconnaissant que ces plateformes peuvent constituer une source d’innovation, d’emplois et de croissance économique.

1.8

Le CESE note que la Commission européenne procède actuellement à une consultation sur la directive relative à la déclaration écrite (2), et prévoit que la gestion des nouvelles formes de relations de travail sera incluse dans des propositions au cas où la Commission européenne devrait décider de revoir cette législation. Il espère en particulier que des clarifications seront apportées quant aux nouvelles formes de relations du travail et d’emploi, et que l’on tiendra compte dans le même temps des besoins des PME. L’on pourrait également envisager d’étendre le champ d’application de manière à couvrir les «travailleurs», que des déclarations écrites seront fournies dès le premier jour, et qu’un nombre minimum d’heures sera mentionné pour lutter contre les contrats «zéro heure».

1.9

Le CESE recommande, s’agissant des plateformes en ligne, de l’externalisation ouverte, des travailleurs indépendants économiquement dépendants et des autres nouvelles formes d’activités non salariées, de traiter les questions relatives à la réglementation de l’activité d’intermédiaire et à la responsabilité en cas d’accident, aux dommages occasionnés et aux défauts de service, afin de protéger les travailleurs, les consommateurs et le public en général. Il convient de clarifier l’applicabilité des réglementations existantes de l’Union européenne en matière de sécurité et de santé sur le lieu du travail à ces nouvelles formes d’emploi, de même qu’il est nécessaire d’élaborer des procédures pour le traitement des infractions à ces réglementations, de déterminer à qui incombent les responsabilités de contrôle et d’assurance de responsabilité civile envers les travailleurs et les consommateurs.

1.10

Il conviendrait de veiller à ce que ces formes d’emploi relèvent également de la mission des services d’inspection du travail, conformément aux pratiques nationales; leurs inspecteurs doivent par ailleurs bénéficier de ressources, de compétences et de formations appropriées. La mise en place de partenariats avec les syndicats, les associations de consommateurs ou d’autres associations représentatives pourrait être utile pour répondre aux préoccupations des citoyens et demander réparation. L’échange de bonnes pratiques constituera un élément important de ce processus.

1.11

L’incidence sur la couverture des négociations collectives dans les secteurs touchés devrait également être analysée, étant donné que de nombreux travailleurs pourraient être exclus des structures de négociation collective et de la représentation syndicale. Le CESE est préoccupé par le fait que, lorsque des travailleurs sont considérés comme des travailleurs indépendants, leur droit de s’associer librement peut être remis en question dès lors que leur association pourrait être considérée comme une constitution d’entente, ce qui risquerait de les mettre en conflit avec les règles de l’UE en matière de pratiques anticoncurrentielles. Ces préoccupations, qui pourraient nuire à ce droit fondamental, doivent être abordées et levées. Des lignes directrices sont nécessaires en ce qui concerne l’application des règles de concurrence aux travailleurs indépendants dans une situation similaire à celle d’un employé. Dans ce contexte, l’utilisation de la définition de «travailleur» de l’OIT, plutôt que de celle plus restreinte de «salarié», pourrait être utile pour mieux comprendre l’application des principes et droits fondamentaux au travail (3), dont la jouissance ne devrait pas être empêchée par les règles de concurrence de l’Union.

1.12

Le CESE demande qu’une enquête soit menée sur le statut contractuel des microtravailleurs et sur les autres nouvelles formes de relations de travail et d’emploi, ainsi que sur les obligations des intermédiaires, compte tenu de la capacité de ces travailleurs à négocier ou à fixer la rémunération, le temps et les conditions de travail, les congés, la retraite, les droits liés à la maternité, l’assurance de soins de santé payée par l’employeur et d’autres droits liés à l’emploi, ainsi que la protection de la propriété intellectuelle produite. Des orientations sont également nécessaires pour clarifier les éventuelles zones d’ombre en ce qui concerne le statut professionnel du point de vue de la fiscalité et de la sécurité sociale.

1.13

Le CESE recommande que la Commission européenne, l’OCDE et l’OIT collaborent avec les partenaires sociaux au développement de dispositions appropriées en matière de conditions de travail décentes et de protection des travailleurs en ligne ainsi que des travailleurs soumis à d’autres formes nouvelles de relations du travail. Le CESE est d’avis qu’il serait bénéfique de développer une approche au niveau de l’UE, tout en relevant que la plupart des actions devront être menées au niveau national, sectoriel ou sur le lieu de travail.

1.14

Comme l’ont indiqué les partenaires sociaux européens, il importe que la Commission européenne organise son programme d’action en matière d’emploi de manière à faciliter la transformation numérique de nos économies et des marchés du travail. Elle devrait dans le même temps viser à optimiser les possibilités d’emploi de qualité susceptibles de naître de la numérisation de nos économies. Les politiques du marché de l’emploi devraient également avoir pour but de protéger ceux qui sont touchés par la numérisation et d’assurer leur recyclage et la mise à niveau de leurs compétences. Le CESE recommande la mise en place de droits et de protections efficaces, d’un suivi et du respect des normes en la matière, afin d’éviter le creusement des inégalités en matière de revenus et la diminution du revenu disponible, et de garantir la durabilité du potentiel de croissance économique dans l’ensemble de l’UE.

1.15

Le CESE propose à la Commission européenne de réfléchir aux moyens d’encourager le développement de plateformes européennes de manière à ce que la valeur créée reste dans les économies locales, en s’appuyant sur la riche tradition européenne de mutualité et de coopération dans la coordination du marché du travail, souvent pratiquée à l’échelon des communautés, ainsi qu’avec la participation active des syndicats, des employeurs locaux et des associations nationales de travailleurs indépendants. Il importerait de réfléchir à des mesures qui permettraient d’aider les entreprises dans la création d’emplois durables et de qualité en les épaulant de la phase initiale de «démarrage», jusqu’à la phase d’expansion, lors de laquelle bon nombre de nouvelles entreprises n’ont actuellement pas accès au financement.

2.   Introduction

2.1

L’évolution rapide des technologies, conjuguée à d’autres développements économiques et sociétaux, a entraîné une montée des nouvelles formes de relations de travail et d’emploi, qui, à leur tour, transforment le paysage du marché du travail, le rendant toujours plus complexe. L’innovation et la créativité sont des moteurs importants pour une économie sociale de marché durable et compétitive. Il est vital de parvenir à un équilibre entre la promotion des avantages économiques et sociaux de ces nouvelles évolutions et l’offre des garanties nécessaires pour les travailleurs, les consommateurs et les entreprises, tout en évitant que des abus ne soient commis pour contourner les modalités d’emploi loyales.

2.2

De nouvelles formes de travail pourraient créer de l’emploi et améliorer la fluidité des marchés du travail, en offrant une flexibilité accrue tant aux travailleurs qu’aux employeurs, en assurant une plus grande autonomie aux travailleurs et une meilleure adaptabilité des lieux de travail, en promouvant le développement des compétences et en augmentant les possibilités de trouver un équilibre favorable entre vie professionnelle et vie privée. Parallèlement, il importe de promouvoir, autant que possible, les emplois de qualité, le dialogue social et les structures de négociation collective et de traiter tout manque de clarté s’agissant des droits et obligations des employeurs et des travailleurs, du statut professionnel des travailleurs, des responsabilités en cas d’accident, des assurances et de la responsabilité professionnelle, ainsi que de l’applicabilité des dispositions en matière de fiscalité, de protection sociale et d’autres réglementations. Il y a lieu de procéder à une évaluation complète de la capacité des marchés du travail et des régimes de sécurité sociale existants à faire face à ces développements, de manière à éviter que les inégalités de revenus ne se creusent davantage et à veiller à ce que les travailleurs continuent à percevoir un salaire décent et fiable et puissent concilier leurs vies professionnelle et familiale.

2.3

Le CESE s’est intéressé aux problématiques liées à ces nouvelles tendances dans plusieurs avis (4) qui ont permis d’étayer le présent avis exploratoire. Aux Pays-Bas et en Slovaquie, les deux pays assurant la présidence de l’UE qui ont demandé le présent avis exploratoire, l’emploi atypique est proche de 60 % et de 20 %, respectivement (5).

2.4

Des rapports récents d’Eurofound (6) et de l’OIT (7) ont permis de mettre en évidence le glissement des relations de travail traditionnelles vers des formes plus atypiques d’emploi au cours de la décennie écoulée. L’OIT indique que «cette transformation persistante de la relation de travail engendre d’importantes répercussions économiques et sociales. Elle participe à la dissociation croissante entre les revenus du travail et la productivité» et «risque d’alimenter les inégalités de revenus» (8). Selon l’OIT (9), dans les pays pour lesquels des données sont disponibles, couvrant 84 % de l’emploi mondial total, seul un quart environ (26,4 %) des travailleurs sont employés sous contrat permanent, alors que c’est le cas pour plus de trois quarts des travailleurs dans les économies à hauts revenus. Bien que le modèle d’emploi traditionnel ne soit plus aussi dominant, il reste un élément essentiel du modèle européen de marché du travail. Ce qui précède montre l’importance pour les gouvernements, les institutions de l’UE et les partenaires sociaux de recenser et de définir les nouvelles formes d’emploi, de développer et d’adapter la politique et la législation pour gérer le changement et assurer un résultat positif en garantissant un environnement politique et réglementaire favorable afin de préserver les intérêts des entreprises et des travailleurs dans toutes les formes d’emploi.

3.   Tendances générales en matière d’emploi: contexte

3.1

Les économies européennes ont enregistré un développement important d’une série de pratiques qui, d’une part, remettent en question la norme traditionnelle d’un emploi permanent à temps plein, assorti d’horaires de travail clairement définis, de droits et d’avantages convenus, et d’une inclusion pleine et entière dans les systèmes nationaux de protection sociale, et d’autre part, sont susceptibles de créer davantage d’emploi et des formes innovantes de travail. Il importe de garantir la qualité de ces emplois conformément aux nouveaux modèles d’entreprise. Certaines de ces pratiques sont associées à la mondialisation, à la numérisation et à l’évolution des modes de production, par exemple l’externalisation de travaux précédemment réalisés en interne, d’autres à l’introduction de nouvelles pratiques au sein des entreprises et d’autres encore à des modèles d’emploi totalement innovants.

3.2

De nouvelles formes de travail ouvrent de nouvelles possibilités pour les particuliers de s’établir en tant qu’entrepreneurs et d’exercer des professions qui leur étaient auparavant inaccessibles ou de sortir de l’économie souterraine et du travail non déclaré. Lorsqu’on mesure la motivation entrepreneuriale, l’on constate que les raisons qui motivent les créateurs d’entreprises sont plutôt positives (par exemple, exploiter au maximum une bonne idée) que négatives (par exemple, pas d’autre possibilité de travailler) (10).

3.3

Les nouvelles relations travail incluent les contrats «zéro heure», «sur appel», «à l’heure de vol», les «mini-emplois», les «multitâches», le travail reposant sur des bons de travail, les contrats de droit civil et les emplois partagés. Elles s’accompagnent de divers types de contrats en vertu desquels le travail est organisé par des intermédiaires, y compris des «sociétés faîtières», des «agences de travail indépendant», des «agences d’emploi partagé» ou des plateformes en ligne «d’externalisation ouverte». Dans le cas de bon nombre de ces formes d’emploi, les travailleurs sont qualifiés de contractants indépendants, d’«associés», de «travailleurs à la tâche», de «partenaires» ou toute autre appellation brouillant parfois leur statut professionnel. Bien qu’ils soient souvent considérés comme des emplois indépendants, certains d’entre eux ne remplissent pas les critères associés à un véritable emploi indépendant, comme la possibilité de définir des tâches, de fixer des taux de rémunération ou de détenir la propriété intellectuelle générée. Le travail intermittent, occasionnel ou saisonnier est typique de certains secteurs comme le tourisme, la restauration et l’agriculture, et requiert une certaine flexibilité de la part de l’employeur comme du travailleur. Que ce travail soit géré par une agence ou indépendamment, une réglementation de ce type de contrats est nécessaire pour éviter le fléau du travail non déclaré.

3.4

Il est important de faire une distinction entre l’entrepreneuriat véritable, les travailleurs indépendants et les nouvelles formes de travail dépendant pour compte propre, et de garantir la qualité du travail. Même dans le cas des travailleurs ayant un contrat de travail formel, les évolutions dans l’organisation du travail liées à l’évaluation «à la tâche» et au travail «au projet» entraînent des modifications dans les horaires de travail traditionnels et ont des incidences sur le rythme de vie et la sécurité du revenu. Le dialogue social et les négociations collectives ont donné de bons résultats sur de nombreux lieux de travail, notamment des centres d’appel. Ils ont permis d’éclaircir des zones d’ombre et d’améliorer les conditions de travail.

4.   Numérisation

4.1

La numérisation peut accroître la productivité et la flexibilité dans les entreprises existantes et servir de base à de nouvelles industries et emplois, contribuant de la sorte à la croissance et à la compétitivité européennes. Gérée efficacement, elle joue également un rôle important dans le développement de l’économie sociale de marché, la mise en avant des besoins en matière de conciliation entre vie professionnelle et sphère familiale et la réduction des inégalités dans les domaines de l’emploi et de la sécurité sociale. La déclaration conjointe adoptée récemment par la CES, BusinessEurope, le CEEP et l’UEAPME constitue une référence utile en la matière (11).

4.2

La numérisation a eu un impact majeur sur l’organisation du travail et de l’emploi, lequel justifie une attention et une intervention plus poussées au niveau politique. Elle a également transformé les relations avec la clientèle, l’accès aux biens et aux services étant facilité. La satisfaction des clients est élevée, mais son incidence sur l’économie est matière à préoccupation et des améliorations sont nécessaires en ce qui concerne la mise en place de mécanismes de réparation efficaces. L’élaboration proactive de politiques aux échelons européen et national doit veiller à libérer le potentiel de la numérisation, tout en évitant ses pièges (12).

4.3

Une proportion très élevée de la population a accès à l’internet à partir de lieux multiples et peut, en principe, être contactée à tout moment et partout à des fins professionnelles, ce qui donne lieu à une croissance du travail nomade et à la suppression des frontières spatio-temporelles entre travail et vie privée. Cette souplesse peut profiter aux entreprises et aux travailleurs, lorsque leurs intérêts à tous sont respectés. Il conviendrait d’examiner plus attentivement si et dans quelle mesure la vie privée et familiale des employés nécessite une protection supplémentaire en cette époque de communication mobile numérique omniprésente, et de déterminer quelles mesures pourraient être prises à l’échelon national ou européen pour limiter l’obligation d’être disponible ou joignable en toutes circonstances (13).

4.4

La diffusion des compétences dans le domaine des TIC et la connaissance des logiciels standards et des langages universels ont renforcé la capacité des employeurs à accéder au marché mondial du travail en vue de l’externalisation des tâches. Cette évolution donne aux citoyens européens la possibilité de travailler pour des clients internationaux, quel que soit le lieu où ils se trouvent, mais s’accompagne d’un risque de conditions de concurrence inégales pour les entreprises et les travailleurs, dans la mesure où ils doivent rivaliser pour ces emplois avec des homologues de pays à bas salaires qui ne respectent pas nécessairement les normes fondamentales de l’OIT en matière de travail et ne garantissent pas nécessairement un travail décent.

5.   Développement des compétences

5.1

L’évolution technologique peut renforcer le développement des compétences, mais a également le potentiel de dévaloriser les compétences des travailleurs des métiers traditionnels. L’impact de cette évolution sur les compétences doit être envisagé, ainsi qu’une évaluation des options de formation tout au long de la vie, de requalification et de perfectionnement à la disposition des travailleurs dans le cadre de ces nouvelles relations. Les entreprises, en collaboration avec les syndicats, le Cedefop et certains niveaux de gouvernement, doivent s’assurer que les compétences nécessaires sont développées afin de répondre aux besoins du monde du travail en mutation. Il est essentiel d’utiliser efficacement le Fonds social européen et d’autres ressources pour relever ces défis.

5.2

Veiller à ce que les personnes aient les compétences nécessaires pour progresser dans des emplois de qualité dans un contexte de marchés du travail en mutation est un défi important qui doit figurer au cœur de la future stratégie de l’UE en matière de compétences. Les institutions de l’UE et les pouvoirs publics doivent accorder la priorité à une réflexion sur la meilleure manière d’adapter les compétences et de renforcer les compétences numériques de tous, avec la participation active des partenaires sociaux à tous les stades. Le CESE note que l’UE a déjà pris cet engagement dans son programme de travail 2015-2017 pour le dialogue social.

6.   Statistiques

6.1

Des statistiques fiables sur ces évolutions font défaut. Des données sont nécessaires en ce qui concerne l’ampleur de l’emploi organisé dans le cadre de plateformes en ligne, les caractéristiques des travailleurs concernés, les différents types de travail indépendant, les emplois indépendants économiquement dépendants, les faux emplois indépendants et l’emploi précaire, la taille de l’«économie des plateformes», les secteurs concernés ainsi que la distribution géographique de ce type d’emploi et la position de l’UE par rapport au reste du monde.

6.2

Des statistiques sont également nécessaires afin de pouvoir surveiller l’incidence des nouvelles formes de relation de travail sur le marché de l’emploi, la polarisation des emplois, les revenus et l’économie, et pour étayer les politiques de l’UE en matière d’emploi, y compris dans le cadre du semestre européen et de la stratégie Europe 2020.

6.3

Il convient également de disposer de données longitudinales pour déterminer les répercussions à long terme des nouvelles formes de travail, ainsi que leur impact sur la durabilité du travail tout au long de la vie, et pour évaluer dans quelle mesure elles sont liées à l’égalité hommes-femmes ou d’autres variables démographiques (telles que l’âge, le handicap, l’origine ethnique et le statut de réfugié). L’incidence sur la couverture des négociations collectives dans les secteurs touchés devrait également être analysée, étant donné que de nombreux travailleurs souhaitant être couverts pourraient être exclus des structures de négociation collective et de la représentation syndicale.

6.4

Cette recherche devrait être soutenue par le programme Horizon 2020 et d’autres lignes de financement pertinentes de l’UE.

7.   Statut juridique des intermédiaires du marché du travail

7.1

Les nouvelles formes d’emploi évoluent tellement vite que les relations contractuelles ne peuvent pas suivre le rythme, ce qui justifie que l’on examine leur statut juridique. Il y a lieu de clarifier de toute urgence le statut des intermédiaires sur le marché du travail et des plateformes en ligne, pour permettre leur recensement dans les statistiques officielles, afin de surveiller leur croissance et d’établir quelles normes, obligations, responsabilités et règles de fonctionnement devraient s’appliquer et quels organes de réglementation devraient être chargés de l’inspection et de la lutte contre les infractions. Des différences relatives à la terminologie et aux définitions des concepts de travailleur, salarié, travailleur indépendant et stagiaire dans toute l’UE compliquent encore les évaluations.

7.2

Le CESE note que la Commission européenne mène actuellement des consultations sur la directive relative à la déclaration écrite (14) et prévoit que les nouvelles formes d’emploi seront intégrées au projet.

7.3

Les plateformes en ligne connaissent une expansion rapide et ont généralement une incidence positive sur l’économie, l’emploi et l’innovation, mais, dans certains cas, leur développement revêt une ampleur qui pourrait entraîner des monopoles susceptibles de fausser le marché et de créer des conditions de concurrence inégales. L’«économie du partage» et d’autres nouveaux modèles d’emploi ne doivent pas être utilisés de manière abusive pour éviter de payer des salaires décents, de satisfaire aux obligations fiscales et de sécurité sociale, et de respecter d’autres droits des travailleurs et conditions d’emploi en reportant les coûts sur les utilisateurs et les travailleurs et en contournant les réglementations imposées aux entreprises hors ligne. Les plateformes en ligne peuvent ainsi proposer des tarifs plus avantageux que ceux des entreprises et des travailleurs d’autres secteurs, ce qui risque de compromettre les normes convenues et de nuire à une concurrence équitable

8.   Santé et sécurité

8.1

Les emplois hors site peuvent présenter des risques en matière de santé et de sécurité pour les travailleurs, leurs clients et le public. Le travail peut être accompli dans des espaces publics ou au domicile privé, avec du matériel et des équipements dangereux, sans instructions ou vêtements de protection appropriés. La responsabilité en matière d’assurance et de certification, mais aussi la responsabilité professionnelle ne sont pas toujours claires. Les travailleurs en ligne peuvent réaliser un travail intensif sur écran, dans des environnements inadéquats, et utiliser du mobilier et des équipements ne répondant pas aux normes ergonomiques.

8.2

S’agissant de certaines plateformes en ligne, la question de la responsabilité en matière de sécurité et en cas d’accident constitue une zone d’ombre et doit être résolue afin de protéger les travailleurs, les clients et le public au sens large.

8.3

Les participants à l’audition organisée dans le cadre du présent avis (15) ont évoqué d’autres points à examiner, notamment l’épuisement en raison d’horaires de travail longs et non réglementés et le stress engendré par le caractère imprévisible du travail et des revenus, le non-paiement des prestations refusées, une mauvaise notation de la part d’un client ne pouvant pas être remise en cause, la possibilité d’être «désactivé» de la plateforme ou du contrat de travail, la difficulté d’assumer des responsabilités familiales en l’absence d’un horaire de travail clair, l’isolement social et les effets combinés de la recherche d’un équilibre entre de multiples emplois.

8.4

Il convient de clarifier dans quelle mesure ces nouvelles formes d’emploi sont protégées par les réglementations européennes et nationales existantes en matière de sécurité et de santé sur le lieu du travail et par les procédures relatives au traitement des infractions à ces réglementations, aux responsabilités de contrôle et à l’assurance de responsabilité civile envers les travailleurs et les consommateurs. L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (AESST) qui a son siège à Bilbao pourrait contribuer à cette tâche en effectuant des recherches et des analyses dans ce domaine.

8.5

Il conviendrait de veiller à ce que ces formes d’emploi relèvent également de la mission des services d’inspection du travail, conformément aux pratiques nationales; leurs inspecteurs, pour être efficaces, doivent par ailleurs bénéficier de ressources, de compétences et de formations appropriées. La mise en place de partenariats avec les syndicats, les associations de consommateurs ou d’autres associations représentatives pourrait être utile pour répondre aux préoccupations des citoyens et demander réparation.

9.   Statut professionnel

9.1

Les nouvelles formes d’emploi touchent un éventail de professions vaste et hétérogène, couvrant des tâches qui relevaient précédemment de l’économie informelle, du travail indépendant et du travail effectué normalement par des employés directs. Leur introduction peut créer des situations dans lesquelles des tâches identiques sont exercées dans un même contexte par des travailleurs dotés de statuts différents, générant ainsi des inégalités en matière de protection, de droits et de niveaux de rémunération.

9.2

L’apparition de nouveaux intermédiaires dans la relation de travail a dans certains cas instauré un manque de transparence dans les relations entre les parties, ce qui nuit à la négociation individuelle des conditions d’emploi et restreint l’accès des travailleurs aux négociations collectives.

9.3

Des questions se posent quant à la partie à considérer comme l’employeur et s’agissant de la définition du travail indépendant, notamment la définition juridique, et du système de sanctions en cas de fourniture illégale de main-d’œuvre et de formes d’exploitation plus graves. Différents modèles d’emploi coexistent sur les plateformes en ligne, et l’on trouve également des exemples de plateformes qui ont changé d’optique et proposent désormais à leurs travailleurs un statut d’employé, afin d’améliorer la qualité et de réduire la rotation du personnel (16). Le statut de salarié offre une passerelle vers les autres droits liés à l’emploi. Lorsque des travailleurs sont considérés comme des travailleurs indépendants, leur droit de s’associer librement peut être remis en question dès lors que leur association pourrait être considérée comme une constitution d’entente, ce qui les mettrait en conflit avec les règles de l’UE en matière de pratiques anticoncurrentielles. Il convient de remédier à cette situation, en particulier dans les cas où les travailleurs en apparence indépendants ne disposent pas d’autonomie dans la définition de leurs tâches et de leurs niveaux de rémunération.

9.4

Le CESE demande qu’une enquête soit menée sur le statut professionnel des microtravailleurs, de même que sur les autres nouvelles formes de relations d’emploi, en examinant la capacité de ces travailleurs à négocier les conditions, le mode de paiement (et qui le détermine), ainsi que les droits de la propriété intellectuelle produite. L’enquête devrait viser à élaborer des lignes directrices à l’intention des États membres, afin que ceux-ci clarifient, conformément aux pratiques nationales, le statut des travailleurs du point de vue de la fiscalité, de la sécurité sociale et en matière d’emploi, et les obligations de ces plateformes en matière de temps de travail, de salaire, de congés, de pension, de droits liés à la maternité, d’assurance-maladie payée par l’employeur et d’autres droits liés à l’emploi.

10.   Droits fondamentaux et droits des travailleurs

10.1

Il y a lieu de clarifier les droits des microtravailleurs et des autres travailleurs dans des relations d’emploi précaires et changeantes, et ce en ce qui concerne une série de points tels que:

les horaires de travail;

les négociations collectives;

la liberté d’association;

l’information et la consultation;

adaptation des compétences;

les pauses;

le droit à la protection sociale (assurance et allocations);

le droit de contester les décisions de la direction/les évaluations des utilisateurs/les licenciements de facto abusifs;

le droit de refuser sans pénalité le travail proposé en dernière minute;

des salaires équitables et

le droit à la rémunération du travail accompli.

10.2

La Commission européenne, l’OCDE et l’OIT devraient collaborer avec les partenaires sociaux au développement de dispositions appropriées en matière de conditions de travail décentes et de protection des travailleurs en ligne ainsi que des travailleurs soumis à d’autres formes nouvelles de relations du travail. Le CESE est d’avis qu’il serait bénéfique de développer une approche au niveau de l’UE, tout en relevant que la plupart des actions devront être menées au niveau national, sectoriel ou sur le lieu de travail.

10.3

Les syndicats et les associations de travailleurs indépendants ont récemment commencé à élaborer ensemble des recommandations en vue de déployer de meilleures solutions et d’assurer une couverture en matière de protection sociale et d’avantages sociaux.

11.   Maintien d’un revenu de subsistance

11.1

Les nouvelles formes de relation d’emploi ne se limitent pas aux emplois manuels peu qualifiés ou aux emplois dans le secteur des services. Les formes de travail de type «zéro heure» ou «à la demande» concernent de plus en plus les emplois se caractérisant par un salaire et des qualifications élevés, y compris les professeurs, les pilotes de ligne, les professionnels de la santé et autres travailleurs des services publics, avec pour conséquence un risque de diminution des revenus potentiels et de la sécurité de l’emploi.

11.2

La possibilité de produire n’importe où dans le monde une grande partie des travaux et des services basés sur les TIC et les médias, crée des conditions de concurrence encore plus inégales, tant pour les entreprises que pour les travailleurs, étant donné que ce type de travail est de plus en plus externalisé vers les économies à bas salaires, ce qui entraîne une réduction des rémunérations ayant fait l’objet de négociations collectives.

11.3

Des recherches (17) ont montré que la numérisation crée des clivages entre l’emploi hautement qualifié et bien rémunéré et l’emploi peu qualifié et peu rémunéré, et que ce sont les travailleurs moyennement qualifiés et bénéficiant d’un revenu intermédiaire, qui travaillent dans les secteurs de la banque, de l’assurance et de l’administration, qui en sont les victimes dans un marché du travail de moins en moins équitable. Nombre de ces travailleurs sont contraints d’assumer plusieurs emplois afin de parvenir à un salaire suffisant pour vivre. Toutefois, certains de ces travailleurs indépendants sont des professionnels hautement qualifiés et expérimentés qui sont bien conscients de leur place sur le marché, qui savent ce qu’ils valent et qui souhaitent réellement exercer leur activité pour leur propre compte, ou des personnes qui, au moyen de leur travail indépendant, veulent diversifier leurs revenus et s’assurer des ressources complémentaires sur lesquelles elles pourraient s’appuyer au cas où elles perdraient leur source de revenu principale, ou qui souhaitent gagner de l’argent grâce à une passion, explorer de nouvelles possibilités de carrière ou de nouveaux débouchés; ces deux réalités existent, et il convient de garantir à chacun les droits et la protection nécessaires.

11.4

Certaines des nouvelles formes d’emploi sont nées du désir d’éviter les coûts et obligations liés aux formes d’emploi plus traditionnelles. Il existe un risque qu’en l’absence de droits et de protections efficaces, d’un suivi et de l’application des normes, bon nombre de nouvelles formes de relations de travail donneront lieu à un nivellement par le bas des salaires et des conditions de travail, et permettront aux inégalités en matière de revenus de se creuser, ce qui diminuera le revenu disponible, réduira la demande et le potentiel de croissance économique dans l’ensemble de l’UE et créera de nouveaux défis macroéconomiques à long terme. La capacité de ces travailleurs à déterminer leurs niveaux de rémunération et leurs conditions de travail par des conventions collectives est vitale pour la préservation d’un revenu de subsistance.

11.5

Dans le cadre des nouvelles formes d’emploi, le paiement est souvent basé sur la réalisation de tâches spécifiques plutôt que sur le taux horaire. Le principe de la rémunération équitable doit être préservé dans toutes ces situations et il y a lieu de prêter attention à tous les aspects pertinents de la rémunération, comme la qualité du travail fourni et la compensation du temps de travail (18).

11.6

Comme le soutien aux familles et les systèmes de sécurité sociale varient d’un pays de l’UE à un autre, il est important d’évaluer l’impact des nouvelles formes d’emploi sur le financement des politiques de soutien à la famille, en admettant qu’un salaire suffisant pour une personne seule pourrait ne pas l’être pour entretenir une famille avec des enfants.

11.7

Les questions salariales ne peuvent être examinées indépendamment de l’interface problématique entre les salaires et la fiscalité/la protection sociale et les systèmes de prestations sociales, dans les cas de relations de travail moins clairement définies. Une fois encore, il est crucial de déterminer clairement qui est l’employeur et quel est le statut du travailleur.

12.   Protection sociale

12.1

Le CESE est conscient de la diversité des systèmes de protection sociale des États membres et estime qu’il est nécessaire de mener des recherches sur le développement de modèles de protection sociale adaptés à des marchés du travail plus flexibles qui garantissent un revenu durable et approprié permettant de mener une vie décente. Cet aspect devrait être pris en compte dans le cadre du développement du socle européen des droits sociaux. Ce point fait l’objet d’un avis distinct du CESE, ce dont il convient de se réjouir.

12.2

Étant donné que les marchés du travail deviennent plus fluides, avec une proportion croissante de travailleurs ne sachant pas à l’avance quand et où ils vont travailler, on constate de plus en plus d’incompatibilités avec les systèmes nationaux de protection sociale qui se fondent sur l’hypothèse qu’une distinction claire peut être faite entre le statut d’«employé» et celui de «non employé». De telles incompatibilités ne bénéficient ni aux entreprises ni aux travailleurs.

12.3

Il est possible qu’une part croissante de la population active ne contribue pas aux systèmes de sécurité sociale établis ou n’en bénéficie pas, notamment s’agissant des prestations ou assurances en matière de chômage, de santé et de retraite. Dans certains États membres où les partenaires sociaux jouent un rôle important, cette question fait déjà l’objet de débats entre ces derniers et les gouvernements. Il convient d’étendre ces débats à toute l’Union et d’y associer les collectivités locales et d’autres acteurs, associations et prestataires de la société civile, dans le but d’élaborer des mesures politiques, une législation et des mesures complémentaires viables et durables qui garantissent des niveaux appropriés de protection sociale pour l’ensemble de la main-d’œuvre, y compris les travailleurs indépendants, les microtravailleurs et les travailleurs de l’économie du partage.

12.4

Le CESE est conscient qu’il existe des différences significatives entre les prestations des systèmes de protection sociale des différents États membres. Bien qu’il soit clairement nécessaire d’évaluer la viabilité des systèmes de protection sociale afin de pouvoir faire face aux défis posés par les nouveaux développements dans l’économie et sur les marchés du travail, le CESE estime qu’il est important de préserver les revenus et d’améliorer la qualité, la fiabilité, l’accessibilité et l’efficacité générales des régimes fiscaux et de protection sociale dans l’ensemble de l’UE, qui dans de nombreux États membres dépendent actuellement d’un taux élevé d’emplois classiques et des cotisations qui y sont liées. Une telle perte d’efficacité menacerait la structure même du modèle social européen et de l’économie sociale de marché, qui repose sur un engagement fort des pouvoirs publics par rapport au financement et à la fourniture de services d’intérêt général et sur des filets de sauvegarde efficaces en matière de sécurité sociale.

12.5

Il convient d’examiner avec soin les régimes fiscaux et de protection sociale afin de garantir des niveaux appropriés d’imposition et de cotisations sociales pour toutes les formes de revenus, qu’ils soient générés dans les secteurs reposant sur une organisation traditionnelle ou dans l’économie du partage et des plateformes. Le CESE est convaincu que le rôle de ces plateformes peut être clarifié par des dispositions et des législations qui prévoient, s’il y a lieu, la protection à la fois des employés et des travailleurs indépendants et les incluent dans le système de protection sociale tant en ce qui concerne la réglementation que les cotisations. L’UE devrait encourager et coordonner ces réformes au niveau des États membres en s’appuyant sur les bonnes pratiques.

13.   Veiller à ce que l’UE bénéficie de ces nouveautés

13.1

Les plateformes en ligne sont une innovation qui est déjà une réalité économique en Europe. Cependant, à l’heure actuelle, une proportion élevée de ces plateformes sont établies en dehors de l’UE et prélèvent une part significative de toutes les transactions opérées au sein de l’UE, celle-ci pouvant atteindre jusqu’à 25 % de la valeur de la transaction, dont la majeure partie est délocalisée. Elles ne paient parfois que peu voire pas du tout d’impôts ou de contributions à l’éducation, aux infrastructures et aux services publics dans les localités où elles opèrent en Europe. Lorsque les travailleurs ne sont pas de vrais indépendants, il peut y avoir des incohérences dans le paiement des impôts et des cotisations aux régimes de pension ou à d’autres systèmes de protection sociale. Il y a lieu de procéder à une évaluation de leur impact sur la création d’emplois durables et de croissance au sein de l’UE et sur leur contribution à celle-ci.

13.2

La Commission européenne devrait envisager les façons possibles d’encourager le développement de plateformes européennes de manière à ce que la valeur créée reste dans les économies locales, en s’appuyant sur la riche tradition européenne de mutualité et de coopération dans la coordination du marché du travail, souvent pratiquée à l’échelon des communautés, ainsi qu’avec la participation active des syndicats et des employeurs locaux. Il serait important de réfléchir à des mesures qui permettraient d’aider les entreprises dans la création d’emplois durables et de qualité en les épaulant de la phase initiale de «démarrage», jusqu’à la phase d’expansion, lors de laquelle bon nombre de nouvelles entreprises manquent actuellement de soutien.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  France Stratégie, «Le compte personnel d’activité, de l’utopie au concret», rapport final.

«Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2014», p. 179.

(2)  Directive 91/533/CEE.

(3)  Comme le montre l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire FNV-KIEM (http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-413/13) en 2015, l’application des règles de concurrence aux travailleurs indépendants dans une situation similaire à celle d’un employé laisse clairement une marge d’interprétation. Une étude réalisée par IVIR en 2014 sur les dispositions contractuelles s’appliquant aux auteurs et interprètes a également mis en évidence les exemptions sectorielles en tant que piste envisageable et a illustré cette option par un exemple pertinent en Allemagne, où l’article 12a de la loi sur la négociation collective permet à certains auteurs et interprètes indépendants de bénéficier d’une négociation collective. L’étude précise que de telles exemptions sont supposées servir l’intérêt public en offrant une protection à un groupe qui le mérite, sur le plan économique et social, autant que les salariés.

(4)  JO C 133 du 9.5.2013, p. 77; JO C 11 du 15.1.2013, p. 65; JO C 18 du 19.1.2011, p. 44; JO C 318 du 29.10.2011, p. 43; JO C 161 du 6.6.2013, p. 14; JO C 13 du 15.1.2016, p. 161; JO C 13 du 15.1.2016, p. 40.

(5)  OCDE, «Reducing labour market polarisation and segmentation» (en anglais), présentation de S. Scarpetta, 2014.

OIT, rapport pour discussion à la réunion d’experts sur les formes atypiques d’emploi.

OIT, conclusions de la réunion d’experts sur les formes atypiques d’emploi.

(6)  Eurofound, «New forms of employment» (en anglais).

Eurofound, «Harnessing the crowd — A new form of employment» (en anglais).

(7)  OIT, «Des modalités d’emploi en pleine mutation — Emploi et questions sociales dans le monde 2015».

OIT, «Regulating the employment relationship in Europe: A guide to Recommendation No. 198»; Employment Relationship Recommendation, 2006 (No. 198) (en anglais).

(8)  OIT, «Des modalités d’emploi en pleine mutation — Emploi et questions sociales dans le monde 2015», p. 13-14.

(9)  Voir note de bas de page 8, p. 30.

(10)  GEM 2015/2016 Global Report.

(11)  Déclaration des partenaires sociaux européens sur la numérisation (en anglais).

(12)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 161, paragraphes 1.3, 1.5 et 5.6.

(13)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 161, paragraphe 4.4.

(14)  Voir la note de bas de page no 2.

(15)  Audition publique sur «L’évolution de la nature des relations de travail, l’économie de partage, les contrats “zéro heure” et un salaire décent», CESE, le 31 mars 2016.

(16)  http://www.nytimes.com/2015/12/11/business/a-middle-ground-between-contract-worker-and-employee.html (en anglais).

(17)  http://www.liberation.fr/debats/2015/09/03/daniel-cohen-il-faut-une-societe-dans-laquelle-perdre-son-emploi-devienne-un-non-evenement_1375142.

(18)  Le temps de déplacement est considéré comme du temps de travail, voir arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Tyco, le 10 septembre 2015.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/64


Avis du Comité économique et social européen sur «Des systèmes alimentaires plus durables»

(avis exploratoire)

(2016/C 303/08)

Rapporteur:

Mindaugas MACIULEVIČIUS

Le 16 décembre 2015, la future présidence néerlandaise du Conseil de l’Union européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Des systèmes alimentaires plus durables»

(avis exploratoire).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 26 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Conscient de la nécessité urgente de lutter contre les multiples conséquences économiques, environnementales et sociales de la production et de la consommation alimentaires, le CESE invite la Commission européenne et les États membres à élaborer une politique européenne claire et un plan d’action permettant de mettre en place un système alimentaire durable, résilient, sain, juste et respectueux du climat, qui encourage la coopération et la compréhension mutuelle entre toutes les parties prenantes tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Il importe de veiller à une plus grande cohérence et à une meilleure intégration des objectifs et des instruments politiques liés à l’alimentation (par exemple en ce qui concerne l’agriculture, l’environnement, la santé, le climat, l’emploi, etc.) en tenant compte des trois piliers du développement durable.

1.2

Une transition vers des systèmes alimentaires plus durables couvrant l’ensemble des étapes, depuis la production jusqu’à la consommation, est absolument indispensable: les producteurs doivent accroître la production alimentaire tout en réduisant les répercussions sur l’environnement, tandis que les consommateurs doivent être encouragés à opter pour des régimes alimentaires sains et nutritifs qui ont une faible empreinte carbone. L’UE devrait intensifier ses efforts pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable des Nations unies (ODD), car ils constituent un cadre essentiel pour l’action commune engagée en vue de nourrir la population mondiale de manière durable d’ici à 2030.

1.3

Le CESE reconnaît qu’aucun système de production alimentaire ne suffira à lui seul à nourrir la planète en toute sécurité. Par contre, une combinaison de différentes pratiques conventionnelles, innovantes et agroécologiques pourrait aider à mieux maîtriser les incidences environnementales et climatiques des systèmes de production alimentaire actuels. En particulier, un mélange d’agroécologie et d’agriculture de précision, qui nécessite la poursuite du développement des TIC et des systèmes satellitaires, pourrait compléter l’agriculture conventionnelle en fournissant un ensemble de principes et de pratiques destinés à améliorer la durabilité des systèmes agricoles, tels qu’une meilleure utilisation de la biomasse, l’amélioration du stockage et de la mobilisation de la biomasse, la garantie de conditions pédologiques favorables, la diversification des cultures et la réduction du recours aux pesticides. Une promotion accrue des modèles agricoles fermés pourrait conduire à l’avènement d’une agriculture sans combustibles fossiles. La réforme de la PAC a mis en place une combinaison de mesures (écologisation, régimes agroenvironnementaux et climatiques, etc.), dont on peut considérer qu’elles vont dans la bonne direction.

1.4

Des revenus agricoles stables et raisonnables pour tous les opérateurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire sont indispensables pour garantir de nouveaux investissements durables et constants dans les technologies agroenvironnementales et les techniques respectueuses du climat.

1.5

La prévention et la réduction du gaspillage alimentaire sont des responsabilités partagées par tous les acteurs de la chaîne alimentaire. Le CESE se félicite que la Commission prévoie, dans le train de mesures sur l’économie circulaire, de créer une plateforme des parties prenantes pour aider à définir les mesures qui s’imposent et à partager les bonnes pratiques en matière de prévention et de réduction du gaspillage alimentaire. Le CESE invite la Commission à étudier comment la hiérarchisation de l’utilisation des produits alimentaires est appliquée en pratique dans les États membres, notamment en ce qui concerne les mesures d’incitation économiques susceptibles d’envoyer des signaux ambigus aux entreprises. Dans la mesure où il soutient une application effective de la hiérarchie des déchets, le CESE préconise également un réexamen du règlement (CE) no 1069/2009 de manière à ce que les denrées alimentaires impropres à la consommation humaine puissent être utilisées comme aliments pour animaux lorsque les conditions de sécurité le permettent.

1.6

Il faut encourager les choix alimentaires durables en les rendant plus disponibles et plus accessibles aux consommateurs. La consommation de produits alimentaires durables devrait être favorisée par la création d’une demande plus forte du marché, grâce à la passation de marchés publics verts ou d’autres approches. Le CESE invite les États membres à revoir leurs recommandations nationales en matière d’alimentation afin de prendre en compte la durabilité, ainsi qu’à soutenir l’éducation alimentaire dans les programmes scolaires. L’UE devrait également encourager l’indication de l’origine, la création de labels qui mettent clairement en évidence les caractéristiques des produits alimentaires liées à la notion de durabilité, ainsi que l’organisation de campagnes publicitaires visuelles à l’échelle de l’UE en faveur de régimes et d’aliments plus sains.

1.7

En liaison avec les programmes de recherche et d’innovation spécifiques, et en combinaison avec des incitations financières pour les producteurs de denrées alimentaires, les politiques de l’Union européenne devraient:

promouvoir la transition progressive vers des modèles d’agriculture n’utilisant pas de combustibles fossiles;

favoriser une utilisation plus efficace des ressources, y compris de la terre, de l’eau et des nutriments dans l’ensemble du système de production.

1.8

Une transition vers des systèmes alimentaires durables ne requiert pas seulement une politique agricole, mais aussi une politique alimentaire globale, associée à une stratégie de grande ampleur en matière de bioéconomie. Plutôt que de s’engager dans un débat qui divise l’opinion, il convient de mener une réflexion interdisciplinaire réunissant les directions générales de la Commission, un large éventail de ministères et d’institutions des États membres, ainsi que des collectivités régionales et locales, et des acteurs issus de l’ensemble des systèmes alimentaires, afin de s’attaquer aux problèmes liés les uns aux autres que le présent avis met en évidence. Le CESE espère que l’interdépendance entre la production et la consommation alimentaire sera reconnue et qu’une approche politique européenne adéquate incluant différentes initiatives privées sera conçue afin de tracer une voie vers le développement durable, la santé et la résilience. Toutefois, la politique agricole commune et la politique commune de la pêche joueront également un rôle important dans l’UE à l’avenir.

2.   Introduction

2.1

Le CESE élabore le présent avis en réponse à la saisine de la présidence néerlandaise de l’Union européenne, afin de mettre en avant les préoccupations croissantes de la société civile concernant les incidences sur l’environnement, la santé, l’économie et les conditions sociales de la production et de la consommation de denrées alimentaires, ainsi que les défis y afférents, consistant à nourrir une population mondiale de plus en plus nombreuse sur une planète aux ressources limitées. L’alimentation est un élément central dans toutes nos sociétés; elle est tributaire des ressources naturelles, tout en ayant une incidence sur ces dernières; elle a des effets sur la santé publique; elle joue un rôle capital dans l’économie européenne, puisqu’elle est le secteur le plus important sous l’angle de l’emploi et de la contribution au PIB.

2.2

Selon le groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE) du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, «un système alimentaire durable est un système alimentaire qui garantit à chacun la sécurité alimentaire et la nutrition sans compromettre les bases économiques, sociales et environnementales nécessaires à la sécurité alimentaire et à la nutrition des générations futures» (1). La transition vers des systèmes alimentaires plus résilients et plus durables concerne donc l’ensemble des activités interconnectées et interdépendantes qui interviennent dans la production, la transformation, le transport, le stockage, la commercialisation et la consommation d’aliments. Elle tient compte également du rôle moteur que joue l’évolution de la consommation à l’échelle mondiale dans les modes de production et les types de denrées alimentaires.

2.3

Le CESE souhaite aborder la question des systèmes alimentaires durables de manière globale et mettre principalement l’accent sur le contexte de l’Union européenne, même si les retombées sur les pays tiers sont également prises en compte étant donné que l’Union européenne est le plus grand exportateur et importateur de produits agricoles et alimentaires sur la scène mondiale.

2.4

Une communication sur l’alimentation durable était attendue en 2014, mais elle a ensuite été retirée du programme de travail de la Commission. Le plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire de décembre 2015 a repris certaines de ces questions et a mentionné la réduction du gaspillage alimentaire parmi les priorités essentielles, témoignant ainsi de l’engagement pris par l’Union européenne et les États membres, dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030 (ODD), de réduire de moitié à l’échelle mondiale le volume de déchets alimentaires par habitant au niveau de la distribution comme de la consommation et de réduire les pertes de produits alimentaires tout au long des chaînes de production et d’approvisionnement (ODD 12.3).

3.   Principaux défis liés aux systèmes alimentaires actuels

3.1

Le Panel international pour la gestion durable des ressources de l’ONU estime que la production alimentaire est, de tous les secteurs, celui qui a la plus forte incidence sur l’environnement au niveau mondial sous l’angle de l’utilisation des ressources (2). Toutefois, cette incidence est nettement plus faible dans l’UE. Les systèmes alimentaires utilisent de nombreuses ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l’eau et le phosphore, ainsi que l’énergie pour la production des engrais azotés, la transformation, l’emballage, le transport et la réfrigération. Sans surprise, ils ont également des répercussions sur l’environnement à l’échelle de la planète, notamment sur la perte de biodiversité, la déforestation, la dégradation des sols, la pollution de l’eau et de l’air, ainsi que sur les émissions de gaz à effet de serre. L’appauvrissement constant de la biodiversité agricole au niveau des exploitations demeure un sujet de vive préoccupation (3). À l’échelle du globe, la majorité des ressources halieutiques est exploitée à un niveau maximal, voire surexploitée. Il est donc indispensable de gérer l’ensemble de ces ressources d’une manière rationnelle et durable pour garantir la poursuite d’un approvisionnement en aliments sains à un prix abordable.

3.2

Un tiers des aliments produits dans le monde pour la consommation humaine est perdu ou gaspillé, soit jusqu’à 1,6 milliard de tonnes de denrées alimentaires qui représentent 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (4). La production de ces aliments non consommés est responsable de plus de 20 % des pressions exercées sur la biodiversité mondiale et monopolise près de 30 % des terres agricoles de la planète.

3.3

Chaque année, quelque 100 millions de tonnes de denrées alimentaires sont gaspillées  (5) dans l’Union européenne. À défaut d’actions préventives, ce gaspillage devrait augmenter de 20 % d’ici à 2020. En Europe, le gaspillage alimentaire a lieu tout au long de la chaîne d’approvisionnement, avec une pointe au niveau des ménages, dont la part est estimée à 46 % (6). Il convient de noter que les secteurs du commerce de détail et de la fabrication ont déployé d’importants efforts pour améliorer la prévention et la réduction du gaspillage alimentaire au cours des dernières années. Les efforts visant à accroître le caractère durable de l’agriculture et de la chaîne d’approvisionnement n’ont guère de sens sans une action renforcée pour réduire les déchets.

3.4

À l’heure actuelle, on dispose de très peu de connaissances à propos des pertes et des gaspillages alimentaires au niveau des exploitations agricoles (7). Les pertes et le gaspillage alimentaires peuvent résulter par exemple de l’absence de modernisation dans certaines exploitations, des annulations de commandes et de la volatilité des prix des matières premières, ce qui conduit à l’enfouissement par le labour de cultures lorsque leur récolte n’est pas économiquement viable (cette pratique a du moins une incidence positive sur l’environnement, car elle contribue à améliorer la teneur en matière organique des sols) ou la mise en décharge et le compostage des denrées alimentaires qui ne peuvent être revendues. Les répercussions des changements climatiques majeurs sur les conditions météorologiques et l’apparition éventuelle de maladies constituent d’autres enjeux de taille, qui continueront de prendre de l’ampleur à l’avenir. Si l’on tient compte de ces répercussions, de nombreuses pertes pourraient être considérées comme du gaspillage alimentaire chaque année. Par rapport au reste du monde, l’UE travaille très activement à la résolution de ce problème. Elle devrait donc soutenir la diffusion de ses bonnes pratiques et de son savoir-faire dans ce domaine.

3.5

Les systèmes alimentaires sont l’une des causes du changement climatique; ils vont aussi fortement en subir les conséquences (8). Les variations climatiques auront des répercussions sur la disponibilité des ressources naturelles de base (eau, sol), ce qui modifiera sensiblement les conditions de la production alimentaire et industrielle dans certaines régions (9). Des situations climatiques extrêmes telles que les inondations, les sécheresses, les incendies, les vents violents, ainsi que d’autres phénomènes de propagation de maladies végétales et animales liés au climat, ont déjà des incidences sur la production alimentaire et en auront encore davantage à l’avenir.

3.6

À l’heure actuelle, la sous-alimentation coexiste sur notre planète avec les effets d’une surabondance d’aliments dans certaines parties du monde. Au niveau mondial, 795 millions de personnes souffrent de la faim, alors que le nombre d’adultes obèses ou en surpoids a dépassé le chiffre de 1,4 milliard, ce qui représente environ 30 % de la population adulte totale, et que les pathologies liées à l’obésité augmentent rapidement, tant dans les pays en développement que dans les pays développés (10). Ces chiffres font apparaître de profonds déséquilibres dans la manière dont les aliments sont produits, distribués et consommés. La croissance démographique et l’augmentation de 82 % de la consommation de viande qui est prévue au niveau mondial d’ici à 2050 accentueront ces deux problèmes (11). Au cours des 20 dernières années, au fur et à mesure de l’urbanisation et de la croissance économique des pays du monde entier, une mutation s’est opérée dans le domaine de la nutrition et a modifié le visage de la production et de la consommation des aliments. Partout dans le monde, les régimes alimentaires évoluent et comportent davantage de produits composés, de viande, de produits laitiers, de sucre et de boissons contenant du sucre (12). Dans le même temps, un nombre croissant de personnes ont un mode de vie sédentaire qui contribue au manque d’activité physique.

3.7

Les animaux d’élevage occupent une place importante et indispensable dans les systèmes alimentaires, car ils sont une source de protéines de haute qualité et d’autres nutriments tels que des vitamines et des sels minéraux. Ils jouent également un rôle non négligeable dans les cycles des substances nutritives dans les exploitations agricoles et au niveau régional, ainsi que dans la préservation des paysages ouverts et diversifiés, des prairies permanentes, des habitats semi-naturels et de la biodiversité, en apportant aux populations des revenus, des actifs et des moyens de subsistance. Dans le même temps, l’UE dispose de nombreuses terres agricoles qui, dans la pratique, ne sont adaptées qu’au seul pâturage. Toutefois, au cours des 50 dernières années, la production de viande et d’œufs a plus que quadruplé, et celle de lait a progressé de plus de 100 %, alors que, durant la même période, la population mondiale avait à peine doublé (13). Il convient de noter que la structure de la demande a également évolué et que l’augmentation de la production de viande, de lait et d’œufs est liée à un accroissement des revenus, tandis que les prix sont demeurés bas.

3.8

Si l’on prend en compte les denrées d’origine végétale destinées à l’alimentation humaine et animale, ainsi que les cultures végétales vouées à la production de semences et à des usages industriels, tels que les biocarburants, le monde produit actuellement une fois et demie la quantité d’aliments nécessaire pour nourrir la population actuelle, ce qui devrait probablement être suffisant pour nourrir la population en 2050. Toutefois, les niveaux actuels de gaspillage alimentaire à l’échelle de la planète et la production d’aliments pour animaux destinée à répondre à l’augmentation de la consommation de viande entraînent un accroissement significatif de la demande de production alimentaire. Pour nourrir la planète de façon durable en 2050 et au-delà, il sera nécessaire que des gains de productivité et d’optimisation des terres agricoles et des ressources halieutiques existantes, compatibles avec la pérennité et la qualité de l’environnement, la sécurité et la santé au travail et la justice sociale soient combinés avec une transition vers des régimes alimentaires durables et une réduction soutenue des pertes et du gaspillage alimentaires.

3.9

L’augmentation et la volatilité des prix des produits agricoles et des intrants au cours des dix dernières années mettent à l’épreuve la sécurité alimentaire et la solidité du système alimentaire et suscitent de profondes inquiétudes tant chez les consommateurs que chez les producteurs. D’une part, les prix finaux élevés n’ont pas conduit à une augmentation des revenus pour les producteurs de denrées alimentaires — au contraire, leur baisse ou leur stagnation a pour conséquence d’exercer une pression baissière sur la composante travail, menaçant ainsi le revenu de tous les intervenants, et, d’autre part, la crise économique a érodé le pouvoir d’achat des consommateurs. Des revenus agricoles stables et raisonnables pour tous les opérateurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire sont indispensables pour garantir de nouveaux investissements durables et constants dans les technologies agroenvironnementales et les techniques respectueuses du climat.

3.10

L’évolution récente des marchés agricoles, notamment dans le secteur laitier, démontre clairement l’existence de ces déséquilibres potentiels, dont la cause n’est pas seulement une offre excédentaire sur le marché, mais également la fermeture d’anciens marchés d’exportation pour des raisons politiques. La stabilité future dépendra largement de la résistance de la base d’approvisionnement aux chocs, dont le changement climatique est le plus prégnant. Les politiques de l’UE devraient vivement encourager la diversification agricole, les formules innovantes de financement, les régimes d’assurance-revenu et d’autres outils de gestion des marchés offrant une protection contre les problèmes d’origine climatique et les turbulences du marché.

3.11

Les conséquences des prix des denrées alimentaires sur le plan social et sous l’angle de la redistribution doivent être examinées du point de vue du producteur ainsi que du point de vue du consommateur. À l’heure actuelle, de nombreux consommateurs n’ont pas les moyens d’acheter des aliments de la meilleure qualité. Au cours des dernières années, les rapports de force dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire ont également connu une mutation qui a entraîné une concentration progressive des fabricants et des détaillants de denrées alimentaires sur les marchés et, par conséquent, un transfert du pouvoir de négociation, principalement au bénéfice du secteur du commerce de détail et au détriment des producteurs primaires. Cette question fera l’objet d’un avis distinct du CESE sur «Une chaîne d’approvisionnement alimentaire plus équitable».

3.12

Étant donné que dans le domaine du commerce mondial, l’on se tourne de plus en plus vers des négociations bilatérales et mégarégionales en l’absence de conclusion du cycle de Doha de l’OMC, il est essentiel que les implications en matière d’environnement et de climat, la qualité des denrées alimentaires et les normes de santé, les normes sanitaires et phytosanitaires au sens large ainsi que le processus de production, c’est-à-dire l’écosystème industriel dans lequel s’effectue ladite production, les conditions de travail, le contexte culturel où elle prend place et les relations sociales soient pleinement pris en considération. Il est impératif que l’UE évite toute relocalisation de la production alimentaire dans des pays tiers uniquement ou principalement motivée par le fait que les obligations légales relatives à la production alimentaire n’y sont pas aussi exigeantes que dans l’UE. Les politiques de l’UE ont un rôle essentiel à jouer au niveau mondial pour encourager une production sûre et saine de denrées alimentaires, tout en interdisant l’importation des aliments qui ne satisfont pas aux normes sanitaires et phytosanitaires ou aux règles de sécurité alimentaire européennes.

3.13

Depuis 140 ans, les coopératives de producteurs ont clairement démontré qu’elles résistaient mieux aux turbulences sur les marchés agricoles et qu’elles contribuaient à prévenir les délocalisations des productions alimentaires. Par conséquent, il est capital de promouvoir davantage et plus vigoureusement la coopération sectorielle et régionale entre les producteurs et les coopératives, en particulier celles de petite taille. Il y a lieu de mettre un accent particulier sur les secteurs et les régions où la coopération est faible.

4.   Les principaux domaines d’intervention pour une transition vers des systèmes alimentaires plus durables

Promouvoir une production alimentaire plus efficace dans l’utilisation des ressources et résiliente face au changement climatique

4.1

La réduction de l’incidence environnementale de l’agriculture, de l’aquaculture et de la pêche, y compris des émissions de gaz à effet de serre, nécessite des changements dans le mode de production des denrées alimentaires. L’adoption de pratiques plus durables est indispensable pour donner un coup d’arrêt à l’épuisement des ressources naturelles, ainsi que pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter. Plusieurs mesures pourraient être bénéfiques pour la productivité tout en augmentant la durabilité environnementale et la résilience face au changement climatique, par exemple: accroître la diversité des variétés de plantes et d’animaux, améliorer la qualité du bétail par l’élevage, promouvoir la sélection végétale, améliorer le fonctionnement des écosystèmes agricoles et la gestion de l’eau, favoriser et mettre en œuvre la recherche et l’innovation, optimiser les fonctions du sol, faciliter le transfert de connaissances et la formation, et encourager les évolutions technologiques grâce à des aides à l’investissement. Il y a lieu d’encourager la poursuite du développement des systèmes satellitaires européens et des centres de mégadonnées afin de faciliter la détection précoce des conditions météorologiques extrêmes et de différentes maladies, ainsi que la préparation à ces phénomènes et leur prévention. L’agriculture de précision devrait également être promue.

4.2

Le maintien du modèle agricole familial en Europe est également crucial. Il nécessiterait la promotion du renouvellement des générations dans les exploitations agricoles, afin de lutter contre le vieillissement de la population. Cela aurait un effet positif sur la création d’emplois dans les zones rurales. De même, il est important de maintenir une production agricole diversifiée dans toutes les régions de l’UE. Les régions agricoles défavorisées devraient faire l’objet d’une attention particulière. Il conviendrait de reconnaître différents types d’exploitation et de mettre en place des outils spécifiques ciblés à cet effet.

4.3

Au cours des dernières années, certaines formes de réorganisation des chaînes d’approvisionnement alimentaire sont apparues avec l’objectif de rétablir le lien entre producteurs et consommateurs, ainsi que de relocaliser la production agricole et alimentaire. Il s’agit notamment de l’agriculture soutenue par les consommateurs, des circuits courts d’approvisionnement, des réseaux alimentaires alternatifs, de l’agriculture locale et des ventes directes. Même si la taille du secteur est relativement réduite, il convient de le promouvoir davantage, car il a une incidence très positive sur la vente de produits frais, de qualité, sains ou traditionnels, ainsi que des effets bénéfiques sur le plan social et économique. Les PME sont également des acteurs importants de ce secteur. Le rôle spécifique des municipalités urbaines devrait être souligné, car il y a lieu de mettre en place les infrastructures nécessaires et de réaliser les investissements appropriés dans les zones urbaines pour faciliter les ventes directes des producteurs. Il conviendrait par ailleurs d’encourager les bonnes pratiques du secteur privé, par exemple lorsque de telles infrastructures sont créées à l’initiative privée de centres commerciaux locaux.

4.4

Afin de stimuler une production alimentaire plus efficace dans l’utilisation des ressources, la réforme de la politique agricole commune (PAC) a introduit un ensemble de mesures, dont une écologisation obligatoire, des régimes agroenvironnementaux et un vaste soutien de la part du système de conseil agricole et de la recherche appliquée, de manière à relever les défis de la sécurité alimentaire, du changement climatique et de la gestion durable des ressources naturelles, tout en préservant le milieu rural et la vivacité de son économie. Ces mesures peuvent être considérées comme un pas important dans la bonne direction. Toutefois, il serait possible d’améliorer davantage leur mise en œuvre à la fois sous l’angle des formalités administratives et des gains.

4.5

En ce qui concerne la filière de la pêche, il est important de veiller à un juste équilibre entre la santé et la durabilité. En effet, si la consommation de poisson est bonne pour la santé, une exploitation excessive des ressources halieutiques est souvent diamétralement opposée à la durabilité écologique. La réforme de la politique commune de la pêche réalisée en 2013 devrait contribuer à une utilisation plus efficace de ces ressources, notamment grâce à la fixation d’un objectif obligatoire en matière de rendement maximal durable pour tous les stocks halieutiques européens. Il importe également d’assurer le développement durable des modèles d’aquaculture marine et continentale.

Favoriser la prévention et la réduction du gaspillage alimentaire tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire

4.6

Le train de mesures relatif à l’économie circulaire mentionne l’engagement de l’UE et de ses États membres à réaliser l’objectif de développement durable 12.3 des Nations unies consistant à réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici à 2030. Pour atteindre cet objectif, le principe de hiérarchisation de l’utilisation des produits alimentaires devrait guider la gestion des ressources dans ce domaine. Des incitations économiques devraient y contribuer dans toutes les politiques concernées de l’Union. Cela permettrait d’éviter la situation actuelle où il est souvent moins coûteux de mettre en décharge des aliments comestibles que de préparer de la nourriture et de la livrer aux banques alimentaires.

4.7

La gestion durable des ressources nécessite également des efforts accrus de réutilisation des flux résiduels en les valorisant le plus possible. De nouvelles recherches comparant le coût de la préparation des denrées alimentaires à des fins de redistribution, d’alimentation animale, de digestion anaérobie et de mise en décharge dans l’EU-28 permettraient de cerner le rôle des incitations économiques par rapport à la bonne application de la hiérarchie des déchets établie par l’UE. Le don alimentaire provenant des secteurs de l’hôtellerie et de la restauration demeure problématique et la législation qui le concerne reste mal comprise. Il s’agit d’un domaine clé dans lequel il serait particulièrement utile de diffuser largement des recommandations européennes auprès des entreprises des secteurs concernés.

4.8

Le train de mesures relatif à l’économie circulaire constate aussi la nécessité de clarifier les orientations actuelles concernant l’utilisation de denrées alimentaires impropres à la consommation humaine pour l’alimentation animale. Une législation rigoureuse visant à réglementer les nouvelles technologies de stérilisation de déchets alimentaires de manière industrielle et centralisée pourrait garantir la sécurité microbiologique des aliments pour animaux, tout en créant de nouveaux emplois et des possibilités d’investissement et en tirant parti de tous les avantages environnementaux d’une application plus efficace de la hiérarchie des déchets.

4.9

Dans la mesure où la sensibilisation des consommateurs et leur adhésion revêtent une importance cruciale, il serait souhaitable de fournir du matériel pédagogique sur l’alimentation, la durabilité et le gaspillage alimentaire, afin de mettre en exergue la valeur des aliments et de favoriser des changements de comportement systémiques. Il existe déjà des modules pour les écoles primaires et secondaires, les universités, ainsi que des programmes spécialisés pour les secteurs de l’agriculture, de la production industrielle, de l’hôtellerie et de la restauration, s’inspirant d’un large éventail de bonnes pratiques.

4.10

Depuis un certain nombre d’années, l’UE fait preuve d’initiative lorsqu’il s’agit d’encourager les activités destinées à réduire le gaspillage alimentaire. L’exemple donné par l’UE concernant la mise en œuvre de l’objectif 12.3 jouera un rôle essentiel dans la réussite de cet objectif au niveau mondial, par exemple par la diffusion des bonnes pratiques et du savoir-faire européens.

Renforcer le lien entre les systèmes alimentaires et les stratégies concernant le changement climatique

4.11

Les effets du changement climatique se font sentir dans tous aspects de la sécurité alimentaire, non seulement sur les rendements et les cultures, mais aussi sur la santé des agriculteurs, la propagation des organismes nuisibles et des maladies, la perte de biodiversité, l’instabilité des revenus, la qualité de l’eau, etc. La perte de terres arables en raison de la dégradation des sols et de l’urbanisation des terres agricoles pourrait également constituer un sujet de préoccupation. Par conséquent, il est impératif de continuer à utiliser prioritairement les terres pour la production alimentaire. Les institutions et le secteur privé ont un rôle crucial à jouer pour garantir la résilience des systèmes alimentaires, par exemple: en améliorant les régimes de protection sociale afin de limiter les effets des chocs pour les ménages et en veillant au maintien des investissements dans les technologies à faible intensité de carbone dans les secteurs agricole et alimentaire; en favorisant la diversification des cultures et le développement des ressources génétiques; en investissant dans un développement agricole résilient dans les exploitations et en dehors; et en mettant en œuvre des systèmes visant à mieux gérer les risques liés au changement climatique.

4.12

En gardant à l’esprit le pilier économique du développement durable, la Commission et les États membres doivent prendre en considération à la fois le potentiel de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et celui de la séquestration de ces gaz, tout en offrant toutes les formes de soutien financier à la mise en œuvre et à la promotion des mécanismes innovants de coopération dans le cadre de partenariats public-privé. Des indicateurs supplémentaires concernant les gains de productivité agricole, les terres existantes, les régimes alimentaires, ainsi que les pertes et le gaspillage alimentaires permettraient de compléter le tableau de l’incidence du système alimentaire sur le changement climatique.

Promouvoir des régimes alimentaires plus sains et plus durables

4.13

Adopter une alimentation saine constitue souvent un choix durable (14), en particulier dans le contexte d’un régime alimentaire équilibré. À titre d’exemple, manger davantage de produits d’origine végétale locaux, variés et de saison est bon à la fois pour la santé et pour l’environnement. Un mode d’alimentation plus équilibré réduit également le risque de maladies chroniques, le coût des soins de santé et les pertes de productivité du travail dans l’économie. Il conviendrait de définir des principes pour l’élaboration de recommandations en matière d’alimentation saine et durable, dont les États membres pourraient s’inspirer. De telles recommandations relatives aux régimes alimentaires et aux marchés publics ont une incidence directe sur la consommation lorsqu’elles sont adoptées par des institutions publiques, telles que les écoles et les hôpitaux. Il y a également lieu de prendre conscience de la transition qui est en cours dans le monde en matière de nutrition, ainsi que du rôle que l’Union européenne peut jouer en offrant un modèle positif dans le domaine des régimes alimentaires durables. L’approche du «flexitarisme», visant la réduction de la consommation de viande, au moins une fois par semaine, et promue notamment aux Pays-Bas, peut être considérée comme un bon exemple à cet égard.

4.14

Des initiatives telles que le programme alimentaire européen dans les écoles, qui prévoient des conseils nutritionnels ainsi que la distribution de produits nutritifs, contribuent à une alimentation plus équilibrée. La Commission devrait inviter les États membres à encourager une consommation saine et durable. Il conviendrait de promouvoir des campagnes de publicité visuelle en faveur d’une alimentation saine à l’échelle de l’UE, qui pourraient également constituer un bon moyen d’accroître la consommation locale en cas de turbulences sur les marchés mondiaux.

4.15

Dans la mesure où les consommateurs sont de plus en plus habitués à acheter des produits alimentaires bon marché, il conviendrait d’insister à nouveau sur la valeur réelle de la nourriture. Les produits à bas coûts ne tiennent pas compte des externalités, telles que les coûts liés au traitement des eaux. Comme cela a été signalé précédemment, il est nécessaire de dispenser une éducation nutritionnelle dans les écoles, des enseignements sur les modes d’alimentation sains et des cours de cuisine de base qui permettent de favoriser la santé grâce à des repas confectionnés à la maison conformément aux recommandations en matière de nutrition, ainsi que de réduire le gaspillage alimentaire.

4.16

Il est à noter que le ministère néerlandais de la santé, du bien-être et des sports, en collaboration avec les associations des secteurs de la production, du commerce de détail, de la restauration et de l’hôtellerie, a mis en place un accord pour l’amélioration de la composition des produits en vue de les rendre plus sains et de faire en sorte qu’une alimentation saine soit le choix le plus évident. Cet accord comporte des objectifs ambitieux en matière de réduction progressive, d’ici à 2020, de la teneur en sel, en graisses saturées et en calories des aliments, en limitant les changements perceptibles des profils de saveur (15). Le présent avis appelle de ses vœux la mise en œuvre d’un cadre de l’UE pour les initiatives nationales relatives à certains nutriments, notamment ceux figurant à l’annexe, récemment approuvée, concernant les sucres ajoutés.

4.17

Le développement de produits et de marchés, ainsi que la constitution de partenariats clés peuvent faire en sorte que le choix d’une alimentation plus saine et plus durable devienne à la fois facile et séduisant. Les entreprises et la société civile devraient étudier et exploiter les possibilités d’accroître la consommation de fruits et légumes locaux et de saison, ainsi que d’autres produits naturellement riches en fibres comme les aliments complets et les légumineuses. La désignation de 2016 comme Année internationale des légumineuses est considérée comme un premier pas en ce sens.

4.18

La mise en place d’un système d’étiquetage clair sur l’origine, les modes de production et la valeur nutritionnelle des aliments faciliterait les choix des consommateurs. Pour veiller à la sécurité des denrées alimentaires, la traçabilité est également très importante, tant pour les producteurs de denrées alimentaires que pour les consommateurs. Il conviendrait d’envisager un label «alimentation durable» unique et facile à comprendre, dont la faisabilité devrait être évaluée par la Commission. Il y a lieu également de mettre davantage l’accent sur des technologies telles que les applications mobiles et les panneaux d’information destinés aux consommateurs dans le secteur de la vente au détail, pour leur fournir toutes les indications nécessaires et veiller à une traçabilité totale.

Développer le socle de connaissances et mobiliser la recherche et l’innovation

4.19

Bon nombre des défis à relever en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle mondiale nécessitent la participation du monde de la recherche pour élargir les connaissances, promouvoir l’innovation, entrer en contact avec le public et contribuer à façonner un système alimentaire plus durable. Des montants considérables ont été mis à disposition à cette fin dans le cadre du programme de l’UE pour la recherche et l’innovation, Horizon 2020, et du septième programme-cadre antérieur. Toutefois, les recherches sur les régimes, les pertes et les gaspillages alimentaires n’ont pas été correctement pris en compte et nécessitent des efforts accrus. Le CESE soutient fermement l’initiative de la Commission relative à la stratégie à long terme en faveur de la recherche et de l’innovation agricoles ainsi que la décision ambitieuse adoptée très récemment par la direction générale de la recherche et de l’innovation d’élaborer une stratégie globale pour un espace européen de la recherche dans le domaine de l’alimentation; l’Europe pourrait également promouvoir les transitions nutritionnelles durables et la réduction des pertes et gaspillages alimentaires dans d’autres régions du monde par l’intermédiaire de son programme Switch (16).

4.20

Le comité de pilotage scientifique de l’Union européenne chargé de préparer l’exposition universelle de Milan en 2015 a classé les défis pour la recherche en sept grands domaines, et a souligné qu’il était important de promouvoir les approches systémiques, et d’investir dans des recherches inter- et transdisciplinaires. La mise en place d’un panel international sur l’alimentation et la sécurité alimentaire a également été recommandée et représenterait une grande avancée dans la promotion d’une approche interdisciplinaire et intersectorielle.

4.21

La recherche, l’innovation et le développement sont les principaux moteurs de la transition vers un système alimentaire durable, en accord avec les objectifs de la politique climatique. Le CESE invite les institutions européennes et les États membres à octroyer davantage de fonds aux travaux dans ce domaine, et réclame un effort conjoint lorsque des découvertes sont partagées par plusieurs communautés de recherche, les professionnels et d’autres acteurs. Le partenariat européen d’innovation pour la productivité et la durabilité agricole (PEI-AGRI), soutenu par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), joue un rôle essentiel dans le renforcement de la coopération et de la collaboration entre les différentes parties intéressées et la garantie d’un lien plus fort entre les praticiens et les chercheurs. En outre, l’approche à acteurs multiples, dans le cadre du programme Horizon 2020, est un outil important pour garantir que les agriculteurs sont des acteurs essentiels du processus. La clé d’une mise en œuvre réussie de l’innovation est sa promotion active, par l’intermédiaire d’organismes consultatifs et éducatifs, auprès des utilisateurs finaux dans l’ensemble du système alimentaire, ainsi qu’une participation active de ces utilisateurs aux activités de recherche et d’innovation.

4.22

Le CESE souligne que le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) et aux programmes de la Commission destinés au secteur agricole, tels que Galileo et Copernicus, contribue à l’amélioration des techniques de production durable des matières premières dans l’UE. Le CESE demande la poursuite des activités de recherche et de développement relatives à l’utilisation des TIC dans tous les domaines de la production de denrées alimentaires. Ces techniques sont essentielles pour poursuivre la promotion de méthodes de production alimentaire de précision et plus économes en ressources, ainsi que de la détection précoce des maladies, des perturbations liées au climat et des conditions météorologiques extrêmes. Celles-ci permettront à leur tour de réduire les pertes alimentaires dans la production primaire. Il importe d’orienter davantage de recherches vers l’évaluation des possibilités offertes par les modes d’élevage innovants (tels que l’agriculture urbaine), ainsi que vers l’amélioration de l’alimentation animale.

Lutter contre les maladies animales et végétales afin d’augmenter la solidité du système alimentaire

4.23

La propagation des organismes nuisibles et des maladies touchant les animaux et les plantes, aggravée par la mondialisation des échanges et le changement climatique, a des répercussions négatives sur les systèmes alimentaires. L’apparition récente de foyers de peste porcine africaine ou de la bactérie Xylella fastidiosa qui affecte les oliviers dans le sud de l’Italie ne représente que quelques exemples de la façon dont les maladies animales et végétales peuvent perturber le système alimentaire et générer des pertes. Bien que l’UE dispose pratiquement du meilleur système de détection précoce et de prévention dans le monde, ses politiques et son cadre législatif en matière de santé animale et végétale pourraient encore être davantage développés et renforcés en mettant plus l’accent sur la prévention des crises, l’amélioration de la surveillance et de la détection précoce, le degré de préparation et la gestion, ainsi que sur l’identification et l’évaluation des nouveaux risques émergents, à la fois dans l’UE et en dehors. Un réseau de laboratoires de référence existe déjà pour les maladies animales, mais pas pour les maladies des plantes. La connaissance et la recherche sont les principaux piliers de la prévention. Le CESE invite la Commission et les États membres à être encore plus ambitieux en finançant d’urgence des centres de recherche sur les maladies des animaux et en établissant des laboratoires de référence pour les maladies végétales. Il conviendrait également de renforcer les systèmes de détection précoce et de prévention, tout en veillant à ce que les producteurs d’aliments et les autres opérateurs (par exemple les agriculteurs) soient dûment indemnisés pour toute perte, notamment pour les dommages économiques subis par les agriculteurs lorsque des restrictions commerciales sont imposées dans l’intérêt public général en cas d’épidémie. En outre, l’accent doit être mis sur l’établissement de systèmes agricoles diversifiés qui seront davantage en mesure de résister aux agressions biotiques.

4.24

L’investissement dans la recherche doit être axé sur la prévention et la détection précoce, car le traitement et l’éradication d’une maladie en cours peuvent s’avérer très coûteux et préjudiciables. Il est essentiel de renforcer les capacités et de mener des actions de sensibilisation, de même que de veiller au transfert de connaissances des chercheurs vers les agriculteurs et les autres acteurs. Le transfert de connaissances et la coopération avec des pays tiers sont essentiels. Si l’UE doit établir des règles non contraignantes, donner des recommandations et fournir des instruments permettant une meilleure surveillance, il est également capital qu’elle effectue des contrôles plus stricts des importations. Il est crucial de s’attaquer à la résistance aux antibiotiques et d’adopter une approche intégrée combinant médecine humaine et médecine vétérinaire (le concept «Une seule santé»).

Bruxelles, le 26 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (2014): «Pertes et gaspillages de nourriture dans un contexte de systèmes alimentaires durables», rapport du HLPE, Rome.

(2)  http://www.unep.org/resourcepanel/Portals/24102/PDFs/PriorityProductsAndMaterials_Summary_fr.pdf.

(3)  COM(2013) 838 final, http://ec.europa.eu/agriculture/genetic-resources/pdf/com-2013-838_fr.pdf.

(4)  FAO (2011), Pertes et gaspillage alimentaires dans le monde.

(5)  La définition des pertes et du gaspillage alimentaires, telle qu’établie par l’ONU, est disponible à l’adresse: http://thinkeatsave.org/index.php/be-informed/definition-of-food-loss-and-waste#.

(6)  Fusions (2016), Estimates of European food waste levels (Estimations des niveaux de gaspillage alimentaire en Europe), http://eu-fusions.org/phocadownload/Publications/Estimates%20of%20European%20food%20waste%20levels.pdf.

(7)  Données d’EU Fusions pour 2015; EC Preparatory Study on Food Waste (Étude préparatoire de la Commission européenne sur le gaspillage alimentaire) (2011), http://eu-fusions.org/index.php/publications, http://ec.europa.eu/environment/eussd/pdf/bio_foodwaste_report.pdf.

(8)  AEE (2015): http://www.eea.europa.eu/signals/signals-2015/articles/agriculture-and-climate-change.

(9)  Voir «Stratégie de l’UE relative à l’adaptation au changement climatique» [COM(2013) 216 final].

(10)  OMS (2015), données de l’Observatoire mondial de la santé (GHO), disponibles à l’adresse: http://www.who.int/gho/ncd/risk_factors/obesity_text/en/.

(11)  WRR (2015): Towards a food policy (Vers une politique alimentaire).

(12)  Gouvernement néerlandais (2015), Food agenda: for safe, healthy and sustainable food (Programme alimentaire: pour une alimentation sûre, saine et durable).

(13)  Faostat, 2015.

(14)  Conseil néerlandais de la santé, Guidelines for a healthy diet: the ecological perspective (Recommandations pour un régime alimentaire sain: le point de vue écologique), publication no 2011/08, La Haye (Gezondheidsraad).

(15)  Seconde Chambre néerlandaise, 2014-2015, 32793, no 162.

(16)  http://www.switch-asia.eu.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/73


Avis du Comité économique et social européen sur «Un Forum de la société civile européenne en faveur du développement durable»

(avis exploratoire)

(2016/C 303/09)

Rapporteur:

Mme Brenda KING

Corapporteur:

M. Roman HAKEN

Le 16 décembre 2015, la future présidence néerlandaise a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur le thème:

«Un Forum de la société civile européenne en faveur du développement durable»

(avis exploratoire).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 26 mai 2016), le CESE a adopté le présent avis par 148 voix pour, 1 voix contre et aucune abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité accueille favorablement le programme de développement durable des Nations unies à l’horizon 2030. Il considère l’adoption de ce programme, en même temps que l’accord sur le changement climatique conclu à Paris dans le cadre de la COP 21, comme une avancée considérable dans la définition d’une ligne d’action au niveau mondial destinée à éradiquer la pauvreté, à promouvoir la prospérité pour tous et à préserver les ressources naturelles de notre planète de manière intégrée.

1.2.

Le Comité recommande la création, en partenariat avec la Commission et des représentants de la société civile, d’un Forum européen du développement durable (ci-après le «Forum»), une plateforme qui permettrait à un vaste éventail d’organisations et d’acteurs de la société civile de participer à l’établissement du cadre de mise en œuvre de ce programme au sein de l’Union européenne (UE) ainsi qu’à son contrôle et à son réexamen continus.

1.3.

Le nouveau programme, et les 17 objectifs de développement durable (ODD) qu’il contient, s’applique de façon universelle tant aux pays en développement qu’aux pays développés et exigera des transformations de la part de tous. L’UE et les États membres devront adapter en conséquence l’ensemble de leurs politiques — et pas uniquement celles en matière de développement — de façon équilibrée et cohérente.

1.4.

L’UE et ses États membres, qui ont joué un rôle moteur dans la préparation du programme de développement durable à l’horizon 2030, devraient donner l’exemple en mettant ce programme en pratique et en établissant le cadre de gouvernance. Le Comité se félicite dès lors de l’intention de la Commission de publier en 2016 une nouvelle initiative intitulée «Prochaines étapes pour un avenir européen durable», en raison de sa nouvelle approche, qui s’impose d’ailleurs de toute urgence, visant à garantir la croissance économique et la durabilité sociale et environnementale de l’Europe au-delà de l’horizon 2020 et consistant à mettre en œuvre les ODD de manière intégrée dans les politiques internes et externes de l’Europe (1). Le Comité invite la Commission à considérer cette initiative, et notamment la mise en place d’un cadre de gouvernance participative, comme une priorité majeure. Il considère cette initiative comme une mesure nécessaire pour renforcer le concept de développement durable dans toute l’Europe, grâce à une stratégie intégrée en faveur d’une Europe durable dans un contexte de mondialisation qui établirait un cadre pour la mise en œuvre au niveau national et aurait pour horizon au minimum l’année 2030.

1.5.

Le Comité s’engage à contribuer à la pleine mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030 au sein de l’Union. De par sa longue expérience en matière de communication avec la société civile, il s’estime particulièrement compétent pour aider à assurer une forte participation de cette dernière dans ce contexte.

1.6.

Au niveau de l’UE, les instruments de gouvernance participative doivent être consolidés afin de renforcer le caractère démocratique et inclusif du processus décisionnel et de permettre à la société civile de jouer un plus grand rôle.

1.7.

Le Forum préconisé par le CESE facilitera le dialogue et la communication entre les institutions européennes et les parties prenantes non gouvernementales, ainsi qu’entre acteurs non gouvernementaux issus de différents horizons, concernant les progrès à réaliser en faveur du développement durable au sein de l’UE. Il portera l’attention sur le programme de développement durable à l’horizon 2030, permettra la tenue d’un débat informé et favorisera l’appropriation par toutes les parties concernées.

1.8.

Le Comité est convaincu que l’organisation du Forum est techniquement faisable et qu’elle bénéficierait à l’ensemble des parties concernées. Il s’appuie à cet égard sur l’analyse approfondie réalisée dans le cadre du présent avis, y compris lors d’auditions et de réunions au cours desquelles les parties prenantes ont soutenu l’idée de mettre en place un tel Forum, et sur l’exemple extrêmement fructueux du Forum européen sur la migration.

1.9.

Étant donné que la gestion des objectifs de développement durable à différents niveaux constitue un nouveau domaine d’action politique, des cadres de gouvernance appropriés devront encore être mis en place et consolidés dans les années à venir. La structure du Forum devrait donc être suffisamment flexible pour lui permettre de s’aligner sur le cadre de gouvernance général au fil de ses évolutions.

1.10.

Le Forum devrait comprendre des représentants d’un large éventail d’associations représentant les parties prenantes et la société civile organisée, et notamment le secteur privé et les syndicats. Sa composition devrait être aussi inclusive que possible, sans que sa gestion et son fonctionnement efficaces en soient compromis. Le Forum devrait également être ouvert aux initiatives issues des acteurs de terrain dans le domaine du développement durable. La participation des secteurs universitaire et de la recherche devrait contribuer à faire en sorte que les débats s’appuient sur des données objectives.

1.11.

La participation à haut niveau de la Commission européenne est fondamentale, des représentants du Parlement européen et du Conseil de l’UE seront invités et il est prévu de coopérer avec le Comité des régions. Les conseils du développement durable et les conseils économiques et sociaux nationaux devraient être représentés, de même que les organes nationaux similaires ayant pour mission de faire progresser le développement durable.

1.12.

Le Forum devrait être administré par un conseil composé majoritairement de membres issus de la société civile et d’organisations de parties prenantes, ainsi que d’autres membres représentant la Commission et le CESE.

1.13.

Le Forum doit s’inscrire pleinement dans les processus de mise en œuvre, de contrôle et de réexamen des ODD. Il devrait être organisé en un processus de travail continu, se réunir au moins une fois par an et s’intéresser notamment à la préparation de l’UE en vue du Forum politique de haut niveau sur le développement durable, qui se réunit une fois par an sous l’égide des Nations unies. Il devrait servir de plateforme de discussion concernant la conception, la structure et les modalités du cadre de l’UE pour la mise en œuvre des ODD. Il devrait également faciliter la participation des acteurs qui le composent aux réexamens intergouvernementaux des ODD des États membres.

2.   Introduction

2.1.

Lors du sommet des Nations unies sur le développement durable, qui s’est tenu du 25 au 27 septembre 2015, les dirigeants mondiaux ont adopté le programme de développement durable à l’horizon 2030, comprenant un ensemble de 17 ODD à atteindre d’ici 2030.

2.2.

Sur le continent européen, l’UE jouera un rôle clé en ce qui concerne l’intégration du nouveau programme dans les politiques européennes, sa diffusion, la définition de grandes étapes, la coordination et la fourniture de conseils ainsi que le suivi des progrès réalisés et le contrôle de la qualité des évaluations par les pairs (réalisées au niveau national).

2.3.

Afin de mettre en œuvre les ODD, des mécanismes de gouvernance appropriés doivent être mis en place aux niveaux mondial, supranational, national et local. En s’appuyant sur une démarche participative et sur les principes de transparence, de responsabilité et de renforcement des pouvoirs des citoyens, les collectivités locales, les entreprises, les syndicats, les organisations non gouvernementales (ONG) et d’autres acteurs de la société civile doivent jouer un rôle actif à tous les niveaux politiques.

2.4.

Dans son rapport d’information (2), le Comité a étudié différents modèles de participation de la société civile à la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030 au sein de l’UE et a formulé des recommandations sur la manière de renforcer la gouvernance participative. Le Forum proposé se fonde sur les principales recommandations de ce rapport.

2.5.

Après la présentation du rapport à la Commission, au Forum politique de haut niveau des Nations unies pour le développement durable, à des groupes de travail du Conseil et lors de conférences, la présidence néerlandaise du Conseil a demandé au Comité d’élaborer un avis exploratoire sur la manière de mettre en place, gérer et financer concrètement un mécanisme de participation de la société civile au niveau de l’UE pour en faire un instrument efficace de gouvernance participative dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030. Les recommandations contenues dans cet avis devraient faciliter les décisions politiques ultérieures concernant l’introduction d’un tel instrument.

3.   Participation de la société civile et des parties prenantes au développement durable

3.1.

Le processus ayant abouti au programme de développement durable à l’horizon 2030 reposait sur un vaste dialogue participatif avec les organisations représentant la société civile et les parties prenantes, qui a contribué de manière substantielle au développement des ODD au sein du groupe de travail ouvert des Nations unies. Il convient de poursuivre cette approche inclusive, étant donné que la société civile a un rôle essentiel à jouer à chaque étape du cycle des politiques de développement durable (définition des objectifs, élaboration de stratégies de mise en œuvre et de programmes stratégiques, mise en œuvre et contrôle). Il ne sera possible de réaliser des avancées en matière de développement durable que si celles-ci trouvent directement leur origine dans des entreprises, des communautés locales et des citoyens engagés et novateurs.

3.2.

L’une des principales conclusions du précédent rapport d’information du CESE est que l’engagement des parties prenantes en faveur du développement durable est plus efficace s’il est organisé comme un processus continu et structuré plutôt que sous la forme de consultations individuelles portant sur des questions spécifiques ou ponctuelles. Un processus structuré permet aux parties prenantes de planifier leurs activités et de présenter des contributions fondées sur un solide travail de recherche.

3.3.

Il y a lieu de reconnaître dans ce contexte qu’il existe plusieurs définitions divergentes de la société civile. Si certains établissent une distinction entre les organisations de la société civile, engagées dans la protection des biens collectifs, et le secteur privé, le Comité a une conception large de la «société civile organisée», qui comprend selon lui l’ensemble des groupes et organisations permettant à des individus de travailler en coopération et d’exprimer leurs points de vue, ce qui inclut les organisations du secteur privé, les syndicats et d’autres groupes d’intérêts (3). Les recommandations contenues dans le présent avis reposent sur une acception large de la société civile regroupant de manière ouverte et inclusive l’ensemble des acteurs non gouvernementaux, étant donné qu’une participation de tous les groupes et secteurs est nécessaire pour relever le défi que constitue la mise en œuvre des ODD.

4.   Valeur ajoutée d’un Forum européen du développement durable

4.1.

Le Comité jouit d’une longue expérience lorsqu’il s’agit d’établir des liens avec les organisations de la société civile de tous les secteurs et de créer de la valeur au moyen d’un dialogue et d’actions concrètes avec les responsables politiques européens. Il a plaidé en faveur d’un programme ambitieux à l’horizon 2030, au moyen de plusieurs avis et d’une série de conférences et d’ateliers organisés conjointement avec la Commission et divers organes des Nations unies. Lors de la négociation du programme de développement durable à l’horizon 2030, ceux-ci ont servi de plateforme pour le dialogue avec la société civile au niveau de l’UE. Le Comité propose à présent de continuer à développer cette pratique pour la transformer en une structure permanente et plus stable.

4.2.

Sur la base de l’évaluation contenue dans le rapport, le Comité envisage de mettre sur pied un Forum européen du développement durable (ci-après le «Forum»), en partenariat avec la Commission et des représentants de la société civile organisée et des parties prenantes.

4.3.

Le Forum devrait constituer une plateforme stable, structurée et indépendante qui permettra d’entretenir, au niveau de l’UE, un dialogue régulier avec la société civile sur les questions de développement durable. Il devrait se concentrer sur les tâches suivantes:

fournir un cadre pour le dialogue sur le développement durable et faciliter la coopération entre les institutions européennes et les parties prenantes non gouvernementales, ainsi qu’entre acteurs non gouvernementaux issus de différents horizons,

créer un espace permettant aux parties prenantes non gouvernementales, aux différents acteurs et aux responsables d’initiatives locales de partager leurs suggestions, bonnes pratiques et solutions pour assurer la bonne mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030,

assurer une forte participation des parties prenantes non gouvernementales au processus continu de contrôle et de réexamen du programme de développement durable à l’horizon 2030,

à cette fin, organiser un dialogue suivi au moyen de réunions, complétées par d’autres modes de communication tels qu’une plateforme en ligne.

4.4.

Le Forum apportera une valeur ajoutée dans les domaines suivants:

dialogue: en tant que facilitateur du Forum, le CESE apporte sa capacité à s’adresser à diverses parties intéressées et à assurer une intégration transsectorielle,

information et conseil: le Forum exposerait de manière éclairée aussi bien les succès que les lacunes et les échecs des actions entreprises concernant la mise en œuvre des ODD et contribuerait à leur succès grâce à l’expertise des différentes parties prenantes, aux échanges de bonnes pratiques ainsi qu’au maintien d’un horizon à long terme et à l’apport de nouvelles perspectives,

sensibilisation et appropriation: le Forum assurera la sensibilisation au programme de développement durable à l’horizon 2030 et renforcera l’appropriation en associant diverses parties prenantes au processus,

partenariat: le Forum pourrait faciliter l’instauration de partenariats multipartites pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable au niveau de l’UE.

4.5.

Le Forum offre une occasion d’approfondir le dialogue, de rechercher un consensus et d’étudier les sujets de controverse. Il ne s’exprime pas au nom des organisations de la société civile et ne remplace pas les campagnes de sensibilisation entreprises par les organisations participantes. Le Comité reconnaît le travail efficace des ONG et autres groupements qui militent pour une mise en œuvre ambitieuse du programme de développement durable au sein de l’UE. Il les invite tous à participer au Forum et à l’utiliser comme plateforme pour faire passer leurs messages et pour nouer le dialogue avec un éventail plus large de parties prenantes et avec les institutions européennes.

4.6.

La proposition du Comité s’appuie également sur les expériences positives des conseils nationaux du développement durable, qui, dans plusieurs États membres de l’UE, ont contribué efficacement aux décisions prises sur le plan intérieur par les pouvoirs publics, les communautés locales et les entreprises, influençant ainsi le débat plus large sur le développement durable. Les membres des conseils nationaux du développement durable représentent la société civile, des groupes de défense et des associations de parties prenantes, ainsi que des associations patronales et syndicales. La structure institutionnelle de ces conseils, dont les membres sont nommés par les pouvoirs publics, peut varier en fonction des spécificités nationales. Sans remplacer les approches légitimes axées sur la sensibilisation, ces conseils établissent des liens avec des décideurs politiques de premier plan et entreprennent un large éventail d’activités et de tâches:

conseils aux pouvoirs publics,

rassemblement des parties prenantes, connexion avec les groupes cibles et élargissement de l’intégration verticale,

suivi des progrès réalisés,

facilitation de l’apprentissage en matière d’élaboration et de mise en œuvre des politiques, notamment au moyen d’évaluations par les pairs,

définition des priorités, et

participation à la diffusion du concept de développement durable.

4.7.

L’exemple du Forum européen sur la migration (FEM) illustre les avantages d’une plateforme similaire au Forum gérée par le CESE. Le FEM a été créé en 2009 par la Commission en coopération avec le CESE en tant que Forum européen sur l’intégration (4). Au vu de son succès, il a été décidé d’élargir son champ d’action aux thématiques liées à l’immigration et à l’asile. Ce forum rassemble quelque 200 participants, dont environ 120 organisations de la société civile, 20 représentants des collectivités locales et régionales et des représentants des États membres et des institutions européennes.

4.8.

En 2012, la direction générale de la coopération internationale et du développement a mis en place avec beaucoup de succès, à l’échelon de l’UE, un Forum politique sur le développement, conçu comme un espace de dialogue multipartite avec les organisations de la société civile et les collectivités locales de l’UE et des pays partenaires, destiné à garantir qu’elles soient effectivement consultées et qu’elles puissent contribuer aux politiques et programmes de développement de l’UE. Y participent notamment des ONG actives dans le développement, des syndicats, des coopératives, des fondations et associations philanthropiques, des collectivités locales, des chambres de commerce, des organisations de défense des droits de l’homme, des associations humanitaires et de bienfaisance, des organisations environnementales et des organisations de jeunesse. Le Forum politique ne couvre cependant que les questions en lien avec la politique extérieure et de développement de l’UE, notamment en permettant un dialogue approfondi avec la société civile sur la politique de développement et les projets en la matière. Il complète idéalement le programme de développement durable au sens large que vise le Forum européen du développement durable ainsi que son obligation d’intégrer les aspects intérieurs et extérieurs des ODD. Concrètement, une grande partie des discussions menées dans le cadre de ce Forum sera consacrée à la mise en œuvre interne des ODD au sein de l’UE. Les travaux du Forum devront être étroitement coordonnés avec ceux du Forum politique sur le développement afin de créer des synergies.

5.   Principales caractéristiques/composantes d’un Forum européen du développement durable

5.1.

Étant donné que les ODD constituent une initiative sans précédent et que les cadres de gouvernance sont encore en cours d’élaboration, la composition du Forum devrait se concentrer en particulier sur les éléments de la gouvernance en train d’être définis et conserver une certaine flexibilité. Le Forum devra s’intégrer dans le cycle politique complet du développement durable. À cette fin, il devra être réexaminé de manière approfondie lorsque les cadres de gouvernance de l’UE et des États membres relatifs au programme de développement durable à l’horizon 2030 auront commencé à prendre forme.

5.2.

Après avoir étudié les principales caractéristiques du Forum lors de l’élaboration du présent avis, le Comité est convaincu qu’il devrait se profiler comme suit lors de son lancement initial.

5.3.    Participants

5.3.1.

Pour ce qui est de la participation des parties prenantes non gouvernementales, l’objectif est d’être aussi inclusif que possible, comme souligné au paragraphe 3.3, et d’intégrer des représentants:

d’ONG actives dans les domaines du développement, des questions sociales, de l’environnement, des droits de l’homme et de la lutte contre les discriminations,

du secteur privé, y compris des secteurs de l’industrie, des micro-, petites et moyennes entreprises, des services et de l’investissement durable,

des syndicats,

des agriculteurs et de l’industrie forestière,

des consommateurs,

de la dimension culturelle du développement durable,

de la jeunesse,

du développement urbain et rural, et

d’autres secteurs concernés.

5.3.2.

Les groupes de la société civile dont les intérêts ne sont généralement pas bien représentés au niveau de l’UE doivent être associés. Les participants devraient aussi inclure non seulement des représentants d’organisations, mais également de véritables acteurs et organisateurs d’initiatives dans le domaine du développement durable susceptibles d’apporter leur expérience issue des meilleures pratiques.

5.3.3.

La composition du Forum devrait garantir une représentation équilibrée des différents secteurs et groupes de parties prenantes et une couverture appropriée du développement durable dans toutes ses dimensions. D’autre part, la diversité des thématiques centrales propres à chaque réunion devra également être prise en considération. Il en résultera que certains groupes jouant un rôle central pour les politiques de développement durable seront représentés de manière permanente, tandis la participation d’autres groupes dépendra de la thématique abordée. Les groupes centraux sont ceux qui s’intéressent à l’ensemble des 17 ODD et qui se concentrent sur les questions de gouvernance générales. La participation des groupes de réflexion spécifiques reposera sur un appel ouvert à manifestation d’intérêt qui présentera l’ordre du jour de chaque réunion.

5.3.4.

La composition du Forum devrait refléter le principe d’une gouvernance associant les différents niveaux ainsi que la continuité et la flexibilité en matière d’expertise. La priorité sera accordée aux organisations actives au niveau européen. S’agissant des échelons national et infranational, les conseils du développement durable, les conseils économiques et sociaux et les communautés locales et régionales devraient être représentés. Une coopération avec le Comité des régions est à envisager.

5.3.5.

Pour ce qui est des institutions, la Commission, et notamment son vice-président chargé de la coordination des politiques de développement durable, devrait participer aux réunions et être invitée à réaliser des présentations et à dialoguer avec les parties prenantes. Des représentants du Parlement européen et du Conseil de l’UE devraient également être invités.

5.3.6.

Le monde de la recherche et de la science devrait être représenté au sein du Forum. La participation du secteur scientifique pourrait également faciliter les interactions entre la science et l’organisation stratégique dans la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030 au niveau de l’UE.

5.3.7.

Il conviendra d’assurer la prise en charge des frais de voyage et de séjour pour les organisations de la société civile dont les capacités de participation sont limitées.

5.3.8.

Pour garantir l’équilibre entre continuité et flexibilité, la sélection des participants non permanents devrait être réalisée préalablement à chaque réunion du Forum, compte tenu de la thématique abordée lors de la rencontre et sur la base d’un appel ouvert à manifestation d’intérêt. Une procédure similaire est appliquée avec succès pour le Forum européen sur la migration.

5.3.9.

Pour assurer l’ouverture et la confiance, les conditions de participation seront transparentes et les participants seront tenus de signer le registre de transparence de l’UE et de souscrire aux principes appropriés, tels que les principes d’Istanbul sur l’efficacité du développement des OSC (5).

5.4.    Organisation et gestion

5.4.1.

Les multiples fonctions du Forum doivent être prises en considération pour pouvoir définir correctement son statut institutionnel et sa structure organisationnelle. L’indépendance et la crédibilité du Forum revêtent une grande importance. Le Forum devrait être géré de la manière la plus claire et la plus transparente possible, toute confusion quant aux responsabilités de chacun devant être évitée.

5.4.2.

Le Forum devrait être hébergé et coordonné par le CESE, en sa qualité d’organe chargé de faciliter la participation de la société civile au niveau de l’UE.

5.4.3.

La préparation des réunions devrait être prise en charge par un conseil composé à la fois de représentants d’organisations de la société civile et d’organisations de parties prenantes, qui constitueraient la majorité des membres, et de représentants de la Commission et du CESE. À l’instar du Forum européen sur la migration, les membres du conseil pourraient être élus par les participants au Forum selon un principe de rotation.

5.5.    Méthode de travail et réunions

5.5.1.

Le Forum devrait être conçu comme un processus de travail continu. Des réunions régulières seront organisées chaque année, accompagnées de réunions préparatoires, sous la forme de «réunions ouvertes», de groupes de travail ou d’une coopération continue s’appuyant sur des plateformes en ligne, en recourant à des méthodes innovantes d’organisation de la communication et des manifestations.

5.5.2.

La composition et les modalités de fonctionnement du Forum devraient respecter le droit des organisations de la société civile participantes de définir leur contribution en toute indépendance et de manière auto-organisée.

5.5.3.

Le Forum s’efforcera d’établir des connexions pertinentes avec le processus de mise en œuvre des ODD au niveau européen et, en conséquence, au niveau des Nations unies et des États membres. À l’échelon des États membres, les gouvernements nationaux devraient s’adapter aux objectifs universels et faire rapport aux Nations unies, dans le cadre desquelles le Forum politique de haut niveau (FPHN) pour le développement durable a été créé afin de guider et de surveiller la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030. Le Forum devrait se réunir en plénière au moins une fois par an préalablement à la réunion d’été annuelle du FPHN, afin que ses travaux puissent être pris en considération.

5.5.4.

Pour ce qui est du calendrier des autres réunions, il convient de prendre en considération le semestre européen, les négociations budgétaires et le programme de travail de la Commission européenne. Le Forum devrait faciliter la participation des pairs issus de la société civile et des parties prenantes aux régimes émergents d’évaluation par les pairs mis en place par les gouvernements des États membres, qui sont actuellement étudiés par le réseau européen du développement durable.

5.5.5.

Un autre jalon important pour la participation des parties prenantes au processus de suivi est celui des rapports de suivi sur la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030 au sein de l’UE, et notamment ceux publiés par Eurostat, qui pourraient fournir une solide base de connaissances pour les débats au sein du Forum.

5.6.    Fixation de l’ordre du jour

5.6.1.

L’examen exhaustif des progrès et des modalités de mise en œuvre du programme de développement durable doit figurer régulièrement à l’ordre du jour des réunions plénières. Ce dernier pourrait en outre prévoir des discussions sur un thème spécifique, se rattachant à plusieurs objectifs de développement durable ou à une thématique transversale présentant un intérêt pour de nombreux ODD (par exemple à la fois pour la réduction de moitié de la pauvreté et pour la lutte contre les inégalités). L’ordre du jour devrait être établi d’une manière qui encourage la coopération entre parties prenantes d’horizons différents.

5.6.2.

Puisque le Forum est censé fonctionner de manière indépendante et transparente, les participants seront consultés lors de l’établissement de l’ordre du jour par l’entremise de son conseil d’administration.

5.7.    Base de connaissances

5.7.1.

Pour être efficaces et pertinents, les débats organisés au sein du Forum doivent s’appuyer sur une excellente base de connaissances. L’on s’attend à ce qu’Eurostat poursuive la publication de ses rapports de suivi bisannuels (6) sur la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030 au sein de l’UE. Ces rapports constitueront une partie de la base de connaissances qui sera utilisée pour les discussions au sein du Forum.

5.7.2.

Il y a lieu de prendre en considération dans le processus les informations provenant de sources indépendantes, telles que les rapports et initiatives de la société civile organisée, des conseils économiques et sociaux et conseils de développement durable nationaux, du monde universitaire, des organismes de recherche (à l’instar du système de gestion des connaissances sur les ODD mis en place par l’Institut international du développement durable) et des agences européennes, ainsi que des activités de contrôle exercées par les citoyens. Des plateformes en ligne pourraient être utilisées pour soutenir la fourniture d’informations. Pour pouvoir bénéficier d’une expertise en invitant des experts ou en lançant des projets de recherche, le Forum devrait s’efforcer d’établir des liens avec les capacités de recherche existantes.

5.7.3.

En s’inspirant des bonnes pratiques des conseils nationaux du développement durable, le Forum devrait créer des liens avec les institutions qui financent la recherche et lancer des projets de recherche interdisciplinaires sur la transition vers un modèle de développement durable dans toute l’Europe.

5.8.    Résultats

5.8.1.

Les résultats des réunions du Forum et des discussions devraient être résumés dans des rapports ou d’autres modes de documentation appropriés. Il convient de s’assurer que ceux-ci reflètent les points de vue et recommandations de tous les représentants. La résolution des conflits d’intérêts est de la compétence du conseil. La documentation des résultats devrait également fournir aux organisations participantes l’occasion de présenter leurs réalisations et leurs rapports.

5.8.2.

Si des rapports de suivi réguliers sur le développement durable sont élaborés par Eurostat ou la Commission, le Forum proposera d’y intégrer ses propres conclusions en publiant un rapport parallèle reflétant les points de vue de la société civile.

5.8.3.

Il convient de s’assurer que les résultats alimentent les travaux de la Commission et des autres institutions européennes sur le programme de développement durable à l’horizon 2030, et tout retour d’information fera l’objet d’un examen attentif.

5.8.4.

Le Forum pourrait également engager une série de dialogues européens avec des groupes d’intérêts spécifiques ou d’autres groupes cibles de citoyens, tels que les jeunes, dont sera issue la prochaine génération de décideurs politiques qui atteindra l’âge de la retraite en 2050.

5.8.5.

Le Forum pourrait également choisir d’instaurer de nouvelles formes d’interaction. Il pourrait être envisagé de décerner un prix européen du développement durable, qui pourrait récompenser des actions extraordinaires et mobilisatrices de la part de la société civile.

5.9.    Financement

5.9.1.

Le CESE pourrait mettre son infrastructure technique à la disposition du Forum et prendre en charge la gestion du secrétariat. Il conviendra d’examiner avec les partenaires de coopération comment pourront être financés le nécessaire remboursement des frais de déplacement pour les participants et les orateurs, la gestion des plateformes en ligne et la production des rapports et documents finaux.

Bruxelles, le 26 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  COM(2015) 610 final.

(2)  Rapport d’information du 17 septembre 2015, document EESC-2015-1169. Ce rapport s’accompagne d’une étude du Forum des parties prenantes intitulée «Building the Europe We Want — Models for civil society involvement in the implementation of the Post-2015 agenda» (Construire l’Europe que nous voulons — Modèles de participation de la société civile à la mise en œuvre du programme pour l’après-2015), commandée par le CESE et publiée en juin 2015.

(3)  Article 300, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

(4)  Avis du CESE sur le thème «Éléments pour la structure, l’organisation et le fonctionnement d’une plateforme destinée à une plus grande participation de la société civile à la promotion de politiques d’intégration de ressortissants de pays tiers au niveau de l’UE» (JO C 27 du 3.2.2009, p. 95).

(5)  http://cso-effectiveness.org/-cadre-international,115-.html?lang=fr.

(6)  http://ec.europa.eu/eurostat/web/products-statistical-books/-/KS-GT-15-001.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

517e session plénière du CESE des 25 et 26 mai 2016

19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/81


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen — Programme de travail annuel de l’Union en matière de normalisation européenne pour 2016»

[COM(2015) 686 final]

(2016/C 303/10)

Rapporteur:

M. Patrick LIÉBUS

Le 5 février 2016, la Commission a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen (CESE) sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen — Programme de travail annuel de l’Union en matière de normalisation européenne pour 2016»

[COM(2015) 686 final].

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le CESE a adopté le présent avis par 141 voix pour et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Cet avis se concentre sur le thème central de l’inclusivité du Système européen de normalisation (SEN). Ce choix s'explique par le fait que les organisations ANEC, ECOS, ETUC, SBS, connues sous le nom d’«organisations “Annexe III”» en relation avec le règlement (UE) no 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil, sont toutes représentées par le CESE. C’est pourquoi, en tant que «maison» de la société civile, le CESE souhaite se focaliser sur la transparence et l’inclusivité du SEN.

1.2.

Le CESE a aussi reconnu la volonté de la Commission européenne de s’attaquer aux aspects de caractère stratégique du SEN dans le cadre des programmes annuels de travail.

1.3.

En ce qui concerne les relations entre les organisations «Annexe III» et le SEN, le CESE invite les organisations européennes de normalisation (OEN) à attribuer aux organisations «Annexe III» un statut spécifique de membres/partenaires, dotés de droits et d’obligations propres. Ceci devrait se concrétiser par l’octroi, aux organisations «Annexe III», d’un droit d’appel illimité et d’un pouvoir consultatif, notamment concernant les normes d’intérêt public.

1.4.

Reconnaissant que la délégation nationale est un des principes fondamentaux de la normalisation européenne, le CESE insiste sur l’importance de faciliter l’accès au processus de normalisation pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les acteurs sociétaux, ainsi que leurs représentants au niveau national. Dans ce cadre, le CESE propose de mettre en place, à l’échelon national, l’accès gratuit aux «comités miroirs» pour les PME et les acteurs sociétaux, ainsi que leurs associations représentatives respectives.

1.5.

Le CESE rappelle le rôle fondamental des «consultants de la nouvelle approche» et salue leur contribution à l’évaluation de la conformité des normes aux politiques de l’Union, dans le cadre de la normalisation harmonisée. Le CESE accueille donc avec satisfaction la volonté exprimée par la Commission d’assurer le maintien de leurs activités à longue échéance.

1.6.

En conclusion, le CESE demande que soit effectué un suivi approfondi des efforts menés par les acteurs principaux de la normalisation, et ce afin de renforcer la dimension d’inclusivité du SEN. Le CESE pourrait assurer ce suivi en créant un forum ad hoc sur l’inclusivité du SEN. Cet organe serait chargé d’organiser une audition publique annuelle pour évaluer les progrès enregistrés sur ce plan.

2.   Synthèse de la communication

2.1.

La Commission a exposé dans une communication sa vision stratégique de la normalisation européenne et a mis en place le cadre juridique correspondant par l’intermédiaire du règlement (UE) no 1025/2012, relatif à la normalisation européenne, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2013. L’une des nouveautés introduites par ce règlement est l’obligation pour la Commission d’adopter un programme de travail annuel de l’Union pour la normalisation européenne.

2.2.

Le programme de travail est un outil visant à améliorer la coopération entre la Commission et le SEN, en exposant la vision et les projets de la Commission en matière de normalisation pour l’année à venir. La Commission entend revoir son partenariat avec le SEN, afin de garantir la participation adéquate de toutes les parties prenantes (industrie, PME, consommateurs, organisations de défense de l’environnement, travailleurs, etc.).

2.3.

Parmi les priorités stratégiques pour la normalisation européenne figurent l’adoption d’un plan en matière de normes prioritaires dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) ainsi que la normalisation des services. Le plan en matière de normes prioritaires dans le domaine des TIC complètera le programme de travail annuel de l’Union.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE félicite la Commission de la présentation du programme de travail annuel 2016 pour la normalisation et rappelle la contribution fondamentale des normes à la structuration du marché intérieur et à la compétitivité des entreprises. Comme indiqué dans l’avis INT/590 du CESE de septembre 2011 (1), le programme annuel pour la normalisation représente un véritable atout en termes de transparence, de planification et de prévision, notamment pour les acteurs et les parties prenantes du SEN.

3.2.

Le CESE accueille positivement ce programme annuel 2016, car il permet de faire un état des lieux des discussions actuelles, mais surtout parce qu’il apporte une véritable valeur ajoutée à la programmation future. Le CESE invite donc la Commission à mieux préparer les programmes annuels futurs, en consultant les parties prenantes sur les aspects techniques et stratégiques et en publiant le programme de travail en juillet de l’année précédente. Le CESE accueille positivement le contenu des priorités dans les différents secteurs.

3.3.    Priorité donnée à l’inclusivité

3.3.1.

Les parties prenantes qui ont toujours souffert d’un accès difficile et moindre au SEN, à savoir les consommateurs, les intérêts environnementaux, les travailleurs et les PME — représentées par les organisations ANEC, ECOS, ETUC, SBS, connues sous le nom d’«organisations “Annexe III”» en relation avec le règlement (UE) no 1025/2012, ainsi que leurs membres nationaux — sont toutes représentées par le CESE. C’est pourquoi, bien conscient de la contribution fondamentale et des défis de participation rencontrés en général par d’autres parties prenantes dans le développement des normes, le CESE, en tant que «maison» de la société civile, souhaite concentrer la majorité de ses efforts sur la transparence et l’inclusivité du SEN.

3.3.2.

Dans ce cadre, la mise en œuvre du règlement (UE) no 1025/2012 demande donc une attention spécifique, ce que la Commission souligne à juste titre dans la communication. Il en découle notamment la nécessité d’améliorer la diffusion et la publication des rapports prévus par l’article 24 dudit règlement, ainsi que la communication et l’information sur ces derniers.

3.3.3.

Le CESE salue la volonté de la Commission de suivre de près les progrès et les efforts de chacun des acteurs du SEN pour rendre le système plus inclusif. Pour atteindre cet objectif, le CESE souhaite que la Commission joue un rôle proactif, notamment en tant qu’organe de cofinancement du SEN.

3.3.4.

Le Comité se félicite aussi de la conclusion du processus de financement des organisations «Annexe III», et appelle à une simplification administrative supplémentaire ainsi qu’à l’adoption d’une perspective à plus long terme pour garantir la mise en œuvre d’une stratégie pluriannuelle par ces entités.

3.4.    L’initiative commune pour la normalisation

3.4.1.

Le Comité salue la proposition d’initiative commune pour la normalisation et accueille positivement la participation des parties prenantes au SEN, notamment les organisations «Annexe III», en tant que signal essentiel de relance du partenariat public-privé, qui est à la base du SEN. Dans ce cadre, le CESE souhaite souligner qu’il est très important que les actions proposées dans la version finale de l’initiative commune pour la normalisation visent et contribuent clairement à une meilleure inclusivité, pour en permettre l’appropriation par toutes les parties prenantes, notamment les organisations «Annexe III».

3.4.2.

Le Comité salue et soutient la proposition d’action dans le cadre de l’initiative commune pour la normalisation, portant sur une analyse visant à mieux appréhender les possibilités et les enjeux de la mise à disposition gratuite des normes, par exemple dans le cadre d’une étude sur l’impact économique et sociétal des normes.

3.5.    L’action des organisations européennes de normalisation

3.5.1.

Le CESE accueille favorablement et salue le rôle du Comité européen de normalisation (CEN), du Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec) et de l’Institut européen de normalisation des télécommunications (ETSI) en tant qu’organisations indépendantes, neutres et professionnelles, dotées de règles et de procédures assurant le respect des principes fondateurs de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le domaine de la normalisation, ainsi que celui des principes instaurés par le règlement (UE) no 1025/2012.

3.5.2.

Afin d’améliorer la participation de tous les acteurs à la normalisation, le CESE invite les OEN à octroyer aux organisations «Annexe III» un statut spécifique de membres/partenaires, dotés de droits et d’obligations particuliers, conformément à leur statut et à leur rôle respectifs, avec notamment un accès illimité aux organes techniques et aux projets de normes en cours d’élaboration, dans le respect d’une politique de confidentialité qui prenne en compte la nécessité d’une consultation. Le CESE propose qu’une réflexion soit lancée à propos de la gratuité de cet accès, en raison de la participation de l’Union au financement des OEN et des organisations «Annexe III».

3.5.3.

Le CESE propose aussi de réinstaurer un droit d’appel illimité pour les organisations «Annexe III», y compris en ce qui concerne les travaux auxquels elles n’ont pas été directement associées dès le début, et de les doter d’un pouvoir consultatif lors de la ratification des normes.

3.5.4.

Le CESE souhaite souligner l’importance d’une normalisation inclusive et de qualité. Le CESE souhaite rappeler que la rapidité de production et de publication des normes ne peut être considérée comme un objectif en soi, surtout si cela entrave l’objectif du CESE qu'est l’inclusion des organisations «Annexe III» au sein du SEN. En effet, le CESE met en garde le SEN contre toute décision qui, sous prétexte de rapidité, limiterait la participation et l’ouverture.

3.5.5.

Le CESE rappelle que l’inclusion des parties prenantes n’est possible que moyennant leur participation et dans un cadre de transparence. Dans le but de souligner, de renforcer et de mettre en œuvre le principe de la délégation nationale, le CESE insiste sur l’importance d’un accès facilité au processus de normalisation pour les PME ainsi que leurs représentants au niveau national, ce qui reste encore un défi, comme mentionné au point 4 de la communication.

3.5.6.

À ce propos, le CESE propose de mettre en place au niveau national l’accès gratuit aux «comités miroirs» pour les PME et les acteurs sociétaux ainsi que leurs associations représentatives respectives. La facilité de participation et de contribution est aussi particulièrement importante durant la phase de consultation publique, pendant laquelle les entraves pratiques ou techniques doivent être inexistantes.

3.6.    Le nouveau vade-mecum sur la normalisation et les guides pour les organisations «Annexe III»

3.6.1.

Dans le cadre de la mise en œuvre du nouveau «Vade-mecum sur la normalisation européenne», le Comité félicite la Commission pour l’invitation faite aux OEN à former leurs organes et personnels techniques au contenu et aux mesures inclus dans ce nouveau document.

3.6.2.

Le CESE invite aussi la Commission à veiller à la diffusion, à la compréhension et à l’utilisation du vade-mecum par tous les services de la Commission européenne qui souhaitent utiliser la normalisation pour la mise en œuvre des politiques européennes. Il serait également utile d’en assurer la diffusion, assortie d’informations correspondantes, à travers le site internet de la Commission européenne.

3.6.3.

Le Comité souhaite surtout souligner l’importance de la connaissance, par les responsables des organes techniques des OEN, des différents guides CEN-Cenelec pour la rédaction des normes, prenant en considération les besoins des acteurs sociétaux et des PME (c’est-à-dire les guides 2, 5 et 17 du CEN-Cenelec ainsi que le guide 4 du CEN). Le Comité salue, dans ce cadre, les actions déjà entamées par le CEN-Cenelec avec le groupe de travail «PME» (SME Working Group) et le groupe de travail «Acteurs sociétaux» (Societal Stakeholders Working group) et invite à les poursuivre à travers des mesures concrètes et ambitieuses. Il convient de souligner que ces guides CEN-Cenelec méritent d’être utilisés tout au long du processus de la normalisation, depuis la réflexion sur l’opportunité d’élaborer une norme jusqu’à sa publication.

3.7.    La normalisation des TIC et les DPI dans la normalisation

3.7.1.

Le CESE s’interroge sur la valeur ajoutée du «plan en matière de normes prioritaires dans le domaine des TIC» proposé au chapitre 3.1 de la communication. Ce document paraît constituer un ajout non nécessaire au «plan glissant pour la normalisation des TIC» ainsi qu’au programme annuel de la normalisation. Le Comité craint une duplication des sources et des niveaux de priorité, qui risque de compliquer le suivi du débat et la participation des parties prenantes.

3.7.2.

Dans le domaine des droits de propriété intellectuelle (DPI), le Comité met en garde contre le déséquilibre existant entre les utilisateurs et les titulaires d’un brevet essentiel à une norme (BEN), notamment dans les cas où une PME innovante n’est pas en mesure de connaître le nombre de brevets qu’elle est susceptible d’appliquer et qui les détient. Le CESE propose donc à l’ETSI de rédiger un guide pratique pour la négociation d’accords de licence des BEN, au profit des PME et en application des conditions FRAND (fair, reasonable, and non-discriminatory — équitables, raisonnables et non discriminatoires).

3.7.3.

À propos des critères FRAND, le Comité souligne le besoin d’une meilleure définition de ces principes, afin d’en appréhender la portée et la mise en œuvre pratique.

3.7.4.

Dans ce cadre, le CESE demande également à l’ETSI d’améliorer la qualité et la transparence de la base de données réunissant les déclarations sur les DPI. C’est fondamental pour assurer une certaine prévisibilité pour les utilisateurs d’un BEN et rassurer les PME innovantes sur les coûts et les modalités de négociation concernant les accords de licence susmentionnés.

3.8.    Les «consultants de la nouvelle approche»

3.8.1.

Le CESE rappelle le rôle fondamental des «consultants de la nouvelle approche» mentionnés au chapitre 7.2 de la communication et salue leur indispensable contribution à une évaluation fiable de la conformité des normes avec la législation et les politiques de l’Union dans le cadre de la normalisation harmonisée.

3.8.2.

Le CESE accueille avec satisfaction la volonté — exprimée par la Commission au chapitre 7.2 de la communication — d’assurer la disponibilité sur le long terme de cette évaluation. Le Comité souhaite renforcer la primauté de cette évaluation indépendante par rapport à toute autre évaluation interne effectuée par les OEN.

3.8.3.

Le CESE souhaite que l’indépendance de ces consultants soit encore renforcée, éventuellement à travers la contractualisation directe des «consultants de la nouvelle approche» par la Commission européenne.

3.9.    Les demandes de normalisation et les mandats

3.9.1.

Le CESE souhaite souligner l’importance du processus de préparation des mandats européens que la Commission envoie aux OEN pour demander l’élaboration d’une norme. Le CESE demande à la Commission de rendre ce processus encore plus transparent et inclusif, notamment pour les organisations «Annexe III».

3.9.2.

Le CESE souligne l’importance d’une vérification de la conformité du résultat de la norme produite par rapport à l’objectif initial, en veillant tout particulièrement à ce que le domaine d’application n’ait pas été étendu au cours des travaux.

3.9.3.

Le Comité souligne l’importance des travaux préparatoires de la normalisation, surtout pour évaluer l’impact économique et sociétal des normes et pour permettre de définir les parties prenantes intéressées et de les associer aux travaux de normalisation.

3.10.

Concernant la coopération internationale, le CESE souligne les importantes difficultés encore rencontrées par les organisations «Annexe III» pour suivre ces travaux et invite les OEN, ainsi que les organismes nationaux de normalisation, à déployer tous les moyens possibles dans le cadre de leurs accords de collaboration avec l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et la Commission électrotechnique internationale (CEI) pour assurer la transparence, la participation et l’inclusion de toutes les parties prenantes, en particulier lorsque les travaux sont liés à une demande de normalisation de la Commission.

4.   Observations particulières

4.1.

Le CESE pourrait créer un forum ad hoc sur l’inclusivité du SEN. Ce forum, qui se réunirait régulièrement et au moins une fois par an, rassemblerait les membres du Comité qui souhaitent contribuer à la participation et à la prise en compte des parties prenantes — notamment les acteurs sociétaux et les PME. Les organisations «Annexe III» seraient régulièrement conviées aux réunions de ce forum.

4.1.1.

Ce forum pourrait, entre autres, être chargé d’organiser une audition publique annuelle sur le thème de l’inclusivité du SEN. Dans le cadre de cet événement, le CESE convierait les acteurs du SEN et la Commission européenne pour les auditionner publiquement dans le cadre des rapports d’activité prévus à l’article 24 du règlement (UE) no 1025/2012, en vue d’en améliorer la connaissance et la diffusion. Le CESE profiterait de cette occasion pour associer le Parlement européen à cette activité.

4.1.2.

Ce forum pourrait se charger également de financer une étude sur la composition des «comités miroirs» nationaux, afin d’en évaluer la représentativité et l’inclusivité.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 69.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/86


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules»

[COM(2016) 31 final — 2016/0014 (COD)]

(2016/C 303/11)

Rapporteur:

M. Jan SIMONS

Le 4 février 2016 et le 11 février 2016, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules»

[COM(2016) 31 final — 2016/0014 (COD)].

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 157 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se félicite de la proposition de la Commission européenne, qui vise à améliorer l’efficacité du cadre juridique pour réaliser des objectifs économiques, environnementaux et sociaux contribuant à favoriser l’indépendance et la responsabilisation au sein du système. Il convient toutefois de souligner qu’il importe de concevoir une législation équilibrée, et qu’il faudrait mettre en place des mesures efficaces et rentables.

1.2

Afin de réduire les divergences d’interprétation et de rigueur dans l’application des prescriptions entre les différents États membres, le CESE soutient la proposition de passer d’une directive à un règlement. Le CESE recommande vivement de faire de même à l’avenir pour l’ensemble des règles régissant le marché intérieur, dans les cas où cela serait adapté.

1.3

Cet exercice de révision consiste à adopter une série d’actes législatifs et à synchroniser un certain nombre de délais. La Commission, le Parlement et le Conseil sont invités à adopter un calendrier approprié et ambitieux pour l’adoption des actes délégués et des actes d’exécution, car celui-ci fait actuellement défaut.

1.4

Les prescriptions détaillées en matière de surveillance du marché ont pour but d’exclure réellement les produits non conformes de ce marché spécifique. Toutefois, il est nécessaire de mettre en place des mesures efficaces et rentables, en particulier lorsqu’elles ont une incidence sur les activités du marché et sur le coût d’un produit. Un système efficace et direct de coordination et de coopération entre toutes les parties concernées, en particulier pour ce qui est des activités des États membres, est essentiel.

1.5

Améliorer la désignation, la vérification périodique et le fonctionnement des services techniques est positif, mais un certain nombre d’exigences coûteuses et superflues sont proposées, qui auraient pour effet d’augmenter les coûts et les retards tant pour les administrations que pour les constructeurs, sans apporter de réels avantages.

1.6

Des procédures plus détaillées devraient être élaborées pour présenter de manière plus efficace la nouvelle notion de délai de validité des fiches de réception.

1.7

Le CESE se félicite en outre que l’on continue à clarifier et à simplifier les procédures et les exigences ayant une incidence sur les petites et moyennes entreprises, ainsi que sur les marchés de niche, les pièces détachées et les composants. Il recommande également que la réception par type des produits d’après-vente ayant une incidence sur la sécurité et sur les performances environnementales soit dûment prise en considération.

2.   Introduction et contexte

2.1

L’industrie automobile est un acteur de premier plan au sein de l’économie de l’Union européenne. En 2012, elle fournissait 2,3 millions d’emplois directs et 9,8 millions d’emplois indirects. Environ 75 % des composants et de la technologie des équipements d’origine destinés aux véhicules proviennent de fournisseurs indépendants. Son chiffre d’affaires s’élève au total à 859 milliards d’euros, ce qui représente 6,4 % du produit intérieur brut de l’UE.

2.2

Le cadre juridique du système européen de réception par type est la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil (1), qui définit les procédures d’autorisation des nouveaux véhicules, de leurs remorques et de leurs systèmes et composants afin de garantir que ceux-ci respectent aussi bien les normes de sécurité que les normes environnementales. Soixante-dix règlements techniques spécifiques sont nécessaires à cette fin, dont beaucoup sont des règlements internationaux mis en place par les Nations unies.

2.3

Les dispositions générales relatives à la surveillance du marché s’appliquent conformément au règlement (CE) no 2008/765 du Parlement européen et du Conseil (2).

2.4

La Commission a commencé à revoir le cadre juridique relatif à la réception par type des véhicules à moteur dès 2010.

2.5

Le cadre actuel s’est trouvé sous le feu de la critique depuis septembre 2015, après la révélation de l’utilisation par Volkswagen de «dispositifs d’invalidation», un type particulier de logiciel, pour contourner les exigences en matière d’émissions. En 2016, la Commission a indiqué que «les mécanismes mis en place pour garantir une mise en œuvre et une application harmonisées n’étaient pas suffisamment solides», et que «d’importantes divergences sont apparues dans l’interprétation et l’application des règles» entre États membres, «ce qui a miné les principaux objectifs de la directive».

2.6

L’analyse d’impact de la Commission relative à la proposition à l’examen estime qu’elle représente un coût considérable pour les véhicules et pièces détachées non conformes, qui peut atteindre jusqu’à 12 milliards d’euros par an.

3.   La proposition de la Commission

3.1

Une consultation publique (réalisée en 2010), une analyse d’impact et un bilan de qualité (2013), ainsi que les conclusions de la communication intitulée «CARS 2020: plan d’action pour une industrie automobile compétitive et durable en Europe» (2012), ont tous abouti à demander une révision des procédures de surveillance des produits automobiles sur le marché de l’UE afin de s’assurer de la conformité de tous les véhicules et des pièces détachées aux exigences réglementaires, tout en limitant les charges administratives, en soutenant la recherche et le développement de produits innovants, en encourageant l’harmonisation internationale et en prenant en compte les besoins des petites et moyennes entreprises.

3.2

La présente proposition contribuera à réaliser trois objectifs:

accroître l’indépendance et la qualité des essais des véhicules avant leur mise sur le marché;

améliorer l’efficacité du système de surveillance du marché en contrôlant les véhicules neufs ou ceux déjà en circulation, ainsi que les pièces détachées;

renforcer le système de réception par type grâce à un contrôle plus important de la part des autorités européennes.

3.3

Entre autres mesures, la Commission propose de modifier le système de rémunération pour éviter tout lien financier entre les laboratoires chargés de réaliser les essais et les constructeurs, susceptible de mener à des conflits d’intérêts et de compromettre l’indépendance des tests. La proposition prévoit également que ces services techniques, qui devraient faire régulièrement l’objet d’un audit indépendant afin d’obtenir et de conserver leur désignation, répondent à des critères de performance plus rigoureux. Les autorités nationales compétentes en matière de réception par type seront soumises à des évaluations par les pairs, afin de garantir que les règles de réception par type sont mises en œuvre et appliquées avec rigueur dans l’ensemble de l’Union.

3.4

La présente proposition crée un système destiné à gérer et à coordonner les contrôles inopinés de véhicules neufs et de ceux déjà en circulation, ainsi que les pièces détachées, et donne à la Commission les pouvoirs nécessaires pour effectuer des contrôles et procéder à des rappels.

4.   Observations générales

4.1

Le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission européenne dans son ensemble, et souligne l’importance de parvenir à une législation équilibrée. La présente proposition aura pour effet l’élaboration de mesures rentables de nature à:

améliorer l’égalité de traitement grâce à laquelle les acteurs du marché bénéficieront de conditions de concurrence équitable,

améliorer la protection des consommateurs et de l’environnement face aux produits non conformes qui contribuent à causer des accidents de la route et à détériorer la qualité de l’air,

prendre spécialement en compte les besoins des petites et moyennes entreprises,

contribuer à restaurer la confiance des consommateurs dans ce secteur du marché.

4.2

Le calendrier relatif à la mise en place de ces nouvelles exigences et procédures est un aspect qui mérite une attention toute particulière, car celui-ci doit laisser aux administrations et aux constructeurs un délai d’adaptation suffisant. Ce calendrier devrait être aussi intégralement synchronisé avec l’ensemble des actes délégués et d’exécution connexes qui devront être adoptés dans un avenir proche par la Commission.

4.3

L’accent est de nouveau placé sur la surveillance du marché, et de nouvelles dispositions spécifiques sont mises en place pour remédier à la situation particulière de ce secteur. Toutefois, il convient de prendre des mesures pour éviter la prolifération de contrôles semblables et la multiplication des demandes d’informations similaires, dans le but d’éviter les distorsions du marché ainsi que les démarches et coûts excessifs, et les produits liés à la surveillance des marchés devraient être obtenus aux prix du marché; à cet égard, un système solide et efficace de coordination et de coopération doit être mis en œuvre entre toutes les parties concernées (autorité de surveillance du marché, opérateurs du marché, constructeurs, autorité compétente en matière de réception), qui tienne compte également des bonnes pratiques existant en Europe et en dehors de l’Europe.

4.4

Le CESE soutient l’objectif consistant à accroître l’efficacité du cadre de réception par type en réduisant les différences d’interprétation et de rigueur dans l’application des prescriptions entre les différents États membres, et à consolider l’ensemble du système juridique. La proposition de passer de la directive 2007/46/CE à l’instrument juridique du règlement européen, jugé plus approprié, constitue une première avancée. Le CESE recommande vivement de faire de même à l’avenir avec l’ensemble des règles du marché intérieur, lorsque cela est adapté.

4.4.1

La proposition accorde une grande importance à l’amélioration des procédures de désignation et de vérification périodique du ou des services techniques désignés comme laboratoire d’essai par une autorité compétente en matière de réception par type. Cela peut être considéré comme positif. La proposition risque toutefois de créer des exigences superflues et onéreuses susceptibles d’accroître les coûts et les retards sans apporter aucun avantage réel, ce qui aboutirait probablement à une application inadéquate. En outre, il ne semble pas rentable de procéder à des vérifications excessives des qualifications des services techniques, notamment au moyen de contrôles doubles ou croisés entre autorités de différents États membres, à la fréquence à laquelle ces vérifications sont proposées, et cela peut même entrer en contradiction avec le système d’homologation CEE-ONU (Commission économique des Nations unies pour l’Europe).

4.4.2

Les principes beaucoup plus rigides et plus stricts qui régissent l’invalidation des certificats de réception par type, en particulier dans le cas de non-conformités mineures ou purement administratives, semblent aller à l’encontre des principes de l’initiative «mieux légiférer» et ne devraient pas conduire, comme dans l’actuelle proposition, à interrompre la commercialisation des produits.

4.4.3

Le système proposé pour le barème national de redevances, qui prévoit la manière dont les États membres doivent collecter et gérer les recettes découlant des activités de réception par type, paraît disproportionné et fait courir le risque de rendre les collectivités de petite taille incapables d’offrir des services de qualité.

4.5

La proposition introduit une toute nouvelle notion concernant la période de validité d’un certificat de réception par type, qui aurait une durée de vie de 5 ans et pourrait être reconduit si l’autorité compétente en matière de réception certifie qu’il reste conforme à la réglementation applicable. Cette nouvelle mesure pourrait effectivement contribuer à réduire le nombre de certificats «invalides», mais l’extrême complexité et la nature extensive de ce type de certificats, qui comprennent des centaines de sous-certificats assortis de dates d’expiration différentes, chacun étant lié à un fournisseur différent de pièces détachées ou de composants, exige des procédures plus détaillées et plus rigoureuses que celles qui sont décrites dans la proposition à l’examen.

4.5.1

Il y a lieu de préciser si, et le cas échéant de quelle manière, ces procédures concernent également la réception de composants ou l’homologation de systèmes, pour lesquels, en tout état de cause, les réceptions par type délivrées au titre du cadre des Nations unies (Commission économique des Nations unies pour l’Europe) ne peuvent être régies que par le cadre juridique correspondant.

4.6

Afin d’accroître la visibilité des stratégies en matière de véhicules et les paramètres de fonctionnement spécifiques susceptibles d’influencer la sécurité et les performances environnementales, la proposition oblige les constructeurs à garantir un accès complet de tout logiciel ou algorithme à l’autorité compétente en matière de réception par type. Ces exigences sont relativement étendues et nécessitent des instructions plus détaillées, en ciblant les différents cas et en expliquant très clairement que la confidentialité dans le domaine industriel doit toujours être respectée.

4.7

La présente proposition a pour objet la révision des procédures et des exigences qui ont des conséquences sur les petites et moyennes entreprises et sur les produits de niche. Le CESE se félicite de l’intention de poursuivre la clarification et la simplification des procédures en ce qui concerne:

les «véhicules multiétapes», construits par deux constructeurs ou plus lors d’étapes successives,

les réceptions individuelles, pour un ou plusieurs véhicule(s) individuel(s),

de petites séries nationales, en vue d’une production limitée au niveau national,

de petites séries européennes pour les autobus et les poids lourds, en vue d’une production limitée au niveau européen (les voitures particulières et les camionnettes sont déjà éligibles à la réception européenne concernant les petites séries).

4.7.1

Le CESE recommande également que la réception des produits d’après-vente ayant une incidence sur la sécurité et les performances environnementales soit dûment envisagée et réglementée.

5.   Observations particulières

5.1

La procédure dite de «fin de série» est nécessaire pour permettre l’enregistrement de véhicules restés invendus pour des raisons commerciales, alors que leur réception par type a expiré en raison d’obstacles techniques à leur adaptation aux nouvelles exigences. Cette procédure existe déjà, mais laisse à chaque État membre le droit d’agir en toute indépendance. Le CESE se félicite tout particulièrement de la proposition visant à harmoniser cette procédure à l’échelon européen, mais le texte proposé conserve aux États membres le droit de la refuser ou de la limiter. Or, seule une procédure véritablement européenne pourra apporter la sécurité et la stabilité nécessaires pour soutenir le marché unique de l’Union européenne.

5.1.1

Le texte concernant la «fin de série» nécessite encore des précisions et un certain nombre de corrections rédactionnelles, tandis que les délais imposés pourraient encore être simplifiés afin de réduire l’impact économique sur des volumes de ventes qui sont relativement marginaux par rapport à l’ensemble du marché.

5.2

Le «certificat de conformité» électronique existe déjà dans certains États membres et le projet européen «EReg» est sur le point de finaliser une procédure d’«enregistrement électronique» des véhicules sans documents papier. Deux systèmes, le système européen d’échange d’informations sur les réceptions par type (ETAES), et la base de données des Nations unies pour l’échange des réceptions par type (DETA), servent à gérer l’archivage électronique des certifications de réception par type. Il aurait été opportun que la Commission inclue dans sa proposition une incitation à créer rapidement des procédures harmonisées pour la soumission électronique et l’échange d’informations sur la réception par type et l’enregistrement des données dans une base de données électronique commune à toute l’UE, accessible au public dans les limites autorisées par la confidentialité en matière industrielle, ce qui aurait pu entraîner la réduction des formalités administratives, des coûts et permettre des gains de temps aux administrations, aux constructeurs et aux consommateurs, ainsi que des avantages pour l’environnement.

5.3

La révision du texte législatif n’est pas cohérente avec le système actuel de numérotation et d’identification des produits, en place depuis de nombreuses années. Un changement du système de numérotation n’est pas justifié, et créerait une complication considérable ainsi qu’un surcroît de formalités administratives tant pour les administrations que pour les constructeurs, et l’on peut raisonnablement penser que les erreurs qui pourraient en résulter entraîneraient une hausse des coûts et des retards. Un dossier de réception peut facilement contenir des centaines de pages d’informations, soit des milliers de lignes numérotées.

5.4

Dans le cadre de la nouvelle procédure relative aux véhicules de «fin de série», il est proposé d’ajouter certaines informations spécifiques sur le certificat de conformité (CDC) de chaque véhicule concerné, or cela est impossible à réaliser parce que le CDC est généralement imprimé avant la mise sur le marché dudit véhicule; il est donc impossible d’ajouter des informations supplémentaires à un stade ultérieur, et cela serait d’ailleurs inefficace, étant donné que les véhicules invendus ne peuvent être identifiés d’entrée de jeu. Dans l’éventualité où davantage d’informations seraient nécessaires pour un nombre défini de véhicules à un certain moment, un autre document peut être fourni par le constructeur, conformément à la procédure en vigueur.

5.5

Il est proposé d’accorder aux autorités compétentes en matière de réception par type un délai de trois mois pour établir une demande concernant la réception nationale de petites séries, et décider de l’accepter ou non. Ce délai paraît excessif, surtout pour les petites entreprises, et pourrait être ramené à deux mois.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (JO L 263 du 9.10.2007, p. 1).

(2)  Règlement (CE) no 765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 fixant les prescriptions relatives à l’accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits et abrogeant le règlement (CEE) no 339/93 du Conseil (JO L 218 du 13.8.2008, p. 30).


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/91


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne certaines dates, la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers

[COM(2016) 56 final — 2016/0033 (COD)]

et la

proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne certaines dates, le règlement (UE) no 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) no 596/2014 sur les abus de marché et le règlement (UE) no 909/2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres

[COM(2016) 57 final — 2016/0034 (COD)]

(2016/C 303/12)

Rapporteur:

M. Daniel MAREELS

Le 25 février 2016, le Parlement européen a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne certaines dates, la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers»

[COM(2016) 56 final — 2016/0033 (COD)].

Le 25 février 2016, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément aux articles 114 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne certaines dates, le règlement (UE) no 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) no 596/2014 sur les abus de marché et le règlement (UE) no 909/2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres»

[COM(2016) 57 final — 2016/0034 (COD)].

La section spécialisée «Marché unique, production, consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 10 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 26 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 132 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Compte tenu des circonstances évoquées dans le corps de l’avis, le Comité accepte les propositions de la Commission, qui ont pour effet de reporter d’un an, du 3 janvier 2017 au 3 janvier 2018, l’application de l’ensemble des règles de la réglementation sur les marchés d’instruments financiers, dite MiFID II. Un tel report est censé se justifier du fait qu’un certain nombre de problèmes techniques — et informatiques — importants se sont présentés et qu’un report partiel n’aurait rien de simple, car il soulèverait à son tour une série d’autres questions difficiles, concernant notamment la clarté du processus, la sécurité juridique, de possibles perturbations sur le marché et un surcroît de frais et d’investissements. Le Comité insiste toutefois pour que tous les efforts soient consentis afin d’éviter que l’application de MiFID II ne subisse un retard supplémentaire et pour que dans la période de sursis accordée, on veille à ce que les dispositions assurant la protection des investisseurs ne soient pas compromises en pratique. Dans l’attente de la nouvelle réglementation, il convient que, lorsqu’il y a lieu, les règles existantes de MiFID I restent d’application sans modification.

1.2

Cette insistance du Comité est à présent d’autant plus justifiée que par le passé, il a déjà pris position (1) en faveur de certaines réformes des marchés financiers et souligné la nécessité qu’elles soient rapidement transposées sur le terrain. Il en a notamment été ainsi, en 2014, avec l’élaboration de MiFID II, qui consiste en une version revue et renforcée de la directive européenne MiFID (2) (MiFID I), qui avait été introduite en 2007, et l’instauration du règlement MiFIR (3). Pour faire bref, on peut dire que MiFID II vise à donner plus d’efficacité et de transparence aux marchés financiers européens et à accroître la protection des investisseurs.

1.3

Lorsqu’il fut question, en particulier, de réviser et renforcer la directive MiFID, le Comité s’est exprimé en ces termes: «l’objectif premier de la directive est d’accroître la transparence, d’améliorer l’efficacité des échanges et de limiter la volatilité des marchés, mais aussi de renforcer l’honnêteté des intermédiaires et la protection des investisseurs et d’ouvrir les marchés européens à une véritable concurrence en matière de prestation de services financiers. Le CESE appuie ces objectifs et est d’avis que l’ensemble de la proposition va dans la bonne direction (4)». On ne peut accepter que le report dont il est question compromette de quelque manière que ce soit les objectifs et l’application des nouveaux textes.

2.   Contexte

2.1

La réglementation des marchés financiers s’est engagée dans une voie nouvelle avec l’instauration, en 2007, de MiFID I, dont la visée fondamentale était de favoriser l’honnêteté et la transparence des marchés concernés. Les principales améliorations introduites par cette directive se situaient sur le terrain de la concurrence et de l’intégration plus poussée des marchés financiers européens. MiFID I a abouti à libéraliser le marché des exécutions d’ordres. La concurrence entre les plates-formes de négociation s’est accrue et le marché s’est morcelé. Par ailleurs, des règles ont été établies pour protéger les investisseurs et l’intégrité du marché.

2.2

Avec la crise financière s’est posée la question d’une surveillance plus étendue et plus stricte. Sont également apparues au grand jour des lacunes concernant la protection des investisseurs, ainsi que des carences en rapport avec le fonctionnement et la transparence des marchés financiers. En outre, il s’est avéré nécessaire de prendre en considération un certain nombre de nouveaux développements techniques apparus sur le marché, touchant notamment à la négociation à haute fréquence et à celle fondée sur des algorithmes.

2.3

Du fait de tous ces facteurs, l’encadrement en vigueur a été revu et renforcé. Cette opération s’est effectuée en 2014, avec l’élaboration de la directive MiFID II, combinée avec la création du règlement MIFIR. Ces textes se substituent à MiFID I. L’objectif poursuivi par MiFID II est de conférer davantage d’efficacité et de transparence aux marchés financiers européens et d’accroître la protection des investisseurs.

2.4

MiFID II s’applique à une panoplie plus étendue d’instruments financiers et garantit que les transactions s’effectuent sur des plates-formes de négociation réglementées. Le dispositif améliore tant la transparence des marchés financiers et leur contrôle que les conditions de concurrence dans lesquelles se déroulent la négociation et la compensation des instruments financiers. Les règles MiFID révisées renforcent également la protection des investisseurs en introduisant des exigences strictes en matière d’organisation et de bonne conduite des activités.

2.5

Lorsque les textes ont vu le jour, en 2014, il a été établi que la transposition de la nouvelle réglementation dans les droits nationaux (5) devrait être effectuée pour le 3 juillet 2016 et que les textes entreraient en application à partir du 3 janvier 2017.

2.6

La proposition qui est maintenant présentée vise à retarder d’un an, du 3 janvier 2017 au 3 janvier 2018, l’entrée en vigueur de MiFID II.

2.7

Ce report tient en particulier aux problèmes sur lesquels l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) (6), les autorités nationales compétentes et les parties prenantes buttent pour assurer la mise en œuvre technique du dispositif. La raison en est que MiFID II est d’une extrême complexité et implique de prendre un nombre important de mesures d’exécution, notamment en ce qui concerne les obligations de déclarations. Les structures qui s’y rapportent doivent être bâties pratiquement à partir de zéro et ce processus demande plus de temps qu’il n’avait été estimé à l’origine.

3.   Observations

3.1

Lorsque le dispositif MiFID II a été élaboré, l’intention était qu’il soit transposé dans les États membres à la date du 3 juillet 2016 et que ses textes soient d’application au 3 janvier 2017.

3.2

Pour atteindre ses objectifs, MiFID II prévoit notamment un vaste système de collecte de données. Afin de collecter ces éléments de manière efficace et harmonisée, il est nécessaire de développer une nouvelle infrastructure de récolte des données. En conséquence, l’AEMF doit créer, aux côtés des autorités nationales compétentes, un système de données de référence relatives aux instruments financiers (en abrégé FIRDS, «Financial Instruments Reference Data System») qui ciblera tout le spectre des instruments financiers ressortissant au champ d’application de MiFID II, lequel a été élargi. Pour assurer cette mission, il devra articuler des flux de données entre l’AEMF, les autorités nationales compétentes et les quelque 300 plates-formes de négociation dans l’ensemble de l’Union européenne. Suivant l’information disponible, il apparaît que la grande majorité des nouveaux systèmes informatiques sur lesquels repose le FIRDS devront être développés ex nihilo, sur la base de nouveaux paramètres (7).

3.3

La Commission fait valoir que compte tenu de la complexité du nouveau cadre et de la nécessité d’un très grand nombre d’actes délégués et d’actes d’exécution, la date d’applicabilité du règlement MiFIR a été reportée de trente mois à compter de celle de son entrée en vigueur. Malgré le délai susmentionné, d’une longueur inhabituelle, les parties prenantes telles que les plates-formes de négociation, les autorités nationales compétentes et l’AEMF, affirment ne pas être en mesure de garantir que les infrastructures de collecte de données nécessaires soient en place et deviennent opérationnelles pour le 3 janvier 2017. Dès avant la fin de 2015, l’AEMF, notamment, avait informé la Commission qu’un retard dans la mise en œuvre technique de la directive MiFID II serait inévitable en alléguant, pour expliquer cette situation, l’ampleur et la complexité que présentent, à tout le moins dans certains cas, les données à collecter et à traiter pour que le nouveau cadre devienne opérationnel (8), ainsi que l’absence d’infrastructures de collecte de données, qui a une incidence sur l’ensemble du champ d’application du MiFID II (9).

3.4

La Commission a accepté cet état de fait et a jaugé deux hypothèses, à savoir reporter MiFID II partiellement ou en totalité. Cependant, pour la Commission, un tel report partiel n’est apparemment pas simple et susciterait, en tout état de cause, une série de problèmes nouveaux et importants, qui porteraient notamment sur le risque de confusion, l’élaboration de règles immédiatement exécutables et autres, ainsi que l’instauration de dispositions transitoires qui, à leur tour, pourraient donner lieu à de nouveaux problèmes et comporter un risque de retard supplémentaire. En outre, il conviendrait également de tenir compte de considérations d’efficacité rapportée aux coûts.

3.5

Selon la Commission, compte tenu des problèmes techniques (et informatiques) qui se poseraient et étant donné qu’une entrée en vigueur partielle n’aurait rien de simple et qu’il conviendrait de tout mettre en œuvre pour éviter un nouveau retard, qu’on ne peut exclure si les textes entraient partiellement en vigueur, reporter d’un an la mise en application de MiFID II constitue vraisemblablement, à ses yeux, l’option la plus raisonnable et la plus acceptable.

3.6

Le CESE déplore que la Commission n’ait pas réagi immédiatement lorsqu’elle a reçu, dès 2015, les premières informations sur le retard dans la mise en œuvre technique de la directive MiFID II et qu’elle n’ait pas pris d’initiatives afin d’y remédier ou d’apporter une autre solution aux problèmes, ce qui aurait permis d’améliorer les conditions dans lesquelles fonctionnent les marchés financiers et de renforcer la protection des investisseurs.

3.7

Même s’il doit admettre que, dans les circonstances actuelles, le report constitue un moindre mal, le CESE estime que cette prolongation ne doit intervenir qu’une seule fois et que tout doit être mis en œuvre pour éviter d’accuser des retards supplémentaires dans l’applicabilité de MiFID II. En outre, il s’agit également de veiller à ce que dans la période qui nous sépare de l’application de cette nouvelle réglementation MiFID II prévue le 3 janvier 2018, l’on évite de mettre en péril, dans la pratique, les dispositions relatives à la protection des investisseurs qui y figurent et qui, en tant que telles, ne sont pas atteintes par les difficultés actuelles. Dans l’attente de la nouvelle réglementation, il convient que, lorsqu’il y a lieu, les règles existantes de MiFID I restent d’application sans modification.

Bruxelles, le 26 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 143 du 22.5.2012, p. 42.

(2)  Directive sur les marchés d’instruments financiers.

(3)  Règlement sur les marchés d’instruments financiers.

(4)  JO C 191 du 29.6.2012, p. 80.

(5)  En particulier dans le cas de MiFID II, qui est une directive, tandis que MiFIR constitue un règlement.

(6)  En anglais, European Security and Markets Authority (ESMA).

(7)  COM(2016) 56 final — 2016/0033 (COD); voir considérant 4.

(8)  COM(2016) 57 final — 2016/0034 (COD); voir considérant 5.

(9)  COM(2016) 57 final — 2016/0034 (COD); voir considérant 6.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/94


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission – Investir dans la croissance et l’emploi – Optimiser la contribution des Fonds structurels et d’investissement européens»

[COM(2015) 639 final]

(2016/C 303/13)

Rapporteur:

M. Dimitris DIMITRIADIS

Le 14 décembre 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission — Investir dans la croissance et l’emploi — Optimiser la contribution des Fonds structurels et d’investissement européens»

[COM(2015) 639 final].

La section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 14 avril 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 182 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la nouvelle approche adoptée au titre de l’article 16, paragraphe 3, du règlement portant dispositions communes (1), qui vise à résumer et présenter les résultats de négociations menées entre les autorités des États membres et leurs partenaires afin de fournir une vue d’ensemble des principales réalisations de ce processus. Le CESE voit dans cette approche l’indispensable point de départ en vue de l’évaluation et du contrôle de l’utilisation efficace et efficiente des ressources limitées disponibles pour la période financière 2014-2020 et d’un meilleur suivi des performances et des progrès réalisés sur la voie de la réalisation des objectifs liés aux indicateurs.

1.2

Le CESE soutient les efforts de la Commission européenne visant à maximiser l’impact des Fonds structurels et d’investissement européens (Fonds ESI) et souscrit au point de vue selon lequel cela devrait constituer la priorité absolue de l’après-crise. Toutefois, il attire l’attention sur le fait qu’il est particulièrement nécessaire, tant au niveau de l’UE qu’à l’échelon des États membres, d’améliorer la simplification pour les bénéficiaires et de veiller à un ciblage plus précis afin de répondre à leurs besoins.

1.2.1

À cet égard, le CESE plaide pour une plus grande implication des partenaires sociaux et des parties prenantes et pour une coopération renforcée entre eux dans le cadre des travaux du groupe de haut niveau d’experts indépendants chargé du suivi de la simplification pour les bénéficiaires des Fonds structurels et d’investissement européens (2), et invite la Commission à assurer une communication plus efficace et plus transparente concernant la composition et les travaux du groupe de haut niveau. Le CESE est convaincu que les partenaires sociaux et d’autres parties prenantes pourraient contribuer à recenser tant les bonnes que les mauvaises pratiques et à introduire des options de simplification dans leur propre État membre.

1.3

Le CESE accueille favorablement les nouveaux règlements relatifs aux Fonds ESI (3) en ce qu’ils établissent une concentration thématique et mettent en avant les moyens permettant d’atténuer les effets négatifs de la crise. Le CESE apprécie tout particulièrement les nouveaux instruments et approches tels que l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), l’alliance européenne pour l’apprentissage et le nouveau fonds de lutte contre la pauvreté (4).

1.4

Dans le même temps, le CESE fait part de sa préoccupation concernant les questions toujours non éclaircies dans les règlements régissant l’utilisation des Fonds ESI.

1.4.1

Le CESE met en garde contre le fait que, chaque fois que des décisions et les risques associés seront transférés aux États membres, la probabilité est très élevée que ceux-ci adoptent une approche trop conservatrice afin d’éviter d’éventuelles sanctions de la part de la Commission, empêchant ainsi une grande partie des bénéficiaires éligibles d’accéder aux Fonds ESI.

1.4.2

Le CESE préconise des procédures simplifiées pour les dérogations de groupe aux règles sur les aides d’État dans le cas des organisations représentant les personnes handicapées et les groupes de bénéficiaires se trouvant en situation vulnérable.

1.5

Le CESE salue la Commission pour le pas en avant que constitue l’adoption du code de conduite européen sur le partenariat (5), lequel régit la participation des partenaires sociaux et d’autres parties prenantes à tous les stades de la programmation, ainsi que leur implication, d’une part, dans le processus décisionnel, mais aussi dans la mise en œuvre et le suivi des Fonds ESI.

1.6

D’autre part, le CESE nourrit certaines préoccupations quant aux modalités d’application dans les États membres de ces règlements et de ces nouveaux instruments et nouvelles approches. En effet, les différentes pratiques appliquées au niveau national placent les partenaires sociaux dans une position d’inégalité. Ainsi, le code de conduite européen sur le partenariat n’est pas pleinement mis en œuvre et respecté dans tous les États membres: les partenaires sociaux ne sont pas reconnus comme il se doit dans la mise en œuvre de l’IEJ et l’importance de leurs actions conjointes ne bénéficie pas non plus d’une reconnaissance pleine et entière par tous les États membres, ce qui se reflète dans l’incapacité d’exploiter leur potentiel pour mieux faire face aux retombées négatives de la crise, mieux gérer la mutation industrielle et créer de la croissance et des emplois. Le CESE propose à la Commission que des mesures tant juridiques que pratiques visant à garantir la pleine mise en œuvre du principe de partenariat et du code de conduite soient adoptées au plus tard à la fin de l’année 2016, et que des dispositions et des mesures plus spécifiques soient mises en place pour éviter des pratiques divergentes au niveau national.

1.7

Le CESE appelle de ses vœux une révision à mi-parcours des règlements relatifs aux investissements par le biais des Fonds ESI, en particulier de ceux concernant les aides d’État (6), étant donné qu’ils créent le plus d’incertitude, pour les États membres comme pour les bénéficiaires, et constituent la principale source du risque de correction financière. Cette révision devrait s’inscrire dans la communication de la Commission et sa proposition de règlement du Conseil relatif à la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020. Le CESE invite instamment la Commission à maintenir le cap fixé dans les orientations politiques de la Commission Juncker (7), qui précisent qu’il convient de «créer un environnement plus propice à l’investissement et de renforcer l’absorption des fonds».

1.8

Les marchés publics constituent un autre domaine caractérisé par l’insécurité et des problèmes persistants et le CESE déplore qu’aucune solution viable, applicable à tous les États membres, n’ait été trouvée au cours de ces dix dernières années, qui assurerait un mode parfaitement transparent, rapide et efficace de sélection des sous-traitants lorsque les Fonds ESI sont utilisés. Les réglementations nationales spécifiques sur les marchés publics ajoutent encore à la complexité dans ce domaine.

1.9

Le CESE est d’avis que les fonds de l’Union devraient être utilisés en priorité non seulement pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020, mais également pour accroître les investissements en faveur de l’économie réelle. La Commission devrait mettre en place une évaluation chiffrée de l’efficacité et de l’efficience de la contribution apportée par les fonds déjà investis.

1.10

Enfin, le CESE invite la Commission à consacrer davantage d’efforts à élargir le champ d’application du Small Business Act à l’échelon national et régional, et à obliger les États membres à le mettre en œuvre, en particulier concernant les investissements au titre des Fonds ESI.

2.   Contexte et base juridique

2.1

L’article 16, paragraphe 3, du règlement portant dispositions communes (8) charge la Commission de résumer et de présenter les résultats de négociations menées entre les autorités des États membres et leurs partenaires afin de fournir une vue d’ensemble des principales réalisations de ce processus.

2.2

Les efforts déployés par la Commission pour maximiser l’impact des Fonds ESI et améliorer la simplification pour les bénéficiaires sont également renforcés par la création du groupe de haut niveau (9) chargé du suivi de la simplification pour les bénéficiaires des Fonds ESI.

2.3

Les nouveaux règlements relatifs aux Fonds ESI (10) ont été adoptés pour assurer une meilleure réglementation pour l’actuelle période de programmation et établir une concentration thématique. La Commission, en étroite coopération avec les États membres et les partenaires sociaux, a développé de nouveaux instruments et de nouvelles approches telles que l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), l’alliance européenne pour l’apprentissage et le nouveau fonds de lutte contre la pauvreté (11).

2.4

La Commission a adopté le code de conduite européen sur le partenariat (12), qui régit la participation des partenaires sociaux et d’autres parties prenantes à tous les stades de la programmation, et leur implication à la fois dans le processus décisionnel et dans la mise en œuvre et le suivi des Fonds ESI.

3.   Observations générales sur les investissements des Fonds ESI dans la conjoncture socio-économique actuelle

3.1    Les Fonds ESI en tant que principal moteur de la cohésion économique et sociale et source d’investissements publics

3.1.1

En période de crise, il est naturel que le rôle joué par les Fonds ESI s’accroisse, notamment dans les États membres les plus touchés par la crise. Ils ne devraient néanmoins en aucun cas remplacer les investissements publics, ni surtout les investissements privés, mais devraient plutôt créer les conditions permettant de stimuler ces investissements. Le CESE invite la Commission et les États membres à poursuivre leurs efforts pour améliorer l’investissement privé et l’environnement des entreprises, comme déjà indiqué à propos du troisième volet du plan d’investissement pour l’Europe (13) et du Fonds européen pour les investissements stratégiques, lequel ne deviendra un outil de développement de première importance que si une collaboration avec les Fonds ESI est possible. La Commission devrait évaluer la manière dont les investissements issus de ces fonds influencent les investissements privés, et calculer le coefficient de leur effet d’impulsion au sein de l’économie réelle.

3.1.2

Le CESE déplore que la communication à l’examen ne traite que du résultat des négociations pour l’actuelle période de programmation et ne résume pas, ni ne s’appuie sur les enseignements tirés du passé. Il y a lieu que la Commission analyse attentivement l’impact réel de l’investissement des fonds de l’UE au cours de la période de programmation précédente et tire des conclusions très spécifiques s’agissant des expériences positives et négatives, lesquelles serviront de point de départ pour l’apport d’une valeur ajoutée au processus d’investissement.

3.1.3

Le CESE a le sentiment qu’en dépit de la mention des termes «Investir dans la croissance et l’emploi» dans son intitulé, la communication de la Commission n’accorde aucune attention particulière à l’emploi ni à la création d’emplois. Le CESE recommande que la Commission mette davantage en évidence l’impact des différentes politiques sur la promotion de l’emploi et la réduction du chômage, afin d’apprécier si, et dans quelle mesure, les fonds investis ont eu une réelle incidence sur le marché du travail.

3.2    Cadre visant à améliorer l’efficacité des Fonds ESI

3.2.1

Comme il a déjà été souligné dans plusieurs avis récents (14), le CESE estime qu’en raison d’une définition obsolète et extrêmement vaste de la notion de PME, l’utilisation de ce terme induit un centrage politique excessivement large, qui ne permet pas d’obtenir des résultats ciblés et tangibles. Par ailleurs, à défaut de critères de segmentation plus précis, la notification des résultats obtenus sera trompeuse, étant donné que, selon la définition actuelle, les PME représenteraient 98 % des entreprises européennes. Utiliser un critère de segmentation aussi large rend impossible la collecte et le traitement des informations en vue d’évaluer toute réelle amélioration de la situation pour les différents groupes d’entreprises vulnérables qui jouent un rôle important dans la création et la préservation des emplois et ont cruellement besoin d’aide dans ce cadre — par exemple, les microentreprises et les entreprises des zones rurales et périphériques. Sans être nécessairement innovantes, hautement compétitives ou sophistiquées, ces entreprises n’en apportent pas moins une précieuse contribution au développement régional et à la cohésion.

3.2.1.1

Le CESE demande instamment l’actualisation immédiate de la définition des PME afin de garantir davantage de précision et permettre de distinguer entre les différentes catégories de PME, de manière à mieux cibler leurs besoins, à développer et diversifier les sources d’information qui leur sont destinées, et à améliorer la coordination entre les sources et les méthodes de collecte des informations au sujet des différentes PME et les méthodes de traitement et d’analyse des données statistiques entre États membres.

3.2.2

L’utilisation largement préconisée des instruments financiers est actuellement compromise par de nombreux cas d’utilisation abusive dus à un manque d’information et d’un véritable contrôle au niveau des États membres. Par exemple, les instruments financiers conçus pour octroyer aux PME des prêts à taux bas ne bénéficient bien souvent pas aux PME en manque de financement, mais sont au contraire utilisés par des PME solidement financées en vue de diminuer encore leurs coûts de financement. Il en va de même pour les garanties financières destinées aux PME. Dans la plupart des cas, cette situation n’est même pas reconnue en raison de l’absence de mécanismes d’évaluation adéquats et de système de collecte des retours d’information des utilisateurs finals.

3.2.3

Les efforts déployés par la Commission en vue d’améliorer la simplification pour les bénéficiaires sont louables, mais la simplification ne devrait pas se faire sans la participation des bénéficiaires finaux. À cet égard, il est regrettable que les méthodes utilisées par les États membres pour obtenir des bénéficiaires un retour d’information soient trop bureaucratiques et trop largement ciblées. Dans la plupart des cas, ils ne parviennent pas à étudier en profondeur la véritable cause des problèmes et, par conséquent, n’offrent pas de solutions réalistes. La Commission devrait garder à l’esprit que les besoins des PME sont divers: un accès facilité aux financements, un meilleur accès aux mesures d’accompagnement, au coaching et au mentoring, etc.

3.2.4

L’un des principaux obstacles auxquels se heurtent les entreprises est le manque d’informations appropriées en temps utile. La Commission fait constamment valoir que l’information doit être complète et abordable, et que toutes les procédures doivent être transparentes mais néanmoins valables. Or, concernant cette question, la Commission a elle-même rendu l’accès aux possibilités de financement plutôt compliqué. Les entreprises, en particulier les microentreprises et les petites entreprises, devraient savoir où chercher les informations concernant les différents programmes et projets soutenus directement par la Commission. Si des portails d’information centraux pour tous les programmes opérationnels et instruments financiers sont disponibles dans les États membres, il devrait également en exister un au niveau de l’UE.

3.2.4.1

Les informations fournies devraient être conviviales pour garantir l’efficacité de la communication, de sorte qu’elle soit parfaitement comprise de tous les participants au processus de financement. Le CESE invite la Commission à s’efforcer d’éviter les orientations compliquées en matière d’appel d’offre, et à donner leur chance à des projets à haut potentiel préparés par les entreprises elles-mêmes, et non par des professionnels de la rédaction de candidatures. Le CESE recommande instamment à la Commission d’évaluer les travaux de son bureau de contact européen, et de prendre des mesures d’urgence en cas d’inefficacité avérée, car les agents fournissent souvent des informations différentes, prêtant à confusion et par conséquent peu claires, voire parfois contradictoires.

3.2.5

Le CESE recommande avec force que la Commission élabore et mette en place un portail simple à utiliser, décrivant brièvement toutes les possibilités de financement au niveau de l’UE et comportant des liens renvoyant vers le site web de chaque programme. La Commission a déjà acquis une précieuse expérience avec le portail TED, un portail convivial et riche d’informations.

3.2.6

La réalité est la même s’agissant des rapports qui concernent les projets déjà approuvés, voire terminés. La Commission ne dispose pas de statistiques publiques consolidées sur les projets déjà approuvés pour financement par les différents pays au titre de chaque programme. Ces informations sont incomplètes et fragmentées en différents formats électroniques.

3.2.7

L’impact des projets mis en œuvre au cours de la période de programmation précédente, y compris les défaillances et la mesure dans laquelle les fonds investis ont contribué à atteindre les objectifs européens, devrait faire l’objet d’une analyse approfondie. Il n’existe aucune évaluation de l’incidence des Fonds ESI sur les PME ou de leur contribution au renforcement de la compétitivité. Les États membres et la Commission oublient souvent que les PME sont le principal moteur de création d’emplois et qu’elles ont besoin d’un soutien accru et mieux ciblé.

3.2.8

Le CESE est préoccupé par le degré d’adoption de la simplification des procédures et des coûts parmi les auditeurs travaillant pour la Commission. Souvent, l’on peut constater une approche administrative excessivement formelle, ce qui indique que l’auditeur gagnerait à posséder davantage d’expérience pratique du secteur audité. Le CESE préconise donc de veiller à une communication approfondie entre les experts des différentes directions générales et les auditeurs de la Commission concernant la simplification des procédures, car les règles régissant la dépense des fonds sont assez souvent sujettes à des interprétations divergentes.

3.2.9

En outre, le CESE recommande vivement de prévoir des options simplifiées en matière de coûts au titre du FSE. Par exemple, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, la tâche de définir ces options simplifiées est déléguée par la Commission aux États membres, ce qui n’est pas approprié (15). Conformément aux principes directeurs régissant l’application des options simplifiées en matière de coûts en vertu de l’article 14, paragraphe 1, les États membres expriment leur avis au sujet de la définition des coûts simplifiés sur la base de leurs recherches, puis la Commission adopte un acte délégué, ce qui complique cependant inutilement la procédure et amoindrit le pouvoir d’appréciation donné aux États membres. Une solution serait que la Commission définisse les barèmes standards de coûts unitaires et les montants forfaitaires pour les activités relevant généralement du Fonds social européen (FSE), dont le calcul ne serait pas soumis à un audit.

3.2.10

Le CESE estime qu’il serait utile de réduire davantage les indicateurs des programmes opérationnels (PO). La mise en place d’indicateurs communs a été un bon point de départ, mais certains PO comportent toujours un grand nombre d’indicateurs spécifiques, dont certains ont été artificiellement introduits par la Commission pendant le processus de négociation. Le CESE est d’avis que l’attention dans le cadre du suivi des programmes opérationnels devrait se déplacer des indicateurs spécifiques vers les indicateurs communs, cela afin de permettre une meilleure comparaison des mêmes PO dans des États membres différents.

3.2.11

Le CESE se déclare favorable à une utilisation accrue des indicateurs de résultat (par opposition aux indicateurs de réalisation) dans le cadre des Fonds ESI et invite également à accorder une certaine attention à la discrète contribution qu’apportent ces Fonds à la croissance et au développement d’indicateurs environnementaux visant à prendre en compte le nouvel accent transversal placé sur l’environnement.

3.2.12

Le CESE accueille en principe favorablement le fait que les outils de développement local (tels que l’investissement territorial intégré et le développement local mené par les acteurs locaux) offrent davantage de flexibilité et de marge de manœuvre aux bénéficiaires (16). Toutefois, le Comité se demande dans quelle mesure ces instruments peuvent réellement être utilisés sur le terrain, compte tenu de leur grande complexité et de l’absence de clarté quant aux modalités pratiques et à la répartition du financement, des tâches et des responsabilités entre les différents programmes opérationnels.

4.   Résultats escomptés des programmes relevant des Fonds ESI

4.1    Recherche-innovation, TIC et développement des PME

4.1.1

S’agissant de la recherche-innovation, le CESE insiste sur la nécessité d’étudier, de suivre de très près et de prendre directement en considération les tendances et l’environnement économiques et technologiques internationaux lorsque des mesures spécifiques sont élaborées à l’échelon européen, et demande que cette information soit ensuite transmise aux États membres. En outre, compte tenu de l’évolution extrêmement rapide que connaissent ces domaines, il y a lieu de mettre en place un cadre offrant un degré élevé de flexibilité, de manière à pouvoir adapter les mesures.

4.1.2

Il importe que la Commission examine en détail, avant de continuer à les soutenir, la nature des pépinières d’entreprises et des centres technologiques mis sur pied au cours de la dernière période de programmation et dans quelle mesure ils ont été durables, et de déterminer avec précision quels résultats ils ont permis d’obtenir grâce à leur contribution à la recherche-innovation dans l’UE, comparés aux principaux concurrents mondiaux. La valeur ajoutée des incubateurs d’entreprises et des centres technologiques, dans le cadre de la promotion de la recherche-innovation, et la transparence de leur financement en général suscitent de nombreuses inquiétudes. Le CESE plaide en faveur d’une analyse et d’une évaluation approfondies du rapport entre investissement et bénéfice au niveau opérationnel, et, en ce qui concerne le retour sur investissement, de la valeur ajoutée et des résultats à long terme.

4.1.3

Le CESE soutient fermement les efforts visant à promouvoir le marché unique numérique et les réalisations citées, qui, selon les estimations, devraient avoir une incidence sur 14,6 millions de foyers et 18,8 millions de personnes. Il serait toutefois utile de savoir si ces chiffres concernant les ménages et les personnes s’appuient sur une analyse correcte, qui tienne compte des pourcentages effectifs de l’ensemble de la population et des ménages européens. Le CESE n’est pas en mesure de juger si le soutien envisagé pour les entreprises sera suffisant pour mener à bien ces objectifs, et invite dès lors la Commission à réaliser une étude d’impact approfondie, qui s’appuierait également sur des indicateurs mesurant les évolutions positives sur le plan de la création d’emplois de meilleure qualité, du bien-être et des niveaux de vie des citoyens européens. La numérisation des services ne signifie pas nécessairement que les emplois créés sont décents ou de bonne qualité. L’absence de recherche approfondie au sujet de l’impact de la numérisation sur le marché du travail met en péril la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020. Le CESE a déjà fait part, dans plusieurs avis adoptés récemment (17), de ses préoccupations concernant la numérisation et son incidence sur les régimes de sécurité sociale.

4.1.4

Le CESE considère comme totalement inadéquats tant la proportion de PME aidées que le nombre escompté d’emplois créés, et aimerait voir des réalisations plus concrètes à cet égard. Le Comité demande à la Commission d’établir des niveaux de référence des performances moyennes européennes, et d’évaluer et de suivre de près, à l’aune de ceux-ci, les performances des États membres.

4.1.5

Le CESE se déclare quelque peu inquiet s’agissant des modalités d’octroi des aides aux entreprises pour les programmes directement financés par la Commission, étant donné que celles qui se situent dans certains États membres sont de toute évidence en meilleure position pour en bénéficier. À titre d’exemple, selon des statistiques officielles, 36 732 propositions éligibles au total ont été soumises au titre d’Horizon 2020. La ventilation pour les premiers 100 appels est la suivante: 29 794 propositions complètes dans le cadre d’appels à une étape, 5 617 ébauches de propositions pour la première phase des appels en deux étapes, et 1 321 propositions complètes pour la seconde phase des appels en deux étapes. Toutefois, la plupart des propositions provenaient des cinq plus grands États membres: le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et la France. Ces pays ont vu un grand nombre de projets de leurs entreprises approuvés tandis que le taux de succès est très faible dans d’autres États membres. Le CESE recommande dès lors vivement de procéder dans les meilleurs délais à une analyse de cette situation et que des mesures soient élaborées et mises en œuvre afin d’améliorer la diffusion de l’information, de promouvoir un accès équitable à ces aides et de garantir un équilibre géographique.

4.1.6

La situation est similaire s’agissant des projets de grande envergure et des évaluateurs désignés: on observe un taux de participation bien plus bas dans les nouveaux États membres. Ceci explique le médiocre profil d’innovation de certains pays: ils n’ont aucun accès aux financements frais provenant directement de l’UE. Il y a lieu de se pencher sans attendre et de manière efficace sur cette question.

4.2    Environnement, changement climatique, énergie et transports

4.2.1

Le CESE se réjouit de la contribution estimée en matière d’efficacité énergétique mais souhaiterait que ces estimations soient exprimées en termes relatifs, afin d’avoir un aperçu plus clair de la réalisation globale des objectifs dans le domaine de la protection de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique.

4.2.2

La communication à l’examen note que six États membres comptent affecter près de 2 milliards d’euros aux infrastructures intelligentes d’électricité et de gaz. La question est de savoir si ces projets seront mis en œuvre de façon non coordonnée ou si la Commission a veillé à ce qu’ils soient créateurs de synergies et de valeur ajoutée au niveau européen.

4.2.3

Le CESE attire l’attention sur le manque de méthodologie, d’analyse et d’évaluation concernant le degré d’efficacité des sources d’énergie renouvelables et leur utilité dans la lutte contre le changement climatique. Il n’est pas établi clairement si le changement climatique est dû à la pollution découlant de l’utilisation des sources d’énergie conventionnelles, à la production industrielle ou encore à la hausse du trafic routier et aux gaz que celui-ci émet dans l’environnement. L’introduction de sources d’énergie renouvelables peut avoir des effets négatifs sur la croissance économique, l’énergie produite étant plus coûteuse. Il convient de rechercher des solutions gagnant-gagnant pour éviter cela.

4.2.3.1

Afin d’aborder cette question de la compétitivité, le CESE préconise que la Commission étudie l’impact réel de l’utilisation des sources d’énergie renouvelables et le degré de pollution produite par chaque source conventionnelle. L’allocation des fonds à la lutte contre le changement climatique pourrait donc être plus efficacement ciblée; ces fonds pourraient servir à développer de nouvelles technologies pour mettre au point des voitures propres, à faible coût et assurant un degré élevé de sûreté.

4.3    Emploi, insertion sociale et éducation

4.3.1

Le Comité observe avec un regret certain qu’il n’existe toujours pas de politique cohérente et intégrée en matière de migration et de gestion des flux de réfugiés. L’arrivée de milliers de jeunes et d’enfants sur le territoire européen ces deux dernières années a créé une situation où le risque est élevé de voir des personnes tomber en dessous du seuil de pauvreté européen. Les instruments et les politiques dans ce domaine varient également d’un État membre à l’autre.

4.3.2

Le CESE considère l’intégration des réfugiés comme une question politique importante et urgente mais la politique régionale et les fonds régionaux ne suffisent pas pour relever ce défi complexe: il conviendrait de mettre en place une politique et un Fonds spécifique à cette fin.

4.3.3

La mise en œuvre de l’IEJ a connu un retard important. Le CESE a toujours encouragé l’implication de la société civile dans cet effort, et continue d’exhorter plus particulièrement les États membres à associer les organisations de jeunes et les services de la jeunesse à la mise en œuvre de l’IEJ. Le Comité estime que des analyses plus approfondies sont nécessaires pour déterminer les raisons du lent départ de l’IEJ. Le chômage des jeunes constituant un problème sérieux pour les marchés de l’emploi de nombreux pays de l’UE, la Commission devrait veiller à une mise en œuvre plus efficace de l’IEJ. Une solution possible serait de retarder davantage le délai prévu à l’article 22, point a), du règlement no 779/2015. La ligne directrice de vérification a été adoptée par la Commission le 17 septembre 2015, ce qui ne laisse pas suffisamment de temps aux États membres pour mettre en place leurs structures de gestion dans le délai imparti.

4.3.4

La Commission devrait créer un portail internet consacré spécifiquement à la mise en œuvre de l’IEJ, et présenter des statistiques concernant les objectifs déjà atteints. Le CESE recommande que la Commission collecte l’information auprès des États membres car deux années se sont déjà écoulées depuis le lancement de l’initiative.

4.3.5

Le CESE estime que la Commission devrait avoir conscience du fait que les jeunes inactifs ne constituent pas un groupe homogène, et nécessitent donc différents degrés d’aide et d’intervention, si l’on veut les faire participer pleinement à l’éducation, à la formation et à l’emploi. Tout ceci doit être adapté aux besoins réels des marchés du travail respectifs, afin de garantir de meilleures perspectives d’emploi à l’avenir. À cet effet, le CESE recommande de favoriser, en étroite collaboration avec les employeurs potentiels et leurs organisations respectives, une plus grande participation des jeunes et de leurs organisations à la mise en œuvre de l’IEJ, et de s’éloigner d’une approche purement administrative ne permettant pas la flexibilité dans les plans d’action nationaux relevant de l’IEJ.

4.3.6

L’éducation est la clé de la croissance économique et du développement futurs des États membres, ainsi que du renforcement de la compétitivité de l’Union sur les autres marchés mondiaux. Le manque de travailleurs hautement qualifié dans tous les États membres de l’UE a des retombées très négatives. De plus, l’écart entre l’offre et la demande se concentre dans quelques secteurs spécifiques, notamment ceux de l’ingénierie, des hautes technologies, et des télécommunications. Le CESE estime que le fossé grandissant entre les réalités du monde du travail et les systèmes éducatifs va créer des obstacles structurels à la production au cours des dix à quinze prochaines années. Le CESE recommande de concentrer davantage les fonds dans le domaine de l’éducation sur l’amélioration de l’attractivité et de la qualité des cursus d’enseignement et de formation professionnels et d’entreprendre des réformes visant à une meilleure adéquation entre l’éducation et les besoins du marché du travail, conformément aux besoins des États membres en diverses professions, disciplines, secteurs et domaines. La Commission devrait également investir davantage dans l’éducation des adultes, étant donné que ces derniers représentent le plus grand groupe de chômeurs et de travailleurs en activité et qu’ils ont besoin de compétences de pointe ainsi que de mettre à jour leurs connaissances, notamment dans les nouvelles technologies.

4.4    Renforcer les capacités institutionnelles et l’efficacité de l’administration publique

4.4.1

Il y a lieu de réaliser des analyses fonctionnelles dans chaque État membre afin de renforcer les capacités institutionnelles des pouvoirs publics, et de créer une plateforme européenne d’échange d’informations. Les réformes de l’administration publique et des systèmes judiciaires doivent être précédées d’une étude d’impact portant sur les fonds dépensés au cours de la précédente période de programmation.

4.4.2

L’application par la Commission d’une forme de conditionnalité ex-post durant la période de programmation 2007-2013 préoccupe le CESE. Les nouvelles mesures introduisent, pour la période de programmation actuelle, une conditionnalité ex-ante qui prévoit d’évaluer si les conditions nécessaires à l’utilisation des fonds sont en place avant que les engagements d’investissement ne soient déterminés. Elles établissent également une forme plus contentieuse de conditionnalité macroéconomique. Dans ce dernier cas, l’octroi des fonds est conditionnel pour les gouvernements nationaux et les régions connaissant déjà une forte croissance économique et dotés d’administrations bien organisées et de services publics d’un haut niveau qualitatif. La Commission se réserve le droit de suspendre le financement si ces conditions préalables ne sont pas satisfaites.

4.4.3

Le CESE considère la simplification comme l’un des principaux facteurs de réussite de la mise en œuvre du programme. Bien que le cadre réglementaire pour cette période de programmation contienne suffisamment de mesures d’incitation pour accélérer le processus, il reste une certaine marge pour élaborer une aide de la Commission aux États membres qui soit davantage sur mesure. La Commission devrait exprimer plus clairement sa position concernant l’acceptabilité des différentes pratiques de manière à aider les États membres moins expérimentés à utiliser les différentes options qui s’offrent à eux en matière de simplification (par exemple les options simplifiées en matière de coûts) afin d’accroître la confiance dans le résultat final. Le CESE se déclare préoccupé par le fait que la communication mentionne 750 conditionnalités ex-ante devant être satisfaites par les États membres (18).

5.   Coopération territoriale européenne/Interreg

Le CESE recommande instamment que la Commission crée davantage d’indicateurs non liés au PIB permettant de mesurer la qualité de vie et la qualité de la croissance économique.

5.1

Le CESE exprime sa préoccupation quant à l’efficacité des programmes dans les cas de collectivités locales et régionales toujours endettées, bien que l’accroissement de la dette publique soit surtout causé par les activités de l’administration centrale. Cela signifie que certaines régions ou municipalités sont exclues du financement.

5.2

Le règlement relatif aux Fonds ESI est de nature plutôt conservatrice et fixe des limites juridiques à la reprogrammation des accords de partenariat existants. Cette approche est peu opérationnelle et serait inapplicable si une autre crise devait se produire. La lourdeur des procédures entrave la flexibilité dans l’application des Fonds ESI et pourrait compromettre la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020.

5.3

Les programmes de coopération territoriale devraient être plus largement ouverts aux pouvoirs locaux, en appliquant de manière moins stricte les principes de la division administrative de chaque État membre. En effet, de nombreuses communautés relevant de l’autorité de municipalités ou de départements administratifs ne peuvent participer de manière indépendante aux appels étant donné qu’elles doivent obtenir l’approbation d’une instance supérieure. Cette situation fait obstacle au développement des petites communautés dans les zones de montagne en particulier.

6.   Fiches par pays

6.1

La Commission devrait être plus ferme dans le suivi de la mise en œuvre des recommandations dans les différents États membres, notamment en assurant leur promotion et un engagement en faveur du processus dans d’autres États membres. Toutes ces recommandations doivent être mises en œuvre en associant davantage les partenaires sociaux. Il est à noter qu’une insatisfaction croissante par rapport aux réformes en cours a pu être observée au cours des dernières années. Les réformes sont souvent imposées sans tenir compte des différentes traditions nationales. La législation adoptée au niveau européen est mise en œuvre de façon très libérale dans certains États membres, et très conservatrice dans d’autres. Pour cette raison, une plus grande appropriation est nécessaire de la part des acteurs sociaux.

6.2

Les États membres seront confrontés à une procédure de reprogrammation très complexe, qui entraînera un surcroît de bureaucratie étant donné qu’elle prévoit les mêmes obligations que pour l’élaboration d’un accord de partenariat (indicateurs de performance, conditions, etc.), ce qui signifie mobiliser de nouveaux experts et consentir des dépenses supplémentaires. Imposer aux travailleurs en place trop d’obligations supplémentaires peut entraîner chez eux une baisse d’efficacité, à savoir l’effet inverse à celui souhaité.

6.3

Les partenaires sociaux et autres parties prenantes représentées dans les comités de suivi des PO se plaignent souvent du pouvoir de l’administration nationale dans la prise de décisions et de la pression qui s’exerce afin de présenter des données financières au lieu de se concentrer sur les véritables améliorations. Elles déplorent aussi l’absence d’une analyse du rapport coûts/bénéfices.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Règlement (UE) no 1303/2013.

(2)  Décision de la Commission européenne du 10.7.2015, C(2015) 4806 final.

(3)  JO L 270 du 15.10.2015, p. 1; JO L 347 du 20.12.2013, p. 289; JO L 347 du 20.12.2013, p. 259; JO L 347 du 20.12.2013, p. 259; JO L 347 du 20.12.2013, p. 487.

(4)  COM(2012) 727 final; COM(2013) 144 final; JO C 120 du 26.4.2013, p. 1; JO L 72 du 12.3.2014, p. 1.

(5)  JO L 74 du 14.3.2014, p. 1.

(6)   JO L 352 du 24.12.2013, p. 1; JO L 204 du 31.7.2013, p. 11; JO L 248 du 24.9.2015, p. 9.

(7)  https://ec.europa.eu/priorities/publications/president-junckers-political-guidelines_fr.

(8)  Voir la note de bas de page no 1.

(9)  Ce groupe est chargé de recenser les bonnes et les mauvaises pratiques, contribuant ainsi à diffuser les possibilités de simplification entre les autorités des États membres. Ses travaux contribueront à réaliser les objectifs généraux du programme «Mieux légiférer» et de l’initiative «Budget axé sur les résultats», COM(2015) 639, p. 6.

(10)  Voir la note de bas de page no 2.

(11)  Voir la note de bas de page no 3.

(12)  Voir la note de bas de page no 4.

(13)  Un plan d’investissement pour l’Europe, COM(2014) 903 final.

(14)  Livre vert «Construire l’union des marchés des capitaux»; «Accès au financement pour les PME»; «L’entreprise familiale en Europe comme source de croissance renouvelée et d’emplois de meilleure qualité».

(15)  L’article 14, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1304/2013 précise: «Outre les méthodes visées à l’article 67 du règlement (UE) no 1303/2013, la Commission peut rembourser les dépenses des États membres sur la base de barèmes standards de coûts unitaires et de montants forfaitaires fixés par elle».

(16)  Le développement local mené par les acteurs locaux (DLAL).

(17)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 40.

(18)  «Communication de la Commission — Investir dans la croissance et l’emploi — Optimiser la contribution des Fonds structurels et d’investissement européens», COM(2015) 639 final, p. 14.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/103


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services»

[COM(2015) 615 final — 2015/0278 (COD)]

(2016/C 303/14)

Rapporteur:

M. Ask Løvbjerg ABILDGAARD

Le 13 janvier 2016, le Conseil a décidé, conformément à l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services»

[COM(2015) 615 final — 2015/0278 (COD)].

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE accueille très favorablement la proposition de la Commission européenne relative à un acte législatif européen sur l’accessibilité.

1.2

Le CESE estime que cette proposition d’acte sur l’accessibilité constitue un bon exemple de législation européenne visant à rendre le marché intérieur capable de servir les intérêts tant des citoyens que des entreprises.

1.3

Sur la base d’une surveillance du marché et d’analyses portant sur les barrières à l’accessibilité des personnes présentant des limitations fonctionnelles qui existent à l’échelle de l’Union, le CESE préconise que le champ d’application de la directive proposée, après une évaluation de sa mise en œuvre et en concertation avec les parties prenantes, soit progressivement étendu afin de couvrir les terminaux de paiement, les prestations d’hôtellerie, les services d’assurances, les magazines et journaux électroniques, ainsi que les locaux et sites Internet permettant d’accéder aux produits et services relevant de la directive.

1.4

Le CESE invite toutes les parties concernées à élargir l’interprétation de la base juridique de la proposition, à savoir l’article 114 du TFUE, afin d’éviter de se focaliser trop étroitement sur la fragmentation qui caractérise le marché concernant les exigences en matière d’accessibilité.

1.5

Le CESE propose d’inclure explicitement dans le champ d’application de la directive les infrastructures de transport et les véhicules non couverts par la réglementation de l’UE en matière d’accessibilité, de manière à ne pas créer involontairement des lacunes réglementaires.

1.6

Le CESE recommande d’intégrer dans le texte de la directive une disposition concrète précisant qu’à dater de sa prise d’effet, ses exigences ne s’appliqueront qu’aux nouveaux produits ou services. Grâce à cette précision, il sera possible d’éviter des pertes découlant d’investissements déjà réalisés en matière d’accessibilité.

1.7

Le CESE propose de mettre en place un système de label d’accessibilité à l’échelle de l’UE, pour garantir que les personnes qui vivent avec des limitations fonctionnelles soient en mesure de trouver des informations fiables et aisément disponibles sur l’accessibilité des produits et services.

1.8

Le CESE recommande que la directive prévoie la création d’organismes d’application solides et bien équipés, capables de coopérer avec leurs homologues entre États membres en vue d’établir des conditions de concurrence équitables pour les opérateurs économiques en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité.

1.9

Le CESE souligne l’importance que revêt une surveillance active du marché afin d’éviter que le respect par toutes les parties concernées des obligations prévues par l’Acte européen ne soit trop tributaire des plaintes individuelles émanant de consommateurs présentant des limitations fonctionnelles.

1.10

Le CESE recommande à la Commission d’envisager d’inclure la notion de «compréhensible» parmi les exigences applicables à tous les produits et services pertinents couverts par le champ d’application de la directive.

2.   Contexte de la proposition

2.1

Les mesures en faveur de l’accessibilité permettent de prévenir ou de lever les obstacles à l’utilisation des produits et services courants. Elles offrent aux personnes présentant des limitations fonctionnelles, y compris les personnes handicapées (1), la possibilité de percevoir, d’utiliser et de comprendre, sur la base de l’égalité avec les autres, ces produits et services.

2.2

La demande de produits et services accessibles est forte et le nombre de citoyens présentant un handicap ou une limitation fonctionnelle est amené à augmenter considérablement avec le vieillissement de la population de l’Union européenne.

2.3

Compte tenu de ce vieillissement démographique, il est prévu qu’en 2020, environ 120 millions de personnes dans l’UE présenteront des handicaps multiples ou mineurs.

2.4

L’amélioration du fonctionnement du marché intérieur des produits et services accessibles répond aussi bien aux besoins de ces citoyens et consommateurs qu’à ceux des entreprises.

2.5

À l’heure actuelle, les opérateurs économiques sont confrontés à des exigences nationales en matière d’accessibilité qui sont divergentes et souvent contradictoires, les empêchant ainsi de tirer avantage du potentiel du marché intérieur.

2.6

L’accessibilité est un aspect couvert par la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (2) (CNUDPH), ratifiée par l’Union européenne et 25 de ses États membres (3).

2.7

La directive proposée vise également à soutenir les États membres dans la réalisation de leurs engagements nationaux et de leurs obligations en matière d’accessibilité au titre de la CNUDPH et, partant, à mettre l’UE en mesure de remplir ses obligations en tant que partie à la convention.

2.8

Comme indiqué plus haut, il existe déjà, dans une certaine mesure, des divergences entre les législations, normes et lignes directrices relatives à l’accessibilité, qui vont très probablement s’accroître avec la mise au point de nouvelles règles dans ce domaine par les États membres. Elles résultent pour partie de l’entrée en vigueur, dans l’UE et la majorité de ses États membres, de la convention des Nations unies, ainsi que du caractère général de ses dispositions, qui peuvent donner lieu à des interprétations et pratiques différentes lorsqu’elles sont transposées à l’échelle nationale.

2.9

Par conséquent, tant les pouvoirs publics que l’ensemble des acteurs économiques sont confrontés à des incertitudes en ce qui concerne, d’une part, les exigences en matière d’accessibilité pour les ventes transfrontières éventuelles de produits et de services et, d’autre part, le cadre de la politique en vigueur en matière d’accessibilité. De plus, le risque existe que de nouvelles incertitudes s’y ajoutent dans l’avenir, à mesure que les États membres poursuivront la mise en œuvre de la convention.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1

La proposition de directive vise à fournir une définition et un cadre de mise en œuvre communs à l’échelon de l’UE s’agissant des exigences en matière d’accessibilité de certains produits et services.

3.2

La directive proposée harmonisera ces exigences pour une liste de produits et services qui comprend:

les ordinateurs et les systèmes d’exploitation,

les guichets bancaires automatiques, les distributeurs de titres de transport et les bornes d’enregistrement automatiques,

les téléphones intelligents,

les équipements télévisuels liés aux services de télévision numérique,

les services de téléphonie et équipements connexes,

les services de médias audiovisuels et équipements connexes,

les services de transport de voyageurs par voie aérienne, chemin de fer, voie d’eau et autobus,

les services bancaires,

les livres électroniques,

le commerce électronique.

3.3

En outre, la proposition utilise les mêmes exigences en matière d’accessibilité pour donner une définition et un contenu à l’obligation d’accessibilité, qui existe déjà dans la législation de l’UE, par exemple dans le domaine des marchés publics et des Fonds structurels et d’investissement, mais n’est pas définie.

3.4

La proposition ne définit pas en détail comment exécuter dans la pratique l’obligation de rendre un produit ou service accessible en le conformant aux exigences définies en matière d’accessibilité. Si cette approche crée des obstacles sur le marché intérieur, la proposition suggère à la Commission d’autres solutions pour orienter les États membres, comme des mesures de normalisation ou d’exécution.

3.5

La proposition prévoit également la possibilité de recourir à des normes harmonisées volontaires pour conférer une présomption de conformité aux exigences en matière d’accessibilité. Elle ouvre en outre la possibilité, pour la Commission européenne, de fixer des spécifications techniques lorsque la normalisation européenne s’avère inadéquate et entraîne des lacunes évidentes dans les lignes directrices relatives à l’accessibilité.

3.6

La proposition prévoit une procédure allégée pour l’évaluation de la conformité (déclaration sur l’honneur) et le recours à des procédures existantes pour la surveillance du marché afin d’évaluer la conformité des produits aux exigences d’accessibilité. Elle envisage également une procédure plus légère pour la vérification de la conformité des services.

3.7

La proposition oblige les États membres à fixer à six ans après l’entrée en vigueur de la directive le délai pour l’application de toutes les dispositions de la directive, y compris la libre circulation des produits et des services.

4.   Observations générales

4.1

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille très favorablement la proposition de la Commission, en ce qu’elle constitue un instrument juridique conçu pour que le marché intérieur profite aux citoyens comme aux entreprises.

4.2

La proposition présente de grandes possibilités pour renforcer la transparence, la clarté et la cohérence du marché intérieur pour les opérateurs économiques, dont les fabricants et prestataires de services, favorisant ainsi une diminution du prix des biens et des services accessibles dans l’UE. Elle pourrait plus particulièrement contribuer à abaisser le seuil d’entrée pour les petits opérateurs économiques susceptibles de proposer des solutions d’accessibilité en dehors de leurs marchés nationaux, souvent étroits.

4.3

De plus, la proposition a le potentiel de consolider la confiance des consommateurs qui ont des besoins particuliers en matière d’accessibilité lorsqu’ils procèdent à des achats transfrontaliers de biens et de services, notamment grâce à l’intégration du commerce électronique dans son champ d’application.

4.4

Le CESE a la conviction que la proposition de directive serait encore plus à même d’atteindre son objectif si son champ d’application était plus complet et qu’elle était dotée de mécanismes de mise en œuvre plus puissants.

4.5

Le Comité préconise que la Commission reconsidère son interprétation étroite de l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La lecture qui sous-tend la proposition à l’examen limite en effet considérablement la portée de la directive et ne prend pas suffisamment en considération les obstacles à la livraison transfrontière de biens et services accessibles qui sont susceptibles d’apparaître, cette carence ayant pour conséquence que les entreprises opérant dans des secteurs et sur des marchés non couverts par le champ d’application de la proposition risqueront d’être découragées d’intégrer des démarches d’accessibilité dans leur planification à long terme.

4.6

Le champ d’application proposé est limité dans la mesure où les exigences en matière d’accessibilité de la directive pourraient ne couvrir que certaines parties d’un service, de sorte que d’autres parties, voire le service dans son intégralité, seront inaccessibles aux personnes présentant des limitations fonctionnelles. Tel serait, par exemple, le cas des services bancaires, la directive n’obligeant pas les banques à rendre leurs locaux accessibles aux personnes présentant des limitations fonctionnelles.

5.   Observations spécifiques

5.1

Sur la base d’une surveillance du marché et d’analyses portant sur les barrières à l’accessibilité des personnes présentant des limitations fonctionnelles qui existent à l’échelle de l’Union, le CESE recommande que l’on envisage d’inclure progressivement, après une évaluation de la mise en œuvre de la proposition de directive à l’examen et en concertation avec les parties prenantes, les éléments suivants dans le champ d’application de la proposition:

les terminaux de paiement, tels que les systèmes de paiement par cartes-clients dans les points de vente,

les prestations d’hôtellerie, y compris les hôtels,

les services d’assurance, dont les régimes de pension privés et publics,

les versions électroniques des journaux et des magazines,

l’environnement bâti qui est en contact avec les produits et services relevant du champ d’application de la directive ou permet d’y accéder,

les sites web et les applications mobiles mis à disposition par les opérateurs économiques entrant dans le champ d’application de la directive.

5.2

D’une manière générale, le CESE recommande d’interpréter plus largement l’article 114 du TFUE de façon à pouvoir élargir le champ d’application de la directive. Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la fragmentation potentielle du marché, la complexité technique de la réglementation de chaque marché et la protection des consommateurs sont autant d’éléments susceptibles d’être également pris en considération lorsque des actes législatifs sont proposés sur la base de l’article 114 du TFUE (4). La fragmentation actuelle du marché n’est donc pas le seul critère à appliquer lorsqu’il s’agit de déterminer le champ d’application de la directive.

5.3

Le CESE propose d’inclure explicitement dans le champ d’application de la directive les infrastructures de transport et les véhicules non couverts par la réglementation de l’UE en matière d’accessibilité, de manière à ne pas créer involontairement des lacunes réglementaires. Un tel élargissement modéré de la portée de la directive permettrait de définir des exigences relatives à l’accessibilité des infrastructures de transport concernées, aux bâtiments liés aux infrastructures de transport ainsi qu’aux véhicules qui ne sont pas couverts par la législation européenne en vigueur, évitant ainsi toute distinction arbitraire entre différents modes et infrastructures de transport et facilitant l’accessibilité de l’ensemble de la chaîne de transport pour les personnes présentant des limitations fonctionnelles qui souhaitent voyager.

5.4

Le CESE trouve qu’il conviendrait de préciser qu’à dater de la prise d’effet de la directive, ses exigences ne s’appliqueront qu’aux nouveaux produits ou services, de manière à éviter des pertes découlant d’investissements déjà réalisés en matière d’accessibilité. Compte tenu de la courte durée de vie des produits et services dans le domaine des technologies de l’information, il serait judicieux de raccourcir le délai de six ans pour la prise d’effet, au moins pour les dispositions applicables aux dites technologies de l’information et de la communication et aux services connexes.

5.5

Si certaines parties de l’environnement bâti et des infrastructures physiques devaient être incluses dans le champ d’application de la directive, comme le recommande le CESE, une mise en œuvre progressive des exigences d’accessibilité pourrait être envisagée, dans le cadre de laquelle il serait prévu un délai d’application plus court pour les produits et services liés aux technologies de l’information et de la communication et un autre, plus long, pour l’environnement bâti.

5.6

Le CESE propose que la directive prévoie explicitement la mise en place d’un label européen d’accessibilité des produits et services qui pourrait faciliter la mise en œuvre de la directive. Le marquage CE tel que le prévoit la proposition de la Commission n’a pas été conçu pour être un moyen de signaler l’accessibilité aux consommateurs présentant des limitations fonctionnelles. L’on ne peut attendre du consommateur qu’il ait connaissance du champ d’application de la directive proposée et soit dès lors en mesure de déterminer si le marquage CE qui figure sur un produit donné signifie que celui-ci est conforme à l’acte législatif européen sur l’accessibilité ou s’il signale plutôt sa conformité à une législation européenne en vigueur d’une autre nature. Par conséquent, le recours au marquage CE devrait être considéré comme un instrument permettant la commercialisation de produits et de services conformes à la législation en vigueur, et non comme une information aux consommateurs concernant l’accessibilité.

5.7

Le système de marquage CE ne couvrant pas les services, le CESE est d’avis qu’il y a là des raisons supplémentaires de créer un nouveau label d’accessibilité européen en conséquence de l’adoption de l’acte européen sur l’accessibilité. Un label portant sur l’accessibilité de services devrait, par nature, prévoir également un certain niveau de sensibilisation à l’accessibilité parmi le personnel concerné.

5.8

Le CESE tient à souligner que la directive devrait prévoir un mécanisme de sauvegarde contre l’abaissement des normes existantes en matière d’accessibilité qui sont applicables dans certains États membres. Il convient en outre d’éviter de mettre à mal les systèmes de label d’accessibilité qui existent déjà et fonctionnent bien. Dans le même temps, il est primordial que la directive soit utilisée de manière à garantir que des exigences contradictoires en matière d’accessibilité ne soient pas imposées aux opérateurs économiques.

5.9

Le CESE propose que deux nouvelles définitions soient reprises dans la directive:

une définition du prestataire de services, afin d’éviter tout malentendu du fait que certains prestataires de services couverts par la proposition à l’examen ne relèvent pas du champ d’application d’autres actes législatifs de l’UE traitant de la fourniture des services,

une définition du site web, afin d’éviter toute possibilité de malentendu lié à la fourniture de certaines fonctionnalités sur un site web donné par l’intermédiaire de sites tiers. Tous les sites web, ainsi que leurs fonctionnalités, en rapport avec les produits et services relevant du champ d’application de la directive devraient être expressément couverts par cette définition.

5.10

Pour le Comité, il importe que l’on accorde une attention particulière à l’application des dispositions proposées au sujet de modifications fondamentales et de la charge disproportionnée, pour veiller à ce que les dérogations aux obligations générales de la directive ne soient appliquées de manière arbitraire. Le CESE reconnaît qu’il convient d’évaluer au cas par cas la nécessité de procéder à des modifications fondamentales et d’appliquer la notion de charge disproportionnée. Il est suggéré que les représentants de la société civile organisée, dont les partenaires sociaux, et plus particulièrement les représentants des organisations des personnes handicapées, soient associés à l’application des concepts de modification fondamentale et de charge disproportionnée en relation avec la surveillance du marché qui est envisagée par ailleurs dans la directive.

5.11

Le CESE propose que le texte de la proposition renforce les dispositions relatives à l’application de la directive. Il est primordial que les instances chargées de faire appliquer la législation contribuent à créer des conditions de concurrence équitables pour les opérateurs économiques dans l’ensemble de l’UE afin de réaliser l’objectif de la directive, à savoir la libre circulation des produits et services accessibles au sein du marché intérieur. Pour cette raison, il importe de veiller à ce que la coopération entre les organismes d’application des différents États membres devienne obligatoire et de les doter d’une capacité d’analyse et d’une expertise technique qui soient suffisantes. Cette démarche permettrait également aux organismes d’application de formuler, à l’attention de toutes les parties prenantes concernées, des orientations s’agissant de la bonne application des exigences d’accessibilité de la directive proposée.

5.12

Le CESE attire l’attention sur l’importance que revêt une surveillance active du marché si l’on veut éviter que l’application efficace et transparente de la directive proposée ne soit trop tributaire de plaintes individuelles. Une approche de la surveillance du marché fondée sur des plaintes individuelles comporte en effet un risque considérable d’introduire de l’arbitraire dans l’application de la directive, avec pour conséquence potentielle que des conditions différentes prévalent pour les opérateurs économiques d’un État membre à l’autre, situation à laquelle la directive entend justement parer.

5.13

Le CESE juge positif que l’annexe 1 à la proposition de directive visant à définir les exigences fonctionnelles applicables en matière d’accessibilité reprenne également la notion de «compréhensible» parmi les critères qui sont destinés à faciliter l’accès des personnes souffrant d’un handicap mental, tout comme celui du grand public. Toutefois, la spécification des cas dans lesquels «compréhensible» est retenu comme une exigence fonctionnelle pertinente semble plutôt arbitraire. Le CESE recommande à la Commission d’envisager d’élargir cette exigence à l’ensemble des produits et services pertinents couverts par le champ d’application de la directive et de ses annexes.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Conformément à la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, on entend par «personnes handicapées» des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.

(2)  Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH).

(3)  Si la CNUDPH a été signée par tous les États membres de l’UE, elle est actuellement en voie de ratification en Finlande, en Irlande et aux Pays-Bas.

(4)  Affaire C-217/04, Royaume-Uni/Parlement européen et Conseil, 2 mai 2006.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/109


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 768/2005 du Conseil instituant une Agence communautaire de contrôle des pêches»

[COM(2015) 669 final — 2015/0308 (COD)],

la

«Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et une gestion efficace des frontières extérieures de l’Europe»

[COM(2015) 673 final]

et la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant le règlement (CE) no 2007/2004, le règlement (CE) no 863/2007 et la décision 2005/267/CE du Conseil»

[COM(2015) 671 final — 2015/0310 (COD)]

(2016/C 303/15)

Rapporteur:

M. Giuseppe IULIANO

Corapporteur:

M. Cristian PÎRVULESCU

Le 21 janvier et le 4 février 2016, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur les propositions de règlement et la communication suivantes:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 768/2005 du Conseil instituant une Agence communautaire de contrôle des pêches»

[COM(2015) 669 final — 2015/0308 (COD)]

«Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil — Un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et une gestion efficace des frontières extérieures de l’Europe»

[COM(2015) 673 final]

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant le règlement (CE) no 2007/2004, le règlement (CE) no 863/2007 et la décision 2005/267/CE du Conseil»

[COM(2015) 671 final — 2015/0310 (COD)].

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 133 voix pour et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se dit globalement favorable aux propositions de modification des règlements avancées par la Commission mais entend formuler un certain nombre d’observations.

1.2

Les fermetures de frontières décrétées par plusieurs États membres sont en train de menacer gravement l’exercice de la libre circulation. Les institutions européennes doivent garantir le bon fonctionnement de Schengen. Lors de sa session plénière du 17 février 2016, le CESE a adopté une importante résolution (1) pour défendre l’espace Schengen, dans laquelle il a exigé du Conseil et des États membres qu’ils garantissent l’exercice de la libre circulation, ainsi que la consolidation et l’élargissement de l’espace Schengen.

1.3

Il convient que les règles de Schengen soient appliquées de la même manière dans tous les États membres; à cette fin, il sera nécessaire d’adopter de nouvelles mesures qui soient juridiquement contraignantes. Cependant, le CESE ne partage pas la proposition de la Commission visant à mettre en place des contrôles systématiques et obligatoires pour les citoyens de l’UE aux frontières extérieures de l’espace Schengen, dans la mesure où cette disposition limite l’exercice d’une des libertés fondamentales.

1.4

Pour garantir un bon fonctionnement de Schengen, il convient que les frontières extérieures, qui sont les frontières communes, soient gérées de manière partagée entre l’UE et les États membres. Le CESE a été la première institution à proposer la création d’un corps européen de garde-frontières.

1.5

La proposition de renforcer le mandat de Frontex en dotant cette agence de nouvelles équipes et d’un contingent d’intervention rapide de 1 500 agents et experts doit s’accompagner d’une amélioration de la transparence en ce qui concerne sa gouvernance, ses actions et sa capacité à rendre des comptes.

1.6

Il y a lieu d’améliorer la collaboration entre l’agence Frontex et les autorités nationales. L’agence doit renforcer le centre d’analyse des risques et elle pourra, à cette fin, déployer des officiers de liaison dans les États membres et disposer d’un mandat qui l’autorise à évaluer la capacité opérationnelle et les ressources disponibles. Il revient à l’UE de s’assurer que les États membres coopèrent aux opérations menées par l’agence aux frontières.

1.7

Le droit de l’agence d’intervenir même si l’État membre concerné ne sollicite pas d’assistance est la mesure la plus sensible figurant dans la proposition de la Commission. Le CESE est d’accord pour que la Commission puisse décider d’une intervention de l’agence aux frontières extérieures, mais seulement dans des situations d’urgence et conformément à une procédure transparente qui prévoit d’informer immédiatement les législateurs européens (Parlement et Conseil).

1.8

Il convient d’améliorer la coordination entre les différentes agences et institutions qui sont compétentes en matière de contrôle des frontières, de surveillance des côtes, de sécurité maritime, de sauvetage en mer, de douanes et de pêche. Toutefois, il faut veiller à ce que ces instances conservent l’intégralité de leurs missions respectives. À cet égard, le CESE préconise que le règlement fasse référence à un «corps européen de garde-frontières» et que l’on supprime la mention «de garde-côtes» (2).

1.9

Il convient de ne pas «militariser» le contrôle des frontières. Le corps de garde-frontières ne doit pas revêtir un caractère militaire mais de police civile.

1.10

Quand des personnes se trouvent en situation de risque pour leur vie ou leur sécurité aux frontières extérieures de l’Union, qu’elles soient maritimes ou terrestres, la première obligation des garde-frontières et des autres instances qui opèrent sur place est de les sauver et de les assister de manière appropriée. Le CESE fait observer qu’au cours des derniers mois, de nombreuses personnes déplacées en raison des conflits voisins ont trouvé la mort sur les côtes de l’UE ou à ses frontières sans que les autorités aient mis en œuvre les opérations de sauvetage et de protection qui s’imposaient.

1.11

Le CESE estime que la proposition de la Commission visant à améliorer la gestion des frontières extérieures gagnerait à être adoptée parallèlement à une refonte du régime d’asile européen commun. La crise actuelle s’explique par l’incapacité de l’UE à mettre en place le régime d’asile européen commun et à accorder une protection appropriée aux centaines de milliers de déplacés et demandeurs d’asile qui se présentent à nos frontières. Certains gouvernements ont rejeté les propositions de la Commission et les décisions du Conseil s’agissant de mettre en place les programmes de relocalisation et de réinstallation et ont refusé de remplir les obligations qui sont les leurs en vertu du traité et du droit international.

1.12

Le CESE souligne qu’en de nombreuses occasions, les autorités chargées des frontières n’ont pas respecté le principe de «non-refoulement» qui apparaît explicitement dans le droit international en matière d’asile et dans le traité. Il préconise, dans le cadre du nouveau système intégré de frontières extérieures, d’améliorer les garanties que les droits de l’homme seront respectés.

1.13

Afin de collaborer avec l’agence pour ce qui concerne la protection des droits fondamentaux, le CESE propose d’avoir un représentant parmi les membres du forum consultatif consacré à ce thème. Il avance également la proposition de renforcer les attributions de l’officier aux droits fondamentaux de sorte qu’il puisse agir de sa propre initiative, ainsi que de mettre en place le mécanisme de recours qui a été proposé par le médiateur européen.

1.14

Le CESE attire l’attention sur la situation d’abandon et d’absence de protection que subissent actuellement, à l’intérieur de l’UE, les milliers de mineurs non accompagnés qui arrivent sur son territoire après avoir été déplacés par des conflits et il suggère à la Commission que des mesures urgentes de protection soient lancées en leur faveur.

2.   Contexte

2.1

Le règlement (CE) no 2007/2004 a créé une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex).

2.2

Le CESE a élaboré un avis (3) sur ce texte, dans lequel il s’est félicité de la mise en place de Frontex, en rappelant qu’il convient de garantir, aux frontières de l’Union, le respect du droit d’asile (principe de non-refoulement) et la protection des droits fondamentaux.

2.3

Par la suite, le règlement (CE) no 863/2007 a institué un mécanisme de création d’«équipes d’intervention rapide aux frontières» (RABIT), modifié le règlement (CE) no 2007/2004 pour ce qui a trait à ce mécanisme et défini les tâches et compétences des agents invités. En vertu de la modification apportée à ce règlement, un État membre a la possibilité de demander que soient dépêchées sur son territoire, dans le cadre de l’agence, des équipes d’intervention rapide aux frontières, qui sont composées d’experts spécialement formés d’autres États membres.

2.4

Le CESE a élaboré un avis (4) où il s’est montré favorable à la mise à jour du règlement. Il a toutefois mis en garde quant à la nécessité de mieux protéger les droits de l’homme et le droit d’asile. Il a également émis un avertissement sur le risque de «militarisation» des activités de surveillance et de contrôle des frontières extérieures.

2.5

La directive 2008/115/CE, connue sous le nom de «directive retour», a établi des normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, «conformément aux droits fondamentaux […] y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l’homme».

2.6

La dernière modification apportée à Frontex est intervenue en octobre 2011 et a ouvert la voie à une définition du contrôle des frontières comme responsabilité partagée de l’UE et des États membres et à la mise en place d’une gestion intégrée. Des équipes européennes de garde-frontières ont alors commencé à se constituer mais c’est toujours à un État membre qu’il incombe de solliciter l’assistance de l’agence. Le rôle de Frontex dans les opérations de retour a également été renforcé et des améliorations ont été apportées en ce qui concerne son mandat pour la protection des droits fondamentaux.

3.   Proposition de la Commission — Un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et une gestion efficace des frontières extérieures de l’Europe

3.1

La proposition avancée par la Commission de créer un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes fait partie des mesures prévues par l’agenda européen en matière de migration pour renforcer la gestion des frontières extérieures de l’UE et leur sécurité et répond à la nécessité de contrôles de sécurité renforcés aux frontières extérieures de l’UE, conformément à l’appel lancé par les ministres de l’intérieur, le 20 novembre 2015 (5).

3.2

Ce corps regroupera l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, constituée à partir de Frontex, et les autorités chargées de gérer les frontières au niveau des États membres, qui continueront d’en exercer la gestion quotidienne.

3.3

Le nouveau corps européen de garde-frontières et de garde-côtes sera doté d’une réserve d’intervention rapide constituée de 1 500 agents et experts, pouvant être déployés en moins de trois jours, et d’un stock d’équipements techniques; il disposera d’une fonction de suivi et de surveillance et d’un droit d’intervention, exercera une activité de surveillance côtière et un mandat pour opérer dans les pays tiers, garantira un niveau élevé de sécurité intérieure et jouera un rôle plus décisif en matière de retour. Pour les retours, un document de voyage européen normalisé garantira que les personnes qui y sont soumises soient mieux acceptées par les pays tiers.

3.4

La Commission européenne a également proposé d’autres mesures visant à gérer les frontières extérieures de l’Union et à protéger l’espace Schengen dépourvu de frontières intérieures. Pour renforcer davantage encore la sécurité des citoyens européens, elle propose de mettre en place des contrôles systématiques de toutes les personnes qui pénètrent dans l’espace Schengen ou en sortent, au moyen de la consultation des bases de données pertinentes. Les propositions offriront une contribution pour gérer le flux migratoire de manière plus efficace, améliorer la sécurité intérieure de l’UE et sauvegarder le principe de libre circulation des personnes.

3.5

La Commission propose une modification ciblée du code frontières Schengen en vue d’instaurer des obligations de vérifications systématiques pour les citoyens de l’UE à toutes les frontières extérieures, terrestres, maritimes et aériennes, en ayant recours à la consultation de bases de données telles que le système d’information Schengen, la base de données d’Interpol sur les documents de voyage volés ou perdus, ou encore les systèmes nationaux pertinents. La proposition insiste par ailleurs sur la nécessité de vérifier les données biométriques des passeports des citoyens de l’UE, lorsqu’il existe un doute sur l’authenticité du passeport ou sur la légitimité de son détenteur. Désormais, les contrôles seront également obligatoires à la sortie du territoire de l’Union européenne.

4.   Observations générales

4.1

Lors de la réunion du Forum européen sur la migration (6) qui s’est tenue les 26 et 27 janvier 2015, la société civile, invitée par la Commission et le CESE, a débattu avec les institutions européennes de la situation d’urgence humanitaire en Méditerranée et de l’arrivée de flux de nature composite, constitués d’immigrants économiques et de demandeurs d’asile. Sur la base des conclusions du forum, la Commission a adopté plusieurs initiatives visant à améliorer les politiques en matière d’asile et de frontières. Le CESE déplore toutefois que le Conseil n’ait quant à lui pas tenu compte de ces conclusions. En effet, bien des problèmes qui se posent actuellement auraient pu être évités si leurs recommandations avaient été mises en œuvre.

4.2

La crise actuelle montre de manière éclatante les limites du modèle de gestion des frontières extérieures et l’insuffisance du mandat que Frontex détient aujourd’hui. Dans plusieurs de ses avis (7), le CESE a proposé que les frontières extérieures de l’espace Schengen soient considérées par l’UE comme des frontières communes et qu’à ce titre, leur gestion relève de la responsabilité partagée de l’UE et des États membres.

4.3

Le CESE a été la première institution à proposer la création d’un corps européen de garde-frontières. De même, il a élaboré des propositions (8) pour garantir la protection des droits fondamentaux dans le cadre des contrôles aux frontières et de la politique de retour.

4.4

Le CESE estime que les propositions de la Commission visant à améliorer la gestion des frontières extérieures doivent être adoptées parallèlement à une refonte du régime d’asile européen commun. L’affluence massive de déplacés aux frontières extérieures de certains pays dépasse à présent la capacité d’action de ces États et révèle de manière manifeste que le système de Dublin n’est pas opératoire pour gérer une arrivée en masse de personnes déplacées et de demandeurs d’asile. Il convient que les responsabilités soient partagées et gérées solidairement. Le Comité avance les propositions suivantes:

4.4.1

que l’UE applique le plan de relocalisation d’urgence et mette en place le mécanisme de relocalisation permanente, tels qu’approuvés lors du Conseil européen du 22 septembre 2015,

4.4.2

que l’on renforce les programmes de réinstallation pour le transfert de réfugiés depuis l’extérieur de l’UE et leur établissement dans celle-ci, en coopération avec les pays tiers et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés,

4.4.3

que l’on lance de nouveaux programmes de relocalisation au sein de l’UE, en attribuant des incitations financières aux États membres qui s’y engagent. Le mécanisme de relocalisation doit être permanent et effectif et se fonder sur une clé de répartition.

4.4.4

Le CESE a déjà fait valoir en d’autres occasions (9) que le système de Dublin doit être modifié et remplacé par un dispositif qui assure davantage de solidarité au sein de l’UE, tienne compte des souhaits des demandeurs d’asile et garantisse une répartition des responsabilités entre les États membres.

4.5

La proposition de la Commission renforce le rôle de l’agence pour ce qui est des opérations de retour. Le Comité rappelle:

4.5.1

que la procédure administrative d’expulsion doit être individuelle et que toute personne qui en fait l’objet doit pouvoir soumettre des observations aux autorités administratives ou judiciaires,

4.5.2

que la charte interdit expressément les expulsions collectives et garantit que «nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants» (principe de non-refoulement).

4.5.3

Le CESE a déjà fait valoir (10) que l’UE ne doit pas considérer la Turquie comme un pays sûr en matière d’asile. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et différentes ONG, en affirmant que «les réfugiés ont besoin de protection plutôt que de refoulement» (11), ont relevé que le récent accord entre l’UE et la Turquie ne respecte pas pleinement le droit international en matière d’asile. La décision prise par l’ancienne République yougoslave de Macédoine de fermer ses frontières aux réfugiés constitue également une violation du droit d’asile.

4.6

Le CESE se félicite qu’aient été mis en place, dans le cadre de la réforme du règlement Frontex d’octobre 2011, le forum consultatif sur les droits fondamentaux et le poste d’officier aux droits fondamentaux et que certaines des propositions qu’il avait formulées (12) en faveur d’une protection des droits fondamentaux aux frontières extérieures aient été prises en considération dans la nouvelle proposition de règlement.

5.   Observations particulières

5.1

Le CESE préconise une approche qui soit à la fois intégrée et préventive, mettant l’accent sur l’analyse attentive des données sur la mobilité aux frontières de l’Union et capable de prévoir anticipativement où et quand les autorités nationales pourraient avoir besoin d’assistance. De même, il est nécessaire de mettre au point un ensemble d’orientations et d’indicateurs capables de refléter dans quelle mesure ce système intégré remplit la mission complexe qui lui est assignée. L’expérience du système Schengen et les procédures d’évaluation le concernant sont pertinentes pour construire un mécanisme similaire de gestion des informations et des mesures opérationnelles.

5.2

Pour ce qui concerne les décisions contraignantes de l’agence et son droit à intervenir, le CESE, tout en considérant que ces dispositions sont indispensables, estime qu’il convient que l’UE utilise tous les moyens nécessaires pour s’assurer que les États membres coopèrent à toute opération menée par ladite agence aux frontières. Le CESE est d’accord pour que la Commission puisse décider d’une intervention de l’agence aux frontières extérieures, mais seulement dans des situations d’urgence et conformément à une procédure transparente qui prévoit d’informer immédiatement les législateurs européens (Parlement et Conseil). Il s’agit là d’une dimension essentielle pour la réussite d’une approche intégrée et coordonnée de la gestion des frontières, qui doit s’accompagner d’une amélioration de la transparence et d’une consolidation de sa capacité à rendre des comptes sur sa gouvernance et ses actions.

5.3

Le CESE considère qu’il est nécessaire d’accroître le niveau de coordination entre les nombreuses agences qui détiennent des responsabilités en matière de surveillance des côtes, de contrôle des frontières, de douanes, de sécurité maritime, de recherche et de sauvetage en mer, de protection de l’environnement et de pêche. Il est possible d’éviter les chevauchements et de réaliser des économies, au moins au niveau du budget de l’Union. Toutefois, il faut veiller à ce que les différentes agences et institutions conservent l’intégralité de leurs missions respectives et éviter qu’elles ne soient subordonnées à une superstructure qui aurait pour finalité d’assurer la sécurité.

5.4

Le CESE accueille favorablement la proposition de créer un corps européen de garde-frontières, composé de 1 500 experts (policiers des frontières). Sa taille pourra être modifiée au fil du temps, en fonction des besoins. La rapidité avec laquelle ces garde-frontières seront envoyés dans les zones frontalières et la manière dont ils collaboreront avec leurs homologues sont des facteurs importants.

5.5

Un autre volet essentiel de leur préparation opérationnelle est celui de la formation. Le CESE considère qu’il est nécessaire de former tant les garde-frontières du corps européen que ceux des États membres. L’agence doit assumer un rôle moteur pour la formation et pour le transfert de bonnes pratiques entre les garde-frontières de tous les États membres. Dans le déroulement des programmes de formation, il conviendra d’accorder une attention particulière aux droits fondamentaux, sachant que les garde-frontières sont les premières personnes de contact que rencontrent les réfugiés et les immigrants, lesquels se trouvent pour la plupart dans un état de haute vulnérabilité.

5.6

Il est positif que l’agence participe aux opérations de retour. Étant donné l’attention dont bénéficiera à l’avenir cette politique, il est possible que les ressources de l’agence qui lui seront consacrées soient insuffisantes. Dans la formulation de la communication comme sur le plan opérationnel, il conviendrait également de clarifier les modalités selon lesquelles l’agence participera aux activités de retour, notamment lorsqu’elle lancera des opérations de sa propre initiative. De même, l’agence devra s’assurer qu’elle participe à des opérations de retour qui s’effectuent dans le plein respect des droits fondamentaux des personnes concernées (13).

5.7

L’agence doit coopérer avec les autorités concernées pour garantir des conditions d’accueil appropriées aux personnes soumises à un retour, y compris pour ce qui concerne leur sécurité. Le CESE estime que le respect des droits de l’homme est une condition préalable à la signature des accords de réadmission avec des pays tiers et se refuse à ce que des États membres ou l’UE dans son ensemble signent des conventions de retour avec des pays qui n’ont pas ratifié les principaux instruments internationaux de protection des droits de l’homme ou les ont systématiquement enfreints (14).

5.8

La protection des droits fondamentaux doit constituer une priorité pour l’agence. Ils s’appliquent à tous et non aux seuls citoyens de l’Union. Les demandeurs d’asile et les immigrants sont protégés par la Convention européenne des droits de l’homme et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (15). Plus spécifiquement, le CESE se dit préoccupé en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux dans le cadre des opérations qui ont lieu dans les pays tiers, le principe de non-discrimination lors des opérations de vérification à l’entrée du territoire de l’Union, les expulsions collectives et celles d’immigrants et de demandeurs d’asile vers des pays qui enfreignent les droits de l’homme, ainsi que la protection des personnes particulièrement vulnérables, telles que les femmes et les mineurs non accompagnés.

5.9

Afin d’assurer que la protection des droits fondamentaux bénéficie de l’attention et du soutien qui s’imposent, le CESE se propose d’assister l’agence en étant représenté au sein du forum consultatif sur les droits fondamentaux. Il recommande par ailleurs que l’agence soit ouverte aux évaluations indépendantes de ses procédures et des opérations qu’elle mène. Pour ce qui concerne son organisation interne, il estime que nommer un officier responsable des droits fondamentaux peut suffire, à condition qu’il dispose d’une structure de travail solide, ainsi que de responsabilités et de ressources importantes.

5.10

Le CESE est favorable à la création, qu’il juge nécessaire, d’un nouveau document européen de voyage, destiné aux ressortissants des pays tiers, qui sera utilisé dans les opérations de retour les concernant.

5.11

Le CESE estime que le code Schengen peut être modifié, à condition que soient déployés les efforts qui s’imposent afin que les contrôles appliqués aux citoyens de l’Union, qu’ils ressortissent ou non à l’espace Schengen, n’entravent pas leur mobilité, laquelle constitue une de leurs libertés essentielles. Une généralisation de ces contrôles, effectués avec des moyens technologiques plus ou moins avancés, aboutira à compromettre la viabilité du régime Schengen.

5.12

Le CESE entend réaffirmer qu’une ouverture vers la société civile est nécessaire à tous les niveaux et dans le cadre de toutes les activités. Il rappelle que le rôle de la société civile et des citoyens a été fondamental pour éviter que la situation ne soit encore plus grave du point de vue humanitaire, tant dans les eaux territoriales des États membres que sur leurs territoires respectifs. Il estime que l’assistance octroyée à la société civile est prioritaire, sachant qu’elle s’efforce d’apporter son aide dans des situations extrêmes alors même que ses ressources sont très limitées.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 1.

(2)  JO C 177 du 18.5.2016, p. 57.

(3)  JO C 108 du 30.4.2004, p. 97.

(4)  JO C 44 du 11.2.2011, p. 162.

(5)  http://www.consilium.europa.eu/es/press/press-releases/2015/11/20-jha-conclusions-counter-terrorism.

(6)  http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.events-and-activities-european-migration-forum-1

(7)  JO C 451 du 16.12.2004, p. 1, JO C 458 du 19.12.2014, p. 7, JO C 44 du 11.2.2011, p. 162.

(8)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 29.

(9)  JO C 451 du 16.12.2014, p. 1.

(10)  JO C 71 du 24.2.2016, p. 82.

(11)  http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/search?page=search&docid=56efa45ec&query=position sur l’accord

(12)  Voir note de bas de page no 8.

(13)  L’article 19 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne interdit expressément les expulsions collectives et dispose que nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

(14)  Voir note de bas de page no 8.

(15)  Voir note de bas de page no 8.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/116


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion durable des flottes de pêche externes, abrogeant le règlement (CE) no 1006/2008 du Conseil»

[COM(2015) 636 final — 2015/0289 (COD)]

(2016/C 303/16)

Rapporteur:

M. Gabriel SARRÓ IPARRAGUIRRE

Le Parlement européen, en date du 17 décembre 2015, et le Conseil, en date du 22 décembre 2015, ont décidé, conformément aux articles 43, paragraphe 2, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion durable des flottes de pêche externes, abrogeant le règlement (CE) no 1006/2008 du Conseil»

[COM(2015) 636 final — 2015/0289 (COD)].

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 146 voix pour, 4 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions

1.1

Le CESE souscrit aux objectifs poursuivis par la Commission européenne au moyen de cette proposition et considère dès lors qu’il est nécessaire de réviser le règlement en vigueur pour favoriser la simplification, accroître la transparence, améliorer la gouvernance, garantir un contrôle efficace de l’application des règles, réaffirmer la réciprocité avec les pays tiers et préserver la culture millénaire de la pêche tout en assurant sa pérennité.

1.2

Toutefois, le Comité estime que la proposition, telle qu’elle est libellée, est susceptible de créer une charge bureaucratique et administrative excessive qui, tant pour la Commission européenne que pour les États membres et les opérateurs, si l’on ne déployait pas les moyens techniques, matériels et humains nécessaires, nuirait à l’exercice de simplification recherché et entraînerait des conséquences socio-économiques néfastes pour les employeurs et les travailleurs du secteur de la pêche.

1.3

Le CESE demande que tant l’unité responsable de ces questions au sein de la direction générale de la pêche et des affaires maritimes de la Commission européenne que les autorités de contrôle des États membres se voient doter des ressources humaines et budgétaires suffisantes pour leur permettre de dûment s’acquitter de leurs missions.

1.4

Le Comité est favorable à ce que la responsabilité du traitement des autorisations de pêche incombe aux États membres, permettant à la Commission européenne de vérifier la validité de l’autorisation sur base des critères d’éligibilité. Cette dernière, en sa qualité de gardienne des traités, veillera ainsi à ce que les États membres se conforment à leurs obligations.

1.5

Le CESE demande à la Commission européenne, au Conseil des ministres de la pêche de l’UE et au Parlement européen de tenir compte des observations générales et particulières formulées dans le présent avis.

2.   Contexte

2.1

La politique commune de la pêche (PCP) porte sur la conservation des ressources biologiques de la mer ainsi que sur la gestion des pêcheries et des flottes qui exploitent ces ressources. Elle englobe les activités de pêche menées dans les eaux de l’Union ainsi que celles réalisées en dehors de ces dernières par les navires de pêche de l’Union. La PCP a été modifiée par le règlement (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013.

2.2

Le règlement (CE) no 1006/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 régit les autorisations accordées aux navires de l’Union pour pêcher en dehors des eaux de l’Union et les autorisations accordées aux navires de pêche des pays tiers pour opérer dans celles de l’Union.

2.3

La Commission estime qu’il convient de réviser le règlement en vigueur sur les autorisations de pêche afin d’y intégrer de façon adéquate les objectifs de la nouvelle PCP et d’assurer la cohérence avec le règlement (CE) no 1005/2008 du Conseil, du 29 septembre 2008, établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), et le règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil, du 20 novembre 2009, instituant un régime communautaire de contrôle afin d’assurer le respect des règles de la PCP.

2.4

De même, la Commission souligne les obligations internationales contractées par l’Union en tant que partie à la convention des Nations unies sur le droit de la mer, ainsi qu’en raison de son adhésion, d’une part à l’accord de la FAO visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion, et d’autre part au plan international de la FAO visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche INN.

2.5

La proposition étend le champ d’application de la réglementation à des questions telles que la délivrance des autorisations directes dans les cas où il n’y a pas d’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable en vigueur avec le pays tiers concerné, l’autorisation et la déclaration des navires d’appui des navires de pêche, le contrôle des changements de pavillon, la redistribution des possibilités de pêche non utilisées et la nécessité d’établir un cadre juridique permettant à l’Union d’améliorer le contrôle des activités des navires de pêche affrétés dans l’Union conformément aux dispositions adoptées par l’organisation régionale de gestion des pêches compétente.

2.6

De même, la proposition couvre de nombreuses autres questions comme l’échange de données sous forme électronique entre les États membres et la Commission, la mise en place d’un registre électronique des autorisations de pêche de l’Union, les règles applicables aux navires de pays tiers pêchant dans les eaux de l’Union, y compris la compatibilité des règles relatives aux données de leurs captures avec celles applicables aux navires de pêche de l’Union, ainsi que la possibilité pour la Commission d’adopter des actes délégués et, le cas échéant, des actes d’exécution d’application immédiate.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE souscrit aux objectifs que la Commission européenne poursuit au moyen de la proposition à l’examen, à savoir renforcer la capacité de l’UE à contrôler sa flotte de pêche en dehors des eaux de l’Union, quel que soit le cadre dans lequel s’inscrivent ses activités, compte tenu de la nécessité d’établir un équilibre entre l’amélioration du contrôle de la flotte de l’Union et la limitation de la charge de travail des administrations nationales et de l’UE. Le Comité estime qu’il est nécessaire de réviser le règlement en vigueur pour favoriser la simplification, accroître la transparence, améliorer la gouvernance, garantir un contrôle efficace de l’application des règles, réaffirmer la réciprocité avec les pays tiers et préserver la culture millénaire de la pêche tout en assurant sa pérennité.

3.2

Toutefois, le Comité estime que la proposition, telle qu’elle est libellée, sans préciser les outils appropriés pour la simplification du système, est susceptible de créer une charge bureaucratique et administrative excessive qui, si l’on ne déployait pas les moyens techniques, matériels et humains nécessaires, nuirait à l’exercice de simplification recherché. Il est nécessaire de mettre en place une procédure de délivrance d’autorisations qui soit efficace et garantisse la légalité de celles-ci, tout en étant simple et rapide. S’il n’en était pas ainsi, cela affecterait sérieusement les opérateurs de l’UE, qui subiraient des conséquences en cas de retard dans la délivrance des autorisations et, partant, perdraient des jours de pêche et seraient affectés d’un point de vue socio-économique.

3.3

Le CESE est conscient de la pénurie de personnel dont souffrent tant l’unité de la direction générale de la pêche et des affaires maritimes de la Commission européenne chargée de ces questions que les autorités de contrôle des États membres. Il demande par conséquent qu’elles se voient affecter les ressources humaines et budgétaires suffisantes pour pouvoir s’acquitter dûment de leurs tâches.

3.4

Réaffirmant le rôle important que joue la Commission européenne dans l’ensemble de ce processus, le Comité se dit favorable à ce que la responsabilité du traitement des autorisations de pêche incombe aux États membres tout en permettant à la Commission européenne de vérifier la validité de l’autorisation sur base des critères d’éligibilité.

4.   Observations particulières

4.1

De l’avis du CESE, la définition du «programme d’observation» visé à l’article 3, point f), devrait couvrir non seulement le régime établi dans le cadre d’une organisation régionale de gestion des pêches (ORP), mais aussi celui des États membres, et pas uniquement pour vérifier que le navire respecte la réglementation, mais aussi à des fins de collecte de données.

4.2

L’article 5, paragraphe 1, point d), de la proposition prévoit que l’État membre du pavillon ne peut accorder une autorisation de pêche que si l’opérateur et le navire de pêche n’ont pas fait l’objet d’une sanction pour une infraction grave au cours des douze mois précédant la demande d’autorisation. Le CESE estime que ce critère d’éligibilité devrait être supprimé car il pourrait donner lieu à une double sanction disproportionnée et discriminatoire. Le Comité considère que les règlements (CE) no 1224/2009 (régime de contrôle) et (CE) no 1005/2008 (INN) prévoient déjà la procédure et les sanctions à appliquer en cas d’infractions graves commises tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des eaux de l’UE.

4.3

L’article 7, paragraphe 5, prévoit que, sur demande de la Commission, l’État membre du pavillon refuse, suspend ou retire l’autorisation en cas de «raisons politiques impérieuses». Le CESE estime que cette formulation est trop vague et peut donner lieu à des situations d’insécurité juridique pour les opérateurs, en fonction de ce que, dans chaque cas, la Commission européenne considère comme «raisons politiques impérieuses». L’article devrait clarifier que le refus, la suspension ou le retrait de l’autorisation se fera, sur demande de la Commission, au cas où celle-ci estimerait qu’il y a une menace sérieuse d’infraction possible.

4.4

L’article 8 établit qu’un navire de pêche de l’Union ne peut exercer des activités de pêche dans les eaux d’un pays tiers que si ce pays est une partie contractante ou une partie coopérante non contractante d’une ORGP. Le CESE attire l’attention sur la situation de la Guinée-Bissau, pays avec lequel l’Union européenne a conclu un accord de partenariat de pêche durable mais qui n’est pas une partie contractante ou coopérante non contractante de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA). À cet égard, le Comité estime que l’UE ne devrait pas s’immiscer dans des questions touchant à la souveraineté des pays tiers. Par ailleurs, une telle exigence mettrait la flotte de l’UE dans une situation de désavantage concurrentiel par rapport aux flottes de pays tiers qui n’ont pas à remplir cette condition. En tout cas, le CESE encourage la Commission européenne à continuer ses efforts, à travers l’accord de partenariat de pêche, pour que la Guinée-Bissau prenne part aux travaux de la CICTA, dans l’objectif d’une exploitation durable des ressources.

4.5

En ce qui concerne l’article 12, paragraphes 3 et 4, le CESE s’inquiète du fait que la Commission européenne puisse ralentir la procédure de délivrance des autorisations de pêche.

4.6

En ce qui concerne les articles 13 et 14, relatifs à la redistribution des possibilités de pêche non utilisées dans le cadre des accords de partenariat dans le domaine de la pêche durable, le Comité demande à la Commission européenne que, dans un souci de cohérence interne, elle mette en œuvre cette redistribution des possibilités de pêche tant dans les eaux de l’UE que dans le cadre des accords de pêche bilatéraux avec des pays tiers tels que la Norvège.

4.7

L’article 18, point c), dispose que l’État du pavillon ne peut délivrer une autorisation de pêche que si l’opérateur apporte la preuve de la durabilité des activités de pêche envisagées, sur la base des éléments suivants: une évaluation scientifique fournie par le pays tiers en question et/ou par une ORGP, et un examen de cette évaluation par l’État membre du pavillon sur la base de l’évaluation de son institut scientifique national. Le comité considère que ce dernier examen par l’État membre du pavillon devrait être supprimé.

4.8

L’article 19, paragraphe 2, établit que la Commission européenne dispose de quinze jours pour examiner les documents fournis par les États membres et, en cas de problème avec un navire de pêche (navire et/ou armement), de deux mois pour s’opposer à l’octroi de l’autorisation. L’application de ce paragraphe pourrait entraîner un retard considérable dans l’octroi d’autorisations directes de pêche.

4.9

L’article 27 prévoit que l’État membre du pavillon notifie à la Commission européenne l’autorisation de pêche au moins quinze jours avant le début des activités de pêche en haute mer. Dans le droit fil de ce qui précède, le CESE estime que le délai de quinze jours devrait être supprimé et que devrait être simplement prévue une notification à la Commission européenne «avant» le début des activités.

4.10

Le CESE juge tout à fait opportun que l’ensemble des échanges d’informations entre la Commission et les États membres, ainsi qu’avec les pays tiers, se fasse par voie électronique. De même, il considère nécessaire l’établissement d’un registre électronique des autorisations de pêche.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


ANNEXE

Le paragraphe suivant de l’avis de la section a été modifié à la suite de l’adoption par l’assemblée des amendements correspondants mais celui-ci a obtenu plus d’un quart des votes exprimés (article 54, paragraphe 4, du règlement intérieur).

Paragraphe 4.2

L’article 5, paragraphe 1, point d), de la proposition prévoit que l’État membre du pavillon ne peut accorder une autorisation de pêche que si l’opérateur et le navire de pêche n’ont pas fait l’objet d’une sanction pour une infraction grave au cours des douze mois précédant la demande d’autorisation. Le CESE estime qu’il est nécessaire de sanctionner de manière adéquate l’opérateur qui commet une infraction grave: refuser d’octroyer l’autorisation de pêche n’est pas une double sanction mais l’application d’un critère d’éligibilité. De même, le Comité estime que, le cas échéant, cette mesure ne devrait être appliquée que dans le cas de jugements définitifs.

Exposé des motifs

L’application de ce critère peut donner lieu à une double sanction, qui serait disproportionnée, dans la mesure où l’opérateur et le capitaine du navire seraient soumis non seulement aux sanctions prévues aux articles 90 à 92 du règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche, ainsi qu’aux articles 42 à 47 du règlement (CE) no 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, mais aussi à une sanction d’inéligibilité pour l’obtention de l’autorisation.

Les articles mentionnés prévoient déjà d’importantes sanctions pour les opérateurs qui commettent des infractions graves, qui vont de la sanction pécuniaire (d’un montant égal à au moins cinq fois la valeur des produits de la pêche obtenus dans le cadre de ladite infraction) aux sanctions accessoires suivantes:

1)

la mise sous séquestre du navire de pêche impliqué dans l’infraction;

2)

l’immobilisation temporaire du navire de pêche;

3)

la saisie des engins, des captures et des produits de pêche interdits;

4)

la suspension ou le retrait de l’autorisation de pêche;

5)

la réduction ou le retrait des droits de pêche;

6)

l’exclusion temporaire ou permanente du droit à obtention de nouveaux droits de pêche;

7)

l’interdiction temporaire ou permanente de bénéficier de subventions ou d’un soutien publics;

8)

la suspension ou le retrait du statut d’opérateur économique agréé accordé en vertu de l’article 16, paragraphe 3.

En outre, l’article 92 du règlement (CE) no 1224/2009 établit un système de points pour les infractions graves. Lorsque le nombre total de points est égal ou supérieur à un certain nombre, la licence de pêche est automatiquement suspendue pour une période minimale de deux mois. Cette période est fixée à quatre mois si c’est la deuxième fois que la licence de pêche est suspendue, à huit mois si c’est la troisième fois que la licence de pêche est suspendue et à un an si c’est la quatrième fois que la licence de pêche est suspendue du fait que son titulaire a atteint un certain nombre de points. Si le titulaire atteint une cinquième fois ce nombre de points, la licence de pêche lui est retirée définitivement.

Par ailleurs, nous estimons que ce dispositif enfreint le principe de non-discrimination, car les mêmes infractions ne se verront pas appliquer les mêmes sanctions à l’intérieur et à l’extérieur des eaux de l’UE. Pour les mêmes infractions, ceux qui pêchent en dehors de l’UE subiraient une sanction supplémentaire, à savoir l’inéligibilité pendant douze mois pour l’obtention de l’autorisation de pêche. Il en résulterait l’application de «deux poids, deux mesures» pour des infractions similaires.

Résultat du vote:

Pour:

92

Contre:

50

Abstentions:

23


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/122


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au mercure et abrogeant le règlement (CE) no 1102/2008»

[COM(2016) 39 final — 2016/023 (COD)]

(2016/C 303/17)

Rapporteur:

M. Vladimír NOVOTNÝ

Le 4 février 2016 et le 18 février 2016 respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l’article 192, paragraphe 1, et aux articles 207 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au mercure et abrogeant le règlement (CE) no 1102/2008»

[COM(2016) 39 final — 2016/023 (COD)].

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 153 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité recommande pleinement l’adoption de la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au mercure et abrogeant le règlement (CE) no 1102/2008», comme point de départ pour la ratification de la convention de Minamata par l’Union européenne dans son ensemble et par chacun de ses États membres.

1.2

Les émissions de mercure constituent un problème mondial qui exige une solution au niveau mondial, représentée par la convention de Minamata. L’UE est avec le Japon le principal moteur de la réduction du fardeau que représente le mercure pour l’environnement (et la population), dont il convient de prendre conscience que lui et ses composés sont des éléments qui restent en permanence dans l’environnement.

1.3

Le Comité constate que l’activité continue qu’a menée l’UE en rapport avec la problématique du mercure, au niveau mondial et surtout à celui de l’Union, a conduit à une réduction de 75 % des émissions anthropiques de mercure dans l’UE par rapport à 1990 et que les règles juridiques en vigueur garantissent de poursuivre cette réduction de manière progressive.

1.4

Le Comité recommande que les mesures supplémentaires que prendra l’UE soient en conformité avec la mise en œuvre de la convention de Minamata, une fois celle-ci ratifiée et après son entrée en vigueur. Le Comité est convaincu que le cadre législatif qui réglemente en premier lieu les émissions, mais aussi les processus de production et les produits, est suffisant pour remplir les engagements découlant de la convention sans compromettre la compétitivité de l’UE dans son ensemble.

1.5

Le Comité estime qu’il est essentiel d’affecter une proportion appropriée des capacités de l’UE en matière de science et de recherche à la problématique du mercure et de ses substituts dans les processus de production et les produits.

1.6

Le Comité recommande en outre que les autorités compétentes de l’UE ainsi que les États membres de l’UE signataires de la convention de Minamata participent, après la ratification de celle-ci, à la première réunion, en cours de préparation, de la conférence des parties (COP 1) à la convention sur le mercure, en y apportant de nouvelles connaissances permettant de continuer à réduire les émissions anthropiques de mercure ainsi que l’utilisation de celui-ci dans les produits et les processus de production.

2.   Introduction

2.1

Le mercure est un composant naturel de la croûte terrestre, où son abondance moyenne est d’environ 0,05 mg/kg, avec toutefois des variations locales significatives. Le mercure est également présent en concentrations très faibles dans toute la biosphère. L’absorption du mercure par les végétaux explique sa présence dans des combustibles tels que le charbon, le pétrole et le gaz naturel ainsi que dans les biocombustibles. Du point de vue des émissions de mercure, la combustion de la biomasse a pratiquement les mêmes effets que celle du charbon. La problématique du mercure et de ses émissions est décrite en détail dans les documents du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) (1).

2.2

Une fois rejeté, le mercure persiste dans l’environnement où il circule entre l’air, l’eau, les sédiments, le sol et le biote, sous diverses formes. Il peut se transformer (principalement par la voie du métabolisme microbien) en méthylmercure, qui possède la capacité de s’accumuler dans les organismes et en particulier dans la chaîne alimentaire aquatique (poissons et mammifères marins). La raison pour laquelle le mercure et les autres métaux lourds sont considérés comme une menace pour l’environnement mondial est qu’ils sont bioaccumulables et capables de se répandre dans l’atmosphère sur de longues distances.

2.3

Dans certaines parties du monde, en particulier en dehors de l’UE, un nombre considérable de personnes sont exposées au mercure bien au-delà des niveaux acceptables pour la santé. Selon les meilleures estimations, les émissions anthropiques de mercure dans l’atmosphère s’élèvent à 1 960 tonnes par an pour l’ensemble de la planète, dont 87,5 tonnes par an pour l’UE (4,5 % de l’ensemble). Les émissions directes de mercure dans l’eau se situent, à l’échelle mondiale, à environ 900 tonnes par an, et la contribution des émissions naturelles (érosion des roches et activité volcanique) représente également environ 900 tonnes par an. L’annexe I du présent document donne une vue d’ensemble des émissions anthropiques de mercure.

2.4

En dépit de la chute de la consommation mondiale de mercure (la demande mondiale a baissé de plus de 50 % par rapport à 1980) et de la faiblesse des prix, la production de mercure par extraction minière se poursuit dans de nombreux pays à travers le monde. Les plus grands producteurs sont la Chine et le Kazakhstan. En Europe, la production primaire de mercure a cessé dès 2003, mais le mercure est isolé comme sous-produit d’autres processus d’extraction et de traitement de matières premières minérales. Ce mercure est classé comme faisant partie des déchets et est traité conformément à la législation en matière de déchets.

2.5

Des quantités importantes de mercure sont également mises sur le marché mondial en raison de la conversion ou de la fermeture des usines de production de chlore et de soude qui utilisaient des procédés au mercure, à partir de pays où, contrairement à l’UE, le commerce du mercure n’est pas encore interdit.

2.6

Les émissions issues de la combustion du charbon et des processus d’incinération, y compris sidérurgiques, ainsi que de la production de métaux non ferreux constituent la source prépondérante des émissions anthropiques et principalement des immissions de composés du mercure dans les environs des sources ponctuelles d’émissions concernées dans l’UE. Le recensement des différentes possibilités examine toutefois la rétention de mercure combinée à celles d’autres éléments dans les processus d’épuration des effluents gazeux, ainsi que des processus spécifiques de rétention, là où ces processus sélectifs font sens.

2.7

Une autre source importante d’émissions anthropiques, principalement de mercure élémentaire, découle de l’utilisation d’amalgames comme matériaux d’obturation dentaire. Il semble que dans ce domaine, les émissions (avant tout dans l’eau) soient bien mieux contrôlables et que les technologies disponibles à cet égard soient largement utilisées dans le monde développé.

2.8

Le Comité a déjà exprimé le point de vue de la société civile sur la question des émissions nocives de mercure et de ses composés dans ses avis antérieurs, dans la lignée desquels le présent avis s’inscrit tout naturellement (2).

3.   Document de la Commission

3.1

L’Union et vingt-six États membres ont signé une nouvelle convention internationale sur le mercure. La convention dite de Minamata porte sur l’intégralité, à l’échelle mondiale, du cycle de vie du mercure, de l’extraction minière primaire à la gestion des déchets recelant du mercure, l’objectif étant de protéger la santé humaine et l’environnement contre les émissions anthropiques de mercure et de ses composés dans l’air, l’eau et le sol. L’UE et la plupart de ses États membres ont signé cette nouvelle convention internationale sur le mercure, qui a déjà recueilli 128 signatures et a à cette date été ratifiée par 25 parties (3).

3.2

Il ressort de l’évaluation approfondie de l’acquis de l’Union que certaines lacunes réglementaires existent et doivent être corrigées afin de garantir une mise en adéquation complète de la législation de l’Union avec la convention (4). La proposition à l’examen vise à combler ces lacunes, qui concernent concrètement les points suivants:

l’importation de mercure;

l’exportation de certains produits contenant du mercure ajouté;

l’utilisation du mercure dans certains procédés de fabrication;

les nouvelles utilisations du mercure dans les produits et les procédés de fabrication;

l’utilisation du mercure pour l’extraction minière artisanale et à petite échelle d’or;

l’utilisation du mercure dans les amalgames dentaires.

3.3

Dans un souci de clarté juridique, les obligations découlant de la convention qui n’ont pas encore été transposées dans la législation de l’Union devraient être regroupées dans un même acte juridique.

3.4

Il est nécessaire de renforcer la cohérence et la clarté juridique; à cet effet, il conviendrait que la proposition à l’examen abroge et remplace le règlement (CE) no 1102/2008 en en reprenant les obligations de fond qui demeurent nécessaires.

3.5

Les objectifs de l’initiative à l’examen sont également cohérents avec ceux de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, inclusive et durable. La proposition contribuera à l’instauration de conditions de concurrence équitables au niveau mondial dans le secteur des procédés industriels utilisant ou émettant involontairement du mercure et des composés du mercure et dans le secteur de la fabrication et des échanges de produits contenant du mercure ajouté, renforçant ainsi la compétitivité de l’industrie de l’Union.

3.6

En outre, la proposition à l’examen simplifie et clarifie l’acquis autant que possible pour permettre une meilleure mise en œuvre, plus efficace.

3.7

L’analyse d’impact a conclu que la ratification et la mise en œuvre de la convention de Minamata apporteront à l’Union des bénéfices considérables sur le plan de l’environnement et de la santé humaine, principalement grâce à la réduction attendue des émissions de mercure provenant d’autres parties du monde.

4.   Observations générales

4.1

Le Comité approuve l’adoption de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, car ce document constitue l’aboutissement d’un effort de longue date en vue de mettre en place un environnement juridique responsable qui permette de limiter, à l’échelle mondiale, sur le long terme et durablement les effets indésirables du mercure et de ses composés. Le Comité constate que la proposition de règlement répond pleinement à l’objectif principal qui consiste à protéger la santé et l’environnement des effets nocifs du mercure.

4.2

Le Comité apprécie vivement la contribution qu’ont apportée les institutions de l’UE, mais aussi les différents États membres, dans le processus de conception et de négociation de la convention de Minamata et de sa ratification.

4.3

Le Comité apprécie tout aussi vivement l’application constante, aussi bien passée que présente, dans l’ensemble du processus, des principes essentiels de la subsidiarité et du principe de proportionnalité, sans que cela nuise à l’efficacité des actes juridiques adoptés à l’échelon de toute l’UE et sur le plan mondial.

4.4

Le Comité est convaincu que l’effort déployé par l’Europe contribuera à une ratification rapide de la convention de Minamata avant la fin de l’année 2016 et à une limitation appropriée des risques sanitaires et environnementaux découlant des émissions anthropiques de mercure et de l’utilisation de celui-ci à l’échelle du monde entier. Le Comité fait de surcroît état de sa conviction selon laquelle le règlement du Parlement européen et du Conseil ne devrait pas dépasser, et qu’il ne dépassera pas, la portée des exigences posées par la convention de Minamata.

5.   Observations particulières

5.1

Le CESE apprécie en outre que le règlement reflète les résultats des consultations auprès des parties concernées dans l’UE, ainsi que ceux des discussions sur la convention de Minamata menées au sein des enceintes d’experts sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Il félicite la Commission d’avoir mené à bien le travail d’analyse très exigeant et vaste qui a abouti au projet de règlement à l’examen.

5.2

Le Comité fait sien l’avis de la Commission selon lequel les restrictions commerciales qui iraient au-delà des exigences de la convention, c’est-à-dire qui instaureraient une interdiction inconditionnelle de l’importation de mercure, ne seraient pas justifiées dans la mesure où elles seraient plus coûteuses pour l’industrie de l’Union et n’auraient pas d’effets positifs significatifs sur l’environnement.

5.3

Le Comité fait également sien l’avis qu’exprime la Commission dans la proposition de règlement, selon lequel les restrictions à l’exportation de certains produits contenant du mercure ajouté ne seraient pas davantage justifiées dans la mesure où l’apport de mercure et les rejets de mercure dans l’environnement resteraient globalement inchangés et que, du fait d’une telle interdiction, les émissions de mercure pourraient augmenter dans les pays tiers.

5.4

Le Comité approuve également sans réserve (conformément aux conclusions des consultations et aux résultats des analyses) la thèse selon laquelle la restriction de l’utilisation du mercure dans certains procédés de fabrication et celle de son utilisation dans les nouveaux procédés de fabrication doivent être proportionnées aux risques y afférents et relèveront d’un processus d’évolution à plus long terme du développement technologique.

5.5

Le Comité fait néanmoins siennes les dispositions de la convention de Minamata selon lesquelles les parties doivent prendre des mesures visant à décourager la mise au point de nouveaux procédés de fabrication utilisant du mercure ainsi que la production et la mise sur le marché de nouveaux produits contenant du mercure ajouté.

5.6

Le Comité constate que l’application de la directive 2001/80/CE relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des grandes installations de combustion a entraîné une limitation significative des émissions de mercure dans le secteur de l’énergie, qui est l’activité économique la plus importante par sa contribution aux émissions anthropiques et immissions de mercure dues au processus de dépôts atmosphériques et à la transmission dans le sol et dans l’eau, et que cette tendance se poursuit. Depuis 1990, l’UE est parvenue à réduire ses émissions anthropiques de mercure de plus de 75 % (5). Une mise en œuvre complète de la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles contribuera significativement à réduire encore les émissions de mercure. Le CESE, en accord avec l’avis de la Commission, exprime sa conviction qu’il n’est pas nécessaire à l’heure actuelle de modifier ni de compléter les exigences posées par la directive relative aux émissions industrielles en ce qui concerne spécifiquement les émissions de mercure.

5.7

Le CESE approuve les modalités proposées en vue de limiter les émissions de mercure issues des processus industriels sur la base de la notion des meilleures techniques disponibles (MTD) et de leurs documents de référence (BREF).

5.8

Le CESE fait valoir la nécessité d’adopter des dispositions législatives sur le stockage permanent et sûr du mercure retiré du circuit des productions industrielles dans des structures géologiques adéquates, par exemple dans des mines de sel désaffectées. Le CESE appelle la Commission à définir d’urgence des critères s’appliquant aux installations de stockage et des exigences relatives au stockage de déchets contaminés par le mercure.

5.9

Le Comité apprécie la position équilibrée adoptée par la Commission européenne sur la question du recours aux amalgames en stomatologie sur la base des connaissances scientifiques disponibles les plus récentes. Il considère que les exigences en matière d’équipement qui sont faites aux établissements de soins dentaires, à savoir l’obligation d’être équipés de séparateurs de mercure et la restriction de l’utilisation des amalgames dentaires à leur forme encapsulée, suffisent à limiter efficacement les rejets de mercure dans l’environnement et à protéger la santé humaine (6). Dans le même temps, le CESE attire l’attention sur les risques potentiels encore méconnus et non spécifiés en détail que pourront présenter les nouveaux matériaux dentaires qui viendront remplacer l’utilisation de l’amalgame.

5.10

Dans le même temps, le CESE attire l’attention sur la hausse des coûts de services remboursés par les budgets de santé publique et sur les retombées possibles d’ordre sanitaire et social sur certaines catégories de patients, dans le cas où ces charges seraient répercutées sur eux.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  PNUE, 2013, Global Mercury Assessment 2013: Sources, Emissions, Releases and Environmental Transport, département des produits chimiques du PNUE, Genève, Suisse.

(2)  JO C 318 du 23.12.2006, p. 115.

JO C 168 du 20.7.2007, p. 44.

JO C 132 du 3.5.2011,p. 78.

(3)  http://mercuryconvention.org/Convention/tabid/3426/Default.aspx.

(4)  Document de travail des services de la Commission, analyse d’impact accompagnant les documents «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au mercure et abrogeant le règlement (CE) no 1102/2008» et «Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de la convention de Minamata sur le mercure», SWD [2016] 17 final.

(5)  Source: Agence européenne pour l’environnement (AEE), Trends in Emissions of Heavy Metals («Tendances en matière d’émissions de métaux lourds»), http://www.eea.europa.eu/data-and-maps/daviz/emission-trends-of-heavy-metals-3#tab-chart_3.

(6)  Avis scientifique du CSRSE (Comité scientifique des risques sanitaires et environnementaux) sur les risques environnementaux et les effets sanitaires indirects du mercure dans les amalgames dentaires (version mise à jour de 2014).


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/127


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil sur l’utilisation de la bande de fréquences 470-790 MHz dans l’Union»

[COM(2016) 43 final — 2016/0027 (COD)]

(2016/C 303/18)

Rapporteur:

M. Raymond HENCKS

Le 16 février 2016 et le …, respectivement, le Conseil et le Parlement européen ont décidé, conformément à l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil sur l’utilisation de la bande de fréquences 470-790 MHz dans l’Union»

[COM(2016) 43 final — 2016/0027 (COD)].

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l’information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 mai 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 26 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 167 voix pour et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE approuve la proposition de la Commission en vue d’une libération coordonnée, assortie d’un timing déterminé, des capacités nouvellement disponibles sur la bande de fréquences 694-790 MHz (dite «700 MHz»), dont pourront profiter les opérateurs de téléphonie mobile pour offrir des services sans fil à haut débit dans le cadre de la technologie de la 4e génération avancée et de la future 5e génération, tout en réduisant la fracture numérique géographique par une meilleure couverture des zones et une plus grande vitesse de transmission.

1.2

Il craint toutefois que les prix résultant de la nouvelle technologie utilisée sur la fréquence 700 MHz, ainsi que le prix de la vente aux enchères des nouvelles capacités, n’entraînent pour les consommateurs des charges supplémentaires inabordables pour une part de plus en plus grande de la population, de même que pour certaines petites entreprises, au point qu’un grand nombre de personnes vulnérables risquent de ne pas disposer des moyens financiers pour participer à la nouvelle dynamique numérique. Le CESE invite donc les États membres à mettre en place un régime de compensations, dans le respect des règles de l’UE en matière d’aides d’État, afin d’éviter toute nouvelle aggravation de la fracture économique.

1.3

Les caractéristiques physiques de propagation radioélectrique de la bande 700 MHz vont probablement relancer la discussion sur les effets potentiels de l’exposition au champ électromagnétique sur la santé. Le CESE réinvite (1) la Commission à poursuivre ses travaux dans ce domaine, dans le respect du principe de précaution, en particulier dès lors que de plus amples recherches restent nécessaires.

1.4

Le CESE invite les États membres, lorsqu’ils octroient des droits d’utilisation de la bande 700 MHz aux services de communications électroniques sans fil à haut débit, à s’assurer que les différents réseaux de transport collectif bénéficient des canaux requis pour assurer une bonne couverture.

1.5

Enfin, vu que certains États membres ont d’ores et déjà attribué les nouvelles capacités de fréquence par vente aux enchères et ont déjà entamé leur procédure nationale d’utilisation de ces capacités, le CESE invite la Commission à surveiller de très près l’évolution de la situation et à intervenir dans le cadre de ses compétences en la matière au moindre risque de morcellement du marché unique.

2.   Introduction/contexte

2.1

Après l’abandon de la télévision analogique et le passage à la télévision numérique terrestre, dont les technologies occupent un spectre radioélectrique bien moins large que les technologies analogiques, d’importantes économies ont été réalisées au niveau de la largeur de bande (environ 18 % des ressources totales) résultant de la précédente libération sur la bande 800 MHz du dividende numérique pour les communications mobiles.

2.2

Le spectre utilisé actuellement par la télévision terrestre se situe dans les fréquences basses de la bande dite UHF (470 à 862 MHz), qui ont des caractéristiques physiques de propagation radioélectrique plus robustes (moins d’atténuation que dans le cas des fréquences plus hautes).

2.3

Ces fréquences se distinguent par une diffusion du signal à une plus grande distance et par un plus grand pouvoir de pénétration, particulièrement adaptés à la couverture des zones rurales et à la diffusion dans les bâtiments. La libération de fréquences basses, très précieuses pour le très haut débit mobile bidirectionnel, s’avère aussi bénéfique en termes de coûts de construction des réseaux (car elles nécessitent un nombre plus faible d’émetteurs ou de stations de transmission) et sur le plan des finances publiques, du fait de la vente des droits d’utilisation de ces fréquences aux opérateurs selon des règles précises fixées par les autorités de régulation des télécommunications. C’est pourquoi ces fréquences sont parfois qualifiées de «fréquences en or». Les opérateurs de communications mobiles et ceux de l’audiovisuel s’affrontent dans l’attribution desdites fréquences par les pouvoirs publics.

2.4

Actuellement, la bande de 470-790 MHz sert à la diffusion de services de médias audiovisuels, dont la télévision numérique terrestre, et à la réalisation de programmes et événements spéciaux («équipements PMSE» tels que les micros sans fil et les oreillettes, utilisés dans les spectacles et pour la transmission des ordres de régie dans les studios de télévision). Les fréquences utilisées actuellement pour la dernière génération de la technologie des communications mobiles sont les bandes des 800 MHz, 900 MHz, 1 800 MHz et 2 600 MHz.

2.5

La conférence mondiale des radiocommunications de 2012 a décidé d’allouer une grande partie des fréquences libérées dans la bande 470-790 MHz (dite 700 MHz) en Europe et en Afrique aux services mobiles à haut débit.

2.6

Cette allocation aux services mobiles sur la bande 700 MHz, qui offre des capacités à haut débit supplémentaires, répond parfaitement à l’objectif du programme pluriannuel en matière de politique du spectre radioélectrique (PPSR) de l’UE, selon lequel les particuliers devront disposer de débits d’au moins 30 Mb/s d’ici à 2020.

2.7

La nouvelle répartition des fréquences engendre selon les estimations de la Commission des frais pour les opérateurs de télévision, occasionnés par le passage de la norme de diffusion de la télévision numérique de MPEG-2 à MPEG-4 (de 600 à 890 millions d’EUR) et/ou à HEVC (de 450 à 660 millions d’EUR), de même que pour les consommateurs, de l’ordre de 40 à 100 EUR supplémentaires par ménage pour l’acquisition de nouveaux décodeurs ou adaptateurs.

3.   Contenu de la proposition de décision

3.1

La proposition à l’examen entend profiter de la libération de capacités sur la fréquence de 700 MHz pour harmoniser presque totalement cette bande au niveau mondial, notamment par la désignation et l’autorisation coordonnées de ladite fréquence au niveau de l’UE. Pour ce faire, il s’agira:

d’harmoniser les conditions techniques applicables aux services de communications électroniques à haut débit sans fil, sur le principe de la neutralité technologique et de la neutralité des services;

pour les États membres, d’adopter et de communiquer aux autres pays de l’Union leurs feuilles de route nationales concernant la réaffectation de la bande 700 MHz avant la fin 2017, en concluant dans le même temps les accords nécessaires de coordination transfrontière des fréquences;

d’adopter une échéance commune (d’ici à la mi-2020) pour la mise à disposition des capacités sur la bande 700 MHz;

d’obliger les États membres à autoriser avant juin 2022 la cession des droits d’utilisation de la bande.

3.2

En ce qui concerne les bandes de fréquences inférieures à 700 MHz, il s’agira:

de veiller à ce que la bande de fréquences 470-694 MHz, ou des parties de celle-ci, soient disponibles pour la fourniture de services de média audiovisuels au grand public par voie hertzienne, y compris la télévision gratuite, et pour l’utilisation par des équipements PMSE sans fil, en fonction des besoins nationaux en matière de radiodiffusion;

de procéder avant 2025 à une évaluation de l’utilisation de la bande de fréquences inférieures à 700 MHz compte tenu des résultats de la conférence mondiale des radiocommunications organisée par l’UIT en 2023.

4.   Remarques générales

4.1

Le CESE se félicite de l’allocation des capacités libérées sur la bande 700 MHz à la fourniture de services de communications sans fil à haut débit, tout en maintenant des capacités suffisantes au profit de la télévision numérique terrestre.

4.2

Il approuve également la proposition de la Commission en vue d’une libération coordonnée assortie d’un timing déterminé, ce qui évitera une mise en œuvre «désordonnée», à l’image de l’expérience négative enregistrée lors de l’autorisation des fréquences libérées de la bande 800 MHz après 2008, en l’absence d’un calendrier de mise en œuvre. Dans le même temps, le CESE propose que la Commission apporte son aide aux États membres pour la conclusion en temps opportun d’accords transfrontaliers en matière de fréquences avec les pays voisins non membres de l’UE, de façon à faciliter la mise à disposition de la bande de 700 MHz pour le haut débit sans fil au sein du marché unique.

4.3

Pour les opérateurs de communications mobiles, l’attribution de capacités de fréquence dans les bandes de 700 MHz leur permettra de rester à la pointe du progrès à moyen terme sur le marché des communications mobiles, qui tend vers un système GSM de 4e génération approfondie, puis de s’ouvrir à la 5e génération, actuellement en phase de test, qui pourra atteindre des vitesses de 10 à 50 Gb/s. Pour les consommateurs, la technologie 5G apportera davantage de vitesse et de débit, qui permettront le développement de l’internet des objets, de la vidéo en ligne, des applications dans le cadre de la santé en ligne, des hologrammes, etc.

4.4

Le CESE constate avec satisfaction que la future connectivité au moyen de la bande 700 MHz est particulièrement adaptée pour assurer une meilleure couverture des zones rurales, ce qui contribuera à la réduction de la fracture numérique géographique.

4.5

Par contre, la nouvelle répartition des fréquences engendrera un coût pour les consommateurs qui sera certainement supérieur aux prévisions de la Commission (voir point 2.7 ci-avant), du fait que non seulement les frais à la charge des opérateurs, résultant du changement des normes de codage de la télévision numérique, mais aussi le prix de l’acquisition des nouvelles capacités sur la bande 700 MHz par les opérateurs de téléphonie mobile, seront répercutés sur les consommateurs qui, en plus des nouveaux décodeurs/adaptateurs de télévision, devront s’équiper de nouveaux smartphones lors de la mise en œuvre des services mobiles de 5e génération.

4.6

Il s’ensuit que les prix résultant directement ou indirectement de la réattribution de la fréquence 700 MHz risquent de devenir inabordables pour une part de plus en plus grande de la population, de même que pour certaines petites entreprises qui, par ailleurs, paient souvent plus cher l’accès au numérique que les usagers «intégrés» étant donné qu’elles ne répondent pas aux conditions des offres conçues au bénéfice des gros usagers. De ce fait, un grand nombre de personnes vulnérables ne disposeront pas de l’autonomie nécessaire pour faire valoir leurs droits, parfois uniquement accessibles par le numérique, tels que certaines prestations ou allocations pour personnes âgées ou pour les jeunes en recherche d’emploi. Afin de lutter contre toute nouvelle aggravation de la fracture économique, et afin de garantir une connectivité numérique universelle, le CESE invite les États membres à mettre en place, dans le respect des règles de l’UE en matière d’aides d’État, un régime de compensation en faveur des consommateurs vulnérables afin que tous profitent de la nouvelle dynamique numérique.

4.7

Les caractéristiques physiques de propagation radioélectrique de la bande 700 MHz vont probablement relancer la discussion sur les effets potentiels de l’exposition au champ électromagnétique sur la santé. Le CESE réinvite (2) la Commission à poursuivre ses travaux dans ce domaine, dans le respect du principe de précaution, en particulier dès lors que de plus amples recherches restent nécessaires.

4.8

La proposition de décision impose également aux États membres «d’envisager de prendre les mesures nécessaires pour assurer un haut niveau de couverture de leur population et de leurs territoires lorsqu’ils octroient des droits d’utilisation de la bande 700 MHz aux services de communications électroniques sans fil à haut débit». Le CESE estime que, dans ce contexte, les opérateurs devront disposer des canaux requis pour assurer une bonne couverture à très haut débit mobile, non seulement dans les zones les plus rurales, mais également au niveau des différents réseaux de transport collectif.

4.9

Vu que certains États membres ont d’ores et déjà attribué les nouvelles capacités de fréquence par vente aux enchères et ont déjà entamé leur procédure nationale d’utilisation de ces capacités, le CESE invite la Commission à surveiller de très près l’évolution de la situation et à intervenir dans le cadre de ses compétences en la matière au moindre risque de morcellement du marché unique.

Bruxelles, le 26 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 242 du 23.7.2015, p. 31.

(2)  Voir note de bas de page no 1.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/131


Avis du Comité économique et social européen sur «L’avenir des relations entre l’UE et les pays ACP»

(2016/C 303/19)

Rapporteure:

Mme Brenda KING

Le 15 juillet 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur:

«L’avenir des relations entre l’UE et les pays ACP».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 avril 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 192 voix pour, aucune voix contre et 4 abstentions.

1.   Recommandations et conclusions

1.1

L’expiration de l’accord de Cotonou (APC) en 2020 offre l’occasion de procéder à une révision du partenariat ACP-UE et de déterminer la forme qu’il devrait prendre, ainsi que les questions qu’il conviendrait d’aborder. Alors que la Commission et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) tiennent à reconduire cette relation — les pays ACP étant considérés comme des partenaires essentiels — ils ont souligné qu’ils étudieront toutes les possibilités, y compris les alternatives à un traité et à une approche collective.

1.2

Le Comité économique et social européen (CESE) estime qu’en ce qui concerne la poursuite des relations avec les ACP en tant que collectif, cette décision appartient aux pays ACP.

1.3

Le CESE recommande que l’UE s’efforce de parvenir à un partenariat moderne, équitable et véritable avec les pays ACP, qui transcende la relation donateur-bénéficiaire et repose sur une politique extérieure de l’UE cohérente et intégrée, conformément au principe de la cohérence des politiques au service du développement (CPD).

1.4

Ce cadre devrait garantir la participation des organisations de la société civile, y compris le secteur privé, dont la mission spécifique serait de suivre et d’évaluer l’incidence de la mise en œuvre de cet accord sur le développement durable des différentes parties. La société civile devrait se voir dotée de l’assistance technique et financière nécessaire pour assumer ce rôle.

1.5

L’APC, sous sa forme actuelle — qui mêle l’investissement et le développement économique à une approche politique, guidée par des valeurs — complète déjà le programme de développement durable à l’horizon 2030. L’accord d’après Cotonou devra toutefois prendre en considération les recommandations formulées dans le présent avis, et prévoir également le suivi et l’évaluation de l’accord. Le CESE est prêt à jouer un rôle central dans ce processus.

1.6

Le CESE recommande que toutes les formes d’aide au développement accordées par l’UE à des pays tiers relèvent du même cadre juridique, et soient soumises au même contrôle démocratique de la part du Parlement européen, tout en conservant les aspects positifs du FED.

1.7

Le partenariat UE-ACP fournit déjà un cadre global visant à trouver des solutions aux problèmes mondiaux tels que le changement climatique, et cela s’est avéré efficace lors des négociations de la COP 21. Les efforts conjoints doivent être renforcés si l’on veut développer la résilience dans les pays ACP et dans ceux de l’UE, ainsi que pour lutter contre les effets négatifs potentiels: catastrophes naturelles, crises économiques et aussi migration climatique.

1.8

Le CESE est favorable à la participation des organisations de la société civile (OSC) depuis la conception et la création jusqu’au suivi, de même qu’à la mise en œuvre et à l’examen ex post des domaines politiques concernés par les relations UE-ACP. À travers un processus global de dialogue structuré et de consultation régulière avec les organisations de la société civile, le partenariat fonctionnera dans l’esprit de l’APC afin d’intégrer pleinement les acteurs non étatiques, conformément à ce qui est énoncé à l’article 6 de l’APC.

1.9

En s’appuyant sur les acquis de la coopération UE-ACP, les deux partenaires paritaires peuvent véritablement développer des stratégies conjointes dans les cadres futurs, Sud-Sud et triangulaire, de la coopération au développement. Des échanges mutuels entre ces partenaires peuvent être un véritable catalyseur visant à appréhender le nouveau cadre du développement international et des défis mondiaux, y compris ceux qui concernent le rôle des pays à revenu intermédiaire.

1.10

Le futur partenariat doit incarner le «partenariat entre égaux», souligné dans le nouveau cadre, qui reconnaît l’universalité des défis que l’UE comme les pays ACP ont à relever: inégalités de revenus, chômage des jeunes, changement climatique et bien d’autres encore. Dans le cadre d’une coopération conjointe et sur un pied d’égalité, l’UE et les pays partenaires ACP peuvent s’efforcer de résoudre les problèmes de développement qui se posent à la fois dans l’UE et dans les pays ACP.

2.   Introduction

2.1

L’Union européenne (UE) et les 79 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ont conclu un vaste accord de coopération internationale juridiquement contraignant, qui rassemble plus de la moitié des États-nations du monde. Baptisé «accord de partenariat de Cotonou» (APC, ou accord de Cotonou), il a été signé au Bénin en 2000 et vise à renforcer la coopération existant de longue date en matière de politique, de commerce et de développement entre l’UE et les pays ACP. Cet accord a abouti à la création d’une série d’institutions qui facilitent la coopération ACP-UE entre les gouvernements, les fonctionnaires publics, les parlementaires, les collectivités locales et la société civile, y compris le secteur privé. Il s’appuie sur une relation historique entre l’UE et ses anciennes colonies, qui a évolué depuis au gré d’une succession d’accords postcoloniaux: des accords d’association qu’étaient les conventions de Yaoundé I et II entre la Communauté économique européenne et les anciennes colonies françaises d’Afrique (1963-1975) au dernier accord de partenariat signé à Cotonou (2000), en passant par les conventions de Lomé entre pays ACP et UE (1975-2000) qui ont succédé aux conventions de Yaoundé.

2.2

L’accord de Cotonou arrive à échéance en 2020, raison pour laquelle la Commission européenne et la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont publié un document de consultation conjoint daté du 6 octobre 2015. L’objectif qui s’y trouve exposé est d’«examiner dans quelle mesure il [l’APC] reste valable pour l’avenir et constitue une plateforme permettant de faire progresser les intérêts des deux parties» étant donné le contexte des évolutions institutionnelles, politiques et socio-économiques, à la fois dans l’Union européenne et dans les pays ACP, dans un monde qui a changé de manière significative au cours des quinze dernières années.

2.3

Participation de la société civile — Remarques spécifiques sur le dialogue politique

2.3.1

Le CESE se félicite que l’article 6 de l’APC soutienne la participation des parties prenantes non gouvernementales, en reconnaissant qu’elles sont des acteurs essentiels du partenariat. Toutefois, il regrette que la coopération soit restée à ce point axée sur les gouvernements, malgré la reconnaissance de l’importance du dialogue politique pour favoriser la participation de la société civile au processus de développement.

2.3.2

Le CESE rappelle le rôle fondamental des acteurs non étatiques au sein du processus de développement et dans le suivi des APE. Il est manifeste qu’un cadre d’après Cotonou plus ouvert et plus participatif aurait de plus grandes chances de parvenir à des résultats substantiels.

2.3.3

Le CESE constate avec regret qu’un certain nombre de pays ACP sont en train de mettre en place des législations restrictives visant à limiter l’activité des acteurs non étatiques, ce qui a eu dans certains cas des conséquences préjudiciables sur la participation active des organisations de la société civile. L’indice de durabilité 2014 des organisations de la société civile (1) indique que, dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, celles-ci sont confrontées à des restrictions accrues ou à des menaces de restrictions de leur travail, notamment lorsqu’elles sont actives dans le domaine de la sensibilisation et des droits de l’homme.

2.3.4

Le CESE recommande que, quel que soit le cadre convenu pour l’après-2020, celui-ci renforce la légitimité des organisations de la société civile en particulier et des acteurs non étatiques en général, en tant que parties prenantes authentiques des processus d’élaboration des politiques. En outre, le CESE a conscience du fait que les conséquences de l’exclusion des ONG seraient fondamentalement dommageables. Il plaide dès lors en faveur d’un renforcement des engagements techniques et financiers pour encourager et renforcer la participation active des organisations de la société civile.

3.   Contexte de l’accord de Cotonou

3.1

En 1957, la signature du traité de Rome a associé les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) à la Communauté économique européenne (CEE), dans un cadre de coopération officiel et privilégié, qui a structuré les relations de l’Europe avec les pays ACP. Le groupe des ACP, créé par ses membres qui ont signé l’accord de Georgetown en 1975, comprenait initialement 46 États: 36 d’Afrique, 7 des Caraïbes et 3 du Pacifique. Aujourd’hui le groupe des ACP se compose de 79 pays — dont 48 sont situés en Afrique subsaharienne, 16 dans les Caraïbes et 15 dans le Pacifique (Cuba en est membre, bien que non signataire de l’APC, et l’Afrique du Sud est partie contractante à l’accord, tout en étant exemptée de certaines dispositions). Depuis 2000, la coopération ACP-UE est régie par l’APC.

3.2

Celui-ci a principalement pour objet la «réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté, en cohérence avec les objectifs du développement durable et […] une intégration progressive des pays ACP dans l’économie mondiale», présenté dans trois piliers complémentaires:

Le dialogue politique: l’APC a été en avance sur son temps, car il s’appuyait sur un dialogue politique approfondi, nécessitant d’importants engagements bilatéraux. Celui-ci précise que «le dialogue se concentre, entre autres, sur des thèmes politiques spécifiques présentant un intérêt mutuel ou général en relation avec les objectifs énoncés dans le présent accord, notamment dans des domaines tels que le commerce des armes, les dépenses militaires excessives, la drogue et la criminalité organisée, ou la discrimination ethnique, religieuse ou raciale. Il englobe également une évaluation régulière des évolutions au regard du respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’État de droit, ainsi que de la bonne gestion des affaires publiques».

Les relations économiques et commerciales: l’APC s’écarte de la logique des précédents accords commerciaux de Yaoundé et Lomé, qui étaient régis par des préférences non réciproques accordées unilatéralement par l’Union européenne. L’UE a reconnu que «concernant les fondamentaux économiques, la vérité impose de dire que le système actuel a échoué; que les pays ACP ont été de plus en plus marginalisés sur le marché mondial, en dépit des généreuses préférences tarifaires» (2). Les nouveaux accords commerciaux qui doivent être négociés dans le cadre de l’APC — les accords de partenariat économiques (APE) — ont été conçus de manière à dépasser cette histoire et permettre en fin de compte aux pays ACP de s’intégrer dans l’économie mondiale. L’APE adhère également aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en réduisant l’incidence des «préférences non réciproques» sur les pays en développement non ACP, et encourage l’intégration régionale, en créant un lien avec les institutions économiques régionales existantes des ACP et les zones de libre-échange. Si les négociations en vue de ces accords de libre-échange réciproque et asymétrique ont débuté en 2002, le Cariforum est la première et unique région à avoir signé un APE complet (en 2007), qui dépasse le seul commerce et inclut les «questions de Singapour». Des négociations ont été tentées avec d’autres régions, qui ont achoppé sur des visions différentes du développement économique et actuellement, seuls quelques APE temporaires ne concernant que le commerce des biens ont été conclus avec la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

Commerce et intégration régionale: l’APE vise à favoriser l’intégration régionale et part du principe selon lequel une intégration régionale très forte stimule les capacités commerciales, qui stimulent en retour la croissance, l’emploi et le développement économique. Toutefois, les critiques qui visent l’APE font valoir l’exact opposé, en reprochant à celui-ci de constituer en fait un obstacle à une plus grande intégration régionale. Cet argument se fonde sur la conviction que l’APE n’offre pas la transformation structurelle nécessaire des économies des pays ACP, qui leur permettrait de renforcer leur position et de progresser dans la chaîne de valeur mondiale.

Commerce et développement durable: ironiquement, l’APE a été beaucoup critiqué pour n’être pas suffisamment ambitieux, notamment en ce qui concerne le développement durable. Les i-APE, partenariats d’innovation avec les trois régions africaines, ont fait l’objet de critiques formulées notamment par des députés européens, parce qu’ils ne contiennent aucun chapitre sur le développement durable. À leurs yeux, ceci compromet la portée ambitieuse de l’accord, le propre engagement de l’UE en faveur du développement durable et ses propres principes de cohérence des politiques au service du développement. Concernant l’APE Cariforum-UE, en dépit du fait qu’il s’agit du seul accord complet à ce jour, les critiques ont souligné que les dispositions restrictives en matière d’exportations pourraient nuire à la capacité de la région de répondre aux chocs systémiques, et donc ébranler sa capacité de parvenir à la sécurité alimentaire.

La coopération au développement: les instruments et méthodes de coopération visent à mettre en œuvre les principes de l’APC, tout en insistant sur les résultats, le partenariat et l’appropriation. La programmation et la mise en œuvre du Fonds européen de développement (FED) sont donc conçues comme une responsabilité commune.

Le FED est directement financé par des contributions volontaires versées par les États membres de l’UE en dehors du budget européen, mais il est négocié parallèlement à d’autres instruments de financement extérieur de l’UE, afin de garantir une cohérence. Il est géré par la Commission européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI). La BEI gère l’instrument d’investissement et fournit des prêts, garanties et fonds provenant à la fois du FED et de ses ressources propres, aux entreprises privées situées dans les pays ACP qui ont des projets à court et à long terme, dans le secteur privé comme dans le secteur public.

La dotation totale du FED a augmenté, tandis que celui-ci préservait son caractère intergouvernemental et sa structure de gouvernance, ce qui lui a permis de devenir l’élément le plus important de la coopération au développement de l’UE, hormis le cadre financier pluriannuel. Compte tenu de l’histoire et du statut juridique uniques du FED, ainsi que de son assise intergouvernementale, le Parlement européen n’a aucun pouvoir de codécision le concernant. La commission du développement du Parlement européen participe aux discussions de politique générale et est un acteur important de l’APC. L’Assemblée parlementaire paritaire (APP) a également le pouvoir d’exercer un contrôle parlementaire sur les dotations du FED aux programmes indicatifs nationaux (PIN) et aux programmes indicatifs régionaux (PIR).

FED et budgétisation: le Parlement européen accorde, au moyen de la procédure de décharge spéciale, une décharge à la Commission européenne concernant sa gestion et à sa mise en œuvre du FED. La budgétisation — c’est-à-dire l’intégration du FED dans le budget de l’UE — reste une source de tension entre le Parlement et le Conseil, bien que la Commission ait proposé à plusieurs occasions que le FED soit intégré au budget de l’Union.

Le CESE estime que toutes les formes d’aide accordées par l’UE à des pays tiers relèvent du même cadre juridique et sont soumises au même contrôle démocratique de la part du Parlement européen. Il demande dès lors que le FED soit intégré dans le budget de l’UE, mais que ses aspects positifs soient préservés (par exemple, réciprocité et responsabilité mutuelle). Ceci devrait aboutir à une politique de l’Union plus cohérente en matière de développement.

4.   Contexte — Un monde en pleine mutation

4.1

Comme le reconnaît le document de consultation conjoint, le monde a connu d’importantes transformations depuis l’entrée en vigueur de l’accord, en 2000. À l’échelle de l’Union, l’élargissement a intégré 13 nouveaux États membres entre 2000 et 2013, pour arriver à un total de 28. Les nouveaux États membres n’ont pas de liens coloniaux historiques mais ils ont en revanche une histoire différente — voire aucune histoire — en matière de relations commerciales, économiques et politiques avec les pays ACP, en amont des relations nouées depuis leur adhésion à l’UE. À l’échelle mondiale, la population a augmenté, le monde est devenu plus connecté, plus interdépendant, plus complexe et instable, et il est confronté à de nouveaux défis: le dérèglement climatique, les incidences de la mondialisation, l’augmentation des actes de terrorisme, des conflits et des migrations massives.

4.2

Depuis 2000, de nouvelles puissances économiques ont émergé en Afrique, en Asie et en Amérique latine ainsi que d’autres groupements de partenariat tels que l’Union africaine et le G77, de nombreux pays ACP étant sur le point de se hisser au statut de pays à revenu intermédiaire entre 2020 et 2030, réduisant ainsi leur dépendance à l’égard de l’aide internationale.

4.3

Le partenariat européen avec les trois régions qui composent le groupe ACP a été renforcé en dehors de l’APC, tout en étant en synergie avec lui. Ce renforcement se reflète dans le partenariat stratégique Afrique-UE, dans la stratégie commune relative au partenariat Caraïbes-UE et dans la stratégie pour un partenariat renforcé avec les îles du Pacifique. La coopération avec les organisations régionales et infrarégionales s’est également intensifiée, notamment grâce aux APE et dans le domaine de la paix et de la sécurité.

4.4

Même si le développement mondial a connu quelques réussites, il subsiste encore de profondes lacunes: des centaines de millions de personnes vivent toujours dans une pauvreté extrême, l’inégalité règne entre les sexes et les émissions mondiales de dioxyde de carbone ont augmenté de plus de 50 % depuis 1990. Sur le plan international, un nouveau cadre mondial relatif aux objectifs de développement durable (ODD) et son financement a été adopté en septembre 2015, pour répondre simultanément aux défis interdépendants que sont l’éradication de la pauvreté et le développement durable. Ce cadre s’appuie sur un nouveau «partenariat mondial», qui mobilise tous les moyens de mise en œuvre et tous les acteurs, et s’applique de manière universelle à tous les pays.

4.5

Le CESE recommande dès lors de mettre en place un cadre efficace de relations internationales, qui dépasse la simple relation donateur-bénéficiaire, qui soit adapté à sa finalité afin de mettre en œuvre les ODD et obtenir de meilleurs résultats à la fois pour les citoyens des pays ACP et pour ceux d’Europe, à travers la coopération politique, économique et de développement.

5.   Observations spécifiques

5.1    Le pilier de la coopération au développement

5.1.1

Le CESE estime que le rééquilibrage du partenariat, conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses 17 ODD, constitue la manière la plus appropriée de «renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser» (ODD no 17). Les ODD proposent un cadre commun, comprenant 169 cibles spécifiques, qui vise à éliminer la pauvreté et la faim, à garantir l’accès à une énergie durable et financièrement abordable pour tous, à bâtir une infrastructure résiliente, à lutter contre le changement climatique et ses conséquences, et à promouvoir l’État de droit et l’égalité d’accès à la justice de tous les citoyens.

5.1.2

Conformément au principe de cohérence des politiques de développement, le cadre des ODD offre un guide complémentaire et global pour permettre à l’avenir aux relations UE-ACP d’atteindre des objectifs communs, ce qui leur permettra d’avoir une portée planétaire. En outre, compte tenu du fait que les politiques internes de l’UE ont des implications externes susceptibles de produire des effets négatifs sur des pays partenaires, travailler ensemble à la réalisation des ODD a un effet d’entraînement positif qui permet de garantir la cohérence des politiques de développement en harmonisant les priorités, tout en respectant les programmes de développement régional.

5.1.3

Les ressources financières nécessaires pour atteindre les ODD sont considérables, les investissements dans les infrastructures représentant environ 80 % de ces ressources, selon la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement. Si le FED reste une source importante de financement pour les pays les moins développés, il est d’un niveau modeste par rapport à de nombreux budgets nationaux généraux, et il devrait encore diminuer. Toutefois, la mobilisation des ressources nationales dans de nombreux pays ACP peut être une source essentielle pour financer le développement. Le rapport 2013 de la Banque mondiale sur le financement du développement pour l’après-2015 estime qu’entre 50 % et 80 % du financement des infrastructures prévu dans le cadre des ODD devrait provenir de ressources internes des différents pays.

5.1.4

Le CESE estime dès lors que le financement du développement devrait être utilisé pour renforcer la capacité de mobiliser et d’utiliser les ressources nationales. Par exemple, d’après l’OCDE, chaque dollar versé au titre de l’aide européenne au développement et affecté à la construction de capacité administrative fiscale peut potentiellement générer des milliers de dollars de recettes fiscales progressives, en fonction de la situation du pays. Selon les estimations, la fiscalité ne représente que 10 à 15 % du PIB dans la plupart des pays africains (3). De même, les pays riches en ressources naturelles peuvent être soutenus afin de renforcer leurs capacités de négocier des contrats équitables avec les entreprises minières et les autres entreprises extractives, de manière à améliorer leurs recettes, ce qui leur permettrait de mettre en œuvre leurs engagements concernant les objectifs de développement durable. De plus, les pays ACP devraient être soutenus dans leurs objectifs d’industrialisation et de transformation de leurs propres matières premières et produits de base à destination des marchés locaux, régionaux et internationaux.

5.1.5

Le CESE recommande en outre que la future coopération s’attaque au problème de la grave pénurie de travailleurs qualifiés qui touche les pays ACP dans les secteurs à croissance rapide, en particulier compte tenu des prévisions des Nations unies, qui indiquent que le nombre d’Africains devrait atteindre 2,5 milliards, soit un quart de la population mondiale (4). Les secteurs concernés sont notamment les industries extractives, le secteur de l’énergie, des ressources hydriques et des infrastructures, ainsi que l’agriculture, la santé et les télécommunications. Cette pénurie de compétences est l’une des raisons pour lesquelles les pays ACP exportent des matières premières qui sont transformées dans d’autres régions du monde, au détriment des industries et de l’emploi dans les pays ACP. Ces pays doivent également pouvoir bénéficier de leurs propres programmes de recherche et de solutions innovantes pour relever les défis qui sont les leurs en matière de développement, notamment pour ce qui a trait au changement climatique. Toutefois, le nombre de chercheurs par rapport à la population totale est extrêmement faible dans les pays africains. Par exemple, le Burkina Faso compte 45 spécialistes en recherche et développement (R & D) par million d’habitants, et le Nigeria 38 spécialistes, alors que ce quotient est en moyenne de 481 pour les pays d’Amérique latine et de 1 714 pour ceux d’Asie orientale (5). Il conviendrait également d’envisager la migration circulaire comme un moyen de remédier au déficit de compétences. Le programme Erasmus+ fournit d’ores et déjà un dispositif de migration circulaire pour la jeunesse de l’UE, et il convient de mettre en place des dispositions similaires pour les jeunes gens des pays ACP. Cela nécessite de recadrer le débat sur la migration pour se concentrer davantage sur la mobilité, et notamment celle des jeunes à des fins d’éducation et de formation, de stages et d’échanges, et bien plus encore.

5.1.6

Conformément au principe de cohérence des politiques de développement et à la recommandation susmentionnée de recourir aux aides au développement pour renforcer la capacité administrative fiscale, il convient que l’UE et ses États membres s’attaquent efficacement au problème des flux financiers illicites (FFI). Disposer d’une gouvernance dans le domaine fiscal est un élément primordial qui est à même de renforcer le développement durable des pays ACP. En Afrique, tout particulièrement, les flux financiers illicites font perdre au continent un volume d’argent supérieur à celui qu’il reçoit en cumulant l’aide publique au développement et les investissements étrangers directs.

5.1.7

Le futur partenariat doit également reconnaître le rôle non négligeable des envois de fonds effectués par les travailleurs migrants et les membres des diasporas, qui sont devenus une source fondamentale de l’investissement étranger direct dans les pays ACP, dont le volume dépasse celui de l’aide publique au développement. Il est toutefois important que les États membres de l’UE respectent leur engagement de consacrer 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) au développement, dans le cadre du respect du principe de cohérence des politiques de développement.

5.2    Le pilier des relations économiques et commerciales

5.2.1

Les APE sont destinés à favoriser l’intégration régionale et notamment la création de communautés économiques régionales (CER) des ACP. Ces négociations ont démarré en 2002, dans une certaine urgence résultant de la dérogation de l’OMC — relative au maintien d’un traitement préférentiel pour les pays en développement du groupe ACP, par opposition à d’autres pays en développement non ACP — qui devait arriver à son terme à la fin de l’année 2007.

5.2.2

Les négociations sur les APE sont devenues difficiles pour un certain nombre de raisons: disparités des capacités de négociation et du degré de maturité des communautés économiques régionales des pays ACP; visions divergentes en matière de développement et d’intégration régionale; divergences sur la notion de commerce basé sur la réciprocité, entre autres. Depuis que les négociations ont commencé en 2002, il existe désormais des APE complets et des APE intérimaires, ainsi qu’une série de régimes commerciaux différents qui s’appliquent aux pays ACP, notamment le système de préférences généralisées (SPG et SPG+) et le régime «Tout sauf les armes» (TSA).

5.2.3

L’APE ayant notamment pour objectif de contribuer à une croissance économique durable, à l’éradication de la pauvreté, à l’augmentation du niveau de vie et à l’intégration régionale, une mise en œuvre et un suivi effectifs de l’application des APE seront indispensables à la réalisation de ces objectifs.

5.2.4

C’est pourquoi le CESE recommande vivement qu’un cadre (à savoir des comités consultatifs mixtes) soit mis en place pour garantir que les organisations de la société civile, tant dans l’UE que dans les régions ACP, jouent un rôle dans les structures de suivi des APE, que les recommandations qu’elles formulent sur la base de cette surveillance aient force exécutoire, que les processus adoptés soient compatibles avec le développement durable et que ce dispositif reste en place après 2020. Dans les cas où les négociations d’APE sont déjà achevées, comme celles qui ont été menées avec la CDAA, dont il est peu probable qu’elles puissent être rouvertes, le CESE soutiendrait la négociation à cet effet d’un protocole additionnel à l’APE.

5.2.5

Les délégations de l’Union européenne sont des acteurs essentiels et devraient coopérer avec les acteurs non étatiques locaux ainsi que les institutions régionales de l’UE et des pays ACP afin de développer une action commune qui soit transparente, coordonnée et efficace. En outre, il serait souhaitable que les feuilles de route relatives aux organisations de la société civile des délégations de l’Union européenne d’une part, et la stratégie régionale correspondante des ACP concernant ces mêmes organisations d’autre part, bénéficient d’une coordination conjointe, afin de favoriser une approche globale concernant la participation des organisations de la société civile.

5.2.6

Le CESE recommande en outre que les comités consultatifs mixtes (CCM) prévoient une vaste participation de la société civile, en associant de manière égale les milieux universitaires, les entreprises et les partenaires sociaux (y compris, entre autres, les associations d’agriculteurs et de femmes et les mouvements de jeunesse), et que ces comités soient dotés de ressources suffisantes, c’est-à-dire qu’ils disposent d’un budget disponible qui leur permette d’agir de manière efficace et autonome. En outre, le CESE souligne qu’il importe que les deux parties financent la participation des organisations de la société civile au partenariat, afin de donner corps au «partenariat d’égal à égal» que l’UE et les ACP s’efforcent d’obtenir.

5.3    Le Fonds européen de développement (FED)

5.3.1

Le FED est considéré comme une source fiable et prévisible de financement du développement, qui joue un rôle important pour préserver les intérêts des pays ACP au sein de l’accord de Cotonou. L’appui budgétaire, ou des aides directes aux budgets nationaux, que ce soit dans le cadre de priorités prédéfinies (appui budgétaire sectoriel) ou sans (appui budgétaire général) constitue une forme controversée de financement par le FED. Au cours de la période 2002-2010, la Commission a engagé un montant total de 6,2 milliards d’EUR pour l’appui budgétaire général — dont plus de 90 % à destination de l’Afrique. En dépit de cela, quelle que soit la forme que prendra le futur partenariat, il importe de ne pas vider de leur substance les relations avec les Caraïbes et le Pacifique et, de manière générale, la classification comme pays à revenu intermédiaire ne doit pas constituer non plus une entrave au développement durable. Le futur partenariat doit favoriser l’inclusion et en faire une priorité.

5.3.2

En moyenne, un cinquième des fonds du FED sont utilisés pour l’appui sectoriel et budgétaire. Même si l’appui budgétaire est généralement considéré comme un moyen efficace d’acheminer l’aide des donateurs, il affaiblit la responsabilité et la gouvernance parce qu’un suivi adéquat et des mesures de conditionnalité suffisantes lui font défaut. Par ailleurs, il n’est pas très visible étant donné qu’il est intégré au budget global du pays concerné; les citoyens et les parties prenantes nationales ignorent donc pour la plupart l’ampleur de ces contributions du FED.

5.3.3

Le CESE recommande vivement, en vue d’améliorer la responsabilité et la transparence, que toutes les formes d’aide au développement accordées par l’UE à des pays tiers relèvent du même cadre juridique et soient soumises au même contrôle démocratique de la part du Parlement européen, tout en conservant les aspects positifs du partenariat.

5.3.4

Les retours d’information des réunions régionales du CESE montrent que les acteurs de la société civile jugent les procédures d’appel d’offres de l’UE pour les financements trop longues, trop bureaucratiques et opaques. Par ailleurs, les procédures de candidature sont trop lourdes pour nombre d’acteurs non étatiques, les informations utiles étant insuffisamment diffusées dans certains pays.

5.3.5

Le CESE a régulièrement plaidé en faveur du renforcement des capacités des organisations de la société civile ayant accès aux ressources nécessaires pour devenir des partenaires efficaces dans le suivi et la promotion de l’appropriation des stratégies de développement, de la gouvernance et des droits de l’homme, dans leurs pays et régions respectifs, comme cela est établi dans l’article 6 de l’accord de Cotonou. Ces principes doivent être respectés tant dans les États membres de l’UE que dans les pays ACP.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  https://www.usaid.gov/africa-civil-society.

(2)  M. Karel de Gucht, commissaire européen chargé du commerce, A Partnership of Equals, 20e session de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE tenue à Kinshasa, le 4 décembre 2010, p. 3 (traduction libre de l’anglais). Consulté le 26 décembre 2012, http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2010/december/tradoc_147082.pdf.

(3)  The Economist,«Making Africa Work», numéro du 16 avril 2015.

(4)  Voir note de bas de page 3.

(5)  http://www.worldbank.org/en/news/press-release/2014/04/15/world-bank-centers-excellence-science-technology-education-africa.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/138


Avis du Comité économique et social européen sur la communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions

«Réexamen de la politique européenne de voisinage»

[JOIN(2015) 50 final]

(2016/C 303/20)

Rapporteur:

M. Andrzej ADAMCZYK

Corapporteur:

M. Gintaras MORKIS

Le 18 novembre 2015, la Commission européenne a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Réexamen de la politique européenne de voisinage»

[JOIN(2015) 50 final].

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 avril 2016.

Lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 162 voix pour, 15 voix contre et 21 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE salue l’adoption par la haute représentante et la Commission européenne de la communication conjointe sur le réexamen de la politique européenne de voisinage (PEV) et reconnaît que ledit réexamen, qui représente une tentative de redéfinir cette politique pour la rendre plus efficace, reprend bon nombre des propositions qu’il avait formulées dans son avis sur le thème «Vers une nouvelle politique européenne de voisinage (1)».

1.2

La nécessité de revoir la PEV résulte, d’une part, de l’échec essuyé par l’approche uniforme, appliquant un modèle unique à tous les pays, et, d’autre part, des effets induits par le processus d’émiettement et d’effacement de la relative uniformité qui caractérisait le voisinage de l’UE, tant méridional qu’oriental.

1.3

La nouvelle PEV devrait reconnaître que les évolutions dramatiques qui affectent ces régions trouvent leur origine tout à la fois dans des pressions externes et une instabilité interne, liée à la pauvreté, aux inégalités, au manque de perspectives d’avenir, à la corruption, à la radicalisation politique et religieuse, ainsi qu’à l’extrémisme violent.

1.4

L’intention qui sous-tend le réexamen de la PEV est de lui imprimer suffisamment de souplesse pour y conserver les pays qui ne sont pas capables ou désireux de remplir toutes les conditions préalables en rapport avec l’intégration économique ou l’alignement sur l’acquis communautaire. En ce sens, la nouvelle PEV a été conçue dans un esprit d’inclusion.

1.5

Pour limiter les dégâts dus aux grands bouleversements qui se sont produits dans les régions du voisinage de l’UE, la communication fixe une nouvelle priorité, celle de la stabilisation, et définit une nouvelle approche, la différenciation.

1.6

L’insistance mise sur la stabilisation explique la place de premier plan que la communication accorde à la problématique de la sécurité interne et externe. Toutefois, et même si les instruments dont dispose l’UE sont limités, il conviendrait qu’à l’attitude de réaction qui est la sienne aujourd’hui, elle substitue une politique anticipatrice d’efforts diplomatiques intenses, visant à prévenir les conflits et à résoudre pacifiquement ceux qui sont actuellement gelés.

1.7

Le CESE souhaite insister sur l’importance que revêt le développement économique, en tant que préalable essentiel pour instaurer un climat de stabilité et de sécurité dans le voisinage de l’UE, laquelle devrait faire preuve de la plus grande constance lorsqu’elle fournit un soutien économique aux pays partenaires de la PEV et favorise, dans une perspective de long terme, les conditions et la détermination nécessaires pour qu’ils poursuivent leurs réformes économiques, accroissent leur compétitivité et modernisent leurs réglementations sur les entreprises.

1.8

Il est également très clair que le développement économique doit s’accompagner de ses volets sociaux et environnementaux, car c’est seulement s’ils marchent de pair que ces différents facteurs peuvent apporter une contribution efficace à un progrès effectif, à la stabilité et à la paix sociale.

1.9

Le CESE conçoit que la nouvelle méthode de travail, fondée sur la différenciation, traduit une approche empreinte de réalisme politique, un approfondissement des disparités entre les pays partenaires, ainsi que la diversité de leurs aspirations. Toutefois, même s’il n’est pas possible d’atteindre la totalité des critères économiques, l’UE ne peut transiger sur la question des valeurs européennes fondamentales, dont la dimension sociale, le respect des droits de l’homme universels, la démocratie et l’état de droit. Il est regrettable que la communication ne fasse pas mention du principe du respect des normes de l’OIT en matière de travail, en tant que fondement de relations sociales saines.

1.10

Le rôle de la société civile organisée et du dialogue social et civil autonome n’est pas suffisamment mis en valeur. Sans une participation importante d’organisations indépendantes ressortissant à la société civile, jamais les objectifs de la PEV, stabilisation comprise, ne pourront être atteints. Nous ne devons jamais oublier que l’intégration européenne constitue avant tout un projet de paix et que sa réussite est d’un intérêt vital pour la société civile.

1.11

La communication est muette sur le déficit qui existe en matière de dialogue social et civil dans la zone couverte par la PEV, ainsi que sur les entorses au droit d’association et de libre organisation qui y sont commises.

1.12

La communication semble proposer une démarche plutôt défensive, qui limite les ambitions de la PEV parce que les possibilités qu’elle offre s’amenuisent. S’il est indéniable que l’UE a été confrontée à des développements perturbants, qui ont parfois été dramatiques, chez ses voisins du Sud comme de l’Est, le manque de vision ne l’aidera pas à se sortir de cette mauvais passe. Le CESE recommande de doter la PEV d’un nouveau programme audacieux et dynamique, y compris en offrant une perspective d’adhésion à l’UE pour certains pays partenaires, en particulier orientaux, qui nourrissent de telles aspirations et ont la capacité et la volonté de remplir les conditions fixées à cet égard.

1.13

Le CESE salue l’affirmation que l’amélioration de la communication et la promotion des politiques européennes seront au cœur de la nouvelle PEV, afin de mieux expliquer les motivations de l’action de l’UE et l’incidence positive de ses interventions concrètes. Néanmoins, il est tout aussi important de circonscrire le danger qui provient de l’information trompeuse, de la désinformation et de la propagande, qui sont en contradiction avec la réalité, les valeurs de l’UE et les objectifs de la PEV.

1.14

Il convient de souligner qu’au Sud comme à l’Est, la PEV est minée par des facteurs extérieurs. L’État islamique s’efforce de déstabiliser par la terreur et la guerre, notamment le voisinage méridional de l’UE. Les efforts diplomatiques et l’action militaire de la Russie prennent pour cible directe la PEV, en particulier le partenariat oriental. En outre, son intervention militaire au Sud renforce le régime autoritaire syrien.

2.   Nécessité d’une politique européenne de voisinage nouvelle et revue

2.1

Le CESE se félicite du réexamen de la politique européenne de voisinage qui a été effectué par la Commission et vise à en redéfinir les objectifs et l’approche générale, à la suite des évolutions dramatiques dont le voisinage de l’UE a été le théâtre.

2.2

Les relations que l’UE entretient avec ses voisins sont fondées sur l’article 8 du traité sur l’Union européenne, qui dispose que l’Union développe avec les pays de son voisinage des relations privilégiées, en vue d’établir un espace de prospérité et de bon voisinage, fondé sur ses valeurs et caractérisé par des relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération.

2.3

Au départ, la PEV affichait des visées très ambitieuses et son objectif général était de parvenir à l’association politique la plus étroite et au niveau d’intégration économique le plus élevé qu’il était possible d’atteindre avec les voisins méridionaux et orientaux de l’UE.

2.4

L’une des conséquences de l’intégration économique est d’offrir la possibilité d’un accès plus étendu au marché unique de l’UE, qui doit aller de pair avec l’exécution de réformes ardues, sur le plan politique, économique et institutionnel, ainsi qu’avec un engagement en faveur de la démocratie, de l’état de droit et du respect des droits de l’homme.

2.5

Toutefois, depuis les années 2003-2004, époque où la PEV a été conçue, les zones situées aux parages de l’UE ont subi des changements spectaculaires et son principe original, celui du moule unique valable pour tous les pays, s’est révélé être totalement inopérant.

2.6

Depuis 2014, la région du voisinage oriental a été durement touchée par la politique agressive de l’administration présidentielle et du gouvernement de la Russie actuelle, notamment la guerre en Ukraine et les manœuvres, partiellement couronnées de succès, qui ont été déployées pour attirer les voisins de l’UE situés à ses frontières de l’Est dans l’Union économique eurasienne, sous domination russe.

2.7

Tout en reconnaissant que chaque pays a le droit de défendre sa propre perspective politique, on se doit de noter que l’actuelle administration russe souhaite développer sa propre politique de voisinage, qui est incompatible avec la PEV, et qu’elle veut être considérée comme un acteur de la scène mondiale et une entité qui égale l’UE en importance.

2.8

Alors qu’une coopération constructive de l’UE avec la Russie pourrait se révéler positive pour chacun des deux partenaires, il n’apparaît guère vraisemblable, si la partie russe ne modifie pas son attitude agressive et déstabilisatrice, que dans un avenir prévisible, il soit possible d’éviter d’entrer dans un conflit d’intérêt avec elle dans la région couverte par le voisinage oriental. Les développements récents qui se sont produits en Syrie apportent la preuve que ce constat pourrait également s’appliquer au voisinage méridional.

2.9

Sur le flanc Sud du voisinage, la guerre en Syrie, les conflits en Libye, l’émergence de l’État islamique, les évolutions politiques controversées de certains pays de la région, ainsi que d’autres conflits armés au Proche-Orient, ont scellé l’amenuisement, pour un futur proche en tout cas, des grands espoirs de paix et de transformation démocratique dont s’était accompagné le Printemps arabe.

2.10

Tous ces développements négatifs, tous ces fossés qui se creusent, dans bien des domaines, entre différents pays du voisinage tant méridional qu’oriental de l’UE font qu’il est nécessaire de redéfinir les priorités de la PEV, d’en renouveler l’approche, d’y instaurer de nouvelles méthodes de travail et d’imprimer à la diplomatie de l’UE une tournure qui anticipe davantage et soit plus efficace. La communication à l’examen constitue une réponse à ces défis.

3.   La stabilisation, une nouvelle priorité

3.1

La Commission a entériné les positions du CESE sur la nécessité que les priorités assignées à la PEV révisée soient la stabilité, une sécurité accrue, la flexibilité et la différenciation, ainsi qu’une plus grande appropriation, de part et d’autre. La communication sur le réexamen de cette politique considère que la stabilisation constitue le défi le plus urgent qui se pose dans beaucoup de zones du voisinage de l’UE et recommande dès lors d’en faire la principale priorité politique de la version rénovée de cette politique.

3.2

Le CESE estime que cette recommandation est judicieuse, dans la mesure où les développements récents de la situation fournissent des preuves à l’appui de la thèse que l’UE n’a que partiellement été capable de stimuler la stabilité, la prospérité et la sécurité dans les régions avoisinantes.

3.3

Il est également très clair que les menaces à la stabilité du voisinage peuvent non seulement poser des obstacles de taille pour la transition démocratique et le processus de réforme, tels que demandés par l’UE, mais qu’elles ont également une incidence négative tant pour des pays qui mènent avec succès leur transformation sous l’impulsion de la PEV que pour l’Union européenne elle-même.

3.4

Il conviendrait de renforcer dans une mesure appréciable la prévention et la gestion des conflits, surtout si l’on considère que nombre des situations conflictuelles gelées continuent à représenter une forte menace pour la stabilité des parages de l’UE, qu’ils soient situés au sud ou à l’est de ses frontières. Si elle veut jouer un rôle positif pour dégager des voies pacifiques, l’Europe devrait tout à la fois rester impartiale et prêter secours aux victimes et aux personnes les plus vulnérables et les plus menacées.

3.5

Il est tout aussi évident que l’instabilité ne résulte pas seulement de pressions extérieures et la communication conjointe signale très justement qu’il existe un lien entre l’instabilité et la pauvreté, l’inégalité, le manque de perspectives et la corruption, qui sont autant de facteurs susceptibles d’accroître la vulnérabilité face à la radicalisation. Toutefois, l’approche du document pèche par un manque d’équilibre entre la dimension économique et la dimension sociale, en ce qu’il sous-estime l’importance du rôle que le bien-être et la protection sociale jouent au regard de la stabilité.

4.   La différenciation

4.1

La nouvelle PEV a été conçue de manière à refléter la diversité des aspirations, des ambitions et des intérêts des pays partenaires, ainsi que la situation induite par les divergences des évolutions spécifiques à chacun des pays situés au voisinage de l’UE.

4.2

La communication conjointe déclare que «l’UE continuera, avec les gouvernements, la société civile et les citoyens des pays partenaires, à se pencher sur les questions liées aux droits de l’homme et à la démocratie». Cette assertion n’a rien de bien catégorique, témoignant plutôt d’un ralliement inédit au réalisme politique et de la volonté de diluer le vigoureux effort déployé pour promouvoir les valeurs européennes sanctionnées par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

4.3

La communication ne fait pas mention des conventions et recommandations de l’OIT. Or le respect des normes essentielles du travail, telles que définies par cette organisation, constitue un seuil minimal en dessous duquel il n’est pas permis de descendre: il s’agit d’un principe que la différenciation ne peut absolument pas miner.

4.4

Il est affirmé dans la communication que vont «émerger différents types de relations susceptibles de renforcer le sentiment d’appropriation des deux parties. L’UE est disposée à discuter de la possibilité de définir conjointement de nouvelles priorités de partenariat, axant plus clairement chaque relation sur des intérêts partagés communément définis.» Cette position revient non pas simplement à modifier le langage utilisé mais également à abandonner une sorte d’«approche normative», s’employant à transposer les valeurs européennes dans les pays partenaires.

4.5

Une des raisons susceptibles d’expliquer ce revirement de stratégie est le désir de dissiper l’illusion que tous les peuples aspireraient à adopter les normes démocratiques de l’UE et que l’existence de régimes répressifs serait le seul motif qui les en empêcherait. Le CESE n’en défend pas moins la position qu’on ne peut envisager de transiger de quelque manière que ce soit sur les droits de l’homme universels ou les valeurs démocratiques.

4.6

Il est vrai aussi que certains pays partenaires ont émis l’opinion que la PEV est par trop prescriptive et qu’elle ne respecte pas suffisamment les spécificités et les souhaits des pays partenaires.

4.7

L’approche incitative du «donner plus pour recevoir plus» ne s’est avérée que partiellement efficace. Elle n’a pas été opérante dans les pays où les élites locales ont résisté à une transformation menée sous l’impulsion de l’UE. En outre, ce principe du «plus pour plus» a parfois suscité l’impression que le respect des valeurs de l’UE se monnayait. Or la seule manière d’arriver à ce qu’elles soient respectées est de faire que les populations et les citoyens aient foi dans leur portée universelle et les fassent leurs. Acheter des valeurs en échange de projets est une démarche inefficace. À cet égard, le CESE apprécie que la communication à l’examen déclare que «l’UE recherchera des moyens plus efficaces pour faire valoir la nécessité d’entreprendre des réformes fondamentales avec ses partenaires, au moyen notamment d’un dialogue avec les acteurs civils, économiques et sociaux».

4.8

Même en tenant compte de la nouvelle approche différenciée, nous nous devons toutefois d’éviter que le principe du «donner plus pour recevoir plus» ne se mue en un «donner plus pour recevoir moins», consenti au nom du nouvel objectif premier de stabiliser notre voisinage. Il y a lieu de développer davantage le principe de conditionnalité dans la mise en œuvre de l’option du «sur mesure» en matière de PEV.

4.9

Cette nouvelle démarche placée sous le signe de la différenciation n’équivaut-elle pas, en pratique, à démanteler la PEV et à renouer progressivement avec une approche purement bilatérale? La question reste à examiner.

4.10

Un autre point à souligner est qu’il ne faudrait pas que combiné avec la différenciation, le nouveau concept d’«appropriation mutuelle», synonyme de moins de paternalisme et de plus de partenariat véritable, débouche sur une politique de picorage, dans laquelle les pays partenaires auraient la possibilité de ne retenir que les éléments de partenariat qui conviennent à leurs gouvernements respectifs.

4.11

La différenciation aura également une incidence sur la manière de faire rapport à propos des progrès réalisés par les pays partenaires. Des évaluations d’un nouveau style seront élaborées, axées sur les objectifs spécifiques convenus avec les partenaires. On déplorera que le mode transparent selon lequel les rapports d’état d’avancement sont aujourd’hui rédigés, dans un seul format applicable concomitamment à tous les pays, cédera la place un ensemble d’autres, qui seront de nature variable selon les pays, et suivront des structures encore à déterminer.

5.   Le rôle de la société civile organisée

5.1

La communication ne prête suffisamment attention ni au rôle de la société civile organisée, ni au dialogue social ou civil. Elle ne contient qu’une vague allusion à la nécessité qui s’impose à l’UE d’approfondir ses connexions avec la société civile, notamment les partenaires sociaux, et de «renforcer ses efforts de sensibilisation à l’égard des acteurs concernés de la société civile au sens large, ainsi que des partenaires sociaux».

5.2

Pratiquement tous les pays couverts par la politique de voisinage, tant méridionaux qu’orientaux, souffrent d’un déficit patent en matière de dialogue civil et social, même si certains d’entre eux, tels la Tunisie ou la Géorgie, ont réalisé des progrès notables à cet égard.

5.3

La communication est muette sur les violations qui sont constatées dans la zone couverte par la PEV en ce qui concerne le droit d’association et de libre constitution d’organisations d’employeurs et de travailleurs ou d’ONG, de même qu’elle ne trace pas de perspectives sur les moyens à utiliser pour fournir un environnement qui incite à s’engager dans la formulation, la programmation, la mise en œuvre, le contrôle et l’évaluation des politiques menées par les pouvoirs publics.

5.4

La communication met l’accent sur la réforme de l’administration publique et sur la concrétisation des engagements souscrits par les pays partenaires de la PEV concernant l’égalité des sexes mais le rôle de la société civile à cet égard n’est aucunement mentionné.

5.5

Le CESE s’est engagé à œuvrer avec les organisations qui sont ses partenaires dans les pays de la PEV, dans le but bien défini de réaliser un suivi commun de la mise en œuvre de cette politique et d’observer les effets de la nouvelle approche différenciée.

6.   La migration et la mobilité

6.1

Bien que sa stratégie dans le domaine de la migration et de la mobilité et l’action concrète qu’elle mène en la matière ne ressortissent pas spécifiquement à la PEV, il est capital que l’UE coopère sur ces dossiers avec les pays partenaires de cette politique.

6.2

C’est dans une stratégie plus large que l’UE doit inscrire la solution qu’il convient de dégager pour l’actuelle crise des réfugiés mais il peut s’avérer fort pertinent à cet égard que le programme de la PEV pour la migration et la mobilité soit mis en œuvre de manière agissante et efficace.

6.3

La communication affirme à très juste titre qu’«il est primordial, pour stabiliser notre voisinage, de remédier aux causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés». Cette position n’est toutefois pas très cohérente avec l’approche de la différenciation, qui pourrait induire que l’UE adopte une attitude moins ambitieuse, s’agissant de condamner les violations systématiques des droits politiques, sociaux et économiques qui sont commises par certains gouvernements partenaires, alors qu’il peut s’agir là de la principale cause, à l’origine de l’instabilité.

6.4

Le CESE fait également observer que les initiatives visant à faciliter l’octroi des visas doivent être considérées comme l’un des outils essentiels pour intensifier les relations avec les pays couverts par la PEV. Le CESE est résolument favorable aux dispositifs de libéralisation en la matière et tient à faire observer qu’une dislocation de l’espace Schengen pourrait les remettre en cause.

6.5

Le CESE endosse également la déclaration de la communication affirmant que «l’UE continuera à favoriser un discours réaliste et juste sur les migrations et à combattre vigoureusement toutes les formes et manifestations de racisme et de discrimination en promouvant le dialogue interculturel, la diversité culturelle et la compréhension mutuelle».

7.   Le développement économique pour la stabilisation

7.1

Le CESE salue les efforts déployés pour renforcer la compétitivité, soutenir les économies des pays partenaires de la PEV et améliorer les perspectives de la population locale, s’agissant de la principale condition préalable à remplir afin d’assurer un environnement stable et sûr dans le voisinage de l’UE. Les pays voisins de l’UE sont certes tous confrontés à des problèmes économiques mais ils y revêtent des natures fort différentes, dans leurs causes comme dans leur ampleur et leur incidence sur la stabilité. Ces disparités économiques et sociales sont donc un des facteurs qui, parmi d’autres, nécessitent que cette dimension de différenciation soit introduite dans le développement futur des relations de l’UE avec les États de son voisinage. Dans la suite de la coopération, les réformes de l’administration publique, des systèmes judiciaires et du secteur de la sécurité ainsi que la lutte contre la corruption et la criminalité organisée constituent des domaines d’intervention prioritaires. Les progrès réalisés dans tous ces domaines sont essentiels pour assurer la stabilité mais un environnement sûr et stable est par ailleurs nécessaire pour réussir en la matière.

7.2

Le CESE se félicite qu’il soit mentionné qu’en parallèle avec les réformes dans les pays couverts par la PEV, il y a lieu d’assurer la mise en œuvre totale et effective des accords d’association et de libre-échange approfondi et complet (ALEAC) qui ont déjà été conclus. Pour tirer profit de ces zones de libre-échange approfondi et complet, les pays partenaires doivent toutefois passer par un processus, ardu, de modernisation radicale de leur production et de leurs services. La communication se montre fort claire à cet égard, tout en affirmant que l’UE leur apportera son soutien pour qu’ils développent leurs capacités de manière à pouvoir relever les défis de ces accords de libre-échange.

7.3

Il conviendrait de ne pas abandonner l’objectif d’un libre-échange intégral entre l’UE et les pays de la PEV, s’inscrivant dans un effort de resserrement des liens de coopération. La perspective de pouvoir accéder au marché de l’UE encourage les pays de son voisinage à entreprendre des réformes économiques et à procéder à la modernisation de leur appareil de production et de leurs entreprises. Toutefois, même les États qui ont signé des accords sur des zones de libre-échange approfondi et complet éprouvent des difficultés à moderniser leur économie, en raison d’une situation politiquement et économiquement instable, qui n’incite pas à y investir. L’accès au marché de l’UE comme aux autres débouchés internationaux est directement lié à la question de l’emploi et à celle des perspectives qu’ont les jeunes de trouver leur place sur le marché du travail. L’enkystement de l’oligarchie et la corruption font obstacle aux réformes économiques. L’UE devrait exercer davantage de pression et utiliser tous les moyens possibles pour améliorer la situation de manière à ce qu’il soit possible d’attirer des capitaux d’investissement dans des pays à l’environnement économique sain.

7.4

Il est tout aussi clair que la mise en œuvre des zones de libre-échange approfondi et complet soulèvera de grands défis sur le plan social. De ce fait, il est d’une importance capitale d’associer à la démarche l’ensemble des acteurs concernés, notamment les partenaires sociaux. Dans chaque pays, les groupes consultatifs et plates-formes de la société civile peuvent exercer une action positive en la matière et il conviendrait de les faire participer à la mise en œuvre, sous tous leurs aspects, de ces zones de libre-échange approfondi et complet.

7.5

Le CESE est heureux de constater que la communication prête véritablement une attention spécifique à la question de l’éducation et de la formation professionnelle, des jeunes en particulier. Il est vraisemblable que les systèmes d’enseignement primaire et secondaire des pays qui en ont le plus besoin bénéficieront d’un soutien renforcé et que les États couverts par la politique de voisinage bénéficieront de plus larges possibilités, en volume comme en financement, de prendre part à Erasmus+. D’autres mesures seront également exploitées pour développer les compétences des jeunes et, ainsi, faciliter grandement leur accès au marché de l’emploi.

7.6

L’UE peut contribuer à conforter encore l’économie des pays situés dans son voisinage en développant ses connexions avec eux en matière de transport. Il convient de se féliciter au plus haut point de l’affirmation que l’UE se doit d’étendre ses grands réseaux transeuropéens dans les pays partenaires de son voisinage oriental et, agissant de concert avec les institutions financières internationales et les autres parties prenantes, de promouvoir l’investissement et de développer des plans de référence pour ces mêmes réseaux dans l’espace euro-méditerranéen. Ces plans revêtent également une haute importance pour les organisations de la société civile, qui devraient être activement associées à leur mise en œuvre.

7.7

L’UE étant tributaire de pays de son voisinage pour son approvisionnement énergétique, les projets communs dans le domaine sont d’une haute importance de part et d’autre et indispensables pour les deux parties. La question des économies en la matière et de l’efficacité énergétique et celle de la réduction des émissions et des projets concernant les énergies renouvelables présentent une pertinence toute particulière. La communication commune souligne à juste titre qu’il est nécessaire de renforcer le dialogue sur l’énergie que l’UE mène avec son voisinage dans le domaine de la sécurité énergétique, des réformes du marché de l’énergie et de la promotion d’une économie énergétiquement durable, le but étant de construire une union de l’énergie résiliente et articulée autour d’une politique climatique ambitieuse.

7.8

Le CESE salue l’affirmation selon laquelle «l’agriculture est une source importante d’emplois dans de nombreux pays partenaires et l’UE devrait continuer d’apporter son soutien à des politiques durables et inclusives, ainsi qu’à l’investissement dans la modernisation du secteur et à la diversification, le cas échéant, dans d’autres activités génératrices de revenus en zone rurale». Il convient toutefois de souligner que l’harmonisation, que la mise en œuvre des zones de libre-échange approfondi et complet induira dans le domaine de l’agriculture et de la production alimentaire, ne pourra aboutir ni à faire baisser la qualité des produits agricoles, ni à entamer les normes régissant le travail.

8.   La dimension de sécurité

8.1

Le CESE approuve la forte insistance que la communication conjointe place sur la dimension sécuritaire. Il est essentiel de renforcer la capacité de rebond des partenaires face aux menaces extérieures et intérieures, ainsi que de les inciter à se moderniser, pour assurer leur stabilité économique et sociale de long terme.

8.2

Le CESE soutient la liste des priorités assignées à la PEV dans le domaine de la sécurité, accordant une importance essentielle à l’action qui vise à lutter contre le terrorisme, prévenir la radicalisation et le crime organisé, désorganiser les circuits de corruption et combattre la cybercriminalité. Il conviendrait de souligner que ces domaines d’intervention prioritaire sont au cœur même de la tâche à accomplir pour améliorer la sécurité dans les pays relevant de la PEV comme dans l’UE elle-même.

8.3

On se doit toutefois de faire observer que les menaces qui pèsent sur la stabilité des pays relevant de la PEV ne viennent pas seulement d’organisations terroristes ou criminelles mais également de certains gouvernements qui violent le droit international et provoquent des crises et des conflits dans la région couverte par cette politique.

8.4

Le CESE salue l’initiative d’imprimer un nouvel élan à la coopération relative à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et attire en particulier l’attention sur la possibilité de recourir à des missions et opérations au titre de cette politique et, au besoin, à des groupements tactiques de l’UE, pour l’exécution concrète d’obligations et tâches de sécurité conjointes. Il conviendrait toutefois que les instruments et initiatives diplomatiques qui se rattachent à la politique de sécurité et de défense commune ne soient pas utilisés uniquement pour réagir à des crises mais servent également d’outil politique pour éviter qu’elles ne se produisent. L’UE devrait insister sur la nécessité d’un engagement plus étendu dans le domaine de la prévention des conflits et de la médiation diplomatique entre pays susceptibles d’entrer en situation conflictuelle ou acteurs non gouvernementaux.

9.   La dimension régionale

9.1

Le CESE se félicite que la communication conjointe préconise de conserver les principaux dispositifs de coopération régionale en vigueur, en renforçant le programme du partenariat oriental et la coopération régionale dans la zone du voisinage méridional de l’UE. Néanmoins, il y a lieu de souligner que ces dernières années, des divergences et des disparités se sont développées au sein des cadres régionaux existants. Il pourrait être stimulant de proposer d’établir, parmi les pays partenaires de la PEV, une distinction plus tranchée entre, d’une part, ceux qui ont déjà atteint un degré plus élevé d’intégration avec l’UE, grâce à des accords d’association (AA) ou de libre-échange approfondi et complet (ALEAC), ou qui ont l’intention de le faire, et, d’autre part, les autres États.

9.2

Un point qui reste obscur est de savoir comment la nouvelle PEV encouragera davantage une coopération plus étroite avec les pays partenaires qui ont réussi la mise en œuvre de leurs accords d’association ou de libre-échange approfondi et complet et professent des aspirations européennes. Le CESE réaffirme être d’avis qu’il y a lieu d’offrir à certains États du partenariat oriental une perspective européenne d’adhésion qui soit claire. Une telle offre aurait non seulement pour effet de mobiliser et de motiver leurs gouvernements dans les efforts qu’ils déploient pour transformer leur pays et en aligner la législation sur l’acquis communautaire mais encouragerait par ailleurs la société civile à contribuer à cette entreprise. En outre, les valeurs de l’Europe et son identité deviendraient ainsi plus familières aux citoyens des pays partenaires.

9.3

Le CESE soutient l’idée de cadres thématiques, qui devraient encourager l’évolution générale vers le lancement d’initiatives et de projets épousant mieux les spécificités des acteurs intéressés de la zone du voisinage oriental et méridional. Toutefois, le concept proposé semble tout simplement être trop étendu et manquer d’un objectif clair. Des forums de discussion sur des questions telles que les migrations, l’énergie et la sécurité ne représentent qu’un tout premier pas sur la voie d’une coopération approfondie concernant les défis susmentionnés. L’UE devrait apporter davantage de clarté sur les résultats spécifiques qu’elle cherche à atteindre en recourant à ces cadres thématiques.

9.4

Il y aurait lieu de prendre en compte que certains voisins de voisins de l’UE, notamment la Russie, ont été invités à prendre part à la PEV mais n’ont jamais voulu se saisir de cette possibilité qui leur était offerte. En conséquence, les plates-formes thématiques devraient être utilisées exclusivement pour des objectifs spécifiques, orientés vers un but précis, et ne pas offrir à de tiers acteurs l’occasion de promouvoir leurs propres visées au détriment des principes de la PEV. Tel qu’il est décrit dans la communication, le format de la coopération avec les «voisins de nos voisins» est loin d’être bien défini; aussi s’impose-t-il, en tout état de cause, de la soumettre à un suivi attentif, pour s’assurer qu’une tierce partie n’en fasse un usage abusif pour nuire aux intérêts des pays partenaires, de l’UE ou de la PEV même. C’est sur l’assentiment et la décision souveraine des partenaires de la PEV s’agissant d’intégrer de nouveaux intervenants à leur collaboration avec l’UE que devrait reposer toute initiative qu’elle peut prendre pour associer à son action d’autres acteurs, situés au-delà de son voisinage, c’est-à-dire des «voisins de nos voisins», et pour mener une coopération avec eux.

10.   Flexibilité des instruments financiers

10.1

Le CESE se félicite de l’initiative de «lever des fonds supplémentaires considérables en renforçant encore sa coopération avec les grandes institutions financières internationales et en mobilisant la facilité d’investissement en faveur de la politique de voisinage (FIV)», ainsi que de l’examen à mi-parcours dont les instruments financiers feront l’objet en 2017. Il conviendrait de souligner clairement que face à la montée des besoins et des défis dans le voisinage de l’UE, il est nécessaire non seulement d’assurer une affectation plus efficace des 15 milliards d’euros mis à disposition par l’instrument européen de voisinage (IEV) pour la période 2014-2020 mais également de dégager un important complément de ressources.

10.2

Le CESE appuie les propositions d’avoir recours, au sein de l’IEV, à une «réserve de flexibilité», grâce à laquelle il soit possible d’allouer en urgence des moyens financiers pour faire face à des besoins imprévus et d’adapter les réglementations financières pour autoriser à reporter sur l’année suivante les fonds non utilisés.

10.3

Le CESE estime toutefois que la politique européenne de voisinage devrait s’attacher en priorité à améliorer les instruments financiers existants, plutôt que d’insister sur la création de structures financières ou de fonds fiduciaires en complément de ceux qui existent. Un resserrement de la coopération entre les États membres et les pays partenaires devrait déboucher sur davantage de transparence dans les dépenses et de capacité à rendre des comptes. Cet aspect couvrira l’aptitude à réagir plus rapidement face à l’évolution sur le terrain de la situation politique et sécuritaire, grâce à la réorientation des fonds vers les secteurs qui en ont besoin. L’UE devrait par ailleurs adopter une démarche claire à appliquer aux cas où les partenaires n’optent pas pour une intégration plus étroite, en arrêtant des mesures qui les incitent à respecter les valeurs fondamentales et à poursuivre des grandes réformes.

10.4

L’UE et les États membres devraient examiner les possibilités d’étendre la programmation conjointe dans le cadre de la PEV. Il conviendrait de faire bénéficier les États membres et les autres intervenants d’une transparence accrue dans la programmation des actions et la communication des résultats. Les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle important à cet égard.

11.   Visibilité, communication et sensibilisation

11.1

Le CESE se félicite de la détermination affichée s’agissant d’accroître la visibilité des politiques de l’UE et de promouvoir une communication plus efficace concernant la nouvelle PEV. La communication fait très justement valoir qu’«une meilleure diplomatie publique contribuera à mieux expliquer les fondements des politiques de l’UE et les effets positifs des actions concrètes menées par celle-ci». Il importe également de ne pas ignorer les dommages provoqués par les informations trompeuses, la désinformation et la propagande, qui sont en contradiction avec les valeurs et les principes de la PEV.

11.2

L’UE devrait déceler quels sont les canaux et les sources adéquats pour relever les défis communicationnels, dans les pays partenaires de la PEV comme sur son propre territoire. La cellule de communication stratégique de l’UE pour l’Est que le service européen pour l’action extérieure (SEAE) a mise sur pied n’est que la toute première étape de la sensibilisation des citoyens de l’Union et des pays partenaires de la PEV face aux discours hostiles et perturbateurs dans la communication publique. Il importe que le SEAE ne se dérobe pas en ce qui concerne les engagements de renforcer considérablement la communication stratégique de l’UE.

11.3

Sur le plan de la communication stratégique et de la diplomatie publique, il conviendrait d’accorder la plus haute priorité aux défis posés par la migration, tant dans la région couverte par la PEV qu’à l’intérieur de l’Union. L’UE et ses États membres devraient reconnaître que mal communiquer en matière de politique des migrations et des réfugiés porte lourdement atteinte à la cohérence des États membres et à la confiance des pays partenaires de la PEV, voire à la stabilité de l’Union.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Avis du CESE sur le document de consultation conjoint “Vers une nouvelle politique européenne de voisinage” (JO C 383 du 17.11.2015, p. 91).


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/147


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 258/2014 établissant un programme de l’Union visant à soutenir des activités spécifiques dans le domaine de l’information financière et du contrôle des comptes pour la période 2014-2020»

[COM(2016) 202 final — 2016/0110 (COD)]

(2016/C 303/21)

Le 28 avril 2016 et le 29 avril 2016 respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 258/2014 établissant un programme de l’Union visant à soutenir des activités spécifiques dans le domaine de l’information financière et du contrôle des comptes pour la période 2014-2020»

[COM(2016) 202 final — 2016/0110 (COD)].

Étant donné que le Comité s’est déjà prononcé sur le contenu de la proposition en objet dans son avis CES 1031/2013 — 2012/0364 (COD), adopté le 20 mars 2013 (1), le Comité, lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016) a décidé, par 154 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions, de se référer à la position qu’il a soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 64.


19.8.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 303/148


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant le taux d’ajustement prévu par le règlement (UE) no 1306/2013 pour les paiements directs en ce qui concerne l’année civile 2016»

[COM(2016) 159 final — 2016/0086 COD]

(2016/C 303/22)

Le 11 avril 2016, le Conseil a décidé, conformément à l’article 43, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant le taux d’ajustement prévu par le règlement (UE) no 1306/2013 pour les paiements directs en ce qui concerne l’année civile 2016»

[COM(2016) 159 final — 2016/0086 (COD)].

Étant donné qu’il s’est déjà prononcé sur le contenu de la proposition en objet dans ses avis CES2942-2013_00_00_TRA_AC, adopté le 22 mai 2013 (*), EESC-2014-02897-00-00-AC, adopté le 5 juin 2014 (**), et EESC-2015-02052-00-00-AC, adopté le 22 avril 2015 (***), le Comité, lors de sa 517e session plénière des 25 et 26 mai 2016 (séance du 25 mai 2016), a décidé, par 161 voix pour, 2 voix contre et 8 abstentions, de ne pas procéder à l’élaboration d’un nouvel avis en la matière, mais de se référer à la position qu’il a soutenue dans les documents susmentionnés.

Bruxelles, le 25 mai 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(*)  Avis du Comité économique et social européen NAT/602 sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant un taux d’ajustement des paiements directs prévu par le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil en ce qui concerne l’année civile 2013» (JO C 271 du 19.9.2013, p. 143).

(**)  Avis du Comité économique et social européen NAT/646 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant un taux d’ajustement des paiements directs prévu par le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil en ce qui concerne l’année civile 2014 (JO C 424 du 26.11.2014, p. 73).

(***)  Avis du Comité économique et social européen NAT/668 sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant un taux d’ajustement des paiements directs prévu par le règlement (CE) no 1306/2013 du Conseil en ce qui concerne l’année civile 2015» (JO C 291 du 4.9.2015, p. 60).