ISSN 1977-0936

Journal officiel

de l'Union européenne

C 451

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

57e année
16 décembre 2014


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

500e session plénière du CESE des 9 et 10 juillet 2014

2014/C 451/01

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Politique européenne d'immigration et relations avec les pays tiers — (avis exploratoire)

1

2014/C 451/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Achever l’Union économique et monétaire — Les propositions du Comité économique et social européen pour la prochaine législature européenne — (avis d’initiative)

10

2014/C 451/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Financement des entreprises: recherche de nouveaux mécanismes financiers — (avis d’initiative)

20

2014/C 451/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Société numérique: accès, éducation, formation, emploi, outils pour l'égalité — (avis d'initiative)

25

2014/C 451/05

Avis du Comité économique et social européen sur les cyberattaques dans l'UE — (avis d'initiative)

31

2014/C 451/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Améliorer la transparence et le caractère ouvert des négociations d'adhésion à l'Union européenne — (avis d'initiative)

39

 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

500e session plénière du CESE des 9 et 10 juillet 2014

2014/C 451/07

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l’UE — COM(2014) 43 final — 2014/0020 (COD)

45

2014/C 451/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission — Feuille de route pour l’achèvement du marché unique concernant la livraison de colis — Instaurer la confiance dans les services de livraison et favoriser les ventes en ligne — COM(2013) 886 final

51

2014/C 451/09

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la transparence des opérations de financement sur titres — COM(2014) 40 final — 2014/0017 (COD)

59

2014/C 451/10

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie européenne pour plus de croissance et d'emploi dans le tourisme côtier et maritime — [COM(2014) 86 final]

64

2014/C 451/11

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Libérer le potentiel du financement participatif dans l'Union européenne — [COM(2014) 172 final]

69

2014/C 451/12

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux équipements de protection individuelle — [COM(2014) 186 final — 2014/0108 (COD)]

76

2014/C 451/13

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux installations à câbles — [COM(2014) 187 final — 2014/0107 (COD)]

81

2014/C 451/14

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires et la directive 2013/34/UE en ce qui concerne certains éléments de la déclaration sur la gouvernance d'entreprise — [COM(2014) 213 final — 2014/0121 (COD)]

87

2014/C 451/15

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le financement à long terme de l'économie européenne — [COM(2014) 168 final]

91

2014/C 451/16

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Faire de l'Europe ouverte et sûre une réalité — [COM(2014) 154 final]

96

2014/C 451/17

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L'agenda de l'UE en matière de justice pour 2020 — Améliorer la confiance, la mobilité et la croissance au sein de l'Union — [COM(2014) 144 final]

104

2014/C 451/18

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle — [COM(2014) 167 final — 2014/0091 (COD)]

109

2014/C 451/19

Avis du Comité économique et social européen sur le Cadre de qualité de l'Union européenne pour l'anticipation des changements et des restructurations — [COM(2013) 882 final]

116

2014/C 451/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Révision des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux — [C(2014) 963 final]

123

2014/C 451/21

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts et le secteur forestier — [COM(2013) 659 final]

127

2014/C 451/22

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Un programme Air pur pour l'Europe[COM(2013) 918 final], sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques et modifiant la directive 2003/35/CE [COM(2013) 920 final — 2013/0443 (COD)], sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l'atmosphère en provenance des installations de combustion moyennes [COM(2013) 919 final — 2013/0442 (COD)] et sur la proposition de décision du Conseil relative à l'approbation de l'amendement au protocole de 1999 à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique [COM(2013) 917 final]

134

2014/C 451/23

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1308/2013 et le règlement (UE) no 1306/2013 en ce qui concerne le régime d’aide à la distribution de fruits et légumes, de bananes et de lait dans les établissements scolaires — [COM(2014) 32 final — 2014/0014 (COD)]

142

2014/C 451/24

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Politique et gouvernance de l'internet: le rôle de l'Europe à l'avenir — [COM(2014) 72 final]

145

2014/C 451/25

Avis du Comité économique et social européen sur le cadre d'action de Hyogo post-2015: gérer les risques pour parvenir à la résilience — [COM(2014) 216 final]

152

2014/C 451/26

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 93/5/CEE du Conseil du 25 février 1993 concernant l’assistance des États membres à la Commission et leur coopération en matière d’examen scientifique des questions relatives aux denrées alimentaires — [COM(2014) 246 final — 2014/0132 (COD)]

157

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

500e session plénière du CESE des 9 et 10 juillet 2014

16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Politique européenne d'immigration et relations avec les pays tiers»

(avis exploratoire)

(2014/C 451/01)

Rapporteur:

M. Panagiotis GKOFAS

Corapporteur:

M. Luis Miguel PARIZA CASTAÑOS

Le 6 décembre 2013, la présidence grecque de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Politique européenne d'immigration et relations avec les pays tiers».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 64 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L'objectif du présent avis est de contribuer aux travaux de la présidence grecque et de garantir leur continuité sous la présidence italienne, pour veiller à ce que la politique d'immigration et d'asile de l'UE soit renforcée dans sa dimension extérieure. L'immigration constitue une question particulièrement complexe, qui non seulement requiert la coopération de nombreuses parties prenantes mais nécessite également, au niveau international comme à celui de l'Europe, une gestion commune et de nature globale par l'Union européenne (1).

1.2

L'UE doit cesser de considérer la politique d'immigration comme une affaire quasi exclusivement intérieure. Certains de nos échecs en la matière découlent de cette perception erronée. Le CESE estime que l'Europe doit gérer l'immigration dans le cadre d'une approche globale qui embrasse tout à la fois la dimension intérieure et la dimension extérieure, la gestion interne des flux migratoires et la coopération avec les pays tiers constituant l'avers et le revers d'une même pièce, dès lors que l'efficacité est le but recherché.

1.3

Dans un contexte de mondialisation de l'économie, c'est de manière globale que nous devons aborder le défi de la mobilité humaine. Immigration et mobilité entretiennent une relation d'interdépendance étroite. Le dialogue international sur la mobilité des personnes et les migrations doit s'articuler avec d'autres volets de la politique européenne, comme le commerce, la coopération au développement, les droits de l'homme ou la sécurité.

1.4

Aucun État membre de l'UE ne peut gérer isolément l'immigration et l'asile d'une manière adéquate. C'est la raison pour laquelle le traité jette les bases d'une politique commune qui doit être mise en œuvre au moyen d'une législation harmonisée. Il convient de renforcer le principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités.

1.5

L'UE doit assumer la responsabilité du contrôle aux frontières extérieures, qui sont les frontières de toute l'Union européenne dans l'espace Schengen. Frontex doit se muer en un service européen de gardes-frontières. Il est nécessaire que l'UE renforce la solidarité entre ses États membres, grâce à une meilleure répartition des responsabilités.

1.6

En raison de leur situation géographique, certains territoires européens sont exposés à des problèmes spécifiques, dans la mesure où ils constituent des zones d'étape pour l'immigration irrégulière et reçoivent parfois un nombre de personnes qui dépasse leur capacité d'accueil. Il est nécessaire que l'UE mette en œuvre des procédures opérationnelles en vue d'un partage plus équitable des responsabilités et pour ce qui est d'octroyer une assistance financière aux immigrants et de les accueillir.

1.7

Alors que la planète se mondialise, l'Europe se doit de coopérer avec les pays tiers et les institutions internationales, pour promouvoir un cadre réglementaire international pour les migrations et la mobilité.

1.8

Dans ce cadre, le CESE juge indispensable d'aborder la question de l'immigration à partir des trois paramètres interdépendants que sont le pays d'origine, le pays de transit et le pays d'accueil (en l'occurrence, l'Union européenne): il s'agit là de la seule manière d'apporter une solution satisfaisante à la question des flux migratoires.

1.9

La politique de migration et d'asile doit être mieux coordonnée avec la politique extérieure de l'UE. Le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) doit jouer le rôle qui lui revient et prendre en charge les politiques relatives à l'immigration, à l'asile et à la gestion des frontières, afin d'en renforcer la cohésion. Le CESE, qui a contribué aux travaux de la présidence grecque, se félicite de l'intégration de la dimension extérieure de la migration, de l'asile et de la gestion des frontières dans les orientations stratégiques adoptées par le Conseil européen les 26 et 27 juin 2014. Par ailleurs, il y a lieu de renforcer la fonction du Parlement dans ces domaines.

1.10

Dans le cadre de l'approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM), l'UE doit conclure des accords avec des pays tiers et, en particulier, avec ceux qui se situent dans son voisinage et ceux dont les immigrés sont originaires ou par lesquels ils transitent.

1.11

Le CESE propose à cette fin de renforcer le dialogue avec les pays tiers et de conclure de nouveaux accords pour la mobilité et la migration (AMM) dotés d'un contenu plus large, comme il est indiqué dans les paragraphes 1.3 et 5.1.6.

1.12

Dans la mesure où ils ne revêtent pas un caractère contraignant pour les parties contractantes, les partenariats pour la mobilité présentent certaines faiblesses auxquelles il conviendrait de remédier ces prochaines années. De par leur flexibilité, ils facilitent la conclusion d'accords politiques sans induire d'obligations de droit mais de l'avis du CESE, il conviendrait plutôt de les convertir en accords internationaux de nature contraignante.

1.13

En plus de la sécurité, du rapatriement et de la surveillance des frontières, il convient que les partenariats pour la mobilité incluent dans leurs priorités les paramètres concernant la migration économique et la mobilité, en insistant sur les questions de l'organisation de la migration légale, de la politique d'octroi des visas, de la reconnaissance des qualifications, des droits en matière de sécurité sociale et de la contribution de l'immigration et de la mobilité à la croissance.

1.14

Le CESE propose la création, dans les pays d'origine, de bureaux de migration de l'UE qui seraient gérés par la Commission européenne et composés de fonctionnaires du SEAE et des directions générales Affaires intérieures et Emploi. Le portail Internet de l'UE sur l'immigration constitue certes un outil positif mais il n'est pas suffisant: il convient que le site soit accessible dans de plus nombreuses langues et qu'il soit plus interactif.

1.15

Il est nécessaire d'améliorer la coopération avec les pays d'origine et de transit, de prévenir et d'éviter l'immigration irrégulière. Il est par ailleurs nécessaire de recourir à des campagnes d'information et de combattre efficacement les réseaux criminels de la traite et du trafic de migrants. La coopération policière et judiciaire est fondamentale pour lutter contre les réseaux criminels. Mus par les avantages financiers qu'ils peuvent tirer de leur activité criminelle, les trafiquants et les passeurs mettent en danger la vie et la sécurité des personnes. Il convient que les partenariats pour la mobilité développent de nouveaux dispositifs en matière de coopération pour le contrôle des frontières et de collaboration au retour assisté.

1.16

Tout aussi primordiaux sont l'assistance économique et les programmes de développement fondés sur le principe de la conditionnalité positive («plus pour plus») et guidés par les différents paramètres liés à l'immigration, dont la politique de retour et de réadmission. Il importe aussi de renforcer les organisations de la société civile locale et de la faire participer aux partenariats pour la mobilité.

1.17

Le CESE se prononce en outre en faveur de la coopération entre Frontex et Europol, dans le but de lutter contre le crime organisé, en particulier le trafic et la traite de migrants, ainsi qu'une collaboration étroite avec des organisations internationales telles que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Centre international pour le développement des politiques migratoires. De même, le CESE est favorable aux règlements de la Commission européenne visant à ce que le Fonds pour l'asile et la migration et le Fonds pour la sécurité intérieure bénéficient d'une gestion plus souple à partir de 2014.

1.18

À l'échelle de l'UE, il convient d'établir, entre autres, une politique commune de l'immigration appropriée et cohérente, basée sur un esprit de solidarité et de consensus de la part de tous les États membres. L'UE devrait adopter une politique de retour efficace et axée sur les traités internationaux pour le rapatriement et la réadmission. Les frontières de l'UE, y compris les frontières maritimes de ses États membres qui sont riverains de la Méditerranée, sont celles de l'ensemble des pays qui la constituent et il convient par conséquent qu'elles soient, conformément aux traités, gérées de manière appropriée sous leur responsabilité commune.

1.19

En toutes circonstances, les droits des immigrants irréguliers doivent être respectés, que ce soit lorsqu'ils sont secourus ou détenus ou lorsqu'une protection leur est octroyée, lorsqu'ils se trouvent en situation irrégulière «sans papiers» ou qu'ils sont refoulés vers leur pays d'origine. Il est également nécessaire de créer, dans tous les États membres et avec l'aide de l'Union européenne, des centres de séjour et de rétention des migrants plus nombreux et de meilleure qualité, en veillant plus particulièrement à garantir de bonnes conditions sanitaires et à fournir une assistance médicale, ainsi qu'à examiner plus rapidement les demandes d'asile ou d'octroi d'une aide sociale. Le CESE réaffirme qu'il est opposé au maintien en centre de rétention des demandeurs d'asile et des immigrants en situation irrégulière, et tout particulièrement les enfants, les mineurs non accompagnés, les femmes enceintes et les personnes atteintes de maladies graves.

1.20

Le CESE constate avec inquiétude la montée de l'intolérance, du racisme et de la xénophobie à l'encontre des immigrants en Europe et s'alarme également de la détérioration, dans certains États membres, de la protection accordée aux droits fondamentaux.

1.21

Toutes les institutions de l'UE ont souligné l'importance que l'immigration revêt pour l'UE, sur le plan tant économique que démographique (sur ce point, voir également la stratégie Europe 2020). En conséquence, comme le CESE l'a déjà observé par ailleurs, la politique européenne en matière d'immigration doit être proactive, protéger les droits de l'homme, lutter contre les discriminations en matière d'emploi ou dans le domaine social et promouvoir la démarche d'intégration.

1.22

Il convient que l'Union européenne se dote d'un système commun d'asile et d'une législation harmonisée. La convention de Dublin doit être remplacée par un système qui ménage plus de solidarité au sein de l'UE et tienne compte de la volonté des demandeurs d'asile, et qui garantisse une répartition plus proportionnée des responsabilités entre les États membres.

1.23

Le nouveau règlement créant le Fonds «Asile, migration et intégration» insiste particulièrement sur les situations d'urgence et de crise. Le CESE partage la proposition de la Commission européenne s'agissant de donner la possibilité d'une action souple au niveau européen, accompagnée de ressources financières suffisantes pour intervenir en situation d'urgence. L'arrivée de nombreuses personnes en provenance de Syrie et d'autres régions d'Afrique frappées par la guerre exige impérativement que l'UE se mobilise car il s'agit de situations d'urgence humanitaire.

2.   Introduction

L'inexistence d'une politique européenne commune d'immigration, les événements, tragiques et néanmoins récurrents, qui sont récemment survenus dans les parages maritimes de la Libye, de Malte, de la Grèce et de l'Italie et ont entraîné mort d'hommes, l'augmentation constante du nombre de réfugiés aux frontières de la Syrie, la complexité de la problématique concernée et l'importance quantitative des flux en jeu sont autant d'éléments qui soumettent à rude épreuve la capacité de réaction des pays méditerranéens. C'est la raison pour laquelle le Comité se félicite de ce que les questions d'immigration restent une priorité pour l'Italie, en tant qu'État membre présidant actuellement l'UE, tout comme elles constituaient l'une des priorités de la présidence sortante grecque.

3.   L'Europe et la gouvernance internationale des migrations

3.1

La mobilité des personnes augmentera, au vingt et unième siècle, tout comme les flux migratoires. Bien qu'à l'heure actuelle, à peine 3 % des habitants de la planète vivent hors du pays où ils sont nés, on observe toutefois une tendance à l'augmentation de ces mouvements pour l'avenir, avec un taux de croissance annuel de 3 %. Il y a lieu de signaler en outre que les flux migratoires entre les pays du Sud sont de plus en plus importants, notamment à destination des États à l'économie émergente. Parallèlement, la circulation de personnes à l'intérieur de l'UE (2) et de l'Espace économique européen s'intensifie.

3.2

La pauvreté, le chômage, les évolutions démographiques, le manque de perspectives, les conflits, les catastrophes écologiques ou encore le changement climatique figurent parmi les causes qui sont à la base des migrations internationales.

3.3

Le CESE a avancé que dans le contexte de sa politique extérieure, l'UE se doit de promouvoir la création d'un cadre juridique international pour les migrations et la mobilité qui atténuera la pression sur les États membres et devrait inclure les principales conventions de l'OIT et la convention internationale des Nations unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui n'a pas encore été ratifiée par les États membres de l'UE (3). Le CESE demande à la Commission européenne d'élaborer un rapport sur les mesures prises par les États membres en vue de sa ratification dans les meilleurs délais.

3.4

Comme il a été dit, l'objectif premier du présent avis consiste à étudier le phénomène de l'immigration dans son ensemble et à indiquer quelles sont les principales problématiques qui en relèvent, afin de rechercher des solutions d'ensemble qui devront déboucher sur une politique migratoire qui soit efficace, tout en garantissant le respect des droits des migrants.

4.   La dimension intérieure: la politique commune de l'UE en matière d'immigration, d'asile et d'intégration

4.1   La politique commune d'immigration

4.1.1

Durant ces dix dernières années, l'UE s'est progressivement dotée d'un cadre juridique commun tel qu'évoqué, par exemple en instaurant le statut des résidents de longue durée ou en entérinant le droit au regroupement familial. Elle a harmonisé les conditions d'admission des étudiants et des chercheurs et créé une «carte bleue européenne», à l'intention des migrants hautement qualifiés. Elle a également adopté une législation horizontale, avec le permis unique pour les travailleurs immigrés, la directive relative aux travailleurs saisonniers, et la directive relative aux conditions des travailleurs dans le cadre d'un détachement intragroupe.

L'UE doit donner une impulsion à la politique commune en matière d'immigration pour raison professionnelle et se doter d'un cadre juridique cohérent, global et horizontal, qui garantisse le respect des droits des travailleurs, l'égalité de traitement et l'emploi légal des immigrés et réponde aux besoins des entreprises. Il y a lieu d'instaurer une législation et une coopération qui permettront une immigration à des fins de travail au travers de canaux légaux et transparents, pour les travailleurs hautement qualifiés comme pour ceux qui le sont moins.

En matière d'immigration, d'asile et de gestion des frontières, il est indispensable de disposer d'une politique intégrée, ainsi que d'une harmonisation législative, avec la participation active des États membres, des services de la Commission européenne, du SEAE et des organisations européennes concernées.

4.1.2

Le CESE et la Commission coopèrent étroitement en matière de politiques d'intégration. Dans le cadre de principes de base communs bien définis, l'UE développe un programme pour l'intégration, qui dispose également d'un Fonds. Le CESE et la Commission continueront à collaborer sur les activités du Forum européen sur l'intégration.

4.2   Le régime d'asile commun

4.2.1

L'UE dispose d'un régime d'asile commun et d'une législation d'harmonisation mais la situation est loin d'être idéale, les États membres conservant des politiques et des législations différentes (4).

4.2.2

Le Comité a critiqué le manque de solidarité affiché par l'UE en matière d'asile: en effet, 90 % des demandes sont traitées par seulement dix États membres. En termes relatifs, ce sont les plus petits, comme Malte, Chypre et la Grèce, qui subissent la plus grande pression.

4.2.3

Si la convention de Dublin détermine l'État membre responsable de l'examen individuel d'une demande d'asile, le CESE juge néanmoins qu'en dépit de ce texte, les États membres de l'UE ne manifestent pas de solidarité mutuelle Le demandeur d'asile devrait pouvoir présenter sa demande dans n'importe quel État membre. À moyen terme, il conviendrait de doter l'UE de nouvelles compétences, de sorte que l'examen desdites demandes d'asile soit de son ressort et non plus de celui des États membres. De cette manière, il se trouverait accéléré et les conditions d'octroi du droit d'asile seraient améliorées. En somme, la convention de Dublin devrait être remplacée par un système qui offre plus de solidarité au sein de l'UE, tienne compte des souhaits des demandeurs d'asile, et garantisse une répartition des responsabilités entre les États membres qui soit davantage proportionnée.

4.2.4

Afin de soutenir les États membres dans le développement du système d'asile, l'on a créé le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), qui offre également une assistance technique et opérationnelle. L'EASO doit avoir un mandat pour évaluer les systèmes d'asile nationaux et examiner s'ils se conforment aux obligations découlant du droit européen et international et aux droits fondamentaux.

4.2.5

Le CESE suggère de renforcer les programmes de réinstallation pour le transfert des réfugiés et leur établissement dans l'Union, en coopération avec les pays tiers et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

4.2.6

Le CESE propose également que l'on intensifie les programmes de déplacement au sein de l'UE en octroyant des incitants financiers aux États membres qui s'y engagent. Le CESE estime qu'à l'heure actuelle, les États membres font preuve de très peu de solidarité en matière de réinstallation et de relocalisation des réfugiés bénéficiaires d'une protection et des demandeurs d'asile.

4.2.7

Ce transfert des immigrants devra s'opérer sur la base d'un dispositif de répartition permanent et bien établi. À cet égard, il conviendra que la Commission formule une proposition législative visant à mettre en place un mécanisme permanent et efficace de transfert des demandeurs d'asile au sein de l'UE, en fonction d'une clé européenne de répartition, telle que décrite dans le rapport du Parlement européen relatif au renforcement de la solidarité au sein de l'Union européenne dans le domaine de l'asile (2012/2032 INI). Afin de garantir que ledit mécanisme fonctionne au mieux, il conviendra que cette proposition législative prenne aussi en compte les expériences concrètes engrangées dans le cadre du projet pilote Eurema pour Malte (5).

4.3   Prévenir l’immigration irrégulière

Le CESE considère qu'il y a lieu de renforcer l'esprit de solidarité au sein de l'UE. En raison de leur situation géographique, certains territoires européens sont exposés à des problèmes spécifiques et doivent souvent gérer, en tant qu'étapes de transit pour l'immigration irrégulière, un nombre de personnes qui dépasse leur capacité d'accueil. Il convient que l'UE mette en place des procédures de solidarité économique et opérationnelle pour l'accueil des migrants, en tenant notamment compte de la situation économique et sociale des États membres concernés.

4.3.1

Le lien qui, dans le discours politique, est parfois établi entre immigration et délinquance ne correspond pas à la réalité et favorise les comportements xénophobes. La plupart des immigrés qui ne se trouvent pas en situation régulière sont entrés légalement, munis d'un visa de courte durée, puis ont prolongé leur séjour, ou ils disposaient d'un permis de séjour temporaire, à l'expiration duquel ils ne sont pas rentrés dans leur pays.

4.3.2

Beaucoup de ces personnes travaillent dans des conditions qui sont très inéquitables, voire bafouent purement et simplement le code du travail, ou s'inscrivent dans le cadre de l'économie informelle, de sorte qu'elles se retrouvent dans un état d'exclusion sociale. Face à de telles situations, les organisations de la société civile et le CESE lui-même se sont prononcés pour des processus de régularisation des immigrants irréguliers et, plus généralement, ont appelé l'UE à adopter des propositions, des recommandations et des mesures pour éviter qu'elles ne se produisent.

4.3.3

Les droits des immigrés irréguliers doivent toujours être respectés, depuis le moment où ils sont secourus ou mis en détention jusqu'à celui où une protection leur est octroyée ou qu'ils sont refoulés vers leurs pays d'origine. L'immigration irrégulière par la voie maritime se solde souvent par la perte de vies humaines. À cet égard, le CESE souligne qu'il importe en toutes circonstances de respecter les droits fondamentaux de la personne.

4.4   Frontières extérieures et visas

4.4.1

Pour ses frontières extérieures, l'Union européenne doit se doter d'une politique fiable, efficace, légitime et soumise à des contrôles démocratiques. Les États membres qui composent l'espace Schengen ne réalisent pas de contrôles aux frontières qu'ils partagent. Cela suppose qu'ils doivent collaborer et partager la responsabilité en matière de gestion des frontières extérieures. Le code frontières Schengen réglemente le franchissement des frontières et les contrôles frontaliers, en prenant en considération les conditions que les ressortissants de pays tiers doivent remplir pour rentrer dans le pays et y séjourner pendant une durée n'excédant pas trois mois. L'UE élabore des listes de pays dont les ressortissants doivent présenter des visas.

4.4.2

Le CESE considère qu'il y a lieu de renforcer le rôle de Frontex pour que cette agence devienne, à moyen terme, un service européen de surveillance des frontières constitué d'un contingent européen d'agents gardes-frontières. Sa mission fondamentale consistera à faire appliquer les règles communes prévues dans le code frontières. Le CESE considère qu'il est nécessaire de renforcer la solidarité de l'UE vis-à-vis des États membres en considération de leur situation géographique.

4.4.3

Dans la lutte contre les activités de passage illégal et la traite des êtres humains, il convient de toujours garantir que les victimes seront couvertes par le droit international humanitaire et les conventions européennes en matière de droits de l'homme. Aux termes de l'article 6, paragraphe 2, du code frontières Schengen, le garde-frontières veille, lors des contrôles frontaliers, à ce que ne soit observée aucune discrimination envers des personnes qui serait fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, tandis que l'article 13 dispose que les ressortissants de pays tiers ayant fait l'objet d’une décision de refus d'entrée auront le droit de former un recours contre celle-ci.

4.4.4

Le Comité soutient les propositions avancées par la Commission visant à modifier la législation sur les visas. La coopération avec les pays tiers est fondamentale dans la politique de visas, qui inclut, dans de nombreux cas, la réciprocité.

4.5   Retour

4.5.1

S'agissant des procédures de retour, les partenariats pour la mobilité devront prévoir qu'il soit recouru en priorité au retour volontaire, accompagné de systèmes d'aide (6). En cas de déclenchement de la procédure de retour forcé, il conviendra toutefois d'assurer le plein respect des droits de l'homme pour les personnes concernées, conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe (7).

4.5.2

Il conviendra que les accords qui seront passés avec des pays tiers reposent sur le principe de la conditionnalité positive, la fourniture d'une aide économique et l'élaboration de programmes de développement, dans le but de prévenir l'immigration irrégulière.

4.5.3

Le rapatriement des migrants entrés irrégulièrement sur le territoire de l'UE doit être abordé sur la base des règles établies. À cet égard, les accords de réadmission passés avec des pays tiers jouent un rôle crucial pour garantir que les droits de ces personnes renvoyées sont pleinement respectés.

4.5.4

La charte interdit expressément les expulsions collectives, tout en garantissant que «nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants» (principe de non-refoulement). Toutefois, de nombreuses ONG ont dénoncé des pratiques d'expulsions collectives et de renvois d'immigrés en situation irrégulière et de demandeurs d'asile vers des pays où les droits de l'homme sont violés. Le CESE rappelle que la convention européenne des droits de l'homme et la charte contiennent des dispositions qui sont applicables à une politique européenne en matière d'immigration irrégulière, avec une insistance plus particulière pour ce qui concerne l'éloignement, l'expulsion et l'extradition.

4.5.5

Les personnes atteintes de maladies graves ne peuvent ni être placées en rétention, ni expulsées, selon l'interprétation que la Cour européenne des droits de l'homme a donnée de l'article 3 de la convention, car elles ont besoin d'une prise en charge médicale. Il en va de même pour les femmes enceintes. La situation des mineurs requiert également une attention et une protection spécifiques, en particulier s'ils ne sont pas accompagnés.

4.5.6

Le CESE réaffirme qu'il est opposé au maintien en détention des demandeurs d'asile et des immigrants en situation irrégulière, leur internement dans des centres de rétention devant toujours être une mesure d'exception (8). Il appelle à une plus grande transparence en ce qui concerne lesdits centres de rétention, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'UE, et demande que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) soit informé de la situation des personnes internées.

5.   La dimension extérieure de la politique d'immigration et d'asile

5.1   L'approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM)

5.1.1

La première étape en la matière a été franchie au Conseil européen, avec l'adoption, fin 2005, de l'approche globale sur la question des migrations (AGM). Afin de développer la dimension extérieure de la politique européenne en matière de migrations, la Commission européenne a mis en place diverses initiatives.

5.1.2

Les partenariats pour la mobilité sont le principal instrument politique de mise en œuvre de l'AGMM. La phase-pilote de leur application est d'ores et déjà terminée et la Commission européenne a procédé à son évaluation politique en 2009 (9).

5.1.3

La Commission européenne a recommandé, dans sa communication intitulée «Un dialogue pour les migrations, la mobilité et la sécurité avec les pays du Sud de la Méditerranée» (COM(2011) 292), que l'on fixe de nouveaux objectifs pour les politiques d'immigration et d'asile (par exemple en rapport avec les guerres et les mouvements de population dans la région de la Méditerranée) en instaurant un dialogue pour les migrations, la mobilité et la sécurité dans l'UE. Depuis lors, l'UE a entamé un dialogue avec certains pays.

5.1.4

Six partenariats pour la mobilité ont été conclus, avec les pays suivants: le Cap-Vert (mai 2008) (10), la Moldavie (mai 2008) (11), la Géorgie (novembre 2009) (12), l'Arménie (octobre 2011) (13), l'Azerbaïdjan (décembre 2013) (14) et le Maroc (juin 2013) (15). L'UE a terminé d'en négocier un autre avec la Tunisie et la déclaration conjointe y relative a été signée le 3 mars 2014. La négociation en vue d'un accord de mobilité avec la Jordanie a été entamée; il est prévu qu'elle soit menée à terme avant la fin de la présidence grecque, alors que de nouveaux dialogues sur la migration, la mobilité et la sécurité vont être engagés avec d'autres pays de la Méditerranée méridionale, comme l'Égypte, la Libye, l'Algérie et le Liban. La déclaration sur la migration et la mobilité du sommet Union européenne — Afrique (16) est fondée sur une approche globale, que le CESE approuve.

5.1.5

En 2011, la Commission a soumis l'approche globale de la question des migrations (AGM) (17) à une évaluation, dans le cadre de laquelle elle a appelé l'UE à renforcer sa politique extérieure en matière de migration et a présenté une démarche nouvelle, l'«approche globale de la question des migrations et de la mobilité» (AGMM), qui est fondée sur quatre piliers: 1) l'organisation et la facilitation de l'immigration légale et de la mobilité, 2) la prévention et la réduction de l'immigration irrégulière et de la traite des êtres humains, 3) la promotion de la protection internationale et le renforcement de la dimension extérieure de la politique d'asile et 4) la maximisation de l'impact des migrations et de la mobilité sur le développement.

5.1.6

Le CESE est d'avis que les partenariats pour la mobilité présentent des carences qu'il conviendrait de surmonter au cours des prochaines années. D'un point de vue juridique, ils constituent des instruments de droit non contraignant (soft law). Ils constituent des déclarations conjointes entre l'UE, un groupe d'États membres concernés et un pays tiers mais n'ont pas de caractère obligatoire pour les parties. Si, de par leur nature souple, ils facilitent la conclusion d'accords politiques, ils n'ont pas pour effet d'imposer des obligations de droit. Comme le CESE l'a indiqué précédemment (18), les partenariats pour la mobilité devraient être convertis en accords internationaux contraignants pour les parties contractantes.

5.1.7

Les partenariats pour la mobilité doivent développer plus clairement les aspects relatifs à la mobilité et à la migration et les intégrer parmi leurs thématiques prioritaires. Jusqu'à présent, les priorités qui ont concentré l'attention ont été la sécurité, le rapatriement, la réadmission des immigrés en situation irrégulière et la surveillance des frontières. La communication de la Commission européenne sur le dialogue dispose que «la mobilité accrue» dépendra de conditions spécifiques à remplir par chaque pays tiers. De l'avis du CESE, l'UE doit offrir à ces pays des possibilités de migration par des procédures légales et transparentes (19).

5.1.8

Le CESE propose que l'UE offre également aux pays partenaires d'ouvrir des voies pour la mobilité des personnes, la facilitation ou la libéralisation du régime des visas et l'admission de nouveaux immigrants. Le CESE (20) est favorable à ce que les nouveaux accords prennent également en considération les questions suivantes:

une amélioration des capacités à faire concorder l'offre et la demande de main-d'œuvre,

la reconnaissance des compétences et qualifications professionnelles et universitaires,

l'élaboration et la mise en œuvre de cadres juridiques pour améliorer les possibilités de transferts des droits à pension,

un accès renforcé aux informations concernant les emplois vacants dans l'UE,

des mesures visant à améliorer la coopération sur des questions liées aux compétences et sur la meilleure manière d'accorder l'offre et la demande de main-d'œuvre, sur la base des travaux déjà effectués par la Fondation européenne pour la formation (FEF).

5.1.9

Si l'UE crée, dans les pays d'origine des migrants, des centres consacrés à l'immigration, elle y renforcera non seulement sa présence mais court-circuitera également la désinformation propagée par les milieux de trafiquants, en favorisant le dépôt de demandes de migration légale. Il conviendra de veiller tout particulièrement à soutenir la société civile au niveau local, voire à susciter son émergence lorsqu'elle n'existe pas encore.

5.1.10

En cas de crise humanitaire dans les territoires de transit causée par des déplacements massifs, l'UE pourrait financer la création de centres pour les migrations, ou encore pour le séjour des migrants, en tenant compte, ici aussi, du principe de la conditionnalité positive. La protection du système international d'asile serait garantie, dans ces centres, aux personnes qui en auraient besoin, en collaboration avec le HCR et l'OIM.

5.1.11

Il conviendra que l'UE passe des accords avec les États qui constituent des pays de transit, en accordant une importance plus particulière aux impératifs des droits de l'homme mais aussi du rapatriement.

5.1.12

Il serait également envisageable d'élargir également les accords conclus à la collaboration avec Europol et Frontex. Lutter contre la criminalité organisée des trafiquants constitue la base même de l'action de prévention et de réduction des flux d'immigration irrégulière. Il convient de considérer comme des victimes innocentes les personnes qui sont en butte à l'exploitation par les trafiquants.

5.1.13

À la suite de la catastrophe de Lampedusa, une équipe spéciale (task-force pour la Méditerranée, TFM) a été créée, lors du Conseil «justice et affaire intérieures» des 7 et 8 octobre 2013. Ce groupe a conclu ses travaux par la publication de la communication sur les travaux de la task-force pour la Méditerranée [COM(2013) 869], qui contient une série d'actions, à court, moyen et long termes, dans cinq grands domaines: actions faisant l'objet d'une coopération avec des pays tiers; protection régionale, réinstallation et amélioration des voies d'entrée légale en Europe; lutte contre le trafic de migrants, la traite des êtres humains et la criminalité organisée; renforcement de la surveillance des frontières; assistance aux États membres qui font face à de fortes pressions migratoires et solidarité à leur égard.

5.1.14

Le CESE considère qu'il est essentiel de compléter les interventions de court terme par des mesures à long terme destinées à combattre les causes profondes de la migration non volontaire.

5.1.15

Le Conseil européen de décembre 2013 a soutenu les actions proposées et rappelé la nécessité d'agir avec détermination afin de prévenir les pertes humaines en mer et d'éviter de nouvelles tragédies à l'avenir. Par ailleurs, il a confirmé le caractère prioritaire que revêt la coopération menée avec les pays tiers afin d'empêcher que de tels événements ne se produisent.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Cf. REX/375 et REX/351.

(2)  Voir SOC/373.

(3)  JO C 191 du 29.6.2012, pp. 134-141.

(4)  En matière d'asile, l'UE a des obligations qui découlent du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de la Charte des droits fondamentaux et des conventions internationales.

(5)  Approuvé par le Conseil européen, dans ses conclusions des 18 et 19 juin 2009 (doc. 11225/2/09 CONCL 2), Eurema est un projet pilote de l'UE qui vise à réimplanter sur l'ensemble de son territoire les bénéficiaires d'une protection internationale qui se trouvent à Malte.

(6)  En collaboration avec l'Organisation internationale pour les migrations.

(7)  «Vingt principes directeurs sur le retour forcé» CM(2005)40.

(8)  Voir à ce sujet l'avis du CESE du 16 juillet 2009 sur le thème «Accueil des demandeurs d'asile dans les États membres — Normes minimales» (rapporteure: An Le Nouail-Marlière), adopté lors de la plénière des 15 et 16 juillet 2009.

(9)  Commission européenne (2009), Mobility partnerships as a tool of the global approach to migration (les partenariats de mobilité comme outil de l'approche globale de la migration), document de travail de la Commission, SEC (2009) 1240, Bruxelles, le 18 septembre.

(10)  Conseil de l'Union européenne (2008), Joint declaration on a mobility partnership between the European Union and Cape Verde (Déclaration conjointe sur un partenariat de mobilité entre l'Union européenne et le Cap Vert), 9460/08 Add.2, Bruxelles, le 21 mai 2008.

(11)  Conseil de l'Union européenne (2008), Joint declaration on a mobility partnership between the European Union and Moldova (Déclaration conjointe sur un partenariat de mobilité entre l'Union européenne et la Moldavie), 9460/08 Add.1, Bruxelles, le 21 mai 2008.

(12)  Conseil de l'Union européenne (2009), Joint declaration on a mobility partnership between the European Union and Georgia (déclaration conjointe sur un partenariat de mobilité entre l'Union européenne et la Géorgie), 16396/09, Bruxelles et le 20 novembre.

(13)  Conseil de l'Union européenne (2011), Joint declaration on a mobility partnership between the European Union and Armenia (Déclaration conjointe sur un partenariat de mobilité entre l'Union européenne et l'Arménie), 14963/1/11, Bruxelles, le 11 octobre 2011.

(14)  http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-1215_fr.htm, 5 décembre 2013.

(15)  Conseil de l'Union européenne (2013), Joint declaration on a mobility partnership between the European Union and Morocco (déclaration conjointe sur un partenariat de mobilité entre l'Union européenne et le Maroc), 6139/13, le 3 juin 2013.

(16)  Sommet UE-Afrique, du 2 et 3 avril 2014, Bruxelles.

(17)  Communication de la Commission, Approche globale de la question des migrations et de la mobilité, COM(2011) 743 final, 18 novembre 2011.

(18)  Cf. REX/351.

(19)  Cf. REX/351.

(20)  Cf. SOC/268 et REX/236.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/10


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Achever l’Union économique et monétaire — Les propositions du Comité économique et social européen pour la prochaine législature européenne»

(avis d’initiative)

(2014/C 451/02)

Rapporteurs:

M. VAN IERSEL et M. CEDRONE

Le 19 septembre 2013, le Comité économique et social européen a décidé, en vertu de l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Achever l'Union économique et monétaire — Les propositions du Comité économique et social européen pour la prochaine législature européenne».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 mai 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 195 voix pour, 8 voix contre et 9 abstentions.

1.   Une feuille de route pour la prochaine législature européenne

Eu égard aux immenses défis auxquels fait face l'union économique et monétaire de l'UE, le CESE estime que:

l'objectif de l'UEM, clef de voûte de tout développement futur de l'UE, est de promouvoir la qualité de la vie, la prospérité et la stabilité pour les citoyens européens. La croissance, l'emploi, la compétitivité et les investissements nécessitent que soient instaurés un climat de confiance et des conditions favorables à l'économie réelle. Ces aspects soulignent combien l'UEM est importante non seulement pour les pays faisant partie de la zone euro, mais aussi pour les autres;

le caractère imprévisible des forces de développement oblige la zone euro à instaurer de toute urgence les conditions adéquates car dans le contexte mondialisé actuel, aucun pays européen n'est à même de garantir sa propre liberté d'action. Ce constat a de lourdes conséquences sur la gouvernance de l'UEM ainsi que sur ses politiques;

l'UEM n'est pas une entité autonome. À l'origine, elle était conçue comme l'aboutissement d'un espace européen interne et ouvert, et du marché unique. Outre la discipline budgétaire, des politiques économiques et sociales d'accompagnement en faveur de la croissance et de l'emploi qui figurent parmi les piliers d'une consolidation réussie doivent être élaborées conjointement par l'UE et les États membres (1);

dans de nombreux domaines, un processus de convergence entre les États membres devra être garanti grâce à de profonds ajustements des politiques économiques et structurelles, qui relevaient jusque récemment et dans une grande mesure de la compétence exclusive des États membres. La défiance et les tensions doivent laisser place à l'essor d'une confiance mutuelle. Une union plus étroite a un impact sur l'ensemble de la société. Il convient de garantir des dialogues sociaux et civils à tous les niveaux.

Compte tenu des considérations qui précèdent, le CESE préconise qu'au cours de la prochaine législature européenne, une feuille de route soit élaborée au plus vite afin de répondre aux problèmes urgents.

Dans cette perspective, le CESE propose:

I.

L'achèvement de l'UEM, garanti par une solide structure de gouvernance et de gestion de la zone euro, et fondé sur:

i.

un pilier monétaire et financier comprenant la mise en œuvre d'une véritable union bancaire pilotée par l'UE afin d'instaurer un marché paneuropéen des capitaux tout en protégeant les contribuables contre des prises de risques excessives et des défaillances désordonnées;

ii.

un pilier économique reflétant l'interdépendance croissante entre les États membres, tant sur le plan macro- que microéconomique, afin de renforcer le processus décisionnel propre à la politique économique, ce qui permettra de favoriser la croissance, l'emploi, la compétitivité, la convergence et la solidarité européennes;

iii.

un pilier social afin de tenir dûment compte des retombées sociales qu'auront les ajustements économiques;

iv.

un pilier politique garantissant davantage de responsabilité et de légitimité démocratique en vue d'accroître la crédibilité et la confiance.

II.

Il est urgent de lancer un véritable plan européen pour la croissance et l'emploi, fondé sur un important programme d'investissement financé par des fonds publics et privés qui provoque une impulsion budgétaire. Il convient d'assurer le rééquilibrage et une mise en œuvre adéquate de divers instruments existants tels que le paquet législatif relatif à la surveillance économique («six-pack»), le paquet relatif à la surveillance budgétaire («two-pack») et le semestre européen;

III.

La définition d'un calendrier et de mesures en vue du lancement d'une Europe politique dans son ensemble, y compris par le biais d'un processus de réflexion sur sa structure institutionnelle dans le contexte d'une nouvelle convention européenne;

IV.

Le lancement d'une stratégie de communication et de simplification portant sur l'UEM, en tant qu'effort conjoint de la Commission, du Parlement européen, des États membres et de la société civile.

2.   L'UEM, une clef de voûte

2.1

Le CESE souligne que la réussite d'une UEM complète a un impact qui va bien plus loin que les dispositifs budgétaires, monétaires et bancaires. Une gestion ciblée devrait inciter les citoyens et les agents économiques à croire en la mission commune et au sens de l'appartenance à l'Europe.

2.2

Les cinq prochaines années seront cruciales pour développer l'architecture encore fragile de l'UEM. Cela nécessite avant tout l'appropriation, l'ouverture et la transparence; il faut par conséquent des politiques efficaces et que les gouvernements des États membres de la zone euro, le Conseil ainsi que tous les autres organes européens s'expriment avec clarté et simplicité, sans double langage.

2.3

Rejoignant l'appel d'un certain nombre de grands responsables politiques européens, le CESE considère l'union politique comme un point à l'horizon permettant de s'orienter (2). Partageant leurs arguments, le CESE voit l'union politique non seulement comme un accomplissement final de l'UEM, mais également comme une réalité qui s'inscrit dans l'actuel contexte international mondialisé, qui va fondamentalement à l'encontre de l'ordre westphalien et des capacités réglementaires propres à chaque État.

2.4

Dans le contexte mondialisé actuel, aucun État européen ne peut survivre seul, sans les autres. La souveraineté étatique est donc mieux garantie grâce à un cadre politique et économique commun.

2.5

Le rapport du président VAN ROMPUY intitulé Vers une véritable union économique et monétaire et la communication connexe de la Commission européenne de novembre et décembre 2012 présentaient un projet de feuille de route contenant des mesures concrètes obéissant à la même logique. Le CESE s'en est félicité (3). Le principal problème est que malgré des progrès substantiels, la séparation entre la gestion d'une monnaie commune et la gouvernance économique intergouvernementale engendre des tensions insurmontables. Le CESE insiste pour que le rapport de M. VAN ROMPUY demeure, pour la période à venir, la base politique des initiatives législatives.

2.6

La crise économique et financière a frappé tout particulièrement la zone euro, où elle a mis en évidence les limites actuelles de l'UEM. L'euro, conçu comme un élément d'intégration européenne, est perçu par de nombreuses personnes comme un facteur de division des États et des sociétés civiles, ce qui représente un risque pour l'avenir même de l'Union. Cette perception erronée n'admet pas que sans la monnaie unique, l'impact de la crise, qui trouve largement ses origines en-dehors de la zone euro, aurait été bien plus grave.

2.7

À l'heure actuelle, les déséquilibres et les différences économiques qui existent entre les groupes de pays depuis 1991 et auxquels il n'a jamais été remédié freinent les progrès du processus d’intégration. Le spectre dangereux des divisions et de la renationalisation fait même sa réapparition.

2.8

L'avenir devient à ce point imprévisible. Les signes de reprise nourrissent l'optimisme et éloignent le climat de crise. Toutefois, en raison du caractère incomplet de l'UEM et de la fragmentation du marché financier européen, l'on s'attend à des taux de croissance faibles à modérés pendant un certain temps encore. Compte tenu de la volatilité de l'économie et des contrecoups qui pourraient se produire dans les années à venir, le CESE met en garde contre toute forme de complaisance dans ce domaine.

2.9

Dans ce contexte, les décisions récentes telles que le six-pack, le two-pack et l'union bancaire, bien que limitées, sont autant d'éléments qui étaient éminemment nécessaires et urgents. Néanmoins, ces nouveaux mécanismes de gouvernance sont fondés, dans une large mesure, sur des préoccupations ayant trait au budget et à la stabilité plutôt que sur celles qui touchent les gens, et c'est pourquoi elles font l'impasse sur la croissance et les mesures sociales. De plus, le long processus décisionnel et la complexité du système suscitent une résistance, silencieuse ou affirmée, dans les États membres et au sein du Conseil, qui résulte de la méfiance politique et de l'accent mis sur la souveraineté nationale. Cette situation a déjà engendré des coûts économiques et sociaux pour l'Union, et détériore sa posture internationale. Le renforcement de la confiance est par conséquent primordial pour surmonter les obstacles.

2.10

Le CESE insiste donc sur l'élaboration d'une feuille de route convaincante pour la prochaine législature européenne définissant, avec des délais précis, les démarches supplémentaires qui doivent porter essentiellement sur l'achèvement de l'UEM en relation étroite avec les objectifs de la stratégie Europe 2020 et de ses initiatives phares. Le présent avis propose certains des éléments essentiels qui devraient figurer dans une telle feuille de route.

2.11

Il conviendrait que l'intégration différenciée au sein de l'UE, déjà mise en œuvre avec succès dans diverses politiques, demeure un principe fondamental. Concernant les décisions nécessaires en vue d'achever l'UEM, nombre d'entre elles peuvent être appliquées à droit constant et/ou par le biais d'une coopération renforcée, alors que pour d'autres, il sera nécessaire d'avoir recours à un nouveau traité et/ou à la modification des traités existants. De telles décisions permettraient de rattraper les retards accumulés dans l'achèvement de l'UEM et de mettre en œuvre une série de mesures rapides, sans délaisser les perspectives sur le long terme, en tenant compte du fait que la zone euro a également besoin au niveau institutionnel de véritables réformes structurelles, parallèlement à celles devant être menées dans chaque État membre.

3.   Premières étapes: un véritable plan pour la croissance et l'emploi dans le cadre de la législation existante

3.1

L'adoption et la mise en œuvre d'un véritable pacte pour la croissance, l'emploi et la stabilité constituerait la première étape immédiate inscrite dans la feuille de route de la prochaine législature européenne, en vue d'enclencher la reprise et d'être en mesure de payer la dette (un «New Deal» européen). Ce projet devrait comprendre au moins les éléments suivants:

émission d'euro-obligations par la BEI et par le FEI (projet déjà partiellement lancé avec les emprunts obligataires pour le financement de projets), sans alourdir la dette des États, afin de financer les PME et les projets dans les secteurs des infrastructures, de la santé, de l'éducation, de la rénovation urbaine, de l'environnement et des réseaux transeuropéens. Des actions ciblées de ce genre menées par la BEI et le FEI témoigneront de la détermination de l'Europe à améliorer l'environnement financier pour les investissements privés (4);

investissements publics des États membres, y compris dans le secteur social (5), s'ajoutant aux investissements publics européens utilisant un système de paramètres communs qui, s'ils sont accompagnés des réformes structurelles adéquates, encourageront également l'investissement privé (règle d'or);

dilution ou suspension temporaire, durant la crise, des politiques d'austérité, qui sont une des principales causes de la récession, du recul de la demande et de la hausse du chômage, et qui ont retardé le début de la reprise. En d'autres termes, il convient de garantir la transition d'une approche fondée sur la seule austérité vers des réformes communes ouvrant la voie à une croissance durable, à la création d'emplois et à une productivité accrue (6);

définition commune de mesures d'accompagnement relatives à la croissance, à l'emploi et aux aspects sociaux qu'il convient d'associer à la mise en œuvre des trains de mesures législatives «two-pack» et «six-pack», et du pacte budgétaire;

meilleure application du semestre européen: sur la voie qui mène à une union économique, ce dernier, qui compte déjà quatre années d'existence, doit jouer un rôle crucial dans le processus de convergence et d'ajustement des économies. Quoi qu'il résulte de la méthode douce de coordination, il peut porter des fruits. Cependant, il devrait être correctement appliqué tout en étant plus transparent et en faisant l'objet de la communication qui s'impose. Il convient de garantir, aux niveaux européen et national, la participation et l'engagement des partenaires sociaux et des organisations de la société civile;

respect des programmes nationaux de réforme (PNR): la gouvernance est essentielle. À cet égard, les méthodes de travail des administrations nationales sont décisives, et il convient de souligner clairement, le cas échéant, toutes les améliorations nécessaires. La mise en œuvre des PNR, y compris en ce qui concerne la qualité des administrations nationales, devrait être examinée par l'ensemble des acteurs concernés et faire l'objet d'un suivi attentif de la part de la Commission;

pleine appropriation par les États membres: le semestre européen, sous sa forme actuelle, demeure trop technocratique, ce qui entrave sa mise en œuvre. Grâce à un véritable débat sur le semestre, les parlements nationaux devraient être intégrés au processus aux côtés des partenaires sociaux et des autres organisations de la société civile (7).

4.   Approfondir et parachever l'UEM au cours de la prochaine législature

4.1   Le pilier monétaire et financier

4.1.1

En ce qui concerne la politique monétaire, conformément à la gouvernance macroéconomique renforcée au sein de la zone euro, il importe de compléter le mandat de la BCE, afin de la placer sur un pied d'égalité avec les autres banques centrales situées en dehors de l'Europe et celles des pays européens hors UE et hors zone euro, de façon à lui permettre, entre autres, d'agir comme prêteur en dernier ressort et comme acteur bénéficiant des mêmes conditions dans les enceintes internationales, tout en respectant sa complète autonomie. La BCE devrait avoir la pleine capacité d'éviter toute crise de liquidité de manière à soutenir les investissements (pour les PME).

4.1.2

Cependant, la BCE ne saurait être tenue pour seule responsable. La création d'une union budgétaire et économique suppose l'existence d'une union bancaire complète (8). En raison de liens persistants entre les gouvernements et les banques, les États membres demeurent réticents à créer les conditions politiques et économiques nécessaires, ce qui se traduit par un ajournement des décisions les plus pertinentes et les plus efficaces (9). Cela empêche également la BCE d'exercer un contrôle efficace de toutes les banques, ce qui devrait remédier à la fragmentation financière, éliminer les liens indésirables entre les politiques nationales et les banques, et créer des conditions favorables aux fusions transfrontalières entre banques.

4.1.3

Au cours des négociations menées avec le Conseil sur l'Union bancaire, le Parlement européen a obtenu un accord concernant les progrès à accomplir en vue de la mise en place d'un mécanisme de résolution unique et d'un fonds de résolution unique (10). Le CESE souscrit pleinement à l'approche du Parlement européen. Dans un futur proche, les décisions devraient contribuer à l'unification d'un marché européen des capitaux qui serait alors comparable à celui qui existe aux États-Unis.

4.1.4

Une union bancaire achevée nécessite un mécanisme de résolution unique bien structuré, des systèmes de garantie des dépôts harmonisés au niveau des États membres et un mécanisme européen de stabilité prévoyant la possibilité d'une recapitalisation directe des banques (11). Dans ce domaine, le processus décisionnel devrait être efficace et garantir la possibilité d'une action rapide. Il faut accélérer l'élaboration et la mise en œuvre de ces éléments.

4.1.5

À elle seule, l'union bancaire ne suffit pas à stimuler l'économie et les investissements. Afin de rendre le secteur financier européen plus résilient, il convient également d'accorder, au cours des prochaines années, une priorité particulière à une mise en œuvre intégrale de Bâle III, au Conseil de stabilité financière et à la recherche d'une solution pour les banques qui sont «trop importantes pour faire faillite», conformément aux accords internationaux (G-20).

4.1.6

L'imposant train de mesures du commissaire BARNIER portant sur les banques et les marchés financiers qui a récemment été publié peut apporter une contribution majeure au bon fonctionnement des marchés financiers en Europe, ainsi qu'à la création d'un secteur bancaire stable et fiable. Cela revêt une importance capitale pour l'économie réelle. Les dernières décisions adoptées par le Conseil dans ce domaine ne suivent que partiellement l'orientation souhaitée.

4.1.7

Un crédit adéquat est une priorité absolue pour la relance et la croissance de l'économie et pour le développement. Cela signifie que la législation de l'UE doit trouver un équilibre entre des conditions cadres strictes pour l'activité bancaire et la promotion d'opportunités suffisantes pour les activités bancaires opérationnelles, et ce principalement pour favoriser les investissements qui sont vitaux pour toute politique de croissance. Il va sans dire qu'il faut impérativement trouver des arrangements satisfaisants en faveur des entreprises récemment créées et des PME (12).

4.2   Le pilier macroéconomique et budgétaire

4.2.1

Dans ce domaine, il est significatif et décevant que les discussions sur des contrats de réforme économique contraignants menées au sein du Conseil soient laborieuses (13). Le CESE insiste par conséquent pour que la Commission approfondisse sa proposition sur de tels arrangements contractuels, ce qui nécessite que leur forme, leur financement et leur légitimité démocratique fassent l'objet d'un nouveau débat (14).

4.2.2

Des partenariats reposant sur un système d'arrangements contractuels arrêtés d'un commun accord et de mécanismes de solidarité associés pourraient contribuer à favoriser et appuyer des politiques d'ajustement saines. De tels arrangements aideraient à l'appropriation des États membres au sein d'un cadre commun et aux réformes dans l'ensemble des secteurs liés à la croissance durable, à la compétitivité et à l'emploi, trois facteurs qui renforceront l'ensemble de l'UE (15). Un tel cadre pourrait concourir à prévoir une réponse qu'apporterait l'UE aux chocs asymétriques spécifiques à un pays, qui constituerait une forme de solidarité au sein de l'UE.

4.2.3

De tels partenariats pourraient favoriser la cohésion et la confiance au sein de la population qui sont primordiales pour venir à bout des inquiétudes portant sur la question de la souveraineté nationale. Celles-ci contribueront à leur tour à un sens d'appartenance communautaire à l'Europe qui sera une base indispensable pour le développement d'instruments européens tels qu'un budget de la zone euro, un fonds européen de solidarité et des obligations européennes.

4.2.4

La convergence des systèmes économiques, y compris des régimes fiscaux (16), assortie d'un instrument de solidarité constitue un élément crucial qui permettra de surmonter progressivement les déséquilibres macro- et microéconomiques existant entre les États. À moyen terme, même s'il nécessite des modifications du traité, cet instrument est appelé à devenir un mécanisme de compensation économique qui permettra de rééquilibrer et d'intégrer les économies des pays de la zone euro. Par la suite, il pourrait faire partie d'un budget commun de la zone euro. Les Fonds structurels et le Fonds de cohésion pourraient également être utilisés dans cette optique.

4.2.5

En tant qu'acteur de premier plan dans ce processus, la nouvelle Commission doit prendre la responsabilité de formuler des propositions législatives, conformément à la méthode suivie par le commissaire BARNIER pour la réglementation du système financier, dans des domaines où le débat est dominé par les États membres, afin de susciter des discussions fructueuses au sein du Conseil sur la base de propositions concrètes.

4.2.6

Jusqu'à présent, la Commission n'a pas eu suffisamment recours à cette méthode. Parmi les cas où elle pourrait être utilisée figurent la coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques, les contrats de réformes économiques assortis d'un mécanisme de solidarité, la création d'un fonds européen de remboursement des dettes et de bons du trésor européens. La Commission devrait indiquer clairement aux membres de la zone euro les propositions qui nécessitent une modification du traité.

4.2.7

Une telle approche contraindrait le Conseil à prendre position sur ces propositions. Elle sera un facteur de transparence et de clarté sur les différentes positions politiques et la seule méthode permettant de sortir de l'impasse intergouvernementale existant dans l'architecture actuelle. Cela doit également faire l'objet d'une communication digne de ce nom menée par la Commission à l'intention des différentes parties prenantes, y compris le grand public.

4.2.8

À moyen terme, il importe par conséquent de disposer d'une gouvernance économique pour la zone euro (qui s'est révélée nécessaire dès le traité de Maastricht), en ce qui concerne les politiques macro- et microéconomiques, afin d'évoluer de la méthode actuelle de coordination ayant donné jusqu'à présent des résultats médiocres, vers une décision commune sur les «fondamentaux» de ces politiques. La zone euro ne peut se permettre de continuer à avoir la même monnaie et des politiques économiques divergentes; ces dernières doivent donc être intégrées, afin de faciliter entre autres la mission de la BCE.

4.2.9

Un mécanisme de redistribution à utiliser en cas de choc asymétrique: on ne doit pas séparer le principe de responsabilité, non seulement des États mais aussi des citoyens, du principe de solidarité. Des mesures concrètes doivent donc être adoptées pour une durée limitée au profit des catégories les plus vulnérables de la population. Il s'agit d'une responsabilité qui implique l'ensemble des citoyens et des États.

4.2.10

Dans le même esprit, il convient de lancer un processus de rapprochement vers un budget propre à la zone euro qui soit adéquat et assorti de règles communes; c'est le seul moyen de faire des avancées vers une politique fiscale commune et un amortissement des chocs éventuels pouvant intervenir par la suite. L'on peut par exemple prévoir le financement de ce budget par une taxe ciblée, une taxe sur les transactions financières (à condition qu'elle soit étendue à l'ensemble de la zone euro), une taxe carbone, une contribution temporaire issue de l'excédent de la balance des paiements dépassant le seuil de 6 % et, en dernier lieu, en émettant des obligations communes.

4.2.11

La dette souveraine: il conviendrait de mettre en place un mécanisme qui, sans supprimer la responsabilité des États en matière de dette, ne permette pas de faire de cet élément un objet de spéculation financière. La dette nationale, convertie de manière graduelle jusqu'à hauteur de 60 % (comme proposé par le CESE (17)) ou pour la partie dépassant le seuil de 60 % (conformément à la proposition d'un «Fonds de remboursement de la dette» avancée par la Commission (18)), pourrait être détenue sur un compte de débit consolidé et gérée au prorata par les différents États membres. Une autre solution consisterait à créer un fonds temporaire de bons du trésor européens au moyen d'un traité intergouvernemental qui permettrait l'émission d'instruments obligataires à court terme de la zone euro et éliminerait donc le risque d'une crise de liquidité des gouvernements de la zone euro. S'appuyant sur les conclusions du groupe d'experts qu'elle a spécifiquement mis en place afin d'analyser les avantages et les risques liés aux différentes options d'émission de dette commune, la Commission devrait à présent formuler des propositions concrètes d'instruments qu'il convient de mettre en œuvre et de délais à respecter.

4.3   Le pilier microéconomique

4.3.1

Les politiques macroéconomiques doivent également faire l'objet d'une attention soutenue, notamment les politiques industrielle et sectorielle, qui sont capitales pour la croissance de l'économie européenne et pour lesquelles il n'est plus possible d'adopter une approche fragmentaire. Il y a dès lors lieu de mettre en commun certaines politiques qui ont une incidence indirecte sur les budgets nationaux et les procédures décisionnelles y afférentes, dans le but de parvenir à une vision et à des actions communes de la Commission et des États membres, notamment en ce qui concerne:

la réalisation du marché unique;

la création de conditions favorables qui encourageront les entreprises à rester ou à venir en Europe, notamment en remédiant à la fragmentation du marché;

une politique industrielle commune (19) qui renforce les fondements des performances économiques novatrices et durables sur l'ensemble du continent;

une politique énergétique commune, qui fait cruellement défaut mais qui revêt une importance primordiale pour des conditions économiques équitables et stables dans l'UE;

la mise en œuvre commune de projets d'infrastructure de grande échelle et de politiques de transport en vue d'améliorer la connectivité;

la convergence de la fiscalité des entreprises;

les services, y compris les services aux entreprises;

le marché du travail et la mobilité des travailleurs;

la politique de recherche.

4.4   Le pilier social

4.4.1

Le CESE insiste sur des mesures concrètes ayant trait à la dimension sociale de l'UEM (20). Le taux d'activité reste très bas chez les jeunes, ce qui est extrêmement préjudiciable. Avec les États membres, la nouvelle Commission devrait prendre la responsabilité d'améliorer les conditions de vie et de travail:

en appuyant la création d'emplois et les start-ups;

en proposant d'adapter les politiques d'éducation à tous les niveaux partout en Europe, ainsi que les prestations de santé lorsque cela s'avère nécessaire;

en instaurant des conditions favorables à la mobilité transfrontalière de la main-d'œuvre;

en formulant des propositions d'ordre fiscal pouvant faciliter la création d'emplois;

en proposant des mesures visant à protéger les droits des consommateurs;

en garantissant l'égalité entre les femmes et les hommes;

en procédant à des investissements sociaux (21).

4.4.2

Un véritable dialogue social à tous les niveaux est nécessaire. Cela veut dire qu'il faut lever les obstacles qui s'opposent à des consultations effectives à l'intérieur des États membres et entre ceux-ci. L'UE devrait être très utile pour réunir les parties prenantes de différents pays afin qu'elles examinent des pratiques qui ont fait leurs preuves et qu'elles élaborent des plans pour améliorer les conditions de la création d'emplois.

4.4.3

Si l'on souhaite parachever l'Union et en particulier la zone euro, l'on ne pourra pas ignorer les conséquences sociales des politiques économiques mises en œuvre, en les laissant à la charge exclusive des États. Aussi bien pour les mesures économiques que sociales, il faudra tenir compte non seulement des paramètres du pacte de stabilité mais également d'un éventail plus large de critères macroéconomiques (taux de chômage, taux de croissance, balance des paiements, taux d'emploi, taux de pauvreté, répartition des revenus et des richesses, etc.). L'on ne peut garantir la stabilité de l'UEM en l'absence de toute mesure sociale pour la zone euro, pouvant apporter des réponses aux conséquences des très graves récessions économiques et/ou des déséquilibres. Certaines de ces mesures pourraient nécessiter une révision du traité. À moyen terme, il pourrait s'agir:

de créer un système commun d'assurance chômage, qui soit complémentaire des systèmes nationaux, et éventuellement lié à la mise en place de règles communes pour le marché du travail de la zone euro et à la mobilité de la main-d'œuvre;

d'octroyer un revenu minimum adéquat à certaines couches de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté et de créer des règles communes en matière de prévoyance et d'assistance sociale.

4.4.4

Il y a par ailleurs lieu de mettre en commun d'autres politiques dans l'intérêt des citoyens, pour favoriser leur sentiment d'appropriation et leur mobilité. Il s'agit par exemple de:

la reconnaissance mutuelle des qualifications et des diplômes;

la qualité et la fourniture de biens et de services publics dans la zone euro en vue d'assurer sa capacité de résistance, notamment dans les périodes de crise, etc.

4.5   Le pilier politique

4.5.1

Un programme aussi vaste ne peut être mené à bien que si le processus décisionnel jouit de la légitimité démocratique nécessaire. Tout en respectant pleinement les progrès considérables accomplis au cours des dernières années, le CESE est d'avis qu'un nouveau bond en avant au cours du prochain mandat n'est réalisable qu'en prêtant une attention particulière à la responsabilité, la légitimité, la démocratie, la transparence et la communication.

4.5.2

Le processus d'intégration fait l'objet d'un débat politique de plus en plus vif dans toute l'Europe. Au niveau de l'UE, les partis politiques doivent définir clairement leurs options, qui doivent mettre en exergue les points de vue des différents groupes politiques au sein du PE et contribuer à une visibilité accrue des partis politiques européens. Des élections européennes transnationales auxquelles prendraient part des formations politiques transfrontières renforceraient et faciliteraient dans une grande mesure le débat européen.

4.5.3

Pour une appropriation conjointe et le soutien public qui s'impose, il est nécessaire que les parlements nationaux participent bien davantage au débat européen. Les propositions législatives de l'UE et les PNR devraient être dûment discutés au sein des parlements. Il conviendrait de prévoir des consultations interactives entre le PE et les parlements nationaux sur les questions stratégiques, ce qui donnerait également lieu à une dynamique accrue entre les parlements nationaux.

4.5.4

La Commission devrait appliquer la méthode communautaire d'une manière aussi efficace que possible, en présentant des propositions et des mesures législatives même en cas de compétence partagée avec les États membres. Comme par le passé, une attitude proactive et courageuse portera ses fruits.

4.5.5

À la demande des parlements et/ou de la société civile, la Commission devrait être invitée à participer aux débats nationaux sur des questions européennes.

4.5.6

Le Conseil européen et les différentes formations du Conseil, notamment le Conseil Ecofin, sont des décideurs centraux qui sont essentiels pour la responsabilité et la légitimité. Une transparence accrue est donc nécessaire, car elle répond aux exigences démocratiques.

4.5.7

Souvent, les membres du Conseil qui représentent les intérêts nationaux, ainsi que les codécideurs au niveau européen, ne s'expriment pas de la même manière chez eux et à Bruxelles, ce qui est habituellement une source considérable de confusion et rend tout accord difficile. Le double langage est inacceptable. Les États membres devraient se mettre d'accord sur des messages politiques communs qu'ils soutiendraient à tous les niveaux de prise de décision.

4.5.8

Les États membres sont à la fois sujets et objets dans l'architecture de l'UEM. Il est possible d'assurer une convergence vers la méthode européenne tout en préservant les procédures et traditions administratives nationales, mais cela nécessitera des ajustements considérables dans plusieurs pays. Des pratiques politiques et administratives fiables seront primordiales pour renforcer la confiance.

4.5.9

Le CESE souligne que la société civile doit également jouer son rôle, souvent mésestimé, dans la future architecture de l'UE et au sein d'une zone euro plus intégrée. Il est de nombreux domaines où les progrès dépendent partiellement ou entièrement des acteurs non gouvernementaux. La société civile doit prendre pleinement part à ce processus. Dans de trop nombreux pays, la société civile reste encore sur la touche, alors qu'elle devrait recevoir les instruments qui lui permettraient d'établir des liens avec les décideurs institutionnels. La société civile doit prendre ses responsabilités et doit participer au processus décisionnel de l'UE afin d'élargir sa base démocratique. Sans sa participation active, il n'y aura pas de pleine réalisation de l'UEM.

4.5.10

Pour les partenaires sociaux en particulier, il serait très utile d'examiner les résultats d'un modèle consensuel dans les États membres, que le CESE soutient pleinement. Il convient de préconiser l'échange de bonnes pratiques.

4.5.11

De l'avis du CESE, il est évident que la réglementation actuelle n'est pas adaptée, qu'elle n'a pas fonctionné comme prévu et que l'action intergouvernementale n'est pas à la hauteur des défis auxquels est confrontée l'UEM. Nous ne pouvons pas non plus nous bercer d'illusions et penser qu'avec l'affaiblissement de la crise, les mécanismes de stabilisation mis en place en grande hâte, alors que la crise faisait rage, puissent suffire à nous faire avancer et à éviter d'autres crises.

4.5.12

Le seul moyen d'éviter que des situations de ce type ne se répètent consiste à changer les règles de fonctionnement et le processus décisionnel de la zone euro, afin de le rendre plus transparent et démocratique:

donner à l'euro une autorité de direction, qui puisse parler d'une seule voix, par le biais de l'institutionnalisation de l'Eurogroupe. Afin d'améliorer la gouvernance de la zone euro, il conviendrait que l'Eurogroupe soit en mesure de prendre des décisions rapides et d'intervenir en cas de crise, en rendant plus démocratique et transparent le processus décisionnel, à commencer par la suppression du droit de véto;

disposer d'un mécanisme de redistribution et/ou d'un véritable budget de la zone euro, tel que mentionné aux paragraphes 4.2.9 et 4.2.10, en adoptant une approche graduelle, afin de garantir la disposition de biens publics pour les citoyens, une répartition plus juste des ressources en vue de soutenir les processus de réforme, de réduire les déséquilibres entre les États, en prévoyant la possibilité de mettre également en commun la politique fiscale, etc.;

disposer d'une présence unique au sein des organismes internationaux;

il convient enfin de soutenir et de faire voter les actions de cet organe directeur par les membres du PE appartenant à la zone euro, un Euro-Parlement qui soit ouvert également aux autres membres mais sans droit de vote.

5.   Sur le long terme: lancer l'Europe politique dans son ensemble

5.1

En plus d'achever l'UEM suivant les modalités décrites précédemment, d'ici la prochaine législature, il serait également opportun d'entamer un sérieux processus de réflexion sur l'approfondissement de l'ensemble de l'UE et le fonctionnement de ses organes institutionnels et de sélectionner des politiques qui deviendraient communes. Le CESE estime que cette réflexion devrait porter sur les aspects décrits ci-après.

5.2

Soumettre les travaux de la Commission au vote du PE, avec lequel elle pourrait également partager le droit d'initiative. Les membres du PE pourraient par ailleurs être élus sur des listes politiques européennes des partis européens.

5.3

Afin de promouvoir la visibilité, la légitimité démocratique et la répartition des pouvoirs, supprimer la dyarchie exercée par le président du Conseil européen et le président de la Commission, lequel serait élu par le PE ou directement par les citoyens, à la condition que son rôle soit également modifié. Le Conseil actuel pourrait devenir un «Sénat des peuples» et être doté de nouvelles règles de fonctionnement.

5.4

En ce qui concerne les politiques pour lesquelles l'UE devrait être titulaire ou cotitulaire et disposer de la capacité de décision, elles pourraient inclure la politique étrangère et le rôle de l'Union au plan international, notamment la présence unique au sein des organismes internationaux, la politique de défense (pour ceux qui le souhaitent), la politique énergétique, de la recherche, la politique en matière d'asile et d'immigration, le respect des normes et des droits assorti de capacités d'intervention à l'encontre des États contrevenants, à l'instar de ce qui se passe pour les questions économiques et les règles budgétaires.

5.5

Le nouveau cadre institutionnel qui ne peut être mis en œuvre par la seule coopération renforcée, le rôle du Parlement, du Conseil, de la Commission, du CESE et du CdR, pourraient être définis par une nouvelle convention qui devrait terminer ses travaux avant 2019, date des élections européennes qui suivront celles de 2014.

6.   Communication et simplification

6.1

Une bonne communication est un élément indispensable du processus visant à restaurer la confiance. Le CESE est convaincu que la meilleure communication est celle qui porte sur des politiques et des pratiques de qualité offrant une perspective à long terme à l'ensemble de la société européenne.

6.2

Il est nécessaire de renforcer et d'améliorer la communication envers le public. La communication suscite l'intérêt, qui est à son tour source de compréhension. Cette leçon n'a pas été suffisamment prise en compte; c'est une lacune pour laquelle la Commission et les États membres sont à blâmer. L'éventail tout entier des médias sociaux devrait être utilisé.

6.3

L'UEM et les domaines connexes sont souvent présentés comme une question technique. Il n'en est rien, dès lors qu'il s'agit de questions intrinsèquement politiques et exerçant une grande influence sur la vie quotidienne de chaque citoyen. Elle ne fait toutefois que rarement l'objet de discussions, et encore moins d'une réelle communication sous cet angle, ce qui explique également dans une large mesure l'immense fossé qui s'est creusé entre l'UE et le citoyen lambda.

6.4

Des traditions et des situations différentes montrent cruellement au quotidien l'absence d'une «langue commune de l'UEM», ce qui est parfois une source importante de confusion et porte préjudice au soutien public. De l'avis du CESE, la Commission est la seule instance qui est en mesure de présenter une solution, grâce à son droit d'initiative dans le processus législatif de l'UE. Cette question doit être envisagée dans la perspective d'une Commission et d'un PE plus «politiques» qu'auparavant.

6.5

En tant qu'acteurs coresponsables, la société civile et les partenaires sociaux doivent jouer le rôle qui leur incombe en matière de communication, lequel est souvent resté jusqu'à présent sous-développé. La société civile et les partenaires sociaux doivent faire part aux autorités compétentes des inquiétudes des citoyens et des entreprises, et contribuer à y remédier. L'échange de vues doit être réciproque.

6.6

L'Europe doit cesser de donner l'impression d'être une tour d'ivoire, comme le ressent une grande partie de l'opinion publique. Les mérites de l'intégration européenne, les progrès tangibles et les avantages qui en résultent, notamment pour les investissements, la création d'emplois et les consommateurs, doivent être clairement expliqués aux citoyens. Ce «nouveau récit» pour l'Europe devrait commencer par une stratégie de communication et de simplification conjointe de la Commission et des États membres, qui sont des partenaires clefs à côté des partis politiques et de la société civile.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Voir l'avis ECO/336 du CESE intitulé «Politiques économiques des États membres dont la monnaie est l'euro», rapporteur: M. DELAPINA, paragraphe 1.6 (JO C 133 du 9.5.2013).

(2)  Voir les propos de Wolfgang SCHÄUBLE, notamment dans son allocution de la Paulskirche, du 3 octobre 2011, et dans son discours tenu à l'occasion de la remise du prix Charlemagne, en mai 2012, ainsi que le discours prononcé par Giorgio NAPOLITANO au Parlement européen, le 3 février 2014.

(3)  Voir l'avis du CESE ECO/340 intitulé «Union économique et monétaire véritable et approfondie», rapporteur: M. CEDRONE(JO C 271 du 19.9.2013).

(4)  Voir les avis du CESE suivants: ECO/307 intitulé «Relancer la croissance» (JO C 143 du 22.5.2012), ECO/334 «Où va l'euro?» (JO C 271 du 19.9.2013) et ECO/340 sur «Une Union économique et monétaire véritable et approfondie» (JO C 271 du 19.9.2013), élaborés par M. CEDRONE.

(5)  Voir l'avis SOC/496 du CESE sur «L'impact de l'investissement social», rapporteur: M. GREIF (pas encore publié au JO).

(6)  Voir l'avis ECO/336 du CESE intitulé «Politiques économiques des États membres dont la monnaie est l'euro», rapporteur: M. DELAPINA (JO C 133 du 9.5.2013).

(7)  Voir l'avis EUR/006 du CESE intitulé «Examen annuel de la croissance 2014», rapporteure: Mme PICHENOT (pas encore publié au JO).

(8)  Voir l'avis ECO/339 du CESE intitulé «Paquet Union bancaire», rapporteur: M. TRIAS PINTÓ (JO C 11 du 15.1.2013).

(9)  Voir les conclusions du Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013.

(10)  Voir l'accord sur le mécanisme de résolution unique conclu par le Conseil et le Parlement européen le 20 mars 2014.

(11)  Voir les avis du CESE ECO/333 intitulé «Redressement et résolution des défaillances d'établissements de crédit», rapporteure: Mme ROUSSENOVA (JO C 44 du 15.2.2013) et ECO/350 intitulé «Mécanisme de résolution unique», rapporteur: M. MAREELS (JO C 67 du 6.3.2014).

(12)  Voir les avis du CESE ECO/347 intitulé «Financement à long terme — le secteur des services financiers», rapporteur: M. SMYTH (JO C 327 du 12.11.2013) et ECO/365 intitulé «Financement à long terme — suivi», rapporteur: M. SMYTH, corapporteur: M. FARRUGIA (pas encore publié au JO).

(13)  Voir les conclusions du Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013.

(14)  Voir l'avis ECO/348 du CESE intitulé «Instrument de convergence et de compétitivité/grandes réformes des politiques économiques», rapporteur: M. CROUGHAN (JO C 271 du 19.9.2013) et l'avis EUR/006 du CESE intitulé «Examen annuel de la croissance 2014», rapporteure: Mme PICHENOT (pas encore publié au JO).

(15)  Dans le même esprit, voir également le discours prononcé par M. DIJSSELBLOEM, président de l’Eurogroupe, le 17 février 2014 lors d'un séminaire de l'OCDE organisé à Bruxelles, intitulé «La zone euro à la croisée des chemins».

(16)  Voir l'avis ECO/336 du CESE intitulé «Politiques économiques des États membres dont la monnaie est l'euro», rapporteur: M. DELAPINA (JO C 133 du 9.5.2013). Au fur et à mesure, d'autres aspects fiscaux pertinents devront également être pris en compte.

(17)  Voir l'avis ECO/307 du CESE intitulé «Relancer la croissance», rapporteur: M. CEDRONE (JO C 143 du 22.5.2012).

(18)  Cf. COM(2012) 777 final/2.

(19)  Voir l'avis CCMI/108 du CESE sur la «Politique industrielle (révision)», rapporteur: M. VAN IERSEL, corapporteur: M. GIBELLIERI (JO C 327 du 12.11.2013).

(20)  Voir l'avis d'initiative SOC/494 du CESE intitulé «Renforcer la dimension sociale de l'Union économique et monétaire», rapporteur général: M. DASSIS (JO C 67 du 6.3.2014).

(21)  Pour cela, il faut également aider les gens à échapper à la pauvreté. Voir à ce sujet l'avis SOC/496 du CESE sur «L'impact de l'investissement social», rapporteur: M. GREIF (pas encore publié au JO).


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/20


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Financement des entreprises: recherche de nouveaux mécanismes financiers»

(avis d’initiative)

(2014/C 451/03)

Rapporteur:

M. SMYTH

Le 22 janvier 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Financement des entreprises: recherche de nouveaux mécanismes financiers»

(avis d'initiative).

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 17 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 141 voix pour, aucune voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Après plus de six années de bouleversements économiques et financiers, les voies habituelles de financement des entreprises, et notamment des PME, demeurent en partie bloquées. Les banques, qui sont la source traditionnelle de financement de la plupart des PME, sont moins disposées à prêter du fait d'un certain nombre de facteurs, tels que le désendettement en cours, le renforcement des exigences de ratios de fonds propres et de liquidité, les dotations aux provisions pour créances douteuses et l'aversion au risque. Cette fragmentation des marchés financiers et des voies de financement constitue l'un des traits les plus durables de la crise financière en Europe.

1.2

La réduction des prêts de fonds de roulement aux PME constitue une forme chronique de défaillance des marchés qui requiert une réaction appropriée des décideurs politiques de l'UE. Jusqu'à présent, cette réaction n'a pas été à la hauteur du problème.

1.3

L'initiative d'opérations de refinancement à long terme (ORLT) (1) de la Banque centrale européenne (BCE) a été une réussite au sens où elle a permis d'éviter l'effondrement du système bancaire, mais les financements accordés à cette occasion ne sont pas parvenus à l'économie réelle. En fait, ils ont été utilisés pour renforcer les bilans des banques et ils constituent une occasion manquée car les entreprises continuent à être privées de fonds de roulement.

1.4

La Banque européenne d'investissement (BEI), qui a déployé une activité très intense pour soutenir les PME dans toute l'Europe, a été recapitalisée substantiellement et a renforcé ses activités de prêts aux PME. À lui seul, le soutien aux PME constitue la plus importante priorité politique du groupe BEI, dont il représente plus de 20 % du montant annuel des prêts et 100 % des activités du Fonds européen d'investissement. Même si la BEI est un fournisseur important de financement pour le développement des PME, elle continue à ne détenir qu'une faible part de l'ensemble des activités de prêts aux entreprises dans la zone euro.

1.5

Le CESE a approuvé le livre vert publié l'année dernière sur le financement à long terme de l'économie (2), qui a récemment donné lieu à la publication d'un train de mesures (3) en vue d'encourager le financement à long terme en général et d'orienter ces financements vers les PME en particulier. Ce train comprend des mesures visant à développer le recours à la titrisation des emprunts des PME. La Commission propose également de nouvelles règles afin d'inciter les fonds de pension à investir dans les actifs financiers et de soutenir ainsi le financement de la croissance à plus long terme dans l'économie réelle (4). Il existe également des propositions en vue de créer un marché secondaire à la fois liquide et transparent des obligations des sociétés et d'autres types. Le CESE se félicite de ces propositions et estime qu'elles sont susceptibles, en temps voulu, de contribuer à un marché réformé et plus efficace du financement des PME.

1.6

Plusieurs autres initiatives sont en cours d'élaboration afin de lever les obstacles à une évaluation plus précise par les prêteurs de la solvabilité et du risque de crédit. Elles incluent un recours accru aux archives numériques ayant une présentation standard pour les registres des entreprises, les instituts de statistique, les évaluations des risques de crédit bancaire et autres créanciers et la création éventuelle d'un registre central européen du crédit. Une information de meilleure qualité et plus actualisée sur les performances financières des PME devrait permettre une évaluation plus fiable du risque par les créanciers et une tarification plus adaptée du risque.

1.7

Un certain nombre d'autres propositions en vue d'améliorer l'accès des PME aux financements se trouvent actuellement soit en préparation soit à l'étude. Le CESE approuve cette réaction plus volontariste des décideurs politiques, mais constate que sa mise en œuvre exigera un certain temps. Le grand défi demeure celui des actions à entreprendre dès maintenant et à court terme afin d'améliorer l'accès des PME aux financements.

1.8

En la matière, une solution identique pour tous ne conviendrait pas pour tous les États membres. Certains d'entre eux ont conçu des approches adaptées à leurs structures et à leurs réglementations financières nationales. À cet égard, l'une des initiatives les plus intéressantes est le dispositif de financement de prêts («Funding for Lending Scheme» — FLS) au Royaume-Uni (5). Ce dernier a rencontré un très grand succès s'agissant de stimuler les prêts hypothécaires et de prêter aux ménages britanniques au cours des deux dernières années; actuellement, son unique activité vise à stimuler les prêts aux PME. Ce dispositif encourage les banques participantes à accroître les capacités nettes de financement des PME en en réduisant le coût. Les partisans de ce dispositif font valoir qu'en l'absence de ce dernier, les prêts aux PME seraient bien moins importants.

1.9

Le CESE considère que ce dispositif de financement de prêts constitue un exemple de bonne pratique et recommande à la BCE d'étudier sérieusement l'instauration d'une initiative similaire au sein de la zone euro. Le 5 juin 2014, la BCE a annoncé une série de mesures de liquidité pour stimuler l'activité de prêt des banques aux PME (6). Le CESE se félicite de constater que la principale mesure de la BCE, les opérations ciblées de refinancement à plus long terme (OCRPLT), est similaire au dispositif de financement de prêts au Royaume-Uni, tel qu'exposé dans le présent avis. Il apprécie également que les travaux du CESE menés dans le cadre du présent avis aient précédé l'évolution des réflexions des décideurs politiques.

2.   La crise des activités de prêts en Europe

2.1

Le débat sur le prêt et les financements aux entreprises tend à tourner autour de l'offre et la demande de capitaux de développement ou d'investissement, notamment pour les PME. Les prêteurs tendent à faire valoir l'existence d'une pénurie de nouveaux projets et, de ce fait, l'absence d'une demande de financement du développement. Les représentants des PME et des entreprises de taille intermédiaire se plaignent souvent aussi bien de l'offre de financement de développement et du coût de ces crédits et ils estiment que les banques surévaluent le prix du risque de crédit. Chacune de ces deux opinions recèle une part de vérité. Quoi qu'il en soit, dans les différents États membres de l'UE, le volume des prêts aux entreprises, qu'elles soient de grande ou de petite taille, est resté au mieux constant et dans le pire des cas, il a fortement baissé.

2.2

Dans le présent avis, le CESE n'entend pas mettre l'accent sur le capital-développement ou le financement de nouvelles entreprises ou de jeunes pousses ou encore de l'innovation. Le présent avis s'attaquera plutôt à la question de l'accès au financement de fonds de roulement, aux instruments de découverts bancaires et aux instruments renouvelables, qui sont le sang qui irrigue les activités de la plupart des entreprises. Il est difficile de mettre en évidence les tendances en matière d'emprunts relatifs au fonds de roulement en raison de l'absence de données; néanmoins, il est possible d'en observer les tendances générales au travers des données de la BCE concernant les prêts aux entreprises non financières. Ces chiffres n'ont cessé de se réduire au cours des quatre ou cinq dernières années et ce n'est qu'au cours des derniers mois qu'ils indiquent quelques signes de reprise.

2.3

L'une des dimensions les plus marquantes des crises économiques et financières des six dernières années est la grave réduction du financement aux entreprises. Alors que les banques se sont efforcées de réduire leur exposition aux prêts improductifs et à une dette sans valeur, l'offre habituelle de prêts de fonds de roulement pour des entreprises, et notamment pour les plus petites d'entre elles et les microentreprises, s'est réduite en termes aussi bien nominaux que réels. Cette réduction des prêts aux entreprises peut être qualifiée de forme chronique de défaillance des marchés. En outre, la fragmentation des marchés financiers européens a produit une structure à deux niveaux des taux d'intérêt des prêts. C'est ainsi que les petites entreprises en Italie et en Espagne, par exemple, doivent subir des charges d'intérêts bien supérieures à celles d'entreprises similaires en Allemagne et au Royaume-Uni. Jusqu'à présent, la réaction des décideurs politiques de l'UE n'a pas été à la hauteur du problème et certains éléments tendent à prouver que les effets du renforcement de la réglementation bancaire européenne et internationale pourraient avoir exacerbé le problème du prêt aux entreprises en accentuant l'aversion des banques au risque.

3.   La réaction des décideurs politiques

3.1

Les décideurs politiques de l'UE ont été en peine pour s'attaquer aux retombées de la crise financière et à ses conséquences sur l'économie réelle. La fragilité du secteur bancaire de l'UE hypothèque fortement la reprise économique. Afin de remédier à cette fragilité, la Banque centrale européenne a lancé en 2012-2013 une initiative sans précédent pour permettre aux banques de l'UE d'accéder à plus de 1  000 milliards d'euros à un coût relativement faible. Cette initiative a été baptisée «Opération de refinancement à long terme» (ORLT). Il s'agissait de réagir à la menace d'une paralysie ou d'un effondrement du système bancaire alors que les banques peinaient à assainir leur bilan et à respecter des exigences plus sévères de ratio de fonds propres. Cette initiative a été une réussite au sens où elle a permis d'éviter l'effondrement du système bancaire, mais les financements ainsi accordés ne sont pas parvenus à l'économie réelle. En lieu et place, les banques les ont utilisés pour renforcer leur bilan. En un sens, ce résultat était prévisible et compréhensible. Pour la plupart des banques européennes, la priorité était et demeure de survivre. D'un autre côté, ce résultat constitue une occasion manquée, car les financements de fonds de roulement continuent à faire défaut aux entreprises.

3.2

En mars 2013, le capital de la Banque européenne d'investissement a été sensiblement relevé. Son capital libéré a été augmenté par un apport de liquidités de ses actionnaires à hauteur de 10 milliards d'euros. La BEI prévoit d'être en mesure d'accroître encore ses prêts, déjà importants, aux PME jusqu'à un montant de 40 milliards d'euros sur les trois à quatre prochaines années. Cette recapitalisation de la BEI a contribué à renforcer ses activités de prêts aux PME. À lui seul, le soutien aux PME constitue la plus importante priorité politique du groupe BEI, dont il représente plus de 20 % du montant annuel des prêts et 100 % des activités du Fonds européen d'investissement. Toutefois, les prêts de la BEI aux PME tendent à servir principalement de capital de développement, d'innovation et de financement de nouveaux projets. Il semble que la BEI envisage actuellement de fournir des prêts de fonds de roulement et le résultat de ses délibérations à cet égard ne sera pas sans intérêt. Même si la BEI est un fournisseur important de financement pour le développement des PME, elle continue à ne détenir qu'une faible part de l'ensemble des activités de prêts aux entreprises dans la zone euro.

3.3

Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les autorités monétaires ont recouru à certaines mesures peu orthodoxes, telles qu'un assouplissement quantitatif de la masse monétaire afin de fournir des liquidités au système bancaire. Cette politique implique l'achat par les banques centrales de très grands volumes d'obligations d'État et de sociétés et une création supplémentaire de monnaie au sein du système bancaire. Elle a contribué à éviter la paralysie des marchés monétaires et des mécanismes de circulation monétaire aussi bien aux États-Unis qu'au Royaume-Uni. Certaines données semblent montrer qu'aux États-Unis, le programme d'assouplissement quantitatif a contribué à relancer le crédit à l'économie réelle et son financement. Les autorités monétaires américaines envisagent actuellement d'arrêter ce programme, puisque la reprise économique semble s'affirmer. Au Royaume-Uni, les indications prospectives de la Banque d'Angleterre laissent entendre qu'une fois la reprise économique bien établie, il sera également mis fin à la politique d'assouplissement quantitatif.

3.4

En mars 2013, la Commission a publié un livre vert sur le financement à long terme de l'économie (7), suivi d'un train de mesures afin de promouvoir le financement à long terme en général et d'orienter ses financements vers les PME en particulier (8). L'axe essentiel de ce train de mesures consiste à stimuler le recours aux titres adossés à des actifs pour les emprunts des PME. Un recours accru à de tels titres permettrait de soulager les banques et les autres institutions financières afin que ces dernières s'engagent davantage dans le prêt aux entreprises. La Commission propose également de nouvelles règles afin d'inciter les fonds de pension à investir dans les actifs financiers tels que les titres adossés à des actifs, et de soutenir ainsi le financement de la croissance à plus long terme dans l'économie réelle (9). Des propositions se sont faites jour en vue de créer un marché secondaire à la fois liquide et transparent pour les obligations de sociétés et d'accroître l'attrait des obligations sécurisées et des placements privés. Une communication sur les financements participatifs (10) vise à promouvoir les meilleures pratiques, à suivre le développement des marchés de financements participatifs et à faciliter la mise en place d'un label de qualité de ces financements.

3.5

Il convient de mentionner d'autres initiatives pertinentes à cet égard. Les obstacles à une évaluation plus précise par les prêteurs de la solvabilité du risque de crédit résultent essentiellement du coût et du manque d'informations financières pertinentes. L'Institut de la finance internationale (IIF) propose une série de mesures pour y remédier. Ces dernières incluent un recours accru aux archives numériques ayant une présentation standard pour les registres des entreprises, les instituts de statistique, les évaluations des risques de crédit bancaire et autres créanciers. Ces archives nationales consignant les risques de crédit devraient être intégrées à une banque de données européenne, pour aboutir éventuellement à un registre européen central du crédit. L'IIF appelle à l'établissement de normes européennes pour la collecte et la déclaration d'informations de manière à pouvoir procéder à des analyses croisées entre entreprises et pays différents. Une information de meilleure qualité et plus actualisée sur les performances financières des PME devrait permettre une évaluation plus fiable du risque par les créanciers et une tarification plus adaptée du risque.

3.6

En vue d'améliorer les flux de financement en faveur des PME, d'autres propositions prévoient de:

prendre des mesures afin de permettre aux institutions mutualistes, coopératives et collectives de prêter aux PME grâce à une aide directe sur fonds publics;

supprimer la distorsion fiscale en faveur de l'endettement en autorisant la déductibilité fiscale de nouveaux financements sur fonds propres;

octroyer aux agences de développement régional un rôle officiel en matière d'évaluation des risques, tout en procédant aux ajustements qui s'imposent pour contrer les effets d'optimisme;

encourager un recours accru à l'assurance-crédit lorsque son coût ne s'y oppose pas, de manière à assurer les portefeuilles de prêts non adossés aux PME, que les banques pourraient ensuite vendre à leurs investisseurs non bancaires;

inciter les investisseurs en titres privés et en capital-risque à étendre leurs activités aux PME et remédier ainsi aux lacunes de financement de ces dernières;

recourir à des incitations fiscales pour élargir le nombre d'investisseurs dans les PME et les fonds pour les PME;

faire connaître aux PME les nouvelles possibilités de financement et les avantages comparatifs des nouveaux mécanismes de financement;

renforcer les dispositifs de garanties de crédit et faire partager les connaissances et les meilleures pratiques afin de contribuer à améliorer les dispositifs nationaux de garantie existants;

recourir davantage aux financements commerciaux, aux crédits interentreprises, à l'affacturage et aux instruments de crédit-bail.

S'agissant de la mise en œuvre de nombre des propositions citées précédemment, des progrès ont été accomplis, mais il reste à relever le défi des actions immédiates et à court terme pour améliorer l'accès des PME aux financements.

4.   La voie de nouveaux financements des entreprises

4.1

Concevoir un dispositif afin de favoriser un accès accru au financement dans toute l'Union n'est pas une tâche simple. Certains États membres ont conçu des solutions adaptées à leurs structures et à leurs réglementations financières nationales. En la matière, une approche identique pour tous ne conviendrait pas dans tous les États membres. À cet égard, l'une des initiatives les plus intéressantes, qui mérite un examen plus attentif, est le dispositif de financement de prêts au Royaume-Uni («Funding for Lending Scheme» — FLS).

4.2

Le Trésor du Royaume-Uni et la Banque d'Angleterre ont lancé ce dispositif en juillet 2012 pour tenter de stimuler les activités de prêts à l'économie réelle (11). Le Trésor, ainsi que les actionnaires de la Banque d'Angleterre, supervisent le fonctionnement du dispositif. Le dispositif de financement de prêts offre aux banques qui participent une source de financements bon marché; des coûts inférieurs de financement devraient permettre aux banques d'accroître la disponibilité de crédits en réduisant les taux d'intérêt qu'elles pratiquent. Ce dispositif incite les banques à accroître leurs activités de prêt et il leur permet ainsi d'obtenir des financements supplémentaires dans le cadre du dispositif. Depuis le début de ses activités, le dispositif de financement de prêts a contribué à réduire substantiellement les coûts des financements bancaires, ce qui s'est traduit par une amélioration des conditions de crédit. Il convient de reconnaître que la réussite de ce dispositif a principalement consisté à stimuler les prêts aux ménages et les prêts hypothécaires en particulier. Il s'est avéré moins efficace pour stimuler les activités de prêt aux entreprises; aussi, en novembre 2013, les autorités ont adapté ce dispositif pour en concentrer les activités uniquement sur la relance des prêts aux PME.

4.3

Le dispositif de financement de prêts est conçu pour offrir une incitation économique aux banques participantes à améliorer leurs activités nettes de prêt (c'est-à-dire leurs activités brutes de prêt moins les remboursements). Il offre des financements à prix réduit à toutes les banques, même à celles qui se désendettent. Le dispositif ne prévoit pas de plafonner le montant des financements que peuvent tirer les banques. Par exemple, si une banque participante a un portefeuille de prêts aux entreprises d'un montant de 100 milliards d'euros au moment de son entrée dans le dispositif, elle pourrait tirer à ce titre au moins 5 milliards d'euros de financement. Si cette même banque accroît ensuite ses prêts aux PME d'un milliard d'euros supplémentaires, elle aurait alors le droit de tirer encore 5 milliards d'euros supplémentaires du dispositif de financement de prêts. Ce rapport de 1 à 5 du droit de tirage par rapport aux prêts nets aux PME, combiné aux coûts réduits de financement, fournit une forte incitation aux banques à élargir leurs activités de prêts (12).

4.4

Le dispositif de financement de prêts ainsi modifié fait l'objet d'un suivi de la Banque d'Angleterre. La plupart des institutions financières au Royaume-Uni y participent. Le dispositif révisé qui vise uniquement à stimuler les activités de prêt aux entreprises fonctionne depuis novembre 2013 et il est vraisemblablement trop tôt pour tirer des conclusions pertinentes quant à son efficacité. Certaines des plus grandes banques du Royaume-Uni et de la zone euro ont continué à se désendetter assez rapidement et ce phénomène est vraisemblablement responsable de la plus grande partie de la réduction des activités de prêt aux entreprises. Les partisans du dispositif font valoir que sans ce dernier, la situation sur le marché du crédit au Royaume-Uni serait bien pire.

4.5

Le CESE estime qu'il conviendrait de mettre en place un dispositif similaire dans toute la zone euro. Un dispositif dans la zone euro semblable au dispositif britannique de financement des prêts, pourrait, sur une période limitée allant jusqu'à deux ans, contribuer à ramener le financement des entreprises à des volumes plus normaux tout en facilitant le processus de désendettement en cours.

4.6

Le 5 juin 2014, la BCE a annoncé une série de mesures de liquidité pour stimuler l'activité de prêt des banques aux PME (13). Le CESE se félicite de constater que la principale mesure de la BCE, les opérations ciblées de refinancement à plus long terme (OCRPLT), est similaire au dispositif de financement de prêts au Royaume-Uni, tel qu'exposé dans le présent avis.

4.7

Le CESE a approuvé la plupart des propositions de la Commission en vue d'améliorer l'accès des PME aux financements, mais elles sont programmées selon un calendrier fixé le plus souvent à plus long terme et elles sont susceptibles de nécessiter l'élaboration de nouveaux textes législatifs et/ou la création de nouvelles institutions. Toutefois, la crise du financement de fonds de roulement frappe les entreprises dès à présent, elle est pressante et tout prouve qu'elle s'aggrave. Le CESE estime que les décideurs politiques de l'UE devraient faire davantage pour offrir des solutions à plus court terme, telles que les dispositifs d'incitation (FLS ou ORLT) décrits précédemment. Il convient de jauger toute éventualité d'une hausse des risques financiers ou sur la réputation à l'aune des 26 millions de chômeurs dans l'UE, dont 5,6 millions sont âgés de moins de 25 ans.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Opération de refinancement à long terme, par laquelle des prêts à faible taux d'intérêt sont accordés aux banques de la zone euro.

(2)  JO C 327 du 12.11.2013, p. 11.

(3)  COM(2014) 168 final.

(4)  COM(2014) 167 final.

(5)  http://www.bankofengland.co.uk/markets/Pages/FLS/default.aspx

(6)  http://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2014/html/pr140605_2.fr.html

(7)  COM(2013) 150/2 final.

(8)  COM(2014) 168 final.

(9)  COM(2014) 167 final.

(10)  COM(2014) 172 final.

(11)  http://www.bankofengland.co.uk/markets/Pages/FLS/default.aspx

(12)  Pour une description complète du fonctionnement du dispositif de financement de prêts, voir: R. Churm et A. Radia «The Funding for Lending Scheme» («Le financement du dispositif de prêt»), Bulletin trimestriel de la Banque d'Angleterre (BoE Quarterly Bulletin), quatrième trimestre 2012, http://www.bankofengland.co.uk/publications/Documents/quarterlybulletin/qb120401.pdf (en anglais).

(13)  http://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2014/html/pr140605_2.fr.html


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/25


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Société numérique: accès, éducation, formation, emploi, outils pour l'égalité»

(avis d'initiative)

(2014/C 451/04)

Rapporteure:

Mme Isabel CAÑO AGUILAR

Le 22 janvier 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Société numérique: accès, éducation, formation, emploi, outils pour l'égalité».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 128 voix pour et aucune voix contre.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L'Union européenne doit cesser d'être un simple utilisateur du numérique pour devenir concepteur et producteur, et doit pour cela promouvoir les talents. Informer, former et éduquer sont dès lors des priorités.

1.2

Le CESE estime que l'accessibilité à la société numérique doit être un objectif prioritaire pour l'ensemble de la société européenne. Les politiques mises en œuvre dans ce domaine sont insuffisantes pour faire face au fossé numérique, qui continue de se creuser.

1.3

Le CESE rappelle qu'il convient de prendre les mesures appropriées pour garantir l'accès des personnes handicapées à la société numérique et des conditions équitables face aux nouvelles technologies.

1.4

La société numérique ne peut constituer un facteur supplémentaire d'exclusion. Le CESE souligne en particulier la nécessité d'adopter des politiques appropriées afin que les personnes âgées ne soient pas exclues, mais qu'elles assimilent pleinement l'utilisation des technologies qui font partie de la vie quotidienne des citoyens.

1.5

Il est nécessaire que les autorités européennes et nationales coopèrent afin de veiller à la disponibilité de matériel et de logiciels informatiques à des prix plus abordables et respectant le multilinguisme.

1.6

La politique européenne en matière d'éducation doit préparer les citoyens à la vie. Le CESE souligne qu'il convient de consulter les organisations professionnelles du secteur de l'enseignement.

1.7

Pour le CESE, il est essentiel de prévoir un soutien à l'enseignement public, avec les moyens financiers dont disposent les États membres, pour atteindre l'objectif d'égalité.

1.8

Le CESE insiste sur l'importance des bibliothèques publiques dans le processus de formation et d'éducation au monde numérique.

1.9

Le CESE recommande de promouvoir des modèles d'innovation ouverte et des normes ouvertes. Il y a lieu d'éviter des mesures injustifiées destinées à protéger la propriété intellectuelle mais susceptibles de limiter les processus d'innovation dans l'économie numérique.

1.10

Le CESE suggère de suivre les recommandations formulées par la Fondation européenne pour la qualité de l'apprentissage en ligne (EFQUEL) en matière d'enseignement.

1.11

Le CESE réitère le rôle majeur de la formation professionnelle et de l'éducation dans la lutte contre la crise économique et en faveur de la reprise, soulignant le rôle du Cedefop dans ce domaine. Le CESE préconise par conséquent:

de mettre plus fortement l'accent sur la formation initiale et permanente des enseignants;

de promouvoir l'enseignement des langues;

d'orienter les ressources éducatives libres vers l'enseignement et la formation professionnels.

1.12

L'initiative Horizon 2020 doit contribuer à renforcer la position de l'UE en matière de technologie numérique, un domaine dans lequel les entreprises bénéficient de moins d'investissements que leurs concurrentes asiatiques et américaines.

1.13

Le CESE estime qu'il est essentiel d'encourager les petites et moyennes entreprises (PME) européennes dans le secteur des technologies de l'information et des communications (TIC), dans la mesure où elles sont à même de promouvoir des projets novateurs, qui sont vitaux dans une industrie en constante mutation. Les mesures fiscales et les facilités accrues de financement des PME contribueront par ailleurs largement à la lutte contre la crise économique.

1.14

Le soutien aux «jeunes pousses» dans le domaine des technologies numériques peut contribuer à dynamiser l'industrie européenne du matériel et du logiciel. Le CESE salue l'initiative visant à soutenir des programmes à haut risque dans le cadre de la stratégie numérique, mais plaide pour un renforcement du soutien financier.

1.15

Le CESE propose un ensemble de mesures destinées à encourager la participation des femmes à la société numérique.

2.   Contexte

2.1

Plusieurs décisions politiques, programmes et initiatives de l'UE concernent l'intégration des technologies de l'information et de la communication (TIC) à l'éducation:

le programme eLearning («apprendre en ligne») (2004-2006);

le programme «Éducation et formation tout au long de la vie» (2007-2013) où la promotion des TIC dans l'éducation constitue une priorité de la dimension transversale avec l'intégration des sous-programmes Comenius, Erasmus, Grundtvig et Leonardo;

le programme Erasmus+ (2014-2020), qui s'inscrit dans la stratégie Europe 2020, la stratégie «Éducation et formation 2020» et la stratégie «Repenser l'éducation»; et

la communication sur les nouvelles technologies et les ressources éducatives libres («Ouvrir l’éducation: les nouvelles technologies et les ressources éducatives libres comme sources innovantes d’enseignement et d’apprentissage pour tous», COM(2013) 654 final).

2.2

La stratégie numérique pour l'Europe (2010), stratégie centrale de l'Union pour atteindre les objectifs du programme Horizon 2020, comporte de nombreuses initiatives concernant notamment:

l'interopérabilité et les normes;

l'internet ultrarapide;

l'apprentissage en ligne;

l'accessibilité pour les personnes handicapées;

la culture, les compétences et l'insertion numériques.

2.3

Le CESE a abordé ces aspects dans divers avis (1).

2.4

Cet avis d'initiative aborde certains aspects liés à l'accès à la société numérique, l'enseignement, l'égalité et l'emploi.

3.   Observations générales

3.1   L'accès à la société numérique

3.1.1

Les outils qu'offrent les TIC prennent de plus en plus de place dans la vie des citoyens. L'accès à la société numérique est un droit et une source de possibilités qu'il convient d'exploiter pleinement.

3.1.2

Le CESE a constaté à plusieurs reprises l'importance du haut débit pour la société et l'économie européennes (2), et accueille dès lors favorablement sa généralisation par satellite dans les 28 États membres. Toutefois, de nombreuses causes de fracture numérique demeurent, aggravées par l'élévation du taux de pauvreté, lui-même accentué par la crise économique et sociale.

3.1.3

La fracture numérique ne se résorbe pas. Les causes incluent entre autres: l'enseignement (les personnes ayant effectué des études supérieures sont trois fois plus susceptibles d'avoir recours à l'internet que les 33 % de la population qui ont un niveau d'éducation plus faible), l'âge (l'usage de l'internet est généralisé chez les jeunes et presque universel chez les étudiants, alors qu'il est nettement moins fréquent chez les personnes âgées), l'information, qui est majoritairement donnée en anglais, les différences entres zones rurales, urbaines et insulaires, etc.

3.1.4

Les autorités publiques se retrouvent souvent en grande difficulté pour financer le coût de l'informatique dans le domaine de l'éducation en raison de restrictions budgétaires qui semblent aggravées par le Pacte de stabilité. Parmi les sources de financement possibles, la mise en place de taxes pour les utilisateurs pourrait contrevenir au principe d'accessibilité et d'égalité dans le domaine de l'enseignement.

3.1.5

L'accessibilité est un droit de l'homme (3). La Charte européenne des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui fait partie intégrante du traité de Lisbonne, énonce dans ses articles 20, 21 et 26 l'interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap et consacre le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures spécifiques. Pour sa part, la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées oblige les États membres à prendre des mesures appropriées pour assurer aux personnes handicapées, sur un pied d'égalité avec les autres personnes, l'accès aux systèmes et technologies de l’information et de la communication, et en particulier à l'internet (4).

3.1.6

Les personnes handicapées ont une probabilité d'être au chômage deux fois plus grande que les autres et les nouvelles technologies (y compris l'internet) ouvrent l'accès aux loisirs, à l'éducation, à la culture et à de nombreux autres services publics et privés. Il convient en outre de promouvoir la participation à la démocratie. Dès lors, l'accessibilité des TIC est indispensable pour que les personnes handicapées puissent bénéficier des mêmes conditions sur un marché numérique toujours plus grand et faire partie de ce que l'on appelle la société numérique.

3.1.7

La société numérique ne peut constituer un facteur supplémentaire d'exclusion. Au contraire, les personnes vulnérables doivent y trouver un moyen de sortir de l'exclusion.

3.2   L'éducation dans la société numérique

3.2.1

La société numérique implique une volonté d'ouverture vis-à-vis des changements à apporter dans les institutions. L'UE doit encourager la mise en place de systèmes d'éducation et de formation accessibles à tous, qui contribuent au développement des connaissances, compétences et aptitudes des citoyens dans un large éventail de domaines et de compétences sociales, civiques et culturelles, de même qu'à celui de la capacité d'apprendre ainsi que de la créativité et de l'esprit d'équipe.

3.2.2

Tous les responsables du système éducatif doivent instaurer à l'école un climat pédagogique susceptible de susciter une attitude positive propice à l'innovation, à la qualité et à la coopération dans la pratique de l'enseignement; il y a lieu de renforcer la participation civique de chaque étudiant, d'encourager leur participation au processus d'enseignement et à la diffusion des bonnes pratiques et des expériences, et de promouvoir une culture de l'évaluation.

3.2.3

La politique de l'UE en matière d'éducation n'est pas parvenue à suffisamment stimuler les autorités nationales chargées de l'éducation afin que les enseignants, dès leur formation initiale, et les établissements scolaires intègrent l'utilisation des TIC à des fins pédagogiques, en particulier à l'école primaire, secondaire et lors de la formation professionnelle. Elle n'a notamment pas assez soutenu les États membres pour qu'ils réalisent les investissements nécessaires à la mise en place d'un enseignement moderne, innovant et de qualité axé sur les TIC.

3.2.4

Les ministères de l'éducation doivent prévoir des formations spécifiques pour les enseignants et inciter à repenser les méthodes d'apprentissage.

3.2.5

Le CESE insiste sur l'importance des bibliothèques publiques pour la formation et l'éducation au monde numérique.

3.2.6

Dès le début de la scolarisation, les enfants pourraient être initiés au fonctionnement des ordinateurs et peut-être à la programmation d'une façon ludique, afin que le plus rapidement possible, les Européens cessent d'être seulement utilisateurs de TIC pour devenir créateurs et producteurs. L'UE a des pôles d'excellence dans la recherche (par exemple, la recherche sur les nanocomposants électroniques), mais elle doit aller plus loin.

3.2.7

Les systèmes d'enseignement en Europe fournissent des exemples d'éducation de qualité élevée à tous les niveaux, de l'école primaire à l'université, en passant par la formation professionnelle. Toutefois, il s'avère nécessaire d'apporter des changements aux programmes scolaires, qui incluraient l'utilisation des TIC à des fins pédagogiques et leur évaluation.

3.2.8

Le CESE conseille de promouvoir des modèles d'innovation ouverte et des normes ouvertes, et d'éviter que des mesures injustifiées destinées à protéger la propriété intellectuelle ne restreignent les processus d'innovation dans l'économie numérique.

3.2.9

Le protocole SPI (Simple Publishing Interface), élaboré par le Comité européen de normalisation (CEN), a pour objectif de faciliter la communication entre les outils de production de contenus et les bases qui gèrent en permanence des ressources d'apprentissage et des métadonnées.

3.2.10

L'interopérabilité peut également faciliter le recours aux technologies d'assistance qui permettent aux personnes handicapées d'accéder aux TIC.

3.3   La formation — un outil pour affronter la crise économique

3.3.1

L'enseignement et la formation professionnels (EFP) enrichissent les personnes pour la vie et leur permettent d'acquérir les compétences nécessaires dans une société démocratique. Le développement économique et social dépend fortement de la formation professionnelle dans la mesure où elle permet d'accéder aux compétences et au marché du travail. Pour les groupes moins favorisés et marginalisés en particulier, elle peut leur offrir une vie meilleure. L'enseignement et la formation professionnels ne se limitent toutefois pas à établir un pont entre l'éducation et l'emploi; ils revêtent une grande importance en tant que tels. L'institut de statistique de l'UNESCO a signalé l'existence d'une corrélation entre le développement économique et l'EFP.

3.3.2

Le programme Erasmus+ est la stratégie centrale de l'Union dans ce domaine et, comme l'a souligné le CESE, «doit être un instrument clé pour augmenter le soutien apporté à l'éducation et à la formation afin de renforcer les compétences des citoyens, de contribuer à lutter contre les taux élevés de chômage des jeunes dans de nombreux États membres». Néanmoins, ce sont les États membres, qui sont compétents dans ce domaine, qui doivent veiller à ce que l'enseignement et la formation professionnels bénéficient des ressources nécessaires et de la reconnaissance qu'ils méritent en tant que partie intégrante du système éducatif.

3.3.3

Le CESE rappelle que le travail du Cedefop en matière d'apprentissage permanent et de formation professionnelle porte sur des questions telles que l'éducation des adultes, les qualifications et les compétences, la validation et les processus de garantie de la qualité, qui sont fondamentales pour les personnes qui éprouvent davantage de difficultés à accéder au marché de l'emploi. Il convient de doter le Cedefop de moyens supplémentaires.

3.3.4

Le CESE propose:

de valoriser l'enseignement professionnel;

de mettre l'accent sur la formation initiale et permanente des enseignants;

de promouvoir l'enseignement des langues, essentielles à la mobilité des travailleurs;

d'orienter les ressources éducatives libres vers l'enseignement et la formation professionnels.

3.4   L'économie numérique et l'emploi

3.4.1

L'UE enregistre un taux de chômage élevé et dans le même temps, selon la Commission, il lui manquera à court terme 9 00  000 personnes qualifiées pour couvrir des postes de travail dans le secteur des TIC.

3.4.2

Les TIC influencent profondément l'emploi et le succès de la stratégie numérique est lié à l'existence d'entreprises de haute technologie: en 2008, les TIC ont apporté à l'UE une valeur ajoutée de 574 milliards d'euros et employaient 8,3 millions de personnes. Les entreprises européennes, qui doivent faire face à des problèmes tels que des marchés fragmentés ou un financement insuffisant, sont en position défavorable face aux géants qui dominent les marchés mondiaux, et qui sont pour la plupart nord-américains.

3.4.3

Comme toute évolution technologique, les TIC provoquent des bouleversements sur le marché de l'emploi. Cela doit être examiné dans l'optique de créer des filières de métiers, de qualifications, de compétences, de certifications, tant pour les personnes que les TIC excluent de l'emploi que pour celles dont les TIC favorisent l'inclusion.

3.4.4

La grande coalition en faveur de l'emploi dans le secteur du numérique, lancée par la Commission en mars 2013, aborde les questions principales (formation et adaptation des cursus aux emplois dans le secteur numérique; mobilité; certification; sensibilisation; apprentissage et enseignement innovants) mais n'a pas de dotation budgétaire. Il existe en outre d'autres initiatives dans le cadre de la stratégie numérique, notamment la stratégie pour les compétences numériques, le paquet «Emploi», l'initiative «Ouvrir l'éducation», la stratégie «Repenser l'éducation», l'initiative sur les perspectives d'emploi des jeunes et le panorama européen des compétences.

3.4.5

Il y a lieu d'associer à cette coalition l'industrie, mais aussi le système éducatif, de manière à ce que l'accomplissement de stages en entreprises permette de resserrer les liens avec le secteur des TIC.

3.4.6

Il convient de signaler que ces programmes ne tiennent pas suffisamment compte des besoins spécifiques des personnes exclues en raison d'un handicap, notamment en ce qui concerne l'acquisition de compétences numériques (e-skills), l'alphabétisation numérique et l'intégration sur le marché du travail numérique.

3.4.7

Les plus grandes entreprises de haute technologie européennes investissent bien en R&D mais dans une moindre mesure que leurs homologues asiatiques et nord-américaines. Le CESE espère que le programme Horizon 2020, qui bénéficie d'une enveloppe de 78  600 milliards d'euros, contribuera à renforcer la position européenne sur les marchés mondiaux.

3.4.8

Le CESE estime qu'il est essentiel d'encourager les PME européennes dans le secteur des TIC, dans la mesure où elles sont à même de promouvoir des projets novateurs, qui sont vitaux dans une industrie en constante mutation. Pour lutter contre la crise, il convient d'apporter des solutions aux difficultés de financement qu'éprouvent en particulier aussi bien les petites entreprises que les projets innovants («jeunes pousses») qui se consacrent à l'innovation technologique.

3.5   La société à l’ère du numérique doit être inclusive

3.5.1

Actuellement, seules 30 % des quelque 7 millions de personnes qui travaillent dans le secteur des TIC sont des femmes, qui sont sous-représentées à tous les niveaux et surtout aux postes à responsabilité. Le pourcentage de femmes ayant effectué des études supérieures est plus élevé que celui des hommes, mais elles continuent d'être désavantagées en matière d'emplois, de salaires, de conditions de travail et d'accès à des postes à haute responsabilité.

3.5.2

Un changement de politique s'avère particulièrement nécessaire en raison de la diminution du nombre de femmes diplômées dans le secteur des TIC: actuellement, seules 29 femmes sur 1  000 titulaires d'un diplôme d'études supérieures l'ont obtenu dans le domaine des TIC et seulement 4 d'entre elles trouvent directement un emploi dans ce secteur.

3.5.3

Alors que l'intégration des femmes au secteur des TIC pourrait augmenter le PIB de la zone euro de 9 milliards d'euros, diverses raisons (les traditions et les stéréotypes culturels notamment) expliquent leur trop faible participation dans ce secteur, un problème qui n'est pas uniquement européen, mais généralisé.

3.5.4

C'est pourquoi le CESE suggère:

d'approfondir les recherches pour déterminer quels sont les facteurs à l'origine de la faible présence des femmes dans le secteur des TIC en général et pourquoi celles-ci choisissent moins souvent des études dans les filières scientifique, mathématique ou technologique;

d'envisager l'adoption de plans et de mesures actives, assortis d'une dotation budgétaire et visant l'égalité entre les femmes et les hommes dans la société numérique;

de tenir compte de la situation des femmes et des filles handicapées, qui font généralement l'objet de discriminations par rapport aux hommes handicapés en matière d'accès à l'éducation et à l'emploi, et rencontrent davantage de difficultés pour accéder au marché du travail. Il leur est donc difficile de mener une vie indépendante;

de trouver des modèles et des parcours professionnels qui puissent inspirer les femmes et les filles;

de faire le point sur le Code européen des bonnes pratiques en faveur des femmes dans le secteur des TIC;

de mener des campagnes fructueuses dans les médias sociaux;

l'enseignement précoce au fonctionnement de l'ordinateur et à la programmation (dès l'école primaire) ne pourrait que favoriser la participation des filles dans le domaine des TIC.

4.   Observations particulières

4.1

L'accessibilité doit être un objectif prioritaire non seulement des autorités mais également de la société dans son ensemble, et il engage tous les acteurs économiques et sociaux. Toutefois, les politiques de l'Union et, de manière générale, celles des États membres, ont été insuffisantes jusqu'à présent.

4.2

Le CESE suggère que l'Union et les autorités nationales promeuvent des actions conjointes pour parvenir à une réduction substantielle du coût du matériel informatique, y compris la généralisation de logiciels libres et à code source ouvert, tels que Linux, et apporter des contenus européens dans les processus d'information et d'acquisition de connaissances.

4.3

Une politique appropriée pour l'UE au 21e siècle exige un esprit ouvert au changement. L'objectif central des systèmes d'éducation et de formation européens ne doit pas se limiter à répondre aux besoins spécifiques du marché du travail (aspect sur lequel la Commission européenne a axé en priorité sa politique éducative) mais viser l'éducation pour la vie. L'élaboration de politiques éducatives de l'UE doit se faire avec la participation des organisations européennes représentatives du corps enseignant et des établissements d'enseignement, ce qui n'est pas le cas actuellement.

4.4

Compte tenu des contraintes budgétaires des États membres et du fait que dans le cadre des institutions démocratiques, ils adoptent les décisions qu'ils jugent les mieux adaptées à leurs citoyens, l'on ne peut que souligner la nécessité absolue d'investir dans l'enseignement public pour atteindre l'objectif de l'égalité en matière d'accès à l'enseignement, indépendamment de l'origine sociale des étudiants et des moyens financiers dont ils disposent.

4.5

La Commission doit mettre l'accent sur la nécessité de laisser les métadonnées éducatives libres, de les inscrire dans une optique d'intérêt général et de les soustraire aux brevets et droits de propriété d'entreprises privées. Outre le programme européen en matière de normalisation SPI, il y a lieu de souligner l'importance d'eContentplus, le programme de la Commission sur les métadonnées.

4.6

Pour garantir la qualité et l'adéquation de l'éducation et de la formation dispensées, les professeurs et les établissements d'enseignement doivent garder le contrôle du contenu de l'enseignement. Le CESE estime qu'il convient de tenir compte des recommandations de la Fondation européenne pour la qualité de l'apprentissage en ligne (EFQUEL) concernant les mesures législatives, l'harmonisation et les droits de propriété intellectuelle, etc.

4.7

Le CESE a déjà manifesté sa déception concernant la forte réduction du budget alloué à la stratégie numérique pour la période 2014-2020, qui est passé d'une proposition initiale de 9,2 milliards d'euros à 1,14 milliard.

4.8

Le CESE accueille favorablement le soutien financier aux initiatives innovantes à haut risque prises par les PME, qui a été convenu dans le cadre du programme Horizon 2020. Les mesures permettant aux PME et aux jeunes pousses d'obtenir davantage de financements revêtent une grande importance, que ceux-ci proviennent des pouvoirs publics ou des marchés et du système financier.

4.9

Le CESE recommande d'intégrer l'accessibilité dans toutes les initiatives relevant du domaine du numérique en s'assurant que les programmes d'apprentissage en ligne, les TIC, le matériel et les outils (en ligne et hors ligne) soient accessibles aux personnes handicapées et à toutes les personnes vulnérables. En outre, il convient d'accorder une attention particulière à l'intégration des personnes handicapées dans les nouveaux postes de travail du secteur des TIC que l'UE entend créer.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 127; JO C 318 du 29.10.2011, p. 9; JO C 214 du 8.7.2014, p. 31.

(2)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 137.

(3)  JO C 177 du 11.6.2014, p. 15.

(4)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 116.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/31


Avis du Comité économique et social européen sur les cyberattaques dans l'UE

(avis d'initiative)

(2014/C 451/05)

Rapporteur:

M. McDONOGH

Le 27 février 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur les:

«Cyberattaques dans l'UE».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 135 voix pour et une voix contre.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité souhaiterait que soit créée une autorité européenne de la cybersécurité, analogue à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), afin de garantir la force de leadership nécessaire au niveau de l'UE pour gérer la mise en œuvre complexe d'une politique paneuropéenne efficace en matière de cybersécurité.

1.2

Des citoyens informés et autonomes sont indispensables à une cybersécurité forte en Europe. L'éducation des citoyens à la cybersécurité personnelle et à la protection des données devrait être une composante essentielle des programmes scolaires et des programmes de formation en entreprise. En outre, sur l'ensemble de son territoire, l'UE devrait mener des campagnes et des initiatives d'information publique consacrées à ces questions.

1.3

Les entreprises devraient avoir l'obligation légale d'adopter une approche préventive afin de se protéger des cyberattaques, ce qui implique notamment le recours à des technologies de l'information et de la communication (TIC) sûres et résilientes et la formation de leur personnel aux politiques de sécurité, comme elles le font pour les questions de santé et de sécurité au travail.

1.4

Chaque État membre devrait disposer d'un organisme chargé d'informer, de former et de soutenir le secteur des PME pour les questions liées aux bonnes pratiques en matière de cybersécurité. Les grandes entreprises peuvent facilement obtenir l'expertise dont elles ont besoin, alors que les PME ont besoin d'être aidées.

1.5

Il convient d'étendre le mandat de l'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA) et de lui fournir les financements nécessaires pour qu'elle assume une responsabilité plus directe des programmes d'éducation et de sensibilisation à la cybersécurité spécifiquement destinés aux citoyens et aux petites et moyennes entreprises (PME).

1.6

Les organes de direction des entreprises et organisations doivent être davantage sensibilisés à la responsabilité en matière de cybersécurité. Il convient d'informer explicitement les directeurs de toute organisation de la responsabilité potentielle que devra assumer chaque personne morale ayant mené une politique et des actions de cybersécurité inadéquates.

1.7

En raison du rôle critique qu'ils jouent dans la fourniture de services en ligne, tous les fournisseurs d'accès à Internet de l'UE devraient avoir une responsabilité spécifique, celle de protéger leurs clients des cyberattaques. Il convient de définir cette responsabilité et de l'inscrire dans la législation européenne.

1.8

Afin de garantir la concrétisation rapide de l'important potentiel de croissance économique lié à l'expansion dynamique de l'informatique en nuage (1), il convient également d'imposer au niveau de l'UE des exigences et obligations spécifiques en matière de sécurité aux fournisseurs de services en nuage.

1.9

Le Comité considère que les mesures volontaires sont insuffisantes et qu'il est nécessaire d'imposer des obligations réglementaires rigoureuses aux États membres pour garantir l'harmonisation, la gouvernance et l'application d'une cybersécurité européenne. Il y a également lieu de légiférer afin de rendre obligatoire la signalisation des incidents majeurs touchant la cybersécurité pour toutes les entreprises et organisations, et pas uniquement les fournisseurs d'infrastructures critiques. Cela permettrait de renforcer la réponse qu'apporte l'Europe aux menaces, tout en améliorant les connaissances sur les cyberattaques et leur compréhension, grâce auxquelles de meilleures défenses pourraient être mises en place.

1.10

Le Comité recommande fermement que l'UE opte pour une approche axée sur la conception pour lutter contre la menace que représentent les cyberattaques, en s'assurant que l'ensemble des technologies et des services utilisés en Europe pour fournir l'accès à Internet et les services en ligne sont conçus d'une manière qui garantit les meilleurs niveaux de protection contre ces cyberattaques. Les critères de conception devraient mettre tout particulièrement l'accent sur l'interface homme-machine.

1.11

Le CESE souhaite que des normes solides de cybersécurité soient définies et mises en œuvre par les organismes européens de normalisation afin de régir l'ensemble des technologies et des services de TIC en réseau. Parmi ces normes devrait figurer un code de bonnes pratiques juridiquement contraignant grâce auquel l'ensemble des équipements de TIC et des services internet vendus aux citoyens européens seraient conformes aux normes les plus exigeantes.

1.12

L'UE doit immédiatement s'assurer que chaque État membre possède une équipe d'intervention en cas d'urgence informatique (CERT) pleinement opérationnelle afin de se protéger et de protéger l'Europe des cyberattaques.

1.13

Le Comité demande que le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) au sein d'Europol reçoive les fonds supplémentaires dont il a besoin pour lutter contre la cybercriminalité et pour renforcer la coopération entre les forces de police au sein de l'UE et avec celles des pays tiers, afin de renforcer la capacité de l'Europe à appréhender et à poursuivre les cybercriminels.

1.14

En résumé, le CESE considère que la politique de l'UE en matière de cybersécurité doit en particulier réaliser les objectifs suivants: un rôle moteur pour l'UE; des stratégies de cybersécurité améliorant la sécurité tout en préservant la vie privée et d'autres droits fondamentaux; une sensibilisation des citoyens et l'encouragement des approches de protection préventives; une gouvernance globale des États membres; une action bien informée et responsable des entreprises; un partenariat approfondi entre les gouvernements, le secteur privé et les citoyens; des niveaux d'investissement appropriés; de bonnes normes techniques et des investissements suffisants dans la recherche, le développement et l'innovation; un engagement international. À cet effet, le Comité renouvelle ses recommandations relatives à la politique en matière de cybersécurité qu'il a exprimées dans nombre d'avis antérieurs (2) et invite la Commission à donner suite aux actions qu'il préconise.

2.   Champ d'application de l'avis

2.1

L'économie de l'internet génère plus d'un cinquième de la croissance du PIB dans l'UE et 200 millions d'Européens font des achats en ligne chaque année. Nous dépendons de l'internet et de la technologie numérique connectée pour soutenir nos services en ligne vitaux dans les domaines de l'énergie, de la santé, de l'administration et des finances. Toutefois, cette infrastructure et ces services numériques cruciaux, qui jouent un rôle d'une telle importance dans notre vie économique et sociale, sont exposés à un risque croissant de cyberattaques menaçant notre prospérité et notre qualité de vie.

2.2

Le Comité estime que compte tenu de la dépendance croissante de l'Union à l'égard de l'internet et de la technologie numérique, les pratiques et politiques actuelles ne sont pas suffisantes pour fournir, aujourd'hui comme demain, un niveau approprié de cybersécurité dans toute l'Europe. Le présent avis vise à souligner les lacunes que le Comité constate dans la politique européenne en matière de cybersécurité et à recommander des améliorations qui permettraient de mieux atténuer les risques de cyberattaques.

2.3

Les motifs des cyberattaques sont très variés; il peut s'agir de raisons très personnelles (se venger d'un individu, d'une entreprise) mais aussi de cyber-espionnage au niveau étatique, ou encore de cyberguerre entre pays. Lors de l'élaboration du présent avis, il a été décidé d'en limiter la portée aux cyberattaques dont le motif est purement criminel, afin que les recommandations portent uniquement sur des problèmes qui correspondent aux principales préoccupations de la majorité des membres du Comité. Le débat politique, fort complexe, que suscitent les cyberattaques menées par les États membres contre les citoyens et contre d'autres États pourrait faire l'objet d'un prochain avis.

2.4

L'avis ne porte que sur les cyberattaques perpétrées par des cybercriminels animés par des motifs pécuniaires, c'est-à-dire la grande majorité des attaques. La mise en place de politiques et pratiques de cybersécurité visant à lutter efficacement contre la cybercriminalité permet de réduire également les risques de cyberattaques motivées par des considérations politiques ou plus personnelles.

2.5

Même si l'UE a bien progressé dans la mise en œuvre des actions relevant du pilier «Confiance et sécurité» de la stratégie numérique et a élaboré une vaste stratégie de cybersécurité reprenant la plupart des objectifs évoqués ci-dessus, il reste du pain sur la planche.

3.   Cyberattaques et cybersécurité

3.1

Par cyberattaque, on entend tout type d'action offensive visant des systèmes informatiques, des infrastructures, des réseaux informatiques et/ou des appareils numériques personnels par divers moyens malveillants dans le but de voler, modifier ou détruire une cible spécifique. Cette cible peut être de l'argent, des données ou une technologie informatique.

3.2

Les cybercriminels lancent des cyberattaques pour voler de l'argent ou des données, pour commettre des actes frauduleux, d'espionnage criminel ou d'extorsion. La cybercriminalité peut endommager des réseaux et services essentiels dont nous dépendons pour notre santé, notre sécurité et notre prospérité économique, notamment au niveau des administrations, des transports et des réseaux énergétiques.

3.3

La menace de cyberattaques croît à mesure que notre dépendance de l'Internent et des technologies numériques augmente. Selon un rapport récent de Symantec, le nombre total de violations de données dans le monde a augmenté de 62 % en 2013, ce qui représente plus de 552 millions d'identités exposées, c'est-à-dire des noms, dates de naissances, numéros d'identification nationaux, des dossiers médicaux ou des informations financières. En outre, 38 % des utilisateurs de téléphones portables ont fait l'objet d'actes de cybercriminalité au cours des douze derniers mois.

3.4

Les cyberattaques peuvent avoir de graves incidences sur les entreprises prises isolément et sur l'économie européenne dans son ensemble:

Un rapport sectoriel de 2011 indique que les cyberattaques entraînent pour les victimes des pertes d'environ 290 milliards d'euros chaque année dans le monde, et constituent ainsi une activité plus lucrative que le trafic mondial de marijuana, de cocaïne et d'héroïne réunies.

Les citoyens subissent en permanence la menace d'un vol d'identité dans le cadre des cyberattaques. En mai 2014, une base contenant les données personnelles de 145 millions d'utilisateurs titulaires d'un compte sur eBay a été pillée lors d'une seule et même attaque. Une étude consacrée en 2013 à la cybersécurité par l'université du Kent indique qu'au Royaume-Uni, en une année (2012-2013), les comptes en ligne de plus de 9 millions d'adultes ont été piratés; la cybercriminalité a fait perdre de l'argent à 8 % de la population et plus de 10  000 livres sterling (GBP) à 2,3 % des Britanniques.

En 2011, un rapport du gouvernement britannique affirmait que le coût global de la cybercriminalité pour l'économie du Royaume-Uni s'élevait à 2,7 milliards GBP, dont:

la fraude en ligne (1,4 milliard GBP),

l'usurpation d'identité (1,7 milliard GBP),

le vol de la propriété intellectuelle (9,2 milliards GBP),

l'espionnage (7,6 milliards GBP),

les pertes de données clients (1 milliard GBP),

le vol (direct) en ligne visant les entreprises (1,3 milliard GBP),

l'extorsion (2,2 milliards GBP),

la fraude fiscale (2,3 milliards GBP).

Chaque année, en Europe, les cyberattaques causent des dommages économiques considérables. Le coût doit prendre en compte:

la perte de droits de propriété intellectuelle et de données sensibles;

les coûts d'opportunité, y compris les perturbations que subissent les services et l'emploi;

les dommages infligés à l'image de marque et à la réputation de l'entreprise concernée;

les pénalités et les paiements compensatoires qui doivent être versés aux consommateurs (pour les inconvénients ou les dommages subis) ou les indemnisations contractuelles (dues en cas de retard, etc.);

le coût des contre-mesures et le prix des assurances;

le coût qu'engendrent la lutte contre les cyberattaques et la réparation de leur impact;

la perte de clientèle et de compétitivité;

les distorsions dans les échanges; et

les pertes d'emplois.

Selon l'étude sur les violations de la sécurité des informations (Information Security Breaches Survey) publiée par le gouvernement britannique, 81 % des grandes entreprises et 60 % des PME ont subi une atteinte à la sécurité en 2013.

Ce même rapport gouvernemental estimait que la plus grave des cyberattaques pourrait coûter en moyenne 1 4 00  000 euros à une grande entreprise et 1 40  000 euros à une PME.

Même si les attaques se soldent par des échecs, le fait de lutter contre elles coûte de plus en plus cher et cette tendance s'accélère. En 2014, la croissance du marché mondial de la sécurité de l'information atteindra 8,6 %, et représentera plus de 73 milliards de dollars des États-Unis (USD).

3.5

Les techniques de cyberattaques ne cessent d'évoluer:

Une cyberattaque implique habituellement le recours à un vecteur d'attaque permettant au cybercriminel d'accéder à des justificatifs d'identité en ligne, à un ordinateur ou à un serveur de réseau afin de commettre des actions malveillantes. Périphériques USB, fichiers joints aux courriels, pages web, fenêtres intruses («pop-ups»), messages instantanés, sites de discussion en ligne et techniques de tromperie telles que le hameçonnage («phishing») comptent parmi les vecteurs d'attaques couramment utilisés.

Les formes les plus courantes de cyberattaques impliquent le déploiement de logiciels malveillants. Un logiciel malveillant (ou maliciel) est un programme capable de détourner un dispositif numérique pour atteindre un objectif criminel, par exemple le vol d'identifiants ou d'argent, ou sa propagation à d'autres dispositifs. Les maliciels englobent les virus informatiques (y compris les vers et les chevaux de Troie), les virus-rançon (ransomeware), les logiciels espions et publicitaires, les scareware et autres programmes malveillants. À titre d'exemple, le virus-rançon est un maliciel spécifique qui bloque l'accès au système informatique qu'il a infecté et qui demande qu'une rançon soit versée afin de le déverrouiller.

Un maliciel peut également transformer un ordinateur en entité informatique indépendante connectée à réseau zombie, par le biais duquel le criminel attaque ses victimes.

Lors d'une attaque de spams (pourriels), l'auteur du crime envoie massivement des courriels non sollicitées, souvent dans le but de duper la victime en lui faisant acheter des produits de contrefaçon. La plupart des pourriels sont envoyés par les réseaux zombies.

Les attaques par hameçonnage sont des tentatives de vol des identifiants, des mots de passe et des données de carte de crédit d'une personne; en se faisant passer pour une institution fiable, le cybercriminel peut prendre le contrôle des comptes de messagerie électronique, du réseau social et des comptes bancaires de la victime. Les attaques par hameçonnage sont particulièrement efficaces étant donné que 70 % des internautes choisissent le même mot de passe pour la plupart des services internet qu'ils utilisent.

Les cybercriminels utilisent parfois les attaques par déni de service (DoS) pour extorquer de l'argent à des entreprises ou organisations. Une attaque DoS a pour but de rendre indisponibles une machine ou une ressource réseau pour les personnes censées les utiliser, en inondant la cible de demandes de communication externes de sorte qu'elle ne puisse pas répondre au trafic légitime de données, ou qu'elle y réponde avec une telle lenteur que le service devient pratiquement indisponible. D'une manière générale, les criminels utilisent les réseaux zombies pour se livrer aux attaques Dos.

3.6

Les organisations de cybersécurité s'accordent sur les mesures prioritaires à prendre par les citoyens et les entreprises pour se protéger contre les cyberattaques. Tout programme de sensibilisation et d'éducation à la cybersécurité devrait recommander les pratiques suivantes:

a.

Citoyens

utiliser des mots de passe fiables et faciles à retenir;

installer des antivirus sur les nouveaux appareils;

vérifier les paramètres de confidentialité sur les réseaux sociaux;

acheter en ligne en toute sécurité, toujours vérifier la fiabilité des sites de vente en ligne; et

télécharger les correctifs logiciels proposés.

b.

Entreprises

établir une «liste blanche» des applications;

utiliser des configurations de système standard et sûres;

appliquer les correctifs logiciels dans les 48 heures;

appliquer les correctifs du système d'exploitation dans les 48 heures;

réduire le nombre d'utilisateurs ayant les droits d'administrateur.

3.7

Les petites sociétés ne disposent souvent pas d'un soutien informatique suffisant pour se tenir au courant des cyberattaques potentielles, et ont donc besoin d'une aide spécifique pour pouvoir se protéger contre les cyberattaques.

3.8

La communication d'informations sur les cyberattaques et les vulnérabilités de systèmes est essentielle pour lutter contre les cyberattaques, en particulier lorsqu'il s'agit d'une attaque dite «du jour zéro», c'est-à-dire un nouveau type d'attaque jusque-là inconnue du monde de la cybersécurité. Toutefois, il n'est pas rare que les entreprises passent sous silence des cyberattaques en raison de craintes liées à leur bonne réputation et à une prise de responsabilités. Cette absence d'information nuit à la capacité de l'Europe à réagir rapidement et efficacement aux menaces informatiques, et à améliorer la cybersécurité générale par un apprentissage partagé.

3.9

Les citoyens et les entreprises achètent l'accès à l'internet et les services par l'intermédiaire des fournisseurs d'accès à internet. Compte tenu du rôle crucial qu'ils jouent en fournissant des services en ligne, ces prestataires doivent impérativement garantir à leurs clients un niveau de protection maximum contre les cyberattaques. De plus, en s'assurant que leurs propres services et infrastructures sont conçus et mis à jour pour garantir les meilleurs niveaux de cybersécurité, les fournisseurs d'accès à internet doivent apporter à leurs clients d'excellents conseils en matière de cybersécurité et mettre en place des protocoles spécifiques afin d'aide à identifier et à combattre les cyberattaques dont sont victimes ces mêmes clients. Il convient de définir cette responsabilité et de l'inscrire dans la législation européenne.

3.10

Pour l'économie de l'UE, il est primordial d'accélérer l'adoption de l'informatique en nuage par les citoyens et les entreprises d'Europe (3). Avec le renforcement de la dépendance vis-à-vis des services informatiques en nuage destinés à des applications à usage personnel ou professionnel, il devient important pour l'Europe de garantir notamment la cybersécurité des fournisseurs de services en nuage. L'incertitude liée à la sécurité des services en nuage a un impact très négatif sur le taux d'adoption de cette technologie dynamique. Le Comité souhaiterait que l'UE prévoie des exigences et obligations de sécurité spécifiques pour les fournisseurs de services en nuage afin d'encourager l'essor de l'informatique en nuage en Europe.

3.11

Des efforts particuliers doivent être fournis pour recruter du personnel dans le secteur européen de la cybersécurité. Selon les prévisions, la hausse de la demande en spécialistes de la sécurité de l'information de niveau universitaire devrait être plus de deux fois supérieure à celle de la main-d'œuvre de l'ensemble du secteur informatique. Dans ce contexte, le Comité attire également l'attention de la Commission sur l'importance des concours aux États-Unis et dans certains États membres pour la sensibilisation à la cybersécurité et la constitution d'une pépinière de futurs professionnels de ce secteur.

3.12

Une des meilleures stratégies de protection contre les cyberattaques consiste à opter pour une approche fondée sur la conception, en s'assurant que l'ensemble des technologies et des services utilisés en Europe pour fournir l'accès à internet et aux services en ligne sont conçus d'une manière qui garantit les meilleurs niveaux de protection contre ces cyberattaques. Les critères de conception devraient mettre tout particulièrement l'accent sur l'interface homme-machine. Cela nécessiterait une collaboration entre les fabricants d'équipements technologiques, les fournisseurs d'accès à internet, l'industrie de la cybersécurité, le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3), l'ENISA, les agences nationales de défense et de sécurité des États membres et les citoyens. Une telle approche fondée sur la conception en matière de cybersécurité pourrait être orchestrée au niveau de l'UE par la Commission, et éventuellement coordonnée par l'ENISA.

4.   Politique de l'UE en matière de cybersécurité

4.1

L'UE met actuellement au point une stratégie globale (4) visant à accroître la cybersécurité des citoyens européens:

Le pilier «Confiance et sécurité» de la stratégie numérique comporte quatorze actions visant à accroître la cybersécurité et la protection des données.

La directive «Cyberattaques» (5), qui doit être transposée dans le droit des États membres avant le 4 septembre 2015, fixe des règles concernant la définition des infractions pénales en la matière et les sanctions applicables aux auteurs de telles infractions.

Afin d'étendre les connaissances en matière de cybersécurité et de faciliter la coopération transfrontalière entre les États membres, l'UE a renforcé le mandat de l'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA).

Le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) a été créé au sein d'Europol pour lutter contre la cybercriminalité.

L'initiative politique relative à la protection des infrastructures d'information critiques (PIIC) est centrée sur la protection de l'Europe contre les perturbations informatiques, y compris les attaques, par le renforcement de la cybersécurité et de la résilience dans toute l'UE.

La stratégie pour un internet mieux adapté aux enfants vise à créer un environnement internet sûr pour les enfants et à lutter contre la diffusion en ligne de matériel pédopornographique et l'exploitation sexuelle des enfants.

La proposition de directive relative à la sécurité des réseaux et de l'information (SRI) invite les États membres à mettre en place un ensemble de moyens de SRI, par exemple une équipe d'intervention en cas d'urgence informatique (CERT) qui soit opérationnelle. Elle précise également les exigences en matière de sécurité des réseaux et d'établissement de rapports pour les fournisseurs d'infrastructures critiques.

4.2

Le CESE a réagi avec force à la proposition de la Commission relative à la sécurité des réseaux et de l'information (SRI) (6) car il considérait que les mesures proposées n'étaient pas assez fermes et n'inciteraient pas suffisamment les États membres à protéger leurs citoyens et entreprises contre les cyberattaques. Toutefois, au moment de l'adoption de la directive proposée, le Parlement a encore réduit son utilité en limitant son champ d'application aux fournisseurs «d'infrastructures critiques», et en excluant dès lors les moteurs de recherche, les médias sociaux, les passerelles de paiement par internet et les fournisseurs de services en nuage.

4.3

Maintenant, la directive SRI proposée ne suffira pas à garantir la mise en place de la législation nécessaire pour améliorer la sensibilisation à la menace et la capacité de réaction aux cyberattaques dans l'Union. Le Comité souhaiterait voir adopter une nouvelle législation qui rendrait obligatoire la signalisation de tous les incidents majeurs touchant la cybersécurité, et pas uniquement pour les fournisseurs d'infrastructures critiques. L'absence d'une telle obligation de signalisation contribue à la prospérité des cybercriminels qui profitent de l'ignorance des cibles vulnérables.

4.4

L'UE devrait envisager d'étendre le mandat de l'ENISA afin d'accroître la sensibilisation à la menace de cyberattaques et d'améliorer la capacité de réaction dans toute l'Union. Peut-être pourrait-on étendre le rôle de l'ENISA afin de lui confier la responsabilité directe des programmes d'éducation et de sensibilisation à la cybersécurité spécifiquement destinés aux citoyens et aux PME?

4.5

Le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) a été créé au sein d'Europol en 2013 pour accroître la capacité de l'Europe à lutter contre la cybercriminalité. EC3 fait office de plaque tournante des renseignements sur la criminalité en Europe et soutient les opérations et les enquêtes des États membres concernant des cyberattaques. Toutefois, dans son premier rapport annuel, EC3 prévient que ses ressources actuelles limitent d'ores et déjà la progression des enquêtes et qu'il ne sera pas en mesure de faire face aux enquêtes de grande envergure qui lui seront confiées.

4.6

L'UE devrait demander aux organisations européennes de normalisation — CEN, CENELEC et ETSI — de mettre au point des normes en matière de cybersécurité, applicables à tout logiciel, matériel informatique ou services basés sur internet en vente dans l'Union. Ces normes devraient être actualisées en permanence afin de tenir compte des nouvelles menaces.

4.7

Il y a lieu de légiférer afin de rendre obligatoire la signalisation des incidents majeurs touchant la cybersécurité pour toutes les entreprises et organisations, et pas uniquement les fournisseurs d'infrastructures critiques. Cela permettrait d'améliorer les stratégies d'atténuation des menaces «en direct» ainsi que les connaissances sur les cyberattaques commises et leur compréhension, afin d'aider les autorités, le secteur de la cybersécurité, les entreprises et les citoyens à améliorer la cybersécurité et à lutter contre les menaces. Pour encourager le partage des informations sur les cyberattaques, toute législation devrait prévoir un anonymat approprié pour les entreprises et les organisations signalant une attaque. Il conviendrait également d'envisager, le cas échéant, une protection de responsabilité.

4.8

En dépit des initiatives de l'UE, le niveau de capacités et de préparation diffère fortement d'un État membre à l'autre, ce qui entraîne des réactions en ordre dispersé aux cyberattaques dans l'UE. Étant donné l'interconnexion des réseaux et des systèmes, les États membres qui ont une approche très lâche de la cybersécurité affaiblissent la capacité d'ensemble de l'UE à affronter les cyberattaques. Des mesures doivent être prises pour amener tous les États membres à un niveau acceptable en matière de cybersécurité. Il convient d'accorder une attention particulière au fait que chaque État membre possède une équipe d'intervention en cas d'urgence informatique (CERT) pleinement opérationnelle.

4.9

Comme il l'avait déjà indiqué dans de précédents avis (7), le CESE estime que les mesures volontaires ne fonctionnent pas, et que des obligations réglementaires rigoureuses doivent être imposées aux États membres pour garantir l'harmonisation, la gouvernance et l'application d'une cybersécurité européenne.

4.10

En somme, afin d'être en mesure d'apporter aux citoyens et aux entreprises une protection réelle et actualisée contre les cyberattaques, la politique de l'UE en matière de cybersécurité doit se concentrer sur les mesures suivantes:

un rôle moteur pour l'UE de manière à pouvoir mettre en place les politiques, lois et institutions à même de favoriser des niveaux élevés de cybersécurité dans toute l'Union;

des politiques de cybersécurité améliorant la sécurité individuelle et collective tout en préservant le droit des citoyens à la vie privée ainsi que d'autres valeurs et libertés fondamentales;

une sensibilisation élevée des citoyens aux risques liés à l'utilisation de l'internet, et encouragement d'une approche préventive de protection de leurs dispositifs numériques, identités, données privées et transactions en ligne;

une gouvernance globale par tous les États membres afin de garantir la sécurité et la résilience des infrastructures d'information critiques;

une action bien informée et responsable de toutes les entreprises de manière à assurer la sécurité et la résilience de leurs systèmes informatiques, afin de protéger leurs opérations et les intérêts de leurs clients;

une approche volontariste des fournisseurs d'accès à internet visant à protéger leurs clients contre les cyberattaques;

une approche approfondie de partenariat en matière de cybersécurité dans toute l'UE, entre les gouvernements, le secteur privé et les citoyens, aux niveaux stratégique et opérationnel;

une approche fondée sur la conception afin d'intégrer la cybersécurité lors du développement des technologies et des services internet;

des niveaux appropriés d'investissements dans les connaissances et le développement des compétences en matière de cybersécurité afin de se doter d'une solide main-d'œuvre dans ce domaine;

de bonnes normes techniques de cybersécurité et des investissements suffisants dans la recherche, le développement et l'innovation, afin de soutenir le développement d'un secteur fort de la cybersécurité et de solutions de premier ordre;

un engagement international actif avec les pays tiers pour développer une politique et une réaction coordonnées à l'échelle mondiale face aux menaces de cybersécurité.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 40; JO C 76 du 14.3.2013, p. 59.

(2)  JO C 97 du 28.4.2007, p. 21;

JO C 175 du 28.7.2009, p. 92;

JO C 255 du 22.9.2010, p. 98;

JO C 54 du 19.2.2011, p. 58;

JO C 107 du 6.4.2011, p. 58;

JO C 229 du 31.7.2012, p. 90;

JO C 218 du 23.7.2011, p. 130;

JO C 24 du 28.1.2012, p. 40;

JO C 229 du 31.7.2012, p. 1;

JO C 351 du 15.11.2012, p. 73;

JO C 76 du 14.3.2013, p. 59;

JO C 271 du 19.9.2013, p. 127;

JO C 271 du 19.9.2013, p. 133.

(3)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 40; JO C 76 du 14.3.2013, p. 59.

(4)  JOIN/2013/01 final.

(5)  JO L 218 du 14.8.2013, pp. 8-14.

(6)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 133.

(7)  JO C 255 du 22.9.2010, p. 98; JO C 218 du 23.7.2011, p. 130; JO C 271 du 19.9.2013, p. 133.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/39


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Améliorer la transparence et le caractère ouvert des négociations d'adhésion à l'Union européenne»

(avis d'initiative)

(2014/C 451/06)

Rapporteure:

Marina ŠKRABALO

Lors de la session plénière du 22 janvier 2014, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Améliorer la transparence et le caractère ouvert du processus d'adhésion à l'Union européenne».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 132 voix pour et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

La politique d'élargissement de l'Union européenne, qui n'est peut-être pas le domaine le mieux accueilli de l'UE, fait partie des projets politiques les plus réussis. La transparence et le caractère ouvert du processus d'adhésion se sont améliorés ces dernières années; cela se ressent dans les processus actuels d'adhésion de la Serbie et du Monténégro. L'infléchissement stratégique des institutions européennes vers les fondamentaux (État de droit et gouvernance économique) ouvre la possibilité de renforcer la démocratie participative dans la politique d'élargissement dans son ensemble, et plus seulement en parallèle à celle-ci.

1.2

Plusieurs défis se profilent néanmoins. Une plus grande cohérence s'impose pour garantir que les institutions européennes et les gouvernements concernés adopteront une approche transparente et ouverte pendant tout le processus d'adhésion, pour la totalité des domaines politiques et dans l'ensemble des pays candidats et des pays candidats potentiels. Il existe un besoin d'intégration politique plus affirmée dans: (1) les négociations actuelles, (2) la promotion du développement de la société civile et du dialogue social, et (3) le renforcement des capacités des institutions, et chacun de ces trois points devrait être davantage reflété dans le financement des aides de préadhésion.

1.3

Le CESE recommande à la Commission européenne, au Conseil de l'Union européenne et au Parlement européen:

d'augmenter de manière substantielle son soutien financier à la construction de capacité institutionnelle et à l'engagement du citoyen dans le processus d'adhésion, ainsi qu'au renforcement du professionnalisme et de l'indépendance des médias;

d'encourager un dialogue à la fois civil et social plus intensif dans les pays de l'élargissement, et d'associer plus intimement celui-ci au processus d'adhésion;

d'accroître ses efforts de communication pour expliquer les avantages et défis de la politique d'élargissement aux citoyens européens, en coopération avec les organisations de la société civile;

de diffuser tous les documents importants pour les négociations d'adhésion, par exemple les rapports d'examen, les traductions de l'acquis de l'Union, ainsi que les critères d'ouverture et les critères de fermeture, et de publier ces documents sur les sites internet des délégations de l'UE;

d'imposer aux pays candidats l'obligation d'adopter et de mettre en œuvre une législation relative à l'accès du public à l'information et aux consultations publiques, et de garantir que cela fasse partie intégrante du suivi du processus d'adhésion;

d'appliquer les «Lignes directrices relatives au soutien de l'Union européenne à la société civile dans les pays concernés par l'élargissement, 2014-2020»  (1) de la DG Élargissement de la même manière dans tous les pays candidats, et de les réviser afin de traiter plus en détail les difficultés particulières rencontrées par les partenaires sociaux dans le contexte du dialogue social;

de viser à mettre intégralement en œuvre le Guide de soutien de l'Union européenne pour la liberté et l'intégrité des médias dans les pays candidats 2014-2020  (2) (disponible uniquement en anglais).

1.4

Le CESE recommande aux gouvernements nationaux des pays candidats:

d'adopter et de publier une politique écrite concernant l'accès et la publication de l'information liée aux négociations, garantissant que:

les structures, procédures et calendrier de négociation soient transparents et à la disposition du public;

les positions nationales de négociation soient à la disposition des parlementaires et qu'au minimum, des résumés soient accessibles au public;

d'inviter des représentants de la société civile, y compris les partenaires sociaux, à participer à tous les groupes d'experts, aux groupes de travail sur les différents chapitres et aux réunions de l'équipe des négociateurs principaux, à tous les moments où ils sont concernés par les questions d'adhésion;

de définir les priorités nationales avant de commencer le processus de négociation, en vue d'aider l'équipe des négociateurs principaux à défendre plus efficacement les secteurs prioritaires et parvenir ainsi à de meilleurs résultats de négociation;

de procéder régulièrement à des évaluations d'incidence lorsqu'ils préparent les positions nationales de négociation et l'harmonisation juridique, afin de repérer les risques en matière d'ajustement, d'engager des acteurs non étatiques, notamment issus du monde des affaires, des organisations syndicales et représentatives des groupes sociaux concernés par l'élaboration des évaluations d'incidence;

d'assurer une participation plus étroite des partenaires sociaux et des associations patronales à la gouvernance économique et aux réformes du marché de l'emploi, ainsi qu'au calcul des coûts économiques et sociaux de l'harmonisation, en garantissant la prise en compte des préoccupations relatives à la cohésion sociale et à la compétitivité;

d'associer les Conseils économiques et sociaux lorsque sont programmées des aides de préadhésion visant à répondre aux besoins des partenaires sociaux;

d'associer les partenaires sociaux, et d'autres parties prenantes telles que les associations professionnelles, à l'assistance technique et aux systèmes de financement accessibles à la société civile;

de garantir que les parlements nationaux jouent un rôle dynamique, délibératif et de supervision au sein du processus d'adhésion, de manière stratégique et en temps utile;

de s'abstenir d'avoir recours aux nominations directes dans les comités consultatifs mixtes, mais d'utiliser plutôt des procédures intégratives et transparentes, associant les Conseils économiques et sociaux et les organes consultatifs nationaux de la société civile, lors de la sélection des candidats.

1.5

Recommandations pour le CESE:

Les comités consultatifs mixtes (CCM) devraient tenter de combler les «créneaux vides» qui ne sont pas occupés par les autres instances dans le processus de négociations, et se concentrer sur un nombre limité de domaines, en particulier les quatre thèmes principaux de l'actuelle stratégie en matière d'élargissement: l'État de droit, la gouvernance économique, le renforcement des institutions démocratiques et des droits fondamentaux, ainsi que le renforcement à la fois du dialogue social et du dialogue civil;

Les CCM devraient maximiser leur communication en direction des parties prenantes à l'échelon national et aux autres niveaux, en organisant des auditions publiques, des consultations en ligne, et en mettant en place une coopération avec les conseillers TACSO (3), et en lançant des projets de suivi des politiques principales;

Il convient d'améliorer l'échange d'information entre les CCM et la Commission, le Conseil et les organes concernés du Parlement européen de manière à faciliter la communication entre les institutions européennes et les parties prenantes de la société civile dans les pays candidats;

Il convient de prendre de toute urgence des mesures visant à encourager et à faciliter davantage l'équilibre entre hommes et femmes parmi les membres du CESE dans les CCM.

2.   Principaux éléments et changements dans la politique européenne d'élargissement au cours des cinq dernières années

2.1

Si certains de ses effets sociétaux et politiques à long terme peuvent prêter à controverse, la politique d'élargissement de l'Union a certainement servi à accélérer l'évolution des structures nationales de gouvernance vers l'économie de marché et la démocratie, ainsi qu'à promouvoir la coopération régionale dans les Balkans occidentaux d'après-guerre. Concernant le champ d'application des négociations d'adhésion, les périodes de transition jusqu'à la mise en œuvre de la législation européenne sont une question majeure, tout comme les coûts financiers à la fois pour l'UE et les pays candidats. L'ouverture et la fermeture de chacun des chapitres de la négociation étant soumises à un vote unanime du Conseil, le rythme et le calendrier de celle-ci peut s'avérer extrêmement imprévisible, compte tenu de l'incidence potentielle des politiques nationales dans un ou plusieurs États membres.

2.2

L'UE s'est montrée ouverte aux améliorations et aux adaptations du processus de négociation en fonction de l'évolution des circonstances politiques. Il est important de noter que la méthode actuelle de négociation a considérablement évolué dans le temps, en suivant une approche «d'apprentissage par l'expérience», c'est-à-dire empirique.

2.3

Comme l'annonçait la Stratégie d'élargissement et principaux défis 2013-2014  (4) de la Commission, «l'importance de traiter d'abord les fondamentaux figure parmi les principaux enseignements du passé», et cela commence par le fait de placer l'État de droit «au cœur de la politique d'élargissement». Voilà qui représente un changement significatif de stratégie, puisque l'on passe des ajustements politiques particuliers à la vaste question de la gouvernance démocratique, comprise en fin de compte comme condition sine qua non d'une harmonisation politique intelligente et durable avec l'acquis de l'Union européenne. En conséquence, durant les négociations d'adhésion en cours (Monténégro, Serbie, Turquie), la Commission a l'intention de garder ouverts les chapitres 23 (Appareil judiciaire et droits fondamentaux) et 24 (Justice, liberté, sécurité) tout au long des négociations d'adhésion, dont le rythme dépendra probablement des progrès accomplis sur ces deux chapitres cruciaux.

2.4

D'une part, les changements dans la méthodologie des négociations d'adhésion sont une indication de la souplesse dont fait preuve l'Union européenne et du fait qu'elle se préoccupe réellement de l'efficacité des négociations. L'attention accrue prêtée à un élargissement «fondé sur des données probantes» a renforcé la position des acteurs non étatiques, qui fournissent une information indépendante précieuse pour les évaluations régulières qu'effectue la Commission dans ses rapports d'avancement. D'un autre côté, les changements introduits pourraient être perçus comme reflétant surtout le besoin sélectif de l'Union européenne de disposer de données probantes, tout en ignorant la charge administrative qu'elle impose aux pays négociateurs, à moins qu'il n'existe des procédures précises de recueil de données et d'engagement des parties prenantes.

2.5

Le Cadre de négociations avec la Serbie  (5) est le premier cadre de négociation à se référer explicitement aux principes d'ouverture et de transparence: «Afin de renforcer la confiance du public dans le processus d'élargissement, les décisions seront prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture, afin d'assurer une plus grande transparence. Les consultations et les délibérations internes seront protégées dans la mesure nécessaire pour préserver le processus décisionnel, conformément à la législation européenne relative à l'accès du public aux documents dans tous les domaines d'activité de l'Union». C'est une leçon importante que l'on peut tirer du cas de la Croatie, où le taux de participation a été le plus faible de tous les référendums d'adhésion (43,3 %), et celle-ci représente un progrès vers l'officialisation d'un certain nombre d'améliorations des pratiques dans le cas du Monténégro.

2.6

Le fait que l'UE se concentre davantage sur la gouvernance économique permet d'envisager la mise en place de stratégies de réformes économiques nationales et de plans d'action relatifs à la gestion des finances publiques, dans l'espoir qu'une information et une surveillance macroéconomiques intervenant en temps utile pourraient permettre de prévenir le prolongement de la récession économique et un déficit excessif, comme ce qui s'est produit en Croatie immédiatement après son entrée dans l'UE. En conséquence, il est prévu que les pays candidats fassent l'objet d'une surveillance comparable à celle des États membres de l'UE dans le cadre du «Semestre européen». Préparer à temps les entreprises est essentiel si l'on veut aider celles-ci à devenir plus compétitives et à relever les défis du marché unique de l'Union, tandis qu'associer les partenaires sociaux est crucial pour évaluer la dimension sociale des réformes économiques et trouver des accords à son sujet.

2.7

Conformément au Guide de soutien de l'Union européenne pour la liberté et l'intégrité des médias dans les pays candidats 2014-2020  (6) publié par la DG Élargissement, une société civile dynamique est cruciale pour le développement du pluralisme et de la démocratie participative. Le soutien de l'UE à la société civile devrait mettre l'accent sur la création (1) d'un environnement permettant à des activités de la société civile d'avoir lieu et (2) de la capacité permettant aux organisations de la société civile d'être des acteurs indépendants efficaces et responsables. Il semblerait que ce guide soit un instrument utile à l'intégration de la société civile, à la condition que sa mise en œuvre corresponde à son niveau d'ambition.

2.8

Jusqu'à présent, la politique d'élargissement n'a pas réussi à relever le défi d'informer les citoyens de l'UE au sujet de son importance vitale pour la sécurité et la prospérité de tout le continent, qui pourrait contribuer à apaiser les craintes susceptibles de survenir au sujet des prochains élargissements, parallèlement à d'autres formes de xénophobie, en particulier en période de crise économique. Au moment où les souvenirs de la guerre des Balkans commencent à s'effacer, la crise ukrainienne actuelle peut nous rappeler que nous pouvons tous être concernés par l'absence de paix et de démocratie.

3.   Accès du public aux documents de négociation

3.1

Même si le processus d'adhésion ne prévoit pas de fixer des conditions de transparence et d'ouverture, les attentes du public intéressé sont de plus en plus importantes dans les pays qui négocient leur adhésion à l'UE. Dans le cas de la Croatie, aucune information concernant les procédures techniques des négociations n'a été communiquée au public: malgré l'adoption d'un protocole relatif à la coordination politique interne au sujet des positions de négociation avec l'Union européenne, ce document n'a jamais été publié au journal officiel. Tous les documents relatifs à l'adhésion à l'Union européenne produits par le gouvernement croate, autres que les projets législatifs, ont été discutés et adoptés au cours de réunions gouvernementales à huis clos. Cela signifie que le public ne pouvait demander à consulter des documents, même non classifiés, en l'absence de toute information officielle sur leur existence. Ce n'est que sous l'effet d'une pression exercée pendant plusieurs années par la société civile que le gouvernement a accepté de publier des informations essentielles, relatives aux documents discutés pendant les réunions.

3.2

En matière de contrôle parlementaire, aucun pays n'a fait aussi bien que la Slovénie où le parlement national disposait du droit de veto concernant les positions de négociation (7); en outre, ces positions étaient en même temps divulguées au public. Bien que le parlement croate ait agi avec compétence en tant que gardien du consensus politique au cours des six années contraignantes de négociations avec l'UE, il n'a pas réussi à canaliser le vaste engagement des parlementaires, des experts et du public en général dans les délibérations politiques. L'accès aux positions gouvernementales sur les négociations et aux rapports étant limité aux responsables gouvernementaux et à des groupes choisis de membres du Comité parlementaire national de suivi des négociations d'adhésion, la vaste majorité des députés s'est retrouvée quasiment exclue du processus, sans parler du public en général. Ce scénario ne doit pas se répéter lors des prochains cycles de négociation.

3.3

La possibilité pour les acteurs non étatiques, les médias et les observateurs indépendants du processus de négociation d'obtenir en temps utile des informations a été également entravée du fait que les documents produits par la Commission européenne et le Conseil, tels que les positions communes de l'UE, n'étaient pas la propriété de la République de Croatie. En conséquence, le gouvernement croate a assuré qu'il n'avait pas l'autorité nécessaire pour les divulguer. Ceci s'est accompagné d'une absence de diffusion de la part des institutions européennes, qui n'ont jamais pris les devants (8).

3.4

Il y a eu une nette amélioration de la publication des documents liés à l'adhésion dans le cas du Monténégro. La Commission a publié sur son site internet tous les rapports d'analyse, qui peuvent servir d'instruments de diagnostic pour l'ensemble des parties prenantes, de manière à évaluer le degré de non-conformité de la législation nationale avec l'acquis de l'UE. En outre, le Conseil a publié anticipativement les positions communes de l'UE pour les chapitres 23 et 24, compte tenu de leur portée et de l'intérêt du public pour les réformes qu'elles impliquent. Il reste à voir si cette bonne pratique se traduira en une politique à suivre dans les cas de la Serbie et de la Turquie, ou bien concernant les chapitres déjà ouverts. En outre, aucune raison officielle ne s'oppose à la publication par le Conseil des critères d'ouverture, une fois ceux-ci approuvés à l'unanimité. L'accès à ces principaux documents de négociation dans des délais appropriés revêt une importance cruciale si l'on veut permettre l'apport et la contribution de la société civile, une couverture médiatique bien informée, et un suivi indépendant des actions du gouvernement visant à remplir ses obligations.

3.5

Tirant les leçons des précédents cycles d'élargissement, la Commission est devenue plus sensible au rôle vital joué par les médias indépendants et professionnels, comme l'ont montré l'organisation de deux conférences intitulées «Speak Up» en 2011 et 2013, ainsi que l'adoption du Guide de soutien de l'Union européenne pour la liberté et l'intégrité des médias dans les pays candidats 2014-2020, qui devrait également servir de base pour attribuer des financements. Le défi reste toutefois de quelle manière garantir la sensibilisation des médias au public européen, qui doit être informé de manière adéquate du sens et de la dynamique de la politique d'élargissement.

4.   Le rôle de la société civile dans le processus d'adhésion

4.1

La participation de la société civile au processus d'adhésion consiste en: (1) une participation directe aux négociations elles-mêmes (inspection, préparation des positions nationales, et surveillance de leur progression), (2) un dialogue social et civil lié à la formulation des politiques et à l'harmonisation législative avec l'acquis (3) une participation à la programmation des fonds de préadhésion, et (4) un suivi indépendant des avancées et des conséquences sociales des processus de réforme. L'accomplissement de ces missions nécessite un soutien financier adéquat, de la part du gouvernement national et au moyen des fonds de préadhésion de l'Union.

4.2

De nombreux experts de la société civile (plus d'un tiers de tous les membres) ont participé aux groupes de travail de la Croatie et du Monténégro chargés de préparer les positions de négociation. Dans ces deux cas, des appels ouverts à candidature ont été lancés et les noms de tous les membres des groupes de travail ont été publiés. Cependant, dans le cas de la Croatie, l'ampleur de la participation dépendait principalement du type d'encadrement propre à chaque groupe: dans certains cas, les membres des groupes d'étude n'ont pas eu la possibilité de consulter les projets de position de négociation nécessaires. En conséquence, la contribution de la société civile a concerné essentiellement l'étape initiale d'analyse et n'a eu qu'une influence limitée sur l'élaboration de la stratégie de négociation et sur les évaluations précoces des coûts et avantages sociaux et économiques.

4.3

Les institutions européennes ont fourni plusieurs canaux de communication pour consulter la société civile, dans le but de collecter des éléments probants concernant l'évolution des réformes liées à l'adhésion; notamment la correspondance en ligne, les consultations annuelles de la société civile à Bruxelles, des réunions organisées dans les pays concernés, des séances d'information et des manifestations publiques dans le cadre de visites effectuées par les responsables de l'UE. La Commission s'est également montrée ouverte à l'utilisation de rapports de suivi indépendants élaborés par des organisations de la société civile. Toutefois, la Commission a, de l'avis général, adopté une attitude beaucoup plus proactive vis-à-vis des ONG que vis-à-vis des organisations syndicales et des associations d'entreprises. Cela ressort des niveaux auxquels les contacts ont été pris, mais également du champ d'application et des objectifs des dispositifs d'aide de préadhésion destinés au développement des capacités et au suivi des politiques.

4.4

Rétrospectivement, le processus d'adhésion de la Croatie représente une occasion manquée de renforcement du dialogue social dans ce pays, dans le contexte de l'adhésion à l'Union, qui aurait pu contribuer à renforcer l'efficacité et à garantir l'évolution durable du dialogue social après l'adhésion à l'UE, comme cela s'est produit en Bulgarie. Les Conseils économiques et sociaux nationaux n'ont pas été suffisamment sollicités pour débattre des coûts des ajustements sociaux et économiques et des mesures d'accompagnement, ni pour contribuer à la programmation des aides de préadhésion. Seule une part très faible des fonds de préadhésion a été consacrée au renforcement des structures de dialogue social et des capacités organisationnelles des partenaires sociaux. On devrait avoir davantage recours à la structure capillaire des associations professionnelles et des syndicats, en tant que plateformes clé de délibération des coûts et avantages de l'adhésion, et de préparation de l'économie en temps opportun.

4.5

En ce qui concerne la formulation des politiques, dans le cas de la Croatie qui a suivi ainsi les tendances négatives des précédents cycles d'adhésion, plus de 80 % de la législation liée à l'acquis a suivi la procédure accélérée, souvent sans aucune consultation publique, et le champ d'application des analyses d'incidence réglementaires est resté très limité, ce qui a eu des répercussions négatives sur la qualité et la transparence des projets législatifs (9). Point positif, la programmation de l'instrument d'aide de préadhésion a été un facteur d'intégration, en particulier en ce qui concerne la composante de la société civile, et celle-ci a été dirigée par le Conseil de développement de la société civile, avec l'assistance technique du Bureau gouvernemental pour la société civile. Cette approche a débouché sur la création de régimes de subventions tout à fait adaptés, qui ont également contribué à garantir un suivi politique indépendant dans plusieurs domaines de réformes fondamentaux et qui ont permis d'importantes interventions des partenaires sociaux dans l'attribution de fonds destinés à renforcer les compétences en matière de dialogue social. L'incohérence entre les deux processus décrits ci-dessus devrait être évitée, et l'approche intégrative en matière d'élaboration des politiques devrait constamment prévaloir dans les prochains processus d'adhésion.

5.   Le rôle du CESE pour favoriser l'engagement de la société civile dans le processus d'adhésion

5.1

En vue de soutenir activement la politique d'élargissement, le CESE a mis en place des comités consultatifs mixtes (CCM) réunissant des organisations de la société civile, chargés de formuler des recommandations aux pouvoirs politiques des deux côtés, et de promouvoir le débat public sur l'intégration européenne dans les pays candidats. Ces structures ont permis la tenue de débats informés sur les négociations, en s'appuyant sur des perspectives multiples, et ont été utiles pour envisager les conséquences de l'adoption de l'acquis de l'UE pour les différentes catégories sociales, et pour favoriser la participation de la société civile à ce processus. Outre les CCM, le Forum de la société civile des Balkans occidentaux a servi de plateforme régionale pour s'adresser aux autorités politiques et a donné la possibilité de mettre en réseau les organisations de la société civile des Balkans occidentaux, tout en procédant à une analyse des principaux problèmes que rencontre la société civile dans cette région.

5.2

La liste ci-jointe comprend un certain nombre de problèmes recensés au cours des travaux des CCM:

les gouvernements ont eu tendance à exercer une influence excessive sur le processus de nomination des membres du CCM;

les travaux et les relations ont subi des interruptions en raison d'importantes rotations des membres des différents CCM issus du CESE; de même, cependant, un renouvellement tout à fait insuffisant du côté des pays partenaires pourrait avoir empêché la participation de nouvelles organisations;

les CCM ont des capacités d'organisation trop limitées pour être à l'écoute d'un cercle plus large d'organisations locales de la société civile, en dehors de la capitale et des centres urbains;

les CCM tendent à engager davantage de membres masculins du CESE, qui représentent actuellement une moyenne de 78 %. Cela représente un grave déséquilibre du point de vue de l'égalité des sexes, et le CESE est invité instamment à élaborer et mettre en œuvre des mesures visant à remédier à cette situation insatisfaisante.

5.3

Accroître la prise de conscience du rôle de la société civile et inclure les partenaires sociaux au processus d'adhésion, ont été à la fois une mission et un défi pour le CESE. Dans certains pays, les gouvernements ont maintenu une attitude négative à l'égard de la société civile et, dès lors, les recommandations formulées par le CCM ont eu un écho limité. Néanmoins, les CCM ont créé des occasions d'échanges directs entre la société civile, les responsables politiques et les fonctionnaires européens et nationaux, même si ceux-ci ont eu peu d'influence sur les politiques gouvernementales. Dans cette perspective, les CCM tireraient un grand profit d'un soutien plus important et d'une coopération plus étroite avec la Commission, le Conseil et le Parlement européen, qui garantirait que les préoccupations principales au sujet des réalités nationales de l'adhésion, émanant du dialogue social et du dialogue civil dans les différents pays, seront écoutées dans tous les domaines pertinents d'élaboration des politiques.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/civil_society/doc_guidelines_cs_support.pdf

(2)  http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/press_corner/elarg-guidelines-for-media-freedom-and-integrity_210214.pdf

(3)  TACSO est un projet financé par l'UE, d'assistance technique au développement des organisations de la société civile dans les pays de l'élargissement http://www.tacso.org/

(4)  COM(2013) 700 final.

(5)  http://register.consilium.europa.eu/doc/srv?l=EN&t=PDF&gc=true&sc=false&f=AD%201%202014%20INIT

(6)  Voir la note de bas de page no 2.

(7)  http://www.ijf.hr/eng/EU4/marsic.pdf

(8)  En pratique, le Conseil a communiqué les documents liés à l'adhésion sur demande, après suppression de l'information sensible, la plupart du temps liée aux positions et aux documents détenus par les États membres, au motif que ceux-ci nécessitaient des consultations intergouvernementales et portaient sur les relations internationales, conformément à l'article 4 du règlement (CE) no 1049/2001 du 30 mai 2001. La politique de classification du Conseil restreint également l'accès à l'information liée à l'adhésion au sein du Parlement européen, où des salles spécifiques sont réservées au stockage et à la consultation des documents classifiés.

(9)  Évaluation SIGMA de la Croatie, mai 2011.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

500e session plénière du CESE des 9 et 10 juillet 2014

16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/45


Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l’UE

COM(2014) 43 final — 2014/0020 (COD)

(2014/C 451/07)

Rapporteur:

M. IOZIA

Le 25 février 2014 et le 27 mars 2014, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l'UE

COM(2014) 43 final — 2014/0020 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 97 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) soutient pleinement la réforme structurelle du système bancaire, dont il considère qu'il s'agit d'une réforme clé par rapport aux nombreuses mesures législatives élaborées à la suite de la crise financière. Le CESE souligne que cette réforme permet, pour la première fois, d'amorcer une réglementation en profondeur du cœur même du système bancaire, et d'achever l'union bancaire. De plus, elle peut contribuer grandement au rétablissement de la confiance des entreprises et des citoyens et, dans l'intérêt du bon financement de l'économie, au renforcement du système bancaire européen et à la diminution des risques de contagion.

1.2

De l'avis du CESE, cette réglementation est indispensable et redéfinira la gestion de toute une série de services bancaires et financiers. Pour le Comité, il ne fait toutefois aucun doute que le règlement proposé ne sera pas suffisant pour éviter une autre crise. La réalisation de cet objectif requiert une modification en profondeur de la culture financière et l'adoption des principes éthiques dans les activités quotidiennes du secteur financier. Tous les acteurs concernés devraient être associés à l'élaboration d'un nouveau système financier et économique afin de créer un secteur financier durable et résilient et d'équilibrer au mieux les intérêts de toutes les parties prenantes. À cet effet, le CESE soutient et encourage un vaste accord visant à relancer l'économie et à rétablir la confiance dans les institutions financières, et invite la Commission à promouvoir un pacte social européen pour un secteur financier durable. Travailleurs, dirigeants, actionnaires, investisseurs, ménages, PME, industries et clients commerciaux, tous devraient trouver un accord stable et équitable afin de créer un secteur des services financiers axé sur le développement de la prospérité, le soutien de l'économie réelle, de la croissance et des emplois de qualité, le respect de l'environnement et la prévention des conséquences indésirables sur le plan social.

1.3

Le CESE juge nécessaire de garantir l'uniformité des critères d'évaluation des autorités nationales et recommande que la réglementation s'applique de façon homogène au niveau européen et qu'elle fasse si possible l'objet d'un accord avec les autorités nationales des pays tiers.

1.4

Le CESE est préoccupé par le choix consistant à autoriser la coexistence de diverses réglementations nationales aux côtés de la réglementation européenne. Il est en effet convaincu qu'une structure de ce type pourrait ne pas garantir l'application uniforme des nouvelles règles. Il se félicite que cette dérogation ne s'applique qu'à la législation en vigueur au moment où la proposition de règlement a été élaborée, à condition qu'une équivalence absolue avec le règlement à l'examen soit garantie.

1.5

Le CESE considère que le règlement proposé par la Commission est un instrument valable et efficace pour séparer les activités bancaires commerciales des activités d'investissement. En effet, par rapport aux méthodes prévues par différents États, la solution retenue est fondée sur un processus dialectique et d'évaluation qui permet de maintenir et de préserver le modèle de banque universelle et d'agir uniquement sur les risques excessifs qui y sont associés.

1.6

Le CESE souligne que l'incidence de la législation proposée sur l'emploi n'a pas été dûment prise en compte. L'ensemble de la réglementation sur les services financiers pourrait aboutir à la perte de centaines de milliers d'emplois et il est inacceptable qu'aucune mesure n'ait été prévue pour réduire l'impact direct et indirect considérable qu'elle aura sur le plan social. L'incidence directe du règlement à l'examen pourrait être limitée, mais l'influence qu'il risque d'avoir sur les activités des entreprises se répercuterait sur l'ensemble du système financier. Par ailleurs, force est de reconnaître que la diminution des risques que recèlent les banques sera bénéfique à l'ensemble de l'économie réelle et aura des effets positifs indéniables sur l'emploi en général.

1.7

Le CESE craint que l'augmentation des coûts ne se répercute sur les travailleurs. Bien que la Commission ait tenu compte de cette dimension dans son analyse d'impact, elle semble n'avoir pas consacré beaucoup d'attention à ce problème dans sa réforme. Il est vrai que les secteurs d'activité concernés par la réforme sont les secteurs à moins forte intensité de main-d'œuvre, mais les effets indirects de la réforme déboucheront sur des politiques de réduction des coûts susceptibles de se traduire par de nouvelles suppressions d'emplois, comme l'avaient annoncé d'importants établissements bancaires.

1.8

Les forces en jeu sont nombreuses (groupes de pression financiers, grands États membres, consommateurs et investisseurs, ménages, petites et grandes entreprises, associations...) et les intérêts très divergents. Les enseignements tirés d'un passé où les logiques imposées par le système financier prévalaient devraient désormais être clairs: l'intérêt public est primordial. Le Comité recommande par conséquent que l'on change de cap et que l'on place l'intérêt commun au centre des préoccupations, de façon à équilibrer les intérêts de toutes les parties prenantes, parce qu'il est convaincu que ce n'est qu'ainsi que la réforme sera efficace.

1.9

Le CESE estime que pour garantir un système financier durable, il faut une «finance patiente» qui renonce à la logique à courte vue du profit à tout prix et privilégie une logique d'efficacité et de stabilité à long terme. Le règlement à l'examen propose de modifier le modèle commercial.

1.10

Le CESE considère que la Commission doit accorder davantage d'attention aux investisseurs et aux travailleurs, qui ne sont actuellement guère pris en compte par la réforme. À long terme en effet, le caractère durable du système sera garanti par une confiance renouvelée qui créera un environnement plus sûr, tant pour les investisseurs que pour les travailleurs, qui participent activement au processus de gestion des risques.

1.11

De l'avis du CESE, il est utile et souhaitable que la réglementation soit appliquée de manière flexible. La «biodiversité» (1) des activités bancaires garantit en effet la stabilité et l'efficacité du système. Le CESE tient toutefois à préciser que ce principe ne doit pas être confondu avec le caractère arbitraire des règles.

1.12

Le CESE recommande à la Commission d'ajouter dans son analyse d'impact une évaluation détaillée de l'interaction entre les principales propositions du règlement actuel et d'autres initiatives récentes telles que la directive sur les exigences de fonds propres (CRDIV), la directive sur la résolution des défaillances bancaires (BRRD), le mécanisme de résolution unique (SRM), etc., ainsi qu'une évaluation des risques de migration vers des banques parallèles.

1.13

Le CESE préconise que les activités de surveillance fassent l'objet d'une étroite coopération et coordination entre l'autorité européenne de surveillance et les autorités nationales, qui connaissent bien les marchés et joueront un rôle essentiel dans la gestion de cette nouvelle finance européenne réformée.

2.   La proposition de règlement

2.1

Selon la Commission, la proposition à l'examen constitue un élément essentiel de la réponse de l'Union au problème des banques «trop grandes pour faire faillite» et vise à empêcher que le système bancaire européen présente des risques non contrôlés et non maîtrisés. Elle mettra un frein à l'expansion des activités purement spéculatives.

2.2

La proposition de règlement vise à prévenir le risque systémique, les difficultés financières ou la défaillance de grandes entités complexes et interconnectées du système financier, notamment d'établissements de crédit, et à réaliser les objectifs suivants:

(a)

réduire la prise de risques excessive au sein des établissements de crédit;

(b)

supprimer les conflits d'intérêts importants entre les différentes parties des établissements de crédit;

(c)

éviter une mauvaise allocation des ressources et encourager le financement de l'économie réelle;

(d)

contribuer à la non-distorsion des conditions de concurrence pour tous les établissements de crédit au sein du marché intérieur;

(e)

réduire l'interconnexion dans le secteur financier, source de risque systémique;

(f)

favoriser une gestion, un contrôle et une surveillance efficaces des établissements de crédit;

(g)

faciliter la résolution ordonnée des groupes et leur redressement.

La proposition de règlement établit des règles concernant:

(h)

l’interdiction de la négociation pour compte propre;

(i)

la séparation de certaines activités de négociation.

2.3

D'autres types de services/produits financiers supplémentaires (titrisation, obligations de société, produits dérivés, etc.) devront dès lors toujours être autorisés.

3.   Observations liminaires

3.1

Selon les estimations de la Commission, la crise financière a coûté environ 1  600 milliards d'euros aux gouvernements des États membres de l'UE, soit 13 % du PIB de celle-ci, sous la forme d'aides d'État consacrées au sauvetage du secteur financier.

3.2

Le secteur bancaire se caractérise par une concentration particulièrement élevée: 14 groupes bancaires européens figurent sur la liste des établissements financiers d'importance systémique au niveau mondial (SIFI), 15 groupes bancaires européens détiennent 43 % du volume de l'activité de marché, ce qui correspond à 150 % du PIB de l'UE-27, les trente premiers groupes détenant 65 % de ces activités.

3.3

La crise financière, qui a débuté aux États-Unis mais s'est propagée comme une traînée de poudre au système européen, a plusieurs causes, dont on peut considérer que les principales sont la prise de risques excessifs, le recours exagéré à l'effet de levier, l'inadéquation des exigences en matière de capital et de liquidités et la structure complexe du système bancaire en général.

3.3.1

En octobre 2012, le groupe Liikanen a déclaré qu'il était «nécessaire d'imposer une séparation légale, au sein des groupes bancaires, entre certaines activités financières particulièrement risquées et les activités de banque de dépôt. Les activités à séparer des autres incluraient la négociation pour compte propre sur valeurs mobilières et produits dérivés et certaines autres activités étroitement liées aux marchés de valeurs mobilières et d'instruments dérivés» (2).

3.4

À travers le règlement à l'examen, la Commission se propose de réduire les marges de risque du système bancaire et de mettre sous contrôle toutes les opérations présentant un potentiel spéculatif. Ce règlement doit être examiné en lien avec celui relatif à la déclaration et à la transparence des opérations de financement sur titre (3), qui est son corollaire et a pour objectif de réduire l'opacité de ce que l'on appelle les «banques parallèles». Il convient de rappeler que fin 2012, celles-ci géraient 53  000 milliards d'euros dans le monde, ce qui représente la moitié de l'ensemble des activités du système bancaire international, et ce principalement en Europe, avec quelque 23  000 milliards d'euros et aux États-Unis, avec 19  300 milliards d'euros. Ces chiffres sont impressionnants si on les compare au montant total du PIB de l'UE-28 qui, en 2013, ne dépassait pas 13  071 milliards d'euros (Eurostat).

3.5

La résolution McCarthy du Parlement européen (4) établit un certain nombre de principes fondamentaux; elle précise notamment que «le principe fondamental de la réforme bancaire doit être d'instaurer un système bancaire sûr, stable et efficace qui serve les besoins de l'économie réelle, des clients et des consommateurs; (...) la réforme structurelle doit stimuler la croissance économique en soutenant la fourniture de crédits à l'économie, notamment aux PME et aux jeunes pousses, renforcer la résilience face à d'autres crises financières éventuelles, rétablir la confiance dans les banques et éliminer les risques pour les finances publiques; (...) un système bancaire efficace doit aboutir à une modification de la culture bancaire afin de réduire la complexité, renforcer la concurrence, limiter la porosité entre les activités commerciales et les activités à risque, améliorer la gouvernance d'entreprise, instaurer un système de rémunération responsable, permettre un régime efficace de redressement et de résolution des défaillances des banques, renforcer le capital des banques et fournir des liquidités à l'économie réelle».

La surveillance des marchés internationaux est désormais plus forte, plus approfondie, et surtout elle s'accompagne de pouvoirs plus importants que par le passé, elle est moins discrétionnaire et offre davantage de garanties au marché et aux citoyens.

4.   Les points clés de l'audition

4.1

Le CESE estime que la Commission va dans la bonne direction mais juge utile de lui soumettre un certain nombre de points de vue qu'a fait apparaitre la discussion avec les différentes parties concernées et sur lesquels une réflexion suffisante n'a peut-être pas été menée. Aussi attire-t-il l'attention de la Commission sur quelques points clés des interventions des différents acteurs; si tous ne reflètent pas le point de vue du CESE, ils méritent néanmoins d'être rapportés fidèlement.

4.2

La réforme à l'examen a, d'une manière générale, été accueillie favorablement. L'interdiction de négocier pour compte propre et la séparation entre activités traditionnelles et activités de négociation sont en effet majoritairement perçues comme des instruments permettant de limiter la spéculation sur les produits financiers et de relancer les prêts bancaires, qui sont la principale source de financement des PME et ont été fortement restreints par les politiques de spéculation sur la négociation menées ces dernières années.

4.3

Il importe que la réforme soit appliquée en tenant compte de la diversité des modèles économiques afin que les banques locales puissent continuer à servir les économies locales.

4.4

Le modèle économique des banques populaires et coopératives mérite à cet égard une attention particulière. L'on a le sentiment que la réforme n'est guère adaptée ni adaptable à leur réseau spécifique. Plus particulièrement, l'on est préoccupé par le fait que la réforme puisse dénaturer leur mode de fonctionnement et leur présence quotidienne sur le terrain en soutien à l'économie réelle. Il est dès lors recommandé de préserver les spécificités de ces banques et la manière dont elles travaillent.

4.5

La réforme ainsi que les nombreuses autres mesures élaborées ces dernières années par la Commission permettront d'améliorer la transparence des différentes opérations et du système bancaire en général, mais elles en augmenteront globalement les coûts à divers niveaux. À cet égard, le débat a clairement mis en évidence la nécessité de disposer d'une analyse d'impact globale des réformes de la réglementation financière, même si l'on a conscience de la complexité de cette tâche.

4.6

L'on craint que ces coûts soient reportés, comme c'est souvent le cas, sur l'utilisateur final des services financiers. L'on se demande si les effets bénéfiques que les nouvelles mesures devraient produire s'agissant par exemple de la sécurité du système bancaire ne seront pas inférieurs aux effets négatifs.

4.7

S'agissant plus particulièrement du système de protection des personnes qui signalent des infractions, le Comité et les interlocuteurs sociaux qui se sont exprimés sur la question se félicitent des règles prévues par la Commission. Il est demandé que l'expression «protection adéquate» (article 30) soit mieux définie et que l'extension des règles prévues à tous les travailleurs soit clarifiée, en encourageant et en incitant ceux-ci à signaler d'éventuelles infractions.

4.8

S'agissant des sanctions prévues (articles 28 et 29), il est recommandé que la responsabilité des infractions éventuelles soit avant tout reconnue au niveau de l'institution et de la gouvernance, et non de l'individu.

4.9

S'agissant du système de rémunération en revanche, il est demandé que le règlement rappelle explicitement les dispositions de l'article 69 de la directive sur l'adéquation des fonds propres (DAFP IV).

5.   Observations du Comité économique et social européen

5.1

Le CESE accueille favorablement les mesures exposées dans la proposition de la Commission et souscrit au choix du règlement comme instrument juridique, en ce qu'il est adapté aux objectifs recherchés, à savoir harmoniser le marché unique pour éviter des arbitrages réglementaires et revenir à un système bancaire au service des citoyens et de la communauté, qui soit efficace et productif, soutienne l'économie réelle, les ménages, le développement équilibré et durable de la société, dans le cadre d'une vision à long terme qui sache conjuguer innovation et sécurité.

5.2

Le CESE a appuyé avec conviction les réformes qui se sont succédé et qui commencent à porter leurs premiers fruits. Le règlement à l'examen aborde l'un des problèmes les plus complexes et épineux de tout le système: la résilience et la structure juridique des établissements financiers, dont certains ont un volume d'activité supérieur au PIB de nombreux États membres. Le volume d'activité total des dix premières banques européennes est supérieur au PIB de l'UE-28 (5) (plus de 15  000 milliards d'euros).

5.3

Le règlement à l'examen entend trancher à la base le nœud gordien que constituent la taille, l'interconnexion et la complexité de certaines institutions dites «systémiques», c'est-à-dire susceptible de provoquer une crise du système. «Too big to fail» — trop grandes pour faire faillite — est devenu le nouveau mantra servant de prétexte pour abuser de comportements bafouant les principes éthiques les plus élémentaires mais aussi frauduleux et contraires à la loi, comme les scandales financiers plus ou moins récents continuent malheureusement de le montrer. Ces comportements sont qualifiés, par un doux euphémisme, de risque éthique («moral hazard»)!

5.4

Le commissaire Barnier a annoncé l'adoption du texte par ces mots: «Notre objectif est d'éviter l'existence de banques trop grandes pour faire faillite, trop coûteuses à sauver et trop complexes pour être restructurées».

5.5

Le CESE considère que les mesures proposées vont dans la direction souhaitée, c'est-à-dire qu'elles réduisent le risque que le contribuable soit encore mis à contribution dans le sauvetage des banques défaillantes, ainsi que le coût et la complexité de toute résolution de défaillance le cas échéant. Au lendemain des sauvetages répétés, le CESE avait mis en garde contre les effets désastreux de ceux-ci sur les dettes souveraines et, partant, contre les effets néfastes d'une récession qui s'annonçait inévitable. Malheureusement, ces prévisions se sont réalisées de manière encore plus dure que prévu, à cause d'erreurs incroyables commises concernant les incidences de la multiplication des politiques d'ajustement budgétaire exigées par les différentes situations nationales ou par une politique à courte vue et erronée de l'Union, qui n'a pas compris qu'une action souple était nécessaire et des mesures de compensation pour lutter contre la récession indispensables.

5.5.1

C'est seulement maintenant que l'on s'aperçoit des dégâts causés par cette politique et force est de reconnaître que seule la gestion éclairée de la zone euro par la Banque centrale européenne a permis d'éviter le pire et a sauvé l'euro et, en fin de compte, l'Union européenne. Si l'on avait écouté le CESE, l'on aurait peut-être pu éviter un grand nombre des effets négatifs qui se sont produits!

5.6

La Commission confère à juste titre un rôle déterminant à l'Autorité bancaire européenne (ABE) dans le cadre du règlement à l'examen. Elle sera consultée s'il faut adopter certaines décisions conformément à la proposition à l'examen, sera chargée de préparer des projets de normes réglementaires et de normes techniques d'exécution et devra tenir la Commission informée de l'application du règlement par voie de rapports. À plusieurs reprises, le CESE avait signalé que la Commission n'attribuait pas des ressources et un rôle suffisants à cette autorité importante en dépit de son professionnalisme indiscutable.

5.7

En 1999, les États-Unis ont approuvé une loi abrogeant le Glass-Steagall Act et plus particulièrement la séparation entre banque commerciale et banque d'investissement. Malheureusement, l'Union européenne s'est elle aussi ralliée au choix funeste de l'administration américaine. Le CESE fait observer que les dispositions actuelles rétablissent de fait la séparation entre les secteurs d'activité et vont même plus loin puisqu'elles interdisent, à l'une ou l'autre exception près, aux établissements de crédit qui reçoivent des dépôts de pratiquer la négociation pour compte propre et de détenir des actifs à des fins de négociation.

5.7.1

Il est essentiel que l'UE coopère étroitement avec les pays tiers, en particulier les États-Unis, afin d'adopter une approche concrète commune du règlement proposé. Le CESE invite dès lors la Commission à renforcer la coopération internationale.

5.8

La proposition de règlement laisse une grande marge d'appréciation aux autorités compétentes. Il est indispensable que celles-ci fondent leur action et leurs évaluations sur des critères clairs, harmonisés et prévisibles qui définissent à quel moment une banque ne peut plus continuer à gérer les risques élevés liés à la négociation. Faute d'un cadre de référence commun, le risque d'interprétation subjective produirait des effets contraires à ceux souhaités conformément aux dispositions de l'article 114 du TFUE.

5.9

Le CESE se félicite que la Commission ait finalement renoncé à une séparation a priori des activités de marché et des activités de négociation pour compte propre et ait opté pour un choix a posteriori; c'est la raison pour laquelle il est essentiel de disposer de normes techniques, dont la préparation a, de manière judicieuse, été confiée à l'ABE. Dans la perspective de l'application des dispositions en matière de résolution, et plus particulièrement de la mise en place de l'autorité de résolution, approuvée en décembre 2013 par le Conseil Ecofin, le CESE recommande que l'on prévoie dès à présent les modalités selon lesquelles seront définies et coordonnées les responsabilités entre l'ensemble des acteurs nationaux et européens afin d'éviter tout risque de doublons en matière de prise de décisions ou pire, d'interprétation et d'évaluation divergentes par les autorités compétentes. L'autorité de résolution unique devrait être associée au processus dès la mise en place du mécanisme et participer, avec l'ABE, à la définition des normes techniques.

5.10

Le CESE ne partage aucune des critiques émises par la Commission concernant l'importance relative des activités susceptibles d'être séparées. Ces activités avaient un poids plus que considérable dans certains établissements bancaires et l'absence d'une réglementation ad hoc a exposé ceux-ci à des risques extrêmement élevés qui auraient pu déboucher sur une crise systémique bien pire que celle que nous avons connue, qui aurait eu des effets désastreux sur le système des paiements et l'économie en général. Seules l'injection, au détriment du citoyen, d'un montant considérable d'argent frais et la capacité de réaction de la BCE, ont permis d'éviter la catastrophe.

5.11

Le CESE est reconnaissant à la Commission d'avoir intégré dans le règlement des dispositions visant explicitement à protéger les membres du personnel du secteur bancaire qui ont à souffrir de répercussions très négatives lorsqu'ils dénoncent des irrégularités et qui se conforment à un devoir civique mais subissent des mesures de rétorsion morale et perdent parfois leur emploi. Il convient d'encourager et de soutenir ces activités de surveillance interne (ou dénonciation des abus). Le respect des législations est souvent négligé, contourné, voire violé, ce qui expose les institutions bancaires et leur personnel à des risques incalculables. La découverte récente d'agissements contraires à toute règle et à toute législation de la part de certains établissements connus et très respectables, a été possible grâce à la collaboration active de certains employés!

5.11.1

Le CESE demande à la Commission de surveiller de manière spécifique l'obligation qu'ont les États membres d'adopter des législations visant à assurer une protection adéquate et de présenter un rapport en la matière dans un délai de deux ans à compter de la mise en œuvre du règlement.

5.12

Le CESE est très sensible à la question des relations avec les pays tiers, en particulier en ce qui concerne la réciprocité et le respect des législations par tous les acteurs concernés qui opèrent sur le territoire de l'Union. Il considère que les mesures de la Commission sont équilibrées et soutient dès lors sa proposition en la matière. Le CESE recommande que l'on poursuive et renforce la coopération avec les États-Unis, en particulier dans le domaine de la régulation financière afin de disposer de systèmes qui soient le plus homogène possible et qui traitent de manière uniforme des questions identiques.

5.13

Le CESE se félicite en outre que les règlements de la Commission commencent à prendre en compte l'un des points sur lesquels il a le plus insisté par le passé, en l'occurrence les sanctions administratives, les sanctions pénales ne relevant pas de son domaine de compétence. Les propositions de la Commission paraissent cohérentes, appropriées et dissuasives.

5.14

Le CESE a émis à maintes reprises des réserves quant à l'utilisation des actes délégués. En effet, bien que le Comité reconnaisse l'importance de ce système s'agissant de l'adaptation de la réglementation au fil du temps, il souligne cependant qu'il introduit des éléments d'incertitude, ce qui n'est pas souhaitable en l'occurrence.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 100 du 30.4.2009, p. 84.

(2)  http://ec.europa.eu/internal_market/bank/docs/high-level_expert_group/report_fr.pdf

(3)  COM(2014) 40 final.

(4)  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+PE-506.244+01+DOC+PDF+V0//FR&language=FR (2013/2021(INI).

(5)  http://www.relbanks.com/top-european-banks/assets


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/51


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission — Feuille de route pour l’achèvement du marché unique concernant la livraison de colis — Instaurer la confiance dans les services de livraison et favoriser les ventes en ligne»

COM(2013) 886 final

(2014/C 451/08)

Rapporteure:

Mme RONDINELLI

Le 16 décembre 2013, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission — Feuille de route pour l'achèvement du marché unique concernant la livraison de colis — Instaurer la confiance dans les services de livraison et favoriser les ventes en ligne»

COM(2013) 886 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 107 voix pour, 2 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la feuille de route pour l'achèvement du marché unique concernant la livraison de produits vendus en ligne, qui présente d'importantes potentialités en termes de développement et d'emploi. Des services de livraison efficaces et fiables constituent un levier de première importance pour la promotion du commerce électronique et le renforcement de la confiance entre vendeurs et acheteurs.

1.2

Selon le CESE, l'achèvement du marché unique concernant la livraison de colis et l'élimination de l'écart significatif existant entre attentes, protections et disponibilité effective exigent que les conditions suivantes soient remplies: responsabilité solidaire, traçabilité, localisation et interopérabilité; accès à une gamme de choix plus large sur l'ensemble du territoire de l'UE (y compris les zones insulaires); sécurité juridique en matière de droits et de devoirs des acteurs concernés — en particulier les PME et les consommateurs — notamment en ce qui concerne les réclamations et les restitutions; système simple et comparable de collecte des données; importance de la dimension sociale et de la formation.

1.3

Le CESE réaffirme (1) que cet objectif devrait reposer non seulement sur des accords et des codes volontaires souhaitables mais aussi sur un cadre réglementaire européen minimal, à même de pallier de manière efficace et flexible les insuffisances persistantes du marché qui découragent les consommateurs et les PME de recourir au commerce électronique, et de régler les problèmes relatifs aux aspects suivants:

coresponsabilité des opérateurs de toute la chaîne de vente en ligne,

traçabilité et localisation des livraisons,

respect explicite des normes européennes de protection des données personnelles,

transparence de choix entre plusieurs options de livraison,

définitions communes des concepts et pleine interopérabilité,

service universel accessible à un coût abordable,

collecte de données statistiques comparables et détaillées, simplifiées pour les petits opérateurs,

obligation d'appliquer un régime uniforme en matière de TVA,

acceptation mutuelle au niveau transfrontalier des systèmes en réseau des centres nationaux de résolution des problèmes et dispositifs de RLL/REL (2),

obligation d'assurer des conditions de travail équitables,

transparence relative aux conditions et au prix des services,

formation professionnelle continue du personnel,

sanctions en cas de non-respect des obligations, constaté au moyen d'un système d'alerte RAPEX — IMI (3),

création d'un label européen de fiabilité reposant sur des normes techniques et réglementaires élaborées sur la base d'un mandat confié au CEN (4) et établissant des indicateurs de qualité,

mesures en faveur des petites et moyennes entreprises en termes de simplification et d'accès au marché et à des plateformes internet dans des conditions d'égalité.

1.4

Le CESE souhaite que la feuille de route fixe des délais clairs et un calendrier précis pour la mise en œuvre de ces dispositions, tant du point de vue de la législation que de l'autoréglementation, afin d'améliorer le niveau de confiance entre tous les opérateurs concernés, notamment les citoyens européens, en veillant au plein respect et à la protection de leurs droits respectifs.

1.5

Le CESE demande que la feuille de route prévoie deux autres mesures, portant respectivement sur l'accessibilité du service à un coût abordable et sur la dimension sociale du marché.

1.6

Le CESE recommande à la Commission, au PE et au Conseil de veiller à ce que:

un cadre réglementaire européen qui permette à tous les opérateurs du secteur d'accéder au marché unique de la livraison de colis et garantisse que l'accent soit notamment mis sur la question du caractère universel et du coût abordable de ces services, en particulier dans les zones périphériques, de montagne, insulaires et défavorisées;

pour remédier à l'absence de cadre statistique détaillé et comparable relatif à l'ensemble de la chaîne, depuis la commande en ligne jusqu'à la livraison transfrontalière de produits, l'on applique des procédures simplifiées, selon le principe d'une approche unique applicable dans tous les cas de figure;

une architecture commune et ouverte soit établie, reposant sur des définitions communes, avec le concours de toutes les parties prenantes, notamment les PME, pour une gestion en interopérabilité de plateformes internet interactives et conviviales, sous le contrôle de la Commission européenne (CE);

des orientations claires soient fournies concernant les instruments financiers européens existants en matière de recherche et d'innovation technologique, d'environnement et de climat, d'énergie et de transport, de nouvelles compétences professionnelles et de formation, de cohésion, de territoire et de petites entreprises;

un soutien approprié soit apporté aux PME lors de la mise en œuvre de la feuille de route, avec des mesures concrètes et des fonds appropriés pour la promotion de leur participation au commerce en ligne, dans des conditions d'égalité;

dans l'esprit du «Small Business Act», l'on établisse une réglementation adaptée aux difficultés rencontrées par les PME opérant dans l'ensemble du secteur des transports et de la logistique, avec le soutien de leurs organisations de référence;

un mandat soit au plus vite confié au CEN afin qu'il élabore des normes concernant des indicateurs de qualité pour un label européen de sécurité et de qualité des livraisons, de manière à offrir des gages de qualité, de fiabilité et de durabilité, ainsi que des garanties sociales et de sécurité;

une dimension sociale forte et cohérente soit assurée, garantissant au niveau européen un dialogue social sectoriel élargi, l'accès à des possibilités adéquates de formation et de reconversion professionnelle, des conditions de travail et de rémunération équitables et dignes, l'élimination du travail précaire et non déclaré, surtout présent dans les tâches externalisées du «dernier kilomètre».

1.7

Le CESE invite la CE à présenter, avec l'aide d'Eurofound, un rapport bisannuel sur les conditions d'emploi et de travail dans ce secteur, sur les conditions appliquées aux consommateurs et aux opérateurs de toute la chaîne et sur leurs perspectives de développement, à soumettre au CESE, au Parlement (PE), au Conseil et aux partenaires sociaux.

2.   Du livre vert à la feuille de route

2.1

Le commerce électronique constitue pour la croissance de l'économie et de l'emploi en Europe un moteur potentiel, estimé à plus de 10 % par an entre 2013 et 2016 (5). Quelque 45 % des citoyens de l'UE ont effectué des achats en ligne au cours des douze derniers mois et ont confirmé que la plupart des problèmes concernent les livraisons ou les retards de livraison (6).

2.2

La CE a identifié (7) les «principaux obstacles au marché unique numérique, ainsi qu'un plan d'action pour les éliminer», mais «10 % des personnes n'achètent pas en ligne (8) car elles sont inquiètes du coût des services de livraison, notamment transfrontaliers et de la qualité du service».

2.3

Dans son avis sur le livre vert (9), le CESE a appelé de ses vœux une directive portant sur la définition d'un régime de responsabilité conjointe applicable aux opérateurs, sur la traçabilité et la localisation des livraisons, l'obligation d'offrir plusieurs options de livraison, un réseau européen de centres nationaux de résolution de problèmes, l'obligation d'assurer des conditions de travail équitables et un devoir de transparence concernant les conditions et les prix.

2.4

Le débat sur le livre vert a été suivi en décembre 2013 de la communication sur la feuille de route pour l'achèvement du marché unique concernant la livraison de produits vendus en ligne (10).

2.5

Selon de récentes enquêtes réalisées au niveau international (11), les facteurs freinant le plus le développement du commerce électronique entre entreprises et particuliers (B2C, business to consumer) sont les suivants:

l'impossibilité d'être immédiatement informé des options de livraison et d'avoir des garanties quant au coût global de l'achat en ligne;

l'impossibilité d'être tenu au courant de l'état d'avancement de la livraison et de sa traçabilité;

la lenteur des délais d'expédition et/ou l'absence d'indication ou le manque de flexibilité des délais de livraison;

la gestion des restitutions et des échanges, compliquée et coûteuse;

l'absence de service clientèle en temps réel.

2.6

La CE affirme que l'on ne dispose toujours pas de «données pertinentes sur le trafic national et transnational de colis auprès de tous les prestataires de services postaux actifs sur les marchés de la livraison de colis B2C et B2B, y compris auprès des intermédiaires, des regroupeurs et des opérateurs alternatifs (12)».

2.7

Diverses études confirment que le potentiel de comportements anticoncurrentiels est plus élevé dans certains segments du service postal que dans d'autres, raison pour laquelle il semble plus justifié d'y assurer un contrôle réglementaire: par exemple le marché B2C par rapport aux opérations B2B, les services transfrontaliers par rapport aux services postaux domestiques (13).

2.8

Le CESE se félicite qu'une grande partie des conclusions présentées dans son avis sur le livre vert aient été prises en compte. En effet, le Conseil (14) et le PE (15) ont eux aussi invité la CE à déterminer les barrières actuelles aux services de livraison transfrontalière et à adopter des mesures adéquates pour y remédier et le PE a également réclamé (16) des services de livraison accessibles, abordables, efficaces et de grande qualité, ainsi que des plateformes d'échange d'informations et de coopération entre les opérateurs de services de livraison, avec une gestion rapide et à un coût minime des réclamations et des litiges.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE estime important de regagner la confiance des PME et des consommateurs en ligne grâce à des réseaux et des systèmes fonctionnant en interopérabilité et assurant une gestion rapide et à un coût abordable, dans un cadre adapté de réglementation et autoréglementation accepté par tous les opérateurs de la chaîne afin de disposer d'un marché intérieur libre et ouvert et d'éviter toute surréglementation inutile. Il demande en conséquence que la feuille de route soit mise en œuvre dans des délais précis, selon un calendrier de 18 mois préétabli.

3.2

Le CESE considère que l'UE doit achever la réalisation du marché unique dans le domaine de la livraison de colis, en veillant à la rapidité, la qualité, la fiabilité et la modicité des coûts de ces services, dans l'intérêt des consommateurs, des travailleurs et de tous les opérateurs, y compris les PME opérant dans les secteurs du commerce électronique, des transports et de la logistique, et en remédiant aux défaillances et aux dysfonctionnements actuels du marché unique.

3.3

Cependant, le CESE s'attendait à ce que la communication contienne également une référence spécifique à la situation des régions géographiquement défavorisées telles que les îles, les régions ultrapériphériques et les montagnes, dès lors qu'il estime que ces régions sont confrontées à des défis spécifiques et difficiles à relever, en raison en particulier de considérations de faisabilité économique: un marché unique pour la livraison de colis ne pourra être réellement parachevé que si ces régions font l'objet de l'attention et des mesures qui s'imposent.

3.4

Selon le CESE, le cadre d'actions proposé repose essentiellement sur des processus volontaires d'autoréglementation, sur les réglementations des services postaux nationaux et sur l'action du groupe des régulateurs européens dans le domaine des services postaux, ainsi que sur les principes de bonne application des réglementations européennes déjà en vigueur, sans proposer de cadre uniforme pour l'ensemble des opérateurs ni fixer d'échéances spécifiques dans le cadre des 18 mois indiqués.

3.5

Le CESE note que la feuille de route ne prévoit pas encore de soutenir les processus d'autoréglementation — la nécessité d'une directive a déjà été mise en avant par le CESE (17) — afin de pouvoir apporter à tous les opérateurs du secteur une réponse complète, cohérente et consolidée aux exigences d'achèvement du marché unique concernant la livraison transfrontalière de colis.

3.6

Le CESE estime que l'UE doit prévoir une solution européenne en promouvant l'autoréglementation et la réglementation afin de traiter les problèmes encore en suspens sur le marché et de protéger les consommateurs et les PME (B2B) s'agissant des éléments suivants:

coresponsabilité de tous les opérateurs de la chaîne de vente en ligne vis-à-vis de l'acheteur;

obligation de pleine traçabilité et de localisation des livraisons;

respect explicite des règles de sécurité et de protection des données personnelles, conformément à la directive 95/46/CE;

obligation d'offrir au consommateur une transparence de choix entre plusieurs options de livraison;

obligation d'adopter des définitions communes des concepts et d'assurer une pleine interopérabilité;

obligation de garantir un service universel à un coût abordable pour tous les opérateurs du marché libre, en tenant compte des réglementations en vigueur, notamment les directives postales et les autres réglementations pertinentes de l'UE;

collecte de données statistiques comparables et détaillées;

obligation d'appliquer un régime uniforme en matière de TVA;

acceptation mutuelle au niveau transfrontalier des systèmes en réseau des centres nationaux de résolution des problèmes et des dispositifs RLL/REL;

obligation d'assurer des conditions de travail équitables;

obligation de transparence relative aux conditions et au prix des services;

obligation d'organiser une formation professionnelle continue du personnel, pour garantir qu'il dispose des compétences techniques nécessaires face à l'introduction de nouvelles technologies dans ce secteur;

sanctions en cas de non-respect des obligations, constaté notamment grâce à un système d'alerte RAPEX-IMI, et pénalités infligées sur la base d'indicateurs de qualité;

mesures en faveur des PME en termes de simplification bureaucratique et administrative, d'accès au marché et de participation à la définition conjointe d'applications communes liées aux nouvelles technologies et aux portails et plateformes internet.

3.7

Même si les propositions se réfèrent à la compatibilité avec le cadre financier de l'UE pour la période 2014-2020, le CESE estime que la feuille de route devrait obligatoirement comporter des références explicites aux instruments financiers européens pertinents, et ce dans les domaines suivants:

R & I technologique (Horizon 2020, programmes Galileo, ISA et stratégie numérique), s'agissant de l'interopérabilité, de la traçabilité et de la sécurité;

environnement et climat, énergie et transport (7e programme d'action pour l'environnement, cadre pour les politiques en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030 et action «Gaz à effet de serre dans les transports au sein de l’UE: perspectives d'ici à 2050 II»), eu égard à l'impact du dernier kilomètre de la livraison;

PME: interventions de la BEI en faveur des entreprises innovantes, programme COSME et toutes les ressources européennes disponibles pour assurer la compétitivité à égalité avec les autres opérateurs;

cohésion territoriale (nouvelle programmation des fonds structurels 2014-2030 et des interventions en faveur des zones insulaires, rurales et ultrapériphériques);

emploi et formation («Une stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois», «Agenda du consommateur européen — Favoriser la confiance et la croissance», programme Erasmus+ 2014–2020, éducation et formation).

3.8

Le CESE recommande à la CE de donner mandat au CEN d'élaborer des normes techniques et réglementaires européennes avec la pleine participation de tous les intéressés, en particulier les PME et les consommateurs, et juge nécessaire d'élaborer des indicateurs pour un label européen de sécurité et de qualité des livraisons, afin de garantir la qualité, la fiabilité et la durabilité, et d'offrir des garanties sociales et de sécurité.

4.   Observations particulières

4.1

Le CESE fait valoir la nécessité de deux autres actions concernant la garantie d'accessibilité et la dimension sociale du marché.

4.1.1   Action: accès au marché et disponibilité à un prix abordable

4.1.1.1

Le CESE demande que l'on prévoie, lors de l'octroi du label de qualité, l'obligation de garantir l'accès au marché et la disponibilité du service à un prix abordable sur l'ensemble du territoire de l'UE. Le CESE regrette de constater que les zones périphériques et les îles ne font pas l'objet de considérations spécifiques et attend donc de la nouvelle réglementation qu'elle cible la vulnérabilité géographique sur le marché du commerce électronique, dès lors qu'un pourcentage substantiel des citoyens de l'UE vivent dans ces zones.

4.1.1.2

Le CESE estime qu'il convient d'assurer à tous les opérateurs le plein accès aux structures et sources d'information utilisées pour la fourniture de services de livraison, afin de protéger les intérêts des utilisateurs et/ou de promouvoir une concurrence efficace.

4.1.1.3

Le CESE demande à la CE de revoir la communication de 1998 relative à l'application des règles de concurrence au secteur, à la lumière des développements de la réglementation et du marché ayant une incidence sur les services transfrontaliers et sur les coûts standard, en vue de la mise en œuvre de politiques plus libérales et orientées vers les coûts (18), dans le respect des dispositions du protocole 26 annexé au traité de Lisbonne, notamment en ce qui concerne l'accès universel et des prix abordables des services d'intérêt économique général.

4.1.2   Action: dimension sociale du marché

4.1.2.1

Le CESE demande que soit assurée une dimension sociale forte et cohérente, pouvant garantir, parallèlement aux efforts d'innovation déployés par les entreprises des secteurs concernés, des emplois qualifiés et de qualité élevée, notamment grâce à l'accès à des possibilités adéquates de formation et de reconversion professionnelle.

4.1.2.2

Le CESE rappelle la nécessité de garantir des conditions de travail et de salaire dignes et équitables, afin d'éliminer le travail précaire et non déclaré, notamment en ce qui concerne les tâches externalisées du «dernier kilomètre», et renvoie aux dispositions du règlement UE no 1071/2009 sur l'accès à la profession, de la décision 2009/992/UE et du règlement UE no 1213/2010, qui établissent une définition de la «relation de travail» permettant d'engager des actions contre les faux indépendants, comme rappelé dans un récent avis du CESE (19).

4.1.2.3

Le CESE recommande la mise en œuvre d'un dialogue social européen élargi auquel soient associés les partenaires sociaux représentatifs des secteurs concernés de toute la chaîne de ventes en ligne et de livraison de colis (services commerciaux, postaux, logistiques et de transport), afin de traiter des questions liées aux conditions d'emploi et de travail ainsi qu'aux perspectives de développement, d'innovation et de valorisation des ressources humaines.

4.1.2.4

La CE doit rédiger, avec l'aide de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, un rapport bisannuel sur les conditions d'emploi et de travail dans ce secteur et sur les perspectives de développement, à soumettre au CESE, au Parlement européen, au Conseil et aux partenaires sociaux.

4.2   Action 1: information des consommateurs sur les caractéristiques et les coûts de livraison et de retour

4.2.1

Le CESE considère que les codes de conduite volontaires et l'échange de bonnes pratiques ne peuvent représenter des solutions complémentaires viables au niveau de l'UE que si elles sont élaborées et acceptées par toutes les parties prenantes du marché des ventes en ligne, sur la base d'un cadre réglementaire européen régissant l'ensemble des questions soulevées par les livraisons transfrontalières de produits en ligne, de manière à protéger les consommateurs, les petits opérateurs et les PME, dans des conditions d'égalité et sans leur imposer de charges difficilement supportables.

4.3   Action 2: information des détaillants en ligne sur les services de livraison

4.3.1

L'élaboration par les opérateurs de services de livraison et les détaillants en ligne de définitions communes des concepts de base des services, sans la participation des représentants des consommateurs et des PME, risque de négliger des aspects essentiels pour le choix des consommateurs et de limiter l'éventail des options disponibles.

4.3.2

Le CESE demande que soit définie conjointement avec toutes les parties prenantes une architecture commune ouverte et interactive, à l'image du projet «fret en ligne» (20).

4.3.3

Le CESE demande que la CE assure le contrôle de la bonne gestion des plateformes internet, suivant des critères objectifs prédéfinis et favorables au consommateur, sur la base du cadre réglementaire qu'il appelle de ses vœux.

4.4   Action 3: transparence des marchés de la livraison, services intégrés et normes de qualité

4.4.1

Les autorités douanières et postales, fiscales et financières, ainsi que le secteur commercial, doivent remédier à l'absence de cadre statistique détaillé et comparable concernant la chaîne d'opérations et d'acteurs concernés, depuis la commande en ligne jusqu'à la livraison transfrontalière de produits, en recueillant des données pertinentes, homogènes et comparables sur les flux transfrontaliers de colis auprès de tous les fournisseurs de services opérant sur le marché, sur la couverture du service universel et sur les modalités de retour et de traitement des réclamations.

4.4.2

La collecte de données doit s'effectuer de manière uniforme, sans imposer de nouvelles charges bureaucratiques et en évitant les doublons. La CE devrait évaluer l'opportunité et le coût d'une éventuelle assurance forfaitaire à prix modique sur les livraisons transnationales, liée à l'obtention d'un label européen de qualité.

4.5   Action 4: interopérabilité des activités de livraison de colis

4.5.1

Il est souhaitable que les opérateurs de services de livraison et les détaillants en ligne mettent au point volontairement des solutions permettant d'interconnecter les systèmes d'information et les interfaces ouvertes, avec un système de livraison et de retour efficace à un prix abordable en ce qui concerne le «dernier kilomètre».

4.5.2

Le CESE considère cependant que ces développements doivent s'effectuer sur la base de critères d'interopérabilité prédéfinis dans un cadre réglementaire commun.

4.6   Action 5: renforcement de la protection des consommateurs

4.6.1

Le CESE soutient l'initiative relative à l'attribution au CEN de mandats de normalisation, ainsi que celle consistant à adresser aux États membres des orientations en vue d'assurer la mise en œuvre complète et uniforme de la directive 2011/83/UE, et à encourager un recours accru aux mécanismes extrajudiciaires de règlement des litiges prévus par la directive REL 2013/11/UE.

4.6.2

Le CESE estime insuffisante la réponse apportée au problème des réclamations, qui se limite au fait que «les opérateurs de services de livraison, les détaillants en ligne et les associations de consommateurs assurent conjointement une meilleure coopération en ce qui concerne le traitement des réclamations et les systèmes de protection des consommateurs.» Le CESE juge cette coopération positive, pour autant qu'elle s'inscrive dans un cadre réglementaire commun.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 60.

(2)  RLL: règlement des litiges en ligne, REL: directive sur la résolution extrajudiciaire des litiges.

(3)  IMI: système d'information du marché intérieur.

(4)  Comité européen de normalisation.

(5)  MEMO-13-1151, CE.

(6)  Enquête Eurobaromètre spécial 398: Marché intérieur — octobre 2013.

(7)  COM(2011) 942 final, 11.1.2012.

(8)  Eurostat, enquête sur les ménages 2009.

(9)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 60.

(10)  COM(2013) 886 final.

(11)  Étude mondiale UPS «Pulse of the Online Shopper», 2013.

(12)  COM(2013) 886 final.

(13)  WIK Consult, Rapport final 8/2013.

(14)  Conseil Compétitivité — Conclusions sur la gouvernance du marché unique et du marché unique numérique, le 30.5.2012.

(15)  Résolutions du PE du 4.2.2014 2013/2043(INI), du 11.12.2012 et du 4.7.2013.

(16)  Résolution du PE du 4.2.2014.

(17)  Voir note 1.

(18)  Position commune UE & US pour le cycle de Doha — OMC, 2006.

(19)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 14.

(20)  Le projet «fret en ligne» 2010-2014 du septième programme cadre de recherche, avec 31 partenaires issus de 14 pays, vise à mettre en réseau tous les acteurs des services logistiques, via des plateformes internet interactives et conviviales. L'une des recommandations formulées dans ce contexte est que la Commission européenne adopte dès que possible une directive ou une réglementation similaire garantissant que l'interface vers les guichets uniques nationaux mise en œuvre dès à présent utilise comme format d'entrée la norme CRS (Common Reporting Schema), développée dans le domaine du commerce électronique.


ANNEXE

à l'AVIS du Comité économique et social européen

L'amendement suivant, qui a recueilli plus du quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats (article 39, paragraphe 2 du règlement intérieur):

Paragraphe 1.6

Modifier comme suit:

«Le CESE recommande à la Commission, au PE et au Conseil de veiller à ce que:

un le cadre réglementaire européen, y compris les directives postales, qui permette à tous les opérateurs du secteur d'accéder garantisse l'accès au marché unique de la livraison de colis et garantisse que l'accent soit notamment mis sur la question du caractère universel et du coût abordable de ces services, en particulier dans les zones périphériques, de montagne, insulaires et défavorisées; (...)».

Résultat du vote

Pour

:

35

Contre

:

67

Abstentions

:

10


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/59


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la transparence des opérations de financement sur titres

COM(2014) 40 final — 2014/0017 (COD)

(2014/C 451/09)

Rapporteur:

M. Edgardo Maria IOZIA

Le 25 février et le 27 mars 2014, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la déclaration et à la transparence des opérations de financement sur titres»

COM(2014) 40 final — 2014/0017 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 183 voix pour et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE salue la proposition de règlement présentée par la Commission qui, avec le projet de règlement sur la réforme du secteur bancaire auquel elle est étroitement liée, vise à mettre en œuvre un ensemble de mesures dont le but est d'accroître la transparence et la résilience du système financier européen s'agissant des opérations de financement sur titres.

1.2

L'amélioration de la symétrie d'information du marché, la surveillance du risque des opérations en cours et la réduction du volume des opérations bancaires qui ne sont pas transparentes et réglementées revêtent une importance considérable pour le marché et l'économie en général.

1.3

À cet égard, le CESE relève que l'expression «banques parallèles» est trompeuse et source de confusion inutile pour le grand public. Le qualificatif de parallèle s'applique aux opérations bancaires qui sont effectuées par des entités bancaires et non bancaires, pas par les banques — ou plutôt les institutions financières — en tant que telles; souvent, en effet, les acteurs qui opèrent sur ce marché spécifique ne sont pas des banques (il s'agit par exemple de fonds spéculatifs, de fonds souverains et de sociétés financières spécialisées dans le marché des fonds monétaires ou des produits dérivés structurés et complexes). Si tous les opérateurs sont connus, on ne peut pas en dire autant d'un certain nombre d'opérations non réglementées qu'ils effectuent.

1.4

Le CESE souligne l'importance du règlement à l'examen, qui permet de jeter la lumière sur les mouvements de marché et les secteurs comportant un risque excessif susceptibles d'aider les autorités de surveillance du marché à assurer un suivi constant de la situation et à intervenir à titre préventif pour juguler les activités jugées dans l'ensemble excessivement risquées. D'une part, le règlement à l'examen fournit au marché des informations qui n'étaient jusqu'ici pas disponibles et, d'autre part, il propose un outil d'analyse et d'information supplémentaire aux autorités.

1.5

La réglementation de l'activité de réaffectation, c'est-à-dire l'utilisation temporaire des titres donnés en garantie, est un autre point tout aussi important. L'obligation d'obtenir le consentement spécifique de l'investisseur propriétaire des titres permet de parer à la prise de risques qui ne sont pas prévus et ne sont pas visés par le contrat, si ce n'est en termes généraux. Le risque de contrepartie devient un élément d'évaluation à part entière et permet d'éviter ou, à tout le moins, de limiter fortement la présence d'opérateurs peu fiables. Toutes ces mesures sont bénéfiques à une résilience globale du système en général et des entités majoritairement présentes sur le marché.

1.6

À la lumière des initiatives prises par la Commission dans le but de ramener le système financier à son rôle premier de moteur de l'économie et de la prospérité des ménages et des entreprises, le CESE considère que le moment est venu de déployer en Europe un vaste «pacte social pour une finance durable» grâce auquel tous les acteurs intéressés puissent prendre part à la redéfinition des objectifs et des instruments. L'effondrement de la réputation des banques observé dans les innombrables enquêtes et sondages effectués ces dernières années devrait inciter tous les acteurs à tourner définitivement la page et à engager un débat avec la société. Ménages, entreprises, citoyens et travailleurs, la société dans son ensemble réclame un système financier efficace et fiable, qui contribue au développement et à l'emploi en prenant dûment en compte l'incidence sociale et environnementale des investissements.

1.7

Le CESE reconnaît les efforts considérables accomplis par la Commission pour présenter, comme elle l'avait promis, les 48 mesures législatives figurant dans le programme de travail de la nouvelle réglementation, tout comme il reconnaît que la DG Marché intérieur a effectué un travail remarquable par sa qualité et son ampleur, et ce dans un contexte très difficile. Équilibre et efficacité caractérisent les axes de travail adoptés. Le CESE considère que les travaux de la Commission ont été couronnés de succès et s'en réjouit; il apprécie plus particulièrement que la Commission admette l'existence «d'importantes lacunes réglementaires, l'inefficacité de la surveillance, l'opacité des marchés et la complexité excessive des produits».

1.8

Le CESE est d'avis que l'adoption du règlement atténuera grandement le risque d'arbitrage réglementaire et exhorte la Commission à poursuivre les efforts déployés pour atteindre l'objectif consistant à réduire au minimum et limiter aux secteurs effectivement marginaux les opérations non réglementées du système financier européen.

2.   La proposition de la Commission

2.1

La proposition à l'examen vise à améliorer la transparence des opérations de financement sur titres (OFT (1)), essentiellement par les trois moyens suivants:

le suivi des risques systémiques liés aux OFT. Le règlement proposé demande que toutes les opérations de financement sur titres soient communiquées à une banque de données centrale. Grâce à cette procédure, l'autorité de surveillance devrait pouvoir mieux repérer les liens entre les banques et les organismes bancaires «parallèles» et il serait possible de faire la lumière sur certaines opérations de collecte effectuées par ces derniers,

la communication d'informations aux investisseurs dont les actifs sont utilisés dans des OFT. Selon la proposition, ces opérations, effectuées par des fonds d'investissement ou d'autres structures équivalentes, seront décrites dans des rapports détaillés. Cela permettrait d'améliorer la transparence vis-à-vis des investisseurs qui pourront ainsi prendre leurs décisions d'investissement de manière plus consciente,

L'activité de réaffectation: le règlement prévoit une meilleure transparence pour ce qui est de réaffecter des instruments financiers, pour tout usage, à des fins propres ou en situation de pré-défaillance de la garantie de la part de son bénéficiaire, en fixant un socle minimal de conditions que les parties intéressées doivent respecter, dont un accord écrit et un consentement antérieur à la réaffectation. Cette disposition aura pour effet que les clients ou les contreparties devront avoir donné leur accord avant que la réaffectation ne puisse s'effectuer. En outre, ils prendront leur décision en se fondant sur des informations claires concernant les risques que peut comporter cette opération.

3.   Introduction

3.1

En complément à sa proposition de réforme structurelle du secteur bancaire dans l'UE, la Commission a également avancé des mesures complémentaires visant à accroître la transparence des opérations de financement sur titres (OFT). Ce faisant, elle entend éviter que les banques ne contournent certaines réglementations en transférant leurs activités au secteur bancaire parallèle, car il s'agit là d'une de ses préoccupations majeures.

3.2

Les opérations de financement sur titres (OFT) recouvrent divers types de transactions, qui ont des effets économiques similaires. Les principales sont les prêts de titres et les prises en pension.

3.3

Le prêt de titres constitue une opération induite essentiellement par la demande du marché pour des titres spécifiques et est utilisée, par exemple, pour la vente ou le paiement à court terme. Les mises et prises en pension, quant à elles, obéissent généralement à la nécessité de recevoir en prêt ou prêter de l'argent d'une manière sécurisée. Cette pratique consiste à acheter ou vendre des instruments financiers contre espèces mais en ayant préalablement convenu de les racheter ou revendre à un prix fixé d'avance et à une date spécifique dans le futur.

3.4

Les gestionnaires de fonds recourent aux OFT pour obtenir des rendements ou des financements supplémentaires. Les opérations de prise en pension, par exemple, sont souvent utilisées pour lever des fonds destinés à de nouveaux investissements. De telles transactions peuvent toutefois aussi être source de nouveaux dangers ou comporter des risques de contrepartie et de liquidité. En général, les gains supplémentaires ne reviennent que partiellement au fonds concerné, alors que ses investisseurs supportent en totalité le risque de contrepartie. En conséquence, le recours à ces opérations peut déboucher sur une altération significative du profil de risque et de rendement.

3.5

Le train de mesures à l'examen apparaît clairement lié à la proposition sur la réforme structurelle du secteur bancaire européen. Cette dernière, proposée par la Commission, entend interdire certaines activités des banques ou leur mettre un frein mais les effets espérés de cette initiative pourraient se trouver amoindris dès lors qu'elles délaissent les groupes bancaires soumis à la réglementation pour migrer vers la banque parallèle, pour laquelle les possibilités de contrôle dont disposent les superviseurs sont moindres.

3.6

Le Conseil de stabilité financière (CSF) a constaté qu'une défaillance désordonnée d'entités bancaires parallèles peut déboucher sur un risque systémique, tant de manière directe qu'en raison des interconnexions qui les unissent au système bancaire classique.

3.7

Le CSF a également fait valoir qu'un renforcement réglementaire excessif concernant les banques pourrait avoir pour effet que certaines activités bancaires aillent se loger dans le système de la banque parallèle (2).

4.   Observations à caractère général

4.1

Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement relatif à la déclaration et à la transparence des opérations de financement sur titres, qui, combiné au règlement sur les réformes structurelles du secteur bancaire, vise à accroître la résilience du système bancaire, donner plus de transparence à ses opérations et assurer la résolution de ses crises éventuelles sans qu'elle ne soit plus à la charge de ses citoyens.

4.2

En conséquence, le présent avis présente des liens étroits avec celui que le CESE a élaboré à propos du règlement sur la réforme structurelle.

4.3

Le CESE apprécie que la Commission admette l'existence «d'importantes lacunes réglementaires, l'inefficacité de la surveillance, l'opacité des marchés et la complexité excessive des produits» avant le début de la crise financière. Ce sont autant d'arguments que le CESE a fait valoir dès le début de la crise, en demandant que soient prises des mesures d'intervention urgentes. Pourtant, la Commission n'a pas écouté avec toute l'attention requise les avertissements et les recommandations exprimés, grâce auxquels certains problèmes ultérieurs auraient pu être évités.

4.4

Le CESE a conscience que les forces économiques, les réseaux d'influence aguerris dans ce domaine et les énormes intérêts économiques en jeu ont cherché à bloquer ou freiner des mesures nécessaires et urgentes après le début de la crise. Néanmoins, hormis une poignée de choix auxquels il ne peut souscrire, le CESE reconnaît que la Commission a mis en branle tout un jeu de dispositions, telles qu'annoncées à la suite de la remise des rapports élaborés par la commission de Larosière et du groupe de haut niveau Liikanen.

4.5

Le CESE porte volontiers au crédit du commissaire Barnier d'avoir persévéré dans l'effort et à celui de toute la direction générale Marché intérieur, responsable des propositions sur la réglementation financière, d'avoir accompli, dans l'ensemble, un excellent travail et prévu un arsenal de mesures cohérentes et étroitement liées, de manière à constituer un corpus juridique qui est d'une qualité éminente et d'une efficacité sans pareille. Par leurs effets combinés, ces initiatives législatives aboutiront à vaincre les causes qui sont à l'origine des crises financières de ces dernières années.

4.6

Le CESE a toujours soutenu la nécessité, pour l'Europe, de disposer d'un système financier qui fonctionne bien et soit axé sur le soutien à l'économie réelle, avec une attention spécifique pour les PME, ainsi que pour le renforcement de l'économie sociale et la création d'emplois. Le secteur du crédit a un rôle capital à jouer pour rendre service à la société, en redevenant le moteur et le gouvernail de l'économie réelle, dans une pleine conscience de la responsabilité sociale qu'il doit assumer.

4.7

Le CESE considère qu'il faut sans plus attendre modifier radicalement les relations entre les institutions financières et les citoyens. L'effondrement vertigineux de la confiance à l'égard des banques et autres entités doit être endigué parce qu'il pourrait affecter de manière irréversible le développement économique et social.

4.8

S'appuyant sur ses nombreuses prises de position concernant la participation de la société civile, le CESE souhaite que se déploie en Europe un «pacte social pour la croissance durable», grâce auquel tous les acteurs intéressés puissent prendre part à la définition d'un système financier efficace, résilient, transparent et soucieux de l'incidence environnementale et sociale de ses propres actions.

4.9

Le CESE soutient résolument les initiatives de la Commission visant à parer au double risque d'un arbitrage réglementaire et d'un transfert de l'activité vers un domaine faiblement réglementé, comme celui des «opérations parallèles», où l'on évite les dispositions de plus en plus contraignantes qui sont en train de prendre forme.

4.10

Dans ses avis en la matière (3), le CESE a clairement exprimé son propre point de vue, qui préconise que l'on s'efforce de réduire au maximum les zones de non-réglementation au sein du secteur financier.

4.11

Lors de l'élaboration de sa proposition de règlement, la Commission a fait droit à la nécessité de réduire autant que possible les coûts supplémentaires induits pour le système financier et, pour y parvenir, elle dégage la piste des infrastructures telles que les référentiels centraux et les procédures qui existent dans le règlement no 648/2012 en faveur de la transparence en matière de transactions concernant les produits financiers. Le CESE approuve cette démarche, qui témoigne de l'attention que la Commission porte aux acteurs et aux clients finaux, sur lesquels pourraient être répercutés, selon toute vraisemblance, les surcoûts générés par le règlement à l'examen.

4.12

Le CESE estime que la transparence accrue qui sera introduite dans les activités visées par le règlement à l'examen, comme les opérations de financement sur titres, les autres structures de financement équivalentes et la réaffectation, débouchera effectivement sur une plus grande stabilité financière, en augmentant la résilience générale du système et de ses différents acteurs. L'intégration de toutes les contreparties actives sur les marchés financiers garantit l'exhaustivité de l'information concernant la teneur réelle des transactions et des profils de risque qu'assument les différents intervenants.

4.13

Pour toutes ces raisons, le règlement à l'examen joue un rôle essentiel pour parfaire l'efficacité de celui portant sur la réforme de la structure du système bancaire, lequel concerne les établissements de banque d'une taille telle qu'ils peuvent être considérés comme vecteurs d'un risque systémique. En outre, il restreint la possibilité d'opter pour un passage de l'activité à des zones non réglementées du système financier.

5.   Observations spécifiques

5.1

La proposition à l'examen vise à améliorer la transparence des opérations de financement sur titres (OFT), essentiellement de trois manières.

5.1.1

La première consiste dans le suivi des risques systémiques liés aux OFT. Le règlement proposé demande que toutes les opérations de financement sur titres soient communiquées à une banque de données centrale. Grâce à cette procédure, l'autorité de surveillance devrait pouvoir mieux repérer les liens entre les banques et les organismes bancaires communément qualifiés de «parallèles» et il serait possible de faire la lumière sur certaines opérations de collecte effectuées par ces derniers.

5.1.1.1

Le CESE est d'avis que cette manière de procéder aide les autorités de surveillance à contrôler plus efficacement l'exposition et les risques associés aux OFT, en permettant, s'il y a lieu, d'intervenir de manière ciblée et en temps voulu.

5.1.1.2

Le CESE se demande si la proposition consistant à conserver les données pendant au moins dix ans dans les référentiels centraux est réellement appropriée. Le règlement sur les infrastructures de marché européennes prévoit par exemple l'obligation de conserver les données pendant cinq ans.

5.1.2

Le deuxième moyen préconisé est la communication d'informations aux investisseurs dont les actifs sont utilisés dans des OFT. Selon la proposition, on peut, en demandant des rapports détaillés sur ces opérations, améliorer la transparence vis-à-vis des investisseurs concernant les pratiques suivies par les fonds d'investissement qui sont engagés dans des OFT et par d'autres structures équivalentes de financement. Dans ce cas, on aboutirait à ce que lesdits investisseurs prennent leurs décisions d'investissement de manière plus consciente.

5.1.3

l'activité de réaffectation. Le règlement prévoit une meilleure transparence pour ce qui est de réaffecter des instruments financiers, pour tout usage, à des fins propres ou en situation de pré-défaillance de la garantie de la part de son bénéficiaire, en fixant un socle minimal de conditions que les parties intéressées doivent respecter, dont un accord écrit et un consentement antérieur à la réaffectation. Cette disposition aura pour effet que les clients ou les contreparties devront avoir donné leur accord avant que la réaffectation ne puisse s'effectuer. En outre, ils prendront leur décision en se fondant sur des informations claires concernant les risques que peut comporter cette opération.

5.1.3.1

Depuis l'effondrement de la banque Lehman Brothers, en 2008, la transparence et la promotion d'une «culture des données» figurent parmi les questions à l'ordre du jour sur les marchés financiers; le CESE adhère tout à fait à cette orientation et reprend pleinement à son compte le souci de transparence qui est au cœur du mécanisme proposé, tout comme l'idée d'associer l'investisseur à toute opération, en instaurant l'obligation d'obtenir au préalable son consentement explicite.

5.2

Les marchés financiers étant mondiaux, les risques systémiques suscités par les organismes bancaires parallèles et les activités doivent être traités sur un mode coordonné à l'échelle internationale. Le CESE juge qu'il est indispensable de renforcer la coopération entre les autorités des pays tiers les plus concernés, afin de convenir avec eux d'une stratégie commune et de mesures qui soient cohérentes et, autant que faire se peut, équivalentes.

5.3

Le CESE estime que la proposition est cohérente avec les «recommandations du Conseil de stabilité financière», lequel a adopté, en août 2013, onze recommandations pour la gestion des risques inhérents aux opérations de prêts de titres et prise en pension. Le règlement proposé s'inscrit dans la ligne de quatre desdites recommandations, portant les numéros 1, 2, 5 et 7 et concernant la transparence des marchés de financement sur titres, l'information fournie aux investisseurs et la réaffectation.

5.4

Selon le CESE, la charge administrative que le règlement à l'examen impose au système financier n'est pas excessive mais vient s'ajouter aux tâches d'administration et de gestion qui sont déjà exigées par d'autres réglementations. Il souligne qu'elles risquent d'être répercutées, pour partie en tout cas, sur les ménages et les entreprises. Il en résultera que le système financier deviendra plus onéreux pour ses utilisateurs ou que les bénéfices des banques vont baisser, cas de figure qui n'est nullement souhaitable si l'on considère que l'appareil de crédit se trouve déjà dans une posture difficile en Europe.

5.5

Le CESE souligne qu'il est crucial que les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (GFIA) soient intégrés dans le champ d'application de l'obligation de communication en lien avec leurs rapports, comme le prévoient déjà la directive 2009/65/CE, qui procède à la refonte des réglementations en vigueur, et la directive 2011/61/CE.

5.6

Un autre point d'une haute importance concerne le dispositif de sanctions, qui doit non seulement être efficace, proportionné et dissuasif mais également donner lieu à l'application d'une série de mesures minimales. Les États membres ont la faculté de durcir les sanctions administratives et, pour les affaires particulièrement graves, d'en instaurer d'autres, de nature pénale. Dans ce cas, ils sont tenus d'assurer l'échange d'informations entre les autorités nationales, l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et la Commission.

5.7

Le CESE fait observer que, comme dans le cas du règlement sur les infrastructures de marché européennes, l'article 24 de la proposition à l'examen, relatif à la publication des décisions infligeant des sanctions administratives, ménage une trop grande marge d'appréciation aux diverses autorités compétentes, qui pourraient formuler des jugements divergents sur une seule et même affaire, cette hétérogénéité pouvant encore s'accentuer si elles appartiennent à des pays différents. Comment l'atteinte à la stabilité des marchés financiers pourrait-elle être évaluée concrètement?

5.8

Le CESE juge important d'inscrire, à l'instar de ce que prévoit l'article 13 du règlement sur les infrastructures de marché européennes, le principe d'équivalence dans la proposition, qui n'en fait pas mention pour le moment, et invite la Commission à procéder à cet ajout.

5.9

Tout en appréciant que les actes délégués prévus par le règlement soient limités dans leur étendue et pertinents, le CESE fait part de sa perplexité de constater que l'exercice de cette délégation ne fasse l'objet d'aucune spécification de temps. Le CESE rappelle qu'il a déjà formulé à maintes reprises des réserves en la matière.

5.10

Le CESE approuve l'ensemble du dispositif prévu par l'article 15 mais, soulignant le risque d'un éventuel contentieux entre les contreparties concernant l'efficacité et le caractère équivalent d'un système autre que la signature, il fait observer qu'il s'impose de mentionner, ne serait-ce qu'à titre d'illustration, certains des «procédés équivalents» qui sont visés, par exemple l'enregistrement téléphonique ou la certification télématique.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  En anglais, SFT, «securities financing operations».

(2)  JO C 170 du 5.6.2014, p. 55.

(3)  JO C 177 du 11.6.2014, p. 42; JO C 170 du 5.6.2014, p. 55 et avis sur la «Réforme structurelle des banques de l'UE» (en cours).


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/64


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Une stratégie européenne pour plus de croissance et d'emploi dans le tourisme côtier et maritime»

[COM(2014) 86 final]

(2014/C 451/10)

Rapporteur:

Paulo BARROS VALE

Le 7 mars 2014, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie européenne pour plus de croissance et d'emploi dans le tourisme côtier et maritime»

COM(2014) 86 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 189 voix pour et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE accueille favorablement la communication à l'examen, comme il l'a fait pour celles de 2010 et 2012, considérant que les initiatives susceptibles de contribuer au développement du tourisme maritime et côtier sont importantes.

1.2

Le CESE, conscient des limites posées par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, approuve les actions présentées dans la communication de la Commission mais souhaite néanmoins formuler quelques recommandations et mises en garde dans le but de contribuer à une croissante intelligente, durable et inclusive du tourisme côtier et maritime, telle que préconisée dans la stratégie Europe 2020.

1.3

L'Europe doit exploiter ses ressources naturelles et promouvoir ses lieux d'excellence où la nature et l'aménagement du territoire côtier et maritime sont en harmonie. Les zones côtières ayant une importance stratégique particulière sur le plan environnemental, économique et social, le traitement de leurs problèmes doit se faire dans le cadre d'une politique intégrée de développement durable, qui accorderait une importance particulière à l'aménagement du territoire, à l'équilibre entre l'exploitation des énergies renouvelables et les autres activités côtières et au respect des règles d'urbanisme. Les changements climatiques qui se sont fait sentir et qui ont affecté, voire détruit, un grand nombre de zones côtières avec le recul de la ligne de côte, ne sauraient être sous-estimés dès lors qu'ils impliquent des adaptations profondes et de longue haleine.

1.4

Comme il l'a déjà fait, le CESE défend à nouveau l'idée de la création d'une agence européenne du tourisme, à laquelle pourraient participer toutes les parties concernées, qu'il s'agisse des confédérations touristiques, des régions touristiques ou des autorités chargées du tourisme et des organisations syndicales du secteur. Une telle organisation pourrait être la cheville ouvrière de la promotion de l'Europe dans le monde.

1.5

Le moment est peut-être venu de réfléchir à une véritable politique commune pour le tourisme, qui, tout en préservant une marge de liberté pour chaque État membre, concevrait ce secteur selon une approche globale, en établissant des synergies et en coordonnant les politiques nationales. Tous les ans, des idées sont lancées mais en ordre dispersé et l'on ne dépasse pas ce stade, en raison du manque de travail en réseau et de l'absence de définition d'une stratégie commune pour le tourisme, à même de promouvoir, en tant que marque européenne, les destinations touristiques, traditionnelles et non traditionnelles, le patrimoine historique et la gastronomie, et qui soit dans le même temps capable de gérer la publicité négative qui apparaît de temps à autres.

1.6

Le développement du tourisme de masse, largement favorisé par les compagnies d'aviation à bas coût, doit être mis à profit par la création ou la promotion de réseaux de transport à partir des zones desservies par les aéroports vers d'autres plus éloignées, pour les rendre plus attractives sur le plan touristique, ce qui permettrait de concilier, lors d'un même voyage, les destinations urbaines et les destinations côtières. La mise à disposition d'informations, en un même lieu, sur les liaisons existantes est considérée comme une incitation essentielle à la mobilité. Le CESE rappelle qu'il y a urgence à revoir la législation sur l'octroi des visas afin de faciliter la mobilité des touristes non européens, en particulier celle des touristes en provenance de Chine et d'autres marchés émergents.

1.7

Une attention particulière devra être accordée aux régions éloignées, en particulier du Nord de l'Europe, qui disposent de très bonnes conditions climatiques, en facilitant les transports pour y accéder, en mettant à disposition des équipements, des communications et des réseaux Wi-Fi susceptibles d'y attirer les touristes et de contribuer à la fixation des populations.

1.8

Il est urgent de procéder à une vraie gestion des ports touristiques, étant donné le manque d'information sur l'existence des marinas et sur l'interconnexion des ports, ce qui rend difficile l'accès des yachts et des bateaux de croisière. La gestion défaillante des ports a entravé le développement du tourisme ainsi que la circulation des personnes et des biens, et la Commission peut se pencher sur ce problème dans la perspective des politiques liées à la création du marché unique et à la libre circulation et œuvrer à combler les lacunes existantes.

1.9

L'accroissement exponentiel du tourisme de croisière a créé une nouvelle situation dont l'impact n'a pas encore été étudié comme il se doit. Si l'augmentation des flux de touristes dans certains ports est certes importante pour le développement des zones côtières, il est néanmoins essentiel de minimiser les impacts négatifs que ces pics de trafic peuvent occasionner dans les zones visitées. Tant les ports que les villes doivent être dûment préparés à répondre aux risques de pollution des eaux et de l'air par les combustibles utilisés par les grands bateaux de croisière et aux risques environnementaux liés à la présence sur les lieux touristiques de milliers de visiteurs. Il faut également faire un effort de coordination de l'information sur les escales de ces bateaux avec les instances du tourisme local afin d'éviter un afflux simultané de croisiéristes et d'autres touristes, qui ont la possibilité d'organiser leurs visites à d'autres moments de la journée.

1.10

L'action proposée consistant à dresser l'inventaire des besoins de formation et à créer une catégorie «emplois bleus» sur le portail EURES est importante, une action de diffusion à grande échelle et de sensibilisation des États membres menée par la Commission étant essentielle pour l'intégration des résultats dans leurs politiques internes de formation. Les actions de formation à soutenir, destinées non seulement aux employés des entreprises et aux fonctionnaires des institutions liées au tourisme mais également aux chefs d'entreprise du secteur, doivent couvrir, en plus des thématiques de l'amélioration de la qualité du service touristique, celles de la promotion de l'Europe en tant que destination touristique. Il est à noter que la sensibilisation à l'importance du tourisme, du patrimoine européen et de l'environnement doit commencer au début de la scolarité obligatoire pour y sensibiliser les jeunes dès leur tendre enfance.

1.11

Toujours à propos de la question du tourisme de croisière, l'Europe devra suivre attentivement les politiques d'emploi adoptées par les compagnies de croisières. L'emploi des jeunes en Europe peut et doit être protégé, dans un secteur en pleine croissance et qui a un haut potentiel d'employabilité.

1.12

Le CESE rappelle l'importance de certaines dispositions qui peuvent répondre aux défis du secteur du tourisme et en particulier du tourisme côtier et maritime telles que:

la promotion d'une plateforme européenne mettant à disposition des informations intégrées sur les liaisons routières, ferroviaires, maritimes et aériennes, les difficultés en termes de mobilité des flux touristiques étant une réalité qui laisse en marge du développement des régions éloignées pourtant riches d'un potentiel touristique, par manque d'information sur les transports disponibles ou en raison des difficultés de coordination de ces transports, voire de leur inexistence;

la promotion du tourisme axé sur la nature et durable, du tourisme social, maritime, d'affaires, culturel et sportif, de bien-être et thérapeutique, historique, religieux ou gastronomique;

la promotion du tourisme des personnes âgées et des personnes handicapées, à mobilité réduite et ayant des besoins spéciaux;

la reconnaissance de l'héritage culturel de l'Europe et de son patrimoine unique, qui la distingue des autres régions ainsi que la protection du patrimoine et sa promotion en tant qu'axe de destinations touristiques d'excellence;

miser sur la promotion de la sécurité que l'Europe peut offrir à ses visiteurs s'agissant de leurs déplacements et séjours, de la qualité de l'eau et de la sécurité alimentaire, des soins médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers, de la sécurité personnelle et du respect des citoyens et de leurs droits fondamentaux;

1.13

Le CESE préconise la réalisation d'une étude sur les préférences des touristes qui visitent ou souhaitent visiter l'Europe, sur ce qu'ils ont aimé et sur ce qui leur a déplu, sur les raisons qui les ont amenés à y revenir ou les dissuadent de le faire, et sur le motif de leur préférence pour les destinations non européennes. Cette étude, qu'il faudrait diffuser auprès des différents opérateurs touristiques, ports et marinas, associations et autorités chargées du tourisme, gouvernements et autorités européennes, permettrait d'avoir une connaissance des comportements des touristes, en vue d'étayer la prise de décision et de définir des stratégies communes pour le développement du secteur.

1.14

Le CESE demande aussi, dans le cadre du débat sur le tourisme et les actions à mener dans ce domaine, d'établir un lien entre le tourisme maritime et côtier et le tourisme fluvial, en mettant à profit les possibilités offertes par les fleuves et les estuaires pour compléter les activités des zones côtières. L'exploitation des fleuves offre la possibilité de dynamiser de nouveaux produits comme les croisières gastronomiques, le tourisme rural et l'écotourisme tandis que les estuaires, qui sont des espaces d'une grande valeur paysagère et éducative, permettent des activités comme l'observation des oiseaux et de la biodiversité, caractéristique de ces endroits.

2.   Introduction

2.1

La communication à l'examen, qui fait suite à celle de 2010 (1) dans laquelle était annoncée une stratégie pour le tourisme côtier et maritime durable et à celle de 2012 sur le thème «La croissance bleue: des possibilités de croissance durable dans les secteurs marin et maritime» (2), aborde plus particulièrement l'un des cinq secteurs de l'économie bleue qui a été désigné comme devant faire l'objet d'une intervention prioritaire, celui du tourisme côtier et maritime.

2.2

Le secteur du tourisme côtier et maritime a déjà été reconnu comme étant une importante chaîne de valeur susceptible de générer de la croissance et de créer des emplois de manière durable. Le tourisme côtier et maritime représente la plus importante activité maritime d'Europe; il emploie près de 3,2 millions de personnes, dont presque la moitié sont des jeunes. Il génère 183 milliards d'euros de valeur ajoutée brute et c'est un secteur composé en majorité de micro-entreprises ou de petites et moyennes entreprises et dans lequel opèrent plus d'un tiers du total des entreprises européennes liées au tourisme.

2.3

La communication a pour objectif d'inventorier les défis qui se posent dans le secteur, à savoir stimuler la performance et la compétitivité, en améliorant la connaissance, en abordant la problématique de la volatilité de la demande et de la fragmentation existante dans ce secteur; promouvoir les compétences et l'innovation; renforcer la durabilité, en insistant sur les questions de pressions environnementales, la promotion d'offres innovantes, durables et de haute qualité et la découverte de possibilités offertes par les caractéristiques géographiques, l'insularité et le caractère périphérique, notamment.

2.4

La communication aborde également les questions liées à l'affectation des fonds de l'UE et de l'intégration des politiques de l'Union européenne ayant des répercussions sur le tourisme côtier et maritime.

3.   Observations générales

3.1

La croissance bleue, qui intègre les secteurs traditionnels et ceux en cours de développement et émergents, constitue un défi complexe et ambitieux qui doit être abordé de manière intégrée. L'exploitation des zones côtières doit prendre en considération les intérêts des différents secteurs qui les exploitent sans exclure les questions environnementales et en accordant une attention particulière à l'aménagement du territoire et du domaine maritime, qui conditionnent les offres touristiques. Il faut être attentif à la dimension sectorielle, approche avec laquelle cette problématique doit être abordée dès lors que, sans préservation du territoire ni protection de l'environnement il n'est pas possible de développer le tourisme côtier ou toute autre forme de tourisme. L'importance du recours aux énergies renouvelables n'étant plus à démontrer et devant faire l'objet d'une promotion intensive, il convient d'être particulièrement attentif à la localisation des équipements de manière à ne pas faire obstacle au développement des activités maritimo-touristiques. Il convient d'éviter d'implanter des centrales nucléaires dans des zones d'intérêt touristique.

L'équilibre des zones côtières doit être envisagé de manière dynamique car les phénomènes météorologiques et l'action humaine introduisent constamment des changements. Les ressources naturelles constituent la base des économies et doivent par conséquent être considérées, avec l'innovation, comme des piliers d'une croissance intelligente et socialement inclusive.

3.2

Les principaux problèmes du tourisme perdurent depuis de nombreuses années et il reste à relever le défi du caractère saisonnier des activités du secteur, du travail précaire et peu qualifié (en particulier celui des jeunes), du manque d'offre de nouveaux produits innovants et des difficultés d'accès au financement, notamment pour les micro-entreprises et les PME. Il est par conséquent primordial d'établir un cadre politique européen de développement du tourisme, et d'instaurer une vraie politique touristique européenne, qui oriente les stratégies communes de développement, tout en laissant aux États membres la liberté de mettre en œuvre leur politique au niveau national.

3.3

Pour combattre le caractère saisonnier du tourisme côtier et maritime, il faut passer par l'offre de nouveaux produits qui attirent de nouveaux consommateurs, principalement en basse saison. Développer de nouveaux produits destinés au tourisme des personnes âgées ou aux publics défavorisés, exploiter le potentiel du tourisme nautique, qu'il s'agisse de la navigation de plaisance (voiliers et bateaux à moteur), des sports nautiques (planche à voile, ski nautique, windsurf, kitesurf, surf, bodyboard, aviron, canoë-kayak, ski nautique, motonautisme, pêche sportive, chasse sous-marine ou plongée, y compris la plongée sur les sites d'épaves) ou des promenades en bateau et des croisières, et développer le tourisme lié à la thalassothérapie ou au golf et à la nature peut être une solution pour augmenter les taux d'occupation en basse saison, ce qui contribuerait à la fixation des populations dans les régions dépendantes de l'activité touristique. De même, le soutien, en particulier dans les régions éloignées, au développement de nouvelles industries orientées vers le tourisme qui utilisent des produits originaires des zones côtières et l'accès universel aux réseaux à haut débit peuvent contribuer à combattre le caractère saisonnier de l'activité touristique car c'est un élément qui peut attirer les jeunes dans ces régions.

3.4

Certaines activités moins traditionnelles liées aux activités nautiques sont déjà largement développées par des clubs sportifs locaux dont le savoir-faire peut être exploité. Le pari du soutien au tourisme nautique doit devenir réalité, en réglementant le secteur et en créant des infrastructures ou en modernisant les infrastructures existantes, de même qu'en ouvrant de nouvelles possibilités permettant ce type d'offre, très attractive pour les publics non traditionnels.

Il existe dans de nombreux endroits un lien entre le tourisme maritime et côtier et le tourisme fluvial. Lien qu'il ne faut pas oublier et qui incite à recommander l'élaboration de stratégies communes de développement. Le sport nautique de loisir est à cet égard une activité à dynamiser avec le développement de nouveaux produits combinant l'exploitation du potentiel des activités liées à la mer avec ce que les fleuves peuvent offrir.

3.5

Le tourisme ne peut être considéré de manière isolée mais plutôt comme un secteur influencé par les différentes politiques de l'UE, en particulier celles des transports, de l'emploi, de l'éducation, de l'environnement, de l'innovation, de la sécurité et des consommateurs, etc. La réponse aux problèmes dans ce domaine doit être envisagée de manière intégrée dès lors que les actions menées dans le cadre des différents politiques ont une influence directe sur le secteur.

3.6

La Commission n'est pas compétente pour intervenir directement dans ce secteur mais elle peut remédier à certains de ces problèmes au moyen d'actions à mettre en œuvre dans le cadre de ses compétences s'agissant de la promotion du marché intérieur, notamment en ce qui concerne la libre circulation des personnes et des biens et les objectifs de création d'un marché unique, en abordant les questions qui dépassent le secteur du tourisme et touchent d'autres domaines dans lesquels il est non seulement possible mais souhaitable d'agir.

4.   Observations particulières

4.1

L'information sur le secteur du tourisme est éparse, ce qui rend difficile les études et les évaluations le concernant, par manque soit de données, soit d'indicateurs spécifiques qui permettent de les comparer. Le CESE accueille favorablement l'intention de corriger cette lacune mais ne peut qu'attirer l'attention sur le fait que depuis la communication de 2010 dans laquelle ce problème a été soulevé, peu de progrès ont été accomplis en la matière.

4.2

Les efforts de la Commission dans la promotion du tourisme de qualité que l'Europe offre peuvent contribuer fortement à atténuer le problème du caractère saisonnier de l'activité touristique ainsi que ceux qui se posent sur les plans social et économique et qui lui sont liés. Outre ce caractère saisonnier, l'Europe doit affronter la concurrence de nouvelles destinations dans les pays émergents, qui offrent des prix plus bas attractifs mais pas les mêmes conditions en matière de sécurité ou de richesse culturelle. La promotion de l'Europe en tant que destination touristique doit se baser sur ce que l'Europe a de meilleur: sa richesse culturelle unique, la sécurité, la qualité des services, le respect des droits des citoyens, les facilités d'accès pour les personnes handicapées ou la prise en considération de besoins spéciaux, la mise à disposition d'infrastructures de télécommunications et de réseaux Wi-Fi. La reconnaissance de l'importance du patrimoine culturel de l'Europe et de sa protection est stratégique pour le développement d'un tourisme durable et inclusif.

4.3

De même, le tourisme des personnes âgées doit être envisagé avec une attention particulière. Dans un contexte mondial marqué par le vieillissement des populations, le tourisme lié à la santé, au patrimoine culturel et naturel devra faire l'objet d'une attention particulière dans la définition des stratégies du secteur. Enfin, ce sont les touristes âgés de plus de 50 ans qui dépensent le plus et qui ont le plus de temps pour voyager et préfèrent le faire en basse saison.

4.4

Le marché des croisières a connu une expansion considérable. Toutefois, l'impact réel sur les activités côtières lors des escales est limité car les arrêts sont brefs et la diffusion de l'information sur les offres locales n'est pas efficace. La promotion du dialogue entre les opérateurs de croisières, les gestionnaires de ports et les parties prenantes du tourisme côtier proposée dans la communication à l'examen est intéressante et doit se faire dans le cadre du développement de partenariats transnationaux et inter-régionaux, de réseaux, de grappes d'entreprises et de stratégies de spécialisation intelligente de nature à résoudre le problème de la fragmentation du secteur. L'efficacité du travail en réseau est une réalité à laquelle le tourisme ne peut rester étranger. Cet appui pourrait être promu dans le cadre de l'activité à développer par l'agence européenne du tourisme qui a déjà été proposée ici, laquelle servirait de plateforme de débat élargi sur les problèmes du secteur et de base pour le travail en réseau et la coopération.

4.5

La formation de personnel qualifié est essentielle pour une croissance durable et inclusive. Le secteur du tourisme est confronté à de sérieuses difficultés pour la qualification de ses travailleurs car il occupe un grand nombre de jeunes dans des emplois saisonniers et précaires avec peu de possibilités de progression de carrière. Le CESE accueille favorablement la création de la section relative aux «emplois bleus» sur le portail EURES et l'inventaire des besoins de formation dans le secteur touristique, et demande que les États membres soient invités à intégrer ces résultats à la promotion des offres de formation, financées au titre du Fonds social européen et au moyen d'autres initiatives privées, et d'encourager le travail en réseau des écoles existantes et la présentation de projets liés au secteur du tourisme dans le cadre du programme Erasmus+. Il faudra dans cette optique inclure aussi la formation des chefs d'entreprises du secteur qui leur permette de connaître et d'adopter les bonnes pratiques de gestion, les actualise par rapport à la législation en vigueur et à l'utilisation des technologies de l'information, voire les sensibilise à l'environnement et aux problèmes spécifiques du secteur touristique.

4.6

En ce qui concerne le problème des compétences différentes qui sont exigées des capitaines de navires par les États membres, le CESE déplore que la Commission soit peu ambitieuse dans ses propositions. S'il est vrai qu'en matière de tourisme la Commission a des pouvoirs limités, il n'en va pas de même pour ce qui est des questions liées à la libre circulation des personnes et des biens et à la création du marché unique.

4.7

Il faut encourager l'utilisation de systèmes de gestion innovants par l'intermédiaire du portail de l'initiative «ICT and Tourism Business». Il est à noter que ce portail, promu par la Commission, comme d'autres sites liés au tourisme (Observatoire virtuel du tourisme, Tourism Link Platform ou eCalypso Platform), ne sont pas traduits dans toutes les langues, ce qui peut entraver leur utilisation par des usagers de certains pays ou les dissuader de les utiliser.

4.8

La durabilité du tourisme côtier et maritime doit se fonder sur le plein respect de l'environnement, selon une approche qui aborde les territoires terrestres et maritimes se manière corrélée. Le renforcement de la durabilité au moyen des actions proposées s'avère d'une grande importance pour le développement de nouveaux produits qui misent sur la richesse patrimoniale de l'Europe et le respect de l'environnement. Il faut souligner une fois de plus la corrélation qui existe entre les actions à mener à bien dans d'autres domaines comme celui de l'environnement, de la mer et des transports et le tourisme, et la Commission doit être particulièrement attentive à leurs conséquences pour le secteur du tourisme dans le cadre de ses initiatives.

4.9

Le CESE accueille favorablement l'inclusion du tourisme dans les objectifs spécifiques du programme COSME 2014-2020 car il juge que cette action offre une possibilité importante pour le développement du secteur, avec le soutien à la promotion de projets de coopération internationaux et l'adoption de modèles durables de développement touristique promus par les Destinations européennes d'excellence. L'élaboration d'un guide en ligne indiquant les principales possibilités de financement mérite l'adhésion du CESE compte tenu du caractère transversal que peuvent revêtir les initiatives en matière de tourisme. Il a lieu de souligner à nouveau le risque que les barrières linguistiques fassent obstacle à la consultation et à l'interprétation du guide en ligne.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

HENRI MALOSSE


(1)  COM(2010) 352 final — Avis du CESE: JO C 376 du 22.12.2011, p. 44.

(2)  COM(2012) 494 final — JO C 161 du 6.6.2013, p. 87.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/69


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Libérer le potentiel du financement participatif dans l'Union européenne»

[COM(2014) 172 final]

(2014/C 451/11)

Rapporteur:

M. Juan MENDOZA CASTRO

Le 14 mars 2014, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Libérer le potentiel du financement participatif dans l’Union européenne»

COM(2014) 172 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 195 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission et souligne le potentiel de croissance du financement participatif (crowdfunding) dans l'UE en tant que source de financement alternative.

1.2

Le CESE souligne la contribution bénéfique du financement participatif à l'économie en termes d'investissement, d'innovation et d'emploi; ce type de financement élargit par ailleurs l'éventail de choix du consommateur de crédit.

1.3

L'accès universel au financement participatif évitera que les personnes atteintes de handicap en soient exclues.

1.4

Les entreprises européennes dépendent davantage du crédit bancaire que celles des États-Unis d'Amérique et, par conséquent, les effets de la récession en cas de crise financière y sont plus profonds. En outre, de nombreux États membres de l'UE sont souvent trop restrictifs en ce qui concerne les crédits aux PME.

1.5

Le CESE met l'accent sur la dépendance des PME par rapport au crédit bancaire, et signale que cette situation se maintiendra malgré l'existence de sources alternatives, qui ne sont pas toujours facilement accessibles.

1.6

Le financement participatif constitue un apport à l'écosystème financier, mais il ne pourra pas résoudre à lui seul les problèmes de financement des entreprises.

1.7

Les jeunes pousses, les jeunes innovateurs et les entreprises de l'économie sociale jouent un rôle important dans la stratégie Europe 2020 et dans la stratégie numérique.

1.8

Le financement participatif sans but lucratif est largement répandu dans l'UE. Il y a lieu d'analyser les effets des incitations fiscales qui diffèrent d'un État membre à l'autre.

1.9

Une réglementation à l'échelle européenne sur le financement participatif ne devrait concerner que certains éléments de ce mode de financement et pas les dons ni d'autres formes de mécénat sans but lucratif.

1.10

Elle devrait être équilibrée et protéger les investisseurs tout en évitant l'excès de réglementation. Toutefois, l'action du régulateur est fondamentale pour susciter la confiance des investisseurs.

1.11

L'objectif des règles devrait être de simplifier les démarches administratives, de garantir des délais de résolution brefs et de réduire le plus possible les coûts. La neutralité, la transparence et l'absence de pratiques déloyales devraient aussi figurer parmi les objectifs, au même titre que des procédures de réclamation accessibles. Tout cela devrait se faire en faveur aussi bien des fournisseurs que des consommateurs.

1.12

Les investisseurs potentiels doivent recevoir une information accessible, claire, opportune, véridique et non trompeuse.

1.13

Le CESE suggère que l'UE complète l'action des États membres en apportant son soutien à des initiatives sans but lucratif qui promeuvent des valeurs telles que l'emploi, la solidarité, le pluralisme, la démocratie et la liberté.

1.14

Il est opportun que le financement participatif soit spécifiquement reconnu dans la législation des États membres comme une nouvelle forme de mécénat.

2.   Introduction

2.1

Depuis quelques années, l'on note une tendance selon laquelle certains moyens de production commencent à passer des entreprises aux individus, ou «prosommateurs» (1), comme on les appelle désormais.

2.2

Cette tendance s'est accentuée avec le développement d'Internet, donnant lieu à ce que l'on a appelé l'«économie collaborative», dans le cadre de laquelle des individus décident de partager avec d'autres un bien dont ils sont propriétaires, parfois en échange d'argent. Voir à cet égard l'avis du CESE «La consommation collaborative et participative: un modèle de développement durable pour le XXIe siècle» (2) et la résolution du Parlement européen (3).

2.3

C'est dans ce contexte qu'une poignée de «jeunes pousses» fleurissent sur Internet, le réseau offrant très souvent la possibilité de se passer d'intermédiaires, ce qui permet aux individus d'échanger des biens aussi bien numériques que physiques. Or pour ne pas saper la confiance des investisseurs, il faut faire attention à l'usage abusif que des «aventuriers» pourraient malheureusement faire de ce domaine d'Internet.

2.4

Dans le domaine financier aussi, de nouvelles modalités de financement font leur apparition, comme l'émission d'obligations à taux élevé sur le marché primaire européen ou localement, à travers le tout récent marché alternatif de revenus fixes (MARF).

2.5

Le prêt direct (direct lending) permet aux entreprises de trouver des financements par l'intermédiaire de négociations bilatérales avec les agents spécialisés dans le marché, sans passer par une banque; quant à la formule plus alternative de financement participatif, elle permet à de petits investisseurs de se rassembler, en général sur Internet, en vue d'affecter leurs économies aux demandeurs de crédit.

3.   Résumé de la communication

3.1

Le livre vert sur le financement à long terme de l'économie européenne (4) a lancé un large débat sur les différents facteurs pouvant permettre à l'économie européenne d'orienter des financements vers des investissements nécessaires à la croissance économique (5).

3.2

Selon la Commission, le financement participatif désigne généralement un appel ouvert au grand public, généralement par l'intermédiaire d'Internet, afin de collecter des fonds pour un projet spécifique ou des investissements en entreprise. À cette fin, des plates-formes ou des campagnes de financement mettent en contact une multiplicité d'investisseurs non professionnels avec des porteurs de projet. Toutefois, il est important d'éviter tout usage abusif de ces dernières.

3.3

Les expressions les plus courantes du financement participatif sont:

les dons;

les parrainages (publicité contre financement);

les récompenses (un bien ou un service d'une valeur inférieure à la contribution);

les préventes (réception de fonds pour lancer un produit sur le marché);

les prêts avec ou sans intérêt;

les investissements en entreprise (achat d'obligations ou d'actions).

3.4

Avantages: Il s'agit d'une forme alternative de financement qui se caractérise par la flexibilité, la participation de la société et une grande variété de formes. Par ailleurs, le financement participatif atteint directement le consommateur, facilite les études de marché et donne accès au crédit à ceux qui ont plus de difficultés à cet égard.

3.5

Toutefois, la formule n'est pas sans risques ni sans problèmes: possibilité de fraude ou de blanchiment d'argent, inexistence de marché secondaire, etc.

3.6

Les normes européennes en la matière sont, entre autres, celles relatives aux prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières (6), à la directive MIF (7), aux services européens de paiement (8), au crédit à la consommation (9) et au crédit hypothécaire (10).

3.7

Les priorités établies dans le livre vert sont les suivantes: instituer un groupe d’experts chargé de fournir des conseils sur divers aspects; renforcer l'information et la formation; évaluer les réglementations en vigueur au sein des États membres afin de déterminer si une intervention réglementaire au niveau de l'UE est nécessaire.

3.8

La Commission reconnaît que le financement participatif reste marginal dans l'UE si on le compare aux prêts bancaires, mais qu'il est néanmoins prometteur, par rapport à d'autres sources de financement comme les investisseurs informels (business angels) ou le capital-risque.

3.9

Le développement du financement participatif est confronté à plusieurs défis, tels que le manque de transparence des normes applicables, le rôle qu'il doit jouer dans le marché intérieur et son intégration à l'écosystème financier.

4.   Observations générales

4.1

Le CESE prend note de la communication et convient qu'il est nécessaire d'améliorer l'information sur un canal de financement ayant un potentiel de croissance en Europe. Il rejoint également l'idée que les modèles alternatifs de financement peuvent aider les jeunes pousses à progresser sur «l'escalator du financement».

4.2

Les données corroborent le caractère «marginal» du financement participatif signalé dans le livre vert; en effet, ce type de financement s'est élevé en 2012 à 735 millions d'euros (11), contre 6  000 milliards d'euros pour les prêts bancaires à des établissements non financiers (12).

4.3

Mais il convient de souligner la progression de ce mode de financement. Globalement, le financement participatif a augmenté progressivement de 530 millions de dollars américains en 2009 à un total estimé à 5,1 milliards de dollars américains en 2013, soit un taux de croissance annuel de 76 %. En termes géographiques, le principal marché a été l'Amérique du Nord (essentiellement les États-Unis), qui représente 60 % du total, suivie par l'Europe, qui en représente 36 % (13).

4.4

Le financement participatif a des effets bénéfiques pour l'économie en tant que source de financement alternative aux voies classiques de financement, favorisant l'investissement, l'innovation et la création d'emplois. Il y a lieu de mettre aussi en évidence l'incidence possible de ce mode de financement sur le développement d'activités liées à l'économie sociale, d'entreprises d'artisanat et de microentreprises (14).

4.5

Il est nécessaire de promouvoir et d'encourager l'accès universel afin de garantir la participation de personnes atteintes de handicap aux plates-formes de financement participatif et d'éviter ainsi de les exclure de ce nouveau mode de financement qui offre une occasion supplémentaire au troisième secteur.

4.6

Le CESE accueille favorablement la décision d'inclure des représentants des PME dans le groupe d'experts. La part de l'offre et de la demande doivent y être représentées.

5.   Structure financière et croissance économique

5.1

La structure financière est étroitement liée à la croissance économique et aux effets de la crise. Aux États-Unis, la proportion d'entreprises qui obtiennent des financements dans les marchés de capitaux est plus grande que dans l'UE, où elles dépendent essentiellement du crédit bancaire. L'importance relative du secteur bancaire varie de moins de 20 % aux États-Unis à plus de 60 % dans certains États membres de l'Union européenne.

5.2

Lors d'une récession «normale», les banques sont plus enclines à offrir des prêts, ce qui permet d'atténuer l'impact négatif sur l'économie. En revanche, la situation change lorsque la crise économique se double d'une crise financière. Dans ce cas, la récession dans les pays dont l'économie est axée sur le secteur bancaire est trois fois plus grave que dans ceux qui ont une structure financière orientée vers le marché (15).

5.3

L'absence de financement suffisant dans l'UE constitue le deuxième problème le plus important (le premier étant de trouver des clients) pour les entreprises (16).

5.4

L'injection de liquidités au système financier par la BCE pour faciliter le crédit aux entreprises serait sans doute une mesure très favorable pour l'économie européenne.

6.   Financement participatif avec rémunération financière (financial return crowdfunding)

6.1   Financement des PME

6.1.1

Le CESE a abordé les problèmes de financement dans plusieurs avis, soulignant l'importance des PME dans l'économie européenne (17).

6.1.2

La contraction du crédit (credit crunch) nuit à l'économie et, en particulier, à l'existence des PME pour lesquelles les prêts bancaires (qu'il est souvent difficile d'obtenir) constituent une source fondamentale de financement. C'est l'une des causes de la forte augmentation du chômage qui touche en particulier certains États membres de l'UE.

6.1.3

Offrant généralement des investissements aux montants réduits, le financement participatif est essentiellement tourné vers les PME (et, en particulier, les microentreprises), qui constituent une très large majorité du tissu d'entreprises européen (99,8 % du total des entreprises non financières de l'UE-28) et emploient 67,2 % de la main-d'œuvre, apportant à cet égard une contribution décisive (18).

6.1.4

Le CESE constate l'existence d'un certain scepticisme quant à l'efficacité des sources financières alternatives. L'association européenne des PME a considéré la communication de la Commission sur le financement à long terme de l'économie européenne (19) comme une avancée, mais toutefois insuffisante, estimant que le financement participatif concernera un nombre réduit d'entreprises, les jeunes pousses constituant à peine 1 % des PME (20).

6.2   Financement des jeunes pousses

6.2.1

Le CESE souligne la nécessité que l'Union et les États membres promeuvent et soutiennent le financement participatif en particulier dans le cas des entreprises innovantes nouvellement créées (jeunes pousses). Les jeunes pousses consacrées à la recherche et au développement de projets de haute technologie, qui constituent l'un des objectifs de la stratégie numérique, revêtent un intérêt particulier en raison de leur capacité potentielle à favoriser la croissance et l'emploi. Toutefois, les secteurs dits traditionnels ou l'artisanat peuvent aussi être très innovants et ne doivent donc pas être exclus.

6.2.2

Par ailleurs, le CESE suggère que l'UE et les États membres promeuvent et soutiennent le financement participatif pour développer et encourager l'innovation sociale, les jeunes innovateurs et l'économie sociale. Les entités de l'économie sociale ont un rôle clé à jouer dans le cadre de la stratégie Europe 2020 pour atteindre l'inclusion sociale et l'insertion de groupes vulnérables à travers la création d’emplois, en garantissant la compatibilité entre la valeur sociale et économique.

6.2.3

Alors qu'il ne convient pas pour financer le fonctionnement quotidien d'une entreprise, le financement participatif est en revanche particulièrement adapté aux initiatives précitées, souvent promues par de jeunes entrepreneurs désireux de mener à bien un projet concret d'entreprise.

7.   Financement participatif dans l'écosystème financier de l'UE

7.1

Le CESE considère que le financement participatif peut jouer un rôle relativement important en tant que source de financement à côté d'autres formes non traditionnelles, comme les investisseurs informels (business angels) ou le capital-risque (venture capital), les prêts win win  (21), etc. Mais à l'heure actuelle, le grand problème auquel sont confrontées les autorités économiques et monétaires concerne, outre la contraction du crédit, les garanties élevées qui sont exigées.

7.2

Dans l'UE, la promotion des voies de financement non bancaires peut contribuer à accentuer la tendance, engagée il y a déjà deux décennies, à recourir aux marchés des capitaux. Il convient de réfléchir aux exigences de solvabilité afin de garantir le remboursement du capital investi et de doter cette source de financement d'une sécurité juridique accrue.

8.   Financement participatif sans rémunération financière (crowdfunding with non-financial return)

8.1

Les dons, les prêts sans intérêt ou les cessions gratuites de droits peuvent concerner des projets à caractère commercial, mais il s'agit normalement de contributions solidaires à des initiatives sociales promues par des associations sans but lucratif. Le mécénat peut favoriser la création ou le maintien d'activités culturelles ou sportives.

8.2

Le financement participatif est un mode de financement couramment utilisé dans l'entreprise sociale. Il convient d'en évaluer le potentiel dans le cadre plus vaste de l'initiative pour l'entreprise sociale, en particulier pour l'entrepreneuriat social inclusif.

8.3

Étant donné que les dons et certaines formes d'investissement sont soumis à des traitements fiscaux différents d'un État membre à l'autre, le CESE juge appropriée la proposition de la Commission d'analyser les effets des incitations fiscales.

9.   Observations particulières

9.1   La nécessité d'une réglementation européenne

9.1.1

Pour que le financement participatif devienne une alternative de financement viable, il est nécessaire d'accroître la confiance des investisseurs. L'organisme de contrôle doit jouer un rôle fondamental en la matière.

9.1.2

La Commission mentionne des «actions futures» possibles, qu'elle adopterait après avoir pris connaissance de l'avis du groupe d'experts. Le CESE considère que pour favoriser le financement participatif transfrontalier, il sera certainement nécessaire d'adopter une législation harmonisant les critères que les États membres ont déjà adoptés (ou qui sont en passe de l'être). Dans ces «nouveaux marchés», il y a lieu d'accorder une attention particulière à l'intérêt et à la protection des consommateurs.

9.1.3

Cette harmonisation pourrait se faire à travers l'adoption d'un règlement sur les plates-formes de financement participatif à but lucratif, incluant au minimum:

les modalités;

les services à fournir;

les limites de montants;

les obligations d'information (y compris les conflits d'intérêt possibles);

les exclusions de son champ d'application;

les interdictions (en particulier celles découlant de l'interdiction d'acquisition et de publication de projets liés);

l'exigence d'égalité de conditions de concurrence;

les exigences financières;

l'obligation d'enregistrement public (publicité et transparence).

9.1.4

Il conviendrait d'exclure les activités de mécénat et d'autres activités sans but lucratif d'une éventuelle réglementation européenne, dans la mesure où elles n'entraînent pas les risques associés aux activités à but lucratif. Les éventuelles irrégularités qui pourraient être commises sont déjà prévues dans la législation administrative et pénale des États membres.

9.1.5

Le CESE suggère de considérer la réglementation du financement participatif, essentiellement dans les cas suivants:

émission ou souscription de valeurs dans des sociétés par actions (achat d'obligations ou d'actions);

émission ou souscription de valeurs dans des sociétés à responsabilité limitée;

prêts avec intérêt (à des particuliers ou à des entreprises).

9.1.6

Une éventuelle législation européenne en la matière devrait être flexible et équilibrée afin d'éviter aussi bien l'excès de réglementation (qui pourrait être un obstacle à la diffusion du financement participatif) que le manque de protection des investisseurs. En d'autres termes, elle devrait être objective, transparente, proportionnée à l'objectif poursuivi et offrir un niveau élevé de protection des investisseurs.

9.1.7

Quoi qu'il en soit, les investisseurs doivent être conscients qu'il est impossible d'exclure un certain niveau de risque.

9.1.8

La simplicité des démarches administratives et la réduction de la bureaucratie au minimum possible sont des principes fondamentaux à cet égard. Sont également nécessaires:

l'égalité de conditions de concurrence;

la réduction des frais administratifs;

la brièveté des délais de résolution.

9.1.9

Les normes devraient garantir que les plates-formes de financement collectif agissent selon les principes de base de:

neutralité;

diligence;

recherche de l'intérêt supérieur des clients, qui doivent être bien informés;

absence de pratiques commerciales déloyales dans le cadre de leur commercialisation;

procédures de réclamation accessibles.

9.1.10

Il conviendrait que les informations fournies aux investisseurs potentiels:

soient claires et pertinentes,

soient opportunes et complètes;

soient objectives et exactes;

ne soient pas trompeuses, par action ou omission.

9.1.11

Les droits de propriété intellectuelle des auteurs de projets publiés sur Internet seront protégés dès l'entrée en vigueur du règlement sur la création du brevet unique européen.

9.2   Promotion des sources financières alternatives

9.2.1

Le CESE considère approprié que les autorités publiques réalisent des campagnes de diffusion du financement participatif, afin d'encourager une plus grande orientation des entreprises vers les marchés des capitaux. En particulier, il y a lieu de fournir des informations pertinentes aux PME en collaboration avec leurs organisations.

9.2.2

La formation dirigée aussi bien aux entrepreneurs qu'aux investisseurs et, en particulier, aux entrepreneurs en situation désavantagée jouera aussi un rôle essentiel pour intégrer le financement participatif dans l'économie européenne. Il conviendrait à cet effet de consacrer les ressources nécessaires pour garantir la transmission des connaissances adéquates aussi bien pour l'administration des plates-formes que pour l'évaluation efficace des risques des opérations.

9.2.3

Financement participatif sans but lucratif

Le CESE souligne que cette modalité de financement:

peut stimuler les valeurs européennes communes, telles que la solidarité, le pluralisme, la démocratie et la liberté. À cet effet, il importe que l'Union prenne aussi des mesures dans ce domaine pour compléter celles que les États membres adopteront, en soutenant la création de plates-formes d'intérêt européen, pour des projets visant à renforcer la cohésion économique, sociale ou territoriale, dans lesquelles les organisations patronales, syndicales et d'autres entités représentatives de la société civile puissent jouer un rôle actif;

il est opportun de reconnaître dans la législation des États membres que le financement participatif est une nouvelle formule de mécénat, non seulement dans la forme, mais aussi dans le fond, car il s'agit en l'occurrence d'innovation en termes de produits et de processus. C'est un aspect que les États doivent reconnaître et soutenir.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Alvin Toffler, «La troisième vague», p. 86 et suivantes.

(2)  JO C 177 du 11.6.2014, p. 1.

(3)  Résolution du P.E. sur l'«Agenda du consommateur européen» — 2012/2133(INI).

(4)  COM(2013) 150 final.

(5)  Voir l'avis du CESE JO C 327 du 12.11.2013, p. 11.

(6)  Directive 2003/71/CE (JO L 345/64) modifiée par la directive 2010/73/UE (JO L 327/1).

(7)  Directive 2004/39/CE (JO L 145/1).

(8)  Directive 2007/64/CE (JO L 319/1).

(9)  Directive 2008/48/CE (JO L 133/66).

(10)  Proposition de directive COM(2011) 142 final.

(11)  Massolution (2013), Crowdfunding Industry Report 2012, http://www.crowdsourcing.org/research

(12)  European Banking Federation Facts and Figures (2012): http://www.ebf-fbe.eu/uploads/FF2012.pdf

(13)  http://www.bruegel.org/nc/blog/detail/article/1330-the-crowdfunding-phenomenon

(14)  Voir les avis du CESE sur le thème «Financement des entreprises/nouveaux mécanismes financiers» et sur le «Financement à long terme de l'économie européenne» (pas encore publiés au JO).

(15)  Financial structure and growth. BIS Quarterly Review, mars 2014.

(16)  BCE: Survey on the access to finance of SMEs in the euro area, 2013.

(17)  JO C 77 du 31.3.2009, p. 23; JO C 27 du 3.2.2009, p. 7; JO C 351 du 15.11.2012, p. 45; JO C 48 du 15.2.2011, p. 33.

(18)  Eurostat: Statistiques structurelles sur les entreprises, décembre 2013.

(19)  COM(2014) 168 final.

(20)  Communiqué de l'UEAPME, du 27/03/2014.

(21)  http://www.bofidi.be/en/nieuws-3/recent-posts/148-winwinloananinterestingalternativemethodoffinancing


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/76


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux équipements de protection individuelle

[COM(2014) 186 final — 2014/0108 (COD)]

(2014/C 451/12)

Rapporteure:

Mme BUTAUD-STUBBS

Le 2 avril 2014 et le 24 avril 2014, le Parlement européen et le Conseil respectivement ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux équipements de protection individuelle»

COM(2014) 186 final — 2014/0108 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 191 voix pour et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE juge opportune la démarche de la Commission européenne visant à remplacer la directive de 1989 sur les équipements de protection individuelle (EPI) c'est-à-dire «tout dispositif ou moyen destiné à être porté ou tenu par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa santé ou sa sécurité» par un règlement afin de s'assurer d'une application obligatoire et uniforme dans tous les États membres.

1.2

Le CESE estime que la plupart des modifications proposées sont positives:

alignement sur un cadre commun pour la législation applicable aux produits,

clarification des responsabilités de tous les opérateurs privés et publics impliqués dans les démarches de vérification de la conformité des EPI avec les exigences contenues dans la proposition de règlement et ses annexes,

introduction de deux nouvelles catégories d'EPI: les EPI sur mesure et les EPI personnalisés,

la nouvelle durée de cinq ans de la période de validité des certificats de conformité.

1.3

Le CESE s'interroge néanmoins sur la pertinence de certaines modifications proposées:

l'inclusion des EPI fabriqués pour un usage privé contre la chaleur, l'humidité et l'eau,

la variété des régimes linguistiques retenue pour les différentes informations devant être communiquées.

1.4

Le CESE considère, par ailleurs, que l'utilisation des EPI doit être intégrée dans le cadre d'une politique globale de prévention des risques sur les lieux de travail qui couvre notamment:

l'identification précise des facteurs de risques,

l'adaptation des postes de travail pour réduire l'exposition aux risques,

la modification de l'organisation du travail,

la formation des salariés à la prévention des risques, à l'ergonomie, au port et à l'utilisation des EPI.

1.5

Tous ces objectifs sont d'ailleurs au cœur du nouveau cadre stratégique européen sur la sécurité et la santé au travail 2014-2020 adopté le 6 juin 2014 et il serait souhaitable d'y faire référence dans la proposition de règlement COM(2014) 186 final. Rappelons que 3 millions de travailleurs ont été victimes en 2013 d'un accident grave sur leur lieu de travail.

1.6

On peut également regretter l'absence de toute considération économique pour le marché européen des EPI estimé en 2010 à environ 10 milliards d'euro, en croissance, stimulé par l'innovation technologique (nouvelles fibres, smart textiles, nanomatériaux…), et orienté vers la réponse à des besoins de protection mais aussi à des demandes sociétales de confort, de bien aller, de légèreté, et d'esthétisme.

1.7

Le CESE déplore également l'absence de prise en compte suffisante des procédures d'entretien, de contrôle et de révision des EPI, du cas des EPI utilisés par plusieurs personnes ainsi que de celui des EPI d'occasion.

2.   Le contenu de la proposition de règlement

2.1   Les mérites et les limites de la directive de 1989

2.1.1

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fondée sur l'article 114 du Traité vise à remédier aux lacunes constatées dans le fonctionnement du Marché unique des équipements de protection individuelle.

2.1.2

La directive 89/686/CEE relative aux équipements de protection individuelle a été adoptée le 21 décembre 1989. Elle est devenue pleinement applicable à compter du 1er juillet 1995.

2.1.3

Elle définit les équipements de protection individuelle comme étant «tout dispositif ou moyen destiné à être porte ou tenu par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa santé ainsi que sa sécurité

2.1.4

Elle définit les exigences essentielles de sécurité auxquels doivent satisfaire les ÉPI afin de pouvoir être mis sur le marché et circuler librement au sein du marché unique. Les ÉPI doivent être conçus et fabriqués conformément aux exigences de la directive. Les fabricants doivent apposer le marquage CE et fournir aux utilisateurs les instructions de stockage, d'emploi, de nettoyage, d'entretien, de révision et de désinfection des ÉPI.

2.1.5

Depuis 1995, un certain nombre de difficultés liées à la mise en œuvre de la directive sont apparues:

des différences d'interprétation dans les transpositions nationales de la directive ayant conduit à une fragmentation du marché unique,

une mauvaise compréhension par les fabricants et les autorités notifiées de certaines dispositions,

une exclusion de certaines catégories d'EPI qui n'a pas semblé toujours justifiée (un même équipement de protection était considéré comme un EPI quand il était utilisé par un professionnel (par exemple des gants de vaisselle dans un restaurant) alors qu'il n'en était pas un lorsqu'il était utilisé par un particulier).

2.1.6

Par ailleurs, la Commission européenne a pour objectif d'œuvrer à la simplification, et se doit d'aligner la directive de 1989 sur le nouveau cadre juridique qui définit un cadre commun pour la législation d'harmonisation de l'Union applicable aux produits.

2.2   Le contenu de la proposition de règlement

2.2.1   Un champ d'application revu

2.2.1.1

Les EPI conçus et fabriqués pour un usage privé contre la chaleur, l'humidité et l'eau dans des conditions non extrêmes sont dorénavant inclus (gants de vaisselle, maniques, bottes en caoutchouc…) alors que les casques destinés à protéger les usagers des véhicules à moteur à deux ou trois roues sont dorénavant exclus du champ d'application en raison d'un règlement applicable de la Commission économique pour l'Europe des Nations-Unies.

2.2.2   Un alignement sur les dispositions habituelles des actes d'harmonisation de l'Union applicables aux produits

2.2.2.1

Les obligations de tous les opérateurs économiques concernés: fabricants, mandataires, importateurs et distributeurs sont définies conformément aux dispositions des actes d'harmonisation de l'Union applicables aux produits. En effet, depuis 2008, le nouveau cadre législatif est un instrument horizontal du marché intérieur qui vise à renforcer l'efficacité de la législation de l'UE en matière de sécurité des produits (règlement CE no 765/2008 relatif à l'accréditation et à la surveillance du marché et la décision no 768/2008 relative à un cadre commun pour la commercialisation des produits).

2.2.3   Une nouvelle répartition par classe de risques pour les procédures d'évaluation de la conformité

2.2.3.1

Les EPI sont répartis en 3 catégories de risques et chacune relève d'une procédure de certification propre.

Catégories de risques

Procédures de certification

Exemples

Catégorie I

Risques minimes liés à des agressions mécaniques superficielles, contact avec l'eau avec des surfaces chaudes (moins de 50o), exposition à la lumière solaire, et à des conditions atmosphériques non extrêmes

Autocertification

Contrôle interne de la production (Module A — Annexe IV)

Gants de vaisselle, maniques, lunettes solaires…

Catégorie II

EPI protégeant des risques autres que minimes (I) et très graves (III)

EPI sur mesure sauf si ces EPI sont destinés pour les risques minimes

Examen UE de type (Module B — Annexe V)

Conformité au type sur la base du contrôle interne de la production (Module C — Annexe VI)

Casques de protection, vêtements de haute visibilité…

Catégorie III

Risques très graves, substances nocives, produits chimiques agressifs, rayonnements ionisants, ambiances chaudes (plus de 100o), ambiances froides (moins de 50o), chutes de hauteur, chocs électriques, et travaux sous tension, noyades, coupures par des scies à chaine, et dispositifs de découpe à jets d'eau haute pression, blessures par balles ou coups de couteau, bruits nocifs…

Examen UE de type (Module B — Annexe V) + procédure complémentaire avec intervention d'un organisme notifié:

soit conformité au type/vérification du produit (Module F — Annexe VII),

soit conformité au type sur la base de l'assurance de la qualité du mode de production (Module D — Annexe VIII)

Numéro de l'organisme certifié

Appareils de protection respiratoire, EPI contre les chutes de hauteur…

2.2.3.2

On remarquera que certains nouveaux risques ont été ajoutés en catégorie III: par exemple, les risques de blessures au couteau et les bruits nocifs.

2.2.3.3

Le sort des EPI personnalisés tels que définis dans l'article 3 n'est pas très clair: de quelle catégorie de risque et donc de procédures de certification relèvent-ils?

2.2.4   Une limitation à 5 ans de la durée de validité du certificat de conformité

2.2.4.1

Cette modification majeure a été introduite à la suite de demandes de certaines autorités de contrôle des États membres qui ont constaté, sur leur marché, la présence d'EPI accompagnés de certificats encore valides alors que les normes avaient changé radicalement (cas notamment des gilets de sauvetage).

2.2.5   Une clarification des exigences essentielles de santé et de sécurité

2.2.5.1

Le règlement supprime des sections contenant des exigences par rapport à trois familles de risques qui se sont révélées inapplicables ou sources de confusion:

protection contre les vibrations mécaniques (section 3.1.3),

protection contre les effets nuisibles du bruit (section 3.5),

protection contre les rayonnements non ionisants (section 3.9.1).

2.2.6   Un contrôle renforcé sur les organismes notifiés

2.2.6.1

Les États membres disposent de pouvoirs renforcés de contrôle sur les organismes notifiés. Ils peuvent s'opposer à la notification d'un organisme qui n'a pas été actif depuis des années, qui ne dispose vraisemblablement plus des moyens humains et techniques de délivrer des certificats ou qui a délivré dans le passé des certificats de conformité sur des EPI non conformes.

2.2.7   Une période de transition après l'entrée en vigueur

2.2.7.1

Une période de deux ans après l'entrée en vigueur du règlement est prévue afin de laisser aux fabricants, aux organismes notifiés et aux États-membres le temps de s'adapter aux nouvelles exigences.

3.   Observations générales

3.1

L'inclusion des EPI privés pour protéger de risques mineurs tels que l'eau, ou l'humidité sera-t-elle opérationnelle? Comment le consommateur sera-t-il sensibilisé? Les conditions de marquage CE (lisibilité, format…) mériteraient peut-être d'être précisées à l'instar, par exemple, de précisions déjà existantes pour l'étiquetage, la composition et les consignes d'entretien des textiles pour tous les EPI à usage privé en vente, location ou en prêt. Ces nouvelles obligations ne vont-elles pas se traduire par une augmentation des prix de vente?

3.2

On peut regretter l'absence d'allusion au progrès technologique pourtant particulièrement présent dans ce secteur dans des domaines tels que les fibres et matériaux textiles (Teflon, latex, néoprène, nitrile…), les technologies d'enduction et de filtration, l'intégration de capteurs, et senseurs micro-électroniques en mesure de communiquer des informations ou de l'énergie («smart textiles») pour accroître les performances de protection vis-à-vis des risques.

3.3

Aucune allusion non plus n'est faite sur le potentiel de ce marché pour les industries européennes des ÉPI (textile, habillement, chaussures, fabricants d'accessoires) pourtant identifié par la Commission européenne en 2007 comme l'un des «lead markets» dans l'industrie.

3.4

On notera également le caractère insuffisant de la proposition de règlement sur les aspects humains: le port des EPI sera rendu optimal après des séances d'information et de formation du salarié pour faire comprendre les risques, les conditions d'utilisation des EPI, les instructions et les consignes indispensables. Il s'agit également de prévoir des périodes d'essai et de test des EPI afin de s'assurer de leur adaptation à la morphologie des porteurs et aux postes de travail (annexe II, § 1.3 à compléter notamment en fonction des retours d'expérience au niveau national).

3.5

Tous ces aspects relèvent, certes, de la proposition de directive relative à la sécurité et à la santé du 12 juin 1989 (89/391/CEE) qui poursuit l'objectif de l'amélioration de la sécurité et de la santé au travail, et décrit les obligations des employeurs ainsi que les droits et devoirs des salariés.

3.6

La politique en matière d'EPI s'intègre dans une politique globale conduite au niveau de l'entreprise ou de la branche de réduction de l'exposition aux risques. Cette politique repose sur une identification précise des facteurs de risques et sur l'inventaire des mesures à mettre en œuvre pour les réduire ou les éliminer: par exemple, étudier la solution d'un dispositif de captage d'air adapté avant de recourir aux appareils respiratoires. C'est toujours la solution collective de prévention des risques qui doit être privilégiée avant le recours à des solutions de protection individuelle.

3.7

Ce travail d'évaluation des risques est réalisé avec des partenaires à l'intérieur de l'entreprise: institutions représentatives du personnel, délégués du personnel, comités hygiène et sécurité… ou à l'extérieur de l'entreprise: médecine du travail, bureau d'étude, agence publique d'amélioration des conditions de travail…

3.8

Il convient d'attacher une importance particulière aux procédures d'entretien, de contrôle et de révision des EPI afin de garantir une protection maximale par rapport aux risques pour lesquels ils ont été conçus. L'entretien comprend notamment l'inspection, le soin, le nettoyage, la réparation et le rangement adéquat.

3.9

La proposition de règlement ne traite que partiellement les cas d'expositions à des risques multiples.

3.10

La proposition de règlement ne traite pas du cas des EPI qui sont utilisés par plusieurs personnes (cas des casques de protection sur un chantier par exemple). Il conviendrait de fixer les règles d'hygiène à respecter.

3.11

La proposition de règlement n'aborde pas non plus la question des restrictions d'aptitude au port d'un EPI: en effet, certains salariés, pour des raisons médicales, ne sont pas habilités à porter un EPI. Dans ces cas rares mais qui existent, comment l'employeur, soumis à une obligation de sécurité générale, règle-t-il la situation: reclassement du salarié à un autre poste, aménagement du poste de travail…?

3.12

La situation des EPI d'occasion n'est pas abordée dans la proposition de règlement alors que selon certaines sources nationales, le marché notamment pour les risques de catégorie I est en pleine croissance du fait de la crise économique qui frappe beaucoup des secteurs d'activité les plus utilisateurs d'EPI (construction, travaux publics, transports…).

4.   Observations particulières

4.1

Le texte de la proposition de règlement, considérant (24): la validité de l’attestation de conformité de l’EPI fixée à une durée maximum de 5 ans permet de garantir un examen sur la base des dernières connaissances scientifiques disponibles, ce qui s’inscrit pleinement dans les objectifs de prévention et d’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs visés par la directive cadre 89/391 du 12 juin 1989. Une procédure simplifiée est prévue dans le cas où il n'y a pas eu d'évolution significative des normes.

4.2

Article 3: plusieurs définitions pourraient être utilement ajoutées: celle des «EPI d'occasion», celle des «autorités de surveillance» mentionnées dans les articles 11 et 13, ainsi que celle des «autorités notifiantes» responsables au niveau national de la notification des organismes eux-mêmes habilités à exercer les contrôles de conformité des EPI.

4.3

Article 8.3: la durée de conservation de la documentation technique fixée à 10 ans peut paraître excessive d'autant plus que la validité de l'attestation de conformité n'est valable que 5 ans. Pourquoi ne pas aligner les deux sur 5 ans?

4.4

Article 8.3 et 8.7 et 8.10, article 9.2 a), article 10.3, 10.4 et 10.7, article 11.2, article 13, article 15.1, article 15 (15.2 et 15.3), annexe II, point 2.12: dans ces différents articles sont prévus des régimes linguistiques distincts pour les différents documents concernant les EPI et leur conformité aux procédures dont ils relèvent:

on évoque une «langue aisément compréhensible par les utilisateurs finaux», expression issue de la jurisprudence de la CJCE, mais qui peut apparaître comme assez subjective,

on mentionne aussi la question linguistique au point 2.12 de l'annexe II: «les marquages d'identification… doivent être rédigés dans la ou les langues officielles de l'État membre où les équipements doivent être utilisés»,

on trouve enfin à l'article 15 (15.2 et 15.3), l'expression suivante qui semble plus précise au plan juridique: «la ou les langues requises de l'État membre dans lequel l'EPI est mis à disposition».

Le CESE comprend les raisons qui ont conduit à mettre en place trois régimes linguistiques distincts mais propose à des fins de simplification de retenir exclusivement la dernière formulation.

4.5

Article 15.3: l'expression «mises à jour régulières» est susceptible de faire l'objet d'interprétations différentes au niveau national. Pourquoi ne pas fixer une périodicité, annuelle par exemple?

4.6

Article 42: la période de deux ans proposée après l'entrée en vigueur est certes exigeante au regard du nombre de modifications nécessaires surtout dans les États membres à faibles structures administratives (renotification de l'ensemble des organismes notifiés à l'échelle des 28 États membres, changement de la durée de validité des certificats de conformité) mais nécessaire au regard des objectifs de prévention et d'amélioration des conditions de travail notamment en ce qui concerne la réduction des accidents du travail.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/81


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux installations à câbles

[COM(2014) 187 final — 2014/0107 (COD)]

(2014/C 451/13)

Rapporteur:

M. SIMONS

Les 24 et 2 avril 2014, respectivement, le Conseil et le Parlement européen ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux installations à câbles»

COM(2014) 187 final — 2014/0107 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 184 voix pour et 6 abstentions:

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Compte tenu des divergences d'interprétation auxquelles a donné lieu sur certains points la directive actuellement en vigueur, le Comité économique et social européen (CESE) approuve le choix d'un règlement fondé sur l'article 114 du TFUE.

1.2

Le CESE se félicite que la proposition de règlement soit alignée sur la directive 2000/9/CE, qui devrait être harmonisée avec le «paquet» législatif concernant les produits, adopté en 2008, et notamment avec la décision no 768/2008/CE relative au nouveau cadre législatif, sur laquelle il a déjà émis un avis favorable.

1.3

Le CESE demande instamment que la terminologie, notamment celle utilisée dans la version allemande, ainsi que les définitions et certains éléments indéniablement positifs repris de la directive en vigueur — ou des éléments découlant de cette directive — fassent l'objet d'un examen extrêmement attentif.

1.4

Les imperfections relevées par le CESE sont trop nombreuses pour pouvoir être énumérées dans les présentes conclusions. Le Comité renvoie expressément à cet égard au paragraphe 4.2 et aux paragraphes suivants ainsi qu'au chapitre 5, où des solutions sont également proposées.

2.   Introduction

2.1

Le CESE a émis en 1994 déjà un avis (1) sur une proposition de directive de la Commission européenne relative aux installations à câble transportant du public. Le Comité y soutenait tout particulièrement la Commission «dans les efforts qu'elle déploie en vue d'amener tous les États membres à agir de manière coordonnée et à instaurer des contrôles stricts sur le territoire de l'Union européenne, cela afin d'atteindre et de garantir un niveau de sécurité élevé et, partant, de réduire le risque d'accidents futurs».

2.2

La proposition de la Commission devait également avoir pour résultat «de conforter les positions de l'industrie européenne, d'accroître la compétitivité de cette dernière et de faire en sorte qu'elle se positionne mieux face à la concurrence mondiale. La plupart des fabricants présents sur le marché mondial étant européens, toute action visant à augmenter les perspectives de ventes doit adopter une approche raisonnable et tolérable».

2.3

L'exploitation des installations à câbles est principalement liée au tourisme, surtout en montagne, qui occupe une place importante dans l'économie des régions concernées et compte de plus en plus dans la balance commerciale des États membres (2).

2.4

Les États membres ont la responsabilité d'assurer la sécurité des installations à câbles lors de leur construction, de leur mise en service et durant leur exploitation. Ils ont aussi, en association avec les autorités compétentes, des responsabilités en matière de droit des sols, d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement. Les réglementations nationales présentent des différences importantes imputables à des techniques particulières à l'industrie nationale, à des coutumes et à des savoir-faire locaux. Elles prescrivent des dimensions et des dispositifs particuliers ainsi que des caractéristiques spéciales. Cette situation oblige les fabricants à redéfinir leurs produits pour chaque marché et s'oppose à l'offre de solutions standards.

2.5

Le respect des exigences essentielles de sécurité et de santé constitue un impératif pour assurer la sécurité des installations à câbles. Ces exigences doivent être appliquées avec discernement pour tenir compte du niveau technologique existant lors de leur mise sur le marché, leur mise en service et leur utilisation, ainsi que des impératifs techniques et économiques.

2.6

En outre, les installations à câbles peuvent être transfrontalières et leur réalisation peut alors se heurter à des réglementations nationales contradictoires.

2.7

Mais il a fallu attendre l'année 2000 pour que l'on légifère sur cette question. La directive 2000/9/CE relative aux installations à câbles transportant des personnes (3) a été promulguée le 20 mars 2000 et est entrée en vigueur le 3 mai 2002. Les principaux types d’installations à câbles couverts par la directive 2000/9/CE sont les funiculaires, les télécabines, les télésièges à attaches débrayables et à attaches fixes, les téléphériques, les funitels, les installations combinées (constituées de plusieurs types de câbles, comme ceux des télécabines et des télésièges) et les téléskis.

2.8

Aujourd'hui, plus de dix ans plus tard, une révision de la réglementation relative aux installations à câbles s'avère nécessaire pour diverses raisons.

3.   Contenu essentiel de la proposition à l'examen

3.1

La proposition entend remplacer la directive 2000/9/CE par un règlement et aligner la directive sur le «paquet» législatif concernant les produits adopté en 2008, et en particulier sur la décision no 768/2008/CE relative au nouveau cadre législatif.

3.1.1

Cette dernière définit un cadre commun pour la législation d’harmonisation de l’Union applicable aux produits. Il s’agit de dispositions d’usage courant dans la législation européenne sur les produits (par exemple: définitions, obligations incombant aux opérateurs économiques, règles concernant les organismes notifiés, mécanismes de sauvegarde, etc.). Ces dispositions communes ont été renforcées pour que les directives puissent être appliquées et mises en œuvre plus efficacement dans les faits. De nouveaux éléments, tels que des obligations incombant aux importateurs, ont été ajoutés; ils sont essentiels pour améliorer la sécurité des produits proposés sur le marché.

3.1.2

La proposition entend également s’attaquer à certaines difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la directive 2000/9/CE. Plus spécifiquement, les autorités compétentes, les organismes notifiés et les fabricants avaient des opinions différentes sur la question de savoir si certains types d’installations relevaient du champ d’application de la directive 2000/9/CE et s’ils devaient donc être fabriqués et attestés conformément aux exigences et procédures prévues par la directive.

3.1.3

Les avis divergeaient également sur la nature de certains équipements et sur le fait qu’ils devaient être considérés comme des sous-systèmes, des éléments du génie civil ou des constituants de sécurité.

3.1.4

De plus, la directive ne précise pas le type de procédure d’évaluation de la conformité devant être appliqué aux sous-systèmes.

3.2

Ces approches divergentes ont entraîné des distorsions de marché et un traitement hétérogène des opérateurs économiques. Les fabricants et les exploitants des installations concernées ont dû modifier les équipements ou les soumettre à une nouvelle certification, ce qui a engendré des frais supplémentaires et des retards dans l’autorisation et l’exploitation de ces installations.

3.3

Le règlement proposé vise par conséquent à améliorer la clarté juridique en ce qui concerne le champ d’application de la directive 2000/9/CE et à parvenir ainsi à une meilleure mise en œuvre des dispositions juridiques concernées.

3.4

Par ailleurs, la directive 2000/9/CE contient des dispositions sur l’évaluation de la conformité des sous-systèmes. Toutefois, elle ne détermine pas la procédure concrète à appliquer par le fabricant et l’organisme notifié. De plus, elle n’offre pas aux fabricants l’éventail des procédures d’évaluation de la conformité disponibles pour les constituants de sécurité. Le règlement proposé aligne par conséquent les procédures d’évaluation de la conformité disponibles pour les sous-systèmes sur celles déjà appliquées pour les constituants de sécurité, sur la base des modules d’évaluation de la conformité établis dans la décision no 768/2008/CE relative à un cadre commun pour la commercialisation des produits. Dans ce contexte, il prévoit également l’apposition du marquage CE pour indiquer la conformité à ses dispositions, conformément au système existant pour les constituants de sécurité.

3.5

La proposition tient compte du règlement (UE) no 1025/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif à la normalisation européenne (4). La proposition prévoit:

la clarification du champ d’application en ce qui concerne les installations à câbles destinées à la fois à des fins de transport et de loisirs;

l’introduction d’un éventail de procédures d’évaluation de la conformité pour les sous-systèmes reposant sur les modules d’évaluation de la conformité existant pour les constituants de sécurité, alignés sur la décision relative au nouveau cadre législatif;

l’alignement sur la décision relative au nouveau cadre législatif.

Sont exclues:

les installations à câbles utilisées à des fins de loisirs dans des fêtes foraines ou parcs d’attractions;

certaines installations à câbles utilisées à des fins agricoles ou industrielles;

toutes les installations mues par câbles dans lesquelles les usagers ou les véhicules se trouvent sur l’eau.

3.6

La proposition conserve les procédures d’évaluation de la conformité des constituants de sécurité. Elle en met toutefois à jour les modules correspondants conformément à la décision relative au nouveau cadre législatif.

3.7

Elle maintient l’exigence d’une intervention de l’organisme notifié dans la phase de conception et de production de tous les sous-systèmes et constituants de sécurité.

3.8

La proposition introduit un éventail de procédures d’évaluation de la conformité pour les sous-systèmes basées sur les modules d’évaluation de la conformité prévus par la décision relative au nouveau cadre législatif. De plus, elle introduit également le marquage CE pour les sous-systèmes, puisqu’il n’y a aucune raison de les traiter différemment des constituants de sécurité.

3.9

La proposition renforce les critères de notification applicables aux organismes notifiés et instaure des exigences spécifiques pour les autorités notifiantes. Une adaptation aux nouvelles technologies est nécessaire afin de permettre la notification en ligne. Il est important de prévoir une période au cours de laquelle il sera possible de lever d’éventuels doutes ou préoccupations quant à la compétence des organismes d’évaluation de la conformité, avant que ceux-ci ne débutent leurs activités en tant qu'organismes notifiés.

4.   Observations générales

4.1

Étant donné qu'il s'avère aujourd'hui qu'une interprétation uniforme des dispositions des directives n'est pas toujours assurée, le CESE fait remarquer que pour les efforts d'harmonisation de ce type (5), devant permettre de promouvoir la libre circulation des marchandises dans le marché intérieur, les règlements garantissent une interprétation uniforme. Aussi le CESE est-il favorable au choix du règlement et de l'article 114 du TFUE comme base juridique.

4.1.1

Dans la mesure où le contrôle de la mise en œuvre du règlement est délégué aux États membres, il incombe à la Commission de veiller à l'uniformité de cette mise en œuvre.

4.2

Il convient toutefois de reprendre le plus fidèlement possible les éléments de la directive en vigueur dont la qualité est indiscutable ainsi que les dispositions et les bonnes pratiques qui en découlent (6), tout en formulant avec précision les nouvelles dispositions du règlement.

4.2.1

L'on ne comprend pas pourquoi la mention «transportant des personnes» a été supprimée du titre du règlement, alors que le 8e considérant indique explicitement qu'il y a lieu de conserver tel quel le champ d’application de la directive.

4.2.2

Les termes techniques diffèrent parfois beaucoup de ceux utilisés dans la série de normes harmonisées relatives aux installations à câbles et devraient être uniformisés.

4.2.3

La formulation actuelle de la proposition de règlement [article 2, paragraphe 2, point a)] ne permet pas d'établir une distinction claire entre les ascenseurs (en particulier les ascenseurs inclinés) au sens de la directive 95/16/CE et les funiculaires. Les informations fournies à ce sujet au 11e considérant ne sont pas suffisantes et ne permettent pas une classification sans équivoque dans la pratique. Il importe que l'on puisse continuer à installer des ascenseurs inclinés au sens de la directive sur les ascenseurs pour divers usages en extérieur (liaisons entre une aire de stationnement dans la vallée et le village ou le centre-ville historique en altitude, entre des pistes de ski, etc.).

4.2.4

L'article 2, paragraphe 2, point f) exclut du champ d'application du règlement les installations se trouvant sur l'eau. Bien que le 12e considérant ait été ajouté afin d'éviter les malentendus et les interprétations divergentes, celui-ci ne contribue pas à une meilleure compréhension. Il conviendrait de préciser l'article 2, paragraphe 2, point f) en le subdivisant entre «bacs fluviaux mus par câbles» — tels que définis dans la directive 2000/9/CE — et «installations de ski nautique mues par câbles».

4.2.5

Les installations à câbles transportant des personnes — contrairement aux installations faisant l'objet d'autres directives telles que celle relative aux machines — sont soumises à des procédures d'autorisation réglementées, définies par les États membres. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'indiquer la raison sociale et l'adresse postale sur le sous-système ou le constituant de sécurité, d'autant plus qu'une déclaration UE de conformité (7), sur laquelle figurent ces indications, doit accompagner l'installation et être disponible auprès de l'autorité compétente. Afin de donner une idée de l'incidence économique de cet article, l'on pourrait citer par exemple le cas des télésièges à attaches fixes, sur lesquels devraient être apposées quelque 500 plaquettes. Il conviendrait dès lors de modifier l'article 11 (chapitre II) en supprimant, dans la première phrase, «sur le sous-système ou le constituant de sécurité ou, lorsque ce n’est pas possible, sur son emballage ou».

4.2.6

L'article 2, paragraphe 2, point d) exclut du champ d'application du règlement les installations dans les parcs d’attractions destinées exclusivement aux loisirs. Quelle différence cela fait-il, en matière de règles de sécurité et d'exigences essentielles, que la personne qui se trouve dans l'installation l'utilise uniquement à des fins de loisirs ou comme moyen de transport? Il est donc recommandé de ne conserver dans le texte que les «matériels spécifiques pour des fêtes foraines, implantés ou mobiles».

4.2.7

Les considérants 57 et 58, ainsi que l'article 41, définissent des dispositions transitoires. Une formule générale précisant que la proposition de règlement ne s'applique pas aux installations ayant déjà été mises sur le marché fait toutefois défaut. Il convient d'ajouter à l'article 9, sous la forme d'un nouveau paragraphe 3, la phrase suivante — qui figure dans la directive relative aux installations à câbles (28e considérant): «Il n'est pas nécessaire d'exiger la mise en conformité de toutes les installations à câbles existantes avec les dispositions applicables aux installations à câbles nouvelles». Il convient par ailleurs d'insérer à l'article 9, après l'actuel paragraphe 3, les dispositions suivantes concernant l'éventuel démontage et remontage en un autre endroit d'une installation à câbles: «Le démontage et remontage en un autre endroit d'une installation à câbles est autorisé aux conditions suivantes:

doivent être utilisés les constituants de sécurité et les sous-systèmes qui ont été soumis à une évaluation de conformité et mis sur le marché conformément à la directive 2000/9/CE ou au règlement actuel est autorisée;

l'installation à déplacer doit se trouver, sur le plan technique, dans un état tel qu'après le remontage, il puisse être garanti qu'elle présente un niveau de sécurité globalement équivalent à celui d'une nouvelle installation.»

4.2.8

L'article 36, paragraphe 2, stipule que les organismes notifiés doivent, sur demande, également fournir aux autres organismes notifiés des informations sur les résultats positifs de l’évaluation de la conformité. Les organismes notifiés sont des institutions indépendantes soumises à des impératifs économiques. Pour éviter le transfert de connaissances, il y a lieu de supprimer, dans cet article, «et, sur demande, aux résultats positifs».

4.3

Le CESE se félicite que la proposition de règlement aille dans le sens de la directive 2000/9/CE et soit conforme au «paquet» législatif concernant les produits, adopté en 2008, et en particulier à la décision no 768/2008/CE relative au nouveau cadre législatif, sur laquelle il a déjà émis un avis favorable (8).

5.   Observations particulières

Observations relatives à d'autres considérants et articles de la proposition de règlement.

5.1

Dans la version allemande de la proposition de règlement, les termes «konstruiert» ou «Konstruktion» sont souvent utilisés à la place de «geplant» ou «Planung» qui figuraient dans la directive 2000/9/CE (NdT: les termes «conçu(es)» et «conception» sont utilisés dans la version française des deux documents). Ces mots sont employés dans tout le texte allemand, par exemple au 1er considérant, à l'article 1er, à l'article 2, paragraphe 1, à l'article 3, paragraphe 1, à l'article 3, paragraphe 3, et à l'article 8, paragraphe 1.

5.2

À l'article 3, paragraphe 4, il conviendrait d'adapter la définition du «constituant de sécurité» en supprimant «ou une installation à câbles». En effet, l'infrastructure soumise à des procédures définies par les États membres pourrait ne pas contenir de «constituants de sécurité» au sens du règlement, mais plutôt des «constituants critiques de sécurité».

5.3

L'article 11, paragraphe 9, stipule que sur requête motivée d'un État membre, les fabricants doivent lui communiquer toutes les informations et tous les documents concernant la procédure d'évaluation de la conformité. Afin de garantir que les constituants répondant à la série de normes harmonisées (et auxquels s'applique en conséquence une présomption de conformité) ne puissent pas être touchés par cet article, il est recommandé d'y apporter une précision en débutant comme suit le paragraphe 9: «En ce qui concerne les constituants mis sur le marché et ne répondant pas à la série de normes harmonisées, les fabricants, sur requête motivée d'une autorité nationale compétente, lui communiquent etc.».

5.4

Dans la version allemande, le mot «Drahtseilbahn» utilisé au 8e considérant n'est pas clair et ne correspond pas aux termes utilisés en néerlandais et en anglais.

5.5

Dans la proposition de directive — par exemple au 17e considérant — il est question de «l'entretien». L'entretien ne représente qu'une partie de la maintenance, qui comprend les activités d'inspection, d'entretien et de réparation. Il conviendrait dès lors de remplacer, dans la totalité du texte, le terme «entretien» par celui de «maintenance». Le terme «maintained» utilisé dans la version anglaise est correct.

5.6

La notion de «grundlegende Anforderungen» utilisée dans la version allemande de la directive relative aux installations à câble a été remplacée, dans la proposition de règlement, par celle de «wesentliche Anforderungen» (par exemple à l'article 6). Dans la version anglaise, il est toujours question de «essential requirements», comme dans la directive 2000/9/CE (NdT: la version française parle quant à elle d'«exigences essentielles» dans les deux documents). Il conviendrait de corriger la version allemande de la proposition de directive et d'utiliser partout «grundlegende Anforderungen».

5.7

Le 19e considérant ne correspond à aucun passage de l'acte et doit donc être supprimé.

5.8

Le 23e considérant prête à confusion dans la mesure où il met en relation la libre circulation des marchandises et l'analyse de sécurité, et doit donc être supprimé.

5.9

L'article premier définit l'objet du règlement à l'examen. Toutefois, lorsque l'on compare avec la directive 2000/9/CE, les domaines de la conception (NdT: ne concerne pas la version française), de l'assemblage et de la mise en service n'ont pas été repris. Il convient de remédier à cette lacune ou de reprendre tel quel le texte de la directive.

5.10

La définition de l'«installation à câbles» à l'article 3, paragraphe 1, est difficilement compréhensible. Il conviendrait de reprendre celle de la directive 2000/9/CE.

5.11

Dans la version allemande de l'article 3, paragraphe 8, il y a lieu de remplacer «Schleppaufzug» par «Schlepplift». Cette correction a également été apportée lors de la révision de la série correspondante de normes harmonisées.

5.12

Étant donné que la «mise en service» visée à l'article 3, paragraphe 12, ne concerne pas forcément l'installation dans son ensemble (notamment en cas de modifications), il y a lieu de compléter le texte par «... ou de ses composants».

5.13

À l'article 8, paragraphe 1, les exigences en matière d'analyse de sécurité ont été modifiées de telle sorte que plus aucune règle de responsabilité n'est définie. Étant donné que l'analyse de sécurité constitue toutefois le document le plus important pour le maître d'installation, il y a lieu de compléter l'article comme suit: «...sur ordre du maître d'installation ou de son mandataire».

5.14

L'article 8, paragraphe 2, stipule que l’analyse de sécurité est incluse dans le rapport de sécurité. Or, la directive 2000/9/CE précise, elle, que l'analyse de sécurité donne lieu à l'établissement d'un rapport de sécurité, ce qui est sensiblement différent. Il est recommandé de reprendre le texte de l'article 4, paragraphe 2, de la directive.

5.15

L'article 9, paragraphe 4, est difficilement compréhensible et devrait être remplacé par le texte de l'article 12 de la directive 2000/9/CE.

5.16

En vertu de l'article 10, paragraphe 1, une installation à câbles ne peut être maintenue en exploitation que si elle satisfait aux conditions établies dans le rapport de sécurité. Le manuel d'utilisation et de maintenance constitue justement un document important pour une exploitation en toute sécurité. Il est dès lors recommandé de modifier le texte en remplaçant «maintenue en exploitation» par «exploitée» et «dans le rapport de sécurité» par «dans les documents visés à l'article 9, paragraphe 2».

5.17

En vertu des modules définis dans l'annexe, un fabricant ne peut appliquer la procédure d’évaluation de la conformité qu'avec un organisme notifié. Par conséquent, le texte de l'article 11, paragraphe 2, doit être adapté en supprimant «mettent ou».

5.18

À l'article 11, paragraphe 7, l'expression «informations relatives à la sécurité» n'est pas claire et devrait être précisée.

5.19

À l'article 16, il est fait référence au «premier alinéa» alors qu'il n'y en a pas.

5.20

Les dispositions de la décision no 768 relatives à l'objection formelle à l'encontre d'une norme harmonisée (articles R9 et R19) devraient également être reprises à l'article 17.

5.21

La formulation de l'article 18, paragraphe 4, risque d'entraîner une application aux prototypes. Afin d'éviter cela, il convient d'ajouter «à l'exception des prototypes».

5.22

On pourrait déduire de l'article 19, paragraphe 2, que les déclarations UE de conformité des sous-systèmes ou des constituants de sécurité déjà mis sur le marché doivent également être mises à jour en permanence. Il convient dès lors de remplacer la fin de la première phrase («est mise à jour en permanence») par «est mise à jour au moment de la mise sur le marché du sous-système ou du constituant de sécurité».

5.23

L'article 21, paragraphe 2, exige que le marquage CE soit également apposé sur les sous-systèmes. Étant donné qu'il n'existe sur le marché aucun sous-système ne comportant pas au moins un constituant de sécurité et que ces derniers sont munis du marquage CE, il convient de renoncer à cette exigence. Il est dès lors recommandé de supprimer «le sous-système ou».

5.24

L'annexe II doit également être remaniée. Ce remaniement se doit cependant d'être exhaustif et doit impérativement être réalisé en association avec toutes les parties concernées.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 388 du 31.12.1994, p. 26.

(2)  Ce paragraphe et les trois paragraphes suivants sont repris des considérants de la directive 2000/9/CE.

(3)  JO L 106 du 3.5.2000, p. 21.

(4)  JO L 316 du 14.11.2012.

(5)  Article 114 TFUE.

(6)  Il y a lieu de noter que divers coups de sonde ont révélé des imperfections dans les annexes ou les articles repris de la décision no 768/2008/CE (articles R2 et suivants).

(7)  L'on part du principe que les déclarations CE de conformité restent valables.

(8)  JO C 120 du 16.5.2008, p. 1.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/87


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires et la directive 2013/34/UE en ce qui concerne certains éléments de la déclaration sur la gouvernance d'entreprise

[COM(2014) 213 final — 2014/0121 (COD)]

(2014/C 451/14)

Rapporteur:

M. SMYTH

Le 16 avril et le 6 mai 2014, le Parlement européen et le Conseil ont décidé respectivement, conformément aux articles 50 et 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires, et la directive 2013/34/UE en ce qui concerne certains éléments de la déclaration sur le gouvernement d’entreprise»

COM(2014) 213 final — 2014/0121 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 188 voix pour et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Les propositions de la Commission visant à modifier la directive sur les droits des actionnaires doivent être vues comme une étape d'un long voyage devant mener à une gouvernance d'entreprise et à un environnement pour l'investissement plus stables et plus durables en Europe. Au cœur de ces propositions figure l'idée selon laquelle si l'on parvient à encourager les actionnaires à adopter une perspective à plus long terme, l'on créera un meilleur environnement opérationnel pour les sociétés cotées.

1.2

Le CESE soutient les dispositions de la directive sur les droits des actionnaires, notamment celles visant à renforcer le lien entre la rémunération des administrateurs et la performance à long terme des entreprises.

1.3

Le CESE note que, dans son évaluation d'impact, la Commission fait valoir que ses propositions ne devraient entraîner qu'une augmentation marginale des contraintes administratives des sociétés cotées. Il sera important de faire le point sur cet équilibre lors de l'évaluation de la directive.

1.4

Le CESE accepte l'argument selon lequel une transparence accrue concernant l'impact des politiques d'investissement aidera les investisseurs à prendre leurs décisions en meilleure connaissance de cause et devrait améliorer la qualité de leur engagement envers les entreprises dans lesquelles ils investissent. Cette initiative devrait conduire à une amélioration de la performance à long terme des sociétés cotées.

1.5

Depuis le début de la crise financière, les décideurs se sont fixé un défi consistant à procéder à un changement de culture dans le secteur des entreprises et de la finance en Europe et de passer d'une performance à court terme à une perspective d'investissement à long terme plus durable. Pour autant qu'une telle évolution puisse être obtenue par le biais de la réglementation, la Commission fait un pas dans la bonne direction.

2.   Contexte de la proposition de directive

2.1

Il y a lieu de replacer la proposition de directive de la Commission à l'examen dans le contexte d'autres initiatives visant à améliorer le financement à long terme de l'économie européenne. On trouve au cœur de cette proposition la conviction qu'encourager les actionnaires à adopter une perspective à plus long terme contribuera à garantir un meilleur environnement opérationnel pour les sociétés cotées. Ces propositions découlent des résultats d'un vaste processus de consultation des parties intéressées portant sur la gouvernance d'entreprise. En 2010, la Commission a publié un livre vert sur le thème «Le gouvernement d'entreprise dans les établissements financiers et les politiques de rémunération» (1). Un autre livre vert a été publié en 2011 sur «Le cadre de la gouvernance d’entreprise dans l’UE» (2). Ces consultations ont débouché sur la publication en 2012 du «Plan d'action: droit européen des sociétés et gouvernance d'entreprise — un cadre juridique moderne pour une plus grande implication des actionnaires et une meilleure viabilité des entreprises» (3).

2.2

La directive repose sur une analyse d'impact portant sur les lacunes dans la relation entre les principaux protagonistes de la gouvernance d'entreprise, aussi appelée relation «principal-agent». Ce terme fait référence à la relation entre des agents (administrateurs) et des principaux (actionnaires, comme des investisseurs institutionnels, des gestionnaires d'actifs et des conseillers en vote ou «proxy advisors»). Cinq de ces lacunes sont mises en évidence: (i) l'engagement insuffisant des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs; (ii) l'inadéquation entre la rémunération et les performances des administrateurs; (iii) l'absence de droit de regard des actionnaires sur les transactions avec des parties liées; (iv) la transparence insuffisante des conseillers en vote; et (v) l'exercice difficile et coûteux, par les investisseurs, des droits découlant des valeurs mobilières.

2.3

Pour chacune de ces lacunes, la Commission étudie les options stratégiques pertinentes et définit cinq trains de mesures en faveur des objectifs suivants:

1)

la transparence obligatoire du vote et de l'engagement des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs, ainsi que de certains aspects des contrats de gestion d'actifs;

2)

la divulgation de la politique de rémunération et des rémunérations individuelles, en combinaison avec un vote des actionnaires;

3)

une transparence accrue et un avis indépendant sur les transactions plus importantes avec des parties liées, ainsi que la soumission des transactions les plus importantes à l'approbation des actionnaires;

4)

l'obligation, pour les conseillers en vote, de fournir des informations sur leurs méthodes et de divulguer leurs conflits d'intérêts;

5)

l'établissement d'un cadre permettant aux sociétés cotées d'identifier leurs actionnaires et l'obligation pour les intermédiaires de transmettre rapidement les informations liées aux actionnaires et de faciliter l'exercice de leurs droits.

3.   Les mesures prévues par la directive

3.1

S'agissant de la transparence requise des actionnaires, la Commission demande aux investisseurs institutionnels de rendre publique la manière dont leur stratégie d'investissement en actions est alignée sur leurs engagements et dont elle contribue aux performances de leurs actifs à long terme. De plus, les investisseurs institutionnels qui ont recours aux services de gestionnaires d'actifs seront tenus de divulguer les principaux éléments de l'accord passé, notamment l'alignement de la stratégie du gestionnaire d'actifs sur le profil de l'investisseur institutionnel, les stratégies d'investissement, l'horizon temporel de la stratégie, la manière dont sont évaluées les performances du gestionnaire d'actifs ou encore le taux de rotation du portefeuille cible. De même, le gestionnaire d'actifs aura l'obligation de tenir l'investisseur institutionnel informé, sur une base semestrielle, de la manière dont la stratégie d'investissement est déployée conformément à l'approche convenue.

3.2

Concernant le lien insuffisant entre la rémunération et les performances des administrateurs, la Commission est préoccupée par le fait que l'absence de contrôle efficace de la rémunération des administrateurs est susceptible de nuire aux performances à long terme de l'entreprise. Les conseils d'administration ou de surveillance élaborent la politique en matière de rémunération. Les sociétés cotées seront tenues de publier des informations détaillées sur la politique de rémunération et la rémunération individuelle des administrateurs. Les actionnaires auront le droit d'approuver la politique de rémunération ainsi que la mise en œuvre de celle-ci au cours de l'année précédente. La proposition de directive laisse à l'entreprise et à ses actionnaires le soin de déterminer le niveau et les conditions de rémunération.

3.3

Le problème du contrôle des transactions avec des parties liées découle essentiellement du fait que les actionnaires n'ont d'ordinaire pas accès à suffisamment d'informations concernant les transactions prévues et ne disposent pas d'outils adéquats pour s'opposer aux transactions (abusives). Les sociétés cotées devront dès lors soumettre à l'approbation des actionnaires les transactions avec des parties liées représentant plus de 5 % des actifs de l'entreprise. Elles seront également tenues d'annoncer publiquement ce type de transactions si elles représentent plus de 1 % de leurs actifs, et de les faire auditer par un tiers indépendant. Des exemptions sont prévues pour les transactions conclues entre l'entreprise et des membres de son groupe détenus à 100 % par l'entreprise.

3.4

Les conseillers en vote font des recommandations aux investisseurs quant à la manière de voter lors des assemblées générales des sociétés cotées. Le recours à ces conseillers a connu une croissance essentiellement due à la complexité des questions liées aux participations des investisseurs dans les entreprises, surtout lorsque celles-ci revêtent une dimension transfrontalière. Les conseillers en vote formulent des recommandations à l'attention des investisseurs au portefeuille très mondialisé et diversifié, et influencent considérablement leurs décisions de vote et, partant, la gouvernance d'entreprise. L'analyse d'impact réalisée par la Commission a mis en évidence des éléments probants tendant à mettre en doute la qualité et la fiabilité des conseils prodigués par les conseillers en vote, et de leur traitement des questions liées aux conflits d'intérêts. L'activité de ces conseillers n'est régie par aucune réglementation européenne. Certains États membres disposent toutefois de codes de conduite non contraignants. La directive à l'examen exige des conseillers en vote qu'ils mettent en œuvre des mesures qui garantissent que leurs recommandations de vote sont précises et fiables, qu'elles sont basées sur une analyse approfondie de toutes les informations à leur disposition et qu'elles ne sont pas affectées par un conflit d'intérêts existant ou potentiel. Le CESE croit comprendre que les conseillers en vote recherchent actuellement l'approbation de l'AEMF pour un code de conduite volontaire; il y a lieu de s'en féliciter.

3.5

Les investisseurs, et plus particulièrement ceux dont les participations ont une nature transfrontalière, rencontrent des difficultés dans l'exercice des droits découlant des actions qu'ils détiennent. Ces difficultés sont principalement liées à la capacité des entreprises d'identifier correctement les investisseurs, au fait qu'elles ne transmettent pas en temps voulu les informations aux actionnaires, et à la discrimination tarifaire dans les cas de participations transfrontalières. Les États membres devront faire en sorte que les intermédiaires offrent aux entreprises cotées la possibilité d'identifier leurs actionnaires. Il est également demandé aux sociétés cotées qui choisissent de ne pas communiquer directement avec les actionnaires de fournir à l'intermédiaire les informations relatives à l'exercice des droits découlant des actions de manière harmonisée et en temps opportun. L'intermédiaire devra pour sa part faciliter l'exercice des droits de l'actionnaire, notamment le droit de voter, qu'il soit exercé par l'actionnaire en personne ou en son nom, et informer en conséquence les actionnaires.

4.   Observations concernant la directive

4.1

La Commission fait valoir que les mesures présentées dans la proposition de directive ne devraient entraîner qu'une augmentation marginale des contraintes administratives des sociétés cotées. Dans la mesure où elles prévoient une exigence pour les entreprises de fournir aux actionnaires une information opportune et pertinente, elles constituent une bonne pratique et devraient dès lors être appréhendées sous cet angle. S'agissant des petites entreprises, le CESE est préoccupé par la possibilité d'un surcroît de charges administratives. Bien que la Commission s'engage à procéder à une évaluation de la directive après cinq ans de fonctionnement, le CESE estime que, dans la mesure où il est probable que les propositions n'entreront pas en vigueur avant au moins 18 mois, cette évaluation pourrait être effectuée plus tôt.

4.2

S'agissant de la question de la politique de rémunération et du lien entre la rémunération et les performances des administrateurs, le CESE est favorable aux propositions de la Commission visant à conférer aux actionnaires un droit de regard accru sur cette rémunération (4) Alors que le niveau de la rémunération demeurera du ressort du conseil d'administration, l'exigence d'un vote des actionnaires devrait accroître le niveau d'engagement entre le conseil d'administration et ses actionnaires.

4.3

L'argument selon lequel une transparence accrue concernant l'impact des politiques d'investissement aidera les investisseurs à prendre leurs décisions en meilleure connaissance de cause et devrait améliorer la qualité de leur engagement envers les entreprises dans lesquelles ils investissent est logique. Si les mesures proposées parviennent à susciter un engagement à long terme des actionnaires, elles devraient contribuer à améliorer l'efficacité et les performances des entreprises.

4.4

Ces propositions se situent dans la ligne des dispositions de la directive (5) et du règlement (6) sur les exigences de fonds propres (CRD IV) portant sur la rémunération, et complètent les règles en vigueur qui s'appliquent aux investisseurs institutionnels et aux gestionnaires d'actifs en vertu des directives OPCVM, MiFID et AIFM. Il y a lieu d'évaluer cette directive dans le contexte de cet environnement réglementaire réformé bien plus large.

4.5

En outre, elles s'inscrivent parfaitement dans le cadre général de la gouvernance d'entreprise dans l'UE qui permet aux États membres de mettre en place un cadre qui correspond mieux à leurs propres usages et pratiques. L'accent explicitement transfrontalier de certaines propositions de la directive souligne la nécessité d'adopter une série de règles européennes en matière de transparence et d'engagement.

4.6

Tout en acceptant que pour la plupart, les révisions proposées de la directive sur les droits des actionnaires visent à promouvoir un meilleur engagement des actionnaires à long terme, le CESE estime qu'un engagement à long terme de ce type devrait associer toutes les parties prenantes, y compris les employés, et suggère à la Commission de réfléchir à la meilleure manière d'associer les employés à la construction de la valeur créée à long terme (7).

4.7

Dans ses propositions, la Commission déclare que «l'objectif général de la présente proposition de révision de la directive sur les droits des actionnaires est de contribuer à la viabilité à long terme des entreprises européennes, de créer un environnement attrayant pour les actionnaires et de renforcer le vote transfrontalier en améliorant l'efficience de la chaîne de l'investissement en actions afin de contribuer à la croissance, à la création d'emplois et à la compétitivité de l'UE», avec la réforme en cours du secteur financier. Un changement de culture radical est en cours dans le secteur des entreprises et de la finance en Europe afin de passer d'une performance à court terme à une perspective d'investissement à long terme plus durable. La tâche ne sera pas facile. Si tant est qu'une réglementation suffise à déclencher une telle mutation culturelle, la Commission fait un pas dans la bonne direction.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2010) 284 final.

(2)  COM(2011) 164 final.

(3)  COM(2012) 740 final.

(4)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 70.

(5)  JO L 176, 27.6.2013, p. 338.

(6)  JO L 176, 27.6.2013, p. 1.

(7)  JO C 161 du 6.6.2013, p. 35.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/91


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le financement à long terme de l'économie européenne

[COM(2014) 168 final]

(2014/C 451/15)

Rapporteur:

M. SMYTH

Corapporteur:

M. FARRUGIA

Le 14 mars 2014, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le financement à long terme de l'économie européenne

COM(2014) 168 final.

La section spécialisée «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 17 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 139 voix pour, 2 voix contre et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE soutient largement cette communication de la Commission qui fait suite au livre vert sur le financement à long terme de l'économie européenne (1). Elle représente une évolution positive du débat politique autour de la manière de financer au mieux les besoins d'investissement à long terme de l'Europe.

1.2

Le CESE reconnaît que la Commission doit opérer dans le cadre de ses domaines de compétences tout en encourageant l'introduction de changements institutionnels et politiques appropriés au niveau mondial et des États membres. Cela est particulièrement important à la lumière des régimes réglementaires nationaux et internationaux qui influencent les perspectives à plus long terme pour les décisions en matière d'investissements. Il existe, par exemple, dans de nombreux États membres, une tendance des systèmes fiscaux en faveur du financement de l'endettement des entreprises qui les encourage à recourir à l'emprunt plutôt qu'aux fonds propres comme source de financement. Pour un financement à long terme plus diversifié et stable des entreprises, les États membres doivent être encouragés à promouvoir une utilisation accrue de l'investissement en capitaux propres. La Commission devrait continuer à insister en ce sens.

1.3

La plupart des propositions de la communication de la Commission sont sensées et cohérentes pour ce qui est des perspectives d'investissement à plus long terme mais il faudra un certain temps pour les mettre en œuvre. De nouveaux instruments d'investissement à long terme (tels que l’initiative européenne relative aux obligations de projet) sont nécessaires dès maintenant; aussi, le CESE invite-t-il instamment la Commission à procéder rapidement à leur mise en œuvre.

1.4

S'agissant de promouvoir le financement à plus long terme de l'économie, l'achèvement d'une union bancaire est essentiel. La politique monétaire devrait s'ajuster à l'investissement à long terme en prévoyant des taux d'intérêts appropriés tant pour les investisseurs que pour les épargnants. Le CESE se félicite de l'engagement de la Commission à étudier les flux d'épargne transfrontaliers fragmentés et à évaluer aussi la faisabilité du développement d'un produit d'épargne à l'échelle de l'UE.

1.5

Le CESE estime qu'une occasion unique se présente de mettre au point, de développer et de mettre en œuvre un cadre européen pour l'investissement à long terme basé sur un ensemble de travaux analytiques solides entrepris, entre autres, par la Commission, l'Institut international de la finance et le Groupe des trente. Les obstacles au financement à long terme durable sont bien connus et doivent être surmontés. Ils concernent cinq défis principaux:

inciter les investisseurs à adopter une perspective à plus long terme dans leurs décisions d'investissement;

créer de nouveaux intermédiaires et de nouveaux instruments orientés vers l'investissement à long terme;

développer le marché des capitaux d'emprunts et des capitaux propres pour élargir l'éventail des instruments de financement;

garantir que le flux de capital transfrontalier soit régulé et favorable à l'investissement à plus long terme; et

développer une meilleure analyse systémique lors de l'élaboration du futur cadre de la politique réglementaire.

Le CESE constate que la communication à l'examen apporte des avancées dans la poursuite de ces objectifs et invite instamment la Commission à maintenir et à accélérer cette progression dans ses propositions à venir concernant le financement à long terme.

2.   Suivi du livre vert sur le financement à long terme de l'économie européenne

2.1

La communication à l'examen est une réponse réfléchie de la Commission à une consultation très fructueuse amorcée par la publication, en mars 2013, du livre vert sur le financement à long terme de l'économie européenne (2). Elle présente un ensemble de propositions et d'actions destinées à lever les obstacles entravant une plus grande mobilisation des sources de financement à long terme privées et publiques. La Commission est d'avis que si les banques continuent de jouer un rôle essentiel dans la fourniture de financements à long terme, des sources alternatives non bancaires telles que le financement public, les investisseurs institutionnels (compagnies d'assurance et fonds de pension), les fonds d'investissements traditionnels ou alternatifs, les fonds souverains, etc., doivent être encouragés afin de pourvoir à ce type de financement.

2.2

Les mesures proposées dans cette communication sont centrées sur les actions suivantes:

i)

mobiliser des sources privées de financement à long terme,

ii)

faire un meilleur usage des finances publiques,

iii)

développer les marchés des capitaux,

iv)

améliorer l’accès des PME au financement,

v)

attirer des financements privés dans les infrastructures, et

vi)

améliorer le cadre élargi du financement durable.

La Commission a également publié une proposition de refonte de la directive concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP) (3) afin d’encourager la poursuite du développement des retraites professionnelles, une source importante d’investissement institutionnel à long terme dans l’Union, ainsi qu'une communication sur le financement participatif, une source croissante de financement pour les PME (4).

3.   Actions proposées

3.1   Mobiliser des sources privées de financement à long terme

3.1.1

Il existe en la matière une tension inévitable entre, d'une part, la nécessité d'accroître les exigences en matière de capital et de liquidités des banques en vue de renforcer leur résilience et, d'autre part, le souhait de ne pas leur imposer trop de restrictions susceptibles de les dissuader de fournir du financement à long terme à l'économie réelle. Il ne sera pas facile de trouver un juste équilibre entre ces deux objectifs de politique publique importants. La Commission évaluera la pertinence du règlement sur les exigences de fonds propres pour ce qui est du financement à long terme et reconsidérera dans quelle mesure les propositions concernant le ratio de liquidité et le ratio de financement net stable peuvent entraver le financement à long terme par le secteur bancaire.

3.1.2

Le point de vue de la Commission est qu'une fois les réformes bancaires et l'Union bancaire achevées, la confiance dans le secteur financier sera rétablie et la fragmentation financière s'en trouvera considérablement réduite. Le récent train de mesures sur la réforme structurelle du secteur bancaire notamment, qui prévoit de séparer les activités de base de financement de l'économie réelle des activités comportant plus de risques, devrait permettre aux banques de reprendre leur rôle traditionnel (5). Le CESE soutient les propositions de la Commission dans son avis sur le train de mesures relatif à la restructuration.

3.1.3

Les éléments les plus intéressants de la communication sont peut-être les règles qui s'appliquent aux compagnies d'assurances et aux fonds de pension en matière d'investissement à long terme. La directive «Solvabilité II» entrera en vigueur en 2016 et devrait permettre aux compagnies d'assurances d'investir dans tout type d'actif, pour autant qu'elles respectent le principe de gestion en bon père de famille. Cela peut contribuer au développement de marchés d'instruments titrisés durables. S'agissant des fonds de pension, il existe des propositions de développement, en partenariat avec l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP), d'un cadre devant conduire à la création d'un marché unique des produits de retraites individuelles en Europe, ce qui pourrait mobiliser davantage d'épargne pour le financement à long terme.

3.1.4

Pour ce qui est de mobiliser davantage de fonds privés pour les investissements à long terme, le CESE recommande que la Commission entreprenne aussi une étude de faisabilité sur l'utilisation des fonds souverains parallèlement et à des sources à long terme plus institutionnelles telles que les fonds de pension et les grandes compagnies d'assurances.

3.1.5

En réponse au livre vert (6), le CESE a recommandé que la Commission explore la piste de l'introduction d'un compte épargne européen devant encourager les épargnants à contribuer au financement à long terme. La Commission va maintenant entreprendre une étude sur les obstacles à la création d'un tel instrument européen d'épargne transfrontalier.

3.2   Faire un meilleur usage des finances publiques

3.2.1

S'agissant de parvenir à une utilisation plus efficace du financement public pour l'investissement à long terme, la Commission s'engage à prendre des mesures qui devraient encourager une coopération accrue entre les banques nationales et régionales promotionnelles, la BEI/le FEI et d'autres banques de développement multilatérales telles que la BERD. La création récente de la Strategic Banking Corporation en Irlande, qui est une entreprise mixte associant le gouvernement irlandais, la BEI et la KFW (7) et qui aura près de 800 millions d'euros à prêter aux PME irlandaises est un bon exemple de cette approche. Une proposition similaire a été faite concernant une meilleure coordination et coopération entre les organismes nationaux de crédit à l'exportation. Ces propositions méritent d'être soutenues.

3.3   Développer les marchés des capitaux

3.3.1

Nombre des propositions de la Commission portent sur la question des marchés des capitaux insuffisamment développés en Europe. La communication précise que malgré son expansion ces dernières années, le marché des obligations d’entreprises reste (avec le marché européen des actions) fragmenté et non attractif pour les PME et les entreprises de capitalisation moyenne en tant que source de financement à plus long terme. En réaction à cette fragmentation, une étude est prévue pour déterminer s'il y a lieu d'adopter d'autres mesures, en plus de celles prévues dans «la directive MiFID II» (8), afin d'établir un marché secondaire et liquide pour le négoce des obligations d’entreprise. Un engagement est pris également pour examiner si les investissements par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (9) peuvent être élargis aux valeurs mobilières cotées sur les marchés de croissance des PME.

3.3.2

Depuis le début de la crise financière, le terme de titrisation a été associé, par défaut, aux prêts hypothécaires à risque aux EUA et aux titres adossés à des créances avec flux groupés et aux contrats d'échange sur risque de crédit qui en découlent. L'effondrement catastrophique des marchés de produits dérivés n'a pas été provoqué par la titrisation des actifs elle-même mais par une réglementation inadéquate, un manque compréhension et la cupidité tant des acheteurs que des vendeurs. Le recours à la titrisation est maintenant fermement inscrit à l'ordre du jour politique. Les exigences en matière de conservation du risque et les obligations d'information pour permettre aux investisseurs de mieux comprendre les instruments financiers dans lesquels ils investissent sont en vigueur depuis 2011. Selon la Commission, il y a lieu maintenant de créer des marchés de produits titrisés durables sur la base d'une différenciation prudentielle appropriée entre les différents titres adossés à des actifs. Si le CESE soutient l'utilisation graduelle de la titrisation en principe, il invite à la prudence afin que le recours à celle-ci soit bien réglementé.

3.3.3

La Commission préconise une coopération avec le Comité de Bâle et l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), pour élaborer et mettre en œuvre des normes internationales concernant la conservation du risque, la transparence et la cohérence sur les marchés de produits titrisés. Un engagement est pris également pour revoir le traitement des obligations garanties dans le règlement sur les fonds propres (CRD) d'ici à la fin de l'année en vue de poser les bases d’un marché européen intégré des obligations garanties; ce réexamen permettra à son tour d'accélérer la réalisation d'une étude sur un cadre européen pour les obligations garanties.

3.3.4

La question des placements privés est reconsidérée dans la communication de la Commission dès lors qu'ils constituent une alternative réaliste aux prêts bancaires et à l’émission publique d’obligations d’entreprises, et il est prévu d'analyser les bonnes pratiques sur les marchés de placements privés en Europe et ailleurs et de faire des propositions pour favoriser une plus large utilisation de tels placements.

3.4   Améliorer l’accès des PME au financement

3.4.1

La communication aborde aussi l'épineuse question de l'amélioration de l'accès des PME au financement à plus long terme. Cette question était incluse dans le plan d'action sur le financement des PME publié en 2011; or les progrès accomplis en la matière depuis lors sont limités. Le manque d’informations adéquates, comparables, fiables et aisément accessibles sur le crédit concernant les PME est considéré comme étant la principale entrave à un accès plus ouvert aux marchés des capitaux. L'une des causes de ces lacunes est la fragmentation des sources nationales qui fournissent ce type d'information.

3.4.2

Dans une étude récente qui fait autorité (10), l'Institut international de la finance (IIF) indique que cette asymétrie d'information constitue un obstacle majeur au financement des PME tant à court qu'à long termes. L'IIF propose une série de mesures pour y remédier. Elles incluent un recours accru aux archives numériques ayant une présentation standard pour les registres des entreprises, les instituts de statistique, les évaluations des risques de crédit bancaire et autres créanciers. Ces archives nationales consignant les risques de crédit devraient être intégrées à une banque de données européenne, pour aboutir éventuellement à un registre européen central du crédit. L'IIF appelle à l'établissement de normes européennes pour la collecte et la déclaration d'informations de manière à pouvoir procéder à des analyses croisées à l'intérieur d'une entreprise et transnationales. Une information de meilleure qualité et plus actualisée sur les performances financières des PME devrait permettre une évaluation plus fiable du risque par les créanciers et une tarification plus adaptée du risque. Les propositions de l'IIF vont bien au-delà de celles de la Commission et le CESE invite instamment cette dernière à régler d'urgence ces questions d'information et de confidentialité qui se posent au niveau national.

3.4.3

Le CESE estime qu'il conviendrait de confier un rôle aux agences régionales de développement (ARD) dans l'évaluation des risques de crédit des PME. La plupart des régions de l'UE disposent de telles agences, dont certaines fournissent déjà un financement par l'emprunt et les capitaux propres à leurs clientes PME. Ces ARD ont souvent une meilleure connaissance des PME ainsi que de leur propriétaire/opérateur et gestion que les banques et le CESE recommande que la Commission étudie le rôle qu'elles pourraient jouer en tant qu'instances locales d'évaluation du risque de crédit.

3.4.4

La Commission a également pris l'engagement de restaurer le dialogue entre les banques et les PME en vue d'améliorer l'éducation au financement de ces dernières, en particulier en ce qui concerne le retour d'informations fourni par les banques sur les demandes de prêts. L'étude de l'IIF va plus loin et recommande une éducation des PME aux options de financement alternatives disponibles et aux avantages d'une participation à des programmes de financement alternatifs. Le CESE partage cette position.

3.5   Attirer des financements privés dans les infrastructures

3.5.1

Du point de vue des investissements dans les infrastructures, la Commission constate un manque de cohérence dans les données disponibles relatives à la performance des crédits aux infrastructures en Europe comme étant un obstacle à une plus grande participation du secteur privé aux investissements dans les infrastructures. Le caractère sensible et confidentiel pour les banques et les investisseurs de ces informations empêche souvent une plus large diffusion de celles qui sont importantes. La Commission s'engage à étudier la possibilité de mise à disposition volontaire, si possible par le biais d’un portail unique, des informations existantes sur les projets et les plans d’investissement dans l’infrastructure par les autorités nationales, régionales et municipales. Une même approche est proposée pour la mise à disposition de statistiques de crédits complètes et harmonisées sur la dette liée aux infrastructures. Le CESE approuve ces mesures.

3.6   Améliorer le cadre élargi du financement durable

3.6.1

Outre la question des mesures spécifiques examinées précédemment, la Commission analyse également le cadre élargi du financement durable pour ce qui est de la gouvernance d'entreprise, des normes comptables, de la fiscalité et de l'environnement juridique. Elle envisagera une proposition relative à la révision de la directive sur les droits des actionnaires afin de mieux aligner les intérêts à long terme des investisseurs institutionnels, les gestionnaires d'actifs et des entreprises. Le CESE soutient la révision de la directive sur les droits des actionnaires en vue d'encourager un engagement à plus long terme de leur part.

3.6.2

Elle procédera également à une évaluation des régimes d'actionnariat et de participation financière des salariés dans l'UE afin de dresser l'inventaire des obstacles à la mise en œuvre transfrontière de ceux-ci et de formuler des actions pour y remédier. Elle s'est aussi engagée à étudier si l'utilisation de la juste valeur prévue dans la norme sur les instruments financiers (IFRS 9) révisée est adéquate pour les modèles économiques d'investissement à long terme. En outre, elle lancera une consultation plus tard dans l'année pour examiner la nécessité d’instaurer une norme comptable simplifiée pour les états financiers consolidés des PME cotées, et l’utilité d’une norme comptable autonome et complète pour les PME non cotées, en complément de la directive comptable.

3.6.3

L'existence d'une distorsion fiscale en faveur de l’endettement des entreprises dans la plupart des États membres de l'Union européenne est reconnue dans la Communication à l'examen. Cette distorsion a pour effet d’encourager les entreprises à emprunter davantage plutôt que de recourir à leurs fonds propres. Ce domaine ne relève pas de la compétence de la Commission et dans la communication elle ne fait que s'engager à encourager, par les recommandations individuelles adressées aux différents pays dans le cadre du processus du semestre européen, l'investissement en capitaux propres. Enfin, la Commission élaborera des rapports sur les récentes recommandations relatives au redressement rapide des entreprises viables et au principe de la «seconde chance» pour les entrepreneurs en faillite ainsi que sur le droit applicable à la question des tiers dans le domaine de la cession de créances. Il y a peu à redire concernant ces propositions.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2013) 150 final/1 et COM(2013) 150 final/2.

(2)  COM(2013) 150 final/1 et COM(2013) 150 final/2.

(3)  COM(2014) 167 final.

(4)  COM(2014) 172 final.

(5)  Les propositions sont examinées dans l'avis du CESE sur le thème «Réforme structurelle des banques de l'UE» (pas encore publié au JO).

(6)  JOC 327 du 12.11.2013, p. 11.

(7)  Banque de développement appartenant au gouvernement allemand.

(8)  Directive sur les marchés d'instruments financiers.

(9)  Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), directives 2001/107/CE et 2001/108/CE.

(10)  Rétablir le financement et la croissance des PME en Europe (2013).


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/96


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Faire de l'Europe ouverte et sûre une réalité»

[COM(2014) 154 final]

(2014/C 451/16)

Rapporteur:

M. José Isaías RODRIGUEZ GARCÍA CARO

Le 14 mars 2014, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Faire de l'Europe ouverte et sûre une réalité»

COM(2014) 154 final.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 85 voix pour, 1 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions

1.1

Fidèle à la position qu'il a défendue au fil du temps et réaffirmée dans ses avis sur les communications de la Commission concernant le programme de La Haye (1) et, ultérieurement; sur le programme de Stockholm (2), le Comité économique et social européen estime que la protection des droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne constitue la base et le point de départ des politiques de liberté, de sécurité et de justice. Le CESE estime que les politiques préconisées par les institutions européennes doivent garantir un équilibre entre droits fondamentaux et sécurité. L'arrêt de la Cour de justice de l'UE concernant la directive 2006/24/CE sur la conservation des données relatives aux communications électroniques et téléphoniques des citoyens pendant une période minimale de six mois dispose que la directive est invalide du fait qu'elle enfreint le principe de proportionnalité. La CJUE estime toutefois que la conservation de données est un objectif légitime qui répond à l'intérêt général.

1.2

Le Comité constate avec préoccupation la montée de l'intolérance, du racisme et de la xénophobie à l'encontre des immigrants en Europe; il constate également la détérioration, dans certains États membres, de la protection des droits fondamentaux. L'égalité de traitement et les politiques de lutte contre la discrimination sont les piliers des politiques d'intégration. Le CESE propose que la Commission mette en place un commissariat unique afin de visualiser, de renforcer et d'adopter des mesures en faveur de la protection des droits fondamentaux.

1.3

De même, le Comité considère que l'Union européenne doit mettre l'accent sur la consolidation d'un système international qui facilite et qui réglemente l'immigration et la mobilité, en se basant sur les conventions des Nations unies sur les droits de l'homme, la convention relative aux droits de l'enfant, la convention sur les droits des travailleurs migrants et les conventions de l'Organisation internationale du travail.

1.4

Le CESE, en tant que représentant de la société civile organisée, est un interlocuteur dont il y a lieu de tenir compte et qui doit être présent tout au long du processus des débats engagés par la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil sur une Europe ouverte et sûre.

1.5

Le CESE considère que la communication de la Commission aurait dû être un document plus concret. Nous estimons qu'il s'agit là d'un ensemble d'idées qui devraient être présentées de manière plus concrète et plus structurée. De même, nous considérons que la communication aurait dû mettre particulièrement l'accent sur les principaux problèmes qui empêchent, à l'heure actuelle, l'Europe d'être plus ouverte et plus sûre.

1.6

Les immigrants apportent une contribution positive au développement économique et social de l'Europe, laquelle doit relever l'important défi démographique du vieillissement de sa population. L'UE traverse une grave crise économique et affiche des taux de chômage élevés. Or, malgré cette situation, les marchés de l'emploi de plusieurs États membres demandent l'arrivée de nouveaux immigrants. Sans une politique sérieuse en matière d'immigration et en l'absence de mesures adéquates, lorsque la crise aura été surmontée et que le cycle économique changera, les problèmes structurels découlant de la situation démographique s'aggraveront.

1.7

L'Union européenne devrait se doter d'un régime commun en matière d'asile et d'une législation harmonisée, fondée sur les bases établies par le Traité pour une politique commune en la matière. La convention de Dublin doit être remplacée par un système plus solidaire au sein de l'UE et qui tienne compte aussi de la volonté des demandeurs d'asile.

1.8

De l'avis du CESE, l'existence d'une approche crédible en matière d'immigration irrégulière et de retour suppose d'agir de manière résolue contre les mafias organisées de traite et de trafic des êtres humains, en utilisant tous les instruments disponibles. Nous croyons fermement qu'une plus grande coordination entre les États membres serait nécessaire et utile pour tirer parti des moyens et des instruments existants afin de lutter contre ceux qui favorisent et facilitent l'immigration irrégulière de manière délictuelle.

1.9

L'UE doit assumer la responsabilité du contrôle aux frontières extérieures, qui sont les frontières de toute l'Union européenne dans l'espace Schengen. Frontex doit devenir un service européen de garde-frontières et donner la priorité à la protection de la vie des personnes en danger et au respect de la législation en vigueur.

1.10

Le CESE propose qu'Europol devienne une agence européenne sous couvert d’une autorité politique ou judiciaire de niveau européen, dont le rôle dépasserait celui de coordinateur qu'elle joue actuellement, dotée le plus rapidement possible de sa propre capacité opérationnelle pour enquêter sur tout le territoire de l'UE en collaboration avec les autorités policières des États membres.

2.   Introduction

2.1

Peu d'années se sont écoulées depuis le lancement du programme de Stockholm fondé sur «une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens». Et pourtant, la mise en œuvre de certaines des mesures qui y sont proposées, a permis à l'Union européenne d'élaborer des politiques visant une société plus ouverte et sûre pour nous tous qui habitons dans ce vaste espace de liberté et d'entente qu'est l'Union européenne. Une Union européenne où toute manifestation de discrimination, de racisme et de xénophobie, si infime soit-elle, doit être bannie.

2.2

Le renforcement de l'espace Schengen, l'accord sur un système européen commun d'asile, l'amélioration de la politique commune en matière de visas, l'augmentation de la coopération européenne dans la lutte contre la criminalité organisée dans ses expressions les plus dangereuses pour l'être humain (le terrorisme, la traite d'êtres humains, la cyber-délinquance, etc.), ainsi que le renforcement de la coopération avec des pays tiers en matière de migration constituent dans l'ensemble des avancées importantes, mais elles sont néanmoins insuffisantes.

2.3

Dans un monde de plus en plus interconnecté et interdépendant, où le flux d'informations est constant et les défis se posent parfois avant même d'avoir pu être prévus, nous devons poursuivre et redoubler d'efforts pour atteindre des niveaux de liberté et de sécurité accrus, aussi bien pour tous les citoyens de l'Union que pour ceux provenant de pays tiers qui souhaitent immigrer dans l'UE et s'intégrer dans notre société en vue d'y contribuer par leurs efforts, d'enrichir nos valeurs et d'améliorer leurs propres conditions de vie.

2.4

Alors que la période correspondant au programme de Stockholm (3), sur lequel le CESE a émis un avis (4), touche à sa fin, il est nécessaire de répondre à la question posée dans la communication de la Commission: comment faire de l'Europe ouverte et sûre une réalité?

2.5

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) (5), en date du 8 avril 2014, a déclaré invalide la directive européenne no 2006/24/CE (6) qui faisait obligation aux États membres d'imposer aux fournisseurs de réseaux et de services de communication de conserver au moins six mois les données relatives aux communications électroniques et téléphoniques des citoyens. La CJUE a estimé que la directive, en imposant la conservation de ces données et en en permettant l'accès aux autorités nationales compétentes, représente une atteinte particulièrement grave aux droits fondamentaux, au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. En outre, le fait que les données soient conservées et puissent être utilisées ultérieurement sans que l'abonné ou l'utilisateur enregistré en soit informé est de nature à donner aux personnes concernées le sentiment que leur vie privée est soumise à une surveillance constante. La Cour a précisé que la conservation des données relatives au trafic (et donc, implicitement, la directive) représente une grave ingérence dans le droit fondamental à la vie privée consacré par l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. L'arrêt de la CJUE du 8 avril 2014 confirme l'importance du respect des droits et libertés des citoyens pour la construction européenne. La CJUE a déclaré la directive invalide car enfreignant le principe de proportionnalité, tout en estimant que la conservation de données est un objectif légitime qui répond à l'intérêt général.

3.   La communication de la Commission

3.1

La communication est le fruit d'une réflexion à laquelle ont participé toutes les institutions et tous les organismes concernés par les politiques de l'Union européenne en la matière; les participants ont contribué au débat lors de la conférence sur le thème «Une Europe ouverte et sûre: et maintenant?» qui s'est tenue à Bruxelles en janvier 2014 et à laquelle le CESE a participé, ainsi qu'à travers une très large consultation publique.

3.2

La communication comporte une introduction dans laquelle sont résumés, de manière très synthétique, le cheminement et les progrès enregistrés sur la voie de la réalisation des objectifs ambitieux contenus dans le programme de Stockholm, et qui servent de réflexion d'introduction à la seconde partie du document, laquelle comporte une série de priorités politiques.

3.3

Ces priorités ont été regroupées sous les rubriques suivantes:

Une politique migratoire et de mobilité efficace;

Schengen, visas et frontières extérieures;

Mise en œuvre d'un système européen commun d'asile (SECA);

Renforcer l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM);

Une Europe protectrice.

4.   Remarques

4.1   Une politique migratoire et de la mobilité efficace

4.1.1

Au cours des années écoulées, le CESE s'est prononcé à plusieurs reprises sur les politiques d'immigration, de mobilité et d'intégration. Il souhaite par conséquent réitérer ses prises de position en la matière, et notamment les propositions qu'il a formulées et qui n'ont pas été prises en considération jusqu'à présent. À cet égard, le CESE ne peut qu'exprimer son accord avec la nécessité d'optimiser les bénéfices de la migration et de l'intégration, étant donné qu'ils ne peuvent que conduire à une croissance intelligente, durable et inclusive, comme le précise le document de la Commission. Nous ne devons toutefois pas oublier que dans une Europe où les idéologies racistes et xénophobes ont le vent en poupe, la tolérance vis-à-vis de ces mouvements doit être nulle et que la lutte contre la discrimination, le racisme et la xénophobie doit être une ligne d'action prioritaire de toutes les mesures envisagées pour parvenir à une Union plus ouverte et plus sûre.

4.1.2

Attirer des talents et des travailleurs hautement qualifiés, faire venir et retenir les étudiants de pays tiers pour qu'ils travaillent ensuite dans l'Union européenne, faciliter la reconnaissance des diplômes dans ces pays, assister et aider les candidats à l'émigration dans leur pays d'origine afin de simplifier leur entrée dans l'Union sont des mesures importantes et précieuses pour enrichir les États de l'Union sur les plans intellectuel et économique. Il convient dès lors que le CESE les soutienne. Toutefois, il est important de préciser à cet égard qu'attirer des talents et des personnes qualifiées de pays tiers ayant une grande capacité pour générer de la valeur intellectuelle et des richesses et faire venir des personnes originaires de pays luttant pour émerger et améliorer leur niveau de richesse et de prospérité sont deux choses différentes. Dans ce sens, cette stratégie est entièrement bénéfique pour les États de l'Union, alors que pour les pays tiers elle peut représenter la perte d'un important capital humain. Une collaboration entre l'UE et les pays tiers dans le cadre des partenariats de mobilité est nécessaire.

4.1.3

Le CESE se déclare préoccupé par les répercussions que peut avoir cette stratégie sur les pays tiers en voie de développement qui ont besoin de retenir le capital humain formé et qualifié pour sortir de la situation de besoin dans laquelle ils se trouvent. Retenir ce capital en instaurant des mesures compensatoires dans les pays d'origine afin que la croissance de ces derniers ne s'en trouve pas affectée doit être une priorité lors de la définition de politiques visant à attirer des talents externes à l'UE. Il ne faut pas oublier qu'à long terme, la solution pour que les citoyens originaires des pays sous-développés puissent bénéficier d'un avenir meilleur ne consiste pas à les attirer et à les intégrer à l'UE pour qu'ils y trouvent du travail et de meilleures conditions de vie, mais à œuvrer pour que leurs pays atteignent des niveaux de développement leur permettant de ne pas voir l'émigration comme unique possibilité de subsistance.

4.1.4

Le lien complémentaire et indissoluble existant entre l'intégration et l'immigration a déjà été reconnu par le conseil «Justice et Affaires intérieures» de juin 2007. Au fil du temps, le CESE s'est prononcé à plusieurs reprises sur cette question dans divers avis et a exposé son point de vue à cet égard. En ces temps de difficultés économiques, il est plus nécessaire que jamais d'affirmer et de rappeler que «l'égalité de traitement et les politiques de lutte contre la discrimination sont les piliers des politiques d'intégration.» Cette recommandation figure dans l'avis exploratoire du CESE sur «L'intégration des travailleurs immigrants» (7) élaboré en 2010. Cet avis conservant toute son actualité, son contenu est intégré au présent document.

4.1.5

Le Forum européen de l'intégration est une excellente plate-forme pour les organisations de la société civile et les immigrants. Le Comité réitère son engagement de continuer à collaborer avec la Commission aux activités du Forum et au développement de l'agenda européen de l'intégration.

4.1.6

De l'avis du CESE, l'existence d'une approche crédible en matière d'immigration irrégulière et de retour suppose d'agir de manière résolue, en utilisant tous les instruments disponibles, contre les mafias organisées qui se servent des personnes comme de marchandises génératrices de revenus en les faisant entrer sur le territoire de l'Union européenne de manière irrégulière et contre les trafiquants d'êtres humains qui se livrent à l'exploitation sexuelle des femmes et des mineurs et contre ceux qui ont recours à de la main-d'œuvre irrégulière dans des conditions proches de l'esclavage, en garantissant aux victimes la protection de la législation humanitaire internationale et des conventions européennes des droits de l'homme, s'agissant de groupes vulnérables qui nécessitent une protection spéciale. Nous croyons fermement qu'une plus grande coordination entre les États membres serait utile et même nécessaire pour tirer parti des moyens et des instruments existants afin de lutter contre ceux qui favorisent et facilitent l'immigration irrégulière de manière délictuelle.

4.1.7

De l'avis du Comité, la coopération avec des pays tiers est la clef pouvant conduire à une solution humanitaire et réglementée au retour dans leur pays d'origine de ceux qui ont opté pour une entrée irrégulière sur le territoire des États membres de l'Union. Le Comité soutient les recommandations de l'Organisation internationale des migrations (OIM) visant à promouvoir l'aide au retour volontaire.

4.1.8

À cet égard, il convient de souligner la nécessité d'une politique de coopération avec les pays d'Afrique subsaharienne, du sud de la Méditerranée et du Moyen-Orient, au moins comparable à celle qui est menée avec des pays européens non membres de l'UE ou des pays asiatiques. L'Espagne, la Grèce, l'Italie, Chypre et Malte sont soumis à une forte pression migratoire irrégulière en provenance de cette région du monde qui, à travers la Méditerranée et les Balkans, provoque des situations dramatiques comme celles qui se produisent sur les côtes de Lampedusa et qu'il convient d'éviter par tous les moyens. Le Comité invite la Commission et le Conseil à faire en sorte que l'Union européenne s'implique davantage dans un problème qui relève de l'Union européenne tout entière et, par conséquent, de tous les États membres et non seulement des États frontaliers, qu'elle apporte des solutions et fasse moins de reproches aux États.

4.1.9

La task-force Méditerranée a été créée à la suite de la catastrophe de Lampedusa d'octobre 2013. Le groupe a publié une communication sur les travaux effectués (8), dans laquelle il propose un ensemble de mesures à court, moyen et long termes dans cinq domaines d'action principaux, dans la ligne des priorités de la communication de la Commission qui fait l'objet du présent avis. Le CESE considère qu'il est essentiel de compléter les actions à court terme par des mesures à long terme destinées à s'attaquer aux causes profondes de la migration non volontaire (pauvreté, violations des droits de l'homme, conflits, absence de possibilités économiques, mauvaises conditions de travail, chômage, etc.).

4.1.10

Il est certes plus efficace de combattre la migration irrégulière à la source plutôt que pendant le transit et/ou à l'arrivée au lieu de destination, une migration mettant gravement en danger la vie de ceux qui empruntent cette voie depuis les pays subsahariens. Le CESE appuiera toute mesure permettant d'agir dans les pays d'origine, que ce soit en intervenant de manière plus résolue dans les crises humanitaires, en améliorant les conditions de vie dans les pays d'origine et, en définitive, en faisant ce que l'on a si souvent dit sans pour autant le faire face à la migration désespérée de centaines de milliers, voire de millions de personnes.

4.2   Schengen, visas et frontières extérieures

4.2.1

S'il y a bien quelque chose que les citoyens associent au nom de Schengen, c'est la libre circulation des personnes dans les États signataires. La liberté de circulation et de résidence des citoyens de l'Union est un droit protégé et réglementé par les traités. Parachever la politique commune en matière de visas et la rendre plus flexible, évaluer individuellement chaque demande sans préjugés quant à certaines nationalités, mettre en place des centres consulaires de visas Schengen, revoir la liste des pays dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa, sont autant d'aspects importants qui méritent une action conjointe pour améliorer leur degré d'acceptation et de mise en œuvre.

4.2.2

Compte tenu des mesures adoptées par certains États membres, le Comité craint qu'il ne faille pas s'attendre à ce que l'on permette aux ressortissants des pays tiers l'accès aux États membres de l'Union, si dans le même temps, certains États membres menacent des ressortissants d'autres pays membres de l'Union de les expulser vers leur pays d'origine parce qu'ils sont au chômage ou que nous leur en avons tout simplement interdit l'entrée. Le CESE estime, à son grand regret, qu'en l'absence de liberté totale de circulation pour les citoyens de l'Union, il n'est pas crédible d'envisager de l'appliquer aux ressortissants de pays tiers.

4.2.3

En ce qui concerne les frontières extérieures de l'Union européenne, le CESE se demande si la participation de cette dernière à la protection de ses frontières méridionale et orientale est bien adaptée à la réalité d'aujourd'hui. En dépit du renforcement du rôle de Frontex, rendu possible par la modification du règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil, il convient de se demander si la gestion intégrée des frontières extérieures au sein de l'Union est possible aujourd'hui. Le CESE rappelle et réitère les recommandations formulées dans son avis (9) sur la proposition de modification de ce règlement et estime que Frontex doit devenir un service européen de garde-frontières composé d'un contingent européen de garde-frontières.

4.2.4

La mise en œuvre du paquet «Frontières intelligentes», sur lequel le CESE a émis en son temps un avis (10), fondé sur un programme d'enregistrement des voyageurs (RTP) qui permet aux voyageurs fréquents originaires de pays tiers d'entrer sur le territoire de l'UE, grâce à des contrôles frontaliers simplifiés, moyennant un examen et un passage au crible préalables, et sur l'utilisation d'un système d'entrées/sorties (SEE) qui enregistre le moment et le lieu d'entrée et de sortie des ressortissants de pays tiers qui se rendent dans l'UE, permettra d'accélérer, de faciliter et de renforcer tant les procédures de contrôle aux frontières que le passage des frontières pour les ressortissants des pays tiers qui se rendent dans l'UE. Le CESE, convaincu que l'introduction de nouvelles technologies facilitera une gestion plus moderne des frontières de l'Union, marque son soutien à la mise en œuvre de ce paquet de mesures. Il invite dès lors les institutions européennes à mettre en œuvre les instruments juridiques propres à faciliter une introduction plus rapide de ces technologies.

4.3   Un système commun d'asile européen

4.3.1

Nous estimons que des progrès importants ont été accomplis afin de doter l'Union d'un cadre législatif qui améliore l'accès au droit d'asile pour les personnes ayant besoin de protection en accélérant et en rendant plus fiables les décisions relatives à l'octroi de l'asile. Malgré cela, au moment de transposer la législation européenne au niveau national et de procéder à son application, le CESE rappelle et réitère l'observation qu'il a formulée dans son avis (11) sur la communication de la Commission intitulée «Plan d'action en matière d'asile. Une approche intégrée de la protection au niveau de l’Union» (12) qui, en matière d'application de la législation en matière d'asile dans les États membres, recommande ce qui suit: «L'UE doit élaborer une législation commune n'impliquant aucune diminution des normes de protection et ce sera donc aux États membres ayant des niveaux de protection insuffisants de modifier leur législation. Les États membres disposeront toujours d'une certaine marge de manœuvre pour l'application de la législation européenne sur l'asile, mais le CESE soutiendra seulement la législation communautaire garantissant un niveau de protection élevé et réduisant les marges d'appréciation actuelles qui empêchent de l'appliquer correctement.»

4.3.2

Il est nécessaire de consolider le régime d'asile européen commun de manière à être certain que tous les États appliquent les mêmes critères et que la sécurité juridique des demandeurs d'asile soit garantie. Le CESE comprend que la solidarité entre États est peut-être l'un des aspects qui requièrent le plus d'efforts. Effectivement, il peut y avoir des situations de plus grande pression sur un État, et cela peut être dû à une multiplicité de facteurs. Dans ce contexte, et comme pour la défense des frontières extérieures, il est nécessaire de renforcer l'Union.

4.3.3

Toutefois, à la lumière de l'expérience acquise en matière d'immigration irrégulière, il convient de se demander si, dans les circonstances actuelles, il est possible de parvenir à une plus grande solidarité et à un meilleur partage des responsabilités dans ce domaine. Dès lors, pour répondre à la question de savoir comment l'on peut encourager la solidarité et la responsabilité entre les États membres, nous estimons avec la Commission qu'il convient de favoriser la relocalisation dans d'autres pays où la pression est moindre, ainsi que la création commune de centres d'accueil. Comme le faisait remarquer le CESE dans son avis d'initiative sur le thème de l'immigration irrégulière par voie maritime dans la région euro-méditerranéenne (13): «Il ne s'agit pas seulement là d'un impératif de solidarité mais de responsabilités que les États membres doivent assumer, par des mécanismes de partage des contraintes dues à l'immigration irrégulière».

4.3.4

Concernant la manière de répondre à l'afflux massif de personnes en situation de crise, comme dans le cas de la Syrie, et dans le domaine des demandes d'asile, à travers des instruments plus souples, comme le précise la Commission dans sa communication, il ne faut pas oublier que le CESE, en son temps, a déjà soutenu la création d'une procédure commune d'asile unique pour éviter la prolifération de demandes multiples dans les États membres (14). La souplesse dont fait preuve la Commission doit se limiter aux domaines de la protection temporaire et nécessite un plus grand effort de la part des autorités afin d'évaluer les demandes des personnes ayant réellement besoin d'asile et d'identifier celles qui tentent de contourner la loi.

4.4   Le renforcement de l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité

4.4.1

Il est un fait avéré que la mobilité et les migrations des personnes ne sont pas seulement motivées par le désir d'un avenir meilleur. L'instabilité, les chocs politiques, le changement climatique ainsi que de nombreux autres facteurs ont été, au fil des siècles et encore aujourd'hui, à l'origine d'importants mouvements de personnes. Ce qui différencie ces mouvements de ceux qui se produisent aujourd'hui, c'est la garantie et le respect des droits fondamentaux de l'être humain. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne, qui représente le plus grand espace de liberté et de sécurité de la planète, doit collaborer avec les pays d'origine pour favoriser une mobilité ordonnée qui garantisse le respect des droits des citoyens de ces pays et les éloigne des réseaux criminels organisés de traite des êtres humains.

4.4.2

Le CESE, dans son avis (15) sur l'approche globale de la question des migrations et de la mobilité (16), écrivait noir sur blanc qu'il partageait «l'approche globale de la migration et de la mobilité (AGMM), qui lie étroitement les politiques en matière d'immigration et d'asile avec la politique extérieure de l'UE». À cet égard, le CESE a réaffirmé sa position à plusieurs reprises dans de nombreux avis; nous maintenons notre appui au développement d'un lien de plus en plus fort entre les dimensions interne et externe de la politique d'immigration et de mobilité et au renforcement de la cohérence entre les politiques d'immigration et d'asile de l'Union et les politiques de coopération au développement.

4.5   Une Europe protectrice

4.5.1

La stratégie de sécurité intérieure en vigueur adoptée en 2010 propose une action commune pour contrer les principales menaces qui pèsent sur la sécurité. Elle se fonde sur cinq objectifs stratégiques, toujours d'actualité, qu'il conviendrait néanmoins de réexaminer afin de produire une version actualisée de la stratégie reflétant les défis du prochain quinquennat, encourageant les synergies avec d’autres domaines importants dont le soutien et le développement dépendent essentiellement de la sécurité.

4.5.2

Le Comité estime avec la Commission que le démantèlement des réseaux criminels internationaux qui opèrent sur le territoire de l'Union doit être l'une des priorités des États membres dans leur ensemble et que la coordination des efforts pour y parvenir doit être un objectif de l'Union européenne. La délinquance organisée a toujours une longueur d'avance sur les mesures juridiques et policières adoptées. Pour faire face à l'internationalisation de la criminalité organisée, les États doivent fournir un effort soutenu de coopération et de collaboration, et cela requiert une importante coordination orchestrée par l'Union.

4.5.3

Nous ne pouvons pas accepter que des législations divergentes, des compétences de police, des recours répétés devant les tribunaux, ainsi qu'un arsenal juridique enchevêtré permettent d'éviter ou de retarder le démantèlement des réseaux criminels. Puisqu'il existe une délinquance sans frontières, nous devons progresser plus vite dans une justice sans frontières au sein de l'Union. De l'avis du CESE, nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à retarder l'adoption de solutions globales à la délinquance organisée.

4.5.4

Le Comité estime que la formation et l'information ne sont pas en soi suffisantes pour parvenir au démantèlement des réseaux criminels; nous plaidons dès lors pour que, sans abandonner le développement du programme européen de formation de fonctionnaires disposant de fonctions coercitives, l'on envisage la possibilité de transformer Europol en une police d'investigation opérationnelle disposant de compétences sur l'ensemble du territoire de l'Union afin de poursuivre la criminalité organisée transfrontalière, en particulier en ce qui concerne la traite des êtres humains, et de transformer leurs fonctions de coordination en actions pleinement opérationnelles. À cet égard, nous reproduisons textuellement dans le présent document la recommandation contenue dans l'avis exploratoire sur la «Participation de la société civile à la lutte contre le crime organisé et le terrorisme» (17): «Le CESE propose qu'Europol devienne une agence européenne sous couvert d’une autorité politique ou judiciaire de niveau européen, dont le rôle dépasserait le simple rôle de coordinateur qu'elle joue actuellement, dotée le plus rapidement possible de sa propre capacité opérationnelle pour enquêter sur tout le territoire de l'UE en collaboration avec les autorités policières des États membres».

4.5.5

La conception permanente d'horizons, de buts et d'objectifs à long terme peut finir par lasser les citoyens, qui n'attendent quant à eux que des solutions. Sur ces aspects aussi, qui revêtent une telle importance pour la vie quotidienne des personnes, il est nécessaire d'introduire plus de flexibilité et d'éliminer les procédures bureaucratiques si nous ne voulons pas voir grossir le nombre des eurosceptiques.

4.5.6

La Commission, dans son dernier rapport au Conseil et au Parlement européen sur la lutte contre la corruption dans l'Union européenne, relève que la corruption demeure un problème au niveau européen. L'abus de pouvoir à des fins d'enrichissement personnel doit être poursuivi et puni, d'autant plus s'il conduit à favoriser la criminalité organisée. Le CESE appuie pleinement la coopération interinstitutionnelle et la coopération avec les États membres afin de lutter contre cette tare qui mine la crédibilité de notre système politique.

4.5.7

Le CESE exprime son appui et son accord aux initiatives destinées à la prévention du terrorisme et à la lutte contre la radicalisation et le recrutement, dès lors qu'elles sont légitimes et démocratiques. Il ne fait aucun doute qu'il importe d'encourager au sein de l'UE et hors de ses frontières toute action légitime et démocratique visant à empêcher que les jeunes puissent adhérer à des mouvements ou partis extrémistes les conduisant et les incitant directement à des pratiques terroristes. Il est prioritaire de déceler les éléments de risque et les foyers de recrutement d'adeptes aux idées extrémistes pour garantir notre sécurité individuelle et collective. Dans ce domaine, l'information doit être fluide pour que des mesures sévères puissent être prises dès les premiers signes d'activités de radicalisation et de recrutement afin de les étouffer dans l'œuf. À cet égard, le Comité rappelle et réaffirme les recommandations contenues dans son avis sur la communication de la Commission intitulée «Politique antiterroriste de l'UE: principales réalisations et défis à venir».

4.5.8

N'oublions pas que le terrorisme peut aussi bien venir de l'extérieur de nos frontières que se générer à l'intérieur de celles-ci, comme le prouve l'histoire récente de l'Europe. Il y a lieu dès lors de prévenir que la radicalisation et le recours à l'extrême violence, lors d'affrontements de rue dans les villes européennes, soit un foyer de recrutement en vue d'actions futures de groupes ouvertement terroristes. La violence de rue ignore les frontières; souvent, les éléments violents peuvent passer d'un État membre à un autre en profitant des événements qui se produisent dans les différents pays. C'est la raison pour laquelle le Comité estime nécessaire de renforcer la coordination entre les polices des différents États afin de détecter, de prévenir et de réprimer ces groupes violents qui peuvent, ultérieurement, se muer en groupes terroristes.

4.5.9

Le CESE exprime son soutien aux mesures ayant pour but d'accroître le niveau de sécurité pour les citoyens et les entreprises dans le cyberespace. Face à l'augmentation prévisible de la délinquance sur Internet, les actions de l'Union européenne contre la cybercriminalité méritent de faire l'objet de tout le soutien possible. De même, la coopération avec les pays tiers doit permettre d'apporter une réponse globale à un problème de délinquance d'envergure mondiale, qui dépasse les frontières. Dans ce domaine, la prévention est essentielle si l'on veut éviter que les cyberdélinquants ne disposent d'une avance dans l'application des nouvelles technologies. Le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité, malgré son jeune âge et son peu d'expérience, doit être renforcé tant sur le plan des moyens que sur celui du financement.

4.5.10

Le CESE, en tant que représentant de la société civile organisée de l'UE, ne peut comprendre que certains États membres de l'Union n'aient pas encore ratifié la Convention du Conseil de l'Europe contre la cybercriminalité.

4.5.11

Dans une Europe fondée sur les libertés, notamment la libre circulation des personnes et des marchandises, le renforcement de la sécurité grâce à la gestion des frontières doit devenir une action politique commune garantissant la sécurité à tous les citoyens de l'Union. Pour gérer efficacement les frontières extérieures, dans un contexte où les marchandises peuvent transiter par n'importe quelle douane et circuler librement à travers l'Union, il est nécessaire de disposer d'instruments communs solides et partagés qui ne permettent pas que certaines frontières soient étanches et que d'autres soient de véritables passoires.

4.5.12

La réponse commune à des situations graves doit pouvoir intervenir sans qu'il soit nécessaire de réglementer en la matière, grâce à une action spontanée des citoyens et sans demande préalable d'une autorité quelconque. Toutefois, l'action coordonnée et la réponse conjointe à des situations de crise et de catastrophes apportent une valeur ajoutée permettant d'accroître l'efficacité et l'efficience des réactions à ces situations.

4.5.13

Le CESE estime avec la Commission que la construction de la sécurité intérieure doit également pouvoir agir en dehors de nos frontières, c'est-à-dire dans un contexte mondial. Dans tous les domaines liés à la liberté et à la sécurité, la coopération entre États membres et avec les pays tiers est devenue indispensable pour pouvoir continuer à avancer dans un monde meilleur et plus juste, dans lequel le crime organisé et le terrorisme ne mettent pas en péril le niveau de liberté que nous avons réussi à atteindre tous ensemble au prix d'efforts considérables.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  JO C 65 du 17.3.2006, pp. 120-130.

(2)  JO C 128 du 18.5.2010, pp. 80-88.

(3)  JO C 115 du 4.5.2010.

(4)  JO C 128 du 18.5.2010, pp. 80-88.

(5)  http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2014-04/cp140054fr.pdf

(6)  Directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications, et modifiant la directive 2002/58/CE (JO L 105 du 13.4.2006, p. 54).

(7)  JO C 354 du 28.12.2010 pp. 16-22.

(8)  COM(2013) 869.

(9)  JO C 44 du 11.2.2011, pp. 162-166.

(10)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 97.

(11)  JO C 218/78 du 11.9.2009.

(12)  COM(2008) 360 final.

(13)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 32.

(14)  JO C 218/78 du 11.9.2009.

(15)  JO C 191 du 29.6.2012, p. 134.

(16)  COM(2011) 743 final.

(17)  JO C 318 du 23.12.2006, p. 147.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/104


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «L'agenda de l'UE en matière de justice pour 2020 — Améliorer la confiance, la mobilité et la croissance au sein de l'Union»

[COM(2014) 144 final]

(2014/C 451/17)

Rapporteur:

Xavier VERBOVEN

Le 14 mars 2014, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — L'agenda de l'UE en matière de justice pour 2020 — Améliorer la confiance, la mobilité et la croissance au sein de l'Union»

COM(2014) 144 final.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014(séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 72 voix pour, 1 voix contre et 0 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Après avoir pris connaissance de la communication de la Commission, le Comité a estimé nécessaire de formuler des remarques concernant les objectifs politiques établis par celle-ci et d'exprimer un certain nombre d'autres recommandations spécifiques.

1.2

Concernant l'objectif politique de renforcement de la confiance mutuelle, le Comité est d'avis qu'il s'agit à juste titre d'une priorité politique conforme à ce que prévoit la section du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE) consacrée à la justice. Concernant les initiatives à envisager au cours des cinq prochaines années dans le but de renforcer cette confiance mutuelle, le document de la Commission reste plutôt vague et ne va pas au fond des choses. Le CESE estime qu'il y a lieu de continuer à encourager la collaboration mise en place par le passé grâce à la conclusion d'accords de coopération, en définissant les instruments qui leur succéderont.

1.3

S'agissant de l'objectif politique de soutien à la croissance économique, le Comité fait observer que les ambitions dans ce domaine sont reconnues comme une priorité de première importance, à la condition toutefois qu'il s'agisse d'une croissance durable. La croissance économique ne peut cependant pas être considérée en soi comme un objectif de la politique de la justice, celle-ci étant censée, en vertu du TFUE, assurer prioritairement un haut degré de sécurité et un accès facile à la justice, une finalité qui ne peut être subordonnée à la croissance économique. Néanmoins, le fait que les États membres de l'UE soient dotés de systèmes judiciaires qui fonctionnent bien pourra avoir un effet bénéfique sur la croissance économique durable au sein de l'Union, notamment parce que les conflits de nature civile pourront être traités plus rapidement et plus efficacement, que la sécurité juridique sera renforcée et qu'en matière pénale, les phénomènes tels que le blanchiment d'argent et le crime organisé, néfastes pour l'économie formelle, seront gérés avec efficacité.

1.4

En ce qui concerne l'objectif politique de soutien à la mobilité, le CESE fait remarquer que le soutien à la mobilité au sein de l'Union européenne, en veillant plus particulièrement à ce que les citoyens européens puissent faire valoir leurs droits sur l'ensemble du territoire de l'UE, peut être mis en rapport avec l'objectif, fixé dans le TFUE, de faciliter l'accès à la justice. Il convient toutefois de souligner que le Titre V ne mentionne pas seulement la «liberté» comme objectif, mais également la sécurité et la justice, qui peuvent se traduire par une limitation de la liberté. Bien plus que le soutien à la mobilité, l'objectif doit être la garantie d'un accès à une justice efficace pour tout citoyen qui exerce son droit à la libre circulation.

1.5

Le Comité constate en outre que la communication de la Commission n'aborde pas plusieurs questions qui sont pourtant susceptibles de contribuer à la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice.

On peut premièrement songer à la nomination dans les États membres de magistrats spécialisés en droit européen afin de pouvoir offrir aux citoyens une meilleure sécurité juridique en cas de recours ayant trait à la législation européenne.

En second lieu, on peut penser à la mise en place de services de police et d'inspection opérationnels européens en vue de lutter efficacement contre le crime et la fraude comportant des aspects transfrontaliers.

Troisièmement, il y aurait lieu de s'assurer dans quelle mesure il conviendrait de formuler, en matière pénale, des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions concernant des formes de criminalité particulièrement graves qui revêtent une dimension transfrontière telles que le terrorisme, le trafic d'êtres humains, l'exploitation sexuelle, le trafic illicite de drogues, le trafic d'armes, le blanchiment d'argent, la corruption, le faux-monnayage, la cybercriminalité et le crime organisé.

Quatrièmement, l'on pourrait envisager l'obligation d'introduire des recours collectifs (class action) qui devraient améliorer l'accès à la justice des ressortissants de l'UE.

Cinquièmement, il est souhaitable de tenir à jour un tableau de bord des réalisations dans le domaine de la justice et surtout en ce qui concerne la mise en œuvre des programmes d'action.

Il est, enfin, absolument indiqué de nommer, dans le cadre de la composition de la future Commission, un commissaire compétent en matière de droits de l'homme.

2.   Information sur la communication de la Commission  (1)

2.1   Contexte de la communication

2.1.1

La Commission européenne a déjà lancé plusieurs initiatives législatives tant en matière pénale que civile, lesquelles se sont traduites par de très nombreuses mesures contribuant à la réalisation d'un espace de liberté, de sécurité et de justice.

2.1.2

Les lignes directrices ont été définies dans plusieurs plans quinquennaux tels que le programme de Tampere, le programme de La Haye et, enfin, le programme de Stockholm. Ce dernier arrivera à son terme fin 2014. Compte tenu de la fin du programme de Stockholm et de l'élargissement des compétences de l'Union en matière de justice découlant du traité de Lisbonne, la communication de la Commission à l'examen entend déterminer les priorités qu'il conviendrait de viser pour réaliser d'ici 2020 de nouvelles avancées sur la voie d'un espace de liberté, de sécurité et de justice pleinement opérationnel, axé sur la confiance, la mobilité et la croissance.

2.1.3

Cette communication a pour objectif de contribuer aux orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle que le Conseil européen définira conformément à l'article 68 du TFUE en vue de la réalisation d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, et aux choix stratégiques que le Parlement européen devra opérer dans ce dossier (2).

2.2   Contenu de la communication

2.2.1

Défis pour l'avenir et objectifs politiques

Dans sa communication, la Commission définit trois objectifs pour l'avenir, à savoir:

a)

La confiance mutuelle

Poursuivre le renforcement de la confiance des citoyens, des praticiens du droit et des juges dans les décisions de justice, quel que soit le pays membre de l'UE où elles ont été rendues.

b)

La mobilité

Poursuivre la réduction des entraves auxquelles les citoyens de l'UE sont toujours confrontés lorsqu'ils veulent faire usage de leur liberté de circulation.

c)

La croissance économique

La politique en matière de justice doit continuer de soutenir la croissance économique, notamment en renforçant, dans le cadre des relations commerciales transfrontalières, le caractère exécutoire des contrats et en soutenant l'économie numérique.

2.2.2

Les moyens définis par la Commission pour parvenir aux objectifs précités sont les suivants: consolider, codifier et compléter. La Commission attire ainsi l'attention sur la nécessité de veiller à ce que les initiatives visant à compléter les instruments politiques existants aient toujours pour objectif de renforcer la confiance mutuelle et la croissance, et de faciliter la vie des citoyens.

3.   Remarques

Observations concernant les objectifs politiques définis par la Commission

3.1   La compétence de l'Union en matière de justice

3.1.1

La compétence de l'UE dans le domaine de la justice est définie explicitement au Titre V de la troisième partie du TFUE qui s'intitule «Espace de liberté, de sécurité et de justice».

3.1.2

L'article 67 du TFUE stipule que l'Union constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des États membres.

3.1.3

Dans ce cadre, les institutions de l'Union européenne ont pour mission (3):

d'assurer l'absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures et de développer une politique commune en matière d'asile, d'immigration et de contrôle des frontières extérieures;

d'assurer un niveau élevé de sécurité;

de faciliter l'accès à la justice.

3.1.4

Pour remplir ces missions, l'Union est compétente en matière de justice, de police et d'asile et d'immigration.

3.1.5

Concernant la justice, l'UE a des compétences tant en matière civile que pénale.

3.1.6

Parmi les compétences en matière pénale figure en premier lieu celle qui porte sur l'adoption de mesures et la définition d'exigences minimales en matière de procédure pénale en vue de la mise en œuvre du principe de la reconnaissance mutuelle des jugements. Cela recouvre par exemple l'établissement de prescriptions minimales concernant les droits des personnes dans le cadre des procédures pénales ou les droits des victimes de la criminalité, ou encore l'adoption de mesures visant à prévenir et à résoudre les conflits de compétence. En second lieu, les compétences pénales de l'UE comprennent la formulation de règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions concernant des formes de criminalité particulièrement graves qui revêtent une dimension transfrontière telles que le terrorisme, le trafic d'êtres humains, l'exploitation sexuelle, le trafic illicite de drogues, le trafic d'armes, le blanchiment d'argent, la corruption, le faux-monnayage, la cybercriminalité et le crime organisé. En troisième lieu, l'UE peut prendre des mesures visant à stimuler la prévention de la criminalité. En quatrième lieu, les compétences européennes en matière pénale portent sur la consolidation et le développement de la coordination et de la collaboration entre les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites. En cinquième lieu, l'Union est compétente pour mettre en place un Ministère public européen aux fins de la lutte contre les infractions pénales qui portent préjudice aux intérêts financiers de l'UE.

3.1.7

En vertu des compétences civiles dont dispose l'UE en matière de justice, elle est habilitée à prendre les mesures nécessaires pour: (1) favoriser la reconnaissance mutuelle entre États membres des décisions de justice et leur exécution, (2) faciliter la signification et la notification transfrontalières, (3) déterminer les règles portant sur l’attribution des compétences juridictionnelles et la désignation de la loi applicable (droit international privé), (4) assurer la coopération en matière d’obtention des preuves, (5) garantir l'accès effectif à la justice, (6) éliminer les entraves au bon fonctionnement de la procédure civile, (7) rendre compatibles les règles applicables en matière de conflit de lois et de compétence, et (8) développer des méthodes alternatives de résolution des litiges.

3.2   S'agissant de la conformité des objectifs politiques fixés par la Commission avec les dispositions du TFUE qui définissent les compétences de l'Union en matière de justice.

3.2.1   Concernant l'objectif politique de renforcement de la confiance mutuelle

3.2.1.1

La Commission définit à juste titre comme objectif en matière de justice le renforcement de la confiance mutuelle des autorités compétentes des différents États membres dans leurs décisions respectives et il y a lieu de souscrire à cette démarche même s'il s'agit là davantage d'un moyen de promouvoir la coopération judiciaire que d'une fin en soi.

3.2.1.2

Comme le prévoit le TFUE, il incombe à l'Union européenne de mener une politique qui favorise tant en matière pénale que civile une coopération judiciaire fondée sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, laquelle suppose une confiance mutuelle dans les décisions respectives des uns et des autres (4).

3.2.1.3

Concernant les initiatives à envisager au cours des cinq prochaines années dans le but de renforcer cette confiance mutuelle, le document de la Commission reste plutôt vague et ne va pas au fond des choses. Le CESE estime que la collaboration mise en place par le passé grâce à la conclusion d'accords de coopération peut encore être encouragée et soutenue, notamment par la définition des instruments judiciaires qui leur succéderont.

3.2.2   Concernant l'objectif politique de soutien à la croissance économique

3.2.2.1

Le fait que la Commission définisse comme objectif en matière de justice le soutien à la croissance économique ne va pas de soi. Le TFUE attribue en effet à l'UE des compétences dans le domaine de la justice pour qu'elle garantisse un haut degré de sécurité en matière pénale et facilite l'accès à la justice dans le cadre des affaires civiles, une finalité qui ne saurait être subordonnée à un objectif comme la croissance économique.

3.2.2.2

Au cours des dernières années, notamment sous l’effet de la crise financière et de la crise de la dette souveraine et conformément à la stratégie Europe 2020, la politique de l’UE en matière de justice est également devenue un instrument visant à soutenir la relance économique, la croissance et les réformes structurelles. Le Comité souligne que la croissance économique ne peut cependant pas être considérée en soi comme un objectif de la politique en matière de justice. Il faut éviter que dans la politique future de l'UE en matière de justice, la priorité ne soit donnée dans tous les cas de figure aux initiatives qui visent uniquement à faciliter les échanges commerciaux, ou qui ne peuvent être interprétées qu’à la lumière de cette finalité. De ce fait, d’autres aspects tout autant, voire davantage, liés à la réalisation d’un espace de liberté, de sécurité et de justice risquent de ne pas (ou plus) être pris en considération, comme la protection des droit fondamentaux.

3.2.2.3

Les ambitions en matière de croissance économique sont reconnues comme une priorité de première importance, à la condition toutefois qu'il s'agisse d'une croissance durable. La croissance économique ne peut cependant pas être considérée en soi comme un objectif de la politique de la justice, celle-ci étant censée, en vertu du TFUE, assurer prioritairement un haut degré de sécurité et un accès facile à la justice, une finalité qui ne peut être subordonnée à la croissance économique. Cela étant, le fait que les États membres de l'UE soient dotés de systèmes judiciaires qui fonctionnent bien peut avoir un effet bénéfique sur la croissance économique durable au sein de l'Union, notamment parce que les conflits de nature civile pourront être traités plus rapidement et plus efficacement, que la sécurité juridique sera renforcée et qu'en matière pénale, les phénomènes tels que le blanchiment d'argent et le crime organisé, néfastes pour l'économie formelle, seront gérés avec efficacité.

3.2.3   Concernant l'objectif politique de soutien à la mobilité

3.2.3.1

Le fait que la Commission définisse comme objectif en matière de justice le soutien à la mobilité au sein de l'Union européenne, en veillant plus particulièrement à ce que les citoyens de l'UE puissent faire valoir leurs droits, peut être mis en rapport avec l'objectif, fixé dans le TFUE, de faciliter l'accès à la justice.

3.2.3.2

Il convient toutefois de souligner que le Titre V ne mentionne pas seulement la «liberté» comme objectif, mais également la sécurité et la justice, qui peuvent se traduire par une limitation de la liberté. L'objectif n'est pas tant le soutien à la mobilité que la garantie d'un accès à une justice efficace pour tout citoyen qui exerce son droit à la libre circulation. Dans le cas contraire, on dépasserait le simple cadre de la justice et un éventail particulièrement vaste de matières pourrait être abordé, comme la suppression de la bureaucratie lorsqu'on exerce son droit à la libre circulation, le régime en matière de divorce et de succession qui s'applique aux ressortissants faisant usage de leur libre circulation, la réglementation régissant les transferts de capital-retraite pour les citoyens qui exercent leur liberté de circulation, la réglementation relative à un contrôle automobile européen, etc.

3.3   Observations spécifiques

3.3.1

Le programme d'action de la Commission n'aborde pas plusieurs questions qui pourtant contribuent à la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice.

3.3.2

On peut premièrement songer à la nomination dans les États membres de magistrats spécialisés en droit européen afin de pouvoir offrir aux citoyens une meilleure sécurité juridique en cas de recours ayant trait à la législation européenne.

3.3.3

La Commission insiste à juste titre sur la nécessité de former l'ensemble des juges et procureurs au droit de l'Union européenne. Elle appelle également à «franchir un nouveau cap» en invitant l'ensemble des professions de la justice à participer aux programmes de formation européens dans le cadre du programme Justice 2014- 2020. Le CESE considère ce point essentiel. En cohérence avec l'objectif de renforcement des droits de la défense, fixé par le programme de Stockholm, il estime particulièrement important que les avocats, en tant également que premiers points d'accès au droit, puissent bénéficier de tels programmes.

3.3.4

En second lieu, on peut penser à la mise en place de services de police et d'inspection opérationnels européens en vue de lutter efficacement contre le crime et la fraude comportant des aspects transfrontaliers.

3.3.5

Troisièmement, il y aurait lieu de s'assurer dans quelle mesure il conviendrait de formuler, en matière pénale, des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions concernant des formes de criminalité particulièrement graves qui revêtent une dimension transfrontière telles que le terrorisme, le trafic d'êtres humains, l'exploitation sexuelle, le trafic illicite de drogues, le trafic d'armes, le blanchiment d'argent, la corruption, le faux-monnayage, la cybercriminalité et le crime organisé. S'agissant des comportements pour lesquels il existe entre les États membres des différences en matière pénale suffisamment importantes pour que les droits de l'homme et la sécurité juridique s'en trouvent compromis, il convient d'étudier dans quelle mesure une harmonisation du droit pénal s'impose (5).

3.3.6

Quatrièmement, l'on pourrait envisager l'obligation d'introduire des recours collectifs (class action) qui devraient améliorer l'accès à la justice des ressortissants de l'UE.

3.3.7

Cinquièmement, il est souhaitable de tenir à jour un tableau de bord des réalisations dans le domaine de la justice et surtout en ce qui concerne la mise en œuvre des programmes d'action.

3.3.8

Il est, enfin, indiqué de prévoir, dans le cadre de la composition de la nouvelle Commission, un poste de commissaire compétent en matière de droits de l'homme.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2014) 144 final.

(2)  COM(2014) 144 final, point 1 «Introduction».

(3)  Article 67 du TFUE.

(4)  Articles 81 et 82 du TFUE.

(5)  Voir également à cet égard l'avis CESE 1302/2012 sur la «Politique européenne en matière de drogues».


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/109


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle

[COM(2014) 167 final — 2014/0091 (COD)]

(2014/C 451/18)

Rapporteur:

Krzysztof PATER

Corapporteur:

Petru Sorin DANDEA

Le 14 avril 2014 et le 12 juin 2014, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (refonte)

COM(2014) 167 final — 2014/0091 (COD).

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l'unanimité.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité, conscient de la nécessité de développer de manière plus vigoureuse et plus rapide les retraites professionnelles dans le cadre des systèmes de retraite des États membres de l'Union européenne (UE), soutient la plupart des suggestions contenues dans la proposition de directive de la Commission européenne relative aux institutions de retraite professionnelle (IRP II).

1.2

Le Comité se félicite que la plupart des propositions formulées par le CESE dans son avis sur le Livre blanc intitulé «Une stratégie pour des retraites adéquates, sûres et viables» (1) aient été reprises par la proposition de la Commission (2).

1.3

Conscient de la nécessité de développer des formes d'épargne-retraite complémentaires, tant individuelles que collectives, eu égard notamment à la diminution prévue des prestations des systèmes publics de retraite, le CESE souligne que les régimes de retraite professionnelle, dont la création est le fruit des décisions des partenaires sociaux, peuvent jouer un rôle très important en garantissant aux travailleurs une pension complémentaire.

1.4

Parallèlement, le Comité exprime ses réserves sur certaines dispositions de la proposition de directive.

1.4.1

Le Comité désapprouve l'approche qui consiste à considérer les institutions de retraite professionnelle comme des institutions financières. Il s'agit d'institutions de retraite dotées d'une finalité sociale. Elles assument une bonne part de la responsabilité des retraites professionnelles et sont devenues un complément indispensable des prestations fournies par les régimes publics. La proposition de directive doit tenir compte du rôle essentiel des partenaires sociaux pour l'élaboration et la gestion des régimes de retraite, ainsi que du rôle important de la législation nationale en matière de sécurité sociale et du droit du travail pour la définition des principes régissant leur fonctionnement.

1.4.2

La poursuite des objectifs fixés par la Commission ne peut avoir lieu en utilisant la méthode «one size fits all», étant donné les nombreuses différences fondamentales existant aussi bien entre les systèmes de retraite des États membres de l'UE qu'entre les différents régimes de retraite professionnelle, facteur qui exerce une incidence déterminante sur le statut, les droits et les attentes variables des affiliés et des bénéficiaires de ces régimes. À titre d'exemple, le CESE critique l'idée d'introduire un modèle uniforme pour la transmission des informations à l'ensemble des affiliés des régimes de retraite professionnelle dans toute l'Union européenne, estimant qu'une telle hétérogénéité ne permet pas d'élaborer un formulaire unique à même de fournir à chacun de ces affiliés et bénéficiaires les informations qui s'avèrent les plus nécessaires et les plus pertinentes dans son cas.

1.4.2.1

Le Comité souligne qu'une convergence poussée des régimes de retraite professionnelle peut s'avérer coûteuse et conduire dans les faits non pas à la poursuite de leur développement, qui est souhaité par le CESE, mais à leur disparition progressive.

1.4.3

Le Comité met en lumière que le but ultime du fonctionnement des systèmes de retraite, et notamment des régimes de retraite professionnelle, est d'assurer un niveau approprié et stable de prestations aux bénéficiaires de ces systèmes. Le soutien des marchés de capitaux, y compris des investissements à long terme, ne peut intervenir qu'en qualité d'objectif secondaire, sans préjudice des intérêts des affiliés et des bénéficiaires de ces régimes. Le CESE, tout en étant favorable à la possibilité d'un renforcement du rôle d'investisseur des IRP dans des instruments d'investissement à long terme, s'oppose fermement à la proposition de la Commission européenne d'après laquelle «les États membres n'empêchent pas les institutions …de placer leurs actifs dans des instruments …qui ne sont pas négociés sur des marchés réglementés, des systèmes multilatéraux de négociation ou des systèmes organisés de négociation». La possibilité d'une évaluation régulière et objective des actifs du régime ainsi que l'accès à des informations fiables et à jour sur la situation de l'émetteur de valeurs mobilières, dans lesquelles ont été investis les actifs du régime de retraite, constituent les conditions fondamentales pour assurer la sécurité financière des affiliés et des bénéficiaires de ce régime. Cependant, il y a lieu que les États membres aient toute latitude quant au fait d'imposer ou non des restrictions dans ce domaine, après avoir consulté les partenaires sociaux.

1.4.4

L'explication détaillée des objections formulées ci-dessus ainsi que les autres observations du CESE relatives à la proposition de directive sont présentées ci-dessous.

2.   Proposition de la Commission

2.1

La proposition de la Commission constitue une refonte de la directive 2003/41/CE en vigueur depuis 2005 et relative aux activités et à la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP) (3). La proposition codifie les dispositions inchangées de la directive en vigueur et introduit en même temps des modifications.

2.2

Comme le déclare la Commission, l'objectif général de cette proposition est de faciliter le développement de l'épargne-retraite professionnelle. La Commission souligne également quatre objectifs spécifiques:

lever les obstacles prudentiels auxquels se heurtent encore les institutions de retraite professionnelle transfrontières;

assurer une bonne gouvernance et une bonne gestion des risques;

fournir des informations claires et utiles aux affiliés et aux bénéficiaires;

garantir que les autorités de surveillance disposent des instruments nécessaires pour surveiller efficacement les institutions de retraite professionnelle.

2.3

La proposition de la Commission a été présentée à l'opinion publique européenne le 27 mars 2014 en tant qu'élément d'un train de mesures destinées au financement à long terme de l'économie européenne. Ainsi, l'exposé des motifs souligne à plusieurs reprises la nécessité de renforcer les capacités des institutions de retraite professionnelle à investir dans des actifs présentant un profil économique à long terme.

2.4

Afin de justifier sa proposition, la Commission fait valoir entre autres qu'en l'absence d'un cadre réglementaire de l'UE actualisé, le risque existe que les solutions juridiques mises au point par les différents États membres divergent de plus en plus, ce qui aura pour effet de créer des obstacles pour les activités transfrontières des IRP, ne permettra pas d'assurer un niveau plus élevé de protection des consommateurs dans toute l'Union ni d'obtenir des économies d'échelle. La Commission considère également qu'un cadre réglementaire solide pour les IRP peut favoriser leur développement dans les pays où elles sont pratiquement inexistantes à l'heure actuelle.

2.5

La Commission estime que la mise en œuvre de la directive exigera de couvrir des coûts supplémentaires, s'élevant en moyenne à 22 € environ par affilié au régime, et des coûts annuels allant de 0,27 à 0,80 € par affilié.

3.   Observations générales

3.1

La baisse des prestations des systèmes de retraite généraux dans de nombreux États membres implique que les solutions complémentaires, auxquelles les États membres apportent bien souvent leur soutien sous la forme d'allègements fiscaux, joueront un rôle de plus en plus important pour assurer des retraites décentes. Les retraites professionnelles revêtent une importance particulière car elles possèdent des caractéristiques dont sont dépourvus les systèmes d'épargne-retraite individuels. Elles sont financées en totalité ou en grande partie par l'employeur, sont facilement accessibles aux travailleurs, y compris ceux à revenus modestes, et ont des coûts unitaires plus faibles en raison des économies d'échelle. Parfois, les règles internes adoptées par les partenaires sociaux dans le cadre d'un régime permettent au travailleur de bénéficier d'une pension complémentaire même pour les périodes où il n'était pas en mesure de travailler (pour cause de maladie ou en raison d'un congé de maternité, par exemple). Dans certains régimes, les partenaires sociaux, lors de l'élaboration de la politique d'investissement, introduisent, en plus des critères économiques, des critères d'ordre éthique par exemple, ce qui leur permet de promouvoir les valeurs qui leur tiennent à cœur dans le milieu des entreprises. Conscient du fait que les régimes de retraite professionnelle ne fournissent de pension complémentaire qu'à une fraction minime de la population européenne (ils ne revêtent à l'heure actuelle une grande importance que dans certains États membres et dans de nombreux autres, ne sont pas connus), le Comité soutient les initiatives destinées à développer les IRP.

3.2

Les régimes de retraite professionnelle offrent des avantages à la fois aux travailleurs et aux entreprises d'affiliation de ces régimes, c'est-à-dire aux employeurs. Les droits à retraite acquis par l'employé constituent dans les faits une forme supplémentaire de salaire. Pour l'employeur, ces systèmes constituent un outil permettant de mettre en place une relation à long terme avec les travailleurs. Ces systèmes conduisent généralement à un engagement plus fort des travailleurs dans l'activité de l'entreprise et réduisent la rotation du personnel. Dès lors, le Comité souligne qu'il y a lieu de faire preuve de grande prudence lors de l'introduction des nouvelles dispositions juridiques afin de ne pas mettre à mal le caractère attractif des IRP en imposant des charges financières ou administratives supplémentaires.

3.3

Le CESE est conscient du fait que la Commission européenne ne dispose pas actuellement des instruments qui lui permettraient d'obtenir des informations complètes et objectives sur les coûts des solutions envisagées et qu'elle doit se fonder sur celles que lui fournissent les IRP concernées. Il déplore en outre que les coûts relatifs à la réglementation proposée aient été calculés en moyenne et regrette par ailleurs l'absence d'informations sur les éléments individuels composant ces coûts globaux. Dans ces circonstances, il est difficile de déterminer, pour chaque proposition, le coût que devrait éventuellement supporter l'employeur ou le travailleur, ou les différences susceptibles d'apparaître entre les États membres.

3.4

Compte tenu du fait que la proposition de directive impose aux IRP de nouvelles obligations impliquant des coûts supplémentaires, le Comité propose de prévoir des possibilités d'exemption du champ d'application de celle-ci durant la période de démarrage d'une IRP (jusqu'à 12 mois). Cette approche permettrait à l'entreprise d'affiliation de créer une IRP sans devoir nécessairement supporter les coûts administratifs relativement élevés dès le premier jour de fonctionnement de l'institution et de ne décider qu'ultérieurement si elle souhaite poursuivre ses activités en finançant sa propre IRP ou si elle préfère rejoindre une IRP existante. Le CESE est convaincu que ce facteur compterait dans la décision des employeurs de créer une IRP.

3.5

Le Comité tient à mettre en évidence le rôle essentiel joué par les partenaires sociaux, tant dans la création que dans la gestion des IRP. Il est d'avis qu'il convient de maintenir l'autonomie des partenaires sociaux en ce qui concerne l'élaboration de solutions inhérentes aux régimes de retraite. Il y a lieu que le cadre réglementaire définisse uniquement les normes minimales que les partenaires responsables du régime seront tenus de respecter. Le CESE souligne également que dans de nombreux États membres l'on observe des liens très étroits entre les régimes de retraite professionnelle et le droit du travail, la législation en matière de sécurité sociale et les prescriptions consacrant le rôle des partenaires sociaux. Le CESE note dans la proposition à l'examen une tentative de marginaliser le rôle des partenaires sociaux, ayant souvent à leur actif une très longue expérience en matière d'élaboration de régimes de retraite professionnelle, malgré la déclaration énoncée à l'article 21, paragraphe 2 du texte, précisant que «La directive est sans préjudice du rôle des partenaires sociaux dans la gestion des institutions». Les IRP ne peuvent être considérées uniquement, comme le fait en réalité la proposition, comme des institutions financières, mais également comme des institutions faisant partie du système de sécurité sociale, développées et gérées activement par les partenaires sociaux. Le Comité maintient par là même la position qu'il avait précédemment exprimée dans son avis sur le Livre blanc (4).

3.6

Le CESE fait observer qu'on ne saurait considérer de la même manière les relations unissant les IRP et les affiliés et bénéficiaires des régimes de retraite et celles qu'entretiennent les institutions financières avec leurs clients (consommateurs).

3.7

Le Comité souscrit à la décision de la Commission européenne de ne pas introduire pour les systèmes de retraite professionnelle de solutions ayant pour but d'assurer «l'égalité de traitement par rapport à la directive Solvabilité II» (5). Cette approche est conforme à la position exprimée par le CESE dans son avis relatif au Livre blanc (6). Le CESE met en lumière que l'harmonisation de la réglementation prévue dans la proposition de directive et relative aux exigences quantitatives, avec celle de la directive Solvabilité II (manière d'évaluer les actifs et obligation d'une corrélation plus forte entre les capitaux détenus et l'importance du risque encouru) entraînerait des conséquences néfastes pour les régimes de retraite professionnelle en raison des exigences accrues de fonds propres et des coûts de fonctionnement plus importants, sans oublier de possibles perturbations pour l'allocation des capitaux.

4.   Observations particulières

4.1   Activités transfrontalières

4.1.1

Le CESE souligne que tous les aspects liés aux activités transfrontalières des IRP, définies aux articles 12 et 13 de la proposition de directive, doivent découler des besoins des employeurs mettant en place un régime de retraite et de leurs employés, et servir leurs intérêts. Dès lors, il convient que les décisions d'entreprendre ces activités soient prises par les partenaires sociaux établissant le régime de retraite.

4.1.2

Le Comité porte un jugement positif sur l'introduction de la possibilité de transférer les régimes de retraite à d'autres institutions dans d'autres États membres, après que l'autorité de surveillance concernée de l'institution destinataire du régime de retraite ait octroyé son autorisation et après accord des affiliés et des bénéficiaires du régime.

4.1.3

Tout en soutenant le renforcement de la dimension transfrontalière de l'activité des IRP, le Comité souligne qu'afin de développer de manière dynamique le secteur des retraites professionnelles, il importe au plus haut point de promouvoir et de diffuser les IRP dans les États où cette forme de régime de retraite n'existe pas ou commence à peine à se développer.

4.1.4

Le CESE estime que le fait de donner aux IRP la possibilité d'investir dans d'autres États membres de l'UE, en se conformant uniquement à la législation de l'État dans lequel l'IRP possède son siège, représente une évolution positive qui facilite l'activité des IRP sur le marché commun européen.

4.2   Gouvernance et gestion des risques

4.2.1

Le CESE n'est pas opposé à la proposition d'introduire une transparence accrue dans le domaine des rémunérations du personnel occupant des postes clés au sein des IRP, du moment que la particularité structurelle des retraites professionnelles est prise en compte.

4.2.2

Le Comité estime qu'en cas de gestion des actifs en ayant recours à l'externalisation, il importe de divulguer les règles de rémunération ainsi que le montant reçu par la société de gestion et non les rémunérations d'employés de cette entreprise choisis préalablement. Le Comité critique l'annonce relative à l'application du principe d'une politique de transparence sur les rémunérations aux employés des sociétés qui ont recours à l'externalisation dans leur méthode de gestion des régimes de retraite. Cela pourrait constituer un obstacle important pour trouver la société qui serait chargée de la gestion de ces tâches, et notamment s'agissant d'actifs d'un petit régime de retraite.

4.2.3

Le Comité accueille favorablement les autres propositions qui visent à renforcer la réglementation relative à la pratique de l'externalisation dans la gestion des régimes de retraite ainsi qu'à son contrôle, tout en conseillant une certaine pondération pour la fixation des obligations dont doivent s'acquitter les sociétés de gestion.

4.2.4

En ce qui concerne la proposition visant à définir les exigences relatives aux compétences et à la réputation des personnes chargées dans les faits de la gestion de l'institution ou des personnes exerçant d'autres fonctions clés, le CESE considère que ces prescriptions doivent prendre en considération la spécificité des IRP et le rôle des partenaires sociaux, qui participent depuis de nombreuses années au processus de gestion des IRP (par exemple par le biais du droit de désignation de leurs représentants en tant que membres des organes de gestion ou de contrôle des IRP). Les IRP ne sont pas en effet des institutions financières typiques créés dans le but de réaliser un profit mais des organismes qui sont contrôlés par l'employeur et les employés. Pour des raisons évidentes, ces institutions sont intéressées à réduire au minimum les frais d'organisation. C'est pourquoi, lorsqu'on définit les exigences relatives aux compétences des personnes en charge de la gestion des IRP, il importe de tenir compte de ces aspects dès lors qu'aucune disposition ne peut restreindre le rôle des partenaires sociaux dans le processus de gouvernance des régimes par rapport au système actuel.

4.2.5

Le Comité propose que l'évaluation des compétences du personnel en charge de la gestion soit réalisée pour l'ensemble de l'organe de direction ou de surveillance et non pour des personnes définies au préalable. Cette proposition pourrait être mise en œuvre en définissant à l'art. 23 les exigences devant être satisfaites par les personnes gérant l'institution ou par celles y exerçant d'autres fonctions clés. Cette solution permettrait une représentation continue des partenaires sociaux dans les organes de direction des IRP tout en rendant plus contraignantes les exigences vis-à-vis des personnes impliquées directement dans les activités statutaires des IRP.

4.2.6

Le Comité met en lumière qu'il faut que les exigences en matière de gouvernance des IRP tiennent compte des spécificités structurelles des retraites professionnelles. Dans ces systèmes de retraite, nous avons à faire avec trois acteurs interdépendants: l'employeur/entreprise d'affiliation, le travailleur/affilié au régime et l'IRP. Cet état de fait assure d'une part une sécurité accrue du système, grâce à un contrôle réciproque des différents acteurs et, de l'autre, introduit une plus grande complexité dans la mesure où il comporte une interaction entre la réglementation relative aux institutions financières, le droit du travail et la législation de la sécurité sociale, sans oublier les principes de coopération des partenaires sociaux dans chaque État membre.

4.2.7

Le CESE se félicite que la Commission européenne est consciente des problèmes pouvant survenir en raison du durcissement des exigences de gouvernance des IRP et est favorable aux dispositions prévoyant que les systèmes de contrôle soient adaptés à la nature, à l'étendue et à la complexité des risques inhérents à l'activité des IRP (Art. 22, 24, 25, 26 et 29).

4.2.8

Le CESE considère que pour les IRP, la garantie de la sécurité des ressources financières accumulées dans un régime de retraite ainsi que le caractère adapté des prestations de retraite, favorisé par une politique d'investissement bien équilibrée, doivent demeurer l'axe prioritaire. Le soutien apporté aux investissements à long terme ne peut occulter l'objectif principal des IRP qui est d'assurer aux affiliés les ressources financières pour leur vieillesse. La possibilité d'évaluer de manière régulière et objective les actifs du régime de retraite ainsi que l'accès à une information fiable et actualisée sur la situation financière de l'émetteur de valeurs mobilières dans lesquelles investit l'IRP, constituent des conditions indispensables à l'investissement sécurisé de ces actifs.

4.2.8.1

Le CESE se félicite de la proposition d'après laquelle les actifs des programmes de retraite professionnelle peuvent être investis, sans entraves de la part des États membres, dans des instruments présentant un profil économique à long terme.

4.2.8.2

Le Comité s'oppose néanmoins fermement à la proposition de la Commission européenne selon laquelle «les États membres n'empêchent pas les institutions …de placer leurs actifs dans des instruments …qui ne sont pas négociés sur des marchés réglementés, des systèmes multilatéraux de négociation ou des systèmes organisés de négociation». Le CESE observe que, dans le cas des régimes à cotisations définies, lorsque l'évaluation de la valeur au jour le jour des actifs n'est pas possible, ces investissements constitueraient une solution très risquée pour les affiliés à un régime de retraite. Les projets réalisés en s'appuyant sur une politique d'investissement de ce type ne seraient pas transparents en raison de l'impossibilité de fournir aux affiliés du régime concerné des informations fiables sur la valeur des actifs accumulés et sur les avantages attendus, une fois atteint l'âge de départ à la retraite, ce qui aurait une importance toute particulière pour les affiliés supportant intégralement le risque de placement. Cependant, il y a lieu que les États membres aient toute latitude quant au fait d'imposer ou non des restrictions dans ce domaine, après avoir consulté les partenaires sociaux.

4.2.8.3

Le CESE se dit favorable à ce que les IRP aient la possibilité d'investir dans des projets d'infrastructure à long terme et estime qu'il devrait y avoir la possibilité d'investir dans ces projets sans limitations quantitatives uniquement lorsque les instruments financiers faisant l'objet de l'investissement (p.ex. les actions, les obligations) sont négociés sur un marché public ou si l'on a recours à des supports financiers accessibles à tous sur le marché financier (p.ex. fonds d'investissements de différents types, actions de sociétés investissant directement dans des projets à long terme et cotées sur un marché public).

4.2.9

Le CESE propose à la Commission d'envisager la possibilité de modifier l'art. 20, par. 1 d) de la proposition de directive qui définit les principes de placements en instruments dérivés. De l'avis du Comité, les expériences acquises jusqu'à maintenant dans le contexte de la crise justifient la nécessité de restreindre considérablement le principe actuellement en vigueur qui est très large, conformément auquel les IRP peuvent effectuer des placements en instruments dérivés afin de «faciliter une gestion efficace du portefeuille».

4.2.10

Le Comité soutient sans réserve l'introduction de dépositaires dans les régimes de retraite dans lesquels le risque d'investissement repose sur les affiliés et les bénéficiaires, car il considère que l'activité du dépositaire est un outil essentiel qui garantit les actifs des structures de placement collectif dans le monde actuel.

4.2.11

Le CESE porte une appréciation positive sur l'exigence relative à la garantie d'une fonction actuarielle efficace dans les régimes de retraite dans lesquels les affiliés et les bénéficiaires ne supportent pas tous les types de risque.

4.3   Informations pour les affiliés et les bénéficiaires

4.3.1

Le CESE accueille favorablement la requête, qu'il a déjà formulée par le passé, visant à élargir l'éventail des informations mises à disposition aussi bien des affiliés aux régimes de retraite que de leurs bénéficiaires. Il souscrit également à l'introduction de la présentation obligatoire par les IRP, au minimum une fois par an, des informations essentielles concernant entre autres les garanties du régime de retraite, les montants des cotisations versées, les coûts de participation au régime de retraite, le profil d'investissement, les résultats passés du régime de retraite et les montants planifiés des prestations de retraite.

4.3.2

Le Comité émet de fortes réserves quant au fait que le concept présenté dans la proposition à l'examen d'une information uniforme, publiée sur deux pages et sous la forme d'une présentation graphique lisible pour le destinataire soit réaliste. Dans divers régimes de retraite professionnelle, les affiliés supportent des risques différents, ont également des attentes différentes en ce qui concerne les prestations futures et il n'est pas rare que les principes de paiement des droits accumulés dans le régime de retraite professionnelle soient définis par la législation des différents États membres. Il y a lieu que l'information qui est transmise aux affiliés ou aux bénéficiaires de ces régimes tienne compte de ces facteurs. C'est pourquoi le CESE demande de modifier la législation proposée, afin que l'uniformisation du modèle d'informations transmises aux affiliés des régimes soit échelonnée sur plusieurs étapes et que la version finale à l'issue de ce processus soit définie avec souplesse. Dans la phase initiale, les travaux devraient porter sur les modèles de certains types d'informations (et tout au moins sur deux modèles fondés sur le concept de cotisations et de prestations définies). Il conviendrait ensuite de mettre ceux-ci en œuvre dans des États membres ou dans des IRP prédéfinis sous la forme d'un projet pilote. Ce ne serait qu'en s'appuyant sur les enseignements tirés dans ce cadre que l'on pourrait entamer les travaux relatifs à l'acte délégué défini à l'art. 54.

4.3.3

De l'avis du Comité, il devrait y avoir in fine au moins deux modèles d'informations, l'un pour les systèmes s'appuyant sur le concept de cotisations définies et l'autre pour les systèmes fondés sur celui de prestations définies. Par ailleurs, il conviendrait que chaque État membre ait la possibilité de compléter ce modèle avec certaines informations revêtant un intérêt pour les affiliés ou les bénéficiaires du régime, sur la base des spécificités des dispositions nationales.

4.3.4

Le CESE considère qu'en de nombreux endroits la réglementation proposée est imprécise et risque d'induire en erreur les affiliés ou les bénéficiaires au lieu de leur apporter une information fiable.

4.3.4.1

Le titre même de cette information (Relevé des droits à retraite) induit en erreur, en effet l'information portera tout au plus sur les relevés des droits à retraite programmés. Dès lors, il convient de modifier l'intitulé de ce document, en le remplaçant par exemple par «État actuel des prévisions en matière de droits à retraite».

4.3.4.2

L'art. 48, par. 1 a) prévoit la possibilité de transmettre à l'affilié les éléments d'information concernant la garantie totale. L'utilisation de ce terme induit en erreur. Lorsqu'il est question de «garantie totale», le demandeur ne peut en effet concevoir une évolution pessimiste pouvant aller jusqu'à la faillite de l'employeur/entreprise d'affiliation IRP. Cette faillite pourrait entraîner l'insolvabilité du régime de retraite vis-à-vis de ses bénéficiaires. D'un autre côté, la Commission évoque à l'art. 48, par. 2 d) des «mécanismes de réduction des prestations», ce qui remet en cause l'existence d'une garantie totale.

4.3.5

Le Comité fait valoir que la Commission devrait conserver une attitude particulièrement prudente lors de l'élaboration de l'acte délégué mentionné à l'art. 54, en gardant également à l'esprit le coût potentiel de cette solution. Les charges découlant de la rédaction des informations destinées aux affiliés au régime de retraite ou les coûts supplémentaires de services induits par la nécessité de fournir des explications supplémentaires en cas de modèle unifié paneuropéen inadapté aux réalités d'un régime de retraite donné, ne peuvent augmenter de manière conséquente les coûts supportés par l'IRP. C'est la raison pour laquelle le CESE invite la Commission, lors de l'élaboration de la liste des informations dispensées aux affiliés du régime de retraite, de tenir compte du caractère de ces régimes.

4.4   La surveillance des activités des IRP

4.4.1

Compte tenu des difficultés d'interprétation que l'on a connues jusqu'à présent, dues au recours par les autorités de surveillance des États membres à des pratiques divergentes, le Comité accueille favorablement les efforts consentis en vue de définir plus clairement l'étendue des activités financières soumises à ce contrôle et de les séparer des questions réglementées par les dispositions de la législation de la sécurité sociale et du droit du travail.

4.4.2

Le CESE se félicite également de l'annonce concernant le renforcement des dispositions relatives à l'échange interinstitutionnel de l'information entre les autorités de surveillance des régimes de retraite professionnelle concernées.

4.4.3

Le CESE estime que la proposition visant à renforcer la surveillance des IRP est judicieuse; elle pourrait impliquer des obligations supplémentaires en matière d'information. Les dispositions de la proposition de directive conservent dans ce domaine une souplesse appropriée permettant d'ajuster les activités concrètes de contrôle à des situations spécifiques.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2012) 55 final.

(2)  Avis JO C 299 du 4/10/2012, pp. 115-122. Le CESE indique entre autres qu'il y a lieu «de tenir compte non seulement des aspects liés à l'activité transfrontière des fonds de pension et à la mobilité des travailleurs, mais aussi d'éléments ayant trait à la surveillance et au contrôle des institutions de retraite, aux coûts administratifs et à l'information et à la protection des consommateurs».

(3)  JO L 235 du 23.9.2003.

(4)  Dans son avis sur le Livre blanc, le Comité affirme qu'il «se prononce en faveur des régimes de pensions professionnelles par capitalisation, établis et administrés par les employeurs et les syndicats, et demande à la Commission de soutenir les partenaires sociaux afin de renforcer leurs capacités administratives dans ce domaine».

(5)  Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) JO L 335 du 17.12.2009, p. 1 (JO L 335 du 17.12.2009).

(6)  Dans son avis sur le Livre blanc, le Comité affirme qu'il «est dès lors très préoccupé par certaines des propositions concernant les retraites professionnelles. Dans la mesure où les régimes de retraite se différencient grandement des services d'assurance-vie, le CESE ne souscrit pas à l'objectif affiché de réviser la directive IRP (institutions de retraite professionnelle) pour assurer “l'égalité de traitement par rapport à la directive Solvabilité II”, mais recommande d'introduire des mesures spécialement conçues pour garantir les actifs des fonds de pension, après consultation préalable des partenaires sociaux et des autres parties prenantes.»


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/116


Avis du Comité économique et social européen sur le «Cadre de qualité de l'Union européenne pour l'anticipation des changements et des restructurations»

[COM(2013) 882 final]

(2014/C 451/19)

Rapporteur:

M. VAN IERSEL

Corapporteur:

M. STUDENT

Le 2 janvier 2014, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le:

Cadre de qualité de l'Union européenne pour l'anticipation des changements et des restructurations

COM(2013) 882 final.

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 77 voix pour, 0 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Les restructurations correspondent à un processus permanent qui obéit à un grand nombre de facteurs affectant les entreprises au quotidien. Une fois de plus, l'économie mondiale traverse une série de chocs technologiques profonds et déstabilisants, qui tendent à s'accélérer.

1.2

Selon le CESE, les entreprises sont au cœur des processus de restructuration, d'ajustement ou d'anticipation, ce qui rend nécessaire la participation du personnel et de ses représentants dans le cadre des comités d'entreprise et/ou des syndicats. C'est un aspect de la responsabilité sociale des entreprises, que le CESE soutient pleinement. Dans de nombreux cas, et surtout lorsque sont en jeu des projets de restructuration de grande envergure, un plus grand nombre d'acteurs est souvent associé au processus, parmi lesquels figurent les autorités publiques et les établissements d'enseignement.

1.3

La consultation des représentants des travailleurs qu'il a été convenu de mener au niveau des entreprises nationales et européennes doit être dûment respectée et se concentrer sur l'obtention de résultats tangibles dans des situations évoluant rapidement. Si elles sont menées à bien au sein des comités de dialogue social sectoriel, les restructurations et l'anticipation pourraient promouvoir des solutions pragmatiques sur la base de faits, chiffres et tendances à l'échelle mondiale.

1.4

Au niveau de l'UE, la participation doit débuter par une bonne compréhension de la grande diversité de contextes et d'approches rencontrés. Un cadre de qualité de l'Union européenne pour l'anticipation des changements et des restructurations comme celui que propose la Commission pourrait sans nul doute s'avérer utile (1).

1.5

Les restructurations et les anticipations nécessitent des solutions sur mesure dans les entreprises et les régions; cependant, comme il existe de nombreux éléments communs, une mesure incitative européenne visant à élargir les partenariats avec les milieux universitaires, les instituts de recherche, les autorités locales, régionales et nationales ainsi qu'avec les établissements régionaux d'enseignement et de formation s'avère particulièrement souhaitable. Il en va de même pour la diffusion des bonnes pratiques. Dans cette optique, les conseils sectoriels sur l'emploi et les compétences peuvent être très utiles.

1.6

Les technologies et les chaînes de valeur mondiales rendent le processus d'anticipation des changements très compliqué. La spécialisation intelligente et sur mesure pratiquée actuellement met une nouvelle fois en évidence la nécessité d'approches et de solutions spécifiques aux entreprises.

1.7

De manière plus générale, les thématiques et tendances futures telles que l'écologisation et les technologies (européennes) clés doivent être mises en avant. Elles devraient également faire l'objet de discussions entre les partenaires sociaux et être intégrées aux programmes d'éducation et de formation au niveau national et régional.

1.8

L'État, les partenaires sociaux et les entreprises doivent assumer une responsabilité conjointe vis-à-vis des groupes vulnérables, notamment de la génération des aînés et des personnes peu qualifiées, en adoptant à leur intention des mesures sociales, ce qui est déjà le cas dans un certain nombre d'États membres.

Les analyses et les diagnostics communs attribuent des responsabilités spécifiques à chaque acteur. Si dans de nombreux pays, cette pratique est déjà monnaie courante, dans d'autres États membres, elle n'est pas encore bien développée.

1.9

La Commission européenne peut contribuer à l'émergence d'un esprit commun dans l'ensemble de l'Union en facilitant la création de partenariats entre les divers acteurs concernés. Elle peut favoriser la mise en place des conditions appropriées pour une utilisation adéquate des fonds européens dans des cas spécifiques. La Commission devrait mettre l'accent sur les dispositions prises en matière de dialogue social au niveau national et sectoriel dans le cadre de la stratégie européenne relative aux restructurations et à l'anticipation.

1.10

Le CESE approuve l'introduction du cadre de qualité de l'UE proposé par la Commission sur une base volontaire. Il tient néanmoins à faire observer qu'à l'avenir, il pourrait être souhaitable d'asseoir le cadre spécifique régissant la participation des travailleurs sur une base juridique, sans interférer dans les compétences nationales.

1.11

Les parties intéressées et la Commission devraient pouvoir continuer à tirer pleinement parti d'agences européennes comme Eurofound et le CEDEFOP en se servant des analyses et des données fiables et mises à jour qu'elles proposent. Dans certains cas spécifiques, lorsque cela s'avère utile, le CESE peut lui aussi prendre part à ces processus.

2.   Restructurations et anticipation: contexte et initiatives

2.1

En juillet 2012, le CESE a adopté un avis en guise de contribution à la consultation publique de la Commission européenne sur les restructurations d'entreprises et l'anticipation des changements (2). La plupart des observations et des recommandations formulées dans cet avis sont tout aussi pertinentes pour la communication récemment publiée, qui s'intitule «Cadre de qualité de l'Union européenne pour l'anticipation des changements et des restructurations» (3).

2.2

Les restructurations correspondent à un processus permanent qui dépend d'un grand nombre de facteurs affectant les entreprises au quotidien. Si la dynamique de «destruction créatrice» est source de possibilités inattendues, il est également clair que la crise et les faibles taux de croissance, la dépendance croissante des performances des économies nationales à l'égard des marchés mondiaux et les relations de plus en plus complexes entre les entreprises, leurs fournisseurs et leurs clients exercent une très forte pression sur de nombreuses entreprises et sur leur personnel. En tout état de cause, il est vital de maintenir une masse critique industrielle.

2.3

L'économie européenne suit l'évolution mondiale et s'aligne sur les nouvelles vagues de technologies et d'innovations qui modifieront en profondeur la manière dont les acteurs économiques et sociaux s'organiseront pour renforcer la résilience et garantir la continuité.

2.4

L'internationalisation, la fragmentation des chaînes de produits, les limites floues entre les différents secteurs, l'importance croissante des technologies (transversales), l'automatisation, la robotisation et aujourd'hui, la numérisation, la création d'approches et de solutions sur mesure, et surtout le constat généralement admis selon lequel une grande partie des produits et des services disponibles à l'heure actuelle laisseront place, dans un avenir qui est même prévisible, à des produits et des services nouveaux, sont autant d'éléments qui illustrent le contexte actuel de mutation industrielle permanente (4).

2.5

Chaque jour, le renouvellement et l'ajustement mettent à l'épreuve les approches et les pratiques existantes. Ce n'est pas uniquement la technologie, mais avant tout la créativité humaine qui est en permanence exigée de la plupart des gens (si ce n'est de tous), et ce quelle que soit la position qu'ils occupent.

2.6

Le CESE a analysé les tendances actuelles dans plusieurs avis consacrés à des secteurs et à des processus spécifiques. L'année dernière, il a adopté un avis d'ensemble sur les politiques nécessaires et les points importants en réponse à la communication de la Commission européenne sur la politique industrielle (5). De cette vision d'ensemble, il ressort que plusieurs domaines étroitement liés, en particulier l'objectif de relance industrielle, nécessitent une promotion soutenue de la technologie et de l'innovation, une amélioration générale des compétences ainsi qu'une meilleure sensibilisation du secteur industriel aux possibilités qu'offrent les nouveaux services.

2.7

Dans son avis de 2012, le Comité affirme également que pour être solide, le secteur entrepreneurial doit bénéficier d'une gestion adéquate et d'un vaste soutien du personnel à tous les niveaux de l'entreprise, mais aussi de l'ensemble de la société. Dans de nombreuses entreprises, les employés participent avec succès aux processus de changement. Les modèles consensuels portent généralement leurs fruits.

2.8

Les processus de restructuration sont variés et complexes. Comme indiqué dans l'avis, en plus de la distinction qu'il convient d'opérer entre les restructurations et l'anticipation, il existe de grandes différences entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises, entre les secteurs (qui ne sont pas tous affectés de la même manière par les nouvelles vagues de mutations et de technologies), entre les régions (dont certaines fortement peuplées et d'autres non), entre les niveaux de maturité des contextes économiques nationaux et entre les cultures des États membres.

2.9

Les grands changements intervenus au sein des marchés de l'emploi, d'une part à cause des effets de la crise économique et financière et d'autre part en raison du nouveau cycle industriel, constituent une source de complexité supplémentaire. Les systèmes de partenariat collectif et social existants doivent être conservés et renforcés, le cas échéant.

2.10

Dans ce contexte de turbulences et de grande diversité qui existe en Europe, le CESE insiste sur son postulat de base selon lequel «l'entreprise est, par définition, l'actrice principale des stratégies d'adaptation des opérateurs du marché, et se trouve donc au centre des processus de restructuration» (6).

2.11

Naturellement, les entreprises doivent procéder à des restructurations, des ajustements ou des anticipations pour l'avenir dans un environnement spécifique. Cela signifie qu'en plus de leurs procédures et pratiques internes, un certain nombre d'autres acteurs sont amenés à jouer un rôle. Les modalités précises dépendent du type de changement que les entreprises doivent gérer; il peut s'agir d'un ajustement de l'organisation interne, d'une réaction à la mutation du contexte du marché ou des deux à la fois.

2.12

Les premières personnes concernées sont les employés de l'entreprise. Une bonne organisation des processus garantit la participation du personnel et de ses représentants dans le cadre des comités d'entreprise et/ou des syndicats. Les réponses obtenues lors de la consultation menée par la Commission européenne (7) ont montré que les personnes interrogées réagissent en très grande majorité de la même manière, ce qui s'avère très prometteur. Le CESE plaide pour que des dialogues fondés sur la confiance — prévus d'ailleurs par la législation de nombreux pays — soient menés entre la direction et les représentants du personnel afin d'accompagner la gestion des changements et une anticipation efficace (8).

2.13

Étant donné la dépendance des entreprises à l'égard de certaines qualifications, de nature diverse, de leur personnel, il convient de garantir, en proposant des programmes d'apprentissage tout au long de la vie accessibles à tous, la présence des qualifications spécifiques requises au sein de chaînes de valeur de plus en plus perfectionnées, et ce dans l'intérêt des entreprises comme de leurs employés.

2.14

Le CESE constate que son point de vue selon lequel l'éducation et la formation devraient faire partie du quotidien des entreprises fait l'objet d'un large consensus, même s'il existe des différences entre les approches adoptées par les (très) petites entreprises non spécialisées et les entreprises de plus grande envergure.

2.15

Parallèlement, il convient de prendre également en compte le fait que l'image des marchés de l'emploi connaît une profonde évolution. Un pourcentage croissant de personnes majoritairement jeunes se prépare à mener des carrières très diversifiées dans le domaine technique ou dans d'autres secteurs, afin d'être suffisamment souples pour pouvoir changer de travail de leur propre initiative, que ce soit au sein de la même (grande) entreprise ou en optant pour une nouvelle entreprise ou une nouvelle branche. À cet égard, deux facteurs sont déterminants: l'offre et la demande sur le marché de l'emploi et les compétences dont dispose le travailleur. Alors que les employés bien formés et qualifiés sont à même de se servir des restructurations comme d'une opportunité, les salariés moins qualifiés et plus âgés ont besoin d'un soutien spécifique de l'État et des entreprises.

2.16

Durant la crise et dans le cadre de grands projets de restructuration tels que ceux qui portent sur des capacités de production régionales devenues obsolètes, tous les acteurs concernés doivent prendre leurs responsabilités, premièrement en mettant l'accent sur une planification économique viable pour l'avenir, et parallèlement en améliorant autant que se peut les conditions de travail dans un nouvel environnement.

2.17

Lorsqu'il s'agit de pallier les conséquences sociales, les principaux acteurs concernés sont, outre les entreprises et les syndicats, les collectivités locales et régionales. En cas de processus de restructuration de grande envergure, le gouvernement national doit également être partie prenante. Cependant, les expériences concrètes montrent que dans la plupart des cas, le contexte régional et le caractère communautaire s'avèrent primordiaux, ce que soulignait bien le CESE dans sa réponse au livre vert. Un certain nombre de régions est parvenu à mener avec succès une transformation en profondeur. Les régions qui ajournent des restructurations inévitables sont généralement confrontées, tout comme les entreprises, à de graves difficultés. Il conviendrait de mettre en avant les bonnes pratiques nationales et européennes.

2.18

Dans son avis de 2012, le CESE énumère diverses manières de préparer l'anticipation, tout en reconnaissant que les futures évolutions sont actuellement difficilement prévisibles. Les prévisions exponentielles sont généralement erronées. Néanmoins, les efforts communs déployés par les milieux universitaires et les organisations sectorielles peuvent fournir une aide précieuse. Dans l'industrie manufacturière, c'est une pratique qui devient de plus en plus fréquente. Dans le secteur des services, l'exercice reste difficile et manque (encore) de maturité. Une attitude anticipatrice est requise de la part des associations professionnelles ainsi que des autres parties intéressées des secteurs public et privé afin d'informer les PME des évolutions probables.

2.19

Paradoxalement, la dynamique du marché demande de l'anticipation, mais cette anticipation est rendue très difficile par un avenir fortement imprévisible. Le CESE estime qu'en raison de ce paradoxe, il faut prévoir des conditions optimales qui rendent socialement acceptables les ajustements aux probables mutations. Lorsqu'il s'agit de concevoir l'avenir, la principale responsabilité incombe aux acteurs qui sont les plus directement concernés, à savoir la direction et le personnel qui sont représentés par les comités d'entreprise et/ou les syndicats. Dans un contexte plus large, elle échoit aux partenaires sociaux à divers niveaux, aux gouvernements et aux structures de soutien telles que les milieux universitaires, les sociétés de conseil, les agences gouvernementales et de l'UE, les ONG ainsi que le CESE, et notamment sa commission consultative des mutations industrielles.

2.20

Pour ce qui est de l'insertion et de la réinsertion sur le marché de l'emploi, deux catégories doivent faire l'objet d'une attention particulière: les jeunes et les personnes âgées qui rencontrent de grandes difficultés pour s'adapter. Il n'existe pas de solution rapide pour remédier à des problèmes profondément enracinés concernant le rapprochement de l'offre et de la demande. L'adaptabilité des économies est étroitement liée à leurs modèles et à leurs performances actuels, à la diversité des structures économiques et aux différences entre les cultures des pays et des régions. Il est généralement admis, et le CESE ne cesse de le réaffirmer, qu'une éducation moderne est la clef de toute solution pour l'avenir. Elle devrait être le fondement de compétences suffisamment souples permettant aux jeunes de se préparer à exercer plusieurs métiers. Depuis quelques années, le développement de l'esprit d'entreprise est devenu une priorité des programmes d'enseignement. Les entreprises doivent également contribuer à l'ajustement de l'éducation, et investir dans l'apprentissage tout au long de la vie. Dans un certain nombre de pays, les professionnels du monde de l'entreprise contribuent activement aux programmes d'enseignement.

2.21

Ainsi que le CESE l'a abondamment préconisé par le passé, l'UE, y compris le CESE, peut indéniablement contribuer à ces processus. Il souligne:

le soutien d'agences européennes telles que le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP), la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) et d'autres qui diffusent des données et des analyses;

le soutien de la Commission européenne, et en particulier de la DG Emploi, qui débattent des bonnes pratiques existant en Europe dans leurs publications et lors de conférences ciblées, notamment dans le cadre des dialogues sociaux, et qui diffusent leurs analyses et leurs propositions de mesures concrètes élaborées par des universitaires et des experts européens;

les projets ciblés des fonds européens, à savoir le fonds de cohésion, le Fonds européen de développement régional et le Fonds social européen.

2.22

Le contexte européen s'avère également très pertinent pour les restructurations et l'anticipation; il sert de base à l'émergence d'un esprit commun et d'une responsabilité partagée dans l'ensemble de l'UE, ce qui permet de promouvoir une convergence d'approches qui diffèrent aujourd'hui très fortement d'un pays à l'autre, et dont les résultats sont loin d'être uniformes. Des expériences communes et partagées peuvent offrir de meilleurs résultats aux entreprises, aux travailleurs et aux régions.

2.23

À cet égard, la mobilité de la main-d'œuvre en Europe peut également constituer un exemple spécifique; elle suscite des inquiétudes, mais est également susceptible d'apporter une contribution positive puisqu'elle permet de pourvoir des postes vacants dans l'industrie et de remédier aux pénuries de main-d'œuvre tant qualifiée que non-qualifiée (9). Il y a lieu de tenir compte des effets négatifs à long terme des mouvements migratoires pour les États, les régions et les travailleurs. Une fuite des cerveaux ou une émigration de personnes qualifiées peut s'avérer préjudiciable au développement futur. Pour assurer une mobilité progressive de la main-d'œuvre, une politique régionale et sociale européenne cohérente est nécessaire afin de réduire les risques indésirables.

2.24

Les conseils sectoriels pour l'emploi et les compétences à l'échelle de l'UE, les forums et les observatoires européens sur les restructurations, ainsi que les études d'Eurofound peuvent s'avérer très utiles pour faciliter le partage des bonnes pratiques dans l'ensemble de l'Europe.

3.   Proposition d'un cadre de qualité de l'Union européenne

3.1

Selon le CESE, les propositions contenues dans la communication de la Commission européenne (10) doivent partir d'une bonne compréhension de la grande diversité de contextes et d'approches rencontrés, ainsi que des postulats évoqués ci-dessus. Il s'agit d'un guide utile pour l'ensemble des acteurs concernés au niveau où chacun d'entre eux assume des responsabilités et qui devrait être utilisé au cas par cas. Il s'avère très constructif de débattre de tels schémas à l'échelle européenne afin de faciliter l'émergence de perspectives communes dans l'ensemble de l'UE.

3.2

Le CESE soutient les propositions qui préconisent une observation permanente des évolutions et des transitions (souvent subtiles) qui touchent l'offre et la demande sur le marché du travail, ainsi que des compétences nécessaires. Cette pratique est déjà monnaie courante dans de nombreuses entreprises, et fait l'objet d'une attention constante de la part de la direction et du personnel. Dans les entreprises et les sociétés internationales, il s'agit d'un thème qui doit faire l'objet de discussions conjointes entre la direction et les comités d'entreprise européens (11). La pratique actuelle n'est toutefois pas satisfaisante. La consultation, en temps utile, des représentants des travailleurs dans le cadre des restructurations transnationales doit être dûment garantie. Il y a lieu de veiller à ce que les PME soient informées et consultées.

3.3

Compte tenu de l'importance stratégique de la dynamique actuelle et des modifications futures des systèmes de production, apportées notamment par la robotique, la numérisation, les nanotechnologies et l'impression en 3D, les pratiques existantes doivent être affinées et approfondies dans l'intérêt des entreprises comme de leur personnel. Il en va de même pour les propositions concrètes de mesures qui s'adressent aux travailleurs.

3.4

La plupart des entreprises développent des approches sur mesure, mais il existe de nombreux aspects communs qui témoignent de la révolution industrielle en cours. C'est la raison pour laquelle des partenariats élargis avec les milieux universitaires, les instituts de recherche, les autorités politiques ainsi qu'avec les établissements régionaux d'enseignement et de formation s'avèrent particulièrement utiles, comme cela a été souligné précédemment. En dépit des bonnes pratiques des associations professionnelles et des réseaux de PME en matière de restructurations, les PME ne sont habituellement pas en mesure de mettre en place des approches sophistiquées ou des dispositifs de formation. Elles doivent avoir la possibilité de bénéficier de systèmes nationaux et régionaux ciblés et de soutiens externes.

3.5

Le CESE accorde une grande importance à la diffusion des bonnes pratiques. En Europe, un certain nombre de régions parviennent à organiser cette préparation de l'avenir avec un succès étonnant, ce qui s'avère bénéfique pour leur population ainsi que pour leur économie qui gagne en solidité. Dans ce domaine, l'UE, y compris le CESE, peut apporter davantage d'aide.

3.6

Les conseils sectoriels pour l'emploi et les compétences à l'échelle de l'UE peuvent eux aussi fournir un soutien très précieux. Ils peuvent en outre servir de plates-formes pour les réunions entre acteurs directement impliqués. Le CESE entrevoit au moins trois missions qu'ils pourraient assumer: informer des besoins en matière d'éducation, procéder à des échanges de prévisions sur les tendances et défis futurs et informer des raisons qui ont présidé aux restructurations. Toutes ces activités contribueraient à un échange permanent de points de vue et s'avèreraient bénéfiques pour une convergence vers le haut. Les agences européennes devraient elles aussi tirer profit des conclusions opérationnelles et pragmatiques de ces conseils.

3.7

Pour chacun des acteurs opérant à divers niveaux, des responsabilités spécifiques découlent des analyses communes et des diagnostics communs, comme l'expose en détail le chapitre 2. Il s'agit d'un processus permanent qui correspond à une pratique déjà courante dans plusieurs États membres, mais nettement moins bien développée dans d'autres. Les performances des économies où de telles approches sont bien mises en œuvre sont généralement meilleures que celles des pays qui sont en retard dans ce domaine. Comme indiqué précédemment, les modèles consensuels portent leurs fruits.

3.8

S'agissant des restructurations, l'UE peut promouvoir une coordination satisfaisante entre les acteurs concernés en promouvant, grâce au soutien financier provenant des fonds de l'UE, le cas échéant, l'efficacité des procédures et processus au sein des entreprises et des régions.

3.9

L'annexe souligne à juste titre le rôle des travailleurs individuels. Lorsque les conditions et les dispositifs adéquats sont mis en place, il incombe à chaque travailleur de choisir l'approche qui lui semble la plus appropriée. Là encore, les choix personnels sont très variés, allant de l'amélioration des aptitudes sur le terrain à l'élargissement des compétences et même au choix d'une nouvelle direction professionnelle. La pratique consistant à exercer un seul et même emploi toute sa vie durant fait progressivement place à des carrières flexibles au sein des (grandes) entreprises ou dans un contexte plus large.

3.10

Toutes les parties prenantes devraient tenir dûment compte de ces évolutions fondamentales, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables. Dans plusieurs États membres, les partenaires sociaux et l'État ont mis en place, au fil des ans, des programmes ciblés. Le CESE tient notamment à citer:

le modèle de marché du travail danois, connu sous le nom de flexicurité. Une fois surmontés les critiques et problèmes initiaux, un équilibre raisonnable a été trouvé entre les coûts et les avantages de ce modèle, combinant marché du travail flexible et État-providence (12) et reposant notamment sur une surveillance renforcée du marché de l'emploi, des accords de répartition des tâches, des dispositifs de rotation des emplois, des incubateurs d'innovation et un système de formation professionnelle;

le système allemand de formation en alternance qui s'appuie entre autres sur une participation des entreprises et une politique anticipatrice d'enseignement et d'apprentissage pratique;

des programmes comme «Knowledge Lift», un dispositif d'amélioration des connaissances mis en place par la Suède, qui visait à l'époque à porter le niveau de compétences des travailleurs adultes peu qualifiés au niveau moyen et ciblait les personnes âgées de 25 à 55 ans.

3.11

Il existe d'autres exemples de ce type. Certains de ces systèmes sont dépassés, d'autres fonctionnent toujours avec la même efficacité, illustrant comment la participation de l'État et l'engagement des partenaires sociaux peuvent déboucher sur la mise en place d'instruments communs en réponse aux évolutions actuelles. D'autres dispositifs ont été abandonnés il y a un certain temps déjà. La Commission devrait, par une diffusion systématique des bonnes pratiques, encourager les partenaires sociaux et les autorités nationales de tous les États membres à déterminer quels outils concrets s'avéreraient utiles.

3.12

Le CESE est très satisfait que la Commission rejoigne le point de vue qu'il a exprimé dans un certain nombre d'avis ainsi que dans sa réaction au livre vert (13) et qu'elle prévoie que les collectivités nationales et régionales joueront un rôle actif dans les processus d'anticipation et de restructuration, au même rang que les entreprises, les travailleurs et les partenaires sociaux. Leur coopération et leur coresponsabilité, pourtant si nécessaires, sont souvent sous-estimées. Dans les points essentiels, la Commission européenne souligne l'importance de leur participation (14).

3.13

Les différents niveaux de gouvernement ont chacun leur responsabilité. Dans la plupart des pays, les administrations nationales sont chargées de définir le cadre (juridique), tandis que les collectivités régionales jouent un rôle majeur en organisant les infrastructures et en forgeant un esprit commun comme en témoignent de nombreux exemples concrets. Par conséquent, le succès ou l'échec de ces initiatives dépend souvent de la qualité du travail des administrations nationales et régionales. Elles devraient être associées aux études de cas consacrées à l'anticipation et aux restructurations, ainsi qu'aux pratiques qui ont porté leurs fruits.

3.14

La Commission européenne joue un rôle moteur dans l'organisation des discussions au niveau de l'UE, et dans la diffusion des bonnes pratiques. Elle peut contribuer à l'émergence d'un esprit commun dans l'ensemble de l'Union. Elle peut aider à mettre en place les conditions d'une utilisation adéquate des fonds européens. Elle a également un rôle à jouer en favorisant le dialogue social en matière d'anticipation et de restructurations, notamment au niveau sectoriel.

3.15

La collecte de données relatives aux opérations de restructuration, y compris à leurs retombées économiques et sociales, devrait être simplifiée et mener à des analyses. Il convient d'assurer en permanence une coordination efficace entre des agences comme Eurofound et le CEDEFOP, la Commission européenne et les parties intéressées.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Communication de la Commission européenne sur le «Cadre de qualité de l'Union européenne», pages 15 et suivantes.

(2)  JO C 299 du 04.10.2012 p. 54, observations sur le livre vert de la Commission européenne sur les restructurations et l'anticipation du changement publié en 2012.

(3)  Communication de la Commission européenne du 13 décembre 2013.

(4)  Les développements pionniers actuels sont décrits dans le rapport allemand intitulé «Recommandations pour la mise en œuvre de l'initiative stratégique INDUSTRIE 4.0» publié en avril 2013 par la Forschungsunion et par l'Académie nationale des sciences et de l'ingénierie avec le soutien du ministère fédéral de l'éducation et de la recherche. Le terme «4.0» désigne la quatrième révolution industrielle.

(5)  JO C 327 du 12.11.2013, p. 82, observations sur la communication de la Commission européenne sur la politique industrielle, publiées en 2013.

(6)  JO C 299 du 04.10.2012, p. 54.

(7)  Résumé des réponses à la consultation concernant le livre vert (première note de bas de page).

(8)  Voir JO C 161 du 06.06.2013, p. 35, ainsi que le titre anglais de l'avis.

(9)  Voir JO C 318 du 29.10.2011, p. 43.

(10)  Communication de la Commission européenne sur le «Cadre de qualité de l'Union européenne», pages 15 et suivantes.

(11)  (Directive 2001/23/CE).

(12)  «Anticipating and Managing restructuring — Denmark» [Anticipation et gestion des restructurations — le cas du Danemark], Centre international de formation de l'OIT, décembre 2009.

(13)  Voir la première note de bas de page.

(14)  Voir page 19.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/123


Avis du Comité économique et social européen sur la «Révision des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux»

[C(2014) 963 final]

(2014/C 451/20)

Rapporteur:

M. KRAWCZYK

Corapporteur:

M. WENNMACHER

Le 8 mai 2014, la Commission a décidé, conformément à l’article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le thème:

«Aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes».

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 183 voix pour, 3 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement le nouveau règlement de la Commission européenne relatif aux lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes. Ce règlement, attendu depuis fort longtemps tant par les aéroports que par les compagnies aériennes, définit un cadre assorti notamment d’une période transitoire, qui traite quelques-uns des problèmes importants du secteur des transports de l’UE, en proie à de profonds changements.

1.2.

Le CESE regrette qu’en raison des pressions injustifiées qu’exercent des lobbys régionaux et des élus locaux, la version finale du règlement adopté par la Commission européenne ne prévoie pas suffisamment d’instruments qui permettraient d’améliorer sensiblement la transparence du marché/secteur européen de l’aviation. Il est nécessaire de mieux coordonner le développement des infrastructures terrestres du transport aérien aux différents échelons (UE, États membres, régions). Avant de dépenser l’argent des contribuables, y compris les ressources budgétaires de l’UE, il faut bien s’y préparer, en s’appuyant sur une étude de faisabilité qui ne soit pas faussée par les intérêts politiques locaux, mais validée par une demande économique et sociale pertinente. Cette étude devrait également évaluer le caractère durable du projet en intégrant des critères d’utilisation des sols, l’incidence sur l’emploi, les conditions de travail et les répercussions sur l’environnement. Il convient également de veiller à la cohérence avec des projets stratégiques européens, tels que le ciel unique européen et SESAR.

1.3.

Le CESE est préoccupé par le nombre croissant d’«affaires de concurrence» engagées par la Commission ainsi que par l’attitude inadéquate des États membres à l’égard de l’absence de conditions de concurrence équitables dans le secteur européen de l’aviation. En raison de la période transitoire extrêmement longue prévue avant que les aéroports deviennent rentables, des changements significatifs ne sont pas suffisamment encouragés dans ce domaine.

1.4.

Le Comité déplore vivement que l’on n’ait jamais réalisé l’étude qui devait présenter la situation existante en matière d’aides publiques et de mesures similaires dans le cadre de la mise en œuvre des lignes directrices pour l’aviation et qui était préconisée par le Comité dans son précédent avis. Cet état de fait a laissé trop de place au flou politique sur ce sujet tout en limitant la quantité de données solides permettant de proposer des solutions fiables. Le CESE réitère sa demande en ce sens, qui reste à ses yeux pertinente et justifiée. L’étude devrait fournir des informations sur le montant et le type des aides accordées, leurs effets réels sur le développement et sur l’efficacité de l’économie, et leur impact sur l’emploi, du point de vue quantitatif et qualitatif.

1.5.

Le CESE estime qu’il importe de stimuler le dialogue social et d’éviter tout dumping social dans ce domaine. Il est également important qu’un dispositif soit mis en place pour s’assurer que des données actualisées soient disponibles en permanence sur l’évolution du marché du travail dans le secteur de l’aviation.

1.6.

L’un des grands problèmes découlant de la mise en œuvre des lignes directrices précédentes résidait dans leur respect insuffisant. Le CESE craint qu’en raison du grand nombre d’«exceptions» prévues dans le règlement actuel, qui s’ajoute à la durée extrêmement longue de la période transitoire, un faible niveau de respect des lignes directrices pourra se perpétuer à l’avenir, ce qui nuirait à la réalisation de l’objectif principal de ce règlement, qui est l’établissement de conditions de concurrence équitables.

1.7.

Une application rétroactive des lignes directrices pour l’aviation en matière d’aides au fonctionnement devrait permettre aux aéroports et aux compagnies aériennes qui pendant des années ont dépassé le cadre fixé par les lignes directrices de 2005 de se conformer aux nouvelles règles. De même, une application rétroactive des nouvelles lignes directrices devrait faire en sorte de ne pas pénaliser les acteurs du marché qui ont respecté les lignes directrices de la Commission de 2005 applicables à l’époque.

1.8.

Des conditions de concurrence équitables sont indispensables pour rendre à nouveau durable le transport aérien européen. L’audition publique organisée par le CESE en 2014 a démontré clairement que l’actuelle «course aux subventions» compromet la situation de l’aviation européenne et porte un grave préjudice à sa pérennité.

1.9.

Le CESE souscrit à l’approche adoptée dans les lignes directrices quant à la réglementation des aides au démarrage pour les compagnies aériennes, tout en précisant que seules la mise en œuvre et l’application des nouvelles règles permettront de déterminer en fin de compte si l’objectif de clarté et de simplicité est atteint.

1.10.

En ce qui concerne les projets de nouvelles compagnies aériennes nécessitant un financement public important, le CESE considère que des programmes de sensibilisation et des dispositifs de soutien devraient être mis en place pour les propriétaires et les gestionnaires d’aéroports régionaux qui sont mal équipés pour traiter des questions de ce type.

1.11.

L’application des règles relatives aux aides d’État sur le marché intérieur doit être suivie dans les pays tiers également. Les autorités européennes doivent rester cohérentes et adapter leur politique relative à l’accès au marché de l’UE, en particulier pour les opérateurs qui bénéficient de conditions favorables dans leurs pays d’origine qui sont susceptibles de donner lieu à une concurrence déloyale. L’important est de garantir des conditions de concurrence équitables pour tous.

1.12.

Si le secteur de l’aviation de l’UE est appelé à répondre de manière durable à la demande croissante, il doit offrir des emplois de qualité et de bonnes conditions de travail, afin de respecter également les intérêts des voyageurs et les impératifs de sécurité. Comme cela a déjà été dit, il importe de stimuler le dialogue social et d’éviter le dumping social dans le secteur. Il existe d’ores et déjà plusieurs groupes au sein du secteur européen de l’aviation visant à dialoguer avec les partenaires sociaux concernés et il convient de les consolider davantage afin d’accroître leur efficacité et d’étoffer leur composition par des représentants des aéroports. Il y a lieu également de poursuivre la sensibilisation des opérateurs et de suspendre les aides d’État en cas de non-respect des règles applicables, en particulier en cas d’infraction au droit du travail.

1.13.

C’est pour cette raison également qu’il sera extrêmement important de suivre de près la mise en œuvre des «nouvelles» lignes directrices actuelles en matière de transport aérien. La Commission européenne devrait examiner le degré de réalisation des objectifs fixés et en faire rapport au plus tard dans les 12 mois.

2.   Introduction

2.1.

L’aviation européenne a été conçue comme un marché sur lequel les tarifs aériens sont définis par la demande et où les utilisateurs paient le coût du transport aérien à travers des taxes et des redevances, le but étant de mettre en place un «système de transport compétitif et économe en ressources» (Livre blanc sur les transports, 2011). Cependant, les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes ont créé des défaillances structurelles majeures sur le marché européen du transport aérien, auxquelles il convient de remédier.

2.2.

La Commission européenne envisage depuis longtemps de réexaminer les lignes directrices de 1994 sur l’application des articles 92 et 93 du traité CE aux aides d’État dans le secteur de l’aviation, ainsi que les lignes directrices de l’UE de 2005 sur le financement des aéroports et les aides au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (ci-après dénommées lignes directrices pour l’aviation). Pour que les aéroports puissent obtenir un soutien là où il est vraiment nécessaire, des règles plus claires étaient depuis longtemps nécessaires, en particulier parce qu’il était largement admis que les précédentes lignes directrices pour l’aviation n’ont pas été efficacement appliquées.

2.3.

Lors de sa 482e session plénière, tenue le 11 juillet 2012, le Comité économique et social européen (CESE) a adopté un supplément d’avis sur le thème «Révision des lignes directrices de 1994 et 2005 sur l’aviation et les aéroports dans l’UE» (CCMI/95). Dans son avis, le CESE décrivait bien l’évolution du marché européen du transport aérien et les sérieux obstacles qui entravaient l’application des lignes directrices existantes, tout en formulant une série de conclusions et de recommandations.

2.4.

Le Comité y soulignait la nécessité d’un cadre juridique harmonisé dans l’UE qui s’applique à l’ensemble du secteur de l’aviation, empêche les pratiques incontrôlées en matière de subventions et garantisse des conditions de concurrence équitables pour tous les opérateurs du marché, y compris au niveau local.

2.5.

Il faisait également valoir que les nouvelles lignes directrices pour l’aviation devaient être établies par le moyen d’un ensemble de règles claires et simples, afin de garantir la sécurité juridique pour le secteur de l’aviation en Europe. Le CESE soulignait l’importance pour l’aviation d’une mise en œuvre correcte des lignes directrices, dont le respect était considéré de la plus haute importance.

2.6.

Selon l’avis précédent du Comité (CCMI/95), il était important que les nouvelles lignes directrices proposées par la Commission aient pour objectif la protection de tous les types de transporteurs contre l’octroi par des collectivités régionales ou des aéroports régionaux d’aides financières discriminatoires, opaques et de nature à créer des distorsions. Les financements publics ne doivent fausser la concurrence ni entre les aéroports, ni entre les compagnies aériennes.

2.7.

Le CESE insistait pour que les aides d’État aux investissements destinés aux infrastructures aéroportuaires et les aides d’État au démarrage en faveur des compagnies aériennes ne soient possibles que dans des cas clairement définis, et qu’elles soient limitées dans le temps et dans leur étendue. De plus, elles ne devraient être accordées que dans des circonstances exceptionnelles et en tenant dûment compte des principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination.

2.8.

En ce qui concerne la transparence, le Comité concluait que les conditions dans lesquelles l’aide publique était offerte devaient être rendues publiques. Les aides disponibles pour les aéroports et les transporteurs devraient faire l’objet d’une divulgation complète, de même que les conditions dans lesquelles des aides sont versées.

2.9.

De manière générale, le CESE était d’avis que les investissements privés ne peuvent pas être considérés comme des aides d’État. Dans le même temps, cependant, un opérateur du secteur public peut agir comme un investisseur privé si l’investissement est justifiable du point de vue commercial.

2.10.

Le CESE jugeait nécessaire de réaliser une étude afin de présenter la situation existante en matière d’aides publiques et de mesures similaires dans le cadre de la mise en œuvre des lignes directrices pour l’aviation. L’étude devait fournir des informations sur le montant et le type de l’aide accordée, ses effets réels sur le développement et l’efficacité de l’économie et son impact sur l’emploi, du point de vue quantitatif et qualitatif, en particulier de manière à évaluer dans quelle mesure les pratiques existantes provoquaient, ou non, une distorsion de la concurrence entre les aéroports comme entre les compagnies aériennes.

2.11.

Le CESE faisait remarquer que toute nouvelle ligne directrice devait prendre en compte l’intérêt des employés et des voyageurs. Étant donné que les ressources humaines constituent un paramètre de qualité essentiel dans le domaine du transport aérien, l’industrie de l’aviation civile se doit, pour être viable à long terme, de proposer des emplois de qualité et de bonnes conditions de travail. Dans cette perspective, il importe d’y stimuler le dialogue social et d’y éviter tout dumping social.

2.12.

Le CESE appelait également à l’élaboration d’une politique à long terme en ce qui concerne le développement des aéroports régionaux. Les lignes directrices pour l’aviation ne peuvent être appliquées avec succès que si l’on s’entend sur des priorités d’action claires pour le développement des aéroports régionaux. Il appartenait à la Commission de mettre au point cet ordre du jour politique, qui devait être élaboré sans plus tarder.

2.13.

Le CESE invitait les États membres à soutenir et à s’engager fermement dans la préparation et la mise en œuvre des nouvelles lignes directrices. Ce point était particulièrement pertinent en ce qui concerne l’attribution des fonds de l’UE dans le cadre du nouveau cadre financier pluriannuel. «Réaliser davantage avec des budgets moindres oblige à fixer des priorités claires. Le développement régional a certes une grande importance, mais il ne doit pas servir à justifier davantage le développement d’aéroports, dans les cas où il n’existe pas de possibilité de susciter une demande suffisante».

3.   Lignes directrices pour l’aviation — Situation actuelle

3.1.

Le 20 février 2014, la Commission européenne a adopté ses lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes, venant remplacer celles qui étaient en vigueur depuis presque dix ans (1994 et 2005).

3.2.

Les nouvelles règles autorisent l’octroi d’aides au fonctionnement aux petits aéroports non rentables pendant une période transitoire de dix ans. À l’issue de cette période, l’aéroport doit être en mesure de couvrir ses propres coûts. Le montant maximal autorisé de ces aides est le suivant:

50 % du déficit de financement initial des coûts d’exploitation pour les aéroports accueillant moins de 3 millions de passagers par an;

80 % pour les aéroports accueillant jusqu’à 7 00  000 passagers par an.

3.2.1.

Il sera toutefois toujours possible de bénéficier d’une compensation pour des coûts d’exploitation non couverts de services d’intérêt économique général (SIEG). Cela s’appliquera aux aéroports qui jouent un rôle important dans l’amélioration de la connectivité des régions isolées, éloignées ou périphériques.

3.3.

Des aides à l’investissement plus ciblées sont autorisées uniquement s’il existe un véritable besoin en termes de transport et lorsque les retombées positives sont évidentes. Des capacités de transport supplémentaires ne peuvent être créées que s’il existe une demande en ce sens. Aucune aide à l’investissement n’est possible lorsque l’investissement en question porte préjudice aux aéroports déjà en place dans la même zone de desserte, ni dans les zones qui sont déjà bien connectées par d’autres moyens de transport.

3.3.1.

Montant maximal autorisé des aides à l’investissement:

jusqu’à 25 % pour les aéroports avec un trafic annuel de 3 à 5 millions de passagers;

jusqu’à 50 % pour les aéroports avec un trafic annuel de 1 à 3 millions de passagers;

jusqu’à 75 % pour les aéroports avec un trafic annuel inférieur à 1 million de passagers;

aucune aide pour les aéroports dont le trafic annuel est supérieur à 5 millions de passagers (avec quelques exceptions mineures, telles que la relocalisation).

Le plafond des aides à l’investissement destinées à financer les infrastructures aéroportuaires peut être relevé de 20 % pour les aéroports situés dans des régions éloignées.

3.4.

Les compagnies aériennes pourront bénéficier d’une aide couvrant jusqu’à 50 % des redevances aéroportuaires pour toute nouvelle destination pendant 3 ans. Ces dispositions peuvent être assouplies pour les aéroports situés dans des régions reculées.

3.5.

Les arrangements entre les compagnies aériennes et les aéroports ne seront pas considérés comme une aide si un investisseur privé, opérant dans les conditions normales de marché, aurait accepté les mêmes termes. S’il n’est pas rentable, l’accord passé entre l’aéroport et la compagnie aérienne sera considéré comme une aide publique au transporteur.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/127


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Une nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts et le secteur forestier»

[COM(2013) 659 final]

(2014/C 451/21)

Rapporteur:

M. Seppo KALLIO

Corapporteur:

M. Brendan BURNS

Le 20 septembre 2013, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts et le secteur forestier»

COM(2013) 659 final.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 111 voix pour et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE accueille favorablement la nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts et les deux documents de travail des services de la Commission qui l'accompagnent. Dans un contexte où les forêts sont soumises à des pressions et à des menaces croissantes et où de nombreuses politiques sectorielles de l'UE et les réglementations qui leur sont associées ont un impact sur la sylviculture et les forêts, cette nouvelle stratégie est plus que nécessaire. En conséquence, le CESE demande instamment à la Commission et aux États membres de veiller à ce que la stratégie soit appliquée de manière efficace et effective.

1.2

Dans ce contexte, le CESE rappelle à la Commission que le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne fait aucune référence à une politique commune de l'UE en matière de forêts et que, dès lors, le contrôle des politiques forestières devrait rester entre les mains des États membres.

1.3

Le CESE souscrit à l'approche holistique et équilibrée choisie, reposant sur les trois piliers (économique, environnemental et social) de la durabilité, lesquels sont mis en valeur par la présentation de la stratégie de l'UE pour les forêts suivant trois intitulés d'ensemble, subdivisés au total en huit priorités. Le CESE estime que les orientations stratégiques qui sont données pour chaque priorité devraient servir à garantir une prompte mise en œuvre de la stratégie.

1.4

Étant donné l’importance majeure des forêts pour le développement des zones rurales et dans la perspective de réaliser les objectifs définis dans la stratégie, le CESE appelle à inclure, dans les programmes de développement rural, des mesures concernant la sylviculture, et à promouvoir celles-ci afin d'assurer une meilleure absorption des financements disponibles.

1.5

Compte tenu des exigences croissantes auxquelles la main-d'œuvre doit faire face en raison du degré croissant de mécanisation qui touche l'ensemble de la chaîne de valeur de la sylviculture et afin de répondre aux défis posés par les changements climatiques et environnementaux, le CESE insiste sur la nécessité d'encourager l'éducation, la formation et le transfert de connaissances à tous les niveaux dans le secteur forestier. Dans ce contexte, le CESE invite aussi la Commission et les États membres à promouvoir la réalisation de travaux de recherche portant sur l'amélioration du potentiel d'emploi du secteur sylvicole et des conditions de travail qui y prévalent.

1.6

Le CESE estime que la discussion relative aux critères adoptés en matière de gestion durable des forêts, quelle que soit l'utilisation finale du bois, devrait être basée sur les critères et indicateurs largement reconnus et acceptés, qui ont été définis dans le cadre du processus FOREST EUROPE (1), et prendre en considération les caractéristiques particulières, les systèmes existants et la législation en vigueur dans les États membres.

1.7

Concernant les principes de la définition d'un ordre de priorité suivant les utilisations du bois, le CESE rejette toute règlementation qui serait juridiquement contraignante et soutient une approche fondée sur la liberté de marché ainsi que la liberté des participants au marché.

1.8

Pour répondre aux défis posés par le changement climatique, le CESE encourage les États membres à coopérer par-delà les frontières et est favorable aux initiatives visant à renforcer la capacité d'adaptation et la résilience des forêts européennes, y compris en ce qui concerne la prévention des incendies, et d'autres solutions en matière d’adaptation pour assurer la protection contre les catastrophes naturelles. Des efforts adéquats devraient se concentrer sur la résilience des forêts et leur multifonctionnalité.

1.9

Le CESE approuve le recours aux plans de gestion des forêts, mais souligne qu'il convient de continuer à les utiliser sur une base volontaire et à les maintenir nettement séparés des plans de gestion Natura 2000, afin d'éviter des coûts et formalités administratives inutiles.

1.10

Il est essentiel d'améliorer la base de connaissances pour mieux comprendre les multiples défis auxquels est confronté le secteur forestier. En conséquence, le CESE estime qu'il est nécessaire d'avancer vers une harmonisation des données et vers davantage de transparence ainsi qu'un partage plus efficace des informations, tout en respectant les droits de propriété.

1.11

Le CESE est favorable à une utilisation plus large du bois et d'autres produits forestiers, y compris le liège, en tant que matières premières locales, durables, renouvelables et respectueuses du climat et de l'environnement, et se dit convaincu que le secteur forestier doit jouer un rôle prépondérant dans la réussite future de la bioéconomie.

1.12

En vue d'améliorer la compétitivité du secteur forestier, le CESE souligne l'importance d'utiliser le mieux possible les sources de financement disponibles, dans l'immédiat et à l'avenir, pour soutenir la recherche et l'innovation, et souligne le rôle d'initiatives telles que le partenariat d'innovation européen (PIE) (2) ou le partenariat public-privé (PPP) sur les bio-industries (3).

1.13

Étant donné le grand potentiel et les nombreux avantages que présente la biomasse ligneuse dans la perspective d'une économie verte, le CESE encourage la Commission et les États membres à prendre des mesures spécifiques pour promouvoir une gestion active des forêts et une meilleure utilisation du bois en vue de réaliser les objectifs de la stratégie Europe 2020 (4), tout en reconnaissant les limites de la durabilité.

1.14

Le CESE invite la Commission et les États membres à accroître leurs efforts pour apprécier la valeur des services écosystémiques et favoriser le développement d'un marché pour ceux-ci. Les États membres devraient mettre en place des mécanismes coordonnés de compensation en vue de remédier à la défaillance actuelle du marché.

1.15

Pour mettre en place la stratégie de l'UE pour les forêts et en assurer le suivi, il sera nécessaire d'instaurer une coordination et une communication solides avec tous les groupes d'intérêts concernés. En conséquence, le CESE souligne qu'il importe de garantir et d'accroître la participation des parties prenantes, ce qui exigera de renforcer les groupes de dialogue civil concernés, tels que le comité consultatif «Forêts». Il convient aussi d'envisager la création de groupes ad hoc comprenant des représentants du CESE et du CdR.

1.16

Le CESE demande instamment à la Commission, aux États membres de l'UE et aux autres acteurs concernés de reprendre les négociations relatives aux forêts en Europe et de parvenir à terme à un consensus sur un accord juridiquement contraignant en la matière. Un tel accord, associé à la stratégie de l'UE pour les forêts, constituerait un outil essentiel pour renforcer le secteur forestier dans son ensemble. Le fait d'établir des définitions et des objectifs clairs en matière de gestion durable des forêts au niveau paneuropéen aurait également un impact à l'échelle mondiale.

1.17

Enfin, le CESE assurera un suivi de toutes les initiatives en cours et à venir fondées sur la stratégie de l'UE pour les forêts et les autres documents connexes, y compris les documents de travail des services de la Commission, et s'y associera.

2.   Introduction

2.1

Les forêts et autres surfaces boisées couvrent plus de 40 % du territoire de l'UE et personne ne remet en question leur importance indiscutable. Les régions présentent des disparités majeures en matière de ressources, de structure, de gestion et d'utilisation des forêts. Globalement, la superficie forestière de l'UE tend à progresser: elle a augmenté d'environ 0,4 % par an au cours des dernières décennies, et la situation est également positive concernant le volume de bois sur pied, puisqu'on n'abat qu'entre 60 et 70 % de l'accroissement annuel. Environ 60 % des forêts appartiennent à des propriétaires privés, le reste étant de propriété publique.

2.2

Les forêts étant au service d'objectifs tant sociaux et environnementaux qu'économiques, l'on met nettement l'accent sur leur multifonctionnalité, dans l'ensemble de l'UE et plus particulièrement dans les régions très boisées. Elles offrent un habitat pour les animaux et les plantes et jouent un rôle majeur dans l'atténuation du changement climatique et dans la fourniture d'autres services écosystémiques, tels que la chasse, la cueillette de fruits des bois, la santé humaine, des activités récréatives ou touristiques. Bien que la dimension socio-économique des forêts soit importante, elle est souvent sous-estimée. La sylviculture et les secteurs connexes fournissent plus de trois millions d'emplois et sont essentiels pour le bien-être et l'emploi dans les zones rurales.

2.3

La sylviculture durable n'est pas une idée nouvelle. C'est dans le secteur sylvicole que le concept de gestion durable trouve son origine, il y a 300 ans. Depuis lors, cette approche de la gestion responsable a fait l'objet d'approfondissements constants, en gagnant peu à peu toutes les branches de l'activité économique. La définition de base de la gestion durable des forêts, fixée dans la résolution de la Conférence ministérielle sur la protection des forêts en Europe, tenue à Helsinki en 1993, a constitué un jalon important dans ce processus, en plaçant le principe de durabilité dans un contexte global.

2.4

Cela fait maintenant 15 ans que l'Union européenne dispose d'une stratégie pour le secteur de la sylviculture. En se fondant sur une résolution du Parlement européen (5), la Commission européenne a émis en 1998 une communication (6) qui met en œuvre ces orientations.

2.5

À la demande du Conseil (7), la Commission a publié au printemps 2005 un rapport sur la mise en œuvre de la stratégie forestière (8), complété ensuite par l'élaboration d'un plan d'action de l'UE en faveur des forêts, lequel couvrait une période quinquennale allant de 2007 à 2011 (9).

2.6

L'évaluation ex post dudit plan d'action, qui a servi de moyen de mettre en œuvre la stratégie forestière de 1998, a été réalisée en parallèle avec l'Année internationale de la forêt 2011.

2.7

Bien que le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne fasse aucune référence à une politique commune de l'UE en matière de forêts, de nombreuses politiques sectorielles et réglementations associées concernant, par exemple, l'approvisionnement en énergie ou les questions environnementales et climatiques débouchent sur la mise en place de fait d'une politique commune de l'UE en matière de sylviculture. La Commission européenne a publié le 20 septembre 2013 sa communication sur une nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts, afin de répondre aux défis croissants et parfois contradictoires auxquels sont confrontés les forêts et le secteur forestier, mais aussi au besoin de disposer d'une politique plus cohérente et consistante.

3.   Présentation succincte de la nouvelle stratégie pour les forêts

3.1

Le document de base de la Commission est complété par deux documents de travail des services de la Commission, plus détaillés; le premier porte sur la procédure, l'analyse et la voie à suivre proposées par la stratégie; le second donne des indications plus précises sur les industries de la filière bois de l'UE, c'est-à-dire travail du bois, mobilier, fabrication et transformation de pâte à papier et de papier, et imprimerie (10). Eu égard à leur importance et à leur caractère complémentaire par rapport à la stratégie, ces documents d’accompagnement méritent d'être examinés avec soin. Il conviendra que le CESE suive toutes les initiatives en cours et à venir fondées sur la stratégie de l'UE pour les forêts et les autres documents connexes et s'y associe.

3.2

La Commission a choisi de présenter les futurs domaines d'action de la stratégie sous trois intitulés d'ensemble, lesquels sont subdivisés au total en huit priorités.

3.3

Pour chacune des huit priorités, des «orientations stratégiques» sont fournies pour garantir que la stratégie réponde à l'exigence de proposer des mesures concrètes, sans se limiter à des déclarations d'intention générales.

3.4

Afin de permettre une mise en œuvre rapide de la nouvelle stratégie pour les forêts, la Commission n'a pas proposé d'élaborer séparément un nouveau plan d'action. En lieu et place, la stratégie comprend une liste de mesures spécifiques conçues pour qu'elle atteigne ses objectifs.

3.5

La nouvelle stratégie pour les forêts a été publiée à l'issue de l'évaluation finale de la stratégie précédente et peu de temps avant le lancement de la nouvelle période de programmation de l'UE et du cadre financier pluriannuel pour 2014-2020.

3.6

L'environnement économique et politique de l'UE s'est dégradé de manière spectaculaire depuis la parution de la stratégie précédente, en 1998. La nouvelle stratégie s'inscrit, notamment sur le plan des engagements internationaux, dans un cadre réglementaire complètement nouveau.

3.7

Le moment de sa publication a été choisi par la Commission européenne pour coïncider avec les négociations du comité intergouvernemental de négociation dans le cadre de FOREST EUROPE, lesquelles visent l'adoption d'un accord juridiquement contraignant sur les forêts d'Europe (11). Si cet accord était mis en œuvre, il remplacerait les recommandations actuellement en vigueur; il comprendrait des définitions et des objectifs clairs en matière de gestion durable des forêts, que les États signataires seraient tenus d'adopter.

3.8

Le CESE a soutenu plusieurs processus en rapport avec la sylviculture (voir annexe 1), y compris la nouvelle stratégie forestière, dès la conception de celle-ci (12), en formulant des recommandations. Le CESE a profité de la publication du rapport de mise en œuvre par la Commission en 2005 pour élaborer un avis exhaustif sur le rôle des forêts et de la sylviculture dans un environnement en mutation. Le présent avis a en partie pour objet d'actualiser cet avis antérieur du Comité en tenant compte des défis futurs.

4.   Observations générales sur la nouvelle stratégie de l'UE pour les forêts

4.1

La stratégie se fonde sur le fait que le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne fait aucune référence à une politique commune de l'UE en matière de forêts et partant, le contrôle des politiques forestières reste entre les mains des États membres. La stratégie proposée est également holistique, en cela qu'elle cherche à trouver un équilibre entre les aspects économiques, sociaux et environnementaux de la gestion durable des forêts et tient compte des activités de transformation des forêts et de la sylviculture.

4.2

La stratégie met l'accent sur la gestion durable des forêts et leur rôle multifonctionnel, permettant d'offrir une multiplicité de biens et de services de manière équilibrée et de garantir la protection des forêts. À l'heure actuelle, on n'abat qu'un peu plus de 60 % de l'accroissement annuel des forêts dans l'UE: l'objectif de la stratégie est donc de promouvoir des emplois et une prospérité fondés sur le secteur forestier, en rendant celui-ci plus compétitif et en favorisant une utilisation plus large du bois, dans le cadre des efforts consentis pour bâtir une bioéconomie qui s'appuie sur l'utilisation de matières premières renouvelables.

4.3

La nouvelle stratégie représente une approche holistique et une tentative d'améliorer la coordination de la gestion des forêts dans l'UE, en promouvant une mise en œuvre effective et efficace et en s'efforçant d'éviter la bureaucratie inutile et de renforcer la performance des forêts et du secteur forestier dans l'UE.

4.4

La sylviculture et l'industrie de transformation de la filière bois peuvent réellement contribuer à la réussite de la stratégie Europe 2020. Toutefois, pour y parvenir, il conviendra de relier étroitement la stratégie pour les forêts à la poursuite des objectifs de la stratégie Europe 2020 en favorisant une mise en œuvre effective et efficace de cette dernière dans tous les domaines d'action pertinents.

4.5

L'évaluation des dernières données sur la mise en œuvre de mesures forestières par les États membres au titre du développement rural a montré que les instruments de la politique rurale n'étaient pas pleinement exploités. Afin de mieux atteindre les objectifs définis dans la stratégie forestière, la stratégie proposée demande instamment aux États membres d'accorder l'importance requise, dans leur programmation et leur mise en œuvre, aux mesures concernant les forêts. Il s'agit d'une nécessité impérieuse, s'agissant d'accroître la participation et la mobilisation de la multitude de petites exploitations familiales et de forêts privées, et sa réalisation pourrait être facilitée par une simplification des procédures et une réduction de la bureaucratie.

4.6

À l'avenir, l'intention est de soutenir les objectifs de la stratégie en recourant aux mesures et aux instruments contenus dans les dispositions sur la sylviculture du règlement relatif au développement rural (13).

4.7

La stratégie proposée encourage les États membres à mettre en place, en coopération avec les partenaires sociaux, des mesures destinées à tirer le meilleur parti du potentiel d'emploi du secteur, à améliorer les compétences de ses travailleurs, et à y améliorer encore les conditions de travail. De nouvelles recherches ciblées devraient porter d'abord sur la main-d'œuvre employée dans les forêts européennes, par exemple dans la construction de routes, la plantation, l'entretien des forêts, l'abattage, le débardage, le transport, les services d'information et les services environnementaux. Globalement, les politiques et les programmes des États membres devraient aider à améliorer la compétitivité de la sylviculture et de l'ensemble du secteur forestier, afin de générer de la croissance et des emplois sur le long terme.

4.8

La stratégie proposée souligne le rôle polyvalent des forêts pour ce qui est d'atteindre les objectifs en matière de climat et d'énergie. La réalisation de ces objectifs peut être appuyée par une gestion et une utilisation actives des forêts, qui permettraient d'améliorer la croissance forestière et la séquestration du carbone et de rendre possible le remplacement des sources d'énergie et matériaux d'origine fossile par du bois renouvelable.

4.9

La stratégie proposée reconnaît que les forêts et leurs écosystèmes ont besoin d'une protection particulière en raison du changement climatique et des autres menaces extérieures auxquelles elles sont confrontées.

4.10

La stratégie reconnaît qu'il importe d'améliorer l'information du public concernant les forêts et la sylviculture ainsi que l'utilisation du bois comme matière première renouvelable. Cet objectif doit être appuyé par des campagnes ciblées organisées par la Commission et les États membres pour sensibiliser les citoyens au rôle que joue la forêt pour notre société, et réciproquement.

5.   Observations particulières

5.1

La stratégie souligne que le bois est une matière première durable, renouvelable et respectueuse du climat et de l'environnement, qui présente une multiplicité d'utilisations possibles. Des procédés et produits qui sont efficaces dans l'utilisation des ressources et de l'énergie et respectueux de l'environnement contribuent à la compétitivité du secteur forestier et joueront, notamment, un rôle plus important dans la bioéconomie de l'UE. Cela permettra une augmentation de la demande et, partant, rendra indispensable un accroissement de la mobilisation durable du bois. Il est jugé nécessaire de réévaluer l'approvisionnement potentiel en bois, par exemple en cartographiant la structure de la propriété des forêts, ainsi que la question de faciliter un accroissement de la mobilisation durable du bois. Il convient de mettre en place des solutions appropriées pour accroître la mobilisation du bois, en concertation avec l'ensemble de la chaîne de valeur du secteur sylvicole.

5.2

La stratégie proposée exige de la Commission qu'elle formule des principes pour donner un ordre de priorité aux diverses utilisations du bois, en collaboration avec les États membres et les parties prenantes. Toutefois, des règles juridiquement contraignantes concernant la hiérarchie des utilisations de la biomasse forestière, définissant quelles utilisations du bois devraient être prioritaires, seraient clairement contraires à l'économie de marché et à la liberté des participants au marché.

5.3

Comme cela est prévu dans la stratégie, la Commission lancera en 2014, conjointement avec les États membres, une analyse des coûts cumulés de la législation de l'UE qui a un effet sur les chaînes de valeur de la filière bois. Cette évaluation étant essentielle pour l'ensemble du secteur forestier, il convient que toutes les parties prenantes dans la chaîne de valeur forestière y participent, afin de garantir une approche cohérente et l'établissement d'un tableau complet et exhaustif du secteur.

5.4

Les forêts abritent une grande biodiversité et fournissent, en plus du bois et d'autres produits forestiers en tant que matière première (comme le liège), des services écosystémiques variés dont dépendent les communautés rurales et urbaines. Les changements de conditions, induits par exemple par le changement climatique, la propagation d'espèces allogènes envahissantes, la pénurie d'eau, les incendies, les tempêtes et les ravageurs, augmentent les pressions exercées sur les forêts et les risques de catastrophes naturelles. Des efforts de protection adéquats devraient se concentrer sur la résilience des forêts et leur multifonctionnalité.

5.5

La stratégie pose comme objectif de garantir et de trouver, d'ici à 2020, un équilibre entre la gestion durable des forêts et les différentes fonctions que celles-ci remplissent. Dans ce cadre, il convient que l'UE fasse davantage d'efforts pour apprécier la valeur des services écosystémiques et créer un marché pour ceux-ci. Afin qu'un tel marché puisse mieux fonctionner, il est nécessaire que les États membres créent des mécanismes coordonnés de compensation en vue de remédier à la défaillance actuelle du marché, qui devraient prévoir entre autres d'indemniser convenablement les propriétaires forestiers des restrictions nécessaires à la protection des services écosystémiques.

5.6

Outre le bois utilisé pour la construction ou la production d'énergie, la forêt procure une grande variété d'autres produits, auxquels la stratégie accorde peu d'attention. La production de liège, par exemple, est très importante, en particulier dans la région méditerranéenne, et présente plusieurs avantages: il s'agit d'un produit naturel obtenu à partir d'éléments renouvelables, suivant un processus respectueux de l'environnement, qui n'exige pas l'abattage pur et simple des arbres. Le secteur du liège montre son importance car il contribue significativement à la création d'emplois tout en maintenant la stabilité écologique de l'écosystème méditerranéen, fragile et menacé.

5.7

L'élaboration et la mise en œuvre des plans de gestion forestière sont fondées sur le principe de durabilité et sur les bonnes pratiques. La stratégie proposée comprend la proposition d'intégrer dans les plans de gestion des forêts des considérations liées à la diversité biologique, tels que les objectifs de conservation du réseau Natura 2000. Relier les plans de gestion des forêts — que les propriétaires forestiers utilisent comme des instruments de planification opérationnelle — à ceux de Natura 2000 — qui servent d'instruments de planification publique au niveau des collectivités locales — serait de nature à brouiller les limites entre les différents niveaux de planification et de responsabilités. Cela risquerait en outre d'augmenter considérablement les charges administratives et les coûts associés à l'élaboration d'un plan de gestion forestière.

5.8

La fréquence croissante des phénomènes météorologiques extrêmes, annonciateurs du changement climatique, exige aussi que l'Europe adopte une approche active en matière de forêts. La Commission entend maintenir et renforcer la résilience et la capacité d'adaptation des forêts européennes. Il convient dès lors que les matériels forestiers de reproduction, composés d'essences d'arbres et d'hybrides artificiels, qui sont importants pour la sylviculture, soient non seulement de haute qualité et génétiquement adaptés aux conditions locales, mais aussi aptes à contribuer durablement à la conservation de la biodiversité.

5.9

Dans sa proposition de stratégie, la Commission appelle à instituer un cadre d'action destiné à prévenir, réduire au minimum et atténuer les incidences négatives des espèces allogènes envahissantes sur la biodiversité et les services écosystémiques. Il convient qu'une telle action se préoccupe aussi des dommages économiques et sociaux. Toutefois, il convient aussi d'adopter une approche holistique et scientifique s'agissant du classement des espèces allogènes envahissantes sur une liste comprenant des critères stricts. Les matériels forestiers de reproduction allogènes qui ne se multiplient pas de manière envahissante et n'ont pas d'incidence négative sur leur nouveau site d'implantation ne doivent pas être inscrits sur une telle liste dans la mesure où ils sont susceptibles de contribuer positivement, dès à présent et dans l'avenir, à la fourniture de matières premières et d'autres services écosystémiques, dans la perspective du changement climatique.

5.10

Dans le cadre de la stratégie proposée, la Commission établira, avec l'aide des États membres et des parties prenantes, une liste de critères en matière de gestion durable des forêts, lesquels pourront être appliqués quelles que soient les utilisations finales de la biomasse forestière. Ainsi, à l'heure de formuler ces critères, il convient que la gestion durable des forêts soit considérée comme un tout, indépendamment des utilisations finales de la biomasse forestière. Ces critères devraient se fonder sur les critères, indicateurs et principes existants en matière de gestion durable des forêts, tels que ceux définis dans le cadre de FOREST EUROPE, qui abordent la notion de durabilité sous un angle national et régional. Ils devraient aussi tenir compte des spécificités des États membres et des législations nationales existantes en matière de forêts.

5.11

La stratégie propose que les groupes d'intérêts concernés continuent également de participer à l'élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie forestière. Il conviendrait que des organes qui ont fait leurs preuves, tels que le comité consultatif «Forêts, y inclus liège» et le comité consultatif de la politique communautaire de la filière bois, soient intégrés dans une plate-forme pour une future coopération entre les parties prenantes et la Commission. Ces groupes suivraient régulièrement les problématiques en matière de forêts et les avancées dans la mise en œuvre de la stratégie forestière. Le cas échéant, il peut également être envisagé de créer des groupes ad hoc, auxquels participeraient des représentants du CESE et du CdR.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Comité intergouvernemental de négociation pour la conclusion d'un accord juridiquement contraignant sur les forêts en Europe, dans le cadre de FOREST EUROPE. Voir aussi http://www.forestnegotiations.org/

(2)  Concernant la sylviculture et les forêts, les PIE suivants sont particulièrement pertinents:

PIE pour la productivité et le caractère durable de l'agriculture: http://ec.europa.eu/agriculture/eip/index_en.htm

PIE dans le domaine des matières premières: https://ec.europa.eu/eip/raw-materials/en

PIE sur l'eau: http://ec.europa.eu/environment/water/innovationpartnership/

(3)  Voir http://bridge2020.eu

(4)  http://ec.europa.eu/europe2020/targets/eu-targets/index_fr.htm

(5)  JO C 55 du 24.2.1997, p. 22.

(6)  COM(1998) 649 final, du 18.11.1998.

(7)  Résolution du Conseil, JO C 56 du 26.2.1999, p. 1, et conclusions du Conseil sur le plan d'action de l'UE en faveur des forêts, 2662e réunion du Conseil agriculture et pêche des 30 et 31 mai 2005.

(8)  COM(2005) 84 final, du 10.3.2005.

(9)  COM(2006) 302 final, du 15.6.2006.

(10)  SWD(2013) 342 et 343 final, A blueprint for the EU forest-based industries, 20.9.2013.

(11)  Pour consulter le texte de négociation actuel, voir http://www.forestnegotiations.org/INC/ResINC4/documents

(12)  Avis du Comité économique et social sur «La stratégie forestière de l'Union européenne» de 1998, CESE 1138/99, NAT/034, JO C 51 du 23.2.2000, pp. 97-104; avis sur le «Rapport sur la mise en œuvre de la stratégie forestière de l'Union européenne», CESE 1252/2005, NAT/278, JO C 28 du 3.2.2006, pp. 57-65.

(13)  Voir le considérant 25 du règlement FEADER, , R 1305/2013.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/134


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Un programme “Air pur pour l'Europe”»

[COM(2013) 918 final],

sur la

proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques et modifiant la directive 2003/35/CE

[COM(2013) 920 final — 2013/0443 (COD)],

sur la

proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l'atmosphère en provenance des installations de combustion moyennes

[COM(2013) 919 final — 2013/0442 (COD)]

et sur la

proposition de décision du Conseil relative à l'approbation de l'amendement au protocole de 1999 à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique

[COM(2013) 917 final]

(2014/C 451/22)

Rapporteur:

M. PEZZINI

Le Parlement européen, en date du 13 janvier 2014, le Conseil, en date du 15 janvier 2014, et la Commission européenne, en date du 18 décembre 2013, ont décidé, conformément aux articles 192 et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions — Un programme «Air pur pour l'Europe»

COM(2013) 918 final,

sur la

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques et modifiant la directive 2003/35/CE

COM(2013) 920 final — 2013/0443 (COD),

sur la

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l'atmosphère en provenance des installations de combustion moyennes

COM(2013) 919 final — 2013/0442 (COD),

sur la

Proposition de décision du Conseil relative à l'approbation de l'amendement au protocole de 1999 à la Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique

COM(2013) 917 final.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 82 voix pour, 1 voix contre et aucune abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité souligne avec force la nécessité d'assurer un environnement sain, avec un air propre de qualité optimale, en tant que critère fondamental de bonnes conditions de vie et de travail de tous les citoyens européens, et déplore que cette question essentielle pour l'Europe ne figure plus à la place qui lui revient parmi les priorités de l'agenda politique européen et national.

1.2

Le CESE demande au nouveau Parlement, à la nouvelle Commission et au Conseil d'accorder aux mesures de préservation d'un milieu atmosphérique sain et propre une priorité politique de premier plan dans l'action future des institutions européennes, avec la pleine adhésion des forces sociales et de la société civile organisée.

1.3

Le Comité considère que la pollution atmosphérique constitue l'une des principales menaces pour la santé humaine et pour l'environnement, avec des incidences négatives importantes en termes de problèmes respiratoires, de décès prématurés, d'eutrophisation et de dégradation des écosystèmes. Aussi accueille-t-il favorablement l'initiative de la Commission de présenter un nouveau programme «Air pur» et de faire passer les perspectives en termes de recul de l'espérance de vie dans l'UE de 8,5 mois en 2005 à 4,1 mois en 2030, ce qui représente un gain de 180 millions d'années de vie et 2 00  000 km2 rendus à la biodiversité.

1.3.1

Le Comité est convaincu que pour accélérer la transition vers une économie plus durable en Europe, il y a lieu de fixer un objectif à l'horizon 2030, en offrant ainsi aux entreprises et aux investisseurs les perspectives plus sûres dont ils ont besoin à moyen et à long terme.

1.4

Selon le CESE, il convient d'accélérer l'application des normes Euro 6 limitant les émissions de NOx des moteurs diesel légers, mesurées «en conditions de conduite normales», de même que les modalités de remplacement des moteurs à deux temps, car il doute que la mise en œuvre de ces mesures permette d'atteindre les effets attendus dès 2020.

1.5

Le CESE soutient l'objectif final de la Commission — proposé à la fois dans le programme «Air pur» et dans le cadre en matière de climat et d'énergie 2020-2030 — de fixer le seuil des émissions pour l'année 2030 à 70 % de la réduction de l'écart entre la valeur de référence actuelle et la réduction maximale techniquement possible.

1.6

Le Comité estime que pour atteindre cet objectif — qui doit être poursuivi et mis en œuvre par toutes les parties concernées — il convient d'engager une action énergique reposant sur les mesures suivantes:

l'inclusion des obligation de réduction des émissions de méthane en 2020 et de mercure en 2020, 2025 et 2030;

la fixation de limites d'émission plus strictes pour les installations de combustion moyennes;

le refus des dérogations optionnelles aux dispositions de la directive sur les émissions industrielles, lorsqu'il existe de réels risques d'impact sur la santé;

des actions spécifiques axées sur la réduction des émissions d'ammoniac et de méthane provenant du secteur agricole;

des mesures plus fermes concernant les émissions liées aux transports, incluant des systèmes de mesure «en situation réelle» et la réalisation d'essais correspondants en 2014, lors de l'introduction des normes Euro 6;

l'introduction résolue d'ici à 2016 des normes de l'OMI relatives aux émissions de NOx et de SO2 des navires, comme convenu en 2008, dans toutes les zones maritimes européennes, en tant que zones de contrôle des émissions;

des actions en faveur de l'introduction, pour les nouveaux appareils domestiques, de normes élevées en matière de particules (PM);

la conception de machines et d'équipements écocompatibles;

le plein respect du cycle de vie des produits (LCA, Life Cycle Assessment);

la prévisibilité à moyen et à long terme et l'absence de chevauchement des mesures d'intervention;

le soutien à l'éducation et à la formation des consommateurs, des travailleurs et des jeunes concernant la préservation et l'établissement d'un cadre sain dans les secteurs de la production, des loisirs et du logement;

la promotion de la recherche et de l'investissement dans le domaine des applications commerciales innovantes (MTD, meilleures techniques disponibles), de la croissance durable et de la création d'emplois viables et durables;

la dimension internationale des actions en matière de durabilité environnementale;

des garanties de cohérence entre cette nouvelle stratégie et les autres politiques et objectifs de l'UE.

1.7

Le Comité est pleinement d'accord avec la nécessité d'inclure dans la réglementation de l'UE les modifications apportées au protocole de la Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance.

1.8

Sans vouloir remettre en question les objectifs qualitatifs à long terme de la nouvelle directive NERC proposée, le CESE déplore que les objectifs visés pour 2025 ne soient pas contraignants, afin d'en garantir le plein respect.

1.9

Convaincu que pour être efficace, la gestion de la qualité de l'air doit obligatoirement être soutenue par des politiques de l'UE en matière de réduction des émissions, en raison du haut niveau de pollution accumulée et de la spécificité des conditions météorologiques régionales, le Comité souligne la nécessité d'inclure la préservation d'un milieu atmosphérique sain et propre dans les interventions menées dans le domaine de la politique régionale.

1.10

Les gouvernements nationaux et les collectivités locales doivent toujours s'efforcer de programmer des interventions concrètes visant à réduire les émissions nocives en élaborant des plans précis en matière de qualité de l'air — PRIA, plans régionaux d'intervention pour la qualité de l'air — centrés sur les différents secteurs: production, agriculture, secteur tertiaire, secteur privé, production et distribution d'énergie. La Commission devrait envoyer un message clair concernant l'application effective des mesures et prévoir des actions rapides et déterminées à l'encontre des États membres contrevenant à ces obligations. Le CESE reconnaît cependant que plusieurs États membres ont déjà pris des mesures allant dans le bon sens.

1.11

Des actions doivent être mises sur pied afin d'associer les organisations professionnelles, la société civile organisée, les ONG, le troisième secteur, les organismes de formation de tous niveaux et les centres de recherche, pour atteindre l'objectif d'une amélioration constante de la qualité de l'air, indispensable au bien-être des citoyens et de l'écosystème.

1.12

Le Comité réaffirme sa conviction quant à la nécessité de relancer un développement durable de l'économie européenne qui privilégie la qualité de la vie, du travail et de la santé des citoyens européens, ainsi que la sauvegarde de l'environnement, en étroite connexion avec toutes les autres priorités politiques de la stratégie Europe 2020, et qui s'inscrive pleinement dans une stratégie globale de transition vers un équilibre planétaire fondé sur une croissance économique qualitative, contribuant à éradiquer la pauvreté et l'injustice sociale, tout en préservant les ressources naturelles pour les générations futures.

2.   Introduction

2.1

La pollution atmosphérique représente un grave danger pour la santé humaine et pour l'environnement: problèmes respiratoires, décès prématurés, eutrophisation et dégradation des écosystèmes à cause du dépôt d'azote et de substances acides, pour ne citer que quelques-uns des effets de ce problème à la fois local et transfrontalier.

2.2

Au cours des dernières décennies, les politiques adoptées par l'UE et par la communauté internationale ont obtenu des succès, en réduisant certains problèmes liés à la pollution atmosphérique, comme dans le cas des émissions de dioxyde de soufre — lesquelles sont à l'origine du phénomène des pluies acides — qui ont été réduites de plus de 80 %.

2.3

Malgré ces progrès, l'UE est encore loin d'avoir atteint son objectif à long terme, à savoir l'amélioration de la qualité de l'air de façon à éliminer le risque de dommages significatifs pour la santé humaine et pour l'environnement. Les particules fines et l'ozone dans la troposphère continuent de provoquer de graves dommages, avec 4 06  000 décès par an, selon des estimations de la Commission (1).

2.4

Les particules fines et l'ozone, notamment, continuent à présenter de graves risques pour la santé: les limites de sécurité relatives à ces substances sont régulièrement dépassées.

2.5

La Commission estime que le total des dépenses de santé découlant de la pollution atmosphérique représente entre 330 et 940 milliards d'euros par an, tandis que les objectifs proposés pour 2030 permettraient de réaliser de 44 à 140 milliards d'euros d'économies.

2.6

Selon la Commission, en 2010, non seulement la pollution atmosphérique a provoqué des centaines de milliers de décès prématurés dans l'UE, mais près des deux tiers des sols ont été exposés à des contaminations nocives, et ce en raison des émissions.

2.7

S'agissant de la santé des citoyens européens, l'on évalue en outre à 4 milliards d'euros les frais de santé et à 100 millions le nombre de journées de travail perdues chaque année.

2.8

Au niveau international, les États-Unis ont décidé en décembre 2012 de revoir les normes annuelles de qualité de l'air et d'établir pour les particules fines un seuil d'émission de 12 μg par mètre cube, soit un niveau bien inférieur à la norme actuelle de l'UE (25 μg par mètre cube); en Chine, pour la seule agglomération pékinoise, le gouvernement a décidé d'investir dans le contrôle de la qualité de l'air et de consacrer à cet objectif 160 milliards d'euros dans les cinq prochaines années. L'UE semble donc accuser un retard par rapport aux actions mises en œuvre au niveau international.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE approuve les objectifs généraux d'une amélioration significative de la qualité de l'air, avec le passage à une économie à faibles émissions de carbone, dans l'optique de la protection de la santé et de l'environnement, tels qu'ils ont été définis dans la stratégie pour la pollution atmosphérique de 2005 et révisés par la Commission dans son programme «Air pur pour l'Europe».

3.2

Depuis toujours, la définition des objectifs de réduction des émissions pour chaque État membre repose sur une analyse de rentabilité, en raison de la diversité des conditions environnementales. Les réductions d'émission préconisées diffèrent d'un État membre à l'autre, selon le principe «Approche différenciée au lieu de l'application d'un même pourcentage de réduction».

3.2.1

Compte tenu des atteintes occasionnées par la pollution atmosphérique à la santé et à la qualité de la vie ainsi qu'aux écosystèmes, le Comité est préoccupé par le fait que la qualité de l'air n'occupe plus la place qui lui revient dans l'agenda politique européen et national et estime important, pour encourager la transition vers une économie plus durable en Europe, d'imposer un objectif pour 2030, avec une perspective à moyen et long terme, nécessaire pour les entreprises et pour les investisseurs.

3.3

L'objectif visé dans le cadre de la révision de la stratégie sur la pollution atmosphérique est de mettre fin aux violations actuelles des normes de qualité existantes, pour atteindre leur plein respect à compter de 2020 au plus tard, en réduisant, grâce à l'application de la norme Euro 6, les émissions de NOx des moteurs diesel légers, mesurées «en conditions de conduite normales». Le CESE doute que ces mesures soient en mesure d'atteindre les effets escomptés dès 2020, étant donné que l'obligation ne deviendra effective qu'en 2017 et que le renouvellement du parc automobile actuel risque de ne pas être achevé d'ici à 2020.

3.4

En outre, cette stratégie s'appuie sur des actions menées au niveau local et régional, avec toutes les limites inhérentes à ce type de mesures: l'efficacité des interventions menées au niveau régional a été jusqu'ici limitée, notamment en raison du haut niveau de pollution accumulée et de la spécificité des conditions météorologiques régionales. Le CESE est convaincu que la gestion de la qualité de l'air à ce niveau ne peut fonctionner que si elle est soutenue par des politiques de l'UE portant sur la réduction des émissions à la source.

3.5

De l'avis du Comité, la Commission doit prendre en considération une multiplicité de facteurs tous aussi pertinents et importants les uns que les autres:

l'analyse coût-efficacité des mesures proposées;

la compétitivité et les innovations durables;

la dimension internationale de la durabilité environnementale;

la simplification administrative et l'allégement des procédures;

la cohérence et la coordination entre les diverses politiques européennes concernées;

le soutien de l'UE et des États à l'éducation et à la formation en la matière;

la mise en œuvre par l'UE et les États membres d'actions en matière de recherche et innovation (R & I) centrées sur l'application des meilleures technologies disponibles sur le marché;

l'application déterminée des nouvelles normes de qualité dans tous les secteurs concernés.

3.5.1

Le Comité est d'avis qu'il y a lieu de soutenir, au niveau de l'UE comme à celui des États membres, la priorité politique accordée à la recherche et à l'innovation, ainsi qu'à l'éducation et à la formation, qui doivent être orientées vers la relance de la croissance et de l'emploi durable et une meilleure réindustrialisation qualitative de l'économie européenne, notamment pour les petites et moyennes entreprises et les entreprises naissantes, sans être soumises aux actuelles contraintes budgétaires européennes.

3.6

En outre, de l'avis du Comité, il y a lieu de garantir la cohérence entre cette nouvelle stratégie révisée et les autres politiques de l'Union. Ainsi, à titre d'exemple, l'on observera que bien que la combustion de bois domestique entraîne l'émission de particules PM 2,5, l'emploi en est encouragé comme source d'énergie de substitution alors que cela nécessiterait de classer les appareils en fonction de leur pouvoir émissif et d'évaluer leur rendement.

3.7

En tout état de cause, le CESE estime qu'il faudrait prendre en considération d'ici à 2015, dans l'accord international sur le climat, une série de facteurs tous aussi importants et pertinents les uns que les autres.

3.8

Le CESE souligne l'importance d'encourager les partenariats public-privé (PPP) au niveau européen, comme celui qui a été lancé dans le cadre de l'entreprise commune pour l'initiative Clean Sky 2 2014-2020, visant à réduire les émissions des transports aériens et à contribuer aux activités de recherche du règlement (CE) no 71/2008 et du programme cadre Horizon 2020.

4.   Observations particulières (I)

4.1   La Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance

4.1.1

La convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance conclue sous les auspices de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-ONU) est le principal cadre juridique international régissant la coopération et les mesures visant à limiter et à réduire progressivement la pollution atmosphérique par le biais de ses huit protocoles, y compris le protocole de 1999.

4.1.2

Le CESE approuve la réception communautaire des modifications au protocole.

4.2   La proposition de directive révisée sur les limites d'émissions nationales (NERC)

4.2.1

La proposition de directive établit des engagements nationaux de réduction des émissions d'ici à 2020, 2025 et 2030, pour chaque État membre, exprimée en pourcentage de réduction des émissions annuelles de dioxyde de soufre (SO2), d’oxydes d’azote (NOx), d'ammoniac (NH3), de composés organiques volatils (COV) autres que le méthane, de particules fines (PM 2,5) et de méthane (CH4), par rapport au total des émissions de chacun de ces polluants émises par chaque État membre en 2005.

4.2.2

Au cours des vingt dernières années, des progrès considérables ont été enregistrés au sein de l'UE dans le domaine de la qualité de l'air et des émissions atmosphériques anthropiques grâce à des politiques et des stratégies en matière de pollution atmosphérique adoptées par l'Union et ses États membres visant à parvenir, à long terme, à des niveaux de qualité de l'air ne comportant aucun impact négatif ni risque significatif pour la santé humaine et pour l'environnement, comme le réaffirme le VIIe programme d'action pour l'environnement (2).

4.2.3

Cela semble aller de soi, même si les progrès marquent clairement le pas en termes de qualité de l'air et si les objectifs proposés aujourd'hui se situent de fait en deçà du niveau que les États membres pourraient atteindre en se conformant pleinement aux obligations prévues par la législation européenne en vigueur.

4.2.4

Si les objectifs qualitatifs à long terme proposés font pratiquement l'unanimité, le Comité regrette que les objectifs fixés pour 2025 ne soient pas contraignants, compte tenu de la difficulté constatée à faire respecter les normes actuellement en vigueur.

4.2.5

De l'avis du CESE il est nécessaire de créer des plates-formes renforcées pour parvenir à des dialogues spécifiques et interactifs, afin de valoriser les dispositions contenues dans la proposition de directive.

4.3   Proposition de directive sur les émissions en provenance des installations de combustion moyennes

4.3.1

De l'avis du CESE, l'extension du contrôle des émissions de polluants atmosphériques causées par les installations de combustion dont la puissance thermique nominale est comprise entre 1 et 50 MW et qui sont utilisées pour une large gamme d'applications doit s'effectuer à l'aide de procédures simplifiées et peu onéreuses, afin de soutenir et d'encourager le développement des petites et moyennes entreprises et des entreprises en phase de croissance ainsi que des infrastructures de petite dimension présentes en grand nombre sur le territoire.

5.   Observations particulières (II)

5.1

Les polluants atmosphériques peuvent être émis par diverses sources et se propagent sur de longues distances.

5.2

Pour la pleine réalisation du programme «Air pur pour l'Europe», il faut que les régions, après avoir consulté les partenaires sociaux et la société civile organisée, élaborent et adoptent les plans d'intervention pour la qualité de l'air (PRIA), lesquels devraient notamment prendre en considération les éléments suivants:

les transports routiers, maritimes et aériens et la mobilité;

la production et la consommation d'énergie;

le système de production;

le secteur tertiaire;

les activités agricoles, zootechniques et forestières;

le secteur privé.

5.3

Le train de mesures «Air pur pour l'Europe» adopté par la Commission reprend et renforce les politiques mises en œuvre jusqu'ici afin de poursuivre la lutte contre la pollution atmosphérique, et va ainsi à contre-courant de l'agenda politique.

5.3.1

Le CESE juge essentiel d'associer à ce processus, outre le niveau national, les niveaux régionaux et territoriaux, de concert avec les forces sociales et la société civile organisée.

5.4   Propositions de plans de transposition du train de mesures «Air pur pour l'Europe» sur le territoire

5.4.1

Lors de la transposition sur le territoire du train de mesures «Air pur pour l'Europe», il convient de répertorier les synergies nécessaires avec les divers plans:

déchets, valorisation énergétique, réduction de la production par habitant, récupération des matériaux;

transports et mobilité, développement des transports en commun, pistes cyclables, promotion de la mobilité et faibles émissions de CO2, intégration des moyens de transport, navigation maritime et aérienne;

territoire et aménagement du territoire, occupation du sol, développement de nouveaux schémas urbains, réhabilitation du patrimoine immobilier;

agriculture et zootechnie, filière forêt-bois-énergie (zéro km), biomasse et biogaz, réduction des émissions d'ammoniac, puits de carbone;

industrie, développement technologique à impact environnemental réduit, innovation et certification de qualité (ISO 14 et EMAS), attention portée à l'écoconception, écolabels attribués à certains produits, systèmes de gestion de l'énergie et conformité aux règlements sur la consommation des moteurs électriques.

5.4.2

Lors de la transposition au niveau territorial, il convient également de tenir compte des interventions les plus urgentes, qui sont liées aux réalités économiques et productives du territoire, et d'établir des règles relatives à la combustion de la biomasse, ainsi que des obligations et des incitations concernant le renouvellement du parc automobile.

5.5

Les interventions visant à limiter encore les émissions de SO2 (dioxyde de soufre) sont surtout nécessaires dans les régions où les combustions industrielles sont importantes et où l'on opère dans le domaine de la production d'énergie et de la transformation de combustibles.

5.6   Actions à mener dans le secteur agricole

5.6.1

Il y a lieu d'introduire dans l'ensemble de l'UE des mesures visant à réduire, notamment dans les régions à vocation principalement agricole, le NH3 (ammoniac), le N2O (protoxyde d'azote), le CH4 (méthane) et les COV (composés organiques volatils), à l'image de celles déjà en vigueur dans plusieurs États membres. L'utilisation d'engrais azotés et les rejets issus du cycle des effluents sont la première source (98 %) d'émissions de NH3 qui, en entrant en réaction avec le SO2 et le NO2, forment des sels d'ammonium, principale composante des particules.

5.6.2

Il apparaît très important de veiller au plein respect de la directive Nitrates (directive 91/676/CEE), d'imposer la couverture des cuves de stockage des effluents d'élevage, de créer des systèmes de recyclage par digestion anaérobie pour la production de digestat, aux caractéristiques équivalentes à celles des engrais de synthèse et d'assurer une bonne gestion du lisier et de l'épandage de ses effluents nocifs pour la santé. Cependant, il importe que ces mesures prennent dûment en compte l'équilibre entre les intérêts économiques, sociaux et écologiques. La réduction des émissions dans l'agriculture est une question très complexe qui requiert davantage d'investissements dans la recherche et l'innovation.

5.6.3

Il est nécessaire d'utiliser des véhicules agricoles à faible émission de particules.

5.6.4

Le CESE souligne que ce secteur fait déjà l'objet d'un ensemble de dispositions qu'il convient toutefois de mettre pleinement en œuvre et réaffirme sa conviction selon laquelle la Commission a manqué l'occasion d'établir un cadre législatif consolidé pour réglementer les émissions. Les bovins restent en dehors du champ d’application de cette communication. Il existe cependant d'autres dispositions concernant les espèces bovines, qui comptent parmi les principaux responsables des émissions d'ammoniac.

5.7   Actions à mener dans les centres urbains

5.7.1

Dans les concentrations urbaines et dans les zones à trafic intense, il convient d'accorder une attention particulière à l'émission de PM 2,5; de PM 10 (particules fines de diamètre inférieur à 10 micromètres), de CO et de CO2 (oxyde et dioxyde de carbone) et à la réduction des NOx. Dans les moteurs diesel — et, moyennant l'utilisation de filtres expérimentaux, également dans les moteurs à essence — les filtres à particules peuvent retenir plus de 90 % des émissions (filtres à particules fermés).

5.7.2

Dans les bâtiments scolaires et les immeubles de bureaux donnant sur des voies à grande circulation, il est très important de réaliser des travaux d'isolation des parois verticales opaques et transparentes, afin de limiter la pollution par les composés organiques volatils (COV) et par les particules fines (PM 10 et PM 2,5) (3).

5.8   Actions à mener dans les transports aux différents échelons local, régional, national et européen

5.8.1

S'agissant des véhicules commerciaux et de ceux affectés au transport de passagers, il convient de prévoir, par des mesures de limitation de la circulation et par des incitations, le remplacement des véhicules conformes aux normes Euro 3 par des véhicules répondant aux normes Euro 5 et 6. Il y a lieu de remplacer selon les mêmes modalités les moteurs à deux temps (motocycles, cyclomoteurs, tronçonneuses et tondeuses à gazon) qui sont conformes à la norme Euro 1. Les mesures suivantes s'avèrent dès lors nécessaires aux niveaux local, régional et national:

5.8.1.1

Adopter dès que possible à l'échelon européen et national — sans attendre l'échéance de 2017 — des méthodes appropriées de mesure des émissions de NOx émises par les véhicules légers à moteur diesel, compte tenu de leur fort impact négatif sur la qualité de l'air urbain.

5.8.1.2

Encourager, aux niveaux national et régional, la diffusion du méthane et du GPL (gaz de pétrole liquéfié), de l'hydrogène, du gaz naturel liquide, de l'éthanol et d'autres biocarburants avancés. Il convient d'accélérer le développement de la mobilité électrique et des infrastructures de recharge. Il faut faire en sorte que l'on puisse identifier la classe d'émission des véhicules en circulation grâce à un dispositif électronique embarqué.

5.8.1.3

Développer la distribution de gaz méthane grâce à des aides financières européennes, nationales et locales allouées aux entreprises et aux communes pour la création de réseaux et/ou le développement des réseaux existants.

5.8.1.4

Des financements par le biais de projets européens pluriannuels bénéficiant d'un cofinancement aux échelons national et local, doivent être destinés aux investissements dans les TPL (transports publics locaux). Il faut que les autobus soient:

écologiques et utilisent des carburants de substitution;

à propulsion hybride bimodale;

électriques (complètement électriques, avec une batterie embarquée) et rechargeables au moyen d'une fiche ou d'un système d'induction (Faraday).

5.8.1.5

Exploiter le potentiel d'interaction entre les structures fixes, les technologies informatiques et les modalités de transport. Plus particulièrement, encourager l'emploi de matériaux utilisant des substances photocatalytiques faisant intervenir des nanopigments de dioxyde de titane (TiO2) qui, en décomposant les molécules des substances polluantes, les rendent inoffensives pour la santé (routes, barrières de circulation, enduits et autres ouvrages de génie civil). Les échangeurs autoroutiers aménagés sur la base d'un brevet «i.active COAT — Italcementi» sont intéressants à cet égard: ils purifient l'air et présentent des propriétés catadioptriques, avec une forte luminosité.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2013) 918 final.

(2)  COM(2012) 710 final.

(3)  Norme EN 152422008 Ventilation des bâtiments — Méthodes de calcul pour la détermination des débits d'air dans les bâtiments, y compris les infiltrations.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/142


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1308/2013 et le règlement (UE) no 1306/2013 en ce qui concerne le régime d’aide à la distribution de fruits et légumes, de bananes et de lait dans les établissements scolaires

[COM(2014) 32 final — 2014/0014 (COD)]

(2014/C 451/23)

Rapporteur:

M. KIENLE

Le 6 février 2014 et le 19 février 2014 respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément aux articles 43 et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de consulter le Comité économique et social sur la:

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1308/2013 et le règlement (UE) no 1306/2013 en ce qui concerne le régime d’aide à la distribution de fruits et légumes, de bananes et de lait dans les établissements scolaires»

COM(2014) 32 final — 2014/0014 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 19 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis à l'unanimité par 185 voix pour et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE est favorable à l'instauration d'un cadre juridique et financier commun pour les programmes de l'UE en faveur de la consommation de fruits et de lait dans les établissements scolaires, qui étaient jusqu'ici gérés et financés séparément.

1.2

Le CESE se félicite tout particulièrement du net renforcement de la dimension éducative du futur programme, qui peut constituer, pour autant que son potentiel soit pleinement exploité, une contribution absolument déterminante à la lutte contre l'augmentation des cas d'obésité chez les enfants et contre le gaspillage alimentaire.

1.3

Le CESE escompte que cette proposition permettra de réduire sensiblement la charge administrative et organisationnelle, tout en laissant suffisamment de latitude aux États membres pour tenir compte de leurs priorités et de leurs spécificités.

1.4

Le CESE recommande que les produits durables de provenance européenne — de préférence les produits frais de saison et d'origine régionale ou locale — soient clairement privilégiés dans ce contexte.

2.   Introduction

2.1

Des programmes européens distincts à destination des établissements scolaires ont été établis à différentes périodes. Si leur objectif initial était surtout de promouvoir la vente des produits concernés, ils donnent aujourd'hui la priorité à une alimentation saine des enfants. Le programme en faveur de la consommation de lait à l’école, mis en œuvre dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du lait, existe depuis 1977 déjà. Vingt millions d'enfants par an environ y ont participé ces derniers temps. Le programme en faveur de la consommation de fruits à l’école, instauré en 2007, répond quant à lui à un engagement politique pris dans le contexte de la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes. 8,6 millions d'enfants ont pu en bénéficier dernièrement. Alors qu'ils répondaient à des objectifs communs et s'adressaient aux mêmes groupes cibles, ces programmes s’inscrivaient dans des cadres juridiques et financiers distincts et différaient également de par leur conception et leur fonctionnement. Ces deux programmes, dont les États membres ont fait un usage très variable, n'ont pas été pleinement mis à profit.

2.2

En réponse à une critique explicite de la Cour des comptes européenne, qui a été suivie d'une évaluation approfondie de ces deux programmes et d'une consultation publique, la Commission européenne propose à présent d'établir un cadre juridique et financier commun pour la distribution de fruits et légumes et de lait aux enfants dans les écoles. Le but est d'éliminer d'autres insuffisances et lacunes. Mais il s'agit surtout de conférer une dimension éducative accrue à ces programmes.

2.3

Le nouveau programme sera financé sur le budget prévu dans le cadre de la politique agricole commune à l'horizon 2020 pour les programmes à destination des écoles, à savoir une dotation annuelle maximale de 230 millions d'euros (150 millions d'euros au titre du programme pour les fruits et légumes et 80 millions d'euros au titre du programme pour le lait).

3.   Observations générales

3.1

Le CESE est expressément favorable aux programmes, soutenus par l'UE, de distribution aux enfants et aux jeunes de produits agricoles dans les établissements scolaires. Il convient de rappeler que le CESE s'était clairement opposé à la volonté qu'avait en son temps exprimée la Commission européenne (en 1999) d'interrompre l'aide allouée par l'UE au programme «lait à l'école».

3.2

Le CESE souligne l'extrême importance d'une alimentation équilibrée des enfants d'âge préscolaire et scolaire. Par ailleurs, la pauvreté, qui a été exacerbée par la crise financière et économique, représente un risque particulièrement élevé pour l'alimentation des enfants et des adolescents. Un nombre préoccupant d'enfants se rendent chaque jour à l'école avec l'estomac vide. Tant l'augmentation de l'obésité que l'ampleur du gaspillage alimentaire posent des problèmes majeurs à la société.

3.3

Le CESE espère que ces nouveaux programmes à destination des écoles seront mis en application et pleinement exploités dans la totalité des États membres, même si la participation de ces derniers reste volontaire. Le CESE est confiant dans le fait que cela permettra d'accroître durablement la part des fruits et légumes et des produits laitiers dans l'alimentation des enfants.

3.4

Le CESE se félicite tout particulièrement que l'UE mette davantage l'accent sur des mesures éducatives de soutien. Il y voit la validation de ses recommandations antérieures. Le fait d'inculquer des habitudes alimentaires plus saines aux enfants d'âge préscolaire et scolaire et d'améliorer l'image de l'agriculture et des filières alimentaires devrait être considéré par les pouvoirs publics, ainsi que par les écoles, les parents, le secteur agroalimentaire, la société civile et les médias, comme un devoir et une «mission d'intérêt commun» à laquelle chacun peut contribuer.

3.5

Le succès de ces programmes à destination des écoles repose de manière déterminante sur les enseignants, qui heureusement font preuve d'un intérêt et d'un engagement croissants à l'égard de ces questions. L'apport d'un appui additionnel à ces programmes par l'octroi d'un complément national, ou grâce à des parrainages et l'intervention d'associations de soutien issues de la société civile, peut favoriser encore la motivation de ces enseignants. Un tel soutien complémentaire est particulièrement souhaitable dans les zones socialement sensibles. C'est pourquoi le CESE souscrit aux projets pilotes mis en œuvre par la Commission européenne à l'intention des catégories socialement défavorisées et vulnérables.

3.6

C'est également la raison pour laquelle le CESE appuie expressément les autres possibilités offertes d'améliorer l'image du secteur agroalimentaire local — de ses produits, de son activité et des services qu'il rend à la société — par exemple à travers l'aménagement de jardins scolaires, l'organisation d'excursions scolaires ou de dégustations de produits dans des fermes et des entreprises artisanales, ou encore l'obtention d'un «certificat de bonne conduite nutritionnelle». Le fait que dans certains États membres, les agriculteurs approvisionnent directement les écoles en lait et sont ainsi en contact permanent avec les enfants a valeur d'exemple aux yeux du CESE.

3.7

Le CESE est également favorable à l'organisation de débats occasionnels autour de produits agricoles tels que l'huile d'olive ou le miel, ou de questions telles que l'agriculture écologique. Cela vaut également pour les questions relatives à l'environnement ou au gaspillage alimentaire. Le CESE recommande que les mesures d'accompagnement soient examinées à un stade très précoce.

3.8

Le succès d'un programme de l'UE à destination des écoles repose sur la prise en compte des spécificités nationales et régionales, de la situation dans les garderies et les écoles et des attentes des enfants et des parents. Les consultations ont clairement confirmé que la charge administrative et organisationnelle trop élevée constitue fréquemment une source d'irritation, quand elle n'amène pas à se retirer des programmes existants à destination des écoles. Aussi le CESE juge-t-il d'autant plus important que l'application pratique de ce nouveau programme permette de dégager d'importantes synergies. La charge bureaucratique et organisationnelle doit être considérablement allégée pour les écoles, les secteurs économiques concernés et l'administration.

3.9

Le CESE juge adéquates et essentielles les possibilités d'aide accrues prévues en matière de logistique et d'équipement (par exemple pour la réfrigération des aliments frais).

3.10

Le CESE estime juste de promouvoir dans le cadre des programmes à destination des écoles la distribution de fruits et légumes, y compris de bananes, et de lait. Il serait selon lui discutable de limiter la distribution au lait de consommation. Mieux vaudrait continuer de proposer une large gamme de produits laitiers, en tenant compte des aspects nutritionnels et éducatifs. Le CESE souhaite expressément que des aliments frais issus de la production européenne durable soient utilisés en priorité. Pour autant que les programmes visés ici le permettent, il faudrait que les produits et les activités entrant dans le cadre des programmes scolaires présentent un caractère saisonnier et régional ou fassent partie des produits ou des spécialités bénéficiant au sein de l'UE d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée (AOP et IGP).

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/145


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Politique et gouvernance de l'internet: le rôle de l'Europe à l'avenir»

[COM(2014) 72 final]

(2014/C 451/24)

Rapporteur:

M. LONGO

Le 7 mars 2014, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Politique et gouvernance de l'internet: le rôle de l'Europe à l'avenir»

COM(2014) 72 final.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 18 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 180 voix pour, 8 voix contre et 13 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE réitère avant tout ce qu'il a affirmé dans de nombreux avis élaborés au cours des dernières années sur l'importance que revêt l'internet en tant que condition essentielle du développement économique et de l'emploi, de l'innovation technologique et de l'inclusion sociale.

1.2

Le CESE approuve sans réserve la volonté de la Commission de réaffirmer avec force la défense et la promotion des droits fondamentaux et des valeurs démocratiques, ainsi que le concept juridique de réseau unique, soumis à des règles communautaires homogènes à l'instar d'autres secteurs et non morcelé en raison de réglementations différentes et potentiellement en conflit les unes avec les autres.

1.3

Il importe de placer au centre de la future gouvernance de l'internet la valeur fondamentale qui réside dans son architecture ouverte, distribuée, et dans son caractère neutre et accessible à tous, avec des obstacles minimes à l'entrée. Le CESE observe néanmoins que la communication ne définit pas de manière suffisante le concept de gouvernance coopérative à laquelle l'UE devrait contribuer, non plus que les instruments et les modalités susceptibles d'assurer les processus multipartenaires de décisions dans le domaine de l'internet. En particulier, il conviendrait de clarifier à qui revient le rôle d'effectuer les contrôles sur la gouvernance de l'internet.

1.4

S'agissant du rôle dévolu jusque-là à l'ICANN (société pour l'attribution de noms de domaine et des numéros sur l'internet) et des fonctions de IANA (Internet Assigned Numbers Authority — organisme gérant l'attribution des adresses numériques sur l'internet), le CESE estime opportun que la Commission prenne une décision claire quant au rôle de l'Union européenne dans le futur organisme transnational.

1.5

Il est certain que l'Habeas Corpus numérique, que le Parlement européen a décidé d'instaurer, et la mise en œuvre des mesures prévues dans le «paquet Télécom» visant la mise en place d'un marché unique européen des télécommunications contribueront à renforcer la confiance dans l'internet.

1.6

Le choix des normes techniques peut avoir une incidence importante sur les droits des citoyens, et notamment ceux relatifs à la liberté d'expression, à la protection des données à caractère personnel et à la sécurité des utilisateurs, sans oublier les droits d'accès aux contenus. Depuis sa création, le projet de l'internet a toujours pleinement défendu les droits des citoyens. Les éléments qui ont menacé ces droits ont été le fait de gouvernements et d'opérateurs de sites internet, dont le contrôle est indépendant du réseau. Pour autant, il y a encore lieu de formuler des recommandations garantissant la compatibilité des solutions techniques retenues avec les droits de l'homme.

1.7

Pour ce qui concerne les aspects juridiques de l'internet, le CESE souscrit à la volonté exprimée par la Commission de procéder à un réexamen des risques liés, au niveau international, aux conflits de lois et de juridictions, souvent aggravés par les règlements émanant individuellement des Autorités indépendantes de réglementation.

1.8

Le CESE note que la communication ne fait aucune référence à plusieurs problèmes techniques et opérationnels qui sont pour lui des sujets de préoccupation. Les principaux aspects sont les suivants:

la capacité de l'internet à l'avenir, étant donné la croissance exponentielle du trafic et l'absence de planification organisée des capacités;

la neutralité du réseau, qui est une caractéristique reconnue comme essentielle par la stratégie numérique;

la méthodologie des moteurs de recherche et la présentation des résultats obtenus, qui sont une source de préoccupation majeure.

1.9

Le CESE souligne l'importance de l'inclusion. La contribution de l'Union européenne à une gouvernance mondiale de l'internet ne saurait se faire sans la promotion de politiques d'inclusion en matière de TIC, afin de créer les conditions préalables à une société véritablement inclusive (voir à ce sujet la Charte de Riga (2006), élaborée en marge de la Conférence ministérielle sur les TIC pour une société inclusive, qui prévoit une série d'engagements à assurer la mise en œuvre de solutions TIC en faveur des personnes âgées et en matière d'accessibilité numérique dans l'UE). L'internet est, dans sa conception même, inclusif, et ce principe est consacré dans la charte de l'ICANN. L'accès à internet est effectivement contrôlé par les fournisseurs de services de communications et les fournisseurs de services internet (FSI), qui sont soumis à l'autorité des administrations nationales. La responsabilité en matière d'inclusivité incombe à ces instances de réglementation et, dans l'UE, à la Commission européenne.

1.10

Enfin, le CESE espère que l'IGF s'affirmera de plus en plus comme un lieu de rencontre pour tous les acteurs de l'internet. L'UE doit jouer un rôle de premier plan dans le prochain IGF qui se tiendra à Istanbul, à travers une action conjointe de la Commission, des États membres et de la société civile.

2.   Introduction

2.1

L'internet est un phénomène pluridimensionnel, pour lequel il n'existe pas de contrôle global. En voici les principaux éléments:

a)

l'internet est par définition le réseau des réseaux. Chaque réseau est autonome et nombre d'entre eux sont des entreprises publiques. En l'absence de planification globale pour s'adapter à la croissance exponentielle du trafic internet, les réseaux physiques sont probablement le principal point de vulnérabilité de l'internet, avec des répercussions profondes pour le développement de la société mondialisée.

b)

l'administration et l'enregistrement des noms de domaine (.com) et des adresses IP sont gérées de manière décentralisée par l'ICANN (société pour l'attribution des noms de domaine et des numéros sur l'internet), située en Californie. La communication de la Commission porte essentiellement sur l'intervention de cette dernière dans la gestion de l'ICANN.

c)

les normes et protocoles du World Wide Web sont développés par le Consortium World Wide Web (W3C) tandis que l'Internet Engineering Task Force (IETF) fait la même chose pour l'internet.

d)

les fournisseurs d'accès à l'internet enregistrent les utilisateurs et leur fournissent l'accès à l’internet.

e)

les navigateurs tels qu'Internet Explorer et les moteurs de recherche tels que Google permettent d'utiliser internet. Certains de ces services sont très controversés.

f)

les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter ont joué un rôle manifeste dans les troubles publics et la lutte pour les libertés civiles dans de nombreux pays.

g)

les services d'informatique en nuage et de médias d'émission en continu stimulent la croissance du trafic internet. Netflix (vidéo à la demande) qui nécessite des vitesses de téléchargement élevées a provoqué le débat sur la neutralité du réseau aux États-Unis.

h)

les actions nécessaires pour optimiser les avantages de l'internet et en atténuer les désavantages constituent la base de la stratégie numérique de l'UE. Il s'agit non seulement de faire progresser l'économie européenne sur l'internet, mais aussi d'aborder les questions de cybersécurité, de cybercriminalité, de protection des données, de fracture numérique, de soutien aux personnes handicapées ou défavorisées, etc. À bien des égards, la stratégie numérique pour l’Europe est plus un exercice de gouvernance de l'UE qu'un exercice de gouvernance de l'internet, même si elle rassemble les mesures les plus importantes nécessaires pour tirer le meilleur parti de l'internet.

3.   Le contenu de la communication

3.1

La Commission a élaboré une série d'orientations destinées à jeter les bases d'une vision européenne commune de la gouvernance de l'internet, afin de renforcer le rôle de l'Europe dans le développement de l'internet, en tant que pierre angulaire du marché unique du numérique et moteur de l'innovation, de la croissance économique, de la démocratie et des droits de l'homme. La Commission entend confirmer les orientations qu'elle a déjà exposées dans sa précédente communication de 2009 (1) sur le même sujet, en particulier en ce qui concerne le renforcement du modèle multipartenaire.

3.2

Pour compenser l'absence de contrôle global, un forum sur la gouvernance de l'internet (IGF) a été créé sous les auspices des Nations unies. La suite à donner à ce forum est le deuxième thème de la communication de la Commission. Étant donné l'attention que porte la Commission à l'IGF et l'ambition qu'elle affiche de participer au contrôle de l'ICANN, il est difficile de ne pas en conclure que la communication porte sur le contrôle politique de l'internet. Le CESE est d’avis qu'il faudrait également proposer une orientation et des mesures pour résoudre les questions liées à la gouvernance technique et opérationnelle de l'internet, telles que celles mises en évidence aux points (a), (e) et (g) ci-avant.

3.3

Cette vision européenne se fonde sur une série de principes communs au niveau européen tels que la défense des droits fondamentaux et des valeurs démocratiques (qui sont inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention européenne des droits de l'homme et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne), et la promotion d'un réseau unique et non morcelé, dans lequel les décisions sont adoptées conformément à des principes comprenant notamment la transparence, la responsabilisation et la participation de toutes les parties prenantes concernées. La communication rappelle que les instances avec lesquelles il faut un niveau élevé de collaboration sont notamment le forum sur la gouvernance de l'internet (IGF) (organisme créé après le sommet mondial sur la société de l'information (World Summit on the information Society, WSIS) et promu par la résolution 56/183 des Nations unies (21 décembre 2001)), l'ICANN et l'IANA (Internet Assigned Numbers Authority).

3.4

La Commission prône une approche résumée par l'acronyme COMPACT: envisager l’internet comme un espace Civiquement responsable, Organisé comme un ensemble unifié régi par une approche Multipartenaire, visant à Promouvoir la démocratie et les droits de l'homme, fondé sur une Architecture qui inspire Confiance et facilite l'établissement d'une gouvernance Transparente, pour l'infrastructure sous-jacente de l'internet comme pour les services fournis par son intermédiaire. Cette approche s'inspire de l'Agenda de Tunis pour la société de l’information (18 novembre 2005), dont les principes ne semblent malheureusement pas être soutenus à l'échelle mondiale, mais uniquement par un nombre limité de partenaires et n'ont qu'une portée géographique restreinte (par exemple, la recommandation du Conseil de l'OCDE sur les principes pour l'élaboration des politiques de l'internet (2011) et la déclaration du G 8 de Deauville (2011)).

3.5

La Commission propose notamment:

de définir un ensemble cohérent de principes applicables à la gouvernance d'internet, en accord avec toutes les parties prenantes;

de soutenir l'IGF, en définissant clairement le rôle des autorités publiques;

de donner à l'ICANN une dimension mondiale, en fixant un calendrier précis, et de mondialiser les fonctions de l'IANA, en garantissant la sécurité et la stabilité du système des noms de domaine;

de commencer, en 2014, les activités de l'Observatoire mondial de la politique de l'internet, en tant que ressource pour la communauté mondiale;

de lancer une vaste consultation publique sur la participation de toutes les parties prenantes à la formulation de la future politique européenne de gouvernance de l'internet;

de créer des mécanismes structurés permettant la participation aux décisions techniques, avec pour objectif de garantir qu'elles soient compatibles avec le respect des droits de l'homme;

de renforcer la confiance du public dans les activités en ligne, s'agissant notamment de la protection des données et de la sécurité des réseaux et de l'information;

de lancer un examen des risques liés, au niveau international, aux conflits de lois et de juridictions survenant sur l'internet.

4.   Évaluations et observations

4.1

La Commission propose de définir une vision européenne commune pour la gouvernance de l'internet, qui permette à l'UE de jouer un rôle important dans un secteur qui est fondamental pour l'avenir, tant sur le plan économique que politique et social. C'est un choix primordial pour donner une forte impulsion au développement économique des États membres, tout en veillant au renforcement des principes de démocratie et des droits de l'homme.

4.2

Une gouvernance durable du réseau doit se fonder sur un système multipartenaire, tel que défini dans l'agenda de Tunis: gouvernements, secteur privé, société civile, organisations intergouvernementales et internationales, milieux universitaires et techniques.

4.3   Une approche fondée sur des principes

4.3.1

Le CESE réitère avant tout ce qu'il a affirmé dans de nombreux avis élaborés au cours des dernières années sur l'importance que revêt l'internet en tant que condition essentielle du développement économique et de l'emploi, de l'innovation technologique et de l'insertion sociale. Le soutien apporté par le CESE à la société de l'information, à la stratégie Europe 2020 et à la stratégie numérique a toujours été plein et entier, et a eu comme corollaire de nombreuses propositions et parfois des remarques critiques.

4.3.2

L’objectif doit être de favoriser le rôle moteur de l'UE dans le développement des infrastructures numériques, et notamment du haut débit rapide et garanti à tous les citoyens; dans la création d'un marché unique du numérique disposant de contenus européens divers et qui ait un caractère intégrateur; dans la réduction de la fracture numérique, par la diffusion d'une culture numérique; dans la conception d'une informatique en nuage européenne (2); dans la définition de réglementations appropriées de protection contre la cybercriminalité, l'intrusion dans la vie privée, l'utilisation illicite d'identité, les dangers pour les enfants, et pour la protection du droit à l'oubli.

4.3.3

Le CESE approuve sans réserve la volonté de la Commission de réaffirmer avec force la défense et la promotion des droits fondamentaux et des valeurs démocratiques, ainsi que le concept juridique de réseau unique, soumis à des règles communautaires homogènes à l'instar d'autres secteurs et non morcelé en raison de réglementations nationales différentes et potentiellement en conflit les unes avec les autres. L'on estime ce choix nécessaire afin de créer un espace européen unique accessible, rapide et durable pour les gouvernements locaux, les citoyens, les entreprises, et le secteur non marchand (3).

4.3.4

À cet égard, le Comité souscrit aux inquiétudes exprimées par la Commission sur des cas de violation de la liberté d'expression par le blocage des réseaux sociaux, effectué par l'Agence turque pour l'information, la technologie et les communications, ainsi que par les mesures relatives à la liberté d'expression contenues dans le récent paquet de mesures antiterroristes approuvées par le Parlement russe.

4.4   Un cadre de gouvernance coopérative

4.4.1

Le CESE observe que la communication ne définit pas de manière suffisante le concept de gouvernance à laquelle l'UE devrait contribuer, non plus que les instruments susceptibles d'assurer les processus multipartenaires de décisions dans le domaine de l'internet, comme cela avait déjà été le cas pour les propositions d'actions contenues dans la communication intitulée «Une stratégie numérique pour l'Europe  (4) ». Dans le cadre d'une gouvernance globale et partagée, il est possible de définir plus précisément les niveaux et les modalités.

4.4.2

À l'évocation de certaines expériences positives d'États membres et d'autres pays non européens, la Commission juxtapose en tant qu'initiative unique, importante et utile, la mise en place de la plateforme dénommée Observatoire mondial de la politique de l'internet (acronyme anglais GIPO), tout en se réservant la possibilité de formuler d'autres propositions opérationnelles, au terme d'une prochaine consultation publique. Mais une vaste consultation avait déjà été engagée dans la perspective de cette communication, consultation qui, non seulement, n'a pas débouché sur une approche plus concrète des propositions contenues dans ladite communication, mais surtout a révélé un intérêt insuffisant des institutions et des acteurs concernés.

4.4.2.1

La Commission doit exposer plus clairement quel rôle spécifique elle assigne à l'UE et quelle est la valeur ajoutée de celle-ci en la matière, ainsi que ce qui est demandé à chaque État, y compris à la lumière de la stratégie numérique pour l'Europe; elle doit aussi définir quelles sont les compétences exclusives et les compétences partagées, afin d'éviter également les chevauchements et les conflits potentiels.

4.4.3

Le CESE se dit inquiet de voir que les États membres et l'ensemble des acteurs concernés manquent d'intérêt vis-à-vis d'un sujet revêtant une importance fondamentale pour l'avenir économique et social de l'Union et le sous-estiment gravement. Le CESE demande à la Commission de mettre en œuvre des actions destinées à solliciter directement les gouvernements, le monde des entreprises et les ONG actives dans le domaine de la protection des droits des citoyens et notamment les associations des consommateurs, qui ne sont pas mentionnées dans la communication.

4.4.4

Ces dernières années, le CESE a élaboré de nombreux avis sur l'internet, et plus particulièrement sur la stratégie numérique; à ce titre, il doit être associé à ces actions.

4.5   La mondialisation des décisions fondamentales pour l'internet

4.5.1

Un autre aspect important concerne les actions que l'UE dans son ensemble devrait mettre en œuvre à l'échelon international, relatives à la gouvernance de toutes les communications électroniques, et les droits des citoyens. Dans la communication, il manque des indications spécifiques sur la manière de diffuser de telles initiatives au niveau international.

4.5.2

Ce fait est d'autant plus important qu'à l'occasion du scandale du Datagate, la faiblesse de l'UE est apparue; et que lors du Sommet d'octobre 2013 à Bruxelles, elle n'a pas été capable d'apporter une réponse collective forte et est intervenue sur la scène internationale en ordre dispersé.

4.6   Processus multipartenaires: la mondialisation de l'ICANN

4.6.1

Le CESE observe qu'il est nécessaire de mettre en place un cadre stratégique. S'il n'est pas souhaitable que la gouvernance du réseau reste aux mains du gouvernement américain, il convient aussi de déterminer avec précision un régime «multipartenaire», de telle sorte que cette gouvernance soit vraiment représentative. Il convient de trouver un juste équilibre entre les instances de gouvernance, les grandes entreprises qui répondent aux intérêts de leurs actionnaires, et les ONG qui représentent directement les citoyens.

4.6.1.1

La création d'instruments informatiques innovants tels que le GIPO est soutenue par le CESE car il s'agit d'une ressource importante mise à disposition de la communauté internationale pour suivre les politiques réglementaires en matière d'Internet et de nouvelles technologies, en facilitant les échanges entre les différents forums. Cela favorise surtout les éléments de la société civile qui ont des ressources limitées.

4.6.2

Pour ce qui concerne l'ICANN et l'IANA, l'organisme technique a enfin annoncé le lancement d'un processus de gestion globale et multipartite des fonctions techniques qui lui ont été attribuées à partir de septembre 2015, date d'expiration du contrat avec le gouvernement des États-Unis d'Amérique relatif à la gestion des domaines nationaux de premier niveau. Le CESE demande que la Commission détermine clairement quel devrait être le rôle de l'Union européenne dans le futur organisme transnational et réclame que le conseil de direction du nouvel ICANN comprenne un représentant technique et un représentant politique.

4.6.3

Il importe également que la Commission soutienne le renforcement de l'IGF en tant que lieu de rencontre pour tous les acteurs de l'internet. Le CESE attend que l'UE joue un rôle de premier plan dans l'IGF qui se tiendra à Istanbul en septembre 2014, à travers une action conjointe résolue de la Commission, des États membres et de la société civile, et qu'elle y fasse valoir le contenu de la communication.

4.7   Instaurer un climat de confiance

4.7.1

À l'échelon intracommunautaire, il importe que la Commission souligne de manière appropriée dans sa communication la nécessité d'instaurer un climat de confiance sur l'internet en appliquant des instruments réglementaires qui renforceraient sa sécurité, sa stabilité et sa résilience, à l'instar de ce qu'ont permis la réforme du cadre réglementaire relatif à la protection des données personnelles et la directive sur la sécurité des réseaux et de l'information.

4.7.2

Faisant suite au rapport de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, élaboré dans le sillage de l'affaire Datagate, le Parlement européen a de manière opportune décidé d'instaurer un «Habeas Corpus numérique européen protégeant les droits fondamentaux à l'ère numérique», par le bais d'actions spécifiques rentrant dans un programme prioritaire de la prochaine législature.

4.7.3

Le CESE suivra avec grande attention le lancement de ces actions et la mise en œuvre des mesures prévues dans le cadre du paquet Télécom relatif à la mise en place d'un marché unique des télécommunications (5).

4.8   Les normes techniques qui définissent l'internet

4.8.1

Un autre aspect capital concerne les normes techniques. Le caractère ouvert et transnational de l'internet implique que la fixation des normes techniques intervienne indépendamment des considérations de politique publique définies au niveau de chaque État ou de structures intergouvernementales régionales, mais par un processus d'autoréglementation de la communauté technique qui n'est appelée à se concerter avec les institutions que dans des cas précis. L'incidence que ces processus peuvent exercer sur les droits des citoyens, et notamment ceux relatifs à la liberté d'expression, à la protection des données à caractère personnel et à la sécurité des utilisateurs (y compris le droit à l'oubli), ainsi que les droits d'accès aux contenus, impose d'effectuer des choix précis et de formuler des recommandations garantissant la compatibilité des solutions techniques retenues avec les droits de l'homme.

4.8.2

Le CESE est favorable à la proposition de la Commission d'organiser des séminaires avec des experts internationaux dans différents domaines (juridique, social, économique et technique), pour assurer la cohérence entre les cadres réglementaires existants et de nouvelles formes de définition liées à l'internet.

4.8.3

Sur le plan de la concurrence et du libre marché, il convient aussi de poser le problème d'une situation où un petit nombre d'algorithmes privés exercent un contrôle exclusif des données à caractère personnel, des métadonnées et des recettes de publicité ou de copyright (6).

4.9   Conflits de lois et de juridictions

4.9.1

En ce qui concerne les aspects juridiques de l'internet, la création d'un marché unique numérique d'ici 2015 a été réitérée vigoureusement par la Commission et évidemment cette démarche ne peut faire abstraction des réglementations nationales et internationales appliquées aux transactions exécutées en ligne. Nous souscrivons à la volonté exprimée par la Commission de procéder à un réexamen des risques liés, au niveau international, aux conflits de lois et de juridictions, souvent aggravés par les règlements émanant individuellement des Autorités indépendantes de réglementation.

4.9.2

Le CESE note que la communication ne fait aucune référence à la neutralité du réseau, qui pourtant est une caractéristique ayant été reconnue comme essentielle par la stratégie numérique. Le Comité réitère ce qu'il a déjà affirmé dans divers avis, se dit inquiet des initiatives réglementaires actuellement en discussion aux États-Unis, et «recommande fortement de consacrer formellement et sans délai les principes d'internet ouvert et de neutralité d'internet dans le droit européen, tout en gardant toujours à l'esprit l'évolution des technologies (“l'état de la technique”) dans ce domaine (7)».

4.10   Un internet inclusif

4.10.1

Pour finir, le CESE souligne l'importance d'un aspect fondamental: l'inclusivité. La contribution de l'Union européenne à une gouvernance mondiale de l'internet ne saurait se faire sans la promotion de politiques d'inclusion en matière de TIC, afin de créer les conditions préalables à une société véritablement inclusive (en 2006, les ministres des États membres de l'Union européenne, des pays en voie d'adhésion, des pays de l'AELE (Espace européen de libre-échange) et des autres pays responsables de la politique d'inclusion numérique ont signé la «Charte de Riga» en marge de la Conférence ministérielle sur «Les TIC pour une société inclusive». Cette charte énumère une série d'engagements visant à assurer la mise en œuvre de solutions TIC en faveur des personnes âgées et en matière d'accessibilité numérique dans l'UE). Le CESE estime qu'il serait approprié d'inclure dans la communication le principe suivant lequel des TIC accessibles et faciles à utiliser doivent être reconnues comme des instruments essentiels pour les personnes handicapées, leur permettant l'accessibilité et la possibilité de jouir complètement et efficacement, sur la base de l'égalité, de toutes les possibilités offertes.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  COM(2009) 277 final.

(2)  JO C 107 du 6.4.2011, pp. 53-57; JO C 318 du 29.10.2011, p. 9; JO C 229 du 31.7.2012, p. 1; JO C 161 du 6.6.2013, p. 8; JO C 76 du 14.3.2013, pp. 59-65.

(3)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 137.

(4)  JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

(5)  JO C 177 du 11.6.2014, p. 64.

(6)  COM(2012) 573.

(7)  JO C 24 du 28.1.2012, pp. 139-145.


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/152


Avis du Comité économique et social européen sur le cadre d'action de Hyogo post-2015: gérer les risques pour parvenir à la résilience

[COM(2014) 216 final]

(2014/C 451/25)

Rapporteur:

M. Giuseppe IULIANO

Le 8 avril 2014, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

Communication intitulée «Le cadre d'action de Hyogo post-2015: gérer les risques pour parvenir à la résilience»

COM(2014) 216 final.

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 12 juin 2014.

Lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 10 juillet 2014), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 103 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE considère hautement pertinent et nécessaire que l'UE adopte une position en matière de réduction du risque de catastrophes (RRC) dans la perspective de la révision du cadre d'action de Hyogo (CAH) en 2015. La coïncidence avec d'autres initiatives post-2015 en matière de développement ou de changement climatique rend cette position plus importante encore.

1.2

Le CESE invite les États membres à fournir à la Commission des données aussi ventilées que possible sur les risques et les catastrophes dans leur pays, de telle sorte qu'elles permettent d'établir un diagnostic plus approfondi et précis de la situation en la matière.

1.3

Le CESE est convaincu qu'il convient d'accorder une plus grande attention aux facteurs sous-jacents du risque et aux causes profondes des catastrophes. Parmi les facteurs sous-jacents figurent le développement urbain non planifié, la vulnérabilité des moyens de subsistance en milieu rural et les écosystèmes en déclin.

1.4

Une grande partie des pertes humaines et économiques liées à des catastrophes sont le résultat d'événements de moindre ampleur, très fréquents. Le CESE considère que le CAH 2015 doit accorder davantage d'importance à ce «risque extensif» en essayant par ailleurs de renforcer la résilience des communautés touchées par ces catastrophes.

1.5

Le CESE considère qu'il y a lieu d'analyser plus en profondeur l'impact économique et social des catastrophes et d'accorder plus d'attention aux aspects tels que les infrastructures productives.

1.6

Le CESE considère que le CAH post-2015 doit progresser dans une approche «de risques multiples» en incluant aussi, plus résolument qu'il ne l'a fait jusqu'à présent, les risques d'origine anthropique.

1.7

Il convient que la gestion des risques de catastrophes (GRC) se fonde sur une stratégie axée sur les droits, se centre sur les besoins et les droits des groupes et des personnes les plus vulnérables, mette l'accent sur l'approche de genre et l'intègre.

1.8

Le CESE préconise d'encourager les approches de gestion du risque au plan local, en ouvrant la participation aux entités de la société civile à l'échelon local, ainsi qu'aux groupes qui en sont normalement exclus. Il y a lieu d'inclure plus résolument la gouvernance locale du risque.

1.9

Il importe aussi de reconnaître le rôle que jouent les organisations de la société civile (OSC) dans le domaine de la RRC aussi bien à l'échelle locale qu'internationale.

1.10

Les secteurs de l'entreprise et privés doivent jouer un rôle important en incluant la RRC dans l'ensemble du cycle productif et en apportant leur capacité d'innovation.

1.11

Même s'il conserve un caractère volontaire, le nouveau CAH 2015 doit mettre l'accent sur les systèmes de responsabilisation et de transparence à travers un ensemble d'indicateurs reconnus à l'échelle internationale. Ces indicateurs doivent aller au-delà des aspects purement techniques et inclure des dimensions de nature sociale.

1.12

Tout en se félicitant de ce que plusieurs États membres aient mis en place des mécanismes d’évaluation par les pairs, le CESE est convaincu qu'il y a lieu d'évoluer, à moyen terme, vers des systèmes de responsabilisation plus exigeants.

1.13

En matière de financement, le CESE est d'avis qu'il y a lieu d'établir un pourcentage minimum souhaitable pour le financement d'actions de RRC dans la politique de développement et humanitaire de l'UE.

2.   Exposé des motifs

2.1

L'adoption du CAH «pour des nations et des collectivités résilientes face aux catastrophes» en 2005 a marqué, sans aucun doute, un tournant dans l'approche de la réduction des risques de catastrophes. L'adoption du CAH par 168 États témoigne d'un changement de perception de la communauté internationale face à une réalité de plus en plus préoccupante.

2.2

Suite à l'adoption du CAH, l'UE a progressivement inclus des éléments de réduction des risques de catastrophes et de gestion des risques de catastrophes dans nombre de politiques européennes aussi bien au plan intérieur que dans la coopération au développement ou l'aide humanitaire et, même s'ils n'ont pas été homogènes, les progrès ont toutefois été considérables.

2.3

La révision du CAH en 2015 est dès lors une occasion pour l’UE de faire le point sur les politiques en la matière, en les adaptant à la nouvelle réalité internationale, et de contribuer, dans le même temps, au débat international sur les risques de catastrophes et la meilleure manière de faire face à cette réalité.

2.4

Le CESE accueille avec intérêt la communication de la Commission européenne intitulée «Le cadre d'action de Hyogo post-2015: gérer les risques pour parvenir à la résilience». Il considère qu'il s'agit d'une initiative très pertinente par les temps qui courent et souhaite apporter sa contribution à ce débat en soumettant les propositions des secteurs de la société civile qu'il représente.

2.5

Depuis l'approbation du CAH en 2005, les tendances en matière de catastrophes dans le monde ont confirmé l'existence de modèles préoccupants d'aggravation du risque, obligeant les États, les organisations internationales, les organisations de la société civile ainsi que la communauté dans son ensemble à reformuler leurs positions en matière de RRC.

2.6

Toutes les données actuellement disponibles montrent que les catastrophes s'aggravent, en particulier celles liées à des menaces hydrométéorologiques causées par le changement climatique, mais aussi celles dues aux phénomènes d'urbanisation accélérée, de planification territoriale inappropriée, à un usage inadéquat des sols et des ressources naturelles, ainsi qu'à une augmentation de l'exposition à ces risques.

2.7

L'impact des catastrophes varie, bien évidemment, d'une région et d'un pays à l'autre, et les pertes en termes de vies humaines ou économiques dépendent des niveaux de développement. Mais aucun pays ni région de la planète n'est à l'abri de ces risques et les données des dernières décennies montrent que les catastrophes ont aussi un impact élevé dans les pays développés et même dans l'Union européenne.

2.8

La perspective de reformulation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et des objectifs de développement durable (ODD) à l'horizon 2015 et les progrès accomplis dans les discussions sur le changement climatique, appelle des efforts en vue d'atteindre une plus grande cohérence dans les positions qui seront adoptées sur ces questions, auxquelles le CESE souhaite contribuer.

3.   Nouvelles visions sur le contexte et la typologie des catastrophes

3.1

La communication de la Commission et, surtout, les deux annexes qui l'accompagnent (1), contiennent une analyse exhaustive des menaces et des risques à l'échelle mondiale et, tout particulièrement, au niveau de l'UE. Les politiques européennes qui ont inclus des éléments de RRC y sont aussi décrites avec précision. Le CESE applaudit les efforts de la Commission pour disposer de données fiables et solides sur le plan technique afin d'avoir une vision globale des catastrophes sur le territoire de l'UE, ainsi que des politiques pour y faire face.

3.2

Toutefois, en ce qui concerne la vision d'ensemble des catastrophes au sein de l'UE, le CESE déplore que seuls seize États membres et la Norvège aient fourni des données directement exploitables. Dès lors, le CESE exhorte les États membres qui n'ont pas encore fourni leurs données ventilées à contribuer au plus tôt à cet effort afin de permettre de poser un diagnostic aussi clair et précis que possible en matière de menaces et de catastrophes au sein de l'UE.

3.3

À l'échelle mondiale, les études réalisées dans le cadre de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes (UNISDR) montrent qu'au-delà des grandes catastrophes largement relayées par les médias, ce sont les «petites catastrophes» qui sont les plus fréquentes, occasionnent le plus grand nombre de pertes humaines et économiques et ont le plus grand impact sur le quotidien de millions d'êtres humains et de communautés à travers la planète. Le CESE considère qu'il y a lieu d'accorder plus d'importance dans le CAH après 2015 au «risque extensif» (2) qui se produit dans ce genre d'évènements face à l'approche de «risque intensif», prédominante par le passé. Par ailleurs, l'attention portée à ce type de catastrophes de petite échelle mais très fréquentes, doit être le point de départ pour renforcer la résilience des communautés touchées. Le CESE considère qu'il convient d'accorder plus d'attention aux effets locaux de ce type de catastrophes.

3.4

Malgré l'existence de nombreuses études sur l'impact économique des catastrophes, les coûts en termes d'emploi, de conditions de travail et de travail décent, d'effet sur les entreprises et le tissu productif, etc., sont rarement analysés. Le CESE considère qu'il y a lieu d'analyser ces aspects plus en profondeur et de s'intéresser davantage à des éléments tels que les infrastructures productives (3).

3.5

D'autre part, les données disponibles montrent que de nombreuses catastrophes sont le résultat d'une somme de menaces et non pas d'un seul facteur. Cela renforce la nécessité d'effectuer des analyses «de risques multiples» et d'adopter une approche plus globale des catastrophes et de leur complexité. Le concept d'«urgence complexe» utilisé dans le domaine humanitaire permet d'éviter des visions simplistes des causes de catastrophes, qui peuvent parfois conduire à des réponses simplistes. Même si les approches dominantes depuis l'approbation du CAH mettent en avant les risques «naturels» ou «anthropiques non intentionnels», l'évidence montre que des facteurs tels que la violence dans des contextes urbains marginaux, le manque de gouvernance, les différentes typologies de conflits, entre autres éléments de nature humaine, aggravent les catastrophes et devraient être pris en compte. Le CESE considère que le CAH 2015 doit aborder les éléments liés au conflit et à la violence dans le cadre d'une approche plus globale. Il y a également lieu d'aborder plus résolument la problématique des catastrophes liées au risque technologique ou celles que l'on appelle les «triples catastrophes» (tremblement de terre, tsunami, catastrophe nucléaire), comme celle de Fukushima.

3.6

Par ailleurs, le CESE est convaincu qu'il convient d'accorder une plus grande attention aux facteurs sous-jacents du risque et aux causes profondes des catastrophes. Toutes les analyses et révisions effectuées sur le CAH montrent que la quatrième priorité d'action qui consiste à «réduire les facteurs de risque sous-jacents» est celle qui a le moins progressé (4).

4.   Une gestion des risques de catastrophes centrée sur les droits des personnes et, en particulier, des groupes les plus vulnérables à l'échelon local

4.1

Malgré les progrès accomplis depuis l'adoption du CAH, l'approche fondée sur les droits n'a pas été suffisamment intégrée à la GRC. Parfois même, les références à la vulnérabilité et aux droits différenciés de certains groupes ont contribué à renforcer davantage cette «vulnérabilité», sans reconnaître, par ailleurs, leurs capacités spécifiques. C'est ce qui s'est produit, notamment, avec les visions simplistes de l'approche de genre. Le CESE estime que l'approche fondée sur les personnes, leurs droits, l'équité, le droit à la protection mais aussi le droit au développement durable comprenant la viabilité environnementale, devrait être inscrite comme principe avec plus de force dans le CAH 2015. L'inclusion de questions liées au genre, d'approches fondées sur les droits et des groupes vulnérables doit faire partie de l'ensemble d'indicateurs de suivi du CAH 2015 et des mécanismes de responsabilisation à établir. Les organisations de la société civile qui se consacrent à la promotion et à la défense des droits et, en particulier celles qui se consacrent aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que celles qui représentent des groupes vulnérables devraient être sollicitées plus souvent et participer aux forums de débat sur la RRC.

4.2

L'expérience montre que les initiatives locales ou ayant une approche locale sont celles qui ont le plus d'effet sur les groupes vulnérables et qui les aident le mieux. Le CESE préconise d'encourager les approches de gestion du risque au plan local, en ouvrant la participation à la société civile à l'échelon local, ainsi qu'aux groupes qui en sont normalement exclus. Cela suppose de se diriger vers des systèmes de gouvernance locale du risque, permettant de concrétiser les actions et les mécanismes institutionnels nécessaires. Le financement d'activités de gestion locale du risque devrait avoir la priorité dans les initiatives nationales et dans celles soutenues par des organisations internationales.

4.3

Reconnaissant que ce sont les États qui doivent s'engager à adopter et à mettre en œuvre le CAH, et que le succès ou l'échec du CAH 2015 dépendra de leur volonté politique, le CESE souhaite mettre l'accent sur la nécessité d'associer toutes les entités de l'échelon local, les municipalités, les mairies, les organisations de la société civile, les ONG, les institutions académiques, le secteur de l'entreprise et les organisations syndicales, à l'élaboration de plans de GRC ou d'instruments similaires. Le manque de connexion entre l'échelon local et les niveaux administratifs supérieurs que l'on constate actuellement limite la capacité d'action immédiate de la population directement menacée. Ceci revêt une importance particulière pour les pays en voie de développement, dont les structures institutionnelles sont faibles.

4.4

Les entreprises et le secteur privé ont un rôle essentiel à jouer en matière de RRC, non seulement à travers des partenariats public-privé ou de la responsabilité sociale des entreprises, mais aussi par l'innovation et l'expérience qu'ils apportent, ainsi qu'en incluant des notions de résilience, d'atténuation et d'adaptation à l'ensemble du processus de production. La communication fait allusion à l'assurance, mais il faudrait y ajouter des références plus claires à la nécessité impérieuse de réduire le risque pour pouvoir générer un développement productif.

4.5

En tenant compte des spécificités propres à chaque cas, le CESE considère qu'il y a lieu d'étendre la participation des entités de la société civile à la GRC à l'échelle mondiale et à la gestion locale du risque, aussi bien dans le cadre des politiques internes de l'UE que dans son action extérieure.

4.6

Le CESE entend souligner que l'éducation, aussi bien formelle que non formelle, constitue une voie des plus efficaces pour mieux sensibiliser l'opinion et renforcer l'efficacité des actions citoyennes face aux catastrophes. Les OSC peuvent jouer un rôle important pour accomplir cette tâche qui dépasse le domaine de l'éducation formelle.

5.   Vers un cadre de responsabilisation et de transparence concernant les objectifs et les indicateurs de progrès du CAH 2015

5.1

Le CESE partage dans l'ensemble les «principes pour le nouveau cadre» de la communication de la Commission en matière de responsabilisation et d'indicateurs. L'actuel système de suivi du CAH est très médiocre et n'a pas permis de mesurer sérieusement les avancées. De fait, plusieurs États membres de l'UE n'ont pas fourni leurs données d'une manière opportune et précise et ne disposent pas de bases de données solides et fiables en la matière. La sensibilité publique et politique des catastrophes rend particulièrement nécessaire l'instauration de mécanismes crédibles de transparence et de responsabilisation dans le domaine de la RRC.

5.2

Le CESE applaudit les initiatives d'évaluation par les pairs que certains États membres ont mises en œuvre et estime qu'il conviendrait de généraliser ces pratiques. À moyen et à long termes, le CESE est convaincu que l'UE devrait être plus ambitieuse concernant l'amélioration de la compilation des données des États membres de telle sorte qu'elles soient comparables et accessibles non seulement aux institutions gouvernementales, mais aussi à la société civile, aux médias, au monde universitaire, à la communauté scientifique et à d'autres groupes concernés.

5.3

Quoi qu'il en soit, le CAH 2015 devra établir un système d'indicateurs communs permettant de mesurer les avancées et le degré de réalisation aussi bien par les pays que par l'ensemble des acteurs. Sans entrer dans les détails, le CESE se félicite des efforts accomplis par les entités de la société civile en matière d'indicateurs et entend exprimer sa conviction que ceux-ci doivent être plus que des indicateurs purement techniques voire technocratiques pour inclure des éléments sociaux, de résilience et de participation, etc (5).

5.4

La transparence et la responsabilisation encourageront par ailleurs le dialogue entre les différents acteurs concernés (organismes officiels, institutions politiques, organisations de la société civile, secteur privé et des entreprises, entités académiques, etc.) sur la question de la RRC.

6.   Cohérence entre les programmes de développement, de changement climatique et de RRC

6.1

Dans le monde profondément interconnecté et interdépendant dans lequel nous vivons actuellement, il est paradoxal de constater à quel point il est difficile de mettre en relation les programmes internationaux concernant des thèmes qui sont, par définition, étroitement corrélés. La coïncidence de différentes initiatives sur le changement climatique, le développement et la RRC en 2015 est une occasion que l'UE doit saisir pour encourager cette même cohérence à l'échelle internationale. Ce souci de cohérence a de nombreuses incidences conceptuelles, institutionnelles, et en termes de priorités, etc., qu'il conviendrait d'aborder sur la base de l'expérience des communautés touchées, en partant du principe qu'il n'est plus possible d'aborder isolément les questions liées au développement, au changement climatique et aux catastrophes. Le CESE soutient les efforts internationaux accomplis pour définir les critères et indicateurs communs en matière d'ODS et de CAH 2015.

6.2

Compte tenu de l'importance que revêt le changement climatique dans l'augmentation de la fréquence et de la gravité des menaces (en particulier sur le plan hydrométéorologique), ainsi que des objectifs communs à la RRC et à l'adaptation au changement climatique (ACC), il convient de renforcer considérablement la coordination entre les structures qui promeuvent la conception et l'application de chacune de ces disciplines.

6.3

Le futur CAH 2015 doit exprimer avec plus de clarté les liens entre les catastrophes et le développement qui peuvent être très divers et complexes. Le développement peut réduire le risque, s'il est bien conçu. Dans le cas contraire, comme on a pu le constater souvent, il peut l'accroître. De même, les relations entre le changement climatique et les catastrophes sont complexes et interdépendantes. Tout comme la Commission, le CESE estime que des concepts et des approches tels que celui de la résilience peuvent être utiles pour aborder ces complémentarités.

6.4

Dans le même temps, le CESE souhaite mettre en évidence la nécessité d'aborder les relations de la RRC traditionnelle avec le programme de sécurité. Jusqu'à présent, l'approche dominante du CAH s'est centrée, comme indiqué précédemment, sur les «catastrophes naturelles»; toutefois, l'existence d'autres menaces et réalités liées à la violence, aux conflits ou aux luttes pour les ressources fait qu'il serait approprié d'engager cette convergence. Le concept de sécurité humaine tient compte de cette réalité et il y aurait lieu d'en examiner l'utilité dans ce secteur.

7.   Financement de la RRC et engagement de l'UE

7.1

L'absence d'une «culture de la prévention» a eu pour conséquence que dans l'UE, aussi bien au plan interne que dans son action extérieure, la RRC et la prévention des risques, l'atténuation ou la préparation aux catastrophes n'ont pas été prioritaires. Comme l'exprime à juste titre la communication de la Commission, certains programmes ont été pionniers (DIPECHO (6)), mais le pourcentage de fonds destinés à ces tâches a été limité. Le CESE est d'avis qu'il y a lieu d'établir un pourcentage minimum souhaitable pour le financement d'actions de RRC dans la politique de développement et humanitaire de l'UE, conformément à ce que font d'autres donateurs (7). Pour cela, les États membres doivent se doter de mécanismes de suivi financier pour des actions de RRC qui puissent être incorporées aux politiques de développement et d'action humanitaire.

Bruxelles, le 10 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Documents de travail des services de la Commission: «Overview on natural and man-made disasters risks in the EU» SWD (2014) 134 final. «EU policies contributing to disaster risk management» SWD (2014) 133 final.

(2)  Les études de l'UNISDR montrent que 90 % des pertes liées à des catastrophes à l'échelle mondiale sont imputables à ces catastrophes «extensives». (Global Assessment Report. GAR. UNISDR, 2013)

(3)  Ce n'est que récemment que l'on a commencé à approfondir le sujet. «The Labour Market Impacts of Natural and Environmental Disasters». ADAPT Italia et The Japan Institute for Labour Policy and Training. http://moodle.adaptland.it/mod/page/view.php?id=9533

(4)  Le CAH contient cinq priorités d'action: 1) Veiller à ce que la réduction des risques de catastrophe soit une priorité nationale et locale fondée sur un cadre institutionnel solide pour son application, 2) Mettre en évidence, évaluer et surveiller les risques de catastrophe et renforcer les systèmes d’alerte rapide,. 3) Utiliser les connaissances, les innovations et l’éducation pour instaurer une culture de la sécurité et de la résilience à tous les niveaux, 4) Réduire les facteurs de risque sous-jacents, 5) Renforcer la préparation aux catastrophes afin de pouvoir intervenir efficacement à tous les niveaux.

(5)  Joint Civil Society Position on Post 2015 Framework for Disaster Risk Reduction. Ce document suit les orientations énoncées dans le document «Éléments à prendre en considération dans le cadre post-2015 pour la réduction des risques de catastrophes» (UNISDR, décembre 2013).

(6)  DIPECHO (Disaster Preparedness ECHO) est un programme consacré à la RRC, lancé en 1996 par la DG ECHO de la Commission européenne.

(7)  Les informations concernant les possibilités de financement de la RRC, ainsi que des expériences en la matière peuvent être consultées à l'adresse suivante: http://www.odi.org.uk/sites/odi.org.uk/files/odi-assets/publications-opinion-files/8574.pdf


16.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 451/157


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 93/5/CEE du Conseil du 25 février 1993 concernant l’assistance des États membres à la Commission et leur coopération en matière d’examen scientifique des questions relatives aux denrées alimentaires

[COM(2014) 246 final — 2014/0132 (COD)]

(2014/C 451/26)

Le 22 mai 2014, le Conseil a décidé, conformément à l'article 114 du TFUE, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil abrogeant la directive 93/5/CEE du Conseil du 25 février 1993 concernant l’assistance des États membres à la Commission et leur coopération en matière d’examen scientifique des questions relatives aux denrées alimentaires»

COM(2014) 246 final — 2014/0132 COD.

Ayant estimé que le contenu de la proposition est entièrement satisfaisant et que par ailleurs il avait déjà fait l'objet de son avis CESE 404/2001 — 2000/0286 COD, adopté le 28 mars 2001 (1), le Comité, lors de sa 500e session plénière des 9 et 10 juillet 2014 (séance du 9 juillet 2014) a décidé, par 185 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions, de ne pas procéder à l'élaboration d'un nouvel avis en la matière, mais de se référer à la position qu'il a soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 9 juillet 2014.

Le Président du Comité économique et social européen

Henri MALOSSE


(1)  Avis du CESE NAT/099 sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité alimentaire européenne et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires», 2001/C 155, pp. 32-38 du 29 mai 2001.