ISSN 1977-0936

doi:10.3000/19770936.C_2012.143.fra

Journal officiel

de l'Union européenne

C 143

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

55e année
22 mai 2012


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

RÉSOLUTIONS

 

Comité économique et social européen

 

478e session plénière des 22 et 23 février 2012

2012/C 143/01

Résolution du Comité économique et social européen sur la situation économique et sociale de l'Union européenne, adoptée lors de sa 478e session plénière

1

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

478e session plénière des 22 et 23 février 2012

2012/C 143/02

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Comment associer la société civile à la réglementation des marchés financiers (avis d'initiative)

3

2012/C 143/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Croissance et dette souveraine dans l'UE: deux propositions novatrices (avis d'initiative)

10

2012/C 143/04

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Pour une perspective citoyenne et humaniste de la politique du marché intérieur (avis d'initiative)

17

2012/C 143/05

Avis du Comité économique et social européen sur les Conséquences sociales de la nouvelle législation en matière de gouvernance économique (avis d'initiative)

23

2012/C 143/06

Avis du Comité économique et social européen sur L'économie sociale en Amérique latine

29

2012/C 143/07

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Agriculture et artisanat — une combinaison gagnante pour les zones rurales (avis d'initiative)

35

2012/C 143/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Position du CESE sur la préparation de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20) (supplément d'avis)

39

 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

478e session plénière des 22 et 23 février 2012

2012/C 143/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen d'ajustement à la mondialisation pour la période 2014-2020 (saisine) COM(2011) 608 final – 2011/0269 (COD)

42

2012/C 143/10

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'États membres différents — (refonte)COM(2011) 714 final — 2011/0314 (CNS)

46

2012/C 143/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'action pour la douane et la fiscalité dans l'Union européenne pour la période 2014-2020 (Fiscus) et abrogeant les décisions no 1482/2007/CE et no 624/2007/CECOM(2011) 706 final — 2011/0341 (COD)

48

2012/C 143/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Examen annuel de la croissance 2012COM(2011) 815 final

51

2012/C 143/13

Avis du Comité économique et social européen sur le Livre vert sur la distribution en ligne d'œuvres audiovisuelles dans l'Union européenne — Vers un marché unique du numérique: possibilités et obstaclesCOM(2011) 427 final

69

2012/C 143/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement (EMIR) sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centrauxCOM(2011) 652 final — 2011/0296 (COD)

74

2012/C 143/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2004/109/CE sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et la directive 2007/14/CE de la CommissionCOM(2011) 683 final — 2011/0307 (COD)

78

2012/C 143/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen et abrogeant le règlement (CE) no 1081/2006COM(2011) 607 final — 2011/0268 (COD)

82

2012/C 143/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme de l'Union européenne pour le changement et l'innovation socialeCOM(2011) 609 final — 2011/0270 (COD)

88

2012/C 143/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membresCOM(2011) 813 final — 2011/0390 (CNS)

94

2012/C 143/19

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le troisième programme d'action pluriannuel de l'Union dans le domaine de la santé pour la période 2014-2020, intitulé La santé en faveur de la croissanceCOM(2011) 709 final — 2011/0339 (COD)

102

2012/C 143/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la sécurisation des activités de prospection, d'exploration et de production pétrolières et gazières en merCOM(2011) 688 final — 2011/0309 (COD)

107

2012/C 143/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil établissant un système communautaire d'enregistrement des transporteurs de matières radioactivesCOM(2011) 518 final

110

2012/C 143/22

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Conseil fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l'exposition aux rayonnements ionisantsCOM(2011) 593 final — 2011/0254

113

2012/C 143/23

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le mécanisme pour l'interconnexion en EuropeCOM(2011) 665 final — 2011/0302 (COD)

116

2012/C 143/24

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications et abrogeant la décision no 1336/97/CECOM(2011) 657 final — 2011/0299 (COD)

120

2012/C 143/25

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes et abrogeant la décision no 1364/2006/CECOM(2011) 658 final — 2011/0300 (COD)

125

2012/C 143/26

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transportCOM(2011) 650 final — 2011/0294 (COD)

130

2012/C 143/27

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1639/2006/CE établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013) et le règlement (CE) no 680/2007 déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport et d'énergieCOM(2011) 659 final — 2011/0301 (COD)

134

2012/C 143/28

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les permis de conduire qui intègrent les fonctionnalités d'une carte de conducteurCOM(2011) 710 final — 2011/0327 (COD)

139

2012/C 143/29

Avis du Comité économique et social européen sur Le rôle de la société civile dans les relations entre l'Union européenne et le Chili

141

2012/C 143/30

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 726/2004, en ce qui concerne l'information du public sur les médicaments à usage humain soumis à prescription médicale, d'une part, et la pharmacovigilance, d'autre partCOM(2011) 632 final — 2008/0255 (COD)

146

2012/C 143/31

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/CE en ce qui concerne l'information du public sur les médicaments soumis à prescription médicale, d'une part, et la pharmacovigilance, d'autre partCOM(2011) 633 final — 2008/0256 (COD)

147

2012/C 143/32

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2004/40/CE concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l'exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques) (dix-huitième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/40/CE)COM(2012) 15 final — 2012/0003 (COD)

148

2012/C 143/33

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1217/2009 du Conseil portant création d'un réseau d'information comptable agricole sur les revenus et l'économie des exploitations agricoles dans la Communauté européenneCOM(2011)855 final — 2011/0416 COD

149

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

RÉSOLUTIONS

Comité économique et social européen

478e session plénière des 22 et 23 février 2012

22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/1


Résolution du Comité économique et social européen sur la situation économique et sociale de l'Union européenne, adoptée lors de sa 478e session plénière

2012/C 143/01

Lors de sa session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté la présente résolution par 157 voix pour, 30 voix contre et 12 abstentions.

Le Comité économique et social européen (CESE) a exprimé sa vive préoccupation sur l'état de l'Union, a adressé un appel pressant aux institutions européennes et aux gouvernements des États membres afin qu'ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour réaffirmer dans les faits la valeur absolue et indispensable de l'unité européenne et a adopté la présente résolution.

1.

Le CESE:

regrette les atermoiements et les dissensions entre États membres de l'Union européenne, à l'heure même ou l'Europe devrait être résolue, unie et solidaire,

se félicite cependant de l’accord survenu ce lundi 20 février à l’EuroGroupe sur le deuxième plan d’aide à la Grèce, mais regrette les retards et lenteurs apportés à trouver une solution définitive.

est néanmoins préoccupé par les conséquences sociales et économiques et demande au Conseil européen de soutenir des mesures en faveur de la relance économique en particulier pour les pays les plus frappés par la crise,

rappelle la nécessité d'investir dans l'économie réelle à travers notamment une véritable politique industrielle afin de mettre fin à la spirale de récession actuelle,

salue l'initiative des douze gouvernements adressée au Conseil et à la Commission.

2.

Le CESE constate que les citoyens sont de plus en plus amenés à douter des institutions de l'Union, donc de l'Union elle-même, tout en étant conduits à attribuer à cette même Union les souffrances qu'elle endure.

3.

Le CESE ne peut partager de dispositions qui se contentent de toucher seulement les disciplines budgétaires et fiscales et estime que la gouvernance des politiques économiques dans la zone Euro et dans l’UE doit être plus large et plus ambitieuse.

4.

Le CESE souligne le rôle central que doit jouer la Commission européenne en tant qu’expression de l’intérêt général européen, notamment dans la mise en œuvre des mesures de politique économique et monétaire, y compris celles prévues par le nouveau traité intergouvernemental.

5.

Le CESE affirme à cet égard la nécessité de relancer la stratégie 2020, en particulier les actions en faveur de la jeunesse, de la recherche et de l’innovation et de l’économie verte. Le CESE félicite le Président Barroso pour les nouvelles actions qu’il a annoncées lors du Conseil européen du 30 janvier 2012 en faveur de l’accès des jeunes à l’emploi et lui adresse un appel pour la mise en œuvre immédiate d'initiatives concrètes dans ce domaine. Par ailleurs, le CESE est favorable aux mesures de soutien pour les petites et moyennes entreprises en pleine conformité avec le droit communautaire en vigueur.

6.

Le CESE insiste sur le fait que, lors des négociations sur les futures perspectives financières multi annuelles 2014–2020, l’UE soit doté d’un budget conséquent et en augmentation. Le CESE appuie à cette occasion la proposition de la Commission européenne de trouver de nouvelles ressources propres pour financer le budget européen, ainsi que le recours à différentes formes d'investissements publics et/ou privés. Le CESE va, de son côté, préparer un rapport sur le coût de la Non Europe qui va mettre en lumière les bénéfices à attendre d’une intégration européenne accrue. Le CESE insiste également pour qu’il n’y ait pas de traitement discriminatoire vis-à-vis des pays qui ont rejoints l’UE depuis 2004 en ce qui concerne les seuils et les critères d’éligibilité aux Fonds européens.

7.

Le CESE appuie un rôle accru de la Banque centrale européenne pour stabiliser la situation dans la zone Euro ainsi que des dispositifs d’ingénierie financière faisant appel à l’épargne privée et aux marchés (euro-obligations) pour financer des projets porteurs d’avenir et de relance de l’activité économique.

8.

Le CESE appelle donc les institutions européennes et les autorités nationales:

à éviter de déforcer de quelque façon que ce soit les traités en vigueur et les institutions qu'ils prévoient;

à mettre en œuvre les mesures communautaires qui favoriseront la croissance et soutiendront le développement d'infrastructures et l'effort des petites et moyennes entreprises, l'accès des jeunes à l'emploi ainsi que des actions pour une politique européenne énergétique efficace et propre;

à adopter un budget ambitieux pour appliquer ces mesures et renforcer la cohésion européenne;

à communiquer d'une manière unie, à la fois vis-à-vis des citoyens européens et vis-à-vis du reste du monde;

à adresser un message positif à la jeunesse européenne afin de présenter l’Union européenne comme une solution face à la crise et une perspective pour leur avenir;

à asseoir les décisions prises à tout niveau sur une véritable adhésion des citoyens, via des processus associant réellement le Parlement européen et les Parlements nationaux, impliquant une consultation effective des organisations représentatives de la société civile, valorisant l'apport du dialogue social autonome.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


AVIS

Comité économique et social européen

478e session plénière des 22 et 23 février 2012

22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/3


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Comment associer la société civile à la réglementation des marchés financiers» (avis d'initiative)

2012/C 143/02

Rapporteur: M. MORGAN

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème

"Comment associer la société civile à la réglementation des marchés financiers".

La section spécialisée "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 66 voix pour, 53 voix contre et 41 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   La réglementation et la surveillance insuffisantes et défectueuses des marchés de la finance comptent parmi les causes premières de la crise financière. Une des difficultés que pose la réglementation des marchés financiers consiste à permettre une participation équilibrée de vues diverses et divergentes. Face à la représentation, légitime, des intérêts du secteur financier, il n'existe pas de contrepoids solide par l'entremise de la participation de la société civile. Les discussions politiques se déroulent essentiellement entre le législateur, d'une part, et le domaine concerné, à savoir le secteur de la finance, d'autre part.

1.2   En matière de réglementation des marchés financiers, tout particulièrement, le Comité économique et social européen (CESE) est appelé à combler le déficit de participation de la société civile, dans la mesure où il compte en son sein des délégués des associations sectorielles de la finance comme des organisations de protection des consommateurs et des syndicats. Dans le même temps, le CESE ne veut ni ne peut se substituer à la participation directe des associations de la société civile. S'agissant de dégager une position, le dialogue civil est un processus démocratique et public auquel il convient que prennent part de manière effective tous les acteurs concernés.

1.3   À cet égard, il ne fait aucun doute, pour le CESE, que le secteur financier est lui-même habilité à participer à l'élaboration des positions. Ce sont les entreprises du domaine de la finance qui sont les destinataires de la réglementation et qui doivent respecter ses prescriptions et mettre en œuvre les obligations légales. Le CESE reconnaît également que dans le domaine de la finance, la plupart des secteurs et des établissements ont un comportement sérieux et intègre et n'ont eu aucun part dans la survenue de la crise financière.

1.4   Étant donné la complexité que revêtent les détails de la réglementation, il est capital que les associations ne se contentent pas d'énoncer des objectifs fondamentaux et de demander un renforcement général des règles mais qu'elles mettent sur la table des propositions et arguments pertinents et constructifs. Pour atteindre cet objectif, il sera nécessaire de déployer d'importants efforts qui les mettent en mesure de discuter sur un pied d'égalité avec le législateur et d'autres confédérations.

1.5   La Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil et les États membres doivent eux-mêmes prendre des initiatives pour associer des pans plus larges de la société civile à la réglementation des marchés financiers.

1.6   La Banque centrale européenne, le Conseil européen des risques systémiques et les autorités européennes de surveillance financière qui ont été créées de fraîche date devraient dûment associer les organisations de la société civile à leurs travaux. Le fonctionnement des groupes de parties prenantes que la loi prévoit d'associer aux autorités de surveillance financière devrait prendre en compte les spécificités des organisations de la société civile.

1.7   Dans certains cas, il peut être utile de soutenir financièrement certaines organisations de la société civile au moyen de fonds de l'UE, afin de compenser la représentation insuffisante d'intérêts importants. Ce faisant, il convient en tout état de cause de veiller à la transparence totale des apports financiers, de garantir l'indépendance de ces organisations et de faire en sorte qu'elles ne soient pas privilégiées dans leurs relations avec la Commission par rapport aux associations ne bénéficiant pas de telles aides.

1.8   En dehors des organisations de consommateurs et des syndicats, il existe également tout un ensemble d'autres groupes susceptibles d'apporter des contributions substantielles au débat sur les marchés financiers, qu'il s'agisse des organisations caritatives, des petites et moyennes entreprises, des groupements d'investisseurs institutionnels, des entreprises de l'industrie et des services qui effectuent des opérations financières d'une certaine envergure et leurs confédérations, des intermédiaires financiers ou même des agences de notation. Du fait de la situation de concurrence qui règne sur les marchés, des représentants d'autres secteurs que celui qui est expressément visé par la réglementation peuvent eux aussi apporter des contributions utiles.

1.9   Tous les thèmes ne se prêtent pas dans la même mesure à une prise de position de la part des organisations de la société civile. Tandis que les questions relatives à la protection des consommateurs, à l'utilisation de recettes fiscales pour le sauvetage d'établissements financiers ou à la taxation du secteur financier s'avèrent particulièrement appropriées à cet égard, des problèmes techniques de détail, concernant par exemple le calcul de la solvabilité ou des questions de comptabilité, présentent moins d'intérêt.

1.10   Il ne suffit pas d'exprimer des revendications générales et indifférenciées concernant un renforcement des règles. Cela n'est d'aucune utilité pour le législateur. Non seulement des propositions aussi concrètes que possible doivent être formulées, mais il faut aussi peser les avantages et les inconvénients d'exigences plus strictes.

1.11   Le CESE encourage les associations européennes et nationales de la société civile à se saisir encore plus intensément que jusqu'à présent de la question de la réglementation des marchés. Pour certaines de ces associations, favoriser la stabilité des marchés financiers devrait devenir un but en soi, voire un nouvel objectif, les amenant à étendre en conséquence le champ de leurs préoccupations et de leurs activités.

1.12   Le CESE juge souhaitable que les associations profitent de leur participation à la réglementation des marchés financiers pour réaliser auprès de leurs membres et du public de larges opérations de communication positive concernant l'activité fructueuse de l'UE dans ce domaine.

1.13   En dépit des comportements fautifs à l'échelle individuelle qui lui ont été imputés, l'industrie européenne de la finance figure également parmi les acteurs pour lesquels la crise a eu des effets dommageables. Aussi est-elle invitée à apporter sa contribution à une réglementation efficace des marchés financiers. Aucun secteur n'est fondé à s'imposer une attitude indue de réserve lorsqu'il s'agit de formuler des observations sur la réglementation d'autres domaines d'activité au bénéfice de la stabilité sur les marchés financiers.

1.14   L'industrie financière elle-même devrait aussi s'ouvrir au dialogue avec les organisations de la société civile. Compte tenu de la forte attention portée par l'opinion publique au secteur financier du fait de la crise traversée par celui-ci, il pourrait être avantageux pour les entreprises de dialoguer avec la société civile, d'échanger des arguments et d'accueillir des suggestions.

1.15   Les médias jouent bien évidemment un rôle éminent dans la définition d'une position européenne. Ici aussi, il serait souhaitable de relayer de manière plus appuyée la position des organisations de la société civile.

1.16   Le CESE continuera de suivre de près les propositions de réglementation des marchés financiers, de les commenter largement et d'émettre des avis approfondis, en attachant une importance particulière à la prise en compte du point de vue des représentants de la société civile. Lors des discussions, il veillera à une implication plus large et plus directe des organisations de la société civile dans la définition de sa position en organisant des auditions au sein de ses sections spécialisées et de ses groupes d'étude.

1.17   Dans la définition de son programme de travail, durant ses sessions plénières et les réunions de ses sections spécialisées et de ses groupes d'étude, le CESE s'emploiera à ménager un espace suffisant pour un débat nourri sur la réglementation des marchés financiers. Il veillera, dans le cadre de la gestion de ses ressources financières et humaines, à offrir à ses membres des conseils techniques qualifiés concernant les questions relatives à la réglementation des marchés financiers.

2.   Objectif et contexte de l'avis

2.1   Pour les citoyens du monde entier et de l'Union européenne en particulier, la crise des marchés financiers (1) qui sévit depuis 2008 a eu des effets négatifs fort graves, dont le CESE a traité à plusieurs reprises et en profondeur. La réglementation et la surveillance insuffisantes et défectueuses des marchés de la finance comptent parmi les causes premières de l'effondrement des marchés, de la spéculation qui l'a précédé et du négoce de produits financiers à haut risque.

2.2   Une des difficultés que pose l'instauration de règles dans ce domaine a consisté – et consiste encore et toujours – à permettre que les vues diverses et divergentes puissent s'inscrire de manière équilibrée dans le processus pluraliste et démocratique aboutissant à mettre au point une position. Face à la représentation, légitime, des intérêts du secteur financier, il n'existe pas à ce jour de contrepoids solide apporté par l'entremise des organisations de la société civile. La nouvelle réglementation des marchés financiers devrait corriger cette asymétrie.

2.3   En tant qu'institution de la société civile européenne, le CESE considère qu'outre l'émission d'avis, l'une de ses missions consiste également à œuvrer pour une intégration large et complète de l'ensemble des parties intéressées et concernées dans le processus législatif de l'UE. En conséquence, le CESE s'inquiète de constater que dans certains domaines politiques spécifiques, l'organisation d'un débat équilibré échoue régulièrement.

2.4   Le présent avis d'initiative vise dès lors à analyser la participation de la société civile à la réglementation des marchés financiers et à formuler des recommandations pour qu'elle soit mieux intégrée à cette démarche.

3.   Lacunes et obstacles en matière de participation de la société civile

3.1   Jusqu'à présent, la réglementation des marchés financiers a été suivie au premier chef par les milieux concernés du secteur de la finance. Cette impression a été clairement confirmée par l'audition organisée par le CESE le 28 novembre 2011. Cela n'est pas dû à un manque d'ouverture de la part des institutions européennes. La raison en est que dans les organisations n'appartenant pas à l'industrie financière, la question n'a suscité jusqu'ici qu'un intérêt limité, comme on peut l'inférer, par exemple, de la faible participation aux consultations de la Commission européenne, aux auditions du Parlement européen ou au débat public.

3.2   Aujourd'hui encore, les discussions politiques concernant les directives et les règlements dans le domaine de la finance se déroulent essentiellement entre le législateur, d'une part, et le secteur financier qui en est le destinataire, d'autre part. Pour d'autres champs thématiques en revanche, la confrontation sur le terrain de la politique, y compris entre des organisations de la société civile qui sont basées précisément à Bruxelles, se situe au cœur même du débat pluraliste, par exemple entre employeurs et syndicats dans le domaine de la politique sociale, entre industrie et associations de défense de l'environnement en ce qui concerne la politique environnementale ou encore entre milieux du commerce et groupements de consommateurs s'agissant de la politique de la consommation.

3.3   De l'avis du CESE, les déficiences de la réglementation des marchés financiers reposent sur une série de causes.

3.3.1   La réglementation des marchés financiers vise à assurer leur sécurité et leur stabilité, et ainsi à préserver un bien public assez abstrait et peu tangible qui, en outre, a longtemps paru tout à fait à l'abri de la menace. Il n'était guère aisé de discerner les intérêts consistants que le citoyen pourrait avoir dans cette matière et qu'il conviendrait dès lors de défendre. De ce fait, les cercles extérieurs aux marchés financiers n'avaient ni incitation, ni occasion, ni motivation pour se pencher sur ces questions.

3.3.2   Les marchés financiers sont un sujet des plus complexes, d'abord difficile pour le non-spécialiste. Du fait de la diversité de ses intervenants, de la sophistication de ses produits et de la multiplicité de ses tenants et aboutissants, les organisations extérieures au secteur éprouvent des difficultés à s'inscrire dans les débats avec l'expertise nécessaire.

3.3.3   Les effets directs et surtout indirects d'une réglementation sur les intérêts des membres d'une organisation de la société civile sont souvent difficiles à discerner, notamment lorsqu'il s'agit non pas de directives et de règlements, mais de dispositions d'application et de normes techniques complexes.

3.3.4   Le processus de réglementation des marchés financiers est relativement difficile à appréhender. En raison de l'ancien processus Lamfalussy et du système actuel des actes délégués, des actes d'exécution et des normes techniques contraignantes, avec les multiples étapes de leurs procédures et les nombreuses institutions et autorités – à chaque fois différentes – impliquées, il est souvent difficile d'émettre en temps utile des avis ciblés. En outre, les dispositions réglementaires sont de plus en plus souvent dictées par des institutions internationales telles que le G20, le Comité de Bâle ou l'IASB (International Accounting Standards Board, Bureau international des normes comptables), dont l'activité est peu transparente.

3.3.5   Compte tenu de la multiplicité des projets de réglementation, de la rapidité des processus législatifs et du grand nombre de parties prenantes, la capacité des décideurs institutionnels à mener des discussions, à élaborer des prises de position ou à participer à des conférences a atteint ses limites.

3.3.6   Jusqu'à présent, la forte intégration des marchés financiers à l'échelle mondiale, la mobilité planétaire des capitaux et l'extrême sensibilité des échanges commerciaux n'ont cessé de fournir aux adversaires de toute intervention sur le fonctionnement des marchés européens, des arguments qu'il est ardu de réfuter. Étant donné la concurrence qui fait rage pour retenir des capitaux nomades, afin qu'ils soient investis pour stimuler la croissance et créer des emplois, il est apparu judicieux de s'engager dans une stratégie de réglementation "par petites touches", qui a longtemps semblé suffisante.

3.4   Ces difficultés sont elles aussi à l'origine de la création de l'initiative "Finance Watch" ("veille financière"), lancée par plusieurs organisations européennes et nationales qui, à l'initiative de députés européens, se sont fédérées pour suivre d'un œil critique la législation ressortissant au secteur financier.

3.5   Une problématique analogue semble exister également dans les États membres: on ne voit pas que les forces de la société civile aient réussi à y exercer une influence notable en matière de réglementation des marchés financiers.

3.6   De même que la participation de la société civile, la prise en compte des intérêts des petites et moyennes entreprises du secteur de la finance semble se heurter à des difficultés. Un grand nombre d'établissements financiers de moindre importance se plaignent de la lourdeur des charges administratives et de la complexité des règles, qu'ils ont du mal à appliquer.

4.   Observations de principe

4.1   La démocratie participative constitue une composante fondamentale du modèle de société de l'Europe et de sa gouvernance. La démocratie représentative et participative est prescrite par le traité de Lisbonne, lequel n'évoque toutefois que l'obligation de donner "aux citoyens et aux associations représentatives" la possibilité de faire valoir leurs opinions (article 11 du traité sur l'Union européenne). C'est donc aux organes européens qu'il incombe de prendre des initiatives lorsque leurs projets ne recueillent aucun écho auprès de la société civile ou ne suscitent qu'une réaction déséquilibrée.

4.2   À cet égard, il va de soi que le pouvoir de décision revient aux institutions investies d'une légitimité démocratique et que le dialogue civil ne présente qu'un caractère préparatoire ou complémentaire.

4.3   Le CESE constitue par excellence le lieu où la société civile est représentée, peut débattre et exprimer sa position; il remplit une fonction de passerelle indispensable entre l'Europe et ses citoyens. Ce rôle, le CESE le joue tout particulièrement en matière législative.

4.4   En matière de réglementation des marchés notamment, le CESE est appelé à jouer un rôle éminent et à combler le déficit de participation de la société civile, dans la mesure où il compte en son sein des délégués des associations sectorielles de la finance comme des organisations de protection du consommateur et des syndicats. Le CESE étant tenu de donner des avis sur les propositions de la Commission, ses membres sont automatiquement saisis des textes législatifs sans avoir besoin d'autre invitation ou incitation pour ce faire.

4.5   Depuis le début de la crise financière, le CESE s'est fait à de multiples reprises le porte-parole des organisations de la société civile et, depuis le milieu de l'année 2008, il a adopté une trentaine d'avis portant sur ce sujet, tant d'une manière générale qu'à propos d'initiatives législatives spécifiques.

4.6   Eu égard aux lacunes générales en matière de participation de la société civile, on n'en incitera que plus les institutions européennes à prêter attention aux avis du CESE.

4.7   Dans le même temps, le CESE ne veut ni ne peut se substituer à la participation directe des associations de la société civile. S'agissant de dégager une position, le dialogue civil est un processus démocratique et public auquel il convient que prennent part le plus grand nombre possible d'intervenants, sous des formes diversifiées.

4.8   À cet égard, il ne fait aucun doute, pour le CESE, que le secteur financier est habilité au même titre que les autres organisations à participer à l'élaboration des positions. Ce sont les entreprises mêmes du domaine de la finance qui sont les destinataires de la réglementation et qui doivent respecter ses prescriptions et mettre en œuvre les obligations légales. Une autre raison pour laquelle les confédérations du secteur financier doivent être associées au processus est que ce secteur a naturellement le plus grand intérêt à ce que la stabilité règne dans ce domaine. En outre, son expertise est nécessaire pour procéder aux évaluations des impacts dommageables.

4.9   Le CESE reconnaît également que la plupart des secteurs et établissements relevant du domaine de la finance ont un comportement sérieux et intègre et n'ont eu aucune part dans la survenue de la crise financière. De l'avis du CESE, il n'est pas justifié de porter en bloc sur le secteur financier le jugement négatif que l'on a parfois pu entendre. La plupart des entreprises de ce secteur, loin d'avoir profité des excès des marchés financiers, ont eu elles-mêmes à subir des dommages découlant de la crise. Les clients d'établissements financiers qui ont essuyé des pertes sont restés en nombre limité, notamment du fait des aides d'État.

4.10   La principale victime de la crise financière et économique reste cependant le citoyen, en tant que contribuable, travailleur et consommateur. Aussi est-il invité, dans les organisations de la société civile dont il fait partie, à s'engager plus vigoureusement dans l'élaboration de nouvelles règles pour le secteur financier, afin de garantir qu'une crise de cette ampleur ne se répétera pas.

4.11   Étant donné la complexité que revêtent les détails de la réglementation, il est capital que les associations ne se contentent pas d'énoncer des objectifs fondamentaux et de demander un renforcement général des règles, mais qu'elles mettent sur la table des propositions et arguments pertinents et constructifs. Pour atteindre cet objectif, il sera nécessaire de déployer des efforts importants qui les mettent en mesure de discuter sur un pied d'égalité avec le législateur et d'autres confédérations.

5.   Recommandations spécifiques

5.1   La Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil et les États membres doivent eux-mêmes prendre des initiatives pour associer des pans plus larges de la société civile à la réglementation des marchés financiers.

5.1.1   Il est essentiel que les propositions présentent simplement, ouvertement et précisément les répercussions directes et indirectes des projets de réglementation sur la société civile, afin que les associations puissent mieux identifier leur impact sur les citoyens.

5.1.2   S'il avère, comme il est souvent arrivé par le passé, que les consultations sur les questions relatives aux marchés financiers ne suscitent guère de réponses émanant de la société civile, il conviendra de solliciter la participation de quelques organisations ciblées. Au besoin, les délais de consultation pourraient être allongés, comme le prévoit déjà l'initiative de la Commission visant à instaurer une "réglementation intelligente". Les consultations ne devraient pas porter uniquement sur des aspects techniques, mais solliciter spécifiquement l'avis de la société civile. Ce groupe spécifique de destinataires que sont les organisations de la société civile devrait être pris en considération.

5.1.3   Dans leurs auditions publiques, la Commission européenne et le Parlement européen devraient s'assurer d'emblée de la participation des organisations intéressées. En dépit des contraintes de temps, les institutions devraient se montrer disposées à débattre avec les organisations de la société civile et à participer aux manifestations organisées par ces dernières.

5.1.4   Les groupes d'experts de la Commission européenne et du Parlement européen devraient se composer non seulement de représentants du secteur financier mais aussi de délégués d'autres catégories. Dans ce domaine, il conviendrait d'ailleurs de veiller à ce que les personnes nommées pour en faire partie possèdent l'expertise nécessaire pour les thématiques abordées, car si les compétences spécifiques ne sont pas au rendez-vous, le gain final sera nul.

5.1.5   Dans certains cas, il peut être utile de soutenir financièrement certaines organisations de la société civile au moyen de fonds de l'UE afin de compenser la représentation insuffisante d'intérêts importants. Un tel soutien est néanmoins contraire au principe d'auto-organisation et d'auto-financement des intérêts de la société civile et peut menacer l'indépendance de ces associations et engendrer de part et d'autre des conflits de loyauté. Il convient en tout état de cause de veiller à la transparence totale des apports financiers, de garantir l'indépendance de ces organisations et de veiller à ce qu'elles ne soient pas privilégiées dans leurs relations avec la Commission par rapport aux associations ne bénéficiant pas de telles aides.

5.2   Il conviendrait que les autres institutions de l'UE chargées de la réglementation des marchés financiers, comme la Banque centrale européenne, le Conseil européen des risques systémiques et les trois autorités européennes de surveillance financière chargées respectivement des banques, des valeurs mobilières et des assurances intègrent la position des organisations de la société civile dans leurs travaux.

5.3   Le fonctionnement des groupes de parties prenantes que la loi prévoit d'associer aux autorités de surveillance financière devrait prendre en compte le point de vue des organisations de la société civile, permettre un retour d'information auprès des organisations concernées et offrir ainsi un canal supplémentaire pour l'implication de la société civile. Ce n'est pas toujours le cas actuellement, en raison notamment des exigences excessives imposées au nom de la transparence en matière de confidentialité des documents et des discussions.

5.4   Ce n'est pas seulement en formulant des revendications politiques abstraites que l'on pourra accroître la participation de la société civile à la réglementation des marchés financiers. Il est nécessaire de savoir plus concrètement quels devraient être les acteurs appelés à s'exprimer, quand ils devraient le faire et sur quelles questions touchant aux marchés financiers.

5.4.1   En dehors des organisations de consommateurs et des syndicats, il existe également tout un ensemble d'autres groupes susceptibles d'apporter des contributions substantielles au débat sur les marchés financiers, qu'il s'agisse des organisations caritatives, des petites et moyennes entreprises, des groupements d'investisseurs institutionnels, des entreprises de l'industrie et des services qui effectuent des opérations financières d'une certaine envergure et de leurs confédérations, des intermédiaires financiers ou même des agences de notation. Des représentants d'autres secteurs de la finance que celui qui est expressément visé par la réglementation peuvent eux aussi apporter des contributions utiles.

5.4.2   Tous les thèmes ne se prêtent pas dans la même mesure à une prise de position de la part des organisations de la société civile.

5.4.2.1

Tandis que les questions relatives à la protection des consommateurs, à l'utilisation de recettes fiscales pour le sauvetage d'établissements financiers ou à la taxation du secteur financier s'avèrent particulièrement appropriées à cet égard, des problèmes techniques de détail, concernant par exemple le calcul de la solvabilité ou des questions de comptabilité, présentent moins d'intérêt.

5.4.2.2

Les organisations ne devraient toutefois pas s'occuper des réglementations seulement au moment de leur adoption, mais se pencher sur l'ensemble du dispositif réglementaire, y compris les dispositions d'application et les normes techniques, même si cela peut sembler globalement fastidieux.

5.4.2.3

Certes, le CESE n'ignore pas que la stabilité à long terme et la durabilité des marchés financiers résultent de l'interaction d'une multiplicité de dispositions pertinentes qui font dans chaque cas l'objet d'un examen individuel. Même si les associations ne peuvent pas traiter toutes les propositions présentées, la société civile doit en tout état de cause se pencher sur les thèmes qui sont déterminants pour le succès de la réglementation dans son ensemble. Et cela ne concerne pas seulement la législation relative aux consommateurs, mais aussi par exemple la réglementation prudentielle, le montant des fonds propres ou le gouvernement d'entreprise.

5.4.2.4

La difficulté tient aussi au fait que derrière des aspects d'une haute technicité apparente se dissimulent souvent des questions très politiques qui touchent directement le citoyen. C'est ainsi que la fixation du taux d'intérêt pour le calcul des provisions destinées aux systèmes privés de retraite a une incidence déterminante sur la capacité de ces systèmes à fournir des garanties durables quant au montant de la pension.

5.4.2.5

Il ne suffit pas d'exprimer des revendications générales et indifférenciées concernant un renforcement des règles. Cela n'est d'aucune utilité pour le législateur. Non seulement des propositions aussi concrètes que possible doivent être formulées, mais il faudrait aussi peser les avantages et les inconvénients d'exigences plus strictes, en tenant compte d'aspects tels que les charges supportées par les entreprises, notamment les établissements financiers de petite et moyenne importance, l'accès au crédit pour les particuliers et les entreprises, et le fonctionnement des marchés.

5.4.3   La société civile devrait dans la mesure du possible faire connaître sa position à toutes les étapes du processus de décision. Il n'est pas rare que des décisions fondamentales soient prises à un stade précoce, par exemple après de premières consultations par la Commission, ou lors de l'élaboration de projets par les autorités de surveillance financière. Pour ce faire, il faut que les associations se familiarisent avec les procédures complexes évoquées plus haut, distinctes des procédures usuelles, et en suivent le déroulement.

5.5   Le Comité économique et social européen encourage les associations européennes et nationales de la société civile à se saisir encore plus intensément que jusqu'à présent de la question de la réglementation des marchés.

5.5.1   Pour un certain nombre de ces associations, favoriser la stabilité des marchés financiers devrait selon le CESE devenir un but en soi, voire un nouvel objectif, les amenant à étendre en conséquence le champ de leurs préoccupations et de leurs activités.

5.5.2   Si l'on considère la complexité des marchés financiers, telle qu'elle a pu être décrite, et celle de la réglementation afférente, il s'impose que les associations acquièrent et développent des ressources humaines dotées de l'expertise nécessaire. Le cas échéant, il est également nécessaire qu'elles constituent de nouvelles instances, coopèrent plus étroitement avec les associations nationales et s'attachent les services de spécialistes extérieurs.

5.5.3   Le CESE salue à cet égard le lancement de l'initiative "Finance Watch" ("veille financière"), une nouvelle association créée au niveau européen dans le but de promouvoir la stabilité des marchés financiers. Ce n'est toutefois pas suffisant pour assurer une large participation de la société civile.

5.5.4   Dans ce domaine, les associations se devraient également de prendre part aux débats publics menés au niveau européen et dans les États membres et fournir ainsi une contribution politique à la réglementation des marchés financiers.

5.5.5   Le CESE juge souhaitable que les associations profitent de leur participation à la réglementation des marchés financiers pour réaliser auprès de leurs membres et du public de larges opérations de communication positive concernant l'activité fructueuse de l'UE dans ce domaine.

5.5.6   La coopération entre les associations nationales et européennes revêt une importance particulière dans ce domaine. D'une part, les niveaux réglementaires européens et nationaux sont précisément complémentaires en ce qui concerne la réglementation des marchés financiers. D'autre part, les associations nationales disposent souvent de plus de ressources que les organisations centrales européennes, ressources qu'il conviendrait, particulièrement dans ce domaine, de consacrer aux activités européennes.

5.5.7   En raison de la facilité avec laquelle le capital peut migrer d'un bout à l'autre de la planète, la réglementation des marchés financiers doit être portée à un niveau comparable dans le monde entier. Une contribution à cet égard peut émaner au premier chef des associations qui sont axées sur l'international ou qui entretiennent des contacts internationaux. Celles-ci peuvent se faire les avocats au niveau mondial d'une véritable réglementation des marchés financiers à un niveau similaire, de manière à enrayer la concurrence qui s'exerce à l'échelon international par le biais de normes aussi peu restrictives que possible. La stabilité mondiale des marchés financiers est une cause qui doit être défendue avec une intensité égale sur toutes les places financières de la planète.

5.6   En dépit des comportements fautifs à l'échelle individuelle qui lui ont été imputés, l'industrie européenne de la finance figure également parmi les acteurs pour lesquels la crise a eu des effets dommageables. Aussi est-elle invitée à apporter sa contribution à une réglementation efficace des marchés financiers.

5.6.1   Aucun secteur n'est fondé à s'imposer une attitude indue de réserve lorsqu'il s'agit de formuler des observations sur la réglementation d'autres domaines d'activité au bénéfice de la stabilité sur les marchés financiers.

5.6.2   Dans l'optique du CESE, il va de soi que la représentation des intérêts du secteur financier doit être transparente, honnête et respectueuse à l'égard de l'instance décisionnelle. Les fédérations représentatives de la branche se conforment normalement à ces attentes. Ce n'était pas toujours le cas auparavant avec les activités ponctuelles d'entreprises isolées et de leurs représentants commerciaux.

5.6.3   L'industrie financière est invitée à s'ouvrir au dialogue avec les organisations de la société civile. Compte tenu de la forte attention portée par l'opinion publique au secteur financier du fait de la crise traversée par celui-ci, il pourrait être avantageux pour les entreprises de dialoguer avec la société civile, d'échanger des arguments et d'accueillir des suggestions. Elles effectueraient ainsi un grand pas en direction de la société dans son ensemble. Si le secteur financier devait s'engager par la voie de l'autoréglementation à respecter certaines règles comportementales, la société civile devrait également être associée à l'élaboration desdites règles.

5.6.4   Dans l'intérêt d'un dialogue civil équitable et transparent, le CESE se félicite que le Parlement européen et la Commission européenne aient créé un registre commun des représentants d'intérêts et il porte une appréciation favorable sur les travaux du groupe Buzek de ce même Parlement européen. Il tient toutefois à faire observer qu'il ne faudrait pas que le renforcement des règles aboutisse à créer des freins ou des entraves pour la participation des associations. Cette mise en garde vise en particulier des aspects pratiques, tels que la simplicité d'accès aux services administratifs européens ou la participation à des réunions publiques.

5.7   Aux milieux scientifiques, aux fondations sociétales et aux laboratoires d'idées, il est demandé d'enrichir le débat sur les marchés financiers en y instillant leur capacité de jugement, leurs compétences spécialisées et leur expérience. Bien souvent, ces instances ne s'attachent pas à s'impliquer dans des travaux législatifs concrets; pourtant, elles devraient saisir cette chance de mettre leurs capacités au service de l'objectif consistant à éviter que de nouvelles crises ne se produisent.

5.8   Les médias jouent bien évidemment un rôle éminent dans la définition d'une position européenne. Ici aussi, il serait souhaitable de relayer de manière plus appuyée la position des organisations de la société civile. À cet effet, il peut être le cas échéant nécessaire de convier les associations correspondantes à participer à la définition d'un avis sur telle ou telle question, étant donné qu'aujourd'hui, seul un petit nombre de leurs représentants participent de leur propre initiative au débat public.

5.9   Le Comité économique et social européen lui-même s'emploie à renforcer la participation au débat sur les projets de réglementation des marchés financiers.

5.9.1   Le CESE continuera de suivre de près les propositions de réglementation des marchés financiers, de les commenter largement et d'émettre des avis approfondis, en attachant une importance particulière à la prise en compte du point de vue des représentants de la société civile.

5.9.2   Le Comité veillera à ce que les représentants des trois groupes participent sur un pied d'égalité aux débats et soient associés à toutes les étapes de la procédure.

5.9.3   Lors des discussions, il veillera à associer plus largement et plus directement les organisations de la société civile à la définition de sa position en organisant des auditions au sein de ses sections spécialisées et de ses groupes d'étude.

5.9.4   Dans la définition de son programme de travail, durant ses sessions plénières et les réunions de ses sections spécialisées et de ses groupes d'étude, le CESE s'emploiera à ménager un espace suffisant pour un débat nourri sur la réglementation des marchés financiers.

5.9.5   Le CESE contribuera également à ce que ses membres issus des organisations de la société civile qui sont concernées se saisissent intensément des questions touchant à la réglementation des marchés financiers et les répercutent dans leurs associations.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  La crise engendrée par les déficits publics excessifs n'est pas traitée dans le présent avis, même si l'on serait là aussi en droit de se demander pourquoi la société civile n'est pas intervenue plus tôt et plus énergiquement pour réclamer une réduction des dettes.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/10


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Croissance et dette souveraine dans l'UE: deux propositions novatrices» (avis d'initiative)

2012/C 143/03

Rapporteur: M. CEDRONE

Le 14 juillet 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

"Croissance et dette souveraine dans l'UE: deux propositions novatrices" (avis d'initiative).

La section spécialisée "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 23 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 121 voix pour, 46 voix contre et 11 abstentions.

1.   Recommandations principales

Jean Monnet: "J'ai toujours pensé que l'Europe se ferait dans les crises, et qu'elle serait la somme des solutions qu'on apporterait à ces crises".

1.1   Le CESE estime que le principal problème de l'euro est avant tout un problème politique, davantage qu'un problème économique. En effet, sa crédibilité est affaiblie car les agences de notation ont perdu confiance en la capacité des gouvernements à prendre des mesures décisives pour empêcher le défaut de paiement des États fortement touchés par la dette. Les réponses proposées récemment, telles que celle formulée par la Commission d'émettre des obligations de stabilité, sont focalisées sur le problème de la stabilité (1) davantage que sur celui de la croissance, alors même que le projet de traité sur la coordination et la gouvernance proposé par le Conseil (2) souffre d'un large "déficit démocratique", dans la mesure où il court-circuite le Parlement et les autres institutions européennes.

1.2   Le CESE estime en outre que la voie pour sortir de la crise, qui est une crise systémique de la zone euro, ne passe pas par un retour aux égoïsmes nationaux ou par la réduction des droits, mais plutôt par un changement des politiques économiques, la relance de la compétitivité, la consolidation de l'égalité, de la solidarité et de la cohésion. Cela permettrait de rétablir la confiance des citoyens envers le projet européen et la possibilité d'un redressement du modèle social européen, face aux risques que comporterait pour tous une impossibilité de résoudre la crise, qui pourrait mener à une rupture et à l'échec de l'idée même d'Europe.

1.3   De l'avis du CESE, les institutions européennes n'ont pas à répondre aux seules agences de notation – ce qui constitue une sorte de piège, même si elles décèlent parfois les faiblesses du marché. Les institutions ont le devoir de proposer à leurs propres citoyens une sortie de crise efficace, assortie dans le même temps d'un projet pour l'avenir de l'Europe qui soit en mesure de nourrir la confiance et l'optimisme, de renforcer le sentiment d'appartenance et de participation à la réalisation d'un idéal commun fondé sur le progrès social et un niveau élevé d'emploi. En particulier, les électeurs doivent comprendre que la stabilité dépend davantage de la croissance que de la seule austérité, et qu'une croissance économique solide pourrait rétablir la confiance envers la zone euro et la crédibilité de celle-ci sur les marchés financiers.

1.4   Dans cette perspective, le CESE accueille favorablement les initiatives prises par les institutions européennes en faveur d'une politique budgétaire et fiscale commune, même si les mesures adoptées jusqu'ici n'ont qu'un caractère partiel et limité. Il estime toutefois, sans préjudice de l'activation immédiate et de l'utilisation du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) puis du mécanisme européen de stabilité (MES), qu'il est nécessaire de parvenir rapidement à deux propositions concrètes et décisives pour faire face à la question de la croissance (Eurobonds) et stabiliser la dette (Union Bonds) (3). Ces propositions éviteraient à certains pays et à l'UE de devoir recourir à la seule austérité pour défendre l'euro, ce qui aggrave leurs conditions sociales, affaiblit la croissance et risque de provoquer la récession.

1.5   En particulier, pour stimuler promptement la croissance, il est indispensable de mettre en place un plan de relance économique, sociale et culturelle, une sorte de "nouveau pacte européen" comparable à ce qu'a été le New Deal aux États-Unis, afin de permettre aux États membres de profiter d'un développement solide et durable, fondé sur la compétitivité, la productivité, l'emploi, le bien-être, la prospérité et, surtout, le consensus démocratique. Cela serait également de nature à créer les conditions de la mise en place effective d'une gouvernance économique et budgétaire commune.

1.6   Différents types d'obligations ont été proposés comme des solutions possibles à la crise actuelle, parallèlement aux réformes structurelles indispensables (4) que les États membres devraient être encouragés et motivés à adopter. Or, ces propositions, y compris celles du livre vert de la Commission, présentent une faiblesse sur le plan politique, à savoir qu'elles prévoient des garanties conjointes ou des garanties solidaires de la part des États membres, ce qui les rend inacceptables pour les gouvernements des grands pays, à commencer par l'Allemagne.

1.7   Le CESE, en revanche, fait observer que les garanties et transferts de cette nature ne sont nécessaires ni pour convertir une partie des obligations nationales en obligations de l'UE, ni pour effectuer des émissions nettes d'Eurobonds. En outre, il fait valoir que le financement par l'intermédiaire d'obligations n'est pas de nature à encourager le laxisme dans la gestion des finances publiques, à condition que la conversion de la dette nationale en dette de l’Union alimente un compte de débit plutôt qu’un compte de crédit. Les émissions nettes d’obligations ne serviraient pas à financer le déficit, mais plutôt à transformer l'épargne – y compris les excédents internationaux – en investissements destinés à favoriser la cohésion et la compétitivité.

1.8   Le CESE propose par conséquent l'introduction de deux types d'obligations (bonds) de l'Union européenne, qui sont complémentaires mais distincts: les Union Bonds destinés à stabiliser la dette, et les Eurobonds destinés à stimuler la reprise et la croissance. Il recommande aussi d'utiliser une partie du flux net des Eurobonds pour financer un fonds européen de capital-risque, ce qui était l'un des objectifs originels du Fonds européen d'investissement (FEI) (5).

1.9   Union bonds - La dette nationale, convertie, même de manière graduelle, en Union bonds jusqu'à hauteur de 60 % du PIB, pourrait être détenue dans un compte de débit consolidé mais non soumis à négociations (6). Ces titres, puisque non soumis à négociations, seraient protégés contre l'activité spéculative liée aux jugements des agences de notation. Mais les transferts budgétaires ne seraient pas nécessaires pour les mettre en place. Les États membres dont la dette serait ainsi libellée en Union bonds serviraient leur quote-part de la dette convertie en obligations de l'Union. Cette conversion aurait aussi pour effet de réduire la dette de la plupart des États, qui rentreraient ainsi dans les critères de Maastricht. La situation financière de la Grèce continuerait sans doute d'être un problème spécifique, mais limité et donc gérable.

1.10   Pour atteindre ces objectifs, le pacte de stabilité et de croissance n'aurait pas besoin d'être révisé, tandis qu'il gagnerait la crédibilité qui lui fait actuellement défaut auprès des marchés et des électeurs, puisque l'objectif de stabilité pourrait être atteint sans recours à des mesures d'austérité. De plus, la conversion d'une quote-part importante (jusqu'à 60 %) de la dette des États membres en dette de l'Union pourrait se faire suivant une procédure de "coopération renforcée". Les États membres préférant conserver leurs obligations nationales seraient libres de le faire (7).

1.11   Contrairement aux Union bonds, les Eurobonds émis pour financer la reprise et la croissance seraient négociés et pourraient ainsi attirer des fonds dans l'UE. Les pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont à nouveau confirmé en septembre 2011 qu'ils souhaitaient détenir des réserves d'euros pour aider à stabiliser la zone euro. Détenir de telles réserves sous la forme d'Eurobonds plutôt qu'en obligations nationales permettrait de renforcer l'euro en tant que monnaie de réserve internationale tout en aidant les économies émergentes à réaliser leur ambition de créer un système mondial de réserves de change plus varié.

1.12   Les Eurobonds ne doivent pas intégrer la dette nationale de l'Allemagne ou de tout autre État membre, et n'ont pas besoin de garanties souveraines conjointes ou solidaires. Depuis plus de 50 ans, la Banque européenne d'investissement a émis avec succès des titres de dette souveraine, sans qu'il soit besoin de recourir à des garanties nationales. Sa réussite a été telle que son volume est aujourd'hui déjà deux fois supérieur à celui de la Banque mondiale.

1.13   L'afflux d'excédents de liquidités de pays tiers achetant des Eurobonds permettrait de rétablir la croissance, qui est le moyen le plus efficace de réduire la dette et les déficits, comme l'a prouvé l'administration Clinton au cours de son second mandat, où le budget fédéral américain a été chaque année excédentaire. Les Eurobonds pourraient contribuer à financer les investissements de la BEI, dans le cadre de laquelle le service de la dette correspondant à ces investissements est assuré par les recettes des États membres qui en bénéficient, à la place des transferts budgétaires entre États membres.

1.14   Dans le cadre de la mission de convergence et de cohésion du Groupe BEI, qui lui incombe au titre du Programme d'action spécial d'Amsterdam de 1997, une croissance financée par ces obligations et tirée par les investissements permettrait d'atteindre le niveau macroéconomique de transferts budgétaires.

1.15   La cohésion serait renforcée – Les Eurobonds permettraient de cofinancer les projets d'investissement de la BEI, que cette dernière est déjà chargée depuis 1997 de réaliser pour promouvoir la cohésion et la convergence dans les secteurs suivants: santé, éducation, rénovation urbaine, environnement, technologies vertes et soutien aux petites et moyennes entreprises et aux jeunes pousses du secteur des technologies de pointe.

1.16   La compétitivité serait améliorée, une partie des afflux de capitaux canalisés par l'émission d'Eurobonds servant à financer un fonds de capital-risque pour les petites et moyennes entreprises. Cela permettrait une Mittelstandspolitik (politique de soutien aux PME) européenne, qui était l'un des objectifs originels du Fonds européen d'investissement, désormais fusionné avec le Groupe BEI.

1.17   Si la Banque centrale européenne est la gardienne de la stabilité, le Groupe BEI peut quant à lui sauvegarder la croissance, dès lors que ses projets d'investissements sont cofinancés par des Eurobonds. Après la crise financière de 2008, il a été demandé à la BEI si elle détiendrait et émettrait des obligations en vue de stabiliser la dette. Elle a éludé la question, ce qui était compréhensible à l'époque. Mais parallèlement, le Fonds européen d'investissement avait pour mission originelle de procéder aux émissions nettes d'Eurobonds tels que proposés en 1993 par Delors dans le livre blanc de la Commission intitulé "Croissance, compétitivité, emploi". Il conviendrait que le Fonds européen d'investissement, en tant que membre du Groupe BEI et en s'appuyant sur l'expérience fructueuse d'émissions d'obligations par la BEI, procède à des émissions nettes d'Eurobonds (voir infra, les paragraphes 5.2 à 5.8 du présent avis).

1.18   Partant, les Eurobonds pourraient servir à cofinancer un plan européen pour la croissance ainsi qu'un "Pacte européen pour la croissance", qui associerait les meilleures forces de l'UE: entreprises, syndicats, associations; un pacte qui servirait de moteur pour apporter des réponses concrètes à la crise actuelle. Il s'agirait d'une sorte de "New Deal", inspiré par celui des États-Unis, à même de rétablir la croissance et l'emploi, de réduire la dette, de restaurer la confiance et l'espérance en l'avenir de l'UE, et en particulier de réduire le chômage des jeunes.

1.19   Il faudra lancer simultanément un processus qui s'attaque sans délai aux questions fondamentales de l'UE: la dimension économique et budgétaire, comme l'a fait le sommet de Bruxelles des 8 et 9 décembre 2011, en prévoyant également de renforcer la BCE, en tant que garante de la stabilité financière; la dimension sociale et la dimension politique, pour combler le déficit démocratique actuel et accélérer le processus décisionnel. En pratique, il s'agit de lever toutes les barrières (et en particulier les limites liées au processus décisionnel et à la faiblesse politique) qui ont empêché et empêchent encore l'UE d'agir rapidement et efficacement, non seulement pour soutenir l'euro, mais aussi pour éviter de mettre en danger l'existence même de l'UE et sa raison d'être, en accentuant son déclin.

2.   Préambule

2.1   L'objectif prioritaire du présent avis est donc de proposer un programme d'action applicable dès maintenant, sans nécessité de créer de nouvelles institutions ou de réviser les traités, et qui puisse jeter les bases d'une gestion commune de la dette de la zone euro. En reconnaissant la nécessité de réduire les niveaux insupportables des dettes nationales, cet avis vient compléter d'autres avis déjà élaborés par le CESE, ou en cours d'élaboration, qui ont trait à la problématique de la croissance, de la politique industrielle et financière, de la productivité et de la compétitivité.

2.2   Après 2007-2008, l'on espérait que le pire était passé. Les mesures prises pour mettre un terme à cette crise ont eu un coût sévère pour les citoyens européens et provoqué une hausse de la dette publique. Mais deux ans après, alors même que la dette nationale a augmenté sur le court terme en raison du sauvetage des banques, ce n'est plus la dette privée mais la dette publique qui a été incriminée.

2.3   L'attaque portée aux pays jugés les plus vulnérables a montré toute la fragilité de la zone euro, alors que sa dette nationale cumulée, même si elle doit être réduite et maîtrisée, est inférieure à la dette américaine. Les mesures adoptées, bien qu'elles aient été mises en place tardivement, représentent un grand pas en avant, qui est toutefois insuffisant, étant donné qu'il s'agit d'une crise systémique, qui ne dépend donc pas de la dette de tel ou tel pays.

2.4   Cela a clairement mis en évidence un problème essentiel qui se pose pour la survie de la zone euro et du projet européen lui-même, à savoir: "Qui dicte les lois et qui a le dernier mot?" En effet, la société civile européenne a déjà clairement compris que ce ne sont plus les gouvernements élus qui ont le contrôle de la situation, mais des entités non élues qui se sont substituées à eux. Ainsi, il existe un risque non seulement pour la légitimité des gouvernements nationaux, mais aussi pour la survie du processus démocratique au niveau européen.

2.5   Jusqu'en 2008, l'euro n'avait pas ressenti de turbulences monétaires, et s'était apprécié par rapport au dollar, en devenant la deuxième monnaie de réserve mondiale. Une des raisons expliquant ce revirement de situation et les attaques spéculatives qui ont touché l’euro est que, jusqu'à la crise grecque, les agences de notation partaient du principe que l'Union ne laisserait jamais un État membre faire faillite. Or, comme aucune solution rapide n'est apparue face à la crise grecque, les spreads des nouvelles obligations ont monté en flèche. C'est le manque de volonté politique et l'incapacité, pendant deux ans, à s'accorder sur une solution pour résoudre la crise de la dette souveraine en Europe qui a encouragé les agences de notation à dégrader la note de la dette de toute une série d'États membres de la zone euro, cette dégradation touchant désormais autant les pays centraux que la périphérie de la zone.

2.6   Sans perdre de vue la nécessité d'assainir la dette (progressivement, pour éviter que le malade "coupable" ne meure guéri), l'UE doit agir avec une forte détermination. En effet, les États, et pas seulement les plus endettés, tétanisés par la nécessité de ne pas aggraver leurs comptes publics et épuisés par une croissance lente, sont inertes, de même que l'UE, ou du moins lents à prendre des décisions. De leur côté, les marchés obligataires n'ont pas été non plus rassurés par la réponse politique apportée - à savoir la rigueur, l'austérité et les coupes budgétaires -, qui risque de ralentir la croissance ou de la rendre négative.

2.7   Un aspect de la réponse à apporter est d'en finir avec l'idée que les excédents d'un pays correspondent aux déficits d'un autre. Il faut également en finir avec "l'hypothèse de l'éviction financière" ("crowding out") et, parallèlement, avec cette conception erronée que faire des coupes dans les investissements et les dépenses publics va fatalement "créer de l'activité" ("crowding in") pour les investissements et dépenses du secteur privé. Un autre phénomène n'a pas été suffisamment pris en considération, à savoir que, lorsque des programmes d'austérité menés dans de petits États membres de l'UE ont par le passé provoqué une reprise économique, cela était dû dans certains cas au fait que l'UE dans son ensemble connaissait une hausse de la demande d'exportations, et dans plusieurs cas au fait que ces mesures s'accompagnaient d'une dévaluation de la monnaie nationale, ce qui est hors de question aujourd'hui pour les États de la zone euro.

2.8   L'UE a besoin de regagner la confiance de la population européenne envers la monnaie unique, en lui montrant qu'elle représente un avantage mutuel. À cette fin, il faut mettre en place un programme d'action économique, mais aussi social et culturel, ainsi qu'un "nouveau pacte européen", sur le modèle du "New Deal" américain, dont la réussite a encouragé le Président Truman à avaliser le Plan Marshall. Ce dernier a non seulement favorisé la reconstruction dans l'après-guerre, mais a aussi permis à tous les pays européens de connaître un développement dans la durée, fondé sur la compétitivité, la productivité, l'emploi, le bien-être social, la prospérité, et surtout, le consensus (participation et partenariat social).

2.9   Une telle perspective, associant stabilité et croissance, ferait naître le consensus politique nécessaire pour mettre en place de nouveaux instruments communs de gouvernance économique et budgétaire. Il est parfaitement irrationnel d'avoir une monnaie unique et 17 politiques distinctes de gestion de la dette. Or, une politique budgétaire reposant sur l’austérité ne peut suffire à redresser la situation. Ce qu'il faut, ce sont à la fois des stratégies de gestion de la dette cohérentes et des instruments financiers communs, capables de financer la croissance européenne au moment où les niveaux excessifs de la dette nationale seront réduits.

2.10   La réponse de l'UE à la crise ne peut se résumer aux mots "rigueur, austérité, coupes budgétaires, sacrifices, etc." indépendamment des conséquences. Sans parler des problèmes d'évaluation et de la distinction entre "pays vertueux" et "mauvais élèves", qui bien souvent fait peu de cas de la vérité et des responsabilités réelles. Une telle approche fait naître des ressentiments, des égoïsmes, de la rancœur et de l'amertume, y compris sur le plan culturel, ce qui dégénère en rivalités mesquines, voire en un populisme dangereux pour l'Europe. En amont, il y a une erreur de diagnostic, une vision moralisatrice de la crise qui dissuade les pays dits "vertueux" d'aider les autres.

2.11   Le binôme austérité-croissance est un dilemme que l'UE doit dépasser, avec l'assentiment de ses citoyens, en agissant sur un double plan, simultanément, comme indiqué dans les deux paragraphes suivants.

2.12   D'une part, il convient de formuler une nouvelle proposition, plus élaborée, sur la dette souveraine, qui consisterait à prévoir, sur la base d'une solidarité mutuelle et conformément aux principes du traité, la réduction des niveaux d'endettement et le maintien de la responsabilité des États membres, en décourageant les attaques spéculatives. La défense de l'euro, qui est avant toute une question politique, serait bénéfique pour tous les pays, notamment les plus riches, et permettrait de sortir de cette situation paradoxale où le rêve originel d'une monnaie unique est devenu un cauchemar pour les citoyens européens.

2.13   La deuxième proposition doit viser à regagner la confiance des populations européennes. À cette fin, il faut mettre en place un programme d’action économique, sociale et culturelle, capable de concrétiser les ambitions du programme européen de relance économique 2020, en prévoyant les moyens financiers nécessaires. Il faut de plus une grande idée, une sorte de "Nouveau pacte européen", par exemple sur le modèle du "New Deal" américain. Il est bien connu que le plan Marshall lui-même a non seulement favorisé la reconstruction dans l'après-guerre, mais a aussi permis à tous les pays européens de connaître un développement dans la durée, fondé sur la compétitivité, la productivité, l'emploi, le bien-être social, la prospérité, et surtout, le consensus (participation et partenariat social).

2.14   L'UE doit donc tout mettre en œuvre pour répondre d'une seule voix aux interrogations des marchés, lesquels ont montré leur limite ultime en agissant hors de toute règle et de tout contrôle. Or, cela ne nécessite pas l'adhésion unanime de tous les États membres à l'idée de créer de nouveaux instruments financiers. Il est possible en la matière de recourir au principe de la coopération renforcée. Plutôt que de réduire la zone euro à un "noyau dur" de pays qui pourraient en subir un préjudice, il conviendrait de permettre aux pays soumis à des attaques spéculatives de transférer une quote-part importante de leur dette nationale vers un compte de débit de l'UE, à l'avantage de tous les États membres.

3.   Union bonds destinés à stabiliser la dette nationale

3.1   En Europe, la dette souveraine ne peut plus se définir comme telle. Les limites et les erreurs tant des États membres que de l'UE, doublées de l'absence d'un cadre efficace pour la supervision et la surveillance des institutions financières, ont facilité le comportement prédateur à l’encontre des monnaies nationales (8). La mauvaise gestion des finances publiques aidant, la souveraineté de certains États membres vulnérables s'est détériorée.

3.2   Le CESE estime qu'il est indispensable d'assurer une discipline des comptes publics dans certains pays, y compris par des réformes structurelles équitables et communes. À long terme, il est possible d’envisager une union budgétaire dotée d’un ministre de l’économie et du Trésor de la zone euro. Il semble parfaitement contradictoire d'avoir une politique monétaire (et budgétaire) unique et 17 politiques distinctes de gestion de la dette. Mais dans l'immédiat, il convient de prendre des mesures rapides pour endiguer les phénomènes spéculatifs, et assurer une gestion commune des budgets des États membres sous le contrôle de l'UE.

3.3   Il faudrait également accorder une importance politique plus élevée au fait que, si certains États membres sont profondément endettés, l'Union elle-même a une dette quasi nulle. Jusque mai 2010, avec le début des rachats de dettes nationales, elle n'avait aucune dette. Même après ces opérations de rachat de dettes et de sauvetage des banques, la dette de l'Union représente à peine plus d'1 % de son PIB. C'est moins d'un dixième du rapport dette/PIB que présentaient les États-Unis dans les années 1930, quand l'administration Roosevelt commença à transformer l'épargne en investissements au moyen de l'expansion des bons du Trésor américain (9). Contrairement aux États-Unis de cette époque, l'UE a l'avantage de bénéficier des expériences du passé en matière d'obligations.

3.4   C'est l'Union qui pourra restaurer la souveraineté, en permettant aux gouvernements, et non plus aux marchés financiers, d'exercer la gouvernance; il est possible d'appuyer ce mouvement en renforçant la surveillance et l'évaluation de la responsabilité des acteurs des marchés financiers, et notamment des agences de notation de crédit. Cela peut toutefois se faire sans opérations de rachat de la dette ou de garanties souveraines conjointes ou de transferts budgétaires. À titre d'exemple, lorsqu'elle a financé le New Deal, l'administration Roosevelt n'a pas racheté la dette des États membres de l'Union américaine et ne leur a pas demandé de garantir les bons du Trésor américain ni exigé de transferts budgétaires de leur part. Les États-Unis d'Amérique financent leurs bons du Trésor avec les taxes fédérales, alors que l'Europe n'a pas de politique budgétaire commune. Toutefois, les États membres peuvent financer leur quote-part des obligations nationales convertie en Union bonds, sans nécessité de transferts budgétaires entre eux.

3.5   Le plan européen pour la relance économique (PERE) a été évincé au profit d'une stratégie d'austérité adoptée pour répondre aux marchés financiers. Les électorats ignorent complètement pour la plupart que l'Union est engagée dans ce plan, mais sont bien conscients en revanche qu'on leur demande des sacrifices pour sauver les banques et les fonds de pension. Le grand public ignore généralement qu'il existe un plan européen pour la relance économique.

3.6   La conversion d'une partie de la dette nationale en dette de l'Union pourrait s'effectuer également sur la base d'une coopération renforcée entre des États membres de premier plan, dont l'Allemagne, lesquels conserveraient leurs propres obligations. Selon le traité de Lisbonne, une coopération renforcée s'effectue entre une minorité d'États membres. Toutefois, l'introduction même de l'euro a de facto consisté en une coopération renforcée entre une majorité d'États. L'Institut Bruegel a proposé la création d'une nouvelle institution qui détiendrait les obligations provenant de la conversion des dettes souveraines nationales en dette de l'Union (10). Toutefois, il n'est pas nécessaire de créer une nouvelle instance.

3.7   La partie de la dette nationale convertie en Union bonds pourrait être détenue par le FESF (puis par le MES) sur un compte spécial de conversion, sans faire l'objet de négociations (11). Cela permettrait aux obligations converties d'être à l'abri de la spéculation. Les investisseurs conserveraient leurs actifs jusqu'à l'échéance des obligations à leur taux d'intérêt en vigueur. Cela permettrait aussi d'éviter l'aléa moral, puisque les obligations détenues dans un compte de débit ne pourraient pas être utilisées pour la création de crédit net. Le risque de défaut de paiement de certains États membres serait ainsi considérablement réduit, au bénéfice tant des gouvernements que des détenteurs d'obligations.

4.   Eurobonds destinés à rétablir la reprise et la croissance durable

4.1   Les évolutions récentes ont mis en évidence la nécessité pour l'Union de parvenir à une gouvernance économique et sociale commune pour parachever l'unité créée par la monnaie unique, afin de mieux répondre aux déséquilibres macroéconomiques croissants. Toutefois, jusqu'à présent, la Commission et le Conseil ne se sont préoccupés que de la stabilité, en éludant la nécessité de faire redémarrer la croissance.

4.2   Cette approche fait abstraction de deux aspects: d'abord, le fait de prolonger les mesures d'austérité dans le temps a une dimension sociale et des implications internationales, les économies émergentes ayant besoin d'une demande européenne soutenue pour pouvoir exporter; ensuite, le fait de financer la reprise de la croissance n’exige pas nécessairement des transferts budgétaires entre États membres, mais plutôt un "recyclage" des excédents des économies émergentes.

4.3   Par exemple, un des arguments adoptés avec force dans diverses propositions publiées dans la presse, en écho à la proposition de l'Institut Bruegel et à celle présentée antérieurement à Jacques Delors, en 1993, en matière d'Union bonds, est que procéder à des émissions nettes d'Eurobonds permettrait d'attirer des excédents des banques centrales de pays émergents ainsi que des fonds souverains, en produisant un effet multiplicateur.

4.4   Ces rentrées financières sous forme d'Eurobonds pourraient permettre de concrétiser l'engagement pris depuis 2008 par les États membres et le Parlement européen en faveur d'un plan européen pour la relance économique. L'introduction des obligations en bourse se ferait par étapes, mais l'afflux cumulé d'une part des excédents des banques centrales des économies émergentes et des fonds souverains, lesquels représentent près de 3 000 milliards de dollars américains, serait substantiel.

4.5   Ces rentrées pourraient égaler voire dépasser les ressources propres de la Commission, sans qu'il soit besoin des transferts budgétaires auxquels l'Allemagne et d'autres États membres s'opposent. Elles permettraient aussi de cofinancer les investissements du Groupe BEI dans les secteurs relevant de la politique de cohésion, à savoir la santé, l'éducation, la rénovation urbaine et l'environnement.

4.6   Depuis que la BEI s'est vu confier la mission relative aux objectifs de cohésion et de convergence, dans le cadre du "Programme d'action spécial d'Amsterdam" de 1997, elle a réussi à quadrupler le volume des prêts qu'elle a octroyés pour financer des investissements. Un nouveau quadruplement des investissements de la BEI serait équivalent au Plan Marshall d'après-guerre (12). Toutefois, contrairement au Plan Marshall et aux Fonds structurels, son mode de financement ne serait pas fondé sur des subventions, mais sur la conversion de l'épargne en investissements. Grâce aux multiplicateurs économiques, ces investissements créeraient une demande soutenue dans le secteur privé, ainsi que des emplois. Cela permettrait de rétablir la confiance des marchés et du grand public quant à la possibilité de remplacer les mesures d'austérité par une hausse du niveau de vie et de bien-être. La croissance et le niveau élevé d'emploi généreraient à leur tour des rentrées budgétaires directes et indirectes contribuant à réduire la dette et les déficits.

5.   Contexte juridique et institutionnel de la proposition

5.1   Les Union bonds et le Fonds européen de stabilité financière.

5.1.1

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) pourrait détenir la part de dette nationale convertie en Union bonds sur un compte spécial de conversion. Cela serait conforme à sa mission de stabilisation. Il pourrait le faire, même s'il doit être remplacé en juillet 2012 par le mécanisme européen de stabilité (MES). C'est alors le MES qui prendrait en charge la dette convertie.

5.1.2

Le principe suivant lequel la dette convertie en Union bonds ne serait pas négociée sur les marchés aurait permis de protéger le FESF contre la dégradation par les agences financières et les marchés obligataires. Le fait que les obligations soient détenues sur un compte de débit est de nature à rassurer l'Allemagne et les autres États membres quant à l'impossibilité d'utiliser les obligations nationales converties en Union bonds pour créer du crédit.

5.2   Le rôle du FEI et les Eurobonds

5.2.1

La BCE n'a pas besoin de participer à l'émission nette d'obligations. Il était prévu à l'origine que l'émission d'obligations de l'Union européenne devrait être assuré par le Fonds européen d'investissement, qui a été institué en 1994 et fait partie du Groupe BEI depuis 2000. Le premier rôle défini pour le FEI était d'émettre des obligations communes en contrepartie de la monnaie commune. Sa mission secondaire était de soutenir financièrement les petites et moyennes entreprises et les jeunes entreprises de haute technologie à développement rapide. De fait, c'est cette mission qui a été son unique rôle depuis 1994 (13).

5.2.2

Le projet originel de FEI reconnaissait qu'une monnaie unique empêcherait les États membres de pouvoir utiliser la dévaluation comme moyen d'ajuster la balance des paiements, et que le pouvoir politique n'était pas favorable aux transferts budgétaires à l'échelle recommandée par le rapport MacDougall (14). Toutefois, en s'appuyant sur le précédent du New Deal, il reconnaissait aussi que des obligations européennes pourraient financer les politiques structurelles, sociales et régionales, comme c'était l'intention du rapport Spaak sur le marché commun, en 1956 (15). C'était également conforme aux objectifs du rapport MacDougall sur l'emploi structurel et conjoncturel et les politiques régionales destinées à réduire les disparités interrégionales en matière de capital et de productivité.

5.3   La conception du FEI concernant le fonds de capital-risque

5.3.1

La recommandation de 1993 établissant que le FEI devrait soutenir les PME n'envisageait pas seulement les garanties de capital ou les prêts aux PME, mais aussi la création d'un Fonds européen de capital-risque doté d'un budget de jusqu'à 60 milliards d'ECU et la mission spécifique de financer la création d'entreprises de haute technologie.

5.3.2

Financé par des obligations de l'UE, ce fonds aurait réalisé des investissements sur plusieurs années, mais aurait présenté des possibilités macroéconomiques. Une saine gestion du fonds, en coopération avec les agences nationales de crédit et les agences de développement régional ayant une connaissance des PME locales, devait garantir la possibilité de financer les obligations par les rendements des capitaux propres des PME, quand la réussite de ces entreprises le permettait.

5.3.3

L'objectif était de compenser le manque de capital-risque privé en Europe, par rapport aux États-Unis, de réduire la dépendance des PME vis-à-vis de prêts à taux fixe qui pénalisait les entreprises nouvellement créées avant qu'elles aient un bon accès au marché, et ainsi de renforcer l'innovation et la compétitivité microéconomiques, avec des retombées positives sur le plan social et macroéconomique.

5.3.4

Au moment de sa création en 1994, le FEI a vu son rôle de capital-risque négligé au profit de son rôle de garantie d'emprunts, le résultat étant qu'il n'avait garanti qu'un milliard d'ECU pour les PME lorsqu'il est entré dans le Groupe BEI en 2000. Il n'a retrouvé sa vocation initiale d'instrument microéconomique destiné à avoir des effets macroéconomiques que lors du Conseil Ecofin de septembre 2008 à Nice, lequel a prévu des aides aux PME à hauteur de 30 milliards d'euros, toutefois sous la forme de prêts et non de capitaux propres.

5.3.5

Il convient de réenvisager la possibilité pour le FEI d'avoir un rôle de financement du capital-risque plutôt qu'un rôle exclusif de prêteur, dans le cadre des émissions nettes d'Eurobonds destinées à compléter la conversion d'une partie de la dette nationale en dette de l'Union.

5.4   La BEI

5.4.1

La BEI a toujours émis ses propres obligations et a exprimé une nette préférence pour le maintien de leur identité, distincte de celle des obligations de l'UE. Cela est justifié. D'abord, la BEI émet ses propres obligations principalement pour le financement de projets, spécificité qu'elle souhaite préserver. Deuxièmement, le fait de servir les Eurobonds était supposé nécessiter des transferts budgétaires, alors que la BEI sert sa propre dette par les revenus du financement de projets. Troisièmement, les transferts budgétaires pourraient nécessiter une augmentation des ressources propres de la Commission, ce qui est improbable. La BEI craint par ailleurs une dégradation de sa propre note de crédit, si elle devait participer à la stabilisation de la dette.

5.5   Les rôles complémentaires de la BEI et du FEI

5.5.1

Toutefois, ces réserves n'ont pas lieu d'être s'agissant de l'émission nette d'Eurobonds par le Fonds européen d'investissement. Bien qu'ils fassent partie du même groupe, la BEI et le FEI sont des institutions distinctes. Partant, les Eurobonds du FEI seraient distincts des obligations émises par la BEI et des Union bonds destinés à stabiliser la dette, détenus par le FESF.

5.5.2

Les émissions d'Eurobonds par le FEI pourraient venir compléter les obligations émises par la BEI dans le cadre du financement de projets conjoints. Le service des obligations serait effectué par les recettes tirées de projets d'investissement plutôt que par des transferts budgétaires. La BEI garderait le contrôle, en soumettant les projets à son approbation et à sa gestion, et conserverait ainsi la maîtrise totale de la gestion des projets.

5.5.3

Si elle a besoin de l'engagement de partenaires locaux, ce qui est important pour elle, la BEI pourrait l'obtenir par une coopération en gestion de projets avec des institutions nationales de crédit comme la Caisse des Dépôts et Consignations, la Cassa Depositi e Prestiti et le Kreditanstalt für Wiederaufbau.

5.6   Gestion des obligations du FEI

5.6.1

Pour gérer la question du marché ouvert des obligations, ce qui était son objectif initial, le FEI aurait besoin d'un nouveau plan d'entreprise. Il aurait besoin à cette fin d'une équipe dotée d'une grande compétence professionnelle, qu'il pourrait recruter auprès de la BEI et en concertation avec des agences nationales de gestion de la dette. Comme l'émission d'Eurobonds se ferait par paliers, il pourrait également construire son équipe au fil du temps.

5.6.2

Le Conseil Ecofin est l'organe de gouvernance du Groupe BEI. Pour décider de l'émission des Eurobonds par le FEI, il ne requiert pas forcément de révision du traité, pas davantage qu'au moment de la création du FEI en 1994.

5.7   Les critères pour lancer un plan européen de relance économique ne doivent pas être fixés par le Conseil Ecofin ou via une proposition de la Commission. Depuis le Programme d'action spécial d'Amsterdam et les Conseils européens de Luxembourg (1997) et de Lisbonne (2000), la BEI s'est vu attribuer des missions de cohésion et de convergence, pour investir dans la santé, l'éducation, la rénovation urbaine, la technologie verte, le soutien financier aux petites et moyennes entreprises et les jeunes entreprises de nouvelle technologie à développement

5.8   Depuis, 1997, la BEI a réussi à quadrupler ses financements annuels d'investissement, les faisant passer à l'équivalent des deux tiers des ressources propres de la Commission. Un nouveau quadruplement de ces financements d'ici à 2020, au moyen d'un cofinancement provenant de l'achat d'Eurobonds par les banques centrales et les fonds souverains d'économies excédentaires permettrait de concrétiser le plan européen pour la relance économique. C'est d'autant plus vrai qu'il est prouvé que les multiplicateurs d'investissements atteignent un facteur de trois, et sont donc potentiellement deux à trois fois plus puissants que les multiplicateurs budgétaires (16).

Bruxelles, le 23 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Commission européenne, Livre vert sur la faisabilité de l'introduction d'obligations de stabilité, COM (2011) 818 fin, 23 novembre 2011.

(2)  Conseil de l'Union européenne, projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire, 10 janvier 2012.

(3)  Il convient de noter que la définition d'"Eurobonds" adoptée dans le présent avis ne correspond pas exactement à celle qui apparaît dans d'autres sources. Le livre vert de la Commission européenne analyse la faisabilité de l'introduction d'"obligations de stabilité", concept assimilable à celui des Union Bonds décrits dans le présent avis, à cette différence près que ce type d'obligations exigerait des garanties conjointes ou solidaires. D'autres propositions, par exemple celle de Lorenzo Bini Smaghi, utilisent le terme d'Eurobonds avec cette même idée de restauration de la stabilité, alors qu'il est question, dans le présent avis, d'émissions nettes d'obligations destinées à rétablir et à soutenir la croissance économique. Voir aussi: Von Weizäcker, J. et Delpla, J. (2010). The Blue Bond Proposal, Institut Bruegel, document politique 2010:3. Schmidt, C. M et al, (2011). Proposal for a European Redemption Pact, 9 novembre.

(4)  À commencer par l'achèvement du marché unique, comme le suggère le rapport Monti.

(5)  Holland, Stuart (1993). The European Imperative: Economic and Social Cohesion in the 1990s ("Un impératif européen: la cohésion économique et sociale dans les années 1990"). Préface de Jacques Delors. Nottingham: Spokesman Press

(6)  Les détenteurs privés de titres bénéficieraient ainsi d'avantages considérables concernant le risque de faillite car les titres nationaux seraient convertis à parité avec les Union bonds, au taux d'intérêt préexistant.

(7)  Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre des compétences non exclusives de l'Union peuvent recourir aux institutions de celle-ci et exercer ces compétences en appliquant les dispositions appropriées des traités, dans les limites et selon les modalités prévues à l'article 20 du traité sur l'Union européenne, ainsi qu'aux articles 326 à 334 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l'Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d'intégration. Elles sont ouvertes à tout moment à tous les États membres, conformément à l'article 328 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu'il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l'Union dans son ensemble, et à condition qu'au moins neuf États membres y participent. Les actes adoptés dans le cadre d'une coopération renforcée ne lient que les États membres participants. Ils ne sont pas considérés comme un acquis devant être accepté par les États candidats à l'adhésion à l'Union (article 20 TUE). Tous les membres du Conseil peuvent participer aux délibérations concernant une coopération renforcée, mais seuls les membres du Conseil représentant les États membres participant à cette coopération prennent part au vote (article 330 TFUE).

(8)  Voir l'avis du CESE sur la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1060/2009 sur les agences de notation de crédit", JO C 54 du 19.2.2011, p. 37.

(9)  Les États-Unis ne choisirent de faire marcher la planche à billets qu'au deuxième mandat de Roosevelt. Mais le principal moteur de la reprise, après la Grande Dépression, sous les deux administrations Roosevelt, fut l'émission d'obligations pour financer les investissements sociaux et environnementaux - démarche dont l'Europe pourrait désormais s'inspirer pour relancer son économie.

(10)  Von Weizäcker, J. et Delpla, J. (2010), The Blue Bond Proposal, Institut Bruegel, document politique 2010:3.

(11)  Les détenteurs privés de titres non négociables sur le marché pourraient vendre ceux-ci au MES, le cas échéant, à la valeur nominale, jusqu'à ce qu'ils atteignent le plafond fixé.

(12)  Un sondage d'opinion fut réalisé au milieu des années 1950 auprès de 2 000 personnes en France, en Norvège, au Danemark, aux Pays-Bas, en Autriche et en Italie. Dans tous ces pays, 80 % des gens connaissaient le Programme européen de reconstruction et entre 25 et 40 % d'entre eux en comprenaient le fonctionnement.

(13)  Stuart Holland (1993), The European Imperative: Economic and Social Cohesion in the 1990s ("Un impératif européen: la cohésion économique et sociale dans les années 1990"). Op. Cit..

(14)  De 5 % à 7 % du PIB – Commission européenne (1977). Rapport du groupe d'étude sur le rôle des finances publiques dans l'intégration européenne.

(15)  Comité intergouvernemental sur l'intégration européenne (1956), "Rapport sur le marché commun général" (Rapport Spaak).

(16)  J. Creel, P. Monperrus-Veroni & F. Saraceno (2007), Has the Golden Rule of public finance made a difference in the United Kingdom? ("La règle d'or sur les finances publiques a-t-elle eu des effets au Royaume-Uni?"), Observatoire Français des Conjonctures Économiques, Working Papers 2007-13.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/17


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Pour une perspective citoyenne et humaniste de la politique du marché intérieur» (avis d'initiative)

2012/C 143/04

Rapporteur: Jorge Pegado LIZ

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

"Pour une perspective citoyenne et humaniste de la politique du marché intérieur".

La section spécialisée "Marché unique, production et consommation", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 118 voix pour, 3 voix contre et 8 abstentions.

"Les arguments en faveur de l'Europe sont en constante évolution. L'Europe est un concept qui doit être adapté à l'évolution de la conjoncture politique et économique"

(Durão Barroso, Expresso, 19.11.2011)

1.   Introduction

1.1   Vingt années s'étant écoulées depuis la date à laquelle, selon Jacques Delors, le grand marché intérieur, sans barrières ni obstacles d'aucune sorte, aurait dû être achevé, le temps est désormais venu pour la société civile organisée, représentée au sein du CESE, de se poser la question, pertinente s'il en est, de savoir où l'on en est et vers où l'on se dirige.

1.2   Entamer aujourd'hui une réflexion sur le marché intérieur implique néanmoins de repenser le modèle du projet européen dans son ensemble. Nous avons tout lieu de nous demander, comme l'a fait le Commissaire Barnier dans un discours bien structuré prononcé récemment à l'Université Humboldt, si l'Europe, telle que certains l'idéalisaient, s'engageant activement dans sa construction tandis que d'autres s'employaient à la détruire petit à petit au fil de ces soixante dernières années, existera encore comme modèle de liberté, phare culturel, paladin de la paix, apologue de la fraternité des peuples et héraut de l'égalité entre les personnes, et ce dans un monde sans discriminations ni barrières à l'horizon 2050.

1.3   La question se pose avec d'autant plus d'acuité que nous vivons actuellement une période particulièrement perturbée, l'Europe étant aux prises avec une crise persistante de nature systémique et pas uniquement conjoncturelle ni économique et financière mais également de valeurs sociales et culturelles, crise dont la plupart des personnes concernées représentées au CESE n'entrevoient pas vraiment l'issue.

1.4   Nous sommes confrontés à une crise de l'emploi. La situation est telle que l'Europe n'est plus en mesure de garantir un emploi à ses citoyens. La seule manière de sortir de cette situation difficile est de créer de la croissance et le principal moyen d'y parvenir doit être la pleine réalisation du marché intérieur.

1.5   La société civile organisée s'interroge légitimement sur la capacité du modèle institutionnel actuel de l'UE, tel qu'établi par le traité de Lisbonne, à gérer la crise; doute que le modèle économique et financier soit capable d'assurer une autorégulation efficace et appropriée, envisage avec perplexité l'absence de mesures régulatrices cohérentes et efficaces et la prolifération de décisions isolées et contradictoires; se demande comment atteindre un contrôle plus efficace et strict du système financier, compte tenu des effondrements successifs des bourses, avec pour conséquence des dommages sociaux et économiques; craint que les symptômes profonds de la crise, face à la menace imminente de récession mondiale, ne soient le signe de la dislocation du modèle européen tel qu'il existe actuellement. La société civile organisée appelle par conséquent ses dirigeants actuels à avoir l'ambition et la vision nécessaires au renouveau du modèle économique et social européen, un modèle qui soit respectueux des valeurs et des principes consacrés dans le traité.

1.6   Pour cette raison, il est très positif que, parallèlement à l'élaboration du présent avis, le comité consultatif de l'AELE ait éprouvé la nécessité d'élaborer un avis sur le même thème et qu'il ait été possible de procéder à une concertation des points de vue lors d'une réunion conjointe à Oslo (1).

2.   Marché intérieur: qu'est-ce que c'est et quelle est sa raison d'être?

2.1   L'idée d'un "marché commun" était déjà inscrite dans le texte initial en tant qu'instrument majeur d'un "développement harmonieux des activités économiques", d'une expansion économique continue et équilibrée, d'une stabilité accrue, d'un relèvement accéléré du niveau de vie et de l'établissement de relations plus étroites entres les États (article 2). Dès l'origine, le marché intérieur n'a pas été conçu comme une politique isolée ou une simple zone de libre-échange, comme l'AELE, mais plutôt comme une partie d'une stratégie d'ensemble.

2.2   Ainsi étaient dessinés les contours de ce qui était appelé à devenir la politique du marché intérieur, considérée à juste titre par certains comme le "joyau de la couronne" de la politique européenne, qui devait être "progressivement établi au cours d'une période de transition de douze années" (article 8), au plus tard quinze ans après l'entrée en vigueur du traité.

2.3   Malgré les instruments prévus pour sa réalisation, les réalités politiques, économiques et sociales se sont superposées aux idéaux de 1957 et force est de constater, quinze années s'étant écoulées depuis lors, que nous sommes encore bien loin d'avoir atteint les objectifs qui auraient dû conduire à l'instauration effective d'un "marché commun".

2.4   Le Livre blanc sur l'achèvement du marché intérieur de 1985 fixait des objectifs bien précis pour atteindre ce but à l'horizon de 1992. Dans le même temps, la nécessité s'est fait sentir d'apporter des modifications au traité de Rome afin de faciliter la réalisation des objectifs politiques inscrits dans le livre blanc. C'est ainsi qu'est né l'Acte Unique Européen (2) qui a introduit d'importants changements dans la partie relative au marché intérieur parmi lesquels il faut distinguer les suivants:

a)

la règle de la majorité qualifiée au lieu de l'unanimité pour l'adoption des mesures relatives au rapprochement des législations en vue de la réalisation du marché intérieur (articles 8 A et 100 A);

b)

la première référence à un niveau de protection élevé pour ce qui est des mesures ayant trait à la santé, à la sécurité et à la protection des consommateurs (article 100 A, paragraphe 3);

c)

l'adoption, généralisée, du principe de reconnaissance mutuelle, inspiré de la jurisprudence bien connue de l'arrêt "Cassis de Dijon" de la Cour de justice (article 100 B);

d)

un appel clair à la cohésion économique et sociale en tant qu'objectif essentiel à prendre en considération dans la réalisation du marché intérieur (articles 130 A et B).

2.5   Mais ce n'est qu'en 1992, avec le traité de Maastricht qui a institué l'Union européenne (3), que les nouvelles dispositions relatives à la réalisation du marché intérieur ont réellement pris corps, à un moment où il était déjà plus qu'évident que le calendrier 1992 établi pour son achèvement serait loin de pouvoir être respecté (4).

2.6   L'on a assisté au contraire à une recrudescence des obstacles législatifs et non législatifs dans la plupart des États membres, conjuguée à une politique libérale permissive de la part de la Commission, qui a contribué dans la pratique à la stagnation du processus de réalisation du marché intérieur dans certains domaines particulièrement importants, notamment celui des services.

2.7   En effet, nombre des initiatives menées à bien en matière de réalisation du marché intérieur se sont traduites par une simple accumulation de mesures éparses et peu coordonnées d'harmonisation législative, non intégrées dans une politique d'ensemble. Les États membres ont contrecarré ces initiatives en adoptant des politiques nationales restreignant la libre-concurrence, en octroyant des aides d'État illégales, en établissant de nouvelles restrictions quantitatives ou équivalentes et en tournant systématiquement le dos au progrès dans des domaines essentiels tels que l'intégration industrielle, la fiscalité ou la gouvernance économique.

2.8   Même des initiatives apparemment menées à bon port, comme l'adoption des "Règles Schengen", l'introduction de l'euro et, plus récemment, la communautarisation d'un espace de justice et de liberté et l'intégration de la charte européenne des droits fondamentaux de l'UE dans la version finale du traité de Lisbonne, autant d'avancées dont on s'est félicité, ont eu non seulement un impact limité en raison de la non-adhésion ou des réserves de certains États membres, mais également une portée et une application restreintes, quand elles n'étaient pas ouvertement enfreintes. De plus, elles n'ont pas été assorties de mesures complémentaires, pourtant essentielles, telles que celles relevant d'une vraie politique financière européenne. Tout cela est à l'origine de l'incapacité de l'Europe à faire face à la crise actuelle, qui l'a conduite au "bord du gouffre", comme devait le dire Jacques Delors lors de son interview du 18 août 2001 dans les journaux Le Soir et Le Temps.

2.9   Il y a longtemps que le CESE attire l'attention sur la nécessité de changer clairement de paradigme pour en choisir un qui privilégie la qualité de la réalisation du marché intérieur, intègre une prise en compte essentielle des intérêts réels et des droits fondamentaux des citoyens en général et des consommateurs et des travailleurs en particulier, et qui concilie les aspects sociaux et les aspects économiques selon une vision humaniste, par opposition à l'approche purement économiste suivie jusqu'à présent, qui est la cause des limites, des réticences, des hésitations et du déficit de confiance actuels (5).

2.10   Lorsqu'à l'aube de son second mandat, l'actuel président de la Commission a dévoilé sa nouvelle vision du marché intérieur pour le XXIème siècle (6), dans le sillage d'ailleurs d'une communication que la Commission avait présentée antérieurement sur "Un projet pour les citoyens - produire des résultats pour l’Europe" (7), c'est tout naturellement que l'on a cru qu'elle prônait un changement de cap fondamental dans son orientation politique concernant le marché unique au bénéfice des citoyens et des consommateurs. En effet, considérant déjà ce marché non comme une politique isolée mais plutôt comme une partie d'une stratégie globale préfigurant la stratégie Europe 2020 qui lui a succédé, la Commission annonçait à titre d'objectifs majeurs du marché intérieur l'amélioration de la confiance des consommateurs, la promotion de l'intégration économique et de la cohésion sociale et le développement d'une société de la connaissance dans une Europe durable, et ce dans un contexte de mondialisation. Une meilleure réglementation dans le cadre d'un environnement législatif assaini et simplifié (8) apparaissait de plus en plus comme un instrument essentiel de cette approche.

2.11   Pour consolider cette nouvelle orientation, la Commission a commandé une étude à l'ancien Commissaire Mario Monti, qui a été présentée en mai 2010 (9); dans le même temps, le Conseil avait demandé à un "groupe de réflexion" composé de personnalités de renom et présidé par l'ancien premier ministre espagnol, Felipe Gonzalez, et dont faisait également partie Mario Monti, d'élaborer un rapport sur les perspectives de l'Europe à l'horizon 2030 (10). Le Parlement européen a, à son tour, présenté en mai 2010 le rapport Grech, qui était à la base de sa résolution du 20 mai sur "Un marché unique au service des consommateurs et des citoyens" (11).

2.12   Pour l'essentiel, tous ces documents importants attirent l'attention sur la nécessité d'un changement fondamental du paradigme à partir duquel il faut définir et mettre en œuvre la politique relative à la réalisation du marché intérieur, le modèle actuel étant considéré comme dépassé, et soulignent que les résultats obtenus, même s'ils sont conséquents dans certains domaines, sont généralement mal connus, insuffisants et décevants à divers titres pour une Europe confrontée à des défis inattendus et de sombres perspectives.

2.13   Ces observations et ces conclusions sont d'ailleurs largement étayées par les "tableaux d'affichage" périodiques qui se succèdent (12), par les analyses des sondages de l'Eurobaromètre détaillées et réalisées régulièrement sur les points de vue et expériences des citoyens et des entreprises concernant le marché intérieur dans les États membres, par d'autres tableaux d'affichage relatifs aux consommateurs dans le marché intérieur (13), de même que par les rapports annuels de la Commission sur l'application du droit communautaire en général (14) et de l'acquis communautaire en matière de droit de la consommation en particulier (15), lesquels, pour autant qu'on les interprète correctement, les analyse rigoureusement et les appréhende avec un sens critique, confirment totalement les préoccupations et les doutes émis dans ces documents.

2.14   Cependant, alors que l'on attendait de la Commission un réel changement d'orientation politique en matière de marché unique, qui refléterait toutes ces conclusions et qui dessinerait les contours du marché unique du XXIe siècle, de manière vraiment nouvelle et différente, tenant compte du contexte de crise financière actuel et correspondant aux attentes créées par toute une série de déclarations faites par les plus hauts responsables politiques, c'est avec une certaine déception que l'on a constaté qu'en dépit des nombreux mérites qui lui ont été reconnus, le document sur les "Priorités pour une économie sociale de marché hautement compétitive", n'était qu'une énumération de cinquante mesures éparses, sans ligne stratégique définie (16) et dont les faiblesses et les insuffisances furent bien mises en évidence dans la résolution du PE du 6 avril 2011 (17).

2.15   Ces lacunes n'ont pas été comblées par la communication plus récente de la Commission sur une sélection de douze "leviers", car on ne voit pas le fil conducteur de l'orientation politique de base pour la réalisation du marché intérieur qui aurait été à l'origine du choix tactique de ces douze "leviers" de préférence à d'autres, parmi ceux que le CESE lui-même avait énumérés par exemple dans son avis (18).

2.16   Plusieurs interventions publiques récentes, notamment du Président de la Commission et du commissaire Barnier, de même que le programme de la Commission présenté entre-temps (19), semblent cependant confirmer l'intention de procéder à un changement effectif de paradigme pour l'achèvement du marché intérieur. La déclaration de Cracovie (20) et du comité européen d'orientation du laboratoire d'idées Notre Europe vont également dans ce sens.

3.   Un nouveau paradigme pour l'achèvement du marché intérieur

3.1   Il importe de réaffirmer que dans le cadre des politiques de l'UE, et conformément aux principes fondamentaux consacrés aujourd'hui dans le traité de Lisbonne, l'achèvement du marché intérieur n'est pas une fin en soi mais un moyen, un instrument au service de la réalisation de toute une série d'objectifs politiques dans différents domaines (21).

3.2   Il est important également de réaffirmer que ces objectifs sont simultanément et sur un pied d'égalité, de nature économique, sociale et environnementale et que tous ont pour but ultime le bien-être des peuples et la promotion des valeurs de dignité humaine, d'égalité, de liberté, de solidarité, de démocratie, d'État de droit et de respect des droits de l'homme (articles 2 et 3 du TUE) (22).

3.3   C'est par conséquent à la lumière de ces principes, de ces valeurs et de ces objectifs qu'il faut envisager les mesures de réalisation du marché intérieur, dont les finalités ont aujourd'hui, juridiquement parlant, une portée bien plus large qu'en 1957.

3.4   Le marché intérieur, clairement conçu à l'origine comme le pilier économique d'une Europe à caractère fédéral, doit aujourd'hui être repensé à la lumière de l'évolution de ces trente dernières années et des réalités d'aujourd'hui. Il est patent que le contexte actuel tend à faire de plus en plus ressembler le marché intérieur à une simple zone de libre-échange, comme le fut avant lui l'AELE, le marché intérieur s'envisageant non plus comme le prolongement naturel d'un projet politique de nature supranationale mais comme le plus petit dénominateur commun des intérêts nationaux des États européens.

3.5   Il est dès lors nécessaire de réaffirmer vigoureusement l'idée que le marché intérieur doit être fédérateur de ces intérêts nationaux dans un système institutionnel pleinement intégré de gouvernance économique et financière, dont il importe de redéfinir et de concrétiser le modèle rapidement.

3.6   Il faut par conséquent avant tout avoir une vision réaliste des limites du marché intérieur lui-même et ne pas prétendre vouloir en faire ce qu'il n'est pas possible d'en faire et ce qu'il ne faut pas en faire, en imposant par la force des mesures souvent inutiles et injustifiées, qui ne font que compliquer le fonctionnement des entreprises et en particulier des PME (23), dont les professions libérales font elles aussi partie, ou encore des mesures d'harmonisation complète qui n'ont pas lieu d'être, alors que d'autres démarches, visant par exemple à garantir la qualité, seraient plus indiquées, comme dans le cas par exemple de certains aspects des droits des consommateurs. À cet égard, le principe ou credo de "La force dans la diversité" devrait à nouveau jouer un rôle central dans la politique européenne du marché intérieur, au même titre que les questions d'harmonisation.

3.7   Il est indispensable de poursuivre, de manière résolue et sans transiger ni faire de concessions, le programme "mieux légiférer", dans lequel le CESE s'est toujours activement engagé (24) non seulement en vue de produire des textes techniquement cohérents et d'éliminer les routines bureaucratiques, inutiles et dommageables mais essentiellement afin d'adopter une approche volontariste de l'élaboration législative et des pratiques administratives, avec la participation effective de la société civile et des opérateurs économiques concernés à tous les stades de leur conception et de leur définition, en particulier en mettant davantage l'accent sur les études d'impact "ex ante", en utilisant plus systématiquement le règlement au lieu de la directive en tant qu'instrument d'uniformisation législative lorsqu'il est recommandé d'y procéder et en osant expérimenter des instruments nouveaux et plus appropriés que l'outillage législatif actuel, par exemple, l'option des régimes optionnels, lorsque cela est dûment justifié (25). Dans le même esprit, il convient de trouver le courage de renoncer complètement à des tentatives européennes qui manquent d'efficacité et n'apportent pas les avantages escomptés.

3.8   Il importe également de revoir, de simplifier et de codifier l'acquis communautaire et les formalités administratives  (26), de supprimer avec une précision chirurgicale tout ce qui s'avère inutile, injustifié, contreproductif voire dommageable (27). Mais cela doit être fait avec le soin nécessaire car en l'absence de coordination, des aspects de la réglementation qui sont essentiels dans des domaines importants risqueraient d'être abandonnés.

3.9   "Réglementer sans étrangler" doit être le leitmotiv. Il importe dans cette optique non seulement d'être innovant et créatif mais également de reprendre les propositions du premier rapport d'experts indépendants sur la simplification législative et administrative, lesquelles n'ont pour la plupart pas été concrétisées alors qu'elles gardent toute leur actualité et méritent d'être effectivement mises en œuvre (28).

3.10   La normalisation ou la standardisation joue un rôle important dans le modèle de la "nouvelle approche", si on l'applique non seulement aux produits mais également aux services (29). À cet égard, il convient toutefois d'analyser avec précision la nécessité, l'efficacité et l'incidence des mesures prises, de sorte que la normalisation des services s'accompagne d'une différenciation entre les services qui soit pertinente pour le marché intérieur.

3.11   Il faudra également donner un nouveau souffle et une grande amplitude au système d'information du marché intérieur (IMI), en élargissant sa portée et en améliorant le fonctionnement de la coopération administrative, en accord avec les suggestions et les recommandations que le CESE a eu l'occasion de formuler à plusieurs occasions (30). De même, il convient de reconcevoir le réseau SOLVIT en lui donnant un nouveau cadre et des moyens appropriés.

3.12   Il sera également important de repenser les grands principes directeurs de la construction du marché intérieur, notamment la reconnaissance mutuelle (31), la subsidiarité (32), la proportionnalité (33) et la précaution (ce dernier principe est limité aujourd'hui à des domaines spécifiques comme la sécurité alimentaire, mais devra être érigé en principe général), en leur dessinant de nouveaux contours et en établissant de nouvelles modalités pour les appliquer, plus proches des intérêts réels des citoyens.

3.13   Il faut établir des priorités de manière rigoureuse. Il ne s'agit pas toutefois de sélectionner, plus ou moins arbitrairement, quelques mesures emblématiques mais plutôt de procéder selon des critères bien définis inspirés d'une orientation politique claire, laquelle fait toujours défaut pour l'Europe, et qui accorde la priorité absolue aux personnes.

3.14   Le secteur des services en général  (34) et des services financiers de détail en particulier  (35) doit figurer au premier rang de ces priorités car c'est à ce niveau que les lacunes dans l'achèvement du marché intérieur sont le plus marquées alors que c'est là précisément qu'il faut être plus innovant, en ce qui concerne non seulement les mesures mais également les instruments à utiliser. En particulier, le CESE plaide auprès de la Commission européenne pour qu'elle suive la mise en œuvre de la directive "Services", seul instrument législatif jusqu'à présent synonyme d'une ouverture de la libre prestation transfrontalière de services, et fasse rapport de façon régulière et ouverte sur ce processus.

3.15   La concrétisation dans la pratique d'un marché intérieur du commerce électronique transfrontalier mérite une attention particulière, en raison des avantages socio-économiques qu'il représente pour les consommateurs européens, en général, et les résidents de zones moins accessibles ou les personnes souffrant de handicaps à des degrés divers, en particulier. Un tel marché bénéficierait également aux entreprises de l'UE, notamment aux PME, en permettant de résoudre toute une série de problèmes et de questions qui ont déjà été inventoriés et pour lesquels l'on n'a, jusqu'à présent, pas prévu d'instruments ni de mécanismes, lesquels sont pourtant indispensables pour gagner la confiance des consommateurs et garantir leur protection de même que pour créer un climat favorable aux entreprises et aux professionnels (36).

3.16   Cela est particulièrement vrai pour les questions relatives à la fragmentation du marché, à la disparité des normes applicables, à l'incertitude quant au respect de la vie privée et de la confidentialité des données, à la sécurité des transactions, à la protection juridique en cas de conflit, à l'existence de services illégaux en ligne, à la piraterie et à la cybercriminalité, autant d'aspects qui réclament une approche transversale de la part des différentes DG de la Commission, qui permettrait de définir un cadre juridique cohérent pour un vrai marché numérique.

3.17   Il est un domaine auquel il faut consacrer un effort supplémentaire et dans lequel malheureusement l'UE n'a pas obtenu de résultats convaincants: celui de l'application effective du droit communautaire, seul moyen pourtant de garantir effectivement le respect de la loi et l'efficacité de la réglementation (37) et qui ne doit pas se limiter au cadre étroit d'une simple "coopération administrative" (38). Pour les citoyens européens, la reconnaissance, sans ambiguïté et sans atermoiements, du droit à intenter une action collective au niveau européen revêt une importance capitale à cet égard car c'est le seul moyen, en dernier recours, d'établir comme il se doit les responsabilités en cas d'infraction à la législation de l'Union européenne et partant, d'encourager le respect volontaire de celle-ci (39).

3.18   Mais le plus important sera cependant de définir les paramètres d'un marché unique qui accorde une place centrale à l'homme et au citoyen. Cette tâche ne devra pas être confiée à un quelconque groupe d'illuminés plus ou moins éclairés mais être réalisée sur la base d'une contribution directe des citoyens et de la société civile en prenant bien la mesure de ses craintes et de ses revendications mais également de ses frustrations et de ses désillusions.

3.19   Une action est urgente, il importe néanmoins qu'elle ne soit ni désorganisée ni simplement impulsive, raison pour laquelle le CESE suggère d'ouvrir une période de réflexion, vingt ans après l'échéance de 1992. À titre de contribution, il souhaiterait indiquer quelques-uns des paramètres qui lui paraissent essentiels dans le cadre de cet exercice.

3.19.1

En premier lieu, il faut entamer une réflexion sur la nécessité d'une politique relative au marché intérieur qui soit clairement dictée par les principes fondamentaux des objectifs essentiels de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en particulier ceux qui sont inscrits aux titres IV et V de ladite charte, avec un accent particulier sur le renforcement de la dimension sociale et des droits des consommateurs (40).

3.19.2

Par ailleurs, il faut également réfléchir à la manière d'articuler les politiques sectorielles autour d'un objectif stratégique commun en englobant les politiques économiques, industrielles, commerciales, des transports, de l'énergie, de l'environnement, des consommateurs et de la concurrence dans un cadre juridique global qui stimule l'intégration et renforce la confiance des partenaires sociaux et sociétaux (consommateurs, familles, travailleurs, entreprises, ONG, etc.), ce qui impliquerait de réévaluer et de relancer la stratégie Europe 2020.

3.19.3

S'impose également une réflexion sur les moyens de renforcer et de garantir la liberté de circulation et la mobilité des citoyens, en général, et celle des salariés, ou des travailleurs indépendants et des professions libérales des professeurs et des étudiants, en particulier, en garantissant que leurs droits sociaux (sécurité sociale, protection juridique, assurance accidents et maladie, retraite, etc.) soient respectés dans toutes les circonstances, sans discrimination, et en revoyant le système de reconnaissance des qualifications professionnelles et des diplômes. À cet égard, de grandes exigences de qualité en matière de sécurité et de santé des consommateurs au sein de l'UE doivent constituer la règle.

3.19.4

En vue de promouvoir l'inclusion sociale et l'emploi, il y a également lieu de réfléchir à une ouverture effective des marchés du travail à tous les citoyens européens, en mettant un terme, après un examen soigneux, à toutes les restrictions et discriminations injustifiées.

3.19.5

Un aspect qui mérite un examen particulier est celui de la définition, qui se fait toujours attendre, d'un cadre juridique approprié pour les entreprises de l'économie sociale en général, et pour les fondations, les mutuelles et les associations européennes, en particulier.

3.19.6

De même, il est urgent de se pencher sur la définition d'un cadre juridique clair pour les services d'intérêt général et, en particulier, les services sociaux, en établissant des critères de qualité pour les services publics essentiels et en clarifiant les règles applicables aux marchés publics, à la concurrence et aux aides d'État (41).

3.20   Enfin, il faut consacrer des ressources et des efforts communs en faveur d'une politique de communication effective du marché unique dans le cadre plus vaste d'une politique de communication cohérente et intégrée sur l'Europe, qui associe les citoyens et prenne dûment en considération l'opinion publique et les médias sociaux européens de manière à diffuser des informations fiables auprès des citoyens européens et en particulier des consommateurs, dans le respect de la vérité et en recourant à un usage innovant de la technologie numérique (42).

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Voir Conclusions communes du comité consultatif de l'AELE et de l'OMU: http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.smo-observatory-smo-spotlight&itemCode=21343.

(2)  JO L 169 du 29.6.1987.

(3)  JO C 191 du 29.7.1992, dans ce qui serait considéré comme un écho du projet Spinelli, dans une tentative de mettre d'accord aussi bien les fédéralistes que leurs opposants.

(4)  Communication de la Commission sur «le fonctionnement du marché intérieur après 1992 - suivi du rapport Sutherland» (SEC (92) 2277 du 2.12.1992) et avis du CESE (JO C 201 du 26.7.1993, p.59), dont les conclusions restent d'actualité et méritent une grande attention.

(5)  Cf., entre autres, en raison de leur importance, les avis du CESE: JO C 39 du 12.2.1996, p. 70, JO C 225 du 14.10.2005, p. 22, JO C 204 du 9.8.2008, p. 1, JO C 347 du 18.12.2010, p. 8, JO C 44 du 11.2.2011, p. 68, et rapport d'information sur l'impact du Traité de Lisbonne sur le fonctionnement du marché unique.

(6)  Communication "Un marché intérieur pour les citoyens", COM(2007) 60 final du 21.2 2007.

(7)  COM(2006) 211 final du 10 mai 2006.

(8)  JO C 77 du 31.3.2009, p. 15.

(9)  "Une nouvelle stratégie pour le marché intérieur au service de l'économie et de la société européenne"

(10)  "Projet pour l'Europe à l'horizon 2030 – les défis à relever et les opportunités à saisir" également publié en mai 2010.

(11)  Résolution du PE A7-0132/2010.

(12)  SEC(2011) 372 final du 21.3.2011.

(13)  SEC(2011) 299 final du 4.3.2011, largement confirmé d'ailleurs par le rapport de l'Eurobaromètre sur "E-Communications Household Survey" de juillet 2011.

(14)  COM(2010) 538 final du 1.10.2010.

(15)  JO C 18 du 19.1.2011, p. 100.

(16)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 47.

(17)  Doc A7-0072/2011, sur la base du rapport de la Commission IMCO sur "Un marché unique pour les européens" (2010/2278 (INI). PE 456.691v02-00 du 24.3.2011), rapporteur, Correia de Campos.

(18)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 99.

(19)  COM (2011) 777 final du 15.11.2011.

(20)  Déclaration adoptée après la tenue, dont l'on se félicite, du Forum du marché unique les 3 et 4 octobre 2011.

(21)  JO C 93 de 27.4.2007, p. 25.

(22)  JO C 182 du 4.8.2009, p. 1.

(23)  JO C 376 du 22.12.2011, p.51.

(24)  JO C 24 du 31.1.2006, p. 39, JO C 175 du 27.7.2007, p. 21, JO C 48 du 15.2.2011, p. 107.

(25)  JO C 24 du 31.1.2006, p. 52, JO C 175 du 28.7.2009, p. 26, JO C 21 du 21.1.2011, p. 26.

(26)  Reprenant l'orientation que la Commission elle-même a défini dans sa communication "Mettre à jour et simplifier l'acquis communautaire" (COM(2003) 71 final du 11.2.2003), à laquelle le CESE a souscrit sans réserve (JO C 112 du 30.4.2004, p. 4), et qu'elle semble avoir oubliée.

(27)  Cf. les avis JO C 14 du 16.1.2001, p. 1, JO C 125 du 27.5.2002, p. 105, JO C 133 du 6.6.2003, p. 5, JO C 309 du 16.12.2006, p. 18, JO C 10 de 15.1.2008, p. 8.

(28)  COM(95) 288 final du 21.6.1995.

(29)  Cf. JO C 120 du 16.5.2008, p. 1; JO C 376 du 22.12.2011, p. 69 et JO C 68 du 6.3.2012, p. 35.

(30)  Cf. JO C 43 du 15.2.2012, p14, et les avis antérieurs qui y sont cités.

(31)  Reprenant notamment les rapports de la Commission sur l'application du principe de reconnaissance mutuelle, dont l'élaboration a été engagée suite à la communication de la Commission du 16.6.1999 (COM(99) 299 final), mais qui a par la suite été abandonnée. Cf. avis JO C 116 du 20.4.2001, p. 14.

(32)  Se reportant au rapport Molitor antérieur afin d'éviter l'accusation infondée de "faire un pas en avant et deux en arrière" (Cf. Alexis Feral, "Le principe de subsidiarité, progrès ou statu quo après le Traité d’Amsterdam?", dans Rev. du marché unique européen, I, 1998, p. 95), en raison de la maladresse avec laquelle la Commission a procédé à son application, en le transformant en un vrai "défi du changement" tel que l'a rêvé Jacques Delors.

(33)  Il faudra tenir compte dans le cadre de ce travail des différents avis du CESE sur les rapports annuels successifs que la Commission a élaborés, conformément à l'article 9o du Protocole relatif à l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

(34)  Cf. les avis JO C 221 du 8.9.2005, p. 113, JO C 175 du 27.7.2007, p. 14, JO C 318 du 29.10.2011, p. 109.

(35)  Cf. les avis JO C 56 du 24.2.1997, p. 76, JO C 95 du 30.3.1998, p. 72, JO C 209 du 22.7.1999, p. 35, JO C 157 du 28.6.2005, p. 1, JO C 302 du 7.12.2004, p. 12, JO C 221 du 8.9.2005, p. 126, JO C 65 du 17.3.2006, p. 113, JO C 65 du 17.3.2006, p. 134, JO C 309 du 16.12.2006, p. 26, JO C 318 du 23.12.2006, p. 51, JO C 115 du 16.5.2006, p. 61, JO C 100 du 30.4.2009, p. 84, JO C 27 du 3.2.2009, p. 18, JO C 100 du 30.4.2009, p. 22, JO C 228 du 22.9.2009, p. 62, JO C 228 du 22.9.2009, p. 66, JO C 218 du 11.9.2009, p. 30, JO C 318, du 29.10.2011, p. 133.

(36)  Malgré la communication de la Commission du 22.10 2009 sur "Le commerce électronique transfrontalier entre entreprises et consommateurs dans l’Union européenne" (COM(2009) 557 final).

(37)  Cf. les avis JO C 317 du 23.12.2009, p. 67, JO C 18 du 19.1.2011, p. 95.

(38)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 103.

(39)  À juste titre, le CESE a été considéré comme le paladin de la défense des actions de groupes, auxquelles il a consacré plusieurs avis parmi lesquels il faut citer les suivants: CESE: JO C 309 du 16.12.2006, p. 1, JO C 324 du 30.12.2006, p. 1, JO C 162 du 25.6.2008, p. 1, JO C 228 du 22.9.2009, p. 40, JO C 128 du 18.5.2010, p. 97.

(40)  Il faudra ici prendre en considération les constatations auxquelles l'on est parvenu dans le "rapport de la Commission concernant les progrès réalisés sur la voie de l'exercice effectif de la citoyenneté de l'Union pendant la période 2007-2010” (COM(2010) 602 final du 27/10/2010) et le "rapport 2010 sur la citoyenneté de l’Union - Lever les obstacles à l’exercice des droits des citoyens de l’Union" (COM(2010) 603 final du 27/10/2010), produit au même moment.

(41)  Cf. l'avis du CESE, JO C 161 du 13.7.2007, p. 80.

(42)  Cf. l'avis exploratoire du CESE JO C 27 du 3.2.2009, p.152, et l'avis d'initiative JO C 44 du 11.2.2011, p. 62.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/23


Avis du Comité économique et social européen sur les «Conséquences sociales de la nouvelle législation en matière de gouvernance économique» (avis d'initiative)

2012/C 143/05

Rapporteure: Mme BISCHOFF

Le 14 juillet 2011, conformément aux dispositions de l’article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d’élaborer un avis d’initiative sur le thème:

"Conséquences sociales de la nouvelle législation en matière de gouvernance économique" (avis d’initiative).

La section spécialisée "Emploi, affaires sociales, citoyenneté", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 25 janvier 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 232 voix pour, 8 voix contre et 9 abstentions:

1.   Conclusions et recommandations

1.1   L'Europe doit parler d'une seule voix, agir avec plus de rapidité et moins de timidité, et appliquer les recettes adéquates pour contrer de manière convaincante la plus grave crise du secteur financier, de l'économie et de confiance depuis la création de l'Union européenne.

1.2   Le CESE salue l'approche adoptée par les gouvernements, qui s'efforcent de corriger les tares congénitales de la zone euro et de lancer les éléments d'une nouvelle architecture permettant une gouvernance économique européenne. Il s'agit là d'une nécessité, car les instruments et procédures appliqués jusqu'à présent n'ont pas atteint leur objectif de réduire l'endettement et les déséquilibres macroéconomiques. Toutefois, cette nouvelle architecture de la gouvernance économique européenne doit préserver les droits démocratiques des États membres et de leurs parlements librement élus, au même titre que l'autonomie des partenaires sociaux et leur liberté de conclure des négociations collectives.

1.3   Si la gouvernance économique européenne (GEE) se concentre sur la politique économique, elle affectera principalement les structures sociales, en contraignant les États à procéder à certaines réformes sous la menace de sanctions (semi-) automatiques. Le Comité préconise un assainissement intelligent et durable des finances publiques qui garantisse les investissements sociaux nécessaires, afin d'éviter les asymétries sociales.

1.4   Certaines des mesures d'austérité d'ores et déjà mises en œuvre ou prévues exerceront un impact négatif, par exemple sur les citoyens et les entreprises, lorsqu'on opère des coupes sombres dans les allocations de services sociaux ou les mesures en faveur du marché de l'emploi dispensées aux groupes vulnérables et que l'on réduit l'infrastructure sociale nécessaire, comme par exemple les soins à l'enfance ou encore la formation, ce qui aura des répercussions négatives sur l'accès aux services et la qualité de ces derniers, portant ainsi gravement atteinte à la qualité de vie de ces groupes vulnérables.

1.5   Le CESE relève les conflits intrinsèques entre les objectifs de la stratégie Europe 2020 et ceux de la gouvernance économique européenne. La mise en œuvre du semestre européen et du "six-pack" ne doivent pas saper les objectifs tels que la réduction de la pauvreté dans le cadre de la stratégie Europe 2020, par exemple. Il convient en conséquence de vérifier si chacune des mesures n'augmente pas la pauvreté.

1.6   Le CESE affirme qu'il est impératif d'évaluer les conséquences sociales de la nouvelle législation en matière de gouvernance économique et demande en particulier:

1)

d'adopter un "pacte d'investissement social";

2)

d'associer largement et en temps utile les organisations représentatives de la société civile, en particulier les partenaires sociaux en raison de leur fonctions et compétences spécifiques, à l'ensemble des mesures;

3)

de convoquer une convention en vue de définir une stratégie axée sur le progrès social dans le cadre des modifications du traité restant en suspens;

4)

d'assurer un "plan de sauvetage social" par le biais d’une "gouvernance sociale" équivalente;

5)

de garantir et de promouvoir la liberté des partenaires sociaux de conclure des négociations collectives;

6)

d'exploiter de nouvelles sources de recettes en vue d'assainir les budgets publics;

7)

d'accroître l'efficacité et la pertinence de la dépense publique et de lutter davantage encore contre l'évasion fiscale.

2.   Une nouvelle architecture pour surmonter la crise

2.1   Le traité de Lisbonne a renforcé la dimension sociale de l’Europe, a inscrit dans le marbre l’objectif d’une économie sociale de marché, et a rendu les droits sociaux fondamentaux juridiquement contraignants et obligatoires les analyses d’impact social pour l’ensemble des projets et des initiatives de l’Union européenne (UE). Le Comité économique et social européen insiste depuis longtemps sur l’idée qu’une économie sociale de marché doit associer compétitivité et justice sociale. La dynamique économique et le progrès social ne sont pas antinomiques mais sont étroitement liés (1).

2.2   Le CESE se réjouit qu’avec sa nouvelle stratégie Europe 2020, l’Union se soit accordée sur la nécessité de développer une croissance intelligente, durable et inclusive.

2.3   L’Union européenne subit actuellement la crise la plus sérieuse depuis sa création. Les turbulences financières se sont aggravées dans de nombreux pays jusqu’à engendrer une crise profonde des principes fondamentaux de l’économie, de la politique sociale et de l’endettement. Les institutions européennes sont par ailleurs confrontées à la paralysie et à un déficit de confiance. L’Europe doit parler d’une seule voix, agir avec plus de rapidité et moins de timidité, et appliquer les recettes adéquates.

2.3.1   Tandis que les programmes d’économies et les plans de sauvetage attirent tous les regards, les mesures indispensables pour améliorer la "gouvernance économique" et pour augmenter la croissance demeurent fragmentaires et peu transparentes, et le débat sur les avantages et les inconvénients d’une intégration approfondie reste au point mort.

2.3.2   Des voix s'élèvent de plus en plus fréquemment quant à la possible évolution de cette crise de confiance en une crise de la démocratie, craignant, notamment, l'effet de sanctions à cet égard. Le CESE souligne que les parlements nationaux élus au suffrage universel direct doivent déterminer librement les budgets et la composition des gouvernements dans le cadre de leurs compétences et de leurs responsabilités.

2.3.3   Le CESE a déjà souligné dans plusieurs avis d’initiative que la crise actuelle revêtait désormais la forme d’un test de résistance particulier pour l’Europe. La politique d'austérité provoque des troubles sociaux dans de nombreux pays et alimente les sentiments anti-européens ou nationalistes.

2.4   La réaction politique de l’Union et des gouvernements nationaux face à la crise dite de la dette, engendrée notamment par la déréglementation massive des marchés financiers dans le sillage de la crise financière de ces dernières années, a consisté à mener des programmes d’économies à marche forcée dans le but de rassurer les marchés financiers. Le Comité s'est déjà félicité, à plusieurs reprises, qu'en dépit des oppositions farouches à ce projet, la Commission européenne ait présenté des propositions relatives à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières et d'obligations de stabilité (2).

2.5   Dans le même temps, des initiatives ont été lancées pour essayer de corriger certaines des tares congénitales de la zone euro et avancer vers une nouvelle architecture permettant une gouvernance économique européenne (GEE). L’objectif consistera, à l’avenir, à mieux coordonner la politique économique, à observer et à contrôler les budgets de manière plus stricte et à accroître la compétitivité (3). Le Parlement européen a approuvé à l’automne 2011 cinq règlements et une directive (le "six-pack") destinés à réformer la gouvernance économique européenne.

2.5.1   Le projet de gouvernance économique contenu dans le "six-pack" repose sur trois piliers:

le renforcement du pacte de stabilité et de croissance actuel. La procédure de déficit excessif (PDE) prévoit des règles complémentaires et bien plus strictes sur la réduction de la dette et des déficits publics. Elle enjoint aux États membres de ramener le niveau actuel de la dette au plafond de 60 % fixé par le traité de Maastricht au cours des vingt prochaines années, indépendamment du cycle conjoncturel. Cette mesure a un caractère procyclique, potentiellement préjudiciable à la croissance et à l'emploi;

la mise en place d’une "procédure concernant les déséquilibres excessifs": il s’agit d’un processus politique totalement nouveau, devant être conduit au niveau européen, dont l’objectif est de repérer et de corriger les déséquilibres macro-économiques susceptibles de menacer la stabilité de la monnaie unique;

l’application effective du pacte de stabilité et de la procédure concernant les déséquilibres excessifs, assortie de sanctions véritablement dissuasives. En effet, si des recommandations visant à rationaliser les décisions politiques nationales ont été formulées par l’Europe depuis la signature du traité de Maastricht, la nouveauté consiste ici à accompagner ces recommandations de sanctions quasi "automatiques" à l’encontre des pays membres de la zone euro qui ne s’y conformeraient pas, grâce à l’introduction du vote à la "majorité inversée", une pratique à tout le moins discutable, dans la mesure où il s'agit d'une procédure entièrement nouvelle, qui n'est pas couverte par le traité jusqu'à présent. Concrètement, la proposition de la Commission de sanctionner à hauteur de 0,1 ou 0,2 % de son PIB annuel un État membre qui n’a pas suivi ses recommandations est adoptée, à moins qu’une majorité qualifiée au Conseil des ministres des Finances n’en décide autrement dans un délai de dix jours. En rendant les sanctions bien plus systématiques, cette mesure force les États membres à mieux tenir compte des recommandations politiques formulées au niveau européen.

2.5.2   Le 23 novembre 2011, la Commission européenne a ajouté deux nouveaux règlements au "six-pack": le premier vise à renforcer la surveillance des États membres qui connaissent de graves difficultés quant à leur stabilité financière, le second s'attache à suivre et à corriger les projets de plans budgétaires des États membres. Le premier élargira, renforcera et approfondira les recommandations politiques par pays destinées aux États soumis à un programme d'ajustement macroéconomique. En cas de non respect de ce dernier, le règlement prévoit une suspension du versement des aides au titre des Fonds structurels et du Fonds social européen. Le second texte renforce la compétence de la Commission européenne en matière de supervision des procédures budgétaires nationales, imposant aux États membres de mettre en place des règles concernant l'ampleur des déficits budgétaires. Ces deux règlements auraient pour effets d'accroître la pression exercée par les autres États membres et de renforcer une procyclicité intrinsèque aux conséquences notoires.

2.5.3   Le dispositif dit du "semestre européen", qui s’étale sur les six premiers mois de l’année, a pour objectif d’éviter les orientations contradictoires dans les politiques budgétaires des États membres et d’effectuer un suivi de la mise en œuvre des objectifs de la stratégie Europe 2020. Cette procédure vise à s’assurer que les grands objectifs européens seront effectivement intégrés en temps utile à la planification budgétaire nationale, en amont du vote des parlements nationaux concernant l’exercice budgétaire à venir. La GEE se concentre avant tout sur les politiques économiques, mais elle affectera surtout les dispositifs sociaux, en forçant les États membres à réformer ces outils face à la menace de sanctions (semi-) automatiques.

3.   Les conséquences sociales de la nouvelle législation

3.1   En cette quatrième année de crise économique et financière, les perspectives pour l’emploi et l’activité en Europe continuent de se détériorer. Comme le montrent les derniers chiffres (4), l’Union compte 23 millions de personnes sans emploi et le taux de chômage s’élevait, en septembre 2011, à 9,7 % dans l’UE à 27 et à 10,2 % dans la zone euro, en hausse en glissement annuel. Entre 2008 et 2011, le taux de chômage des jeunes a augmenté de 15,5 % à 21,4 % et le taux d'inactivité de 55,6 % à 56,9 %. En Grèce et en Espagne, presqu'un jeune sur deux est sans emploi (5). Ceci représente un total de plus de 5 millions de jeunes chômeurs qui ne suivent aucun enseignement ni aucune formation. L'amélioration de la situation (+ 1,5 million d'emplois) enregistrée à la mi-2011 n'a pas permis de compenser les pertes massives subies pendant la crise. Les hausses des niveaux d'emploi ont été principalement dues à l'augmentation des contrats temporaires et des emplois à temps partiel.

3.2   Par ailleurs, les perspectives de croissance économique ont été considérablement revues à la baisse et, dans les prévisions d’automne pour 2011-2013 qu’elle a récemment publiées, la Commission reconnaît que "la relance de l’économie européenne s’est interrompue" et qu’aucune amélioration des mauvais chiffres du chômage ne s’annonce à l’horizon (6).

3.3   La crise bancaire mondiale de 2007-2009 a naturellement conduit à la situation actuelle d’une crise de la dette souveraine, les pouvoirs publics ayant injecté des ressources considérables dans le sauvetage des banques et dans les garanties d’État pour maintenir le système monétaire à flot. L’endettement moyen a progressé en conséquence, passant de 60 à 80 % du PIB, ce qui réduit fortement la marge de manœuvre des stabilisateurs automatiques et des autres politiques contracycliques. Cela signifie que ce sont le marché du travail et les politiques sociales qui paieront le plus lourd tribut au processus de résolution. Les différentes initiatives européennes ont toutes pour point commun d’utiliser les salaires comme principale variable d’ajustement, par le biais d’une réduction et d’une déflation salariales.

3.4   Le CESE estime que cette évolution présente des risques, à la fois pour la santé économique globale de l’Europe et pour son tissu social. Comme l'a souligné le Comité de la protection sociale dans son rapport sur l'impact social de la crise économique, les mesures d'austérité mises en œuvre ou prévues exerceront un impact sur l'inclusion sociale, en opérant des coupes sombres dans les allocations et l'offre dispensées aux groupes vulnérables, tels que les personnes handicapées. Ceci aura des répercussions négatives sur l'accès aux services publics et la qualité de ces derniers, avec des conséquences négatives pour les citoyens et les entreprises (7). Des taux d’intérêt élevés empêchent presque certainement les États membres de réduire leur déficit budgétaire et leur endettement. Par exemple, en Grèce, le budget de l’État enregistre un excédent primaire depuis le printemps 2011 mais les déficits continuent de se creuser en raison du poids insoutenable de la charge des taux d’intérêt trop élevés de la dette.

3.5   Les mesures d’austérité, qui précisément mettent en danger les investissements sociaux nécessaires, renforceront encore la spirale infernale. En l’absence de toute nouvelle source de croissance, la réduction des dépenses concomitantes exerce une influence négative sur les recettes budgétaires, avec par exemple une baisse des rentrées fiscales et une hausse des prestations sociales versées au titre du chômage. Les déficits budgétaires risquent de se creuser encore davantage, avec à la clef des réactions potentiellement désastreuses de la part des marchés financiers, qui surveillent attentivement l’évolution de la situation dans l’ensemble des États membres.

3.5.1   En outre, les mesures d’austérité qui freinent la demande finale dans un État membre peuvent entraîner des retombées négatives dans les autres pays, créant une spirale infernale. Ce phénomène peut se produire soit au long de la chaîne de valeur ajoutée au sein du marché unique, soit dans le cadre des échanges commerciaux. Le lancement simultané de plans d’austérité dans plusieurs États obscurcit encore davantage les perspectives de croissance et pourrait déclencher un cercle vicieux se traduisant par des incertitudes concernant l’investissement, dans les domaines de l'éducation, la formation, la recherche et l'innovation notamment, ainsi que l’emploi et la consommation.

3.6   Lors de la conception et de la mise en œuvre de mesures de gouvernance de l'UE, le Comité estime nécessaire de vérifier soigneusement si et dans quelle mesure il existe un rapport entre les évolutions économiques négatives des États membres et des régions, les déséquilibres sur les marchés, les processus de concentration économique et les abus de marché perpétrés par de grands groupes commerciaux. De l'avis du CESE, il conviendrait, pour y remédier, de prendre par exemple des contre-mesures fiscales efficaces et coordonnées et de les intégrer dans les mesures d'assainissement. En parallèle, il y aurait lieu de renforcer la compétitivité des PME, au même titre que la production industrielle destinée à l'exportation. Il conviendrait que ces actions soient accompagnées des mesures structurelles nécessaires pour préserver la croissance et la création d'emplois.

3.7   Le Comité regrette que toutes les politiques afférentes soient structurellement partiales et introduisent un parti-pris structurel asymétrique. Dans une lettre, le commissaire Olli REHN livre le point de vue de la Commission sur les déséquilibres de la zone euro. Les problèmes que peuvent poser des déficits extérieurs abyssaux y sont signalés, alors que les excédents importants et persistants de la balance courante ne sont pas vus comme une menace pour la cohésion de la monnaie unique (8). La redéfinition des positionnements concurrentiels part du principe que ce sont les pays qui accumulent de la dette pour financer leur déficit extérieur qui posent problème, tandis que ceux qui enregistrent des excédents sont encouragés à poursuivre dans cette voie.

3.8   Pour élaborer son tableau de bord des "déséquilibres macroéconomiques", la Commission définit les indicateurs de manière telle qu’une évolution des salaires dans les différents secteurs économiques est immédiatement signalée et mise sous observation, alors que les États membres qui s’orientent vers une stratégie de stagnation des rémunérations ne seront tout simplement pas contrôlés. L’idée fait également son chemin d’établir des "comparaisons relatives", en comparant l’évolution du coût salarial unitaire à celle des principaux concurrents. Ce type de comparaison peut servir à déceler toute évolution divergente de la compétitivité, mais ne doit cependant pas amener à évaluer systématiquement les hausses de salaires de manière négative et de faibles niveaux de salaires et d'accords salariaux de manière positive. Il faut au contraire faire de l'évolution de la productivité et de l'inflation le critère de référence pour l'évolution salariale.

3.9   Le Comité tient en particulier à exprimer ses inquiétudes concernant les gouvernements qui se sont engagés à prendre des mesures et à adopter des orientations dans des domaines sur lesquels ils n’ont pas véritablement d’influence. Le règlement du Parlement européen et du Conseil sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques prévoit des mécanismes d’alerte, au centre desquels se trouvent le tableau de bord et ses indicateurs (article 3). Ces derniers définissent les seuils, à la fois plancher et plafond, des déséquilibres macroéconomiques intérieurs et extérieurs à partir desquels la procédure pour déséquilibres excessifs est déclenchée. Parmi ces indicateurs figure également le coût unitaire de la main-d’œuvre, bien qu'il résulte avant tout des négociations collectives autonomes entre partenaires sociaux et ne relève pas en tant que tel de la politique économique des États.

3.10   Le Comité estime donc que les partenaires sociaux doivent être partie prenante à la mise en œuvre du règlement, à la fois au niveau national et au niveau de la zone euro. Quelle que soit la forme que prendra l’institutionnalisation de la participation des partenaires sociaux, le Comité souligne que l’autonomie de ces derniers ne doit pas être remise en cause et que les conventions 87 et 98 de l’OIT doivent être pleinement respectées. De surcroît, le respect des objectifs généraux de l’Union européenne, et en particulier le progrès social et l’avancement vers une harmonisation des politiques sociales européennes, doivent constituer un pan essentiel de ce processus, de même que les droits sociaux fondamentaux qui procèdent de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (article 51, paragraphe 1).

3.11   En période de difficultés et de bouleversements socio-économiques, il importe que les organisations sociales participent aux processus, mais aussi à la mise en œuvre des mesures de gouvernance et d'assainissement. Elles apportent des contributions précieuses en matière de formation, de prévention, d'emploi, et de paix sociale fondée sur le respect de la dignité humaine et la solidarité sociale.

4.   Conséquences sociales des mesures prises par les États membres

4.1   Le CESE exprime ses plus vives inquiétudes concernant les conséquences sociales de la crise actuelle, particulièrement marquées dans la plupart des États membres. Il recommande d'imprimer aux réformes structurelles une orientation favorable à la croissance et à l'emploi. Garantir et promouvoir les droits des travailleurs et les droits sociaux fondamentaux exerce un impact positif sur la productivité économique dans son ensemble. Par principe, il convient de s'attacher à garantir la capacité d'action des gouvernements au moyen de recettes fiscales suffisantes et à lutter résolument contre la fraude fiscale.

4.1.1   Le CESE s’inquiète de constater l’existence de divergences croissantes au niveau national et régional. Cette évolution menace fortement le processus d’intégration car, pour la première fois, la cohésion économique et sociale au sein de l’Union à périmètre constant est en net recul. Auparavant, l’aggravation des divergences économiques et sociales était toujours temporaire et liée à l’adhésion de nouveaux États membres.

4.2   Dans son rapport sur l’impact social de la crise, le Comité de la protection sociale parvient à la conclusion suivante: "La crise économique et financière a entraîné une détérioration significative de la situation sociale de pans importants de la population, et en particulier chez les jeunes, les travailleurs embauchés pour une durée déterminée et les migrants. Dans tous les pays, les chômeurs font partie des groupes les plus exposés à la pauvreté" (9). L’agitation sociale et les protestations observées en Grèce, en Espagne, ainsi qu'en beaucoup d'autres États membres, sont les conséquences de cette situation.

4.3   Le dernier sondage Eurostat pour 2011 montre également que les citoyens de l’UE sont inquiets et qu’ils constatent une montée de la pauvreté:

Une majorité importante et en hausse d'Européens pensent que la pauvreté s'aggrave. Lorsqu'on leur demande si la pauvreté a augmenté ou diminué au cours des trois dernières années, 87 % des Européens affirment qu'elle a augmenté. L'opinion selon laquelle la pauvreté s'est aggravée au cours des trois dernières années est largement plus prononcée qu'à l’automne 2010. Seuls 22 % des Européens pensent que les efforts déployés pour lutter contre la pauvreté sont suffisants (10).

4.4   Le CESE s'inquiète vivement qu'en raison des conséquences sociales de la lutte contre la crise, l’Europe risque de se retrouver toujours plus divisée et perde de ce fait le soutien de ses citoyens. L'Europe doit cependant regagner leur confiance.

4.5   Le Comité estime indispensable de mettre tout en œuvre pour que les mesures d’économie n'augmentent pas le risque de pauvreté. Il faut procéder à une analyse d’impact social efficace, afin d’établir comment il est sera possible d’atteindre l’objectif de faire sortir au moins 20 millions de personnes de la pauvreté et de l’exclusion sociale au cours de la prochaine décennie dans un contexte qui a évolué, et afin de définir les mesures nécessaires à cet effet. L'aggravation de la pauvreté a son envers: l'augmentation des patrimoines et des profits, phénomène que favorisent, dans certains États membres, des stratégies fiscales et budgétaires inadéquates. L'architecture de la gouvernance économique européenne et la mise en œuvre du semestre européen ne peuvent déboucher sur une augmentation de la pauvreté ou la non-réalisation de l'objectif de réduction de la pauvreté dans le cadre de la stratégie globale Europe 2020.

5.   Nécessité d’analyses fouillées d’impact social

5.1   Le CESE a indiqué en 2011 que la clause sociale horizontale (CSH, article 9 TFUE), représentait une innovation fondamentale qui engage l’Union dans la mise en œuvre de ses politiques (11).

5.2   Le CESE a déjà indiqué à cet égard que la CSH devait être appliquée aux grands domaines et à l’architecture d’ensemble de la nouvelle gouvernance socio-économique de l’UE approuvée par le Conseil européen en 2010 dans le cadre de la stratégie Europe 2020 (12). Le semestre européen fait partie de ces dispositifs, tout comme le paquet de mesures dit du "six-pack", le "pacte pour l’euro plus" et les mécanismes de sauvetage.

5.3   Le CESE met l’accent sur le fait que les mesures prises pour faire face à la crise ne doivent en aucun cas porter atteinte aux droits garantis par la Charte des droits fondamentaux. Par ailleurs, il conviendrait de définir quelles mesures pourraient être prises dans un délai d’un an en vue de garantir le respect des droits fondamentaux (13).

5.4   Le Comité de la protection sociale et la Commission européenne se sont associés pour déplorer que trop peu de pays aient jusqu’à présent réalisé des analyses d’impact social concernant les mesures de rééquilibrage budgétaire (14).

5.5   Le CESE met l’accent sur le fait qu’il est nécessaire et urgent de procéder à une analyse d’impact des conséquences sociales de la nouvelle législation sur la gouvernance européenne. L'UE s'est engagée à promouvoir l'inclusion sociale. Cette ambition s'est non seulement traduite par la définition d'objectifs quantitatifs, mais également par un ancrage qualitatif dans le traité, avec les droits sociaux fondamentaux. La qualité de vie des citoyens est directement en cause, et il convient d'en tenir compte et de le mettre en évidence, tant sous l'angle quantitatif que qualitatif, dans le cadre des analyses d'impact. Les propositions législatives n’ont fait l’objet que d’un nombre très limité d’analyses d’impact, dans le cadre desquelles les conséquences sociales ne jouaient qu’un rôle secondaire et dont les résultats n’ont souvent pas été pris en considération (15).

6.   L'Europe a besoin d'un pacte d'investissement social

6.1   Étant donné que la nature et l’ampleur des atteintes directes et indirectes portées aux acquis, aux structures et aux droits sociaux sont encore inconnues, il est nécessaire d’établir un cadre global – sur la base d’une analyse d’impact social circonstanciée et indépendante – qui associe plus étroitement entre eux les éléments suivants:

6.1.1   La participation étendue et en temps utile des partenaires sociaux à l’ensemble des mesures

6.1.1.1

L’ensemble des mesures existantes et à venir ne doit être mis en œuvre qu’après consultation extensive des partenaires sociaux. Cette exigence procède notamment de l’article 152 du TFUE. Cette disposition vaut tout particulièrement pour les mesures d’économie présentées comme des ajustements purement économiques ou budgétaires mais qui visent à dégrader le domaine social. Pour illustrer la nécessité de la participation des partenaires sociaux, l'on peut évoquer l'engagement de la "task-force" européenne en Grèce. En outre, il convient que les organisations sociales et les organisations non gouvernementales participent pleinement et en temps utile à toutes les mesures.

6.1.2   "Pacte d’investissement social"

6.1.2.1

De manière générale, le CESE estime qu’il n’est pas possible de sortir d'une crise de cette ampleur par une politique d'austérité, comme celle appliquée en Grèce et dans d’autres États membres, mais au contraire uniquement par une politique de croissance. Dans le cadre de la gouvernance économique, le CESE propose donc de favoriser des investissements durables dans les qualifications, l’infrastructure et la production et à promouvoir les investissements dans l'économie sociale, l'entrepreneuriat social (16) et les services sociaux.

6.1.2.2

Pour ce faire, il y a lieu de conclure un pacte d'investissement social. Le CESE reprend donc à son compte la recommandation en ce sens de Vandenbrouke, Hemerijk et Palier. Ils considèrent que le principal défi consiste à faire en sorte que les processus d’investissement social à long terme et le rééquilibrage budgétaire à court terme se renforcent mutuellement, à la fois au niveau de l’Union et des États membres. Les objectifs de la stratégie Europe 2020 pourraient créer un cadre permettant d’y parvenir, à la condition qu’un "pacte d’investissement social européen" soit intégré à une politique budgétaire favorable à la croissance et à la réglementation financière. Ceci implique que les nouvelles mesures de supervision macroéconomique et budgétaire doivent s’accompagner d’un "pacte d’investissement social" (17).

Le Comité s'inquiète vivement des conséquences sociales des coupes opérées en particulier sur les petites retraites dans la foulée des mesures de crise adoptées. Il demande à nouveau que la Commission entreprenne les premières démarches en vue d'élaborer une définition paneuropéenne du revenu de retraite adéquat (18).

6.1.3   Exploiter de nouvelles sources de recettes pour les budgets publics

6.1.3.1

Les budgets publics ne pourront pas être mis à contribution pour tout – sauvetages de banques, augmentations des prestations sociales, soutien des entreprises, investissements innovants. L'État doit inévitablement dégager de nouvelles sources de recettes, une mesure qui doit s'accompagner d'une augmentation simultanée de l'efficacité et de la pertinence des dépenses publiques. Le CESE est d'avis que les États membres doivent élargir leur base fiscale, notamment en prélevant une taxe sur les transactions financières, en supprimant les paradis fiscaux, en mettant fin à la concurrence fiscale et en prenant des mesures contre la dissimulation fiscale. Dans le même temps, il y a lieu de placer bien davantage la qualité des investissements au centre des préoccupations, lorsque tous les États membres s'engagent à des investissements sociaux et assainissent leurs budgets grâce à la croissance et aux réformes En outre, une remise à plat générale des systèmes fiscaux s'impose, en prenant dûment en compte la question des contributions des différents types de revenus et de patrimoines (19).

6.1.4   Un "plan de sauvetage social" par le biais d’une "gouvernance sociale" équivalente

6.1.4.1

Sans un "plan de sauvetage social" (Jean-Claude Junker), l’architecture de la gouvernance économique demeure incomplète et représente un pas en arrière, qui entraînerait une dégradation de l’intégration économique et budgétaire de l’Europe, bien loin des aspirations à une économie sociale de marché. Le CESE met tout particulièrement en garde contre ce danger.

6.1.4.2

Le CESE se prononce en faveur d’une action responsable de la part des États dans le domaine économique et social (gouvernance économique et sociale). Le rééquilibrage à court terme doit ainsi être bien plus étroitement associé aux objectifs de la stratégie Europe 2020, qui sont le renforcement de la croissance intelligente, de la cohésion et de l’inclusion sociale.

6.1.4.3

L’UE doit continuer de s’assurer que toutes les mesures économiques et budgétaires respectent pleinement l’esprit des dispositions sociales du droit primaire ainsi que les droits sociaux fondamentaux, et en particulier les droits de négociation collective et de grève, et qu’elles ne se traduisent pas par une dégradation des acquis sociaux.

6.1.5   Une convention doit être convoquée en vue de définir une stratégie axée sur le progrès social dans le cadre des modifications du traité restant en suspens.

6.1.5.1

Le CESE insiste sur l’organisation d’une convention. Étant donné l’ampleur des modifications du traité qui sont actuellement à l’ordre du jour, l’ouverture d’un grand débat est requise au même titre que la légitimation démocratique. Comme ce fut le cas lors de la dernière convention, les parlements nationaux, le Parlement européen, les partenaires sociaux et le CESE doivent apporter leur contribution. Il faudra faire en sorte, dans le cadre du rapport intermédiaire et de la feuille de route, que ces modifications du traité soient assorties d’une dimension sociale équivalente et que le résultat soit intégré au rapport prévu pour mars sur la nature et l’ampleur des mesures décidées d’un commun accord.

6.1.6   Garantir et promouvoir la liberté des partenaires sociaux de conclure des négociations collectives

6.1.6.1

Le CESE réaffirme qu'à ses yeux, les prescriptions de la Charte des droits fondamentaux s'appliquent à tous les organes et institutions de l'UE. Dès lors, les atteintes à l'autonomie des partenaires sociaux en matière de négociations collectives sont tout à fait inadmissibles et la Commission européenne est tenue d'intenter immédiatement une action à leur encontre. En aucun cas, elle ne peut adresser elle-même aux États membres des recommandations induisant une violation de la Charte des droits fondamentaux. Elle est tout au contraire tenue de tout mettre en œuvre pour garantir le respect de ces droits, mais également pour les promouvoir. La crise sert de pierre de touche de la profondeur de l'ancrage de la culture des droits fondamentaux en Europe (20).

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis d'initiative du CESE sur l'"Agenda social", JO C 182 du 4.8.2009, p. 65.

(2)  Avis du CESE sur la "Taxe sur les transactions financières", JO C 44 du 11.2.2011, p. 81, et sur l'"Examen annuel de la croissance", JO C 132 du 3.5.2011, p. 26.

(3)  Voir les éléments énumérés dans l’avis du CESE sur l’"Examen annuel de la croissance", JO C 132 du 3.5.2011, p. 26.

(4)  http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-31102011-BP/EN/3-31102011-BP-FR.PDF.

(5)  Rapport conjoint sur l'emploi 2011, COM(2011) 815 final, pp. 2 et 4.

(6)  http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/11/1331&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=fr.

(7)  Évaluation conjointe de l'impact social de la crise économique et des réponses politiques en 2010, réalisée par le CPS et la Commission européenne, pp. 9-10.

(8)  Lettre du 4 novembre 2011 adressée à Jan Vincent ROSTOWSKI. Re: traitement des déficits et excédents de la balance courante dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres excessifs.

(9)  Voir la "Mise à jour 2010 de l'évaluation commune du Comité de la protection sociale et de la Commission européenne des conséquences sociales de la crise économique et des réponses politiques apportées", 26 novembre 2010 (16905/10, SOC 793, ECOFIN 786), p. 2.

(10)  Eurobaromètre spécial 377.

(11)  Avis du CESE sut le thème "Renforcer la cohésion et la coordination de l’UE dans le domaine social", JO C 24 du 28.1.2012, p. 29.

(12)  Idem.

(13)  Avis du CESE sur une "Stratégie pour la charte des droits fondamentaux", JO C 376 du 22.12.2011, p. 74.

(14)  Voir la note de bas de page no 9.

(15)  Comme l’a estimé le réseau EAPN en 2011.

(16)  L'entreprise sociale constitue un élément fondamental du modèle social européen. Le CESE est favorable au lancement par la Commission d'un cadre politique et d'un plan d'action visant à promouvoir l'entreprise sociale en Europe et souligne l'importance de leur pleine mise en œuvre aussi bien à l'échelon de l'UE que des États membres. Avis du CESE sur le thème "Entrepreneuriat social et entreprise sociale", JO C 24 du 28.1.2012, p. 1.

(17)  Vandenbroucke, Frank, et al.. The EU needs a social investment pact ("L’UE a besoin d’un pacte d’investissement social"), OSE no 5, 2011, p. 5.

(18)  Avis du CESE sur le "Livre vert – Pensions", JO C 84 du 17.3.2011, p. 38.

(19)  Avis du CESE sur les "Résultats du sommet pour l'emploi" – par. 3.4.2, JO C 306 du 16.12.2009, p. 70.

(20)  Se référer à la note de bas de page no13.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/29


Avis du Comité économique et social européen sur «L'économie sociale en Amérique latine»

2012/C 143/06

Rapporteur: Miguel Ángel CABRA DE LUNA

Le 18 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur:

"L'économie sociale en Amérique latine".

La section spécialisée "Relations extérieures", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 janvier 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 141 voix pour, 3 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   L'objectif du présent avis est de donner un aperçu de l'économie sociale en Amérique latine, en tant que secteur organisé de la société civile qui a été, d'une manière générale, exclu des activités de coopération de l'Union européenne (UE). Cet aperçu tient compte de la diversité latino-américaine et reconnaît les différences qui existent entre les deux régions. C'est la raison pour laquelle, la formule d'"économie sociale et solidaire" (ESS) a été choisie aux fins du présent document, indépendamment d'autres termes possibles.

1.2   Par sa résolution 47/90, l'ONU a proclamé chaque premier samedi de juillet Journée internationale des coopératives et, par sa résolution 64/136, elle a déclaré 2012 Année internationale des coopératives. L'OIT a reconnu à diverses reprises (en particulier dans sa recommandation 193) les aspects positifs du coopératisme et de l'ESS. Le FMI et la Banque mondiale ont également manifesté leur intérêt pour ce secteur. À son tour, l'UE a reconnu à maintes reprises l'importance du coopératisme et de l'économie sociale. La BEI participe, quant à elle, à des projets avec des entreprises de l'ESS latino-américaines. Pour leur part, le Mercosur et d'autres institutions latino-américaines ont également adopté des positions en des termes similaires. Le présent avis rejoint la position de ces différentes organisations.

1.3   Le présent avis vise aussi à poser les bases des travaux préparatoires du CESE en vue de la septième rencontre de la société civile organisée UE-Amérique latine, qui se tiendra à Santiago du Chili en 2012. Il est proposé d'inviter des représentants de l'ESS d'Amérique latine et de l'UE à participer aux travaux préparatoires et à la rencontre, afin d'étudier le contenu du présent avis au moyen d'un dialogue constructif. Il est également proposé que la 7e rencontre se prononce sur les résultats de ce dialogue. Le CESE constate qu'en Amérique latine, l'ESS résout des situations graves de manque d'équité sociale et économique et d'atteinte aux droits fondamentaux. Outil essentiel dans la lutte pour le travail décent et contre l'informalité socio-économique, l'ESS joue un rôle essentiel dans les processus de développement local et de cohésion sociale. L'ESS encourage la pluralité et la démocratie économique. C'est la raison pour laquelle, il semble prioritaire d'encourager ces capacités et ces effets, en contribuant à un changement nécessaire de modèle de production.

1.4   La coexistence et la coopération entre les différentes tendances de l'ESS en Amérique latine sont considérées très utiles. D'une part, pour encourager l'ESS à caractère entrepreneurial plus marqué à intégrer des objectifs fondés sur les principes de solidarité et à ne pas accorder la priorité à l'augmentation des bénéfices, mais à contribuer davantage au développement du bien-être général. D'autre part, pour faire en sorte que l'ESS plus axée sur les transformations sociopolitiques intègre les critères d'efficacité et de bénéfice des entreprises, en créant des réseaux qui lui permettent de se maintenir sur le marché. Il est donc important que l'ESS ne s'installe pas dans le créneau de l'économie de la pauvreté mais plutôt dans celui de l'évolution des tendances, en associant le développement, l'efficacité économique et la justice sociale pour éliminer les asymétries de tout type.

1.5   L'ESS en Amérique latine connaît des problèmes essentiels qui entravent son développement, dont le manque de visibilité sociale et institutionnelle est l'un des plus graves. L'absence de processus rigoureux de mesure et de quantification contribue à ce phénomène et empêche d'en mesurer la portée et les importants effets sociaux. Il est urgent d'engager une action plus pertinente dans l'élaboration de statistiques homologuées sur le plan international dans les pays d'Amérique latine, en impliquant la collaboration d'organismes internationaux tels que la CEPAL, ACI-Américas, la Fundibes, la Cicopa ou le Ciriec. Le manque de présence institutionnelle de ses organisations représentatives constitue aussi un sérieux problème. Pour le résoudre, il y a lieu d'amener l'administration publique et les autres acteurs sociaux à reconnaître ces organisations comme partenaires au sein des institutions consultatives sur les politiques sociales et économiques. Les conseils économiques et sociaux et autres organismes de participation sociale constituent un bon outil pour la participation des organisations de l'ESS.

1.6   À quelques exceptions remarquables près, l'absence de politiques publiques intégrales et participatives concernant l'ESS constitue un obstacle important pour sa consolidation et son évolution. Il est dès lors essentiel de dépasser des propositions fondées uniquement sur des aides économiques directes sans contrepartie, et de promouvoir des actions visant à résoudre le problème des sources de financement. Il y a lieu d'envisager des politiques structurelles d'intérêt général incluant des décisions sur la législation, le développement de l'éducation en termes d'innovation ainsi que la formation professionnelle, également dans le domaine universitaire. Il convient de renforcer la présence de l'ESS dans le développement de la protection sociale grâce aux systèmes de santé gérés avec le concours des utilisateurs. Il y a lieu de consolider de véritables politiques publiques dont la continuité soit assurée indépendamment des changements successifs de gouvernements.

1.7   Les syndicats et autres acteurs sociaux, dont l'ESS, peuvent, par un effort conjoint, jouer un rôle fondamental dans la mise en œuvre de mécanismes institutionnels visant à lutter contre les cas d'irrégularité et de fraude liés à l'économie informelle et l'apparition de faux travailleurs indépendants. Ils peuvent également contribuer à garantir le travail décent et des services publics universels et de qualité, ainsi qu'à encourager des activités de "renforcement des capacités".

1.8   La politique de coopération internationale de l'UE en Amérique latine en matière d'ESS devrait se fonder sur les réflexions et les propositions évoquées dans le présent avis. Il y a lieu d'envisager des projets de coopération visant à faire des entreprises viables de l'ESS des agents de cohésion sociale, de développement local, de pluralité, de démocratie économique et de légalisation massive de l'économie et du travail. L'ESS doit occuper une place prioritaire dans la coopération de l'UE, l'objectif devant être de promouvoir la consolidation de réseaux faisant office d'agents dans la mise en œuvre des politiques de coopération économique et de codéveloppement. Les projets de coopération en matière d'ESS doivent favoriser la coordination de ses agents et réseaux, en évitant l'éclatement et les doubles emplois: il est à cet égard essentiel de mettre en place des actions ayant un caractère plus international et stratégique.

1.9   Il est par ailleurs nécessaire, en cette période de crise mondiale, de renforcer les relations d'affaires et commerciales entre l'ESS de l'Union européenne et celle de l'Amérique latine. Les expériences de bonnes pratiques de l'ESS d'Amérique latine peuvent servir d'exemple à suivre. Il convient de souligner la nécessité de veiller à ce que les accords commerciaux conclus avec les pays d'Amérique latine encouragent le développement des petites et moyennes entreprises, ainsi que des micro-entreprises et, concrètement, de l'ESS.

2.   L'économie sociale en Amérique latine

2.1   Dualité de la notion

2.1.1   L'approche adoptée dans le cadre du présent avis par rapport à l'ESS en Amérique latine repose sur deux prémisses incontournables: d'une part, le constat des différences qui existent entre les réalités sociales de l'Union européenne et celles de l'Amérique latine et, d'autre part, le fait que l'Amérique latine n'est pas un ensemble homogène. Cette analyse se fonde sur le plus grand respect de cette diversité. Elle a également pour objet de trouver des points de convergence donnant lieu à une coopération égalitaire, tout en tenant compte des évolutions respectives que connaissent ces deux régions (1).

2.1.2   En Amérique latine, on utilise principalement les deux formules d'"économie sociale" et d"‧économie solidaire", cette dernière y étant plus répandue mais prêtant à controverse quant à sa signification (notamment en ce qui concerne la notion d'économie populaire). En Europe, c'est la formule d'"économie sociale" qui s'est imposée. Elle correspond à une notion aux connotations incontestablement entrepreneuriales, s'inscrivant dans le système en tant que mode d'action alternatif et différent et ne considérant pas le "but lucratif" comme un problème en soi. À cet égard, l'élément crucial est le mode de répartition de l'excédent obtenu puisque les activités entrepreneuriales de l'économie sociale sont supposées être compétitives et générer des bénéfices. Dans l'UE, la formule d'"économie sociale" et le sens qui lui est donné font l'objet d'un large consensus (2), tandis qu'en Amérique latine, il existe diverses interprétations.

2.1.3   Au cours des dernières années, principalement du fait des changements politiques et économiques survenus en Amérique latine, il est devenu courant d'employer la formule d'"économie sociale et solidaire" (ESS) pour se référer à ce secteur (3). Nous proposons donc de l'employer en rapport avec l'Amérique latine.

2.1.4   Un premier élément qu'il convient de signaler est que l'ESS se compose toujours d'entités à caractère privé, établies dans le but de répondre à des besoins personnels et sociaux et non de rémunérer les investisseurs de capitaux. En Amérique latine, la situation de l'ESS varie d'un pays à l'autre, même si l'on retrouve certaines constantes dans tous les pays. Ces convergences permettront peut-être de donner une meilleure interprétation de la notion d'ESS. En Amérique latine, l'ESS se compose pour l'essentiel de coopératives, mutuelles, fondations, associations, sociétés de travail associé, organisations de solidarité sociale, groupements à caractère civil et micro-entreprises diverses. Ces entreprises et entités se fondent sur la solidarité et la responsabilité sociale. La plupart d'entre elles sont actives sur le marché, mais il arrive qu'elles créent des marchés spéciaux (commerce équitable) régis par des principes autres que celui de la concurrence.

2.1.5   Les organisations et les entreprises de l'ESS possèdent des caractéristiques différentes de celles de leurs homologues à capital public et privé, mais elles produisent également des biens et des services. Les entreprises de l'ESS ne sont dès lors ni exclusivement ni en priorité des œuvres caritatives pas plus qu'elles ne sont dépourvues de but lucratif: les bénéfices sont nécessaires. La question essentielle porte sur la manière de répartir les bénéfices de l'activité qui ne se mesurent pas seulement en termes de rentabilité financière et de génération d'avantages pour leurs membres et l'entourage, mais également en termes de valeur ajoutée sociale.

2.2   Dimensions et mesures

2.2.1   Un des grands problèmes qui entravent le développement de l'ESS en Amérique latine et renforcent son manque de visibilité sociale est la difficulté de structurer les informations concernant ce secteur. Il est nécessaire de connaître, et pas seulement de pressentir, l'impact réel de l'ESS. Cette absence de mesures fait qu'il est très difficile de faire ressortir sa véritable importance sociale et les avantages comparatifs qu'elle offre par rapport à d'autres types d'entreprises en termes d'impact de ses actions économiques, sociales et solidaires. En Europe, les mêmes demandes sont adressées concernant ce secteur: reconnaissance statistique, création de registres publics fiables et comptes satellites pour chaque secteur institutionnel et branche d'activité, cela dans la perspective d'une plus grande visibilité (4).

2.3   Organisations de l'ESS

2.3.1   Comme c'est le cas dans de nombreux pays de l'UE, en Amérique latine aussi, il convient de résoudre en priorité l'absence de représentation suffisamment consolidée, intégrée et efficace de l'ESS. Malgré les nombreux progrès réalisés ces dernières années, les structures représentatives des différentes catégories de l'ESS doivent encore être intégrées selon des critères de composition pyramidale, de bas en haut, de manière sectorielle et territoriale, tout en évitant l'atomisation, la concurrence entre elles et le corporatisme. La proximité de ces organisations par rapport aux pouvoirs locaux et régionaux fait qu'il est plus aisé de les prendre en compte comme pôles d'utilité sociale et d'innovation, dotés de la capacité nécessaire pour faire face aux principaux problèmes socioéconomiques.

2.3.2   Lorsqu'elles acquièrent un capital de reconnaissance leur conférant une réelle capacité de dialogue et de négociation, les organisations de l'ESS (5) renforcent leur zone d'influence pour atteindre des synergies en termes de renforcement des capacités, d'efficacité entrepreneuriale, de responsabilité sociale des entreprises, de nouveaux modèles de gestion, de lutte contre les mauvaises pratiques et, en définitive, d'impact accru sur le système économique.

2.4   Politiques publiques

2.4.1   L'une des tâches dont l'ESS doit s'acquitter consiste à déterminer la manière de conclure des accords et des alliances avec les pouvoirs publics basés sur le respect mutuel et l'indépendance. Les politiques publiques figurent donc au rang des préoccupations et des objectifs prioritaires de l'ESS en Amérique latine. Les politiques reposant essentiellement sur des aides économiques directes sans contrepartie ne sont pas contrôlées et sont imprévisibles, pouvant devenir un instrument de pression et de manipulation. Les politiques purement de palliation ou d'assistance favorisent les mauvaises pratiques.

2.4.2   Il est nécessaire de promouvoir des politiques intégrales et participatives conformes aux principaux objectifs de l'ESS et des gouvernements intéressés par la capacité de l'ESS à mobiliser des ressources de la communauté et au sein du marché, ainsi qu'à dégager des bénéfices globaux grâce à des solutions novatrices face à des problèmes complexes. Il existe des affinités incontestables en matière d'objectifs sociaux entre l'administration publique et les organisations de l'ESS pour répondre aux besoins urgents des personnes (6).

2.4.3   Pour l'ESS, l'accès au financement constitue un problème endémique qui freine radicalement son développement. L'ESS vit principalement des apports de ses partenaires et promoteurs, et non du capital spéculatif de tiers. Dans le même temps, elle propage des pratiques qui servent l'intérêt général. L'action publique est d'ordinaire rare et insuffisante en ce qui concerne l'obtention de moyens de financement réguliers grâce à des réformes législatives et des mesures macroéconomiques appropriées pour l'ESS. Ce qui fait défaut, ce sont des politiques d'État associant l'ESS à la planification générale de l'économie, des politiques de financement de l'industrie pour apporter du capital frais en encourageant les fonds de capital-risque, le financement de la participation économique des travailleurs et des partenaires, le soutien à la formation de groupes d'entreprises et l'encouragement de la participation de l'ESS aux marchés publics. Il est urgent de reformuler les mesures qui entravent sans justification le développement d'entités financières propres à l'ESS tels que la banque éthique et le micro-financement.

2.4.4   La plupart des États ne disposent pas de lignes d'action politique claires pour l'élaboration de programmes coordonnés dans leurs différents niveaux, compétences et structures administratives, offrant un cadre institutionnalisé à l'ESS et permettant de lui réserver un traitement intersectoriel. Les procédures administratives ne sont pas assez souples et l'harmonisation nationale et supranationale des grandes lignes de promotion et de soutien de l'ESS n'est pas efficace. L'on déplore l'absence de politiques publiques destinées à éviter la destruction des petites entreprises sociales et du tissu productif local et solidaire, ainsi que de politiques de formation professionnelle et de gestion des entreprises en particulier dans le contexte municipal (7) et de politiques d'ajustement des cadres réglementaires pour les différentes formes de l'ESS. Il convient de mentionner, en particulier, la nécessité de mettre en œuvre des politiques publiques d'éducation (recommandation 193 de l'OIT - 2002) pour l'ESS. L'administration publique, y compris les universités, et l'ESS n'ont pas déployé suffisamment d'efforts pour travailler ensemble.

2.5   Développement économique en Amérique latine et rôle de l'ESS

2.5.1   Développement et croissance économique équitable

2.5.1.1

L'Amérique latine connaît une évolution macroéconomique favorable en termes de croissance conventionnelle, avec toutefois des différences entre les pays. Toutefois, cette croissance se produit dans une réalité sociale marquée par de profondes inégalités: chômage massif et stagnant dans certains secteurs sociaux, précarité de l'emploi généralisée et poches d'exclusion sociale et de pauvreté. Néanmoins, la revalorisation d'un "état proactif" conscient de cette dualité sociale non viable semble encourager une croissance plus équitable (8) et un plus grand respect écologique.

2.5.1.2

La contribution d'une ESS consolidée en Amérique Latine à la gestion du développement est axée sur la résolution de situations critiques de pauvreté, d'inégalité, d'exclusion, d'économie informelle, d'exploitation humaine, de manque de cohésion sociale, de délocalisation d'entreprises et, enfin, sur une répartition plus équitable des revenus et des richesses pour contribuer à un changement nécessaire de modèle productif. C'est dans cette optique que l'ESS fournit des services de bien-être social et qu'elle offre, par rapport à d'autres secteurs, des avantages comparatifs en termes d'efficacité dans l'affectation et la production de biens et de services sociaux préférentiels. Sa capacité à couvrir de larges pans de la population, dans des territoires généralement éloignés des centres de pouvoir et des centres économiques la place dans une position idéale pour réaliser un développement plus équitable.

2.5.2   Économie informelle et droit sociaux

2.5.2.1

L'économie informelle est un phénomène très important en Amérique latine, que l'on rencontre également dans certaines zones de l'UE (économie souterraine); elle se caractérise par le développement d'activités professionnelles ou économiques souffrant d'une absence totale ou partielle de couverture sociale et de respect de la législation en vigueur. Le chômage, le sous-emploi et les mauvaises conditions de travail sont contraires aux positions de l'OIT sur le travail décent (9). Il s'agit là d'un problème sérieux. Un lien direct a pu être établi entre l'emploi informel ou le sous-emploi et les indicateurs de pauvreté; cette situation est endémique chez les femmes, les jeunes, les populations indigènes ou les personnes d'origine africaine et les personnes handicapées, tant en termes de travail informel que d'égalité de salaire et de traitement. En revanche, l'ESS, avec d'autres acteurs, est un outil efficace de lutte contre l'économie informelle, dans la mesure où elle permet à des entreprises et à des personnes de travailler dans la légalité avec une couverture sociale. Elle sert aussi à éviter l'apparition de pratiques tendant à consolider une externalisation intéressée des services publics, dont les prestations ne sont pas garanties et manquent de qualité, la protection sociale des bénéficiaires se trouvant de ce fait réduite. Les syndicats et autres acteurs sociaux, dont l'ESS peuvent, par un effort conjoint, jouer un rôle fondamental dans la mise en œuvre de mécanismes institutionnels visant à lutter contre les cas d'irrégularité et de fraude liés à l'économie informelle et l'apparition de faux travailleurs indépendants. Ils peuvent de la sorte également contribuer à garantir le travail décent et des services publics universels et de qualité, ainsi qu'à encourager des activités de "renforcement des capacités".

2.5.2.2

L'OIT reconnaît le rôle de l'ESS car parmi les valeurs et les principes sur lesquels se fondent ses entreprises, figure le respect des principes et des droits fondamentaux du travail (10). Dans ce sens, elle a démontré sa capacité à élargir les services de protection sociale aux personnes et aux consommateurs qui ne sont pas couverts par des systèmes fiscaux de sécurité sociale, dans le but de contribuer à corriger les déséquilibres du marché du travail et de garantir l'égalité de traitement.

2.5.2.3

Il existe de nombreux groupes informels de travailleurs indépendants liés à l'ESS qui n'ont pas la possibilité de suivre des formations professionnelles ni de trouver des financements et qui ne sont pas reconnus officiellement. L'existence de liens de réciprocité et de confiance entre les petits producteurs ou les artisans pourrait donner lieu à des processus de formalisation par l'intermédiaire d'entreprises de l'ESS étant donné que les producteurs non groupés, par exemple, n'ont pratiquement aucun moyen d'accéder au marché officiel. Il convient de renforcer la présence de l'ESS dans le développement de la protection sociale grâce aux systèmes de santé gérés avec le concours des utilisateurs. Il est essentiel d'éliminer l'économie informelle pouvant exister au sein de l'ESS elle-même.

2.5.3   Développement local et cohésion sociale

2.5.3.1

Il est essentiel de viser l'établissement de paramètres minimaux de cohésion sociale dans toute approche de développement (11). Les pouvoirs locaux prennent actuellement la mesure de l'importance qu'il y a à soutenir les entrepreneurs de l'ESS pour redynamiser les communautés rurales et urbaines. Ces entreprises créent des emplois locaux et leurs excédents circulent au niveau local promouvant une accumulation qui sera réinvestie sur le même territoire. Le contrôle local des investissements, des biens et des services ainsi que la circulation des excédents au sein de l'économie locale et régionale garantissent donc des processus primaires de cohésion sociale, générateurs de stabilité économique.

2.5.3.2

L'ESS démontre sa capacité à créer et à étendre la culture et le tissu d'entreprise ainsi qu'à lier l'activité économique aux besoins productifs locaux. L'ESS anime des processus de développement endogène dans les zones rurales, de redynamisation de zones industrielles en déclin et de rénovation d'espaces urbains dégradés, atténuant de la sorte les importants déséquilibres territoriaux, sans appliquer un modèle de développement unique mais en faisant plutôt coexister différentes approches en fonction des besoins sociaux et économiques des régions.

2.5.3.3

L'ESS favorise l'autonomie territoriale en accordant une importance particulière à la société civile dans la détermination du modèle de développement de la zone et le contrôle de l'évolution des processus de croissance et de réforme structurelle. Le coopératisme agricole constitue une pièce maîtresse de ces processus. Les politiques de cohésion sociale doivent se centrer sur l'échelon local (rural et urbain) afin de garantir les services sociaux de base, les infrastructures et l'éducation. L'ESS est indispensable à cet égard.

2.5.4   Pluralité et démocratie économique

2.5.4.1

L'ESS n'est pas un secteur marginal mais bien un élément institutionnel du système économique qui coexiste avec les secteurs public et privé des capitaux. Cela lui permet d'instaurer une pluralité économique faisant contrepoids aux deux autres secteurs. L'ESS contribue au développement durable, promeut le tissu associatif et assure l'égalité des chances grâce à ses systèmes de promotion éducative. Elle est essentielle pour atteindre la stabilité sociale, la durabilité de la croissance économique, la redistribution des revenus et la mise en œuvre d'alternatives économiques.

2.5.4.2

Fondé sur le principe de démocratie et de participation des personnes à la prise de décisions concernant les processus économiques, le fonctionnement de l'ESS offre une leçon permanente de démocratie et de citoyenneté. L'ESS est génératrice de tissu social et sa capacité à contribuer avec succès à la résolution de conflits et à la paix et la justice sociale en font un acteur irremplaçable dans le système économique et social de l'Amérique latine. Il y a lieu de promouvoir cette capacité.

3.   Coopération internationale dans le domaine de l'ESS

3.1   Nécessité de la coopération

3.1.1   L'ESS repose sur des principes et des pratiques communs à l'UE et à l'Amérique latine. Ces points communs peuvent favoriser la coopération entre les deux régions, aussi bien en faveur du développement durable que des échanges commerciaux et entre entreprises.

3.1.2   Réitérant ce qu'il a déjà dit par le passé, le CESE souligne la nécessité de veiller à ce que les accords commerciaux conclus avec des pays d'Amérique latine encouragent le développement des petites et moyennes entreprises, des micro-entreprises et, concrètement, de l'ESS (12).

3.2   Réseaux

3.2.1   Les réseaux composés d'entités représentatives de l'ESS, d'entreprises sociales ainsi que de centres d'information, de mesure et d'innovation et de formation universitaire, peuvent créer des plates-formes qui contribuent à relever les grands déficits évoqués précédemment. L'UE peut se révéler particulièrement utile dans la réalisation de ces objectifs, mais les mesures ne doivent pas viser exclusivement les pays ou les zones ayant les revenus les plus faibles mais également les régions émergentes à revenu moyen qui doivent renforcer la cohésion sociale et la croissance équitable. Une ESS reposant sur des réseaux fiables contribuerait à déterminer les nécessités les plus urgentes et les projets les plus efficaces ce qui rendrait la coopération internationale de l'UE plus sélective. L'action de l'UE pour articuler des réseaux basés sur l'ESS entre l'Amérique latine et d'autres régions en voie de développement (Afrique, Asie, etc.) peut être de la plus haute importance (13).

3.3   Coopération au développement et codéveloppement dans le domaine de l'ESS

3.3.1   L'UE peut aborder la coopération à travers la mise en œuvre de plans d'entreprise de l'ESS en faveur du développement durable  (14) auxquels participeraient les gouvernements d'Amérique latine engagés dans ce domaine et les organisations de l'ESS des deux continents, par l'établissement de programmes d'accompagnement et d'assistance technique pour les entrepreneurs dans le cadre de politiques actives d'emploi. De cette manière, la présence de l'UE en Amérique latine sera perçue comme ayant d'autres dimensions que l'intérêt commercial.

4.   2012, point d'inflexion: Année internationale des coopératives (Nations unies) – septième rencontre de la société civile organisée Union européenne-Amérique latine

4.1   L'ONU a déclaré, dans la résolution (64/136) adoptée par son Assemblée générale, que 2012 serait l'Année internationale des coopératives. Parmi les déclarations importantes reprises dans la résolution, qui soulignent la contribution du coopératisme au développement économique et social dans le monde entier, l'ONU encourage à promouvoir activement le coopératisme plus particulièrement en 2012. Dans le présent avis, le Comité adhère à toutes les dispositions de cette résolution et à ses propositions.

4.2   C'est également en 2012 que se tiendra la septième rencontre de la société civile organisée Union européenne-Amérique latine. Dans le cadre de cette rencontre et de ses séances de travail préparatoires, des réunions sont prévues pour échanger des points de vue sur le contenu du présent avis avec des représentants de l'ESS, d'Amérique latine et de l'UE, afin de dégager un consensus sur les recommandations qui devront figurer sur le document final.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Document de travail COM(2009) 647 sur la stratégie "UE 2020", JO C 347 du 18.12.2010, p. 48-54, sur "La promotion des aspects socioéconomiques dans les relations UE-Amérique latine".

(2)  Avis du CESE INT/447, JO C 318 du 23.12.2009, p. 22-28, sur "La diversité des formes d'entreprise"; rapport "Toia" INI/2250/2008; avis du CESE C234/01/2005 sur "La promotion des sociétés coopératives en Europe" (JO C 234 du 22.9.2005); avis du CESE C117/11 sur le thème "Économie sociale et marché unique" (JO C 117 du 26.4.2000), et les récentes lois espagnole et portugaise sur l'économie sociale de 2011 ainsi que d'autres dispositions des États membres qui régissent les entités de l'ESS.

(3)  L'OIT, notamment, emploie cette formule dans le récent document de travail de 2010 élaboré par le Centre international de formation (CIF-OIT), intitulé "Économie sociale et solidaire: construire une base de compréhension commune".

(4)  Il n'existe pas de statistiques fiables pour l'Amérique latine, mais d'après les études menées par FUNDIBES jusqu'en 2009, on peut estimer, de manière approximative et provisoire, qu'il existe plus de 700 000 organisations de l'ESS et qu'elles comptent environ 14 millions de membres. Par ailleurs, l'ampleur du secteur informel de l'économie de toute la région, rend extrêmement difficile la quantification générale exacte ou même approximative de l'ESS. Par ailleurs, l'ACI estime que l'Amérique latine est la région qui enregistre "la croissance la plus rapide" en termes de nouvelles coopératives et de membres (2009). L'Inacoop en Uruguay fournit certaines données pour 2008: 1 164 coopératives, 907 698 membres actifs, avec une production annuelle de 1 708 millions de dollars (3,2 % de la production totale), 27 449 travailleurs. Toujours pour 2008: Argentine: 12 760 coopératives et 9 392 713 membres; 4 166 mutuelles et 4 997 067 membres; 289 460 travailleurs (source: INAES). Chili: 1 152 coopératives et 1 178 688 membres; 536 mutuelles (source: Fundibes). Colombie: 8 533 coopératives et 139 703 membres; 273 mutuelles et 4 758 membres (source: Confecoop). Guatemala: 841 coopératives et 1 225 359 membres (plusieurs sources). Paraguay: 453 coopératives et 1 110 000 membres (source: Fundibes). Brésil, voir note 9. Certaines études mettent également en évidence la solidité de l'ESS face à la crise. Mais toutes ces données et estimations sont plus intuitives et approximatives que vérifiables.

(5)  Exemples d'entités représentatives: Confecoop (Colombie), Conacoop (Costa Rica), Confecoop (Guatemala), Conpacoop (Paraguay), Confederación Hondureña de Cooperativas, OCB (Brésil), Conacoop (République dominicaine), Cudecoop (Uruguay), Consejo Mexicano de Empresas de la Economía Solidaria et Cosucoop (Mexique). Au niveau international: ACI-América, Cicopa et d'autres.

(6)  Institutions publiques pour l'ESS: Infocoop (Costa Rica), Dansocial (Colombie), Incoop (Paraguay), INAES (Argentine), Senaes (Brésil), Inacoop (Uruguay) ou Insafocoop (El Salvador).

(7)  Dans la logique évoquée pour les PME, voir l'avis du CESE REX/180 (15.02.2006), JO C 88 du 11.4.2006, p. 85-93, sur "Les relations UE-Mexique".

(8)  Selon les données de la CEPAL, plus de la moitié de la population (350 millions de personnes) vivent en dessous du seuil de pauvreté et 22 millions d'enfants doivent travailler pour survivre. Il convient de citer, de par leur caractère exemplaire, les mesures adoptées au cours de la dernière décennie par les gouvernements du Brésil, qui ont réussi à sortir plusieurs millions de personnes de l'état d'extrême indigence. L'ESS de ce pays a contribué à ce succès par l'intermédiaire du SENAES et de la stratégie de son responsable, Paul Singer. Comme ce dernier l'a rappelé récemment "L'ESS a besoin de plus d'argent, de marchés et de connaissance".

(9)  Selon la cartographie de l'économie solidaire du Brésil, un tiers des 22 000 entreprises de ce pays seraient informelles (www.fbes.org.br). Voir aussi l'avis du CESE REX/232, JO C 256 du 27.10.2007, p. 138-143, sur "Les relations UE - Amérique centrale", l'avis du CESE: SOC/250, JO C 93 du 27.4.2007, p. 38-41, sur le thème "Promouvoir un travail décent pour tous" et le document de travail du 12.10.2009 sur les "Stratégies pour le maintien et la création d'emplois en général, et pour les jeunes et les femmes en particulier" de l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine.

(10)  Document de référence 2011 "Économie sociale et solidaire: notre chemin commun vers le travail décent" disponible à l'adresse http://socialeconomy.itcilo.org/en/2011-readers. Ce document a également servi de référence pour le paragraphe 3.2 du présent avis.

(11)  Parmi de nombreux autres documents, voir: CESE: Sixième rencontre de la société civile organisée UE-AL de 2010. Documents de travail de la CEPAL pour le sommet latino-américain des chefs d'État et de gouvernement de Santiago du Chili de 2007; CESE REX/257, JO C 100 du 30.4.2009, p. 93-99, sur "Les relations Union européenne-Brésil"; CESE REX/232, JO C 256 du 27.10.2007, p. 138-143, sur "Les relations Union européenne-Amérique centrale"; CESE: "Accord d'association UE-Amérique centrale"; Sommet de Guadalajara UE/AL; CESE: Quatrième rencontre de la société civile organisée UE-Amérique latine et Caraïbes de 2006; CESE REX/210, JO C 309 du 16.12.2006, p. 81-90, sur "Les relations entre l'UE et la Communauté andine des nations"; CESE REX/180, JO C 88 du 11.4.2006, p. 85-93, sur "Les relations UE-Mexique"; CESE REX/135, JO C 110 du 30.4.2004, p. 40-54, sur "Les répercussions de l'accord de libre échange des Amériques sur les relations UE/Amérique latine/Caraïbes"; CESE REX/13 (JO C 169 du 16.6.1999); en particulier, avis du CESE REX/152, JO C 110 du 30.4.2004, p. 55-71, sur "La cohésion sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes".

(12)  Avis du CESE REX/277, JO C 347 du 18.12.2010, p. 48-54, sur "La promotion des aspects socioéconomiques dans les relations UE-Amérique latine". Voir aussi les positions adoptées par le CESE sur les différents accords commerciaux avec des pays de la région.

(13)  À cet égard, il convient de souligner le rôle de la Chine au niveau mondial et son importance à divers égards en tant qu'acteur d'alliances stratégiques. Il existe d'importants réseaux en Amérique latine tels que RED DEL SUR (Mercosur); Unisol (Brésil) ou le Fonds FIDES (Mexique).

(14)  Le lien entre l'ESS et la durabilité environnementale est l'une de ses caractéristiques identitaires. À cet égard, voir le chapitre 9 du document cité à la note 10 du présent avis, en rapport avec les "emplois verts". Voir aussi JO C 48 du 15.2.2011, p. 14-20 et JO C 48 du 15.2.2011, p. 65-71.


22.5.2012   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 143/35


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Agriculture et artisanat — une combinaison gagnante pour les zones rurales» (avis d'initiative)

2012/C 143/07

Rapporteur: M. KIENLE

Lors de sa session plénière du 22 septembre 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème

"Agriculture et artisanat - une combinaison gagnante pour les zones rurales".

La section spécialisée "Agriculture, développement rural, environnement", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 janvier 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 23 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 184 voix pour et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   En élaborant le présent avis d'initiative, le CESE entend donner à la Commission européenne, au Parlement européen et au Conseil des impulsions pour la configuration de leurs politiques, s'agissant plus particulièrement du développement du deuxième pilier de la PAC et des Fonds structurels pour la période 2014-2020. Cet avis doit apporter une contribution à la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020, se traduisant par des propositions concrètes concernant le financement futur au titre du FEADER et des Fonds structurels de l'UE, ainsi que d'autres réglementations européennes. Aux yeux des organisations de la société civile actives dans les secteurs agricole et artisanal, l'attachement manifeste à la dimension et aux chaînes de valeur régionales constitue une importante marque de soutien à leurs activités. Dans le même temps, le CESE espère que son avis donnera un élan important aux débats menés à l'échelon national.

1.2   En référence aux propositions législatives relatives au financement par le FEADER et les Fonds structurels pour la période de programmation 2014-2020, présentées en date des 5 et 12 octobre 2011 par la Commission européenne, le CESE formule les recommandations suivantes:

1.2.1

Il convient d'étendre et de qualifier en conséquence les possibilités élargies de soutien à l'investissement offertes aux PME dans le cadre du FEADER, énoncées dans la proposition à l'examen, dans la perspective de coopérations régionales entre des entreprises établies en milieu rural, en particulier dans les secteurs de l'artisanat et de l'agriculture. À cette fin, il y aurait lieu de lancer et de soutenir des réseaux régionaux de communication et des réseaux de parrainage réunissant des entrepreneurs locaux.

1.2.2

Les approches en faveur des initiatives locales menées par l'UE et financées au titre du FEADER et des Fonds structurels sont un moyen important de soutenir les activités artisanales, agricoles, touristiques et commerciales d'une région. Il conviendrait toutefois que ces actions de soutien fassent passer les intérêts des partenaires socio-économiques à l'avant-plan.

1.2.3

Il y a lieu de promouvoir durablement les transferts de connaissances, d'informations et d'innovations au sein des PME, afin de promouvoir et de garantir l'emploi en milieu rural, et de soutenir les pratiques économiques efficaces sur le plan des ressources et du climat. Il importe que les connaissances et expériences forgées par la tradition ne tombent pas dans l'oubli, mais soient au contraire préservées et exploitées comme une source précieuse d'enseignements.

1.2.4

Les chaînes de valeur régionales offrent de belles perspectives d'avenir à l'artisanat, à l'agriculture, au tourisme, au commerce et à l'ensemble des zones rurales. Il importe de leur prêter une attention particulière, en s'attachant plus spécifiquement aux marques ombrelles régionales, ainsi qu'à la transformation et à la commercialisation communes.

1.2.5

Les entreprises artisanales et agricoles sont tributaires d'infrastructures de support aux activités économiques présentes en suffisance. C'est principalement aux Fonds structurels qu'il incombe de créer les conditions propices à cette fin, au moyen de budgets régionaux flexibles, par exemple.

2.   Introduction

2.1   Secteurs dont les PME représentent l'épine dorsale, l'agriculture et l'artisanat caractérisent à bien des égards l'économie rurale et assurent dans une large mesure les structures d'approvisionnement et la vie sociale dans les villages et les petites villes de l'UE.

2.2   Dans la perspective de l'évolution prochaine de la politique européenne de soutien aux zones rurales pour la période 2014-2020, le présent avis d'initiative entend contribuer à l'exploitation de nouveaux potentiels de création de valeur de l'agriculture et de l'artisanat en milieu rural. Les propositions législatives de la Commission européenne concernant la PAC et la politique de cohésion après 2013 fournissent le contexte opportun pour entreprendre cette démarche. Elles prévoient notamment une extension du soutien au titre du FEADER aux petites entreprises dans les zones rurales, ou plutôt à toutes celles qui y sont implantées, ce qui représente un changement important. S'agissant du transfert de connaissances et de compétences, l'avis d'initiative compte faire avancer le débat européen sur une croissance intelligente, inclusive et durable. Il y sera en outre question de l'amélioration des conditions permettant de prendre des mesures inclusives et transsectorielles à même d'exercer une influence durable sur la qualité de vie et le potentiel économique des zones rurales et de garantir des structures d'approvisionnement dans un contexte de déclin démographique. Dans le même temps, l'avis entend stimuler le débat public sur la gestion des retombées du changement démographique et les débats nationaux sur le maintien de la compétitivité et de la vitalité des zones rurales.

3.   Situation

3.1   Les petites et moyennes entreprises artisanales et agricoles, établies et ancrées dans les zones rurales, offrent, tant du point de vue de leur activité économique que de leur engagement social, un potentiel considérable pour renforcer les structures économiques et sociales existantes et relever les défis du futur. Elles exercent un impact direct sur la qualité de vie et contribuent, par leurs produits et leurs services, à l'émergence d'identités régionales. Elles sont à la fois les gardiennes de traditions essentielles et des vecteurs d'innovation. L'artisanat et l'agriculture incarnent la modernité et le développement durable, des produits de qualité, la sécurisation de l'approvisionnement énergétique, la protection durable de l'environnement et de la nature, ainsi que la conservation du patrimoine culturel. Les travailleurs des secteurs artisanal et agricole se caractérisent par leur niveau élevé de qualifications, leur esprit d'initiative, leur grande faculté d'adaptation et d'apprentissage. Ces qualités sont à la base de nombreux modèles socio-économiques qui ont fait leurs preuves dans des petites villes et villages ruraux.

3.2   Presque toutes les régions rurales de l'UE présentent encore de fortes potentialités en matière de création commune de valeur de l'agriculture et de l'artisanat. Ce potentiel réside dans une coopération des deux secteurs sur le plan de la production, de la transformation et de la commercialisation à l'échelon régional et interrégional, mais également dans une concurrence loyale entre les acteurs et l'égalité de participation des femmes et des hommes.

3.3   La structure des zones rurales varie considérablement au sein de l'UE. À côté de régions très prospères, où le taux de chômage est faible et la croissance solide, il en existe d'autres où les problèmes économiques, d'exode et de vieillissement de la population se cristallisent. Il n'est pas toujours possible non plus d'accéder à une offre de formation et de perfectionnement professionnels dans un rayon acceptable. Il existe un risque de voir l'écart se creuser sur le plan des évolutions socio-économiques et des normes en matière d'infrastructures.

3.4   Les personnes âgées sont en particulier tributaires de courtes distances et de services de proximité aisément accessibles; les jeunes nécessitent de surcroît des infrastructures de base qui fonctionnent bien, telles qu'Internet, des jardins d'enfants et des écoles primaires. Le changement démographique rend indispensable un ajustement des infrastructures rurales, ainsi que de leurs systèmes d'approvisionnement et d'évacuation. À l'heure actuelle, l'expertise des entreprises établies dans ces zones, en particulier des petites et moyennes entreprises, est rarement bien mise à profit dans la gestion de ces défis. Les entreprises artisanales et agricoles socialement responsables et engagées à l'échelon local apportent une contribution de taille à l'intégration des personnes handicapées au sein de la société.

3.5   Pour pouvoir prospérer, séparément ou ensemble, les entreprises artisanales et agricoles et les autres partenaires économiques régionaux sont dépendants de la vitesse des connexions locales à Internet. Pourtant, un accès suffisant au haut débit leur fait souvent cruellement défaut, en particulier dans les zones rurales périphériques.

3.6   La dimension régionale nourrit de plus en plus les débats de société. Elle est l'expression d'une société responsable et respectueuse de certaines valeurs et la condition d'une activité économique et d'un "vivre ensemble" durables. Néanmoins, il arrive fréquemment que les régions manquent de l'impulsion nécessaire ou que les incitations à la valorisation des potentiels régionaux de création de valeur y soient trop faibles. Bien souvent, l'échange entre les entreprises d'une même région n'est pas du tout ou insuffisamment développé.

3.7   L'artisanat et l'agriculture sont confrontés au même défi grandissant d'améliorer la protection des ressources et du climat. Pour l'un comme pour l'autre, l'utilisation rationnelle des ressources et l'efficacité climatique sont les maîtres mots de stratégies d'entreprise tournées vers l'avenir. Grâce à une coopération des deux secteurs, les zones rurales peuvent imprimer une impulsion essentielle à la gestion des défis qui se posent à la société dans son ensemble.

4.   Objectifs

4.1   De l'avis du CESE, il est essentiel que les institutions européennes, les administrations et les gouvernements nationaux reconnaissent mieux les potentialités de l'artisanat et de l'agriculture, en tiennent comptent dans leurs politiques et contribuent ainsi à préserver les perspectives d'avenir des régions rurales.

4.2   Le CESE soutient résolument l'exploitation de nouveaux potentiels de création commune de valeur de l'artisanat et de l'agriculture.

Il y a lieu de mettre en place ou de renforcer les chaînes de valeur régionales associant l'agriculture et l'artisanat à d'autres secteurs comme le commerce, le tourisme, la santé, ou la filière du bois; ce faisant, il faudrait garantir des règles de concurrence équitables et créer des structures permettant de mieux exploiter le potentiel économique des régions avec l'aide des PME qui y sont établies.

Il conviendrait de soutenir le maintien, la diversification, la création et le développement des PME dans les zones rurales, ainsi que les coopérations économiques transsectorielles.

Il serait nécessaire de développer des programmes aisément accessibles en matière de promotion de l'économie, de l'innovation et des compétences afin de mieux soutenir les entreprises de petite taille en milieu rural; dans toutes les régions d'Europe, il importe de créer des possibilités d'accès suffisantes à la formation et au perfectionnement professionnels et d'assurer un transfert de connaissances sur les technologies de pointe d'avenir qui soit lié aux applications pratiques.

Il importe que les élèves se familiarisent avec les procédés de fabrication traditionnels et modernes auprès des artisans et agriculteurs locaux et qu'ils prennent conscience des valeurs inhérentes à l'exercice d'une activité professionnelle autonome et indépendante.

Il conviendrait d'orienter résolument la production, la transformation et la commercialisation des denrées alimentaires et autres matières premières régionales vers des exigences et qualités régionales spécifiques; il y aurait lieu de promouvoir en conséquence les systèmes d'assurance qualité, les stratégies de marque et le marketing.

Il y a lieu de soutenir les pratiques économiques efficaces sur le plan des ressources et du climat.

Il faut préserver et renforcer les services d'utilité publique, les infrastructures et la vie sociale dans les zones rurales.

Il importe de promouvoir la connexion à des réseaux à large bande modernes, condition indispensable à l'exploitation des potentialités de création de valeur par les PME dans les zones rurales.

Il convient de considérer les systèmes d'approvisionnement énergétique décentralisés et les mesures en matière d'efficacité énergétique comme une grande chance à saisir pour générer de nouveaux potentiels de création de valeur.

Compte tenu du grave changement démographique, il est indispensable de retenir les professionnels qualifiés dans les régions rurales et de les drainer vers les activités porteuses d'avenir au sein des entreprises artisanales et agricoles.

Il est absolument nécessaire d'inciter les institutions, organisations et entreprises présentes dans les zones rurales, en particulier celles qui sont représentatives de l'agriculture et de l'artisanat, à intensifier le dialogue avec la société civile et à renforcer leur coopération dans le domaine économique, ainsi que de tirer des leçons des bonnes pratiques existantes.

4.3   Afin de mieux promouvoir ces potentialités à l'avenir au bénéfice de l'économie régionale et en partenariat, le CESE tient à ce que trois objectifs soient mis plus particulièrement en évidence:

4.3.1   Dimension régionale et création de valeur

Un atout essentiel de l'agriculture et de l'artisanat réside dans leur enracinement local et régional. Dans un contexte de mondialisation, la dimension locale et régionale prend une nouvelle importance. Dans bien des cas, les actions menées au niveau local permettent de résoudre les problèmes qui se posent actuellement. Le développement de chaînes de valeur régionales joue de ce fait un rôle accru. Dans le secteur alimentaire en particulier, il existe traditionnellement des liens et des coopérations étroits entre l'agriculture et l'artisanat qui, dans de nombreuses régions, représentent une valeur ajoutée significative pour le consommateur. En la matière, les exemples positifs sont légion. Il conviendrait de s'efforcer de les développer plus avant et de les diffuser dans d'autres régions. Cette solution devrait également servir de modèle à d'autres domaines de produits et de services tels que la filière bois et le tourisme rural, par exemple. De surcroît, cette coopération peut aider à garantir les structures d'approvisionnement de proximité, à limiter les transports et contribuer ainsi à mieux préserver le climat.

La conception d'une coopération plus étroite entre les acteurs ruraux clés sous forme de chaînes de valeur permet également d'orienter la production et la commercialisation des denrées alimentaires vers des exigences et qualités régionales spécifiques et de créer une identité locale distinctive. Le développement de marques ombrelles régionales à des fins de commercialisation commune répond aux exigences croissantes des consommateurs concernant la qualité et l'origine des produits. Il conviendrait d'introduire également des labels de qualité et d'origine pour les produits artisanaux, comme c'est le cas pour les denrées alimentaires.

4.3.2   Énergie et matières premières

La mise en place de systèmes d'approvisionnement énergétique décentralisés et de mesures d'économie d'énergie dans les zones rurales prendra à l'avenir une importance nouvelle et considérable en Europe et offre un terrain de coopération idéal à l'artisanat et à l'agriculture. Pour que les énergies et les matières premières renouvelables puissent faire valoir pleinement leur bilan énergétique positif, il faut qu'elles soient traitées dans les régions où elles sont produites. À cette fin, des experts sont nécessaires sur le terrain.

Le secteur de la culture, de la transformation et de la commercialisation de matières premières et de matériaux renouvelables représente un autre champ d'action riche de promesses pour la coopération régionale.

4.3.3   Garantir la main-d'œuvre

Face au changement démographique et, dans les régions rurales périphériques, à une émigration notable de la population vers les agglomérations régionales, les entreprises agricoles et artisanales ont de plus en plus de mal à recruter une main-d'œuvre hautement qualifiée (1). Comme le signale déjà un autre avis du CESE, l'emploi des femmes mérite une attention particulière (2). Pour assurer la viabilité des sites d'activité économique, il convient d'améliorer les facteurs d'implantation indirects liés à la qualité de la vie, à savoir la disponibilité de logements, les offres éducatives, culturelles et de loisirs et surtout les offres destinées aux jeunes familles. Les efforts de sensibilisation précoce aux professions d'avenir offertes par l'artisanat et l'agriculture, déployés par les partenaires économiques auprès des élèves et des jeunes, doivent s'accompagner de mesures politiques relayées par les offices de l'emploi et les établissements scolaires publics. Les travailleurs formés à ces professions font preuve d'une grande aptitude à l'emploi, une qualité hautement appréciable lorsqu'il s'agit de s'adapter aux nouveaux défis sur le marché du travail (3).

5.   Mesures

5.1   Pour réaliser les objectifs exposés précédemment, le CESE estime nécessaire de s'appuyer résolument sur la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, inclusive et durable, de tenir compte de manière adéquate du soutien aux zones rurales au titre du FEADER et de ses six priorités d'action, ainsi qu'au titre des Fonds structurels, et d'exercer une influence durable sur la qualité de vie et le potentiel économique en milieu rural grâce à des approches politiques intégrées. Une approche transsectorielle et plurifonds favoriserait considérablement le développement de chaînes de valeur communes, la réduction de l'émigration et la stabilisation des structures d'approvisionnement en milieu rural, bénéficiant ainsi à toutes les branches de l'économie et à tous les groupes de population qui y sont implantés.

5.2   Les points d'action concrets à prendre en compte dans la configuration de la future politique structurelle de l'UE concernant les zones rurales sont notamment, du point de vue du CESE:

les investissements en faveur de la diversification, de la création, du transfert d'activités et du développement des PME dans les zones rurales;

la promotion et le lancement de coopérations et de plateformes transsectorielles (en organisant par exemple des "tables rondes" sur une base régulière);

la promotion de circuits économiques régionaux (traditionnels) avec distances de transport réduites;

la promotion de marques ombrelles régionales à des fins de transformation et de commercialisation communes de produits et services régionaux;

la promotion de la qualité et des systèmes d'assurance qualité, clés du succès de la vente des produits;

la promotion des pratiques économiques efficaces sur le plan des ressources et du climat;

le soutien au transfert ciblé de connaissances et de compétences aux entreprises artisanales, agricoles, ainsi qu'à d'autres partenaires économiques dans les zones rurales;

la promotion de partenariats d'innovation entre la recherche et l'industrie, en accordant une attention particulière aux innovations axées sur les applications et les procédés pour les PME;

le maintien et le développement des infrastructures économiques de proximité en milieu rural (en particulier la large bande);

l'appui aux mesures prises par les partenaires socio-économiques afin d'assurer la couverture des besoins de main-d'œuvre futurs;

le travail de sensibilisation au moyen de visites d'entreprises destinées aux écoles et aux citoyens;

le développement de l'approche "LEADER" existante en vue d'assurer une participation nettement plus importante des entrepreneurs et de valoriser le potentiel économique des zones rurales;

la promotion de réseaux de parrainage composés d'entrepreneurs issus de PME, en vue notamment d'un accompagnement des coopérations;

la création et le développement de plateformes visant à recueillir et à diffuser les meilleures pratiques en matière de développement régional et de coopération entre les partenaires socio-économiques ruraux;

le soutien aux régions rurales au moyen d'un budget régional flexible.

Bruxelles, le 23 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  CESE 1704/2007, JO C 120 du 16.5.2008, p. 47.

(2)  CESE 1175/2011, JO C 318 du 29.10.2011, p. 43.

(3)  Ibidem.


22.5.2012   

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C 143/39


Avis du Comité économique et social européen sur la «Position du CESE sur la préparation de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20)» (supplément d'avis)

2012/C 143/08

Rapporteur général: M. Hans-Joachim WILMS

Le 17 janvier 2012, conformément à l'article 29(a) des modalités d'application de son règlement intérieur, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un supplément d'avis sur le thème:

"La position du CESE sur la préparation de la conférence des Nations unies sur le développement durable (RIO+20)" (supplément d'avis).

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012) de nommer M. WILMS rapporteur général, et a adopté le présent avis par 211 voix pour et 3 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Les Nations unies ont convenu de tenir une conférence sur le développement durable du 20 au 22 juin 2012 à Rio de Janeiro, au Brésil. Lors de sa deuxième réunion, le comité préparatoire de la conférence a invité tous les États membres, les organisations du système des Nations unies et les acteurs concernés à transmettre des contributions au Secrétariat pour le 1er novembre 2011, en vue de les inclure dans un texte de compilation qui devait servir de base à la préparation d'un avant-projet de document final, à présenter en janvier 2012.

1.2

Le CESE a apporté sa contribution à la position commune de l'UE et de ses États membres par rapport à ce document de compilation dans le cadre de son avis "Rio+20: vers une économie verte et une meilleure gouvernance - Contribution de la société civile organisée européenne" (1), adopté en septembre 2011.

1.3

Conformément au plan d'action figurant dans cet avis, le CESE a poursuivi le dialogue avec la société civile au sein et en dehors de l'Union européenne. Au niveau international, le dialogue a lieu dans le cadre des réunions des tables-rondes de la société civile UE-Brésil et UE-Chine, ainsi que des rencontres du CESE avec la Chambre civique de Russie et l'AICESIS. D'autres activités sont prévues dans le cadre de la coopération ACP.

1.4

Au niveau européen, le CESE a organisé un vaste processus de dialogue sur les thèmes de la conférence Rio+20, notamment sur les premières réactions à l'avant-projet de document final publié le 10 janvier. Ce processus de dialogue visait à préparer la grande conférence de la société civile "Pensons durable, soyons responsables! La société civile européenne sur la voie de Rio+20", organisée les 7 et 8 février 2012 par le CESE, et à parvenir à un accord sur un message commun dans le cadre de cette conférence.

1.5

Le présent avis réitère les recommandations et conclusions formulées dans l'avis précédent du CESE sur "Rio+20: vers une économie verte et une meilleure gouvernance - Contribution de la société civile organisée" (2) et souscrit intégralement au message de la conférence du CESE "Pensons durable, soyons responsables! - La société civile européenne sur la voie de Rio+20".

2.   Conclusions et recommandations

2.1

Le CESE est convaincu que les crises économique, sociale et environnementale actuelles sont étroitement liées entre elles et qu'il n'est plus possible de continuer comme si de rien n'était.

2.2

Le CESE rappelle le message suivant de la conférence "Pensons durable, soyons responsables! La société civile européenne sur la voie de Rio+20", organisée par le CESE les 7 et 8 février 2012 à Bruxelles.

2.3

À l’occasion de la conférence Rio+20 des Nations unies, les responsables de la planète doivent s'engager sur un plan d'action concret conduisant à l'instauration d'un développement durable et à l'éradication de la pauvreté, dans les limites des capacités de la planète. La promotion d'une économie verte doit s'inscrire dans une stratégie globale de développement durable qui réconcilie les aspects sociaux, écologiques et économiques, tout en veillant à la justice distributive et à l'équité intergénérationnelle.

2.4

L'éradication de la pauvreté et l'accès garanti de tous à une alimentation suffisante, à une eau potable et à une énergie durable doivent être des priorités essentielles de l'agenda de Rio+20. La promotion d'une agriculture locale respectueuse de l'environnement dans les pays en développement joue un rôle crucial dans la lutte contre la pauvreté et l'amélioration de la sécurité alimentaire, et constitue un moteur pour le développement de régions rurales prospères sur le plan économique. Il importe de garantir aux femmes des droits politiques, économiques et sociaux égaux.

2.5

Les dirigeants politiques doivent renouveler leur attachement à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et adopter des mesures supplémentaires pour en assurer le nécessaire financement. En particulier, les pays développés doivent mettre en œuvre de manière effective leur engagement d'allouer à l'aide au développement 0,7 % de leur revenu national brut.

2.6

Il est nécessaire que les négociateurs européens mettent bien davantage l'accent sur la dimension sociale du développement durable que cela n'est prévu dans l'avant-projet. L'accroissement des inégalités sociales et de richesses dans et entre les pays exigent des actions urgentes, dans la mesure où elles entravent les efforts en faveur du développement durable et de la justice distributive. En outre, une transition juste doit garantir aux travailleurs des emplois décents et de haute qualité. La ratification et l'application des normes fondamentales de l'OIT en matière de travail sont indispensables et l'Initiative pour un socle de protection sociale de l'OIT doit bénéficier d'un soutien total.

2.7

Les responsables politiques doivent s'engager à Rio en faveur d'une feuille de route pour une économie verte, assortie d'objectifs précis et de mécanismes de suivi qui garantissent une transition vers des sociétés durables qui soit efficace sur le plan économique, socialement juste et respectueuse de l'environnement. Le processus de transition doit se fonder sur un engagement permanent à l'égard de la société civile, notamment sur un dialogue social.

2.8

Les pays européens et les autres pays développés doivent s'engager à Rio à réduire considérablement leur consommation des ressources naturelles limitées de la Terre. Les dirigeants européens doivent mettre en œuvre les objectifs de l'UE qui ont été convenus et se préparer à des actions plus ambitieuses. Il importe que les pays émergents utilisent leurs ressources de manière plus efficiente.

2.9

Les modes de consommation et de production non durables doivent être éliminés progressivement en recourant à un large éventail d'instruments politiques, notamment des mesures réglementaires, des instruments de politique fiscale, la passation de marchés publics verts et sociaux, la suppression graduelle des subventions néfastes pour l'environnement, la recherche dans l'éco-innovation, l'internalisation des coûts environnementaux et d'autres mesures d'incitation fondées sur le marché, tout en promouvant des modes de vie durables et une participation active des consommateurs au processus de transition. Adoption à Rio d'un programme de travail décennal sur la consommation et la production durables.

2.10

L'avant-projet reconnaît les limites du PIB comme instrument de mesure du bien-être; la société civile doit dès lors être associée à l'élaboration urgente d'indicateurs complémentaires.

2.11

Il y a lieu de se féliciter de l'initiative visant à définir d'ici 2015 un ensemble d’objectifs de développement durable à l'échelle de la planète, fondé sur une approche équilibrée des trois dimensions du développement durable. Il importe d'engager à Rio un processus inclusif qui lie les objectifs du Millénaire pour le développement avec les objectifs généraux de développement durable, et établisse une stratégie et des indicateurs de développement durable assortis de mécanismes de responsabilisation précis.

2.12

Un nouveau pacte mondial doit être conclu à Rio pour garantir les investissements nécessaires dans le cadre de l'écologisation de l'économie.

2.13

Le rôle clé et la responsabilité du secteur privé dans la réalisation de la transition vers le développement durable sont reconnus. L'écologisation de l'économie offre des possibilités au monde des entreprises. Les entreprises et les industries devraient se saisir de cette occasion. Il importe que les responsables politiques définissent des cadres politiques clairs, stables et prévisibles pour l'économie verte, qui donnent aux entreprises la confiance, le cadre réglementaire et les incitations nécessaires pour procéder aux investissements indispensables.

2.14

Il conviendrait de créer un nouveau Conseil du développement durable, qui remplacerait la Commission du développement durable, de même qu'une nouvelle agence de l'ONU pour l'environnement, fondée sur le PNUE. Ces deux organes devraient tous les deux prévoir la participation effective de la société civile représentée par les grands groupes.

2.15

Il convient de se réjouir de la proposition d'instituer un médiateur pour les générations futures.

2.16

Les responsables politiques doivent adopter, lors de la conférence Rio+20, des mesures complémentaires en vue d’améliorer la participation effective de la société civile et de renforcer l'autonomisation au niveau mondial, national et local dans le processus de transition vers des sociétés durables. Des cadres juridiques et institutionnels garantissant l’accès du public à l’information, le dialogue, la participation et le contrôle démocratiques doivent être établis. Il convient de promouvoir le modèle des forums réunissant des parties prenantes multiples, comme le Comité économique et social européen et les conseils nationaux pour le développement durable, afin de stimuler le débat au sein de la société civile. Il est également nécessaire de déployer davantage de campagnes de sensibilisation et de programmes d'éducation en matière de développement durable.

2.17

La société civile dans le monde entier devrait continuer à faire pression pour que les résultats de la conférence soient à la hauteur des défis que nous devons affronter. La société civile doit prendre ses responsabilités à l’échelle de la planète!

2.18

L'avant-projet de document publié par le bureau de la conférence Rio+20 des Nations unies est un bon point de départ pour des négociations ultérieures. Toutefois, cet avant-projet est encore loin d'être à la mesure des défis auxquels nous sommes confrontés.

2.19

Les chefs d'État et de gouvernement européens doivent prendre leurs responsabilités et participer activement à la conférence Rio+20. Les négociateurs de l'UE doivent œuvrer en faveur d'un document plus ambitieux en ce qui concerne les objectifs, les délais, les financements, les engagements juridiques et le suivi. Il est indispensable de réexaminer et de relancer la stratégie globale de l'UE en matière de développement durable dans le prolongement de la conférence de Rio+20.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 102.

(2)  JO C 376 du 22.12.2011, p. 102.


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

478e session plénière des 22 et 23 février 2012

22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/42


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen d'ajustement à la mondialisation pour la période 2014-2020» (saisine)

COM(2011) 608 final – 2011/0269 (COD)

2012/C 143/09

Rapporteur: M. SIECKER

Co-rapporteur: M. HABER

Les 24 et 25 octobre 2011 respectivement, le Conseil et le Parlement européen ont décidé, conformément aux articles 175, paragraphe 3 et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen d'ajustement à la mondialisation pour la période 2014-2020"

COM(2011) 608 final – 2011/0269(COD).

La commission consultative des mutations industrielles (CCMI), chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 9 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 23 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 158 voix pour, 10 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE se félicite que la Commission ait présenté une proposition destinée à prendre le relais du règlement du Parlement européen et du Conseil sur le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM). Dans le même temps, le Comité doute que toutes les suggestions de la Commission soient à même de résoudre les problèmes posés par le Fonds. Les demandes d'aide introduites auprès du FEM ont été (et sont toujours) très peu nombreuses, et le CESE ne pense pas qu'une extension du Fonds à l'agriculture soit la meilleure façon de redresser la barre. En lieu et place, le Comité suggère de prendre quelques mesures supplémentaires afin d'améliorer l'utilisation de ce dernier, par exemple d'abaisser les seuils d'éligibilité et d'accélérer la procédure, sachant que l'instrument en soi a donné des résultats plutôt satisfaisants dans les cas où son intervention était requise.

1.2

Cette sous-utilisation s'explique notamment par la lenteur et le caractère bureaucratique de la procédure du FEM, dus à sa spécificité. La Commission ne peut prendre aucune décision sans en référer au Parlement européen et au Conseil. Une fois que l'autorité budgétaire est associée au processus, il faut passer par certaines procédures chronophages, qui ont abouti à l'approbation de toutes les demandes, au prix de dépenses importantes de moyens administratifs, qui auraient pu être mieux utilisés.

1.3

Le CESE suggère d'abaisser le seuil pour les demandes d'aide à 200 licenciements au lieu des 500 proposés. Il recommande par ailleurs de porter le cofinancement de l'UE à 75 % afin d'améliorer encore l'utilisation du FEM. Le Comité se réjouit en outre que la notion de "travailleur" ait été étendue aux personnes titulaires d'un contrat à durée déterminée et aux intérimaires. Il est favorable à un élargissement du concept aux indépendants. Il s'agit en effet d'acteurs d'une importance et d'un poids considérables sur le marché de l'emploi, qui sont parmi les premiers à subir les conséquences conjuguées de la mondialisation et des crises économiques. Dans la mesure où le Fonds n'a jamais été conçu pour épauler les employeurs, le CESE désapprouve l'extension du FEM aux propriétaires/dirigeants de PME. La direction générale Entreprises dispose d'une section spécifiquement consacrée aux politiques en faveur des PME, accompagnées de programmes d'aide substantiels. Le FEM ne devrait pas empiéter sur ces derniers.

1.4

Le CESE souhaite suggérer deux moyens supplémentaires susceptibles de rendre le FEM plus performant. Il s'agit premièrement d'informer les PME des possibilités que leur sont offertes par le FEM au moyen d'une vaste campagne de communication, et deuxièmement, d'associer les partenaires sociaux dès le début de la procédure lors du dépôt d'une demande au titre du Fonds. Le CESE tient également à fait part de sa surprise à l'annonce de la décision du Conseil de décembre 2011 de retirer la possibilité de recourir au FEM pour combattre les conséquences sociales imprévues de la crise économique au cours des deux dernières années de validité actuelle du Fonds (2012 et 2013). Cette décision est d'autant plus surprenante que l'aperçu des demandes démontre que le Fonds a donné des résultats plutôt satisfaisants à cet égard. Le CESE engage dès lors instamment le Conseil à réexaminer cette décision et entend ne laisser planer aucun doute sur le fait qu'il souhaite voir cette dimension encore prise en compte par le Fonds dans le cadre de sa reconduction pour la période 2014- 2020.

1.5

Le CESE désapprouve la proposition d'extension du FEM à l'agriculture, mais reconnaît la nécessité d'agir en faveur de ce secteur lors de l'entrée en vigueur de futurs accords commerciaux tels que le traité relatif au Mercosur. Le Mercosur peut s'avérer bénéfique pour l'UE dans son ensemble, mais au sein même de l'Union, ce sont l'industrie et le secteur des services qui en tireront avantage, et l'agriculture qui en pâtira. La Commission a indiqué qu'elle s'attendait à ce que les accords économiques à venir puissent avoir la même incidence. S'il est juste d'accorder des compensations à l'agriculture pour pallier ces types de désavantages, il conviendrait de le faire au moyen d'une solution taillée sur mesure pour ce secteur, par exemple au moyen des Fonds structurels liés à la politique agricole commune. Le CESE demande instamment que le FEM, qui a été créé pour aider les travailleurs licenciés à se réinsérer sur le marché de l'emploi, demeure à l'avenir réservé à cette fin.

1.6

Le CESE insiste pour que soit maintenu le fonctionnement du Fonds en période de crise et qu'il puisse notamment être utilisé dans les situations de délocalisation/relocalisation d'activités industrielles au sein de l'Union européenne.

2.   Contenu essentiel de la proposition de la Commission

2.1

En mars 2006, la Commission a présenté une proposition relative à la création d'un Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM), en vue d'octroyer des aides ponctuelles et spécifiques destinées à faciliter la réinsertion professionnelle des travailleurs ayant perdu leur emploi dans des régions ou des secteurs affectés par de graves perturbations économiques telles que la délocalisation des emplois dans des pays tiers, une augmentation massive des importations ou la diminution progressive de la part de marché de l'UE dans un secteur donné. Le principal critère d'éligibilité à un financement du FEM résidait dans la présence d'un licenciement massif touchant plus de 1 000 travailleurs au sein d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises d'un même secteur dans une région donnée ou deux régions contiguës.

2.2

Le FEM a été établi pour la durée de la période de programmation 2007-2013. Parmi les mesures prévues figuraient le recyclage professionnel, l'aide à la réinsertion professionnelle, l'aide aux jeunes entreprises et des compléments de revenu. Le FEM intervient à la demande d'un État membre. Le montant de la contribution financière de l'Union européenne ne pouvait dépasser 50 % du total des coûts estimés de l'ensemble des mesures envisagées par l'État membre. En 2009, les critères d'octroi des aides ont été adaptés en raison de la pression exercée par la crise économique. Le nombre de licenciements a été abaissé de 1 000 à 500, et la participation de l'UE aux projets du FEM est passée de 50 à 65 %.

2.3

En octobre 2011, la Commission a présenté une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil suggérant de poursuivre les opérations du FEM au cours de la période de programmation 2014-2020 de manière à contribuer à la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020, et d'étendre le régime d'aide à l'agriculture. Afin de garantir que le soutien octroyé par le FEM soit accessible à tous les travailleurs, quelle que soit la nature de leur contrat ou de leur relation de travail, la notion de "travailleurs" est élargie afin d'englober, outre les travailleurs en possession d'un contrat de travail à durée indéterminée, les travailleurs ayant un contrat à durée déterminée, les travailleurs intérimaires, ainsi que les propriétaires/dirigeants de micro, petites et moyennes entreprises et les travailleurs indépendants, y compris les agriculteurs. La participation financière de l'UE aux projets du FEM ira de 50 à 65 %.

2.4

La Commission a proposé que le FEM reste en dehors du cadre financier pluriannuel (CFP), en raison du caractère imprévisible et urgent des circonstances qui en déterminent le déploiement. Les dépenses de l'Union doivent être axées sur les résultats. Pour ce qui est des dépenses liées au FEM, l'objectif fixé par le cadre financier pluriannuel veut qu'au moins 50 % des travailleurs épaulés par le FEM trouvent un nouvel emploi stable dans un délai de 12 mois. Afin de permettre à la Commission européenne de vérifier si les efforts des États membres pour réaliser cette ambition portent leurs fruits, ceux-ci sont tenus de lui soumettre un rapport intermédiaire après 15 mois.

3.   Observations générales

3.1

Le FEM a été conçu comme un instrument d'intervention d'urgence permettant à l'UE de réagir avec rapidité et souplesse pour soutenir les salariés ayant perdu leur emploi en raison de la mondialisation. Une enveloppe de 3,5 milliards d'euros était disponible pour les sept années de validité du Fonds, de 2007 à 2013. Or, au cours des cinq premières années, entre 2007 et 2011, à peine plus de 364 millions d'euros ont été utilisés sur les 2,5 milliards disponibles pour cette période. Cette utilisation modeste était imputable à la procédure administrative lente et bureaucratique, au seuil d'éligibilité élevé (1 000 travailleurs licenciés) et au niveau de cofinancement modeste (50 %). En 2009, le Fonds a été mieux utilisé grâce à l'abaissement du seuil pour les demandes d'aide de 1 000 à 500 salariés, à l'augmentation du seuil de cofinancement de l'UE de 50 à 65 % (sous certaines conditions), et à la recevabilité des demandes motivées par la lutte contre les conséquences de la crise économique, en sus de celles destinées à combattre les effets de la mondialisation.

3.2

Une fois ces ajustements effectués, l'utilisation du FEM s'est intensifiée, passant de huit demandes en 2007 et cinq en 2008 à vingt-neuf en 2009 et 2010. En 2011, huit demandes ont été approuvées, dix-huit autres restant à ce jour en cours d'examen. Le FEM est davantage intervenu pour combattre les effets de la crise que pour lutter contre les incidences de la mondialisation: 53 demandes motivées par la crise ont été introduites en trois ans (entre 2009, année de l'extension du FEM visant à couvrir les conséquences de la crise et le mois de novembre 2011), contre 26 demandes justifiées par la mondialisation en l'espace de cinq ans. Ces 53 demandes liées à la crise concernaient 48 607 travailleurs, et les 26 demandes relatives à la mondialisation, 28 135 personnes. Au total, ce sont donc 76 742 travailleurs qui ont bénéficié d'une aide pour préserver leur aptitude à l'emploi.

3.3

L'évaluation à mi-parcours du FEM s'est attachée à déterminer combien de travailleurs concernés avaient retrouvé un emploi dans un délai d'un an, sur la base des 15 rapports finaux disponibles à l'époque pour la période 2007-2009. Le taux moyen de retour à l'emploi était de 41,8 %. Ces taux excédaient le point de référence, fixé à 50 %, dans 6 des 15 premiers cas de cofinancement par le FEM, et manquaient de peu l'objectif dans les 9 autres cas. Les résultats obtenus en matière de réinsertion variaient considérablement, allant d'un score de 78,2 % dans un cas en Allemagne à des niveaux beaucoup plus faibles, de 4 à 6 %, dans certains cas recensés au Portugal, en Espagne et en Italie. La question reste ouverte de savoir s'il ne convient pas, dans le souci d'atteindre des niveaux comparables d'efficacité de l'aide, de lier une partie du soutien aux résultats de cette aide. À moyen terme (plus de 12 mois après la décision d'octroi de l'aide du FEM), les taux de retour à l'emploi ont bel et bien augmenté dans la majorité des cas (pour lesquels des informations étaient disponibles) en dépit de l'impact de la crise économique mondiale qui gagnait les économies locales. Le taux d'emploi des bénéficiaires du FEM s'est accru au fil du temps dans 8 cas, et a diminué dans 3 cas. En moyenne, sur l'ensemble de ces cas, le taux de retour à l'emploi a gagné 7 points de pourcentage. Il semble justifié d'en conclure de manière générale que le recours au Fonds est certes modeste, mais les résultats bons.

3.4

Un point n'a pas été examiné, c'est la troisième cause de l'usage timide du FEM, à savoir l'absence de budget propre. Chaque fois qu'une demande est introduite, l'autorité budgétaire, en l'occurrence le Parlement européen et le Conseil, doit par conséquent décider séparément si celle-ci mérite ou non d'être soutenue. Bien que ce modèle d'instrument extérieur aux structures existantes de l'UE permette une réaction rapide et flexible la procédure administrative à suivre par souci de précision est à la fois très longue et très pesante. Il convient de rappeler l'importance des coûts liés à la procédure d'approbation, tels que la traduction des documents en 22 langues, les salles de réunions, les documents de travail, le temps des participants, l'interprétation, le tout aux différentes étapes de la procédure d'approbation. Toutes les demandes ont été approuvées et l'on est en droit de se demander si l'on ne devrait pas employer ces dépenses liées à l'approbation au profit des travailleurs touchés. L'avantage de la procédure actuelle du FEM réside dans sa transparence et la visibilité qu'elle confère à l'engagement de l'UE envers la lutte contre l'exclusion sociale. Même si la transparence et la visibilité revêtent une importance primordiale, il importe de faire en sorte d'accélérer la procédure et de réduire les coûts.

3.5

Parmi les autres modèles envisageables repris dans la proposition et dans les documents qui l'accompagnent (1) figurent l'intégration du FEM au sein du Fonds social européen ou la poursuite des opérations du FEM en tant qu'organe indépendant doté d'un budget propre. Les deux modèles ont leurs avantages et leurs inconvénients. Le principal inconvénient d'une éventuelle intégration du FEM au FSE serait la nécessité de consacrer au FEM une enveloppe clairement définie, tirée du budget de l'UE, et ce en dépit du fait qu'il est impossible de prévoir ou de planifier des licenciements massifs. Les avantages évidents qui découleraient de cette option résideraient dans la cohérence et la complémentarité par rapport au FSE, l'abrègement éventuel du processus décisionnel, la simplification et la rationalisation potentielles des demandes d'aide adressées au FEM. La seconde possibilité, qui prévoit de reconduire le FEM en tant qu'organe de l'UE indépendant muni d'un budget propre présente, outre de multiples inconvénients, un seul et unique avantage: une visibilité renforcée pour la solidarité européenne.

4.   Observations spécifiques

4.1

D'emblée, le CESE tient à fait part de sa surprise à l'annonce de la décision du Conseil de décembre 2011 de retirer la possibilité, au cours des deux dernières années de validité actuelle du Fonds (2012 et 2013), de recourir au FEM pour combattre les conséquences sociales imprévues de la crise économique lorsqu'une intervention d'urgence est de mise. L'aperçu des demandes introduites auprès du FEM jusqu'au 17 novembre 2011 démontre très clairement que celui-ci a donné des résultats plutôt satisfaisants à cet égard, alors qu'il remplissait avec moins de bonheur sa mission initiale, consistant à lutter contre les effets de la mondialisation. En 2009 comme en 2010, 23 demandes destinées à contrer les incidences de la crise ont été approuvées, contre six motivées par la lutte contre l'impact de la mondialisation. Par conséquent, le CESE demande instamment au Conseil d'autoriser le recours au FEM pour combattre également les effets de la crise tant que celle-ci se prolongera. Le CESE entend ne laisser planer aucun doute quant à son désir de voir se perpétuer l'extension du Fonds à la lutte contre les incidences de la crise économique dans le cadre de la poursuite des opérations de celui-ci, et d'assister à une réduction plus franche encore des obstacles aux demandes.

4.2

Bien que le nombre de demandes ait augmenté après 2008, le recours au FEM est toujours très modeste. Il semble donc logique d'abaisser les seuils d'éligibilité des demandes sous la barre proposée. Dans les résultats préliminaires du réexamen à mi-parcours, on peut lire, à propos de la réduction du seuil de 1 000 à 500 licenciements: "Néanmoins, dans certains contextes, ce chiffre revu à la baisse serait encore considéré comme trop élevé, sachant que même une perte de 200 à 300 emplois pourrait causer un choc intense au niveau local et régional". À la lumière des processus de délocalisation et de sous-traitance actuellement en cours, le seuil existant (fixé à 500 salariés) pourrait encore s'avérer trop élevé. Le CESE suggère donc de le réduire à 200 salariés.

4.3

Le CESE souhaite suggérer ici deux moyens supplémentaires susceptibles de rendre le FEM plus performant. Les PME sont généralement trop petites et disposent de trop peu de moyens pour se tenir correctement informées des possibilités que l'UE est amenée à créer dans certaines circonstances. Il est probable que bon nombre des PME se trouvant aux prises avec les problèmes que le FEM se propose de résoudre n'en connaissent pas même l'existence, et ne peuvent donc y recourir. Le CESE considère qu'il y a tout à gagner à tenir les propriétaires/dirigeants de PME informés des possibilités du FEM à l'aide d'une vaste campagne de communication. Les performances du FEM pourraient également être améliorées si l'on associait les partenaires sociaux dès le début de la procédure lors du dépôt d'une demande d'intervention du Fonds.

4.4

L'évaluation portant sur la période écoulée semble indiquer que les fortes réticences manifestées par les États membres au cours de la première phase de fonctionnement du FEM étaient partiellement dues au montant élevé de la contribution propre à verser. Pour cette raison, les proportions ont été modifiées en 2009, et il semble que cette démarche ait eu un effet positif. Sachant que des instruments solides et actifs concernant le marché du travail restent nécessaires face à la crise actuelle, le CESE recommande de porter le cofinancement de l'UE à 75 % en vue de renforcer encore l'utilisation du FEM.

4.5

La Commission propose de poursuivre les opérations sur le modèle du FEM actuel, celui d'un instrument de lutte contre la crise, extérieur au cadre financier. L'inconvénient de ce modèle réside dans les procédures longues et bureaucratiques qu'il implique. Cette bureaucratie tient à la présence de goulets d'étranglement, tant au sein des institutions européennes que des États membres. Le CESE appelle la Commission à déployer des efforts pour les résorber afin que la procédure gagne en souplesse et en rapidité et ne soit plus perçue comme un obstacle par les candidats potentiels à un soutien. Ainsi, les demandes émanent par exemple des régions, qui sont néanmoins contraintes de passer par l'échelon national. Cette exigence ralentit considérablement le processus, et un réexamen de ce type de procédures donnerait lieu à un gain d'efficacité appréciable.

4.6

Le Comité se réjouit que dans le nouveau règlement, la notion de "travailleurs" ne soit plus limitée aux détenteurs d'un contrat de travail à durée indéterminée, mais ait été étendue aux personnes titulaires d'un contrat à durée déterminée et aux intérimaires. Il se montre plus réservé en ce qui concerne l'inclusion des indépendants dans cette définition. Le Fonds a été conçu comme un instrument flexible de soutien aux travailleurs dont la perte d'emploi est une conséquence de la mondialisation. Le statut d'indépendant recouvre des formes très diverses d'un État membre à l'autre. Il va des experts hautement qualifiés très demandés sur le marché du travail aux micro-entreprises unipersonnelles, en passant par les travailleurs indépendants économiquement dépendants, qui se trouvent en fait dans une position similaire à celles des salariés. Une large proportion d'indépendants forme une part importante du marché de l'emploi. Les indépendants seront parmi les premiers à subir les conséquences conjuguées de la mondialisation et des crises économiques. Pour prévenir le chômage et inciter à une meilleure utilisation du FEM, le CESE suggère que ces participants au marché de l'emploi soient comptés au nombre des bénéficiaires potentiels du Fonds.

4.7

Pour ce qui est des propriétaires/dirigeants de PME, le CESE maintient ses réserves. S'ils détiennent ou dirigent une PME qui emploie des salariés, leur statut est dès lors celui d'employeur et ils ne sont donc pas habilités à introduire une demande étant donné que le FEM a été mis en place au bénéfice des employés qui ont perdu leur emploi. L'octroi d'une aide aux entreprises concernées pourrait facilement créer une distorsion de la concurrence avec les autres PME. L'utilisation du FEM au bénéfice de ce groupe empièterait sur la politique menée par la direction générale Entreprises en faveur des PME, laquelle s'appuie sur un large éventail de programmes en matière d'éducation, de formation et d'innovation. Pour cette raison, le CESE est d'avis que les propriétaires/dirigeants de PME ne sont pas éligibles en tant que tels à un soutien du FEM. Les employés de ces PME sont en revanche habilités à bénéficier du Fonds s'ils perdent leur emploi du fait de répercussions inattendues de la mondialisation, et s'ils satisfont aux autres conditions fixées par le FEM.

4.8

Le CESE désapprouve l'élargissement du FEM aux agriculteurs. La Commission justifie sa proposition, aux termes de laquelle jusqu'à plus de 80 % des moyens du FEM doivent être utilisés pour les exploitations agricoles, en faisant référence aux négociations de futurs accords commerciaux. L'UE a déjà calculé que des traités comme celui sur le Mercosur, qui serait conclu entre l'UE et plusieurs pays d'Amérique latine, profiteraient à l'ensemble de l'Union, sachant toutefois qu'au sein même de l'UE, ce sont surtout l'industrie et le secteur des services qui en bénéficieront, alors que l'agriculture, elle, en pâtira. Bon nombre de ces futurs accords sont susceptibles d'avoir les mêmes conséquences.

4.9

La proposition énonce que le FEM entend fournir "une aide ponctuelle aux travailleurs licenciés à la suite de modifications structurelles majeures résultant de la mondialisation croissante de la production et de la configuration des échanges commerciaux". Dans le paragraphe suivant, la Commission ajoute que "l'Union devrait également pouvoir solliciter le FEM pour fournir une aide en cas de licenciements massifs dus à une grave détérioration de la situation économique locale, régionale ou nationale à la suite d'une crise imprévue. Le champ d'application des interventions du FEM sera en outre élargi afin d'apporter un soutien transitoire aux agriculteurs pour faciliter leur adaptation à une nouvelle situation du marché résultant de la conclusion, par l’Union, d’accords commerciaux affectant les produits agricoles".

4.10

Un petit nombre d'éléments importants étayent la thèse de l'inadéquation d'une extension du FEM à l'agriculture. Les problèmes qui découleront de ces accords commerciaux pour le secteur agricole seront de nature structurelle, puisque selon toute probabilité, les futurs traités auront des incidences similaires et que le FEM restera un instrument temporaire. De surcroît, les accords commerciaux comme le traité sur le Mercosur sont souvent en cours de négociations depuis de nombreuses années et ne peuvent être considérés comme de "graves détériorations de la situation économique locale, régionale ou nationale à la suite d'une crise imprévue". Il s'agira de graves détériorations de la situation économique locale, régionale ou nationale provoquées par des actions délibérées et soigneusement préparées de l'Union européenne. S'il va de soi que l'agriculture devrait recevoir des compensations pour le fardeau qui lui sera ainsi imposé, il conviendrait toutefois de le faire au moyen d'une solution taillée sur mesure pour ce secteur. Le CESE demande instamment que le FEM, qui a été créé pour aider les travailleurs licenciés à se réinsérer sur le marché du travail, demeure à l'avenir réservé à cette fin.

Bruxelles, le 23 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2011) 1130, 1131 et 1133 final.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/46


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'États membres différents — (refonte)»

COM(2011) 714 final — 2011/0314 (CNS)

2012/C 143/10

Rapporteur: M. MORGAN

Le 20 décembre 2011, le Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 115 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de directive du Conseil concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'États membres différents – (refonte)"

COM(2011) 714 final – 2011/0314 (CNS).

La section spécialisée "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 230 voix pour, 4 voix contre et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE approuve le champ d'application de la directive proposée et se félicite que la directive modifiée et la directive "mères-filiales" soient désormais alignées. Il se réjouit tout particulièrement du seuil de participation de 10 % qui a été fixé pour qu'une société soit reconnue comme associée. Il s'agit là en effet d'une demande exprimée par le Comité dès juillet 1998 (1).

1.2

Le Comité note que cette proposition entraînera une réduction des recettes fiscales de nombreux États membres. Dans un contexte de crise budgétaire pour les pays de l'Union, il est à supposer qu'il faudra du temps pour recueillir l'approbation des 27 États. La directive précédente n'a été définitivement adoptée par le Conseil que cinq ans après publication de la proposition.

1.3

Le CESE soutient la présente proposition et demande instamment aux États membres de l'approuver sans tarder afin de pouvoir rationnaliser les retenues à la source et de supprimer une autre entrave au fonctionnement harmonieux du marché intérieur.

2.   Introduction

2.1

Il existe dans l'Union européenne deux courants parallèles de législation concernant l'élimination de la double imposition entre les sociétés mères et les filiales transfrontalières. Les directives "mères-filiales" traitent de la double imposition des dividendes. Le second courant de législation a été conçu pour éliminer la double imposition des paiements d'intérêts et de redevances. Ces deux courants n'ont pas été harmonisés.

2.2

La première directive "mères-filiales" (90/435/CEE), adoptée en 1990, prévoyait essentiellement que la société mère devait détenir au moins 25 % des parts de la filiale pour que l'exemption puisse s'appliquer. Une directive modificative (2003/123/CE) a été adoptée par le Conseil à la fin de l'année 2003. Elle ramenait progressivement à 10 %, à compter de janvier 2009, la participation minimale nécessaire pour bénéficier de l'exonération et mettait également à jour la liste des sociétés entrant dans le champ d'application de la directive.

2.3

Il a été proposé d'aborder les intérêts et les redevances parallèlement aux travaux relatifs à la directive "mères-filiales". Il s'agissait de fait d'un thème prioritaire du rapport Ruding de 1992 (2). Toutefois, aucun consensus n'a pu être réuni jusqu'à ce que la Commission publie ses propositions en 1998 (COM(1998) 67). La question est néanmoins restée controversée, car si certains États membres étaient avantagés, d'autres étaient perdants, et ce n'est dès lors qu'en juin 2003 que le Conseil a pu adopter la directive (2003/49/CE). En raison de ce contentieux, la Grèce, l'Espagne et le Portugal se sont vu accorder des périodes de transition, tant pour les intérêts que pour les redevances. Une directive ultérieure, en date de 2004, a étendu les dispositions transitoires à certains nouveaux États membres (République tchèque, Lettonie, Lituanie et Pologne, puis Bulgarie et Roumanie par un protocole signé en 2005).

2.4

Dans son avis adopté lors de la session plénière de juillet 1998 (3), le CESE a approuvé la proposition de 1998 relative aux intérêts et aux redevances. Cet avis comportait quatre éléments spécifiques: il était proposé en premier lieu que le seuil de 25 % soit ramené à 10 %; les trois autres concernaient des éclaircissements à apporter.

2.5

En juin 2006, la Commission européenne a publié une étude sur la mise en œuvre de la directive. À la suite de ces travaux, le 11 novembre 2011, la Commission a adopté une nouvelle proposition de refonte de la directive visant à en étendre le champ d'application, qui permettra d'aligner les dispositions relatives aux intérêts et aux redevances sur celles de la directive "mères-filiales".

2.6

Une analyse d'impact a été réalisée pour un certain nombre d'options envisagées, avant que la Commission ne décide de proposer une solution consistant, pour les paiements d'intérêts, à aligner la directive concernant les intérêts et les redevances sur les dispositions de la directive "mères-filiales".

2.7

Selon l'analyse d'impact:

Pour ce qui est des paiements d'intérêts, les pertes ne devraient pas dépasser 200 à 300 millions d'euros et concerneraient les 13 États membres de l'Union qui effectuent encore des retenues à la source sur les paiements d'intérêts sortants, à savoir la Belgique, la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, la Lettonie, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Roumanie et la Slovénie.

Quant aux paiements de redevances, les pertes devraient se situer entre 100 et 200 millions d'euros. Seraient concernés les sept pays présentant le solde négatif le plus important par rapport au PIB en ce qui concerne les paiements de redevances, c'est-à-dire la Bulgarie, la Grèce, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie. C'est cette option qui a emporté la préférence de la majorité des parties prenantes ayant participé à la consultation publique.

2.8

Il ressort de l'analyse d'impact que les initiatives prévues dans la présente proposition de refonte en vue d'éliminer les retenues à la source dans un plus grand nombre de cas permettraient aux entreprises d'économiser entre 38,4 et 58,8 millions EUR en termes de coûts de mise en conformité.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1

La proposition du 11 novembre 2011 a été adoptée par la Commission en vue de:

modifier le champ d'application de la directive en étendant la liste des sociétés auxquelles elle s'applique;

revoir à la baisse les exigences que les sociétés doivent remplir en matière de participation pour avoir le statut de société associée, et passer ainsi d'un seuil de participation directe de 25 % à un seuil de participation de 10 %.

étendre la définition de la "société associée" pour qu'elle recouvre les participations indirectes;

indiquer clairement que les États membres sont tenus de n'accorder les avantages de la directive aux sociétés concernées d'un État membre que lorsque les paiements d'intérêts et de redevances concernés ne sont pas exonérés de l'impôt sur les sociétés. Sont ici notamment visées les situations où une société qui acquitte l'impôt sur les sociétés bénéficie d'un régime fiscal national particulier exonérant les paiements d'intérêts ou de redevances étrangers reçus. L'État d'origine ne serait alors pas tenu d'accorder l'exonération de retenue à la source dans le cadre de la directive.

Les périodes de transition ne sont pas modifiées.

3.2

Comme dans la directive sur les fusions et la directive "mères-filiales", les avantages de la directive sur les intérêts et les redevances ne sont accordés qu'aux sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés dans l'UE, qui ont leur résidence fiscale dans un État membre de l'UE et qui figurent parmi les types de société indiqués dans l'annexe de la directive. Comme cette annexe ne comporte que les types de sociétés existant dans les 15 États membres qui faisaient déjà partie de l'Union avant le 1er mai 2004, les types de société des nouveaux États membres ont été ajoutés par la directive 2004/66/CE du Conseil du 26 avril 2004.

3.3

La nouvelle proposition modificative adoptée par la Commission constitue une refonte de l'ensemble de ces directives de manière à mettre à jour la liste des sociétés figurant dans l'annexe à la directive. La nouvelle liste proposée comporterait également:

la société européenne (règlement (CE) no 2157/2001 du Conseil et directive 2001/86/CE du Conseil) qui peut être constituée depuis 2004 et

la société coopérative européenne (règlement (CE) no 1435/2003 du Conseil et directive 2003/72/CE du Conseil) qui peut être constituée depuis 2006.

3.4

La directive révisée doit entrer en vigueur le 1er janvier 2013.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur la proposition de directive du Conseil concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'États membres différents, JO C 284 du 14.9.1998, p. 50.

(2)  Rapport du comité d'experts indépendants sur la fiscalité des sociétés de mars 1992.

(3)  JO C 284, 14.9.1998, p. 50.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/48


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'action pour la douane et la fiscalité dans l'Union européenne pour la période 2014-2020 (Fiscus) et abrogeant les décisions no 1482/2007/CE et no 624/2007/CE»

COM(2011) 706 final — 2011/0341 (COD)

2012/C 143/11

Rapporteur: M. Bryan CASSIDY

Le Conseil, le 20 décembre 2011, et le Parlement européen, le 14 décembre 2011, ont décidé, conformément aux articles 33 et 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'action pour la douane et la fiscalité dans l'Union européenne pour la période 2014-2020 (Fiscus) et abrogeant les décisions no 1482/2007/CE et no 624/2007/CE"

COM(2011) 706 final – 2011/0341 (COD).

La section spécialisée "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 2 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 231 voix pour, 3 voix contre et 11 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE soutient, d'une manière générale, la proposition Fiscus. Il souhaiterait toutefois souligner les points suivants:

Il convient de s'assurer que les administrations douanières et fiscales sont suffisamment équipées pour relever les défis auxquels elles seront confrontées au cours de la prochaine décennie.

Les secteurs de la fiscalité et des douanes doivent disposer d'un système informatique moderne et efficace comprenant notamment des éléments tels que le code des douanes modernisé (CDM).

Le Comité souhaiterait que l'impact sur les budgets de l'UE et des gouvernements des États membres fasse l'objet d'analyses plus approfondies.

Par rapport aux activités actuelles, la synthèse du budget pour le programme Fiscus fait apparaître une augmentation du budget total de 9 % dans les deux domaines, fiscalité et douanes. Le budget prévu pour le secteur douanier est de 479 622 792 EUR et celui pour le secteur fiscal est de 23 692 892 EUR, à savoir une augmentation de 13 % pour la douane et une baisse d'1 % pour la fiscalité.

1.2

Le Comité est conscient des divergences d'opinion qui existent entre les États membres au sein des groupes de travail du Conseil. Il pense qu'il est important que la Commission puisse démontrer les économies substantielles que les États membres feront dans le budget Fiscus par rapport à ce qui est prévu pour les activités actuelles. Le Comité estime que la Commission pourrait difficilement obtenir l'approbation du Parlement pour augmenter des dépenses au titre du budget de l'UE si elle ne lui transmet aucune information relative à des compensations au niveau du budget des États membres.

1.3

Le Comité rappelle le commentaire qu'il a formulé dans son avis sur le thème "Programme d'action pour la douane" (1), dans lequel il réclamait une plus grande intégration des pratiques douanières dans le respect des objectifs de Lisbonne, tout en soulignant qu'il ne convenait pas, à cette fin, de procéder à une intégration des administrations douanières.

1.4

Une partie essentielle du nouveau programme vise à améliorer la formation et l'efficacité de la formation des fonctionnaires des États membres (2).

2.   Introduction et contexte

2.1

Chaque année, les politiques douanières et fiscales de l'UE contribuent de manière significative à l'augmentation des recettes dans les budgets de l'UE et des États membres. En outre, ces politiques procurent des avantages considérables aux citoyens et aux entreprises de l'UE, que ce soit en interdisant l'importation de produits dangereux ou illégaux, en facilitant la fluidité des échanges, en renforçant le marché intérieur, ou en réduisant les coûts de mise en conformité et les formalités administratives des entreprises transfrontalières.

2.2

La proposition de règlement (COM(2011) 706 final) marque une étape décisive dans un processus qui a été lancé il y a plusieurs années afin de rationnaliser et de coordonner les actions des États membres visant à protéger leurs intérêts financiers et ceux de l'Union: en 2010, les droits de douane et autres frais associés représentaient 12,3 % du budget de l'UE. Le prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, adopté par la Commission en juin 2011, propose notamment une nouvelle génération de programmes Douane et Fiscalis. Au fil des années, ces deux programmes ont évolué sur des voies séparées, mais parallèles, les dernières versions en date étant Douane 2013 et Fiscalis 2013. Ils sont à présent réunis dans un programme unique (Fiscus), une véritable innovation dans la stratégie de la Commission.

2.3

Fiscus n'est pas seulement le fruit d'une politique "tendant à simplifier la réglementation", selon les termes de la Commission, il reconnaît également l'importance capitale de la "coopération entre les autorités douanières et fiscales et les autres parties concernées". Le principal aspect positif d'un tel programme réside dans l'importance accordée au facteur humain: la coopération douanière et fiscale est axée "sur le renforcement des réseaux humains et le développement des compétences" (3); le renforcement des capacités techniques et informatiques est bien entendu nécessaire, mais le facteur humain est d'une importance primordiale: un aspect que le CESE apprécie tout particulièrement.

2.4

Le projet Fiscus de la Commission est prévu pour couvrir une période de sept ans à partir du 1er janvier 2014. L'enveloppe financière couvrant les coûts du programme pendant toute sa durée (2014-2020) est fixée à 777 600 000 EUR en prix courants; ce montant est considérable et sa cohérence avec les objectifs difficile à estimer. Le programme soutient financièrement neuf types d'actions conjointes communes, sous la forme de subventions, de marchés publics ou de remboursements des frais engagés par des experts externes.

2.5

La plupart des dépenses concernent la formation des fonctionnaires et des initiatives communes dans le domaine de l'informatique, mais cette enveloppe peut également couvrir "des dépenses relatives aux activités préparatoires, de suivi, de contrôle, de vérification et d'évaluation" (4); le CESE comprend que la supervision de la mise en œuvre des actions conjointes communes mérite une attention particulière; cependant, par souci d'uniformité, il espère que la mise en œuvre des actions nationales bénéficiera de la même attention.

2.6

Les objectifs spécifiques du programme d'action sont ceux des programmes antérieurs et actuels; le CESE a déjà formulé des commentaires à ce sujet, qu'il n'y aurait pas lieu de réitérer s'il ne s'agissait pas d'un thème maintes fois soulevé, mais resté apparemment sans réponse jusqu'à présent: un échange régulier d'informations entre les autorités douanières et fiscales afin de découvrir des fraudes de nature fiscale ou autre (5).

2.7

Le premier volet, qui concerne les réseaux humains, devrait porter sur l'échange de bonnes pratiques et de connaissances opérationnelles. Ce thème n'est pas nouveau. Il en a déjà été question (exactement selon la même formulation) dans la plupart, voire la totalité, des programmes précédents. Les actions antérieures n'ont pas toujours été fructueuses, pour de nombreuses raisons, notamment les difficultés linguistiques et les expériences ou le parcours différents des participants. Le renouvellement des efforts en faveur de la coopération entre les différentes administrations, tel que prévu par Fiscus, devrait favoriser le partage d'expériences et l'émergence de professionnels de haut niveau: un objectif que l'UE devrait soutenir.

2.8

Selon les termes utilisés par la Commission, le deuxième volet "donne au programme les moyens de financer des infrastructures et systèmes informatiques de pointe qui permettront aux administrations douanières et fiscales de l'Union d'évoluer pour devenir d'authentiques administrations en ligne" (6). Ce thème a également été soulevé, dans une formulation plus ou moins identique, dans les programmes précédents. Les résultats ont été peu satisfaisants, en raison des différents niveaux des technologies informatiques entre les États membres, mais aussi (malheureusement dans de nombreux cas) en raison du manque de volonté d'un nombre plus ou moins élevé d'États membres de modifier leurs méthodes ou équipement.

2.9

Le manque de coopération dont font preuve les États membres constitue le principal obstacle au processus de création d'un réseau fiscal européen solide: bien qu'il ne se limite pas aux technologies informatiques, c'est dans ce domaine qu'il est le plus évident. Le CESE a critiqué ce comportement dans de nombreux avis relatifs aux initiatives fiscales de l'UE (7); il espère que la crise actuelle aura démontré qu'aucun pays ne peut s'isoler d'événements qui ont une incidence mondiale et que la coopération est l'unique réponse possible.

2.10

En 2011, un contractant a analysé, après avoir consulté des représentants commerciaux, les résultats à mi-parcours des deux programmes distincts, Fiscalis 2013 et Douane 2013. Un autre contractant a réalisé une étude sur le cadre possible du futur programme Fiscus. Les résultats à mi-parcours n'ont pas révélé d'obstacle notable et n'ont suggéré aucune mesure spéciale en vue de corriger des effets indésirables.

2.11

Fiscus fusionne en un seul programme les deux programmes, actuellement distincts, pour la fiscalité et les douanes, et remplit ainsi les objectifs de simplification et de réduction des coûts de la Commission sans compromettre les activités dans ces domaines individuels.

2.12

Le nouveau règlement remplace la décision no 1482/2007/CE, qui établissait un programme communautaire pour améliorer le fonctionnement des systèmes fiscaux sur le marché intérieur (Fiscalis 2013). La décision no 624/2007/CE établissait un programme d'action pour la douane dans la Communauté (Douane 2013). Ces deux décisions seront dès lors abrogées.

2.13

La Commission a mené de larges consultations sur le volet Douane et sur le volet Fiscalis. Ces consultations ont généré une liste de problèmes, qui sont répertoriés dans la partie I (Douane) et la partie II (Fiscalis) du Document de travail des services de la Commission – Résumé de l'analyse d'impact (8).

2.14

En vue du lancement du nouveau programme, la Commission a réalisé une analyse d'impact, qui a révélé que de nombreux doutes subsistaient quant aux systèmes informatiques européens et à l'échange d'informations dans le cadre de l'évolution future des politiques. L'avis du CESE sur le thème "Programme d'action pour la douane" (9) en cite quelques-uns. Les améliorations nécessaires au fonctionnement du programme Fiscalis ont fait l'objet d'une description détaillée dans l'avis du CESE sur le thème "Améliorer le fonctionnement des systèmes d'imposition sur le marché intérieur (Fiscalis 2013)" (10).

2.15

Le CESE adhère sur le fond aux mesures proposées par la Commission; toutefois, il tient à souligner que la coopération entre diverses agences, tant à l'échelle nationale qu'européenne, constitue une sorte de leitmotiv dans de nombreuses questions qui touchent l'UE. Le progrès dans ce domaine est généralement lent et difficile pour de nombreuses raisons, la principale étant le manque d'enthousiasme des autorités nationales.

2.16

Le CESE approuve la proposition de la Commission visant à améliorer la coopération entre les autorités fiscales et douanières. Cependant, il conviendrait que cette proposition marque le début d'une action que le CESE a suggérée à plusieurs reprises (11), à savoir une coopération organisée entre toutes les agences, nationales ou européennes, qui participent à la lutte contre la fraude ou la criminalité financières: blanchiment d'argent, crime organisé, terrorisme, contrebande, etc.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 324 du 30.12.2006, p. 78, paragraphe 1.3.

(2)  Le CESE a défendu ce point de vue au paragraphe 1.2 de son avis sur le thème "Améliorer le fonctionnement des systèmes d'imposition sur le marché intérieur (Fiscalis 2013)", JO C 93 du 27.4.2007, p. 1.

(3)  COM(2011) 706 final, p. 2, point 1, 3e paragraphe.

(4)  COM(2011) 706 final, p. 22 - Article 10, paragraphe 2.

(5)  Avis du CESE sur le thème "TVA: Lutte contre la fraude", JO C 347 du 18.12.2010, p. 73, et sur le thème "Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal", JO C 255 du 22.09.2010, p. 61.

(6)  COM(2011) 706 final, p. 3, point 1, 3e paragraphe.

(7)  Avis du CESE "TVA: Lutte contre la fraude", JO C 347 du 18.12.2010, p. 73; "Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal", JO C 255 du 22.9.2010, p. 61; "Fraude fiscale liée aux importations", JO C 277 du 17.11.2009, p. 112; "Assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances fiscales", JO C 317 du 23.12.2009, p. 120; et "Coopération administrative dans le domaine fiscal", JO C 317 du 23.12.2009, p. 120.

(8)  Document de travail des services de la Commission – Résumé de l'analyse d'impact, SEC(2011) 1318 final.

(9)  JO C 324 du 30.12.2006, p. 78.

(10)  JO C 93 du 27.4.2007, p. 1.

(11)  Avis du CESE "TVA: Lutte contre la fraude", JO C 347 du 18.12.2010, p. 73; "Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal", JO C 255 du 22.9.2010, p. 61; "Fraude fiscale liée aux importations", JO C 277 du 17.11.2009, p. 112; "Assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances fiscales", JO C 317 du 23.12.2009, p. 120; et "Coopération administrative dans le domaine fiscal", JO C 317 du 23.12.2009, p. 120.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/51


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Examen annuel de la croissance 2012»

COM(2011) 815 final

2012/C 143/12

Rapporteur général: M. David CROUGHAN

Le 23 novembre 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Examen annuel de la croissance 2012"

COM(2011) 815 final.

Le 6 décembre 2011, le Bureau du Comité a chargé le comité de pilotage Europe 2020 de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012) de nommer M. David CROUGHAN rapporteur général, et a adopté le présent avis par 171 voix pour, 19 voix contre et 21 abstentions.

INTRODUCTION

i

Le présent projet d'avis, émis dans la perspective du Conseil européen de printemps, formule des observations sur l'"Examen annuel de la croissance 2012" (ci-après l'"examen") de la Commission européenne.

ii

Cet examen annuel de la croissance marque le début du semestre européen 2012 sur la gouvernance économique, qui est également le premier à se dérouler dans le cadre juridique convenu de gouvernance économique renforcée (à savoir le paquet de six propositions législatives y afférentes, appelé "six pack").

iii

Cet examen expose ce que la Commission estime devoir être les priorités de l'Union européenne pour les 12 mois à venir en matière de politiques économique et budgétaire et de réformes y afférentes pour relancer la croissance et l'emploi dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Une fois entérinées par le Conseil européen du mois de mars, ces priorités devront être prises en compte par les États membres dans le cadre de leurs politiques et budgets nationaux.

iv

La première partie du présent projet d'avis entend formuler des observations sur les questions générales liées à l'examen annuel de la croissance en tant que tel, à l'assainissement budgétaire et à la mise en œuvre des réformes convenues dans le cadre du semestre européen, ainsi que sur l'association de la société civile organisée et des partenaires sociaux au processus de cet examen.

v

La seconde partie rassemble les commentaires et recommandations spécifiques relatifs à diverses politiques de l'UE. Ils abordent en détail les cinq priorités mises en avant par la Commission dans l'examen annuel de la croissance, à savoir: assurer un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance, revenir à des pratiques normales en matière de prêt à l'économie; promouvoir la croissance et la compétitivité; lutter contre le chômage et prendre des mesures pour faire face aux retombées sociales de la crise et moderniser l'administration publique. Ces contributions sont tirées de différents avis du CESE adoptés récemment et elles mettent à jour la position du Comité sur l'examen annuel de la croissance 2011 (1), adoptée en mars 2011.

vi

Le présent projet d'avis vise également à assurer le suivi de l'avis sur le semestre européen 2011, que le Comité a adopté en décembre 2011 (2).

PREMIÈRE PARTIE

MESSAGES DU CESE À L'INTENTION DU CONSEIL EUROPÉEN DE PRINTEMPS

Contrairement à ce que l'on a pu observer lors de tous les derniers sommets, l'Union européenne doit démontrer sa capacité politique à surmonter la crise de la dette grâce à des mesures ambitieuses et suffisantes pour restaurer la confiance. L'une de ces mesures consiste à mettre bien davantage l'accent sur la croissance.

A.    INTRODUCTION

1.   C'est dans un bien sombre contexte que la Commission publie son examen annuel de la croissance 2012: l'Union vit la pire crise financière, économique, sociale et de confiance de son histoire. Cette crise a de vastes conséquences, notamment les difficultés que rencontrent les ménages et les entreprises, la montée en flèche du chômage des jeunes et du chômage de longue durée, l'augmentation du nombre de personnes exposées au risque de pauvreté et d'exclusion, l'anxiété de nos sociétés, le danger d'un renforcement du nationalisme et du populisme.

2.   Le Comité s'inquiète vivement du manque de mise en œuvre à l'échelle nationale des engagements convenus dans le cadre du semestre européen. Plus que jamais, l'UE doit démontrer sa capacité à agir efficacement pour regagner la confiance des consommateurs et des investisseurs et pour relever hardiment les défis présents. En l'absence d'une action résolue et d'une application dans les faits des réformes par les institutions européennes et par les États membres, l'Europe affronte une crise à long terme de la croissance et également un renforcement de sa divergence qui conduisent à accroître encore les pressions sur la zone euro.

3.   Alors que le processus du semestre européen 2012 débute dans un contexte de prévisions de croissance fortement revues à la baisse et d'une probabilité élevée que ne se produise une récession, le Comité regrette que le sommet européen de décembre 2011 ne soit pas parvenu à restaurer la confiance dans la gouvernance de l'Union européenne, ni sa crédibilité, qui n'ont toutes deux cessé de s'évaporer d'un sommet européen à l'autre tout au long des dix-huit mois qui viennent de s'écouler. La réticence manifeste des acteurs du sommet à s'attaquer aux problèmes les plus profonds révélés par l'examen annuel de la croissance a conduit à poursuivre des traitements politiques en lesquels n'ont confiance ni les gouvernements ni les investisseurs dans le monde, et encore moins les citoyens européens.

4.   Le Comité estime que les solutions proposées jusqu'à présent à la crise de la dette souveraine et à la crise financière qui y est liée ne sont que partielles et qu'elles risquent donc d'écarter des marchés certains pays lourdement endettés pour une période plus longue que prévu et d'attiser le danger d'une contagion à certains des plus grands États membres. L'éventualité d'une faillite chaotique de la Grèce reste plausible; un tel évènement pourrait avoir de graves incidences négatives sur d'autres pays aux prises avec des problèmes de dette souveraine et pourrait enclencher un enchaînement d'évènements susceptible d'avoir de graves conséquences, non seulement pour l'économie européenne, mais aussi pour l'économie mondiale. L'Union européenne n'a pas trouvé le moyen d'utiliser sa force économique incontestée pour protéger les États membres en difficulté des attaques financières; cette situation a provoqué un affaiblissement sensible de l'édifice européen par les marchés mondiaux, qui s'y sont attaqués en profitant de sa fragmentation structurelle. Par conséquent, le problème est autant de nature politique qu'économique.

5.   Le Comité s'alarme de l'effet dévastateur du degré élevé d'incertitude qui en résulte sur l'économie réelle de l'Union, lequel se manifeste par une réduction des investissements, de la production et de l'emploi, car les investisseurs cherchent des refuges plus abrités et prennent même leurs dispositions dans l'éventualité d'une dislocation de la zone euro, avec toutes les conséquences terribles pour le monde qu'elle entraînerait.

6.   L'expérience des crises antérieures de l'intégration européenne a prouvé que l'Europe dispose des ressources pour trouver des solutions. Le Comité appelle les institutions européennes et les États membres à faire preuve de courage politique, à avoir une vision de l'avenir et à soutenir l'approfondissement de l'intégration en même temps que la relance économique et les investissements, ce qui est désormais la seule voie possible pour résoudre la crise.

7.   L'UE doit dépasser l'approche actuelle décousue d'urgence face à la crise, et apporter des solutions durables aux défis structurels révélés par la crise, assurant ainsi le bien-être des Européens sur le long terme. Cela nécessite de dresser un indispensable pare-feu européen contre toute nouvelle attaque, de donner aux pays sous pression le temps de se remettre, et de mettre en place de nouvelles mesures spécifiques pour stimuler la croissance économique européenne.

8.   Les avancées nécessaires en vue d'une gestion européenne crédible de la crise de la dette vont de pair avec un approfondissement de l'union budgétaire. Le Comité se félicite de l'instauration dans le cadre du processus du semestre européen d'un renforcement sensible de la surveillance des politiques budgétaires des États membres et des engagements qu'exige de ces derniers le pacte budgétaire, même s'il faut souligner la nécessité d'une analyse sur l'impact social de telles mesures. Cependant, la nouvelle architecture de la gouvernance économique européenne doit préserver l'autonomie des partenaires sociaux et leur liberté de conclure des accords collectifs.

9.   En outre, le Comité réaffirme son soutien entier à la stratégie d'ensemble Europe 2020, qui propose une vision positive pour l'avenir et dresse un cadre cohérent pour mettre en œuvre les réformes prospectives en vue d'une croissance intelligente, durable et inclusive. Il rappelle également qu'il convient de respecter un juste équilibre entre les dimensions économique, de l'emploi et sociale de cette stratégie.

10.   Le Comité exprime sa profonde inquiétude lorsqu'il constate l'amoindrissement inquiétant de la méthode communautaire au profit de l'approche intergouvernementale, où un très petit nombre d'États membres mène le jeu. Cette situation explique en partie le caractère limité des solutions politiques avancées. En partie parce que les institutions de l'Union n'ont joué qu'un rôle subalterne dans le cadre de cette approche intergouvernementale qui a été appliquée au cours des deux dernières années, les problèmes aigus auxquels est confrontée l'Union européenne ont été abordés non pas du point de vue de l'Union, mais sous l'angle et selon les exigences politiques des divers États membres.

11.   Le Comité observe qu'endéans les cinq ans au maximum à compter de l'entrée en vigueur du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire sur lequel 25 États membres ont marqué leur accord le 30 janvier, à la lumière d'une évaluation de sa mise en œuvre, les étapes nécessaires auront été entreprises pour intégrer la substance de ce traité dans le cadre légal de l'Union européenne. Le Comité invite dès lors instamment les pays qui ont choisi de ne pas participer (3) au processus intergouvernemental ayant abouti au traité de reconsidérer leur position à cet égard.

12.   Le Comité plaide pour que la Commission européenne joue un rôle de premier plan, et il l'encourage à présenter des propositions audacieuses, et pour que le Parlement européen soit pleinement associé au semestre européen, afin de renforcer la transparence et la légitimité de ce processus.

13.   Le Comité remercie la Commission européenne d'avoir publié son examen annuel de la croissance 2012 plus tôt qu'elle ne l'avait prévu, dès la fin du mois de novembre 2011. Même si le calendrier demeure serré, elle a ainsi permis au CESE de débattre de cet examen, de consulter son réseau de conseils économiques et sociaux nationaux et d'institutions similaires et d'élaborer le présent avis, avant que le Conseil européen de printemps ne décide des priorités annuelles.

B.    ACCORDER DÛMENT LA PRIORITÉ À LA CROISSANCE

14.   Le Comité estime que l'examen annuel de la croissance 2012 constitue à plusieurs titres une amélioration par rapport à son prédécesseur.

15.   Le Comité se félicite que la communication accorde de manière générale la priorité à la croissance et relève avec satisfaction que cet examen annuel de la croissance 2012 intègre nombre des idées qu'avait formulées le CESE dans l'avis que celui-ci avait consacré à l'examen précédent (4).

16.   Le CESE met en relief l'impossibilité de résoudre la crise de la dette souveraine en l'absence d'un taux de croissance suffisant, tout particulièrement dans les pays sous pression. N'accorder qu'une faible priorité à la croissance risquerait grandement d'entraîner nombre d'économies de l'Union dans la récession, voire d'en précipiter certaines dans une grande dépression.

17.   L'examen annuel de la croissance constate que les marchés financiers évaluent la viabilité de la dette publique des États membres sur la base des perspectives de croissance à long terme, de la capacité des États membres à prendre des décisions importantes en matière de réformes structurelles et de leur volonté d'améliorer la compétitivité.

18.   Le Comité souscrit également au constat que formule l'examen annuel de la croissance, à savoir que les perspectives de croissance de tous les États membres dépendent de la capacité à régler de manière définitive la crise de la dette souveraine et que trop de temps et d'énergie sont consacrés, au niveau politique, aux mesures d'urgence, et pas assez à la mise en œuvre des changements de politique qui permettront à nos économies de retrouver de meilleurs niveaux de croissance.

19.   Le Comité est tout à fait d'accord avec le fait que l'accent doit être mis simultanément sur les mesures de réforme ayant un effet à court terme sur la croissance et sur le bon modèle de croissance à moyen terme.

20.   Le Comité rappelle que les trois volets de la croissance, à savoir son triple caractère intelligent, durable et inclusif, sont interconnectés et se renforcent mutuellement. Il convient aussi d'accorder une attention égale aux volets économique, social et environnemental.

21.   Le fait de restaurer la croissance doit être cohérent avec les autres objectifs ancrés dans le traité de Lisbonne, notamment le bien-être des citoyens. La nécessité de procéder à des réformes doit être considérée comme une chance de faire évoluer notre mode de vie vers un mode de vie plus durable.

22.   Il convient d'accorder la priorité aux réformes propices à la croissance dans tous les États membres.

23.   La situation particulière des cinq États membres qui recourent aux programmes d'aide financière de l'Union européenne et du Fonds monétaire international  (5)

23.1   Le Comité estime que la Commission et le Conseil, au moyen de leurs recommandations détaillées par pays, doivent continuer à encourager les États membres à concevoir et mettre en œuvre des politiques à long terme en faveur de la croissance. Le Comité déplore qu'en 2011, la seule recommandation formulée à l'égard des cinq États membres qui recourent aux programmes d'aide financière de l'UE et du Fonds monétaire international ait été de poursuivre la mise en œuvre des mesures fixées par les décisions leur octroyant cette aide.

23.2   Le Comité s'inquiète désormais au plus au point de la décision de la Commission de ne pas exiger de ces cinq pays qu'ils participent à l'élaboration de la deuxième vague de programmes nationaux de réforme en 2012. Le CESE convient que les programmes nationaux de réforme couvrent pour l'essentiel le même domaine et que ces pays présentent de fait leurs objectifs nationaux en lien avec la stratégie Europe 2020. Néanmoins, cette mesure écarte ces pays des nouveaux processus de gouvernance qui constituent le noyau de la stratégie Europe 2020, qui avait pourtant été conçue pour réaliser la nécessaire convergence économique au moyen de réformes et de l'utilisation des meilleures pratiques. En particulier, cette mesure entravera l'engagement des citoyens et des partenaires sociaux au niveau national pour participer à la mise en œuvre et à l'évaluation des programmes nationaux de réforme. Il s'agit d'un camouflet pour le Conseil européen, dont les conclusions de mars 2011 prévoyaient d'assurer la pleine participation des parlements nationaux, des partenaires sociaux et d'autres acteurs au nouveau cadre du semestre européen.

24.   Investir dans la croissance - un défi notoire dans le contexte actuel

24.1   Le Comité est conscient des défis que jette la formulation des mesures adéquates en faveur de la croissance. La situation difficile que connaît actuellement l'Union européenne en matière de croissance ne résulte pas seulement de la crise, mais également d'autres problèmes qui s'y ajoutent et qui ont des incidences sur ses performances économiques, tels que la perte de compétitivité, la mondialisation, le caractère limité des ressources (en énergie, en compétences etc.), le changement climatique et le vieillissement de sa population.

24.2   Aussi, pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020, de grands investissements seront nécessaires, comme par exemple dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (TIC), des infrastructures traditionnelles et nouvelles, de la recherche et du développement et de l'innovation, de l'éducation et des compétences, ou encore de l'efficacité énergétique. Les investissements dans l'économie verte stimuleront l'innovation et la demande de nouveaux produits qui augmenteront la croissance tout en contribuant à la pérennité de l'économie mondiale.

24.3   Il s'agit là d'un défi notoire en période d'austérité. Toutefois, de tels investissements publics au niveau national ou européen en vue de parvenir à une croissance intelligente, durable et inclusive produiront d'importants bénéfices et peuvent exercer un effet sensible de levier et encourager ainsi des investissements privés complémentaires.

24.4   Le Comité est d'avis que l'Union doit investir davantage dans des projets qui favorisent les changements structurels et qui peuvent aider à remettre les économies des États membres sur les rails d'une croissance durable. Ces projets doivent être cohérents avec les objectifs de la stratégie Europe 2020, comme par exemple les projets à long terme d'infrastructures à fort intérêt public et qui peuvent être rentables.

24.5   Dans ce contexte, le Comité souscrit pleinement à l'initiative "Emprunts obligataires Europe 2020" (6) en vue de financer des projets de grande envergure concernant les infrastructures dans les domaines de l'énergie, des transports et des TIC. Cette initiative aura des effets positifs sur les marchés des emprunts obligataires liés à des projets et aidera les initiateurs de chacun de ces projets à attirer des financements par emprunts à long terme du secteur privé.

24.6   Le Comité estime qu'il convient d'agir davantage à l'échelon européen afin de susciter ces investissements. Il convient d'orienter les Fonds structurels disponibles pour renforcer la compétitivité et retrouver la croissance. Le recours aux fonds de l'UE doit être subordonné à des obligations de résultats et être compatible avec les objectifs de la stratégie Europe 2020.

24.7   Le Comité se félicite de la rapidité de l'adoption par le Parlement européen et le Conseil d'un accord sur l'augmentation des taux de cofinancement pour les Fonds structurels dans les pays qui bénéficient de l'aide financière de l'UE, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international, afin de permettre de mobiliser rapidement les financements de l'UE pour soutenir la croissance et en améliorer l'absorption (7).

24.8   Compte tenu des fortes pressions qui s'exercent sur les budgets nationaux et européens, les États membres et les législateurs européens doivent procéder à des choix difficiles et définir des priorités en vue d'investir dans des "domaines qui stimulent la croissance", comme l'éducation et les compétences, la recherche et le développement et l'innovation, l'environnement, les réseaux, tels que ceux de l'internet à haut débit, des énergies et d'interconnexion des transports.

24.9   Il y a lieu de souligner le rôle important que jouent l'entreprenariat, l'entreprenariat social et la création d'entreprises, et notamment les petites et moyennes entreprises, y compris les entreprises sociales, dans la reprise. Il s'agit là des moteurs principaux de la croissance économique, de l'innovation en matière d'esprit d'entreprise et de compétences, et d'une source importante de création d'emplois.

24.10   Le taux de chômage est en train d'atteindre des niveaux insupportables dans beaucoup de pays de l'Union, avec des coûts sociaux et économiques énormes. C'est pourquoi des mesures à bref et moyen terme seront indispensables afin de faciliter l'accès des jeunes et des femmes, la réintégration des travailleurs expulsés du marché du travail à cause de la crise, la formation et la requalification professionnelle. Dans l'UE, 17,6 millions d'emplois devront être créés avant 2020.

C.    DES MESURES TROP AXÉES SUR L'ASSAINISSEMENT BUDGÉTAIRE

25.   Le Comité partage entièrement l'avis selon lequel un assainissement des finances publiques s'impose pour corriger les graves déséquilibres budgétaires et rétablir la confiance. Néanmoins, le Comité s'inquiète de la trop grande importance des mesures d'austérité dans le cadre du pacte budgétaire. Il y a lieu de procéder à une véritable évaluation de l'impact social de ces mesures et tout doit être fait pour s'assurer qu'elles n'augmentent pas le risque de pauvreté et d'exclusion sociale. Le Comité estime qu'il convient de trouver le juste équilibre entre l'assainissement budgétaire et la croissance. En soi, la discipline budgétaire et l'austérité ne suffiront pas à remettre l'UE sur une voie durable. L'austérité est dans une certaine mesure nécessaire, mais les mesures doivent être équilibrées socialement et prendre en compte leur incidence sur les différents groupes sociaux qu'elles frappent. Le Comité souscrit aux propos de Mme Christine LAGARDE, directrice générale du FMI, qui a averti que "sur le front budgétaire, procéder à des coupes budgétaires généralisées dans l'ensemble du continent ne fera qu'attiser les tensions récessionnistes".

26.   Le Comité s'inquiète de ce que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire sur lequel 25 États membres ont marqué leur accord le 30 janvier n'apportera pas de solution à la crise actuelle. S'il doit conduire à un plus grand respect du pacte de stabilité et de croissance à l'avenir, ce traité présente cependant des lacunes, que ce soit par l'accent mis sur l'équilibre budgétaire, ou le fait qu'il ne contient aucune référence au système d'alerte précoce ou au tableau de bord conçu pour empêcher les déséquilibres de s'aggraver dans d'autres pans de l'économie, comme dans le secteur privé, ou sous la forme d'une perte de compétitivité ou d'une bulle immobilière, autant d'aspects qui ont été des éléments non négligeables de la crise actuelle. La croissance économique constitue une partie de la solution et des mesures spécifiques rigoureuses sont nécessaires pour la stimuler, en particulier dans les États membres qui menacent de tomber en récession profonde. Efforts d'assainissement et réforme doivent aller de pair avec des mesures pour stimuler la croissance.

27.   Le Comité s'inquiète du renforcement des mesures d'austérité que préconise l'examen annuel de la croissance en vue d'atteindre les objectifs d'assainissement budgétaire même dans le cas d'une aggravation de la situation macroéconomique. L'examen préconise que les États membres bénéficiant d'un programme d'aide financière "devraient continuer à remplir les objectifs budgétaires convenus en dépit des fluctuations possibles de la conjoncture macroéconomique"; il préconise que les États membres présentant un écart d'ajustement important dans le cadre de la procédure de déficit excessif ou bien un déficit élevé devraient "accroître leurs efforts d'assainissement. D'éventuelles révisions limitées à la baisse du principal scénario macroéconomique ne doivent pas entraîner de retards dans la correction des déficits excessifs".

28.   Une stabilisation grâce aux euro-obligations

28.1   Les institutions financières investissent dans les obligations d'État, car elles les jugent sans risques du point de vue de leur propre bilan. C'est pourquoi elles préfèrent actuellement travailler avec la BCE plutôt que d'acquérir des obligations plus risquées émises par certains États membres. Ce faisant, elles réduisent la liquidité du système financier.

28.2   Pour remédier à cette situation, il convient en conséquence de dresser un rempart européen contre les pressions qu'exercent les marchés et d'en accroître la crédibilité en laissant la BCE jouer encore plus pleinement son rôle soit directement, soit indirectement au moyen du Fonds européen de stabilité financière ou du système monétaire européen.

28.3   Le Comité reconnaît l'importance des conséquences de l'aléa moral et que celui-ci appelle une solution; cette question pèse toutefois bien peu par rapport à l'éventualité d'une dislocation de la zone euro. Étant donné que certains États membres refusent d'endosser les dettes d'autres États membres et que la BCE éprouve des difficultés à exercer ce rôle, le Comité invite instamment et de toute urgence à étudier la mise sur le marché d'obligations de stabilité. À la suite de la publication par la Commission d'un livre vert sur les obligations de stabilité, le Comité étudie la question dans un avis distinct.

D.    ACCORDER L'ATTENTION VOULUE À LA MISE EN ŒUVRE

29.   La stratégie Europe 2020 a pour objectif de garantir que l'Union européenne puisse maintenir sa position face à une concurrence mondiale de plus en plus implacable. Le Comité soutient dès lors fermement la Commission lorsqu'elle met fortement l'accent, tout au long de l'examen annuel de la croissance, sur l'absence d'une mise en œuvre adéquate des réformes au niveau national.

30.   Le Comité relève et s'inquiète que malgré l'urgence de la situation, les progrès accomplis par les États membres dans la mise en œuvre des orientations fournies par l'examen annuel de la croissance 2011 sont inférieurs aux attentes. Les décisions prises au niveau de l'UE mettent trop de temps à transparaître dans celles prises au niveau national.

31.   Le CESE appelle instamment les États membres à mettre pleinement en œuvre les réformes auxquelles ils se sont engagés dans le cadre de leurs programmes nationaux de réforme. Ils doivent s'approprier les changements nécessaires en matière de future gouvernance économique. La nécessité est ainsi mise en évidence de renforcer le semestre européen, en associant davantage les parlements nationaux, les partenaires sociaux et la société civile organisée dans les États membres au débat sur l'avancement et l'évaluation des programmes nationaux de réforme.

32.   Le Comité déplore l'insuffisance des engagements inscrits dans les programmes nationaux de réforme de 2011 pour atteindre la plupart des objectifs au niveau de l'UE; compte tenu des inquiétudes grandissantes quant au fait que les objectifs de la stratégie Europe 2020 ne seront pas atteints, il appelle la Commission et les gouvernements des États membres, en particulier, à redoubler leurs efforts et à corriger ce relâchement détecté si tôt dans le programme ainsi qu'à veiller à ce que les gouvernements, les parties prenantes et les citoyens de chaque pays s'approprient et mettent en œuvre leur programme de réforme.

33.   Le CESE appelle également la Commission à veiller à ce que l'ensemble des États membres, y compris ceux qui bénéficient d'une aide financière de l'UE et du FMI, contribuent aux grands objectifs selon leur possibilités.

E.    L'IMPORTANCE DE L'EXAMEN ANNUEL DE LA CROISSANCE ET LA PARTICIPATION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ORGANISÉE ET DES PARTENAIRES SOCIAUX

34.   L'examen annuel de la croissance est la base sur laquelle il conviendra de s'accorder sur une indispensable perception commune des priorités d'action au niveau des États membres et de l'UE pour 2012, qui devraient ensuite inspirer les décisions économiques et budgétaires prises au niveau national, ainsi que l'élaboration par les États membres de leurs programmes nationaux de réforme et de leurs programmes de stabilité et de convergence.

35.   En conséquence, l'examen annuel de la croissance joue un rôle politique important et le Comité estime qu'il ne saurait se réduire à une démarche technocratique, mais qu'il doit tenir compte des vues du Parlement européen et des principaux partenaires, tels que la société civile organisée et les partenaires sociaux.

36.   C'est précisément dans le contexte actuel, où la confiance fait entièrement défaut sur la manière dont la crise a été abordée jusqu'à présent et où l'Union européenne est elle-même victime d'une perte de confiance, que l'Europe doit associer ses citoyens. Il y a lieu de renforcer le dialogue social et civil à tous les niveaux en vue d'établir un large consensus sur la nécessité de réformes.

37.   Les mesures destinées à améliorer la gouvernance économique européenne devraient s'accompagner d'actions pour en renforcer la légitimité, la responsabilité et le degré d'appropriation.

38.   Le Comité appelle donc à mieux associer, et plus efficacement, les acteurs de la société civile organisée dans le cadre du semestre européen: au niveau européen, en ce qui concerne l'examen annuel de la croissance et l'élaboration des recommandations par pays, et au niveau national, tout au long du processus d'élaboration, de mise en œuvre et de suivi des futurs programmes nationaux de réforme. Ces derniers devraient fournir des informations détaillées sur le degré d'association active des acteurs à la démarche et de prise en compte de leur contribution.

39.   Il n'est possible de réaliser la stratégie de croissance Europe 2020 que si toute la société se sent engagée et que chacun des acteurs assume toutes ses responsabilités. À un moment où sont prises des décisions qui affectent la vie de l'ensemble des acteurs, il est plus que jamais nécessaire que ceux-ci s'approprient également les réformes.

40.   Le Comité entend rester pleinement associé à la phase de mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 et au suivi de l'examen annuel de la croissance 2012. Il poursuivra ses travaux conjoints dans le cadre de son réseau de conseils économiques et sociaux nationaux et d'institutions similaires, afin d'améliorer la consultation, la participation et la mobilisation de la société civile organisée, tant au niveau de l'UE que de ses États membres.

PARTIE II

PROPOSITIONS DU COMITÉ CONCERNANT LES PRIORITÉS PRÉSENTÉES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

i

Le comité soutient les cinq priorités qui devraient, selon la Commission, être au cœur des actions politiques en 2012: assurer un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance, revenir à des pratiques normales en matière de prêts à l’économie, promouvoir la croissance et la compétitivité, lutter contre le chômage et faire face aux retombées sociales de la crise, et moderniser l’administration publique.

ii

Cette deuxième partie présente une série de contributions spécifiques concernant les priorités susmentionnées. Ces déclarations sont pour l'essentiel des citations tirées de différents avis que le CESE a adoptés en 2011 et elles constituent un suivi de la position du CESE sur l’examen annuel de la croissance 2011 (8), adoptée en mars 2011.

1.   Assurer un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance

1.1   Assainissement budgétaire

1.1.1

Le CESE confirme le point de vue exprimé dans son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011, au point 1, "Mettre en œuvre un assainissement budgétaire rigoureux", et au point 2, "Corriger les déséquilibres macroéconomiques".

1.1.2

Concernant l’assainissement budgétaire, comme souligné aux paragraphes 1.1 et 1.2 de son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011 (9), le CESE estime que l’enjeu consiste à rééquilibrer les finances publiques tout en évitant de diminuer la demande, car cela conduirait à une récession qui générerait des déficits supplémentaires, ce qui pousserait l’économie européenne dans une spirale descendante. Des plans de réduction de la dette publique devraient être mis en place d’une manière qui soit compatible avec la relance économique et avec les objectifs en matière sociale et en matière d’emploi qui ont été mis en évidence dans la stratégie Europe 2020.

1.1.3

L’Europe doit intensifier la gouvernance économique afin de garantir la discipline budgétaire dans tous les États membres, particulièrement dans la zone euro. Les six propositions législatives de réforme (le "six-pack"), auxquelles s’ajoutent les nouvelles propositions de réglementation et le semestre européen qui va dans le sens d’une meilleure coordination des politiques budgétaires économiques et d’un renforcement de la surveillance de l’UE, doivent être mises en œuvre rapidement et correctement.

1.1.4

Toutefois, La discipline budgétaire dans les États membres ne suffira pas à elle seule à garantir le retour de la croissance, de l’emploi et de la cohésion économique et sociale. En réalité, le Comité est préoccupé par le fait que les conditions actuelles d’émission d’obligations de dette souveraine ont conduit à une situation sur le marché qui risque de saper la restauration de la stabilité et de la croissance

1.1.5

Le Comité se félicite dès lors du livre vert sur la faisabilité de l’introduction d’obligations de stabilité. De l’avis du Comité, à condition de disposer, au niveau de l’UE, de règles strictes et d’une gouvernance en rapport permettant d’exclure tout risque d’aléa moral et de promouvoir un comportement responsable et prévisible de la part des gouvernements des États membres, la gestion des dettes souveraines, assortie de garanties communes à toute la zone euro, contribuera de manière significative à résoudre les problèmes les plus criants et à sortir de l’impasse austérité-croissance.

1.1.6

Les progrès accomplis dans ce domaine permettront également à la Banque centrale européenne (BCE) d'éliminer son programme d’achat d’obligations gouvernementales, actuellement nécessaire pour permettre aux États membres de refinancer leur dette publique. En lieu et place de cette politique, la BCE pourrait décider de soutenir les nouvelles obligations de stabilité en donnant des assurances supplémentaires aux acteurs du marché, tout au moins dans une phase transitoire.

1.2   Priorité aux dépenses propices à la croissance

1.2.1

Le Comité exprime son soutien plein et entier à l’octroi de la priorité aux dépenses propices à la croissance. Il convient de veiller en particulier à empêcher que les mesures destinées à surmonter la crise économique et celle de la dette souveraine compromettent l’investissement public dans l’éducation et la formation. SOC/410, 1, deuxième point, doc no 1173/2011, fiche 7199/2011 Les États membres doivent être particulièrement attentifs aux investissements publics dans l’éducation, la recherche et la formation professionnelle lorsqu’ils évaluent leurs objectifs budgétaires à moyen terme.

1.2.2

Un certain nombre de mesures publiques prises en faveur de la recherche et de l’innovation au travers de programmes spécifiques se sont révélées extrêmement importantes pour les industries à forte intensité énergétique. Le CESE invite la Commission européenne, le Conseil et le Parlement à renforcer ces programmes, qui ciblent l’efficacité énergétique et la diversification, et à les structurer de façon pérenne dans le cadre d’actions de développement.

1.2.3

En outre, eu égard aux difficultés liées à la conjoncture actuelle, le CESE recommande d’investir davantage encore dans la recherche, le développement, la mise en œuvre et la formation, ainsi que dans les activités scientifiques appliquées aux industries à forte intensité énergétique. Ces investissements devraient être dûment soutenus par le prochain programme-cadre et permettre l’échange d’expériences et de résultats à un niveau au moins européen. Les programmes européens et nationaux devraient se concentrer davantage sur la recherche et l’innovation en matière d’efficacité énergétique.

1.3   Politiques actives du marché du travail et services de l’emploi

1.3.1

Comme l’a déjà souligné le Comité dans son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011 (10), l'activation en matière de la recherche d’un emploi devrait avant tout être assurée grâce à l’offre de services performants par les organes publics chargés de l’emploi plutôt que par des mesures dites incitatives liées aux allocations de chômage. (…) Aujourd’hui, alors que le nombre de chômeurs a atteint des niveaux record, les marchés du travail ne sont pas tant confrontés au problème du manque de main-d’œuvre en général, mais dans certains États membres au manque de main-d’œuvre qualifiée, ainsi qu’à un manque considérable d’emplois disponibles. Il y a lieu d’accorder davantage d’attention à une politique de la demande intelligente, favorisant la croissance future et l’innovation, et contribuant à la création de nouveaux emplois.

1.3.2

Le Comité a insisté sur le fait que les services publics de l’emploi doivent jouer un rôle plus actif dans la politique de formation de publics cibles prioritaires, tels que les travailleurs moins formés et moins qualifiés ou occupant des emplois précaires, ou encore les catégories les plus vulnérables telles que les handicapés, les chômeurs âgés ou les immigrés. Les services publics de l’emploi doivent également jouer un rôle plus actif dans le placement de ces chômeurs et dans le développement de politiques actives de l’emploi et de la formation professionnelle. Dans de nombreux pays, il est nécessaire de renforcer vigoureusement les aides spécifiques garanties par les services de l'emploi, en accordant davantage d’attention aux groupes défavorisés.

1.4   Réforme et modernisation des systèmes de retraites

1.4.1

Tout en comprenant la nécessité de réformer et de moderniser les systèmes de retraites, le Comité estime que la pression sur les systèmes de retraites résulte plutôt du manque d’emplois et d’investissements que de la démographie. Ce qu’il faut, ce sont des mesures encourageant le prolongement de la vie professionnelle, accompagnées d’une politique efficace en matière de croissance et d’emploi. Seule une véritable politique de "vieillissement actif", visant à accroître la participation au perfectionnement et à la formation tout au long de la vie peut augmenter durablement les taux d’emploi des personnes âgées, qui se retirent prématurément de la vie active en raison de problèmes de santé, d’une intensité de travail élevée, de licenciement prématuré, de l’insuffisance des mesures de remise à niveau ou du manque d'opportunités permettant de réintégrer le marché du travail. Le CESE est également très sceptique quant à l'utilité du report de l'âge légal de la retraite pour relever les défis démographiques. Relever l’âge légal de départ à la retraite peut avoir pour effet d’accroître la pression exercée sur les autres piliers de la sécurité sociale, notamment les pensions d’invalidité ou le revenu minimum, comme cela a été le cas dans certains États membres, rendant illusoires les avancées en matière d’assainissement des finances publiques. Du point de vue du CESE, il apparaît beaucoup plus indiqué de rapprocher l'âge effectif du départ à la retraite de l'âge légal en vigueur.

1.4.2

Plus précisément, le CESE estime qu’il convient de procéder à une réorientation résolue vers un monde du travail adapté aux personnes âgées à partir d’un ensemble de mesures comprenant notamment les grands axes suivants: inciter les entreprises à créer des emplois adaptés aux personnes âgées et à stabiliser l’emploi actuel des personnes âgées; mener une politique du marché du travail offensive pour réinsérer les chômeurs âgés dans la vie professionnelle; prendre des mesures globales pour conseiller et accompagner les personnes à la recherche d’un emploi; prendre des mesures qui visent à maintenir plus longtemps en activité dans des conditions physiques et psychiques appropriées; prendre des mesures pour accroître l'ouverture des lieux de travail aux personnes âgées handicapées; prendre des mesures afin d'accroître la volonté de chaque personne de travailler plus longtemps, et donc entre autres d'apprendre tout au long de la vie et de pourvoir à sa santé; élaborer et négocier avec les partenaires sociaux des modèles d’horaires de travail propices à la santé tout au long de la carrière professionnelle; prendre des mesures d'entreprises, réglementaires et conventionnelles - garantissant une participation accrue des personnes âgées à la formation continue; prendre des mesures de sensibilisation en faveur des personnes âgées et notamment sensibiliser à grande échelle la société pour éliminer les stéréotypes et les préjugés envers les travailleurs âgés et porter un regard positif le concept du "vieillissement"; conseiller et soutenir les entreprises, en particulier les PME, pour une gestion prévisionnelle des ressources humaines et l’instauration d’une organisation du travail adaptée aux personnes âgées et au vieillissement; créer les incitations adéquates pour employer des personnes âgées et les maintenir dans leur emploi, sans que cela ne provoque de distorsions de concurrence; prendre des mesures socialement acceptables incitant à allonger la période d’activité pour tous ceux qui trouvent un travail et peuvent travailler et, lorsque cela est possible ou souhaitable, développer des modèles innovants et attrayants facilitant le passage de la vie active à la retraite dans le cadre des régimes légaux de retraite.

1.4.3

De plus, s'agissant de la directive 2003/41/CE concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle, le CESE réaffirme sa position exprimée dans le paragraphe 5.7 de son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011 (11).

1.5   Politiques fiscales propices à la croissance

1.5.1

Le CESE réaffirme sa position exprimée au paragraphe 1.4 de son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011 (12), précisant que la pression fiscale devrait être transférée vers de nouvelles sources de financement recettes.

1.5.2

Le CESE est d’avis que le secteur financier devrait également contribuer aux efforts de consolidation budgétaire de manière équitable et substantielle.

Il convient de privilégier l’introduction d’une taxe sur les transactions financières (TTF) à l'échelon mondial plutôt qu'à l'échelon européen. Toutefois, s’il devait apparaître que l’adoption d’une TTF au niveau mondial n’est pas réalisable, le CESE envisagerait alors l'adoption d'une telle taxe au niveau de l'UE.

1.5.3

Dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le Comité approuve sans réserve l’initiative de la Commission de réfléchir sur la possibilité d’une révision globale du système de TVA. Les coûts opérationnels pour les utilisateurs et les charges administratives devraient être réduits, ainsi que les tentatives de fraude. Un problème particulièrement délicat est le traitement des opérations transfrontalières.

1.5.4

Le CESE soutient et approuve la proposition d’un nouveau "règlement concernant la coopération administrative dans le domaine des droits d’accise" (13), car il s’agit là d’une mesure à la fois nécessaire et utile en vue d’assurer une collecte efficace de ces droits et de combattre la fraude en la matière.

1.5.5

Afin de supprimer la double imposition et d’accroître la simplification administrative dans les situations transfrontalières, le CESE recommande l'établissement de services "à guichets uniques" à travers lesquels les citoyens peuvent obtenir des informations, payer les impôts et les taxes et se faire délivrer les attestations et les documents nécessaires utilisables dans toute l’Europe, ainsi que la simplification des procédures administratives s’appliquant aux situations transfrontalières.

1.5.6

Dans ce contexte, le CESE invite à la création d’un Observatoire de l’imposition transfrontalière sous les auspices de la Commission européenne pour acquérir, sur une base permanente, une connaissance détaillée et pratique des entraves fiscales existantes et de leur évolution.

1.5.7

Le CESE soutient le projet d’une assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS), car il permet d’améliorer la situation des sociétés qui exercent des activités transfrontalières.

1.5.8

Le Comité escompte que l’ACCIS induise une baisse significative des coûts de mise en conformité avec la législation fiscale et l’élimination des distorsions de concurrence au sein de l’Union causées par les réglementations fiscales. De cette manière, l’ACCIS favorise une concurrence équitable et durable et a des incidences positives sur la croissance et l’emploi.

1.5.9

Le Comité soutient la révision de la directive sur la taxation de l’énergie (DTE) permettant aux États membres qui le souhaitent de déplacer une partie de la taxation du travail ou du capital vers une forme de taxation qui encourage les comportements respectueux de l’environnement et propices à l’efficacité énergétique, conformément à la stratégie "Europe 2020".

1.5.10

Le facteur "taxe CO2" complète le système d’échanges de quotas d’émission (SEQE de l’UE).

1.5.11

Cependant, le CESE regrette que la refonte de la DTE ne soit pas plus ambitieuse et plus cohérente. La Commission européenne a pris l’initiative d’intégrer dans le texte des exceptions ou des dérogations qui visent soit à ne pas mécontenter certains États membres, soit à en satisfaire d’autres.

1.5.12

Le signal-prix lié à une taxation est inaudible pour ce qui est des combustibles, et la refonte de la DTE n’y changerait probablement rien.

1.5.13

Certains secteurs (tels que l’agriculture, la construction, les transports publics) en restent, en tout ou en partie, exemptés. Il est difficile de trouver de la cohérence dans toutes ces exemptions, d’autant qu’elles risquent de troubler le message à l’adresse de ceux qui n’en bénéficient pas.

2.   Revenir à des pratiques normales en matière de prêts à l’économie

2.1   Un système financier en bonne santé

2.1.1

Il est capital de pallier les graves lacunes en matière de réglementation et de supervision de la finance internationale. Le déséquilibre croissant entre la privatisation des profits et la socialisation des pertes dans le secteur financier doit être corrigé de toute urgence. Un cadre réglementaire approprié doit être créé afin que les intermédiaires financiers assument leur rôle premier de servir l’économie réelle, en fournissant des crédits pour des projets concrets et en investissant dans les actifs au lieu de prendre des paris sur des passifs. Tout soutien public accordé aux institutions financières devra s’accompagner des améliorations nécessaires en matière de gouvernance des entreprises, premier pas vers une refonte en profondeur du secteur afin de relancer la croissance et l’emploi.

2.1.2

Le CESE partage le désir de la Commission de faire en sorte que le soutien aux institutions financières défaillantes, aux frais des contribuables et au détriment de l’égalité des conditions de concurrence dans le marché intérieur, ne soit plus acceptable à l'avenir. Le CESE espère que la Commission mènera une analyse d’impact approfondie des dépenses, des ressources humaines et des réformes de la législation qui s’imposent. Une proposition réaliste devrait s’accompagner d’un calendrier prévisionnel en matière d'embauches, tenant compte du fait que les professionnels concernés ne seront peut-être pas disponibles immédiatement sur le marché du travail.

2.1.3

Le CESE apprécie les différentes initiatives mises en œuvre par la Commission européenne afin de lutter contre la complexité et l’opacité croissantes du système financier. Il invite le secteur financier à dûment appliquer la nouvelle réglementation et à faire preuve d'autorégulation pour favoriser des pratiques appropriées et honnêtes qui facilitent l’accès à des produits financiers transparents.

2.1.4

Le CESE demande que l’éducation financière soit intégrée dans les programmes d’enseignement à titre de matière obligatoire et, en prolongement, dans les plans de renforcement des aptitudes et de recyclage des travailleurs. Cette matière aura pour objectif, entre autres, de promouvoir l’épargne consciente, en mettant en valeur des produits financiers socialement responsables. Une éducation financière pleinement accessible est bénéfique pour l’ensemble de la société.

2.1.5

Le Comité réaffirme sa position exprimée dans le paragraphe 3.6 de son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011 (14) et se félicite des initiatives concernant la vente à découvert et les contrats d’échange sur risque de crédit. Elles mettront fin à l’existence de régimes incompatibles, apporteront davantage de clarté à ce secteur du marché financier et donneront aux autorités compétentes les pouvoirs leur permettant d’exiger davantage de transparence concernant les instruments couverts par le règlement.

2.1.6

Le CESE accueille favorablement les dispositions visant à assurer la transparence des marchés, qui, selon lui, devraient apporter des résultats très positifs. Il approuve le rôle régulateur joué par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), mais il met en relief qu'une intervention excessive pourrait déstabiliser les marchés.

2.1.7

Le Comité juge nécessaire, pour établir un régime de fonds de résolution des défaillances bancaires qui fonctionne, que les États membres s’accordent d’abord sur l’adoption de méthodes communes et de règles uniformes afin d’éviter des distorsions de concurrence.

2.1.8

Le scénario macroéconomique constitue une préoccupation majeure. Le Comité s’inquiète de l'effet d'un détournement de ressources que pourraient provoquer les fonds de résolution des défaillances bancaires sur la capacité de prêt du secteur bancaire.

2.1.9

Le CESE estime qu’avant de prendre quelque mesure que ce soit pour l’introduction de prélèvements bancaires, la Commission devrait procéder à une évaluation approfondie des effets cumulatifs des prélèvements et des fonds de résolution des faillites bancaires. Pour prendre une décision quant à l’introduction des fonds de résolution, il y a lieu d’estimer le coût total de l’opération, voir dans quelle mesure cela influencerait la capacité de prêt du secteur bancaire, et combien de temps il faudrait pour que les fonds de résolution soient suffisamment solides ou atteignent leurs tailles cible. Le CESE recommande de faire ces estimations en fonction des prévisions les plus pessimistes.

2.1.10

Le CESE se félicite expressément que la proposition de règlement interdise strictement à l’avenir les commissions interbancaires multilatérales pour les prélèvements. Cette mesure rend plus claires et transparentes les relations contractuelles complexes relatives aux procédures de paiement. Elle est particulièrement bénéfique aux petites et moyennes entreprises.

2.1.11

L’analyse d’impact menée par la Commission a conclu que les nouvelles exigences en matière de fonds propres ne présenteraient pas d’inconvénients particuliers pour les PME, mais le Comité reste méfiant à cet égard et demande que la Commission suive de près les évolutions du crédit et des frais bancaires aux PME. En outre, le CESE approuve que la Commission examine la notation des risques liés au crédit aux PME.

2.1.12

En contrepartie de ce nouveau règlement, il convient de mettre en œuvre des mesures de sortie de crise et de résolution fondées sur des instruments tels que les "testaments". Tout en laissant l’État continuer à garantir les dépôts de faible montant, il convient d’éliminer l’aléa moral que constitue un soutien illimité de l’État aux banques en faillite. Si la situation est assez claire, les investisseurs, les créanciers et les directeurs devront engager directement leur responsabilité pour la santé future de chaque établissement de crédit.

3.   Promouvoir la croissance et la compétitivité pour aujourd’hui et pour demain

3.1   Le Comité réaffirme les points de vue qu'il a exprimés dans son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011 (CESE 544/2011) au paragraphe 8 "Exploiter le potentiel du marché unique", au paragraphe 9 "Attirer les capitaux privés pour financer la croissance", et au paragraphe 10 "Créer un accès rentable à l’énergie".

3.2   Recherche et innovation

3.2.1

Le Comité recommande que la Commission européenne élabore, grâce à des mesures structurelles complémentaires mises en œuvre au sein de ses services et des organes consultatifs qui l’assistent, une stratégie intégrée de recherche et d’innovation, et d'augmenter enfin le budget qui sera consacré à la recherche et à l’innovation.

3.2.2

Le Comité se félicite en outre de la tâche politique essentielle qui consiste à créer, au niveau européen, un environnement et des conditions-cadres fiables, propices à l’innovation et suffisamment souples pour libérer les inventeurs potentiels et les processus d’innovation de la charge que représentent la fragmentation et la surcharge actuelles des cadres réglementaires et des formalités administratives différents des 27 États membres et de la Commission.

3.2.3

Le Comité recommande de consacrer davantage d’efforts à la suppression de tous les obstacles qui empêchent ou ralentissent l’introduction rapide d’innovations, et la création d’une Union de l’innovation. Pour mieux soutenir l’ensemble du processus d’innovation, le Comité préconise de revoir en profondeur avec les parties prenantes concernées les règles en matière d’aides d’État, de budget, d’achats publics et de concurrence, qui peuvent faire obstacle (15) à la réalisation de cet objectif. La cause en est l’équilibre et/ou l’éventuel conflit entre la législation sur la concurrence et la promotion de l’innovation. Pour cette raison, la législation sur la concurrence, les aides d’État et les achats publics ne devrait pas être élaborés ou mis en œuvre de manière à entraver l’innovation; des réformes en la matière pourraient même s'avérer nécessaires. Les innovations ont parfois également besoin d’être protégées contre une éventuelle acquisition par des concurrents voulant bloquer le processus d’innovation.

3.2.4

Le Comité se félicite tout particulièrement que l’innovation soit comprise et définie dans une perspective d’ensemble et au sein d’un réseau.

3.2.5

Le Comité recommande d’adapter les mesures d’accompagnement, l’aide financière et les critères d’évaluation tant aux innovations plutôt incrémentales qui répondent aux forces dominantes du marché et aux besoins sociétaux les plus répandus, qu’aux innovations plus révolutionnaires qui façonnent les forces du marché et créent de nouveaux besoins sociétaux, mais connaissent souvent d'abord une période de démarrage particulièrement difficile.

3.2.6

Le Comité souligne le rôle important des PME et des microentreprises dans le cadre du processus d’innovation et préconise plus particulièrement d’adapter l’aide et les mesures à leurs demandes spécifiques. Il recommande en outre d’entamer une réflexion sur l’opportunité et la manière de dispenser les start-up, pendant une période appropriée, d’une grande partie des charges et obligations habituelles, ainsi que sur la création éventuelle de nouveaux incitants. Cette recommandation vaut également pour les entreprises de l’économie sociale.

3.3   Le marché unique

3.3.1

Le CESE se réjouit de l’ambition de la Commission de stimuler la croissance et de renforcer la confiance dans le marché unique. Le Comité rappelle que le marché unique est une pièce maîtresse de l’intégration européenne et qu’il a la capacité de produire des avantages directement perceptibles pour les parties prenantes européennes et de générer une croissance durable pour les économies de l’UE. Dans le contexte actuel, l’établissement d’un marché unique efficace et tourné vers le futur s'avère dès lors non seulement souhaitable mais essentiel pour l’avenir politique et économique de l’Union européenne. Pour produire ces avantages, il est indispensable que les propositions de la Commission soient ambitieuses et aillent au-delà de la résolution de questions de détail d’une portée limitée.

3.3.2

Le CESE souhaite réitérer son appel à une approche globale. Si le Comité estime que la stimulation du potentiel de croissance et d’activité est essentielle, il considère que les propositions devraient être davantage axées sur les consommateurs et les citoyens en tant qu’acteurs indépendants de la création du marché unique.

3.3.3

Le CESE prône la tolérance zéro en cas de non-respect de la législation de l’UE par les États membres et rappelle au Conseil et à la Commission que son application tardive, incohérente et incomplète reste un obstacle majeur au bon fonctionnement du marché unique. Il apprécierait grandement la publication de tableaux de correspondance par les États membres, qui contribueraient à une promotion accrue et à une meilleure compréhension du marché unique.

3.4   Le marché unique numérique de l’UE

3.4.1

Concernant le marché unique numérique de l’UE, le CESE rappelle le paragraphe 8.2 de son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011 et a confirmé dans plusieurs avis publiés en 2011 (16) son ferme soutien à la mise en œuvre de la Stratégie numérique pour l’Europe afin que tous les citoyens de l’UE puissent profiter partout dans l'Union des avantages sociaux et économiques durables d’un marché unique numérique fondé sur une connectivité de haute qualité et à grande vitesse, disponible à des prix abordables.

3.4.2

Dans ce contexte, le Comité relève avec satisfaction l’approche créative adoptée par la Commission qui soutient les accords de co-investissement dans la promotion du déploiement de réseaux à larges bandes rapide et ultra rapide, mais appelle à fixer des objectifs plus ambitieux en termes d'accès, afin de préserver la compétitivité de l’Europe à l’échelle mondiale. Le Comité insiste sur l’importance critique des principes de neutralité de l’Internet en tant qu’objectifs politiques fondamentaux au niveau de l’UE et préconise une approche urgente et proactive afin d'ancrer ces principes dans la législation européenne, ce qui permettrait de maintenir l’ouverture de l’Internet dans toute l’Europe.

3.4.3

Concernant le "plan d’action pour l’administration en ligne" et le "cadre européen d’interopérabilité", le CESE approuve le plan d’action de la Commission pour une forme innovante et durable d’administration en ligne, rappelant qu’il convient de respecter les engagements pris lors de la Conférence ministérielle de Malmö, en 2009. Le Comité se prononce également en faveur d'une plateforme d’échanges d’informations, d’expériences et de codes fondés sur des logiciels libres, tels que décrits dans le cadre européen d’interopérabilité, insistant sur le fait que la plupart des obstacles actuels résultent de l’absence d’une base juridique transfrontalière, des différences des droits nationaux et de solutions adoptées par les États membres mutuellement incompatibles.

3.4.4

S'agissant de "Renforcer la culture numérique, les compétences numériques et l’insertion numérique", le CESE a estime que les inégalités d’accès aux technologies de l’information de la communication (TIC) sont le prolongement d’inégalités économiques et sociales et a insisté sur le fait que TOUT citoyen a le droit de s’approprier de façon critique les contenus de tous les supports media. Le Comité estime également que l’Union et les États membres devraient garantir l’accessibilité du fait numérique par l'apprentissage permanent des compétences digitales pour exercer un emploi et/ou pour soi-même, ainsi que de la citoyenneté, tandis que l’accès à l’infrastructure et à l’outil devait être considéré comme un droit fondamental.

3.5   Société de l’information

3.5.1

En ce qui concerne le "Nouveau règlement concernant l’itinérance", le CESE approuve les baisses proposées des plafonds tarifaires, qu’il juge proportionnées et appropriées pour garantir une disponibilité et un accès à un service d’intérêt économique général à des prix abordables. Ces mesures vont dans la bonne direction, à savoir la disparition, à moyen terme, de toute forme spécifique de prix en itinérance. Toutefois, le CESE regrette que la proposition de la Commission ne soit pas accompagnée d’une étude d’impact des nouvelles mesures sur l’emploi et les conditions de travail dans le secteur des télécommunications mobiles.

3.6   Énergie

3.6.1

Le Comité est d’avis que l’efficience des marchés de l'énergie transfrontaliers renforce la sécurité d’approvisionnement, l’optimisation de la gestion des crises, ainsi qu'une réduction des risques de surcoût, qui finissent toujours par se répercuter sur l’utilisateur final. La progressive amélioration du marché intérieur de l’énergie permet de réaliser des économies substantielles, dont profitent les entreprises et les utilisateurs privés.

3.6.2

Le CESE note que persistent sur les marchés de gros de l’énergie dans l’Union des conditions différentes et des discriminations. En raison notamment des déficits structurels du réseau, en particulier au niveau de l’interconnexion transfrontalière, l’intégration des marchés est tout à fait insuffisante. L'on observe encore des obstacles importants en ce qui concerne les possibilités d’accès non discriminatoire au réseau et à la vente d’électricité.

3.6.3

Le Comité considère indispensable de poursuivre la construction d’une Europe de l’énergie qui veille aux intérêts généraux de l’Union, à ceux des consommateurs, garantisse l’approvisionnement énergétique et préserve la durabilité sociale, environnementale et économique par des politiques adaptées qui distribuent les bénéfices et contrôlent la cohérence des coûts, et protège l’intégrité du marché en tant que fondement indispensable du développement de l’économie sociale de marché.

3.6.4

Le CESE préconise l’adoption d’une approche intégrée des politiques intérieures et extérieures, ainsi que des politiques connexes, comme celles de voisinage et de proximité ou celles qui ont trait à la protection de l’environnement. Il y a lieu de surmonter l’unilatéralisme énergétique, grâce à une vigoureuse politique commune de solidarité énergétique, fondée sur la diversification, une palette d’énergies bien adaptée aux conditions et spécificités de chaque État membre, mais aussi et surtout sur l’aspect durable de l’environnement.

3.6.5

Pour ce qui est de la contribution de l’énergie à la croissance, le CESE:

fait valoir que l’efficacité énergétique et les économies d’énergie dépendent avant tout de l’action des citoyens, des entreprises et des travailleurs, et de leur changement de comportement,

souligne que les économies d’énergie devraient encourager le développement économique, le bien-être social et la qualité de vie,

souligne qu’il est important de choisir les bons instruments et estime que des accords volontaires sont utiles bien que des mesures contraignantes s’imposent quand les incitations positives ne fonctionnent pas,

souligne l’importance de la cogénération en tant que moyen de production d’énergie hautement efficace,

n’est pas favorable à la fixation d’un objectif global contraignant en matière d’efficacité énergétique mais recommande de faire porter tous les efforts sur l’obtention de vrais résultats, et

souligne qu’il est nécessaire de garantir le soutien financier et les investissements indispensables pour pouvoir concrétiser le grand potentiel que recèlent les nouveaux États membres.

3.6.6

Concernant le "Plan d’action pour l’énergie", le CESE recommande à la Commission:

de réaliser et publier une étude approfondie des certificats blancs,

de prévoir des mesures ciblées pour agir sur les cas individuels de vastes potentiels inexploités en matière d’efficacité énergétique, en veillant aussi à ce que des aides d’État puissent être octroyées dans des cas spécifiques,

d’exiger un accès garanti au réseau pour l'’électricité issue de la cogénération pour accroître la part de production combinée de chaleur et d’électricité.

3.6.7

Concernant les mesures visant à accélérer le changement d’attitude, le CESE recommande à la Commission:

de placer le consommateur d’énergie au centre,

de renforcer le rôle du secteur public en tant qu’exemple à suivre par les entreprises et les ménages dans le domaine de l’efficacité énergétique,

d’étudier le comportement des individus et de segmenter les mesures d’information et de sensibilisation en fonction des différents groupes d’utilisateurs,

de s'assurer que les consommateurs retirent un avantage des actions,

de proposer, le cas échéant, des incitations conçues avec soin et efficaces: même les plus modestes peuvent donner des résultats,

d’encourager tant les constructeurs que les gouvernements à veiller à ce que les investissements supplémentaires consentis dans les bâtiments se reflètent dans la valeur de ceux-ci,

d’accroître et d’adapter l’éducation et la formation dans le secteur du bâtiment,

de promouvoir la mise en place de formations pour les administrations publiques sur le thème de l’efficacité énergétique, y compris les marchés publics "verts",

d’examiner les problèmes et, le cas échéant, de revoir les dispositions relatives aux certificats de performance énergétique pour les bâtiments ainsi que le nouveau système d’étiquetage écologique des appareils,

d’évaluer les effets du déploiement de compteurs d’électricité intelligents sur les consommateurs d’énergie et de proposer des mesures supplémentaires pour en tirer de réels avantages,

de maintenir et de développer les systèmes nationaux d’accord volontaire à long terme qui fonctionnent bien, et de les appliquer aussi au secteur public,

de véritablement associer toutes les parties prenantes: citoyens, entreprises, travailleurs.

3.6.8

Le CESE estime nécessaire d’aller plus loin dans la lutte contre la pauvreté énergétique qui menace d’exclure des couches de plus en plus larges de la population (les options "vertes" peuvent s'avérer coûteuses (tarifs majorés et/ou charges fiscales), notamment pour les groupes les plus défavorisés), et de mutualiser l’expertise européenne en vue de créer de nouveaux emplois "verts" – effectifs, durables et compétitifs – et de réduire les inégalités (17), en garantissant aux "citoyens en tant que consommateurs l’accès aux services énergétiques et à l’emploi généré par une économie faiblement émettrice de carbone (18)".

3.7   Transport

3.7.1

En ce qui concerne la contribution des transports à la croissance, le CESE reconnaît que l’objectif de réduction de 60 % des émissions de CO2 d’ici à 2050, tel que défini dans le livre blanc sur les transports, est conforme à la position générale de l’UE sur la protection du climat et qu’il permet d’assurer un équilibre entre la nécessité de parvenir rapidement à des réductions des émissions de gaz à effet de serre et la possibilité de recourir rapidement à des carburants de substitution pour cette activité importante que représente le secteur du transport dans l’économie de l’Union. Le Comité suggère que cet objectif à long terme de la feuille de route soit complété par des objectifs spécifiques à moyen terme plus mesurables pour la réduction de la dépendance à l’égard du pétrole, des émissions sonores et de la pollution atmosphérique.

3.7.2

La Commission prend en considération la nécessité de renforcer la compétitivité des modes alternatifs de transport par la route. Le Comité soutient cet objectif pour autant qu’il soit réalisé en promouvant une capacité et une qualité accrues des transports par chemin de fer, par voies navigables intérieures et par transport maritime à courte distance ainsi que des services intermodaux efficaces, et non en entravant le développement de services routiers efficaces et durables à l’intérieur de l’UE.

3.7.3

Concernant le transport dans le marché intérieur, le CESE reconnaît le rôle vital du transport comme facteur de compétitivité et de prospérité, la nécessité de créer un système de transport européen intégré, ainsi que le besoin d’améliorer la dimension durable et de promouvoir des modes de transport à faibles émissions de carbone, l’efficacité énergétique et l’utilisation des ressources, la sécurité et l’indépendance des approvisionnements, et la réduction des encombrements de circulation. Le CESE approuve l'accent mis sur les chaînes logistiques multimodales optimisées et sur une utilisation plus efficace des infrastructures de transport. Il soutient également la stratégie de la feuille de route consistant à recourir davantage à des mesures dictées par le marché que ce n’était le cas dans les versions précédentes du livre blanc.

3.8   Industrie

3.8.1

Dans le domaine de l’industrie, le CESE soutient vivement l’approche globale et le renforcement des liens entre les différentes politiques de l’UE, ainsi que la coordination industrielle approfondie entre l’UE et les États membres. L’objectif est de soutenir un secteur industriel européen concurrentiel et durable dans l’économie mondialisée.

3.8.2

Le CESE estime que le renforcement des liens devrait conduire à l’adoption d’approches intégrées dans le cadre d’un marché intérieur pleinement développé au sein d’une économie sociale de marché, au moyen d'une législation intelligente, de la recherche, du développement et de l’innovation, de l’accès au financement, d'une économie efficace sur le plan énergétique et à faible émission de carbone, des politiques en matière d’environnement, de transport, de concurrence et d’emploi, de l’amélioration des qualifications et des compétences, du commerce et des matières connexes, ainsi que de l’accès aux matières premières.

3.8.3

Malgré des progrès indéniables, la fragmentation du marché intérieur et un manque d’attention ont persisté, en partie à cause des différentes approches des entreprises. Le lien entre l’achèvement du marché intérieur et les politiques industrielles est trop souvent négligé. Le CESE a demandé à plusieurs reprises que soient mises en places les conditions adéquates en tenant compte de la nécessité d’établir des règles adaptées aux secteurs et des questions thématiques qui prennent en considération des réseaux mondiaux de valeur très ramifiés.

3.8.4

La politique industrielle concerne tous les types de fabrication et de services liés. Les frontières entre les secteurs s’estompent. Les PME sont de plus en plus importantes en termes de valeur ajoutée et de création d’emplois. Ces facteurs requièrent une législation et/ou une réglementation horizontale et sectorielle intelligente, ainsi que des mesures complémentaires. Il conviendrait de tenir compte de la complexité des réseaux internationaux et des processus de fabrication intégrés.

3.9   Services

3.9.1

Le CESE trouve les conclusions de la Commission relatives aux effets de la directive sur les services et au fonctionnement du secteur des services prématurées. La directive n’est en vigueur que depuis quelques années. Tous les États membres ne sont pas également satisfaits de cette directive et ils doivent la mettre en œuvre différemment dans leur propre législation.

3.9.2

La directive sur les services a vu le jour dans le cadre de l’ancien traité qui considérait encore le marché unique comme la priorité principale. Dans le cadre du traité de Lisbonne, d’autres intérêts ne sont plus soumis à l’économique mais bien placés au même niveau. Il est intéressant d’étudier la nature des relations qui existent entre la législation adoptée et la jurisprudence développée dans le cadre de l’ancien traité d’une part et le nouveau traité d’autre part.

3.10   La dimension extérieure de la croissance

3.10.1

Concernant la dimension extérieure de la croissance et la sécurité de l’approvisionnement en matières premières, le CESE demande instamment une politique étrangère plus active en matière de sécurité des matières premières pour l’industrie de l’UE. Dans ce but, il conviendrait de définir les principales lignes directrices d’une diplomatie des matières premières et de les faire adopter par les États membres d'un commun accord. Des accords commerciaux bilatéraux et une diplomatie bilatérale sont de la plus haute importance si l’on veut garantir la disponibilité de matières premières critiques pour les industries qui ont leur base dans l’UE. Il y a là un défi immédiat et difficile pour le service diplomatique de l’UE qui vient de se mettre en place. Il y a lieu non seulement de se concentrer directement sur l’objectif de garantie d’approvisionnement en matières premières d’importance vitale, mais aussi de créer un environnement positif pour les intérêts de l’UE dans les pays cibles. Il faut tirer parti du fait que l’UE compte parmi les marchés les plus actifs et les plus importants du monde.

3.10.2

S’agissant de l’accès aux marchés publics des pays tiers, de l’avis du CESE, l’UE doit accroître son pouvoir de négociation afin d’améliorer – sur la base du droit européen primaire et dérivé – l’accès à ces marchés, étant donné qu’elle a ouvert plus de 80 % de ses marchés publics, alors que les autres grandes économies développées n’ont ouvert les leurs qu’à 20 %.

3.10.3

Le CESE demande instamment au Parlement européen, au Conseil et à la Commission de garantir que les intérêts de l’UE soient défendus plus efficacement et de manière plus stratégique en matière d’accès aux marchés publics, tant à l’intérieur de l’Union qu’au niveau international, ce qui renforcera la crédibilité de l’UE sur la scène mondiale, mais aussi la longévité et le développement du modèle économique et social européen.

3.10.4

Volet externe de la stratégie UE 2020, une politique commerciale de l’UE consisterait à s'assurer que les échanges contribuent bien à une croissance soutenue qui manque actuellement à une sortie de crise - tout en garantissant la pérennité de l’économie sociale de marché et en appuyant une transition vers une économie sobre en carbone. Sur quelques sujets, le Comité considère qu’il faut clarifier le droit existant du commerce, en particulier en matière de subventions et d’aides d’État, et faire valoir ses valeurs et ses normes en recourant au besoin aux mécanismes de l’Organe de règlement des différends de l’OMC (ORD) afin d’alimenter une jurisprudence plus conforme à sa vision de la juste concurrence, notamment face aux pays émergents.

3.10.5

En ce qui concerne le commerce et les investissements, le CESE juge essentiel de préserver la sécurité des investisseurs européens, tant dans l’intérêt des entreprises de l’UE que dans celui des pays en développement. Le Comité accueille favorablement la nouvelle compétence de la Commission européenne en matière d’investissements étrangers directs qui devrait renforcer le pouvoir de négociation de l’UE et devrait se traduire par un accroissement du rôle de l’UE et améliorer l’accès aux importants marchés des pays tiers tout en protégeant les investisseurs, ce qui renforcerait notre compétitivité au plan international. Dans le même temps, le CESE insiste sur le fait que la politique de l’UE en matière de commerce et d’investissement doit être compatible avec la politique économique et les autres politiques de l’Union, y compris les politiques en matière de protection de l’environnement, de travail décent, de santé et de sécurité sur les lieux de travail, et de développement. Les accords d’investissements conclus par l’UE devraient se traduire par la combinaison d’un environnement ouvert et d’une protection efficace pour les investisseurs de l’UE et devraient garantir dans le même temps à ces derniers une souplesse opérationnelle dans les pays où ils investissent. À cette fin, le Comité invite l’UE à saisir l’occasion qui lui est donnée d’améliorer et de mettre à jour les accords d’investissements qu’elle négocie, en s’appuyant sur ses points forts plutôt qu’en imitant ce qui se fait ailleurs. L’UE devrait examiner d’un œil critique les récentes évolutions intervenues dans le domaine du droit des investissements internationaux ainsi que dans le domaine de la politique et de la pratique des investissements (y compris en ce qui concerne l’arbitrage des différends entre les investisseurs et l'État), afin que sa réflexion et son approche relativement aux futurs traités d’investissements et aux chapitres des accords de libre-échange portant sur les investissements soient les plus performantes et les plus durables possible.

3.10.6

De l’avis du CESE, il y a lieu d’accélérer le processus d’internationalisation des PME, en accroissant leur accès à de nouveaux marchés et, partant, leur capacité de création d’emplois.

3.10.7

Les accords commerciaux bilatéraux, comme les accords de libre-échange signés récemment avec la Colombie, le Pérou et la Corée du Sud, offrent de nombreux avantages potentiels, et il conviendrait d’informer comme il se doit les entreprises des nouvelles occasions à saisir qu'ouvrent ces accords. De l’avis du Comité, les accords bilatéraux doivent être vus non seulement comme compatibles avec le multilatéralisme, mais encore comme susceptibles de le renforcer. Pour citer la communication de la Commission y afférente: "notre prospérité dépend des échanges commerciaux". Le Comité souligne cependant la nécessité d’un changement qualitatif dans l’approche envers cette nouvelle série de négociations: l’approche bilatérale peut permettre de mieux respecter les différences régionales et nationales que ne le font les accords multilatéraux, dont l’approche, par définition, est plus vaste. Le CESE souligne l’importance de ces accords afin de promouvoir et d'encourager l’acceptation et le développement des pratiques dans le domaine de l’environnement, la promotion du développement durable et l'élaboration de normes plus élevées, que ce soit sur le plan social ou en matière d’emploi. Dans les négociations bilatérales, l’Europe devra défendre clairement ces normes et ces valeurs collectives dans le domaine social comme dans le domaine de la sécurité alimentaire et de l’environnement. Le commerce international est un élément du problème et un élément de la solution aux questions de sécurité alimentaire au niveau mondial. Les règles du commerce international doivent favoriser la sécurité alimentaire, en particulier des pays les moins avancés, et assurer à ceux-ci un accès libre de droits aux marchés des pays développés mais aussi des pays émergents, en conformité avec le principe de traitement spécial et différencié.

3.10.8

Le CESE accueille favorablement la proposition du Vice-président de la Commission européenne, Antonio TAJANI, de procéder à un "test de compétitivité" avant la signature d’un accord de partenariat commercial entre l’UE et un pays tiers. Le Comité convient également qu’il faudrait évaluer, avant leur mise en œuvre, l’impact de toutes les autres initiatives politiques (politiques énergétique, commerciale, environnementale, sociale et de protection des consommateurs, par exemple) sur la compétitivité industrielle.

3.10.9

Pour développer une économie verte dans un contexte concurrentiel mondialisé et conserver son leadership en la matière, l’Europe devrait, dans son propre intérêt et celui du climat, conserver une haute ambition en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Le Comité propose de développer des analyses d’impact (compétitivité, emploi, environnement) et d’organiser des débats publics pour planifier les transitions entre 2020 et 2050 et stabiliser les projections des acteurs économiques et des citoyens.

3.11   Mobiliser le budget de l’Union pour la croissance et la compétitivité

3.11.1

Le CESE estime qu’en raison de la crise économique et financière et de l’augmentation en série des déficits budgétaires de nombreux États membres, l’Union européenne ne dispose aujourd’hui de moyens budgétaires suffisants ni pour mettre en œuvre sa stratégie politique, ni pour honorer les obligations qui découlent du nouveau traité de Lisbonne.

3.11.2

Le Comité estime que le budget européen doit être renforcé et avoir un effet de levier. Une complémentarité entre budgets nationaux et européen permettrait de faire des économies d’échelle pour réaliser les grands objectifs politiques de l’UE.

3.11.3

Le CESE exige que le budget de l’UE soit exemplaire en matière de gouvernance, d’efficacité, de transparence et de maîtrise des dépenses administratives.

3.11.4

D’après le Comité, le concept de "juste retour" doit être écarté car il est contraire aux valeurs de solidarité et de bénéfice mutuel de l’intégration européenne. Il importe au contraire d’appliquer la subsidiarité en transférant au niveau européen ce qui a perdu son sens et son efficacité au plan national. Le CESE félicite la Commission européenne de proposer d’en revenir au principe des ressources propres qui peuvent être établies ex nihilo ou se substituer à des taxes nationales.

3.11.5

Le CESE demande que des ressources financières privées et publiques suffisantes soient allouées à la compétitivité et à l’innovation afin de compenser les réductions budgétaires. Le CESE se félicite de l’amélioration annoncée des conditions transfrontalières pour le capital à risques, ainsi que des propositions de création d’emprunts obligataires européens publics et privés pour le financement de projets en matière d’énergie, de transports et de technologies de l’information et des communications (TIC). Il y a lieu d’envisager le recours aux emprunts obligataires pour financer d’autres projets, comme ceux de recherche et de démonstration. Les fonds structurels et de cohésion doivent aussi s’orienter vers des objectifs de politique industrielle. Il convient de développer des idées novatrices afin d’attirer des capitaux privés dans le secteur industriel.

3.11.6

Il apparaît primordial de maintenir, voire d’accroître les ressources financières de l’UE dans la recherche et le développement. Les grands projets européens, comme ceux en matière d’énergie, ainsi que la réalisation d’une infrastructure paneuropéenne, cofinancés par un ou plusieurs États membres, devraient avoir des effets de levier.

3.11.7

En octobre 2010, la Commission a adopté une communication sur "La contribution de la politique régionale à une croissance intelligente dans le cadre de la stratégie "Europe 2020" (19), qui souligne clairement combien il importe de développer l’innovation et la recherche-développement dans toute l’Union, et insiste sur la contribution que peut apporter la politique régionale à cet égard. La communication relève également l’utilisation relativement faible des fonds disponibles pour l’innovation. La proposition de 2011 de la Commission modifiant le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil en ce qui concerne certaines dispositions ayant trait à la gestion financière pour certains États membres qui connaissent des difficultés ou une menace de graves difficultés quant à leur stabilité financière (COM(2011) 482 final) manque donc l’occasion de proposer un financement à 100 % des projets d’innovation par l’UE, qui serait particulièrement bénéfique pour les PME.

3.11.8

Le CESE a toujours soutenu le programme de réseaux transeuropéens de transport, et il lui réaffirme son soutien. Il fait cependant remarquer que, dans le contexte d’une Europe élargie, les besoins du secteur de l’infrastructure des transports se sont accrus, et qu’il convient de réfléchir aux moyens d’adapter la politique existante et les instruments disponibles pour la réalisation de celle-ci aux défis de l’avenir.

3.11.9

Parvenir à ce que les modes de transport de substitution occupent une plus grande part de marché suppose de lourds investissements dans les infrastructures, notamment dans celles de transport routier. Le recours généralisé aux investissements privés et aux redevances d’infrastructure ne peut être considéré comme une panacée. Le Comité est favorable, comme il l’a fait valoir dans un certain nombre d’avis antérieurs, à l’internalisation dans le secteur du transport. Le Comité convient que, selon le principe du "pollueur payeur", les instruments économiques doivent refléter le coût réel du transport pour nos sociétés, de manière à orienter les comportements sur le marché dans le sens d’une plus grande durabilité. À cet égard, il conviendrait d’affecter les revenus qui découlent de ces coûts facturés supplémentaires au développement du transport durable et à l’optimisation de l’ensemble du système de transport, afin de réaliser une véritable politique de mobilité durable. Il conviendrait également de continuer à les distinguer des coûts facturés dans un but de financement, c’est-à-dire ceux qui relèvent du principe d’"utilisateur payeur".

3.11.10

Le CESE estime qu’il est indispensable de se doter de systèmes de combinaisons de mesures présentant les caractéristiques suivantes:

mesures d’efficacité énergétique;

systèmes sûrs de captage et de stockage du CO2 (CSC);

développement compétitif des énergies renouvelables;

transformation des centrales électriques au profit de systèmes à faible intensité de carbone;

mesures visant à développer la cogénération efficace (production combinée de chaleur et d’électricité).

3.11.11

En ce qui concerne les "instruments" du marché énergétique européen intégré, le CESE estime qu’il est indispensable de prévoir dès maintenant, de manière planifiée et consensuelle, des investissements dans les secteurs suivants:

les réseaux intelligents ("smart grids") et l’amélioration des réseaux de transport de l’énergie;

la recherche et le développement de programmes conjoints dans les secteurs des énergies durables, des nanosciences et des nanotechnologies, de l’informatique appliquée aux macrosystèmes de réseaux, et des microsystèmes de la domotique;

la capacité de gérer des systèmes complexes et de garantir un cadre de référence stable pour l’industrie et les opérateurs publics et privés;

le renforcement d’un dialogue structuré et interactif avec les partenaires sociaux, les consommateurs et l’opinion publique.

3.11.12

Le CESE demande que la priorité soit donnée aux projets de diversification énergétique qui sont menés dans des pays voisins d'Europe, comme le couloir énergétique de la mer Caspienne à la mer Noire et, plus particulièrement, le gazoduc Nabucco, ainsi qu’aux infrastructures destinées au gaz naturel liquéfié (GNL), à l’interconnexion des réseaux électriques et au parachèvement des raccordements d’infrastructures euro-méditerranéennes dans le domaine de l’électricité (Med Ring, "boucle méditerranéenne") et du gaz, ainsi qu’à la réalisation de nouveaux projets d’équipements pétroliers d’intérêt européen, tels celui d’Odessa à Gdańsk, de Constanța à Trieste et le Nord Stream.

4.   Lutter contre le chômage et prendre des mesures pour faire face aux retombées sociales de la crise

4.1.1

Le CESE estime que la principale condition à remplir pour créer de nouveaux emplois est une croissance économique durable et stable. Le CESE se réjouit que plusieurs institutions et organisations aient tenu compte de la dimension sociale de la reprise dans les propositions qu’elles ont formulées pour trouver une issue à la crise.

4.1.2

D’après le Comité, il est essentiel de mettre en place des initiatives visant à faciliter le développement de secteurs ayant le potentiel d’emploi le plus élevé, notamment l’économie sobre en carbone et économe en ressources ("emplois verts") et les secteurs de la santé et des services sociaux ("emplois générés par les séniors") ainsi que l’économie numérique.

4.1.3

Le CESE distingue les actions prioritaires suivantes: le développement des potentialités de nouveaux entrepreneurs, surtout féminins, l’emploi des jeunes et le soutien à l’objectif phare "Jeunesse en mouvement".

4.1.4

Le CESE considère qu’il est essentiel de diffuser la culture d’entreprise et l’esprit d’initiative dans un environnement qui soutienne davantage les entrepreneurs, qui soit conscient des risques du marché et qui valorise le capital humain, dans le respect des conventions collectives et des pratiques nationales.

4.1.5

Le CESE demande en particulier de mettre en œuvre une feuille de route afin de garantir immédiatement les conditions nécessaires au développement de nouvelles entreprises innovantes et au soutien des PME existantes, de contribuer à la création de nouveaux emplois, nécessaire pour sortir de la crise, et de relancer une croissance durable; les actions prévues doivent être programmées aux niveaux européen, national et régional et inclure tant les entreprises commerciales et non commerciales que celles de l’économie sociale. Outre cette feuille de route, il convient de prévoir une formation pour les chômeurs et les jeunes afin qu’ils aient accès aux nouveaux emplois.

4.1.6

La promotion des emplois verts doit passer par une combinaison de mesures incitatives et de pénalités, ce qui devrait permettre de fournir les ressources nécessaires sans grever des finances publiques à bout de souffle. La question des ressources du financement sera cruciale et exige que toutes les parties jouent le jeu, car la stratégie UE 2020 et les programmes d’aide ne pourront pas fonctionner si les États membres n’ont plus de marge de manœuvre budgétaire. Les entreprises qui s’engageront à améliorer la qualité de l’emploi et à produire selon des procédés plus durables devraient bénéficier de facilités et de soutiens. Les entreprises ont besoin d’un environnement réglementaire clair, stable et si possible encadré par des règles ayant fait l’objet d’un accord international. Une solution rapide et consensuelle à la question du brevet européen représenterait sans aucun doute une avancée dans la bonne direction.

4.1.7

Comme l’a souligné le Comité dans son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011, une politique salariale adéquate constitue un élément central de la stratégie de lutte contre la crise. Une approche consistant à aligner la hausse des salaires sur l’accroissement de la productivité dans l’économie nationale dans son ensemble garantit, d’un point de vue macroéconomique, l’équilibre entre une augmentation suffisante de la demande et le maintien de la compétitivité des prix. Les partenaires sociaux doivent dès lors s’efforcer d’éviter les modérations salariales dans le cadre d’une politique protectionniste et d’adapter la politique salariale à la productivité. À cet effet, le CESE refuse catégoriquement la suggestion également contenue dans la communication de la Commission sur l'examen annuel de la croissance 2012, selon laquelle il faut intervenir dans les systèmes nationaux de fixation des salaires en exigeant notamment des "mesures de réforme" pour la décentralisation des négociations collectives. L'autonomie des partenaires sociaux et leur liberté de conclure des accords collectifs ne doivent en aucun cas continuer à être mises en doute, comme cela a été expliqué très clairement dans le règlement "Six pack" no 1176/2011 (paquet des 6 mesures).

4.1.8

Le CESE constate que les entreprises recourent à différents types d’emplois, ce qui conduit à de nouvelles formes de travail, donnant lieu également à des emplois précaires pour lesquels les personnes sont recrutées sur la base de contrats temporaires, assortis de faibles revenus et d’un niveau peu élevé de protection sociale et n’offrant aucune garantie quant aux droits des travailleurs. Tous les emplois à durée déterminée ne sont pas précaires: des indépendants très bien formés peuvent fort bien s’en sortir sur le marché de l’emploi en n’effectuant que des missions ponctuelles. Cependant, l’emploi temporaire est, par définition, bel et bien précaire lorsqu’il s’agit d’un travail peu ou non qualifié dans la production ou dans les services. La flexicurité peut constituer une réponse au besoin de travail flexible rencontré par les entreprises, mais uniquement à la condition qu’elle aille de pair avec une sécurité d’un niveau comparable à celle d’un emploi fixe.

4.2   Inadéquation structurelle entre l’offre et la demande de main-d’œuvre

4.2.1

La coopération entre les établissements d’enseignement, les entreprises, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, surtout au niveau de l’anticipation des qualifications qui seront nécessaires à l’avenir et de la prise d’initiatives concernant l’enseignement de type général ainsi que l’enseignement et la formation professionnels (EFP), est un élément clé de la solution aux problèmes. Le Comité a appelé à améliorer la qualité et l’efficacité de l’EFP afin de le rendre plus attractif et pertinent. Fixer des objectifs relatifs au nombre de jeunes fréquentant l’université comme seul indicateur induit en erreur lors de la formulation d’une politique en matière d’éducation et ne reflète pas les besoins du marché de l’emploi en termes de compétences. Il faut plutôt équilibrer les systèmes d’éducation et de formation.

4.2.2

L’évolution démographique (une population active vieillissante et une diminution du nombre de jeunes qui arrivent sur le marché du travail) et la rapidité des mutations technologiques dans les processus de production font peser sur l’Europe la menace d’une importante pénurie de personnel qualifié. C’est pourquoi il est de la plus haute importance que tout le monde ait et conserve l’accès au marché du travail et que personne n’en soit exclu. Le CESE souligne que les travailleurs doivent avoir la possibilité de développer leurs compétences et leurs qualifications professionnelles et d’en acquérir de nouvelles tout au long de leur vie active, afin qu’ils puissent s’adapter aux changements qui surviennent dans leur environnement de travail et pourvoir aux besoins du marché du travail en main-d’œuvre qualifiée. Gérer ce processus d’une manière appropriée et efficace constitue une des tâches les plus importantes que l’UE doit remplir pour rester compétitive par rapport aux autres régions du monde.

4.2.3

Le CESE partage l'avis selon lequel les travailleurs doivent pouvoir accéder en particulier aux programmes de formation professionnelle. Des études ayant montré que ce sont les travailleurs ayant le plus besoin d’une formation qui utilisent le moins ces programmes, il convient d’adopter des mesures différentes pour les différents groupes de travailleurs.

4.2.4

Il faudrait consacrer une grande partie du budget aux travailleurs les moins qualifiés, car ce sont eux qui ont le plus besoin d’un complément de formation. Il devrait être possible d’y parvenir en attribuant aux travailleurs un budget formation individuel inversement proportionnel à leur niveau d’éducation, afin que les travailleurs les moins qualifiés puissent bénéficier du montant le plus élevé.

4.2.5

S’agissant des travailleurs plus âgés, il convient de mener une politique du personnel qui tienne compte de l’âge. Alors que dans beaucoup de pays membres de l’UE, l’âge de la retraite est relevé, de nombreux travailleurs âgés perdent leur emploi avant d’atteindre l’âge actuel de la retraite, notamment parce qu’ils ne sont pas capables de s’adapter aux évolutions. Des formations spécifiques et ciblées pourraient contribuer à résoudre ce problème.

4.2.6

Il importe également que l’enseignement et les formations soient efficaces. Différents États membres expérimentent de nouvelles méthodes de formation, plus efficaces, et redécouvrent toute l’importance de l’apprentissage sur le lieu de travail. Le CESE souligne qu’il importe de développer les projets de ce type et invite la Commission à les stimuler en veillant à l’échange de bonnes pratiques dans ce domaine.

4.3   Soutenir en particulier l'emploi des jeunes et des chômeurs de longue durée

4.3.1

Le CESE insiste une nouvelle fois pour la mise en place d’objectifs européens quantifiables en matière d’emploi des jeunes, notamment: 1) un objectif consistant en une diminution significative du chômage des jeunes et 2) un délai maximal de quatre mois pour l’activation des jeunes cherchant un travail ou un poste d’apprentissage. Il n’a pas été très profitable de laisser aux États membres le soin de définir des objectifs spécifiques en matière d’emploi des jeunes, puisque quelques pays seulement ont formulé des objectifs à cet égard dans leur programme national de réforme.

4.3.2

Le CESE, qui avait préconisé que les États membres offrent à tous les jeunes un emploi, une formation générale ou professionnelle complémentaire ou des mesures d’activation dans les quatre mois suivant leur sortie de l’école, se réjouit de constater que l’initiative phare "Jeunesse en mouvement" ait pris sa demande en compte en proposant une "garantie pour la jeunesse".

4.3.3

Les États membres dont la situation du marché de l’emploi est particulièrement tendue pour les jeunes et qui doivent en même temps répondre à des obligations de restrictions budgétaires devraient pouvoir accéder plus aisément aux financements mis à disposition par l’UE destinés à des mesures relevant de la "garantie pour la jeunesse". Des procédures et des simplifications pragmatiques et flexibles doivent être mises en place dans l’administration pour l’utilisation des moyens, jusqu’à la suppression temporaire du cofinancement par les États membres pour les interventions du FSE et d’autres fonds européens.

4.3.4

Le CESE a souligné à plusieurs reprises combien il importe, malgré la réévaluation des priorités budgétaires imposée à tous les États membres par la crise économique, de continuer à prévoir des moyens nationaux et européens pour la formation, la formation professionnelle et l’emploi des jeunes et, si nécessaire, de les augmenter. Dans cet esprit, le CESE demande que la nouvelle programmation financière à partir de 2014 prévoie suffisamment de moyens pour les initiatives spécifiquement destinées aux jeunes.

4.3.5

Quelques pays ont, sous certaines conditions, amélioré l’accès aux allocations de chômage pour les groupes défavorisés – dont les jeunes – pendant la crise. Ces mesures sont toutefois limitées dans le temps ou risquent d’être supprimées dans la foulée des plans d’austérité prévus. Le CESE demande de manière générale que l’on réexamine les conditions d’octroi d’allocations de chômage aux jeunes sans emploi et que l’on améliore les perspectives de ceux qui cherchent du travail mais qui n’avaient jusqu’à présent aucun droit aux allocations. L'ajout d'objectifs en la matière dans les programmes nationaux de réforme, est aussi à conseiller. Cela apporterait une contribution importante à la lutte contre la situation précaire de nombreux jeunes cherchant à entrer sur le marché du travail.

4.3.6

Chez les 15-24 ans, non seulement le chômage est deux fois plus élevé que chez les adultes, mais aussi la proportion de relations de travail précaires (plus de 60 % dans certains pays), l’augmentation des apprentissages et des stages non réglementés (surtout dans les pays du sud de l’Europe), ainsi que les emplois sous le niveau de qualification. En matière d’intégration dans le marché de l’emploi, le CESE déconseille les solutions instables et dénuées de perspectives: plutôt que de miser sur l’emploi précaire et des contrats de travail incertains, il y a lieu de mettre en œuvre des mesures qui garantissent que le travail à durée déterminée et les emplois faiblement rémunérés et assortis d’une protection sociale insuffisante ne deviendront pas la norme pour les jeunes. S'agissant de l’initiative de la Commission concernant les stages, le CESE soutient la mise en place d’un cadre européen de qualité en la matière, dont il conviendrait de faire la promotion également auprès des entreprises, afin que celles-ci proposent des postes favorisant l’apprentissage, encadrés par des contrats contraignants, et ce, aussi aux jeunes désavantagés au niveau de la formation. Le système dual d’apprentissage, combinant formation générale et professionnelle, a donné de bons résultats dans plusieurs pays et il conviendrait d’examiner la possibilité de transposer certains de ses éléments.

4.3.7

La stagnation due à la crise de la demande de main-d'œuvre, qui se poursuit actuellement, provoque une augmentation du chômage de longue durée, qui a pour conséquence de graves difficultés à s'insérer sur le marché du travail et conduit ensuite à l'augmentation de la pauvreté, définie comme la proportion de personnes d'âge productif et de jeune âge qui vivent dans des ménages qui n'ont pas de contact avec le marché du travail. Le CESE recommande aux États membres de veiller tout particulièrement à créer des marchés intermédiaires inclusifs de l'emploi, où des fonds publics financent un nombre approprié d'emplois adaptés, de manière à ce que les chômeurs de longue durée restent en contact avec le monde du travail et accroissent leur savoir-faire. De cette manière, l'on empêche la pauvreté au travail de croître et l'on permet à ces travailleurs de passer aisément sur le marché ouvert de l'emploi, une fois la crise terminée.

4.4   Entrepreneuriat social

4.4.1

Les entreprises sociales constituent un élément fondamental du modèle social européen. Elles apportent une contribution importante à la société et contribuent à la réalisation des objectifs de la stratégie UE 2020 grâce à la création d'emplois, au développement de solutions novatrices pour répondre aux besoins de la société, à la génération de cohésion sociale, d'insertion, et de citoyenneté active.

4.4.2

Le Comité est convaincu qu’en promouvant l’entrepreneuriat social, en particulier dans ce contexte économique difficile, il sera possible de maîtriser à la fois son potentiel pour la croissance et sa valeur ajoutée en matière sociale. La réalisation de son potentiel requiert un cadre politique global faisant intervenir un large éventail d’acteurs issus de tous les secteurs de la société (société civile, secteurs privé et public) à tous les niveaux (local, régional, national et européen).

4.4.3

Les États membres et les institutions européennes doivent veiller à ce que les entreprises sociales soient intégrées et prises en compte dans les initiatives et les programmes des pouvoirs publics destinés aux entreprises sur un pied d'égalité avec les autres types d’entreprises.

4.4.4

Un meilleur accès aux capitaux et à des instruments financiers adaptés sont des priorités pour les entreprises sociales. La Commission devrait répertorier et faire connaître les bonnes pratiques et initiatives d’innovation existant dans les États membres, comme le capital hybride et les formes d’interaction entre les capitaux publics et privés, en s’assurant par ailleurs que le cadre réglementaire européen en vigueur n’entrave pas le développement de nouveaux dispositifs.

4.4.5

Il est essentiel de prévoir explicitement, dans le cadre de la prochaine période de programmation des Fonds structurels, des programmes visant à démarrer et à développer des entreprises sociales.

4.4.6

La Commission devrait par ailleurs lancer une action pour comparer, à l’échelle de l’UE, les mécanismes de financement public adaptés à l’entreprise sociale. Elle devrait encourager et évaluer la fréquence des marchés dotés d'une perspective sociale et s’attaquer au phénomène de "surenchère réglementaire" en matière de marchés publics. Dans son réexamen de la règlementation applicable aux aides d’État, la Commission devrait envisager d’exempter tous les services sociaux d’intérêt général ou prévoir des exemptions de notification pour tous les services publics de petite échelle et certains services sociaux afin de stimuler davantage la création d’entreprises sociales.

4.4.7

En raison de la diversité de formes juridiques et de missions sociales spécifiques des entreprises sociales, certains États membres leur offrent des avantages fiscaux qu’il conviendrait de réexaminer et de diffuser afin d’encourager le développement de règles appropriées.

4.5   Protéger les personnes vulnérables

4.5.1

Comme le Comité l’a déjà relevé dans son avis sur l’examen annuel de la croissance 2011, et comme la Commission le reconnaît d’ailleurs implicitement, les allocations sociales doivent être considérées comme un investissement productif dont tout le monde tire profit. Des indemnités de chômage associées à des politiques du marché du travail dynamiques permettent de stabiliser l’économie et de promouvoir une adaptation active au changement grâce à l’amélioration des compétences et à des initiatives efficaces en matière de recherche d’emploi et de reconversion. Il conviendrait de rester circonspect par rapport à des mesures qui visent à renforcer les critères d’éligibilité. Le risque est de précariser davantage les personnes exclues, ce qui représente un obstacle important en termes de (ré)insertion professionnelle. Ces politiques d’éviction peuvent avoir comme effet pervers de provoquer des déplacements vers d’autres secteurs de la protection sociale comme l’aide sociale ou l’incapacité de travail, ce qui n’est pas souhaitable.

4.5.2

Le CESE note que les travailleurs ont besoin d’une sécurité de revenus et d’une protection sociale afin de pouvoir évoluer de manière optimale et sans crainte du lendemain dans une société en rapide mutation.

4.5.3

Le CESE appelle les institutions européennes à assurer le maintien des normes sociales européennes avec davantage de conviction. Le manque de résolution à cet égard a notamment eu pour conséquence une augmentation du nombre de travailleurs pauvres, des inégalités grandissantes, une crainte de plus en plus grande à l’égard de l’avenir et, dans le même temps une défiance de plus en plus marquée des gens vis-à-vis de leurs concitoyens, des institutions sociales et des pouvoirs publics. Ces réactions ne concernent pas seulement les autorités nationales mais aussi les institutions européennes, comme l’indique un euroscepticisme en progression dans plusieurs États membres.

4.5.4

Selon le CESE, les mesures d’austérité ne doivent pas accroître le risque de pauvreté ni creuser davantage les inégalités, qui se sont déjà accentuées ces dernières années. Il convient de veiller à ce qu’aucune mesure de sortie de crise ne contrecarre la stimulation de la demande et de l’emploi ni l’atténuation des inégalités sociales. Les États membres doivent aussi s'assurer que les mesures visant à surmonter la crise économique et l’endettement de l’État ne menacent pas les investissements publics dans la politique du marché de l’emploi et la formation générale et professionnelle. Le CESE réclame des évaluations efficaces des conséquences sociales afin de pouvoir examiner de quelle manière réaliser l’objectif de l’UE visant à sortir, d’ici 2020, au moins vingt millions de personnes de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

4.5.5

Les personnes les plus durement touchées par les mesures d’austérité sont en premier lieu celles qui dépendent de transferts sociaux de l’État, notamment celles qui occupent des emplois précaires et d’autres groupes défavorisés du marché du travail. Les plus touchés par le chômage sont en règle générale aussi ceux ayant difficilement accès, et de manière limitée, à des prestations de soutien. Il convient dès lors de prévoir des réseaux de sécurité sociale suffisants, efficaces et durables, prenant en compte tout particulièrement les groupes les plus touchés et les plus défavorisés sur le marché de l’emploi.

5.   Moderniser l’administration publique

5.1.1

En ce qui concerne la modernisation de l’administration publique, de l’avis du CESE la bonne gouvernance implique une "gouvernance à niveaux multiples" et des partenariats avec la société civile organisée représentative au niveau régional.

5.1.2

La gouvernance à niveaux multiples est une structure flexible de relations entre la Commission, les gouvernements et les collectivités régionales et locales, conçue sur mesure pour certaines situations spécifiques et considérations thématiques, plutôt que comme un cadre hiérarchique de compétences entre différents échelons de pouvoir. La bonne gouvernance se caractérise par des relations ouvertes et une application moins stricte du principe de subsidiarité.

5.1.3

Le partenariat constitue un instrument clé d’engagement collectif et contribue à une efficacité accrue des dépenses publiques et des politiques publiques. De nouvelles formes de "partenariat efficace" pourraient être utiles à cet égard pour accompagner la stratégie d’innovation, avec la participation et le concours de tous les intéressés tant publics que privés, banques comprises, à l’aide de règles simples, claires et efficaces qui permettraient de suivre les projets tout au long de leur durée et de fixer des échéances, des responsabilités et d’éventuelles sanctions.

5.1.4

Le CESE invite les institutions européennes ainsi que les États membres et les régions à placer au cœur des décisions européennes, nationales et régionales le principe fondamental "Penser aux petits d’abord" (Think small first) du Small Business Act (SBA). Il recommande aussi aux États membres et aux régions de l’adopter comme base de leurs politiques en faveur des PME et de leurs politiques économiques et industrielles. Il estime enfin que le SBA devrait prendre une forme plus contraignante notamment pour les institutions de l’UE. Dans ce contexte, le CESE s'oppose à la proposition actuelle de la Commission qui vise à exempter les PME et les microentreprises de la législation européenne.

5.1.5

Le CESE estime que la désignation de représentants des PME (SME Envoys) nationaux devrait aider les États membres à appliquer le SBA. Le CESE recommande également la désignation de "SME Envoys" au niveau des régions.

5.1.6

Reste à passer au stade "agir pour les petits d’abord" (Act small first). Le SBA ne connaîtra pas le succès escompté sans la mise en place d’une réelle "gouvernance partenariale multiacteurs et multiniveaux". Les partenaires économiques et sociaux ainsi que tous les acteurs publics et privés représentatifs doivent être associés aux réflexions politiques et au processus législatif dès leur lancement. Le CESE demande par conséquent que les organisations représentatives des différentes catégories de PME participent effectivement au processus législatif et décisionnel à tous les niveaux.

5.1.7

Le Comité partage l’avis du Conseil et de la Commission quant à l’opportunité de mettre en place de manière effective une gouvernance à niveaux multiples ainsi qu’une meilleure gouvernance dans l’utilisation des Fonds de l’UE et dans la mise en œuvre des politiques communautaires. La question n’est pas de savoir si mais comment cela se fera. Il s’agit d’affiner les initiatives ascendantes et les conditions-cadres imposées d’en haut.

5.1.8

Le Comité est particulièrement satisfait de l'intention de garantir une participation accrue des citoyens et autres parties prenantes à l’élaboration, à la transposition et à l’application du droit de l’Union européenne, notamment en allongeant les périodes prévues pour les consultations publiques ainsi qu’en assouplissant et en rendant plus efficaces les procédures relatives aux infractions.

5.1.9

Le CESE se félicite de la modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés publics afin d’accroître son efficience dans le contexte d’un meilleur fonctionnement d’un marché unique plus innovant, plus écologique et plus social. Le CESE souligne la portée et l’importance des aspects de la stratégie Europe 2020 liés à l’innovation, à l’environnement et aux questions sociales, y compris en matière de marchés publics.

5.1.10

Le CESE souligne que les principes d’ouverture et de transparence, ainsi que l’efficience, la sécurité juridique, la rentabilité, la concurrence, l’accessibilité des marchés pour les PME et les professions libérales, la proportionnalité, la multiplication des marchés transfrontaliers, la prévention de la discrimination et de la corruption, de même que le besoin de professionnalisme, restent autant d’actualité que par le passé.

5.1.11

Dans l’intérêt de tous, il faut réduire la bureaucratie superflue. Il convient également d’éviter les réglementations compliquées et souvent excessives dans les États membres.

5.1.12

Le CESE recommande une analyse des pratiques et de cas concrets dans les États membres, notamment des meilleurs, ainsi que des mesures d’encouragement à l’ouverture des marchés.

5.1.13

Le CESE se félicite de l’intérêt que la Commission a manifesté pour l'approfondissement des procédures politiques, législatives et administratives devant conduire à une production et à une application plus rationnelle et appropriée du droit communautaire, et ce tout au long du processus législatif.

5.1.14

Le CESE est d’avis qu’il y a lieu de mieux définir les aspects tels que ceux relatifs à la manière dont sont menées les études d’impact ex ante par toutes les institutions communautaires ayant une responsabilité dans leur mise en œuvre, à la nature et à la composition de l’organe chargé du contrôle des analyses d’impact, aux paramètres utilisés ainsi qu’aux voies et moyens de garantir une plus grande transparence.

5.1.15

Le CESE accueille favorablement l’initiative visant à moderniser les services publics en mettant en place des "guichets uniques". L’on ne peut que se féliciter de la coopération administrative dans le cadre d’opérations transfrontalières. Il y a lieu de l’élargir aux domaines politiques où le respect des obligations est en cause.

5.1.16

Le CESE accueille favorablement l’intention de la Commission d’améliorer la gouvernance du marché unique grâce à une coopération administrative renforcée, en développant à cette fin le Système d’information du marché intérieur (IMI).

5.1.17

Le système d’information du marché intérieur est le principal outil technique au service de la coopération entre les administrations nationales et a la capacité de jouer également un rôle d’interface pour les utilisateurs du marché unique.

5.1.18

Le CESE estime que l’IMI peut jouer un rôle décisif dans la transformation de la coopération administrative au sein du marché intérieur et son adaptation aux besoins et attentes des citoyens et des entreprises, de même que des organisations de la société civile, qui sont susceptibles de contribuer à l'avenir au développement et au bon fonctionnement du système.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème "Examen annuel de la croissance - Avancer dans la réponse globale apportée par l'Union européenne à la crise" - COM(2011) 11 final, JO C 132 du 3.5.2011, p. 26-38.

(2)  Avis du CESE sur la "Clôture du premier semestre européen de coordination des politiques économiques: orientations pour les politiques nationales 2011 - 2012", JO C 43 du 15.2.2012, pp. 8-12.

(3)  À savoir le Royaume-Uni et la République tchèque.

(4)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème "Examen annuel de la croissance - Avancer dans la réponse globale apportée par l'Union européenne à la crise" - COM(2011) 11 final, JO C 132 du 3.5.2011, pp. 26 - 38.

(5)  À savoir: la Grèce, l’Irlande, la Lettonie, le Portugal et la Roumanie.

(6)  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions "Une phase pilote pour l'initiative relative aux emprunts obligataires pour le financement de projets dans le cadre d'Europe 2020", COM(2011) 660 final.

(7)  Position du Parlement européen arrêtée en première lecture le 13 décembre 2011 en vue de l'adoption du règlement (UE) no …/2011 du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne certaines dispositions ayant trait à la gestion financière pour certains États membres qui connaissent de graves difficultés ou une menace de graves difficultés quant à leur stabilité financière (EP-PE_TC1-COD(2011)0209).

(8)  Avis du Comité économique et social européen sur le thème "Examen annuel de la croissance - Avancer dans la réponse globale apportée par l’Union européenne à la crise" COM(2011) 11 final, JO C 132 du 3.5.2011, pp. 26 - 38.

(9)  Ibid.

(10)  Ibid.

(11)  Ibid.

(12)  Ibid.

(13)  Voir COM(2011) 730.

(14)  Ibid.

(15)  JO C 218 du 11.9.2009, p. 8, paragraphe 4.8.

(16)  Par exemple les avis JO C 107 du 6.4.2011, p. 53, JO C 376 du 22.12.2011, p. 92, JO C 318 du 29.10.2011, p. 9, JO C 24 du 28.1.2012, p. 131 et JO C 24 du 28.1.2012, p. 139.

(17)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 65.

(18)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 81.

(19)  Voir le document COM(2010) 553.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/69


Avis du Comité économique et social européen sur le «Livre vert sur la distribution en ligne d'œuvres audiovisuelles dans l'Union européenne — Vers un marché unique du numérique: possibilités et obstacles»

COM(2011) 427 final

2012/C 143/13

Rapporteur: M. LEMERCIER

Le 13 juillet 2011, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur le

"Livre vert sur la distribution en ligne d'œuvres audiovisuelles dans l'Union européenne – Vers un marché unique du numérique: possibilités et obstacles"

COM(2011) 427 final.

La section spécialisée "Marché unique, production et consommation", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 226 voix pour et 10 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité tient à attirer l’attention sur la jurisprudence de la Cour de Justice qui demande le respect d'un équilibre entre plusieurs droits fondamentaux dans le cas du droit d’auteur en cas d’échanges de fichiers sur internet. (1) Le droit d’auteur n’est pas absolu et son respect ne peut être imposé au travers d’un filtrage généralisé de l’internet par les fournisseurs d’accès (ISP - voir l'Affaire SABAM c. Scarlet). La taxation des supports de données numériques dans plusieurs États membres ne peut concerner les supports utilisés pour un autre usage que les copies d’audiovisuel numérique tels que les disques durs numériques utilisés pour la gestion d’entreprises (Affaire Padawan). Certaines législations nationales excessives devraient être révisées afin de ne pas faire obstacle au développement de la distribution en ligne d’œuvres audiovisuelles en tenant compte de la jurisprudence en évolution de la Cour de Justice de l’UE.

1.2   Un autre facteur de croissance du marché de ces œuvres consiste dans l’instauration de modèles commerciaux attractifs à des prix abordables, en ce que de telles offres peuvent s’effectuer à des coûts bien moindres que la distribution de CDs et DVD de contenus audiovisuels numériques. Cette économie considérable des coûts de distribution devrait profiter aux consommateurs et garantir en même temps un revenu suffisant aux créateurs afin qu’ils puissent poursuivre leur travail de création artistique et littéraire. Le droit d’auteur devrait aussi être aménagé pour satisfaire à l’intérêt général et à des exigences d’intérêt public, par exemple des obligations d’accessibilité pour les personnes handicapées sans pénalisation par les coûts d’accès. Il faut encore réfléchir aux possibilités d’extension des exceptions et limitations pour favoriser l’accès des publics très défavorisés aux bibliothèques et centres culturels publics, comme le Comité l’a proposé dans son avis de 2010. (2)

1.3   L’internet est devenu un support universel des offres en ligne; certaines exigences techniques et juridiques devraient être établies par des normes juridiques contraignantes pour garantir le respect de la vie privée par les distributeurs de contenus et garantir la neutralité du net, qui ne doit pas être l’objet de filtrage généralisé (3) et sans mandat exprès et nominatif d’un juge s’il existe des éléments suffisants de preuve de copie illicite, sur plainte nominative du titulaire de droits d’auteurs ou de droits voisins.

1.4   Dans le même esprit, le Comité estime que les institutions chargées de la gestion des œuvres audiovisuelles et les bibliothèques ne devraient pas être handicapées par des renforcements excessifs des législations protectrices du droit d’auteur. Leur rôle consiste en effet à conserver et communiquer les œuvres dans un but culturel de popularisation et de protection des artistes et créateurs dans le long terme, ainsi qu’a permettre l’accès du plus large public et en particulier des écoliers, lycéens et étudiants auxdites œuvres de l’esprit, à des fins d’intérêt général telles que le succès de la stratégie 2020, de l’Agenda numérique et de la stratégie culturelle (4). Le projet de directive sur les œuvres orphelines, soutenu par le Comité (5), devrait aussi participer pleinement au succès des stratégies européennes et nationales de promotion de la culture.

1.5   Le marché transfrontalier de la distribution d’œuvres en ligne ne pose pas de problème majeur d’accès pour les trois principaux distributeurs transnationaux qui contrôlent les trois-quarts des marchés et disposent de tous les moyens financiers et technologiques pour proposer leurs catalogues au public européen et global.

1.5.1

Le Comité demande plus spécifiquement à la Commission de faire des propositions concrètes particulières pour la multitude de PME-PMI qui constituent la vraie richesse culturelle et artistique de l’Europe dans la diversité de ses langues et de ses créations littéraires et cinématographiques afin de permettre leur participation active au marché unique de la distribution de contenus audiovisuels en ligne.

1.6   Le Comité attire l’attention sur certaines propositions de l’étude KEA-Cema d’octobre 2010, comme la mutualisation des catalogues et les guichets uniques pour la distribution des contenus au public européen. (6) En outre, l’analyse des évolutions du marché est fouillée et pertinente. Les stratégies de diffusion, les nouveaux modèles d’affaires sont conçus pour favoriser la distribution légale des œuvres de manière à maximiser le revenu pour chaque fenêtre de diffusion et valoriser au mieux les œuvres. Le recours aux medias sociaux, au buzz caractérise la promotion des offres aux côtés des moyens publicitaires classiques.

1.7   Il considère que la création d’un Code européen du droit d’auteur, global et unitaire, tel que proposé par la Commission peut contribuer au renforcement nécessaire de l’harmonisation des législations des États membres sous forme de directive. Il remplacerait les multiples directives existantes dans l’UE en matière de droit d’auteur et ferait l’objet de rapports réguliers sur la mise en œuvre effective par les États membres. La stratégie Europe 2020 (7) devrait aussi être intégrée à ce Code européen du droit d’auteur.

1.7.1

Un tel Code pourrait relativiser la question du pays d’origine quant à la législation applicable en vue d'une réelle harmonisation. En cas de financement public de la création cinématographique par un État membre, cet État devrait être en général retenu comme le pays d’origine en vue de la détermination de la législation applicable. L’éventualité d’une "origine européenne" en vue du choix de la législation applicable devrait aussi être envisagée par la Commission (8).

1.7.2

La possibilité d’éviter les clauses abusives dans les contrats de cession de ses droits aux producteurs/distributeurs par l’auteur (ou les auteurs) effectif(s) de l’œuvre devrait être envisagée. Trop souvent en effet, ces droits sont cédés par l’auteur aux producteurs pour toutes les technologies existantes et à venir sans clause de participation aux revenus futurs engendrés par l’utilisation de nouveaux supports et moyens de diffusion (Blue-Ray, IPTV (9) etc.).

1.7.3

Les contenus ne doivent pas être considérés comme des marchandises. Il convient de garder ceci à l’esprit dans la réflexion sur la distribution on line qui constitue un service culturel distribuant du sens ("meaning").

1.7.4

Le Comité souligne à nouveau le besoin de permettre l’accès à des connexions à large bande pour que les utilisateurs d’internet bénéficient d'une réception de qualité et suffisamment rapide des œuvres audiovisuelles par câble TV, IPTV et VOD (10).

1.8   Les possibilités de créer des systèmes de gestion des données relatives à la détention de droits sur les œuvres audiovisuelles (11) devront être examinées en mettant les particularités et besoins des PME-PMI du secteur au centre de la réflexion des services compétents de la Commission. Cela vaut aussi pour la problématique de la création de licences multiterritoriales représentant un titre unique sur le marché européen. Les petits producteurs européens devraient être encouragés et aidés (12) en vue de l’européanisation de leurs catalogues dans un système d’identification des œuvres comportant un volet (volontaire) d’informations sur les titulaires du droit d’auteur et des droits voisins matérialisés dans un titre multiterritorial.

1.9   Le système d’acquisition des droits devrait garantir la distribution transparente et équitable de la part de revenu destinée aux titulaires des droits. (13) La gestion par les sociétés de collecte doit impérativement faire l’objet de contrôles annuels indépendants et accessibles aux auteurs et au public afin de contrôler démocratiquement leurs activités et leurs contributions au développement culturel. (14)

1.10   Le Comité estime que, sur la base des réponses reçues des parties prenantes à propos du Livre vert, la Commission devrait envisager de produire un Livre blanc dès le second semestre 2012, et après une conférence des parties prenantes au premier semestre 2012, y compris avec les institutions publiques (15), le Comité lui-même ès-qualité, et les syndicats et associations représentatives au niveau européen des consommateurs, des auteurs et des distributeurs, un livre blanc avec des propositions plus concrètes sur les suites envisageables pour créer un Marché unique européen des œuvres audiovisuelles en dépit des barrières linguistiques. Le Comité est conscient des difficultés juridiques et techniques auxquelles il faudra faire face pour faire progresser cet important dossier, mais ne croit pas qu’elles puissent être insurmontables.

2.   Contenu essentiel de la communication de la Commission

2.1   En lien direct avec la stratégie Europe 2020, ce texte prolonge la communication de la Commission "Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle", dite stratégie en matière de DPI (16).

2.2   Le secteur culturel est un secteur important employant 6 millions de salariés dans l’UE et représentant 500 milliards d’euros par an, soit 3 % du PIB européen. Sous l’impulsion des évolutions technologiques, la diffusion des œuvres audiovisuelles subit une profonde révolution. Les technologies numériques, l’internet haut et très haut débit, l’informatique en nuage, la possible réception d’œuvres audiovisuelles sur les ordinateurs personnels et les téléphones mobiles modifient en profondeur les réseaux traditionnels de distribution.

2.3   Le Livre vert évoque plusieurs pistes mais assure la promotion d’un modèle unique de gestion des droits d’auteur s’appuyant sur des licences transnationales et paneuropéennes.

2.4   La Commission estime que l’acquisition des droits pour la transmission en ligne d'œuvres audiovisuelles (films, …) hors du territoire initial doit être simplifiée. Il en va de même de la diffusion de programmes à la demande qui nécessitent l’obtention de droits différents de ceux acquis pour la diffusion initiale.

2.5   Le Livre vert précise que la transmission simultanée d’une émission nécessite, auprès des titulaires des droits, l’obtention d’une autorisation particulière.

2.6   Pour la retransmission simultanée à partir d’autres États membres, la directive dite " satellite et câble" (17) impose une gestion des droits par une société de gestion collective. Ces droits s’ajoutent à ceux délivrés en direct par les organismes de radiodiffusion.

2.7   S’agissant de la retransmission par câble, la Commission relève que les organismes représentant les titulaires de droits ne sont pas tous juridiquement habilités à octroyer des licences pour ces droits.

2.8   Enfin, depuis quelques années, les opérateurs de DSL (Digital Subscriber Line), IPTV (Télévision sur internet) et TNT (transmission numérique terrestre) ainsi que de nouvelles plateformes numériques exploitent les services de retransmission d’émissions, ce qui rend encore plus difficile le respect des législations actuelles.

2.9   D’un point de vue économique, la production de l’UE approchait 1 200 films en 2009, générant à peine 25 % des entrées dans l’UE contre 68 % de films américains. À contrario, elle ne représente que 7 % du marché américain. Dans l’UE, afin d’assurer la promotion d’un film, les producteurs et les distributeurs étalent dans le temps la sortie de leurs films. La sortie d’un film s’effectue en général en salle de cinéma, puis en support vidéo, puis en vidéo à la demande, puis le film est diffusé sur les chaînes payantes et enfin sur les chaînes gratuites. Le développement des services de vidéo à la demande proposés en dehors du pays producteur multiplie le nombre de partenaires, donc de contrats.

Pour réduire le nombre de ces procédures, la Commission propose une gestion collective des œuvres et la mise en place d’un guichet unique pour l’octroi des licences collectives.

2.10   L’autre volet du Livre vert concerne la rémunération des auteurs:

Celle-ci est gérée dans la plupart des pays de l’UE par les producteurs au travers de paiements forfaitaires de "rachat" pour leur contribution à l’œuvre audiovisuelle. Dans ces États, les auteurs ne reçoivent donc pas systématiquement de rémunération supplémentaire lors de la diffusion en ligne de l’œuvre. Dans certains États, les sociétés de gestion collective qui représentent les auteurs perçoivent une rémunération par utilisation. Dans d’autres, c’est le diffuseur final qui a la responsabilité de paiement de ces prestations.

2.11   Concernant la rémunération des interprètes:

Elle est aujourd’hui essentiellement contractuelle et forfaitaire, comme pour les auteurs. La Commission propose qu’un système de rémunération plus équitable soit mis en place, ce droit étant géré par des sociétés de gestion collective. Le Livre vert indique cependant que ces nouveaux droits créeraient une incertitude économique, donc juridique, pour les producteurs et freineraient la diffusion en ligne de ces œuvres.

3.   Observations générales

3.1   Avec le Livre vert, la Commission poursuit la construction du marché unique européen au travers de la convergence des règles nationales.

Le secteur concerné touche à la culture et à ses canaux de diffusion numérique. C’est un domaine très particulier et sensible car il véhicule l’histoire d’un pays, sa langue, ses traditions, ses aspirations. Il ne peut être traité comme un secteur économique classique ni même comme un secteur d’intérêt économique général traditionnel. L’approche de la Commission au travers du Livre vert peut paraître excessivement tournée vers le consommateur. Son analyse des différents mécanismes est cependant fouillée et quasi exhaustive.

3.2   Le texte, très dense, aborde de nombreux thèmes très différents mais l’objectif principal poursuivi par la Commission est de construire le marché unique du secteur.

3.3   Concernant la situation de la diffusion audiovisuelle et des droits s’y attachant, la Commission s’appuie sur plusieurs constats:

Le premier est que le système actuel ne marche pas, qu’il est complexe et coûteux pour le consommateur final. Le second postule que le regroupement des productions nationales peut permettre d’accroître la viabilité commerciale du secteur dans son ensemble. La VOD indépendante des grands fournisseurs d’accès ou de iTunes rencontre des difficultés d’obtention de droits exclusifs territoriaux ou européens sur les œuvres, dont les droits sont souvent concentrés chez les producteurs, qui recherchent une maximisation de leur revenus par d’autres voies (ventes de DVD, en particulier).

3.4   Vers une gestion centralisée des licences (regrouper les moyens et les sources d'information pour développer le secteur):

Le Livre vert propose donc la commercialisation en ligne des droits sur les services sur plusieurs territoires et soutient la mise en place d’un modèle unique de licences permettant l’octroi de licences multiterritoriales.

Le CESE estime que pour une région linguistique donnée, ce peut être une solution.

3.5   La multiplicité des canaux de diffusion, la multiplicité des récepteurs interactifs et la mobilité des clients exercent une forte pression sur les modèles économiques des réseaux de distribution.

3.6   Aujourd’hui, la délivrance d’autorisations et de licences est essentiellement nationale et basée sur la négociation de contrats entre le producteur de l’œuvre et le diffuseur en ligne. Le Comité économique et social européen reconnaît que le système proposé par la Commission présente des avantages indéniables, notamment en ce qui concerne la rapidité et la simplicité d’accès aux données fournies par les producteurs. Il peut être un levier supplémentaire pour la diffusion d’œuvres nationales qui demeureraient locales.

3.7   Il est néanmoins à noter que la mise en application, il y a quinze ans, de la directive concernant les diffusions par satellite n’a pas généré de services paneuropéens de diffusion par satellites.

3.8   Concernant la mise en place d’un registre européen des œuvres qui peut présenter des risques difficiles à évaluer.

Le CESE estime que cette base de données devrait être purement informative.

En particulier, le fait d’être répertorié ou non ne saurait conditionner l’accès à la protection des droits d’auteur.

3.9   Cette structure européenne aurait l’avantage de rassembler les forces européennes de production et de diffusion pour faire face aux "majors" d’Hollywood qui s’organisent en Europe.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce sont de grands studios américains (Warner Bros, Disney,…) qui travaillent à l’élaboration d’un système international de numéros d’identification des œuvres audiovisuelles (Entertainment Identifier Registry).

3.10   De même, depuis 2004, des producteurs français développent de leur côté l’ISAN (International Standard Audiovisual Number). Les chiffres sur la production de films européens et américains mentionnés précédemment sont inquiétants. Rappelons qu’avec ce système, la production américaine représente 75 % des entrées en salles de cinéma en Europe. La gouvernance d’une telle entité est donc fondamentale.

3.11   Rappelons que ce sont les producteurs qui, au cours de leur négociation commerciale avec les diffuseurs, fixent contractuellement et forfaitairement le montant des droits payés aux auteurs et ayants droit et en garantissent le paiement. Le problème de la rémunération des ayants droit peut être résolu en partie par une gestion centralisée. Par contre, l’idée séduisante d’engager un processus de rémunération en fonction de l’audience mesurée sur de nombreuses années paraît difficile.

3.12   Il y a un vrai conflit d’intérêt entre les producteurs, les diffuseurs de film et les contributeurs. D’un côté, les producteurs souhaitent une sortie initiale en salle pour assurer la meilleure promotion possible de leurs œuvres, de l’autre, les diffuseurs revendiquent une mise à disposition plus rapide de celles-ci pour les rendre disponibles sur les supports vidéo, les chaînes payantes et à la demande.

3.13   Le CESE pense qu’une négociation visant à moduler ces délais est nécessaire compte tenu de la montée en puissance de l’IPTV, de l'ADSL et des plateformes numériques. Concernant les œuvres anciennes qui ne font plus l’objet d’une exclusivité, la mise en place d'un système d'identification et de recensement des œuvres associé à une base de données des ayants droit est très intéressante.

3.14   La Commission fait donc le pari de la gestion collective des œuvres (banque de données) pour stimuler le secteur! L’UE aura-t-elle la capacité de contrer la puissance des multinationales américaines? Les risques générés par un abandon brutal des systèmes nationaux actuels sont réels.

3.15   Selon le CESE, des évaluations sérieuses doivent être effectuées avant tout abandon ou affaiblissement des systèmes nationaux actuels. Comme nous l’indiquions précédemment, les lobbies en charge de la défense des intérêts des compagnies américaines sont efficaces et poussent évidemment à la libéralisation de ce secteur très lucratif.

3.16   La Commission, au travers de ce projet, souhaite développer la circulation des œuvres de l’UE et la réguler. Les signaux techniques et réglementaires émanant de la Commission sont donc importants car ils peuvent accélérer un processus de libéralisation déjà engagé par d’autres.

3.17   Le CESE appuie sans réserve toute démarche de la Commission visant à faciliter l’accès des citoyens aux œuvres en ligne. Cet accès devrait être possible partout sur le territoire de l’UE et ce, à des prix abordables. Il permettrait une meilleure diffusion de la culture des États membres et faciliterait l’éducation des jeunes Européens. Par ailleurs, le Comité considère que certaines formes de "versioning" peuvent porter atteinte aux objectifs culturels de la distribution en ligne, comme l’introduction de publicités commerciales dans des œuvres originalement conçues sans coupures publicitaires, même si ces versions de moindre qualité pourraient permettre de distribuer gratuitement ou à très bas coût des œuvres ainsi mutilées. Cette considération pourrait figurer dans un Code de qualité volontaire pour les distributeurs en ligne par internet, par câble ou par transmissions hertziennes qui s’engageraient au plus grand respect des œuvres originales.

3.18   Un avis du CESE sur la communication de la Commission "Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle" (18) rappelle la diversité des différents modèles nationaux et les approches contradictoires de la gestion des droits d'auteur dans le domaine culturel. C’est pourquoi, conscient que la réflexion n’est pas complètement aboutie, le CESE estime que la première démarche serait de définir les principes d’un code européen. Dans une première étape, ce code, basé sur le respect des spécificités culturelles de chaque pays, devrait se limiter à établir des principes simples incontournables que chaque pays respecterait lors de la délivrance des licences.

3.19   Le CESE pense qu’il n’est pas souhaitable d’étendre le droit du pays de départ car le choix du pays d’établissement de la société prestataire peut contourner ce principe par ailleurs correct. La Commission a parallèlement lancé des actions et des consultations pour que les opérateurs de transmission de données investissent dans de nouveaux réseaux capables d’écouler ces trafics avec une bonne qualité et à des prix abordables.

3.20   Dans le Livre vert à l'examen, la Commission affirme que la gestion collective des droits stimulera la croissance des réseaux numériques. Encore faudra-t-il s’assurer de la capacité financière des opérateurs de réseaux à moderniser et accroître leur capacité de diffusion. C’est pourquoi l'avis du CESE sur "l’internet ouvert et sa neutralité (19)" est un appui sérieux à certaines thèses évoquées dans ce Livre vert.

3.21   Pour la retransmission simultanée à partir d’autres États membres, la directive " satellite et câble" impose une gestion des droits par une société de gestion collective. Ces droits s’ajoutent à ceux délivrés en direct par les organismes de radiodiffusion. Cette double procédure qui peut paraître lourde est nécessaire afin d'éviter les coupures durant les programmes (utilisation des supports déjà occupés par d’autres émissions).

3.22   La Commission estime que les financements nationaux sont vitaux pour le développement du secteur audiovisuel et soutient le programme MEDIA créé pour impulser la diffusion des œuvres sur plusieurs territoires. Le CESE est d’accord avec cette affirmation mais constate la décroissance de ces subventions et le regroupement massif de bailleurs de fonds pour financer un film.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Affaires récentes: Padawan et SABAM.

(2)  JO C 228, 22.09.2009, p. 52.

(3)  Cas SEBAM c. Scarlet.

(4)  COM(2007) 242 final.

(5)  JO C 376, 22.12.2011, p. 66.

(6)  "Multi-Territory Licensing of Audiovisual Works in the European Union", independant study for the European Commission DG Society and Media, oct. 2010. Voir aussi la communication "Creative Content Online in the Single Market ", COM(2007) 836 final.

(7)  JO C 68 du 6.3.2012, p. 28.

(8)  28e régime, déjà proposé par le Comité en matière de droit européen des contrats. JO C 21, 21.01.2011, p. 26.

(9)  Internet television.

(10)  Video on demand.

(11)  Travaux des producteurs sur un système international d’identification des œuvres (ISAN, International Standard Audiovisual Number). Mais l’ISAN ne contient pas d’informations sur la détention des droits et est à participation volontaire. Certains des grands studios américains travaillent à un système similaire (EIDR, Entertainment Identifier Registry) eidr.org/how-eidr-works/ Ce système d’identification comporte un numéro codant, fournit des API aux développeurs mais ne comporte aucune mention de propriété des droits sur les œuvres.

(12)  Par exemple grâce au programme MEDIA, prévu jusqu’à 2013, qui pourrait ensuite être remplacé par un nouveau programme de soutien.

(13)  JO C 68 du 6.3.2012, p. 28.

(14)  Id.

(15)  Institutions nationales de financement des films, bibliothèques et Centres culturels.

(16)  COM(2011) 287 final.

(17)  Directive 93/83/CEE (J.O. L 248 du 6.10.1993, p. 15).

(18)  JO C 68 du 6.3.2012, p. 28.

(19)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 139.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/74


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement (EMIR) sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux»

COM(2011) 652 final — 2011/0296 (COD)

2012/C 143/14

Rapporteur général: M. IOZIA

Le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont décidé respectivement le 25 novembre 2011 et le 15 novembre 2011, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement [EMIR sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux"

COM(2011) 652 final - 2011/0296 (COD).

Le 25 octobre 2011, le Bureau du Comité économique et social européen a chargé la section spécialisée "Marché unique, production et consommation" de préparer les travaux en la matière.

Vu l'urgence des travaux, lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012, le Comité économique et social européen a décidé de désigner M. IOZIA rapporteur général et a adopté le présent avis par 99 voix pour et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE accueille favorablement la proposition de règlement de la Commission et espère qu'elle sera rapidement approuvée, afin de protéger plus efficacement les épargnants et d'adopter les principes qui y sont contenus pour tous les instruments financiers (1).

1.2   Le CESE estime que la proposition de règlement atteint les objectifs suivants:

accroître la transparence des opérations et les données fournies aux autorités compétentes sur les transactions;

rendre obligatoire la négociation des instruments dérivés sur des plateformes organisées;

faciliter la suppression des obstacles à l'accès non discriminatoire aux systèmes de compensation;

accroître la surveillance des instruments financiers et des positions sur les instruments dérivés;

procéder à un contrôle des prestations de services financiers par les entreprises de pays tiers non dotés d'une succursale dans l'UE;

contrôler et réduire l'impact des méthodes de négociation automatique et algorithmique.

1.3   Le règlement à l'examen est synonyme d'un accroissement de la transparence du marché et contient plusieurs mesures qui réduisent la fragmentation. Le fait de disposer d'applications uniformes de la réglementation évite le risque, très élevé sur les marchés financiers, d'arbitrage normatif. Les utilisateurs finals en tireront donc un avantage sous la forme d'une réduction attendue des coûts des transactions (du moins en théorie).

1.4   La Commission devrait mettre en évidence dans ses propositions législatives les avantages qu'elles présentent pour les différents sujets concernés: utilisateurs individuels de services financiers, petites et moyennes entreprises, opérateurs, administrations publiques.

1.5   De façon générale, la Commission devrait soutenir avec détermination la création d'un programme d'éducation financière. Le CESE a récemment relancé cette thématique dans un de ses avis d'initiative (2).

1.6   Même si les coûts dérivant du nouveau règlement ne semblent pas très importants, le CESE fait part de sa perplexité quant à aux effets qu'il est susceptible de produire en termes de coûts macro-économiques pour le système financier et qui ne semblent pas pris en compte comme il se doit dans l'analyse d'impact. Sur ce point, c'est à plusieurs occasions et depuis déjà longtemps que le CESE demande que "soit réalisée une étude approfondie de l'ensemble des initiatives réglementaires sous l'angle des mesures nécessaires pour le système financier et le marché des capitaux. Un système stable et efficace devrait favoriser la stabilité financière et les liquidités pour l'économie réelle" (3). Le CESE se félicite que la Commission ait décidé de lancer une étude de ce genre, indispensable pour tenter de comprendre l'impact total de toutes les mesures réglementaires, et il souhaite qu'elle soit publiée dans les meilleurs délais.

1.7   Le CESE attire l'attention sur un problème de compatibilité entre l'article 40 du règlement relatif aux actes délégués et l'article 290 TFUE. Le nombre, les contenus et les termes des actes délégués ne sont pas cohérents avec les dispositions du traité et font sortir du processus législatif normal trop de thèmes fondamentaux dans l'architecture du règlement. Le CESE recommande que soit menée une réflexion pointue afin de faire en sorte que l'article 40 devienne tout à fait conforme aux dispositions du TFUE.

2.   La proposition de règlement

2.1   Ces dernières années, les marchés financiers ont changé en profondeur. De nouvelles plateformes et de nouveaux produits ont fait leur apparition, et des innovations liées aux évolutions technologiques, telles que les transactions à haute fréquence, ont bouleversé le paysage.

2.2   Les propositions à l'examen visent à rendre les marchés financiers plus efficients, plus résilients et plus transparents, et à renforcer la protection des investisseurs. Ce nouveau cadre réglementaire va également renforcer les pouvoirs de surveillance des autorités de régulation et établir des règles de fonctionnement claires pour toutes les activités de négociation.

2.3   Éléments clés de la proposition

2.3.1

Des structures de marché plus solides et plus efficientes: alors que la MIF couvrait déjà les systèmes multilatéraux de négociation et les marchés réglementés, cette version révisée va faire entrer un nouveau type de plateforme de négociation dans son champ d'application: les systèmes organisés de négociation. Il s'agit de plateformes organisées qui ne sont pas régulées, mais qui jouent un rôle croissant. Les contrats dérivés standardisés, par exemple, sont de plus en plus couramment négociés sur de telles plateformes. La nouvelle proposition entend combler cette lacune. La MIF modifiée continuera à permettre l'existence de différents modèles de négociation mais garantira que toutes les plateformes de négociation respectent les mêmes règles de transparence et limitera les conflits d'intérêts.

2.3.2

Prise en compte de l'innovation technologique: la MIF actualisée prévoit de nouveaux garde-fous en ce qui concerne les transactions algorithmiques et à haute fréquence, qui ont radicalement accru la vitesse de transmission des ordres et qui sont susceptibles de présenter des risques systémiques.

2.3.3

Il est notamment prévu que tous les opérateurs qui procèdent à des transactions algorithmiques fassent l'objet d'une régulation adéquate, qu'ils fournissent un niveau de liquidité approprié et qu'ils soient soumis à des règles qui les empêchent d'alimenter la volatilité en entrant et sortant des marchés. Enfin, les propositions renforceront les conditions de non-accès à certains services essentiels de post-négociation tels que la compensation, pour éviter que ces services ne limitent de facto la concurrence entre plateformes.

2.4   Une transparence accrue: l'introduction de la catégorie des systèmes organisés de négociation permettra de renforcer la transparence des activités de négociation sur les marchés des capitaux, y compris en ce qui concerne les bassins de liquidités opaques ou "dark pools" (les volumes ou liquidités qui ne sont pas disponibles sur des plateformes publiques). Des exemptions ne seront octroyées que dans des circonstances bien définies. La proposition introduit également un nouveau régime de transparence pour les marchés autres que d'actions (marchés d'obligations, marchés de produits financiers structurés et de dérivés). En outre, de nouvelles exigences concernant le regroupement en un seul lieu de toutes les données de marché donneront aux investisseurs une vue d'ensemble de toutes les activités de négociation dans l'UE, ce qui facilitera une prise de décision informée.

2.5   Des pouvoirs de surveillance renforcés et un cadre plus strict pour les marchés de dérivés sur matières premières. Les propositions vont renforcer le rôle et les pouvoirs des autorités de régulation. En coordination avec l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et dans des circonstances bien définies, les autorités de surveillance pourront interdire certains produits, services ou pratiques dès lors que ceux-ci sont susceptibles de porter atteinte à la protection des investisseurs, à la stabilité financière ou au bon fonctionnement des marchés.

2.6   Des investisseurs mieux protégés: développant l'ensemble des règles en vigueur, la nouvelle MIF définit des exigences plus strictes pour la gestion de portefeuille, le conseil en investissement et l'offre de produits financiers complexes, tels que les produits structurés. Afin de prévenir tout conflit d'intérêts, les conseillers indépendants et gestionnaires de portefeuilles n'auront pas le droit de recevoir de paiements ou d'autres avantages financiers de la part de tiers, ni de leur en fournir. Enfin, des règles sur la gouvernance d'entreprise et la responsabilité du personnel de direction sont introduites pour toutes les entreprises d'investissement.

3.   Observations et réflexions

3.1   Selon les données fournies par la Banque des règlements internationaux, la valeur notionnelle des dérivés en circulation est passée de 601 046 milliards de dollars en décembre 2010 à 707 569 milliards de dollars en juin 2011 (Rapport trimestriel BRI, décembre 2011).

3.2   La nouvelle proposition entend améliorer le niveau d'efficacité, d'intégrité et de transparence des marchés, notamment de ceux qui sont moins réglementés et, donc, renforcer la protection des investisseurs.

3.3   Ces 20 dernières années, une explosion du volume des transactions mondiales a injecté d'énormes liquidités sur les marchés financiers. Cette croissance sans précédent, provoquée principalement par la spéculation à court terme, n'a pas été accompagnée ni soutenue par une croissance parallèle de l'économie réelle, du marché de l'emploi ou des salaires. Le CESE estime que la proposition de règlement est nécessaire et adaptée pour contribuer à modérer ces effets sur les marchés.

3.4   La fonction première des marchés financiers est de soutenir le développement économique en réduisant les asymétries d'information et en favorisant ainsi une allocation efficace des ressources. Comme cela a déjà été relevé, la crise a mis en évidence un mécanisme de fonctionnement erroné des marchés qui a vu les acteurs agir en répondant à des logiques différentes de celles de l'économie de l'information et en utilisant les marchés financiers à des fins purement spéculatives, à très court et à court terme.

3.5   Nos marchés ont donc été inondés de liquidités à très court terme alors qu'il n'y a pas eu (et qu'il n'y a toujours pas) d'incitations destinées à encourager l'industrie réelle plutôt que celle de la finance. Ce comportement distend encore plus le binôme naturel entre l'industrie et les marchés financiers, qui élaborent des instruments toujours plus opaques, abstraits et complexes.

3.6   Si la spéculation fait partie des logiques du marché et est intrinsèque au marché même, en ce qu'elle garantit la liquidité et signale les anomalies, la spéculation à court terme est quant à elle économiquement et socialement inutile et contribue de manière décisive au développement de bulles financières. Il est urgent d'inverser la tendance actuelle, en reportant l'attention des investisseurs sur la croissance réelle.

3.7   Dans ce contexte, la proposition de règlement présente indiscutablement des mesures valables et des instruments destinés à remédier aux lacunes évidentes et aux déséquilibres de notre système.

3.8   Le nouveau cadre réglementaire des systèmes organisés d'échanges soumet toutes les activités de négociation à des règles de fonctionnement plus explicites. Les services de gestion de portefeuille, les activités de conseil en matière d'investissements en titres et l'offre de produits financiers sont régis par des normes rigoureuses. La nouvelle législation envisagée, en imposant de nouvelles obligations concernant la responsabilité des dirigeants et la révision de la gouvernance d'entreprise, imposera donc aux intermédiaires une importante réorganisation de leur structure sociale. Le CESE estime que les obligations imposées par la nouvelle réglementation, quoiqu'onéreuses, sont opportunes et cohérentes par rapport aux objectifs du règlement.

3.9   La proposition de règlement introduit les systèmes organisés de négociation (OFT - Organized Trading Facilities). Le CESE est favorable à cette innovation, dès lors qu'elle permet l'intégration des différents systèmes de négociation utilisés par différentes contreparties. Ce système aidera le marché dans son ensemble à fait ressortir l'opportunité d'utiliser des instruments différents mis en concurrence, mais qui devront en tout état de cause respecter le principe de la best execution.

3.10   La réglementation intervient également sur l'ampleur des pouvoirs réservés aux autorités compétentes, en leur attribuant des pouvoirs spéciaux s'agissant de la vente à la clientèle de produits et services susceptibles de porter gravement préjudice non seulement aux intérêts des investisseurs, mais aussi à la stabilité du marché.

3.11   En outre, le principe de la transparence ne s'applique pas aux seuls marchés, mais aussi au niveau des autorités. En effet, les autorités compétentes peuvent s'échanger des informations relatives aux négociations et éviter ainsi les abus de marché possibles que l'on peut craindre. Le CESE est très favorable à ces aspects de la proposition de règlement, dans la mesure où il s'agit d'interventions résolues visant à renforcer la protection des investisseurs.

3.12   Selon des opérateurs de marché faisant autorité, "la nouvelle réglementation revêt une importance fondamentale; elle modifiera la structure des marchés financiers européens". Il existe par exemple un risque systémique intrinsèque dont il faut tenir compte et qui s'est manifesté lors de la récente crise financière. Le défaut d'une banque est susceptible de mettre en péril l'exécution des obligations liées aux transactions de gré à gré et par conséquent de se propager à ses contreparties, à d'autres entités. La nouvelle réglementation réduit le risque de contrepartie sur le marché de gré à gré. La proposition de règlement entraînera une réduction notable des transactions hors marché.

3.13   Une autre finalité du nouveau règlement, jugée très positive par le CESE, consiste à réaliser une concentration de données sur toutes les transactions de gré à gré, et pas uniquement celles qui passeront par une contrepartie centrale. Les informations seront mises à la disposition des autorités de surveillance qui pourront ainsi exercer une surveillance efficace du marché. À l'heure actuelle, cette activité ne peut être déployée en raison de l'absence de données. En ce qui concerne ces aspects, le règlement prévoit toutefois une structure ouverte, non définie a priori. Par exemple, il incombera aux opérateurs ou à l'ESMA de déterminer, par leurs décisions ultérieures, les catégories de dérivés qui seront dirigées vers une contrepartie centrale. Pour cette raison, on ne peut cependant pas quantifier concrètement à ce jour les transactions actuelles qui prendront cette voie.

3.14   Un autre aspect important concerne le fait que le futur règlement européen ne donne aucune indication sur l'architecture de marché des futures contreparties centrales. Ainsi, il se pourrait que les structures actuelles existant dans les différents pays se renforcent, par exemple la Cassa di Compensazione e Garanzia della Borsa Italiana (Caisse de compensation et de garantie de la bourse italienne), ou que l'on assiste à l'émergence d'un petit nombre de grands organismes à l'échelle du continent européen. Il ne s'agit là que d'hypothèses, le règlement ne le dit pas. Au-delà de l'architecture spécifique retenue, il est toutefois opportun de répéter à quel point le mode de traitement futur de l'activité de gestion des risques et l'efficacité des mécanismes de supervision sont primordiaux pour éviter d'autres défauts ultérieurs aux conséquences désastreuses.

3.15   En outre, le processus de normalisation des échanges, qui consiste à les soumettre à des contreparties centrales, devrait réduire les coûts. Le processus de concentration pourrait indiscutablement avoir cet effet, mais il n'y a aucune certitude à cet égard. Il ne fait aucun doute que si elle est bien mise en œuvre, la nouvelle réglementation aura pour conséquence de permettre une meilleure mesure des risques qui, dans un passé récent, ont souvent été sous-évalués par les intermédiaires de crédit à la recherche de plus gros volumes de transactions et de profits à court terme.

4.   Quelques critiques

4.1   L'une des préoccupations concerne les coûts de mise en œuvre du règlement actuel, qui semblent sous-évalués et qui arrivent à un moment où les institutions financières sont déjà sous pression d'un point de vue normatif, de rentabilité et de coûts. Les institutions financières doivent être efficientes et soutenir l'économie, mais elles doivent également préserver un profil adéquat de rentabilité. Il est à craindre que ces coûts ne soient inéluctablement transférés vers les investisseurs et les clients. Le CESE estime que les utilisateurs et les entreprises, en particulier les PME, doivent être protégés à cet égard.

4.2   Selon la Commission, les coûts de mise en conformité uniques iront de 512 à 732 millions d'euros, tandis que les coûts récurrents liés à la directive oscilleront entre 312 et 586 millions d'euros. Ces coûts semblent sous-estimés; par exemple, les coûts de fonctionnement liés à la création des infrastructures technologiques devant permettre de respecter les exigences de déclaration sont discutables et risquent à eux seuls de dépasser le montant global. La Commission a enfin lancé une étude visant à évaluer l'impact global des coûts cumulés générés par les nouvelles initiatives réglementaires, étude appelée de ses vœux et demandée par le CESE depuis longtemps. Pour pleinement comprendre l'effet du règlement en termes de délais et de coûts, il juge opportun que cette étude soit menée à bien et rendue publique dans les meilleurs délais.

4.3   À partir du moment où les modifications législatives prises dans leur ensemble continuent à accroître les coûts et à augmenter la complexité dans les institutions financières, un certain nombre de questions importantes vont être formulées par celles-ci s'agissant des domaines d'activités qu'elles doivent abandonner ou qui doivent être transférés dans une autre juridiction.

4.4   Cependant que le principe de réduction du risque au moyen d'une plus grande transparence rencontrera un écho favorable auprès de nombreux interlocuteurs, nous avons besoin de mieux comprendre quel sera l'impact global de la réglementation sur la capacité de l'Europe à être compétitive sur le marché mondial des services financiers.

4.5   Sur le même sujet de la transparence accrue dérivant de la nouvelle réglementation, il importe de se demander qui sont les bénéficiaires directs et réels des nouvelles interventions. En effet, les banques d'investissement et les fonds spéculatifs tireront certainement parti des informations supplémentaires, mais peut-on dire de même des marchés commerciaux?

4.6   Le CESE se demande si la réglementation fortement prescriptive des dark pools n'est pas également susceptible de porter préjudice à la capacité des sociétés de gestion de l'épargne de mener des activités de négociation de manière optimale pour le compte de leurs propres clients (en dernière analyse les clients de détail).

4.7   Un des objectifs de la proposition de règlement consiste à unifier, harmoniser et intégrer les marchés financiers. Les investisseurs de détail ne connaissent souvent que mal les instruments financiers auxquels ils ont accès sur leur marché de référence. Dès lors, le CESE, s'il appuie le principe de consolidation des diverses plates-formes de négociations, n'en recommande pas moins à la Commission de promouvoir de façon relativement urgente des programmes d'éducation financière. Le Comité estime en effet que sans un niveau adéquat de préparation et de sensibilisation des investisseurs, le processus d'harmonisation recherchée risque de ne pas produire les effets espérés.

4.8   En outre, parmi les implications les plus importantes du nouveau règlement figure l'élargissement des catégories d'actifs auxquelles il s'adresse: outre les actions, l'intention est d'appliquer le règlement à tous les autres instruments financiers au même moment. Si elle est menée à bien, l'impulsion donnée par le règlement à l'examen pour évoluer vers des transactions compétitives, basées sur la compensation des dérivés cotés, aura des implications très importantes pour la structure du marché. Certains marchés du revenu fixe, déjà opérationnels sur plusieurs plates-formes électroniques, sont peut-être les candidats les plus probables pour un rapide progrès en ce sens.

4.9   La proposition de règlement introduit en son article 40 une longue et riche liste d'actes délégués susceptibles d'être adoptés par la Commission. La liste de ces actes est assez longue (pour n'en citer que quelques-uns, la spécification des cours acheteurs-vendeurs, les types et les dimensions des ordres, le contenu des informations que les marchés réglementés et les entreprises d'investissement doivent mettre à la disposition du public pour chaque catégorie d'instruments financiers, etc.). Le CESE attire l'attention sur un problème de compatibilité entre l'article 40 de la directive et l'article 290 TFUE, tel que modifié et complété par le traité de Lisbonne. Selon les dispositions du traité, en effet, "un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif". Après analyse des contenus de la proposition de règlement susceptibles d'être délégués, le CESE estime qu'il convient de les considérer comme essentiels et non marginaux. La liste des actes délégués et figurant à l'article 40 du règlement doit donc être considérée comme redondante, trop longue et non conforme au TFUE.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 54 du 19.2.2011, p. 44,

(2)  JO C 318 du 29 octobre 2011, p. 24.

(3)  JO C 107 du 6 avril 2011, p. 21.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/78


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2004/109/CE sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et la directive 2007/14/CE de la Commission»

COM(2011) 683 final — 2011/0307 (COD)

2012/C 143/15

Rapporteur: Paulo BARROS VALE

Le 30 novembre 2011 et le 15 novembre 2011 respectivement, le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont décidé, conformément aux articles 50 et 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2004/109/CE sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et la directive 2007/14/CE de la Commission"

COM(2011) 683 final – 2011/0307 (COD).

La section spécialisée "Marché unique, production et consommation", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 232 voix pour, 3 voix contre et 11 abstentions.

1.   Synthèse et conclusions

1.1

La proposition de modification de la directive "Transparence" à l'examen fait partie d'un ensemble plus vaste de mesures, initiative de la Commission visant à faciliter l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) au financement. Dans le même temps, elle reflète le souci de restaurer la confiance des investisseurs ainsi que l'importance de la fourniture d'informations de qualité au marché. Elle est par ailleurs le fruit des recommandations d'un rapport indépendant élaboré par le cabinet de consultants Mazars sur la base d'une audition des parties prenantes et de leurs points de vue, du rapport de la Commission de mai 2010 et d'une analyse d'impact de chacune des options suggérées. Aussi, le CESE en approuve-t-il les objectifs et le contenu mais ne peut manquer de formuler quelques considérations.

1.2

Les modifications proposées, pensées pour rendre le marché plus attractif aux yeux des petits et moyens émetteurs, s'appliqueront à tous. Ce n'est pas sur les vraies cibles des modifications que l'impact des simplifications pourrait se faire sentir le plus fortement mais sur les grandes entreprises qui opèrent sur le marché. Nombreux sont ceux qui ne considèrent pas les exigences de la directive "Transparence" comme une entrave à l'entrée sur le marché des petits et moyens émetteurs; il n'est donc pas certain que ces simplifications soient un élément déterminant dans cette prise de décision et que leur impact sur l'attractivité des PME soit significatif. Toutefois, et dès lors que, selon les parties concernées, elles ne compromettent pas la crédibilité du marché ni la protection de l'investisseur, ces simplifications auront des répercussions économiques qui, bien qu'elles puissent être plus importantes pour les grandes entreprises, finiront par avoir aussi un impact sur les PME et seront par conséquent importantes pour la catégorie d'entreprises la plus représentative du tissu entrepreneurial européen.

1.3

L'obligation de publier des rapports financiers trimestriels avait déjà suscité en 2004 de vifs débats et été décriée par certains; le CESE avait d'ailleurs recommandé la prudence concernant l'application de cette exigence. Les conséquences négatives du caractère obligatoire de cette publication relevées alors (notamment, l'augmentation de la quantité et non de la qualité de l'information, les coûts tant financiers que d'opportunité élevés, l'instauration d'une logique à court terme découlant de la nécessité de fournir des résultats au marché au détriment d'une vision plus stratégique et à long terme) ont été par la suite confirmées. La pression que suppose l'obtention de résultats à court terme peut même être considérée comme l'un des facteurs à l'origine de la crise qui s'est installée, le secteur financier étant mis sous pression pour présenter chaque trimestre des résultats toujours meilleurs. Sans remettre en question la transparence exigible et souhaitable, dès lors que la publication des informations importantes est assurée à travers l'application des directives "Prospectus" et "Abus de marché", le CESE soutient la suspension du caractère obligatoire de cette publication. Cela permettrait que ce soit le marché qui décide de la quantité d'informations nécessaires.

1.4

La complexité de l'élaboration des contenus descriptifs des rapports est pointée par certains comme étant une source importante de coûts d'opportunité et autres liés au recours à la sous-traitance par des spécialistes en la matière. Bien qu'il ne soit pas certain que l'élaboration de ces modèles par le Comité européen des régulateurs des marchés des valeurs mobilières (AEMF) ait un impact positif significatif sur la réduction des coûts, l'initiative pourrait se traduire par des économies substantielles au niveau des PME car le recours à ces modèles leur éviterait d'engager des entités extérieures pour élaborer les rapports. Enfin, il convient de mettre en garde contre la difficulté de prévoir dans des modèles tous les cas de figure, ce qui pourrait conduire à une certaine simplification des informations fournies voire à la non divulgation d'autres informations importantes du fait qu'elles ne sont pas prévues dans ces modèles.

1.5

L'élargissement de la définition des instruments financiers sujets à notification dénote le souci d'adapter les règles aux innovations du marché et, par conséquent, d'en accompagner les évolutions. Cette modification aligne la directive "Transparence" sur les mesures déjà prises au Royaume-Uni et au Portugal et qui sont en préparation dans d'autres pays de l'Union européenne et du reste du monde. En France, une initiative législative a été adoptée en la matière, mais elle s'est avérée insuffisante. Si l'on peut craindre d'"inonder" le marché avec des informations inutiles, l'expérience dans les pays où les règles exigent déjà ce type de notification apporte un démenti à cette crainte et nombre des parties intéressées entendues ont même suggéré de tirer dans ce domaine les enseignements de l'expérience britannique.

1.6

En ce qui concerne la création du mécanisme européen d'information, le CESE souhaite attirer l'attention sur le fait qu'il peut s'avérer difficile d'intégrer les bases de données nationales existantes, en raison d'incompatibilités entre les différentes technologies qu'elles utilisent. Bien que plusieurs parties prenantes défendent l'utilité de la création de ce mécanisme, principalement pour ce qui est de l'information aux investisseurs et aux analystes, le rapport coût/bénéfices de sa mise en place et de son fonctionnement devra être évalué. Il s'agit néanmoins d'une mesure importante propice au développement du marché unique.

1.7

En ce qui a trait à la nouvelle rédaction de l'article 6 de la directive concernant l'obligation de rendre publiques les informations relatives aux sommes versées aux gouvernements, le CESE préconise d'élargir la portée de cette disposition. L'importance de la déclaration des paiements effectués par les émetteurs opérant dans les industries extractives ou l'exploitation forestière est indéniable mais le libellé de cet article pourrait être plus ambitieux et couvrir les concessions à des entités privées d'intérêts publics tels que l'exploitation de réseaux de transport, de télécommunications, d'énergie et de jeux, par concession simple ou dans le cadre de partenariats public-privé. N'importe laquelle de ces transactions avec les pouvoirs publics, par pays ou par projet, devrait être rendue publique. L'objectif de cette mesure étant de responsabiliser les gouvernements concernant l'utilisation des recettes engrangées, les montants de ces transactions réalisées dans le cadre d'autres activités liées à l'exploitation des ressources et des infrastructures d'un pays, au delà de celles qui sont actuellement visées dans la directive, ne doivent pas être sous-estimés.

1.8

En ce qui concerne les sanctions, le CESE préconise d'imposer également des seuils en plus d'en établir les limites maximales afin d'éviter l'impunité ou l'application de sanctions non dissuasives, voire non pénalisantes en cas de comportements illicites, tout en harmonisant les pratiques entre les États membres.

1.9

Étant donné la situation actuelle, l'existence d'un scénario d'augmentation subite de la demande est peu probable mais il y a lieu simplement de mettre en garde contre la possibilité que la proposition de simplification des dispositions de la directive "Transparence", en combinaison avec d'autres prévues pour accroître l'attractivité du marché, ne résulte en une augmentation du nombre de transactions dont l'impact sur le fonctionnement du marché intérieur n'a pas encore été évalué. Dans le même temps, la visibilité accrue des PME et l'attractivité renforcée pour les investisseurs pourront aggraver le déficit de formation des consommateurs qui les empêche de bien interpréter les informations disponibles et partant, de prendre des décisions informées.

2.   Contexte de la proposition

2.1

Aux termes de l'article 33 de la directive "Transparence" (Directive 2004/109/CE (1)), la Commission a présenté un rapport d'information sur l'application de la directive pendant la période où elle était en vigueur. Le rapport concluait à l'importance, pour la plupart des parties intéressées, des exigences qu'elle établissait pour le fonctionnement adéquat et efficace du marché.

2.2

La proposition de modification de la directive à l'examen est présentée en tenant compte de la priorité politique de la Commission d'améliorer le cadre réglementaire pour les petits et moyens émetteurs et de leur faciliter l'accès au capital. Elle a également pour objectif de rendre les obligations faites aux PME cotées plus proportionnelles, sans toutefois compromettre la protection des investisseurs. Cette proposition de modification vise également la stabilité de financière, au moyen de la transparence des acquisitions économiques et de la confiance des investisseurs et encourage dans le même temps une concentration accrue sur les résultats à long terme. Enfin, en légiférant dans le sens de l'amélioration de l'accès aux informations réglementaires au niveau de l'Union, elle vise à renforcer l'intégration fonctionnelle des marchés européens de valeurs mobilières et à garantir une meilleure visibilité transfrontalière des PME cotées.

2.3

Il faut souligner que la proposition de modification à l'examen se fonde sur une étude indépendante réalisée par le cabinet de consultants Mazars, dont l'objectif était de fournir des données quantitatives et qualitatives destinées à aider la Commission dans l'élaboration du rapport présenté au Parlement européen et au Conseil, conformément à l'article 33 de la directive sur sa mise en œuvre. Ont également été pris en considération des rapports publiés par le Comité européen des régulateurs des marchés des valeurs mobilières (AEMF) et le groupe européen d’experts des marchés des valeurs mobilières (ESME).

2.4

Deux aspects ont été relevés comme devant être améliorés: le fait que la directive, qui est une directive d'harmonisation minimale, permette aux États membres d'adopter des mesures plus restrictives qui posent des problèmes d'applicabilité et augmentent les coûts et l'absence de mesures plus souples pour les PME qui, selon nous, les dissuadent de recourir au marché. Par ailleurs, des clarifications sont demandées concernant certaines définitions fournies dans la directive ainsi que davantage de cohérence et de clarté dans l'utilisation, dans le texte du document, de termes ayant des significations semblables. Enfin, la nécessité d'apporter des améliorations aux règles de notification est soulignée.

2.5

Les impacts des différentes options trouvées qui ont conduit aux choix suivants ont été analysés:

2.5.1

Afin de permettre une plus grande souplesse quant à la fréquence et au moment de la publication des informations financières, principalement pour les PME, l'option est de supprimer l'obligation de présenter des rapports trimestriels pour toutes les sociétés cotées. Bien que l'objectif soit de simplifier la procédure pour les PME, la solution trouvée passe par une non-différenciation du destinataire de la mesure afin d'éviter une dualité des critères qui pourrait semer la confusion chez les investisseurs. L'on espère que cette mesure se traduira par une réduction des coûts et une approche axée sur des résultats à plus long terme que devrait permettre le relâchement de la pression exercée par l'obligation de présenter des rapports tous les trois mois. La protection de l'investisseur n'est pas remise en question dès lors que les dispositions des directives "Prospectus" et "Abus de marché" demeurent obligatoires, garantissant la divulgation d'informations au marché d’événements importants et de faits susceptibles d’influencer le prix des valeurs mobilières.

2.5.2

Pour simplifier les parties descriptives des rapports financiers des PME, la solution adoptée est une fois de plus l'application de l'option à tous et passe par une demande à l'AEMF d'établir des modèles non contraignants pour ces rubriques. L'on espère ainsi pouvoir non seulement réduire les coûts mais aussi permettre la comparabilité des informations pour les investisseurs ainsi qu'une meilleure visibilité transfrontalière des PME.

2.5.3

En vue de combler les lacunes décelées dans les exigences de notification en ce qui concerne la détention de pourcentages importants de droits de vote, il est proposé d'étendre le régime à tous les instruments ayant un effet économique comparable à la détention d’actions et de droits d’acquérir des actions.

2.5.4

Afin d'éliminer les divergences en matière d'exigences de notification afférentes aux participations importantes, l'on a opté pour l'agrégation des actions détenues avec les instruments financiers qui donnent accès aux actions, notamment les produits dérivés à dénouement monétaire.

2.6

Les principales modifications apportées, soit pour faciliter l'accès des PME au marché soit pour clarifier le texte de la directive, sont les suivantes:

2.6.1

Pour les pays tiers émetteurs qui n'auraient pas choisi dans un délai de trois mois leur État membre d'origine, un État membre d'origine par défaut est désigné.

2.6.2

L’exigence portant sur la publication de déclarations intermédiaires de la direction et/ou de rapports trimestriels est supprimée.

2.6.3

La définition des instruments financiers devant faire l'objet d'une notification est élargie.

2.6.4

Les actions détenues sont agrégées avec les instruments financiers détenus aux fins de la notification des participations importantes. Toutefois, les États membres ont toujours la possibilité de fixer des seuils de notification plus bas que ceux prévus dans la directive, compte tenu des particularités de chaque marché et lorsque cela est nécessaire pour garantir la transparence dans ce domaine.

2.6.5

Une délégation de pouvoirs est accordée à la Commission afin qu'elle puisse adopter des normes techniques de réglementation élaborées par l'AEMF concernant les critères techniques d'accès aux informations réglementaires à l'échelon de l'UE afin de faciliter l'accès à l'information financière en évitant la consultation de 27 bases de données nationales différentes. L'objectif est de créer un mécanisme européen de stockage des informations réglementaires.

2.6.6

La déclaration des sommes versées aux gouvernements au niveau individuel ou consolidé des sociétés, en ce qui concerne l'exploitation des ressources naturelles est rendue obligatoire.

2.6.7

Les pouvoirs de sanction des autorités compétentes sont renforcés et les sanctions ou mesures prises en cas de violation des dispositions doivent être rendues publiques.

3.   Questions soulevées par la proposition

3.1

La révision de la directive "Transparence" a entre autres objectifs celui de contribuer à rendre les marchés réglementés plus attractifs aux yeux des petits et moyens émetteurs. L'augmentation de l'attractivité du marché pour les PME se révèle être d'une importance cruciale dans le développement et la croissance du marché. Les modifications qu'il est proposé d'apporter à la directive "Transparence" constituent une initiative positive qui permet de simplifier certaines procédures, sans toutefois remettre en cause la qualité de l'information essentielle à la prise de décisions par les investisseurs et à l'interprétation par les analystes du marché. Ces simplifications auront sans aucun doute des répercussions positives sur les coûts de toutes les entreprises cotées mais pourront avoir un impact plus important sur les PME.

3.2

En dépit des simplifications, il s'agit d'un secteur dont les règles et le lexique sont particulièrement difficiles à comprendre pour le consommateur, et cela ne changera pas. Bien qu'il soit compliqué d'assurer une formation généralisée à toute la population dans ce domaine, la protection des consommateurs est particulièrement importante car elle permet de les protéger d'erreurs d'interprétation, risque inhérent à l'utilisation d'un langage technique. Cette formation serait assurée au moyen d'actions de formation et d'information menées par les autorités de surveillance ou les gouvernements. Aussi faut-il l'envisager dans les actions futures.

3.3

L'élaboration des modèles prévus pour les parties descriptives des rapports pourrait contribuer à faciliter l'interprétation des informations et à améliorer leur comparabilité. Même si cette élaboration peut s'avérer complexe et comporter un risque, soit en raison d'une simplification excessive soit parce que toutes les situations ne sont pas prises en considération, elle permettra des réductions de coûts, en particulier pour les PME, et même une interprétation des données plus facile pour les consommateurs.

3.4

Il n'est pas superflu de souligner l'importance de la suppression de l'obligation de publier des rapports trimestriels. Il est crucial, pour un développement soutenu du marché, de lutter contre la logique à court terme qui l'a envahi et que cette mesure a largement contribué à installer. Seule une vision à long terme est propice à l'innovation qui est un facteur essentiel pour une croissance durable et inclusive, priorités de la stratégie Europe 2020.

3.5

L'élargissement de la définition des instruments devant faire l'objet d'une notification est un élément central des modifications de la directive "Transparence". L'innovation financière a entraîné la création de nouveaux types d'instruments qu'il faut encadrer du point de vue de la transparence. Il est à espérer que ces modifications contribueront à combler les lacunes existantes dans les exigences en matière de notification de pourcentages élevés de droits de vote et de participations importantes et à éviter ainsi les cas de constitution de participations occultes et de communication de participation importantes au marché, sans aucun avis préalable, qui se sont produits.

3.6

L'objectif de la création d'un mécanisme unique européen de stockage des informations réglementées au niveau de l'Union est ambitieux et doit être poursuivi. Ce serait sans aucun doute un outil important dans l'approfondissement du marché unique. Il faut juste évaluer le rapport coûts-bénéfices tant de la création de ce type d'instrument que de son fonctionnement.

3.7

La directive "Transparence" couvre désormais les sommes versées par les émetteurs qui développent une activité dans les industries extractives aux gouvernements des pays où ils opèrent. Cette proposition de la Commission est novatrice et entend démontrer l'impact financier que l'activité d'une entreprise a sur le pays d'accueil, en améliorant la transparence. Le CESE est convaincu que l'on pourrait être encore plus ambitieux en incluant dans l'obligation de publication des sommes versées liées à d'autres activités en rapport avec les intérêts publics et faisant l'objet d'une concession à des entités privées, sommes qui peuvent être considérables, notamment lorsqu'il s'agit de réseaux de transport, de télécommunications et d'énergie voire même de jeux.

3.8

Le régime des sanctions est également revu dans la proposition actuelle avec l'inclusion de quelques mesures telles que le droit de suspendre le droit de vote et la publication des sanctions, ce qui renforce les pouvoirs des autorités compétentes. Il faut souligner le fait que des limites maximales mais pas minimales sont établies pour les sanctions pécuniaires, or la fixation de ces dernières pourrait constituer une autre mesure dissuasive non négligeable.

3.9

La simplification des règles et, par conséquent, l'attractivité du marché escomptée pourraient conduire à une augmentation du volume de transactions sans que l'on sache quel en sera l'impact sur le fonctionnement normal aussi bien des bourses que des régulateurs dont on espère qu'ils seront en mesure de réagir en cas de hausse subite du nombre de ces transactions.

3.10

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une matière ayant un rapport direct avec la directive "Transparence", le CESE saisit l'occasion pour relever l'un des grands obstacles à l'élargissement du marché, à savoir les coûts élevés demandés par les bourses des valeurs. En effet, tant les coûts liés à l'admission à la cotation que ceux induits par le maintien sur le marché, d'une grande importance les uns et les autres, sont considérés par les entreprises comme un facteur dissuasif pour demander cette admission, raison pour laquelle toute action en la matière pourrait leur faciliter dans une large mesure cette prise de décision.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO L 390 du 31.12.2004, p. 38-57; Avis CESE: JO C 80 du 30.3.2004, p. 128.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/82


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen et abrogeant le règlement (CE) no 1081/2006»

COM(2011) 607 final — 2011/0268 (COD)

2012/C 143/16

Rapporteur: M. VERBOVEN

Corapporteur: M. CABRA DE LUNA

Le 27 octobre 2011, le Conseil de l'Union européenne, et le 25 octobre 2011, le Parlement européen, ont décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen et abrogeant le règlement (CE) no 1081/2006"

COM(2011) 607 final – 2011/0268 (COD).

La section spécialisée "Emploi, affaires sociales et citoyenneté", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 25 janvier 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 217 voix pour, 5 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les principes de cohésion économique, sociale et territoriale ainsi que la solidarité sont énoncés dans les Traités et constituent deux des plus importants piliers pour l’intégration des peuples, des citoyens et des territoires. Le FSE, en tant qu'instrument financier européen principal pour soutenir les ressources humaines, continuera à contribuer à atteindre la cohésion économique, sociale et territoriale, tout comme stipulé à l’article 162 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne.

1.2   La cohésion économique, sociale et territoriale doit continuer d’être au centre de la Stratégie "Europe 2020". Tous les acteurs de la société civile y compris ceux relevant du travail bénévole devraient aussi être clairement reconnus comme un facteur important permettant d’atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020, cette idée étant soutenue par les conclusions du Conseil du 3 octobre 2011 (1)."

1.3   Le CESE soutient que, sur base à l'article 10 du traité, la mise en œuvre des priorités financées par le FSE devrait contribuer à la lutte contre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, ainsi que favoriser le respect de toutes les obligations inscrites dans la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, notamment en ce qui concerne l'éducation, l’emploi et l’accessibilité.

1.4   Le Fonds social européen doit être l’instrument privilégié pour la mise en œuvre des objectifs de la Stratégie "Europe 2020", en particulier ceux relatifs à l’emploi, l’éducation, l’inclusion sociale et la lutte contre la pauvreté. Il doit soutenir les politiques poursuivies par les États membres dans le cadre des Lignes directrices intégrées et des Programmes nationaux de réforme (PNR). Le CESE est d’avis que les PNR devraient inclure, entre autres, des objectifs relatifs à l’inclusion sociale des groupes les plus vulnérables, comme les jeunes, les femmes, les migrants, les chômeurs de longue durée, les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps – afin d’orienter les PNR à accomplir les obligations établies par la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées – et les minorités ethniques. Devraient également figurer dans les PNR des objectifs permettant de réaliser l'une des priorités essentielles de la stratégie Europe 2020, qui est de réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté.

1.5   La promotion de l’emploi et de l’inclusion sociale (notamment à travers l’emploi), en particulier des groupes les plus vulnérables comme les jeunes, les femmes, les migrants, les chômeurs de longue durée, les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps et les minorités ethniques, sont et doivent rester les priorités du FSE, et ce dans toutes les régions de l’UE. Dans chaque État membre, au moins 40 % de l’ensemble des ressources du FSE doivent être affectés à la réalisation de l’objectif thématique "promotion de l’emploi et soutien à la mobilité professionnelle".

1.6   Le CESE soutient l’accent mis sur l’innovation sociale et les possibilités de soutenir des projets dans le domaine de l’économie sociale, de l’entrepreneuriat social et des entreprises sociales.

1.7   L’accroissement des investissements dans les infrastructures, la compétitivité régionale et le développement des entreprises doit être accompagné de mesures visant la création d’emplois durables dans le domaine des politiques de marché de l’emploi, l’éducation et la formation, l’inclusion sociale, l’adaptabilité des travailleurs, des entreprises et des chefs d’entreprise, ainsi que la capacité administrative.

1.8   La stratégie européenne pour l’emploi ainsi que les politiques européennes relatives à l’inclusion sociale, doivent être à nouveau au centre des priorités de l’Union européenne et davantage de fonds doivent être libérés pour la création de plus et de meilleurs emplois.

1.9   Le CESE est d’avis que le Cadre stratégique commun reflète les priorités d’investissement issues des objectifs de la Stratégie Europe 2020, en y détaillant les opportunités d’un marché du travail plus ouvert et accessible, en particulier pour ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail (comme les jeunes, les femmes, les migrants, les chômeurs de longue durée, les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps et les minorités ethniques, etc.).

1.10   Le CESE soutient la contribution du FSE aux autres priorités de la Stratégie Europe 2020 - la recherche et l’innovation, l’accessibilité et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, l’augmentation de la compétitivité des PME, la protection de l’environnement, le passage à une économie à faible émission de carbone et l’utilisation durable des ressources.

1.11   Le CESE soutient la concentration thématique et la complémentarité avec les autres instruments financiers existants afin d’atteindre un impact suffisant et visible.

1.12   Le CESE soutient la proposition qui établit qu'au moins 20 % de l’ensemble des ressources du FSE soient affectées à la réalisation de l’objectif thématique "promotion de l’inclusion sociale et lutte contre la pauvreté," dirigé à inclure les citoyens les plus éloignés du marché du travail.

1.13   Le principe de partenariat, qui comprend les partenaires économiques et sociaux et les organismes représentant la société civile, dont des partenaires environnementaux, des organisations non gouvernementales et des organismes chargés de promouvoir l’égalité des chances et la non-discrimination, constitue la garantie essentielle du bon fonctionnement des mesures liées aux Fonds structurels et en particulier du Fonds social européen.

1.14   Le code de conduite européen pour la mise en œuvre du principe de partenariat doit clarifier et définir le rôle de chaque partenaire aux différents niveaux ainsi que clarifier que, si bien le dialogue social relève de la compétence exclusive des partenaires sociaux, tous les partenaires tels que reconnus dans l’article 5 de la proposition de règlement portant sur les dispositions communes relatives des Fonds (2) doivent avoir accès garanti aux différentes phases d’exécution des Fonds, en ce y compris la définition et la mise en œuvre des Programmes opérationnels, et être pourvus du financement adéquat pour garantir leur participation.

1.15   Le CESE rejette totalement la proposition de la Commission concernant l’application de sanctions financières et d’incitations sur les Fonds structurels liées au Pacte de stabilité et de croissance.

1.16   Les Fonds structurels ne suffisent pas, à eux seuls, à faire face à la crise. L’Europe a besoin d’une gouvernance économique différente, qui fasse prévaloir une gestion responsable, mise sur la croissance et la compétitivité, favorise les investissements dans les ressources humaines et promeuve la justice, la cohésion et le principe de la solidarité et de l’intégration sociale. Le budget de l’UE doit être réformé selon ces principes.

1.17   Le budget octroyé au Fonds social européen devra être maintenu, au moins, au même niveau que pour la dernière période de programmation. Le Fonds devrait soutenir également la participation des citoyens, la société civile et la sensibilisation aux valeurs communes de l'Europe.

2.   Contexte: les propositions de Cadre financier pluriannuel de l’UE et de Politique de cohésion 2014-2020

2.1   Le nouveau cadre politique pour la décennie à venir, à savoir la Stratégie "Europe 2020" a été entériné par le Conseil européen le 17 juin 2010.

2.2   La Commission a présenté en date du 29 juin 2011 la proposition de "Budget pour la stratégie Europe 2020" qui définit les nouvelles perspectives financières de l’UE pour la période 2014-2020.

2.3   Le 6 octobre 2011, la Commission a présenté ses propositions législatives concernant les Fonds structurels, y compris le Fonds social européen.

2.4   Ces propositions ont fait l’objet d’une large consultation de la société civile et des parties prenantes. Cette consultation s’est achevée à la fin de l’année. En janvier 2012, la Commission publiera le dernier ensemble de propositions portant sur le Cadre stratégique commun, qui sera soumis au Parlement européen, au Conseil, au Comité des régions et au Comité économique et social.

2.5   Pour ce qui concerne plus précisément le futur du FSE, le CESE a adopté en date du 15/03/2011 un avis sur "Le futur du Fonds social européen après 2013" (3). Il convient d’analyser si les éléments principaux ont été repris dans la proposition de futur règlement du FSE faisant l’objet du présent avis.

2.6   Le contexte économique: Pour procéder à une analyse adéquate des nouvelles perspectives financières, on ne peut passer sous silence le contexte général des défis de la mondialisation, des perspectives démographiques et migratoires et, surtout, de profonde crise économique qui a radicalement modifié les principes sur lesquels la Stratégie Europe 2020 était basée. Par conséquent, il est essentiel que l’accroissement des investissements dans les infrastructures, la compétitivité régionale et le développement des entreprises, notamment des PME et des entreprises de l’économie sociale, soit accompagné de mesures visant la création d’emplois durables dans le domaine des politiques de marché de l’emploi, l’éducation et la formation, l’inclusion sociale, l’adaptabilité des travailleurs, des entreprises et des chefs d’entreprise.

2.7   Les objectifs et instruments contenus dans la Stratégie Europe 2020, qui sont fondamentalement positifs, doivent être mieux orientés et adaptés à la nouvelle situation. Cela devrait se faire dans le cadre d’un marché de l’emploi régulé et inclusif, offrant aux citoyens européens, spécialement ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail (comme les jeunes, les femmes, les migrants, les chômeurs de longue durée, les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps et les minorités ethniques, etc.), des possibilités en matière d’emplois stables et de qualité, adaptés aux compétences qu’ils ont acquises.

2.8   De nombreuses améliorations doivent être apportées à la mise en œuvre et aux aspects pratiques de l’accès au financement du FSE. Ces améliorations consistent surtout à réduire la bureaucratie avant et pendant la mise en œuvre du programme opérationnel en assouplissant les procédures d’accès aux financements, en accélérant notamment le système de paiement pour minimiser les charges financières des exécuteurs des programmes et en simplifiant les procédures de facturation et de régularisation des comptes; il convient, entre autres, d'instaurer une utilisation du principe des taux uniques qui soit plus étendue tout en restant réaliste.

2.9   Le CESE est d’avis que le Cadre stratégique commun reflète les priorités d’investissement issues des objectifs de la Stratégie Europe 2020, en y détaillant les opportunités d’un marché du travail plus ouvert et accessible, en particulier pour ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail (comme les jeunes, les femmes, les migrants, les chômeurs de longue durée, les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps et les minorités ethniques, etc.). Les subventions globales devraient être utilisées d’avantage pour faciliter l’accès aux Fonds des petites ONG.

2.10   Le Fonds social européen doit être l’instrument privilégié pour la mise en œuvre des objectifs de la Stratégie "Europe 2020", en particulier ceux relatifs à l’emploi, l’éducation, l’inclusion sociale et la lutte contre la pauvreté. Il doit soutenir les politiques poursuivies par les États membres dans le cadre des Lignes directrices intégrées et des Programmes nationaux de réforme. Le CESE est d’avis que les PNR devraient inclure, entre autres, des objectifs relatifs à l’inclusion sociale des groupes les plus vulnérables, comme les jeunes, les femmes, les migrants, les chômeurs de longue durée, les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps – afin d’orienter les PNR à accomplir les obligations établies par la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées – et les minorités ethniques. Devraient également figurer dans les PNR des objectifs permettant de réaliser l'une des priorités essentielles de la stratégie Europe 2020, qui est de réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté.

2.11   Le Fonds social européen devrait soutenir la participation des citoyens, la société civile et la sensibilisation aux valeurs communes de l'Europe.

3.   Observations générales sur la proposition de futur Règlement du FSE

3.1   Le budget de l’UE doit être renforcé, en particulier dans les chapitres soutenant la croissance économique, la cohésion sociale, l’innovation (y compris l'innovation sociale) et le développement durable, aux plans national et régional.

3.2   Le CESE considère qu’au vu de la proposition de la Commission, le montant total du budget de l’UE serait en tout cas réduit en dépit de l’introduction éventuelle de la Taxe sur les transactions financières (TFF) et de l’augmentation du Fonds social européen.

3.3   Comme c’est déjà le cas dans la période de programmation actuelle, les régions bénéficieraient d’un soutien différencié, en fonction de leur niveau de développement économique. Cependant, ce niveau ne devrait pas être mesuré seulement sur la base du PIB par habitant. D’autres critères doivent aussi être pris en compte, y compris les taux de chômage, les taux d’emploi et d’activité, les niveaux de compétence, les taux de pauvreté, et les niveaux de bien-être et d’intégration sociale ainsi que le taux de décrochage scolaire.

3.4   Concernant l’introduction d’une nouvelle catégorie de régions "en transition", avec un PIB moyen par habitant entre 75 % et 90 %, le CESE peut accepter cette mesure à condition qu'elle ne mine pas le niveau de ressources allouées à la catégorie des régions les plus faibles. Tenant compte de leur vulnérabilité, les actions pour l’emploi des groupes les plus éloignés du marché du travail (les chômeurs de longue durée, les jeunes, les femmes, les migrants, les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps et les minorités ethniques) devront pouvoir être financés indépendamment des catégories des régions.

3.5   Les Fonds structurels sont les instruments clés pour réduire l’écart entre les niveaux de développement des régions et le retard des régions les moins favorisées ainsi qu’entre les différents groupes sociaux, et ce dans le cadre d’une stratégie visant à atteindre les priorités de ce que l’on appelle la "croissance intelligente, durable et inclusive" dans les États membres, régions et territoires.

3.6   Il va de soi que dans le contexte actuel de la crise économique, la Stratégie européenne pour l’Emploi doit être à nouveau au centre des priorités de l’Union européenne et davantage de fonds doivent être libérés pour la création de plus d’emplois et de meilleurs emplois.

3.7   Le CESE est d’avis que le Fonds social européen est l’instrument de choix permettant de soutenir la mise en œuvre des politiques sociales de l’UE, particulièrement celles relatives à l’emploi, l’éducation et l’inclusion sociale et la lutte contre la pauvreté, et qu’il doit conserver ce rôle prioritaire dans le cadre de la Stratégie Europe 2020.

3.8   Le FSE ne doit pas être limité à la mise en œuvre des lignes directrices pour les politiques de l’emploi telles que définies actuellement. Le rôle du FSE pour la mise en œuvre de l’Agenda social (4) doit également être renforcé.

3.9   Le FSE devrait tout à la fois appuyer les politiques poursuivies par les États membres dans le cadre des Plans nationaux de réforme et contribuer à atteindre d’autres priorités importantes de la Stratégie Europe 2020 telles que le renforcement des investissements dans la recherche et l’innovation, l’augmentation de la compétitivité des PME, le passage à une économie à faible émission de carbone et l’utilisation durable des ressources.

3.10   Dans le contexte exceptionnel actuel, le FSE doit aussi être exceptionnellement axé sur la lutte contre la crise économique et protéger les travailleurs et les citoyens les plus défavorisés contre ses effets, ainsi qu'à des mesures de prévention, une fois la crise surmontée, notamment le soutien à la sécurité des personnes et aux capacités de défense. Concrètement, il doit apporter un soutien, que nous espérons temporaire, aux chômeurs de longue durée, aux personnes les plus éloignées du marché du travail, les jeunes, les femmes, les migrants, les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps et les minorités ethniques, etc.

3.11   Pour atteindre ce résultat, le CESE estime que le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation doit être complémentaire au Fonds social européen et, éventuellement, à terme inclus dans le FSE, afin de mieux mettre l’accent sur le chômage et de faciliter son utilisation. Il est également essentiel d’assurer la même cohérence entre les principes des deux fonds, surtout concernant le partenariat et en particulier la participation des partenaires sociaux.

3.12   Le CESE suggère de combiner le Fonds d’adaptation à la mondialisation avec l’expertise du Fonds social européen dans les affaires sociales pour des raisons de complémentarités et de cohésion. Étant donné que le FSE détient l’expertise pour examiner les demandes assez rapidement, l’approbation des autorités budgétaires serait une formalité reposant sur l’avis positif du FSE.

3.13   Le CESE n’est pas favorable à l’inclusion des agriculteurs dans le domaine de compétence du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, soit en attribuant l’essentiel du fonds, ou même sa gestion, au secteur agricole. La PAC et la "nouvelle réserve pour les crises" dans l’agriculture doivent permettre de soutenir l’industrie agricole avec plus d’efficacité. Le CESE souhaiterait également avoir l'assurance que les fonds d'assistance technique relevant du FSE resteront disponibles et accessibles à la société civile (nous observons que l'assistance technique n'est pas spécifiquement mentionnée dans le règlement relatif au FSE).

3.14   Le CESE estime que le principe du partenariat doit jouer un rôle clé, en assurant que les mesures liées aux Fonds structurels de l’UE fonctionnent correctement. Les règlements sur les fonds structurels doivent clairement définir le principe de partenariat au lieu de faire simplement référence aux "règles et pratiques nationales actuelles", tout en définissant clairement le rôle de chaque partenaire aux plans régional et local. Le CESE recommande que le rôle de la société civile dans la réalisation de projets d'inclusion ou de lutte contre la pauvreté soit spécifiquement reconnu (ce qui est le cas dans la stratégie Europe 2020).

4.   Observations spécifiques et propositions relatives aux différents chapitres

4.1   Dispositions générales

4.1.1

Le CESE soutient l’approche thématique concentrée sur quatre objectifs thématiques traduits en catégories d’intervention ou priorités d’investissement:

La promotion de l’emploi et le soutien à la mobilité professionnelle

L’investissement dans l’éducation, les compétences et la formation tout au long de la vie

La promotion de l’inclusion sociale et la lutte contre la pauvreté

Le renforcement des capacités institutionnelles et la mise en place d’une administration publique efficace.

4.1.2

Dans chaque État membre, au moins 40 % de l’ensemble des ressources du FSE doivent être affectés à la réalisation de l’objectif thématique "promotion de l’emploi et soutien à la mobilité professionnelle". Le CESE soutient la proposition de ce qu’au moins 20 % de l’ensemble des ressources du FSE soient affectés à la réalisation de l’objectif thématique "promotion de l’inclusion sociale et lutte contre la pauvreté" afin de promouvoir l’inclusion sociale à travers l’emploi et la formation, notamment des groupes les plus vulnérables comme les jeunes, les femmes, les migrants, les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps et les minorités ethniques, etc., notamment en vue d’atteindre l’objectif de réduire d'au moins 20 millions le nombre de pauvres d’ici l’année 2020.

4.1.3

Dans le cadre de la Stratégie européenne 2020, la promotion de l’emploi, de l’inclusion sociale et l’éducation sont et doivent rester les priorités du FSE.

4.1.4

Le FSE doit soutenir les Pactes territoriaux pour l’emploi et les Initiatives locales pour l’emploi, l'inclusion sociale et l'éducation, ainsi que la stimulation du marché par la création de nouvelles entreprises, notamment de PME et d’entreprises de l’économie sociale, ainsi que notamment par la promotion de l’inclusion digitale, la culture et la créativité comme éléments d’amélioration de l’employabilité des citoyens, ainsi que la participation de la société civile à la prise de décisions, le soutien à la société civile et la sensibilisation aux valeurs communes de l'Europe.

4.1.5

Le CESE soutient l'accent mis sur l'innovation sociale et les possibilités de soutenir des projets dans le domaine de l'économie sociale, de l'entrepreneuriat social et des entreprises sociales.

4.1.6

Le CESE accueille l’appui du FSE à la coopération transnationale comme moyen de promotion de l’apprentissage mutuel et, ainsi, d'augmenter l'efficacité des politiques soutenues par le FSE.

4.2   Dispositions spécifiques de programmation et de mise en œuvre – Le principe de partenariat

4.2.1

Le CESE estime que le principe du partenariat doit jouer un rôle clé, en assurant que les mesures liées aux Fonds structurels de l’UE fonctionnent correctement.

4.2.2

Les règlements sur les fonds structurels doivent clairement définir le principe de partenariat au lieu de faire simplement référence aux "règles et pratiques nationales actuelles", tout en définissant clairement le rôle de chaque partenaire aux plans régional et local; il convient d'assurer le financement nécessaire à cet effet.

4.2.3

Le "code de conduite européen pour la mise en œuvre du principe de partenariat" doit clarifier et définir le rôle de chaque partenaire aux différents niveaux ainsi que clarifier que, si bien le dialogue social relève de la compétence exclusive des partenaires sociaux, tous les partenaires tels que reconnus dans l’article 5 de la proposition de Règlement portant sur les dispositions communes relatives des Fonds (5) doivent avoir accès garanti aux différentes phases d’exécution des Fonds, en ce y compris la définition et la mise en œuvre des Programmes opérationnels, et être pourvus du financement adéquat pour garantir leur participation.

4.2.4

Les partenaires doivent avoir accès, dès l'origine, aux fonds d'assistance technique afin de pouvoir être associés de manière stratégique à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des programmes relevant des Fonds structurels. L'assistance technique est également essentielle pour garantir leur représentation au sein des comités de suivi qui définissent et mettent en œuvre les programmes opérationnels à tous les niveaux et pour faire en sorte que les promoteurs de projets potentiels puissent disposer d'un appui technique.

4.2.5

Le mode actuel de consultation des partenaires sociaux conjointement avec les États membres au sein du Comité FSE pourrait constituer une bonne base de référence pour l’étendre à tous les fonds. Le CESE recommande l’incorporation à la même plateforme de mécanismes de participation pour tous les partenaires reconnus par l’Article 5 du Règlement portant sur les dispositions générales des Fonds.

4.2.6

Le soutien à la participation des partenaires sociaux et autres parties prenantes, en particulier les organisations non gouvernementales, aux actions soutenues par le FSE ne doit pas être limité aux régions les plus pauvres et/ou relevant du Fonds de cohésion mais bien au contraire s’étendre à tous les États membres et régions de l’UE.

4.2.7

Le CESE est d’avis que 2 % de l’ensemble des ressources du FSE doit être affecté au soutien à la participation des partenaires sociaux, ainsi que 2 % à la participation des autres partenaires reconnus dans l’article 5 du Règlement sur les dispositions communes aux actions soutenues par le FSE.

4.3   Dispositions spécifiques concernant les procédures, les performances et "conditionnalités"

4.3.1

Le CESE partage l’opinion selon laquelle il faut mieux coordonner les fonds et améliorer l’évaluation, la performance et les résultats de leur utilisation.

4.3.2

Le CESE soutient également toutes les mesures qui visent à limiter et à recentrer les priorités des Fonds structurels, à réduire les contraintes et les charges bureaucratiques et à accélérer les dépenses et les payements.

4.3.3

Des indicateurs de performance doivent donc être définis, mais il est également important de disposer de critères quantitatifs et qualitatifs. Cela inclut l’évaluation des résultats en termes d’efficacité des mesures prises, de qualité des emplois créés, et de liste de mesures positives mises en œuvre pour assurer l’intégration sociale.

4.3.4

Le CESE formule cependant de sérieuses réserves concernant l’approche liant partout l’octroi des fonds aux résultats. Lorsqu’on examine la politique de l’emploi et, plus globalement, les politiques sociales, les résultats sont plus difficiles à mesurer et moins visibles que, par exemple, la politique des transports. C'est particulièrement le cas si on les réduit exclusivement à des retombées économiques quantifiables ("hard results"), comme les emplois. Il convient plutôt de mettre en avant des résultats adaptés aux groupes les plus difficiles à aider, comme les distances parcourues, et des résultats de nature plus qualitative ("soft outcomes"), notamment le volontariat. De plus, si l’octroi des fonds est lié aux résultats, ceux qui sont les plus éloignés du marché de l’emploi – et donc les moins susceptibles d’obtenir des résultats "positifs" à court terme – risquent de n’avoir qu’un accès réduit ou de n’avoir pas accès à ces fonds. Aussi, et afin de pouvoir évaluer les résultats obtenus par les Programmes cofinancés par le FSE, il est impératif que le Règlement du FSE propose des "Indicateurs communs de réalisation et de résultats concernant les participants" adéquats pour refléter ces difficultés et complexités de performance.

4.3.5

Le Règlement du FSE devra inclure, sous les Indicateurs communs de réalisations pour les entités, le nombre de projets développés en partenariat, et sous les Indicateurs communs de résultats à plus long terme concernant les participants, les participants ayant réduit leur degré de dépendance sociale.

4.3.6

Les conditions relatives à l’utilisation des fonds européens devraient certainement mettre l’accent sur des objectifs sélectionnés et efficients, mais ne pas pénaliser l’État membre plus faible, et être finalisées afin de soutenir la croissance économique et la croissance de l’emploi ainsi que la cohésion sociale.

4.3.7

Le CESE rejette totalement la proposition de la Commission concernant l’application de sanctions financières et d’incitations sur les Fonds structurels liées au Pacte de stabilité et de croissance. Ces sanctions pénaliseraient les États membres, régions et localités, déjà faibles.

4.3.8

De plus, la solidarité européenne, qui n'est pas encore suffisamment développée, serait menacée en raison du non-respect des engagements macroéconomiques. Il en résulterait un appauvrissement des peuples et des groupes sociaux les plus vulnérables de l’Union européenne, ce qui est contraire aux principes de base de la politique économique, sociale et de la politique de cohésion territoriale telle qu’elle est réaffirmée dans le Traité de Lisbonne.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  3114e réunion du Conseil "Emploi, politique sociale, santé et consommateurs" (EPSCO), Luxembourg, le 3 octobre 2011, paragraphe 12.

(2)  COM(2011) 615 final.

(3)  JO C 132, 3.5.2011, p. 8–14.

(4)  "Un agenda social renouvelé: opportunités, accès et solidarité dans l’Europe du XXIe siècle" (COM(2008) 412 final).

(5)  COM(2011) 615 final.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/88


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme de l'Union européenne pour le changement et l'innovation sociale»

COM(2011) 609 final — 2011/0270 (COD)

2012/C 143/17

Rapporteure générale: Mme BATUT

Le Parlement européen, en date du 25 octobre 2011, et le Conseil, en date du 16 novembre 2011, ont décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme de l'Union européenne pour le changement social et l'innovation sociale"

COM(2011) 609 final – 2011/0270 (COD).

Le 25 octobre 2011, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée "Emploi, affaires sociales, citoyenneté" de préparer les travaux du Comité en la matière (rapporteure générale: Mme BATUT).

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 23 février 2012) de nommer Mme Laure BATUT rapporteure générale, et a adopté le présent avis par 168 voix pour, 2 voix contre et 7 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE s’est déjà interrogé sur le concept d’innovation sociale en relevant le flou de ses contours et les incertitudes associées (1); en revanche, il a déjà reconnu les vertus de l’innovation sur le lieu de travail (2). Par ailleurs de nombreux acteurs font de "l’innovation sociale» tous les jours sans le savoir, simplement parce qu’ils font bien leur travail.

1.2   Le CESE demande à la Commission de définir les objectifs "d'innovation sociale" et de "changement social" dans son PCIS (3). Ces concepts sont en expérimentation. Ils ne doivent pas venir remplacer les systèmes sociaux nationaux ni la législation du travail. Insérer la population dans l'emploi est peut être favorable à la compétitivité, cependant le Comité estime que la crise ne doit pas être prétexte à des transformations systémiques qui feraient de l’exception la règle.

1.3   Le CESE souhaite des clauses écrites dans le programme à l’examen pour garantir que les activités d’innovation sociale seront des compléments qui ne concurrenceront pas les droits et les systèmes sociaux des États membres ni la sécurité juridique qu'ils offrent à leurs membres.

1.4   Le Comité recommande à la Commission de référer son projet à l’objectif d’égalisation dans le progrès (4) des droits sociaux nationaux pour résoudre les disparités entre eux et faciliter ainsi la mobilité.

1.5   Le CESE recommande à la Commission d’expliquer les effets attendus des synergies évoquées dans les trois programmes PROGRESS, EURES et Micro-financement, et les liens avec les fonds européens (notamment le FSE et le FESE (5)), et d’exposer la compatibilité de leurs règles de gestion sur lesquelles la visibilité n'est pas totale.

1.6   Le Comité souhaite que le rôle des partenaires sociaux et des ONG figure clairement dans les trois volets du PCIS.

1.7   Le CESE demande qu’une clause de souplesse soit introduite dans le programme PCIS pour le rendre ajustable après une revue à mi-parcours. En 2017, un bilan provisoire montrant les évolutions sociales serait établi et soumis au Parlement et pour avis aux comités consultatifs et à leurs organisations représentatives.

1.8   Le CESE est d’avis que si les trois volets devaient rester sous le même chapeau, il conviendrait de changer le titre du PCIS en "Programme d’accompagnement pour le progrès social, la mobilité et l’inclusion".

1.9   Sur PROGRESS, le CESE estime qu’il conviendrait de:

recenser quels types d’emplois ont été créés grâce à PROGRESS;

publier les réalisations et rendre visibles et échangeables les résultats positifs en mettant en ligne un thésaurus;

définir "l’expérimentation" ainsi que son champ, et les acteurs, actions, et bénéficiaires potentiels;

garder éligibles les projets qui comportent la dimension de genre et/ou celle de la non-discrimination;

renoncer à consacrer la plus grande partie de PROGRESS aux tâches administratives d’analyse et de comptage pour être plus utile sur le terrain;

mettre en place une simplification des documents et des procédures de contrôle;

préciser le rôle des entreprises sociales dans les services sociaux d’intérêt général;

expliquer la synergie entre le PCIS et FESE, entre PCIS et FSE, et préciser les règles de gouvernance à appliquer en fonction du degré de but social dans les entreprises sociales.

1.10   Sur EURES, le CESE recommande de:

conserver l’esprit du début d’EURES avec ses compétences régionales et avec la participation des partenaires sociaux;

affirmer le principe de la primauté de l'offre d'emplois décents sur l'offre de micro-crédits et de micro-emplois;

confirmer l'objectif de promouvoir la mobilité tout en luttant contre le dumping social;

annoncer le changement de base légale avec l'ouverture aux services privés de placement (6) et en clarifier les conséquences par rapport au FSE et à l’attribution des fonds;

clarifier le double financement d’EURES (PCIS et le FSE) et les conséquences des chevauchements budgétaires et modes de contrôles;

définir la mobilité ciblée; recenser quels types de contrats sont signés grâce à EURES; évoquer le nouveau rôle centralisateur de la Commission pour qu’il soit discuté;

confirmer la nécessité de la portabilité de tous les droits sociaux et des systèmes d'équivalence des compétences;

ajouter des mesures favorisant l'inclusion numérique.

1.11   Sur le micro-financement et l’entreprenariat social, le CESE recommande de:

tenir compte du principe de subsidiarité;

envisager l’hypothèse d’une clé de répartition entre États membres;

prévoir une échelle des aides pour des bénéficiaires définis plus précisément (taille des entreprises sociales éligibles);

rendre le projet visible pour protéger les citoyens éligibles des micro-financements non régulés et sans scrupules, et assurer que le micro-financement soit référencé en première page et dans toutes les langues de l'Union sur les sites Internet utiles;

être plus explicite sur les rôles du FEI et de la BEI et sur leur effet de levier;

établir des règles à l’égard des prêteurs pour qu’ils assument pleinement leur responsabilité.

2.   Le contexte

2.1   La Stratégie de l’Agenda social pour l’Europe du XXIe siècle est incluse dans celle de l’UE 2020. La proposition du programme pour le changement et l’innovation sociale (ci-après "PCIS") s’inscrit dans ce cadre. Ainsi que l’établit le Comité de la Protection Sociale, une personne sur cinq en Europe est menacée de pauvreté et d’exclusion sociale, et cette tendance lourde rencontre maintenant les effets sociaux de la crise. Les actions de l’UE et des États membres visent à sortir au moins 20 millions de personnes de la pauvreté d’ici 2020, et leurs principaux instruments pour l’emploi et l’inclusion sociale sont entre autres le FSE, PROGRESS, FEADER (7), FEDER, le micro-financement.

2.2   Objectifs généraux du Programme

2.2.1   La Commission propose de réunir trois programmes existants (PROGRESS, l’Instrument européen de micro-financement et EURES) sous un même chapeau, afin de rationaliser les choix et mieux contrôler l’utilisation des fonds dans cette période de crise des budgets nationaux.

2.3   Les axes du nouveau programme

2.3.1   Le programme PROGRESS, programme de 2006 pour l’emploi et la solidarité sociale, préconise l’établissement de tableaux de bord de la situation sociale européenne afin de rendre les situations nationales comparables.

2.3.1.1

Pour 2014-2020, PROGRESS vise à promouvoir l’emploi, engranger des données comparables, s’appuyer sur les leçons de l’expérience pour promouvoir une approche par les résultats, visant à développer la capacité des réseaux de la société civile européenne à développer les buts de la politique sociale de l’Union; avec un Budget de 575 ME, soit 82,1 ME par an, dont 17 % à consacrer à l’expérimentation sociale.

2.3.2   EURES est le réseau européen entre la Commission et les services publics de l’emploi (SPE). Issu d’une ancienne pratique des syndicats, puis des partenaires sociaux, il facilite la mobilité des travailleurs en régions frontalières. Après 2002 il a trois objectifs: développer un portail européen sur la mobilité, mettre en place des partenariats transfrontaliers entre SPE et partenaires sociaux, et des plans d’activités dans les États membres, aux fins de compensation des offres et demandes d’emploi (20 ME). EURES est étendu à toute l’Union, et les États membres consomment 70 % de son budget avec les "plans d’activité".

2.3.2.1

Pour 2014-2020, l’objectif est d’assurer dans le cadre du PCIS pour 143 ME (20,5 ME par an) la mobilité dans toutes les régions de l'Union, particulièrement pour les jeunes, et, de gérer au niveau européen des statistiques et de l’information; assurer un bilan annuel avec échanges; améliorer le portail grâce au multilinguisme; ajouter dans un proche avenir les acteurs privés de l’emploi; assurer le programme des activités nationales sur budget FSE.

2.3.3   L’Instrument de micro-financement en faveur de l’emploi et de l’inclusion sociale (2010) vise le développement de l’accès à des micro-crédits pour ceux qui sont en situation de difficulté par rapport à l’emploi et/ou au crédit. Les travailleurs indépendants et les micro-entreprises sociales y sont éligibles. Le Fonds européen d’Investissement est le gestionnaire du programme; il permet aux institutions financières prêteuses de s’adosser au FEI et à la BEI pour être garantis de leurs risques de pertes éventuelles, et de développer des apports de liquidités. Il a mobilisé 200 millions d’euros sur 3 ans (2010-2013) pour les 27.

2.3.3.1

Pour 2014-2020, il vise toujours à faciliter l’accès à la micro-finance et à l’entreprenariat social par la garantie de prêts allant jusqu’à 25 000 euros, avec un budget de 191,6 millions d’euros pour 7 ans (27 ME par an).

2.4   Les éléments de la proposition

2.4.1   Le nouveau programme PCIS est proposé pour 958 ME, soit seulement 10 % de plus qu’en 2007. Inscrit dans UE 2020, il s’appuie sur les mêmes principes: partenariats, coordination, conditionnalités ex-ante, environnement budgétaire sain, renforcement de la coopération et de la cohésion territoriale, poursuite de la simplification.

2.4.2   La Commission, dont l'hypothèse majeure est de changer structurellement à terme le social dans l’Union en promouvant la "modernisation" des politiques sociales des États membres (8), propose ici de:

mettre en synergie les trois programmes entre eux, ainsi qu’avec le Fonds social européen;

mettre en place des procédures harmonisées d’information, communication, diffusion, gestion et évaluation;

se concentrer plus sur de grands projets présentant une forte valeur ajoutée européenne, en recherchant les moindres coûts.

2.4.3   Le programme a cinq objectifs:

renforcer l’appropriation des objectifs de l’Union pour l’emploi, les affaires sociales, l’exclusion;

promouvoir la bonne gouvernance, l’apprentissage mutuel et l’innovation sociale;

moderniser et faire appliquer la législation européenne;

promouvoir la mobilité géographique;

augmenter l’accès à la micro-finance.

3.   Remarques générales du CESE

3.1   Le Comité trouve intéressante la proposition de rationaliser les actions d’aide de l’Union européenne au bénéfice des demandeurs d’emploi, et prend en considération le fait qu’il n’est pas aisé de préparer un programme pour 7 ans alors même que le précédent doit encore courir sur 2 années.

3.2   Il regrette que l’objectif d’égalisation dans le progrès des droits sociaux nationaux, qui vise à résoudre les disparités entre eux et faciliter ainsi la mobilité, ne soit pas repris comme objectif général (9).

3.3   Il rappelle que la compétence de l’Union en matière de politique sociale et de cohésion est une compétence partagée (10). Quoi qu’elle fasse, l'Union doit le respecter, comme les prescriptions d'application générale de l’article 9 du TFUE (11), et celles des articles 8 et 10.

3.4   À cet égard, le Comité souhaite que les deux grandes questions de l’égalité et de la lutte anti-discriminations, toujours associées jusqu’ici aux politiques sociales, puis confiées à la DG Justice, restent éligibles dans PROGRESS, car beaucoup de discriminations se traduisent par des inégalités salariales et sociales. Le projet de règlement sur le FSE les reprend en ses considérants 10 et articles 7 et 8 (12), et l'égalité est toujours au chapitre social du Traité.

3.5   Le CESE regrette que les synergies attendues de la jonction des trois volets PROGRESS, EURES et micro-financement ne soient pas mises en lumière dans le PCIS. Le rôle des régions aurait pu être pris en compte. Les possibilités concrètes de synergie avec les autres programmes européens, comme pour l’éducation, les aides aux emplois jeunes, l’initiative phare pour les jeunes "Ton premier Emploi EURES", ne sont pas examinées.

3.6   Le CESE estime que l’évaluation des fonds distribués réellement, leur taux d’utilisation, les limites rencontrées dans les faits par les projets (voir: micro-financement et création d’emploi), sont nécessaires pour éclairer le nouveau programme, et que, par ailleurs, la Commission ne montre pas comment va être déterminée la forte valeur ajoutée européenne rendant éligibles de nouvelles actions. Elle fonde ainsi ses objectifs sur des éléments incertains, d’autant plus incertains que l’évaluation du programme précédent n’est pas faite, et l’estimation de la valeur ajoutée du nouveau programme plus que subjective.

3.7   Le Comité, par comparaison avec le projet de règlement sur le FSE, estime que la place et le rôle des partenaires sociaux auraient du être mentionnés dans les trois volets du PCIS; le texte du FSE leur reconnaît "un rôle capital en matière d’emploi, d’éducation et d’inclusion sociale" (13).

3.8   De la même manière, il observe que le rôle des ONG devrait être évoqué dans le PCIS (en partie financé sur fonds FSE); en effet, le projet de règlement FSE indique en son considérant 9 (14) que "la mise en œuvre/des actions soutenues par le FSE dépend de la bonne gouvernance et du partenariat entre tous les acteurs territoriaux et socioéconomiques concernés, en particulier les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales".

3.9   Les organisations de la société civile sont conviées par le PCIS (15) et, le CESE estime que leur place devrait être définie. Elles pourraient alors jouer leur rôle dans le processus de mise en œuvre des politiques.

3.10   Le CESE estime que la Commission devrait se préoccuper de l'inclusion numérique (16) dans les actions prévues, car les NTIC représentent un levier transversal pour l'inclusion et l'emploi.

4.   Sur la méthode

4.1   Le CESE observe que le projet s’intitule "Programme pour le changement social et l’innovation sociale" (PCIS) et propose de continuer trois actions anciennes de l’Union sans innover. La Commission propose d'orienter les trois volets vers le changement et l'innovation sociale par l'expérimentation sociale, sans définir ni dans les considérants, ni dans le texte, ni dans l’évaluation ex-ante, l’objectif même de "l’innovation sociale".

4.2   Les recherches universitaires menées dans différents pays sur "l’innovation sociale" partent de l’idée que le modèle production-consommation est à bout de souffle, et arrivent à celle qu’il est temps de bouleverser les structures sociales en défragmentant les rôles entre catégories d’acteurs et d’intérêts, ce qui, parce que la définition de l’innovation n’est pas stabilisée, entraînerait à des alea sur les choix des modèles de gouvernance dans les entreprises, sociales ou non, tout comme sur la place des représentations salariales et la forme du dialogue social (17). Pour ces chercheurs, le changement social s’opérerait aussi sur les systèmes de protection sociale. Il s’agit de réviser le "modèle social" européen, sans droit dur, de manière expérimentale. Le volet Progress (18) devrait d’ailleurs favoriser "un processus décisionnel" fondé sur des éléments concrets et l’innovation, "en partenariat avec les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et d’autres parties intéressées".

4.3   La Commission européenne, dans son projet, promeut cette "expérimentation sociale", sans définir vers quelle innovation et quel changement elle propose d’aller. C’est une approche sociologique qui pourrait tromper le citoyen qui ne peut voir où va le projet final. Le CESE estime qu’il conviendrait d’abord de voir pourquoi et comment le marché, les services publics, les aides européennes n’ont pas répondu au besoin social, pourquoi une réallocation de la richesse n’a pas été faite pour garantir leur autonomie aux personnes en difficulté, dans le respect des principes de la Charte des droits fondamentaux.

4.4   Le Comité estime qu'il faudrait savoir quel est le changement sociétal espéré à terme de toute innovation, ce que la méthode "bottom up" et le projet de règlement à l’examen, qui s’y réfère, ne permettent pas.

4.5   Les systèmes de sécurité sociale connus des citoyens pour leur durabilité ont une forte légitimité. Le Comité estime qu’ "expérimenter puis appliquer à grande échelle des solutions innovantes pour répondre aux besoins sociaux" (19) peut conduire à réduire les grandes solidarités, au clientélisme, et à l’atomisation de l’action sociale et de ses formes représentatives.

4.6   Pour le CESE, le programme à l’examen devrait garantir que les activités d’innovation sociale seront des compléments qui ne concurrencent pas les droits sociaux (20) et systèmes de protection sociale nationaux. Le Comité souligne que l’innovation sociale ne doit pas évincer les systèmes fondés sur le droit ni la sécurité de long terme qu’ils procurent aux personnes, y compris aux plus vulnérables.

4.7   Le réel changement social pour les catégories défavorisées, avant les réformes sociales systémiques, serait d’accéder à l’emploi, au logement et aux transports. Les personnes vivant dans l'Union ont surtout besoin d'emplois décents. Le programme devrait évoquer la question du logement car elle concerne tous les acteurs de l’emploi et de l’inclusion (21).

4.8   Le CESE rappelle qu’en matière de protection sociale proprement dite (22), l’article TFUE 153.4 garantit aux États membres la faculté de définir les principes fondamentaux de leur système de sécurité sociale et la possibilité de maintenir ou d'établir des mesures de protection plus strictes, compatibles bien sûr avec les traités.

5.   Remarques spécifiques

5.1   Le Comité estime utile de voir figurer dans le projet de règlement le rappel du principe de subsidiarité et d’y introduire la définition de la "forte valeur ajoutée" qui est attendue.

5.2   Sur PROGRESS

5.2.1   La définition des actions, des acteurs et des bénéficiaires potentiels du projet n’est pas suffisante (23). Le texte ne dit pas si les éléments d’analyse tiennent comptent des points de vue des partenaires sociaux (24) et des ONG, notamment pour la mise au point des batteries d’indicateurs (25).

5.2.2   Le programme PROGRESS a des objectifs "difficilement mesurables" et recourt à des "variables subjectives", alors que la fiche financière du projet l’inscrit dans une gestion fondée sur les résultats (26). L’incidence sur l’objectif de l’emploi n’est pas mesurée, l’outil semble peu opérationnel. Pour le CESE, les données déjà collectées devraient tirer les leçons des réalisations et un thésaurus en ligne des expériences positives devrait être rendu disponible. Le CESE recommande, avant de poursuivre, de rechercher quels emplois ont été créés grâce aux aides. La Commission éviterait ainsi de faire des recommandations de réformes structurelles en partant d’une évaluation peu fiable.

5.2.3   Il existe un décalage entre l’objectif et les moyens: le financement annoncé, en dotant les trois volets pour 2014-2020 de 10 % de fonds supplémentaires par rapport à 2007 ne peut pas ouvrir d'actions nouvelles.

5.2.4   Le projet attribue une trop grande place à la gestion (27): l’argent du contribuable devrait plutôt aider directement le citoyen. Il serait important de savoir quelle part sera attribuée à la lutte contre la pauvreté par exemple.

5.2.5   Les évaluations des projets aidés comme par le passé peuvent occasionner des frais en faisant appel à des entreprises de contrôle externes. Le CESE estime qu’il convient de mettre en place simplification et standardisation des documents et des procédures.

5.2.6   Concernant les entreprises sociales (28), le CESE souhaite:

rappeler le principe de subsidiarité et les responsabilités des Etats membres;

voir la définition de leur rôle dans les services sociaux d’intérêt général;

voir la synergie entre PCIS et proposition de règlement du 07.12.2011 sur le "Fonds d’entreprenariat social européen" visant à favoriser le développement des entreprises sociales (attribution d’un label FESE);

des règles de gouvernance en fonction du degré de but social, les règles s’imposant aux investisseurs, et des précisions sur le rôle des banques avec si nécessaire les règles de solvabilité à exiger éventuellement;

l’éligibilité des auto-entrepreneurs.

5.3   Sur EURES

5.3.1   EURES sera financé par 15 % du PCIS et en grande partie par le FSE. Le chevauchement budgétaire des programmes ne rend pas les choses claires pour le citoyen: les fonds structurels sont régionalisés selon NUTS2, et les fonds du PCIS ne le sont pas.

5.3.2   Les activités au niveau national et transfrontalier seront financées par le Fonds social européen et les activités européennes (29) par le PCIS. Pour la partie FSE, les règles de participation des partenaires sociaux et ONG s’appliqueront, mais pas pour la partie PCIS.

5.3.3   Le CESE se demande s’il est utile de regrouper sous un PCIS unique des éléments aussi divers, dont le contrôle budgétaire sera plus difficile que dans la configuration précédente. Le partage des financements entre FSE, Commission, États membres devrait être plus clair. Cela entraîne l'application des règles différentes pour la comitologie et le contrôle des actes d'exécution de la Commission (30).

5.3.4   Le CESE se demande s’il est pertinent pour la Commission de créer un système centralisé et freiner la dynamique régionale EURES, alors que l’ancienneté du fonctionnement de cette ancienne "innovation sociale" montre que les acteurs de terrain sont les mieux placés. En 2007, le Parlement souhaitait même augmenter son budget (31). Le Comité rappelle que la mobilité n’est pas un objectif en soi, mais seulement une aide en cas de nécessité d’aller chercher un emploi dans un pays d’accueil de l’Union.

5.3.5   Le CESE estime qu’il serait nécessaire d’évoquer dans le texte:

le principe de la primauté de l’offre d’emplois décents sur l’offre de micro-crédits et de micro-emplois;

l’objectif de promouvoir la mobilité tout en luttant contre le dumping social;

les types de contrats de travail obtenus par EURES;

la définition de la mobilité ciblée;

l’évolution annoncée de la base légale d’EURES (32);

la nécessité de la portabilité des droits des citoyens mobiles et nouveaux textes sur l’équivalence des compétences (33).

5.3.6   Le CESE estime important de maintenir clairement dans EURES le rôle des partenaires sociaux.

5.4   Sur le micro-financement et l’entreprenariat social

5.4.1   Le CESE souhaite que les citoyens soient largement informés de ce programme pour qu’ils évitent les offres de micro-financement par l’économie informelle à des taux usuraires sur Internet (besoin d'inclusion numérique). Il convient de ne pas oublier que les personnes citées à l’article 22 du projet sont des personnes vulnérables et qu’il faut leur procurer d’autres aides que du micro-crédit et des activités concurrentielles. Celles-ci peuvent être risquées et être un leurre pour elles, et ne jamais remplacer un emploi salarié.

5.4.2   Le CESE souhaiterait que l’hypothèse d’une clé de répartition du programme entre États membres soit étudiée.

5.4.3   Le Comité estime nécessaire de mettre en évidence l’effet de levier attendu du FEI et la BEI, et de définir clairement les bénéficiaires. En effet, entre la personne qui vient de perdre son emploi (art. 22.1.a), une entreprise sociale (art. 22.3) avec salariés et budget, et l’auto-entrepreneur et sa micro-entreprise, la somme de 25 000 euros aura des conséquences très différentes, et les garanties seront vues différemment par les organismes prêteurs. Il conviendrait donc de clarifier:

ce qui est "social" dans ce volet;

les bénéficiaires, et particulièrement la taille des entreprises sociales éligibles;

ce qu’est une "micro-entreprise sociale";

les modalités de mise en œuvre de l’aide et la couverture précise apportée (100 %?);

des critères pour éventuellement introduire une forme d’échelle des aides;

des mesures de simplification de l’évaluation ex-post pour faciliter les bilans et alléger le coût des contrôles.

5.4.4   Du côté des prêteurs:

des règles plus claires devraient leur être adressées pour qu’ils assument leur rôle sans accabler les emprunteurs d’éventuelles exigences séparées et cachées;

prévoir des mesures d’évaluation pour un bilan rapide.

5.4.5   Le CESE souhaite que la valeur ajoutée de ces mesures soit plus élevée que l’évaluation estimative du programme précédent qui donne 1,2 emploi créé pour un micro-crédit octroyé (34).

Bruxelles, le 23 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE, JO C 100, page 77, 30.04.2009.

(2)  Avis du CESE, JO C 132, page 22, 03.05.2011.

(3)  PCIS: Programme pour le Changement et l'Innovation Sociale, COM(2011) 609 final.

(4)  TFUE, art. 151.

(5)  Fonds social européen et Fonds d'entreprenariat social européen.

(6)  Programme de travail de la Commission pour l'année 2012, COM(2011) 777 final.

(7)  Fonds européen agricole pour le développement rural.

(8)  COM(2011) 609 final: pt. 1 de l'Exposé des motifs et art. 4.1 c).

(9)  TFUE, art. 151, paragraphe 1.

(10)  TFUE, art. 4.2 b) et c).

(11)  Avis du CESE, JO C 24, page 29, 28.01.2012.

(12)  COM(2011) 607 final.

(13)  COM(2011) 607 final, voir pt 5 de l'Exposé des motifs.

(14)  COM(2011) 607 final, considérant 9.

(15)  COM(2011) 609, considérant 9.

(16)  Avis CESE, JO C 318, page. 9, 29.10.2011.

(17)  Social innovation Review, Standford Graduate School of Business, Fall 2008, J.A. Phills, K. Deiglmeier, D.T. Miller; Social Innovation, J. Howaldt & M. Schwarz, IMO-Dortmund, Mai 2010; Transformations et Innovation sociale en Europe: quelles sorties de crise?, N. Richez-Battesti & D. Vallade, P.U de Louvain-Cahiers du CIRTES 5, sept. 2010, p.45; S. Bacq & F. Janssen, ibid, p. 207.

(18)  Art. 3 a) du projet et avis du CESE, JO C 255, page 67, 14.10.2005.

(19)  Art. 9-1 et art. 3 aux champs très larges – COM(2011) 609.

(20)  TFUE art. 151, paragraphe 1.

(21)  Art.1, 7, 15, 24, 34.3, 52.3 de la Charte des Droits Fondamentaux, art. 8 de la CEDH, et art. 30 et 31 de la Charte sociale européenne révisée.

(22)  COM(2011) 609, art. 4.1 a) et b).

(23)  Ex: Évaluation ex-ante, p. 42.

(24)  COM(2011) 609, art. 15, a) et c).

(25)  COM(2011) 607, art. 6.

(26)  "Fiche financière législative pour les propositions", pt 1.4.3, (annexe du COM(2011) 609 final,, page 32).

(27)  COM(2011) 609 final, art. 5.3.

(28)  Avis CESE, JO C 24, page 1, 28.01.2012.

(29)  Portail et Projet pour la jeunesse "Ton Premier Emploi EURES".

(30)  Règlement (UE) No 182/2011.

(31)  PE, Résolution du 15.09.2007.

(32)  Communication COM(2011) 777 final.

(33)  Proposition de directive du 19.12.2011 (COM(2011) 883 final).

(34)  "Fiche financière législative pour les propositions", pt 2.1.2, Indicateurs de performance, (annexe du COM(2011) 609 final, p. 37).


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/94


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres»

COM(2011) 813 final — 2011/0390 (CNS)

2012/C 143/18

Rapporteur: Wolfgang GREIF

Le 12 décembre 2011, le Conseil a décidé, conformément aux articles 100, paragraphe 2 et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres"

COM(2011) 813 final – 2011/0390 (CNS).

La section spécialisée "Emploi, affaires sociales, citoyenneté", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 25 janvier 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 111 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.

1.   Demandes et recommandations

1.1   Alors que la crise financière entre dans sa quatrième année, les perspectives du marché de l'emploi s’assombrissent de plus en plus dans toute l'Europe. Le CESE est vivement préoccupé par le fait que les objectifs fixés pour l'emploi dans le cadre de la priorité de croissance inclusive de la stratégie Europe 2020 ne pourront probablement pas être atteints dans le contexte des prémisses politiques imposées actuellement dans l'UE, selon lesquelles la solution à la crise passe par l'austérité. L’introduction simultanée de programmes d’austérité dans l’UE risque d'accélérer les tendances à la baisse qui se renforcent mutuellement et d'obscurcir encore les perspectives de croissance, ce qui aura sur la demande intérieure, dernier soutien de la conjoncture, une incidence tout aussi négative que sur la stabilisation et la création d'emplois.

1.2   Au cours des années à venir, l'Europe ira vers une situation de l'emploi extrêmement tendue. Certains groupes sont plus fortement touchés que d'autres: les jeunes, les travailleurs peu qualifiés, les chômeurs de longue durée, les personnes issues de l'immigration, les Roms, les parents célibataires. Afin de remédier à cette situation, il est urgent que des investissements européens et nationaux ciblés ayant une incidence élevée sur l’emploi soient mis en place de manière coordonnée, afin d'accroître l'efficacité des mesures prises en matière de politique de l'emploi.

1.3   Eu égard à l'aggravation du chômage des jeunes et à la persistance d'un nombre élevé de chômeurs de longue durée, le CESE, concernant la mise en œuvre des lignes directrices pour l'emploi, émet les recommandations politiques suivantes, focalisées sur l'emploi:

L'objectif relatif à un taux d'emploi global devant être atteint dans toute l'UE devrait être complété à l'avenir par des objectifs européens mesurables pour différents groupes cibles comme les chômeurs de longue durée, les femmes, les personnes âgées et en particulier aussi les jeunes (lutte contre le chômage, amélioration de la situation de l'emploi). L'important transfert de la formulation d'objectifs concrets de la politique de l'emploi au niveau des États membres ne s'est pas avéré très concluant jusqu'à présent.

Citons en particulier dans ce contexte un indicateur pour la réduction substantielle du nombre de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation (ce que l'on appelle les "NEET").

Le CESE salue la proposition de la Commission relative à une "garantie pour la jeunesse", selon laquelle les États membres devraient veiller à offrir à tous les jeunes un emploi, une formation complémentaire ou des mesures d’activation et d'inclusion dans les quatre mois suivant leur sortie de l’école. Des mesures concrètes devraient être définies à cet égard dans le cadre des plans nationaux de réforme.

Les pays dont la situation du marché de l'emploi est particulièrement tendue pour les jeunes et qui doivent en même temps répondre à des obligations de restrictions budgétaires devraient pouvoir accéder plus aisément aux moyens de l'UE destinés à des mesures relevant de la "garantie pour la jeunesse" (simplification de l'utilisation des ressources, jusqu'à la suppression temporaire du cofinancement par les États membres).

Malgré des situations budgétaires tendues dans les États membres, il faut continuer à prévoir des moyens nationaux et européens pour la formation et l'emploi des jeunes, ainsi que des chômeurs de longue durée, et si nécessaire les augmenter. Dans cet esprit, il convient de garantir, dans le cadre de la nouvelle programmation financière à partir de 2014, suffisamment de moyens au titre du FSE, mais aussi des autres fonds européens, pour les initiatives spécifiquement destinées aux jeunes.

Dans tous les pays de l'UE, il y a lieu de réexaminer, et le cas échéant, d'améliorer les conditions d'accès aux prestations de soutien pour les jeunes, ainsi que pour les chômeurs de longue durée à la recherche d'un emploi ou d'une formation. Il est conseillé d'ajouter des objectifs en la matière dans les programmes nationaux de réforme.

En matière d'intégration des jeunes dans le marché de l'emploi, le CESE déconseille les solutions par trop instables et dénuées de perspectives: plutôt que de miser sur l'emploi précaire et des contrats de travail incertains, il y a lieu de mettre en œuvre des mesures qui garantissent que le travail à durée déterminée et les emplois faiblement rémunérés et assortis d'une protection sociale insuffisante ne deviendront pas la norme.

Le CESE recommande aux États membres de veiller tout particulièrement à créer des marchés intermédiaires inclusifs de l'emploi, où des fonds publics financeraient un nombre approprié d'emplois adaptés, de manière à ce que les chômeurs de longue durée conservent leurs habitudes de travail et accroissent leur savoir-faire et leurs connaissances. De cette manière, l'on empêche la pauvreté au travail de croître et l'on permet à ces travailleurs de passer aisément sur le marché ouvert de l'emploi, une fois la crise terminée.

S'agissant de l'initiative de la Commission concernant les stages, le CESE soutient la mise en place d'un cadre européen de qualité en la matière, afin d'encourager les postes de travail favorisant l'apprentissage, encadrés par des contrats contraignants. Il conviendrait d'examiner la possibilité de transposer certains éléments du système dual d'apprentissage combinant formation générale et professionnelle, pratiqué avec succès depuis un certain temps dans plusieurs pays.

2.   Introduction

2.1   Le 21 octobre 2010, le Conseil de l'UE a décidé que les nouvelles lignes directrices pour l’emploi devaient rester inchangées jusqu'en 2014 afin que l’accent puisse être placé sur leur application. Leur actualisation devrait être strictement limitée.

2.2   Le CESE profite toutefois de la consultation annuelle prévue à l'article 148, paragraphe 2 du TFUE pour revenir sur la mise en œuvre des lignes directrices,

afin d'examiner s'il est possible de faire progresser la réalisation des objectifs fixés dans le contexte des tendances actuelles sur les marchés de l'emploi ainsi que les prémisses politiques d'une solution à la crise imposées actuellement dans l'UE;

en outre, il se penchera surtout sur la situation de plus en plus grave du chômage des jeunes, ainsi que sur celle des chômeurs de longue durée, et proposera à ce sujet des recommandations politiques sur les mesures qui s'imposent d'urgence.

2.3   Le CESE se réjouit que la décision du Conseil relative à la version définitive des lignes directrices de 2010 ait repris plusieurs de ses propositions (1), mais constate que d'autres lacunes dont il avait fait état n'ont pas été prises en compte. Il revient dès lors sur quelques-unes des observations essentielles présentées dans son avis, qui sont toujours aussi pertinentes. Ainsi, il avait entre autres estimé:

que les lignes directrices ne reflètent pas suffisamment la nécessité de considérer la lutte contre le chômage comme une priorité absolue dans un contexte de crise;

que les nouvelles lignes directrices sont caractérisées par un affaiblissement notable de l'approche européenne, dans la mesure où elles ne proposent qu'un petit nombre d'objectifs centraux de l'UE et laissent aux États membres toute latitude pour formuler les objectifs en matière de politique d'emploi;

qu'il convient de compléter l'objectif relatif à un taux d'emploi global devant être atteint dans toute l'UE par des objectifs mesurables de l'UE, également pour différents groupes cibles comme les chômeurs de longue durée, les femmes, les personnes âgées ainsi que les jeunes;

que des objectifs de l'UE sont en outre nécessaires notamment en ce qui concerne l'égalité entre les sexes, la lutte contre le chômage de longue durée, contre les contrats de travail présentant des lacunes en matière de protection sociale ainsi que contre le chômage des jeunes et la pauvreté des enfants et des jeunes;

que les lignes directrices ne contiennent aucune indication concrète au sujet de la qualité des emplois.

2.4   Le présent avis examinera ces points dans le contexte des tendances actuelles sur les marchés européens de l'emploi en cette période de crise économique.

3.   Une situation de l'emploi de plus en plus tendue dans le contexte de la crise

3.1   La crise financière s'est transformée en crise fondamentale de l'économie, de la dette et de la société (2). Officiellement, l'on constate que la reprise de l'économie de l'UE est terminée. Les perspectives du marché de l'emploi s’assombrissent elles aussi de plus en plus (3). Les conséquences de la crise s’aggravent – non seulement en raison du ralentissement de l'activité économique dans de nombreux États membres de l’UE, mais surtout parce que la grande majorité des gouvernements ont réagi à la crise de la dette, provoquée entre autres par la déréglementation massive des marchés financiers au cours des dernières années, en menant des politiques d’austérité draconiennes pour tenter de tranquilliser les marchés financiers. Dans le contexte de la mise en œuvre des nouvelles règles de gouvernance économique de la zone euro et au-delà, la quasi-totalité des États membres de l’UE axent la consolidation à opérer principalement sur la réduction des déficits publics, avec des coupes parfois sévères des dépenses publiques visant principalement à restreindre les dépenses sociales et les services publics (4). Cette politique réduit les possibilités offertes sur le marché de l'emploi, surtout pour ceux qui appartenaient déjà à un groupe défavorisé.

3.2   Dans ce contexte, la situation de l'emploi sera extrêmement tendue en Europe au cours des années à venir. Alors que la crise financière et économique en est à sa quatrième année, les perspectives d'emploi continuent à se détériorer. En dépit des efforts visant à soutenir la conjoncture en première réaction à la crise et malgré une reprise économique dans certains États membres de l'UE, le chômage dans l'UE est passé de 6,9 à 9,4 % entre 2008 et 2011 (5).

3.3   Ainsi, plus de 22 millions de personnes sont aujourd'hui sans emploi dans l'ensemble de l'UE, même s'il existe d'importantes différences selon les pays: au deuxième trimestre 2011, les taux de chômage allaient d'un peu moins de 5,5 % en Autriche, au Luxembourg et aux Pays-Bas à plus de 14 % en Irlande, Lituanie, Lettonie et Grèce, et à 21 % en Espagne. Les jeunes sont encore beaucoup plus fortement touchés par le chômage. Dans plusieurs pays – pas uniquement du Sud de l'Europe – la situation s'est aggravée de manière inquiétante pendant la crise: le taux de chômage a doublé par exemple en Espagne et en Irlande, mais aussi au Danemark (où il était très bas), voire triplé dans les pays baltes; jusqu'en 2010, les seuls pays où le chômage a diminué étaient l'Allemagne et le Luxembourg. Malgré la hausse du chômage, l'on enregistre également dans certains pays une augmentation des emplois vacants. L'on doit s'attendre à ce que ce paradoxe s'accentue encore au cours des prochaines années en raison de l'évolution démographique et de la mutation structurelle persistante.

Les jeunes et les travailleurs peu qualifiés ont été particulièrement touchés par la hausse du chômage pendant la crise, alors que ces deux groupes se situaient déjà nettement au-dessus de la moyenne.

Au deuxième trimestre 2011, le taux de chômage parmi les personnes ayant un faible niveau d'instruction était de 16,3 %, et respectivement de 8,6 % et de 5,3 % chez celles ayant terminé l'enseignement secondaire et supérieur.

Le taux de chômage a augmenté tant chez les hommes que chez les femmes, dans tous les groupes d'âge. Au deuxième trimestre 2011, il était respectivement de 9,4 et de 9,5 %. La hausse a été plus rapide chez les hommes dans la première phase de la crise, lorsque les secteurs les plus touchés étaient ceux comptant une majorité de travailleurs masculins (par exemple dans l'industrie manufacturière et la construction). Dans la deuxième phase de la crise, ce sont les taux de chômage des femmes qui sont montés en flèche car les secteurs où les femmes sont majoritaires (par exemple les services, le secteur public) ont commencé à souffrir, notamment en conséquence des mesures d'austérité mises en place.

Les travailleurs migrants, qui subissaient déjà un taux de chômage supérieur à la moyenne avant la crise, sont disproportionnellement touchés par la hausse du chômage. Leur taux de chômage était de 16,3 % au deuxième trimestre 2011.

Au deuxième semestre 2011, les statistiques relatives à la moyenne européenne du chômage de longue durée (plus de 12 mois), qui, en raison de l'arrivée d'un nombre considérable de chômeurs, avaient connu une forte baisse passagère, sont revenues à leur niveau d'avant la crise, avec 43 %. Les pays ayant été touchés fortement et très tôt par la crise (l'Espagne, l'Irlande, les pays baltes) affichent des hausses importantes par rapport à 2008. Dans un avenir proche, cette catégorie croîtra fortement en raison de la stagnation de la demande de main-d'œuvre.

3.4   Eu égard au fait que le chômage des jeunes avait déjà atteint des proportions inquiétantes avant la crise, le CESE a démontré précédemment qu'il est devenu aujourd'hui l'une des questions les plus préoccupantes dans le domaine de l'emploi en Europe (6). De manière générale, il a augmenté de manière dramatique pour atteindre aujourd'hui près de 21 % dans l'ensemble de l'UE. Actuellement, plus de 5 millions de jeunes (de 15 à 24 ans) n'ont pas d'emploi ou de poste d'apprentissage, ce qui entraîne d'énormes conséquences sur le plan personnel, social et économique: des estimations récentes d'Eurofound font état de coûts de plus de 100 milliards d'euros par an, liés à l'exclusion des jeunes du marché de l'emploi (7). En Grèce et en Espagne, plus de 40 % des jeunes sont au chômage, et un peu moins d'un jeune sur trois en Lettonie, en Lituanie et en Slovaquie.

Les inquiétudes sur le chômage des jeunes sont confirmées par deux indicateurs: le taux de chômage (8) et le taux NEET, qui ont tous deux augmenté. L'indicateur NEET est particulièrement intéressant, dans la mesure où il fournit un instantané de la situation des jeunes de 15 à 24 ans qui ne sont ni en emploi, ni scolarisés, ni en formation (Not in Education, Employment or Training).

Des différences sensibles existent entre les États membres: ceux qui obtiennent les meilleurs résultats sont le Danemark, les Pays-Bas, la Slovénie et l'Autriche, avec moins de 7 %, tandis que les plus mauvais élèves sont l'Italie et la Bulgarie avec des taux entre 19,1 et 21,8 %. La moyenne de l'UE était de 12,8 % en 2010. Les taux NEET de l'Espagne, de l'Irlande, de la Lituanie, de l'Estonie et de la Lettonie en particulier semblent avoir empiré en raison de la crise.

Les jeunes en décrochage scolaire sont une autre catégorie qui présente un haut risque de chômage en raison de leurs mauvais résultats scolaires. En dépit du fait que les taux de décrochage scolaire de certains pays (par exemple l'Espagne, le Portugal, l'Estonie, la Lettonie et le Royaume-Uni) ont baissé pendant la crise, la moyenne européenne, qui est de 14,1 % en 2010, se situe toujours clairement au-dessus de l'objectif de la stratégie Europe 2020, fixé à moins de 10 % (9). Les différences entre les pays sont grandes: le Portugal et l'Espagne affichent des taux de plus de 28 % tandis que près de 37 % des jeunes sont en décrochage scolaire à Malte; ils sont moins de 5 % en Slovaquie, en République tchèque et en Slovénie (10).

3.5   Cette évolution des taux de chômage se reflète aussi dans le taux d'emploi, qui a chuté sensiblement pendant la crise: en moyenne, dans l'UE, il est passé de 70,5 % au deuxième trimestre 2008 à 68,9 % au deuxième trimestre 2011 dans la population âgée de 20 à 64 ans. Il était déjà clair, lors de l'adoption des lignes directrices en 2010, qu'une décennie complète serait nécessaire pour récupérer les plus de 10 millions d'emplois perdus depuis le début de la crise. La situation ne s'est guère améliorée depuis. En moyenne, dans l'UE, seule une très faible augmentation de l'emploi a été enregistrée entre le deuxième trimestre 2010 et le deuxième trimestre 2011; si certains pays (l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie et Malte) ont affiché une augmentation sensible au cours de la dernière année, d'autres (la Grèce, la Bulgarie, la Slovénie et la Roumanie) ont vu leur emploi continuer à chuter. Dans l'ensemble, les pays de l'UE sont toujours aussi éloignés du grand objectif de la stratégie Europe 2020 relatif à un taux d'emploi de 75 % pour la population âgée de 20 à 64 ans (11). Au cours de la crise économique, les jeunes ont non seulement été frappés par le chômage avec davantage de force que tous les autres groupes d'âge, mais ils ont également dû essuyer des pertes d'emploi beaucoup plus importantes.

3.6   L'emploi à temps partiel a continué à augmenter progressivement au cours de la crise, confirmant ainsi l'évolution constatée pendant la période couverte par la stratégie de Lisbonne. En moyenne, dans l'UE, l'emploi à temps partiel est passé de 17,6% de l'emploi total au deuxième trimestre 2008 à 18,8 % au deuxième trimestre 2011, avec des différences marquées entre les pays.

Les femmes sont fortement surreprésentées dans ce domaine, avec un taux moyen de 31,6 % au deuxième trimestre 2011, en comparaison de 8,1 % pour les hommes.

Les jeunes travailleurs ont été beaucoup plus touchés que les travailleurs âgés et ceux appartenant aux classes d'âge de forte activité par la hausse de l'emploi à temps partiel.

La hausse de l'emploi à temps partiel a aussi été plus forte parmi les travailleurs les moins instruits.

En période de crise, le chômage partiel permet de maintenir le contact avec le marché du travail et donne ainsi une bonne base de départ pour favoriser le retour au plein emploi, une fois la crise passée.

Durant la crise, la proportion de travailleurs à temps partiel involontaires  (12) a néanmoins considérablement augmenté. Les pays les plus touchés par la crise (les États baltes, l'Espagne, l'Irlande) ont vu leurs taux d'emploi à temps partiel involontaire augmenter beaucoup plus que la moyenne entre 2008 et 2010. Le pourcentage de femmes qui travaillent à temps partiel pour pouvoir s'occuper d'enfants ou d'adultes incapables de travailler est toujours élevé dans de nombreux pays.

3.7   L’emploi temporaire a atteint un niveau record de 14,6 % dans l’UE au deuxième trimestre 2007. Les informations fournies à cet égard par l'enquête sur les forces de travail dans l'UE englobent également les travailleurs intérimaires, à moins qu'ils ne bénéficient d'un contrat de travail écrit à durée indéterminée (13). Étant donné que les travailleurs sous contrat à durée déterminée et les intérimaires ont été fortement touchés par le chômage pendant la crise, leur pourcentage global a atteint le creux de la vague au deuxième trimestre 2009, où il se situait à 13,5 %. Toutefois, l'augmentation récente à 14,2 % au deuxième trimestre 2011 révèle une tendance des entreprises à réembaucher des travailleurs sur la base de contrats à durée déterminée et également en recourant à des travailleurs intérimaires. Cette évolution traduit en particulier un manque de confiance de la part des employeurs quant à la solidité de la reprise et leurs efforts en vue de réagir à la situation.

S’agissant de l’emploi à durée déterminée, les différences entre les pays sont importantes – moins de 5 % dans certains États d'Europe centrale et orientale comme la Roumanie, la Bulgarie, la Lituanie et l’Estonie, à l’inverse du Portugal, de l’Espagne et de la Pologne qui affichent des taux d'environ 23 à 27 %.

Les jeunes travailleurs (15-24 ans) sont de loin les plus susceptibles d’occuper un emploi temporaire (42,2 % en 2010). Ce schéma se retrouve dans presque tous les pays. La proportion importante de jeunes occupant un emploi à durée déterminée est un phénomène devenu courant dans la plupart des métiers dans le cas d'un premier emploi, mais qui ne procède généralement pas d'un choix délibéré. C'est l’une des explications de la détérioration particulièrement sérieuse de la situation des jeunes sur le marché de l’emploi pendant la crise.

En outre, environ 20 % des travailleurs peu instruits occupent des emplois temporaires, un taux bien plus élevé que pour les travailleurs ayant terminé des études secondaires ou supérieures (environ 12-13 %).

La part de travailleurs occupant involontairement un emploi à durée déterminée a augmenté d’environ 2 % entre 2008 et 2010, en particulier en Lituanie et en Irlande, deux des pays les plus durement touchés par la crise, ainsi qu’en République tchèque, au Danemark et en Grande-Bretagne.

3.8   Travailleurs pauvres: des données Eurostat de 2009 montrent que tant les travailleurs occupant un emploi à durée déterminée que ceux à temps partiel, mais aussi les jeunes et les parents célibataires, sont beaucoup plus susceptibles d’être des travailleurs pauvres que ceux qui ont un emploi permanent ou travaillent à temps plein.

Le risque de pauvreté des travailleurs  (14) est beaucoup plus élevé chez les jeunes salariés (âgés de 18 à 24 ans) que dans le groupe des 25-64 ans de la population moyenne, et ce, dans plusieurs pays de l’UE.

De même, les parents célibataires qui sont souvent obligés de travailler à temps partiel, ainsi que les travailleurs peu qualifiés, sont touchés de manière disproportionnée par le travail temporaire et le travail à temps partiel, et sont aussi fortement surreprésentés dans les emplois à temps plein faiblement rémunérés; cela se traduit par des taux plus élevés de pauvreté au travail.

4.   Les politiques d'austérité dans toute l'Europe aggravent la situation du marché du travail et compliquent la réalisation des objectifs de politique de l'emploi

4.1   L’introduction simultanée de programmes d’austérité dans l’UE peut accélérer les tendances à la baisse qui se renforcent mutuellement, ce qui assombrira encore les perspectives de croissance. Faute d'avoir mené, dans certains pays, suffisamment de nécessaires réformes structurelles, et en l’absence de nouvelles perspectives de croissance, les réductions des dépenses ont une incidence négative sur la demande intérieure, dernier soutien de la conjoncture, et entraînent une baisse des recettes fiscales et une augmentation des dépenses sociales. Les déficits budgétaires risquent de se creuser davantage, mettant de plus en plus d’États membres dans l’incapacité d’agir au niveau de la politique économique. Cette voie, qui consiste à axer la consolidation budgétaire principalement sur l’austérité, est dès lors non seulement préoccupante d’un point de vue social, mais sape également toute possibilité de relance économique tournée vers l’avenir. Le CESE craint fortement que ces mesures ne permettent pas de surmonter la crise ni d’atteindre les objectifs formulés dans la stratégie de l’UE pour l’emploi.

4.2   Le CESE réitère dès lors sa demande relative à un nouveau plan européen de relance économique, de l’ordre de 2 % du PIB, qui aurait une incidence majeure sur la politique du marché du travail (15). Il convient de définir des projets d’investissement européens, qui viendraient s’ajouter à des investissements nationaux supplémentaires mis en œuvre de manière coordonnée, de sorte à augmenter les effets sur la politique de l’emploi. Environ 1 % des dépenses prévues devraient porter sur des investissements ayant une incidence élevée sur l’emploi et être en outre consacrées explicitement à des mesures de politique du marché de l’emploi qui pourraient prendre différentes formes en fonction de la situation des marchés régionaux de l’emploi dans les États membres de l'UE.

4.3   Les budgets publics ne pourront pas être mis à contribution pour tout – sauvetages de banques, soutien des entreprises ou investissements sociaux et innovants. Selon le CESE, toute consolidation budgétaire intelligente implique inéluctablement qu'il faille trouver de nouvelles sources de recettes, parallèlement à une réduction des dépenses qui soit socialement soutenable. Les États membres devront en particulier élargir leur base fiscale. Il faut en outre repenser le système fiscal de manière générale, en prenant dûment en compte la question des contributions des différents types de revenus et d'avoirs. Cette démarche doit s'accompagner d'une augmentation simultanée de l'efficacité et de la pertinence des dépenses publiques.

4.4   Selon le CESE, les mesures d’austérité ne doivent pas accroître le risque de pauvreté ni creuser davantage les inégalités, qui se sont déjà accentuées ces dernières années. Il convient de veiller à ce qu’aucune mesure de sortie de crise ne contrecarre la stimulation de la demande et de l’emploi durant et après la crise et l’atténuation des inégalités sociales. Les États membres doivent aussi s’assurer que les mesures visant à surmonter la crise économique et l’endettement de l’État ne menacent pas les investissements publics dans la politique du marché de l’emploi et la formation générale et professionnelle. Le CESE réclame des évaluations efficaces des conséquences sociales afin de pouvoir examiner de quelle manière réaliser l'objectif de l’UE visant à sortir, d’ici 2020, au moins vingt millions de personnes de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

4.5   Les personnes les plus durement touchées par les mesures d’austérité sont en premier lieu celles qui dépendent de transferts sociaux de l’État, notamment celles qui occupent des emplois précaires et d’autres groupes défavorisés du marché du travail. Les plus touchés par le chômage sont en règle générale aussi ceux ayant difficilement accès, et de manière limitée, à des prestations de soutien. Il convient dès lors de prévoir des filets de sécurité sociale suffisants, efficaces et durables, en accordant une attention particulière aux groupes les plus touchés et les plus défavorisés sur le marché de l’emploi (entre autres les jeunes, les migrants, les Roms, les handicapés, les mères célibataires, les travailleurs peu qualifiés).

4.6   Le CESE a récemment pris position sur les enjeux que représente le vieillissement de la population européenne pour les marchés de l'emploi et a fait observer à cet égard que la stratégie de loin la plus efficace résidait dans la pleine exploitation des potentiels d'emploi disponibles. Cet objectif ne pourra être atteint que par une politique de croissance ciblée et une stratégie offrant des possibilités de participation. Cette politique devrait recouvrir, entre autres mesures, l'adaptation du monde du travail aux personnes âgées, le développement de la formation de base et continue, la création d'emplois de qualité et productifs, la garantie de systèmes de protection sociale performants et l'adoption de mesures globales visant à concilier vie professionnelle et vie familiale (16). Il convient par ailleurs d'exploiter pleinement le potentiel économique offert par "l'économie des seniors".

5.   Demandes et recommandations concernant l’emploi des jeunes et des chômeurs de longue durée

5.1   Poursuite des objectifs ambitieux de l’UE en matière d’emploi des jeunes

5.1.1

Les lignes directrices comportent un indicateur de réduction du nombre de jeunes qui ne travaillent pas, ne suivent aucun enseignement ni aucune formation (NEET). Même si les États membres ont diversifié leurs mesures en fonction des particularités des différents sous-groupes NEET, en tenant également compte des groupes particulièrement défavorisés (17), il manque toujours des objectifs concrets pour lutter contre le chômage des jeunes et améliorer leur situation sur le marché de l’emploi. Le CESE insiste une nouvelle fois pour que cet élément central trouve une traduction beaucoup plus concrète dans les lignes directrices, en particulier par l’ajout d’objectifs européens quantifiables en matière d’emploi des jeunes, notamment: 1) un objectif consistant en une diminution significative du chômage des jeunes et 2) un délai maximal de 4 mois pour l’activation des jeunes cherchant un travail ou un poste d’apprentissage. Il n’a pas été très profitable de laisser aux États membres le soin de définir des objectifs spécifiques en matière d’emploi des jeunes, puisque quelques pays seulement ont formulé des objectifs à cet égard dans leur programme national de réforme (18).

5.2   Mise en œuvre cohérente par les États membres de la "garantie pour la jeunesse" pour le groupe "NEET"

5.2.1

Le CESE, qui avait préconisé que les États membres offrent à tous les jeunes un emploi, une formation générale ou professionnelle complémentaire ou des mesures d’activation et d'inclusion dans les quatre mois suivant leur sortie de l’école, se réjouit de constater que l’initiative phare "Jeunesse en mouvement" ait pris sa demande en compte en proposant une "garantie pour la jeunesse" (19). Dans ce contexte, le CESE approuve sans réserve la demande faite par la Commission aux États membres de recenser dans les plus brefs délais les obstacles dans ce domaine, qu'il convient de supprimer au moyen de mesures concrètes définies dans le cadre des plans nationaux de réforme. À cette fin, il sera nécessaire, dans plusieurs pays, de renforcer vigoureusement les aides spécifiques garanties par les services de l'emploi, en accordant davantage d'attention aux groupes défavorisés (surtout ceux issus de l'immigration ou d'origine rom).

5.2.2

À cet égard, les États membres sont aussi invités à mettre effectivement en œuvre, également en ce qui concerne les jeunes, les priorités générales convenues dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi, et à fixer en conséquence des buts et des objectifs ambitieux; il s'agira notamment, dans cet esprit, de prendre des mesures équilibrées pour améliorer la flexibilité et la sécurité, d'encourager la mobilité de la main-d'œuvre, de créer des systèmes de sécurité sociale appropriés pour encadrer la transition vers le marché de l'emploi, ainsi que de favoriser l'esprit d'entreprise et la mise en place de conditions générales adéquates pour maintenir et créer des emplois, notamment au sein des PME.

5.3   Davantage de moyens de l'UE, plus facilement accessibles, pour lutter contre le chômage des jeunes et le chômage de longue durée

5.3.1

Pour faire baisser rapidement le chômage des jeunes et le chômage de longue durée, le CESE insiste sur la nécessité de prendre des mesures spécifiques en matière de politique sociale, de formation et du marché de l'emploi, précisément lorsque la situation budgétaire est tendue. Dans son initiative actuelle sur "les perspectives d’emploi des jeunes" (20), la Commission insiste en substance sur la nécessité d'une aide rapide et non bureaucratique, surtout dans les pays les plus touchés par le chômage des jeunes (21). Les États membres dont la situation du marché de l'emploi est particulièrement tendue pour les jeunes et les chômeurs de longue durée et qui doivent en même temps répondre à des obligations de restrictions budgétaires devraient pouvoir accéder plus aisément aux moyens de l'UE destinés en particulier à des mesures relevant de la "garantie pour la jeunesse" ainsi qu'à des investissements en faveur de la création d'emplois. Des procédures et des simplifications pragmatiques et flexibles doivent être mises en place dans l'administration pour l'utilisation des moyens, jusqu'à la suppression temporaire du cofinancement par les États membres pour les interventions du FSE et d'autres fonds européens.

5.4   Des moyens appropriés pour lutter contre le chômage des jeunes et le chômage de longue durée dans le nouveau budget de l'UE

5.4.1

Le CESE a déjà souligné combien il importe, malgré la réévaluation des priorités budgétaires imposée à tous les États membres par la crise économique, de continuer à prévoir des moyens nationaux et européens pour la formation, la formation professionnelle et l'emploi des jeunes et des chômeurs de longue durée, et si nécessaire de les augmenter (22). Dans cet esprit, le CESE demande que la nouvelle programmation financière à partir de 2014 prévoie suffisamment de moyens au titre du FSE pour les initiatives spécifiquement destinées aux jeunes et aux chômeurs de longue durée  (23). Il conviendrait en outre, selon le CESE, d'examiner comment les autres fonds de l'UE pourraient être affectés à des mesures de lutte contre le chômage des jeunes et le chômage de longue durée.

5.5   Meilleur accès des jeunes et des chômeurs de longue durée aux prestations de soutien en cas de chômage

5.5.1

Il existe des différences considérables entre les États membres de l'UE pour ce qui est de l'accès aux allocations de sécurité sociale et de l'ampleur des prestations, et ce, pas uniquement pour les jeunes. Dans les lignes directrices pour l'emploi, les États membres sont invités, à juste titre, à adapter leur système de sécurité sociale, afin d'éviter toute faille en matière de sécurité sociale sur les marchés de l'emploi plus flexibles. Cela concerne toutes les tranches d'âge de la même manière. Selon le CESE, l'accès très limité des jeunes aux prestations de soutien en cas de chômage, pouvant être constaté dans la plupart des États membres, reste pourtant une question qui n'a pas été suffisamment abordée jusqu'à présent (24). Quelques pays ont, sous certaines conditions, amélioré l'accès aux allocations de chômage pour les groupes défavorisés – dont les jeunes – pendant la crise. Ces mesures sont toutefois limitées dans le temps ou risquent d'être supprimées dans la foulée des plans d'austérité prévus.

5.5.2

Le CESE demande que dans tous les pays de l'UE, l'on réexamine, et le cas échéant, l'on améliore les conditions d'accès aux prestations de soutien pour les jeunes chômeurs et les chômeurs de longue durée prêts à travailler et à la recherche d'un emploi ou d'une formation. L'ajout d'objectifs en la matière dans les programmes nationaux de réforme est aussi à conseiller. Cela apporterait une contribution importante à la lutte contre la situation précaire de nombreux jeunes cherchant à entrer sur le marché du travail.

5.6   Lutte contre le travail précaire et les formes de travail non réglementées dans le secteur des apprentissages et des stages

5.6.1

Chez les 15-24 ans, non seulement le chômage est deux fois plus élevé que chez les adultes, mais aussi la proportion de relations de travail précaires (plus de 60 % dans certains pays), l'augmentation des apprentissages et des stages non réglementés (surtout dans les pays du sud de l'Europe (25)), ainsi que les emplois sous le niveau de qualification. En matière d'intégration dans le marché de l'emploi, le CESE déconseille les solutions par trop instables et dénuées de perspectives: plutôt que de miser sur l'emploi précaire et des contrats de travail incertains, il y a lieu de mettre en œuvre des mesures qui garantissent que le travail à durée déterminée et les emplois faiblement rémunérés et assortis d'une protection sociale insuffisante ne deviendront pas la norme pour les jeunes.

5.6.2

Dans plusieurs avis, le CESE a pris position sur les domaines nécessitant une intervention en ce qui concerne l'adaptation de la formation et de la qualification, entre autres pour garantir que les jeunes suivent la formation qui est demandée sur le marché de l'emploi (26). Afin de remédier aux inadéquations existantes entre l'offre et la demande sur le marché du travail, découlant entre autres d'un manque de compétences, d’une faible mobilité géographique ou de conditions salariales insuffisantes (27), les établissements d'enseignement sont invités à adapter leurs programmes d'étude aux exigences du marché de l'emploi, les employeurs à élargir leurs canaux de recrutement à de nouveaux travailleurs, et les autorités à investir dans des mesures actives efficaces en faveur du marché de l'emploi. Les personnes en formation ont elles aussi une responsabilité concernant leur future aptitude à l'emploi.

5.6.3

S'agissant de l'initiative de la Commission concernant les stages, le CESE soutient la mise en place d'un cadre européen de qualité en la matière, dont il conviendrait de faire la promotion également auprès des entreprises, afin que celles-ci proposent des postes favorisant l'apprentissage, encadrés par des contrats contraignants pour les deux parties, et ce, aussi aux jeunes désavantagés au niveau de la formation. Le système dual d'apprentissage, combinant formation générale et professionnelle, a donné de bons résultats dans plusieurs pays et il conviendrait d'examiner la possibilité de transposer certains de ses éléments.

5.7   Principes fondamentaux pour lutter contre le chômage des jeunes

5.7.1

Le CESE propose des mesures destinées à lutter contre le chômage des jeunes dans le respect des principes fondamentaux suivants: améliorer l'employabilité des jeunes en réformant l'enseignement afin d'aboutir à une meilleure adéquation entre la formation et les profils recherchés, y compris par des partenariats entre les écoles, les entreprises et les partenaires sociaux; avoir des politiques actives du marché du travail, notamment en vue d'aider et d'inciter davantage les jeunes à trouver du travail; étudier les effets de la législation en matière de protection de l'emploi; soutenir l'entreprenariat des jeunes.

5.8   Lutter contre le chômage de longue durée et la perte de contact avec le monde du travail

5.8.1

La stagnation due à la crise de la demande de main-d'œuvre, qui se poursuit actuellement, provoque une augmentation du chômage de longue durée, qui a pour conséquence de graves difficultés à s'insérer sur le marché du travail et conduit ensuite même à l'augmentation de la pauvreté au travail. Le CESE recommande aux États membres de veiller tout particulièrement à créer des marchés intermédiaires de l'emploi, où des fonds publics financent un nombre approprié d'emplois adaptés, de manière à ce que les chômeurs de longue durée restent en contact avec le monde du travail et accroissent leur savoir-faire. De cette manière, l'on empêche la pauvreté au travail de croître et l'on permet à ces travailleurs de passer aisément sur le marché ouvert de l'emploi, une fois la crise terminée.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur la "Proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres – partie II des lignes directrices intégrées Europe 2020" (rapporteur: M. Greif) (JO C 21/66 du 21.1.2011).

(2)  Le CESE a pris position sur les effets de la crise et les mesures à prendre pour en sortir dans plusieurs avis et en diverses occasions, notamment d'éminente façon dans une déclaration de son Président lors de la session plénière de décembre 2011 (http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/di_ces20-2011_di_fr.doc).

(3)  Voir par exemple les prévisions d'automne pour 2011-2013 publiées récemment par la Commission européenne.

(4)  À propos des conséquences sociales de la nouvelle gouvernance économique, voir l'avis du CESE du 22 février 2012 intitulé "Conséquences sociales de la nouvelle législation en matière de gouvernance économique", rapporteure: Mme Bischoff (voir page 23 du présent journal officiel).

(5)  Sauf indication contraire, les chiffres sont basés sur l'Enquête sur les forces de travail (EFT) de l'Union européenne (http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/labour_market/introduction) et se rapportent au deuxième trimestre 2011. Ils font généralement référence à la tranche d'âge des 15-64 ans.

(6)  Voir point 7 de l'avis du CESE sur le thème "Jeunesse en mouvement" (rapporteur: M.Trantina, corapporteur: M. Mendoza Castro), JO C 132/55 du 3.5.2011.

(7)  Selon les derniers calculs d'Eurofound, les coûts de cette exclusion des jeunes du marché de l'emploi s'élèvent dans l'UE à près de 100 milliards d'euros par an.

(8)  Il tient compte de la totalité des jeunes actifs de manière à réduire l'éventuelle distorsion due aux taux élevés d'inactivité parmi les jeunes n'ayant pas terminé leurs études.

(9)  http://ec.europa.eu/europe2020/priorities/smart-growth/index_fr.htm.

(10)  http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/education/introduction.

(11)  Cf. EMCO/28/130911/EN-rév. 3, p. 27 et suivantes.

(12)  Les salariés travaillant involontairement à temps partiel sont ceux "n'ayant pas pu trouver un travail à temps complet".

(13)  Il est recommandé qu'Eurostat fournisse à l'avenir des données distinctes pour les travailleurs temporaires et les travailleurs intérimaires.

(14)  Moins de 60 % du revenu médian équivalent des ménages.

(15)  Voir paragraphe 3.1 de l'avis du CESE sur les "Résultats du sommet pour l'emploi" (rapporteur: M. Greif), JO C 306/70 du 16.12.2009.

(16)  Avis du CESE sur "L'avenir du marché du travail en Europe – à la recherche d'une réponse efficace aux évolutions démographiques" (rapporteur: M.Greif), JO C 318/1 du 29.10.2011.

(17)  "Young People and NEETs in Europe: first findings" – EUROFOUND – EF1172EN http://www.eurofound.europa.eu/pubdocs/2011/72/en/1/EF1172EN.pdf.

(18)  Seuls quatre pays (la Belgique, la République tchèque, la Bulgarie, l’Estonie) ont formulé en 2011 des objectifs nationaux de lutte contre le chômage des jeunes dans leurs programmes nationaux de réforme.

(19)  "Jeunesse en mouvement", COM(2010) 477, paragraphe 5.4.

(20)  Voir les propositions en la matière dans le document publié récemment par la Commission, intitulé "Initiative sur les perspectives d’emploi des jeunes" (COM(2011) 933).

(21)  Ligne directrice no 7, décision du Conseil 2010/707/UE.

(22)  Point 8 de l'avis du CESE sur le thème "Jeunesse en mouvement", JO C 132/55 du 3.5.2011, et avis du CESE sur "La crise, l'éducation et le marché du travail" (rapporteur: M. Soares), JO C 318/50 du 29.10.2011.

(23)  Ainsi, le CESE demande qu'au moins 40 % de l’ensemble des ressources du FSE soient affectées à la promotion de l'emploi et de la mobilité professionnelle, ce qui permettrait de faire figurer un grand nombre de mesures en faveur des jeunes au centre des projets mis en place. Voir à ce sujet l'avis du CESE sur le "Fonds social européen" (voir page 82 du présent journal officiel), rapporteur: M. Verboven, corapporteur: M. Cabra de Luna, paragraphes 1.5 et 4.1.

(24)  Les données relatives à la population active (Eurostat) montrent que dans l'UE-27, les jeunes âgés de 15 à 24 ans ont en moyenne trois fois moins accès aux prestations du chômage que les autres groupes; aucune amélioration durable n'a été constatée pendant la crise.

(25)  Ce problème concerne moins les pays d'Europe du Nord, qui ont une longue expérience pratique des relations réglementées entre les personnes en formation, les instituts de formation et les employeurs. Cela s'applique aussi aux pays dans lesquels existe un système éprouvé et bien développé de formation professionnelle duale (Allemagne, Autriche).

(26)  Voir à ce sujet l'avis actuellement élaboré par le CESE sur "La modernisation des systèmes d'enseignement supérieur en Europe" (pas encore publié au JO), l'avis du CESE sur le thème "Emploi des jeunes, compétences techniques et mobilité" (JO C 68/11 du 6.3.2012), rapporteure: Mme Andersen, et l'avis du CESE intitulé "Enseignement et formation professionnels postsecondaires" (JO C 68/1 du 6.3.2012), rapporteure: Mme Drbalová.

(27)  Voir COM(2011) 933 – "Initiative sur les perspectives d’emploi des jeunes".


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/102


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le troisième programme d'action pluriannuel de l'Union dans le domaine de la santé pour la période 2014-2020, intitulé “La santé en faveur de la croissance”»

COM(2011) 709 final — 2011/0339 (COD)

2012/C 143/19

Rapporteure générale: Mme OUIN

Le Parlement européen, en date du 30 novembre 2011, et le Conseil, en date du 12 décembre 2011, ont décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le troisième programme d'action pluriannuel de l'Union dans le domaine de la santé pour la période 2014-2020, intitulé "La santé en faveur de la croissance""

COM(2011) 709 final – 2011/0339 (COD).

Le 6 décembre 2011, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée "Emploi, affaires sociales, citoyenneté" de préparer les travaux du Comité en la matière (rapporteure générale: Mme OUIN).

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 23 février 2012) de nommer Mme Béatrice OUIN rapporteure générale, et a adopté le présent avis par 169 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE salue l’initiative de la Commission: l’existence de ce 3e programme, en cette période de crise, est un message positif en direction des citoyen(ne)s européen(ne)s. Il se félicite d'un programme spécifiquement dédié à la santé, et dont le budget, bien que modeste, a été augmenté;

1.2

Le CESE apprécie le recentrage sur un nombre réduit de priorités et l'augmentation du plafond de subvention pour les pays dont le revenu national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne de l'UE (1);

1.3

Le CESE partage l’opinion qu’il faut rechercher une meilleure utilisation des ressources financières et humaines, mais met en garde contre les tentations de réduire les budgets et les services publics de santé en période de crise;

1.4

Le CESE considère, qu’en matière de santé, la plus value européenne est d’encourager les échanges de bonnes pratiques et la diffusion des principes d’inclusion de la santé dans toutes les politiques, de lutte contre les inégalités de santé, et de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale;

1.5

Le CESE insiste sur la prévention pour le maintien d’une population en bonne santé: éducation à la santé, amélioration des conditions de travail, de vie et de logement. Vieillir en bonne santé se prépare tout au long de la vie;

1.6

Le CESE affirme que si la pénurie de main-d’œuvre est générale dans ce secteur, il y a lieu de rechercher des solutions communes: égalité professionnelle, réévaluation des compétences et des salaires, reconnaissance du niveau élevé de technicité, prise en compte des savoir-faire issus du travail informel dans la famille, mixité des emplois, amélioration des conditions de travail et de l’organisation du temps de travail, formation tout au long de la vie, aménagement de fins des carrière prenant en compte les charges physiques et psychologiques du personnel soignant;

1.7

Le CESE estime préférable de former des chômeurs à ces métiers plutôt que de faire venir des personnels déjà formés dans des pays tiers ou d’autres pays de l’Union, pour éviter que les pays d’origine soient privés de leurs compétences;

1.8

Le CESE insiste sur la nécessité de donner aux familles et à la communauté (amis, voisins..) les moyens de s’occuper des malades et des personnes dépendantes, avec une meilleure répartition du temps de travail sur toute la vie;

1.9

Le CESE encourage les échanges d’expériences concernant l’usage des systèmes de santé en ligne tant par les professionnels que les particuliers, et demande que des cadres européens soient définis:

pour protéger les données confidentielles en cas d’échange transfrontalier des dossiers de patients ou des prescriptions,

pour s’assurer de l’exactitude des informations diffusées sur les sites web pour tous par un système d’accréditation par des autorités de santé compétentes.

1.10

Le CESE considère que parmi les priorités (tabac, alcool, obésité et VIH), il convient d’ajouter les nouveaux risques liés:

au changement climatique, à la pollution, à la diffusion des produits chimiques, aux nanotechnologies,

à la sûreté des médicaments et prothèses, à la surconsommation médicamenteuse,

aux changements des modes de vie et d'alimentation et à leurs conséquences sur la reproduction humaine,

à la santé mentale, tels que le stress, les dépressions, la maladie d’Alzheimer.

1.11

Il convient de continuer à encourager les nouvelles technologies dans le domaine des soins de santé en vue de réduire la charge de travail du personnel soignant, d'améliorer la qualité des soins et de l'assistance prodigués aux patients, ainsi que d'accroître et de faciliter la mobilité des personnes âgées

2.   Le contexte

2.1

De la lutte contre les inégalités de santé à celle contre l’alcoolisme, de la maladie d’Alzheimer au cancer, en passant par la lutte contre le tabagisme et la sécurité des patients, les avis rendus par le Comité économique et social européen depuis deux ans sur les questions de santé sont nombreux (2)

2.2

Si le secteur des soins de santé peut apporter une contribution précieuse à la croissance économique, la santé ne peut s'y résumer. Pour améliorer la viabilité des systèmes de santé qui interviennent lorsque la maladie est là, il faut d'abord préserver la bonne santé de la population par des mesures de prévention et de santé publique et inclure la santé dans toutes les politiques. Il serait utile de disposer de davantage de statistiques sur les activités des systèmes de soins.

2.3

La crise économique conduit à des coupes sombres dans les budgets qui mettent en danger la qualité des services publics de santé, et l’accès de tous aux soins. Préserver la bonne santé de la population dans un contexte de changements démographique et climatique demande d’y consacrer les moyens suffisants.

2.4

Rester en bonne santé requiert une éducation à la santé dès l’enfance (dispensée par la famille, les établissements d'enseignement et les médias), une alimentation saine à tous les âges, la limitation des expositions aux produits dangereux, des conditions de vie dignes, des conditions de travail décentes etc. Un accent particulier doit être porté sur le vieillissement en bonne santé, car les plus gros consommateurs des systèmes de soins sont - outre les nouveau-nés - les personnes âgées. Vieillir en bonne santé doit se préparer tôt.

2.5

L’amélioration des conditions de vie et de travail et la prévention sont les meilleurs moyens pour préserver l’état de santé de la population et donc diminuer l’absentéisme professionnel et les coûts des soins de santé.

2.6

Le premier fléau à combattre est la pauvreté et l'exclusion sociale: le froid, la faim, le déséquilibre alimentaire, le manque d’hygiène, le logement insalubre, souvent conjugués à la solitude, l’absence de médecine préventive etc. sont propices au développement de maladies, en particulier de maladies chroniques, qui représentent un coût très élevé pour les systèmes de protection sociale, c'est-à-dire pour tous les citoyens qui contribuent à leur financement.

2.7

Le Comité partage l’objectif de contribuer à des systèmes de santé innovants et viables, qui nécessitent d’élaborer les outils et mécanismes communs pour faire face à la pénurie de ressources humaines et financières. Il est nécessaire d'investir des ressources accrues dans les soins à domicile et dans les soins de santé "légers" en réorientant les dépenses liées aux soins hospitaliers, ce qui permettra de reconnaître le rôle des familles pour maintenir la population en bonne santé et renforcer la pérennité du système de soins.

2.8

C’est dès le plus jeune âge et dans la famille que commence l’éducation à la santé, qui comprend des notions d’hygiène, d’équilibre alimentaire, de comportement mais aussi un environnement affectif stable. Si la famille est le premier lieu d’apprentissage des règles pour rester en bonne santé, c’est aussi elle qui s’occupe des malades, d’une part parce que beaucoup de maladies ne nécessitent pas d’hospitalisation et que les personnes restent à leur domicile, dans leur famille, et d’autre part parce que lorsqu’un malade est hospitalisé, les visites de sa famille et de ses proches lui apportent un soutien psychologique et matériel, aux côtés du personnel hospitalier. Cette fonction essentielle de la famille et de l'entourage doit être préservée, car lorsque la maladie diminue les capacités, c’est par ses proches qu’on a d’abord besoin d’être entouré, soutenu.

2.9

Les modifications de la structure familiale ne sont pas sans effets sur la santé mentale et physique, et il faut agir en amont sur ce qui permet à la famille de rester un environnement sécurisant.

2.10

"La diminution de l’offre de soins informels dans le cadre familial" n'est pas une donnée inéluctable. Ce n’est pas le souhait des malades d’être soignés en premier lieu par des professionnels. La famille ne peut pas remplacer les professionnels pour les actes qui demandent une compétence technique spécialisée. Mais les malades et leur famille doivent avoir le choix s’agissant de toutes les tâches d’accompagnement du maintien à domicile. D’où le besoin de permettre à tous les actifs de s’absenter de leur travail, lorsque l’un des membres de la famille requiert des soins.

2.11

Au moment où tous les systèmes de retraite doivent être revus, il faut en profiter pour rééquilibrer le temps de travail tout au long de la vie. Si l’allongement de la durée de la vie rend possible de travailler plus longtemps, les hommes et les femmes doivent pouvoir demander à bénéficier au cours de la vie active de congés longs, à plein temps ou à temps partiel, financés comme l’est la retraite, pour s’occuper des proches malades, des personnes âgées dépendantes. Il faudrait instaurer une plus grande liberté de choix pour que les salariés puissent disposer selon leurs besoins du temps financé par leur travail, pas seulement à la retraite. Les partenaires sociaux européens qui ont déjà négocié le congé parental pourraient poursuivre avec ces congés, ces comptes/temps nécessaires pour répondre au besoin de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

2.12

Pour que la famille reste le premier lieu de solidarité, encore faut-il qu’elle en ait les moyens. Dès à présent, il convient de prendre en compte dans le calcul des droits à la protection sociale et à la retraite le temps passé par les personnes qui accompagnent un proche malade ou dépendant.

2.13

Il faut aussi développer des services pour aider les personnes dépendantes dans les besoins de la vie quotidienne: aide à la toilette, ménage, préparation des repas, garde de nuit. Ce secteur des emplois d’aide à la famille est en plein développement: des emplois s’y créent. Dans trop de pays, le travail à domicile est encore informel, non déclaré, non protégé, sans qualification reconnue, souvent accompli par des travailleuses migrantes. C’est un domaine essentiel pour l’égalité entre les hommes et les femmes, où les stéréotypes pèsent lourd, la technicité n’est pas reconnue, les contrats sont précaires ou inexistants, les salaires très bas alors que ces emplois sont indispensables pour faire fonctionner l'économie. La convention que vient d’adopter l’OIT sur le travail décent pour les travailleurs domestiques devrait contribuer à moraliser et professionnaliser ce secteur, à condition que soient trouvées les conditions de financement, qui ne pourra venir uniquement de la poche de malades qui en ont besoin ou de leur famille.

3.   Objectifs du programme

3.1

Le programme propose de diffuser les solutions innovantes pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre. Dans cette période de chômage massif en Europe, il faut s’interroger sur les difficultés de recrutement de la filière des soins de santé. Cette branche professionnelle, très féminisée n’attire pas assez de jeunes, ni d’hommes: reconnaissance insuffisante des qualifications et compétences, horaires et conditions de travail pénibles, bas salaires en sont la cause. L’égalité professionnelle passe par la revalorisation des salaires et une meilleure reconnaissance des compétences techniques ainsi que l’accès à la formation tout au long de la vie.

3.2

Une innovation importante consisterait à accroitre la présence des hommes Pour laquelle des mesures s'imposent. Les partenaires sociaux devraient promouvoir des politiques pour favoriser la présence de groupes sous-représentés. Il faut être vigilant quand le statut d'auto-entrepreneur conduit des personnels soignants à négliger les temps de pause et à travailler jusqu'à l'épuisement. L’accent doit être mis aussi sur toutes les innovations techniques, organisationnelles et sociales qui permettront d’améliorer les conditions de travail et de diminuer la pénibilité.

3.3

Dans le secteur des soins de santé où les contraintes sont fortes, les malades ont besoin de soins 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Le travail de nuit, les horaires difficilement compatibles avec une vie familiale y sont nécessaires. Parvenir à des conditions de travail satisfaisantes demande d’associer étroitement le personnel aux décisions. Les partenaires sociaux, dans le cadre du dialogue social sectoriel, doivent envisager la mise en œuvre de conceptions du lieu de travail innovantes telles que la gestion individuelle du temps de travail (self-rostering) pouvant bénéficier du soutien des instruments des TIC (technologies de l'information et de la communication).

3.4

Les partenaires sociaux doivent travailler avec les pouvoirs publics pour soutenir la formation à l'apprentissage tout au long de la vie, la mobilité interne des postes et l'obtention de compétences en gestion et en organisation. Afin de permettre de concilier plus facilement travail et apprentissage, ils doivent prendre en compte une série d'options parmi lesquelles les détachements, la formation dans l'emploi, l'apprentissage en ligne. L'élargissement des possibilités de carrière est essentiel pour la rétention du personnel.

3.5

Répondre à la pénurie de main-d’œuvre en favorisant la formation de chômeurs et un salaire approprié parait une meilleure solution que d’attirer des travailleurs déjà formés venant de pays tiers: en effet, ces médecins, infirmières, kinésithérapeutes etc. venus d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine manqueront à leurs pays qui ont financé leurs formations. Les partenaires sociaux européens de la santé ont élaboré un code de conduite concernant le recrutement et la rétention transfrontaliers éthiques dans le secteur hospitalier. Il convient de l’appliquer et de l’étendre. Lorsque des professionnels venus de pays tiers veulent néanmoins s’installer en Europe, le comité, dans un avis sur Santé et migration en 2007 proposait la création d’un fonds d’indemnisation pour que d’autres professionnels puissent être formés dans leurs pays (3).

3.6

Le premier objectif du programme consiste à "encourager la coopération européenne en matière d’évaluation des technologies de la santé (ETS) et à étudier les possibilités qu’offrent la santé en ligne et les technologies de l’information et de la communication (TIC) au service de la santé". Il convient que des cadres européens soient définis pour protéger les données confidentielles en cas d’échange transfrontalier (p.ex. des dossiers de patients ou des prescriptions).

3.7

Le deuxième objectif du programme est d’"améliorer l’accès, par-delà les frontières nationales également, aux connaissances et aux informations médicales sur certains états pathologiques et mettre au point des solutions et des orientations communes pour améliorer la qualité des soins de santé et la sécurité des patients, de manière à améliorer l’accès à des soins de santé de meilleure qualité et plus sûrs pour les citoyens de l’Union". Des sites internet sur les questions de santé destinés au grand public, très consultés, diffusent l’information médicale et contribuent à l’éducation à la santé. Pour les troubles bénins, leur consultation peut éviter un recours au médecin. En informant sur les bienfaits des médecines traditionnelles, des médecines douces, soins par les plantes, cures thermales, massages etc. ils aident à rester en bonne santé. Diffuser une meilleure connaissance de soi, des besoins psychologiques et physiologiques est utile pour maintenir un bon état de santé de la population, limiter la surconsommation tant des soins que des médicaments, Il convient que des échanges soient organisés et des cadres européens définis pour garantir l’exactitude des informations diffusées au public (accréditation) afin d’éviter la prolifération de ceux qui ne recherchent que le profit en abusant de la crédulité des malades.

3.8

Il faut encourager l’échange de bonnes pratiques sur les mécanismes mis en œuvre dans telle ou telle région pour améliorer l’accès aux soins, permettre le maintien ou l’arrivée de médecins et de personnel soignant qualifié, en milieu rural ou dans les quartiers les plus pauvres, sur la planification des systèmes et politiques de santé et des services à la personne.

3.9

Le troisième objectif propose de "recenser et diffuser des pratiques exemplaires validées pour une prévention économiquement efficace axée sur les principaux facteurs de risque que sont le tabagisme, l’abus d’alcool et l’obésité, ainsi que sur le VIH/sida". Dans un programme où l’innovation est très présente, il faut aussi promouvoir l’échange sur les nouveaux facteurs de risque tout aussi importants pour l’avenir.

3.10

De nouveaux troubles et de nouvelles maladies chroniques apparaissent qui seront les problèmes importants du XXIe siècle, dus au changement climatique, à l’augmentation de la pollution, aux modifications des modes de vie (sédentarisation, longues heures assis devant un écran, etc.) et à la diffusion de nombreux agents chimiques dont les effets à long terme sur la santé sont inconnus.

3.11

Entre la fin du XIXe siècle où elle a commencé à être utilisée dans l’industrie et le bâtiment et son interdiction à la fin du XXe siècle, l’amiante a tué des dizaines de milliers de travailleurs.

3.12

L’agriculture utilise des pesticides et autres produits chimiques dont la nocivité pour l’organisme ne se révèle qu’à long terme. Des études s’inquiètent du taux de cancers chez les agriculteurs. Ces produits se diffusent dans l’air, dans l’eau, et dans les aliments. Pour conserver les aliments plus longtemps, en modifier le goût, l’industrie agroalimentaire utilise aussi des adjuvants.

3.13

S'y ajoutent les produits d’entretien pour le domicile et les locaux de travail, les nombreux produits utilisés dans l’industrie et les médicaments. La surconsommation médicamenteuse a déjà pour conséquence la résistance aux antibiotiques. Ces antibiotiques que l'on donne aussi aux animaux d'élevage, et qui se diffusent dans l'eau. D'autres produits, gaz, suies etc. se diffusent dans l'atmosphère. Ensemble, ces produits composent une "soupe chimique" présente dans l'environnement dont l’une des conséquences semble être l’augmentation rapide d'allergies et de cancers. Les ondes aussi sont source de nuisances.

3.14

Une autre question préoccupante est celle des conséquences de l’exposition aux produits, aux radiations et des changements de mode de vie sur les capacités reproductive des êtres humains. Si les causes de la baisse de la natalité sont avant tout sociologiques, il ne faut pas négliger les difficultés physiologiques grandissantes de nombreux couples lorsqu’ils décident d’avoir un enfant.

3.15

Parmi les nouveaux risques, le stress au travail est l’une des causes de dépressions pouvant aller jusqu'au suicide. Le stress des chômeurs et plus globalement de tous ceux qui se sentent inutiles à la société mériterait lui aussi d’être combattu. La santé mentale est une composante essentielle de l'état de santé de la population.

3.16

Bien vieillir se prépare tout au long de la vie. Les conditions de travail jouent un rôle déterminant: l’espérance de vie n’est pas la même pour les employés de bureau, les travailleurs postés ou les salariés de l’agriculture. Diminuer la pénibilité, limiter le travail de nuit, abaisser le niveau de stress sont autant de façon de préparer une vieillesse en bonne santé.

3.17

Pour vieillir en bonne santé, il est essentiel de conserver un sentiment d’utilité sociale, un réseau de relations, une curiosité en éveil, de maintenir une activité, professionnelle ou bénévole, de pratiquer des activités sportives, avoir une bonne hygiène de vie.

3.18

Un autre sujet, celui de la fin de la vie, mériterait des échanges européens parce qu’il concerne la responsabilité de chaque citoyen et son rapport à l’idée qu’il se fait d’une vie digne. Aujourd’hui, l’écrasante majorité de la population meurt à l’hôpital; aussi la fin de la vie est une question importante.

3.19

Développer des services de soins palliatifs permettant d’éviter la souffrance quand le malade est condamné et les soins curatifs inopérants est indispensable. Ces services n’existent pas dans tous les hôpitaux, ou ne peuvent accueillir tous ceux qui en ont besoin.

3.20

Le quatrième objectif du programme est d’ "Élaborer des méthodes communes et en démontrer les mérites s’agissant d’améliorer la préparation et la coordination en situation d’urgence sanitaire, de manière à protéger les citoyens des menaces sanitaires transfrontalières". Les épidémies ne connaissant pas de frontières, la coopération dans ce domaine est essentielle. Il conviendrait de tirer les leçons des mesures prises afin d’éviter à l’avenir le gaspillage. Faire la distinction entre les mesures de prévention, qui relève de l’éducation, qui peuvent être pérennisées et celles qui comporte l’achat de produits dont la durée de vie est limitée. L’échange sur les coûts et les résultats pourrait permettre d’élaborer des méthodes appropriées aux objectifs.

Bruxelles, le 23 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Cf: EE, HU, LV.

(2)  Voir les avis du CESE des:

 

JO C 18/74 du 19.01.2011

 

JO C 339/1 du 14.12.2010

 

JO C 255/72 et 76 du 22.09.2010

 

JO C 128/89 du 18.05.2010

 

JO C 228/113 du 22.09.2009

 

JO C 318/10 du 23.12.2009

 

JO C 306/64 du 16.12.2009

 

JO C 317/105 du 23.12.2009

 

JO C 218/91 du 11.09.2009

 

JO C 175/116 du 28.07.2009

 

JO C 77/115 du 31.03.2009

 

JO C 224/88 du 30.08.2008

 

JO C 77/96 du 31.03.2009.

(3)  Avis du CESE, JO C 256 du 27.10.2007, p. 123.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/107


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la sécurisation des activités de prospection, d'exploration et de production pétrolières et gazières en mer»

COM(2011) 688 final — 2011/0309 (COD)

2012/C 143/20

Rapporteur: M. George Traill LYON

Le 17 et le 29 novembre 2011, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément à l'article 192, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la sécurisation des activités de prospection, d'exploration et de production pétrolières et gazières en mer»

COM(2011) 688 final – 2011/0309 (COD).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 janvier 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 111 voix pour, 2 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Bien que les accidents majeurs liés à des activités pétrolières et gazières en mer soient rares, leurs conséquences sur la vie humaine, l'environnement, l'économie et le climat sont souvent catastrophiques.

1.2

La nécessité d'une approche cohérente de l'UE concernant la sécurité des activités pétrolières et gazières en mer est de ce fait largement admise.

1.3

Le meilleur moyen d'atteindre cet objectif consiste à diffuser et à mettre en œuvre les normes les plus élevées déjà appliquées dans une bonne partie du secteur.

1.4

Le CESE approuve la Commission lorsqu'elle recommande l'«option 2» comme train de mesures le plus adéquat pour atteindre les objectifs énoncés dans la proposition.

1.5

Le règlement devrait viser à renforcer la délégation aux autorités nationales compétentes et aux parties prenantes de la régulation des mesures de réforme, en réservant un rôle bien défini mais restreint au groupe des autorités offshore de l'UE proposé.

1.6

Le CESE encourage la Commission à favoriser une conclusion rapide de ses délibérations en ce qui concerne la sécurité des produits, les capacités financières et – le plus important - la responsabilité des entreprises.

1.7

Les exploitants européens qui prennent part à des activités d'exploration et de production en dehors du territoire de l'Union doivent être encouragés à exporter les meilleures normes de l'UE.

2.   Introduction

2.1

Le 27 octobre 2011, la Commission a présenté sa proposition de règlement relatif à la sécurisation des activités de prospection, d'exploration et de production pétrolières et gazières en mer.

2.2

L'accident majeur du Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique en avril 2010 et, comme l'affirme la Commission, le risque considérable qu’un accident majeur lié à des activités pétrolières et gazières en mer survienne dans les eaux de l’Union, laissent peu de doutes quant à l'urgente nécessité de traiter les questions évoquées par la Commission dans l'analyse d'impact accompagnant la proposition et d'adopter des mesures appropriées. Ces questions concernent:

la prévention et, dans la mesure de ce qui est raisonnablement possible, l'élimination des accidents majeurs;

la limitation et l'atténuation des conséquences de catastrophes majeures;

une meilleure protection de l’environnement marin et des économies littorales contre les effets de la pollution;

la nécessité d'améliorer la portée et l'efficacité des interventions en cas d'accident entre les États membres;

la nécessité d’établir, à plus ou moins brève échéance, des orientations claires sur la responsabilité des exploitants offshore pour les dommages directs et indirects occasionnés à des tiers;

la nécessité de concevoir et d'harmoniser un ensemble de conditions-cadres essentielles pour garantir la sécurité de fonctionnement des installations et équipements en mer;

la nécessité de regagner la confiance du public concernant la sécurité, la bonne gestion et la régulation des activités pétrolières et gazières en mer.

2.3

La Commission estime que le meilleur moyen d'atteindre ces objectifs consiste:

à améliorer les procédures d'enquête, d'octroi de concessions, de régulation et de contrôle des exploitants et opérateurs de ce secteur;

à encourager une culture d'entreprise favorable à l'adoption de bonnes pratiques de sécurité;

à supprimer les incohérences entre les pratiques suivies par les États membres;

à mieux gérer et coordonner les ressources et la capacité d’intervention;

à améliorer la vérification des équipements critiques de sécurité (notamment la vérification par une tierce partie indépendante);

à effectuer une évaluation des mesures concernant la sécurité des produits, les garanties en termes de capacités financières, la responsabilité civile et les systèmes d'indemnisation des exploitants offshore.

2.4

Plus particulièrement, la Commission espère atteindre ces objectifs par la promotion d'un «modèle de bonnes pratiques de l'UE» et la mise en œuvre d'un ensemble de réformes essentiellement inspirées des bonnes pratiques largement reconnues et suivies depuis longtemps dans le secteur de la mer du Nord. Ceci conduirait à une collaboration renforcée en termes d'évaluation des risques, de plans d'intervention d'urgence, de mutualisation des informations, des connaissances techniques et des ressources. Ce modèle (appelé «option 2» dans l'analyse d'impact) envisage la création d'une «autorité compétente» au sein de chaque État membre, investie de la responsabilité générale des questions liées au secteur, et la mise sur pied d'un groupe d'autorités offshore au niveau de l’UE chargé d'élaborer de nouvelles normes de sécurité, d'encourager les programmes réglementaires de l'UE et de garantir l'établissement de rapports normalisés entre les États.

3.   Observations générales

3.1

Le secteur pétrolier et gazier en mer en Europe compte environ 1 000 installations en mer, géographiquement réparties comme suit: 486 au Royaume-Uni, 181 aux Pays-Bas, 123 en Italie, 61 au Danemark, 7 en Roumanie, 4 en Espagne, 3 en Pologne, 2 en Allemagne, 2 en Grèce, 2 en Irlande et 1 en Bulgarie.

3.2

Le CESE considère que la sécurité de tous les aspects de l'activité pétrolière et gazière en mer et de tous les produits dérivés de cette industrie revêt une importance capitale, et se félicite dès lors de cette initiative prise par la Commission.

3.3

Bien que le règlement porte surtout sur la prévention ou l'atténuation des répercussions d'incidents ou d'accidents en mer sur l'environnement, le CESE constate avec satisfaction que les aspects relatifs à la santé, à la sécurité et au bien-être des travailleurs du secteur pétrolier et gazier en mer ont été pris en compte dans l'analyse d'impact.

3.4

Le CESE reconnaît la nécessité de trouver un équilibre entre les impératifs contenus dans cette proposition et les besoins de l'UE en matière d'énergie et de sécurité d'approvisionnement énergétique.

3.5

Bien qu'il n'existe pas de corpus législatif de l'UE expressément consacré à la sécurité des activités pétrolières et gazières en mer, certaines directives abordent des questions étroitement liées à celles contenues dans la proposition, telles que la directive sur la responsabilité environnementale (2004/35/CE), la directive-cadre relative aux déchets (2008/98/CE), la directive sur l'évaluation d'impact sur l'environnement (85/337/CEE telle que modifiée), les mesures introduites au titre de la directive-cadre sur la sécurité et la santé des travailleurs au travail (89/391/CEE) portant sur les exigences minimales en matière d'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs des industries extractives par forage, et la directive-cadre «Stratégie pour le milieu marin» (2008/56/CE). Étant donné que ces directives ne correspondent pas exactement aux objectifs de la proposition, elles ne pourront être appliquées que de manière fragmentaire, pour autant qu'elles puissent l'être sans adaptation préalable. Par exemple, la directive sur la responsabilité environnementale traite de la pollution en mer, mais les dommages affectant les eaux dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental, qui doivent être protégés conformément à la directive relative à la stratégie pour le milieu marin, n'entrent pas dans son champ d'application.

3.6

Une critique récurrente émise par les analystes est que les normes actuelles en matière de sécurité, de responsabilité et de compensation (directives, autoréglementations, conventions et protocoles internationaux) sont souvent «incohérentes» et appliquées inefficacement, en raison de différences de priorités et d'interprétations, du manque d'attention prêtée à l'esprit voire à la lettre des mécanismes de mise en œuvre et d'application, et d'une culture d'entreprise insuffisante. Ceci discrédite le processus législatif et s'avère insatisfaisant. Il convient donc d'accueillir favorablement le nouveau point de départ contenu dans la proposition.

3.7

La Commission a qualifié les pratiques et procédures industrielles appliquées dans le secteur de la mer du Nord de «bonnes pratiques d'exploitation», de «bonnes pratiques suivies dans l’Union», de «bonnes pratiques définies dans les normes et recommandations faisant autorité», de «meilleures normes actuelles», de «pratiques modernes» et de «bonnes pratiques reconnues à l’échelle mondiale en matière de maîtrise des dangers majeurs», guidées par une approche de régulation par objectifs faisant «autorité au niveau mondial». Le CESE est néanmoins préoccupé par le niveau élevé de risque qui persiste, et est d'avis que le règlement proposé renforcera la culture de sûreté des entreprises.

3.8

Ces pratiques ont évolué et se sont affinées grâce à l'exploration, l'ingénierie et l'expérience opérationnelle (parfois amère, comme dans le cas des accidents des plateformes Alexander Kielland (1980) et Piper Alpha (1988)). Le CESE reconnaît qu'il s'agit d'un processus continu requérant une évaluation constante et considère que les opérateurs du secteur ne sont ni laxistes ni lents lorsqu'il est nécessaire ou opportun d'introduire de nouvelles mesures et lignes directrices ou d'adapter des normes ou des procédures existantes. Le règlement offrira un cadre uniforme dans lequel cela pourra se faire.

3.9

Afin de garantir la bonne gouvernance de l'industrie, à mesure que se développent de nouveaux domaines d'exploration et de production, il est opportun et essentiel de mettre sur pied, au sein de l'UE, un ensemble de principes, de procédures et de contrôles cohérents, complets et d'application universelle, comme le prévoit le règlement. Le CESE note que la Commission recommande l'«option 2» comme l'approche la plus acceptable.

4.   Observations spécifiques

4.1

À plusieurs reprises, la Commission souligne les risques d'accidents pétroliers ou gaziers majeurs dans les eaux européennes, qu'elle qualifie d'«importants partout dans l’Union»«plus réels qu'ils ne peuvent le sembler» et demeurant «à un niveau inacceptable». Le CESE voudrait savoir sur quoi se fondent ces affirmations.

4.2

Le CESE est préoccupé par le fait que la proposition de la Commission, en préférant l'instrument juridique du règlement, pourrait avoir pour effet:

de démanteler ou de déconstruire les «bonnes pratiques» des exploitants et des États membres adhérant au «modèle de base de la mer du Nord» en raison de l'introduction de nouvelles procédures législatives complexes, doublées de normes juridiques non contraignantes et d'amendements en vertu des pouvoirs délégués à la Commission;

de générer des coûts supplémentaires et peut-être inutiles, des perturbations, des retards, des doubles emplois et de semer la confusion dans le secteur et en dehors de celui-ci, voire de risquer de compromettre la sécurité durant la phase de transition; et il espère qu'une formulation soigneuse du règlement apaisera ces inquiétudes.

4.3

D'aucuns considèrent que le dispositif existant en matière de bonnes pratiques (le modèle de la mer du Nord) conjugué avec le rôle d'organismes tels que le Forum des autorités offshore en mer du Nord, l'Oil Spill Prevention and Response Advisory Group (groupe consultatif de prévention et de réaction contre les marées noires), Offshore Oil Pollution Liability Association Ltd, le Forum international des régulateurs, et les Operators Co-operative Emergency Services (services d'urgence coopératifs des opérateurs), démontre largement que la subsidiarité est à l'œuvre à travers les actions des États membres. Ils considèrent également que l'approche de nivellement par le haut privilégiée par la Commission pourrait être mise en œuvre au moyen d'une directive. En revanche, le CESE reconnaît sans ambages et avec certitude les principaux mérites d'un règlement et note que ce dernier est l'instrument juridique privilégié par la Commission. Le CESE escompte que le règlement corrige les incohérences actuelles entre les États membres et qu'il assimile et reflète les meilleurs éléments, principes et normes du modèle de la mer du Nord.

4.4

Le CESE invite la Commission à préciser si elle a tenu compte de l'article 194, paragraphe 2, du TFUE dans l'élaboration des dispositions de la proposition, et, le cas échéant, dans quelle mesure.

4.5

La culture de sûreté de l'UE devrait être appliquée de manière uniforme par les opérateurs de l'UE aussi bien dans les eaux territoriales de l'UE qu'en dehors de celles-ci, chaque fois que cela est possible. Par conséquent, le CESE suggère d'envisager un système de vérification par une tierce partie pour poursuivre de manière spécifique cet objectif.

4.6

La catastrophe du Deepwater Horizon a confirmé la nécessité d'un renforcement des exigences financières à l'égard des opérateurs afin de garantir leur capacité à couvrir intégralement les dommages-intérêts et les indemnisations pour n'importe quel accident. Le CESE recommande dès lors d'examiner plus avant la possibilité d'une assurance obligatoire de la responsabilité civile (ou d'une protection en responsabilité civile équivalente et adéquate) et propose une clause de révision du règlement afin de traiter cette question urgente dans un proche avenir.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/110


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil établissant un système communautaire d'enregistrement des transporteurs de matières radioactives»

COM(2011) 518 final

2012/C 143/21

Rapporteur: M. Ludvík JÍROVEC

Le 30 août 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 31 du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Conseil établissant un système communautaire d'enregistrement des transporteurs de matières radioactives"

COM(2011) 518 final.

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 117 voix pour, 3 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité recommande d'adopter la proposition de règlement à l'examen. Le Comité convient de la nécessité d’évaluer les effets du règlement à l'examen deux ans après sa mise en œuvre. Il sera utile de réexaminer la question au bout des cinq prochaines années, pour déceler les éventuels obstacles qui continueraient de s'opposer au fonctionnement harmonieux et sûr du transport de matières radioactives dans l’Union européenne.

1.2

Le Comité préconise l'option no 2 proposée dans le rapport d'analyse d'impact, qui prévoit un "Règlement comportant des règles harmonisées et un rôle plus efficace des autorités compétentes".

1.3

Il y a lieu que les États membres veillent à harmoniser les critères d'octroi de l'enregistrement.

1.4

L'interface web centrale d'enregistrement pour les transporteurs devra avoir été créée, testée et être fonctionnelle lorsque le règlement à l'examen entrera en vigueur.

1.5

Le Comité estime que la création d'une nouvelle agence, telle que l'envisage l'option no 3, conduirait à accroître les contraintes administratives qui pèsent sur les entrepreneurs et à amoindrir les effets de l'ensemble du règlement.

1.6

Le Comité relève les disparités entre les différents États membres en ce qui concerne les exigences en matière d'assurance des transporteurs. Comme une telle couverture d'assurance ne peut faire partie de la procédure d'enregistrement en raison de la base juridique sur laquelle repose cette dernière, le Comité invite les États membres à parvenir à une harmonisation des dispositifs d'assurance nécessaires.

1.7

Les définitions, telles qu'énoncées par le règlement à l'examen, devraient être autant que possible cohérentes avec le glossaire de l'Agence internationale de l'énergie atomique, notamment en ce qui concerne la définition du terme "transporteur", et satisfaire dans le même temps à leur obligation de conformité à la législation Euratom, notamment la directive 96/29/Euratom.

1.8

Il conviendrait de donner la possibilité au demandeur de corriger ou de compléter les informations qu'il fournit dans sa demande, au lieu de la refuser sans l'examiner plus avant (voir l'article 5, paragraphes 7 et 10).

2.   Introduction et contenu essentiel de la proposition de règlement

2.1

La proposition à l'examen vise à remplacer les procédures nationales de déclaration et d’autorisation par un système d’enregistrement unique pour les transporteurs de matières radioactives et contribuera par conséquent à simplifier la procédure, à réduire la charge administrative, à éliminer les obstacles à l’entrée, tout en maintenant les niveaux élevés de radioprotection atteints jusqu'à présent.

2.2

À l’échelon européen, les transporteurs de matières radioactives sont couverts par la législation dans le domaine des transports en vertu du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et par la législation sur les aspects propres aux radiations, notamment la protection sanitaire des travailleurs et de la population, en vertu du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom).

2.3

La législation au titre du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne a été simplifiée par la directive 2008/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 relative au transport intérieur des marchandises dangereuses, en regroupant tous les modes de transport intérieur.

2.4

La directive 96/29/Euratom du Conseil du 13 mai 1996 établit les normes de sécurité de base relatives à la protection sanitaire des travailleurs et de la population contre les dangers résultant des rayonnements ionisants. Conformément à l’article 30 du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, on entend par "normes de base":

les doses maxima admissibles avec une sécurité suffisante,

les expositions et les contaminations maxima admissibles,

les principes fondamentaux de surveillance médicale des travailleurs.

Les États membres, conformément à l’article 33 du traité, établissent les dispositions propres à assurer le respect des normes de base.

2.5

Pour assurer la protection sanitaire des travailleurs et de la population et pour mieux cibler leur action, les autorités des États membres ont besoin de savoir quelles personnes, organisations ou entreprises doivent être soumises à des contrôles. À cet effet, les articles 3 et 4 de la directive 96/29/Euratom prévoient que les États membres soumettent certaines pratiques présentant un risque dû aux rayonnements ionisants à un régime de déclaration (notification) et d’autorisation préalable ou interdisent certaines pratiques.

La directive 96/29/Euratom s’applique à toutes les pratiques comportant un risque dû aux rayonnements ionisants émanant soit d’une source artificielle, soit d’une source naturelle de rayonnement, et notamment au transport.

2.6

Étant donné le caractère couramment transfrontière des opérations de transport, un transporteur peut devoir se plier à ces procédures de déclaration et d’autorisation dans tous les États membres concernés. En outre, les États membres ont mis en œuvre ces procédures au sein de régimes différents, ajoutant encore à la complexité des opérations de transport en tant que telles et des procédures d'autorisation.

2.7

La proposition de règlement à l'examen remplace les régimes de déclaration et d’autorisation actuellement en vigueur dans les États membres en vertu de la directive 96/29/Euratom du Conseil par un enregistrement unique au moyen d'un système européen d’enregistrement des transporteurs. Les transporteurs devront introduire leur demande par l’intermédiaire d’une interface web centrale. Ces demandes seront examinées par l’autorité nationale compétente concernée, qui procédera à l’enregistrement si le demandeur satisfait aux normes de base en matière de sécurité. Parallèlement, le système offre aux autorités compétentes une meilleure vision globale des transporteurs actifs dans leur pays.

2.8

Le règlement à l'examen adopte une approche différenciée ("graduée") en excluant de la procédure d’enregistrement les transporteurs qui transportent exclusivement des "colis exceptés". D’autre part, il laisse aux États membres la possibilité d’ajouter des exigences supplémentaires pour l’enregistrement des transporteurs de matières fissiles et hautement radioactives.

2.9

Le reste de la législation de l'Union et de ses États membres, ainsi que les règles internationales relatives à la protection physique, aux mesures de sécurité et à la responsabilité civile continuent à s’appliquer. Cela vaut notamment pour la directive 2008/68/CE.

2.10

Le règlement à l'examen permettrait de libérer des ressources des autorités compétentes actuellement engagées dans ces procédures administratives, car un enregistrement ne serait examiné que par une seule de ces autorités.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité préconise l'option no 2 proposée dans le rapport d'analyse d'impact, qui prévoit un "Règlement comportant des règles harmonisées et rôle plus efficace des autorités compétentes".

3.2

Un règlement irait plus loin qu'une simple recommandation – a) en proposant des règles harmonisées directement applicables, telles qu’un système d’enregistrement commun pour les transporteurs, qui éliminerait les différents systèmes utilisés dans les États membres pour les déclarations et les autorisations de transports de matières radioactives, et b) en ouvrant aux transporteurs l’accès au marché des transports de l’UE-27 au moyen d’une seule procédure simplifiée, tout en adoptant une approche différenciée. Pour permettre l’échange de données nécessaire, la Commission mettrait sur pied un système d’enregistrement en ligne sécurisé.

3.3

Bien que les options analysées par ECORYS – la société de conseil indépendante qui a mené une étude de fond pour la Commission – semblent avoir un impact assez modeste d’un point de vue global, cet impact a son importance pour un secteur de taille aussi réduite. Les impacts sont classés en cinq catégories, à savoir: dépenses du secteur public et redevances, effets en matière de réglementation, transports, sûreté et environnement, incidences sociales.

3.4

Les petites et moyennes entreprises devraient tirer des avantages proportionnels aux économies totales réalisées dans le cadre de ces options: plus les économies totales sont élevées, plus celles réalisées par ces entreprises, qui se voient actuellement souvent écartées du marché en raison de procédures complexes et de charges importantes, seront élevées également.

3.5

Un règlement, en prévoyant notamment la reconnaissance mutuelle des licences des transporteurs, entraînerait des économies de 13,6 millions d’euros par an par rapport au scénario de référence. Une telle approche réduirait les contraintes administratives pesant sur les transporteurs, les utilisateurs et les producteurs tout en libérant, au sein des autorités concernées, des ressources qui pourraient alors servir, au moins partiellement, pour des contrôles de conformité, dont le manque a été cité parmi les problèmes énumérés ci-dessus.

3.6

Vu le caractère contraignant d’un règlement, cette option contribuera de manière efficace à atteindre les objectifs, qui sont de simplifier le système, d'introduire la transparence et d'éliminer les entraves au bon fonctionnement du marché intérieur, tout en maintenant un niveau élevé de sûreté.

3.7

Le Comité estime que la création d'une nouvelle agence, telle que l'envisage l'option no 3, conduirait à accroître les contraintes administratives qui pèsent sur les entrepreneurs et à amoindrir les effets de l'ensemble du règlement.

4.   Observations particulières

4.1

Les définitions, telles qu'énoncées par le règlement à l'examen, devraient être autant que possible cohérentes avec le glossaire de l'Agence internationale de l'énergie atomique, notamment en ce qui concerne la définition du terme "transporteur", et satisfaire dans le même temps à leur obligation de conformité à la législation Euratom, notamment la directive 96/29/Euratom.

4.2

Le Comité convient également de la nécessité d’évaluer les effets du règlement à l'examen deux ans après sa mise en œuvre. Il sera utile de réexaminer la question au bout des cinq prochaines années, pour déceler les éventuels obstacles qui continueraient de s'opposer au fonctionnement harmonieux et sûr du transport de matières radioactives dans l’Union européenne.

4.3

Le projet de proposition à l'examen permettra d'aboutir à un système commun et uniforme d'enregistrement des transporteurs de matières radioactives dans l'UE. Les dispositions de l'article 3, paragraphe 3, permettront à un transporteur de transporter des matières radioactives sans enregistrement supplémentaire en vertu du règlement à l'examen s'il est déjà titulaire d'un enregistrement en vue de l'utilisation, de la manutention et du transport de matières radioactives. Le Comité invite la Commission à étudier avec les parties concernées la possibilité de dispositions transitoires pour les titulaires d'enregistrements de transport.

4.4

L'article 3, paragraphe 4 prévoit des exigences supplémentaires d'enregistrement pour les matières qui présentent un danger particulier pour la santé. Le Comité souhaiterait que la liste des matières comprenne celles transportées dans le cadre d'autorisations multilatérales.

4.5

Le Comité relève les disparités entre les différents États membres en ce qui concerne les exigences en matière d'assurance des transporteurs. Comme une telle couverture d'assurance ne peut faire partie de la procédure d'enregistrement en raison de la base juridique sur laquelle repose cette dernière, le Comité invite les États membres à parvenir à une harmonisation des dispositifs d'assurance nécessaires.

4.6

L'interface web centrale d'enregistrement pour les transporteurs doit être accessible à l'avance, testée et fonctionnelle. Ceci permettrait de rassurer les opérateurs et les autorités compétentes, comme le ferait une extension de la période de transition avant l'entrée en vigueur du règlement, en fonction de la teneur concrète des dispositions transitoires visées au paragraphe 4.3 ci-dessus.

4.7

Il conviendrait de donner la possibilité au demandeur de corriger ou de compléter les informations qu'il fournit dans sa demande, au lieu de la refuser sans l'examiner plus avant (voir l'article 5, paragraphes 7 et 10).

4.8

Il y a lieu que les États membres veillent à harmoniser les critères d'octroi de l'enregistrement.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/113


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l'exposition aux rayonnements ionisants»

COM(2011) 593 final — 2011/0254

2012/C 143/22

Rapporteur: M. ADAMS

Le 28 septembre 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 31 du traité Euratom, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de directive du Conseil fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants"

COM(2011) 593 final - 2011/0254 (NLE).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 118 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Conclusions

1.1.1

Le Comité se félicite de cette proposition qui se sert de l'analyse scientifique la plus récente sur les dangers de l'exposition aux rayonnements ionisants pour traiter, définir et élargir les besoins des personnes et de l'environnement en matière de protection sanitaire.

1.1.2

C'est en particulier la présentation d'une approche conséquente, cohérente et unifiée de la protection, grâce à la fusion de cinq directives existantes, qui aura un impact opérationnel pratique et positif.

1.2   Recommandations

1.2.1

Le Comité note que les États membres seront peut-être invités à satisfaire à des exigences supplémentaires après la transposition en droit national. Nous estimons particulièrement important que, pour répondre tant à l'esprit qu'à la substance de la législation, des ressources adéquates soient mises à la disposition des autorités compétentes chargées de la mise en œuvre au niveau national. Cela vaut particulièrement lorsqu'il s'agit de développer une approche qualitative, grâce à une démarche éducative et formative globale.

1.2.2

Le Comité souscrit pleinement à l'approche qui consiste à étendre à l'environnement les exigences en matière de protection et recommande que les dispositions du chapitre IX soient adoptées dès que les critères auront été officialisés (la référence à la publication attendue de la CIPR – Commission internationale de protection radiologique – sur l’application des critères étant dûment prise en compte).

1.2.3

Le Comité apprécie le travail approfondi réalisé par l'ensemble des instances impliquées et dont cette proposition est le produit, et préconise de l'adopter dans les meilleurs délais.

2.   Contexte de la proposition de directive

2.1   Les rayonnements ionisants sont omniprésents dans l'environnement. Tous les habitants de la planète sont exposés à des radiations naturelles, qui proviennent d'éléments naturellement radioactifs présents dans les roches, les sols, les aliments et l'air. Les types de roches varient, et par conséquent, le niveau de radiation et de substances radioactives (radon) émanant du sol aussi; l'exposition dépend donc de l'endroit où l'on se trouve. La radiation cosmique joue également un rôle. Les rayons cosmiques étant plus intenses à des altitudes et des latitudes élevées, le personnel aérien navigant et les voyageurs réguliers des compagnies aériennes sont plus exposés. Tout le monde est aussi exposé à des sources radioactives anthropiques. La plus importante de ces sources artificielles est l'exposition médicale aux radiations ionisantes. Les travailleurs peuvent aussi être exposés aux rayonnements par certaines pratiques industrielles, comme la radiographie de soudure; de manière générale, la population peut être exposée aux fuites de centrales nucléaires et des traces de radioactivité subsistent dans l'environnement en raison des essais d'armes nucléaires et de l'utilisation militaire de projectiles à uranium appauvri.

2.2   Les utilisations pratiques des rayonnements sont nombreuses en médecine, dans la recherche, dans la construction et dans d'autres domaines. Le danger des rayonnements provient de leur capacité à ioniser les molécules dans des cellules vivantes et à entraîner ainsi une mutation biochimique. Si cette mutation est suffisamment importante, elle peut entraîner la mort de la cellule vivante ou la modification irrémédiable de ses informations génétiques (ADN). Eu égard à cette possibilité, des mesures réglementaires et de protection ont été rapidement adoptées au niveau national, avant même que le mécanisme de dégradation précis ne soit connu, et l'UE a défini dès le départ des mesures communes pour tous ses États membres dans le cadre du traité Euratom.

2.3   Pour définir des mesures de protection appropriées, la législation européenne a toujours suivi les recommandations de la CIRP, qui a publié en 2007 des indications précises sur les besoins en matière de protection contre les radiations, compte tenu des développements des 20 dernières années. Il s'agit notamment de la prolifération des sources anthropiques de radiation et des recherches en cours sur les effets des sources naturelles de radiation telles que le radon. L'intention de la directive à l'examen est d'offrir, sur la base des connaissances scientifiques actuelles, une protection élevée aux travailleurs, aux patients et à la population contre les effets néfastes des rayonnements ionisants pour la santé. Elle progresse également dans de nouveaux domaines tels que la protection de l'environnement.

2.4   Il s'agit d'un travail important, comprenant 110 articles et 16 annexes, ce qui représente plus de 100 pages de texte. En effet, elle refond et consolide cinq directives existantes (1) en une seule, définit des obligations contraignantes quant à la protection contre l’exposition au radon à l’intérieur des bâtiments et l'utilisation de matériaux de construction, et prévoit une analyse d’impact environnemental pour les rejets d'effluents radioactifs d'installations nucléaires et des dispositions pour éviter des dommages environnementaux en cas d'accident.

2.5   En résumé, les citoyens européens bénéficieront de cette nouvelle directive qui leur offre une meilleure protection sanitaire contre les rayonnements ionisants, notamment grâce aux mesures suivantes:

campagnes plus efficaces, assorties de mesures de soutien, sur l'exposition au radon à l’intérieur des bâtiments;

meilleure protection des travailleurs actifs dans des secteurs qui traitent des matières radioactives naturelles;

meilleure protection dans le cadre des applications médicales des rayonnements ionisants et contrôle du nombre d'expositions;

meilleure protection et mobilité accrue des travailleurs spécialisés itinérants de l'industrie nucléaire.

2.6   Les dispositions réglementaires des pays de l'UE seront harmonisées et mises en conformité avec les normes internationales. Eu égard à l'accent particulier mis sur la sécurité nucléaire à la suite de la crise de Fukushima, la proposition suggère des exigences plus ambitieuses pour la gestion des situations d'exposition d'urgence.

2.7   La directive à l'examen complète la directive sur les substances radioactives dans l'eau potable, qui a récemment fait l'objet d'un avis du Comité (2).

2.8   Les normes fondamentales internationales de protection, qui ont été approuvées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et reflètent le consensus international, sont détaillées mais non contraignantes. Elles laissent la place à des différences entre les capacités des États au niveau mondial. La directive va plus loin en définissant des normes uniformes pour les États membres tout en prenant en compte les règles du marché intérieur. La directive bénéficie d’une large consultation à laquelle ont participé le groupe d’experts "Article 31" du traité Euratom, l'AIEA, l'association des responsables des autorités européennes compétentes en radioprotection (HERCA), l'Association internationale de radioprotection (IRPA) et d'autres parties prenantes.

2.9   La base juridique de la directive est le traité Euratom. Le Comité note, et comprend dans une certaine mesure, les préoccupations exprimées quant à la capacité du traité, inchangé depuis 1957, à constituer une base appropriée pour traiter de questions environnementales. Toutefois, une révision du traité Euratom est peu probable dans l'immédiat, tandis que les préoccupations en matière de protection de l'environnement sont bien réelles et doivent être traitées. Il convient de noter que l'article 37 du traité Euratom représentait en 1957 une disposition pionnière de droit primaire prévoyant des obligations transfrontalières contraignantes concernant à la fois l'impact environnemental et la protection des individus.

3.   Résumé succinct de la proposition de directive

3.1   Eu égard à la complexité de cette proposition de directive, il n'est pas approprié d'en présenter un résumé détaillé, et les contraintes nécessaires liées à un avis du Comité ne le permettent pas non plus. Toutefois, une rapide analyse globale de l'approche de la Commission associée aux titres des chapitres peut en donner un aperçu.

Approche générale

Titres des chapitres

Révision et consolidation des directives "normes de base"

Situations d'exposition

Système de protection

Situations d’exposition existante

Radon (lieux de travail, logements)

Matériaux de construction

Vivre dans un territoire contaminé

Situations d'exposition planifiée

Justification et contrôle réglementaire

Approche graduée

Catégories d'exposition

Situations d’exposition d’urgence

Membres d'équipes d'intervention

Élaboration des plans d’urgence et des interventions d’urgence

Information de la population

Infrastructure institutionnelle

Refonte des directives

Transposition en droit national

Chapitre I: Objet et champ d'application

Chapitre II: Définitions

Chapitre III: Système de radioprotection

Chapitre IV: Exigences en matière d’enseignement, de formation et d’information dans le domaine de la radioprotection

Chapitre V: Justification et contrôle réglementaire des pratiques

Chapitre VI: Protection des travailleurs, apprentis et étudiants

Chapitre VII: Protection des patients et des autres personnes soumises à une exposition médicale

Chapitre VIII: Protection des personnes du public

Chapitre IX: Protection de l’environnement

Chapitre X: Exigences en matière de contrôle réglementaire

Chapitre XI: Dispositions finales

4.   Observations générales

4.1   Le Comité constate qu'il a été tenu compte, lors de la préparation de la directive à l'examen, de l'analyse scientifique la plus récente sur les dangers de l'exposition aux rayonnements ionisants, et approuve l'approche adoptée pour traiter, définir et élargir les besoins des personnes et de l'environnement en matière de protection sanitaire.

4.2   La Commission a opté pour la refonte et la consolidation de cinq directives existantes en un seul texte unifié, ce qui aura un impact opérationnel pratique et positif et offre une approche conséquente, cohérente et unifiée en matière de sûreté.

4.3   Plusieurs analyses comparatives de la mise en œuvre et du fonctionnement de directives précédentes transposées dans le droit national ont révélé diverses lacunes. Ce n'est pas la transposition, mais l'application qui fait défaut – par exemple, les ressources allouées à l'éducation et à la formation, les programmes de sensibilisation de la population, la reconnaissance des professionnels locaux, l'information de la population sur le comportement à adopter en cas d'accident, etc.

4.4   Le Comité suggère, pour répondre aux demandes de plus en plus nombreuses résultant de la transposition en droit national et pour remédier aux éventuelles lacunes, que la Commission facilite le travail des autorités nationales en organisant des ateliers afin d'examiner les difficultés juridiques et pratiques liées à la mise en œuvre au niveau des États membres. Il conviendrait également d'encourager – parallèlement au rôle des autorités nationales compétentes – le recours à des observatoires de la société civile pour surveiller et évaluer la mise en œuvre de la législation par des mesures concrètes.

4.5   Le Comité déplore que la directive, bien qu'elle traite des sources naturelles et civiles de radiation de manière exhaustive, ne couvre pas le dégagement de radiations par les installations militaires étant donné que le traité Euratom ne s'applique qu'aux situations civiles (3).

4.6   Le Comité se réjouit de constater que la directive anticipe et prévoit des dispositions pour préserver le droit des citoyens à être exposés le moins possible aux sources de radiation anthropiques, eu égard, par exemple, à l'utilisation croissante d'équipements de sécurité tels que les scanners corporels à rayons X.

4.7   Tout en souscrivant pleinement à la nouvelle approche relative à la protection de l'environnement, le Comité fait observer que tous les critères en suspens (et les orientations relatives à leur application) de la CIPR (Commission internationale de protection radiologique) devront d'abord être officialisés avant que des règles quantitatives contraignantes ne puissent être définies. Elles présenteront une conception scientifique commune des critères spécifiques à appliquer dans ce cas, de manière à fournir un socle commun à tous les États membres.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO L 180 du 9.07.1997, pp. 22-27.

JO L 346 du 31.12.2003, pp. 57-64.

JO L 349 du 13.12.1990, pp. 21-25.

JO L 357 du 7.12.1989, pp. 31-34;.

JO L 159 du 29.6.1996, pp. 1-114.

(2)  JO C 24 du 28.1.2012, p. 122.

(3)  Arrêt de la Cour européenne de justice du 12.4.2005, affaire C-61/03.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/116


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le mécanisme pour l'interconnexion en Europe»

COM(2011) 665 final — 2011/0302 (COD)

2012/C 143/23

Rapporteur: M. HENCKS

Le Conseil et le Parlement ont décidé, respectivement le 17 novembre et le 13 décembre 2011, conformément aux articles 172 et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le mécanisme pour l'interconnexion en Europe"

COM(2011) 665 final – 2011/0302 (COD).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructure, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 132 voix pour et 3 abstentions.

Le présent avis fait partie d'un ensemble de cinq avis élaborés par le CESE sur le "mécanisme pour l'interconnexion en Europe" (MIE) et ses lignes directrices publiées par la Commission européenne en octobre 2011. Cet ensemble comprend les avis TEN/468 sur le MIE (rapporteur: M. Hencks), TEN/469 sur les lignes directrices relatives au réseau transeuropéen de télécommunications (rapporteur: M. Longo), TEN/470 sur les lignes directrices relatives aux infrastructures énergétiques transeuropéennes (rapporteur: M. Biermann), TEN/471 sur les lignes directrices relatives au réseau transeuropéen de transport (rapporteur: M. Back) et TEN/472 sur l'initiative des emprunts obligataires pour les projets d'infrastructures (rapporteurs M. Duttine).

1.   Conclusions

1.1

Le CESE approuve le plan de la Commission européenne d'affecter 50 milliards d'euros du prochain budget pluriannuel 2014-2020 pour améliorer les interconnexions des réseaux du transport, de l'énergie et des communications numériques dans l'UE, tout comme il approuve le principe des emprunts obligataires européens pour des projets d'infrastructure, les "EU project bonds" susceptibles de déclencher un effet multiplicateur par la mobilisation de capitaux publics et privés, nécessaires pour subvenir à des besoins d'investissements estimés à 1 000 milliards d'euros.

1.2

Des investissements ciblés dans ces infrastructures clés contribueront à la relance du développement des échanges, de la croissance, de la compétitivité et de la création d'emplois, surtout à un moment où l'Europe en a crucialement besoin.

1.3

Vu que le financement classique des investissements par des fonds publics s'avère de plus en plus difficile en ces temps de crise, le recours à des instruments financiers d'un nouveau type dans l'UE, en collaboration étroite avec la Banque européenne d'investissement, constituera, sous certaines réserves, (voir avis TEN/472) une solution complémentaire et innovatrice pour attirer des capitaux des fonds de pensions, des assurances et d’autres acteurs sur le marché des capitaux intéressés à investir dans des projets à long terme.

1.4

Si le CESE approuve l'intention de la Commission de trouver, selon ses dires, des formules novatrices pour mobiliser une plus grande part de l'épargne privée, il estime que ces formules ne devraient pas s'adresser aux seuls gros capitaux, mais qu'elles devraient être agencées de manière à sensibiliser également les petits épargnants.

1.5

L’importance d'investissements suffisants dans des réseaux d’infrastructure adaptés, modernes, souples, durables et accessibles (notamment pour les personnes handicapées) ne peut toutefois pas être saisie uniquement en termes monétaires, mais ces investissements doivent également être considérés dans l’optique de la cohésion sociale et territoriale et du point de vue écologique et de la sécurité d'approvisionnement.

1.6

Ce n’est qu'en combinant les financements publics nationaux, régionaux et locaux et les financements privés avec ceux de l'Union que les objectifs fixés en matière d'interconnexion des réseaux d’infrastructures pourront être atteints.

1.7

Il s'ensuit que, lors de la sélection par la Commission des projets à cofinancer, le choix tout en étant orienté vers des projets à haute valeur ajoutée européenne, devra prendre en compte les nécessités du développement d'infrastructures d'intérêt national ou régional.

1.8

Les investissements dans les infrastructures présentent également des aspects importants touchant à la sécurité nationale et à celle de l'UE, qui doivent être pris en considération au moment où les projets sont conçus et les procédures d'approbation engagées. En fait, il s'agit de conditions préalables de l'achèvement concret de l'intégration des régions isolées qui existent encore au sein de l'Union.

1.9

L'Union devra donc continuer à accorder des fonds aux États membres de manière continue et proportionnelle, pour combattre toute fracture sociale et géographique en matière d'accès aux infrastructures de réseaux nationaux par l'intermédiaire des Fonds structurels européens.

1.10

Le CESE approuve la proposition d'une gestion centralisée des projets d'interconnexion des réseaux transeuropéens des transports, de l'énergie et des infrastructures numériques. L'exploitation des synergies entre ces trois secteurs et l'amélioration des règles opérationnelles, notamment la rationalisation des procédures d'octroi des autorisations applicables aux projets d'intérêt commun et la réduction de leurs délais d'exécution permettront de réduire les coûts et de renforcer l'efficacité des projets.

1.11

Le CESE lance un appel aux États membres de soutenir les initiatives de la Commission en la matière, et de sensibiliser et d'inciter les marchés de capitaux et autres investisseurs à participer activement à la réussite de la démarche.

2.   Introduction

2.1

Dans le cadre de la proposition relative au prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020, la Commission a proposé des mesures concrètes pour promouvoir des infrastructures européennes intégrées dans les secteurs des transports, de l’énergie et des communications numériques.

2.2

Les dépenses d’infrastructure en Europe ont, pendant les dix dernières années, globalement diminué, alors que des investissements ciblés en la matière constituent un élément important de relance face à la crise économique et revêtent une importance cruciale pour l’avenir économique de l’Europe.

2.3

Pour faire progresser les infrastructures précitées, et répondre aux priorités fixées en matière de croissance dans le cadre de la nouvelle stratégie pour le marché unique, la Commission propose un nouvel instrument dénommé "mécanisme pour l’Interconnexion en Europe".

2.4

Il est évident – et le CESE l’a mis en exergue dans de nombreux de ses avis – que des réseaux à la pointe des progrès, intelligents, durables et parfaitement interconnectés de routes, de chemins de fer, de voies navigables et aériennes, de transport multimodal, d’électricité, d’oléoducs, de gazoducs et de communications électroniques à haut débit revêtent une importance vitale pour l’espace économique intégré. Les maillons qui manquent et les goulets d’étranglement dans l’interconnexion des réseaux européens causent gravement préjudice à l’achèvement du marché intérieur, créent des fractures entre régions, et, surtout dans le domaine de l’énergie, rendent l’Europe dépendante de pays tiers.

2.5

Des investissements ciblés dans ces infrastructures clés contribueront à la relance du développement des échanges, la croissance, la compétitivité et la création d'emplois, surtout à un moment où l'Europe en a crucialement besoin.

2.6

Or, les investissements dans des projets de grands réseaux d’infrastructures sont de par leur nature des projets sur le long terme, qui nécessitent des investissements massifs, dont le retour économique est lié à de grands risques (sous-estimation des coûts, surestimation des niveaux de trafic, risques liés à la complexité du montage financier), surtout lors de la phase de construction et lors du premier temps de l’opérabilité desdits réseaux.

2.7

Comme les budgets publics au niveau national, local ou européen ne pourront pas, à eux seuls, financer ces projets, la Commission propose un nouvel instrument budgétaire, le mécanisme pour l’interconnexion, ainsi que des orientations révisées pour les transports, l’énergie, et les TIC, afin d’attirer d’autres fonds privés et publics, tout en conférant une crédibilité aux projets d’infrastructure et en réduisant leur profil de risque pour les investisseurs privés.

2.8

Pour ce faire, la Commission a soumis une série de propositions reprises dans:

une proposition de règlement établissant le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (avis du CESE: TEN/468);

une proposition de règlement déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport et d'énergie (avis du CESE: TEN/472);

une proposition de règlement sur les orientations pour le développement du réseau transeuropéen de transport; (avis du CESE: TEN/471);

une proposition de règlement concernant les orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes (avis du CESE: TEN/470);

une proposition de règlement concernant les orientations pour les réseaux de télécommunications européens (avis du CESE: TEN/469).

3.   Contenu de la communication sur les infrastructures intégrées européennes et de la proposition de règlement établissant des mécanismes pour l’interconnexion en Europe

3.1

Afin d’accélérer les investissements dans les réseaux transeuropéens du transport, de l’énergie et des communications numériques, et de mobiliser les financements requis provenant tant du secteur public que du secteur privé, la Commission propose pour la période 2014-2020:

de prévoir des besoins d'investissements dans des réseaux d'interconnexion européens de l'ordre de +/- 1 000 milliards d'euros répartis comme suit:

Énergie

Électricité

140 milliards d'euros

Gaz

70 milliards d'euros

CO2

2,5 milliards d'euros

Pétrole

p.m.

Transport

(Route, Rail, Maritime, Voies navigables et aériennes)

 

500 milliards d'euros

dont 250 milliards pour le réseau central;

une répartition des besoins de financement selon les différents modes de transport se fera au fur et à mesure des projets retenus

Communications haut débit

 

270 milliards d'euros

de mettre à la disposition des projets d’investissements d’interconnexion de réseaux paneuropéens un montant de 50 milliards d’euros provenant du budget de l’Union à raison de 40 milliards, et de 10 milliards réservés au sein du Fonds de cohésion pour les infrastructures de transport. Ces fonds seront alloués comme suit:

Énergie

9,1 milliards d’euros

Transports

31,7 milliards d’euros

Télécommunications/Numérique

9,2 milliards d’euros

de cofinancer des projets d'interconnexion transeuropéens d'intérêt commun, sélectionnés par la Commission (sur proposition des États membres), à des taux variant entre 20 et 75 % du coût éligible, voire même 80 ou 100 % des coûts dans des cas exceptionnels;

d’accroître le potentiel d’attraction de financement du secteur privé par l’introduction d’emprunts obligataires européens pour des projets d'infrastructure (EU project bonds) afin de réduire le risque pour les investisseurs tiers. Le budget de l’UE sera ainsi utilisé pour fournir à la Banque européenne d’Investissement (BEI) des capitaux destinés à couvrir une partie du risque qu’elle assume lorsqu’elle cofinance les projets admissibles. Le budget de l’UE fournira donc une sorte de garantie pour que la BEI finance les projets concernés, mais la BEI devrait assumer le reliquat de risque;

Pendant une phase pilote (2012-2013) portant sur 5 à 10 projets, les fonds ainsi transférés par l'UE à la BEI d’un montant maximal de 230 millions d’euros, entièrement financés en redéployant des crédits non utilisés des programmes d'investissements existants, devraient, selon les estimations de la Commission, mobiliser d'autres investisseurs pour un montant pouvant atteindre 4.6 milliards d’euros;

de maximiser les synergies entre les programmes dans les secteurs de l’énergie, des transports et des TIC répondant, d’une part, au souci d’une stratégie cohérente et d’une sélection par la Commission de projets sur la base de critères clairs et harmonisés et, d’autre part, du suivi et du contrôle, afin que le financement de l’UE soit bien ciblé et efficace;

d’introduire des mesures de simplification des règles existantes notamment l’alignement des indicateurs sur les objectifs de la stratégie Europe 2020, le raccourcissement des délais d'autorisation, une gestion centralisée pour les 3 secteurs, éventuellement la création d’une agence exécutive, des critères d’attribution et des programmes de travail annuels communs, la création d’un comité de coordination du mécanisme et finalement l’attribution à la Commission du pouvoir d’adopter des actes délégués.

4.   Remarques générales

4.1

Le CESE approuve les initiatives prises par la Commission pour promouvoir et coordonner des investissements dans des projets stratégiques de valeur ajoutée européenne et de proposer, pour la période 2014-2020, des solutions alternatives au financement classique par subventions.

4.2

Le CESE approuve la proposition d'un mécanisme de financement, de gestion centralisée, et de programmes de travail communs pour des projets d'interconnexion de réseaux transeuropéens des transports, de l'énergie et des infrastructures numériques, assurés directement par la Commission, le cas échéant avec l'assistance d'une agence exécutive. L'exploitation de synergies entre ces trois secteurs de même que l'amélioration des règles opérationnelles, notamment la rationalisation des procédures d'octroi des autorisations applicables aux projets d'intérêt commun et la réduction de leurs délais d'exécution permettront de réduire les coûts et de renforcer l'efficacité des projets.

4.3

Le CESE soutient donc la proposition d'accorder la priorité à des projets d'une valeur ajoutée et de nécessité européennes afin de relier les réseaux transeuropéens aux réseaux d'infrastructures des États membres. Il voudrait toutefois relever que, dans l'esprit de la cohésion sociale et territoriale, l'Union devra continuer à accorder des fonds aux États membres, de manière continue et proportionnelle pour combattre toute fracture sociale et géographique en matière d'accès aux infrastructures de réseaux nationaux et pour assurer la sécurité d'approvisionnement par l'intermédiaire des Fonds structurels européens.

4.4

Le CESE relève que la nécessité de disposer de réseaux d’infrastructure adaptés, modernes, souples, durables et accessibles (notamment pour les personnes handicapées) ne peut pas être saisie uniquement en termes monétaires; ces investissements sont également indispensables dans l’optique de la cohésion sociale et territoriale et du point de vue de la protection de l'environnement à prendre en considération par la Commission lors de la sélection des projets à cofinancer.

4.5

Les investissements dans les infrastructures présentent également des aspects importants touchant à la sécurité nationale et à celle de l'UE, qui doivent être pris en considération au moment où les projets sont conçus et les procédures d'approbation engagées. En fait, il s'agit de conditions préalables de l'achèvement concret de l'intégration des régions isolées qui existent encore au sein de l'Union.

4.6

Aussi significative que soit la contribution financière de l’Union à hauteur de 50 milliards d’euros, elle ne représente qu’une petite partie des besoins d’investissement recensés par la Commission.

4.7

Quoiqu’il en soit, la plus grande partie des investissements devra être fournie par les États membres et des investisseurs privés, la contribution financière de l’Union devant servir de "capital d’amorçage" destiné à encourager les États membres et le marché à investir davantage.

4.8

Or, les problèmes budgétaires et l’assainissement nécessaire des finances publiques amènent la plupart des États membres à envisager des réductions ou suspensions de leurs programmes d’investissement, ce qui ne manquera pas d’influencer négativement l’afflux d’investissements provenant de sources privées.

4.9

Ce n’est qu’en combinant les financements publics nationaux, locaux et privés avec ceux de l’Union que les objectifs fixés en matière de réseaux d’infrastructures pourront être atteints.

4.10

Les investissements dans les infrastructures devront contribuer à favoriser le passage vers une économie et une société à faibles émissions de carbone.

4.11

Conformément à l'engagement de la Commission d'intégrer les objectifs de la stratégie de l'Europe 2020, notamment dans le domaine du changement climatique dans les programmes de l'Union et de consacrer au moins 20 % du budget de l'Union à ces objectifs, le CESE approuve la démarche de la Commission d’utiliser le budget de l’UE pour investir, et engendrer un effet multiplicateur permettant de mobiliser des capitaux privés. Afin de réduire les risques réglementaires et les coûts du capital pour les investisseurs tiers à la recherche de possibilités d’investissement à long terme, et vu que le financement classique des investissements par des fonds publics s'avère de plus en plus difficile en ces temps de crise, le recours à instrument financier d'un nouveau type dans l'UE, en collaboration étroite avec la Banque européenne d'investissement, constitue, sous certaines réserves, (voir avis TEN/472) une solution complémentaire et innovatrice pour attirer des capitaux des fonds de pensions, des assurances et d’autres acteurs sur le marché des capitaux intéressés à investir dans des projets européens à long terme.

4.12

Si le CESE approuve l'intention de la Commission de trouver, selon ses dires, des formules novatrices pour mobiliser une plus grande part de l'épargne privée, elle estime que ces formules ne devraient pas s'adresser aux seuls gros capitaux, mais qu'elles devraient être agencées de manière à sensibiliser également les petits épargnants.

4.13

À défaut d'une autre solution envisageable, le CESE ne peut que regretter les réticences, voire même les contestations de certains États membres vis-à-vis des emprunts obligataires pour des projets d'infrastructure, et espère que la phase pilote, utilisant jusqu’à 230 millions d’euros du budget actuel de l’UE, envisagée pour la période 2012-2013 puisse inciter les marchés de capitaux, les fonds de pension, compagnies d'assurances etc. à investir sur le long terme et convaincre du bien-fondé des mesures envisagées.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/120


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications et abrogeant la décision no 1336/97/CE»

COM(2011) 657 final — 2011/0299 (COD)

2012/C 143/24

Rapporteur: M. LONGO

Le 15 novembre et le 30 novembre 2011, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément aux articles 172 et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications et abrogeant la décision no1336/97/CE"

COM(2011) 657 final – 2011/0299 (COD).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 126 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

Le présent avis fait partie d'un ensemble de cinq avis préparés par le CESE sur le "Mécanisme pour l’interconnexion en Europe" (MIE) et ses orientations qui ont été publiées par la Commission européenne en octobre 2011. Ledit ensemble se compose des avis TEN/468 sur le MIE (rap. M. HENCKS), TEN/469 sur les orientations pour les réseaux de télécommunications (rap. M. LONGO), TEN/470 sur les orientations pour les infrastructures énergétiques (rap. M. BIERMANN), TEN/471 sur les infrastructures de transport (rap. M. BACK) et TEN/472 sur l'initiative d'emprunts obligataires (rap. M. DUTTINE).

1.   Conclusions et recommandations

1.1

L'objectif de la stratégie numérique pour l'Europe consistant à mettre en œuvre pour tous une infrastructure numérique à large bande et à haut débit, recourant à des technologies fixes comme à des technologies sans fil, appelle des mesures visant à éliminer les "goulets d'étranglement numériques", à savoir les obstacles dus à l'absence d'interconnexion et d'interopérabilité technique, ainsi qu'à combler le fossé existant entre les différents territoires et les différentes catégories sociales, tant au niveau national qu'européen.

Dans le cadre de sa proposition relative à des "Orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications", la Commission a dressé un inventaire des projets d'intérêt commun pour le développement de réseaux à haut débit et d'infrastructures de services numériques en vue de lutter contre les obstacles au développement du marché unique numérique et le manque d'investissements dans le haut débit en Europe, par rapport à ses concurrents.

1.2

Le CESE se félicite donc du lancement, par la Commission européenne, du mécanisme pour l'interconnexion en Europe et considère plus particulièrement que son application aux réseaux à haut débit permet dans une large mesure de répondre de manière concrète et positive aux exigences posées par la "stratégie numérique pour l'Europe" en faisant face au problème du manque d'investissements dans les réseaux à haut débit (1).

1.3

Comme il l'a rappelé dans plusieurs avis, le CESE est convaincu que l’accès au haut débit pour tous est un facteur-clé du développement des économies modernes, mais qu'il est aussi devenu un élément essentiel de la création de nouveaux emplois, d'une meilleure cohésion, du bien-être et de l’insertion numérique d'individus et de territoires entiers défavorisés sur les plans économique et culturel (2).

1.4

La définition des objectifs et priorités des projets d'intérêt commun répond à une exigence fondamentale: utiliser les ressources financières de manière optimale et atteindre des buts précis en évitant le saupoudrage.

Dans ce sens, il est primordial que les projets à financer répondent également au besoin de promouvoir l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux, sans lesquelles le marché unique numérique restera inachevé.

1.5

Le CESE recommande à la Commission de faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande rigueur concernant les critères de sélection des projets à financer, afin que les fonds soient utilisés pour assurer l'interconnexion transeuropéenne, favoriser les zones périphériques, aider les PME à accéder à l'économie numérique et améliorer la cohésion sociale. Pour répondre à ces exigences, en informant les institutions et les citoyens, il serait opportun que la Commission rédige un rapport périodique sur l'utilisation des fonds.

1.6

Le CESE est préoccupé par le caractère relativement vague de l'article 5, paragraphe 6, selon lequel la Commission est habilitée à adopter des actes délégués "visant à modifier la description des projets d'intérêt commun figurant à l'annexe". Il convient de limiter au maximum les considérations d'ordre politique (cf. article 5, paragraphe 7, point b) où il est question de "l'apparition de priorités politiques") ou les pressions exercées par des lobbys, et de privilégier des critères tels que l'innovation technologique, la valeur ajoutée et la conformité aux objectifs. Le CESE insiste sur le fait qu'il est bon que les actes délégués soient assortis de limites précises dans le temps et sur le fond.

1.7

Le CESE juge important que les projets à financer respectent le principe de la neutralité technologique, qui est fondamental pour un Internet réellement ouvert (3).

1.8

Les ressources doivent être utilisées en faveur de solutions de réseau ouvertes et accessibles sur des bases non discriminatoires qui permettent l'entrée de nouveaux opérateurs, qui soient dotées des technologies les plus efficientes et dont le coût soit abordable pour les citoyens et les entreprises.

1.9

Le CESE souhaite en outre que la Commission coordonne mieux l'allocation des fonds prévus par le règlement et d'autres initiatives, pour éviter les duplications d'une part et les négligences d'autre part.

1.10

Il convient de réaliser sans délai la cartographie européenne, nationale et régionale, préconisée par la Commission même, afin d'identifier les lacunes en matière de couverture et d'encourager les nouvelles initiatives de la part d'investisseurs publics et privés.

1.11

Par ailleurs l'ouverture à la coopération avec des pays tiers et des organisations internationales est importante pour renforcer l'interopérabilité entre les réseaux de télécommunications respectifs.

1.12

Enfin, le CESE réaffirme à nouveau sa conviction selon laquelle il est désormais absolument indispensable d'inclure la connexion à l'internet dans le service universel (4), et estime que c'est là une priorité pour rendre l'UE plus compétitive et inclusive. En attendant que cet objectif soit atteint, il faut en tout état de cause garantir à chaque citoyen un accès public ou privé au haut débit à un coût abordable.

2.   Contexte et contenu

2.1

Le 29 juin 2011, la Commission a adopté de nouvelles orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications et a publié une proposition relative au cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 (5), qui prévoit la création d'un nouvel instrument intégré pour investir dans des projets d'intérêt communautaire prioritaires en matière d'infrastructures dans les secteurs des transports, de l'énergie et des télécommunications, baptisé "mécanisme pour l'interconnexion en Europe" (MIE). La dotation financière totale dudit mécanisme, au titre de cofinancement communautaire à haute valeur ajoutée, se monte à 50 milliards d'euros, dont 9,2 milliards sont destinés à des réseaux et services numériques, tandis que les besoins sont estimés à 270 milliards d'euros au moins.

2.2

En outre, la Commission propose l'introduction d'obligations européennes ("project bonds") en vue d'accroître la capacité d'attirer des financements du secteur public ou privé en réduisant le risque pour les investisseurs tiers. Le budget de l'UE sera ainsi utilisé pour fournir à la Banque européenne d'investissement (BEI) des capitaux destinés à la couverture partielle du risque qu'elle encourt lorsqu'elle cofinance les projets éligibles. Le budget de l'UE fournira donc une espèce de garantie afin que la BEI finance les projets en question, mais la Banque doit prendre le reste du risque à sa charge. Durant une phase pilote (2012-2013), un budget de 20 millions provenant d'une redistribution des crédits inutilisés dans le cadre des programmes européens de télécommunications sera transféré à la BEI qui devrait, selon les attentes de la Commission, mobiliser d'autres investisseurs publics ou privés.

2.3

Dans la proposition de règlement à l'examen, la Commission établit une série d'orientations couvrant les objectifs et priorités envisagés dans le domaine des réseaux à haut débit et des infrastructures de services numériques de télécommunications, dans le but:

d'accroître la compétitivité de l'économie européenne, en favorisant les PME;

de promouvoir l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l'accès à ces réseaux;

de développer un marché unique numérique.

2.4

Le règlement vise à réduire les goulets d'étranglement qui s'opposent à l'achèvement du marché unique numérique en favorisant la connectivité au réseau et l'accès à une infrastructure de services publics numériques. L'objectif est d'éliminer les problèmes qui se posent du côté de l'offre, mis en évidence par le nombre élevé de faillites d'entreprises et la réduction des investissements dans le haut débit et des services qui sont d'intérêt public mais peu rentables (p. ex la santé en ligne, la carte d'identité électronique, les marchés publics électroniques et leur interopérabilité transfrontalière). De plus, la demande de services ne peut augmenter que si tous les citoyens ont accès à des réseaux numériques.

2.5

Le train de propositions prévoit des instruments financiers novateurs susceptibles de soutenir, par un effet de levier, les investissements publics et privés, ainsi qu'un cofinancement au moyen de subventions dans les secteurs des infrastructures, le but étant d'atteindre, à l'horizon 2020, les objectifs figurant dans la stratégie numérique pour l'Europe, à savoir une couverture à 30 Mbps pour tous et une proportion de foyers européens ayant accès à un débit supérieur à 100 Mbps au moins égale à 50 %.

2.6

Les priorités des projets d'intérêt commun sont les suivantes:

des réseaux à haut débit ultrarapides assurant une vitesse de transmission des données minimale de 100 Mbps;

des réseaux à haut débit qui permettent de relier les régions insulaires et périphériques aux régions centrales de l'Union en faisant en sorte que, dans ces régions, les vitesses de transmission des données soient suffisantes pour permettre une connectivité à haut débit minimale de 30 Mbps;

le soutien à des plateformes de services centrales dans le domaine des infrastructures de services numériques;

des mesures permettant de dégager des synergies et de parvenir à l'interopérabilité entre différents projets d'intérêt commun dans le secteur des télécommunications;

des projets d'intérêt commun pourront inclure des services électroniques déjà mis en œuvre dans le cadre d'autres programmes de l'Union tels que le programme "solutions d'interopérabilité pour les administrations publiques européennes"(ISA);

une coopération est prévue avec des pays tiers et des organisations internationales pour favoriser l'interopérabilité entre les réseaux;

la Commission demande de pouvoir adopter des actes délégués pour une période indéterminée, afin de modifier la description des projets d'intérêt commun figurant en annexe à la proposition de règlement.

3.   Observations générales

3.1

Pour la première fois, en vue de créer des synergies et dans le cadre d'une vision stratégique, la Commission propose un instrument de financement unique pour les trois secteurs des transports, de l'énergie et des télécommunications. Cette nouvelle approche revêt une grande importance et peut notamment servir de modèle aux politiques des États membres en matière d'infrastructures. En outre, en poursuivant l'objectif de réseaux intelligents, durables et totalement interconnectés, le mécanisme pour l'interconnexion en Europe apportera une contribution importante à la réalisation du marché unique européen. Enfin, en donnant une crédibilité aux projets d'infrastructures, et en diminuant leur profil de risque, il sera possible d'attirer d'autres financements des secteurs public et privé.

3.2

Dans ce scénario nouveau, le rôle des réseaux et des services à haut débit revêt une importance particulière. Le CESE a déjà souligné l'importance de garantir un accès adéquat des citoyens au haut débit en garantissant aux utilisateurs un maximum d'avantages découlant d'une concurrence réelle entre opérateurs conjuguée à des politiques nationales de soutien aux investissements en infrastructures et à l'innovation (6).

3.3

Pour favoriser une croissance économique intelligente, mais aussi durable et inclusive dans l'Union, il est impératif d'investir dans les télécommunications, et notamment dans les réseaux à haut débit et les infrastructures de services numériques. Avec cet engagement financier et ce règlement de mise en œuvre, l'on se rapprocherait de l'objectif établi dans la stratégie numérique pour l'Europe (d'ici 2020 un débit de 30 Mbps pour tous et un débit de 100 Mbps pour au moins 50 % de la population).

3.4

La décision de la Commission concernant le "Mécanisme pour l'interconnexion en Europe" est enfin une réponse positive aux doutes exprimés par le CESE (7) quant au caractère assez confus et vague du plan d'action contenu dans la communication "Une stratégie numérique pour l'Europe" et à l'insuffisance des investissements dans le réseau de télécommunications, qui est due aux faibles perspectives de profit dans de nombreuses situations d'utilité publique ainsi qu'aux difficultés objectives dont souffrent les régions périphériques. Il s'agit là d'un obstacle majeur à la création d'un espace européen unique accessible, rapide et durable pour les gouvernements locaux, les citoyens, les entreprises, et le secteur non marchand.

3.5

Le CESE a rappelé à de nombreuses reprises que l'accès généralisé au haut débit représente non seulement une condition indispensable pour le développement des économies modernes, mais qu'il s'agit également d'un élément fondamental pour le bien-être et l'inclusion numérique de personnes défavorisées ainsi que de zones entières qui le sont également du point de vue économique et culturel (8).. Il faut rappeler que dans la communication "Combler le fossé existant en ce qui concerne la large bande", du 20 mars 2006 (9), il est déjà estimé que "l’accès généralisé à la large bande est un facteur-clé du développement des économies modernes et un aspect important de l’agenda de Lisbonne".

3.6

La nécessité d'un fort engagement européen dans ce secteur a été répétée unanimement et avec vigueur par la première assemblée "stratégie numérique" qui s'est tenue à Bruxelles les 16 et 17 juin 2011 sous la présidence de la vice-présidente de la Commission, Mme Kroes, et qui a vu la participation de plus de 1 000 parties intéressées (10): fournisseurs de contenus, constructeurs de matériel, investisseurs et opérateurs de télécommunications des principales entreprises au niveau mondial. Les intervenants ont estimé comme la Commission que le modèle d'investissement existant dans le domaine des télécommunications ne suffirait pas pour permettre le déploiement d'infrastructures à haut débit abordables et de qualité (rapidité, stabilité, prix abordable, accessibilité pour tous). À ce propos, le CESE juge intéressant d'approfondir l'examen de la situation en Inde, où le gouvernement fédéral a annoncé que 600 millions de citoyens seront connectés au haut débit en 2014, au moyen d'un mélange de technologies avec et sans fil. L'ampleur de cet engagement est comparable à celui de l'UE, et l'initiative indienne pourrait donc être une source de bonnes pratiques, par l'intermédiaire de la Table-ronde UE-Inde du Comité (11).

4.   Observations spécifiques

4.1

Parmi les projets d'intérêt commun considérés dans la communication comme pouvant bénéficier d'un financement au titre de ces fonds figurent: les connexions transeuropéennes ultrarapides au réseau de base pour les administrations publiques; la fourniture transfrontalière de services d'administration électroniques reposant sur l'identification et l'authentification pleinement interopérables (procédures de création d'entreprises, marchés publics transfrontaliers, justice en ligne, services de santé en ligne, en particulier service de radiodiagnostic à distance); l'accès à distance au patrimoine culturel; la sûreté d'Internet pour les mineurs; la lutte contre la fraude dans le commerce électronique; les services d'énergie intelligente.

4.2

Ces projets contribuent à la croissance économique et favorisent le développement du marché unique, en renforçant la compétitivité de l'économie européenne, notamment s'agissant des PME. Ils améliorent la qualité de vie des citoyens, des entreprises et des administrations en promouvant l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux de télécommunications et l'accès à ces derniers.

4.3

La Commission avait déjà identifié les principaux points critiques à surmonter pour atteindre effectivement les objectifs prévus par la stratégie numérique pour l'Europe (12) (une des sept initiatives phare de la stratégie Europe 2020). À ce propos, le CES a relevé que "l'exécution inadéquate des initiatives politiques a aggravé l'inertie de l'économie numérique européenne causée par la fragmentation et les investissements insuffisants" (13).

4.4

Le CESE peut souscrire à la proposition de la Commission lorsqu'elle demande le lancement d'initiatives des États membres visant à rendre accessible aux citoyens de l'UE un réseau intégré de contenus et de services utiles, même si elle n'envisage pas encore la possibilité de prévoir une identité électronique européenne (eID) pour chaque citoyen afin de faciliter la prestation de services électroniques et le commerce en ligne, thème qui a fait l'objet d'une recommandation spécifique de la part du CESE (14).

4.5

L'instrument financier adopté par la Commission peut résoudre un problème qui a jusqu'à présent limité les possibilités de se doter d'une infrastructure forte. L'utilisation des seuls fonds structurels et du programme "compétitivité et innovation" pour les infrastructures de services numériques et uniquement pour des projets pilotes ne permettrait pas de constituer une masse critique suffisante pour une diffusion significative des services numériques. À l'heure actuelle, les investissements dans le haut débit sont insuffisants dans de nombreuses régions en raison du manque de concurrence et du risque élevé de marché, les services publics sont peu développés et non interopérables en raison du caractère fragmentaire des solutions techniques. Si l'on continue sur cette voie, il n'y aura pas de véritable marché numérique unique, et de nombreux citoyens européens seront exclus.

4.6

Le CESE juge important que les projets à financer au moyen de ces fonds respectent le principe de la neutralité technologique, qui est fondamental pour un Internet réellement ouvert (15).

4.7

En outre, cela fait des années que le CESE affirme avec vigueur la conviction qui est la sienne quant à la nécessité désormais inéluctable d'intégrer la connexion à Internet dans le concept de service universel (16). Force est à nouveau de constater que la Commission élude cette importante question, dès lors que la commissaire KROES a exclu de pouvoir inclure les services de télécommunications mobiles et les connexions à débit rapide lors du réexamen de la portée du service universel (17). La Commission a fondé cette conclusion sur la consultation publique lancée en mars 2010, qui aurait fait apparaître une lourde charge pour l'industrie et des répercussions sur les prix à la consommation dans certains États membres dans lesquels ces services sont encore faibles.

4.8

Il est surprenant que, alors que la Commission se montre fort sensible à la nécessité de faire accomplir à l'Union un saut qualitatif décisif au niveau des infrastructures, elle soit en revanche encore très prudente quant à l'opportunité d'adapter la réglementation sur le service universel dans les télécommunications, laquelle remonte à 2002 (18).

Le CESE, tout en étant conscient des difficultés économiques mises en évidence par la Commission, met dès lors et encore une fois l'accent sur le fait que, en attendant que cet objectif prioritaire soit atteint au plus vite, il faut garantir à chaque citoyen un accès public ou privé au haut débit à un coût économique et logistique abordable.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur le thème "Mécanisme pour l’interconnexion en Europe" (Voir page 116 du présent Journal officiel).

(2)  Avis du CESE sur le thème "Réflexions sur le service universel de communications électroniques" JO C 175 du 28.7.2009, p. 8 et avis du CESE sur le thème "Renforcer la culture numérique, les compétences numériques et l'insertion numérique", JO C 318 du 29.10.2011, p.9.

(3)  Avis du CESE sur le thème "Neutralité du réseau", non encore publié au JO et avis du CESE sur le thème "Premier programme en matière de politique du spectre radioélectrique/Le haut débit en Europe: investir dans une croissance induite par le numérique", JO C 107 du 6.4.2011, p. 53.

(4)  Avis du CESE sur le thème "Réflexions sur le service universel de communications électroniques", JO C 175 du 28.7.2009, p. 8, avis du CESE sur le thème "Une stratégie numérique pour l'Europe", JO C 54 du 19.2.2011, p. 58, avis du CESE sur le thème "Premier programme en matière de politique du spectre radioélectrique/Le haut débit en Europe: investir dans une croissance induite par le numérique", JO C 107 du 6.4.2011, p. 53 et de nombreux autres avis.

(5)  Communication "Un budget pour la stratégie Europe 2020", COM(2011) 500 final.

(6)  Avis du CESE sur le thème "Réseaux de communications électroniques", JO C 224 du 30.8.2008, p.50.

(7)  Avis du CESE sur le thème "Une stratégie numérique pour l'Europe", JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

(8)  Avis du CESE sur le thème "Réflexions sur le service universel de communications électroniques", JO C 175 du 28.7.2009, p. 8 et avis du CESE sur le thème "Renforcer la culture numérique, les compétences numériques et l'insertion numérique", JO C 318 du 29.10.2011, p. 9.

(9)  COM(2006) 129 final.

(10)  Sur cette assemblée, v. http://ec.europa.eu/information_society/digital-agenda/daa/index_en.htm.

(11)  Voir les déclarations de AK. Bhargava, directeur général de la compagnie téléphonique indienne MTNL (Manhagar Telephone Nigam Limited): "Afin d'accroître la pénétration du haut débit, les infrastructures, où qu'elles soient, doivent anticiper la demande. La qualité du service doit être élevée et, surtout, les coûts doivent être abordables"; Broadband Tech India, 12/9/2011.

(12)  COM(2010) 245 final/2.

(13)  Avis du CESE sur le thème "Une stratégie numérique pour l'Europe", JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

(14)  Avis du CESE sur le thème "Une stratégie numérique pour l'Europe", JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

(15)  Avis du CESE sur le thème "Neutralité du réseau", JO C 24 28/01/2012, p. 139.

(16)  Avis du CESE sur le thème "Réflexions sur le service universel de communications électroniques" JO C 175 du 28.7.2009, p. 8, avis du CESE sur le thème "Une stratégie numérique pour l'Europe", JO C 54 du 19.2.2011, p. 58, avis du CESE sur le thème "Premier programme en matière de politique du spectre radioélectrique/Le haut débit en Europe: investir dans une croissance induite par le numérique", JO C 107 du 6.4.2011, p. 53 et de nombreux autres avis.

(17)  Déclaration du 23.11.2011, v. IP/11/1400.

(18)  Directive sur le service universel 2002/22/CE du 7 mars 2002.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/125


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes et abrogeant la décision no 1364/2006/CE»

COM(2011) 658 final — 2011/0300 (COD)

2012/C 143/25

Rapporteur: Egbert BIERMANN

Le 15 et le 29 novembre 2011 respectivement, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne ont décidé, conformément aux articles 172 et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes et abrogeant la décision no 1364/2006/CE"

COM(2011) 658 final – 2011/0300 (COD).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 131 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

Le présent avis fait partie d'un paquet de cinq avis élaborés par le CESE sur le mécanisme pour l'interconnexion en Europe et les lignes directrices afférentes publiées par la Commission européenne en octobre 2011. Ce paquet comprend l'avis TEN/468 sur le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (rapporteur: M. HENCKS), l'avis TEN/469 sur les orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications (rapporteur: M. LONGO), l'avis TEN/470 sur les lignes directrices relatives aux infrastructures énergétiques transeuropéennes (rapporteur: M. BIERMANN), l'avis TEN/471 sur les lignes directrices relatives au réseau transeuropéen de transport (rapporteur: M. BACK), ainsi que l'avis TEN/472 sur l'initiative des emprunts obligataires pour les projets d'infrastructures (rapporteur: M. DUTTINE).

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité soutient l'objectif de moderniser et de développer largement les infrastructures énergétiques européennes. Des infrastructures énergétiques performantes, solides et sûres sur le plan de l'approvisionnement constituent, au même titre que la diversification des sources d'énergie, des sources d'approvisionnement et des itinéraires de transit, le fondement même de la sécurité et de la stabilité de l'approvisionnement de l'UE.

1.2   La crise financière a montré que des structures stables, tant au niveau de l'industrie que des PME, représentent en particulier des facteurs de création de valeur permettant d'accélérer la sortie de crise. Des infrastructures énergétiques à l'assise solide, qui garantissent un haut degré de sécurité d'approvisionnement, sont une condition sine qua non pour les deux secteurs.

1.3   À l'avenir, la fréquence et le volume du transport de l'énergie sur de longues distances sont appelés à augmenter, au point de dépasser les possibilités actuelles. Il convient dès lors d'instaurer les conditions requises pour une telle expansion et de les mettre en pratique, comme le présente la Commission européenne dans sa proposition.

1.4   Le transport de l'énergie à très haute tension et courant continu exige la mise en place d'un réseau paneuropéen stable. Les liaisons linéaires utilisées jusqu'à présent ne sont pas à l'abri des défaillances.

1.5   Il est indispensable de créer des interconnexions européennes afin d'éviter les pénuries d'énergie. Résorber les goulets d'étranglement contribue à la stabilité de l'approvisionnement.

1.6   Seules des infrastructures énergétiques transeuropéennes permettront à tous les États membres de l'UE de tirer profit des avantages de localisation liés aux sources d'énergie nationales. Ce principe s'applique tant à l'exploitation des énergies hydroélectrique et éolienne qu'à l'utilisation des installations solaires en Europe méridionale. Ces infrastructures favoriseraient également une utilisation optimale des combustibles fossiles tels que le pétrole, le gaz et le charbon.

1.7   Des infrastructures énergétiques bien développées sont indispensables pour passer avec succès à un approvisionnement énergétique durable, sûr et plus sobre en carbone.

1.8   Le CESE appuie la création d'un "mécanisme pour l'interconnexion en Europe". À ce jour, on ne dispose que d'estimations sur le volume des investissements à consentir. Or, pour mener ce projet à bien, il convient de déterminer concrètement les besoins réels d'investissement et d'améliorer les conditions générales et les moyens afin de faciliter les innovations dans le déploiement des infrastructures énergétiques européennes. Ces évolutions ne peuvent s'effectuer au détriment du développement tout aussi nécessaire des réseaux de distribution dans les États membres et les régions. À tous les niveaux, des redevances de réseau favorisant les investissements privés sont requises. Toujours dans le même objectif de créer des incitations à l'investissement privé, il importe de disposer de programmes publics efficaces de cautionnement et de promotion.

1.9   Les critères de sélection des projets revêtent une importance majeure. Il convient d'en assurer la transparence pour les opérateurs de réseau, les entreprises productrices et consommatrices d'énergie et les citoyens. La structure de participation de ces derniers et des régions, détaillée dans la proposition à l'examen, mérite d'être saluée. Dès lors, le CESE approuve les critères de sélection des projets énoncés dans l'annexe au projet de règlement.

1.10   Il est indispensable de développer l'interconnexion des réseaux électriques à l'échelle européenne en vue d'un équilibrage optimal des charges, mais aussi de l'exploitation des potentialités en matière d'efficacité. Pour que le développement du réseau ne se mue pas en goulet d'étranglement pour la croissance européenne, il importe d'accélérer sensiblement les procédures d'octroi des autorisations. Les suggestions de la proposition de règlement en la matière sont également louables. Il est demandé aux États membres d'entreprendre les démarches nécessaires à l'échelon national pour adapter leur législation.

1.11   De l'avis du CESE, il est fondamentalement nécessaire d'accroître l'adhésion des parties prenantes et leur dialogue mutuel si l'on veut maîtriser les défis posés par le développement du réseau.

1.12   Il convient de redoubler d'efforts dans le domaine de la recherche afin de compenser des productions d'électricité variables par le recours aux énergies renouvelables, grâce aux réseaux intelligents, aux capacités de stockage et à des approches judicieuses du bouquet énergétique. Dans toute l'UE, il convient d'apporter la sécurité juridique nécessaire à la mise en œuvre de ce projet.

1.13   Il y a lieu de prêter une attention particulière à la stabilité du réseau électrique européen face à des conditions changeantes résultant de l'introduction croissante d'énergies renouvelables volatiles. La tension et la fréquence ne peuvent être sujettes aux variations.

1.14   La création d'infrastructures énergétiques transeuropéennes suppose une vaste adhésion de la part des citoyens. Les possibilités avancées dans la proposition à l'examen font un pas important dans cette direction. Il convient de les élargir au sein des différents États membres si le besoin s'en fait sentir.

1.15   Dans le cadre de la construction comme du fonctionnement des réseaux énergétiques transnationaux, les travailleurs sont soumis à des exigences particulièrement élevées. La formation permettant d'acquérir les qualifications requises pour l'exercice de ces activités et la formation continue doivent faire partie intégrante de la mise en œuvre. Pour les ressources humaines hautement qualifiées, comme les cadres et les ingénieurs, il est en particulier nécessaire de prévoir une action de formation continue spécifique dans les domaines de l'innovation, de la recherche, de la prévention des risques liés au transport d'énergie entre différents pays, ainsi que sur les aspects juridiques de ces matières, qui sont en constante évolution. Lors de la passation des marchés, il convient également de veiller au respect des normes sociales.

1.16   Le CESE se félicite du maintien d'un réseau gazier étendu. Le raccordement des différentes régions gazières renforcera la sécurité d'approvisionnement.

1.17   Les projets de recherche initiés par l'UE dans le domaine du captage et du stockage du CO2 progressent péniblement. Certes, la mise en place d'un réseau reliant les centres de recherche et les sites de stockage potentiels ou servant au stockage devrait être envisagée dès à présent. Toutefois, la réalisation de ce projet avant 2020 est plutôt hypothétique dans la perspective actuelle. C'est pourquoi le CESE suggère un processus de suivi destiné à analyser plus avant et à éprouver l'applicabilité de cette technologie (voir également à ce sujet l'avis 1203/2008 du CESE relatif au stockage géologique du dioxyde de carbone – rapporteur: M. Wolf) (1).

2.   Introduction

2.1   Façonner l'avenir énergétique de l'Europe représente un défi majeur pour la politique et la société européennes. La réalisation de cet objectif suppose une action cohérente, ciblée et réaliste, qui s'appuie par exemple sur des études de faisabilité, et qui transcende les frontières nationales pour s'inscrire dans une approche européenne commune.

2.2   Les trois objectifs de la politique énergétique de l'UE, à savoir la sécurité d'approvisionnement, la compétitivité et la viabilité, constituent le fil conducteur de toute action européenne commune. Cependant, la poursuite de ces trois objectifs implique également une responsabilité sociale, qui revient à garantir à tous les citoyens de l'UE un accès à une énergie abordable.

2.3   Le 17 novembre 2010, la Commission européenne a adopté une communication intitulée "Priorités en matière d'infrastructures énergétiques pour 2020 et au-delà", demandant que l'Europe opte pour une nouvelle politique dans le domaine des infrastructures énergétiques. Selon les orientations de cette communication, il conviendra à l'avenir d'assurer une coordination transeuropéenne du développement des réseaux énergétiques. Cet objectif suppose dans le même temps de remanier et de développer les stratégies et les approches relatives aux réseaux énergétiques transeuropéens qui avaient cours jusqu'à présent.

2.4   Le 19 octobre 2011, la Commission a finalement publié sa "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes et abrogeant la décision no 1364/2006/CE". Celle-ci a pour finalité la mise en place d'un marché intérieur des infrastructures énergétiques, qui entrerait en vigueur le 1er janvier 2013. Les infrastructures énergétiques transeuropéennes deviennent ainsi une partie intégrante du concept énergétique européen 2020, qui repose sur l'intégration de tous les États membres au sein du réseau européen, la promotion d'une production durable d'énergie, l'amélioration de l'efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le développement des énergies renouvelables.

2.5   À l'avenir, la question des infrastructures énergétiques gagnera très fortement en importance: la commission d'éthique sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique du gouvernement fédéral allemand la qualifie de "pièce maîtresse d'une économie de haute technologie" (2).

2.5.1

S'agissant du transport de l'électricité, elle implique de développer un réseau européen de transport d'énergie à très haute tension et courant continu (autoroute de l'électricité), notamment les postes d'interconnexion, de se pencher sur les dispositifs de stockage de l'électricité et de les développer, de déployer des réseaux de distribution électrique intelligents et décentralisés ("smart grids") et d'induire une utilisation intelligente de l'électricité.

2.5.2

À l'avenir, le gaz naturel continuera de jouer un rôle essentiel dans le bouquet énergétique européen, pour équilibrer des productions d'électricité variables et assurer un approvisionnement de base. Il convient d'accélérer la construction de gazoducs à haute pression et le développement de capacités de stockage adéquates. Sachant que dans les conditions actuelles, les coûts de stockage sont relativement élevés, il convient de peser le pour et le contre d'une substitution éventuelle, à tout le moins partielle, d'autres formes de production d'énergie au stockage du gaz naturel.

2.5.3

À moyen terme, le rôle central du pétrole ne se démentira pas, surtout dans le cas du trafic routier. Dans ce domaine également, il convient dès lors de développer et d'optimiser les structures de transport en vue d'élargir la sécurité d'approvisionnement.

2.5.4

La question de la mise en place d'infrastructures pour le transport du CO2 vient s'ajouter à ce tableau. Des débats sur les avantages et les inconvénients de cette technologie sont en cours. Un complément de recherches, un renforcement du développement de la technique et un redoublement d'efforts pour accroître l'adhésion à son égard restent nécessaires. Des retards sont donc à prévoir dans son application.

2.6   Il y a lieu d'intégrer les sources d'énergie indigènes des États membres dans les infrastructures énergétiques européennes. De cette façon, les centrales électriques au mazout et au charbon à la pointe de la technologie, par exemple, pourront contribuer à assurer un approvisionnement de base et à compenser des productions d'électricité variables.

3.   La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil présentée par la Commission

3.1   L'essence de la "proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes" réside dans l'obligation imposée aux États membres de prendre part aux mesures relatives aux infrastructures transeuropéennes et d'améliorer dans le même temps l'efficacité des structures de transport. Pour répondre à la demande sans cesse croissante d'énergie, une interconnexion transeuropéenne des réseaux énergétiques est indispensable. Tous les secteurs énergétiques sont concernés.

3.2   Le règlement proposé définit 12 projets et domaines prioritaires en matière d'infrastructures énergétiques. Tous les États membres sont intégrés dans les différents projets, en fonction de la pertinence que ceux-ci présentent dans leur cas. Y figurent concrètement:

4 corridors dans le secteur de l'électricité, impliquant notamment la mise en place d'un réseau en mer dans les mers septentrionales et d'un réseau Nord-Sud.

4 corridors dans le secteur du gaz; dans ce cadre, il est notamment prévu de développer les réseaux gaziers européens afin de garantir la sécurité d'approvisionnement.

1 corridor dans le secteur du pétrole; là encore, la question de la sécurité d'approvisionnement est mise à l'avant-plan.

3 domaines thématiques prioritaires, comprenant le déploiement des réseaux intelligents, la construction d'autoroutes de l'électricité et le développement d'un réseau transnational de transport du dioxyde de carbone.

3.3   Dans la proposition de la Commission, quinze catégories sont détaillées pour les 4 domaines prioritaires en matière d'infrastructures (elles comprennent notamment les autoroutes de l'électricité, les installations de stockage de l'électricité, les conduites de gaz, le transport de pétrole et les canalisations destinées au CO2). Cette nomenclature est indispensable si l'on entend s'assurer que toutes les parties prenantes se fondent sur des notions identiques et acceptées par tous.

3.4   Les règles contraignantes que la proposition de la Commission établit en matière de coopération des groupes constitués en vue d'une mise en œuvre régionale suivent le même principe. Elles s'appliquent à tous les groupes régionaux et sont destinées à garantir une collaboration optimale. Ces groupes doivent prendre en compte les intérêts d'ordres divers de toutes les parties concernées. Étant donné les fortes incidences qu'ont ces projets sur le territoire des États membres, ainsi qu'au niveau transnational, ces règles et indicateurs s'imposent.

3.5   Sachant que les prix de l'électricité, mais aussi les prix "réseaux" diffèrent d'un État membre à l'autre, le texte à l'examen propose une méthodologie d'analyse des coûts et avantages, permettant de développer et de comparer des scénarios relatifs notamment à la demande, aux prix et aux capacités de production dans les différents secteurs énergétiques.

3.6   Enfin, des "orientations en matière de transparence et de participation du public" sont formulées. Elles tiennent compte de la nécessité d'harmoniser la marche à suivre, face à la diversité des réglementations en vigueur dans les États membres. Il est proposé de mettre au point un manuel des procédures. L'objectif est de veiller à une large participation du public. Les règles contraignantes suggérées en la matière s'appliquent à l'ensemble de l'UE. Elles permettent une adaptation des opérations (voir à ce sujet l'annexe II de la proposition de règlement).

3.7   Dans le même temps, de nouvelles perspectives sont ainsi offertes au lancement de projets pilotes en faveur de la participation citoyenne, dans l'objectif de développer une culture européenne de la participation.

3.8   La participation publique des collectivités territoriales, des entreprises et des citoyens prend ici une dimension radicalement nouvelle. Il ne s'agit pas uniquement d'associer au processus les citoyens d'un seul État, mais ceux de tous les États concernés. L'on assiste pratiquement à l'émergence d'une participation transnationale, qui peut parfaitement, et doit d'ailleurs, déboucher sur une culture européenne de la participation. Cet aspect a été amplement mis en évidence par le Comité des régions (CdR) dans son avis sur les "Priorités en matière d'infrastructures énergétiques pour 2020 et au-delà" (3) (en particulier aux paragraphes 3 et 4).

3.9   Sur le plan juridique, la mise en œuvre d'un règlement éventuel se fonde en particulier sur l'article 171 paragraphe 1 du TFUE, dont l'énoncé est dépourvu de toute ambigüité, ainsi que sur la procédure de codécision visée à l'article 172. Ce qui importe, c'est que les États membres conservent leurs compétences actuelles s'agissant du bouquet énergétique. La compétence de l'Union européenne en matière de réseaux transeuropéens s'avère utile dans ce contexte et doit être renforcée.

3.10   L'enveloppe financière à allouer au développement des infrastructures énergétiques européennes d'ici 2020 est estimée à quelque 210 milliards d'euros (4). La contribution à attendre des investisseurs privés doit avoisiner les 50 %. Pour atteindre ce chiffre, la Commission examine et élabore en ce moment des instruments de financement. Le groupe d'étude TEN "Initiative des emprunts obligataires Europe 2020 pour les projets d'infrastructures" (5) est chargé de les évaluer.

3.11   Le règlement proposé doit s'appliquer à compter du 1er janvier 2013. Ses principes de financement s'inscrivent dans le cadre financier pluriannuel de l'UE prévu pour la période 2014-2020.

4.   Observations du CESE

4.1   Assurer l'approvisionnement énergétique au moyen d'infrastructures modernes constitue une condition indispensable à la poursuite du développement de la société européenne. Le CESE accueille dès lors favorablement la proposition de la Commission, qui représente un jalon essentiel de la réalisation des objectifs de la politique énergétique à l'horizon 2020.

4.2   La solution présentée est un juste dosage entre transparence du marché, nécessité de réglementer et liberté de marché. C'est là un aspect positif. À l'heure actuelle, les marchés de l'énergie des États membres sont régis par des réglementations diverses. Des conflits d'intérêt pourraient en résulter. L'objectif est dès lors de parvenir à une harmonisation des marchés nationaux de l'énergie, en préservant les besoins nationaux.

4.3   Les projets de règles et d'indicateurs communs proposés, juridiquement contraignants pour tous, offrent en particulier l'opportunité d'agir de façon conjointe et ciblée. Ils permettent de réduire en amont les risques de divergences conceptuelles.

4.4   L'objectif relatif à la mise en place d'un super-réseau énergétique, appelée à déboucher sur la création de réseaux intelligents décentralisés, est susceptible d'avoir des incidences positives multiples:

des emplois plus nombreux et de meilleure qualité seront créés, en particulier dans les régions périphériques d'Europe,

un approvisionnement énergétique sûr renforcera la position qu'occupe l'Europe dans la concurrence mondiale en qualité de site d'activités industrielles et de prestation de services. C'est particulièrement vrai pour les PME,

la modernisation et l'expansion des infrastructures énergétiques européennes contribueront à améliorer l'efficacité énergétique,

la création d'infrastructures transnationales combinée au développement des réseaux régionaux offrira la possibilité de mieux pallier les pénuries d'énergie existantes,

L'objectif d'intensifier la concurrence sur les marchés de l'énergie peut induire une stabilisation, voire une diminution des prix. La nécessité de réglementation, parfois très forte, susceptible d'exercer un impact négatif sur les prix, vient néanmoins le contrecarrer. Il conviendrait de lancer au niveau politique un processus visant à trouver le juste équilibre dans l'approche à suivre.

4.5   La participation des collectivités régionales et locales envisagée dans le règlement à l'examen permettra aux propositions d'innovation dans les infrastructures présentées par leurs soins d'être mieux acceptées. Dans son avis, le CdR a fortement insisté sur ce point.

4.6   Il y a lieu de réorienter la réglementation du réseau. Il s'agit en l'occurrence de trouver un moyen de remplacer l'approche centrée sur la recherche de rentabilité des opérateurs par des concepts plus étendus. La faisabilité technique fait partie des aspects fondamentaux à examiner. La question de la mise en œuvre, vue sous l'angle économique, social et de la durabilité, en est un autre.

4.7   Le stockage de l'énergie à titre de réserve est un élément important d'infrastructures énergétiques modernes. Jusqu'ici, il concernait essentiellement le gaz naturel et le pétrole. Dans la proposition à l'examen, ce stockage est étendu au secteur de l'électricité. De manière générale, la difficulté consiste à savoir s'il entre dans la catégorie des projets d'intérêt commun ou des projets nationaux. Il n'existe à ce jour aucune réglementation européenne sur cette question, qui suscite de sérieux problèmes juridiques. Il est dès lors demandé à la Commission d'élaborer une proposition à même d'apporter la sécurité juridique nécessaire dans le domaine du stockage de l'énergie. Au delà des possibilités de promotion du stockage de l'énergie prévues jusqu'à présent, cette proposition doit prendre en considération toutes les options techniquement concevables, comme les batteries, les techniques faisant appel à la vapeur, l'hydrogène ou le méthane, par exemple. Il serait souhaitable que des projets de recherche dûment financés soient menés parallèlement à la mise en œuvre.

4.8   Les États membres qui disposent de conseils économiques et sociaux nationaux doivent recueillir le point de vue de ces derniers et les associer, à titre consultatif, à la conception et à la mise en œuvre.

4.9   Les dispositions réglementaires nationales en matière de cogestion et de participation des travailleurs feront partie intégrante des projets régionaux ayant trait aux infrastructures énergétiques. Il s'agit là d'un prérequis indispensable si l'on entend conférer une ligne sociale aux emplois actuels et à venir dans le cadre des projets d'infrastructure européens.

4.10   Les travailleurs engagés dans des projets d'infrastructure doivent posséder les qualifications requises pour assumer ces tâches ambitieuses et pouvoir se perfectionner en conséquence, afin que la mise en œuvre s'effectue sans anicroches..

4.11   Il convient d'informer soigneusement les citoyens européens des projets d'infrastructure naissants. La mise en œuvre de ces derniers n'est pas concevable sans une large adhésion du public.

4.12   Les coûts d'infrastructure sont inclus dans les prix de l'énergie pour les utilisateurs finaux. Dans la pratique, ils sont répercutés sur le tarif facturé au consommateur, ce qui entraîne le risque de voir des citoyens exclus de l'utilisation de l'électricité. Ce problème n'est que vaguement évoqué dans la proposition à l'examen. En complément des mesures prévues, il convient d'élaborer des approches visant à éliminer la précarité énergétique. À cet égard, une des questions déterminantes est en définitive de savoir dans quelle mesure on parviendra à générer sur les marchés de l'énergie une concurrence à même de contrer une hausse des prix.

4.13   L'optimisation des coûts d'infrastructure passe également par la production de l'énergie adéquate à l'endroit adéquat. Ainsi, il convient de privilégier l'énergie éolienne dans les régions venteuses, l'énergie solaire dans les régions ensoleillées. Cette approche permet non seulement d'optimiser la production, mais également le transport de l'énergie.

4.14   L'industrie et les PME continuent d'être d'importantes créatrices de valeur ajoutée en Europe. Pour elles également, un approvisionnement énergétique stable à des prix compétitifs sur le marché mondial constitue un préalable essentiel.

4.15   Une question reste en suspens: la mise en place prévue des infrastructures affectées au transport du CO2. Les avantages et inconvénients de cette technique font actuellement l'objet de discussions. Sachant toutefois qu'à moyen terme, les combustibles fossiles tels que le pétrole, le gaz et le charbon continueront de faire partie du bouquet énergétique de l'Europe, il est nécessaire de prendre des mesures d'accompagnement pour promouvoir cette technique et mettre en place des infrastructures idoines, afin d'atteindre les objectifs à long terme que l'UE s'est fixée en matière de protection du climat. Toutefois, les projets pilotes sont rares à l'heure actuelle. Il y a lieu de se demander si la question sera réglée à l'horizon 2020 ou si elle se posera encore au-delà de cette échéance.

4.16   À la lumière de ce qui précède, le CESE approuve la proposition de règlement concernant les infrastructures énergétiques et est partisan d'une mise en œuvre rapide de ce texte, tenant compte de ses observations.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 27 du 3.2.2009, p.75.

(2)  "Deutschlands Energiewende – Ein Gemeinschaftswerk für die Zukunft" (Le tournant énergétique de l'Allemagne – un travail collectif pour l'avenir), présenté par la commission d'éthique sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique, Berlin, 30 mai 2011, page 37.

(3)  JO C 259 du 2.9.2011, pp. 48-53.

(4)  Dans sa proposition, la Commission estime les besoins à 140 milliards d'euros environ pour les systèmes de transport d'électricité à haute tension, pour le stockage et les applications de réseau intelligentes, à 70 milliards d'euros environ pour les gazoducs à haute pression, et à 2,5 milliards d'euros environ pour les infrastructures de transport du CO2.

(5)  Voir à ce sujet l'avis du CESE "Initiative des emprunts obligataires Europe 2020 pour les projets d'infrastructures" (Voir page 3 du présent Journal officiel).


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/130


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport»

COM(2011) 650 final — 2011/0294 (COD)

2012/C 143/26

Rapporteur: M. BACK

Le 15 novembre 2011 et le 31 novembre 2011 respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément aux articles 172 et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport"

COM(2011) 650 final – 2011/0294 COD.

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 133 voix pour, 1 voix contre et 6 abstentions.

Le présent avis s'inscrit dans un paquet de cinq avis élaboré par le CESE sur le "mécanisme pour l'interconnexion en Europe" (MIE) et ses lignes directrices, dont la publication par la Commission européenne est intervenue en octobre 2011. Ce paquet comporte les avis TEN/468 sur le MIE (rapporteur: M. HENCKS); TEN/469 sur les orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications (rapporteur: M. LONGO); TEN/470 sur les orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes (rapporteur: M. BIERMANN); TEN/471 sur les orientations pour le réseau transeuropéen de transport (rapporteur: M. BACK); et TEN/472 sur l'initiative des emprunts obligataires pour les projets d'infrastructures (rapporteur: M. DUTTINE).

1.   Conclusion et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille positivement la communication intitulée "Des infrastructures européennes intégrées pour stimuler la croissance" (ci-après dénommée "la communication") et la proposition de règlement relatif aux orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport (ci-après dénommée "la proposition"). L'approche exposée dans la communication et les mesures réglementaires avancées pour la mettre en œuvre dans le domaine des transports préconisées dans la proposition sont, dans une large mesure, conformes à ce que le CESE prônait dans des avis antérieurs.

1.2

En particulier, le CESE convient que des réseaux d'infrastructures multimodaux et continus transfrontaliers incluant "le dernier kilomètre" et comportant de bonnes liaisons avec les pays tiers sont essentiels pour réussir la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 et des objectifs définis dans le livre blanc de 2011 "Feuille de route pour un espace européen unique des transports" (ci-après: livre blanc de 2011 sur la politique des transports). Le CESE se réjouit aussi de l'approche intégrée adoptée en matière de politique des infrastructures entre les secteurs des transports, de l'énergie et du numérique en vue de réaliser des synergies et de parvenir à une utilisation efficace des ressources. Néanmoins, le Comité souhaiterait formuler les observations qui suivent.

1.3

Le CESE regrette que l'objectif d'obtenir des synergies avec d'autres réseaux n'apparaisse pas comme l'une des priorités de la proposition en matière de programmation, telles que définies à l'article 10.

1.4

Le CESE note un problème de cohérence entre les objectifs à très long terme énoncés dans la proposition et les mesures plus concrètes et immédiates à l'horizon 2020-2030.

1.5

Le CESE est d'accord avec l'approche à deux niveaux consistant en un réseau central et un réseau global. Le CESE se demande toutefois si les corridors de réseau central (ci-après dénommés "les corridors") ne devraient pas en fait être considérés comme un troisième niveau remplaçant les projets prioritaires des orientations actuelles. Cela est dû au fait que le Chapitre IV de la proposition comporte des critères spécifiques relatifs à la définition des corridors et à leur développement, qui leur confère des caractéristiques propres, que l'on peut clairement distinguer du reste du réseau central. Le CESE observe qu'un problème de prévisibilité et de sécurité juridique est causé par le fait que les corridors et leurs projets prédéfinis sont énumérés dans une liste annexée à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (ci-après dénommée "proposition relative au MIE"), devant s'appliquer pour la période 2014-2020 uniquement, alors même que les corridors comme les projets sont à long terme et qu'il y a lieu que leur caractère prioritaire soit garanti au-delà de 2020.

1.6

Le CESE considère dès lors que l'on pourrait résoudre ce problème de prévisibilité et de sécurité juridique en annexant la liste des corridors de réseau central et des projets prédéfinis à la proposition ou en insérant une disposition suivant laquelle la liste restera en vigueur aussi longtemps que la proposition, sous réserve de modifications ultérieures.

1.7

Le CESE attire l'attention sur le rôle important que revêt l'organisation de coordination et de gouvernance prévue pour les corridors de réseau central, en vue d'en faciliter la mise en œuvre. Le CESE fait toutefois observer qu'il est important de faire en sorte que cette organisation demeure légère, bien adaptée et efficace par rapport à son coût et qu'elle doit être clairement axée sur l'objectif de veiller à ce que, dans le respect du principe subsidiarité, les interfaces de planification transfrontalières fonctionnent de façon optimale à tous les niveaux concernés et que les goulets d'étranglements soient évités. Le CESE préconise des solutions susceptibles d'empêcher l'existence d'organisations de gouvernance parallèles et de bannir la duplication des fonctions lorsque différents systèmes de corridors coïncident, par exemple des corridors de réseau central et des éléments du réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif.

1.8

Le CESE se demande s'il devrait y avoir une possibilité explicite de doter tout le réseau central, y compris les projets d'autoroutes de la mer entre les ports du réseau central, d'une fonction de coordination afin de faciliter une mise en œuvre adéquate et en temps voulu du réseau central, et notamment de sa dimension transfrontière. Le CESE insiste sur le fait qu'une fonction de ce type pourrait constituer une ressource susceptible d'aider les autorités chargées de la planification à trouver plus facilement un équilibre entre priorités nationales à différents niveaux et valeur ajoutée européenne et aussi à faire ressortir la valeur ajoutée européenne.

1.9

S'agissant de la configuration des corridors, le CESE prend note du fait que la proposition met l'accent sur leur caractère multimodal et transfrontalier. La configuration des corridors, tels que repris dans la liste figurant en annexe de la proposition relative au MIE, est trop liée aux corridors de fret ferroviaire définis dans le règlement (UE) no 913/2010 relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif. Étant donné que des transports multimodaux économes en ressources constituent une priorité générale de la proposition, et puisqu'il y a lieu que chaque corridor inclue au moins trois modes de transport, il conviendrait également de prendre en considération d'autres modes de transport.

1.10

Le Comité est d'avis que les corridors devraient être définis sur la base de l'approche multimodale et efficace en termes de ressources présentée dans les articles 48 et 49 de la proposition et qu'ils devraient prendre en considération les flux transfrontières à longue distance les plus importants du réseau central, en optimisant l'utilisation de chaque mode de transport et leur coopération. Il conviendrait que la configuration des corridors s'appuie sur des analyses coûts-avantages et recherche l'efficacité et la durabilité (économique, écologique et sociale) en mettant l'accent sur l'innovation et la comodalité. Sur cette base, il y a lieu d'examiner les besoins de tous les modes, y compris les nœuds, lors de la définition des corridors.

1.11

Le CESE attache une grande importance à l'intention, exprimée dans la proposition relative au MIE, d'assigner des ressources supplémentaires pour faire face aux besoins des pays bénéficiaires du Fonds de cohésion et considère que la priorité que cela traduit devrait aussi être reflétée dans la proposition, en inscrivant par exemple un nouvel objectif à l'article 4 ou une priorité supplémentaire à l'article 10.

1.12

Le CESE prend note qu'en vertu de l'article 17, paragraphe 3, de la proposition relative au MIE, 80 à 85 % des ressources budgétaires disponibles doivent être réservés pour des projets prédéfinis, essentiellement dans le cadre des corridors de réseau central, et répertoriés en annexe de la proposition relative au MIE. Le CESE déplore qu'aucune indication ne soit fournie quant aux critères selon lesquels ces projets ont été retenus. Le CESE rappelle le caractère multimodal des corridors, également mis en avant dans les dispositions relatives au plan de développement de corridor figurant à l'article 53 de la proposition, lequel laisse aussi entendre qu'il devrait y avoir une répartition raisonnable des projets d'investissement entre les différents modes – voir l'article 53, paragraphe 1, point f de la proposition.

1.13

Au vu de l'importance de l'objectif de durabilité, énoncé par exemple aux articles 37 à 39 de la proposition, le CESE se demande si le concept de "corridors verts" ne pourrait pas être utilisé en tant que label de qualité pour développer la solution envisagée en matière de développement des services de transport de fret exposée à l'article 38.

2.   Introduction

2.1

Les orientations relatives aux RTE-T actuellement en vigueur se présentent sous forme de décision et datent de 1996. Elles ont pour objectif d'améliorer la connectivité et, par suite, le fonctionnement du marché unique.

2.2

Or les orientations de 1996, telles que modifiées, ne créent pas un réseau cohérent. C'est le cas notamment en ce qui concerne les projets prioritaires, qui visent à agir sur certains points du réseau où des problèmes de capacité ou d'autres problèmes de connectivité se produisent.

2.3

La mise en œuvre des orientations a été lente et elle accuse des retards considérables, en particulier s'agissant des projets prioritaires.

2.4

Le CESE a aussi relevé une mise en œuvre insuffisante dans les nouveaux États membres en Europe de l'Est.

2.5

La communication et la proposition (le "paquet") que propose maintenant la Commission sont le résultat d'une longue procédure de consultation. Le CESE a participé à cette procédure et a élaboré un avis concernant le livre vert de 2009 relatif à la politique en matière de RTE-T (1) et, à la demande de la présidence polonaise qui était alors à venir, un avis sur le développement durable de la politique européenne des transports et la planification en matière de RTE-T (2). Le CESE a aussi abordé la problématique des RTE-T dans son avis de 2011 relatif au livre blanc sur la politique des transports (3).

2.6

Le paquet ambitionne de créer une politique d'infrastructure intégrée pour les réseaux de transports, énergétiques et numériques, afin de faire en sorte de parvenir à des synergies, d'améliorer l'affectation des ressources ainsi que d'éliminer les goulets d'étranglement, les problèmes de capacité et de chaînons manquants.

2.7

Le paquet vise expressément à contribuer à la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020, soit la réalisation d'une économie de la connaissance durable et compétitive desservie par des réseaux optimaux et économes en ressources.

2.8

Les moyens retenus pour mettre en œuvre ces objectifs consistent en des règlements distincts proposant pour chaque secteur une planification, des priorités et des orientations concernant la mise en œuvre, assortis d'un cadre commun de financement: le règlement relatif au MIE pour la période 2014-2020, avec en annexe une liste des corridors et des projets prédéfinis sélectionnés pour un financement pour la période 2014-2020. Le règlement relatif au MIE sort du champ du présent avis.

2.9

La proposition définit un certain nombre d'objectifs pour le secteur des transports. Le plus important d'entre eux est la création d'un réseau central cohérent, appelé à permettre des transports multimodaux économes en ressources dans le marché unique et à garantir ses connexions vers l'extérieur. La proposition est censée remédier au caractère disparate des orientations actuelles relatives aux RTE-T, améliorer la visibilité du réseau et en faciliter la mise en œuvre.

2.10

À l'instar du livre blanc de 2011 sur la politique des transports, le paquet vise à faciliter des flux de transports continus au sein du marché intérieur, y compris en matière de services logistiques, en vue de garantir la pérennité et la croissance. La proposition entend faciliter la coordination transfrontière entre États membres en fournissant un cadre qui améliore l'affectation des ressources et la planification.

2.11

La proposition introduit dans le réseau des mesures visant à développer le STI ainsi qu'à améliorer les solutions vertes en matière de transport et l'innovation.

2.12

La proposition articule le réseau en deux niveaux: le réseau global et le réseau central. Les ressources de l'UE et la gouvernance sont concentrées sur le réseau central, qui devrait se caractériser par une haute valeur ajoutée européenne (chaînons manquants au niveau transfrontalier, goulets d'étranglement, nœuds multimodaux). Le réseau central devra être établi avant la fin de l'année 2030, et le réseau global d'ici la fin 2050.

2.13

Au sein du réseau central, un certain nombre de corridors multimodaux de réseau central ont été sélectionnés et dotés d'un puissant mécanisme de gouvernance, ils bénéficient de l'essentiel des ressources budgétaires.

3.   Observations générales

3.1

Le CESE accueille favorablement la communication et la proposition et convient qu'une infrastructure opérationnelle est essentielle au bon fonctionnement du marché intérieur.

3.2

Le CESE a plaidé en un certain nombre d'occasions en faveur d'une approche intégrée entre les différents types de réseaux transeuropéens. Le CESE se félicite donc que des propositions en ce sens soient désormais sur la table.

3.3

Le CESE prend note que la proposition n'examine les possibilités de coordination entre les différents types de réseau qu'en termes très généraux. Des dispositions plus concrètes se trouvent dans la proposition relative au MIE.

3.4

Le CESE apprécie que la proposition soit cohérente avec les objectifs de la politique des transports énoncés dans le livre blanc sur les transports de 2011. Le CESE a fait observer qu'une plus grande cohérence est nécessaire entre les mesures stratégiques proposées dans le livre blanc à l'horizon 2050 et les mesures plus concrètes à l'horizon 2020-2030. Des problèmes similaires sont à signaler dans la communication et la proposition.

3.5

Le CESE présume que l'approche à deux niveaux adoptée dans la communication et la proposition se justifie par la volonté de créer un réseau de transport cohérent pour les principaux flux de transports de marchandises et de passagers, qu'il considère comme un objectif utile, et qu'elle se fonde aussi sur la nécessité de fixer des priorités en matière d'utilisation des ressources financières limitées.

3.6

Le CESE pose la question de savoir si les corridors centraux, dont le cadre est esquissé dans la proposition mais qui sont décrits dans une annexe à la proposition relative au MIE, ne représentent pas en réalité un troisième niveau pour les projets prioritaires prédéfinis pour la période budgétaire 2014-2020. Le Comité attire l'attention sur les problèmes de prévisibilité et de sécurité juridique qui pourraient apparaître pour les corridors et projets qui n'auront pas pleinement été mis en œuvre lorsque l'applicabilité de la proposition relative au MIE prendra fin en 2020.

3.7

Le CESE se demande dès lors si la liste des corridors et des projets prédéfinis ne devrait pas apparaître sous forme d'annexe à la proposition. Le CESE considère que les corridors en tant que tels sont davantage liés à la proposition, qui les réglemente, qu'à la proposition de règlement relatif au MIE.

3.8

Le CESE relève aussi un problème de cohérence en ce qui concerne l'interaction entre le réseau central et les corridors pour lesquels la proposition prévoit un mécanisme de gouvernance et de coordination puissant et utile. Si le CESE comprend bien l'intérêt de définir des priorités très strictes en matière d'utilisation des ressources, un mécanisme de gouvernance et de coordination bien développé pourrait aussi s'avérer utile pour l'ensemble du réseau central, dont le délai de mise en œuvre n'est après tout pas si éloigné, en termes de planification des infrastructures. Le CESE insiste en particulier sur l'utilité de ce mécanisme pour trouver un équilibre entre planification nationale et valeur ajoutée européenne et pour inclure l'aspect "valeur ajoutée européenne" dans la planification nationale. La nécessité d'un bon mécanisme de gouvernance et de coordination est particulièrement digne d'être prise en considération pour des projets qui sont par nature transfrontière, comme les autoroutes de la mer.

3.9

Le CESE estime que les corridors devraient être véritablement multimodaux. Cela peut parfois se traduire par des corridors plutôt larges comportant des liaisons terrestres ou fixes et des liaisons maritimes, par exemple sous forme d'autoroutes de la mer. Il convient d'accorder une place appropriée au transport routier, car il est important que le réseau prenne aussi en compte les réalités de la demande actuelle. En effet, l'on s'attend à ce que le taux de croissance du transport de marchandises entre 2005 et 2020 soit de 34 %, le transport routier comptant aujourd'hui pour 75 % du volume de transport. Le CESE considère qu'il est important que ce caractère multimodal se reflète aussi dans la sélection des projets, qui devrait couvrir tous les modes.

3.10

Le CESE partage le jugement énoncé dans la communication selon lequel il se peut que le moment soit opportun pour des propositions relatives aux infrastructures, les investissements dans les infrastructures suscitant un intérêt accru en conséquence de la crise financière actuelle. Le CESE note néanmoins que l'évaluation des possibilités financières doit se faire à plus long terme dans un document qui porte sur les horizons 2030 et 2050.

3.11

Le CESE prend note du calendrier ambitieux pour la période 2014 à 2020 tel que défini dans l'annexe à la proposition relative au MIE. S'il est bien conscient des effets positifs sur la mise en œuvre du mécanisme de coordination et de gouvernance pour les corridors de réseau central prévu dans la proposition et du suivi inscrit dans la proposition relative au MIE, le CESE attire cependant l'attention sur la difficulté à prévoir la durée des procédures nationales de planification, dans la mesure où les décisions de planification font souvent l'objet d'un recours et que des procédures traînant en longueur sont donc plutôt monnaie courante.

3.12

Dans son avis relatif au livre blanc de 2011 sur la politique des transports, le CESE a souligné l'importance que revêt l'interface entre le transport à longue distance et la distribution en milieu urbain. Il approuve donc l'approche adoptée dans la proposition à cet égard.

4.   Observations particulières

4.1

Le CESE souligne qu'il est important, en ce qui concerne les critères techniques, de tenir compte des conditions locales dans la mise en œuvre des orientations, pour autant que la sécurité et la sûreté ne soient pas menacées. Il devrait être possible de s'attaquer de façon appropriée à ce problème, qui relève de l'utilisation efficace des ressources.

4.2

Le rôle du concept d'autoroutes de la mer n'est pas entièrement clair en ce qui concerne un lien par autoroute de la mer entre des ports appartenant à différents corridors ou des ports dotés de statuts différents, par exemple entre un port du réseau central et un port du réseau global, ou entre deux ports du réseau central appartenant à des corridors différents (voir par exemple l'article 25, paragraphe 2, point c, de la proposition). Le CESE regrette ce manque de clarté, qui pourrait poser des problèmes pratiques pour articuler des projets d'autoroutes de la mer.

4.3

Les dispositions de l'article 38 de la proposition portent en réalité sur le concept de corridor vert, introduit par la Commission dans son Plan d'action pour la logistique du transport de marchandises en 2007. Le CESE regrette que ce concept phare ne soit pas utilisé dans la proposition en tant que label de qualité.

4.4

Le CESE approuve les exigences à remplir par les infrastructures de transport routier du réseau central (article 45 de la proposition). Les infrastructures auxiliaires, comme des aires de repos tous les 50 km sur les autoroutes et des zones de stationnement sûres pour les chauffeurs routiers commerciaux, revêtent une importance cruciale: de telles infrastructures permettant un repos véritable sont essentielles pour améliorer tant les conditions de travail des chauffeurs que la sécurité routière. Elles apportent aussi une contribution à la lutte contre le crime organisé.

4.5

Il conviendrait de renforcer l'exigence portant sur la disponibilité de carburants propres alternatifs, dans la mesure où elle sera fondamentale pour lier les orientations relatives aux RTE-T à la "stratégie relative aux carburants alternatifs" (notamment électricité, biocarburants, carburants de synthèse, méthane, GPL) que la Commission européenne s'apprête à lancer afin de permettre la circulation, à travers toute l'UE sur le réseau central, de véhicules propres et économes en énergie. Dans ce contexte, le CESE estime que le déploiement d'une infrastructure adéquate de ravitaillement en carburants alternatifs est nécessaire afin d'accélérer considérablement la commercialisation de véhicules propres au sein de l'UE.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur le thème "RTE-T: un réexamen des politiques", JO C 318 du 23.12.2009, p. 101.

(2)  Avis du CESE sur le "Développement durable de la politique européenne des transports et planification en matière de RTE-T", JO C 248 du 25.8.2011, p. 31.

(3)  Avis du CESE sur le thème "Feuille de route pour un espace européen unique des transports (livre blanc)", JO C 24 du 28.1.2012, p. 146.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/134


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1639/2006/CE établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013) et le règlement (CE) no 680/2007 déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport et d'énergie»

COM(2011) 659 final — 2011/0301 (COD)

2012/C 143/27

Rapporteur: M. Armin DUTTINE

Le 17 novembre et le 12 décembre 2011, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément aux articles 172, 173, paragraphe 3, et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1639/2006/CE établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013) et le règlement (CE) no 680/2007 déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport et d'énergie"

COM(2011) 659 final - 2011/0301 (COD).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 23 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, 2 voix contre et 10 abstentions.

Le présent avis fait partie d'un dossier groupé qui en comprend cinq, élaborés par le CESE sur le "mécanisme pour l'interconnexion en Europe" (MIE) et ses lignes directrices, dont la Commission européenne a procédé à la publication en octobre 2011. Cet ensemble se compose des avis TEN/468, sur le MIE (rapporteur: M. HENCKS), TEN/469, sur les orientations pour les réseaux de télécommunications (rapporteur: M. LONGO), TEN/470, sur les orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes (rapporteur: M. BIERMANN), TEN/471, sur orientations pour le développement du réseau transeuropéen de transport (rapporteur: M. BACK) et TEN/472, sur l'initiative des emprunts obligataires (rapporteur: M. DUTTINE).

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Sur le principe, le CESE salue la proposition de la Commission européenne établissant un instrument de partage des risques pour le lancement d'emprunts obligataires visant à financer des projets durant la phase pilote qui est prévue pour 2012 et 2013. Il attire toutefois l'attention sur les risques qu'induit cet outil. Avant de le proroger pour la prochaine période budgétaire, de 2014 à 2020, il y aurait lieu d'en poursuivre l'évaluation préalable, ainsi que de l'intensifier, au terme d'un débat exhaustif au sein de la société, et de la mener à bien avec un soin tout particulier, en la nourrissant notamment de l'expérience acquise grâce aux projets de partenariat public-privé (PPP).

1.2

Les perspectives qu'ouvre l'instrument proposé consistent en particulier à mobiliser, au profit de projets d'infrastructures dans le domaine du transport, des télécommunications et de l'énergie, d'importantes ressources d'investissement qui sont nécessaires pour la croissance, l'innovation, la compétitivité et la création d'emplois. Grâce à la réalisation des projets visés, les citoyens pourront expérimenter de manière tangible les avantages de l'intégration de l'Europe et l'idée européenne s'en trouvera confortée.

1.3

Le Comité discerne cependant aussi certains risques. Ils résultent en particulier de l'éventualité d'avoir à éponger les pertes des projets d'investissement qui auront été consentis. Si la proposition législative de la Commission européenne plafonne clairement le risque que le budget de l'UE pourrait avoir à assumer, il est supposé, dans le cas de la Banque européenne d'investissement (BEI), qu'aucun autre ne pourra lui être transféré, grâce aux contrats qu'elle aura conclus pour chaque projet avec les investisseurs, ainsi qu'à l'initiative qu'elle aura prise de le répartir sur l'ensemble desdits projets. Pour éviter en tout état de cause que la prise de risque ne produise des répercussions négatives pour sa solvabilité et sa réputation, ou encore pour le lancement et l'exécution, par ses soins, de projets qui bénéficient du régime d'aide habituel, il apparaît nécessaire, aux yeux du Comité, qu'elle applique également aux emprunts obligataires destinés au financement de projets les critères d'évaluation prudents qu'elle utilise pour jauger les risques que comportent ceux de type classique. Il conviendrait en particulier que la reprise de risques par la BEI soit présentée en toute transparence (1) et que, le cas échéant, il soit entrepris de la limiter. Il y aurait lieu, tout particulièrement, d'envisager une telle mesure pour la prorogation de l'instrument lors de la nouvelle période budgétaire de l'UE de 2014 à 2020, après avoir exploité l'expérience acquise au cours de la phase pilote.

1.4

Le CESE observe que la proposition de la Commission européenne n'aborde pas suffisamment certaines questions en rapport avec le remboursement de projets d'infrastructure dont le financement a été assuré par le secteur privé. C'est en particulier dans le domaine des transports qu'il conviendrait de mener un débat, à large assise sociale, concernant les conséquences possibles de l'instauration du financement par les utilisateurs. Le Comité fait également valoir que l'instrument proposé ne peut venir contrecarrer les décisions politiques et les consensus de société qui sont nécessaires pour atteindre des objectifs économiques, écologiques et sociaux durables. Il convient de ne pas créer d'incitations indues à lancer des projets de PPP. En conséquence, le Comité tient à rappeler sa position selon laquelle les critères d'endettement pour les projets de PPP doivent correspondre à ceux qui s'appliquent aux projets entrepris sous le régime habituel des marchés publics.

1.5

Le Comité juge que l'instrument de partage des risques qui est proposé pour le lancement d'emprunts obligataires visant à financer des projets n'est susceptible de mobiliser qu'une partie des ressources d'investissement exigées par les projets d'infrastructure d'une nécessité urgente. Aussi tient-il à faire valoir qu'il y a lieu de dégager au profit des budgets publics de nouvelles sources de revenus destinées aux investissements de la collectivité.

2.   Introduction

2.1

Sous la dénomination globale de "mécanisme pour l'interconnexion en Europe", la Commission européenne a présenté, le 19 octobre 2011, plusieurs propositions législatives et non législatives qui visent à développer les réseaux et infrastructures transeuropéens dans les domaines du transport, de l'énergie et des télécommunications et porteront principalement sur la prochaine période budgétaire, de 2014 à 2020. Elles traitent en particulier des orientations en matière d'aide, des projets à soutenir, du montant des ressources d'investissement nécessaires et des nouveaux instruments de financement dans les domaines évoqués. Dans le présent avis, le CESE aborde les aspects financiers de ces propositions; il en consacrera d'autres aux dimensions qui ne sont pas traitées ci-après (2).

2.2

Les éléments contenus dans la proposition législative qui fait l'objet du présent avis consistent, d'une part, à étendre aux investissements dans les infrastructures de haut débit le champ d'application du programme-cadre pour la compétitivité et l'innovation concernant la période budgétaire européenne en cours (2007-2013) et, d'autre part, à lancer un instrument de partage des risques pour les emprunts obligataires destinés au financement de projets dans les domaines des technologies de l'information et de la communication (TIC) et du haut débit, ainsi que pour les réseaux transeuropéens (RTE) du secteur du transport (RTE-T) et des infrastructures énergétiques (RTE-E).

2.3

Sur l'arrière-plan des difficultés provoquées par la crise financière et économique, l'instrument proposé est lancé dans le but de financer des investissements orientés sur le long terme avec le concours de capitaux privés. Pour les projets d'infrastructure axés sur des perspectives longues, il donnera également la possibilité supplémentaire de mobiliser des ressources sur les marchés de capitaux. Le dispositif qui fait l'objet de la proposition est constitué par un instrument de partage des risques pour les emprunts obligataires destinés au financement de projets. Grâce à une contribution financière tirée des ressources du budget de l'UE, il est censé mettre la Banque européenne d'investissement (BEI) en mesure de réduire les risques de crédit des détenteurs d'obligation en octroyant des prêts ou garanties subordonnés.

2.4

La mesure législative concerne une phase pilote, sur les années 2012 et 2013. Ce laps de temps devrait être utilisé pour éprouver les effets que l'instrument de partage des risques produit sur la mobilisation des ressources d'investissement privées.

2.5

C'est entre l'UE et la BEI que s'effectue le partage des risques. Dans ce dispositif, la contribution financière émanant du budget de l'UE est limitée à 230 millions d'euros, les montants mis à disposition devant être plafonnés à un maximum de 200 millions d'euros en 2012 et 2013 pour les RTE-T et de 10 millions d'euros pour les projets de RTE-E, ainsi que de 20 millions d'euros, pour l'année 2013, en ce qui concerne les investissements dans le domaine des TIC et du haut débit.

2.6

Il est supposé que grâce à la subvention provenant du budget de l'UE, la BEI sera, d'une manière générale, à même de se prémunir contre la "première perte" sur l'ensemble des projets réalisés. Pour chacun d'entre eux spécifiquement, le montant précis de la prise de risque maximale assumée par la BEI est défini par contrat. Théoriquement, le risque maximal encouru par elle équivaut à la somme des contrats conclus, moins l'apport du budget de l'Union. Dans son cas, la proposition législative de la Commission européenne ne prévoit d'ailleurs pas de plafonnement nominal pour l'ensemble des projets comme elle le fait pour le budget de l'UE, puisqu'elle dispose que "le risque résiduel inhérent à toutes les opérations est supporté par la BEI". C'est à la elle-même qu'il incombe de définir ce risque résiduel, par sa procédure d'analyse en la matière.

2.7

En proposant cet instrument, la Commission européenne ambitionne de mobiliser de nouvelles ressources d'investissement, en particulier d'origine privée, et souhaite créer ainsi un effet de levier. Les investisseurs visés sont notamment les compagnies d'assurance, les fonds de pension et les fonds souverains, en quête d'occasions de réaliser des investissements financiers garantis et de long terme.

2.8

Durant la phase pilote, l'engagement de moyens budgétaires provenant du budget de l'UE devra s'effectuer uniquement par redéploiement de crédits. Ce sont en particulier des crédits encore disponibles pour un outil existant, le GPTT ou "instrument de garantie de prêt pour les projets du réseau transeuropéen de transport", qui devraient être prélevés à cette fin.

2.9

Si en ce qui concerne le GPTT, cet instrument de partage des risques qui est déjà en vigueur, la BEI entreprend de couvrir ceux pris par les prêteurs commerciaux (banques), la proposition législative à l'examen concerne la couverture qu'elle accorde aux risques pris par les intervenants qui investissent dans des emprunts obligataires visant à la réalisation de projets. Dans l'un et l'autre cas de figure, l'enjeu est d'assurer une couverture contre les risques liés à l'endettement d'entreprises qui sont constituées expressément pour réaliser des projets d'infrastructure, auquel cas nous avons tout particulièrement à faire, concrètement parlant, à des investissements réalisés sous forme de financements de projet, dont des partenariats public-privé (PPP). Dans ce schéma, les promoteurs desdits projets, qu'il s'agisse d'entreprises du bâtiment, de fonds d'infrastructure, de sociétés d'exploitants, voire, pour une part, d'entreprises publiques, assument en règle générale non seulement la construction des infrastructures projetées mais également leur exploitation, leur planification et, en particulier, le financement de l'investissement.

2.10

La sélection des projets qui seront soutenus par le dispositif proposé lors de la phase pilote n'a pas encore été effectuée. En la matière, les projets auxquels l'aide sera octroyée devraient être entre trois et onze dans le domaine des RTE-T et au nombre d'un seul dans celui des RTE-E et de un ou deux pour ceux relatifs aux TIC ou au haut débit. Des conclusions pour la prochaine période budgétaire de l'UE (2014-2020) devraient être tirées de l'expérience engrangée lors de la phase pilote.

2.11

Dans sa proposition législative et les différents textes qui l'accompagnent, la Commission n'aborde qu'incidemment les questions de remboursement. D'un document de la BEI sur les enseignements à tirer du GPTT, il ressort toutefois clairement que cet instrument de partage des risques est jugé particulièrement approprié pour les projets qui sont financés par leurs utilisateurs (3). On peut escompter qu'il en ira de même pour les projets visés par la proposition législative qui est examinée dans le présent avis.

3.   Observations générales

3.1

Sur le principe, le CESE salue la proposition de la Commission établissant un instrument de partage des risques pour le lancement d'emprunts obligataires destinés à financer des projets durant la phase pilote qui est prévue pour 2012 et 2013. Dans les considérations développées dans la suite du présent document, il attire l'attention sur les perspectives qu'il ouvre mais aussi sur les risques qu'il induit, ainsi que sur les propositions et conditions, également présentées ci-après, concernant en particulier sa prorogation au-delà de la phase pilote.

3.2

Les perspectives ouvertes se situent en particulier dans le champ des possibilités qu'offre la proposition pour mobiliser des ressources supplémentaires à investir et augmenter ainsi l'effet des engagements budgétaires de l'UE. Cette action peut contribuer dans une importante mesure à produire croissance et innovation, à améliorer la compétitivité de l'économie européenne, à faire atteindre les objectifs de la stratégie UE 2020 et à préserver et créer des emplois. Grâce à la réalisation des projets visés, les citoyens pourront expérimenter de manière tangible les avantages de l'intégration de l'Europe et l'idée européenne s'en trouvera confortée.

3.3

Le Comité discerne toutefois aussi des risques dans la proposition à l'examen. Il fait remarquer à cet égard que par définition, le montant de l'effet de levier et la reprise du risque par la puissance publique sont corrélés. Si la proposition législative de la Commission européenne plafonne clairement le risque que le budget de l'UE pourrait avoir à assumer, il est supposé, dans le cas de la BEI, qu'aucun autre ne pourra lui être transféré, grâce aux contrats qu'elle aura conclus pour chaque projet avec les investisseurs, ainsi qu'à l'initiative qu'elle aura prise de le répartir sur l'ensemble desdits projets. Pour éviter en tout état de cause que la prise de risque ne produise des répercussions négatives pour sa solvabilité et sa réputation, ou encore pour le lancement et l'exécution, par ses soins, de projets qui bénéficient du régime d'aide habituel, il apparaît recommandable de fixer des limites à l'utilisation de l'instrument de partage des risques par la BEI, au niveau de la reprise du risque concerné, grâce à une présentation transparente de cette dernière effectuée par ses soins. Il conviendrait en particulier que la reprise de risques par la BEI soit présentée en toute transparence (4) et que, le cas échéant, il soit entrepris de la limiter. Il conviendrait tout particulièrement d'envisager une telle mesure lors de la nouvelle période budgétaire de l'UE de 2014 à 2020, pour la prorogation de l'instrument, après avoir exploité l'expérience acquise au cours de la phase pilote.

3.4

Le jugement porté sur la proposition de la Commission européenne sera fonction des différents objectifs politiques que poursuit la puissance publique dans la représentation des intérêts des citoyens et citoyennes, ainsi que des intérêts financiers des acquéreurs des emprunts obligataires pour la réalisation de projets. Ils peuvent très bien aller dans le même sens mais il est également possible qu'ils soient opposés. Le Comité recommande qu'avant de lancer le nouvel instrument, en particulier pour la période budgétaire 2014-2020, l'on poursuive et approfondisse le débat au sein de la société, qu'il conviendra tout particulièrement de nourrir à l'aide des expériences tirées des financements de projets par le secteur privé et des initiatives de partenariat public-privé (PPP).

3.5

Le CESE fait observer qu'en cas de mise en œuvre de dispositifs où des projets sont financés par le secteur privé, il devient nécessaire que la dette ainsi créée soit remboursée par des rentrées liées auxdits projets. Dans ce contexte, la problématique du financement par les utilisateurs acquiert une pertinence particulière. Alors que cette manière de financer est désormais un trait caractéristique du secteur de l'énergie et des télécommunications, du fait de la libéralisation et des privatisations qui y ont été réalisées, seuls quelques États membres l'ont pratiquée jusqu'à présent dans celui du transport individuel motorisé, notamment pour les autoroutes. Avant d'exécuter les projets envisagés en matière de transport, il conviendrait de discuter de leurs effets éventuels, dans le cadre d'un vaste débat de société.

3.6

Le CESE exhorte à mener la réflexion requise pour que les montants des prêts consentis à des projets soient agencés de telle manière que les épargnants et épargnantes modestes puissent y souscrire eux aussi et que le recours à cet instrument ne reste pas l'apanage des seuls investisseurs professionnels.

3.7

La mise en œuvre de l'instrument de partage des risques ne peut avoir pour but exclusif de produire un effet de levier maximal afin de mobiliser des ressources d'investissement supplémentaires auprès de filières privées: encore faut-il garantir que l'outil ainsi proposé ne vienne pas contrecarrer les décisions politiques et les consensus de société qui sont nécessaires pour atteindre des objectifs économiques, écologiques et sociaux durables (5). Il serait inacceptable, par exemple, que les projets d'investissement lancés grâce à des emprunts obligataires axés sur des projets se réalisent au prix d'une violation des normes en matière sociale ou environnementale ou concernant la qualité. La réalisation de ces chantiers doit faire droit aux normes qualitatives de construction et d'entretien des équipements concernés, à leur compatibilité avec l'environnement et au respect des conventions collectives et du principe de l'application de la législation du lieu de travail, ainsi qu'à la nécessité d'encourager les petites et moyennes entreprises, à la stimulation de l'innovation, à un calcul des coûts qui soit réalisé sur la base de l'intégralité du cycle de vie et à la prise en considération des impératifs écologiques du processus d'élaboration ou encore à la garantie de l'accessibilité pour les personnes handicapées (6), pour autant que tous ces éléments puissent être vérifiés de manière objective et reposent sur des critères non discriminatoires. Il s'impose d'éviter que des redevances excessives ne pèsent sur les utilisateurs et utilisatrices. Cette observation s'applique en particulier aux personnes qui sont contraintes d'utiliser fréquemment, voire quotidiennement, des équipements de transport, en particulier lorsqu'elles ne peuvent emprunter des infrastructures de substitution.

3.8

Dans la logique de ces impératifs, le Comité réclame que l'évaluation de la phase-pilote de l'initiative sur les emprunts obligataires destinés au financement de projets soit obligatoirement poursuivie et intensifiée sur une large base au sein de la société, dans des délais qui se placent suffisamment avant la prise de la décision politique d'instaurer l'instrument de partage des risques pour les obligations de financement durant la période de programmation budgétaire européenne 2014-2020. L'expérience acquise avec le GPTT devra également être versée au débat. Si l'on veut pouvoir tirer des conclusions en temps utile, il importe en particulier que la transparence règne pour ce qui est des projets soutenus, de l'allocation des ressources et des flux d'investissements qu'elle a engendrés et cet impératif suppose d'exercer un contrôle permanent sur les résultats obtenus et un suivi à délais rapprochés. À cette évaluation, il y aura lieu d'associer les décideurs politiques de l'échelon européen, national, régional et local, les partenaires sociaux et organisations tant de la société civile que du domaine de la science, de la protection de l'environnement et de la défense du consommateur ou encore les associations sociales, ainsi que d'assurer que le CESE et le Comité des régions y prennent part. Le législateur européen devrait prendre une décision en amont de la nouvelle période budgétaire. Le Comité juge trop tardive une évaluation qui ne s'effectuerait que dans les années 2016/2017, telle qu'elle peut être inférée implicitement des documents de la Commission européenne.

3.9

Dans le cas de financements de projets par le secteur privé et d'initiatives de PPP dont le remboursement des dettes est garanti par des versements publics, la puissance publique doit, pour leur refinancement, supporter des obligations financières qui sont équivalentes à celles qu'elle assume pour les projets de marchés publics à financement classique. Pour assurer suffisamment de transparence dans les budgets, leur épargner des prises de risque supplémentaires, tout comme pour éviter d'inciter indûment à lancer des initiatives de PPP et garantir que les autorités compétentes puissent choisir librement entre les projets de partenariat public-privé et ceux à financement classique, le CESE réclame à nouveau que les critères d'endettement pour les projets de PPP correspondent à ceux qui s'appliquent aux projets entrepris sous le régime courant des marchés publics (7).

3.10

D'une manière générale dans l'UE, bon nombre de projets d'infrastructures ressortissant aux domaines de l'énergie et des télécommunications sont, à la différence de certains concernant le transport, financés par le secteur privé et refinancés par des redevances d'utilisation, soumises à réglementation. Il en va ainsi pour l'ensemble des infrastructures de réseau. Sur ce chapitre, le Comité se demande quels sont ces projets supplémentaires que le législateur européen entend lancer dans le cadre de l'instrument de financement qui est proposé alors même que leur refinancement ne pourra manifestement pas s'effectuer totalement par le truchement des redevances d'utilisation telles que réglementées. Il estime que pour chacun des projets ainsi envisagés dans le secteur énergétique et celui des télécommunications, il y a lieu d'exposer de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles l'UE juge que dans la perspective de son développement, ils méritent d'être soutenus, même si leurs possibilités de refinancement sont déficientes. Il est indispensable que le législateur européen exerce un contrôle sur les initiatives de ce type.

4.   Observations spécifiques

4.1

L'instrument de partage des risques apparaît à première vue comme une voie possible pour résoudre les problèmes exposés par la Commission européenne, concernant l'insuffisance des ressources publiques consacrées à l'investissement et les capitaux d'investisseurs institutionnels qui cherchent à se placer. Il n'en soulève pas moins de nombreuses questions techniques qu'il convient de poser en complément aux impératifs politiques mentionnés au chapitre 3. Le Comité invite à éclaircir ces points avant la mise en œuvre de l'instrument de partage des risques qui est envisagé ou, en tout cas, au plus tard, pour son instauration, projetée lors de la nouvelle période budgétaire 2014-2020.

4.2

D'une manière générale, la position du Comité est que la BEI et le budget de l'UE ne doivent pas servir qu'à apporter une garantie contre les risques mais qu'il convient de les associer également de manière proportionnée aux bénéfices dégagés: c'est là le "partage équitable des risques". Pour y parvenir, il y a lieu d'appliquer systématiquement la politique de la BEI en matière de risques et de prix, ainsi que les autres mesures ici proposées pour limiter les risques qu'elle encourt.

4.3

Le rôle des intervenants n'apparaît pas tout à fait clairement. En particulier, on ne discerne pas bien qui va, et de quelle manière, se substituer aux assureurs obligataires (rehausseurs de crédit) dans leur fonction d'instance de contrôle des crédits. Il est en particulier difficile de discerner quel rôle la BEI devrait jouer à cet égard. La décision en la matière devrait être réservée à des accords ultérieurs avec les investisseurs et à une convention à passer entre la Commission européenne et la BEI. Le CESE invite le législateur européen à procéder, au plus tard avant la possible prorogation de l'instrument de partage des risques pour la nouvelle période budgétaire européenne 2014-2020, à une clarification concernant les modalités techniques du dispositif destiné à les gérer et l'ampleur de la fonction que la BEI doit assumer en tant qu'instance de contrôle des crédits dans le cadre de la procédure législative envisagée, de manière à offrir un cadre sûr aux investisseurs comme à l'action publique. Ledit instrument ne peut en aucun cas aboutir à mettre en péril la solvabilité et le crédit de la BEI.

4.4

Il y aurait lieu d'exploiter systématiquement les expériences tirées de projets réalisés dans le cadre du GPTT, suivant les critères mentionnés au chapitre 3, afin d'en tirer des conclusions qui permettent de configurer de manière adéquate l'instrument de partage des risques pour les emprunts obligataires et contribuer à écarter les effets indésirables (8). Dans le même ordre d'idées, il conviendrait toutefois aussi de faire toute lumière sur les divergences entre les évaluations des projets de PPP effectuées par les différents intervenants.

4.5

Si l'on considère les expériences, positives mais aussi négatives dans bien des cas, et les risques qui ont résulté des projets de PPP et financements de projets par le secteur privé, s'agissant de la durée de négociation des contrats, de la complexité des stipulations contractuelles et des relations entre les intervenants ou de l'incertitude quant aux effets sur la demande, le CESE se demande si la meilleure solution ne consisterait pas à doter les budgets publics des ressources nécessaires pour lancer les chantiers d'investissement dans le cadre des marchés publics classiques (9). À cet égard, le Comité salue les propositions de la Commission européenne visant à établir une taxe sur les transactions financières et il rappelle, sur ce point, qu'il est favorable à ce qu'une telle source de rentrées soit instaurée au bénéfice des budgets nationaux (10).

4.6

À ce propos, le Comité fait également observer que l'émission d'emprunts obligataires pour la réalisation de projets n'est pas à même de combler à elle seule les besoins d'investissements recensés par la Commission concernant le mécanisme pour l'interconnexion en Europe et il invite dès lors à mobiliser de nouvelles sources de revenus pour ces investissements publics.

Bruxelles, le 23 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Voir également Commission européenne, Comité d'évaluation des impacts, direction générale Affaires économiques et financières – Évaluation d'impact concernant une proposition de règlement sur le projet des emprunts obligataires Europe 2020, paragraphe C 2 (version provisoire du 15 septembre 2011, référence Ares(2011)1012531 – 23 septembre 2011), qui appelle à une présentation plus transparente des risques pour la BEI.

(2)  Avis du CESE consacrés au "mécanisme pour l'interconnexion en Europe" (MIE), aux "orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications" et aux "orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport", Voir page 130 du présent Journal officiel.

(3)  Voir Banque européenne d'investissement, Loan Guarantee Instrument for TEN-T Projects – Mid-term Review (L'instrument de garantie de prêt pour les projets du RTE-T, examen à mi-parcours), 2011, Luxembourg, 14 juillet 2011, p. 4.

(4)  Voir également Commission européenne, Comité d'évaluation des impacts, direction générale Affaires économiques et financières – paragraphe C 2, loc. cit. (pour les références, voir la note infrapaginale 1).

(5)  C'est ainsi que dans le cadre de la consultation, la Communauté européenne du rail (CER) a exprimé son scepticisme quant à l'utilisation de l'instrument de partage des risques dans le domaine du transport ferroviaire (voir la réponse de la Communauté européenne du rail (CER) lors de la consultation des parties prenantes sur l'initiative des emprunts obligataires Europe 2020 pour les projets d'infrastructures, en date du 6 mai 2011 et consultable à l'adresse http://ec.europa.eu/economy_finance/consultation/written_responses_en.htm).

(6)  Avis du CESE sur le "Marché européen des contrats publics", JO C 318 du 29 octobre 2011, p. 113.

(7)  Avis du CESE sur les "Investissements privés et publics", JO C 51 du 17 février 2011, p. 59. Voir le rapport de la Chambre des communes, commission du trésor, initiatives à financement privé, dix-septième rapport de la session 2010-2012, Londres, 18 juillet 2011, qui relève qu'en n'imputant pas à la dette publique les projets reposant sur des initiatives de financement privé et de partenariats public-privé, on aboutit à donner des incitations erronées, qui vont à l'encontre de l'objectif du meilleur rapport qualité-prix. Le président de la commission du budget de la Chambre basse britannique, le conservateur Andrew Tyrie se prononce clairement pour qu'ils soient repris dans les règles sur l'endettement (voir http://www.parliament.uk/business/committees/committees-a-z/commons-select/treasury-committee/news/pfi-report/).

(8)  Sur ce point, voir également Banque européenne d'investissement, op. cit. (les références sont indiquées dans la note infrapaginale 3). Ce document n'examine toutefois pas bon nombre des critères mentionnés dans le chapitre 3.

(9)  Cette thèse concernant la voie à privilégier et celle qui ne doit constituer qu'un second choix ressort également de l'avis que la Communauté européenne du rail (CER) a émis dans le cadre de la consultation entreprise sur la proposition législative qui fait l'objet du présent avis (voir la réponse de la CER évoquée ci-dessus, dont les références sont mentionnées dans la notre infrapaginale 5).

(10)  Avis du CESE sur la "Taxe sur les transactions financières", JO C 44 du 11 février 2011, p. 81 et sur le "Rapport de Larosière", JO C 318 du 23 décembre 2009, p. 57.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/139


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les permis de conduire qui intègrent les fonctionnalités d'une carte de conducteur»

COM(2011) 710 final — 2011/0327 (COD)

2012/C 143/28

Rapporteur: M. SIMONS

Le 17 novembre et le 14 décembre 2011, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément aux articles 91 et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les permis de conduire qui intègrent les fonctionnalités d'une carte de conducteur»

COM(2011) 710 final – 2011/0327 (COD)

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 122 voix pour, 5 voix contre et 12 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Afin de garantir une application uniforme de la réglementation et d'éviter que les différents États en fassent chacun leur propre interprétation, le Comité recommande d'opter pour la forme d'un règlement plutôt que d'une directive.

1.2   Le Comité peut souscrire à l'objectif ultime de la proposition de la Commission consistant à intégrer les fonctionnalités d'une carte de conducteur dans le permis de conduire, ce qui devrait conduire à un meilleur respect de la réglementation sociale en matière de temps de conduite et de temps de repos. Toutefois, pour parvenir à une réglementation univoque, applicable et efficace, il importera de résoudre au préalable un certain nombre de problèmes, dont relevé non exhaustif figure au point 4.

1.3   Si aucune solution ne peut être trouvée à ces problèmes, le Comité recommande de faire réaliser une étude sur la compatibilité de la législation actuelle en la matière et de la modifier de telle sorte qu'aucune des fonctionnalités proposées par les différentes générations de tachygraphe numérique ne soit perdue. Le Comité conseille d'associer à cette étude les partenaires sociaux, les producteurs de tachygraphe et les instances de contrôle.

1.4   Le Comité doute de la réduction des charges administratives pour un montant de 100 millions d'euros par an, dont fait état la Commission. Il juge indispensable que cette affirmation soit solidement étayée. L'analyse d'impact de la Commission de fournit pas suffisamment d'éléments probants à cet égard.

1.5   Si la carte de conducteur est finalement intégrée dans le permis de conduire, le Comité recommande de conclure des accords appropriés non seulement avec les pays signataires de l'AETR (accord européen relatif au travail des équipages des véhicules effectuant des transports internationaux par route), mais aussi avec les autres, afin de veiller à ce que la réglementation à l'examen soit appliquée et contrôlée de manière uniforme et équitable.

1.6   Le Comité estime que la Commission devrait expliquer clairement de quelle manière elle pense pouvoir résoudre les problèmes qui vont de pair avec l'intégration de la carte de conducteur dans le permis de conduire, mentionnés au point 4, en prévoyant une seule puce électronique. Une solution – qui toutefois ne résoudra fort probablement pas tous les problèmes – pourrait consister à implanter deux puces distinctes dans le permis de conduire.

2.   Introduction

2.1   Le 11 novembre 2011, la Commission a publié sa «Proposition de directive modifiant la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les permis de conduire qui intègrent les fonctionnalités d'une carte de conducteur» (COM(2011) 710 final). Conformément aux articles 91 et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Parlement européen et le Conseil ont demandé au Comité économique et social européen de formuler un avis à ce sujet.

2.2   Le Comité se félicite que son avis ait été sollicité car il estime que le thème en question est important dans la perspective de la mise en œuvre d'une meilleure réglementation sociale dans le domaine du transport professionnel de personnes et de marchandises par route.

2.3   La proposition de la Commission fait suite à sa proposition de règlement modifiant le règlement (CEE) no 3821/85 concernant l'appareil de contrôle dans le domaine des transports par route («le règlement sur le tachygraphe») et modifiant le règlement (CE) no 561/2006 relatif aux périodes de conduite et de repos des conducteurs routiers.

2.4   Le Comité a adopté un avis concernant les règlements cités au paragraphe 2.3 lors de sa session plénière du 7 décembre 2011 (1). Dans celui-ci, il s'exprimait déjà à propos de la proposition à l'examen: «Le Comité se félicite que la Commission envisage de fusionner les fonctionnalités de la carte de conducteur avec celles du permis de conduire, ce qui accroîtrait la sécurité et diminuerait les charges administratives dans la mesure où cela pourrait être possible dans la pratique.»

2.5   La proposition de la Commission concerne l'intégration de la carte de conducteur dans le permis de conduire, qui, selon la Commission, devrait permettre de réduire les possibilités de fraude et de diminuer les charges administratives à long terme, dans la mesure où elle vise l'acquisition et la délivrance d'un seul document au lieu de deux. La Commission estime que l'économie prévue se montera à quelque 100 millions d'euros par an.

3.   Observations générales

3.1   Le Comité est favorable à l'uniformisation de la réglementation de manière à prévenir dans toute la mesure du possible les malentendus concernant son interprétation. La Commission a donné à sa proposition la forme d'une proposition de directive, sans doute parce que la réglementation relative au permis de conduire se présente également sous cette forme. Cet instrument laisse une marge d'interprétation aux États membres. Le Comité se demande si une proposition de règlement ne serait pas plus opportune.

3.2   Le Comité souscrit à l'objectif sous-jacent de la proposition de la Commission, qui est d'améliorer l'application de la réglementation sociale dans le transport routier et de réduire la fraude et les charges administratives. Toutefois, il est d'avis qu'un certain nombre de problèmes, énumérés au point 4, doivent être résolus au préalable.

3.3   S'agissant de l'économie sur les charges administratives estimée à 100 millions d'euros par an, que la Commission déduit de son analyse d'impact, le Comité estime que l'intégration de la carte de conducteur dans le permis de conduire n'offre pas en soi de garantie d'une telle économie. L'intégration de documents n'induit pas automatiquement une plus grande efficacité et une réduction des coûts.

3.4   Le Comité se demande si la proposition de la Commission de passer à une carte de conducteur intégrée au permis de conduire offre suffisamment de garanties aux conducteurs lorsque ceux-ci circuleront ou seront contrôlés dans un pays non signataire de l'AETR. En cas d'adoption d'une nouvelle législation, il convient avant toutes choses de conclure des accords précis en ce qui concerne l'application et le contrôle de la réglementation, avec les pays signataires de l'AETR mais aussi avec les autres.

3.5   Si aucune solution ne peut être trouvée à tous les problèmes qui vont de pair avec la proposition de la Commission et qui sont énumérés notamment dans le présent point et le suivant, le Comité recommande de faire réaliser une étude sur la compatibilité de la législation actuelle en la matière et de la modifier de telle sorte qu'aucune des fonctionnalités proposées par les différentes générations de tachygraphe numérique ne soit perdue. Il semble judicieux d'associer à cette étude tous les acteurs concernés, en l'occurrence les partenaires sociaux, les producteurs de tachygraphes et les instances de contrôle.

4.   Observations spécifiques

4.1   Le Comité estime que la Commission n'explique pas assez clairement de quelle manière elle pense pouvoir résoudre les problèmes qui vont de pair avec l'intégration de la carte de conducteur dans le permis de conduire en prévoyant une seule puce électronique.

4.1.1

Un exemple de ces problèmes est fourni par les infractions à la législation sur les temps de conduite et de repos, qui pourraient conduire à un retrait du permis de conduire. Dans de nombreux cas, une telle sanction serait disproportionnée.

4.1.2

Les spécifications d'une puce électronique destinée à une carte de conducteur diffèrent de celles prévues pour un permis de conduire. Cela implique-t-il que la législation sur le tachygraphe numérique doit être modifiée?

4.1.3

Les réglementations relatives au retrait d'une carte de conducteur, d'une part, et d'un permis de conduire, de l'autre, sont différentes. Ces règles ont été arrêtées dans les législations tant européennes que nationales. Il sera donc difficile de les harmoniser.

4.1.4

Dans certains pays, le permis de conduire est utilisé comme carte d'identité. Si le conducteur s'en sert pour décliner son identité, il doit le retirer du support. Or, il est interdit de retirer la carte de conducteur de l'appareil d'enregistrement, lorsqu'il est en fonctionnement, pendant la conduite ou d'autres activités.

4.1.5

Certains États membres ont déjà un système qui combine le diplôme de qualification professionnelle du conducteur et le permis de conduire. L'intégration avec la carte de conducteur nécessitera l'extension de la carte combinée.

4.1.6

L'intégration de la carte de conducteur et du permis de conduire peut avoir des conséquences pour l'AETR. Celles-ci doivent être analysées et traitées avant que la proposition de la Commission ne soit adoptée.

4.1.7

Selon la proposition de la Commission, la puce électronique du permis de conduire devra également contenir les applications destinées à la carte de conducteur. Or, les différences entre les spécifications de ces deux documents posent un problème. Le Comité pourrait souscrire à l'idée que le permis de conduire comporte non pas une mais deux puces électroniques.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 43 du 15.02.2012, p. 79-81.


22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/141


Avis du Comité économique et social européen sur «Le rôle de la société civile dans les relations entre l'Union européenne et le Chili»

2012/C 143/29

Rapporteur: M. Filip HAMRO-DROTZ

Corapporteur: M. Francisco SILVA

Par lettre du 1er août 2011, le Parlement européen a demandé au Comité économique et social européen, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'élaborer un avis exploratoire sur le thème:

Le rôle de la société civile dans les relations entre l'Union européenne et le Chili”.

La section spécialisée “Relations extérieures”, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a organisé une visite d'étude au Chili en septembre 2011 et a adopté son avis le 24 janvier 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 138 voix pour et 7 abstentions.

1.   Recommandations

1.1   Le présent avis du CESE a été rédigé à l'initiative du Parlement européen, lequel a demandé au CESE d'analyser, dans le contexte des relations entre l'UE et le Chili, le rôle de la société civile chilienne et la situation de l'article 10 de l'accord d'association (AA) entre l'UE et le Chili signé en 2002. Cet article prévoit l'instauration d'un comité consultatif mixte (CCM) de la société civile CESE-Chili, comité qui n'a jamais été créé du fait de l'absence d'institution similaire dans ce pays.

1.2   Le CESE se félicite des bonnes relations politiques entre l'UE et le Chili, lesquelles sont sans doute facilitées par l'accord d'association. Le CESE est favorable à une révision de l'AA qui permette d'inclure un chapitre sur le développement durable, des mesures de soutien à la reconnaissance effective et à l'application des conventions fondamentales de l'OIT, ainsi qu'une réorientation de la coopération vers un renforcement de la société civile et des projets d'intérêt commun tel que l'innovation, le développement durable, la protection des consommateurs et la formation.

1.3   Le CESE demande aux parties signataires de l'AA et aux organisations internationales compétentes ayant leur siège au Chili de fournir tout l'appui institutionnel, politique, opérationnel et économique nécessaire au renforcement et au développement des capacités des organisations de la société civile chilienne, afin que ces dernières puissent devenir des interlocuteurs fiables tant dans le cadre du dialogue social que dans celui du dialogue civil au niveau national, ainsi qu'un interlocuteur de la société civile européenne au niveau bilatéral.

1.4   Le CESE réaffirme l'importance fondamentale du dialogue social entre patronat et syndicats en tant que socle d'un consensus économique et social indispensable à un développement reposant sur la cohésion sociale et comme point de départ pour le développement d'un dialogue civil plus large entre les autorités politiques et les acteurs économiques et sociaux. Tout cela devra conduire à une meilleure redistribution de la richesse, à une politique plus ouverte et à un rôle accru pour les partenaires sociaux et les organisations de la société civile.

1.5   Le CESE souligne l'importance qu'il attache à la création au Chili d'un Conseil économique et social (CES) ou d'un organisme équivalent, qui renforcerait les possibilités de consolider le dialogue à la fois entre différents acteurs de la société civile et entre ces derniers et les autorités compétentes, tout en créant les conditions de l'application, le plus rapidement possible, de l'article 10 de l'accord d'association. Le CESE est disposé à contribuer à ces efforts sur la base de son expérience dans des activités similaires avec d'autres pays.

1.6   Comme convenu avec les organisations chiliennes lors de la mission d'exploration qu'il a effectuée au Chili en septembre 2011, le CESE organisera un séminaire qui réunira les acteurs les plus représentatifs de la société civile chilienne avec le soutien du gouvernement chilien et de l'UE. Ce séminaire coïncidera avec la septième rencontre de la société civile organisée UE-Amérique latine et Caraïbes qui aura lieu à Santiago du Chili en 2012. À cette occasion, les participants examineront l'intérêt et les moyens de créer une instance consultative de la société civile chilienne susceptible de constituer un interlocuteur pour le CESE, ainsi que le prévoit l'article 10 de l'accord d'association.

1.7   D'autres thèmes d'intérêt commun aux acteurs de la société civile, par exemple les possibilités de création de capacités, la nécessité de poursuivre et d'améliorer les échanges d'information et la possibilité d'organiser à l'avenir, de manière périodique, d'autres activités conjointes, seront également abordés. Pour cette coopération, le soutien financier des parties signataires de l'AA sera nécessaire.

2.   Situation politique, économique et sociale du Chili

2.1   Situation politique

2.1.1

Le Chili est l'un des pays les plus stables et les plus prospères d'Amérique du Sud et constitue une référence du fait de sa croissance économique soutenue favorisée par le prix des matières premières, de l'accès au pouvoir de partis politiques représentatifs, de son rôle croissant au niveau international et d'une orientation commerciale de plus en plus tournée vers le bassin du Pacifique.

2.1.2

Après deux décennies de gouvernement démocratique de la coalition de centre-gauche Concertation, dirigée depuis 2006 par Michelle Bachelet, le président Sebastián Piñera assume la magistrature suprême depuis le 11 mars 2010 pour un mandat de quatre ans, à la suite de sa victoire aux élections à la tête de l'alliance de centre-droit Coalition pour le changement.

2.1.3

Au cours des derniers mois, la situation politique au Chili a été marquée par d'importants mouvements sociaux de protestation emmenés par les étudiants et relayés par les syndicats. Parmi les autres éléments pertinents de l'actualité politique, l'on mentionnera les inégalités sociales et le soutien accordé par le gouvernement au projet HidroAysén, qui est loin de faire l'unanimité et qui a pour objet de construire cinq barrages hydroélectriques en Patagonie chilienne. L'on signalera plus particulièrement les manifestations et les occupations d'établissements scolaires ayant pour but d'exiger une réforme de l'enseignement qui donne accès à une éducation publique de qualité à toutes les catégories sociales dans toutes les régions du pays.

2.1.4

De l'avis de la société civile chilienne elle-même, ces manifestations expriment un malaise des citoyens qui réclament une meilleure redistribution de la richesse, davantage de participation sociale et une plus grande ouverture politique. Les organisations sociales sont conscientes de l'importance de la situation politique au Chili, qui devrait déboucher, conformément à leurs aspirations, sur la modification d'une constitution conçue par Pinochet, d'un système électoral qui rend difficile la rénovation politique, et du système économique et social actuel qui favorise une croissance fondée sur la capacité exportatrice d'un nombre réduit de matières premières, ce qui contribue à une répartition imparfaite de la richesse.

2.2   Situation économique

2.2.1

Le niveau de revenu du Chili se situe dans la fourchette moyenne-haute. La croissance du Chili a atteint 5,2 % en 2010.

2.2.2

Le Chili est de loin le premier producteur mondial de cuivre, lequel représente 60 % de ses exportations. Le secteur bancaire, très développé, engrange des bénéfices considérables grâce notamment à des taux d'intérêt très élevés et à la gestion des fonds de pension. Cependant, en dépit de la force de ce secteur et d'autres secteurs de l'économie, le niveau élevé de croissance du Chili n'a pas freiné l'atomisation d'autres secteurs de son système productif tels que l'alimentation ou la pêche. Les conséquences de la crise économique mondiale ont affecté l'économie chilienne en 2008, mais dans une moindre mesure que celle de nombreux autres pays de la planète, comme c'est le cas dans la quasi-totalité des économies latino-américaines.

2.3   Situation sociale

2.3.1

Le Chili est un pays qui présente de grandes inégalités eu égard à son niveau de revenu par habitant. Selon des chiffres publiés à la mi-2010, la pauvreté aurait augmenté jusqu'à 15,1 % et la pauvreté extrême jusqu'à 3,7 % de 2006 à 2009, contre respectivement 13,7 % et 3,2 % pour l'année 2006.

2.3.2

En 2010, le chômage a augmenté pour atteindre un taux de 9,6 %, en grande partie à cause des répercussions de la crise mondiale qui a touché le Chili au cours des deux années précédentes. Les catégories les plus touchées sont principalement les jeunes et les femmes. Parmi les emplois créés récemment, beaucoup appartiennent au secteur des services et le pourcentage du travail informel est élevé.

2.3.3

Pour l'année 2010, le Chili occupe la 45e place sur 169 au classement relatif à l'indice de développement humain du PNUD, ce qui le situe en tête des pays latino-américains. Les normes relatives au logement, à l'éducation et à la santé se sont améliorées. Toutefois, les inégalités de revenus se sont accrues. Le revenu par habitant des 5 % des foyers les plus riches est 830 fois supérieur à celui des 5 % des foyers les plus pauvres. 75 % des travailleurs gagnent environ 1 000 dollars américains, alors que le PIB par habitant est de 16 000 dollars; l'on voit ainsi que le marché du travail ne joue pas son rôle de redistribution des revenus. Les régimes de retraite sont rares. Les enfants, les jeunes, les femmes et les Indiens (1) sont les groupes de populations les plus touchés par la pauvreté et l'exclusion sociale. Les chiffres montrent qu'il existe une corrélation entre pauvreté et taux de scolarisation, pauvreté et chômage, pauvreté et chômage des femmes (2). Les inégalités entre hommes et femmes sont importantes et placent le Chili à la 75e place sur 109 pays en termes d'inégalités entre les sexes. De manière générale, la législation sur le travail est faible – il existe des restrictions à la négociation collective et au droit de grève –, la proportion des travailleurs couverts par une convention collective ne dépasse pas 6 % et il n'y a aucune disposition juridique au niveau national pour promouvoir la négociation collective. En outre, la charge fiscale est faible et présente une structure régressive.

2.3.4

À l'heure actuelle, le débat sur le modèle éducatif est au cœur des préoccupations de la société chilienne. Cela s'explique non seulement par le fait que de nombreuses familles se sont fortement endettées à cause du coût de l'éducation pour leurs enfants, mais également parce que les revendications visant à faire de l'éducation un droit garanti par l'État afin d'ouvrir des perspectives à tous figurent aujourd'hui au centre du débat national et ont mobilisé l'ensemble de la société chilienne. Un problème fondamental réside dans le fait que l'éducation est gérée au niveau municipal. Le gouvernement a entamé des négociations sur la réforme du système d'enseignement avec les leaders des protestations récentes.

2.4   Le Chili dans le contexte international actuel

2.4.1

Depuis le retour à la démocratie en 1990, le Chili s'est montré actif dans le domaine des relations multilatérales; il joue un rôle constructif dans le cadre de l'Organisation des Nations unies et de ses agences, et participe aux activités de maintien de la paix de l'ONU et de l'UE. De nombreux organismes internationaux tels que l'OIT, l'ONG Consumers International, diverses agences des Nations unies et la CEPAL ont leur siège au Chili.

2.4.2

Au niveau international, le Chili est un membre actif et constructif du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. En 2009, il a ratifié le statut de la Cour pénale internationale (CPI) ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. De nombreux postes internationaux importants sont occupés par des Chiliens, comme par exemple ceux de directeur exécutif de l'agence ONU Femmes, de directeur général de l'OIT et de secrétaire général de l'OEA (3). En janvier 2010, le Chili est devenu le premier pays d'Amérique du Sud à adhérer à l'OCDE.

2.4.3

Le Chili est membre du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) et membre associé du Mercosur et de la Communauté andine. Il assume actuellement la présidence du groupe de Rio et du groupe Amérique latine et Caraïbes ainsi que la coprésidence, conjointement avec le Venezuela, de la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC).

2.4.4

La politique commerciale chilienne est axée traditionnellement sur la signature du plus grand nombre possible d'accords de libre-échange. Du point de vue énergétique, le Chili dépend des importations pour les trois-quarts de ses besoins: il n'a pas d'énergie nucléaire et achète du gaz liquide à des pays du Pacifique et de la mer du Nord. Ses ressources énergétiques fossiles sont limitées, et la politique énergétique chilienne repose sur le charbon, avec les conséquences qui en résultent sur l'environnement. En termes stratégiques, la projection à long terme de la politique énergétique chilienne devrait être renforcée et diversifiée.

2.4.5

En comparaison avec la majorité des autres pays d'Amérique latine, le Chili possède à l'heure actuelle une infrastructure développée, y compris en matière de nouvelles technologies.

3.   Les relations UE-Chili

3.1   Les relations entre l'UE et le Chili, qui reposent sur l'accord d'association de 2002, est de manière générale excellente et comporte un large éventail de contacts et de coordination dans les domaines politique et commercial, ainsi qu'en matière de coopération. À l'heure actuelle, les dialogues sectoriels entre l'UE et le Chili couvrent les domaines suivants: politique régionale, prévision des catastrophes, avenir de la coopération bilatérale, politique de l'emploi et droits de l'homme.

3.2   L'UE est l'un des principaux partenaires commerciaux du Chili et sa principale source d'investissements étrangers directs. L'accord de libre-échange UE-Chili, qui a permis d'accroître de manière importante les échanges commerciaux bilatéraux au cours de la dernière décennie, couvre le commerce des marchandises et des services, les investissements, les marchés publics et la concurrence. L'UE est la principale destination des exportations chiliennes. La balance commerciale est favorable au Chili, qui peut se prévaloir d'un excédent de 45 milliards d'euros. Cependant, l'accord d'association ne répond pas aux attentes en termes d'emploi, de coopération et de développement durable.

3.3   Le marché européen absorbe des volumes d'exportations considérables, notamment en ce qui concerne les produits du secteur agroalimentaire, les vins et le tabac, l'industrie du bois et le cuivre. L'Europe est une source essentielle de produits intermédiaires et de biens d'investissement pour l'économie chilienne. L'accord prévoit que les deux parties progressent dans la libéralisation des échanges de produits agricoles et de services.

3.4   Au cours de la période 2007–2013, l'UE consacrera au total 41 millions d'euros à la coopération avec le Chili. Le bilan à mi-parcours effectué en 2010 a confirmé l'opportunité de maintenir les principaux secteurs prioritaires, à savoir la cohésion sociale, l'innovation, la compétitivité, l'enseignement supérieur et l'environnement. Toutefois, compte tenu du bon niveau économique de ce pays, la coopération au développement avec le Chili devrait s'orienter vers d'autres objectifs. Le Chili lui-même réclame que des efforts soient faits afin d'établir une relation stratégique fondée sur l'association et davantage orientée vers des thèmes d'intérêt commun. L'UE examine également la possibilité d'introduire des éléments axés davantage sur des valeurs communes lors de la révision de l'accord qui aura lieu en 2012.

3.5   L'évaluation par la société civile chilienne des résultats de l'AA n'est pas excessivement positive. Les syndicats, les PME, les ONG et les organisations du troisième secteur, comme par exemple les organisations de consommateurs, voient l'AA presque comme un accord de libre-échange et regrettent de ne pas en profiter, fût-ce en ce qui concerne les projets de coopération, un domaine dans lequel ils dénoncent des interventions directes du gouvernement sans consultation préalable des organisations censées en bénéficier. Ces organisations réclament que davantage d'attention soit accordée aux projets visant à renforcer la société civile à long terme, la lutte contre les inégalités, la cohésion sociale et la consommation, et à promouvoir les mouvements associatifs au sein d'un même secteur d'activité (12 000 syndicats d'entreprise et 39 000 entreprises dans le secteur des transports). De même, elles souhaiteraient que les fonds européens soient destinés non seulement aux ONG, mais également aux organisations du troisième secteur telles que les organisations de consommateurs et les petites entreprises. Outre l'article 10, l'accord d'association comporte d'autres articles qui traitent de la coopération, comme les articles 41 et 48, au contenu desquels les acteurs de la société civile peuvent contribuer de manière constructive.

3.6   Sur la base de l'article 11, l'UE a consulté la société civile chilienne sur l'application de l'accord, à l'occasion notamment du premier Forum social de 2006 et du deuxième Forum social de septembre 2011. La partie chilienne a manifesté un grand intérêt pour une intensification des échanges d'informations avec les acteurs européens ainsi que pour la mise en œuvre de l'article 10 de l'accord. Il semble que la Commission européenne et le SEAE soient décidés à poursuivre les consultations et à donner la priorité au rôle de la société civile.

4.   La société civile au Chili: situation actuelle et perspectives de coopération

4.1   Le diagnostic que posent les organisations chiliennes de la société civile sur le dialogue et la participation est peu flatteur. Elles estiment que la volonté politique fait défaut pour créer un organe consultatif de la société civile au Chili, une situation due en partie à des raisons d'ordre politique et idéologique, et en partie à la crainte de voir un tel organisme se transformer en une troisième chambre législative qui ferait concurrence aux chambres existantes. Même s'il existe apparemment différents degrés et différents types de contacts avec les acteurs de la société civile lors de la préparation de nouveaux actes législatifs, force est de constater qu'ils sont très peu structurés. De manière générale, l'on déplore, au niveau national, le manque de mécanismes de participation citoyenne permettant de canaliser les conflits sociaux et d'éviter les explosions sociales du type de celles auxquelles l'on assiste actuellement. Au niveau local et régional, il convient de signaler le manque de représentativité des autorités régionales et municipales, qui sont nommées directement par le gouvernement central.

4.2   Le Chili compte trois grandes centrales syndicales. La plus importante est la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), de laquelle se sont détachées la Centrale autonome des travailleurs (CAT) et l'Union nationale des travailleurs (UNT). Les dissensions internes empêchent un dialogue concerté tant au sein des organisations précitées qu'entre ces dernières et le patronat. Toutefois, toutes s'accordent à reconnaître les graves carences en matière de dialogue social au Chili, soutiennent la création de mécanismes efficaces de dialogue social et d'un CES chilien, et admettent la nécessité de se doter d'un mécanisme de dialogue avec la société civile européenne dans le cadre de l'AA.

4.3   Le taux de syndicalisation au Chili est de l'ordre de 12 à 13 %; l'on notera que ce taux est particulièrement élevé dans les secteurs minier, bancaire et commercial, et que le nombre d'organisations syndicales (quelque 12 000 syndicats) est très important, dans leur majorité au niveau des entreprises. Le dialogue social au Chili est dès lors atomisé. Les syndicats manquent de capacité de négociation, surtout dans le domaine sectoriel, et la désunion des centrales syndicales empêche la nécessaire coordination préalable au dialogue. Les deux dialogues entre la CUT et le patronat, représenté par la Confédération de la production et du commerce (CPC), lancés par l'OIT, n'ont pas réussi à créer la confiance suffisante pour qu'ils se transforment en un processus durable.

4.4   La principale fédération patronale chilienne est la Confédération de la production et du commerce (CPC), qui regroupe tous les grands secteurs économiques chiliens. La CPC collabore avec les syndicats dans le cadre de dialogues ponctuels et avec l'OIT au sein d'une instance tripartite sur le travail décent. Cependant, la question de la création éventuelle d'un CES et de l'instauration d'un dialogue structuré sur les relations de travail n'a jamais été abordée avec les syndicats. Les petites et moyennes entreprises chiliennes sont représentées par l'organisation Conupia.

4.5   Les petites entreprises chiliennes sont sous-développées, faiblement organisées, peu concurrentielles, précaires, génératrices de bas salaires, et sont exclues du secteur de l'exportation. Ce secteur représente toutefois 80 % des emplois entre le secteur formel et le secteur informel. Pour le reste, le Chili se caractérise par une importante concentration de quelques acteurs économiques de grande envergure et d'incidence citoyenne, peu régulés, tels que la banque.

4.6   Les principales organisations de consommateurs sont la Conadecus et l'Odecu, mais leur rôle et leur influence sur la société sont très limités. Toutes deux réclament une plus grande participation aux projets de coopération de l'UE dans le cadre de l'AA.

5.   Conclusions

5.1   Le CESE estime que bien que l'AA ne pose pas de problème majeur quant à son application, il convient de l'actualiser, notamment afin d'y introduire un chapitre sur le développement durable dans le volet commercial, dans l'esprit des accords commerciaux les plus récents. La participation de la société civile est un élément essentiel du suivi des relations reposant sur le respect des droits économiques, sociaux et environnementaux, ainsi que des droits des travailleurs et des consommateurs. Le chapitre sur la coopération devrait quant à lui faciliter le renforcement et la participation des acteurs économiques et sociaux et réorienter ses objectifs, afin de passer d'une coopération au développement de type classique à d'autres objectifs présentant un plus grand intérêt mutuel tels que l'éducation, l'innovation ou le développement du tissu productif. De l'avis du CESE, il y a lieu d'associer les organisations chiliennes de la société civile au processus d'évaluation de l'AA.

5.2   Le CESE se déclare disposé à collaborer avec l'UE en ce qui concerne les dialogues sectoriels avec le Chili sur des questions d'intérêt commun telles que l'éducation, la responsabilité sociale des entreprises, le développement durable, le dialogue social, l'emploi, la protection et l'information des consommateurs ou encore la cohésion sociale.

5.3   Le CESE exprime sa satisfaction que les autorités chiliennes, qu'elles soient gouvernementales ou parlementaires, aient reconnu qu'elles n'appliquent pas l'article 10 de l'accord et qu'elles aient exprimé publiquement leur intention de remédier à cet état de choses. De même, il prend note des récents projets du gouvernement chilien visant à créer de manière systématique des mécanismes d'information et de consultation de la société civile dans tous les domaines du gouvernement. Le CESE se félicite de cette volonté affichée mais il exprime, avec toute la prudence qui s'impose, certaines réticences vis-à-vis de propositions qui semblent déboucher davantage sur une prolifération de mécanismes ad hoc en ordre dispersé, orientés vers des thématiques ou des secteurs donnés, que sur la création d'une véritable instance consultative unique susceptible de compléter les instances partielles.

5.4   Le CESE estime que la société civile chilienne a besoin d'un énorme effort de soutien politique et de travail interne axé sur le renforcement et le développement des capacités des organisations concernées ainsi que sur la reconnaissance de ces dernières en tant que partenaires constructifs tant dans le cadre d'une consultation interne institutionnelle générale (dialogue civil) que dans celui des relations de travail (dialogue social).

5.5   Le CESE soutient la création d'un organe institutionnel chilien de participation de la société civile qui reflète le pluralisme de la société civile chilienne. À l'exemple du CESE, cet organisme devrait reposer sur les principes de représentativité, d'indépendance et de légitimité des organisations présentes en son sein. L'expérience du CESE montre que pour parvenir à la création d'une institution présentant ces caractéristiques, un effort de consensus entre les différents secteurs de la société civile concernée est fondamental. Le CESE souhaite et peut contribuer à ces efforts sur la base de son expérience dans des activités similaires avec d'autres pays. Parmi les exemples positifs à cet égard en Amérique latine, l'on peut citer la collaboration avec les instances consultatives de la société civile telle que le CDES au Brésil, le CC-SICA en Amérique centrale ou encore le FCES du Mercosur.

5.6   De l'avis du CESE, l'existence des inégalités sociales et les mouvements de protestation auxquels l'on assiste actuellement au Chili sont une raison supplémentaire de créer d'importants canaux de dialogue et de participation consultative de la société civile aux décisions et aux politiques publiques.

5.7   Un organe consultatif faciliterait également le développement des relations entre les organisations de la société civile européenne et du Chili, et contribuerait à renforcer les relations entre l'UE et ce pays grâce à la création, le plus tôt possible, du CCM prévu à l'article 10 de l'AA.

5.8   Le CCM UE-Chili devrait contribuer au développement, au suivi et à l'application de l'AA. Il serait chargé d'émettre des avis sur les consultations du Comité d'association ou du Conseil d'association dans tous les domaines couverts par l'accord. De même, il pourrait élaborer des avis ou formuler des recommandations de sa propre initiative, sur les questions qui concernent l'accord. Le CCM tiendrait à cet effet une réunion annuelle avec le Comité conjoint UE-Chili.

5.9   Le CESE se réjouit de l'intérêt et du soutien de la commission parlementaire mixte UE-Chili pour la mise en œuvre de l'article 10 de l'accord d'association. La CPM et le futur CCM devraient entretenir des rapports fluides et réguliers afin d'échanger leurs points de vue sur le suivi de l'accord.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Les Indiens, en majorité des Mapuches, représentent approximativement 4,6 % de la population chilienne.

(2)  Source: OCDE et Encuesta de caracterización socioeconómica nacional 2009 – www.ministeriodesarrollosocial.gob.cl.

(3)  Il s'agit respectivement de Michelle Bachelet, Juan Somavia et José Miguel Insulza.


22.5.2012   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 143/146


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 726/2004, en ce qui concerne l'information du public sur les médicaments à usage humain soumis à prescription médicale, d'une part, et la pharmacovigilance, d'autre part»

COM(2011) 632 final — 2008/0255 (COD)

2012/C 143/30

Le 28 novembre 2011, le Conseil a décidé, conformément aux articles 114 et 168, paragraphe 4, point c) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 726/2004, en ce qui concerne l'information du public sur les médicaments à usage humain soumis à prescription médicale, d'une part, et la pharmacovigilance, d'autre part"

COM(2011) 632 final – 2008/0255 (COD).

Étant donné que le Comité s'est déjà prononcé sur le contenu de la proposition en objet dans son avis CESE 1025/2009, adopté le 10 juin 2009 (1) le Comité, lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012) a décidé, par 119 voix pour, et 6 abstentions, de ne pas procéder à l'élaboration d'un nouvel avis en la matière, mais de se référer à la position qu'il a soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 306 du 16.12.2009, p.33.


22.5.2012   

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C 143/147


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/CE en ce qui concerne l'information du public sur les médicaments soumis à prescription médicale, d'une part, et la pharmacovigilance, d'autre part»

COM(2011) 633 final — 2008/0256 (COD)

2012/C 143/31

Le 28 novembre 2011, le Conseil a décidé, conformément aux articles 114 et 168, paragraphe 4, point c) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/CE en ce qui concerne l'information du public sur les médicaments soumis à prescription médicale, d'une part, et la pharmacovigilance, d'autre part"

COM(2011) 633 final – 2008/0256 (COD).

Étant donné que le Comité s'est déjà prononcé sur le contenu de la proposition en objet dans son avis CESE 1022/2009, adopté le 10 juin 2009 (1), le Comité, lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012) a décidé, par 135 voix pour et 7 abstentions, de ne pas procéder à l'élaboration d'un nouvel avis en la matière, mais de se référer à la position qu'il a soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 306 du 16.12.2009, p. 18.


22.5.2012   

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C 143/148


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2004/40/CE concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l'exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques) (dix-huitième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/40/CE)»

COM(2012) 15 final — 2012/0003 (COD)

2012/C 143/32

Le Conseil, le 1er février 2011, et le Parlement européen, le 2 février 2011, ont décidé, conformément à l'article 153, paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2004/40/CE concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l'exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques) (dix-huitième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/40/CE)"

COM(2012) 15 final – 2012/0003 (COD).

Ayant estimé que le contenu de la proposition est [entièrement] satisfaisant et n'appelle aucun commentaire de sa part, le Comité, lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), a décidé, par 138 voix pour, 4 voix contre et 9 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


22.5.2012   

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C 143/149


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1217/2009 du Conseil portant création d'un réseau d'information comptable agricole sur les revenus et l'économie des exploitations agricoles dans la Communauté européenne»

COM(2011)855 final — 2011/0416 COD

2012/C 143/33

Le Parlement européen, le 13 décembre 2011, et le Conseil, le 2 février 2012, ont décidé, conformément à l'article 43, paragraphe 2, et à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no1217/2009 du Conseil portant création d'un réseau d'information comptable agricole sur les revenus et l'économie des exploitations agricoles dans la Communauté européenne"

COM(2011)855 final – 2011/0416 COD.

Ayant estimé que le contenu de la proposition est satisfaisant, le Comité, lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 22 février 2012), a décidé, par 130 voix pour et 9 abstentions, de rendre un avis favorable au texte proposé.

Bruxelles, le 22 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON