ISSN 1977-0936

doi:10.3000/19770936.C_2011.376.fra

Journal officiel

de l'Union européenne

C 376

European flag  

Édition de langue française

Communications et informations

54e année
22 décembre 2011


Numéro d'information

Sommaire

page

 

I   Résolutions, recommandations et avis

 

AVIS

 

Comité économique et social européen

 

474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011

2011/C 376/01

Avis du Comité économique et social européen sur La promotion des énergies renouvelables et la politique européenne de voisinage: le cas euro-méditerranéen (avis exploratoire)

1

2011/C 376/02

Avis du Comité économique et social européen sur Les aires métropolitaines et les villes-régions dans le cadre de la stratégie Europe 2020 (avis d'initiative)

7

2011/C 376/03

Avis du Comité économique et social européen sur le thème: Leader en tant qu'instrument du développement local (avis d'initiative)

15

2011/C 376/04

Avis du Comité économique et social européen sur L'avenir des jeunes agriculteurs en Europe (avis d'initiative)

19

2011/C 376/05

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Développement rural et emploi dans les Balkans occidentaux (avis d'initiative)

25

2011/C 376/06

Avis du Comité économique et social européen sur le thème Promouvoir des sociétés civiles représentatives dans la région Euromed (avis d'initiative)

32

2011/C 376/07

Avis du Comité économique et social européen sur le Ciel unique européen II (avis d'initiative)

38

 

III   Actes préparatoires

 

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

 

474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011

2011/C 376/08

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: L'Europe, première destination touristique au monde — un nouveau cadre politique pour le tourisme européenCOM(2010) 352 final

44

2011/C 376/09

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: réexamen du Small Business Act pour l'EuropeCOM(2011) 78 final

51

2011/C 376/10

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil portant suspension, à titre temporaire, des droits autonomes du tarif douanier commun à l'importation de certains produits industriels dans les Îles Canaries COM(2011) 259 final — 2011/0111 (CNS)

58

2011/C 376/11

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil confiant à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) certaines tâches liées à la protection des droits de propriété intellectuelle, notamment la convocation de représentants des secteurs public et privé dans le cadre d'un Observatoire européen de la contrefaçon et du piratageCOM(2011) 288 final — 2011/0135 (COD)

62

2011/C 376/12

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelinesCOM(2011) 289 final — 2011/0136 (COD)

66

2011/C 376/13

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la normalisation européenne et modifiant les directives du Conseil 89/686/CEE et 93/15/CEE, ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 94/9/CE, 94/25/CE, 95/16/CE, 97/23/CE, 98/34/CE, 2004/22/CE, 2007/23/CE, 2009/105/CE et 2009/23/CECOM(2011) 315 final — 2011/0150 (COD)

69

2011/C 376/14

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission — Stratégie pour la mise en œuvre effective de la charte des droits fondamentaux par l'Union européenneCOM(2010) 573 final

74

2011/C 376/15

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées: un engagement renouvelé pour une Europe sans entravesCOM(2010) 636 final

81

2011/C 376/16

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniauxCOM(2011) 126 final — 2011/0059 (CNS) et la Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière d'effets patrimoniaux des partenariats enregistrésCOM(2011) 127 final — 2011/0060 (CNS)

87

2011/C 376/17

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d'action européen 2011-2015 pour l'administration en ligne — Exploiter les TIC pour promouvoir une administration intelligente, durable et innovanteCOM(2010) 743 final et la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers l'interopérabilité pour les services publics européensCOM(2010) 744 final

92

2011/C 376/18

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources — initiative phare relevant de la stratégie Europe 2020COM(2011) 21 final

97

2011/C 376/19

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Rio +20: vers une économie verte et une meilleure gouvernanceCOM(2011) 363 final — Contribution de la société civile organisée européenne

102

2011/C 376/20

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050COM(2011) 112 final

110

2011/C 376/21

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1927/2006 portant création du Fonds européen d'ajustement à la mondialisationCOM(2011) 336 final — 2011/0147 (COD)

116

FR

 


I Résolutions, recommandations et avis

AVIS

Comité économique et social européen

474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011

22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/1


Avis du Comité économique et social européen sur «La promotion des énergies renouvelables et la politique européenne de voisinage: le cas euro-méditerranéen» (avis exploratoire)

2011/C 376/01

Rapporteur: M. Pierre Jean COULON

Corapporteur: M. Stéphane BUFFETAUT

Le 28 janvier 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur

«La promotion des énergies renouvelables et la politique européenne de voisinage: le cas euro-méditerranéen»

(avis exploratoire).

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 septembre 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 164 voix pour, 2 voix contre et 9 abstentions.

1.   Conclusion et recommandations: passer de la cacophonie à la symphonie

1.1   Le Comité économique et social européen appelle de ses vœux un retour à la paix dans les pays méditerranéens et un avenir de stabilité dans la région euro-méditerranéenne.

1.2   Les événements récents dans les pays du nord de l'Afrique et Moyen-Orient confirment qu'un scénario de «laisser-faire» n'est plus possible et qu'un avenir plus durable est à construire au cœur duquel se trouveront le bien-être des individus et le développement social.

1.3   Dans ce contexte, il est impératif que la promotion des énergies renouvelables, notamment l'énergie solaire, soit axée autour d'une coopération régionale qui vise le codéveloppement.

1.4   Le CESE salue les initiatives régionales en faveur du développement à grande échelle des énergies renouvelables en Méditerranée (PSM, Dii, Medgrid, etc.) et appelle de ses vœux une mise en place rapide, effective et coordonnée de ces initiatives.

1.5   Au-delà de ces initiatives, le CESE lance un appel en faveur de l'établissement d'un «New Green Deal» dans la région, centré sur la sobriété énergétique et engageant une mutation radicale de nos modes de consommation et de production.

1.6   Le potentiel d'économies d'énergie et de carbone en Méditerranée est considérable. Il dépend pour partie des technologies à promouvoir et pour partie de comportements nouveaux à encourager. L'amélioration de l'efficacité énergétique est un complément indispensable au développement des énergies renouvelables.

1.7   La mise en place effective d’un système énergétique à faible consommation de carbone n’est pas la responsabilité du seul secteur de l’énergie de chaque pays. Elle nécessite une solidarité régionale forte et des financements importants dans le cadre d'une démarche gagnant-gagnant entre les rives nord et sud.

1.8   Étant donné la diversité des situations des différents pays en termes de ressources disponibles, de niveau des besoins et de niveau d'émissions de gaz à effet de serre, les pays tiers méditerranéens ont de fait des responsabilités communes mais différenciées. Nous avons donc besoin d'une vision régionale déclinée en stratégies nationales adaptées et solides.

1.9   Il y a lieu d'introduire au plan national des pays de la rive sud des programmes (législation, incitations fiscales, normes) pour créer des conditions favorables à la promotion des énergies renouvelables. Ceci devrait inclure un programme de long terme qui vise la suppression durable des subventions nuisibles des sources d'énergies fossiles.

1.10   Nous saluons l’initiative de la Commission européenne, qui repense son approche vis-à-vis de la Méditerranée et prône une coopération structurée et renforcée dans laquelle les énergies renouvelables constituent un sujet phare (1).

1.11   Pourtant, nous estimons que cette volonté de coopération doit prendre rapidement la forme d'actions et de programmes. Le CESE insiste sur le fait que tout dialogue initié devrait comprendre dès le début un volet consacré aux aspects sociaux.

1.12   Nous confirmons l’appel lancé dans l'avis publié par le CESE en mars 2011 sur le thème de «l'approvisionnement énergétique: quelle politique de voisinage» (2) en faveur de l'extension de la Communauté de l'énergie (Communauté de l’énergie de l’Europe du Sud-Est, comprenant les pays des Balkans) aux pays des rives méridionales de la Méditerranée, et d'une mission spécifique d’appui au développement de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables, de l’interconnexion des réseaux et de leur interopérabilité.

1.13   Commençant par les pays du Maghreb, cette communauté devrait intégrer certains éléments appropriés de la législation communautaire. En outre, la nouvelle communauté devra avoir pour objectif la promotion d’une nouvelle charte de l’énergie et d’un nouveau protocole sur l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables.

1.14   Dans ce contexte, le Comité rappelle aussi l'importance d'établir un forum social à l'instar de celui qui a vu le jour en marge de la Communauté de l’énergie de l’Europe du Sud-Est. Le développement des énergies renouvelables ne devrait pas se réduire à des projets purement industriels.

1.15   Le CESE soutient qu'une assistance technique de nature à former une expertise locale en matière d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique à même de contribuer au développement des énergies renouvelables est une nécessité, de même qu’une coopération Sud-Sud. Les besoins de formation dans les technologies liées aux énergies renouvelables devraient être identifiés au préalable et déboucher sur un plan d’action euro-méditerranéen adapté.

1.16   Nous recommandons fortement d'accorder un soutien accru aux activités de recherche et de développement, en vue d'améliorer la rentabilité économique des projets en matière d’énergies renouvelables. Les transferts de technologie pourraient s'effectuer au sein d’une plateforme régionale commune de recherche et de développement incluant les universités et les centres de recherche.

1.17   Dans cet esprit, le CESE préconise la création d'un ERASMUS méditerranéen de l'énergie, permettant aux étudiants de toute la région (nord, sud, est, ouest) de se former aux techniques liées aux énergies renouvelables et durables.

1.18   Il est nécessaire de se doter des nouveaux moyens de soutien et d'incitation en faveur des énergies renouvelables. Ceux-ci devraient permettre d’assurer l’équilibre financier des projets, entre autres ceux qui sont prévus dans l’article 9 de la directive européenne sur les énergies renouvelables (3).

1.19   Le CESE soutient le projet de création d’une banque euro-méditerranéenne d’investissement et les communications récentes du Parlement européen et de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée à cet égard.

1.20   Le CESE estime nécessaire de concevoir des mécanismes novateurs et adaptés pour soutenir les énergies renouvelables. L’identification de ces mécanismes devrait être réalisée dans un cadre euro-méditerranéen et donner lieu au lancement de projets pilotes avec le soutien de la banque euro-méditerranéenne d’investissement, pour progresser vers un 'New Green Deal'.

1.21   Il est également essentiel, dans le cadre des négociations commerciales, de promouvoir la libéralisation du commerce des biens et des services favorables aux énergies renouvelables.

1.22   Les plans d'action de la politique européenne de voisinage (PEV) représentent un instrument clé pour favoriser des objectifs énergétiques nationaux et régionaux dans les relations bilatérales.

1.23   Le CESE souligne aussi que la nouvelle directive relative au système de négoce des droits d'émission (ETS, Emissions Trading System) (4) concernant le financement carbone risque de faire perdre un certain nombre de financements aux projets lancés au sud de la Méditerranée si la Commission ne s'engage pas, comme prévu dans la directive à commencer des négociations avec les États tiers.

1.24   Force est de constater que le lancement du Plan solaire méditerranéen (PSM) est catalyseur de plusieurs initiatives en faveur du développement des énergies renouvelables déployées dans la région, ce qui est une évolution qu'il convient de saluer. Mais sans une bonne coordination entre ces différentes initiatives, - et entre les institutions qui les gèrent et les soutiennent (Commission européenne, UpM, …) - les résultats risquent d’être en dessous des attentes. À travers des programmes d’assistance technique en faveur des pays du Sud et en appui de différentes initiatives, l’UE peut contribuer à un déploiement effectif et harmonieux des énergies renouvelables dans la région et transformer la cacophonie actuelle en symphonie.

1.25   Concernant les réseaux d'énergies, la production décentralisée d'énergie solaire apporterait une réponse efficace et économiquement viable dans les zones isolées ne disposant pas de réseau. Elle est particulièrement utile sur des territoires étendus à faible densité de population.

1.26   Il serait opportun d'établir au niveau communautaire un instrument de garantie du risque politique aux pays du sud de la Méditerranée (par exemple par l'émission de bons garantis par l'UE). Il conviendrait aussi de s'assurer dans l'avenir que les États membres s'engagent à acheter un minimum d'électricité aux pays du Sud.

1.27   La sensibilisation de l’ensemble des acteurs, y compris la société civile, à toutes les initiatives est essentielle. Des programmes nationaux pour la promotion des énergies renouvelables devraient inclure des campagnes de sensibilisation sur l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Les réseaux sociaux et les nouvelles technologies de l’information et de la communication peuvent être un support important de cette mobilisation.

2.   Introduction

2.1   La région enregistre depuis plusieurs décennies une forte croissance socio-économique et une urbanisation galopante, en particulier autour du littoral. Ces tendances sont appelées à se poursuivre. La conjonction de ces facteurs fait de la Méditerranée un écosystème fragile qui se dégrade (5).

2.2   Dans le domaine de l'énergie, la région méditerranéenne se caractérise par deux types d'inégalités évidentes et majeures: les inégalités entre les pays du Nord, plus riches et plus consommateurs d'énergie que ceux du Sud; et les inégalités dans les dotations en ressources énergétiques.

2.3   Dans la région, malgré les progrès réalisés, les tendances actuelles dans le domaine énergétique ne sont pas durables. Il faut inverser ces tendances en menant une action concertée pour éviter un développement très carboné et gaspilleur en énergie. Des emplois pourront être créés dans de nouveaux créneaux porteurs comme l'efficacité énergétique, l'écoconstruction, l'accès aux services de base, les industries et technologies des énergies renouvelables.

2.4   Si des exemples réussis de bonnes pratiques peuvent être cités, comme la mise en place d'une loi spécifique pour les énergies renouvelables en Algérie, la réalisation de plusieurs projets surtout solaires et éoliens notamment en Égypte, au Maroc et en Tunisie, les efforts consentis actuellement pour les inscrire dans la durée et les faire changer d'échelle sont malheureusement insuffisants dans la plupart des cas.

2.5   Mais force est de constater qu'après une longue période de scepticisme ou d'indifférence, le développement énergétique durable en Méditerranée commence aujourd'hui à influencer, de manière plus ou moins concrète, les pratiques des entreprises, des collectivités locales, des États ou de la coopération.

3.   Les perspectives énergétiques dans le Méditerranée: potentiel et bénéfices des énergies renouvelables et d'une efficacité énergétique accrue

3.1   La dépendance énergétique en Méditerranée et dans l'UE pourrait s'accroître sensiblement. Le taux de dépendance énergétique régional s'élevait à 42 % en 2007. Selon les travaux de l'Observatoire méditerranéen de l'énergie (OME), à l'horizon 2030, ce taux devra se stabiliser et même baisser pour atteindre 40 % (40 % pour le pétrole, 30 % pour le gaz et 70 % pour le charbon) alors qu'il sera plus important dans les pays Nord, avec 97 %. Ceci étant, le scénario alternatif de l'Observatoire méditerranéen de l’énergie montre qu'il serait possible de réduire cette tension et de ramener le taux de dépendance régional à 18 % à l'horizon 2030. Mais même dans ce cas, des disparités importantes demeureront entre les pays. Les risques sociaux et économiques liés à la hausse des coûts d'approvisionnement et à ses répercussions sur la facture énergétique des pays, des ménages et des entreprises s'en trouveraient dès lors fortement accrus.

3.2   Quel que soit le scénario, les émissions de CO2 produites par la consommation d'énergies fossiles dans la région dépasseront d'au moins 30 % leur niveau de 1990. Par ailleurs, en 2030, les émissions par habitant des pays du sud et de l’est de la Méditerranée, bien que représentant 40 % de moins que celles des pays du nord de la Méditerranée, pourraient représenter aux alentours de 55 % des émissions du bassin, contre 36 % en 2007.

3.3   Un risque de plus en plus fort se profile, lié au déficit en eau toujours plus important dans la région. Le dessalement déjà développé dans plusieurs pays est quasi inévitable et cela est de nature à accentuer les tensions liées à l’interdépendance entre l’eau et l’énergie.

3.4   L'aspiration au développement économique et social est légitime et, pour cela, l'énergie est indispensable. Du seul fait de l'énergie, le développement économique et social serait radicalement compromis et pas seulement pour les pays les plus «vulnérables».

3.5   Le nouveau paradigme énergétique consiste à concevoir le «système énergétique» comme englobant non seulement le secteur énergétique (offre) mais également la consommation d'énergie (demande) et à assurer son développement de façon à obtenir un service énergétique dans les conditions optimales en termes de ressources, de coûts économiques et sociaux et de protection de l'environnement local et global. Ceci place au premier rang des acteurs nouveaux: entreprises, collectivités, ménages, professionnels du bâtiment, des transports, de la production industrielle ou agricole et du secteur tertiaire.

3.6   Le potentiel d'économies d'énergie et de carbone en Méditerranée est considérable. Plusieurs estimations fiables montrent que, sur les vingt prochaines années, un potentiel de réduction de la consommation de l'ordre de 20 % est réalisable (plus si les prix de l'énergie continuent d'augmenter).

3.7   L'amélioration de l'efficacité énergétique est un complément indispensable au développement des énergies renouvelables. Il est à noter que l'efficacité énergétique et les économies d'énergie dépendent avant tout de l'action des citoyens, des entreprises et des travailleurs et de leur changement de comportement (6).

3.8   Mais plusieurs obstacles entravent le développement de ces potentiels. Ceux-ci sont de nature institutionnelle et réglementaire, technique, financière, ou relèvent de la formation et de l'information, etc. Force est de constater que les énergies renouvelables sont dans la plupart des cas moins compétitives que les énergies conventionnelles, surtout dans le contexte actuel de non internalisation des coûts externes.

3.9   Pour combler ce fossé, il y a lieu d'introduire au plan national des programmes visant à créer des conditions favorables à la promotion des énergies renouvelables et qui devraient porter sur la législation nationale en faveur du développement des énergies renouvelables, des incitations fiscales, et des normes. Au même titre, il est opportun d'introduire des plans nationaux de long terme pour la réduction, voire la suppression durable des subventions nuisibles des sources d'énergies fossiles, qui s'inscrivent dans le développement des énergies renouvelables. Ceux-ci devraient prendre en compte la situation des plus vulnérables parmi la population.

3.10   De même, il est nécessaire de se doter d'un cadre réglementaire clair ainsi que de nouveaux moyens de soutien et d'incitation pour les énergies renouvelables permettant d’assurer l’équilibre financier des projets, conformément à l’article 9 de la directive européenne sur les énergies renouvelables.

3.11   Un aspect clé du développement des énergies renouvelables est le soutien à la production décentralisée d'électricité, notamment solaire par une législation, des financements et une formation appropriés.

3.12   Un obstacle majeur réside également dans la perception que les différents acteurs ont des énergies renouvelables. Un effort de sensibilisation de l’ensemble des acteurs, y compris de la société civile, est essentiel. Des programmes nationaux pour la promotion des énergies renouvelables pourraient inclure des campagnes de sensibilisation, consacrées tant à l'efficacité énergétique, qu'aux énergies renouvelables à développer.

4.   La question Énergie/Environnement/Coopération en Méditerranée: la dimension régionale

4.1   Étant donné la diversité des situations des différents pays, les pays méditerranéens ont de fait des responsabilités communes mais différenciées. Les responsabilités sont communes pour ce qui est d'imaginer un avenir énergétique durable, de définir ses grands axes et de construire ensemble les bases communes (ressources, mécanismes de financement, échange de bonnes pratiques, formation, renforcement des capacités, transfert de technologie, etc.). Les responsabilités sont différenciées sur le plan de la mise en œuvre, qui nécessite la prise en compte des spécificités de chaque pays (sans a priori technologique). Nous avons donc besoin d'une vision régionale déclinée en stratégies nationales adaptées et solides.

4.2   Les tendances indiquant une croissance forte de la demande d'énergie dans la région, l'ampleur des préoccupations liées au développement socio-économique durable, les préoccupations relatives à la sécurité des approvisionnements et la nécessité de transitions vers des économies à faible teneur en carbone afin de s'adapter à un contexte climatique changeant, ne font qu'accentuer la nécessité et l'urgence du changement d'échelle dans la mise en œuvre des politiques complémentaires de la sobriété énergétique.

4.3   Ce défi ne peut être relevé que par la mise en chantier d'une coopération euro-méditerranéenne articulée autour d'un nouveau modèle de systèmes énergétiques compatibles avec le développement durable, afin de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire leurs propres besoins. Au niveau régional, l'harmonisation des législations et l'adoption d'instruments flexibles seront cruciales pour la création d'un marché de l'énergie verte compétitif.

4.4   Le CESE se réjouit de l'accent que la Commission européenne met, dans le contexte de la PEV, sur le potentiel de coopération en matière de production et de gestion des énergies renouvelables et de son souhait que la coopération dans le domaine de l'énergie soit renforcée grâce à un dialogue plus soutenu avec les pays de la Méditerranée.

4.5   Pourtant le CESE estime que cette volonté doit se traduire rapidement en actions et en programmes visant à promouvoir cette coopération. Il souligne que tout dialogue initié devrait comprendre dès le début un volet consacré aux aspects sociaux pour s'assurer que le développement des énergies renouvelables s'inscrive dans un plan de développement économique et social plus large. Pour valider ce processus, il faudra accorder une importance accrue aux partenaires sociaux. De même, il est souhaitable d'impliquer la société civile au sens large ainsi que les medias pour s'assurer que les populations s'approprient les efforts déployés dans le cadre de la poursuite des «intérêts communs spécifiques» entre les pays du Nord et du Sud.

4.6   Le CESE confirme l’appel lancé dans l'avis publié par le CESE en mars 2011 sur le thème de «l’approvisionnement énergétique: quelle politique de voisinage» (7) et soutient la proposition de la Commission d'offrir des perspectives crédibles d'intégration, progressive et différenciée, du sud de la Méditerranée dans le marché intérieur de l'énergie de l'UE, voire la mise en place d'une sorte de «communauté de l'énergie» entre l'UE et le Sud de la Méditerranée ou l'extension du traité instituant la Communauté de l'énergie aux voisins qui n'y ont pas encore adhéré.

4.7   Le CESE estime que la nouvelle communauté devra avoir pour objectif la promotion d’une nouvelle charte de l’énergie et d’un nouveau protocole sur l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. Dans ce contexte, il rappelle aussi l'importance d'établir un forum social à l'instar de celui qui a vu le jour dans le cadre de la Communauté de l’énergie de l’Europe du Sud-Est (pays des Balkans).

4.8   Le CESE lance un appel en faveur de l'établissement d'un «New Green Deal» dans de la région, centré sur la sobriété énergétique et engageant une mutation radicale de nos modes de consommation et de production.

4.9   La question du financement revêt un caractère particulièrement important. Il convient notamment de régler la question du risque politique pour favoriser les financements privés. Par exemple, dans le contexte du Plan solaire méditerranéen, il serait opportun d'établir au niveau communautaire un instrument de garantie du risque politique (par exemple par l'émission de bons garantis par l'UE).

4.10   Le Comité est favorable au projet de création d’une banque euro-méditerranéenne d’investissement et soutient les communications récentes du Parlement européen (8) et de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée (9) à cet égard. Il espère que la Banque européenne d’investissement prendra l'initiative de lancer cette banque euro-méditerranéenne, en partenariat notamment avec des institutions financières du Sud de la Méditerranée.

5.   Les aspects recherche, transferts technologiques, développement des capacités, formation, commerce et participation de la société civile

5.1   Le changement profond de paradigme énergétique, qui substitue à la priorité de l'offre la priorité de la demande, modifie profondément les rapports du citoyen aux systèmes énergétiques. Dans ce contexte, le Comité appelle de ses vœux un travail en réseau entre les universités des deux rives de la Méditerranée et souhaite que soient soutenues les initiatives qui permettent le partage d’expérience et de bonnes pratiques entre tous les acteurs concernés à l’exemple de l’Université méditerranéenne d’été sur l’énergie durable en Méditerranée.

5.2   Nous recommandons fortement un soutien accru aux activités de recherche et de développement, qui, en encourageant les innovations technologiques, peuvent générer des gains de productivité importants, de nature à améliorer la rentabilité économique des projets d’énergies renouvelables à des niveaux intéressants pour les investisseurs. Il importe de faciliter les transferts de technologie entre les deux rives de la Méditerranée, ce qui pourrait s’effectuer au sein d’une plateforme régionale commune de recherche et de développement associant les universités et les centres de recherche et intégrant les différents aspects relatifs à la réalisation et à l’exploitation des installations.

5.3   Dans cet esprit, le CESE préconise la création d'un ERASMUS méditerranéen de l'énergie, permettant aux étudiants de toute la région (nord, sud, est, ouest) de se former aux techniques des énergies renouvelables et durables.

5.4   Tout un ensemble de raisons convergentes incitent a priori à travailler sur des scénarios alternatifs et à donner progressivement au partenariat entreprises/territoires/formation une place privilégiée dans les stratégies futures de développement énergétique durable en Méditerranée.

5.5   Le CESE est d'avis qu'une assistance technique de nature à former une expertise locale à même de contribuer au développement des énergies renouvelables est une nécessité, de même qu’une coopération Sud-Sud. Les besoins de formation devraient être identifiés au préalable et déboucher sur un plan d’action euro-méditerranéen adapté.

5.6   Le développement des énergies renouvelables devrait générer la création d’emplois décents mais nécessitera également un effort de formation initiale et continue au niveau régional et interrégional. Ceci ne pourra se construire efficacement que dans le cadre d’une concertation sociale organisée.

5.7   Pour promouvoir les énergies renouvelables dans le cadre des négociations commerciales en cours et à venir, il convient de libéraliser le commerce des biens et des services favorables aux énergies renouvelables.

5.8   En outre les plans d'action de la PEV constituent un instrument clé pour favoriser des objectifs énergétiques nationaux et régionaux dans les relations bilatérales. Le CESE appelle la Commission à mettre à jour les plans d'action pour veiller à ce que le développement des énergies renouvelables bénéficie d'une perspective plus favorable. Dès lors, il convient de veiller à ce que les plans d'action soient cohérents entre eux en matière d'énergies renouvelables.

5.9   La participation de la société civile (ONG, associations, organisations de citoyens, syndicats, etc.) aux programmes de promotion des énergies renouvelables est importante. La réussite de ces programmes suppose une prise de conscience citoyenne mais aussi l'information la plus large, afin d'optimaliser la mobilisation de l'opinion publique et de tous les acteurs.

6.   Initiatives régionales en faveur du développement des énergies renouvelables

6.1   Le Plan solaire méditerranéen: un catalyseur de développement durable dans la région

6.1.1   L'objectif principal du Plan solaire méditerranéen (PSM) est la satisfaction des besoins énergétiques des pays du Sud et le transport partiel de l'électricité produite vers les pays européens, facteur complémentaire important de la rentabilité économique et financière des projets. L'exportation de l'électricité verte vers l'Europe est rendue possible grâce à l'article 9 de la directive européenne sur les énergies renouvelables. Cette exportation est toutefois conditionnée à l'existence d'interconnexions, et suppose la mise en place d'une régulation spécifique afin d'éviter les effets d'opportunité ou de distorsion de marché.

6.1.2   L'objectif quantitatif du PSM prévoit pour 2020 l'installation de 20 GW de nouvelles capacités à partir de sources renouvelables (solaire et éolien essentiellement) et le développement des réseaux électriques et des interconnexions Nord/Sud et Sud/Sud. L'efficacité énergétique et le transfert de technologie sont pour l'instant considérés comme mesures d'accompagnement, ce qui est par ailleurs regrettable au vu du potentiel et des enjeux dans la région soulignés précédemment. Par rapport aux projections de l'Observatoire méditerranéen de l’énergie pour 2020, l'objectif du PSM se traduirait par un effort supplémentaire de nouvelles capacités renouvelables à installer de l'ordre de 11 GW dans le cas du scénario laisser-faire et seulement 1 GW dans le cas du scénario alternatif. Dans ce cadre il est souhaitable que les États membres s'engagent à acheter un minimum garanti d'électricité aux pays du Sud pour encourager le projet.

6.1.3   La problématique du PSM est double: il s'agit d'une part d'améliorer la rentabilité des projets en jouant sur le prix d'achat de l'électricité, tant local qu'à l'exportation et en faisant appel à des ressources concessionnelles, des subventions ou des crédits carbone, et d'autre part d'assurer leur financement, tant en fonds propres – qui devrait être assuré si la rentabilité est suffisante et les risques contrôlés – qu'en dette d'institutions financières de développement dans un premier temps (BEI, AFD, KfW, BERD, Banque mondiale, Banque africaine de développement et Banque islamique de développement), puis de banques commerciales.

6.1.4   L'initiative que constitue le PSM dépasse le cadre de la coopération telle qu'on l'a connue jusqu'ici. Il rassemblera les États membres de l'UpM, la Commission européenne, les entreprises, des institutions de recherche, des ONG du secteur, de nombreux investisseurs publics et privés ainsi que des institutions financières.

6.1.5   Le CESE appelle la Commission européenne à travailler étroitement avec le secrétariat de l'UpM qui a pour mandat de mettre en œuvre le PSM, et notamment le Master Plan PSM. Un cadre de référence partagé doit être établi pour favoriser la mise en œuvre du Master Plan. Il importera notamment d'adopter une approche commune sur des questions clés comme les outils de financement ou le transfert de technologies.

6.2   Medgrid, un projet de codéveloppement pour des échanges d’électricité en Méditerranée

6.2.1   Comme déjà mentionné, parmi les principaux enjeux figure la nécessité de compléter et renforcer le réseau d'interconnexions électriques entre les pays des deux rives de la Méditerranée, la seule interconnexion existante aujourd’hui étant celle reliant l’Espagne et le Maroc et disposant d’une capacité de transmission de 1 400 MW. Selon MEDELEC (association regroupant l'ensemble des industries électriques en Méditerranée), la capacité de transmission maximale que le réseau pourrait atteindre sur la base des plans d'investissement déjà existants serait d'environ 5 GW. La réalisation des objectifs du Plan solaire méditerranéen demande donc un effort majeur pour augmenter la puissance des interconnexions à la fois entre les pays du Sud et entre ceux-ci et la rive Nord.

6.2.2   L’objectif de Medgrid est de définir le schéma directeur du réseau méditerranéen pour 2020, de promouvoir les cadres institutionnels et réglementaires pour les échanges d’électricité, d'évaluer les bénéfices des investissements dans les infrastructures de réseau, de développer une coopération technique et technologique avec les pays du Sud et de l'Est méditerranéens et de promouvoir les technologies avancées de transmission.

6.3   Dii GmbH - Renewable energy bridging continents (L’énergie renouvelable qui rapproche des continents)

6.3.1   Dii se donne un horizon plus lointain que le Plan solaire méditerranéen (PSM): 2050. Le point de départ est que 15 % de la demande d’électricité des pays européens à cet horizon pourraient provenir de centrales solaires implantées dans le désert des pays du sud de la Méditerranée. Mais depuis son lancement en 2009, Dii a évolué vers un objectif de codéveloppement centré autour du développement des énergies renouvelables de manière générale et pas uniquement focalisé sur le solaire et l’exportation Sud-Nord. De fait, Dii rejoint la vision du PSM mais sur une durée plus longue et sans se fixer d’objectifs quantifiés.

6.4   Autres initiatives

6.4.1   D’autres initiatives sont à souligner, telles que le projet d’assistance technique de l’UE «Paving the Way for the Mediterranean Solar Plan» (Préparer le terrain pour le Plan solaire méditerranéen) portant sur le développement des énergies renouvelables dans la région, les financements européens à destination des pays Sud méditerranéens: la Facilité d’investissement pour le voisinage (FIV) et la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP) susceptibles de financer des projets renouvelables ainsi que la communication de la Commission sur les Priorités en matière d’infrastructures énergétiques pour 2020 et au-delà - Schéma directeur pour un réseau énergétique européen intégré (COM(2010) 677 final), qui intègre l’échange d’électricité verte entre le Sud et le Nord et la nécessité de renforcement des interconnexions à même de favoriser ces échanges. Plusieurs pays ont également lancé des plans nationaux tels que le Plan solaire marocain et le Plan solaire tunisien qui comportent un portefeuille de projets nationaux de développement des énergies renouvelables.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2011) 200 final et COM(2011) 303.

(2)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 15.

(3)  JO L 140, 5.6.2009. p. 16-62.

(4)  JO L 140, 5.6.2009, p. 63-87 (Article 11bis para. 5).

(5)  Rapport d’information du CESE: «Changement climatique et Méditerranée: défis environnementaux et énergétiques», CESE 682/2009 du 30 septembre 2009.

(6)  JO C 318 du 29.10.2011, p. 155.

(7)  JO C 132 du 3.5.2011.

(8)  Résolution du PE du 17 février 2011 -P7_TC1-COD(2010)0101.

(9)  Recommandation de la commission politique, de sécurité et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée, 4 mars 2011, à Rome.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/7


Avis du Comité économique et social européen sur «Les aires métropolitaines et les villes-régions dans le cadre de la stratégie Europe 2020» (avis d'initiative)

2011/C 376/02

Rapporteur: M. VAN IERSEL

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur

«Les aires métropolitaines et les villes-régions dans le cadre de la stratégie Europe 2020».

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 1er septembre 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 142 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE se réjouit de ce que les institutions européennes - Conseil, Commission, Parlement européen et Comité des régions - reconnaissent de plus en plus le développement des métropoles dans le cadre de l'Agenda territorial 2020. Cette priorité croissante coïncide avec les points de vue cohérents exprimés par le Comité ces dix dernières années.

1.2   Une aire métropolitaine n'est pas uniquement une grande ville. Pour le CESE il s'agit soit d'une grande ville soit d'une agglomération polycentrique, les deux catégories englobant les plus petites communes et zones rurales environnantes. Chaque aire métropolitaine représente une masse critique d'au moins 500 000 habitants (ou beaucoup plus). Les aires métropolitaines sont des régions fonctionnelles qui constituent des zones économiques et des marchés de l'emploi importants et, en règle générale, elles ne correspondent pas à des entités administratives (existant de longue date) telles que les provinces et les districts. Les aires métropolitaines constituent les grands nœuds du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T), tout en formant elles-mêmes de complexes réseaux de transport.

1.3   Le CESE recommande une approche imaginative de la renaissance urbaine du 21e siècle pour des aires métropolitaines solides et compétitives. Les tendances économiques, sociales, environnementales et territoriales ainsi que les mauvaises perspectives financières requièrent d'urgence une politique urbaine de l'UE cohérente et étroitement liée à la stratégie Europe 2020. Le point de vue du CESE sur la politique urbaine et l'incidence de la stratégie Europe 2020 est développé aux points 5 et 6 ci-dessous.

1.4   Une grande confusion règne à l'heure actuelle quant à la manière d'aborder la question au niveau de l'UE mais aussi, souvent, au niveau national, ce qui s'explique en partie par des problèmes liés à la gouvernance et au sentiment d'appropriation et en partie aussi par la fragmentation des approches. Plus particulièrement, des tensions apparaissent en raison de vues divergentes sur l'approche souhaitable - descendante ou ascendante - ainsi que de problèmes entre les grandes villes d'une part et les petites communes et zones rurales (périurbaines) d'autre part. L'un des principaux obstacles réside également dans le fait que le développement des métropoles ne coïncide pas souvent avec les frontières administratives.

1.5   Le CESE est convaincu que des aires métropolitaines bien équilibrées et robustes, stimulées dans le cadre de la stratégie Europe 2020, deviendront les fers de lance des développements futurs, chacune avec son identité et les caractéristiques qui lui sont propres. Elles auront aussi une incidence macroéconomique favorable pour l'Europe. Les politiques en matière de développement des métropoles doivent aller de pair avec la réduction des disparités régionales.

1.6   Le CESE recommande l'institution d'un groupe de haut niveau ou d'une task-force sur le développement des métropoles en parallèle avec le groupe interservices de la Commission sur le développement urbain. Une telle task-force devrait être pluridisciplinaire et englober un large éventail de représentants des États membres, des aires métropolitaines, des acteurs publics et privés et la société civile. Un échange structurel entre les praticiens et les chercheurs devrait être garanti, par exemple au sein de l'European Metropolitan network Institute, de l'initiative de programmation conjointe Urban Europe et de METREX.

1.7   L'objectif de la task-force devrait être de développer une vision à long terme de l'Europe métropolitaine, au-delà des frontières nationales. Un agenda urbain européen 2050 cohérent et efficace devrait remplacer les approches fragmentées par un concept général et se centrer sur la stratégie globale Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive.

1.8   La politique de développement des métropoles devrait être étayée par des analyses approfondies des tendances actuelles (et futures) basées sur les statistiques d'Eurostat ainsi que sur les données et les recherches d'ESPON et d'autres sources bien définies.

1.9   Le traité de Lisbonne et la stratégie Europe 2020 impliquent également des changements en matière de gouvernance. À ce stade, la gouvernance à niveaux multiples doit être prise au sérieux et ne pas rester lettre morte. Les aires métropolitaines doivent être reconnues comme des actrices à part entière du développement régional. Au sein de la Commission, les affaires urbaines et métropolitaines devraient être mieux coordonnées et présentées en conséquence. La politique des aires métropolitaines est en fait une composante des politiques européenne, nationale (car elle concerne les zones les plus importantes à l'échelon de l'Europe et des États), régionale et locale. Il y a lieu que les pouvoirs de l'aire métropolitaine soient les acteurs responsables de la coordination de l'ensemble de ces aspects.

1.10   Le développement des métropoles en Europe est sur les rails. Le CESE est convaincu qu'une plateforme de l'UE tournée vers l'avenir - task-force et groupe interservices - peut faire office de catalyseur pour mener le débat sur les processus en cours, définir des approches descendantes et ascendantes, encourager les collectivités régionales et locales ainsi que la société civile à développer des modèles appropriés, promouvoir les interconnexions et soutenir les initiatives transfrontalières.

1.11   Le dynamisme s'accroît. Dans le présent avis, le CESE présente des analyses, des arguments et des propositions afin d'étayer les approches souhaitables. Il invite la Commission et le Conseil à les prendre en compte en vue de renforcer la dimension urbaine du prochain train de mesures législatives pour la politique de cohésion, en relation avec la réflexion menée par la Commission européenne sur la ville de demain.

2.   Observations analytiques

2.1   L'Union européenne entretient avec les villes et aires métropolitaines une relation difficile et complexe. Ces difficultés mutuelles sont dues à plusieurs raisons, allant de l'absence de gouvernance efficace à une grande diversité de situations et d'évolutions.

2.2   Historique au sein de la Commission et du Conseil

2.2.1   En 1972, le Conseil européen déclarait que la politique régionale européenne constituait un facteur essentiel du renforcement de la Communauté. Les premiers financements étaient destinés à soutenir les régions moins favorisées en vue de promouvoir un développement équilibré et harmonieux de l'Europe. Dès 1986, la suppression des disparités régionales était considérée comme un objectif complémentaire important de la création du marché unique.

2.2.2   Les années 80 et 90 ont vu s'améliorer l'efficacité de la politique et des programmes. Le traité sur l'Union européenne en 1992, et quelques années plus tard les négociations sur l'élargissement de l'Union, ont entraîné une augmentation substantielle des Fonds structurels.

2.2.3   Les villes en tant que telles ont été intégrées plus tard dans les politiques de l'UE, bien que des projets pilotes en matière urbaine aient déjà été lancés au début des années 1990. Les grandes villes n'étaient guère distinguées des petites. Pendant longtemps, la principale distinction, au centre des réflexions, se faisait surtout entre les régions riches et les régions pauvres de l'UE, entre ce que l'on appelle la «banane bleue» de l'Europe occidentale et le reste du territoire.

2.2.4   En 1998, la Commission a pris une initiative intéressante en publiant sa communication sur un cadre d'action pour un développement urbain durable dans l'Union européenne. Toutefois, son incidence sur les délibérations au Conseil et sur la gestion quotidienne de la question est restée très limitée.

2.2.5   Pendant ce temps, les directions générales de la Politique régionale, de la Recherche, de la Mobilité et transports, de l'Énergie et de l'Emploi, ont développé des programmes et des projets dans plusieurs villes. ESPON a pris en charge la réalisation d'études ciblées des évolutions régionales et métropolitaines soutenues par le programme INTERREG.

2.2.6   Le Conseil s'est occupé plus directement des affaires urbaines à partir de 2004. Les réunions informelles des ministres chargés de l'aménagement du territoire, qui accordent une place centrale à la dimension urbaine, ont eu lieu semestriellement. En raison d'un manque de compétences ancrées dans le traité, la Commission et le Conseil disposaient d'une marge de manœuvre limitée pour entreprendre des actions concrètes.

2.2.7   Entretemps, une série de déclarations ont été adoptées lors de ces réunions ministérielles informelles. La charte de Leipzig de 2007, destinée à établir une politique urbaine, est l'une des plus importantes. Elle a répertorié une série de thèmes, y compris celui des grandes villes, à traiter dans le contexte d'un cadre européen commun respectant la subsidiarité. Cette déclaration a été à l'origine d'une approche plus structurée. Les conclusions (1) de la réunion ministérielle sur la contribution de l'architecture et de la culture au développement durable méritent également d'être mentionnées en tant que mesure de suivi. Les objectifs et les arguments ont été développés plus avant, notamment lors des réunions ministérielles informelles de Marseille et de Tolède (2). Les conclusions et la déclaration de Gödöllő de mai 2011 révèlent un accroissement du dynamisme en faveur d'une approche intégrée et transsectorielle de développement métropolitain équilibré (3).

2.2.8   En dépit de la présence des villes dans les communications de la Commission et les programmes de l'UE, l'image globale et les progrès réalisés en matière de politique urbaine ne sont pas impressionnants. Cela n'est pas dû uniquement à un manque de compétences formelles, mais aussi à l'absence d'objectifs clairs et d'un ciblage satisfaisant. Des raisons politiques internes et la subsidiarité empêchent les États membres de débattre des affaires urbaines au niveau de l'UE.

2.3   Prises de position précédentes du CESE

2.3.1   En 2004, le CESE a proposé (4) que l'UE redouble d'attention pour les aires métropolitaines et les grandes villes constituant une masse critique, principalement pour deux raisons: d'une part, avec leurs bons et leurs mauvais côtés, elles représentent les «laboratoires de l'économie mondiale»; d'autre part, parce que les agglomérations tendent à se développer. Ces deux tendances se sont intensifiées au cours de la dernière décennie. Elles ont dernièrement été pleinement reconnues par les réunions ministérielles informelles.

2.3.2   Le CESE était d'avis que parallèlement à l'accent mis sur la réduction des disparités régionales, il était tout aussi important de veiller à garantir la bonne santé des aires métropolitaines qui doivent être considérées comme des fers de lance pour les développements futurs.

2.3.3   Les grandes conurbations en Europe, comme ailleurs dans le monde, attirent généralement, les activités de qualité, les sociétés et les centres de recherche internationaux, les services, les développements créatifs de tous types et les instituts d'enseignement. La mondialisation les place de plus en plus sous les feux de la rampe alors que les frontières nationales s'estompent: grâce aux transports modernes et aux connexions numériques, elles sont reliées au niveau international tout en offrant un contexte fertile pour la proximité des talents.

2.3.4   Indéniablement, en tant que pôles d'attraction pour toutes sortes de personnes en provenance de l'UE ou de l'étranger, les aires métropolitaines et les villes-régions affichent un taux assez élevé de chômeurs et de personnes peu qualifiées, des phénomènes qui ne sont pas faciles à gérer et qui constituent souvent une source de problèmes sociaux, culturels et économiques (majeurs). Les enjeux écologiques sont multiples et manifestes.

2.3.5   Dans son avis de 2008, le CESE brossait un tableau de la situation dans les États membres. Malgré une tendance à la décentralisation et un débat, dans toute l'Europe, sur les approches et les mesures qui devraient être adoptées à l'égard du développement des métropoles, chaque pays dispose de son propre programme étroitement lié aux évolutions historiques et législatives. Par conséquent, le CESE préconisait la création d'un groupe du haut niveau de l'UE, qui serait chargé d'examiner et de définir une politique urbaine pour les aires métropolitaines (5), mettant l'accent sur une croissance compétitive, durable et inclusive. Selon le Comité, les aires métropolitaines devraient être encouragées à définir, en coopération avec les gouvernements nationaux, leur propre stratégie de Lisbonne. Ce processus - ainsi que les bonnes pratiques - devrait être examiné au niveau de l'UE, la Commission jouant un rôle actif de suivi.

2.3.6   Actuellement, une telle approche n'a pas encore été lancée. L'on ne sait toujours pas qui est responsable de quoi, dans quel cadre et dans quel contexte.

3.   Situation actuelle

3.1   Aujourd'hui, l'importance des aires métropolitaines est incontestée (6). Les tendances mondiales sont également analysées par l'OCDE et la Banque mondiale. Les centres de recherche de toute l'Europe fondent leurs points de vue sur des hypothèses semblables à celles développées dans le présent avis. Cependant, la manière d'aborder la question au niveau de l'UE, et souvent aussi au niveau national, suscite toujours beaucoup de confusion. Cela s'explique en partie par les problèmes liés à la gouvernance et au sentiment d'appropriation et en partie aussi par la fragmentation des approches. À titre d'exemple:

dans les grandes zones urbanisées, l'on constate souvent un écart entre les urbanistes responsables du développement spatial, de l'infrastructure, du logement et des services généraux, et les intervenants qui sont partisans du développement économique et du dynamisme, ainsi que de la création d'emplois - en d'autres termes, une convergence de vues fait habituellement défaut;

de plus en plus, des universités et des instituts de recherche publient des études de cas utiles sur les conurbations, mais la communication efficace avec les pouvoirs publics est toujours limitée;

les autorités aux niveaux national, régional et local sont habituellement réticentes lorsqu'il s'agit de partager des points de vue avec le secteur privé, par exemple les planificateurs immobiliers et les investisseurs;

les villes et les régions, ainsi que les gouvernements, se tournent d'abord vers Bruxelles pour obtenir un soutien financier, et oublient généralement la possibilité d'examiner des politiques bénéfiques ou la nécessité de se pencher sur les effets de la législation de l'UE pour les aires métropolitaines.

3.2   L'engagement croissant de la Commission et du Conseil donne lieu à un nombre important de programmes. En raison de la divergence des approches sectorielles, les priorités de ces programmes varient et ils reposent généralement sur des définitions des problèmes qui diffèrent. Par conséquent, ces approches affaiblissent généralement la visibilité, nuisant à leur efficacité pour les tiers et les utilisateurs finaux.

3.3   Il ne fait aucun doute que la stratégie de Lisbonne a contribué à intégrer le développement urbain dans un contexte européen et des ambitions plus larges. Toutefois, cette approche se heurte souvent à la résistance des États membres, qui comprennent rarement la nécessité d'une intervention «supranationale» dans leurs affaires urbaines. Par conséquent, le financement de projets urbains par l'Union européenne associe aussi souvent l'administration nationale, plutôt que d'être une question relevant uniquement de la responsabilité de la Commission et du niveau local sans aucun autre intermédiaire.

3.4   En dépit de nombreux bons exemples à valeur illustrative, il existe en général, tant au niveau européen qu'à celui des États membres, une confusion sur le type d'approches ascendantes ou descendantes nécessaires. Cela incite les métropoles à mener des campagnes individuelles de marketing urbain plutôt que d'adopter une approche plus structurée.

3.5   Enfin, les tensions contre-productives entre les zones rurales et urbaines (y compris les communes periurbaines) ont souvent une incidence négative sur le débat.

3.6   Dans la plupart des cas, la réussite de la gouvernance à niveaux multiples est entravée par des obstacles historiques et culturels empêchant d'apporter une réponse positive aux véritables défis.

3.7   Pour résumer, les États membres et les conurbations continuent à se centrer sur leurs activités quotidiennes au lieu de s'ouvrir à des stratégies intégrées ou des objectifs à long terme. La valeur ajoutée de l'UE n'est pas bien définie, en partie parce que les États membres ne sont d'accord ni sur le mandat de la Commission ni sur le rôle précis du Conseil (informel) et aussi parce que la Commission n'est actuellement pas habilitée à répondre aux différents points de vue des États membres sur son rôle.

4.   Une approche anticipatrice d'une renaissance urbaine du 21e siècle

4.1   Bien que les communications de la Commission et les programmes de l'UE mettent davantage l'accent sur les villes, l'image globale reste fragmentée. Les exigences économiques, sociales, territoriales et environnementales ainsi que les mauvaises perspectives financières font qu'une politique urbaine cohérente et opérationnelle est nécessaire. Une telle politique soutiendrait les potentialités économiques, sociales, culturelles et technologiques existantes et cachées, sur l'ensemble du continent.

4.2   Dans de précédents avis, le CESE a présenté des arguments convaincants concernant le débat politique et théorique international sur la promotion d'une renaissance urbaine du 21e siècle. Les éléments révélateurs du débat sur la dimension métropolitaine sont:

un changement de paradigme en faveur des aires métropolitaines et des villes-régions en raison de la mondialisation, caractérisé par une mise en réseau et des chaînes de valeur au niveau international, et un gommage des frontières nationales;

la transition et la restructuration des régions industrielles vers des industries manufacturières et des services nouvellement spécialisés, et leurs effets sur les bassins économiques et les aires métropolitaines;

une spécialisation des villes en tant que bases de grappes d'entreprises attirant les investissements;

la proximité des universités, centres de recherche, personnes qualifiées, chaînes de valeur développées au niveau régional dans l'industrie et services hautement développés;

une connectivité internationale parallèlement à une mobilité interne et des systèmes de transport intelligents;

la ville verte: des exigences en matière d'adaptation au changement climatique, de diminution de la consommation énergétique et d'environnement nécessitant une gestion locale et régionale améliorée et plus ciblée ainsi que des partenariats public-privé;

la nécessité largement ressentie d'une densité urbaine plutôt que d'un étalement urbain;

une meilleure interaction entre les zones urbaines et rurales;

une durabilité sociale, des mutations démographiques, une qualité du travail à tous les niveaux de la société soutenus par une éducation et une instruction appropriées dans la région;

l'urgence de combler les écarts culturels en mettant l'accent sur la création d'opportunités positives pour les minorités et qui sont bénéfiques pour la société en général et

la nécessité d'améliorer la qualité des conditions de vie et de logement, en particulier en relation avec la migration;

l'accent mis sur l'art de l'urbanisme, garantissant les conditions d'un développement optimal des aires métropolitaines dans leur ensemble, ce qui implique la participation d'urbanistes et d'architectes;

des garanties de sûreté et de sécurité internes et externes;

loisirs.

4.3   Enfin et surtout, une gouvernance efficace des zones métropolitaines et des villes doit reposer sur une combinaison des approches descendantes et ascendantes. Au niveau des aires métropolitaines, la participation de toutes les parties prenantes doit être garantie: les meilleurs résultats seront assurés dès lors que tous les niveaux de la société impliqués adhèreront à l'action. Plus l'interaction entre les niveaux de décision et de mise en œuvre - gouvernance à niveaux multiples - est bonne, plus le résultat est efficace.

4.4   Les élus régionaux et locaux sont la clé de l'appropriation de la politique. En outre, de nouvelles formes de démocratie participative associant la société civile peuvent être développées. Les tendances repérées au niveau de l'UE peuvent être utiles à cet égard.

4.5   Le traité sur l'Union européenne reconnaît explicitement la «cohésion territoriale» comme un objectif général, en plus de la cohésion économique et sociale (7). Ces trois aspects sont cités comme des domaines politiques relevant de la compétence partagée de l'UE et des États membres. Par conséquent, les politiques concernant les régions ne doivent plus être considérées comme relevant exclusivement des États membres au nom de la «subsidiarité». Ce point de vue est étayé par les dispositions du traité relatives aux réseaux transeuropéens (8).

4.6   En outre, le principe de subsidiarité est étendu aux niveaux régional et local, puisque le traité souligne explicitement l'autonomie locale et régionale (9), ce qui correspond tout à fait à la réalité puisque la réalisation des politiques dans les domaines du marché intérieur, de l'industrie, de la R&D, de l'énergie, de l'environnement et de la santé dépend largement de leur mise en œuvre dans les régions, en particulier les aires métropolitaines.

5.   La politique urbaine et le développement des métropoles

5.1   La société européenne doit se préparer pour l'avenir. La cohésion territoriale est l'un des outils à sa disposition. Selon le CESE, les approches globales à l'égard des aires métropolitaines, qui sont autant de centres de gravité, et des processus de développement des métropoles sont compatibles avec la structure urbaine unique présente en Europe et favorisent la résilience socioéconomique.

5.2   Le développement des métropoles devrait modifier notre vision virtuelle de la carte de l'Europe. Cette dernière ne devrait plus présenter exclusivement une image d'États membres qui coopèrent ni faire de distinction entre les grands et les petits ou les zones rurales et les zones urbaines. La carte devrait plutôt montrer les développements métropolitains - à la fois à l'intérieur des pays et au niveau transfrontalier - comme un ajustement spatial aux développements sociétaux, économiques et technologiques d'aujourd'hui et de l'avenir proche. Dans ce contexte, une politique pour le développement des métropoles devrait aider la société européenne à s'adapter de manière optimale.

5.3   Le CESE est d'avis que le développement des métropoles devrait aider de manière effective à supprimer la polarisation entre les villes et les campagnes. Cette question fait l'objet d'un vif débat. Il y a de nombreux arguments en faveur de la promotion d'une interaction positive entre les deux. De nouveaux outils doivent être développés afin de promouvoir les bénéfices mutuels. Une initiative intéressante sera lancée prochainement par le réseau METREX; il s'agit de l'initiative URMA - coopération entre les zones urbaines et rurales dans les aires métropolitaines - qui présentera des méthodes et projets concrets d'amélioration. D'autres améliorations pragmatiques peuvent être réalisées grâce à une application adéquate du polycentrisme ainsi qu'en créant des projets fondés sur de nouvelles formes de gouvernance. Il faudrait diffuser les bonnes pratiques.

5.4   Outre les développements mentionnés par le CESE en 2008, l'on constate que davantage d'efforts ont été fournis pour induire des développements des métropoles. La plupart d'entre eux sont dictés par des raisons économiques, mais les motifs territoriaux, sociaux et culturels peuvent également jouer un rôle important. Les différents exemples et modèles suivants, parmi de nombreux autres, méritent d'être mentionnés:

la coopération entre les «Metropolregionen» allemandes s'intensifie dans le cadre de l'initiative Initiativkreis Europäische Metropolregionen;

les «pôles métropolitains» en France, parallèlement aux «pôles d’excellence»;

le «Grand Paris» (y compris la connexion prévue avec l'océan Atlantique et le Nord);

l'extension prévue de la région de l'Öresund et la consolidation du grand Stockholm;

l'intensification des projets au sein de la conurbation néerlandaise «Randstad» (autour d'Amsterdam et des «villes jumelles» de Rotterdam et La Haye);

la création des régions métropolitaines de Barcelone, Valence et Bilbao;

l'émergence d'expériences de partenariats d'entreprises locaux dans certaines des plus grandes villes d'Angleterre;

le développement métropolitain des régions urbaines de Varsovie, Gdansk et Katowice en Silésie; dans les deux derniers cas, l'on escompte des impacts transfrontaliers importants (mer Baltique et République tchèque);

les développements métropolitains autour de Prague et Budapest;

l'émergence des «villes jumelles» de Vienne et Bratislava;

l'ambition métropolitaine autour de Leipzig avec un dénominateur culturel commun, la «décennie de Luther», le 500e anniversaire de la réforme luthérienne de 1517.

5.5   Les futures macrorégions comme celles de la mer Baltique, du Danube et du Nord-Ouest de l'Europe (bien que non officialisée, cette dernière se compose, d'après la littérature, du Nord-Pas-de-Calais, de la Belgique, du Luxembourg, des Pays-Bas et de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie) sont susceptibles de stimuler particulièrement le développement des métropoles.

5.6   D'un point de vue européen, les initiatives transfrontalières - parfois soutenues par les gouvernements nationaux, mais ce n'est pas souvent le cas - demandent une attention particulière. Il convient de mentionner l'initiative allemande Initiativkreis Europäische Metropolregionen. Outre les modèles existants, comme l'Öresund et Lille-Courtrai, une série de nouvelles initiatives voient le jour. Citons par exemple la région du Rhin supérieur (Bâle, Strasbourg, Karlsruhe), du Rhin inférieur (Rhénanie-Palatinat, Luxembourg, Nancy), Katowice, Savoie-Aoste, etc. Hambourg envisage de renforcer ses liens avec la région de l'Öresund en améliorant les connexions. Le développement des relations entre la ville russe de Kaliningrad et l'aire métropolitaine de Gdańsk fournit des exemples intéressants de coopération.

5.7   Les plus petits États membres, comme la Slovénie, peuvent tirer parti d'initiatives transfrontalières bien définies. Depuis 2007, ces nouvelles initiatives transfrontalières sont encouragées par l'instrument juridique du Groupement européen de coopération territoriale (GECT).

5.8   Le CESE recommande que le recours au GECT ne se limite pas aux régions transfrontalières voisines. Il convient d'encourager les régions métropolitaines qui envisagent la construction d'une Europe plus compétitive vis-à-vis de pays tiers (comme la Chine) à mettre en place une coopération renforcée autour de chaînes de valeur, accompagnée d'une «superstructure» de coopération traditionnelle dans les domaines de la culture, de l'éducation, de la coopération administrative, etc., afin que la coopération économique soit moins exposée à la crise. Un bon exemple pourrait être un GECT entre Hambourg et Toulouse, toutes deux spécialisées dans l'industrie aéronautique.

5.8.1   Le CESE recommande que les problèmes rencontrés par les représentants des GETC existants et potentiels et les autorités compétentes en matière de notification, comme indiqué dans le rapport de suivi 2010 sur le GECT, soient abordés lors de la révision de la directive GETC 2011.

5.9   L'UE a besoin d'une analyse approfondie des développements métropolitains dans les circonstances socioéconomiques actuelles. Une telle analyse requiert une carte géographique, économique, sociale et technologique actualisée de l'Europe. ESPON peut être très utile en la matière. Le rôle joué par Eurostat dans la fourniture de données fiables reste indispensable. En outre, Urban Audit et Urbact devraient être mieux utilisés pour garantir la diffusion des résultats de recherches et d'expériences pratiques.

5.10   Le CESE estime qu'il conviendrait d'instituer un groupe de haut niveau ou une task-force sur le développement des métropoles sur la base de la stratégie Europe 2020, en parallèle avec le groupe interservices «Développement urbain» existant déjà au sein de la Commission. Ce groupe de haut niveau devrait être pluridisciplinaire et englober un large éventail de représentants des États membres, des aires métropolitaines, des acteurs publics et privés et la société civile.

5.11   L'objectif de la task-force devrait être de développer une vision à long terme de l'Europe métropolitaine, y compris en ce qui concerne les aires métropolitaines transfrontalières, ce que prévoit également l'initiative de programmation conjointe Urban Europe, avec une perspective à long terme à l'horizon 2050.

5.12   Sur la base d'éléments du développement des métropoles tels que ceux mentionnés au paragraphe 4.2, une plateforme européenne pourrait faire office de catalyseur en raison des considérations suivantes:

afin de définir des dénominateurs communs entre les développements métropolitains malgré les différences importantes entre les aires métropolitaines et de promouvoir les meilleures pratiques;

afin d'appliquer la stratégie Europe 2020, son approche globale et ses priorités de manière à associer un maximum de parties prenantes pour réaliser les objectifs de l'UE concernant une croissance intelligente, durable et inclusive dans les aires métropolitaines;

afin d'examiner les enjeux importants en matière de direction et de gestion ainsi que les développements en la matière;

pour tirer parti de la mise en commun des connaissances des instituts de recherche et des pouvoirs publics;

pour définir des réponses rationnelles en cette longue période de restrictions financières nécessitant une utilisation plus efficace des ressources disponibles;

pour résoudre le triangle éducation-recherche-innovation, qui est le moteur de la métropolisation dans toute l'Europe;

afin d'examiner et de lancer, dans l'esprit de la ville durable de l'avenir, des projets pilotes intelligents autour de la ville viable, de la ville connectée, de la ville entrepreneuriale et de la ville pionnière;

pour mesurer l'impact du programme européen en matière de changement climatique sur les villes (énergies, transports, construction) et formuler les approches souhaitables;

afin d'aider à supprimer la polarisation entre ville et campagne;

afin d'apporter une valeur ajoutée aux débats nationaux de plus en plus vifs sur les développements métropolitains et offrir aux régions la possibilité de devenir plus résistantes;

afin de cerner l'importance des aires métropolitaines en tant que régions fonctionnelles dans un contexte (mondial) plus vaste.

5.13   Jusqu'à présent, les possibilités structurelles qui permettraient d'échanger les expériences et de tirer des leçons restent limitées. Une task-force européenne pourrait jouer un rôle très stimulant et diffuser les meilleures pratiques et les expériences. Elle pourrait aussi contribuer à la formulation des politiques européennes et au ciblage des fonds européens sur des projets «de terrain».

5.14   Il existe de nombreuses études et analyses sur les développements urbains en Europe. Un cadre européen contribuerait à lutter contre la fragmentation et à améliorer la coopération. Les centres de recherche spécialisés et les universités devraient davantage unir leurs efforts en Europe.

5.15   Un exemple de projet pilote européen est celui des «laboratoires vivants» fictifs (communautés de pratiques) sur des thèmes spécifiques, tels que les groupements économiques, le triangle de la connaissance, le développement durable, les partenariats public-privé inclusifs, le logement social, le rôle de chef de file en matière de développement territorial (au niveau infranational) etc. Chaque «laboratoire» est coordonné par une aire métropolitaine et regroupe un large éventail d'acteurs publics et privés.

5.16   L'on pourrait également lancer des initiatives sur la base d'une demande, par exemple dans le cas où des aires métropolitaines présentent certains défis et problèmes au niveau de l'UE. L'on devrait alors trouver, dans toute l'Europe, des moyens d'y faire face de manière appropriée. À une étape ultérieure, l'on pourrait collecter les expériences en matière de recommandations politiques ainsi que diverses bonnes et mauvaises pratiques.

5.17   Parmi d'autres initiatives possibles, citons notamment: un système d'enseignement européen pour les villes et les aires métropolitaines garantissant des données fiables sur des projets futurs déjà réalisés ailleurs; une conférence annuelle sur l'état du développement des métropoles; et surtout, les leçons à tirer des expériences urbaines pour achever le marché unique.

5.18   Selon le CESE, le développement de méthodes interactives et une gouvernance à niveaux multiples fonctionnant réellement, ainsi que la participation des villes et des aires métropolitaines à l'intégration européenne dévoileront de toutes nouvelles potentialités cachées et susciteront probablement un esprit d'ouverture.

6.   Europe 2020 - une base solide pour une politique urbaine de l'UE

6.1   Le CESE estime que la stratégie Europe 2020 fournit des outils utiles pour développer les potentialités et susciter des attitudes d'ouverture. Des priorités appropriées en matière de développement des métropoles donneront lieu à de meilleures conditions sociales et économiques et amélioreront la visibilité nationale et internationale.

6.2   Le CESE partage le point de vue du commissaire Hahn, qui considère les villes et les aires métropolitaines comme des actrices cruciales de la stratégie Europe 2020, et qui, lors de la réunion ministérielle informelle sur le développement urbain à Tolède (juin 2010), a déclaré: «En relevant les défis de la mondialisation et des mutations structurelles en rapide évolution, les villes sont les premières à stimuler l'innovation et le progrès économique».

6.3   Dans son avis de 2008, le CESE a préconisé un programme pour les aires métropolitaines basé sur la stratégie de Lisbonne (10). En particulier, la programmation globale de la stratégie Europe 2020, ajoutant de nouvelles dimensions à la stratégie de Lisbonne, offre des possibilités spécifiques en ce qui concerne les aires métropolitaines et l'amélioration de la gouvernance à niveaux multiples, qui est un point très faible depuis des années.

6.4   Au sein des aires métropolitaines, les lignes de communication sont plus courtes qu'au niveau national. Les processus décisionnels et la programmation sont généralement plus aisés. Les autorités et les autres parties prenantes - les partenaires sociaux et la société civile, notamment tous les niveaux d'enseignement, des urbanistes, des planificateurs immobiliers et des investisseurs privés - agissent habituellement avec plus de détermination. Des exemples de réussite montrent que la détermination, la prise de conscience commune et même la fierté sont des moteurs de progrès particuliers au sein des aires métropolitaines.

6.5   Il y a un nombre croissant de feuilles de route volontaristes, inspirées par les exemples de réussite. Dans la plupart des cas, celles-ci ont vu le jour grâce à des maires visionnaires et une vision largement partagée. Le grand Bilbao, Copenhague-Malmö, Vienne, Birmingham en sont des exemples.

6.6   Une politique urbaine présenterait des avantages mutuels: la stratégie Europe 2020 peut fournir une structure utile à une telle politique, tandis que les aires métropolitaines prospères seront bénéfiques à la réalisation de la stratégie Europe 2020 (11). Les éléments constitutifs sont les suivants.

6.6.1   La stratégie Europe 2020 requiert une coordination plus efficace au sein de la Commission en étroite collaboration avec le Conseil. L'élaboration des politiques et les programmes de l'UE devraient être rationalisés. Le CESE prône le regroupement des projets au sein de la Commission. Cela aura pour effet collatéral important une plus grande visibilité des actions de la Commission et de la coordination (européenne).

6.6.2   Une approche globale bien définie doit contribuer à compenser l'obligation inéluctable de faire des économies, qui, dans le climat actuel de ralentissement économique, touche les villes dans tous les États membres.

6.6.3   Jusqu'à présent, le principe de subsidiarité a fait obstacle à la réalisation d'une politique urbaine. Le CESE est d'avis que la stratégie Europe 2020 requiert une coordination plus étroite entre l'UE et les États membres, avec une approche plus flexible de la subsidiarité et une distinction moins marquée entre les compétences de l'UE et celles des États membres.

6.6.4   Il est crucial qu'une telle flexibilité ouvre la voie à une participation des collectivités métropolitaines et locales en tant qu'actrices responsables dans le contexte de l'UE. La gouvernance à niveaux multiples fait l'objet d'un vaste débat depuis plusieurs années, sans effet tangible. Le moment est venu de passer de l'intérêt purement formel à une gouvernance à niveaux multiples et d'améliorer les engagements opérationnels interactifs entre les acteurs publics et privés ainsi que la société civile.

6.6.5   Une politique urbaine s'inscrivant dans le cadre de la stratégie Europe 2020 nécessiterait également un suivi accru de la part de la Commission en ce qui concerne les questions directement liées aux villes et aires métropolitaines. Cela signifie que les villes et les aires métropolitaines, y compris les parties prenantes et la société civile, doivent être acceptées en tant qu'actrices conjointes de la mise en œuvre des politiques et des programmes de l'UE.

6.6.6   De même, la stratégie Europe 2020 recommande une connexion plus étroite entre les différents États membres. À cet égard, deux domaines importants peuvent être définis:

les États membres sont supposés examiner de plus près les pratiques et les réalisations mutuelles;

une connexion plus étroite entre les États membres serait bénéfique pour les régions frontalières et leurs potentialités en tant qu'aires métropolitaines. Les engagements bilatéraux et trilatéraux des gouvernements nationaux seraient des plus utiles pour approfondir la coopération transfrontalière.

Bruxelles, 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 319/05 du 13.12.2008, p. 13.

(2)  Ces déclarations ont été adoptées au cours des présidences française et espagnole du Conseil, à Marseille en 2008 et à Tolède en 2010.

(3)  Voir les conclusions de la présidence hongroise et l'Agenda territorial de l'Union européenne 2020 adoptés lors de la réunion ministérielle informelle de Gödöllő le 19 mai 2011.

(4)  Avis d'initiative du CESE sur «Les aires métropolitaines: implications socio-économiques pour l'avenir de l'Europe», JO C 302/20 du 7.12.2004, p. 101. Cet avis a été suivi en 2007 d'un autre avis d'initiative du CESE sur le même thème, qui abordait une série de questions spécifiques, JO C 168/02 du 20.7.2007, p. 10.

(5)  Avis exploratoire du CESE sur le thème «Pour une évolution équilibrée du milieu urbain: Défis et opportunités» (rapporteur: M. VAN IERSEL), JO C 77/27 du 31.3.2009, p. 123.

(6)  Citons à cet égard les ouvrages de Richard Florida («Cities and the creative class»), Charles Landry («The Creative City») et Edward Glaeser («Triumph of the City»).

(7)  Cf. article 3, paragraphe 3, TUE.

(8)  Cf. articles 170 à 172 TFUE.

(9)  Cf. article 5, paragraphe 3, TUE.

(10)  Voir note de bas de page no 5.

(11)  L'on trouvera certaines observations intéressantes à cet égard dans le rapport du Parlement européen sur «L'agenda urbain européen et son avenir au sein de la politique de cohésion» A7-0218/2011 (rapporteur: Oldřich Vlasák), adopté en juin 2011.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/15


Avis du Comité économique et social européen sur le thème: «Leader en tant qu'instrument du développement local» (avis d'initiative)

2011/C 376/03

Rapporteur: M. Roman HAKEN

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29 paragraphe 2 du Règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative intitulé

«LEADER en tant qu'instrument du développement local»

(avis d'initiative).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 septembre 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 151 voix pour et 15 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Au cours des vingt dernières années, la méthode LEADER a prouvé sa viabilité. Il convient donc d'envisager un élargissement de l'approche LEADER en tant qu'instrument éprouvé de développement, tout en préservant ses principes essentiels que sont la participation directe de la société civile par le biais de ses représentants au sein du partenariat local et un dialogue permanent maintenu avec la population locale, portant sur les priorités du développement à venir.

1.2   En ce qui concerne les programmes opérationnels pour la période postérieure à 2013, il convient d'envisager de renforcer sensiblement les approches partenariales (notamment les partenariats locaux et régionaux intersectoriels dans les zones rurales mais aussi, séparément, dans les zones urbaines), tout en procédant à l'indispensable harmonisation des processus et des partenariats et en prescrivant à leurs projets un degré élevé de valeur ajoutée, d'utilité et d'efficacité. Les partenariats doivent toujours être développés selon une approche ascendante.

1.3   Le Comité préconise l'approche LEADER et son élargissement sous la forme de partenariats ascendants aux autres fonds européens destinés aux zones rurales, et recommande expressément d'utiliser aussi cette même méthode, sous une autre appellation, dans les villes afin de mener à bien les stratégies et les investissements en matière de développement. Les partenariats peuvent contribuer à lier les activités de l'administration locale, des entreprises, des organisations à but non lucratif et des citoyens de cette localité fondées sur les principes de durabilité. Cela signifierait cependant de rompre avec l'actuel mode de pensée «sectoriel» entre le FEADER et les fonds structurels, de contenir la tendance à établir des compartimentations étroites entre les différents fonds, tout en adoptant des réglementations similaires afin que les divers fonds puissent être utilisés dans le cadre d'un système de contrôle et d'indicateurs communs.

1.4   Pour la période postérieure à 2013, le Comité propose:

a)

une approche globale en matière de développement local pour les régions rurales, réunissant en un seul budget des ressources de différents fonds et fondée sur la possibilité d'avoir recours au Fonds européen agricole pour le développement rural, au Fonds européen de développement régional, au Fonds de cohésion, au Fonds européen pour la pêche ainsi qu'au Fonds social européen et à d'autres fonds, suivant une procédure simplifiée et sans alourdissement de la charge administrative;

b)

de débattre et d'approuver une définition uniforme des zones rurales, de demander l'application d'une approche intégrée lors de l'élaboration de la stratégie de développement local;

c)

d'utiliser l'approche LEADER comme modèle pertinent pour former et mettre en œuvre des partenariats ascendants;

d)

de prévoir, dans le cadre de chaque fonds, des possibilités de financement pour la préparation et la mise en œuvre de la stratégie de développement intégrée mobilisant les capacités et les compétences des partenariats locaux;

e)

de définir clairement et soigneusement les conflits d'intérêt pour les membres des groupes d'action locale, et remédier ainsi à une grande partie des critiques dont fait l'objet la mise en œuvre de LEADER; afin d'accroître la transparence et de renforcer le contrôle public et l'information des citoyens, de viser à développer l'information sur ce que sont vraiment les groupes d'action locale, sur leurs activités, sur leurs résultats concrets dans les différentes communes etc.; de préparer, pour ce faire, des conférences, des séminaires, des publications, des interventions dans les médias locaux (radios, télévisions, presse, etc.).

1.5   Une notion clé du rapport Barca (1) est celle de «modèle de développement territorialisé», qui se doit de mettre en avant une approche intégrée territoriale, éventuellement régionale, de la résolution des problèmes. Cette stratégie «territorialisée» vise à lutter contre la sous-exploitation persistante du potentiel local. De ce fait, elle est pleinement conforme à l'esprit et aux objectifs de l'approche LEADER, à savoir une approche «ascendante» qui se fonde sur le caractère spécifique des problèmes locaux, structurée par l'union des forces des acteurs locaux qui, ensemble, exploitent mieux le potentiel intrinsèque de leur région. Il est souvent rappelé au cours des débats en la matière que le traité de Lisbonne a renouvelé le concept de subsidiarité, lié au renforcement du rôle des acteurs régionaux et locaux.

1.6   Le Comité préconise une réduction significative des charges administratives, notamment pour les projets de petite envergure (par exemple en diminuant le nombre de documents et de rapports à fournir) et d'inclure l'approche LEADER dans le processus de SIMPLIFICATION, ce qui permettra d'agir avec plus de souplesse et de lancer des innovations au niveau des régions. S'agissant des projets, le Comité recommande une mise en œuvre à grande échelle d'un système de financement européen par avances ou d'un financement continu. Cela renforcera sensiblement la capacité d'absorption au niveau du territoire sans menacer la trésorerie des petites entités qui sont les auteurs, les bénéficiaires finaux et donc aussi les gestionnaires des projets. Dans le même temps, le Comité suggère d'envisager la possibilité de remplacer le cofinancement national par un apport propre non financier (en nature), tel que le travail bénévole.

1.7   Pour la transition vers un volume de ressources accru, l'utilisation cumulée de plusieurs fonds et la transposition de l'approche aux zones urbaines, le Comité recommande de revenir, par le biais du «processus d'apprentissage», à la phase durant laquelle l'approche LEADER était perçue comme un laboratoire, tout en s'appuyant sur l'expérience acquise au cours des deux décennies lorsque l'approche et les initiatives communautaires ont commencé à être mises en œuvre dans les zones rurales, expérience indéniablement positive. Le Comité préconise une plus grande souplesse lors de l'utilisation du processus novateur. Cela permettra aux régions de se développer plus rapidement.

2.   Introduction

2.1   L'approche LEADER et ses origines – histoire, incidence

2.1.1   Lancée en 1991 en tant qu'initiative communautaire, l'approche LEADER a été développée par la Commission européenne durant une longue période qui compte plusieurs phases. Si le programme LEADER I était une «expérience», LEADER II fut un «laboratoire», puis jusqu'en 2006, LEADER + a permis d'atteindre une «maturité». Entre 2004 et 2006, l'approche fut mise en œuvre de manière expérimentale dans les nouveaux États membres. Depuis le début de l'actuel exercice de programmation en 2007, LEADER fait partie des quatre axes du second pilier de la politique agricole commune, en tant que principal instrument de cette politique. Actuellement, LEADER est financé par le biais du FEADER au titre des programmes de développement rural des États membres et il est cofinancé par ces derniers selon le principe de gestion partagée entre la Commission européenne et les États membres. Depuis 1991, un montant total de 9,75 milliards d'euros a été consacré aux diverses initiatives communautaires relevant de LEADER et au quatrième axe du FEADER. Aujourd'hui, plus de 2 200 groupes d'action locale opèrent dans l'UE. Depuis les vingt dernières années, les financements européens consacrés à LEADER ont contribué à mettre en place un réseau d'acteurs ruraux unique en son genre à travers l'ensemble des 27 États membres de l'UE.

2.1.2   Cela a donné naissance à une méthode de partenariat et de coopération unique et innovante. Elle permet de financer des projets de manière transparente, et ce même dans les régions les plus reculées de l'UE à 27 qui bénéficient ainsi, elles aussi, d'un accès aux financements européens.

2.2   Situation actuelle dans l'UE – les groupes d'action locale

2.2.1   En tant qu'instrument de financement et méthode, LEADER est populaire dans les zones rurales, et ce non seulement auprès des membres des groupes d'action locale, mais surtout aux yeux des communes et des autres entités qui opèrent sur le territoire des communes rurales. Des groupes d'action locale ont été créés dans chacun des 27 États membres de l'UE; en Bulgarie et en Roumanie, ces groupes sont sur le point de devenir opérationnels. LEADER joue un rôle essentiel dans le cadre de la stratégie de préadhésion des pays candidats et candidats potentiels à l'adhésion à l'UE.

2.2.2   À ce jour, dans l'UE à 27, 2 192 groupes d'action locale ont été sélectionnés et sont financés grâce à un budget total provenant du FEADER qui avoisine les 5,5 milliards d'euros pour la période 2007-2013.

2.2.3   LEADER soutient le quatrième axe du FEADER pour la période 2007-2013. Les dépenses totales qui incluent le cofinancement par les États membres et le secteur privé ont atteint, pour ce programme, 13,9 milliards d'euros au titre des fonds publics et 5 milliards d'euros au titre des financements privés.

2.2.4   Dans les nouveaux États membres, LEADER est plus utilisé que dans l'UE à 15. Dans certains États membres, les groupes d'action locale couvrent presque toute la superficie du pays et constituent un instrument efficace pour la mise en œuvre de la politique relative aux zones rurales ainsi qu'aux petites villes rurales. Il s'agit d'une structure qui complète de manière opportune les pouvoirs publics locaux.

2.2.5   Les groupes d'action locale ont permis de créer une capacité administrative qui est à même de distribuer les financements de l'UE à l'échelle locale et en toute transparence.

2.2.6   Dans l'actuel contexte de crise économique, ces organes intermédiaires locaux et flexibles peuvent contribuer efficacement à l'amélioration de l'emploi à l'échelon local.

2.3   Évaluation de LEADER+

2.3.1   La mise en œuvre de l'initiative communautaire LEADER + a été examinée par la Cour des comptes européenne. La Cour a adressé six recommandations essentielles à la Commission européenne et aux États membres, qui résument les points faibles de la méthode. La Commission y a répondu et la critique exprimée par la Cour a été prise en compte pour le reste de la période de programmation en cours et pour les travaux de conception de LEADER au cours de la prochaine période de programmation.

2.3.2   Dans l'UE à 15, 893 groupes d'action locale ont été associés à l'initiative communautaire LEADER +. 250 groupes d'action locale supplémentaires de 6 nouveaux États membres ont commencé en 2004 à mettre en œuvre des mesures s'inspirant de LEADER. Au total, 2,1 milliards d'euros ont été alloués à cette initiative communautaire.

2.3.3   Grâce à la méthode LEADER, les régions rurales ont pu commencer à mettre en place des partenariats entre les secteurs public et privé. La méthode LEADER a sensiblement amélioré la capacité d'absorption des fonds européens.

2.3.4   Au cours de la période actuelle, LEADER + a favorisé l'essor des groupes d'action locale, jusqu'à ce qu'ils atteignent leur nombre actuel, qui est supérieur à 2 200.

2.3.5   Malgré les critiques de la Cour des comptes européenne, la mise en œuvre de la méthode LEADER donne des résultats concrets et tient pleinement compte de la politique de l'Union européenne puisqu'elle est efficace, engendre une évolution positive, s'avère ciblée, vaste et transparente. L'existence de la méthode LEADER est donc tout à fait légitime dans le cadre tant de la politique de l'Union que des programmes des États membres en matière de développement rural et elle mérite un plus grand soutien, qui ne se limite pas seulement au cadre de la politique agricole commune. La méthode LEADER encourage la mise en place de partenariats locaux intersectoriels et agit comme un instrument de financement local fondé sur le principe de subsidiarité pour promouvoir les projets qui incarnent un développement conforme aux souhaits des populations locales, tout en améliorant le niveau de vie dans les zones rurales.

2.3.6   Le présent avis devrait stimuler l'intérêt accordé à l'approche LEADER et faciliter le recours structurel aux groupes d'action locale dans le cadre d'autres instruments de financement en dehors du contexte du développement rural. En outre, il devrait aider à justifier la nécessité tout au moins de maintenir les budgets généraux de la PAC alloués au programme LEADER et de continuer d'accorder à ce dernier un rôle de premier plan dans le cadre de la politique agricole commune.

2.3.7   La méthode LEADER peut également être utilisée pour des programmes relevant d'autres fonds de l'UE. Dans les zones rurales, cette méthode a en outre permis de renforcer la cohésion des communautés rurales.

3.   Recommandations pour l'espace rural

3.1   La méthode LEADER est à même d'accélérer le développement des agglomérations rurales; elle s'est avérée si efficace qu'il convient de l'élargir, dans la mesure du possible, à l'ensemble de l'espace rural de l'UE. Le Comité recommande le maintien de l'approche LEADER dans la PAC et que cette approche permette également de recourir aux fonds de la politique de cohésion et du secteur environnemental. Cela permettrait d'approcher le développement rural de manière exhaustive et d'intervenir plus efficacement en matière de développement durable intégré des zones rurales. Ainsi, l'on pourrait également améliorer les relations et l'interaction entre les villes et les campagnes (2). Dans le cadre du FEADER, l'approche LEADER constitue un lien utile entre les zones rurales et urbaines. En ce qui concerne ces dernières, il conviendra de modifier le principe de cette approche et de la séparer de LEADER, par exemple dans le cadre d'un programme «Liaisons Entre Actions de Développement de l'Économie des Villes» - LEADEV.

3.2   Le Comité propose que davantage de moyens financiers soient mis en œuvre au travers de l'approche LEADER, et pas uniquement ceux qui relèveront des futurs programmes de développement rural. La méthode est également utilisée dans le cadre du Fonds européen pour la pêche. De plus, le Comité propose que tous les autres programmes opérationnels dont les objectifs s'accomplissent dans les zones rurales et qui peuvent y avoir des bénéficiaires (petites communes, écoles de campagne, micro-, petites et moyennes entreprises, entités agricoles, organisations à but non lucratif, etc.), prévoient la possibilité d'une participation au programme correspondant par l'approche LEADER mise en œuvre dans le cadre du FEADER, à laquelle il convient d'allouer de 5 à 25 % des ressources. Cela garantira la part de projets intégrés et innovants réalisés par l'effort coordonné de la communauté dans l'espace rural.

3.3   Le Comité suggère de considérer que la méthode LEADER constitue une approche ascendante novatrice qui doit donc subir le moins de limitations possible au nom des procédures administratives et des thématiques. Sur le terrain, ce sont les gens qui connaissent le mieux leurs propres besoins; il s'agit d'un principe primordial de la subsidiarité. Le Comité suggère d'utiliser le principe du contrôle public dans les partenariats en s'appuyant sur l'initiative de la population locale.

3.4   La forte valeur ajoutée des groupes d'action locale et des partenariats est liée à l'activation, à la mobilisation, ainsi qu'à la facilitation et à l'animation au sein de la population locale. Cet atout n'est pas suffisamment valorisé lors de l'évaluation de la mise en œuvre de l'initiative communautaire LEADER + et le Comité propose donc de mettre davantage l'accent sur l'importance que revêt le travail mené par les membres des groupes d'action locale sur un territoire donné. Cela permettra d'aboutir à une approche ouverte lors de l'élaboration d'une stratégie du développement local, à une coordination à l'échelon local et à la participation de tous ceux qui y ont un intérêt à un développement durable et varié qui garantira une meilleure qualité de vie. Le Comité recommande en outre que les partenariats volontairement conclus entre les communes puissent être membres des groupes d'action locale et soumettre des idées de projet. Il est néanmoins évident que LEADER ne saurait pallier l'insuffisance des revenus budgétaires des communes et financer, au niveau local, les services d'intérêt général dans les différents États membres de l'UE.

3.5   La coopération entre les groupes d'action locale de différentes régions et de différents États s'avère primordiale lors de l'application de la méthode LEADER. Au cours des deux dernières décennies, l'impact très bénéfique qu'a eu cette méthode lors de la mise en œuvre de la coopération et des partenariats interrégionaux (entre plusieurs groupes d'action locale) et internationaux n'a pas été reconnu à sa juste valeur. Dans une UE dont les États membres possèdent parfois des niveaux de vie fortement inégaux et dont les campagnes peuvent être radicalement différentes (même au sein d'un même pays), cette activité revêt une utilité cruciale et s'avère même indispensable pour les campagnes, dont elle peut influencer l'évolution de manière décisive.

4.   Recommandations pour l'espace urbain

4.1   S'il est possible d'utiliser les méthodes de partenariat dans le cadre de tous les fonds européens, le principe de l'approche LEADER mise en œuvre dans les zones rurales peut également être appliqué séparément dans les zones et les quartiers urbains afin de créer des «partenariats locaux». Pour commencer, on pourrait le faire pour une période transitoire qui donnera lieu à une évaluation. Le Comité estime pertinent que cette approche de partenariat reçoive le nom de «programme pour le développement urbain» et que cette option soit incluse dans l'ensemble des fonds de développement gérés par les diverses DG. L'intégration des ressources renforcera leur disponibilité.

4.2   Le Comité recommande que le principe de la méthode LEADER soit également appliqué, séparément et distinctement de LEADER, aux zones périurbaines. Dans ces dernières, les villes contribueraient à cette méthode de manière à réduire progressivement la différence de développement entre les zones rurales et les zones urbaines.

4.3   Le Comité suggère l'interaction et l'intégration de l'ancienne initiative communautaire URBAN, du programme LIFE, et d'autres avec les principes de la méthode LEADER afin d'accroître la valeur ajoutée globale.

4.4   Pour la préparation et l'exécution des projets, il s'avère fort pertinent que l'administration locale participe directement aux partenariats dans les agglomérations urbaines, ou qu'elle soit consultée au sujet des différentes activités. Cela permettrait de limiter les éventuelles contradictions entre les divers projets et de créer des synergies entre les projets gérés par l'administration locale et le partenariat local tout en obtenant, le cas échéant, le soutien des projets partenaires. La meilleure méthode à mettre en œuvre pour créer des synergies est la mise en place de plans intégrés portant sur le développement de villes, de zones urbaines et d'agglomérations urbaines précises.

4.5   Dans les zones urbaines, la méthode LEADER pourrait être appliquée grâce à la création d'un partenariat pour une zone urbaine infrarégionale donnée, qui se fonde, comme c'est actuellement le cas dans les zones rurales, sur certains critères prédéfinis.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le Président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  http://ec.europa.eu/regional_policy/policy/future/barca_en.htm.

(2)  Voir http://ec.europa.eu/regional_policy/newsroom/pdf/pawel_samecki_orientation_paper.pdf (p. 10).


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/19


Avis du Comité économique et social européen sur «L'avenir des jeunes agriculteurs en Europe» (avis d'initiative)

2011/C 376/04

Rapporteur: M. Pedro NARRO

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur

«L'avenir des jeunes agriculteurs en Europe»

(avis d'initiative).

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 juin 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 22 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 136 voix pour et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les données statistiques disponibles font clairement apparaître une diminution généralisée du nombre de jeunes agriculteurs et un processus d'abandon de l'activité agricole. Face à cette évolution irrésistible, qui va manifestement à l'encontre de la nécessité de relever le défi alimentaire, le CESE souhaite voir la politique en faveur des jeunes agriculteurs devenir une véritable priorité des institutions européennes et nationales.

1.2   Le CESE reconnaît que l'espace rural offre de nouvelles opportunités dont peuvent tirer profit les jeunes résidant dans les zones rurales. Les activités agricoles sont de plus en plus complexes et technologiques et requièrent une plus grande préparation. Les jeunes sont avantagés dès lors qu'il s'agit de concevoir l'activité agricole d'un point de vue entrepreneurial, moderne et adapté aux nouvelles technologies. S'il dispose des instruments et du cadre législatif adéquats, un secteur agricole rajeuni est le plus à même de relever le défi de la sécurité alimentaire en produisant des aliments de qualité tout en utilisant rationnellement les ressources naturelles.

1.3   Les principaux problèmes rencontrés par les jeunes agriculteurs trouvent leur origine dans la difficulté d'accéder à la terre et au crédit. Il conviendrait à cet égard de promouvoir de toute urgence de nouveaux systèmes d'accès à la terre et de garantir l'accès au crédit par le biais d'un système européen de garantie.

1.4   Le CESE propose la création d'un observatoire européen qui analyse et évalue les problèmes liés à l'installation et à la transmission et d'une manière générale toutes les questions liées à la relève des générations dans l'agriculture.

1.5   L'aide aux jeunes agriculteurs ne peut pas se limiter au secteur du développement rural. Dans le contexte actuel de révision de la PAC, il conviendrait de prévoir au sein du premier pilier de la PAC une nouvelle ligne d'aides spécifiquement destinées aux jeunes. Dans le cadre du second pilier, il faudrait que le versement d'aides à l'installation devienne obligatoire dans toute l'Union européenne.

1.6   L'une des tâches dont doit s'acquitter actuellement l'Europe consiste à faciliter la transmission des exploitations aux jeunes. Le CESE est d'avis qu'une amélioration des retraites permettant aux exploitants de se retirer dans des conditions acceptables contribuerait grandement au succès de ces politiques.

1.7   La formation et les nouvelles technologies mises au service des jeunes agriculteurs constituent des conditions indispensables au développement de l'esprit d'entreprise. Une formation théorique et faiblement actualisée ne suffit pas, les jeunes ont besoin d'une assistance constante et professionnelle, adaptée aux besoins réels de leur activité. Le CESE propose la création d'un nouveau programme d'échange de jeunes agriculteurs, «Erasmus farmer», ainsi que l'adaptation du programme Leonardo, et réclame, face au vieillissement du secteur, de nouvelles possibilités de participation des jeunes dans les coopératives et les organisations agricoles. Il convient de promouvoir des formations et un enseignement spécialement adaptés aux enfants des zones rurales, avec des camps d'été et différentes activités.

1.8   L'Union européenne assume une responsabilité importante vis-à-vis des jeunes agriculteurs. Il est néanmoins indispensable que les États membres, dans le cadre de leurs compétences, accordent des avantages fiscaux, allègent la bureaucratie, investissent dans la mise en place d'infrastructures et de services publics en milieu rural, favorisent les circuits courts, encouragent la diversification et contribuent en définitive à faire de l'espace rural un lieu de vie et de travail attrayant.

2.   Les jeunes agriculteurs en Europe

2.1   Dix années ont passé depuis que le CESE a élaboré son dernier avis sur les jeunes agriculteurs (1). Malheureusement, les craintes exprimées dans cet avis se sont avérées fondées. Non seulement le nombre de jeunes agriculteurs a continué à chuter terriblement, mais ceux qui restent à grand peine dans le secteur sont confrontés, une décennie plus tard, à un scénario qui offre plus d'ombre que de lumière au bout du tunnel.

2.2   Au niveau européen, il y a un agriculteur de moins de 35 ans pour 9 agriculteurs de plus de 55 ans. Dans certains États membres comme le Portugal, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni ou la Bulgarie, la proportion de jeunes agriculteurs est vraiment faible (seulement un jeune agriculteur pour 20 agriculteurs de plus de 55 ans). Toutefois, des pays comme la Pologne, l'Autriche ou l'Allemagne présentent un autre visage, le rapport y est de 1 à 3. Ces différences s'expliquent pour l'essentiel par l'existence dans certains pays de cadres législatifs favorables qui ont su encourager la relève des générations dans l'agriculture au moyen d'incitations concernant la transmission des exploitations.

2.3   L'analyse des structures agricoles montre, quoiqu'avec une intensité variable, une réduction systématique du nombre d'agriculteurs et un processus de vieillissement largement supérieur à celui des autres secteurs économiques. Depuis l'an 2000, l'on observe une diminution de 9 % du nombre d'agriculteurs et de 45 % du nombre de jeunes agriculteurs.

2.4   À long terme, la perte d'actifs ne pourra être compensée par une augmentation de la productivité. Dans un contexte de grande volatilité des prix des matières premières, les approches stratégiques telles que la sécurité et la souveraineté alimentaire (2), abordées à différentes occasions dans les avis du CESE, revêtent une importance particulière. La protection de l'environnement et d'autres biens publics relève de l'intérêt général et ne peut être importée, c'est pourquoi le rôle des agriculteurs dépasse le cadre d'une activité purement économique. La stratégie Europe 2020, fondée sur une croissance verte, intelligente et durable, relève de l'utopie s'il n'y a plus d'agriculteurs.

2.5   S'il est vrai que le caractère stratégique de l'agriculture ne saurait être remis en cause, le processus d'abandon de l'activité agricole semble toutefois ne pas avoir de fin. Il devient urgent de lancer, dans le cadre de la réforme de la PAC, une réflexion profonde sur l'orientation qui permettra de rendre l'agriculture plus attrayante et plus rentable. Cette situation est particulièrement critique en ce qui concerne le secteur de l'élevage. Si les jeunes ne peuvent pas bénéficier d'un cadre favorable à la profession d'agriculteur, toutes les mesures spécifiques et bien intentionnées relatives à l'installation, la formation, le transfert de propriété, la fiscalité, etc., seront inutiles.

3.   Les défis des jeunes agriculteurs en Europe

3.1   L'agriculture européenne est en mutation. Nombreux sont ceux qui pensent qu'il s'agit d'une transition vers un nouveau modèle agricole. Ce seront les jeunes agriculteurs qui devront relever les nouveaux défis et orienter leurs activités agricoles vers les objectifs fixés. L'absence de politiques stables et à long terme a créé une telle insécurité et instabilité dans le secteur que cela a influencé la planification économique des agriculteurs.

3.2   Les agriculteurs se trouvent dans une situation paradoxale, ils prennent plus de risques, investissent davantage, ont des coûts de production plus élevés, sont mieux formés et malgré tout cela, les prix payés pour leurs produits n'ont jamais été aussi bas. Le débat sur les instruments et les politiques destinés aux jeunes agriculteurs ne peut masquer le fait que l'activité agricole est appelée à décliner en Europe si l'on ne parvient pas à garantir aux agriculteurs une rentabilité minimale et un prix juste pour leurs produits. Pour que les agriculteurs puissent vivre du fruit de leur travail, le CESE recommande la mise en place d’une régulation des marchés agricoles basée sur la transparence des marchés des produits agricoles, une organisation des échanges alimentaires permettant la souveraineté alimentaire, avec création de grandes régions agricoles de production et d’échange. Les règles de l’OMC étant inadaptées pour l’agriculture; il convient d’envisager des instances dédiées comme le recommande notamment MOMAGRI (Mouvement pour l’Organisation Mondiale de l’Agriculture).

3.3   Les déséquilibres dans la chaîne alimentaire découragent fortement les jeunes à s'engager dans une activité agricole. Le fonctionnement de cette chaîne se caractérise par les grandes différences entre le prix proposé aux agriculteurs et le prix final payé par les consommateurs, un manque de transparence et des pratiques abusives (3).

3.4   L'UE est toute absorbée dans un ambitieux processus de libéralisation commerciale qui concerne le bassin méditerranéen, le Mercosur, le Canada, entre autres. Les jeunes agriculteurs se demandent comment une production basée sur des normes élevées de qualité et des hautes exigences environnementales et sociales pourra être compatible avec les produits importés à bas prix très éloignés des normes européennes de production. Ce processus encourage une concentration de la production dans les zones plus compétitives et condamne une partie très importante du territoire rural à l'abandon (4).

3.5   La réforme de la PAC constitue une autre opportunité pour orienter le soutien vers les nécessités des jeunes agriculteurs et vers la production des biens agricoles. Soutenir les jeunes ne signifie pas marginaliser les plus âgés. Il s'agit de créer un cadre d'aide cohérent qui puisse assurer la viabilité de l'activité agricole.

3.6   Traditionnellement, la politique d'installation a été au centre des efforts du législateur européen en ce qui concerne les jeunes agriculteurs. Il est temps à présent d'adopter de nouvelles mesures qui favorisent l'activité des jeunes dans le cadre des premier et deuxième piliers de la PAC. La priorisation de l'octroi des aides doit être à la base du nouveau modèle.

3.7   Les pouvoirs publics doivent s'engager résolument à valoriser et à promouvoir le travail agricole. Malgré la vaste réglementation européenne en matière d'étiquetage, de qualité et de promotion, l'on constate une grande méconnaissance et un désintéressement croissant de ce que suppose la production d'aliments sains et de qualité (5). Les consommateurs européens consacrent à peine 14 % de leur budget à l'alimentation. Le CESE reconnaît l'importance cruciale des travaux réalisés aux niveaux national et européen par les organisations professionnelles agricoles, qui assurent sous une forme pédagogique l'information sur l'activité agricole et la promotion de celle-ci ainsi que la connaissance du rôle stratégique joué par le secteur alimentaire.

3.8   Le slogan européen «de la ferme à l'assiette», la dénommée «traçabilité», doit être transmis au consommateur de manière cohérente. La stratégie en faveur de produits de qualité est très importante pour la compétitivité des entreprises comme pour la santé des consommateurs; il conviendrait dès lors de l'étendre efficacement aux produits importés dans l'UE en provenance de pays tiers, afin de lutter contre les pratiques commerciales déloyales et de décourager ces dernières.

3.9   Le budget constitue toujours un élément fondamental de toute stratégie, mais le CESE reconnaît que de nombreuses mesures indispensables à la viabilité de l'activité agricole ne dépendent pas de financements supplémentaires mais de la volonté politique de miser sur le changement et sur une stratégie cohérente et à long terme contribuant à rendre le monde rural attrayant (6).

4.   Champs d'intervention

Développement rural – installation

4.1   Traditionnellement, le débat européen sur l'avenir des jeunes agriculteurs et éleveurs a été axé sur l'examen de la politique d'installation. Les statistiques, bien que peu nombreuses et partielles, montrent clairement qu'à travers l'Europe les priorités et l'intensité de l'aide aux jeunes sont très hétérogènes. Alors que certains pays comme la France consacrent environ 10 % du budget du développement rural à l'installation des jeunes, dans d'autres pays tels que les Pays-Bas, Malte, l'Irlande, la Slovaquie, … il n'y a, pour différents motifs, aucune aide pour encourager l'installation. Dans l'ensemble de l'UE, 3 % des fonds disponibles au titre du développement rural ont été consacrés aux jeunes pour la période budgétaire 2007-2013. L'âge moyen des jeunes qui s'installent est de 28 ans. Le CESE estime qu'étant donné le caractère stratégique de l'installation agricole pour l'ensemble de l'UE, il serait opportun de rendre cette mesure obligatoire dans les plans de développement rural et qu'il conviendrait de fixer un pourcentage minimum en matière d'aides.

4.2   Le CESE estime que le régime européen d'installation doit être flexible afin de favoriser l'intégration dans le secteur, notamment en ce qui concerne les délais. La complexité et l'énorme bureaucratie du système constituent un frein. Dans certains cas, les États membres devraient prévoir différents plans d'installation portant sur différentes durées et donc avec des financements différenciés. Dans de nombreux pays, le fait de s'installer en s'engageant au minimum pour cinq ans rend la décision d'intégrer le secteur difficile pour les jeunes. Les aides à l'installation devraient s'échelonner sur différents niveaux. En effet, il conviendrait de prévoir un soutien différencié aux jeunes agriculteurs, à titre principal et à temps partiel. Par ailleurs, le nouveau cadre législatif de l'UE devrait prendre en considération non seulement les jeunes agriculteurs entrant en activité à compter de 2014 mais aussi ceux dont la date d'installation est antérieure.

Le rôle des jeunes dans le premier pilier de la PAC

4.3   La réforme en cours de la PAC devrait accorder une attention spéciale à la situation des jeunes agriculteurs dans le cadre d'un nouveau modèle d'aides directes. En matière de paiements directs, la Commission devrait s'orienter vers un soutien prioritaire aux jeunes. Ce soutien pourrait se fonder sur un pourcentage supplémentaire d'aide à certains agriculteurs prioritaires, dont les jeunes. Une autre option serait de créer un paiement spécifique pour les jeunes. Ce paiement ne se baserait pas sur la superficie mais serait modulé en fonction de critères tels que l'emploi, le type d'exploitation ou les investissements réalisés. Le CESE soutient les réflexions en cours sur le concept de l'agriculteur actif en tant que destinataire des aides et signale la nécessité d'aborder la notion de coopérative active.

Le rôle des jeunes agriculteurs dans le second pilier de la PAC

4.4   Le second pilier de la PAC, tout comme le premier, doit contribuer essentiellement à fournir appui et motivation aux jeunes agriculteurs dans l'exercice de leur activité.

4.4.1   Les mesures du second pilier de la PAC peuvent et doivent créer les conditions préalables permettant aux jeunes agriculteurs d'en bénéficier, de façon à prendre en compte tous les demandeurs au cas où les ressources budgétaires viendraient à manquer.

4.4.2   Il y a lieu de créer, dans le cadre du second pilier, les structures de soutien nécessaires pour les jeunes agriculteurs, et notamment un service de conseil et un service d'assistance aux fermes d'élevage. Le bétail ayant besoin des soins et du travail des éleveurs chaque jour sans exception, l'on devrait, dans les États membres, adopter les mesures politiques correspondantes et créer des organisations qui garantissent le remplacement de l'agriculteur en cas de maladie et pendant les vacances. L'existence d'un service d'aide aux exploitations représente un facteur essentiel pour les jeunes au moment de décider du maintien ou de l'arrêt de l'entreprise familiale. Les jeunes d'aujourd'hui ne sont plus disposés à assurer la gestion d'une exploitation agricole en sachant que pendant toute leur vie, il leur faudra travailler 365 jours par an sans jamais prendre de vacances. Étant donné que dans de nombreux États membres, il n'existe pas encore de service d'assistance de cette sorte, il y a lieu de prévoir, dans le cadre du second pilier de la PAC, des mesures à caractère obligatoire qui permettent aux éleveurs d'avoir recours à un tel service en cas de maladie (y compris pendant le congé de maternité avant et après l'accouchement), ainsi que pendant les jours libres ou la période de congés annuels.

Formation – nouvelles technologies

4.5   La formation des futurs agriculteurs est une des conditions de base de la réussite de l'activité agricole. Cependant, alors que certains pays proposent une formation appropriée, dans d'autres l'on constate l'existence de différences abyssales entre les formations offertes par les administrations et les nécessités réelles des agriculteurs. Les organisations agricoles doivent être prises en compte dans le processus de formation des jeunes. Il convient d'offrir aux jeunes une formation de qualité, délivrée par des enseignants hautement qualifiés et sur la base de programmes actualisés et adaptés aux besoins des jeunes agriculteurs. Parfois, les cours de formation se transforment en une formalité bureaucratique permettant d'avoir accès aux aides et ne sont pas suffisamment soutenus. Le manque de motivation qui en résulte est problématique, en particulier lorsque les conditions nécessaires sont réunies pour faire de la formation un outil de grande utilité pour les jeunes agriculteurs. Il est indispensable que la formation ait une finalité pratique. Le modèle danois a su associer avec succès formation théorique et pratique dans les exploitations. Un délai de trois ans et huit mois est nécessaire pour obtenir la «carte verte».

4.6   L'UE devrait soutenir les programmes européens de formation destinés aux agriculteurs ou aux exploitations accueillant pendant un an au moins des jeunes ayant terminé leur formation agricole au cours des deux dernières années. Le bénéficiaire de l'aide devrait s'engager à élaborer un plan de formation pour le jeune qui pourrait quant à lui reprendre l'exploitation mais qui, durant sa formation, pourrait faire bénéficier l'exploitation de ses connaissances et d'une nouvelle mentalité davantage tournée vers l'innovation. Il s'agirait en définitive d'entendre et de satisfaire les besoins très souvent complémentaires des jeunes et des anciens. Dans le même esprit, il serait souhaitable que certains programmes communautaires tels que Leonardo, le septième programme-cadre de recherche ou le programme «Jeunesse en mouvement», entre autres, développent des lignes spécifiques en faveur des jeunes agriculteurs. De l'avis du CESE, le programme Erasmus, qui s'adresse aux étudiants et aux jeunes entrepreneurs, devrait être adapté afin de permettre aux jeunes agriculteurs d'y participer et de compléter leur formation dans d'autres exploitations agricoles et d'élevage de l'UE.

4.7   L'agriculture biologique offre une option intéressante pour les nouveaux venus dans le secteur mais ce n'est pas la seule. La production intégrée ou l'agriculture de conservation devraient également être promues au niveau européen. La formation doit être orientée vers de nouveaux systèmes de production qui permettent d'améliorer les rendements et la gestion durable des ressources naturelles. Les biotechnologies pourraient elles aussi offrir de nouvelles perspectives aux jeunes agriculteurs européens (7).

L'union fait la force

4.8   La participation active des jeunes au sein des organisations agricoles et des coopératives est indispensable pour les animer de nouvelles idées, d'un souffle d'innovation et d'un plus grand esprit d'entreprise. Dans une situation où la demande est concentrée dans les mains de quelques grandes chaînes de distribution, il est urgent de donner aux coopératives un nouvel élan afin d'améliorer la commercialisation. Aussi, le CESE. propose-t-il la création de centrales de vente gérées par les agriculteurs afin d’équilibrer les forces face aux puissantes centrales d’achat de la grande distribution. À cet égard, il y aurait lieu de promouvoir la présence de jeunes dans les organes de direction des coopératives et de les associer au processus décisionnel pour pouvoir tirer profit de leur formation et de leur vision entrepreneuriale. La principale coopérative agricole de France, Terrena, compte plusieurs comités de jeunes qui les initient et les forment à l'univers complexe du mouvement coopératif agricole.

Autres politiques européennes

4.9   L'UE doit utiliser les fonds des différentes politiques européennes pour en premier lieu créer un cadre de vie rurale attrayant et en second lieu, favoriser le renforcement d'activités économiques telles que l'agriculture qui structure le tissu socioéconomique des zones rurales. C'est ainsi que les projets environnementaux européens, la recherche ou les entreprises doivent créer des mesures de soutien spécifiques pour les jeunes en général et pour les jeunes agriculteurs en particulier. Il conviendrait de reprendre certaines expériences positives de l'UE dans ce domaine. Le projet d'échange du Programme Européen Jeunesse en Action (PEJA) permettant aux jeunes agriculteurs de toute l'Europe d'effectuer une formation de valeur dans d'autres exploitations de l'UE en est un bon exemple, de même que le programme pédagogique Tellus (fruit de la coopération du CEJA avec la Commission européenne), qui vise à familiariser les écoliers avec le travail méconnu de l'agriculteur. La relève des générations dans le monde rural doit être un objectif affiché de l'UE. À cet égard, la création d'un observatoire européen chargé d'analyser la situation et les besoins des jeunes agriculteurs pourrait représenter une base adéquate pour la mise en œuvre de nouvelles initiatives législatives. Il ne s'agit pas de créer de nouveaux organes bureaucratiques mais de concevoir des instruments dotés de fonctions claires et concrètes et chargés d'analyser et de fournir des informations et des statistiques appropriées concernant la relève des générations dans l'agriculture européenne.

Initiatives nationales

4.10   Les politiques européennes concernant les jeunes agriculteurs doivent s'accompagner d'initiatives spécifiques dont l'adoption appartient à l'échelon national. La succession, l'accès à la propriété et le traitement fiscal constituent les préoccupations principales des jeunes. Il est urgent de stimuler la mise en œuvre de mesures efficaces offrant des incitants à l'inclusion des agriculteurs. De manière générale, on peut toutefois constater dans les différents pays de l'UE une bureaucratie complexe qui conditionne la réussite de bon nombre de ces mesures.

4.11   Les États membres devraient faire porter leurs efforts sur la conception de mécanismes qui facilitent l'accès à la terre pour les jeunes agriculteurs et qui soient source de sécurité pour les investissements élevés qui sont nécessaires et qui représentent l'un des principaux obstacles à l'installation. Certaines initiatives nationales explorent quelques pistes possibles. Ainsi, en France, la société SAFER a été chargée de limiter le remembrement foncier et de favoriser l'accès des jeunes à la terre.

Bruxelles, le 22 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 36 du 8.2.2002, p. 29-35, «Nouvelle économie, société de la connaissance et développement rural — Perspectives pour les jeunes agriculteurs».

(2)  JO C 54 du 19.2.2011, p. 20-23, «Sécurité de l'approvisionnement dans les secteurs agricole et alimentaire dans l'UE».

(3)  JO C 48 du 15.2.2011, p. 145-149, «Une chaîne d'approvisionnement alimentaire plus performante en Europe».

(4)  JO C 255 du 22.9.2010, p. 1-9, «Commerce et sécurité alimentaire».

(5)  JO C 18 du 19.1.2011, p. 5-10, «Le modèle agricole communautaire: qualité de la production et communication aux consommateurs en tant qu'éléments de compétitivité».

(6)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 63-70, «La PAC à l'horizon 2020: alimentation, ressources naturelles et territoire — relever les défis de l'avenir».

(7)  JO C 100 du 30.4.2009, p. 44-52, «L'UE face au défi alimentaire mondial».


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats.

Paragraphe 3.2

Modifier comme suit:

«Les agriculteurs se trouvent dans une situation paradoxale, ils prennent plus de risques, investissent davantage, ont des coûts de production plus élevés, sont mieux formés et malgré tout cela, les prix payés pour leurs produits n'ont jamais été aussi bas. Le débat sur les instruments et les politiques destinés aux jeunes agriculteurs ne peut masquer le fait que l'activité agricole est appelée à décliner en Europe si agriculteurs une rentabilité minimale et un prix pour leurs produits . ».

Résultat du vote

Voix pour

36

Voix contre

66

Abstentions

27

Paragraphe 4.7

Modifier comme suit:

«La participation active des jeunes au sein des organisations agricoles et des coopératives est indispensable pour les animer de nouvelles idées, d'un souffle d'innovation et d'un plus grand esprit d'entreprise. Dans une situation où la demande est concentrée dans les mains de quelques grandes chaînes de distribution, il est urgent de donner aux coopératives un nouvel élan afin d'améliorer la commercialisation. À cet égard, il y aurait lieu de promouvoir la présence de jeunes dans les organes de direction des coopératives et de les associer au processus décisionnel pour pouvoir tirer profit de leur formation et de leur vision entrepreneuriale. La principale coopérative agricole de France, Terrena, compte plusieurs comités de jeunes qui les initient et les forment à l'univers complexe du mouvement coopératif agricole».

Résultat du vote

Voix pour

47

Voix contre

60

Abstentions

17


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/25


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Développement rural et emploi dans les Balkans occidentaux» (avis d'initiative)

2011/C 376/05

Rapporteur: M. Cveto STANTIČ

Lors de sa session plénière des 19 et 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Développement rural et emploi dans les Balkans occidentaux».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 septembre 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 22 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 166 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Les données sur les caractéristiques socio-économiques des zones rurales, dans l'UE comme dans les pays des Balkans occidentaux (1), ne sont ni cohérentes, ni comparables, pour partie en raison de l'absence d'une définition unifiée des zones rurales. C'est pourquoi le CESE soutient l'idée d'une harmonisation des critères de définition des zones rurales au niveau de l'UE, qui permettrait de mieux les comparer entre elles, ainsi que les politiques et les mesures dont elles font l'objet.

1.2   Les zones rurales des Balkans occidentaux sont confrontées à de nombreux problèmes structurels et socio-économiques, pour lesquels des solutions peuvent être trouvées dans le cadre de la politique de développement rural de l'UE et de la politique agricole commune (PAC). Le CESE recommande donc vivement aux pays de cette région de faire jouer l'expertise européenne dans l'élaboration de politiques de soutien aux zones rurales qui tiennent compte des problèmes et priorités spécifiques à chacun d'entre eux.

1.3   Dans les Balkans occidentaux, de vastes zones rurales restent sous-peuplées et leurs ressources inutilisées, tandis que la population et l'activité économique se concentrent de manière disproportionnée dans les centres urbains. Cette tendance a des incidences négatives sur l'économie, la société, l'aménagement du territoire et l'environnement. En conséquence, il convient d'élaborer et mettre en œuvre des mesures spécifiques, conçues sur mesure pour ces zones, afin d'y enclencher une croissance économique durable.

1.4   Les économies rurales des Balkans occidentaux se caractérisent par la prédominance d'une agriculture de subsistance ou de semi-subsistance, un taux de chômage élevé, un chômage invisible et une faible mobilité de la main-d'œuvre. Les seuls avantages compétitifs des zones rurales sont la faiblesse du coût de leur main-d'œuvre et leurs ressources naturelles de haute qualité. Le développement de l'entrepreneuriat y est freiné par des facteurs tels que le sous-développement de l'infrastructure, la manque de main-d'œuvre qualifiée, l'étroitesse de l'accès aux marchés et aux financements, le manque de soutien aux investissements et la faiblesse du potentiel entrepreneurial.

1.5   L'agriculture extensive demeure encore le moteur principal de l'économie rurale et une source importante d'emplois dans les campagnes des Balkans occidentaux. Cependant, il est nécessaire de la moderniser et d'accroître sa productivité, processus qui conduira à créer un surplus de main-d'œuvre dans ce secteur. C'est la diversification de l'économie rurale qui permettra de réduire les risques qui pèsent sur les revenus des ménages ruraux.

1.6   Les politiques de développement rural qui devraient aider à diversifier l'économie rurale sont encore inadaptées et incompatibles avec la politique de développement rural de l'UE. Même si certaines politiques nationales sont déjà en place, l'instabilité politique et la rotation rapide des gouvernements nuisent à leur continuité et handicapent leur mise en œuvre. Des fonds sont consacrés au développement rural mais, comparés à ceux de l'UE, ils restent modestes.

1.7   L'aide financière à l'agriculture et au développement rural durant la période précédant l'adhésion, l'IPARD, constitue encore la principale source d'assistance financière en zone rurale. La plupart des pays de cette région peinent à adopter le modèle actuel de développement rural de l'UE, en raison de sa complexité et de ses procédures de mise en œuvre ardues. En conséquence, l'UE se devrait d'examiner la possibilité de simplifier les principes et procédures de gestion et de contrôle de l'IPARD afin de faciliter une utilisation efficace des fonds et des mesures disponibles.

1.8   Il s'avère qu'un obstacle majeur dans l'accès aux instruments de l'IPARD réside dans l'inadéquation des capacités administratives et institutionnelles au niveau national et local et la faiblesse des capacités de leurs éventuels bénéficiaires. Il est demandé aux gouvernements nationaux d'intensifier leurs efforts en vue de mettre sur pied des institutions solides et de développer les capacités de ces bénéficiaires possibles.

1.9   Le CESE souhaite également recommander que l'on fasse preuve d'une plus grande souplesse dans le maniement de l'aide de préadhésion au développement rural, notamment par la suppression de la distinction entre pays candidats et pays candidats potentiels pour l'accès à l'assistance en faveur de l'agriculture et du développement rural. Étant donné que les situations diffèrent d'un pays à l'autre, il conviendrait d'accorder plus de poids, dans chaque cas, à l'évaluation de l'administration concernée et à la capacité d'absorption.

1.10   Pour combattre plus efficacement le chômage, la pauvreté et l'exclusion dans les zones rurales, il est nécessaire d'améliorer la coordination entre les différentes politiques et les divers fonds disponibles. À cet égard, la politique régionale peut fortement appuyer et compléter la politique de développement rural pour autant qu'elles soient toutes deux correctement articulées et mises en œuvre de manière cohérente.

1.11   Parmi les politiques et dispositifs nationaux qu'il y a lieu, entre autres, de renforcer et de mieux coordonner figurent:

—   les politiques d'inclusion actives: améliorer l'accès à l'information et au conseil sur les prestations publiques,

—   les politiques du marché de l'emploi: accroître les mesures actives sur le marché de l'emploi peut constituer un moyen d'élever le taux d'emploi et de réduire les disparités régionales,

—   l'éducation et la formation: fournir une éducation à tous les niveaux, lutter contre la sortie précoce du système scolaire et renforcer les compétences et qualifications des jeunes, fournir des formations sur mesure afin de réduire l'inadéquation des emplois et des compétences,

—   les politiques de développement rural: il convient de mettre davantage l'accent sur les axes 2 et 3, puisque des mesures au titre de l'axe 1 existent déjà dans la plupart des pays de cette région (2).

1.12   La société civile joue un rôle mineur dans les zones rurales, en raison de l'absence de compétences entrepreneuriales et organisationnelles, des problèmes démographiques et de la faible qualité de l'infrastructure sociale par rapport à celle des villes. Il est possible de surmonter cette difficulté en créant des réseaux d'organisations locales de la société civile de manière à parvenir à couvrir une masse critique par rapport à l'ensemble de la population et du territoire. À cet égard, l'approche de Leader (3) est un instrument susceptible d'améliorer la participation de la société civile.

1.13   Il convient d'améliorer la qualité de vie dans les zones rurales et d'encourager les jeunes à y rester, ainsi que de diversifier l'économie rurale. Pour atteindre ces objectifs, les grands défis importants à relever restent d'investir dans l'infrastructure rurale, dans une agriculture fondée sur le savoir et intégrée avec l'industrie alimentaire, dans le capital humain, dans un environnement propice aux entrepreneurs et dans l'amélioration des services sociaux. Le tourisme rural et écologique, fondé sur les richesses du patrimoine culturel, historique et naturel, semble également ouvrir de bonnes perspectives.

2.   Introduction et contexte

2.1   Définition des zones rurales

2.1.1   L'examen du thème du présent avis se heurte à une première difficulté, celle de l'absence d'une définition homogène des zones rurales au niveau de l'UE. Les différents États ont chacun leur propre définition officielle, retenant des critères divers et variés, tels que la densité de la population, la prédominance de l'agriculture dans l'économie, l'isolement, un accès déficient aux services essentiels, etc. À des fins de comparaison internationale, on recourt fréquemment à la définition de l'OCDE. Depuis peu, les pays des Balkans occidentaux adaptent également leurs statistiques à cette méthodologie.

2.1.2   Le CESE soutient donc l'idée d'uniformiser au niveau de l'UE les critères de définition des zones rurales. Il serait ainsi possible de mieux comparer et suivre, du point de vue de leur efficacité, les différentes mesures et politiques mises en œuvre.

2.2   Le développement rural dans l'UE en tant que composante importante de la politique agricole commune (PAC) et de sa réforme future

2.2.1   Comme les zones rurales abritent près de 60 % de la population de l'UE et s'étendent sur plus de 90 % de son territoire, le développement rural est un domaine d'action politique d'une importance capitale pour l'Union. Le financement du développement rural recouvre un large éventail de mesures. Le modèle actuellement en vigueur dans l'Union repose sur quatre axes d'action, suffisamment souples pour que les États membres et les gouvernements régionaux puissent adapter les politiques à leurs besoins spécifiques.

2.2.2   Un développement territorial équilibré constitue l'un des principaux objectifs de la future réforme de la PAC. À cet égard, le CESE est convaincu que si les futures politiques européennes en matière d'agriculture et de développement rural sont axées sur l'innovation et la compétitivité, elles pourront ouvrir de nouvelles possibilités commerciales, créer davantage d'emplois et diversifier davantage les sources de revenus dans les zones rurales (4).

2.3   De l'importance des politiques de développement rural pour les économies nationales dans les Balkans occidentaux

2.3.1   Compte tenu de la taille des zones rurales, du pourcentage de la population qui y vit (5) et du poids important de l'agriculture pour les économies nationales, il apparaît clairement que le développement rural doit également devenir un domaine fondamental d'action politique dans les Balkans occidentaux.

2.3.2   Les zones rurales dans cette région sont confrontées à de nombreux défis spécifiques d'ordre structurel et socio-économique, tels que la faiblesse des niveaux de revenu, l'absence de possibilités d'emploi, la détérioration de la qualité de vie, les processus de dépeuplement etc., qui pourraient être relevés avec succès par une politique adéquate de développement rural, fondée sur le cadre élaboré que l'UE a donné à son action de développement rural.

3.   Quelques caractéristiques communes des zones rurales des pays des Balkans occidentaux – paramètres essentiels de leur potentiel économique

3.1   Les Balkans occidentaux possèdent une faune et une flore d'une abondance exceptionnelle et sont de ce fait l'une des régions d'Europe les plus riches du point de vue de la biodiversité. Ils présentent une très grande diversité d'habitats naturels: lagunes et marais littoraux, forêts méditerranéennes, prairies et pâturages de montagne, marais d'eau douce ou formations karstiques.

3.2   La diminution de la population, principalement dans les régions reculées et les moins fertiles, ainsi que son vieillissement (exception faite de l'Albanie et du Kosovo) ont des effets négatifs sur le marché rural de l'emploi. Tous les pays de cette région connaissent la même tendance d'une émigration des zones rurales vers les zones urbaines et côtières, ainsi qu'à l'étranger. Les personnes qui viennent s'y installer sont pour la plupart des retraités ou des réfugiés.

3.3   Une structure éducative défavorisée, la médiocrité des qualifications, le manque de connaissances et de compétences de la population économiquement active font peser une lourde contrainte sur l'avenir de l'économie rurale. Les marchés du travail se caractérisent par une faible mobilité de la main-d'œuvre, qui la prive de possibilités supplémentaires d'emploi et de revenus.

3.4   Une agriculture peu intensive, tant pour le pacage que pour la culture, reste l'activité dominante dans la plupart des zones rurales. La part que l'agriculture y occupe dans l'emploi compte parmi les plus élevées par rapport aux pays de l'UE.

3.5   Les ménages ruraux, notamment ceux qui ne disposent que de revenus restreints, ont un accès tout aussi limité aux marchés de l'agriculture, de l'emploi et de la finance, ainsi qu'à l'information et au savoir. En conséquence, leurs chances de surmonter le risque de pauvreté sont sensiblement réduites.

3.6   La faible diversification des activités économiques et des revenus et la rareté de l'emploi dans le secteur privé sont les principaux problèmes des zones rurales. Les services économiques et l'infrastructure sociale sont à la fois médiocres et sous-développés. La qualité de vie des ruraux s'en trouve dégradée, tout comme le tissu des zones rurales.

4.   L'agriculture reste le moteur principal de l'économie rurale dans les Balkans occidentaux

4.1   Bien qu'elle diminue depuis l'an 2000, la part de l'agriculture dans l'économie des Balkans occidentaux demeure en moyenne bien plus élevée que dans l'UE, tant en valeur ajoutée que du point de vue de l'emploi.

4.2   La modestie et la fragmentation de l'exploitation agricole privée reste une caractéristique générale de l'agriculture de la plupart des États des Balkans occidentaux, notamment des plus méridionaux. Ainsi, la taille moyenne d'une exploitation varie de 1,2 ha en Albanie à un peu moins de 4 ha en Serbie. D'autres handicaps entravent le développement de l'agriculture, qu'il s'agisse du piètre développement des structures de marchés, des infrastructures inadéquates, de productions dont seule une faible part est commercialisée, du manque de connaissances et de compétences ou encore de l'incapacité à se conformer aux normes de sécurité alimentaire.

4.3   La transition économique et, dans certains pays, la guerre ont entraîné une baisse de la production agricole mais depuis l'an 2000, elle a renoué avec la croissance, tendance qui s'explique principalement par les investissements dans des technologies productives. Dans la plupart des pays, son volume est toujours inférieur à celui d'avant la transition économique. En dépit de certains handicaps, la plupart des pays des Balkans occidentaux disposent d'un potentiel naturel plutôt élevé pour l'agriculture: main-d'œuvre relativement bon marché, ressources en terres et en eaux, climat et sols propices à certaines cultures, telles que le tabac, certains fruits et légumes, le vin et les céréales, ainsi qu'à l'élevage.

4.4   Des régions agricoles hautement productives, avec des économies bien intégrées, existent cependant aussi, dans le Nord de la péninsule balkanique (bassins de la Save et du Danube, plaine de Pannonie). Cette zone bénéficie de conditions pédologiques et climatiques favorables à une production agricole intensive en capital. En outre, elle bénéficie du capital humain requis, d'un entrepreneuriat bien développé, d'un secteur industriel suffisamment diversifié et d'infrastructures qui ont atteint un bon niveau de développement.

5.   Relever le défi du développement rural au-delà de l'agriculture

5.1   La part élevée de la population active qui travaille dans l'agriculture ne se reflète pas directement dans la contribution de celle-ci au PIB. En conséquence, il conviendrait que l'économie rurale de demain soit en mesure d'absorber le surplus de main-d'œuvre agricole et de lui proposer d'autres possibilités d'emploi.

5.2   La mise en place d'industries dans les zones rurales a souvent constitué un moyen très efficace de créer de nouvelles possibilités d'emploi et de fournir des revenus supplémentaires. En outre, l'expérience du passé a montré que les mesures d'investissement dans les exploitations, la modernisation, la formation et l'environnement ont un effet positif pour augmenter l'emploi et faire baisser le chômage caché dans les campagnes. Parmi les secteurs qui ont un fort potentiel de croissance, on peut citer les industries de transformations, les indications géographiques protégées, les productions biologiques, le tourisme rural, l'artisanat, les produits du bois et la production d'énergies renouvelables, ainsi que toute une palette de services sanitaires et sociaux.

5.3   Afin d'accélérer le développement du secteur rural, il est indispensable de dépenser mieux et davantage en faveur des biens et services publics: il s'agit d'améliorer les infrastructures routières et le réseau d'irrigation, d'instaurer un meilleur environnement pour les entreprises, d'assurer l'efficacité de la transmission de l'information, des connaissances et des technologies.

6.   Les politiques agricoles et de développement rural à la lumière de l'adhésion à l'UE

6.1   Tous les pays de la région souhaitent vivement rejoindre l'UE. À cet égard, ils doivent tous relever des défis semblables, à savoir transformer et moderniser leurs secteurs agricoles et agroalimentaires, très compartimentés, afin qu'ils puissent être compétitifs sur le marché de l'UE.

6.2   Dans ses rapports de suivi les plus récents (6), la Commission européenne relève qu'en matière d'agriculture et de développement rural, il y a lieu que la plupart des pays des Balkans occidentaux déploient des efforts supplémentaires en vue d'améliorer la conformité avec l'acquis de l'UE en matière agricole et sa politique de développement rural.

6.3   Comparés à ceux de l'UE, les fonds nationaux de soutien à l'agriculture demeurent relativement modestes dans les pays des Balkans occidentaux. Une gamme très large de mesures et de mécanismes de soutien est utilisée dans cette région. Ces dernières années, les dépenses publiques en faveur de l'agriculture ont été principalement consacrées aux aides directes aux producteurs.

6.4   L'assistance financière de l'UE

6.4.1   L'aide financière à l'agriculture et au développement rural durant la période précédant l'adhésion, l'IPARD (7), est le cinquième volet de l'instrument de préadhésion (IPA) qui est le dispositif européen plus largement destiné à préparer et aider à l'élargissement. Seuls les pays qui ont le statut de candidats (à savoir la Croatie, l'Ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro et la Turquie) sont éligibles au titre des financements de l'IPA.

6.4.2   Le CESE souhaite attirer l'attention sur les obstacles spécifiques auxquels sont confrontés les pays des Balkans occidentaux lors de la mise en œuvre des programmes de développement rural au titre de l'aide de préadhésion. Il est difficile de mettre en œuvre les mesures d'investissement au titre de l'IPARD car elles requièrent l'existence de structures locales complètes de mise en œuvre et de contrôle (la gestion et l'appropriation d'IPARD sont pleinement décentralisées, les institutions de l'UE n'exerçant qu'un contrôle ex post). Ces difficultés ont pour conséquence qu'un pourcentage élevé de projets sont rejetés et que dans la phase préparatoire, des investissements significatifs s'avèrent nécessaires, de la part du pays concerné comme des bénéficiaires potentiels.

6.4.3   Il serait possible de simplifier les principes et les procédures de gestion et de contrôle de l'IPARD afin d'encourager les pays des Balkans occidentaux à mieux utiliser les mesures qui auraient des incidences directes sur le développement rural, comme celles destinées à améliorer les infrastructures rurales, à diversifier les activités économiques et à former (axe 3 de l'IPARD).

6.4.4   Une raison majeure de la lenteur avec laquelle les fonds de l'UE sont prélevés réside également dans la faible capacité administrative et le manque d'institutions appropriées au niveau national et, en particulier, au niveau local, qui nuit à la capacité générale d'absorption des fonds de préadhésion. Le manque de services généraux adéquats (obtention de permis de construire, cadastre, services sanitaires vétérinaires inadaptés, etc.) a contribué aussi au faible taux de succès des derniers appels en matière de projets de développement rural.

6.4.5   Une autre entrave à une meilleure utilisation des fonds des l'UE semble tenir aux faibles capacités de leurs bénéficiaires potentiels. Une des manières de la surmonter pourrait être de développer des services plus efficaces de vulgarisation et de conseil.

6.4.6   La situation varie d'un pays à l'autre et n'est pas toujours liée aux progrès réalisés en matière d'adhésion ou au statut de candidat. Par conséquent, le CESE entend recommander de faire preuve d'une plus grande flexibilité dans l'utilisation de l'aide de préadhésion pour le développement rural, notamment en supprimant la distinction entre pays candidats et candidats potentiels pour l'accès à ces concours, ainsi qu'en permettant de donner plus d'importance à l'évaluation de l'administration et la capacité d'absorption de chaque pays pris individuellement.

7.   Les marchés du travail rural des Balkans occidentaux

7.1   Les marchés du travail rural de la plupart des pays des Balkans occidentaux présentent les caractéristiques communes suivantes:

l'emploi est dominé par les travailleurs agricoles, tandis que la part du secteur des services et des indépendants (excepté dans l'agriculture) dans le total de l'emploi se situe bien en dessous de la moyenne.

Le travail à temps partiel et le travail saisonnier constituent souvent la seule source de revenus pour la majeure partie de la population des campagnes.

Le vieillissement démographique et le nombre croissant de jeunes en décrochage scolaire débouchent sur une structure éducative défavorable et un manque de compétences et de savoir.

Le manque de perspectives d'emploi en dehors de l'agriculture entraîne une forte dépendance par rapport à l'emploi saisonnier, ainsi qu'un chômage invisible.

Les catégories les plus vulnérables menacées d'exclusion du marché du travail sont les jeunes, les femmes, les personnes âgées, les minorités ethniques (Roms) et les réfugiés de guerre. Les personnes qui en font partie ne sont pas toujours recensées comme sans emploi («chômage invisible»).

Les travailleurs ruraux sont rarement associés aux divers programmes d'emploi proposés par les gouvernements. Il est nécessaire de mieux promouvoir ces dispositifs et de les assortir des services de conseil adéquats.

8.   Les stratégies et les actions politiques liées au développement rural et à l'emploi

8.1   Les principales caractéristiques des politiques nationales actuellement menées en matière rurale sont le faible niveau de conscience politique, une compréhension médiocre du concept européen de développement rural, l'absence d'approche intégrée et de structures de programmation, l'absence de coordination verticale et horizontale des politiques et la faiblesse de la coopération interministérielle dans le domaine du développement rural.

8.2   Les politiques nationales en rapport avec le développement rural ne tiennent dûment compte ni de certains problèmes essentiels, ni des possibilités de développement: elles n'accordent pas de soutien suffisant aux exploitations biologiques, aux ressources génétiques, à la sylviculture ou au tourisme, pour ne citer qu'eux; de même, elles n'abordent pas la question des zones défavorisées ou de l'agriculture de semi-subsistance.

8.3   Combinées aux politiques régionales et à des programmes opérationnels sectoriels appropriés, des politiques de développement rural peuvent sensiblement contribuer à améliorer l'emploi et l'inclusion sociale dans les zones rurales. Une bonne politique régionale peut offrir en complément un soutien important pour renforcer les régions rurales plus pauvres.

8.4   Comparée à celle de l'UE, la politique régionale de la plupart de ces pays accuse un bien plus grand retard que celle qui est menée en matière de développement rural. Par conséquent, il faut arriver à une approche plus cohérente et à une meilleure coordination entre les politiques et les fonds disponibles, en regroupant différentes ressources (fonds nationaux, fonds européens, fonds de donateurs).

8.5   En raison de l'instabilité politique et des fréquents changements de gouvernement, la plupart des pays de la région sont confrontés à un manque de continuité dans la mise en œuvre des différentes politiques et mesures de développement rural.

9.   Le rôle des organisations de la société civile dans le développement rural

9.1   L'avis du CESE sur la «Société civile dans les zones rurales» (8) a relevé plusieurs problèmes et défis liés au développement des organisations de la société civile dans les zones rurales, notamment dans les États qui ont récemment adhéré à l'Union. Parmi ces problèmes figurent les obstacles pour accéder à la connaissance et à l'information, l'absence de compétences entrepreneuriales, les problèmes démographiques et des infrastructures sociales d'une qualité inférieure à celles des villes.

9.2   De nombreux avis du CESE abordent la question du statut et du rôle de la société civile dans les Balkans occidentaux, dans le contexte des défis auxquels cette dernière est confrontée (9). Bien que chacun de ces pays connaisse des problèmes qui lui sont propres en matière de législation, de financement public, de statut fiscal des organisations de la société civile ou de qualité du dialogue civil et social, la région dans son ensemble, et notamment ses zones rurales, affrontent certains problèmes communs:

de manière générale, la société civile n'y est pas ancrée dans une forte tradition;

le financement public des organisations de la société civile est dans la plupart des cas insuffisant et manque de transparence;

la nouvelle assistance technique financée par l'UE en faveur des organisations de la société civile dans les Balkans occidentaux (10) a été mise en place, mais elle ne donne pas encore les résultats escomptés;

de manière générale, il est nécessaire de renforcer les capacités et de développer les connaissances et les compétences spécifiques dans divers domaines;

au plan local et régional, les pouvoirs publics locaux méconnaissent généralement les avantages d'un travail en partenariat avec la société civile;

il existe un fossé entre la ville et la campagne: la plupart des organisations de la société civile sont concentrées soit dans la capitale ou, au mieux, dans deux ou trois autres villes, tandis que les campagnes demeurent mal informées du rôle de la société civile et de ses activités;

la plupart des organisations de la société civile, y compris les associations d'agriculteurs, sont émiettées et souffrent de la concurrence contre-productive à laquelle elles se livrent au lieu de coopérer. De ce fait, elles ne sont pas en mesure de créer de puissants groupes de pression.

9.3   Parmi les formes traditionnelles d'organisations de la société civile dans les zones rurales des Balkans occidentaux figurent les groupes religieux et les associations de minorités nationales, les amicales de pompiers, de chasseurs et de pêcheurs, les organisations culturelles et artistiques, les clubs de sport, les mouvements de femmes et autres groupements. Si leur répartition géographique est inégale, ce sont les groupes de minorités religieuses et ethniques qui sont les mieux organisés et protègent bien leurs intérêts.

9.4   Les décideurs ne reconnaissent pas toujours dûment la possibilité d'associer plus activement ces organisations aux programmes destinés à préserver le patrimoine culturel immatériel et l'environnement. L'influence qu'elles exercent sur les initiatives de développement est mineure et n'excède pas le cadre étroit de la communauté locale (village); elles ne constituent pas de réseau à un niveau plus élevé.

9.5   Les projets de donateurs ont créé de nouvelles formes d'organisations de la société civile, essentiellement axées sur le transfert d'information et de savoir dans le domaine de la politique d'adhésion, de l'agriculture, de l'environnement, de la protection des droits de l'homme ou d'autres thématiques connexes. Avec la réduction des fonds de donateurs, bon nombre de ces organisations ont disparu.

9.6   Le rôle des organisations d'agriculteurs: durant la transition, l'ancien système de coopératives de l'époque communiste s'est désagrégé à des degrés divers. Par la suite, de nombreux projets de donateurs, visant essentiellement à moderniser la production agricole, ont favorisé, voire déclenché les processus de constitution d'associations agricoles. À l'heure actuelle, l'impact réel des différents groupements d'agriculteurs et de producteurs sur les politiques de développement agricole et rural est relativement faible. La plupart d'entre eux jouent néanmoins un rôle significatif pour assurer le transfert de connaissances, fournir différents services de conseils et assurer la promotion des produits agricoles.

9.7   L'approche Leader du développement rural montre comment la mise en réseau et la promotion du dialogue au niveau local peut contribuer à améliorer la participation de la société civile à la préparation et à la mise en œuvre des stratégies de développement local. Son approche partenariale du bas vers le haut, qui englobe divers acteurs locaux, a eu des résultats encourageants dans de nombreux pays de l'UE et est considérée comme un instrument utile pour stimuler l'emploi dans les zones rurales.

10.   Problématiques à aborder pour parvenir à une économie rurale plus diversifiée

10.1   Agriculture diversifiée et basée sur le savoir

10.1.1   L'intensification et les améliorations technologiques dans l'agriculture ouvrent de nouvelles perspectives d'emplois dans différentes activités auxiliaires telles que le transport, l'emballage, les infrastructures de stockage, la vente et l'entretien d'équipements mécaniques, le contrôle de qualité, etc.

10.1.2   La diversification dans le secteur agricole, axée sur la valeur ajoutée des produits agricoles (exploitations biologiques, production d'aliments et de viande de qualité, produits bénéficiant du label d'indications géographiques protégées, aliments traditionnels faits maison, etc.), peut aussi offrir de nouvelles ouvertures pour un développement futur et une réduction du chômage invisible.

10.2   Investir dans l'infrastructure rurale

Des infrastructures de qualité, en matière d'équipements routiers, hydrauliques, électriques ou de services d'information et de communication, peuvent stimuler le développement des activités économiques, tant agricoles que non agricoles. Dans le même temps, ces infrastructures de qualité améliorent les conditions de vie des ménages ruraux en augmentant leur mobilité et leur accès aux services sociaux, dont la santé et l'éducation.

10.3   Constituer un capital humain

Une meilleure éducation de la main-d'œuvre rurale et un accroissement de sa capacité d'adaptation donneront à chacun de meilleures chances de trouver un travail en dehors du secteur agricole. Il importe notamment de faire en sorte que les programmes de formation professionnelle correspondent aux besoins des programmes de diversification rurale. Les programmes d'éducation tout au long de la vie, de préqualification et de renforcement du savoir et des compétences de gestion sont particulièrement importants.

10.4   Créer un climat favorable pour les entreprises

10.4.1   Encourager l'esprit d'entreprise et accélérer la création des petites et moyennes entreprises (PME) dans les zones rurales contribuerait également à en diversifier les activités économiques et à inciter les jeunes à ne pas les quitter. Des systèmes fiscaux peu incitatifs et des procédures inefficaces d'enregistrement des sociétés, combinés à la médiocrité de l'infrastructure et au manque de jeunes formés; sont autant de facteurs qui entravent les nouveaux investissements et la création d'entreprises.

10.4.2   L'accès à des facilités de crédit adaptées aux besoins des populations rurales reste un problème spécifique. Il y a lieu d'encourager les banques et autres institutions financières à faciliter l'octroi de prêts à l'agriculture. Cette observation est également importante en ce qui concerne les règles de cofinancement des fonds IPARD.

10.5   Bâtir des services efficaces de vulgarisation et de conseil

Les services de vulgarisation et de conseil devraient évoluer de l'assistance technique aux agriculteurs à une démarche de transfert de connaissances et de savoir plus novatrice, qui soit induite par la demande. Les prestations modernes concernant la diffusion de connaissances devraient combler les besoins d'une population rurale plus large (consommateurs, chefs d'entreprise, agriculteurs, personnes démunies, etc.) et contribuer aussi à aider les habitants des campagnes à adopter des règles et principes nouveaux pour leur action.

10.6   Relancer les coopératives en améliorant leur cadre institutionnel et en renforçant leurs ressources humaines et les programmes destinés à les soutenir

Les coopératives sont des organisations traditionnelles de la société rurale qui sont susceptibles de jouer un rôle important pour développer le capital social dans les zones rurales. Elles peuvent créer de nouvelles perspectives d'emploi, générer des revenus supplémentaires et permettre aux citoyens de participer activement au développement de leurs communautés. Le développement d'entreprises sociales peut également offrir des ouvertures pour créer de l'emploi, en particulier pour les femmes et les jeunes, s'agissant des catégories les plus vulnérables.

10.7   Encourager des approches procédant du bas vers le haut (telles que le programme Leader)

Il est nécessaire d'améliorer les connexions entre les différents acteurs ruraux, ainsi que leur coordination, sur un plan tant vertical (organes de gouvernance à différents niveaux, national, régional et local) qu'horizontal (entrepreneurs, associations professionnelles, agriculteurs etc.) La mise en œuvre des politiques de développement local doit s'effectuer sur un mode mieux coordonné entre les institutions concernées et suivant un processus décisionnel qui procède de la base pour aller vers le sommet.

10.8   Tourisme et tourisme à la ferme

10.8.1   Le tourisme rural peut représenter un important défi de développement à relever dans les zones rurales. Les Balkans occidentaux sont une région qui offre un patrimoine naturel, culturel et historique bien préservé, ainsi qu'une nourriture de qualité, dans une relative proximité avec les marchés touristiques de l'UE. Les nouvelles tendances de l'éco-tourisme et du développement durable, qui promeuvent un environnement et un mode de vie sains, y compris des «produits écologiques» et de la nourriture biologique (viande de bœuf, plantes médicinales, fruits de la forêt, champignons, etc.) cadrent parfaitement avec le riche patrimoine de la région en matière de culture et de nature.

10.8.2   Toutefois, les amateurs modernes et actifs de tourisme rural exigent une grande qualité des services, un hébergement confortable et un large éventail d'activités récréatives et culturelles. De nombreux obstacles entravent encore le développement du tourisme rural: médiocrité des infrastructures, sous-développement des marques de produits régionaux (souvenirs), la faiblesse des capacités d'accueil et de la qualité de l'hébergement, médiocrité de la signalisation des attractions touristiques, déficiences dans la gestion des destinations touristiques, etc.

10.9   Les projets transfrontaliers pourraient également fournir un bon instrument pour mieux utiliser, à l'avenir, le potentiel de développement local (partage d'infrastructures routières, de réseaux énergétiques, d'équipements touristiques, de marques locales, etc.).

10.10   Les énergies renouvelables, gisement potentiel d'emplois et de revenus

La plupart des équipements de production d'énergies renouvelables seront implantés dans des zones rurales, qu'il s'agisse des cultures énergétiques, des installations de gaz biologique, de la production de biocarburants ou de briquettes ou granules, de champs d'éoliennes, etc. Ces sites devront non seulement être construits mais entretenus et alimentés tout au long de leur activité et généreront ainsi des emplois et des revenus supplémentaires.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Albanie, ancienne République yougoslave de Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo (aux termes de la résolution 1244/99 du Conseil de sécurité des Nations unies), Monténégro et Serbie.

(2)  Axe 1: amélioration de la compétitivité de l'agriculture; axe 2: favoriser l'environnement et la gestion du territoire; axe 3: encourager la diversification des activités économiques et améliorer la qualité de vie dans les zones rurales; axe 4: approche du programme Leader.

(3)  Programme de l'UE, dont l'acronyme signifie «Liaison entre actions de développement de l'économie rurale».

(4)  Avis CESE, JO C 132 du 3/5/2011, p. 63, sur «Le futur de la PAC», paragraphe 3.3.4.

(5)  Les pays des Balkans occidentaux ont une superficie totale de 264 462 km2, équivalant à 6 % de celle de l'UE, pour une population de 26,3 millions de personnes, dont 50 % vivent en zone rurale. Leur densité de population, de 89,2 habitants par km2, est nettement inférieure à celle de l'Union européenne, qui est de 114,4 km2.

(6)  Rapports de suivi de la Commission européenne, novembre 2010: http://ec.europa.eu/enlargement/press_corner/key-documents/reports_nov_2010_fr.htm

(7)  IPARD – instrument de préadhésion – développement rural comprend 9 mesures au titre de trois axes prioritaires: axe 1 –- Améliorer l'efficacité du marché et la mise en œuvre des normes de l'UE, axe 2 – Préparer la mise en œuvre des mesures agroenvironnementales et de Leader et axe 3: Développer l'économie rurale. Les montants qui lui sont allouées pour la période de 2007-2013 sont d'environ 1 milliard d'euros, les montants totaux au titre de l'IPA sont de plus de 10 milliards d'euros pour cette même période.

(8)  Avis CESE sur la «Société civile dans les zones rurales», JO C 175 du 28.7.2009, p. 37.

(9)  Avis JO C 18 du 19.1.2011, p. 11, JO C 317 du 23.12.2009, p. 15, JO C 224 du 30.8.2008, p. 130, JO C 204 du 9.8.2008, p. 120, JO C 27 du 3.2.2009, p. 140, JO C 44, 16.2.2008, p. 121.

(10)  Mécanisme de financement pour la société civile:


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/32


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Promouvoir des sociétés civiles représentatives dans la région Euromed» (avis d'initiative)

2011/C 376/06

Rapporteur: M. DIMITRIADIS

Le 16 juin 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:

«Promouvoir des sociétés civiles représentatives dans la région Euromed».

La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 septembre 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 163 voix pour, 6 voix contre et 17 abstentions.

1.   Synthèse et conclusions

1.1   Depuis la fin 2010, la situation politique des pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient connaît un bouleversement sans précédent, d'ampleur historique, à la suite de très intenses mouvements populaires dans lesquels toutes les couches sociales et de nombreuses organisations de la société civile se sont engagées avec enthousiasme.

1.2   Dans ce contexte, le CESE condamne de la manière la plus catégorique le recours à la violence contre la population en état de soulèvement dans certains pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (notamment la Syrie et la Libye) et il demande aux instances européennes et internationales de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour faire cesser les cas de violations des droits de l'homme, y compris les violations des droits syndicaux.

1.3   Les politiques européennes d'avant le soulèvement arabe péchaient par manque d'imagination et de connaissance des spécificités des sociétés locales, de même qu'elles ignoraient les us et coutumes, traditions et usages de la région. Les instances de l'Union européenne n'ont pas recouru aux services du CESE ou du Comité des régions, qui auraient pu être des relais importants pour faire jouer une influence européenne sur la société civile locale et les collectivités territoriales.

1.4   La nouvelle société qui est susceptible d'émerger dans la région Euromed, si l'on en juge par le dynamisme de sa société civile, doit recevoir une réponse différenciée, souple et intelligente de la part de l'UE. Dans ce contexte, le CESE accueille favorablement la révision et l'actualisation de la politique européenne de voisinage, et notamment l'accent désormais mis sur les principes de conditionnalité et de différenciation, ainsi que sur les mesures destinées à soutenir la société civile (1).

1.5   L'UE, qui constitue le premier donateur dans la région, doit insister non seulement pour que les accords interétatiques conclus par elle comportent des dispositions sur la protection des libertés démocratiques et des droits individuels, mais aussi, et c'est capital, pour que ces dispositions soient appliquées. Sur ce dernier point, la politique de l'UE a été inappropriée par le passé. De plus, le CESE demande que l'évaluation de la gouvernance d'un pays prenne en compte des critères liés au traitement réservé à la société civile (cadre législatif, renforcement des capacités, dialogue, etc.), aux droits de l'homme, ainsi qu'aux droits économiques, sociaux et culturels.

1.6   Le CESE appelle la Commission européenne à soutenir les institutions judiciaires locales et à mettre en place des programmes de formation et d'enseignement pour les juges et les avocats. L'exercice d'une justice transparente constitue un préalable à la démocratie.

1.7   Le CESE juge essentiels le développement infrarégional ainsi que le développement de la coopération Sud-Sud, avec le soutien de l'UE. Aussi demande-t-il instamment à la Commission de lancer des processus et de faire sans retard des propositions concrètes, à partir de ses expériences dans les pays européens ou d'autres régions du monde.

1.8   Le CESE est par ailleurs favorable à ce que le rôle et la mission de l'UpM soient redéfinis. En effet, cet organe régional n'aura d'utilité que s'il est doté, comme c'était l'intention initiale, de programmes spécifiques et transparents visant des bénéficiaires ou destinataires spécifiques, avec la participation de la société civile locale, et que s'il est responsable de la coordination des différentes politiques européennes régionales et des divers financements, en collaboration avec les secteurs public et privé et les institutions financières au niveau local. Il devra également proposer des mécanismes permanents permettant d'associer la société civile à ses initiatives. Le CESE demande que soient prises immédiatement des décisions concernant le rôle, la mission, l'organisation et le financement de l'UpM.

1.9   Dans les enchaînements qui ont abouti à ces ébranlements historiques, un des rôles les plus décisifs a été tenu par les femmes et les jeunes qui, par le recours aux moyens les plus modernes dans la sphère des réseaux sociaux, ont su dynamiser et mobiliser les sociétés locales. Il est important de maintenir cette dynamique et de garantir que ces groupes puissent jouir pleinement de leurs droits politiques, civils, économiques et sociaux, tout en jouant pleinement leur rôle dans tous les aspects de la société.

1.10   Selon le CESE, les projets financés par l'UE et l'assistance de l'UE doivent être plus efficaces afin que davantage de progrès puissent être accomplis à l'avenir. La complexité des procédures de financement de l'UE exclut du jeu une grande partie des acteurs non étatiques, lesquels ont non seulement le plus grand potentiel, mais aussi le plus grand besoin de soutien, et manquent actuellement de l'expertise nécessaire pour solliciter des financements. L'un des objectifs de l'initiative devrait être d'aider les organisations à obtenir des financements, par exemple dans le cadre de formations auprès des délégations de l'UE.

1.11   Sur le plan des principes, le CESE adhère aux politiques de la Commission en matière d'immigration, d'asile et de libre circulation des personnes. Il estime toutefois qu'il s'impose de prendre des mesures sévères et concrètes afin de juguler l'immigration clandestine et le trafic des êtres humains, lesquelles devraient comprendre des dispositifs pour promouvoir le développement régional et la cohésion sociale dans les pays partenaires.

1.12   Le CESE demande aux États membres de montrer leur solidarité vis-à-vis des pays méditerranéens de l'Union qui subissent des pressions migratoires.

1.13   Le CESE estime que la vague d'émigration vers les pays de l'UE ne pourra être atténuée que si un soutien réel est apporté aux sociétés d'Afrique du Nord et du Proche-Orient, grâce à des programmes concrets d'assistance économique et sociale destinés à renforcer la compétitivité de leurs économies et à soutenir l'agriculture et les petites et moyennes entreprises (PME) au niveau local, le développement régional et la cohésion sociale, et le désenclavement des régions reculées.

1.14   De même, le Comité estime que, dans les économies des pays partenaires du Sud de la Méditerranée, l'agriculture – et le développement rural en général – jouent un rôle crucial car ils fournissent les clés du développement local et créent des emplois pour une main-d'œuvre caractérisée par sa jeunesse. C'est aussi essentiellement ce secteur qui permettra de résoudre la crise alimentaire sévissant actuellement dans ces pays, et il doit à ce titre être considéré comme prioritaire. Parallèlement, le secteur des énergies renouvelables présente de fortes potentialités et est susceptible d'apporter des avantages considérables sur le plan de l'emploi, du développement social et de l'atténuation des changements climatiques, de part et d'autre de la Méditerranée.

1.15   Le CESE a la conviction qu'il y a lieu d'encourager le dialogue social entre employeurs et travailleurs dans les pays méditerranéens et qu'il peut œuvrer à la réalisation de cet objectif grâce à la contribution de son groupe des employeurs et de son groupe des travailleurs. Il appelle en outre à promouvoir le dialogue social structuré par le biais d'un forum social. Il continuera de travailler en étroite coopération avec l'OIT pour promouvoir le dialogue social dans la région.

1.16   Le CESE se félicite que la Commission prévoie de fournir des ressources supplémentaires, à hauteur de plus de 1 milliard d'euros jusqu'en 2013, pour répondre aux besoins urgents de la région. Dans le même temps, il lui demande de rassembler les ressources dans un cadre politique et social spécifique qui, s'appliquant aux pays destinataires, y encouragera les principes démocratiques, les libertés politiques et syndicales, le développement de l'éducation et de l'apprentissage tout au long de la vie, la protection de l'environnement, ainsi que l'élargissement et l'approfondissement de la politique de coopération des États méditerranéens avec l'UE.

1.17   Le CESE souligne que les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et les conseils économiques et sociaux des États membres ont un rôle essentiel à jouer dans cet effort, en matière de partage d'expériences et de connaissances, de diffusion d'informations, de comparaison de méthodes, de transfert de savoir-faire et de ressources administratives. Le CESE est prêt à entreprendre des projets spécifiques pour ancrer et renforcer la société civile, en coopération avec la Commission et sa vice-présidente, la haute représentante de l'Union.

1.18   En tant qu'organe représentant la société civile européenne, le CESE peut participer activement au nouveau cadre européen de coopération avec les sociétés méditerranéennes, en menant notamment les actions suivantes:

en cernant la situation actuelle de la société civile dans les pays sud-méditerranéens, grâce à un dialogue démocratique ouvert et régulier mené avec un large éventail d'acteurs;

en aidant à définir des critères et mécanismes spécifiques pour entériner qu'une organisation représente réellement une fraction de la société;

en soutenant les efforts de renforcement des capacités des organisations indépendantes et représentatives de la société civile, grâce à son expertise dans un grand nombre de domaines, notamment en matière de dialogue social et de droits économiques et sociaux;

en aidant les conseils économiques et sociaux locaux par son savoir-faire en matière de démocratie participative;

en prenant part aux programmes de la Commission destinés à renforcer les organisations socioéconomiques.

1.19   Le CESE juge essentiel de travailler conjointement avec les institutions européennes pour soutenir les organisations de la société civile qui émergent dans les pays sud-méditerranéens. Le CESE modifiera son réseau de conseils économiques et sociaux et institutions similaires de la région Euromed et continuera en outre à promouvoir la coopération régionale par l'intermédiaire de ce réseau, tout en adhérant aux principes de conditionnalité et de différenciation définis par la nouvelle politique européenne de voisinage.

2.   Tirer des leçons du passé

2.1   Analyse critique des activités passées de l'UE

2.1.1   Par souci pratique et au nom du réalisme face à une absence globale d'environnement démocratique, à quelques rares exceptions près, l'UE s'est trouvée contrainte, d'une manière qui n'était pas toujours justifiée, d'infléchir ses politiques et de reconnaître la qualité d'interlocuteurs à des acteurs qui ne pouvaient être qualifiés, loin s'en fallait, de représentants démocratiques de leurs peuples.

2.1.2   Contenu par les politiques officielles de l'Europe et les positions prises tout aussi officiellement par les autres organes européens vis-à-vis des régimes au pouvoir en Afrique du Nord et au Proche-Orient, ainsi que par les orientations politiques et économiques découlant du processus de Barcelone, le CESE, qui se trouvait par ailleurs étroitement limité dans ses moyens budgétaires, a adopté une position pragmatique et a coopéré avec des conseils économiques et sociaux et des organisations officielles de la société civile qui ne disposaient pas toujours d'une légitimité démocratique suffisante et ne représentaient pas suffisamment la société civile.

2.1.3   Durant tout le déroulement du processus de Barcelone, l'UE n'a guère entretenu de contacts ou mené de collaboration avec les organisations de la société civile qui n'étaient pas reconnues par les régimes concernés et a laissé passer l'occasion d'influer sur les développements politiques et sociaux. Malgré tout, l'UE reste la seule grande puissance dans laquelle les sociétés locales placent leurs espoirs s'agissant d'amener la paix, d'établir et de consolider les libertés démocratiques, ainsi que de soutenir les économies locales.

2.1.4   Avant le soulèvement arabe, les États membres, tout en étant réalistes, présentaient de fortes divergences et avaient des opinions contrastées dans leurs politiques vis-à-vis des pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient, de sorte qu'ils n'ont pas su percevoir les processus d'une portée exceptionnelle qui se déroulaient au plan politique, économique et social et qu'ils ont été totalement surpris par l'intensité et l'ampleur des événements, qui ont débouché sur ces changements imprévus.

2.1.5   Après ces bouleversements, l'UE doit se rapprocher des sociétés locales, tirer des leçons du passé, apprendre à connaître les usages, mœurs et traditions des populations, appréhender la culture de chacune desdites sociétés (qui présentent des différences marquées d'un pays à l'autre), et nouer une collaboration pour soutenir les régimes qui émergeront par des processus démocratiques authentiques et libres.

3.   Conditions et perspectives actuelles

3.1   Le CESE estime qu'un certain nombre de problématiques - constituant des motifs de mécontentement des sociétés locales, qui se sont exacerbés depuis de nombreuses années - doivent être traitées avec urgence: l'utilisation d'infrastructures industrielles (moyens de production) de pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient par certains groupes qui avaient des intérêts et des contacts auprès des régimes précédents dépourvus de légitimité démocratique; la distribution injuste ou inégalitaire de la richesse et de la prospérité; l'explosion des prix d'aliments de première nécessité, qui les a rendus à la longue inaccessibles aux citoyens ordinaires; le besoin de protéger les droits individuels ainsi que les droits sociaux et syndicaux; l'aspiration au bien-être économique et social et à l'éducation.

3.2   La situation politique actuelle de la plupart des pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient qui sont riverains de la Méditerranée présente les caractéristiques suivantes:

i.

l'espoir de l'avènement de régimes démocratiques et libres,

ii.

la nécessité d'une aide pour redresser leur économie,

iii.

les premières manifestations d'activité d'organisations libres – qu'elles soient établies de longue date ou aient été créées récemment – représentant la société civile et les acteurs socioéconomiques,

iv.

la nécessité d'une assistance internationale coordonnée et bien organisée, que ce soit de la part de l'UE (laquelle, depuis l'adoption du traité de Lisbonne, dispose de tous les canaux nécessaires pour assumer une politique extérieure commune), de la haute représentante et vice-présidente de la Commission (HR/VP) et du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), ou de la part des autres organisations internationales (ONU, OIT, FMI, BEI, etc.). À cet égard, il serait très utile de développer des contacts avec des instituts de recherche spécialisés dans la région Euromed (par exemple, l'IPEMED et le FEMISE).

Le CESE estime que l'UE doit parler .

3.3   Les revendications communes à toute la zone de la Méditerranée méridionale sont l'établissement et la consolidation de la démocratie, la stimulation du progrès économique et social ainsi que des formations et des emplois pour les nouvelles générations.

3.4   Dans leur grande majorité, les pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient sont confrontés au défi que représente une population majoritairement composée de jeunes, ce qui signifie qu'ils doivent dégager immédiatement des solutions pour ce segment particulièrement productif de leur population, en encourageant l'emploi par des programmes appropriés de formation et d'enseignement tout en renforçant les droits civils et l'égalité entre les hommes et les femmes.

3.5   L'implantation des valeurs et mécanismes de la démocratie ne pourra s'effectuer qu'à la condition d'adopter les principes d'une démocratie représentative fondée sur des élections libres et des partis politiques indépendants, et de soutenir et d'épauler les groupements de la société civile et les organisations socio-économiques, travaillant dans un cadre de sécurité, de liberté et d'indépendance.

3.6   Le CESE demande aux États membres de montrer leur solidarité vis-à-vis des pays méditerranéens de l'Union qui subissent des pressions migratoires:

a)

en collaborant avec Frontex,

b)

en instaurant des mesures financières spécifiques et en les soutenant,

c)

en aidant les pays partenaires de la région à soulager les souffrances humaines dans les pays ou régions ciblés.

3.7   Le CESE se félicite que le Conseil des ministres de l'UE ait nommé le diplomate espagnol Bernardino León Gross Représentant spécial de l'Union européenne pour le Sud de la Méditerranée, en réponse aux événements du soulèvement arabe. Sa nomination est un signe clair de la volonté de l'UE de maintenir son initiative dans la région. Le CESE invite le représentant spécial à travailler en étroite collaboration avec la société civile, qui joue un rôle central dans la région, et à utiliser à cette fin tous les canaux disponibles au niveau de l'UE.

4.   Les nouvelles politiques europeennes de voisinage

4.1   Le CESE salue les deux communications conjointes de la Commission et du SEAE (2), qui procèdent à une évaluation du cours suivi jusqu'à présent par la relation euro-méditerranéenne et à une première exploration des possibilités et perspectives qui s'ouvrent à l'issue du soulèvement arabe. Il souhaite souligner plus particulièrement les points suivants:

4.1.1

L'UE ne peut en aucun cas se cantonner dans un rôle de spectatrice passive des événements.

4.1.2

Le CESE a étudié en détail les communications conjointes de la Commission européenne et de la haute représentante et souscrit à toutes les mesures de développement proposées dans ces documents, tout en faisant remarquer que l'UE a perdu un temps considérable, depuis le lancement du processus de Barcelone en 1995, avant de procéder à l'évaluation et à la reprogrammation de ces mesures.

4.1.3

L'UE doit immédiatement mettre en œuvre le nouveau «partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée en Méditerranée».

4.1.4

Dans le cadre d'un nouveau partenariat, l'approche par pays doit être différenciée, en fonction des développements politiques et sociaux afférents. Les États qui ont accompli davantage de progrès devront avoir la possibilité de recevoir des financements plus importants et d'approfondir plus avant leur coopération politico-économique avec l'UE. L'axe central des rapports de l'Union avec tous les pays doit consister à définir un ensemble précis de principes (démocratie, protection des droits individuels, etc.) et à leur fournir des incitants tangibles, liés à des objectifs politiques concrets (lutte contre la corruption, indépendance du pouvoir judiciaire et des médias, etc.). De même, il conviendra d'établir des garde-fous spécifiques pour qu'en cas de revirements ou de retards, les versements soient suspendus en conséquence.

4.1.5

La tenue d'élections libres et non faussées constitue le préalable obligé, absolument non négociable, pour la conclusion de ce partenariat.

4.1.6

Procédant de la base pour remonter vers le sommet, le soutien fourni par la société civile organisée constitue une condition sine qua non pour assister les nouveaux régimes démocratiques et garantir les droits économiques et sociaux, protéger l'environnement et assurer le développement socio-économique. Le CESE est prêt à réagir sur ce point, en exploitant l'expérience dont l'ont doté ses activités à travers le monde mais aussi les connaissances spécifiques de ses membres, sous la forme d'actions de soutien menées en collaboration avec la Commission, le Parlement et le Comité des régions.

4.1.7

Le soulèvement arabe devant beaucoup au rôle spécifique que les jeunes et les femmes ont joué tout au long des soulèvements, il conviendra dès lors de veiller plus particulièrement à garantir leurs droits et à revaloriser la place qui leur sera donnée dans les nouveaux régimes démocratiques. À cette fin, le CESE invite l'ensemble des pays de la région Euromed à ratifier la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

4.1.8

Le dialogue social libre entre employeurs et travailleurs, qui est une condition du maintien de la stabilité économique et sociale, aura une fonction particulièrement importante pour approfondir la démocratie et ancrer les libertés syndicales.

4.1.9

Lutter contre la corruption, assurer une gouvernance honnête et créer une administration publique efficace constitue la condition nécessaire et suffisante pour assurer la prospérité de l'économie et attirer les investissements directs étrangers (IDE) qui conforteront les régimes démocratiques et produiront de nouveaux emplois.

4.1.10

L'instauration de partenariats en matière de mobilité et d'infrastructures dans les pays de la Méditerranée, concernant les domaines des frontières, de l'émigration et de l'asile, aura pour effet d'accroître la sécurité en zone méditerranéenne.

4.1.11

La création de PME dans les pays méditerranéens constitue un facteur important pour leur développement économique et la création d'emplois supplémentaires, dans un cadre réglementaire sain et un environnement financier favorable. Dans ce domaine, la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP) et le Fonds européen d'investissement (FEI) ont vocation à assumer une mission importante.

4.1.12

L'analphabétisme constitue l'un des problèmes sociaux majeurs des pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient et il conviendra de déployer des efforts particuliers pour le combattre. L'Union européenne peut et doit jouer un rôle de soutien à cet égard. Elle devrait également soutenir la formation commerciale et le développement des compétences.

4.1.13

Le CESE soutient la création d'un «Fonds européen pour la démocratie», dont l'objectif sera d'appuyer, par des actions ciblées, les processus démocratiques dans les États du Sud de la Méditerranée, en aidant à la création de partis politiques et de médias libres et, surtout, en renforçant la société civile (organisations de travailleurs et d'employeurs, ONG, organisations agricoles, associations de femmes et autres acteurs sociaux). Se fondant sur son expérience, le CESE estime indispensable de prévoir un instrument spécifique pour la société civile, tel que celui proposé dans le cadre de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat, et invite à augmenter les financements qui lui sont destinés. Le CESE souhaite vivement contribuer à cet instrument en coopération avec les autres instances européennes, et à offrir son expertise. De plus, le CESE appelle la Commission à reconnaître le rôle particulier que peuvent jouer les organisations socioprofessionnelles dans l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP), notamment dans le futur instrument pour la société civile.

4.1.14

Le CESE rejoint les institutions européennes pour estimer que la zone méditerranéenne est, depuis de très nombreuses années, en proie à une tension permanente du fait du conflit israélo-palestinien, qui complique tout effort de dialogue ou d'action commune; aussi exhorte-t-il la haute représentante et vice-présidente à poursuivre ses efforts soutenus pour dégager une solution acceptable par toutes les parties. Dans cette affaire extrêmement délicate, l'UE doit s'exprimer d'une seule voix.

4.1.15

Le CESE partage la position de la Commission s'agissant de faciliter la délivrance de visas pour des partenaires méditerranéens sélectionnés et, en temps plus opportun, d'abolir ce régime de visas pour les pays qui pourront collaborer plus étroitement avec l'UE sur les questions de mobilité, d'asile, de refoulement et d'action contre l'immigration clandestine et le trafic des êtres humains.

4.1.16

Le CESE est d'avis que dans une région qui présente une forte diversité religieuse et politique, le respect des libertés tant religieuses que civiles constitue un droit humain fondamental qu'il convient de protéger pleinement. Il appelle les pays qui n'ont pas encore ratifié les conventions et accords universels et régionaux sur les droits politiques, civils et culturels, ainsi que sur les droits économiques et sociaux, fondés sur la Déclaration universelle des droits de l'homme, à le faire sans tarder.

4.1.17

Les médias de la région Euromed jouent un rôle essentiel pour relayer et diffuser les résultats des évolutions en cours. Le soutien apporté par l'UE doit se concentrer sur des initiatives destinées à renforcer le professionnalisme et l'indépendance des médias existants et à améliorer les conditions favorisant la diversité et la liberté des médias.

5.   Renforcer la cooperation avec la societe civile de la region mediterraneenne

5.1   Après le soulèvement arabe, durant lequel le cours des événements les avaient pris au dépourvu et privés, pour une réaction à chaud, de toute possibilité de substitution autre que les actions humanitaires, les instances européennes ont admis qu'à l'avenir, l'UE devrait concentrer l'essentiel de son attention sur les organisations de la société civile et les autres organes socioprofessionnels indépendants.

5.2   Les deux communications de la Commission et de la haute représentante et vice-présidente comportent déjà des chapitres spécifiquement consacrés à des actions en faveur de la société civile, s'inscrivant dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV) et de l'Union pour la Méditerranée.

6.   Le role de la commission

6.1   Il convient d'aider les pays du Sud de la Méditerranée à instaurer et renforcer les mécanismes qui contribuent à organiser et faire fonctionner correctement la société civile et les organisations socio-économiques (législation, détermination de critères d'action, consolidation des institutions, exigence d'un dialogue démocratique ouvert, sans exclusives, etc.).

6.2   Il est essentiel de coopérer avec les États membres, et indispensable de redéfinir le rôle et la mission de l'Union pour la Méditerranée (3) et de veiller à ce que ses programmes fassent droit à la participation active des organisations reconnues de la société civile.

7.   Le role specifique du CESE

7.1   En tant qu'organe représentant la société civile européenne, le CESE peut participer activement au nouveau cadre européen de coopération avec les sociétés méditerranéennes, en menant les actions suivantes:

en cernant la situation actuelle de la société civile dans les pays sud-méditerranéens, grâce à un dialogue démocratique ouvert et régulier mené avec un large éventail d'acteurs;

en aidant à définir des critères et mécanismes spécifiques pour entériner qu'une organisation représente réellement une fraction de la société et qu'elle fonctionne d'une manière démocratique et indépendante, en coopération avec d'autres intervenants;

en soutenant les efforts de renforcement des capacités des organisations indépendantes et représentatives de la société civile, grâce à son expertise en matière de dialogue social, de droits économiques et sociaux, de formation professionnelle, de bonne gouvernance, d'égalité sur le marché du travail, de développement durable, de cohésion sociale, de protection des consommateurs, de coopératives, de PME, de capacité de sensibilisation, d'immigration, de développement rural et de droits des femmes;

en aidant les conseils économiques et sociaux locaux par son savoir-faire en matière de démocratie participative;

en prenant part aux programmes de la Commission destinés à renforcer les organisations socioéconomiques.

7.2   Le CESE a la conviction qu'il y a lieu d'encourager le dialogue social entre employeurs et travailleurs dans les pays méditerranéens et qu'il peut œuvrer à la réalisation de cet objectif grâce à la contribution de son groupe des employeurs et de son groupe des travailleurs, qui créeraient un réseau de communication avec leurs homologues. Il appelle en outre à promouvoir le dialogue social structuré par le biais d'un forum social.

7.3   Le CESE juge essentiel de travailler conjointement avec les institutions européennes pour soutenir les organisations de la société civile qui émergent dans les pays sud-méditerranéens, et notamment celles qui étaient directement impliquées dans les soulèvements à l'origine des révolutions, de sorte qu'elles obtiennent la reconnaissance politique et le soutien financier dont elles ont besoin pour continuer de jouer leur rôle dans les processus démocratiques.

7.4   Le CESE a d'ores et déjà entamé une série de missions dans les pays d'Afrique du Nord (Tunisie, Maroc) et s'apprête à organiser un forum avec les ONG Euromed en septembre 2011, ainsi que son sommet annuel, en novembre prochain, à Istanbul, avec une large participation de la société civile. Par ailleurs, il a formulé des recommandations dans ses avis et résolutions sur la coopération euro-méditerranéenne (4) et dans sa déclaration finale du sommet Euromed des conseils économiques et sociaux et institutions similaires à Rome en 2010. Cette déclaration comprend un certain nombre de recommandations concernant des sujets d'intérêts récents pour la société civile Euromed, comme la création d'une Assemblée des conseils économiques et sociaux et institutions similaires s'inscrivant dans l'architecture institutionnelle de l'UpM. Les autres questions à l'ordre du jour étaient le travail décent et le développement durable dans la région méditerranéenne, la formation professionnelle comme moteur de la compétitivité et de la création d'emplois, l'instauration d'une société plus équitable dans la région Euromed et les politiques agricoles des pays de l'UpM. Le CESE travaille de plus en étroite collaboration avec les Conseils économiques et sociaux des États membres riverains de la Méditerranée.

7.5   Le CESE modifiera son réseau de conseils économiques et sociaux et institutions similaires de la région Euromed et continuera en outre à promouvoir la coopération régionale par l'intermédiaire de ce réseau, qui peut servir de forum d'échanges entre les partenaires de la société civile des rives Nord et Sud de la Méditerranée.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Communication conjointe au Conseil européen, au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: «Un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée avec le Sud de la Méditerranée», COM(2011) 200 final du 8.3.2011, et Communication conjointe au Conseil européen, au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: «Une stratégie nouvelle à l'égard d'un voisinage en mutation», COM(2011) 303 final, du 25.5.2011.

(2)  Voir note 1 ci-dessus.

(3)  Voir la Résolution du Comité des régions du 12 mai 2011: «Gérer l'impact et les conséquences des révolutions dans la région méditerranéenne» (JO C 192 du 1.7.2011, pp. 1-3).

(4)  Résolution sur «La situation dans les pays du sud de la Méditerranée»; JO C 132 du 3.5.2011, pp. 1-2); avis sur l'«Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'Homme (IEDDH)», JO C 182 du 4.8.2009, pp. 13-18); avis sur «La liberté d'association dans les pays du partenariat Euromed», JO C 211 du 19.8.2008, pp. 77-81).


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/38


Avis du Comité économique et social européen sur le «Ciel unique européen II» (avis d'initiative)

2011/C 376/07

Rapporteur: M. KRAWCZYK

Le 20 janvier 2011, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème

«Ciel unique européen II».

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 22 juin 2011.

Lors de 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour et 1 abstention.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le système européen de gestion du trafic aérien (ATM) souffre de fragmentation et de carences depuis des décennies. La création d'un ciel unique européen (CUE) peut renforcer la sécurité et améliorer l'efficacité des opérations de vol. Cela permettrait de réduire significativement les émissions de CO2 par vol et d'atténuer considérablement les autres impacts sur l'environnement (les émissions de CO2 causées par les avions pourraient être réduites de 12 % par vol), tout en entraînant des économies de coûts considérables.

1.2   La création d'un ciel unique européen est aussi un facteur fondamental pour assurer la compétitivité du secteur européen de l'aviation sur le marché mondial. Il est essentiel que la Commission européenne joue un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du paquet «Ciel unique européen II» (CUE II). Ce n'est que grâce à une direction forte et incontestée de la Commission que l'on parviendra à surmonter avec succès les différents obstacles et problèmes politiques auxquels on s'est heurté au cours des précédentes années.

1.3   La réalisation du ciel unique européen dépendra dans une large mesure de la réussite de la mise en œuvre du dispositif d'amélioration des performances fondé sur des objectifs réalistes, mais ambitieux en matière de sécurité, de rentabilité, de rapports capacité/retards et d'efficacité des opérations de vol. Le CESE est préoccupé par le fait que le niveau actuel d'engagement des États membres de l'UE en faveur d'un ciel européen unique est insuffisant.

1.4   Il y a lieu de développer des blocs d'espace aérien fonctionnels (BEAF– abréviation anglaise: FAB) en fonction des besoins opérationnels et en ayant toujours présents à l'esprit la sécurité, la capacité de l'espace aérien, les objectifs d'accroissement de la rentabilité et les améliorations environnementales grâce à une augmentation de l'efficacité des opérations de vol. La Commission européenne devrait fixer – et surveiller de près – les paramètres des performances à respecter par les différentes initiatives des BEAF, à l'aide du cadre de suivi des performances du paquet législatif «Ciel unique européen II».

1.5   De l'avis du CESE, Eurocontrol pourrait jouer un rôle en renforçant les fonctions de gestion de réseau du système européen ATM, telles que la conception du réseau de routes, la gestion centrale des flux ainsi que celle des ressources limitées, mais uniquement à la condition que ce rôle soit conforme à la législation européenne, que la réforme de l'agence Eurocontrol soit menée à bien et que sa base de coût soit encore rationalisée. Le CESE se félicite de la décision de la Commission européenne de nommer Eurocontrol «gestionnaire de réseau» de l'Europe.

1.6   Le CESE estime que les objectifs de sécurité et de performance, ainsi que l'interopérabilité avec les systèmes ATM non européens (comme l'initiative NextGen des États-Unis) devraient demeurer le ressort principal du programme SESAR (système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien). Aussi le CESE considère-t-il qu'il convient de s'attaquer aux défis relatifs à la mise en place de SESAR, exposés ci-après:

assurer le déploiement synchronisé des améliorations apportées aux infrastructures aériennes et terrestres;

disposer de ressources financières adéquates et en temps utile pour la mise en place de SESAR;

définir la gouvernance appropriée au déploiement de SESAR.

1.7   La sécurité va au-delà des règlements de sécurité. Elle englobe aussi les capacités humaines, une culture de la sécurité, des compétences, de la formation et de la gestion des ressources des équipes. Dans ce contexte, il est important:

d'être conscient des performances humaines s'agissant de gérer par anticipation les risques de sécurité;

de s'assurer que les professionnels disposent d'un niveau approprié de compétence et de formation,

de promouvoir la participation des partenaires sociaux à la mise en œuvre du ciel unique européen à tous les niveaux; et

de bâtir une culture solide de la sécurité qui intègre la culture de la communication transparente des informations et la «culture juste» en tant que fondement de la sécurité des opérations.

1.8   Le CESE observe que le paquet «Ciel unique européen II» a élargi le champ d'action du système de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) à la réglementation de la sécurité de l'ATM à l'échelle européenne, garantissant ainsi une approche intégrée, selon un concept de porte à porte, de la réglementation et de la surveillance relatives à la sécurité de l'ATM au sein de l'UE.

2.   Introduction

2.1   La création d'un ciel unique européen peut renforcer la sécurité et améliorer l'efficacité des opérations de vol. Cela permettrait de réduire significativement les émissions de CO2 par vol et d'atténuer considérablement les autres impacts sur l'environnement (les émissions de CO2 causées par les avions pourraient être réduites de 12 % par vol), tout en entraînant des économies de coûts considérables.

2.2   La création d'un ciel unique européen est aussi un facteur fondamental pour assurer la compétitivité du secteur européen de l'aviation sur le marché mondial. De plus, suivant les prévisions, le système ATM actuel sera incapable de répondre à l'augmentation du trafic qui se produira entre aujourd'hui et 2030 en raison d'une hausse de la demande (selon les dernières prévisions à long terme d'Eurocontrol, le trafic aérien va augmenter jusqu'à atteindre 16,9 millions de vols en 2030, soit 1,8 fois le niveau actuel du trafic).

2.3   Un premier paquet «Ciel unique européen» (CUE I) est entré en vigueur en 2004. À l'époque, le problème majeur de la gestion du trafic aérien était l'encombrement de l'espace aérien et les retards qui en découlaient: cette question a donc été, avec celle de la sécurité, au cœur du CUE I.

2.4   Ces dernières années, la situation de l'ATM a quelque peu changé: si la sécurité et la capacité restent des objectifs majeurs, la situation s'est diversifiée, l'accent étant davantage mis sur l'environnement (efficacité des opérations de vol) et la rentabilité. En outre, l'approche réglementaire a été modifiée suite aux demandes des États membres et des parties prenantes, au profit d'une approche moins prescriptive (le «mieux légiférer»).

2.5   Même si quelques objectifs du ciel unique européen ont été réalisés, les difficultés rencontrées par les États membres pour atteindre certains objectifs du paquet CUE I et la nécessité de mettre à jour d'autres objectifs, comme ceux qui touchent à l'environnement et aux performances, sont à l'origine du lancement du paquet «Ciel unique européen II» (CUE II). Il a été adopté par le législateur européen en 2009 et publié au Journal officiel le 14 novembre 2009. Ce paquet législatif fournit les outils essentiels, le cadre juridique et les grands axes qui permettront de mettre en œuvre un ciel unique européen à partir de 2012.

2.6   Par ailleurs, le programme SESAR a été lancé en tant que complément technique et opérationnel aux réformes institutionnelles envisagées dans le cadre du paquet «Ciel unique européen II».

2.7   Toutefois, des défis considérables subsistent. Dépasser ces obstacles exigera de procéder à des améliorations opérationnelles majeures ainsi que d'adopter des mesures politiques continues pour garantir une mise en œuvre rapide du paquet CUE II en se fondant sur des objectifs de performance ambitieux et en visant l'objectif final de combler le fossé qui existe sur le plan des performances entre le système ATM européen et les systèmes ATM d'autres parties du monde.

2.8   Le CESE a déjà insisté sur la nécessité de disposer d'un ciel unique européen dans des avis antérieurs, notamment les dossiers TEN 354 et 355 visant à améliorer la performance du système d'aviation européen grâce au paquet CUE II. Le présent avis d'initiative a pour objet de fournir une vision de haut niveau qui doit guider la mise en œuvre du paquet CUE II et de déployer SESAR. Il aborde les aspects suivants:

mise en œuvre du dispositif d'amélioration des performances du paquet CUE II, avec des objectifs de performance ambitieux;

mise en œuvre de blocs d'espace aérien fonctionnels, fondés sur ces objectifs de performance ambitieux;

renforcement des fonctions du réseau européen de gestion du trafic aérien, à partir d'une réforme d'Eurocontrol;

réforme d'Eurocontrol, en vue de soutenir le projet de ciel unique européen avec une base de coûts moindre;

SESAR en tant qu'élément technique et opérationnel du ciel unique européen doté d'un financement public pour en soutenir la phase de mise en œuvre;

recours à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) en tant que régulateur unique de la sécurité, avec des règles de sécurité fondées sur les principes en la matière et s'appuyant sur les règles existantes.

Tous ces aspects devraient être sous-tendus par un principe d'attention portée aux facteurs humains et au dialogue social avec le personnel en première ligne, ainsi qu'une consultation appropriée de l'ensemble des acteurs concernés.

3.   Mise en œuvre du dispositif d'amélioration des performances du paquet CUE II, avec des objectifs de performance ambitieux

3.1   La réalisation du ciel unique européen dépendra dans une large mesure de la réussite de la mise en œuvre du dispositif d'amélioration des performances fondé sur des objectifs ambitieux en matière de sécurité, de rentabilité, de rapport capacité/retards et d'efficacité des opérations de vol. Un engagement politique sans faille sera nécessaire pour garantir qu'il sera possible de bénéficier rapidement des avantages gagnés. Dans ce contexte, le CESE souligne qu'il importe que les États membres de l'UE respectent leurs engagements à accélérer la mise en place d'un ciel européen unique, comme il a été décidé lors du Conseil «Transports» de mai 2010. Le CESE est préoccupé par le fait que le niveau actuel d'engagement des États membres de l'UE en faveur d'un ciel européen unique est faible.

3.2   Le CESE estime qu'il est essentiel d'assurer une cohérence entre les objectifs de performance à l'échelle de l'UE et les objectifs des blocs d'espace aérien fonctionnels nationaux. Il faudra à cette fin mettre en place un système de résolution des incohérences entre ces différents objectifs. Cela signifie en pratique que les pays ayant les moins bonnes performances devront avoir des objectifs plus ambitieux que ceux ayant de meilleurs résultats. Pour définir les objectifs détaillés des fournisseurs d'ATM individuels, il conviendra d'utiliser les rapports de la commission d'examen des performances d'Eurocontrol portant sur les seuils de performance des ATM. En liaison avec les autres objectifs de performance, il conviendrait d'élaborer et de mettre en œuvre des objectifs en matière de distances de sécurité afin d'assurer une approche équilibrée. À cet égard, l'on ne devrait pas transiger sur les niveaux de sécurité, et la sécurité devrait continuer d'être améliorée.

3.3   Le CESE souligne qu'il importe de préserver l'indépendance des autorités nationales de surveillance (ANS) vis-à-vis des prestataires de services de navigation aérienne (PSNA) ainsi que de toute interférence politique; cela est essentiel pour garantir une mise en œuvre réussie. En conséquence, il faut allouer des ressources appropriées aux ANS. La Commission européenne devrait assurer un suivi minutieux du strict respect de ces principes, en utilisant les outils disponibles au sein du paquet CUE II. De plus, les autorités nationales de surveillance devraient assurer une meilleure coordination de leurs activités en recourant abondamment à la plate-forme des ANS qui a été créée et, le cas échéant, une consolidation devrait être envisagée dans le cadre des BEAF pour garantir des économies d'échelle et prévenir une augmentation des coûts de surveillance. A cette fin, il convient de renforcer le rôle du coordinateur des BEAF.

3.4   Le dispositif d'amélioration des performances devrait concerner à la fois les redevances de route et de terminaux. Il est essentiel de garantir que les compagnies aériennes et les passagers en retirent des avantages significatifs, en se fondant sur le concept de porte à porte. Le fait d'établir une feuille de route claire contribuerait à réduire à long terme les coûts directs et indirects du système ATM de l'Union européenne, et par conséquent à réduire les redevances du contrôle de la circulation aérienne (ATC) facturées aux usagers de l'espace aérien, qui touchent donc les passagers comme les usagers du fret.

3.5   Le CESE estime que le dispositif d'amélioration des performances du CUE II devrait être associé à un dispositif d'incitation bien développé. L'incitation la plus forte consistera à abolir le système de recouvrement du coût total de l'ATM, conformément à ce qui a déjà été convenu dans le paquet CUE II, et à le remplacer par un système de coûts fixes.

3.6   Il convient aussi que les fonctions de réseau, telles que l'Unité centrale de gestion des flux (CFMU) et le Service central de redevances de route (SCRR) au sein d'Eurocontrol soient fondées sur des objectifs de performance clairs, qui devraient toutefois comporter des clauses garantissant que l'organe d'évaluation des performances soit strictement indépendant de ces fonctions de réseau.

4.   Mise en œuvre des blocs d'espace aérien fonctionnels (BEAF) sur la base de ces objectifs de performance ambitieux

4.1   Parvenir à un nombre minimum de blocs d'espace aérien fonctionnel (BEAF, abréviation anglaise: FAB) reposant principalement sur les exigences, la capacité et la rentabilité du trafic aérien demeure un objectif à atteindre. Les mesures de sécurité et les procédures devraient être les mêmes pour tous les BEAF. Ces derniers sont un outil essentiel pour permettre aux différents prestataires de services de navigation aérienne d'atteindre les objectifs de performance ambitieux à partir de 2012.

4.2   Les BEAF doivent être élaborés en fonction des besoins opérationnels, en ayant toujours présents à l'esprit la sécurité, la capacité maximale de l'espace aérien, les objectifs d'accroissement de la rentabilité et les améliorations environnementales grâce à une augmentation de l'efficacité des opérations de vol. La réalisation de ces objectifs exige un engagement politique et un contrôle au plus haut niveau. La Commission européenne devrait fixer – et surveiller de près – les paramètres des performances à respecter par les différentes initiatives des BEAF, à l'aide du cadre de suivi des performances du paquet législatif «Ciel unique européen II» (CUE II).

4.3   Les blocs d'espace aérien fonctionnel doivent garantir l'intégration technique progressive du système européen pour la gestion du trafic aérien, aujourd'hui trop fragmenté, sur la base d'une feuille de route assortie d'objectifs clairs. Pour y parvenir, une coordination clairement définie et une coopération entre les différents blocs sont nécessaires.

4.4   En ce qui concerne les changements des méthodes de travail, il est indispensable d'entretenir de bonnes relations industrielles. On ne peut y parvenir qu'à travers une consultation adéquate et permanente dans le vrai sens du terme. Au fur et à mesure que l'on avance, il est impératif de mener un véritable dialogue social si l'on veut éviter les problèmes dans le futur. Les travailleurs sont des atouts majeurs des entreprises et les changements des méthodes de travail, s'ils ne sont pas convenablement gérés, peuvent provoquer un malaise social.

4.5   Aux termes de la réglementation relative au ciel unique européen, les prestataires de services de navigation aérienne sont tenus de disposer de plans d'urgence pour l'ensemble des services qu'ils fournissent en cas d'événements conduisant à une dégradation significative ou à une interruption de leurs services. Les prestataires de services de navigation aérienne doivent concentrer leurs efforts sur des solutions plus efficaces et plus rentables en envisageant d'abord des possibilités de repli sur les infrastructures nationales existantes (autres centres de contrôle régional (CCR) ou équipements militaires) et anticiper les dispositions relatives aux blocs d'espace aérien fonctionnels pour faire face aux situations d'urgence.

4.6   La coopération entre les prestataires de services civils et militaires est cruciale pour le bon développement du ciel unique européen et l'élimination des goulots d'étranglement les plus importants au cœur de l'Europe. Les États membres et la Commission doivent rechercher une coopération entre les secteurs civil et militaire dans le contexte des BEAF qui concilie besoins civils et militaires de manière pragmatique et non politique. Compte tenu du fait que des pays européens non membres de l'UE et les États-Unis sont également impliqués, une coopération plus étroite avec l'OTAN s'impose. Le CESE se félicite de la réallocation de certaines zones d'entraînement militaires, loin des principaux courants de trafic aérien civil, qui a été envisagée par certains BEAF, et estime que cette politique devrait être activement poursuivie par toutes les initiatives relatives aux BEAF. En outre, la mise en œuvre d'un système de gestion du trafic aérien nocturne, comme ont envisagé pour certains BEAF, devrait également être poursuivie dans le cadre de tous les BEAF afin d'améliorer l'efficacité des opérations de vol nocturnes lorsque les zones de formation militaires ne sont pas utilisées.

4.7   Le CESE estime de même qu'il est essentiel d'étendre les BEAF et le principe du ciel unique européen au-delà des frontières de l'UE, en particulier aux pays voisins de l'Europe. Pour ce faire, un renforcement de la coopération au niveau international est nécessaire.

4.8   L'engagement politique est essentiel si l'on veut que les BEAF offrent de réels avantages aux utilisateurs finaux. La Commission européenne et le coordonnateur des BEAF pour l'UE devraient continuer à rappeler aux États membres qu'il est de leur devoir de mettre en œuvre le ciel unique européen et les BEAF.

5.   Désignation d'un responsable du réseau européen assurant les fonctions de gestion de réseau du système européen pour la gestion du trafic aérien

5.1   Le CESE reconnaît que le renforcement des fonctions de gestion de réseau – conception du réseau de routes, gestion centrale des flux et gestion des ressources limitées (radiofréquences et codes de répondeur radar) constitue un élément essentiel du paquet législatif «Ciel unique européen II».

5.2   De l'avis du CESE, Eurocontrol pourrait jouer un rôle dans ces tâches mais uniquement à la condition que ce rôle soit conforme à la législation européenne, que la réforme de l'Agence d'Eurocontrol soit menée à bien et que sa base de coût soit encore rationalisée. La restructuration de l'Agence exigera un fort engagement politique de tous les États membres d'Eurocontrol. Le CESE se félicite de la décision de la Commission européenne de nommer Eurocontrol «gestionnaire de réseau» de l'Europe.

5.3   Le CESE demande dès lors à la Commission européenne de veiller au strict respect de cet élément essentiel avant de confier cette mission à Eurocontrol.

5.4   Le CESE se déclare préoccupé par l'annonce de l'augmentation des retards des services de contrôle de la circulation aérienne (ATC) au cours de l'été 2011. Il invite Eurocontrol, en tant que gestionnaire de réseau du ciel unique européen, à trouver des solutions à court terme afin d'atténuer l'impact sur le trafic aérien et sur les voyageurs, en collaboration avec les prestataires de services de navigation aérienne et les usagers de l'espace aérien.

5.5   Enfin, le CESE souhaite rappeler que les éruptions de l'Eyjafjallajökull en Islande en 2010 ont causé des fermetures de l'espace aérien qui ont conduit à des perturbations importantes pour le secteur du transport aérien et pour les passagers. Ce phénomène a eu un impact considérable en termes de coût sur le secteur aéronautique et sur l'économie de l'UE dans son ensemble. À la suite de ces événements, un accord est intervenu suivant lequel l'Europe devait revoir ses procédures. C'est dans ce contexte que le CESE souligne la nécessité pour l'Europe d'aligner ses procédures sur les bonnes pratiques existant dans d'autres régions du monde, par exemple aux États-Unis. L'Europe est en effet la seule région du monde où la responsabilité de gérer les risques potentiels liés aux cendres volcaniques n'incombe pas aux compagnies aériennes. Le récent exercice de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) en la matière (avril 2010) a montré qu'en dépit des progrès effectués, des orientations plus strictes sont nécessaires afin d'éviter à l'avenir une approche trop fragmentée. Le CESE invite l'AESA à fournir des orientations claires à tous les États membres de l'UE afin qu'ils procèdent à un réexamen de leur politique.

6.   Réformer Eurocontrol dans la perspective du ciel unique européen et réduire la base de coût

6.1   Le CESE salue les progrès considérables accomplis par Eurocontrol sous l'égide de son directeur général qui a réussi à restructurer et à alléger l'organisation dans la perspective du ciel unique européen. Ce processus, qui n'est pas terminé, devrait être accéléré et exigera un engagement sans faille de la part de tous les États membres d'Eurocontrol.

6.2   Le CESE félicite Eurocontrol de la création, au sein de son Agence, du pilier CUE afin de fournir une assistance technique au ciel unique européen. Les différentes fonctions d'Eurocontrol, de même que leurs besoins en matière de ressources et leur mode de financement, doivent être absolument transparentes. Il va sans dire que ce n'est pas aux compagnies aériennes de payer pour des fonctions gouvernementales telles que celles relevant du pilier CUE. Les travaux entrepris afin de fixer les meilleurs principes de gouvernance pour Eurocontrol doivent être poursuivis, de manière à permettre de réaliser pleinement les objectifs du CUE.

6.3   Le CESE souligne également l'importance de maintenir une approche paneuropéenne qui ne se limite pas aux frontières de l'UE. La Commission européenne devrait dès lors étendre l'espace aérien européen commun à tous les pays voisins de l'Union européenne.

7.   SESAR en tant que composante technique et opérationnelle du ciel unique européen dotée d'un financement public pour soutenir sa phase de mise en œuvre

7.1   Le programme SESAR a été créé en tant que complément technique et opérationnel au ciel unique européen II. La Commission européenne compte sur SESAR pour «bâtir un futur système européen ATM pour 2020 et au-delà qui puisse, par comparaison avec les performances actuelles:

permettre de tripler les mouvements du trafic aérien tout en écourtant les retards;

améliorer la sécurité des opérations d'un facteur 10;

permettre de réduire de 10 % par vol les incidences sur l'environnement et

fournir aux usagers de l'espace aérien des services ATM à un prix réduit de moitié au moins.»

7.2   Le CESE estime que ces objectifs, ainsi que l'interopérabilité avec les systèmes ATM non européens (comme l'initiative NextGen des États-Unis) devraient demeurer le ressort du programme SESAR. Le CESE se réjouit l'accord de coopération qui a été signé le 3 mars 2011 à Budapest entre SESAR et NextGen; il y voit un pas en avant vers une meilleure synchronisation des deux projets de développement les plus importants en matière de systèmes ATM mondiaux.

7.3   Le CESE estime qu'il est capital de continuer à associer le personnel en première ligne au développement de SESAR. Dès lors, il apparaît essentiel de le former à l'utilisation des nouvelles technologies et des nouveaux concepts opérationnels.

7.4   Le CESE souhaite souligner qu'en dépit des avantages qu'il présentera à long terme pour les usagers de l'espace aérien, les citoyens de l'UE et l'environnement, SESAR est confronté à plusieurs défis complexes s'agissant de son déploiement. Sa mise en œuvre efficace et en temps utile est capitale. En plus d'un engagement de l'industrie fort, il devra bénéficier d'un soutien politique et financier considérable sous forme de partenariat public-privé. Dès lors, la mise en place de SESAR pourrait faire partie intégrante de la stratégie Europe 2020, de manière à le doter d'une gouvernance économique solide fondée sur un modèle économique clair ainsi que la coopération et l'harmonisation mutuelles avec le système NextGen des États-Unis.

7.5   Aussi le CESE considère-t-il qu'il convient de s'attaquer aux défis relatifs à la mise en œuvre de SESAR, exposés ci-après.

7.5.1   Assurer le déploiement synchronisé des améliorations apportées aux infrastructures aériennes et terrestres.

Il y a lieu d'actualiser le plan directeur définissant une feuille de route claire en vertu de laquelle la Commission, les États membres, les prestataires de services de navigation aérienne et les usagers de l'espace aérien s'engagent à assurer une plus grande cohérence avec le cadre du ciel unique européen, y compris pour les blocs d'espace aérien fonctionnel. L'entreprise commune SESAR devrait de toute urgence donner un degré de priorité élevé à l'examen des travaux entrepris à ce jour et définir la façon dont chaque instrument du ciel unique européen contribuera aux objectifs de performance de l'UE, des blocs d'aériens fonctionnels et des pays.

Les technologies SESAR devraient être mises en place selon un modèle économique positif et bien établi, comportant un argumentaire de sécurité crédible et une analyse de rentabilité crédible et positive, sur la base duquel on pourrait se mettre d'accord sur les besoins en matière d'amélioration des performances et les définir. Dans les cas où il n'est pas possible de démontrer que les technologies concourent à la réalisation des objectifs paneuropéens (y compris en matière de sécurité) ou qu'elles permettent une transition sûre et en temps voulu, alors il conviendra d'abandonner les travaux.

Pour réaliser le plan directeur SESAR, l'engagement sans réserve de tous les États membres sera nécessaire.

7.5.2   Disposer de ressources financières adéquates et en temps utile pour la mise en place de SESAR.

7.5.2.1   La mise en œuvre de SESAR créera une valeur considérable dans les domaines économique, environnemental et stratégique pour l'Europe dans son ensemble. Un retard de dix ans dans la mise en œuvre de SESAR représente un impact négatif direct de plus de 150 milliards d'euros pour le PIB de l'UE à 27, et une perte d'efficacité énergétique supérieure à 150 millions de tonnes de CO2.

7.5.2.2   Cela étant, le déploiement de SESAR exige des investissements d'un montant total supérieur à 30 milliards d'euros, et le financement précoce et l'équipement des infrastructures (aériennes et terrestres) constituent un enjeu important si l'on veut enregistrer les résultats attendus de la mise en œuvre des nouvelles technologies le plus tôt possible.

7.5.2.3   Les difficultés de financement de la mise en place de SESAR proviennent de la déconnexion partielle des investissements et des bénéfices durant la phase de transition. Ainsi une compagnie aérienne investissant dans un nouvel équipement aérien ne verra aucun bénéfice poindre avant que les prestataires de services de navigation aérienne n'aient consenti les investissements correspondants. D'un autre côté, pour un prestataire de services de navigation aérienne (qui devra investir dans un contexte où les performances seront limitées en vue de générer des profits), le modèle économique peut ne pas être positif avant qu'un nombre significatif d'avions soient équipés. Enfin, des changements peuvent se produire, bénéfiques pour l'ensemble du réseau et l'activité économique, qui demanderont toutefois à certains acteurs d'investir alors que cela demeurera pour eux un coût net. En pareil cas, il conviendrait de prévoir un financement.

7.5.2.4   Les fonds débloqués par l'UE pour soutenir la mise en place de SESAR seraient donc utilisés pour garantir une adoption synchronisée et rapide de la technologie afférente par les opérateurs (prestataires de services de navigation aérienne, usagers de l'espace aérien, aéroports). Qui plus est, afin de s'assurer des investissements constants dans la R&D et l'innovation, des moyens supplémentaires, de l'ordre de ceux mis à disposition pour la phase actuelle de R&D, seraient nécessaires pour la période 2014-2020 dans le domaine de l'ATM.

7.5.2.5   Pour tenir le rythme qui convient afin d'atteindre les objectifs de performance de l'ATM, l'on estime que le déploiement de SESAR nécessite un financement de l'UE à hauteur d'environ 3 milliards d'euros, une somme qui serait complétée en combinant différentes facilités financières actuellement à l'examen, comme par exemple - mais pas limitées à cela – des fonds propres de l'industrie, des obligations liées aux projets européens, des garanties, des prêts de la BEI, etc. Pour la période couvrant 2014 à 2020, on peut donc conclure que:

faute d'une véritable allocation de ressources par l'UE pour soutenir SESAR, il apparaît peu probable que ce programme soit mis en œuvre à temps.

7.5.3   Définir la gouvernance appropriée au déploiement de SESAR.

Il convient de créer une entité indépendante pour le déploiement de SESAR, qui intègre son financement et sa mise en place en un seul cadre unique de gestion.

Cette entité devrait être tournée vers l'industrie et dans sa structure de gouvernance devraient figurer des usagers de l'espace aérien, des aéroports et des prestataires de services de navigation aérienne, qui sont les principaux preneurs de risque. Il conviendrait que les autres acteurs de l'aviation soient dûment consultés.

Les représentants des travailleurs du secteur du transport aérien devraient être dûment consultés tout au long de la phase de mise en œuvre de SESAR.

Le rôle des fabricants (équipementiers) dans la phase de développement consiste avant tout à vendre aux compagnies aériennes, aux aéroports et aux prestataires de services de navigation aérienne un équipement conforme aux exigences de SESAR. Afin d'éviter les conflits d'intérêt, il faudrait donc que les fabricants ne participent pas à la gouvernance de la mise en place de SESAR, contrairement à ce qui se passe actuellement pour la gouvernance de l'entreprise commune SESAR.

Cette entité devrait assurer la coordination au niveau européen du déploiement synchronisé des technologies SES conformément aux objectifs contraignants du réseau. Ce faisant, elle pourrait émettre des recommandations concernant le financement.

7.6   Enfin, le CESE souhaite signaler que SESAR ne sera en mesure de donner des résultats que si les problèmes politiques et institutionnels évoqués dans les paragraphes précédents sont résolus sans délai supplémentaire et si le financement public nécessaire est débloqué pour la mise en œuvre.

8.   Régulateur européen unique en matière de sécurité sur la base du système de l'AESA

8.1   Le CESE observe que le paquet «Ciel unique européen II» a élargi le champ d'action du système de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) à la réglementation de la sécurité de l'ATM à l'échelle européenne, garantissant ainsi une approche intégrée, selon un concept de porte à porte, de la réglementation et de la surveillance relatives à la sécurité de l'ATM au sein de l'UE.

8.2   Le fait de confier à l'AESE des fonctions de surveillance renforcées (visant par exemple à contrôler les prestations des ANS pour s'assurer que les prestataires de services de navigation aérienne respectent les exigences communes) contribuerait à la réalisation des objectifs du CUE.

8.3   S'il soutient ce principe, le CESE juge qu'il est essentiel de surveiller étroitement la mise en œuvre pratique des nouvelles compétences dévolues à l'AESE. Il est important que les règles de sécurité de l'AESA en matière de gestion du trafic aérien s'appuient sur les règles existantes du ciel unique européen: l'AESA ne doit pas essayer de réinventer la roue moyennant des règles pesantes qui n'auraient aucune justification sur le plan de la sécurité.

8.4   Le CESE estime qu'à court terme, il convient de recourir aux ressources et à l'expertise d'Eurocontrol en tant que soutien technique aux activités réglementaires relatives à la sécurité de l'ATM menées par l'AESA.

8.5   Enfin, le CESE souhaite réaffirmer l'importance que revêt une «culture juste» comme il l'a déjà souligné dans son avis TEN/416 relatif au règlement sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile. Par souci de sécurité de l'aviation, il est essentiel de proposer un cadre juridique où toutes les parties impliquées dans des accidents ou incidents puissent partager les informations et s'exprimer librement et en confiance. Le CESE souligne qu'il est nécessaire d'agir davantage au niveau de l'UE pour garantir que tous les États membres modifient leur système pénal national en vue de développer une «culture juste». Le CESE insiste en particulier sur l'importance de créer une «charte européenne de la culture juste».

9.   Sécurité et facteurs humains

La sécurité va au-delà des règlements de sécurité. Elle englobe aussi les capacités humaines, une culture de la sécurité, des compétences, de la formation et de la gestion des ressources des équipes.

Dans ce contexte, il est important:

d'être conscient des performances humaines, notamment des effets de la fatigue, s'agissant de gérer par anticipation les risques de sécurité;

de s'assurer que les professionnels disposent d'un niveau approprié de compétence et de formation;

de promouvoir la participation des partenaires sociaux à la mise en œuvre du ciel unique européen à tous les niveaux;

de bâtir une culture solide de la sécurité qui intègre la culture de la communication transparente des informations et la «culture juste» en tant que fondement de la sécurité des opérations.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


III Actes préparatoires

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011

22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/44


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: L'Europe, première destination touristique au monde — un nouveau cadre politique pour le tourisme européen»

COM(2010) 352 final

2011/C 376/08

Rapporteur: M. GKOFAS

Le 30 juin 2010, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: L'Europe, première destination touristique au monde — un nouveau cadre politique pour le tourisme européen»

COM(2010) 352 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 30 août 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 121 voix pour, 14 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité salue la communication de la Commission relative à sa proposition au Parlement européen «L'Europe, première destination touristique au monde – Un nouveau cadre politique pour le tourisme européen» et souligne que, malgré certaines lacunes importantes, elle comporte de nombreux points positifs à concrétiser, tout en avançant les suggestions ci-après, destinées à renforcer et enrichir cette initiative.

1.2

Étant donné la diversité des acteurs (administrations, institutions, organismes, partenaires sociaux), niveaux (local, régional, national et européen) et domaines (transports, logement, offre de services complémentaires, etc.) qui interviennent dans le secteur touristique en Europe, il conviendrait que toutes les parties prenantes du secteur soient associées aux initiatives prévues. À cet égard, le Comité signale la possibilité de créer une Agence européenne du tourisme qui, à partir d'un suivi effectif des données concernant le soutien et la promotion des mesures exposées, mutualiserait les efforts qui permettent d'avancer concrètement vers une politique globale du tourisme européen, prenant en compte l'identité diverse et plurielle de l'Europe en tant que destination touristique.

1.3

En vue de répondre aux défis exposés dans la Communication à l'examen et de mettre en œuvre les mesures concrètes qu'elle prévoit, le Comité propose de souligner tout particulièrement et d'entériner les éléments suivants:

promouvoir la création d'une plate-forme européenne, dans toutes les langues de l'UE, sur laquelle les voyageurs auraient la faculté de faire part de leurs observations et impressions par voie électronique, le but étant ici de mieux évaluer et exploiter les produits pour attirer plus efficacement les touristes, et de donner par ailleurs la possibilité d'utiliser les nouvelles technologies (réservations électroniques),

assumer la responsabilité d'étudier, de structurer et d'encourager la mise en œuvre du cadre politique dans des domaines particuliers, ainsi que de se saisir de priorités telles que la promotion du produit touristique intraeuropéen, les services et les établissements dans toute l'Europe, par exemple en incitant les autorités existantes et les entreprises à coopérer pour améliorer les prestations et les installations (calendriers, etc.),

favoriser l'amélioration, au sein de l'UE, des liaisons par les communications et transports routiers, ferroviaires, aériens mais aussi côtiers, ainsi que l'information et la diffusion des nouvelles sur Internet, en prêtant une attention particulière aux lignes peu fréquentées,

stimuler la promotion du tourisme entrepris dans un souci de santé et de bien-être ou de thérapeutique, pour recevoir une formation, à des fins culturelles, en particulier pour assister à des festivals et spectacles régionaux (opéra, théâtre, danse, concerts, etc.) ainsi qu'à des manifestations culturelles, par exemple des expositions, pour assister à une conférence ou encore pour des motifs œnologico-gastronomiques, historiques ou religieux, ou pour séjourner à la campagne ou profiter de la mer, en mettant en valeur et en préservant le patrimoine culturel et la gastronomie,

favoriser la qualité des prestations professionnelles, par la formation et l'emploi stable,

inciter les gouvernements nationaux à appuyer le développement, dans le secteur du tourisme, des petites entreprises et microentreprises qui reflètent les traditions sociales, environnementales, historiques et culturelles de leur aire d'implantation ou de leur région, tout en gérant mieux les formules «tout compris»,

soutenir le choix de destinations intraeuropéennes par les personnes du troisième âge ou celles qui sont handicapées et ont des besoins spécifiques, en améliorant les infrastructures et les services mais aussi en promouvant mieux les services qui leur sont dispensés dans l'UE,

donner des encouragements pour une politique de soutien visant à la promotion des destinations intraeuropéennes par les compagnies d'aviation, de telle manière qu'elles ne soient pas proposées aux consommateurs à des tarifs plus élevés que celles qui sont en dehors de l'UE, mais aussi mener une action pour que ces mêmes destinations intraeuropéennes aient l'appui des grands voyagistes,

faire la promotion et la publicité de la sécurité qui, par rapport à d'autres lieux de vacances est assurée et prévaut d'ores et déjà dans l'UE, que ce soit pour les déplacements, le séjour, les droits des citoyens ou les soins médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers, ou encore pour l'encadrement juridique,

contribuer à l'élaboration d'un système plus correct de suivi statistique et d'harmonisation de l'économie du tourisme et de ses composantes, sans pour autant induire un surcroît de charges administratives (bureaucratie) pour les entreprises et les citoyens,

promouvoir une campagne publicitaire commune en faveur des destinations de l'UE,

améliorer la qualité des services professionnels, par la formation et la stabilité de l'emploi.

1.4

Au niveau des États membres, il convient de lancer l'analyse des incidences du changement climatique sur l'activité et d'adopter des mesures d'adaptation appropriées au regard des conséquences qu'il devrait avoir, suivant les prévisions, sur la compétitivité.

1.5

Il convient de poursuivre le développement de formules touristiques spécifiques, comme le tourisme social, culturel ou gastronomique, l'agrotourisme, ou encore celui entrepris pour des motifs sportifs, des raisons de santé, la participation à une conférence, des motivations religieuses, ou celui qui est accessible aux personnes handicapées, etc., dans le cadre d'une politique européenne soucieuse de diversifier l'offre et de prêter attention aux marchés émergents.

1.6

Le Comité estime que des projets d'envergure européenne telle que l'initiative Calypso ont montré l'efficacité de la coopération entre les institutions européennes et les autres niveaux de gouvernement, les partenaires sociaux et les organismes du secteur, avec des effets positifs sur le plan économique et social. Le Comité invite la Commission et le Parlement européen à maintenir leur engagement, notamment sur le plan budgétaire, envers ce genre d'actions.

1.7

Tout en tenant compte des impératifs liés à la sécurité, on se doit de reconnaître que les visas peuvent poser de réels problèmes pour les touristes ressortissants des pays non signataires de la convention de Schengen. Ces difficultés résultent parfois de procédures trop bureaucratiques appliquées isolément par les États membres. Le Comité invite la Commission à prendre des mesures spécifiques pour surmonter ces obstacles.

1.8

Le Comité appelle les gouvernements nationaux à établir un certificat européen de formation professionnelle aux métiers du tourisme, qui serait reconnu dans tous les pays de l'UE. Il estime nécessaire que l'enseignement dans le domaine touristique bénéficie non seulement d'une reconnaissance dans toute l'Union mais également qu'on le dispense à un haut niveau de manière à former de véritables professionnels du tourisme, conformément aux orientations données par la Commission européenne et le Cedefop, en insistant tout particulièrement sur les résultats de l'apprentissage et leur validation mais aussi en revalorisant les études touristiques, grâce à leur intégration dans l'échelon universitaire chaque fois qu'une telle avancée est réalisable. Il convient que la stratégie Europe 2020 couvre le secteur touristique, en mentionnant plus spécifiquement les nouvelles compétences pour de nouveaux emplois et d'autres initiatives prévues, telles que la reconnaissance de l'expérience professionnelle et de la formation informelle et non formelle, ainsi que les répercussions que devrait avoir sur le secteur du tourisme l'impulsion donnée par le Communiqué de Bruges en faveur de la formation professionnelle, qui a été adopté par les ministres de l'éducation de l'UE et les partenaires sociaux.

1.9

Le Comité souligne qu'il n'existe pas de modèle unique en matière de tourisme et reconnaît que chaque destination présente des besoins spécifiques et attire ses marchés de niche particuliers. Par conséquent, le cadre de la politique pour le tourisme devra prendre en compte ces différents impératifs de manière adaptée à la situation (régions périphériques, continentales, côtières, rurales, insulaires, reculées, etc.).

1.10

L'objectif consiste à élaborer, mettre au point et exécuter une planification stratégique pour une politique européenne commune du tourisme à l'échelle des régions qui renforce sa compétitivité durable et sa qualité et assure un haut niveau de protection des consommateurs tout en complétant dans le même temps l'action des États membres. Du fait de la diversité des États membres, il conviendra toutefois de leur prescrire de présenter chacun une planification stratégique de leurs politiques touristiques nationales, qui prévoie des actions concrètes à mettre en œuvre par chaque région et dont l'horizon chronologique couvre au moins une décennie.

1.11

Le Comité appelle les gouvernements nationaux à adapter les impôts locaux et à déployer un effort pour baisser la TVA appliquée aux produits touristiques à caractère social, de manière à rendre ceux-ci plus attrayants, le but étant, dans un horizon plus éloigné, de développer les services liés au tourisme et d'en faciliter l'accès. Il y a lieu d'assurer la pérennité des infrastructures et services locaux propres à fournir des prestations touristiques de qualité, qui permettent d'améliorer tant la qualité de vie des résidents que les conditions de séjour des touristes.

1.12

L'UE a besoin d'une stratégie de communication qui préserve la bonne image de l'Europe et du secteur touristique, tout en réglant le problème de la publicité négative.

1.13

Il convient de prendre des mesures pour éviter le chômage structurel dans les entreprises touristiques, de manière à améliorer la qualité et la stabilité de l'emploi tout en augmentant la rentabilité des entreprises.

1.14

La Commission devra intensifier les efforts qu'elle déploie actuellement pour diffuser la véritable notion de tourisme de qualité sous toutes ses dimensions, à savoir une expérience qui englobe tout à la fois le délassement physique et la stimulation intellectuelle au contact des chefs-d'œuvre de la culture et de la civilisation. La conception de cette action devra s'effectuer au niveau des régions et sa promotion et sa communication, à ce même échelon des régions, des États membres et de l'UE.

1.15

Le Comité relève l'absence de référence claire à un cadre juridique de droits des consommateurs dans le secteur du tourisme, ainsi que de toute justification concernant l'inadmissible ajournement de la révision de la directive 90/314/CEE du 13 juin 1990 qui, initialement prévue pour fin 2010, puis pour début 2011 dans le programme de travail de la Commission, n'a toujours pas été présentée.

1.16

Le Comité se félicite de l'impulsion donnée par la Commission, le Parlement européen et les partenaires sociaux européens à la définition d'une politique européenne du tourisme. De même, il poursuit son engagement et sa collaboration en faveur de l'objectif et des valeurs qu'il a exposés dans ses avis dans l'optique de réaliser un modèle européen du tourisme.

2.   Introduction

2.1

La nouvelle politique pour le tourisme met en évidence trois objectifs principaux qui en structurent le cadre nouvellement défini, à savoir:

la compétitivité,

la durabilité,

la promotion du tourisme.

Si ces trois piliers sont solidement soutenus par les structures et les ressources appropriées, alors les conditions seront réunies pour fonder une politique du tourisme profitable et très solide.

2.2

La Commission a cerné un certain nombre de défis auxquels doit faire face le secteur du tourisme européen et qui sont apparus ou se sont intensifiés ces dernières années. Toutefois, les principaux d'entre eux, qui sont restés identiques au fil des années, sont les suivants: la saisonnalité qui caractérise le secteur, son absence de reconnaissance comme domaine d'activité important en pleine croissance, les conditions de travail précaires de ses travailleurs, le chômage structurel qui y prévaut, le manque d'accès, pour ses PME, au financement adéquat qui leur permette de s'adapter à sa transformation et à son développement constants, ainsi que l'innovation en son sein. La Commission doit impérativement affronter ces gageures. À maintes reprises dans ses avis, le Comité a souligné qu'il importait de relever ces paris et insisté sur les mesures à prendre (1).

2.3

Le tourisme est une activité d'importance majeure, dont l'incidence sur l'essor de l'économie, le développement durable et l'emploi est particulièrement positive en Europe. Il constitue une facette importante de l'existence des citoyens européens.

2.4

Depuis 2008, la demande de prestations touristiques a subi des influences négatives. Néanmoins, si elle veut conserver sa place de première destination touristique mondiale et être en mesure de tirer parti de la richesse et de la diversité des régions qui la composent, l'Europe doit élaborer une politique touristique commune.

2.5

Pour autant que la Commission européenne entende promouvoir un nouveau cadre d’action pour renforcer la compétitivité du tourisme dans l'UE et sa capacité à croître de façon durable, il convient, de l'avis du Comité, qu'elle précise ses propositions, en reconnaissant que chaque pays a intérêt à développer un modèle et une dynamique touristiques qui lui soient propres. Étant donné le caractère transnational de l'industrie touristique, il est manifestement nécessaire de créer un cadre pour la politique du tourisme à l'échelle de l'UE, qui laisse cependant toute latitude aux États membres de l'Union de concevoir leurs propres politiques nationales spécifiques en la matière. Il faut bien comprendre qu'un événement qui se produit en un point de l'Union européenne peut avoir des répercussions dans un autre pays de l'UE sur le plan touristique.

2.6

À titre d'exemple, les pays du Sud de l'Europe n'étaient pas concernés par la fermeture de l'espace aérien européen qui avait été décrétée au printemps 2010 en raison de la présence d'un nuage de cendres volcaniques, mais n'en ont pas moins subi une baisse d'activité touristique à cause d'annonces négatives, qui ont créé une ambiance défavorable et ont découragé les voyageurs de les choisir comme destination.

2.7

Par ailleurs, le Comité estime qu'un cadre politique pour le tourisme européen ne peut reposer que sur un encadrement juridique clair des droits et obligations des diverses parties concernées, aspect totalement omis dans la communication et pour lequel la révision de la directive 90/314/CEE du 13 juin 1990 revêt une importance particulière. Initialement prévue pour fin 2010, puis pour début 2011 dans le programme de travail de la Commission, cette révision n'a toujours pas été réalisée à ce jour, alors que la directive est complètement obsolète. Le retard accumulé à cet égard crée une situation grave de manque de protection des consommateurs, sape leur confiance et entrave le développement du tourisme, cette révision étant un élément essentiel du cadre juridique qui fait défaut pour concrétiser les nouvelles compétences qui incombent à l'UE dans ce domaine en vertu du traité.

3.   Observations particulières

3.1

L'Union européenne doit apporter sa contribution et son appui à la définition d'une politique volontariste pour accélérer la croissance et créer les conditions qui renforcent le pouvoir d'attraction de l'Europe. L'élaboration d'une planification commune et assortie d'actions concrètes doit cesser d'être du ressort de la Commission et être réalisée par une autre instance, avec une politique qui sera dépourvue d'imprécisions, ne rabâchera pas des idées éculées et devra assurer une participation et un statut de membres à tous les intervenants du tourisme, comme les confédérations de professionnels et d'acteurs individuellement engagés dans les métiers du tourisme, les organisations syndicales des travailleurs de la branche, les régions ou les offices touristiques nationaux. À cet égard, une Agence européenne du tourisme, dont le Comité a déjà proposé la création dans des avis antérieurs, pourrait jouer un rôle important de soutien aux institutions européennes.

3.2

Le Comité estime qu'il est essentiel que la Commission, ainsi que les autres institutions européennes, appliquent le principe de la règlementation intelligente et que toutes les propositions législatives de l'Union comportent une évaluation appropriée de l'incidence des mesures proposées qui touchent l'industrie touristique. Or, la présente proposition de cadre pour la politique touristique ne fait aucunement état de la nécessité de procéder à de telles évaluations afin d'estimer les incidences possibles sur ce secteur dès qu'une proposition législative de l'UE est publiée. Cet impératif vaut tout particulièrement pour certains cas, par exemple les propositions législatives en matière d'étiquetage des denrées alimentaires ou concernant les droits des passagers ou ceux des consommateurs.

3.3

Il convient de ne pas aborder le tourisme comme une politique indépendante mais comme une thématique horizontale, sur laquelle influent les diverses autres politiques adoptées par l'UE et notamment celle des transports, de l'éducation, de l'emploi, de la recherche et innovation, du changement climatique, du marché unique, de la sécurité, des consommateurs, etc. En réalité, la politique touristique ne ressortit donc pas à la seule direction générale Entreprises mais doit être appréciée en même temps que toutes les autres menées par l'UE.

3.4

La promotion et le développement des services touristiques dans l'ensemble de l'UE, tels qu'ils s'effectuent pour l'instant, pèchent par manque de coordination et d'organisation, créant ainsi des difficultés pour les citoyens qui souhaitent voyager. Entreprendre un voyage sur tout le territoire de l'UE en recourant aux moyens de transport publics constitue une entreprise ardue et exige de jongler avec toutes sortes d'horaires de trains, de ferrys, de bus, etc., tant et si bien qu'il n'est pas possible de garantir un séjour assuré.

3.5

L'industrie du tourisme est confrontée à une concurrence mondiale de plus en plus vive de la part des pays émergents ou en développement, qui attirent un nombre toujours croissant de touristes. Pour rester dans la compétition, l’Europe doit proposer une politique durable et mettre en valeur ses nombreux atouts, tels que la sécurité qu'elle assure:

dans la société et l'environnement,

pour les transports,

pour l'hébergement, à tous niveaux,

pour les transactions bancaires ou commerciales,

pour les questions de santé et de règles d'hygiène,

en matière médicale,

dans les services de police et de sécurité,

dans les possibilités d'accès et les infrastructures pour les personnes handicapées ou présentant des besoins particuliers,

pour les soins,

pour la qualité,

du point de vue du professionnalisme et de la qualité des services directs et indirects aux personnes,

pour les droits du citoyen.

3.6

Nous oublions souvent, pourrait-on dire, que lorsque nous visitons l'UE en touristes, nous jouissons de choses élémentaires comme d'avoir l'assurance que l'eau soit partout potable, de pouvoir manger sans nous empoisonner, emprunter les routes et voyager sans escorte. Aussi convient-il que nous fassions la promotion de ces avantages tout simples que l'Union offre au touriste. Pareils atouts devraient être tout particulièrement mis en vedette, car ils inspirent aux visiteurs un sentiment de sécurité et ne sont assurés dans pratiquement aucune des destinations phares du tourisme mondial, alors même qu'ils constituent un avantage comparatif pour le choix et la promotion d'un lieu de vacances.

3.7

L'Europe doit développer et renforcer son image sur les marchés mondiaux et encourager la coopération avec la Chine, la Russie, l'Inde, le Brésil, le Japon, les États-Unis et les pays méditerranéens. Pour que cette démarche soit possible, il s'imposera toutefois de stimuler l'esprit d'entreprise et l'innovation, de renforcer la qualité de l'offre de produits, afin que nos prestations et nos installations soient à la hauteur de celles de nos concurrents internationaux. Il convient de réduire la saisonnalité et les fortes fluctuations de la demande, en consolidant et en diversifiant l'offre de services touristiques. L'UE doit améliorer et attester, en délivrant des certificats de formation professionnelle qui soient communs et recevables sur l'ensemble de son territoire, les compétences professionnelles de toutes les personnes qui participent à l'industrie touristique, en insistant particulièrement sur les résultats de l'apprentissage et leur validation. Ces certificats communs et reconnus qui sont nécessaires s'avéreront utiles tant pour les entreprises que pour les travailleurs dans l'ensemble de l'Union.

3.8

Les méthodes actuelles de collecte et d'analyses de données statistiques sont déficientes. Les carences dans les éléments recueillis aboutissent à ce que des décisions incomplètes ou erronées soient prises lors de la conception des lignes directrices. À cet égard, le texte à l'examen souligne qu'il importe d'améliorer les données statistiques et les analyses relatives au tourisme. La Commission estime qu'il s'agit là d'une question essentielle en vue de disposer d'une base plus large de connaissances socio-économiques à l'échelle européenne en matière de tourisme. Collecter les informations statistiques d'une manière structurée offrira non seulement la possibilité d'informer et d'effectuer des choix rationnels mais stimulera aussi la coopération interdisciplinaire entre les chercheurs et l'échange d'opinions et d'expériences. Il est indispensable d'améliorer les méthodes statistiques et leurs résultats, étant entendu, par ailleurs, que la récolte de ces données ne peut induire un surcroît de charges administratives (bureaucratie) pour les entreprises et les citoyens.

3.9

Plus de la moitié des États membres de l'UE mettent en œuvre un «compte satellite du tourisme», qui s'est avéré un instrument extrêmement efficace. La Commission européenne devrait trouver des moyens d'encourager et d'aider les autres États afin qu'ils adoptent cette méthode, qui permettra également d'étalonner les performances de manière détaillée. Cette question est cruciale, compte tenu des changements importants des tendances et des modèles de comportement en matière touristique que connaît actuellement l'Europe.

3.10

La diversité constitue le sésame du tourisme européen. La large palette d'expériences que l'on peut vivre dans chacun des États européens contribue à y attirer les visiteurs qui les choisissent comme destinations touristiques. La riche variété de leur patrimoine culturel, de leur cadre naturel, de leur gastronomie, de leurs vins et de leur histoire fait qu'ils offrent chacun des sensations différentes à qui les visite. La préservation de ces différences est importante et constitue un argument de vente de premier plan lorsque nous faisons la promotion de l'Europe dans le reste du monde.

3.11

Étant donné que les petites et moyennes entreprises constituent la majeure partie des entreprises du secteur touristique, on se doit par ailleurs d'exploiter leur dynamisme et de les aider dans le développement de leur activité entrepreneuriale, en se focalisant sur leur contribution à la préservation du patrimoine culturel et au développement des sociétés locales. Ce sont ces entreprises qui absorbent le chômage de base (migrants économiques, personnes dépourvues de formation, etc.) et qui le font baisser de manière appréciable, en employant une partie significative de la population active, et qui, par ailleurs, réduisent par aussi l'exclusion sociale. Le secteur privé doit être partie prenante dans des domaines comme la promotion touristique et le soutien à l'emploi et il faut favoriser en outre la constitution de réseaux entre les entreprises du secteur.

3.12

La politique du tourisme se caractérise par sa nature transversale. Elle influe particulièrement sur la politique des transports (droits et sécurité des passagers et qualité des transports), les aides d'État, le marché intérieur (libre établissement et libre prestation des services liés au tourisme, promotion de la qualité des services, développement du commerce électronique), ou encore la fiscalité, souvent avec des effets négatifs (obstacles de nature fiscale au bon fonctionnement du marché intérieur, traitement des petites et moyennes entreprises du secteur touristique au regard de l'impôt, facilités consenties en la matière). Le secteur devra donc être soutenu à l'aide d'une action financière spécifique et, inversement, il conviendra que les entreprises touristiques prennent l'engagement d'investir et de conforter et accroître l'emploi.

3.13

Le Comité a la conviction qu'il s'impose de promouvoir un mécanisme qui améliorera et renforcera les échanges touristiques entre États membres et grâce auquel la possibilité de voyager, notamment durant la basse saison, sera plus particulièrement donnée à certains groupes, tels que les jeunes – pour lesquels il faudrait par ailleurs synchroniser les vacances scolaires –, les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite et les familles à faible revenu. Les États membres dont l'économie n'est pas axée sur le tourisme devront soutenir les pays qui sont dans ce cas, en faisant auprès de leurs citoyens la promotion des destinations intraeuropéennes. Les compagnies aériennes européennes doivent comprendre qu'elles ne favorisent pas le tourisme et le marché intérieur dès lors qu'elles proposent aux Européens du Nord des billets pour l'Asie à des tarifs souvent plus avantageux que pour le Sud-Est de l'Europe.

3.14

Le Comité estime qu'il y a lieu de concevoir une politique spécifique commune, à caractère novateur, et d'offrir un produit touristique taillé sur mesure à l'intention des personnes âgées et des retraités, dont le poids démographique devrait représenter 20 % des habitants de l'UE en 2020, ainsi que de celles qui présentent des handicaps et des besoins spécifiques ou dont la mobilité est réduite, qui seraient 127 millions selon des estimations récentes, afin d'attirer ces catégories. Une formation spécialisée doit être dispensée pour répondre aux besoins de ces groupes sociaux spécifiques. Étant donné que dans la population, ils constituent aussi une classe d'individus qui, bien souvent, disposent du pouvoir d'achat, de la culture et du temps de loisir nécessaires et qui représentent un potentiel particulièrement important sur le marché, il conviendra que l'UE promeuve tout particulièrement la politique commune qui leur est destinée, afin de les aider à obtenir des droits dans le secteur des activités touristiques, de sorte qu'ils puissent en bénéficier sans subir aucune forme de discrimination. Toutefois, il y a lieu que le secteur privé se joigne également à cet effort afin de garantir que l'infrastructure appropriée soit en place pour répondre aux besoins de ce marché.

3.15

Le Comité a la conviction qu'il s'impose d'encourager la coopération à l'échelle internationale et, en particulier, sur des marchés qui comptent pour l'UE. Il convient de créer les conditions requises pour simplifier la procédure d'émission d'un visa européen commun, dans le but d'attirer davantage d'arrivées en provenance de pays qui ne sont pas parties prenantes de l'accord de Schengen. Les touristes devront avoir la possibilité de se déplacer d'un pays de l'UE à l'autre et il faudra simplifier les réglementations et les directives en ce sens.

3.16

Au niveau des régions, il convient de mieux promouvoir, en tant que produit touristique européen, les itinéraires culturels, le patrimoine de la culture contemporaine, les zones naturelles protégées ou la préservation et la mise en valeur des bâtiments et entreprises de tradition, le tourisme de santé et de bien-être ou celui entrepris pour des raisons médicales ou éducatives, œnologico-gastronomiques, historiques ou religieuses, le tourisme rural ou celui qui est axé sur la mer, en mettant en valeur et en préservant les traditions culturelles et la gastronomie (restaurants traditionnels et entreprises en rapport direct avec l'histoire régionale), sans oublier les vestiges culturels sous-marins. Il n'est pas toujours nécessaire d'augmenter le nombre de lits mais il convient plutôt d'investir dans l'amélioration de la qualité des services et des infrastructures des établissements, en innovant par de nouvelles offres, comme des centres de cure, de bien-être, etc. Aucun passage de la proposition de la Commission n'évoque comment il serait possible de concrétiser les actions susmentionnées, ni n'indique les priorités ni, bien entendu, le plan qui devraient présider à leur mise en œuvre dans chaque État, avec prise en compte des régions, de manière à ce que lesdites actions constituent une politique européenne du tourisme. Il n'est pas prévu de promotion publicitaire commune, alors que cette initiative serait bien nécessaire.

3.17

Le Comité marque son accord quant à la création d'un «label du patrimoine culturel européen» et propose que soit également instauré un «label du patrimoine gastronomique européen» qui, parallèlement à d'autres actions telles que les Journées européennes du patrimoine et le Prix de l'Union européenne pour le patrimoine culturel, entreprenne d'évaluer les lieux de restauration et, dans une démarche commune et harmonisée, de leur attribuer des «étoiles» et de les certifier, avec exploitation appropriée des différents programmes nationaux et européens. En outre, le Comité propose d'harmoniser le système d'octroi d'étoiles aux hôtels dans l'UE et leur certification. Le Comité presse la Commission de maintenir la tenue du Forum européen du tourisme, en tant qu'espace de rencontre et d'analyse réunissant l'ensemble des acteurs du secteur, des responsables nationaux, des pouvoirs régionaux et locaux et des partenaires sociaux, pour développer une identité touristique européenne prenant en compte la diversité et la pluralité.

3.18

Le cadre à l'examen propose aussi de développer une marque européenne pour le tourisme de qualité et un label «Qualité Tourisme», initiative qui requiert d'améliorer les normes au sein de l'industrie touristique. Il convient de soutenir cette proposition. Cependant, une labellisation de qualité doit être également portée par des mécanismes financiers adéquats afin que les acteurs de l'industrie touristique soient en mesure d'améliorer leur gamme de produits et d'investir dans l'amélioration de leurs équipements et de leurs normes de services, ainsi que dans la formation et la requalification de leur personnel.

3.19

L'articulation à établir entre la gastronomie, la restauration et le tourisme constitue manifestement une piste originale pour une offre touristique de qualité, en mettant les touristes en contact direct avec la culture gastronomique de chaque État membre. Ils peuvent ainsi distinguer entre les différentes prestations fournies. Ils sont de plus en plus nombreux à voyager au sein de l'UE guidés par le souci du bien manger. La cuisine devient ainsi un outil de promotion des denrées européennes et des plaisirs de la table. Il est indispensable de promouvoir les aliments et les boissons, les recettes et les «itinéraires des victuailles et du vin», en soutenant les coopérations coordonnées qui offrent des formes substitutives de valeur ajoutée pour renforcer le lien entre tourisme et alimentation.

3.20

La formation des travailleurs du secteur touristique constitue assurément un investissement majeur pour le tourisme européen et, en particulier, pour les PME. L'introduction des nouvelles technologies et pratiques de travail a abouti à créer une demande en personnel spécialisé. L'extension des programmes de l'UE qui sont destinés au perfectionnement et à la formation en faveur des travailleurs du domaine touristique et ont déjà été instaurés dans d'autres branches constitue une action bienvenue, qui favorisera l'adaptation aux nouvelles données technologiques qui prévalent dans le secteur. Il y a lieu de développer un certificat européen de formation professionnelle, fondé sur les résultats d'apprentissage, qui repose sur des «impératifs» communs et soit susceptible d'être utilisé de manière autonome et indépendante, grâce à des procédures de validation au niveau national ou local, tout en faisant référence aux cadres qui existent pour les qualifications nationales. Le secteur touristique devrait avoir l'obligation de dispenser à son personnel une instruction sanctionnée par un tel brevet de formation professionnelle. Le Comité estime que le Communiqué de Bruges sur la formation professionnelle dans l'UE a donné une impulsion importante concernant cette formation dans le secteur touristique, En offrant des conditions de travail stables et de haute qualité, le secteur touristique deviendra particulièrement attrayant.

3.21

Le plan de formation et le développement des aptitudes de comportement devront obligatoirement inclure l'apprentissage de langues étrangères par les personnels du tourisme, avec prise en compte des spécificités culturelles, tout en prévoyant l'octroi de certificats de formation professionnelle répondant aux lignes directrices de la Commission européenne et du Cedefop. Il conviendra d'accorder une attention toute particulière aux professions touristiques qui touchent directement au patrimoine culturel, comme les guides touristiques, qui devront être diplômés et démontrer une capacité à mettre en valeur la qualité dudit patrimoine, en ce qu'ils seront détenteurs d'un certificat délivré par les pouvoirs locaux, connaîtront les monuments de la région où ils ont l'intention de travailler, fût-ce dans un emploi temporaire, et disposeront de l'indispensable connaissance de la langue qui y est pratiquée comme de celle des personnes qu'ils guideront, ainsi que l'a prévu, pour la période antérieure à 1975, la norme CEN (EN 13809, de 2003) et que le prévoient aussi depuis lors les directives 75/368/CE et 92/51/CE. La certification afférente doit concerner toutes les branches des professions touristiques, par exemple les serveurs, cuisiniers, animateurs et, généralement, toute personne qui est en contact avec les touristes.

3.22

Le Comité pense qu'il faudra sérieusement prendre en considération la politique des «forfaits tout compris», que les entreprises ont été nombreuses à adopter dans beaucoup d'États membres, car elle a débouché au final sur des résultats diamétralement opposés à ceux qui étaient escomptés: comme on ne le voit malheureusement que trop bien, le modèle des clubs tout compris et des grandes unités hôtelières a eu pour effet d'accentuer les problèmes que rencontrent les petites et moyennes entreprises actives dans ces régions à leur proximité.

3.23

Les rudes conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence entre, d'une part, les grands voyagistes étrangers et, d'autre part, les hôtels qui s'efforcent de conclure des forfaits pour voir leurs installations se remplir ont abouti à une dégradation de la qualité des prestations fournies, dont l'une des répercussions a été que certaines régions touristiques ont été décriées à l'étranger. Sous l'effet de cette pression, les petites et moyennes entreprises se trouvent contraintes de travailler à des tarifs inférieurs aux coûts qu'elles supportent, tant et si bien qu'elles sont acculées à disparaître ou à se retrouver en situation de détresse.

3.24

Nous ne devrons pas en arriver à rejeter catégoriquement le système des forfaits tout compris, car il peut répondre aux besoins d'une certaine fraction de la demande touristique, mais il faut qu'il soit appliqué comme tous les autres produits touristiques, conformément à la légalité et au principe d'une concurrence loyale avec les autres offres, de manière contrôlée, sur fonds propres, à l'exclusion d'aides d'État. Les rentrées du tourisme doivent être diffusées le plus largement possible, afin que le développement se répande autour des hôtels de qualité. Le visiteur doit avoir une possibilité de choix pour le budget qu'il dépensera à l'intérieur ou l'extérieur dudit hôtel. Toutefois, ce segment de marché est l'un des rares à avoir connu une croissance, malgré l'érosion des activités traditionnelles des voyagistes ces dernières années. Sans nullement remettre en question la qualité, il convient de prendre acte du succès qu'ont rencontré des stations entières en développant ce marché au fil des ans. Il y a lieu de définir clairement la notion de «marché des forfaits tout compris» entendu comme produit de qualité, afin d'éliminer les produits et services de bas de gamme qui sont vendus camouflés sous l'étiquette «tout compris»

3.25

La saisonnalité du tourisme, qui résulte d'une demande touristique beaucoup trop concentrée sur les mois de juillet et août, bride les potentialités de développement du secteur et les empêche de diffuser leurs effets dans l'ensemble de l'économie, de sorte qu'elle a des répercussions sur les flux de revenus et aboutit à ce que les installations existantes et le personnel ne sont pas utilisés de manière optimale. Les actions qui visent l'employabilité des travailleurs et la rentabilité des infrastructures en périodes creuses aideront à constituer un potentiel de ressources humaines plus actives et productives, tandis que la coordination menée pour que les infrastructures soient utilisées, jusque dans les périodes «calmes"», par certaines catégories de la population ou par les écoles, aboutira à allonger nettement la saison touristique, avec tous les avantages qui en découleront. Une des principales manières de contribuer à atténuer cette saisonnalité consisterait à mieux étaler dans le temps les vacances des salariés, en recourant à des mesures incitatives appropriées. Augmenter le taux d'utilisation des infrastructures touristiques existantes et du personnel en période creuse donnerait aux entreprises la possibilité de mieux utiliser leurs installations et d'accroître leur productivité, en s'appuyant sur une main-d'œuvre plus stable et entreprenante. Le Comité se félicite que l'initiative «Calypso» ait posé un premier jalon en ce sens. Il invite la Commission et le Parlement européen à encourager le développement de cette initiative, en lui affectant spécifiquement des fonds, eu égard à ses répercussions sociales et dans le domaine du tourisme européen.

3.26

Le Comité estime que le tourisme constitue un paramètre essentiel pour l'environnement et qu'il y a toutes les raisons de le protéger et de le mettre en valeur. Il ne détruit pas les sites, ne dévore pas les ressources, ni n'altère les processus naturels mais il nécessite toutefois une programmation appropriée et la mise en œuvre d'une politique touristique adéquate. C'est à lui que l'on doit d'avoir mis en vedette et revalorisé des quartiers entiers qui étaient considérés comme des zones à éviter, par exemple les Docklands de Londres ou le front de mer de Barcelone, aux abords du port, pour ne citer que ces deux cas, et d'avoir ainsi procuré du travail à des millions de personnes dans l'Union européenne.

3.27

À plus long terme, la Commission relève à juste titre le défi que représente le changement climatique en tant qu'élément moteur d'une restructuration fondamentale des modèles économiques des secteurs du voyage et de l'hôtellerie. Les acteurs de ces marchés sont d'ores et déjà conscients d'un changement de paradigme de dans la manière de concevoir, de présenter et de vendre les produits touristiques, notamment dans le sens de pratiques plus écologiques dans cette industrie. Au niveau des États membres, il convient de lancer l'analyse des incidences du changement climatique sur l'activité et d'adopter des mesures d'adaptation appropriées au regard des conséquences qu'il devrait avoir, suivant les prévisions, sur la compétitivité.

3.28

Les actions que la Commission prévoit de lancer pour diversifier le produit touristique tiennent compte de la dynamique qui caractérise le tourisme, lequel constitue une industrie en prise immédiate sur la personne et ses multiples demandes. Soutenir les formes originales de tourisme, en les promouvant de manière plus systématique, aboutira automatiquement à une meilleure valorisation des caractéristiques naturelles locales et avantages comparatifs de chaque région.

3.29

L'UE se devra par ailleurs de répondre aux problématiques ressortissant au domaine social, à la cohésion territoriale et à sa préservation.

3.30

Enfin, les actions pour une mobilisation plus étendue des ressources financières de l'UE en faveur du développement touristique libéreront le potentiel du secteur, en donnant la priorité aux régions qui subissent une désindustrialisation de leur économie et disposent de perspectives en matière de tourisme.

3.31

Le tourisme maritime et côtier revêt une importance substantielle en tant que catalyseur du développement économique. Il conviendra de mettre en œuvre des actions pour en favoriser l'essor, dans le cadre de la politique maritime intégrée de l'UE. La diversification de l'économie vers le tourisme représente une priorité pour beaucoup de zones côtières, où le déclin des activités économiques liées à la pêche et à la construction navale, à l'agriculture ou à l'industrie extractive, en particulier, a entraîné une diminution de revenus et un accroissement du chômage. Les entreprises du secteur du tourisme, en particulier les petites entreprises et les microentreprises, sont souvent actives sur les côtes ou dans des zones touristiques analogues et, de ce fait, possèdent non seulement une dimension entrepreneuriale et sociale mais représentent aussi une tradition historique de longue date, qui remonte souvent à plus d'un demi-siècle dans certains États membres de l'UE et constitue également, pour la population de ces zones, un véritable legs culturel. De ce fait, tout en respectant les règlements de l'UE et en axant notre action sur le souci du patrimoine culturel, de la qualité, et de l'histoire de chacun des lieux où ces affaires familiales ont été fondées, il est justifié que nous proposions certaines initiatives visant à les préserver là où elles existent.

3.32

L'UE se doit de prêter attention aux messages émis en ce qui concerne ses États membres, car ils suscitent chez le touriste potentiel de pays tiers une image négative et des incertitudes quant à l'opportunité de venir les visiter, qui a des répercussions très dommageables pour leur promotion touristique. Il convient que l'Union constitue une équipe spécifique de gestion de la communication de crise dans le domaine du tourisme européen et qu'elle prescrive à chacun des pays dont elle se compose de créer et faire fonctionner une cellule analogue.

3.33

La politique européenne et les politiques nationales en matière touristique devront tenir compte de tous les changements structurels, en prenant des mesures pour éviter le chômage structurel mais aussi en s’assurant d’une répartition efficace des investissements relatifs au tourisme.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 32 du 5.2.2004, p. 1.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/51


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: réexamen du “Small Business Act” pour l'Europe»

COM(2011) 78 final

2011/C 376/09

Rapporteur: M. LANNOO

Le 23 février 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: réexamen du “Small Business Act” pour l'Europe»

COM(2011) 78 final.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 30 août 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 155 voix pour, 3 voix contre et 11 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE se félicite qu’un grand nombre de mesures proposées par ses soins ait été repris dans le SBA révisé. Il reconnaît que, depuis plusieurs années, les PME (1) et les microentreprises sont plus largement prises en compte dans l'élaboration des textes de l'UE. Il a également conscience du soutien apporté par le Parlement et les États membres en vue d’une prise en compte plus efficace des besoins de ces entreprises. Le SBA représente un tournant important dans les mentalités européennes en optant pour un développement de la gouvernance partenariale entre les pouvoirs publics, les collectivités, les partenaires économiques et sociaux et les organisations représentatives des PME et de microentreprises.

1.2   Le SBA pour l’Europe révisé est une nouvelle étape décisive dans la reconnaissance politique des PME et surtout des microentreprises. Le CESE invite tout d'abord la Commission, le Parlement et le Conseil ainsi que les États membres et les régions à placer son principe fondamental «Penser aux petits d'abord» au cœur des décisions européennes, nationales et territoriales. Il recommande aussi aux États membres et aux régions de l’adopter comme base de leurs politiques en faveur des PME et de leurs politiques économiques et industrielles. Il estime enfin que le SBA devrait prendre une forme plus contraignante notamment pour les institutions de l'UE.

1.3   Le SBA révisé confirme l’importance croissante donnée aux petites et moyennes entreprises. Toutefois, la mise en œuvre du SBA et de son principe «Penser aux petits d’abord» est variable ou même inexistante dans certains États membres. Il en est de même dans le cadre du processus législatif et décisionnel communautaire.

1.4   Le CESE estime que la désignation de représentants pour les PME (SME Envoys) nationaux devrait aider les États membres à appliquer le SBA. Le CESE recommande également la désignation de SME Envoys au niveau des régions.

1.5   Le CESE se réjouit des propositions du projet de cadre financier pluriannuel visant à créer un programme «Compétitivité PME» ainsi que des mesures PME dans les plus importants programmes après 2013. Il constate néanmoins que la Commission, particulièrement la DG Entreprise, ne dispose pas des moyens humains suffisants pour faire appliquer efficacement le SBA. Il demande aux Institutions européennes d’adopter le programme «Compétitivité PME» en ciblant plus particulièrement les petites et microentreprises et les invite à consacrer les moyens humains et financiers nécessaires.

1.6   Reste à passer au stade «agir pour les petits d'abord» («Act small first»). Le SBA ne connaîtra pas le succès escompté sans la mise en place d’une réelle «gouvernance partenariale multiacteurs et multiniveaux». Il faut garantir que les partenaires économiques et sociaux ainsi que tous les acteurs publics et privés représentatifs soient associés aux réflexions politiques et au processus législatif dès leur lancement. Le CESE demande par conséquent que les organisations représentatives des différentes catégories de PME participent effectivement au processus législatif et décisionnel à tous les niveaux.

1.7   Le CESE invite enfin la Commission à engager sans délai une concertation avec les organisations européennes représentatives des différentes catégories de PME afin de définir les mesures opérationnelles à engager prioritairement. Il est nécessaire pour le CESE de favoriser une telle concertation entre les autorités publiques et les partenaires économiques et sociaux dans les États membres et les régions.

2.   Remarques générales

2.1   Une approche encore trop globale des réalités au sein de la famille PME

2.1.1   Le slogan «Think small first» est toujours traduit par «penser aux PME d'abord», alors que 92 % des entreprises sont des microentreprises qui agissent sur des marchés très divers. Ce sont des employeurs importants qui doivent donc être la cible privilégiée du SBA et des politiques de l'UE. Néanmoins, ces microentreprises ont plus de difficultés à appliquer les politiques et mesures législatives européennes et méritent donc davantage d’attention ainsi qu’une approche adaptée et simplifiée.

2.1.2   Les mesures qui découleront du SBA doivent tenir compte des réalités des petites entreprises, comme la polyvalence du chef d’entreprise, la transmission du savoir-faire, l'ancrage dans un environnement de proximité. Il faut aussi tenir compte du fait que la mise en conformité des PME à la multiplicité de dispositions communautaires dépend d'un nombre très limité de personnes, contrairement aux grandes entreprises qui disposent de nombreuses personnes spécialisées dans leurs propres services.

2.1.3   La révision du SBA affirme qu'il faut prendre en considération les réalités des différentes catégories de PME selon leur taille, leurs caractéristiques propres et leur structure (production, commerce, professions libérales, etc.) ainsi que leur mode opératoire selon les marchés. Le CESE considère qu’une attention particulière doit être portée aux entreprises familiales et aux entreprises individuelles tant au niveau européen, national et régional. Il exhorte la Commission et les États membres à adopter des mesures réglementaires, administratives, fiscales et de formation spécifiquement ciblées.

2.1.4   Néanmoins, comme les études d'impact restent actuellement ciblées sur les PME en général, il est difficile d'obtenir des informations précises sur les effets, les contraintes et les bénéfices des politiques et des programmes de l'UE, propres à chacune de ces catégories. Pour pallier ces lacunes, la réalisation d’analyses et d’études ciblées sur ces différentes catégories devrait devenir une priorité dans tous les programmes de l'UE.

2.1.5   Les politiques et programmes européennes, ainsi que les actions du SBA, doivent soutenir le développement de la compétitivité de toutes les entreprises, pas seulement celles à fort potentiel. Il faut également assister les 95 % de petites et microentreprises agissant dans des marchés de proximité qui, quelle que soit leur taille, offrent elles-aussi de grandes opportunités de développement et d’emplois nouveaux à leur échelle. Néanmoins, les méthodes statistiques actuelles basées sur le niveau du chiffre d’affaire compromettent le rôle social et culturel de ces petites entreprises, notamment au niveau régional et local. Le CESE demande à la Commission d’en tenir compte dans ses analyses et de créer les indicateurs nécessaires pertinents.

2.1.6   Le CESE se réjouit que le SBA évoque la dimension internationale des PME. Néanmoins, il souligne que, pour la plupart des entreprises de petite taille, l'internationalisation est le plus souvent une conséquence de leur développement et non pas une fin en soi. L’Union européenne devrait les accompagner plus activement dans ces activités en soutenant notamment les initiatives dans les États membres et en relançant les programmes de coopération INTERPRISE.

2.2   Les grandes politiques de l'UE tiennent-elles vraiment compte du SBA?

2.2.1   Malgré des références au sein de textes spécifiques, comme la stratégie Europe 2020 et ses différentes initiatives phares, le SBA et ses principes ne sont pas réellement pris en compte dans l'élaboration des grandes politiques de l'UE. Les petites et microentreprises semblent encore ignorées ou sous-estimées lors du processus législatif. Les exemples qui suivent corroborent cette affirmation.

2.2.2   Dans le cadre de la politique de l'innovation, la priorité est ainsi donnée aux entreprises à forte croissance. Cette vision restreinte ne correspond pas à la réalité de l'innovation au sein des petites entreprises où le besoin réside plutôt dans l'obtention de services d'accompagnement et d'outils adaptés à leurs spécificités.

C'est aussi le cas pour la politique énergétique. Dans son avis sur «la politique énergétique, les PME et les microentreprises» (2), le CESE a souligné que cette politique, essentielle pour l'avenir de l'UE, ne s'est jamais penchée sur la question de sa mise en œuvre dans les petites et microentreprises.

Enfin, les études d'impact concernant les mesures destinées à la réalisation du marché intérieur prennent insuffisamment en compte la réalité des petites entreprises et les problèmes qu'elles peuvent rencontrer dans le commerce transfrontalier ou dans leurs activités locales et de proximité.

2.2.3   Le CESE demande que toutes les propositions politiques liées aux priorités de l'UE partent du principe «Penser aux petits d’abord». Il invite les institutions européennes à prendre en considération les intérêts des petites et microentreprises, lors de la mise en œuvre des initiatives phares de la stratégie UE 2020 et celles de l'Acte sur le marché unique.

2.2.4   À cet égard, le CESE se félicite que la communication de la Commission portant sur les douze leviers pour stimuler le marché unique évoque, comme première action clé, des dispositions visant à faciliter l'accès des PME au capital-risque; cela relève des solutions à apporter au problème le plus urgent auquel sont confrontées les PME, à savoir le financement. Le Comité demande que cette initiative clé ne soit pas conçue de manière isolée, mais qu'elle soit complétée par d'autres dispositions évoquées dans le cadre de la révision du Small Business Act.

2.3   Les absents du SBA: l’accompagnement des petites entreprises et le rôle des organisations d’entreprises

2.3.1   Le SBA évoque le besoin d’accompagnement des petites entreprises. Le CESE a souvent insisté sur la nécessité de renforcer les mesures d’accompagnement et de conseil aux petites entreprises par des services adaptés, rendus selon des formes différentes par des organismes publics ou privés. De même, il insiste sur le rôle essentiel des organisations d’entreprises, intermédiaires entre les décideurs politiques et les entreprises, qui jouent ce rôle de conseil, d’une part, vers les entreprises et, d’autre part, vers les décideurs politiques.

2.3.2   Le CESE estime que l’appui à cet accompagnement par les différentes organisations de PME et l’amélioration du dialogue entre ces dernières et les décideurs politiques, à tous les niveaux, sont deux des principales clés de la compétitivité des petites entreprises. Ces organisations sont le plus souvent les seules à intervenir directement auprès de chaque entreprise, de manière individualisée et adaptée aux besoins particuliers. C'est par leur intermédiaire que les mesures législatives peuvent être appliquées par les plus petites entreprises, que les entreprises peuvent bénéficier des financements notamment de l'UE et que les décideurs peuvent connaître leurs besoins réels en vue d’adapter leurs politiques.

2.3.3   Le CESE demande donc:

que les programmes de l'UE soient plus facilement accessibles à ces organisations de PME pour mener des actions collectives;

que les législations européennes prévoient des moyens d'assistance technique leur permettant de mener des actions d'information, d'accompagnement et de formation;

que leur rôle de guichet unique («one stop shop») soit évalué et renforcé, notamment en matière d’information, de mise en conformité et d’accès aux programmes européens.

2.3.4   Face aux restrictions budgétaires et en raison de la nécessité de concentrer les moyens sur des priorités, le CESE considère que le soutien au conseil, à l’accompagnement, à l’information et la formation des PME, en particulier des petites et des microentreprises, est une des priorités essentielles. Il demande que les programmes de l'UE privilégient ce soutien et apportent tout l’appui nécessaire aux organisations intermédiaires représentatives de toutes les catégories de PME.

3.   Observations particulières

3.1   L'accès aux financements

3.1.1   L'aggravation de la crise économique a rendu l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) aux financements de plus en plus difficile. Dans de telles conditions, les organismes qui fournissent aux PME des garanties de leurs découverts bancaires ou des contre-garanties jouent un rôle primordial. Le CESE espère que la Commission européenne reconnaîtra l'importance du rôle que jouent ces organismes, qui sont un outil essentiel pour faciliter l'accès aux financements des microentreprises et des PME.

3.1.2   Les instruments financiers de l'UE doivent s'adresser à l'ensemble des PME, y compris les plus petites. Le CESE demande le renforcement des mécanismes «de garantie» afin qu'ils continuent à s'adresser à l'ensemble des activités des PME. Il s'agit notamment de la «Garantie PME» qui a fait ses preuves et qui devrait devenir le premier pilier du programme d’action PME post-2013. Le CESE demande enfin de faciliter l’accès des organismes financiers non bancaires, comme les organismes de garantie ou de cautionnement mutuel, à ces instruments financiers.

3.1.3   Le CESE estime que les mesures du Comité de Bâle (Bâle III) permettront l’assainissement nécessaire des pratiques bancaires. Il s’inquiète néanmoins de leur impact qui risque de rendre plus difficile l’accès des petites entreprises aux financements bancaires et donc de réduire sévèrement les ressources financières des PME et de l’économie réelle en général. Il demande aux institutions européennes, en particulier dans le cadre de la future réglementation sur l’adéquation des fonds propres (CRD IV), de veiller à ce que les nouvelles exigences à l’égard des banques n’aient aucune incidence sur le financement des PME. Le CESE demande l'adoption de mesures permettant aux banques, notamment les banques de proximité et les banques mutuelles, ainsi qu’aux établissements financiers offrant des services de garantie bancaire, de continuer à remplir leur mission de financement de l’économie réelle.

3.1.4   Les différentes formules de capital-risque pourraient être intéressantes pour les entreprises, innovatrices ou autres, si elles sont adaptées à leurs besoins et réalités spécifiques. L’Union européenne doit faciliter un marché du capital-risque qui fonctionne de façon fluide. Cependant, ces formules ne peuvent se substituer à d’autres instruments comme la garantie. Les petites entreprises doivent avoir le choix des instruments les plus adaptés.

3.2   Vers une réglementation intelligente

3.2.1   Le CESE souligne l’évolution particulièrement positive que représente l’intégration des Test PME dans les analyses d’impact, incluant désormais les effets sociaux et environnementaux dans les évaluations. Il invite la Commission à renforcer ces tests en y intégrant encore davantage les petites et les microentreprises. Outre le besoin de mener des analyses et des tests par des organismes totalement indépendants, le CESE demande que les organisations de PME soient consultées pour la préparation des analyses et qu'elles bénéficient d'un «droit de réponse» avant la publication définitive de ces dernières.

3.2.2   Dans l'optique d'une réduction des charges administratives qui pèsent sur les PME, le CESE propose d'intégrer le principe du «une fois seulement» («Only once») à celui du «one in one out», selon lequel l'instauration d'une loi prévoyant des charges administratives supplémentaires doit s'accompagner de l'abrogation d'une loi qui existait jusqu'alors. Il convient d'appliquer ce principe au niveau tant européen que local.

3.2.3   La volonté du SBA rénové d'appliquer plus efficacement les principes «penser aux petits d’abord» et «une fois seulement» est louable. Le problème réside maintenant dans son application effective au niveau national et au sein de l'ensemble des Directions générales de la Commission européenne. Le CESE attache dès lors une importance toute particulière:

à la réalisation d’analyses d’impact de qualité tenant compte de l’hétérogénéité de la population PME, ceci d'une manière indépendante;

au rôle du représentant pour les PME (SME Envoy) de la Commission, interface entre la Commission européenne et le monde des PME, qui devrait examiner toutes les politiques susceptibles de toucher les petites entreprises, faire valoir leur point de vue et, si besoin, s’opposer à des décisions en leur défaveur.

3.2.4   La priorité devrait être donnée à la proportionnalité dans la mise en œuvre des mesures pour que les petites entreprises n’aient à accomplir que des formalités strictement nécessaires. Si les décideurs de l'UE appliquent strictement le principe fondamental «Penser aux petits d’abord», à l'égard duquel ils se sont engagés, il n'y aurait pas lieu d'envisager des exemptions.

3.2.5   Reconnaître les différences entre les microentreprises ne doit pas nécessairement aboutir à la généralisation de l'exonération des microentreprises de certaines formalités. Si des exemptions s’avéraient nécessaires, elles devraient être négociées avec les représentants des entreprises concernées. Dans le cas contraire, le risque serait d’aboutir à une classification négative entre des entreprises appliquant les législations et celles ne les appliquant pas.

3.2.6   Le CESE recommande par conséquent:

d'appliquer les principes «penser aux petits d’abord» et «une fois seulement» dans tous les compartiments de la stratégie UE2020;

que les législations soient dès l'origine conçues en partenariat avec les représentants des petites entreprises concernées;

d'appliquer systématiquement le principe de proportionnalité lors de la mise en œuvre de ces législations;

d'éviter les surréglementations nationales et régionales lors de la transposition ou l’application des textes;

d’associer le représentant pour les PME de la Commission aux travaux du comité d'analyse d'impact (Impact Assessment Board) chargé de vérifier la qualité des analyses d’impact.

3.3   Accès aux marchés

3.3.1   Le SBA reconnaît la nécessité de faciliter l’accès des PME aux marchés publics. Pour encourager leur participation aux marchés publics, il faut non seulement simplifier les procédures mais aussi créer des politiques favorables aux PME dans les États membres, ce qui n’est pour l’instant le cas que dans quelques États membres.

3.3.2   Le CESE estime urgent de mettre intégralement en place le «Code européen de bonnes pratiques» (3) sur les marchés publics; Il invite la Commission et les États membres à adopter des politiques favorables pour faciliter un accès plus efficace des PME et des microentreprises aux marchés publics.

3.4   L'entrepreneuriat et la création d’emploi

3.4.1   Les entreprises de petite taille présentent un mode particulier de relation sociale au sein de l’entreprise et ont un besoin particulièrement important de main d’œuvre qualifiée. Le CESE reconnait par ailleurs que les employés jouent un rôle essentiel dans le développement des PME car ils peuvent être une source d’innovation et partagent la mise en œuvre des objectifs de l’entreprise. Il rappelle que les petites entreprises sont des lieux privilégiés de l’apprentissage et de la formation professionnelle et qu’elles jouent un rôle central pour l’acquisition des compétences et la valorisation des savoirs.

3.4.2   Le CESE regrette que les problèmes relatifs au marché du travail et de l’emploi, ainsi que la question des compétences des salariés et des chefs d’entreprise, soient quasiment absents du SBA, alors qu'ils affectent leur capacité de développement et leur potentiel de création de nouveaux emplois.

3.4.3   Le CESE soutient les efforts de la Commission destinés à renforcer l'entrepreneuriat féminin et recommande de partager des guides de bonnes pratiques qui intègrent des actions engagées par les États membres ainsi que celles menées par les organisations de PME.

4.   Que faire pour garantir la prise en compte du SBA et ses priorités?

4.1   Garantir la Gouvernance partenariale: la règle de la gouvernance multiacteurs et multiniveaux

4.1.1   La communication précise qu’une gouvernance forte est essentielle et que les grandes mesures prioritaires du SBA «n'auront d'effet que si elles reposent sur l'application d'une gouvernance solide à l'égard des PME». Les politiques, programmes et législations de l'UE ne pourront être efficaces que s'ils sont conçus et mis en œuvre avec les organisations intermédiaires représentatives à tous les niveaux. Une des priorités essentielles du SBA révisé doit être de garantir ce partenariat dans le processus législatif et/ou décisionnel au niveau européen, national et régional.

4.1.2   Le CESE estime que si les panels PME révisés de l'Entreprise Europe Network peuvent être d'excellentes sources d'informations, ils ne remplacent pas l'expérience et la compétence des organismes qui représentent les PME. La proposition de programme «Compétitivité PME» du Cadre financier pluriannuel ne prévoit pas de mesures pour ces organismes et met l’accent uniquement sur le réseau Enterprise Europe Network les organisations représentant les différentes catégories de PME ne sont pas toutes associées dans plusieurs États membres. Le réseau devrait faire l’objet d’une évaluation approfondie et voir sa méthodologie et ses règles de fonctionnement améliorées pour permettre une meilleure participation des organisations des différentes catégories de PME existant dans les États membres.

4.2   Passer de «penser aux petits d'abord» à «agir pour les petits d'abord»

4.2.1   Le CESE invite les institutions de l'UE à:

se coordonner pour s’obliger à intégrer le SBA et son principe «Penser aux petits d’abord» dans leurs décisions sous une forme plus contraignante, ce qui encouragerait les autorités nationales et territoriales à agir de façon identique;

instaurer un principe de précaution, sous l’autorité du représentant pour les PME européen, en s’inspirant du système d'« advocacy» existant dans le SBA américain; ce système garantirait que toutes législations touchant les petites entreprises ne soient pas contraires à leurs intérêts.

4.3   Avec quels moyens?

4.3.1   Le succès du SBA rénové et son efficacité dépendront des moyens humains et financiers qui seront affectés à sa mise en œuvre. Le CESE se réjouit de la proposition du nouveau programme «Compétitivité PME», dont les priorités devraient être:

le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre des principes du SBA dans tous les programmes et législations de l'UE ainsi que dans les États membres;

la mise en œuvre d’un système d'«advocacy unit», afin de renforcer l’efficacité des analyses d’impact par l’étude des effets potentiels des futures législations sur les petites et microentreprises;

la mise en place d'instruments de compétitivité, de normalisation, d'information et de coopération, conçus selon le principe «penser aux petits d'abord»;

la mise à disposition d’instruments financiers dédiés au développement des PME, tout particulièrement la «Garantie PME»,

l’appui aux activités d’accompagnement et de conseil d’organisations de PME et le renforcement de la gouvernance partenariale avec les organisations représentatives,

l’analyse statistique et économique des différentes catégories de PME en tenant compte de leur hétérogénéité, la réalisation d’études et recherches ciblées sur ces dernières ainsi que la diffusion de bonnes pratiques des États membres et des régions en leur faveur.

4.3.2   Le CESE s'inquiète du nombre restreint de personnes au sein des institutions européennes qui travaillent actuellement pour les PME et le SBA. Des moyens humains suffisants correspondant aux ambitions du SBA doivent donc être affectés, notamment à la DG Entreprise, à la mise en œuvre de ce programme pour les PME et particulièrement à sa veille.

4.3.3   Le CESE se félicite de la mise en place de représentants pour les PME (SME Envoy) au niveau national dont la mission serait de faciliter la mise en œuvre des priorités du SBA dans les États membres et de veiller à ce que la voix des PME et des microentreprises dans les politiques et législations nationales soit entendue. Il estime cependant que l’efficacité du dispositif dépendra de la capacité du SME Envoy d’influer sur les choix politiques et les législations nationales ainsi que de la qualité de la coopération avec les différentes organisations de PME.

4.3.4   Le CESE souligne l’importance du groupe consultatif comme enceinte de concertation entre Commission, États membres et organisations européennes de PME. Ce groupe consultatif pourrait devenir une instance de concertation sur les propositions législatives et les programmes opérationnels de toutes les directions générales de la Commission qui s'occupent des petites et des microentreprises. Il se félicite de la démarche de plusieurs régions qui ont nommé des représentants pour les PME régionaux et demande que de telles initiatives soient encouragées.

5.   Mesures politiques

5.1   Le CESE demande que la Commission européenne lui présente tous les ans un état des lieux qui:

souligne la mise en œuvre du SBA au sein de ses services, dans les États membres et dans les régions.

analyse la prise en compte des principes du SBA dans les textes de l'UE adoptés par le Parlement et le Conseil;

fasse aussi état de la situation et des avancées obtenues devant le groupe consultatif.

Ce rapport devrait également être présenté au Conseil, au Parlement et au Comité des Régions.

5.2   Le CESE demande enfin au Conseil d’instaurer annuellement un conseil Compétitivité spécial pour les PME, les microentreprises et le SBA.

5.3   En reprenant le principe du Sommet social Tripartite pour la Croissance et l’emploi, dont la création a été décidée par Conseil en date du 6.3.2003, le CESE propose au Conseil d’instaurer un Dialogue économique qui se tiendrait deux fois par an à l’occasion d’un Conseil Compétitivité. Il réunirait les organisations européennes représentatives des PME, les ministres de l’Industrie et PME de la Troïka, les États membres, la Commission et le CESE comme représentant la société civile, dans le but d’impliquer les représentants des PME et les milieux politiques au plus haut niveau pour aider à la mise en œuvre de la Stratégie UE 2020 par les PME.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Recommandation 2003/361 de la Commission sur la définition de la PME, J.O. L 124/36 du 20.05.2003.

(2)  JO C 44 du 11.02.2011, p. 118.

(3)  http://ec.europa.eu/internal_market/publicprocurement/docs/sme_code_of_best_practices_fr.pdf


ANNEXE

à l'avis du Comité économique et social européen

L'amendement suivant, qui a recueilli plus du quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours des débats (article 54, paragraphe 3 du règlement intérieur):

Paragraphe 1.7 (nouveau)

Ajouter un nouveau paragraphe après 1.6:

«»

Résultat du vote de l'amendement:

Voix pour

:

57

Voix contre

:

66

Abstentions

:

36


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/58


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Conseil portant suspension, à titre temporaire, des droits autonomes du tarif douanier commun à l'importation de certains produits industriels dans les Îles Canaries

COM(2011) 259 final — 2011/0111 (CNS)

2011/C 376/10

Rapporteur général: M. Bernardo HERNANDEZ BATALLER

Le 16 juin 2011, le Conseil a décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Conseil portant suspension, à titre temporaire, des droits autonomes du tarif douanier commun à l'importation de certains produits industriels dans les Îles Canaries»

COM(2011) 259 final — 2011/0111 (CNS).

Le 20 septembre 2011, le Bureau du Comité a chargé la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» de préparer les travaux du Comité en la matière.

Compte tenu de l'urgence des travaux, le Comité économique et social européen a décidé au cours de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 22 septembre 2011) de nommer M. Bernardo HERNÁNDEZ BATALLER rapporteur général, et a adopté le présent avis par 132 voix pour et 5 voix contre.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE soutient la proposition à l'examen en raison de sa pertinence socio-économique et de la légitimité manifeste de son adoption par l'Union, compte tenu des compétences exclusives de celle-ci en matière douanière.

1.2   De surcroît, la proposition ne concerne qu'un nombre limité de produits et de biens bénéficiant déjà d'avantages tarifaires conformément au règlement (CE) no 704/2002 du Conseil, du 25 mars 2002, auxquels quatre produits seulement viennent s'ajouter (le caoutchouc et certains dérivés des polymères).

1.3   Le fait d’imposer des contrôles de l’utilisation finale conformément aux dispositions du code des douanes communautaire et de ses dispositions d’application constitue dans ce contexte une procédure bien établie qui n’impose pas de charge administrative supplémentaire significative aux autorités régionales et locales ou aux opérateurs économiques.

1.4   Le maintien de la suspension des droits autonomes du tarif douanier commun à l'importation de certains produits industriels est jugée profitable à l'économie des Îles Canaries, qui a plus fortement souffert des conséquences de la crise que d'autres régions de l'Union et de l'Espagne.

1.5   Le CESE réaffirme (1) que le maintien de régimes économiques et fiscaux spécifiques est un outil indispensable pour aider les régions ultrapériphériques à surmonter les difficultés structurelles auxquelles elles sont confrontées.

2.   Introduction

2.1   Avec une superficie totale approximative de 7 542 km2, les Îles Canaries forment un archipel situé dans l'océan Atlantique, à plus de 1 000 km environ du point le plus proche de la péninsule ibérique. Elles constituent, avec l'archipel des Açores, Madère, les îles Selvagens et les îles du Cap-Vert, la région biogéographique appelée Macaronésie et font partie, en raison notamment de leur grand éloignement et de leur insularité, des régions dites «ultrapériphériques», sur lesquelles le CESE s'est prononcé à diverses reprises (2).

2.1.1   Leur population actuelle s'élève à 2 118 519 habitants, les deux îles les plus peuplées étant Ténérife (906 854 habitants) et la Grande Canarie (845 676 habitants) (3), où la population se concentre à plus de 80 %. Cette densité élevée de population engendre certains problèmes sociaux liés à un taux de chômage élevé ainsi qu'à un fort taux d'émigration.

2.1.2   Du fait de leur éloignement, les opérateurs économiques de ces îles souffrent de lourds handicaps économiques et commerciaux qui ont une incidence négative sur la dynamique démographique, l'emploi et le développement économique et social. En particulier, le secteur industriel, celui de la construction et les industries annexes ont été durement touchés par la crise économique actuelle, ce qui a entraîné une hausse du chômage, qui est supérieur à la moyenne nationale espagnole. Cet état de fait risque de fragiliser encore la situation économique générale, compte tenu du caractère volatil du tourisme international, dont les îles sont de plus en plus tributaires.

2.1.3   Comme le CESE l'a déjà indiqué (4), les îles ont pour caractéristique de souffrir de handicaps permanents qui les distinguent nettement des régions continentales et qui présentent des traits communs, bien que de portée variable, à savoir: l'isolement par rapport au continent; les surcoûts élevés des transports maritimes et aériens, des communications et des infrastructures, dus aux obstacles naturels et climatiques; la dimension limitée des terrains; les stocks halieutiques limités; la faiblesse des ressources hydriques; le manque de sources d'énergie; la pollution marine et côtière; les difficultés de gestion des déchets; le déclin démographique, notamment en ce qui concerne les jeunes; l'érosion des côtes; le déficit de main-d'œuvre spécialisée; l'absence d'un environnement économique favorable aux entreprises, et les difficultés d'accès aux services d'éducation et de santé, entre autres.

2.1.4   Le CESE s'est déjà exprimé (5) sur la notion de «surcoût» dans les régions ultrapériphériques et a établi une liste non exhaustive, allant du coût plus élevé des transports de biens, de matériels et de personnes aux coûts de stockage, de passation de contrats, ou aux coûts d'installation, eux aussi plus importants.

2.1.5   Le secteur industriel des Canaries produit principalement pour le marché local et rencontre d'énormes difficultés pour trouver des clients en dehors des îles. Cette situation difficile est essentiellement due à l'insuffisance des moyens de transport et au coût élevé de l'achat et de la distribution des marchandises. Cela a une incidence négative sur les coûts de fabrication des produits finis, qui peuvent entraîner une augmentation des coûts de production par rapport à ceux d'entreprises similaires établies sur la péninsule.

3.   Les Îles Canaries et l'Union européenne

3.1   Les Îles Canaries font partie de l'Union européenne depuis l'adhésion de l'Espagne en 1986. L'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal reconnaissait la situation socio-économique difficile et particulière de l'archipel. En raison de leurs difficultés spécifiques, les Îles Canaries ont été initialement exclues du territoire douanier de la Communauté, de la politique commerciale commune et des politiques communes de l'agriculture et de la pêche.

3.2   Afin d'assurer l'intégration des Canaries dans l'Union, l'Union européenne a reconnu les problèmes particuliers et spécifiques de cette région et leurs implications. Au cours des dernières années, des mesures ont été introduites qui, par une approche compréhensive tenant compte des conditions d'insularité et du caractère ultrapériphérique de cette région, ont progressivement réduit l'envergure et l'incidence des dérogations prévues, de sorte que depuis le 31 décembre 2000, date de son rattachement intégral au tarif douanier commun, la région fait partie intégrante du territoire douanier de l'Union (6).

3.3   Cela a conduit à l'adoption du règlement (CEE) no 1911/91 du Conseil relatif à l'application des dispositions du droit communautaire aux Îles Canaries (7), qui a fait l'objet de plusieurs modifications. En application de ce règlement, des mesures particulières ont été mises en œuvre par la décision du Conseil 91/314/CEE instituant un programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des Îles Canaries (POSÉICAN) (8). Ce programme a permis de moduler certaines politiques communes ainsi que d'adopter des mesures spécifiques en faveur des Canaries.

3.4   Le règlement (CE) no 704/2002 du Conseil du 25 mars 2002 suspend temporairement les droits autonomes du tarif douanier commun à l'importation d'un certain nombre de produits industriels et régit l'ouverture et le mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes à l'importation de certains produits de la pêche aux Îles Canaries; conformément à ce règlement, la suspension des droits du tarif douanier commun applicables à certains biens d'équipement pour usage commercial et industriel arrivera à expiration le 31 décembre 2011, raison pour laquelle la proposition à l'examen est présentée avant que cette expiration n'intervienne.

3.5   Par ailleurs, l'article 349 du TFUE reconnaît aux Canaries le caractère de région ultrapériphérique, tient compte de leur situation économique et sociale structurelle et en reconnaît le grand éloignement, l'insularité, la faible superficie, le relief et le climat difficiles, la dépendance vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement. En conséquence, il autorise le Conseil, sur proposition de la Commission, à arrêter des mesures spécifiques, portant notamment sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de l'Union.

4.   La proposition de règlement du Conseil

4.1   Le TFUE permet d'appliquer des mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques de l'Union, afin de les aider à surmonter les handicaps économiques dont elles souffrent en raison de leur situation géographique. La persistance de la crise économique et financière n'a fait qu'aggraver les problèmes des Îles Canaries en matière de création d'emplois et de perte de compétitivité.

4.2   En conséquence, le gouvernement espagnol a demandé, par la voie d'une proposition de règlement du Conseil, la prolongation du régime actuel de suspension des droits à l'importation de certains produits industriels dans ces îles. Cette proposition prévoit également la suspension des droits du tarif douanier commun pour quatre nouveaux produits.

4.3   La proposition entend être cohérente avec les autres politiques de l'Union, en particulier dans le domaine du commerce international, de la concurrence, des entreprises et des relations extérieures. Il est habituel de recourir régulièrement à ce type de mesures pour soutenir les opérateurs économiques.

4.3.1   Grâce à la suspension temporaire des droits de douane, la proposition permet aux opérateurs économiques locaux de ces îles d'importer en franchise douanière un certain nombre de matières premières, de pièces détachées, de composants et de biens d'équipement.

4.3.1.1   Plus précisément, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2021, les droits du tarif douanier commun applicables aux importations dans les Îles Canaries de biens d'équipement à usage commercial ou industriel visés à l'annexe sont suspendus dans leur totalité.

4.3.1.2   Pendant une période minimale de 24 mois à compter de leur mise en libre pratique, ces biens sont utilisés par les opérateurs économiques établis dans les Îles Canaries.

4.3.1.3   En outre, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2021, les droits du tarif douanier commun applicables aux importations dans les Îles Canaries de matières premières, pièces détachées et composants relevant des codes NC visés à l’annexe II telle que modifiée et qui sont destinés à des fins de transformation industrielle ou de maintenance dans les Îles Canaries sont suspendus dans leur totalité.

4.3.2   Afin d'éviter toute utilisation abusive ou frauduleuse ou toute modification des flux commerciaux traditionnels, il est prévu que les produits bénéficiant de la suspension des droits soient soumis à des mécanismes de coopération et à des contrôles de leur utilisation finale.

4.3.3   Pour pouvoir bénéficier de la suspension des droits, les matières premières, les pièces détachées et les composants doivent être destinés à des fins de transformation industrielle et de maintenance sur le territoire des Îles Canaries.

4.3.4   Par ailleurs, les biens d’équipement devront être utilisés par des entreprises locales des îles pendant au moins deux ans avant de pouvoir être vendus librement à des entreprises implantées sur le reste du territoire douanier de l’Union européenne.

4.3.4.1   Pour que les investisseurs puissent disposer de perspectives à long terme et que les opérateurs économiques puissent atteindre un niveau adéquat d’activité industrielle et commerciale, la suspension des droits du tarif douanier commun applicables à certains produits visés aux annexes II et III du règlement (CE) no 704/2002 est intégralement prorogée, et ce pour une période de dix ans.

4.3.4.2   Afin de garantir que seuls les opérateurs économiques établis sur le territoire des Îles Canaries bénéficient des mesures tarifaires prévues, il convient que les suspensions soient subordonnées à l’utilisation finale des produits, conformément aux dispositions du code des douanes communautaire et, en cas de détournement des échanges, il y a lieu de conférer à la Commission des compétences d'exécution lui permettant d’annuler provisoirement cette suspension tarifaire.

5.   Observations générales

5.1   Le CESE accueille avec satisfaction la proposition de modification du règlement (CE) et considère que les mesures spécifiques qu'il prévoit peuvent être adoptées sans porter aucunement atteinte à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique de l'Union, y compris en ce qui concerne le marché intérieur et les politiques communes.

5.2   Ces motivations d'ordre juridique et économique sont corroborées par d'autres circonstances, à savoir notamment que le groupe de travail «Économie tarifaire» de la Commission n'a opposé aucune objection à l'adoption future des mesures en question, et le fait que l'élaboration de ces mesures n'a pas nécessité la réalisation d'une analyse d'impact en raison de leur caractère universel.

5.3   La Commission fonde la proposition de règlement sur l'article 349 du TFUE, alors que les mesures se réfèrent intégralement à la politique douanière, qui est une compétence exclusive de l'UE. Dès lors, la disposition prévoyant la transmission de cette proposition aux parlements nationaux, qui découle peut-être d'une interprétation très large de l'article 2, premier alinéa, du protocole no 1 annexé au TUE et au TFUE (sur le rôle des parlements nationaux dans l'UE), apparaît excessivement formaliste.

5.4   Cette circonstance aura vraisemblablement pour effet de ralentir le processus d'adoption du règlement, ce qui ne devrait pas manquer de susciter des polémiques ou des controverses internes, lesquelles nuisent souvent à l'intérêt général de l'UE ou à la réalisation appropriée de certains objectifs spécifiques, tels que la protection des territoires et des régions ultrapériphériques à l'égard des conditions économiques défavorables auxquelles ils sont confrontés.

5.5   Il conviendrait également de définir quantitativement et qualitativement la notion de «détournement des échanges», en vertu de laquelle la Commission peut adopter des actes d'exécution annulant la suspension des droits à l'importation.

5.6   C'est d'autant plus nécessaire que l'appréciation quantitative de ces détournements nécessitera la réalisation de complexes analyses économiques du marché afin de déterminer l'équilibre réel entre les importations des produits concernés et les besoins suscités par la demande sur le marché insulaire.

5.7   De même, il conviendrait de clarifier la nature juridique des actes statuant de manière définitive sur le maintien ou la levée de la suspension, à l'issue de la période de 12 mois, prévus à l'article 4, paragraphe 1, de la proposition de règlement.

5.8   Étant donné que c'est au Conseil qu'il revient d'adopter, selon une procédure législative spéciale, le règlement à l'examen instituant une suspension temporaire, il apparaît logique que ce soit également lui qui adopte cette décision définitive, la compétence déléguée de la Commission se limitant ainsi à l'adoption éventuelle des actes relatifs à l'annulation provisoire évoquée plus haut, pour une durée maximale de 12 mois, de la suspension.

5.9   Le CESE considère que la proposition contribue à assurer la cohésion économique, sociale et territoriale de la région, ainsi qu'à lui permettre d'affronter à armes égales la concurrence sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, en compensant les handicaps permanents de nature géographique, naturelle, économique, sociale et structurelle propres aux Îles Canaries.

5.10   La suspension des droits prévue est conforme au principe de proportionnalité, compte tenu de l'ampleur des handicaps dont souffrent les Îles Canaries, en termes d'accessibilité, de situation démographique, ainsi éventuellement que de productivité. Le CESE considère que ces suspensions ont pour objet de compenser les surcoûts liés à la situation de ces îles et ne constituent pas un facteur de distorsion du marché, mais au contraire un élément d'équilibre.

6.   Observations particulières

6.1   Face à l'impossibilité de limiter le manque d'accessibilité par rapport au continent européen, un régime économique et fiscal spécifique, destiné à compenser ces handicaps structurels, a été établi dans le but de dynamiser l'économie des Îles Canaries.

6.2   Compte tenu des dimensions du marché et des entreprises de l'économie canarienne, il n'a pas été possible de mettre en œuvre des politiques instaurant une synergie entre les services liés au secteur des matières premières, en ce qui concerne les processus de production, le transport, la commercialisation sur le marché local de consommation et les capacités d'exportation, d'où l'impossibilité pour les entreprises d'apporter une valeur ajoutée de manière durable ou par le biais des coûts marginaux liés à la demande (exploitation des économies d'échelle).

6.3   En raison de tous ces aspects liés à l'insularité et des «surcoûts», le secteur industriel perd de sa compétitivité face aux autres marchés qui, dans un environnement de plus en plus mondialisé, gagnent en importance du fait des possibilités de délocalisation, avec les conséquences qu'aurait pour l'économie canarienne le déclin d'un secteur qui génère des emplois plus qualifiés et stables et qui permet de faciliter l'introduction de processus innovants.

6.4   Les mécanismes fiscaux et douaniers se sont efforcés de compenser les «surcoûts» supportés par le secteur industriel en raison du caractère ultrapériphérique des Canaries. Une étude récente évalue les «surcoûts» liés à la nature ultrapériphérique des Canaries à 5 988 273 924 euros, dont 25 % sont à la charge de l'industrie.

6.5   Le secteur industriel canarien considère que 32 % des «surcoûts» sont dus à la «capacité de production inutilisée», c'est-à-dire les «surcoûts» générés par l'impossibilité de profiter des avantages liés aux économies d'échelle, en raison du fait que les entreprises canariennes ont affaire à un marché local restreint et ont du mal à accéder aux marchés externes, sachant que 25 % des surcoûts sont dus aux transports et 28 % au «coût additionnel» de l'énergie.

Bruxelles, le 22 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 211 du 19.08.2008, p. 72.

(2)  JO C 221 du 17.09.2002, p. 37.

(3)  Données de l'Institut espagnol de la statistique.

(4)  JO C 268 du 19.09.2000, p. 32.

(5)  JO C 211 du 19.08.2008, p. 72.

(6)  Acte d'adhésion, Protocole no 2.

(7)  JO L 171 du 29.06.1991, p. 1.

(8)  JO L 171 du 29.06.1991, p. 5.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/62


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil confiant à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) certaines tâches liées à la protection des droits de propriété intellectuelle, notamment la convocation de représentants des secteurs public et privé dans le cadre d'un Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage»

COM(2011) 288 final — 2011/0135 (COD)

2011/C 376/11

Rapporteur: M. McDONOGH

Le 15 juin 2011 et le 7 juin 2011 respectivement, le Conseil et le Parlement européen ont décidé, conformément aux articles 114 et 118, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil confiant à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) certaines tâches liées à la protection des droits de propriété intellectuelle, notamment la convocation de représentants des secteurs public et privé dans le cadre d'un Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage»

COM(2011) 288 final — 2011/0135(COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 30 août 2011

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 152 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1.   Observations et recommandations

1.1

Le Comité accueille favorablement la proposition de règlement de la Commission qui vise à renforcer l'Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage en confiant ses responsabilités à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI). Le travail de l'Observatoire est essentiel pour le système européen de protection de la propriété intellectuelle (PI), et il a besoin de davantage de ressources pour mener à bien sa mission.

1.2

Le Comité prépare actuellement un avis distinct sur la récente communication de la Commission proposant une stratégie pour parvenir à un véritable marché unique de la propriété intellectuelle (1). Les DPI constituent un instrument indispensable pour l'innovation technologique et commerciale dont l'Europe dépendra pour sa relance économique et sa croissance future (2). La nature de la gouvernance des DPI est également déterminante pour une culture européenne florissante et la qualité de vie dont jouissent les citoyens européens.

1.3

Le Comité ne croit pas que la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive puisse réussir si l'on ne crée pas un véritable marché unique de la propriété intellectuelle. Le Comité plaide depuis de nombreuses années en faveur de l'harmonisation des règles européennes et nationales en matière de promotion de l'innovation, de la créativité et du bien-être des citoyens, tout en soutenant par ailleurs les initiatives qui placent les œuvres, les biens et les services à la portée du plus grand nombre possible de citoyens (3).

1.4

Le Comité approuve globalement le règlement qui propose de confier à l'OHMI les tâches et les activités liées à la gestion de l'Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage, y compris en ce qui concerne les droits d'auteur et les droits voisins ainsi que les brevets. Le CESE convient que la proposition de confier ces tâches à l'OHMI, une agence européenne existante, permettrait à l'Observatoire de bénéficier de l'expertise qui est celle de l'OHMI en matière de propriété intellectuelle, de ses ressources et de son financement, ce qui lui permettrait d'être rapidement opérationnel. Le Comité est également satisfait de ce qu'en termes budgétaires, cette solution limiterait les coûts.

1.5

Le Comité marque son accord de principe sur la proposition d'étendre la palette des tâches que l'OHMI devrait exécuter en lien avec l'Observatoire, qui supposerait désormais d'éduquer le grand public et les agences chargées de faire appliquer la réglementation quant à l'importance des DPI et la meilleure manière d'assurer leur protection, de mener des activités de recherche sur la contrefaçon et la règlementation en matière de DPI ou encore d'améliorer l'échange d'informations en ligne pour renforcer l'application des dispositions dans ce domaine.

1.6

Cela étant, le Comité attache beaucoup d'importance au fait de figurer parmi les organisations invitées à prendre part aux réunions de l'Observatoire, expressément listées à l'article 4 du règlement à l'examen.

1.7

Le Comité demande instamment à être mentionné à l'article 8 du règlement, en tant que destinataire du rapport évaluant l'application du règlement, à l'instar du Conseil et du Parlement.

1.8

Les offices nationaux de propriété intellectuelle (ONPI) jouent un rôle essentiel pour ce qui est d'assurer le respect des DPI. Le CESE se félicite de l'avis de la Commission pour laquelle les ONPI font partie des entités énumérées dans la phrase «des représentants des administrations, organisations et organismes publics chargés de la protection des droits de propriété intellectuelle» (listées à l'article 4, paragraphe 1), lesquelles sont conviés aux réunions de l'Observatoire.

1.9

Une résolution rapide, équitable et cohérente des différends concernant des accusations de contrefaçon ou de piratage accroîtrait la confiance dans la législation en matière de PI et améliorerait les conditions d'application des DPI. C'est pourquoi le Comité invite la Commission à charger spécifiquement l'OHMI, dans le cadre de l'article 2, d'aider à améliorer la connaissance et la compréhension des meilleures pratiques en matière de résolution des différends dans le domaine des DPI, en consacrant un volet à la jurisprudence correspondante dans les États membres. Il convient néanmoins de ne pas entraver le recours aux juridictions compétentes.

1.10

Le Comité compte adresser en temps voulu des commentaires plus complets sur la gestion collective des droits au sein de l'UE. Cela étant, l'OHMI pourrait apporter une contribution de taille à l'amélioration des conditions de protection des droits d'auteurs en rassemblant des informations relatives aux diverses pratiques des sociétés de gestion des droits d'auteurs dans l'UE. Le Comité invite la Commission à envisager cet aspect à l'article 2 du règlement.

2.   Contexte

2.1

Les DPI, qui recouvrent les brevets, les marques déposées, les modèles déposés et les indications géographiques, ainsi que les droits d'auteurs et les droits voisins (pour les artistes interprètes ou exécutants, les producteurs et les diffuseurs) constituent une pierre angulaire de l'économie de l'UE et un moteur essentiel à sa croissance future.

2.2

En 2009, la valeur des dix premières marques dans les pays de l'UE atteignait presque 9 % du PIB en moyenne. Les industries créatives fondées sur les droits d'auteur, telles que l'édition de logiciels, de livres et de journaux, la musique et les films, ont contribué à hauteur de 3,3 % du PIB de l'UE en 2006 et représentent environ 1,4 million de PME, pour 8,5 millions d'emplois. L'emploi dans les secteurs de l'«économie de la connaissance» a augmenté de 24 % entre 1996 et 2006, tandis qu'il ne progressait que de 6 % dans les autres secteurs.

2.3

Diverses études publiées par le secteur privé et par des organisations internationales confirment l'augmentation constante du commerce de biens contrefaits ou piratés, et en concluent que cette activité:

réduit sensiblement l'investissement dans l'innovation et détruit des emplois (4);

menace la santé et la sécurité des consommateurs européens (5);

pose de graves problèmes aux PME européennes (6);

entraîne un manque à gagner fiscal en raison de la baisse des ventes déclarées (7);

attire la criminalité organisée (8).

2.4

En 2009, le Conseil (9) et la Commission (10) ont créé un Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage (ci-après dénommé l'«Observatoire») dans le but d'améliorer la connaissance des atteintes aux DPI.

2.5

L'Observatoire est un centre d'expertise pour la collecte, le contrôle et la transmission d’informations et de données sur toutes les formes d’atteintes aux DPI; il constitue également pour les représentants des autorités nationales et des parties intéressées une plateforme de coopération leur permettant de partager leurs idées et leur expérience en matière de bonnes pratiques, d’élaborer des stratégies communes pour assurer le respect de ces droits et d’adresser des recommandations aux décideurs politiques.

2.6

Même s'il apparaît de plus en plus nécessaire que l'Observatoire en fasse plus, la marge de manœuvre pour étendre ses compétences et développer ses activités opérationnelles est inexistante, ces deux projets réclamant une infrastructure durable sur le plan des ressources humaines, du financement et de l'équipement informatique, ainsi que l'accès à l'expertise nécessaire.

2.7

Dans le cadre de la stratégie générale visant à promouvoir une croissance durable et des emplois au sein du marché unique et à améliorer la compétitivité de l'UE à l'échelle mondiale, la Commission a proposé une nouvelle stratégie globale sur les DPI (11). Cette stratégie constitue un élément important de la stratégie Europe 2020, de l'Acte pour le marché unique (12) et de la stratégie numérique pour l'Europe qu'elle vient compléter.

2.8

Dans une communication récente, sur laquelle un avis distinct du Comité est en cours d’élaboration, la Commission envisage la création d’un marché unique de la propriété intellectuelle (13). Parmi les premiers résultats attendus de cette stratégie sur les DPI figure le règlement proposé, qui vise à renforcer l'Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage en confiant ses responsabilités à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI). Cet arrangement permettra à l'Observatoire d'étendre le champ de ses activités et de bénéficier de l'expertise de l'OHMI en matière de propriété intellectuelle ainsi que du bon bilan de ce dernier dans le domaine des marques et des dessins.

2.9

L'article 2 du règlement proposé consiste en une liste exhaustive des tâches et activités que devrait se voir confier l'OHMI, parmi lesquelles: renforcer les capacités en matière de protection des DPI à travers l'Union, améliorer la sensibilisation du public à l'impact des atteintes aux DPI et susciter un climat général propice à une application effective des dispositions en la matière.

2.10

La Commission a procédé à une évaluation de l'impact des différentes options envisagées pour améliorer la capacité de l'Observatoire à répondre aux besoins de la nouvelle stratégie sur les DPI (14). Elle en a conclu que la meilleure solution consisterait à transférer l'Observatoire à l’OHMI, lequel dispose des structures et des financements appropriés et sera en mesure de s’atteler à la poursuite des objectifs de l'Observatoire dès que son règlement intérieur aura été modifié.

3.   Observations

3.1

Le Comité unit les différents intérêts économiques et sociaux qui prévalent dans l'UE, rassemblant tous les acteurs sociaux. En réalisant la synthèse des diverses perspectives et expériences de ses membres, cette institution unique joue un rôle fondamental dans l'examen et la formulation de la politique. D'autre part, le CESE se soucie vivement de la protection des DPI et a œuvré assidument au fil des ans pour aider à définir une politique européenne des DPI. C'est pourquoi le Comité est très surpris et déçu d'être écarté de la liste des organisations conviées aux réunions de l'Observatoire figurant à l'article 4 du règlement proposé. Il conviendrait de rectifier cet oubli pour s'assurer que le CESE soit en mesure de contribuer aux travaux de l'Observatoire et au savoir qu'il développe.

3.2

Il serait opportun que l'Observatoire englobe dans sa composition des représentants des diverses organisations de la société civile, notamment les organisations d'employeurs, les syndicats, les organisations d'auteurs et celles qui représentent les intérêts des consommateurs.

3.3

Le Comité attache aussi beaucoup d'importance au fait d'être mentionné à l'article 8 du règlement à l'examen, en tant que destinataire du rapport évaluant l'application du règlement, à l'instar du Conseil et du Parlement.

3.4

Parmi les dommages imputables à une gestion et une application insuffisantes des DPI figure le financement des réseaux du crime et du terrorisme. Le blanchiment d'argent et la contrefaçon constituent des actes criminels qu'il y a lieu de combattre énergiquement. Il convient que l'Observatoire inscrive à son programme de travail des études sur la nature et l'échelle du comportement criminel.

3.5

La défense cohérente des DPI exige une véritable coopération administrative, renforcée et accrue dans le domaine de la contrefaçon et du piratage, un véritable partenariat pour la mise en place d'un marché intérieur sans frontières. À cette fin, il est nécessaire de créer un réseau efficace de points de contacts dans toute l'UE.

3.6

Dans chaque État membre, les citoyens et les entreprises doivent savoir quelle organisation contacter pour obtenir informations et soutien en matière de protection des DPI. L'Observatoire devrait œuvrer pour faire des offices nationaux de la propriété intellectuelle l'un des premiers interlocuteurs en matière d'application des DPI dans chaque État membre.

3.7

Dans le respect du principe de subsidiarité, il conviendrait que les États membres répertorient les ONPI parmi les organisations conviées aux réunions de l'Observatoire au titre de l'article 4, paragraphe 1, de la proposition de règlement à l'examen. Leur participation renforcerait l'expertise pratique de l'Observatoire et les capacités en matière de protection des DPI dans toute l'UE.

3.8

Toutes les agences compétentes, tous les offices nationaux de propriété intellectuelle devront accéder à un réseau électronique efficace et rapide d'échange d'informations sur les atteintes aux DPI. Ce devrait être une priorité pour l'Observatoire que de mettre ce réseau en place.

3.9

Les différends quant à la possession de la PI et aux accusations de contrefaçon et de piratage sont souvent difficiles à résoudre. En vertu de l'article 2, paragraphe 2, du règlement proposé, l'OHMI pourrait compiler la jurisprudence relative aux litiges sur les DPI et contribuer à améliorer la résolution des différends dans toute l'UE sans entraver le recours aux juridictions compétentes.

3.10

L'OHMI devrait notamment proposer un soutien tourné spécifiquement vers les PME et les PMI, lesquelles sont souvent victimes des coups que leur porte la contrefaçon, afin de s'assurer qu'elles sont mieux informées de leurs droits. Pour que la stratégie Europe 2020 réussisse, nous devons axer davantage nos efforts sur la protection des jeunes pousses et des PME.

3.11

Le règlement confiant à l'OHMI certaines tâches relatives aux DPI comporte l'intention d'améliorer les conditions entourant l'application des DPI au sein de l'Union et de rassembler les informations pertinentes, y compris la jurisprudence, qui peuvent permettre d'atteindre cet objectif. À cet effet, il importe que l'OHMI collecte des informations sur les pratiques des sociétés de gestion, ainsi que la jurisprudence pertinente relative aux litiges en matière de droits d'auteur, en vue d'améliorer la compréhension et la sensibilisation aux problèmes qu'entraîne une législation inadaptée.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2011) 287 final «Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle», avis CESE en cours d'élaboration (INT/591) rapporteur: M. Meynent.

(2)  Voir la stratégie «Europe 2020» (COM(2010) 2020 final), l'«Examen annuel de la croissance 2011» (COM(2011) 11 final), «Une stratégie numérique pour l'Europe» (COM(2010) 245 final), «L'Acte pour le marché unique» (COM(2011) 206 final) et «Une Union de l'innovation» (COM(2010) 546 final).

(3)  JO C 116 du 28.4.1999, p. 35; JO C 155 du 29.5.2001, p. 80; JO C 221 du 7.8.2001, p. 20; JO C 32 du 2.2.2004, p. 15; JO C 108 du 30.4.2004, p. 23; JO C 324 du 30.12.2006, p. 7; JO C 256 du 27.10.2007, p. 3; JO C 182 du 4.8.2009, p. 36; JO C 218 du 11.9.2009, p. 8; JO C 228 du 22.9.2009, p. 52; JO C 306 du 16.12.2009, p. 7; JO C 18 du 19.1.2011, p. 105; JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

(4)  Voir, par exemple, le rapport de TERA Consultants, «Promouvoir l'économie numérique – Mars 2010». http://www.iccwbo.org/bascap/id35360/index.html

(5)  Commission européenne, Direction générale «Fiscalité et Union douanière», «Rapport sur les douanes de l'UE et le respect des droits de propriété intellectuelle, résultats aux frontières de l'UE, 2009»,

http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/customs/customs_controls/counterfeit_piracy/statistics/statistics_2009.pdf.

(6)  Technopolis (2007), «Study: Effects of counterfeiting on EU SMEs» (Étude: les effets de la contrefaçon sur les PME de l'UE), http://ec.europa.eu/enterprise/enterprise_policy/industry/doc/Counterfeiting_Main%20Report_Final.pdf.

(7)  Frontier Economics (mai 2009): «The impact of counterfeiting on Governments and Consumers» («Les conséquences de la contrefaçon sur les gouvernements et les consommateurs»):

http://www.iccwbo.org/uploadedFiles/BASCAP/Pages/Impact%20of%20Counterfeiting%20on%20Governments%20and%20Consumers%20-%20final%20doc.pdf-%20Final%20doc.pdf.

(8)  UNICRI, «Counterfeiting: a global spread» («La contrefaçon: une prolifération mondiale»), 2008, http://counterfeiting.unicri.it/report2008.php.

(9)  Résolution du Conseil du 25 septembre 2008, JO C 253 du 4.10.2008, p. 1.

(10)  Communication de la Commission du 11 septembre 2009 intitulée «Renforcer l'application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur», COM(2009) 467.

(11)  COM(2011) 287 final «Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle».

(12)  COM(2011) 206 final – L'Acte pour le marché unique – Douze leviers pour stimuler la croissance et renforcer la confiance «Ensemble pour une nouvelle croissance».

(13)  COM(2011) 287 final

(14)  SEC(2011) 612 final «Évaluation d'impact accompagnant la proposition de règlement confiant à l'Office d'harmonisation …».


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/66


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines»

COM(2011) 289 final — 2011/0136 (COD)

2011/C 376/12

Rapporteur: M. McDONOGH

Le 15 juin 2011 et le 7 juin 2011 respectivement, le Conseil et le Parlement européen ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines»

COM(2011) 289 final — 2011/0136 (COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 30 août 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 131 voix pour et 3 abstentions.

1.   Observations et recommandations

1.1   Le Comité accueille favorablement la proposition de directive de la Commission relative à l'utilisation des œuvres orphelines. Si elle est menée à bien, cette initiative stimulera le développement des bibliothèques numériques telles qu'Europeana (1) et d'autres institutions publiques qui accomplissent des missions d'intérêt public auxquelles il est fait référence à l'article 1, paragraphe 1, de la proposition de directive à l'examen, lesquelles permettent aux citoyens d'accéder à la diversité et à la richesse du patrimoine culturel de l'Europe.

1.2   Le Comité élabore actuellement un avis distinct sur la récente communication de la Commission qui propose une stratégie en faveur d'un marché unique de la propriété intellectuelle (PI) (2). Les DPI sont un instrument essentiel pour l'innovation technologique et commerciale dont l'Europe dépendra pour sa relance économique et sa croissance future (3). La nature de la gouvernance des DPI est également déterminante pour une culture européenne florissante et la qualité de vie dont jouissent les citoyens européens.

1.3   Le Comité ne croit pas que la stratégie Europe 2020 en faveur d'une croissance intelligente, durable et inclusive puisse réussir si l'on ne crée pas un véritable marché unique de la PI. Le Comité plaide depuis de nombreuses années en faveur de l'harmonisation des dispositions européennes et nationales en matière de promotion de l'innovation, de la créativité et du bien-être des citoyens, tout en soutenant par ailleurs les initiatives qui placent les œuvres, les biens et les services à la portée du plus grand nombre possible de citoyens (4).

1.4   Le Comité approuve globalement la directive proposée qui cherche à établir un cadre légal visant à garantir un accès en ligne aux œuvres orphelines par delà les frontières et en toute légalité (5). Dans son avis relatif à «Une stratégie numérique pour l'Europe» (6), le CESE a résolument appuyé des mesures telles que la mise en œuvre de ce cadre, qui s'attaquerait aux problèmes de fragmentation culturelle et économique du marché unique.

1.5   Le CESE soutient résolument la numérisation et la large diffusion du patrimoine culturel de l'Europe (7). Il estime que la mise à disposition en ligne de ces documents constitue un élément essentiel au développement de l'économie de la connaissance en Europe, et qu'elle est indispensable pour offrir aux citoyens une vie culturelle riche et plurielle. C'est pourquoi le Comité se félicite que la Commission propose une directive qui s'attaque au problème spécifique des œuvres orphelines.

1.6   Le Comité convient qu'une directive est nécessaire dans la mesure où fort peu d'États membres se sont dotés d'une législation sur les œuvres orphelines, et que dans les cas où une législation nationale existe, celle-ci en limite l'accès aux citoyens résidant sur le territoire de l'État membre en question.

1.7   Le Comité marque son accord de principe sur l'approche proposée par la directive, qui repose sur quatre piliers:

la définition des règles pour ce qui est de répertorier les œuvres orphelines en menant une recherche diligente du titulaire des droits d'auteur;

la reconnaissance du caractère orphelin d'une œuvre si la recherche menée n'a pas permis d'établir le titulaire des droits d'auteur;

la définition des utilisations qui peuvent être faites des œuvres orphelines, y compris leur diffusion à tous les États membres;

la reconnaissance mutuelle du statut d'œuvre orpheline par tous les États membres.

1.8   Afin de faciliter la recherche efficace des titulaires des droits d'auteur et la large diffusion des œuvres orphelines, il est essentiel de disposer pour chaque secteur de bases de données et de registres des droits en ligne, comparables à l'instrument existant pour le secteur de l'édition (8). Le Comité invite la Commission à faciliter le travail des organisations représentatives dans la mise en place de ces outils.

1.9   Le CESE estime que les États membres devraient tenir un registre des bases de données existant dans leur pays qui sont officiellement autorisées à enregistrer les résultats des recherches diligentes menées sur leur territoire, conformément aux dispositions de l'article 3, paragraphe 4, de la directive. De tels registres aideraient les institutions d'autres pays de l'UE à savoir que les sources sont officiellement considérées comme fiables.

1.10   Le Comité attire l'attention de la Commission sur l'importance que revêtent, pour le patrimoine culturel de l'UE, la musique traditionnelle, l'histoire fondée sur des entretiens enregistrés ainsi que les œuvres photographiques et cinématographiques et il demande que les enregistrements et images de ce type présents dans les archives de toute institution figurant dans la liste établie à l'article 1, paragraphe 1, bénéficient du même traitement dans l'identification et la publication des œuvres orphelines. Le Comité observe que l'article 11 de la directive à l'examen prévoit l'inclusion éventuelle, dans le champ de la directive, d'objets protégés qui n'y figurent pas actuellement, en particulier des phonogrammes et des photographies qui existent en tant qu'œuvres indépendantes, et il presse la Commission de s'atteler à cette tâche le plus tôt possible.

1.11   Le Comité se réjouit aussi de l'ambition qu'affiche la Commission de conclure un protocole d'accord entre les bibliothèques, les éditeurs, les auteurs et les sociétés de gestion collective en vue de définir des solutions en matière d'octroi de licence pour numériser et rendre disponibles les ouvrages que l'on ne peut plus trouver dans le commerce (9)

2.   Contexte

2.1   Dans le cadre de la stratégie globale visant à promouvoir une croissance durable et des emplois au sein du marché unique et à améliorer la compétitivité de l'Europe à l'échelle mondiale, la Commission a proposé une stratégie sur les DPI (10). Cette stratégie constitue un élément important de la stratégie Europe 2020, de l'Acte pour le marché unique (11) et de la stratégie numérique pour l'Europe qu'elle vient compléter.

2.2   Dans une communication récente, sur laquelle un avis distinct du Comité est en cours d’élaboration, la Commission envisage la création d’un marché unique de la propriété intellectuelle (12). Parmi les premiers résultats que l'on attend de cette stratégie sur les DPI figure la proposition de directive à l'examen, qui vise à faciliter l'autorisation d'utiliser les œuvres orphelines, ce qui permettra à quantité d'œuvres culturelles d'être accessibles en ligne, et ce dans tous les États membres. Le développement des bibliothèques numériques européennes, qui préservent et diffusent le riche patrimoine culturel et intellectuel de l'Europe, s'en trouvera ainsi facilité.

2.3   La numérisation et la diffusion des œuvres orphelines posent un défi culturel et économique spécifique. En l'absence de titulaire connu des droits, les utilisateurs ne sont pas en mesure d'obtenir l'autorisation requise: un livre ne peut pas être numérisé par exemple. Les œuvres orphelines occupent une place considérable dans les collections des établissements culturels d'Europe. La British Library estime ainsi que 40 % de ses collections soumises à droit d'auteur – 150 millions d'ouvrages au total – sont des œuvres orphelines.

2.4   La Commission propose aujourd'hui une directive dans le but de définir des règles communes à tous les États membres quant à la façon de traiter ce type d'œuvre, afin de faciliter les projets de numérisation à grande échelle qu'exige la stratégie numérique pour l'Europe.

2.5   La Commission a procédé à une évaluation d'impact et envisagé six options différentes pour mener à bien l'initiative relative aux œuvres orphelines (13). Elle en a conclu que la meilleure approche consisterait à s'appuyer sur la reconnaissance mutuelle par les États membres du statut orphelin des œuvres. Cette démarche permet aux bibliothèques et autres bénéficiaires visés à l'article 1, paragraphe 1, de la proposition de directive à l'examen de disposer d'une certitude juridique en ce qui concerne le «statut orphelin» d'une œuvre particulière. En outre, la reconnaissance mutuelle permettra aux œuvres orphelines figurant dans les bibliothèques numériques d'être accessibles aux citoyens de toute l'Europe.

2.6   La directive repose sur quatre piliers:

i.

En premier lieu, afin d'établir si une œuvre est orpheline, il est demandé aux bibliothèques, établissements d'enseignement, musées ou archives, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes de radiodiffusion de service public d'effectuer au préalable une recherche diligente des titulaires de droits, conformément aux exigences de la proposition de directive, dans l'État membre où l'œuvre a initialement été publiée.

ii.

Une fois que cette recherche diligente aura permis d'établir que l'œuvre est orpheline, celle-ci sera réputée être une œuvre orpheline dans toute l'UE, ce qui évitera de multiplier les recherches.

iii.

Il sera alors possible de mettre de telles œuvres en ligne sans autorisation préalable, dans un but culturel ou éducatif, à moins que leur propriétaire ne mette fin à ce statut d'œuvre orpheline. Dans ce cas, les titulaires de droits qui se présentent pour revendiquer leurs œuvres doivent être rémunérés et cette rémunération devra tenir compte du type d'œuvre et de l'utilisation concernés.

iv.

Enfin, il y aura reconnaissance mutuelle du statut d'œuvre orpheline par tous les États membres.

3.   Observations

3.1   Le Comité estime qu'il est important que toutes les initiatives politiques concernant les DPI trouvent un juste équilibre entre, d'une part, les droits des créateurs et des propriétaires et, d'autre part, les intérêts des utilisateurs et des consommateurs finaux, de sorte à mettre les œuvres à la portée du plus grand nombre possible de citoyens dans chaque État membre.

3.2   Pour faciliter la recherche de DPI, la Commission pourrait publier et mettre à jour régulièrement la liste des entités visées à l'article 1, paragraphe 1, de la directive, qui sont responsables de la gestion des œuvres orphelines.

3.3   Par ailleurs, ces institutions doivent savoir que les sources qui enregistrent les recherches diligentes dans un autre pays de l'UE sont officiellement considérées comme fiables. C'est pourquoi les États membres devraient tenir un registre des bases de données existant dans leur pays qui sont officiellement autorisées à enregistrer les résultats des recherches diligentes menées sur leur territoire, conformément aux dispositions de l'article 3, paragraphe 4, de la directive à l'examen.

3.4   Le Comité observe que l'article 11 de la proposition de directive prévoit l'inclusion éventuelle, dans le champ de la directive, des objets protégés qui n'y figurent pas actuellement, en particulier des phonogrammes et des photographies qui existent en tant qu'œuvres indépendantes. Nonobstant cette disposition de réexamen, il convient de plaider dès à présent pour la publication rapide de ces objets culturels.

3.4.1   La musique traditionnelle et l'histoire orale sont très importantes pour le patrimoine culturel de l'Europe, et l'on dispose dans toute l'UE de riches collections d'archives de documents enregistrés, non seulement au sein des organismes de radiodiffusion de service public, mais aussi dans les autres institutions listées à l'article 1, paragraphe 1. Ce matériel audio et audiovisuel devrait lui aussi être soumis aux mêmes règles de recherche, de classification et d'utilisation que les autres œuvres visées à l'article 1, paragraphe 2, de la directive.

3.4.2   De la même façon, les documents photographiques et cinématographiques constituent une source d'information particulièrement riche pour connaître et comprendre la civilisation européenne. Lorsque des œuvres de ce type pourraient être considérées comme des œuvres orphelines, alors il conviendrait de tout faire pour les tirer des archives cachées des institutions publiques.

Bruxelles, 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Europeana permet aux citoyens d'explorer les ressources numériques des musées, bibliothèques, archives et collections audio-visuelles d'Europe. Ce projet financé par la Commission européenne a été lancé en 2008, dans le but de rendre le patrimoine culturel et scientifique de l'Europe accessible au grand public. Voir le site: www.europeana.eu.

(2)  COM(2011) 287 final «Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle».

(3)  Voir: la stratégie «Europe 2020» (COM(2010) 2020 final), l'«Examen annuel de la croissance 2011» (COM(2011) 11 final), «Une stratégie numérique pour l'Europe» (COM(2010) 245 final), l'«Acte pour le marché unique» (COM(2011) 206 final) et «Une Union de l'innovation» (COM(2010) 546 final).

(4)  JO C 116 du 28.4.1999, p. 35; JO C 155 du 29.5.2001, p. 80; JO C 221 du 7.8.2001, p. 20; JO C 32 du 2.2.2004, p. 15; JO C 108 du 30.4.2004, p. 23; JO C 324 du 30.12.2006, p. 7; JO C 256 du 27.10.2007, p. 3; JO C 182 du 4.8.2009, p. 36; JO C 218 du 11.9.2009, p. 8; JO C 228 du 22.9.2009, p. 52; JO C 306 du 16.12.2009, p. 7; JO C 18 du 19.1.2011, p. 105; JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

(5)  Les œuvres orphelines sont des œuvres telles que les livres, les articles de journaux ou de magazines qui sont toujours protégées par un droit d'auteur, mais dont les titulaires du droit d'auteur ne peuvent pas être localisés pour obtenir les autorisations nécessaires. Elles recouvrent aussi des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles. On trouve des œuvres orphelines dans les collections des bibliothèques européennes.

(6)  JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

(7)  JO C 324 du 30.12.2006, p 7; JO C 182 du 4.8.2009, p. 36; JO C 228 du 22.9.2009, p 52; JO C 18 du 19.1.2011, p. 105; JO C 54 du 19.2.2011, p. 58.

(8)  ARROW: l'«Accessible Registries of Rights Information and Orphan Works» (registre des œuvres orphelines et ouvrages épuisés) auprès d'Europeana est un projet mené par un consortium de bibliothèques nationales européennes, d'éditeurs et d'organisation de gestion collective, dans lequel les écrivains sont également représentés par le truchement de leurs principales associations européennes et organisations nationales, voir www.arrow-net.eu.

(9)  Voir l'IP/11/630, Bruxelles, 24 mai 2011.

(10)  COM(2011) 287 final «Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle».

(11)  COM(2011) 206 final - «L'Acte pour le marché unique: douze leviers pour stimuler la croissance et renforcer la confiance: Ensemble pour une nouvelle croissance».

(12)  COM(2011) 287 final.

(13)  SEC(2011) 615 final «Évaluation de l'impact de l'accès en ligne transfrontière aux œuvres orphelines».


22.12.2011   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 376/69


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la normalisation européenne et modifiant les directives du Conseil 89/686/CEE et 93/15/CEE, ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 94/9/CE, 94/25/CE, 95/16/CE, 97/23/CE, 98/34/CE, 2004/22/CE, 2007/23/CE, 2009/105/CE et 2009/23/CE»

COM(2011) 315 final — 2011/0150 (COD)

2011/C 376/13

Rapporteur: M. PEZZINI

Le 24 et le 23 juin 2011 respectivement, le Conseil et le Parlement européen ont décidé, conformément à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la normalisation européenne et modifiant les directives 89/686/CEE et 93/15/CEE du Conseil, ainsi que les directives 94/9/CE, 94/25/CE, 95/16/CE, 97/23/CE, 98/34/CE, 2004/22/CE, 2007/23/CE, 2009/105/CE et 2009/23/CE du Parlement européen et du Conseil»

COM(2011) 315 final — 2011/0150(COD).

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 30 août 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 121 voix pour, 2 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité économique et social européen (CESE) soutient l'intention de la Commission de revoir le système européen de normalisation en vue de préserver ses nombreux volets réussis, de remédier à ses insuffisances et de trouver un juste équilibre entre les dimensions internationale, européenne et nationale, en assurant un niveau d'excellence qualitative à l'échelle mondiale.

1.2   Le Comité est convaincu de la nécessité d'instaurer au niveau de l'Union un cadre législatif et réglementaire flexible et dynamique, de manière à optimiser la valeur ajoutée de la normalisation technique européenne, qui vise à favoriser la compétitivité, l'innovation et la croissance.

1.3   Le Comité réaffirme l'importance de la normalisation européenne pour le bon fonctionnement et la consolidation du marché intérieur, notamment dans le domaine de la santé, de la sécurité, de la protection de l'environnement, de la défense des consommateurs et de l'interopérabilité, secteurs qui, aujourd'hui, font de plus en plus appel aux technologies de l'information et de la communication (TIC).

1.4   Le Comité estime essentiel d'adapter le rythme et la vitesse d'élaboration des normes, ainsi que d'en étendre le champ d'intervention aux secteurs des services et des technologies de l'information et de la communication, tout en prêtant particulièrement attention aux objectifs de qualité et de sécurité et au volume de normes produites, par l'utilisation de plates-formes Internet de consultation et d'échange d'informations en ligne.

1.5   Selon le CESE, les spécifications adoptées par des forums ou des consortiums industriels internationaux dans le domaine des TIC ne devraient être acceptées qu'à l'issue d'un processus de certification par les organismes européens de normalisation (OEN), avec la participation de représentants des PME, des consommateurs, des acteurs environnementaux, des travailleurs et des organismes représentant des intérêts sociaux majeurs.

1.6   Le CESE se félicite de la simplification des systèmes régissant le financement octroyé, sur une base juridique appropriée aux OEN, aux organismes nationaux de normalisation et aux autres instances chargées d'effectuer des activités de normalisation en coopération, ainsi qu'aux des organismes européens représentant les parties concernées.

1.7   Le CESE recommande l'élaboration d'un document commun de programmation garantissant la cohérence, la coordination et le respect des objectifs futurs du marché. Dans cette optique, il conviendrait que toutes les parties concernées par la programmation annuelle participent à la rédaction des programmes de travail par les OEN, les autres structures développant des spécifications techniques sectorielles (TIC), les services compétents de la Commission et les organismes nationaux de normalisation.

1.8   Le Comité souligne également la nécessité de disposer au plus vite de normes techniques actualisées dans le secteur des services, lequel continuera de se développer en tant qu'axe central novateur de l'économie à l'horizon 2020. Il remarque en même temps qu'il convient de prendre en compte le caractère spécifique des services et qu'il ne s'agit pas de recopier mécaniquement le modèle adopté pour la normalisation des biens. La définition de nouvelles normes dans le domaine des services devra prendre en considération les besoins du marché et de la société.

1.9   Le CESE estime important d'assurer un cadre stable pour la programmation pluriannuelle du financement du système européen de normalisation et se montre préoccupé de ce que les crédits budgétaires alloués à cette action ne soient proposés par la Commission que pour l'année 2013.

1.10   Le Comité recommande une interaction aussi large que possible entre les processus de normalisation technique et les programmes européens de recherche et d'innovation, afin d'assurer la mise en œuvre rapide des nouvelles technologies et dégager les avantages concurrentiels qui devraient en résulter pour l'économie européenne sur le marché mondial.

1.11   Le CESE préconise un lien étroit entre les organismes européens de normalisation (OEN) et les offices de brevets, qui protègent les droits de propriété intellectuelle (DPI).

1.12   Le Comité demande que la nouvelle réglementation prévoie expressément le renforcement de la position européenne dans le contexte de la normalisation internationale, afin de faciliter les échanges et d'améliorer la compétitivité de l'Europe.

2.   Introduction

2.1   Le Comité a toujours affirmé le rôle essentiel de la normalisation technique dans l'intérêt:

de la qualité des produits et des services européens,

de leur compétitivité sur le marché intérieur et mondial,

de la protection des consommateurs,

de l'amélioration des normes sociales et environnementales.

2.2   Le Comité a toujours été favorable à «une utilisation plus étendue de la normalisation européenne dans les politiques et la législation de l'Union afin de renforcer, conformément aux besoins de la société comme des entreprises, l'expansion de la normalisation technique dans de nouveaux domaines tels que les services, les technologies de l'information et de la communication, les transports, la protection des consommateurs et de l'environnement» (1).

2.3   Le Comité a également souligné que «la normalisation européenne est essentielle pour le fonctionnement et la consolidation du marché intérieur, notamment grâce aux directives dites “nouvelle approche” dans les secteurs …» (2).

2.4   Dans son récent avis intitulé «Vers un acte pour le marché unique», le Comité a répété que «les normes sont un élément essentiel de l'architecture du marché unique». Dans le même temps, il a souligné «qu'il importe d'y associer davantage les consommateurs et les PME, tout en garantissant de manière permanente et durable que soit surmonté le facteur limitatif qu'est le coût de cette participation à ce processus. Les normes ne devraient pas être dictées par certains acteurs particuliers. Les normes européennes doivent jouer un bien plus grand rôle dans le commerce mondial et il convient de les promouvoir dans le cadre des prochaines négociations commerciales, tant bilatérales que multilatérales» (3).

2.5   La normalisation technique joue un rôle déterminant quant au fonctionnement du marché intérieur et à la compétitivité internationale des produits et des services, en tant qu'instrument stratégique permettant d'assurer la qualité des biens et des services, l'interopérabilité des réseaux et des systèmes, un niveau élevé de protection des consommateurs et de l'environnement ainsi qu'un degré accru d'innovation et d'inclusion sociale.

2.6   Pour que ce rôle soit pleinement efficace, il convient notamment que les conditions suivantes soient remplies:

le processus européen de normalisation technique doit être à même de répondre rapidement aux besoins du législateur, mandaté par la Commission, et d'un secteur productif en mutation rapide, dans lequel la durée de vie et les cycles de développement des produits sont de plus en plus courts et où il est nécessaire de faire preuve de plus rapidité et de flexibilité pour maîtriser les défis à venir;

les normes techniques doivent être à même de suivre le rythme soutenu du développement technologique, sous peine de perdre leur utilité, et être en mesure de couvrir des secteurs de plus en plus larges – notamment dans le domaine des technologies de l'information et des services – en veillant au volume, à la rapidité et à la qualité de leur élaboration, notamment grâce à des plates-formes Internet de consultation;

le processus d'élaboration et d'application des normes doit pouvoir s'adapter aux besoins des petites et moyennes entreprises et non l'inverse, en leur assurant un niveau élevé de représentation et de participation dans les activités de normalisation, en particulier au niveau européen, dans le respect des équilibres entre les délégations nationales, sachant que les PME entretiennent généralement des relations difficiles et complexes avec les normes techniques;

une légitimation et un consensus plus élevés et plus larges doivent être atteints grâce à un processus de coopération reposant sur une base volontaire, ouverte et transparente, dans lequel l'industrie, les PME, les pouvoirs publics et les autres parties prenantes de la société civile peuvent agir de concert en disposant des mêmes possibilités d'accès: en effet, les normes se référant souvent à la sécurité et au bien-être des citoyens, à l'efficacité des réseaux, à l'environnement et à d'autres secteurs d'intérêt public, il importe que tous ces domaines disposent d'une représentation et d'une influence appropriées;

le système européen de normalisation doit répondre à la nécessité de garantir la pleine interopérabilité etcompatibilité des applications et des services liés aux technologies de l'information et de la communication (TIC), grâce à des normes européennes de référence certifiées;

le système européen de normalisation doit pouvoir bénéficier de soutiens financiers simplifiés et adéquats, afin d'assurer la pleine participation de tous les acteurs concernés à l'élaboration des normes, en prévoyant la prise en compte automatique de la dimension normative dans les programmes publics de recherche et d'innovation, dans le but de soutenir le développement de la stratégie Europe 2020;

une fois assuré un niveau adéquat de transparence, d'ouverture et de participation équilibrée de tous les intéressés, les normes produites par des forums et consortiums TIC reconnus au niveau mondial et contrôlés les organismes européens de normalisation (OEN), le CEN, le CENELEC et l'ETSI  (4), doivent être prises en compte, afin qu'il soit possible de s'y référer, dans le cadre de la législation européenne en matière de marchés publics;

le système d'échange d'informations entre l'ensemble des organismes et structures normalisation en Europe doit être dûment renforcé et tous les intéressés êtreassurés de pouvoir accéder aux normes dans des conditions d'équité.

2.7   S'agissant des aides financières, il y a lieu de rappeler que la décision no 1673/2006/CE, sur laquelle le Comité a eu la possibilité de se prononcer, établit les règles relatives à la contribution de l'UE au financement de la normalisation européenne, de manière à garantir que les normes européennes et les autres produits de la normalisation européenne soient élaborés et revus de manière à répondre aux objectifs, à la législation et aux politiques de l'Union. Les mêmes dispositions devraient s'appliquer aux organismes qui, sans être reconnus comme organismes européens de normalisation dans le règlement à l'examen, ont été chargés de mener à bien des travaux préparatoires à l'appui de la normalisation européenne.

2.8   Compte tenu de l'étendue du champ d'intervention de la normalisation européenne développée à l'appui des politiques et de la législation de l'Union, ainsi que de la diversité des activités de normalisation, il est nécessaire de prévoir différentes modalités de financement.

3.   Les propositions de la Commission

3.1   La proposition à l'examen vise à répondre aux besoins suivants:

pour assurer un soutien significatif au marché unique des biens et des services et empêcher l'apparition d'obstacles aux échanges au sein de l'UE, l'adoption de normes européennes par les OEN devrait concerner tant les biens que les services et continuer de bénéficier du cofinancement communautaire. Le processus d'élaboration des normes européennes devrait s'accélérer et suivre le rythme de plus en plus soutenu des cycles de développement des produits et des services;

la norme étant le fruit d'un consensus entre les parties ayant participé à son élaboration, le processus de normalisation devrait tirer sa légitimité de la participation des catégories de la société civile qui sont concernées, telles que les partenaires sociaux, les petites et moyennes entreprises, les consommateurs et les défenseurs de l'environnement;

pour pouvoir disposer de normes garantissant l'interopérabilité des services et des applications dans le secteur des technologies de l'information et de la communication, les normes TIC devraient pouvoir être reconnues formellement même lorsqu'elles ont été élaborées non pas par des organismes européens de normalisation (OEN) mais par des forums et des consortiums spécialisés.

3.2   À cette fin, la proposition prévoit en particulier – outre la modification des directives 89/686/CEE et 93/15/CEE, 94/9/CE, 94/25/CE, 95/16/CE, 97/23/CE, 2004/22/CE, 2007/23/CE, 2009/105/CE et 2009/23/CE – la révision et la fusion de directives et de décisions.

3.3   La nouvelle réglementation proposée, par la voie d'un règlement afin d'en assurer une application uniforme, poursuit les objectifs suivants:

une meilleure transparence et une coopération renforcée entre les organismes nationaux de normalisation (ONN), les organismes européens (OEN) et la Commission;

la reconnaissance de l'utilisation de normes TIC (matériel, logiciels et services informatiques), y compris celles développées par d'autres organismes, à condition qu'elles soient conformes avec les principes de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les obstacles techniques au commerce (OTC) et fassent droit à la nécessité d'une interopérabilité européenne;

la planification annuelle des priorités de l'UE en matière de normalisation et des mandats de la Commission;

une représentation accrue des PME avec le soutien financier de l'UE, ainsi que des consommateurs, des défenseurs de l'environnement et des représentants d'intérêts sociaux, y compris dans le cadre d'activités accessoires ou préparatoires;

des mesures visant à accélérer la vitesse d'élaboration des normes techniques européennes à la demande de la Commission, moyennant l'octroi d'aides financières à la recherche active d'un consensus par les OEN;

des mesures incitatives concernant également la promotion de normes techniques européennes au niveau international, ainsi que les programmes d'assistance et de coopération technique en faveur de pays tiers;

la promotion de la normalisation européenne et internationale incluant des aides aux entreprises pour la traduction dans les langues officielles de l'UE, aux fins d'une meilleure cohésion et accessibilité;

le développement des activités de normalisation dans les services, afin d'améliorer la compétitivité du marché intérieur en évitant une multiplicité de normes nationales, sur la base d'un mandat de la Commission;

la réduction des charges administratives, par l'application de montants forfaitaires sans vérification des coûts réels;

l'introduction d'un système fondé sur la performance, s'appuyant sur des indicateurs et des objectifs de résultat et d'impact, définis dans le but d'améliorer l'efficacité et la vitesse des réalisations et des procédés utilisés pour les obtenir;

l'élaboration par les OEN d'un rapport annuel destiné à la Commission et portant notamment sur les aspects financiers, la transparence, la rapidité, la simplification, les capacités d'implication et la qualité du processus.

4.   Observations générales

4.1   Le Comité soutient les objectifs de la proposition de la Commission, car un processus européen de normalisation rapide, efficace et associant à sa démarche les parties prenantes constitue non seulement un pilier essentiel de l'architecture du marché unique, qui est la clé de voûte de l'intégration européenne et de la stratégie Europe 2020 destinée à la réaliser, mais aussi et surtout un facteur fondamental de la compétitivité de l'économie européenne et un instrument de stimulation de l'innovation.

4.2   De l'avis du CESE, il y a lieu d'encourager les organismes de normalisation à évaluer, dans le cadre des programmes de travail, les politiques qu'ils mènent en matière de droits de propriété intellectuelle (DPI), en prêtant une attention accrue à la promotion de l'innovation et à des rapports plus étroits avec les offices de brevets, en particulier l'office européen de Munich, afin de tenir compte des questions de propriété intellectuelle dès qu'elles se posent et de garantir ainsi une meilleure qualité, tant pour les brevets que pour les normes elles-mêmes.

4.3   Le CESE se félicite en conséquence de l'intention de la Commission de revoir le système européen de normalisation pour préserver ses nombreux volets réussis, remédier à ses insuffisances et trouver un juste équilibre entre les dimensions européenne et nationale, ainsi que pour répondre aux nouvelles exigences et attentes des entreprises, des consommateurs, des partenaires sociaux et de la société européenne dans son ensemble.

4.4   Le Comité juge essentiel d'adapter le rythme et la vitesse d'élaboration des normes et d'étendre le champ d'action aux secteurs des services et des technologies de l'information et de la communication, pour autant que ces actions préservent les objectifs de qualité des normes et que l'élargissement à des structures d'élaboration des normes autres que les OEN offre les mêmes garanties de transparence et de participation que celles auxquelles ces derniers sont tenus.

4.4.1   À cette fin, le Comité estime indispensable que les OEN et la Commission assurent un contrôle préventif afin de garantir que les spécifications qui sont adoptées par des forums ou des consortiums industriels internationaux et doivent être utilisées comme références dans les marchés publics aient elles aussi été élaborées de manière neutre, équitable et transparente, avec une participation appropriée des représentants des petites et moyennes entreprises, des consommateurs, des défenseurs de l'environnement, des travailleurs et des organismes représentant d'importants intérêts sociaux.

4.4.2   Le CESE recommande que la participation accrue ainsi requise n'alourdisse pas les procédures et les délais d'élaboration des normes par consensus, qui devraient au contraire être accélérés dans une mesure appréciable par le recours à des plates-formes Internet de consultation, d'élaboration et d'échanges d'informations en ligne (5).

4.5   De même, le Comité demande que le règlement prévoie l'élaboration de plans prospectifs pluriannuels sur la normalisation en Europe, afin d'apporter une réponse plus efficace et coordonnée aux politiques globales nécessaires pour relever les défis du changement climatique, du développement des réseaux intelligents, des énergies renouvelables et de leur raccordement, sans compter les enjeux environnementaux et sociaux prioritaires.

4.6   Le CESE considère que pour promouvoir et faciliter la participation effective au processus de normalisation de toutes les parties prenantes, au niveau tant européen que national, il y a lieu d'encourager des programmes de formation et de prévoir les mesures nécessaires, pour permettre aux organismes nationaux de normalisation plus faibles, qui ne disposent actuellement d'aucun secrétariat affecté à une commission technique, de jouer un rôle plus actif dans le processus de normalisation.

4.7   L'élaboration de programmes annuels de travail par les OEN, les autres structures de développement de spécifications techniques dans le secteur des TIC, les services compétents de la Commission et les organismes nationaux de normalisation peut constituer une mesure efficace pour assurer la production de normes de qualité selon le rythme, la rapidité et le volume voulus, à condition d'offrir un cadre cohérent et coordonné et de permettre une participation effective de toutes les parties concernées à la programmation annuelle.

4.8   Le CESE se félicite de la simplification des systèmes régissant le financement octroyé, sur une base juridique appropriée, aux organismes européens de normalisation, aux organismes nationaux de normalisation et aux autres instances chargées d'effectuer des activités de normalisation en coopération, ainsi qu'aux organisations européennes représentant les parties prenantes visées à l'annexe III.

4.8.1   Le CESE s'inquiète de ce que les crédits budgétaires alloués à cette action ne soient proposés par la Commission que pour l'année 2013 et estime important d'assurer un cadre stable, débutant le plus tôt possible, pour la programmation pluriannuelle des financements.

4.9   S'agissant de la production de normes européennes harmonisées, qui garantissent que les produits satisfont aux prescriptions fondamentales établies par la législation de l'UE, faute de normes harmonisées, les entreprises ne peuvent utiliser la norme adéquate pour conférer une présomption de conformité et elles doivent démontrer leur respect des exigences essentielles selon le module d’évaluation prévu par la législation de l’UE en vigueur. Dans les deux cas, les entreprises ne peuvent pas réduire les coûts supportés en raison de la fragmentation du marché intérieur ou des procédures d’évaluation de la conformité (6)

4.9.1   Sur ce point, le Comité estime qu'il convient d'encourager davantage leur production et leur usage sur une base volontaire, afin de garantir des niveaux de sécurité des produits encore plus élevés.

4.10   Le Comité considère que le règlement proposé doit contenir des dispositions qui encouragent la transposition au niveau international des normes techniques établies par le système européen de normalisation et renforcent le rôle des organismes nationaux de normalisation et des OEN au sein des instances internationales de normalisation. Ce but pourrait être atteint au moyen d'initiatives européennes coordonnées en vue d'accroître la compétitivité internationale et l'innovation de l'Union.

5.   Observations particulières

5.1   Selon le Comité, il aurait été utile de mentionner aussi à l'annexe I les organismes nationaux de normalisation reconnus.

5.2   Il convient de distinguer les «spécifications techniques» des normes officielles; le CESE propose d'ajouter au considérant 19«normes et spécifications techniques applicables» et de remplacer le terme «normes» par «spécifications techniques» dans les considérants 20 et 22.

5.3   À l'article 2, il y a lieu de préciser «une spécification technique approuvée par un organisme reconnu d'activité de normalisation pour application …» et d'ajouter un nouveau paragraphe 9: «(9) “Organisme national de normalisation”, un organisme repris à l'annexe I».

5.4   À l'article 3, le CESE estime que les ONN doivent avoir la possibilité d'exprimer des objections aux programmes de travail européens, même s'ils ne peuvent s'y opposer. Il propose dès lors de modifier le paragraphe 5 comme suit: «Les organismes nationaux de normalisation ne s'opposent pas à ce qu'un objet de normalisation de leur programme de travail soit traité au niveau européen suivant les normes définies par les organismes européens de normalisation et ils n'entreprennent aucune action qui puisse nuire à une décision en la matière.»

5.4.1   Le CESE propose par ailleurs l'adjonction d'un nouveau paragraphe 6, libellé comme suit: «Les États membres prennent les dispositions nécessaires afin que durant l'élaboration d'une norme européenne visée à l'article 7, leurs organismes de normalisation n'entreprennent aucune action qui puisse porter préjudice à l'harmonisation prévue et, en particulier, qu'ils ne publient pas dans le secteur concerné, une norme nationale nouvelle ou révisée qui ne soit pas entièrement conforme à la norme européenne qui existe déjà.»

5.5   À l'article 7, le CESE propose l'adjonction, après le paragraphe 3 (10) (7), d'un nouveau paragraphe 3.1 (10.1)* libellé comme suit: «3.1 (10.1)* Lorsqu'une norme harmonisée est demandée, elle doit être formalisée par un mandat entre la Commission et l'organisme européen de normalisation compétent.»

5.5.1   Le CESE estime que la proposition de ne laisser qu'un mois aux OEN pour répondre à une demande de la Commission pourrait éventuellement avoir pour effet de limiter la consultation des acteurs intéressés. Il préconise un délai de trois mois.

5.6   À l'article 9, le CESE propose de modifier le sous-titre en «Reconnaissance des spécifications techniques dans le domaine des TIC pour les marchés publics» et d'ajouter, au début dudit article, «Dans le secteur des technologies de l'information et de la communication, sur proposition …».

5.7   À l'article 16, le CESE propose d'ajouter un paragraphe a1) (cc1)* libellé comme suit:

«a1)

(cc1)* mettre à jour la liste des organismes nationaux de normalisation visés à l'annexe I sur la base des informations fournies par les États membres et visées à l'article 21»

et de modifier le paragraphe b) (dd)* comme suit:

«b)

(dd)* adapter aux évolutions techniques les critères de reconnaissance “des spécifications techniques” dans le domaine des TIC dans les marchés publics».

5.8   À l'article 17, le CESE propose d'ajouter au paragraphe 2 (21)*:

«La délégation de pouvoir visée à l’article 16 est conférée à la Commission pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 2013. La Commission rédige, sur toute action entreprise en matière de délégation de pouvoir, un rapport à présenter en même temps que celui prévu à l'article 19, paragraphe 3 (31)*.»

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Voir avis JO C 110 du 9.5.2006, p. 14.

(2)  Voir note 1.

(3)  Voir avis JO C 132, du 3.5.2011, p. 47.

(4)  L'ETSI (European Telecommunications Standards Institute, «Institut européen des normes de télécommunications») est une organisation de normalisation, indépendante et à but non lucratif, dans le secteur des télécommunications de l'UE.

(5)  Dans le cas de l'ISO et de la Commission électrotechnique internationale (CEI), les spécifications techniques sont «des produits qui n'ont pas suscité un consensus suffisant pour accéder au statut de normes internationales».

(6)  COM(2011) 315: exposé des motifs, paragraphe 1, et considérants 18 et 36.

(7)  Dans la version française du document de la Commission, la numérotation des paragraphes présente des anomalies. Le numéro indiqué entre parenthèses est celui figurant dans ce document (NdT).


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/74


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission — Stratégie pour la mise en œuvre effective de la charte des droits fondamentaux par l'Union européenne»

COM(2010) 573 final

2011/C 376/14

Rapporteure: Mme BISCHOFF

Corapporteur: M. PIRVULESCU

Le 19 octobre 2010, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission — Stratégie pour la mise en œuvre effective de la Charte des droits fondamentaux par l'Union européenne»

COM(2010) 573 final.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 31 août 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 158 voix pour, 3 voix contre et 4 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

Le Comité:

1.1

estime que la Commission doit renforcer la culture des droits fondamentaux au niveau de l'UE, en particulier en contrôlant la compatibilité avec la Charte de ses propositions législatives, de l'ensemble du processus législatif et des actes qu'elle adopte, et en veillant à leur application dans les États membres. Vu qu'il y a eu des cas de graves violations de la Charte, il est urgent d'établir une stratégie de surveillance et de réaction rapide;

1.2

souligne l'obligation juridique de promouvoir les droits fondamentaux, qui doit devenir l'un des éléments les plus importants de la stratégie de mise en œuvre, entre autres grâce à de nouvelles initiatives ciblées; souligne le caractère dynamique des droits fondamentaux qui sont le fanal de nos sociétés et la caractéristique de l’Union européenne (1)

1.3

considère que les droits sociaux fondamentaux sont «indissociables» des droits civils et politiques et requièrent dès lors une attention stratégique particulière; estime que les dispositions figurant dans les textes de référence existants sont d'ores et déjà contraignants et qu'il y a lieu de les soutenir;

1.4

met l'accent sur la nécessité de garantir l'égalité, en particulier entre hommes et femmes, et de traiter spécifiquement tous les groupes vulnérables;

1.5

souligne qu'au niveau de l'UE, les prescriptions de la Charte s'appliquent à tous les organes, agences et institutions;

1.6

invite instamment les États membres à construire une culture des droits fondamentaux orientée vers leur protection et leur promotion à tous les niveaux de gouvernement et dans tous les domaines d'action et de législation, ainsi qu'à étudier et cerner les incidences spécifiques en matière de droits fondamentaux durant le processus de transposition;

1.7

est particulièrement préoccupé par la diffusion de certaines positions politiques qui sont susceptibles de conduire et conduisent parfois effectivement à des reculs en matière de promotion et de protection des droits fondamentaux;

1.8

encourage fortement la Commission à agir résolument en sa qualité de gardienne des traités et à recourir à la procédure d'infraction sans se laisser arrêter par des considérations politiques;

1.9

propose de nouvelles mesures et activités de promotion visant à accroître l'efficacité d'une stratégie de mise en œuvre des droits fondamentaux;

1.10

appelle toutes les institutions, agences et organes de l'UE ainsi que ses États membres qui contribuent à la mise en œuvre des droits fondamentaux, en particulier la Commission, à donner une impulsion majeure à l'aspect participatif de la société civile.

2.   Présentation et contexte

2.1   L'objectif de la communication de la Commission est de présenter sa stratégie pour la mise en œuvre de la Charte dans le nouvel environnement juridique mis en place depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. La politique de la Commission vise à rendre les droits fondamentaux prévus par la Charte aussi effectifs que possible.

2.2   La première partie de la communication s'attache à souligner que l'Union européenne s'efforce d'être irréprochable et exemplaire en la matière et que la Charte doit donc servir de guide pour les politiques de l'Union et pour leur mise en œuvre par les États membres à tous les stades de la procédure.

2.2.1   Tout d'abord, la Commission doit renforcer la culture des droits fondamentaux à son propre niveau, en particulier en contrôlant la compatibilité avec la Charte de ses propositions législatives et des actes qu'elle adopte. Deuxièmement, elle doit s'assurer que chaque acte respecte les dispositions de la Charte à tous les stades de la procédure législative. Il en résulte que tout amendement apporté par l'un des colégislateurs, ainsi que dans le cadre du dialogue interinstitutionnel, doit être conforme à la Charte.

2.2.2   Enfin, il importe de veiller à ce que les États membres respectent également ce texte lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union.

2.3   La seconde partie de la communication évoque la nécessité de fournir une meilleure information au public. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de mener des actions de communication ciblées et adaptées aux différentes situations.

2.4   La troisième partie du document de la Commission est consacrée aux rapports annuels sur l'application de la Charte, dont le premier vient d'être adopté par la Commission (2). Le rapport vise deux objectifs: d'une part, faire le point, d'une manière transparente, continue et cohérente, sur les progrès réalisés et, d'autre part, permettre un échange de vues annuel avec le Parlement européen et le Conseil.

3.   Observations générales

3.1   Le Comité attache la plus grande importance aux droits fondamentaux. Il se réjouit de la publication par la Commission de la communication «Stratégie pour la mise en œuvre effective de la Charte des droits fondamentaux par l'Union européenne». Il considère que cette approche est une importante contribution au concept de citoyenneté de l'UE pour toute personne qui y vit.

3.1.1   Les principes inscrits dans cette stratégie sont d'une importance majeure. Le Comité attire particulièrement l'attention sur les principes d'efficacité, d'universalité et d'indivisibilité, ainsi que sur ceux de visibilité et de prédictibilité. Il estime néanmoins que plusieurs aspects importants ont été négligés ou abordés de manière trop superficielle et que des améliorations sont donc indispensables.

3.1.2   Il convient néanmoins de mettre en exergue un certain nombre d'autres principes. Comme il l'a souligné dans des avis antérieurs, le Comité «préconise une cohérence globale et la garantie de la protection des droits fondamentaux ainsi que l'égalité de traitement et la non-discrimination, indépendamment de la catégorie professionnelle des travailleurs immigrés» (3). En outre, «les actes [de l'UE] doivent (…) ne pas constituer des mesures aboutissant à diminuer le degré de réalisation déjà atteint des principes» (4). Toutes les mesures possibles doivent être envisagées pour convaincre les gouvernements britannique, polonais et tchèque renoncer aux clauses de dispense prévues dans les protocoles et d'opter pour l'application générale de la Charte.

3.1.3   Le Comité se félicite des nombreux éléments supplémentaires figurant dans la stratégie et relatifs aux actes législatifs. Il soutient en particulier l'idée que l'UE doit être «exemplaire» dans le domaine des droits fondamentaux, notamment s'agissant de ses politiques extérieures, et en particulier de sa politique commerciale. De façon générale, l'UE devrait être non seulement un exemple, mais aussi une promotrice active de la démocratie et des droits de l'homme – civils, politiques, économiques et sociaux – et utiliser les leviers dont elle dispose pour faire avancer cette cause.

3.1.4   Le Comité se réjouit de l'engagement de la Commission et des autres institutions de l'UE à revoir en profondeur leurs procédures législatives et leurs méthodes de travail, en particulier s'agissant de l'évaluation d'impact et des organismes compétents, pour s'assurer que le résultat en est conforme aux principes et au contenu concret de la Charte. Toutefois, pour une protection et une promotion effectives des droits fondamentaux, il est capital d'être attentif à leur mise en œuvre par les États membres et aux démarches proactives de leur part. S'agissant de la clause sociale horizontale (article 9 TFUE) et des droits sociaux fondamentaux, l'évaluation d'impact est étudiée de façon plus détaillée dans un autre avis du Comité (5).

3.2   Nouvelles menaces: la crise et les manquements en matière de sécurité

3.2.1   La Commission n'apporte pas de réponses aux menaces pour l'application effective des droits fondamentaux qui résultent de toute une série de nouveaux dangers graves. La stratégie doit donc prendre en considération ces nouveaux développements et mettre au point une réponse cohérente et globale.

3.2.2   À cet égard, le Comité a déjà souligné par le passé que «dans un contexte de crise financière et économique, il importe de renforcer les liens de solidarité entre les États, les acteurs économiques et les citoyens, et de traiter ces derniers dans le respect de leur dignité et de leurs droits» (6). «Par ailleurs, le Comité a des doutes, en cette période de crise, sur les moyens budgétaires dont disposent les États membres de l'Union, et sur le niveau de ces moyens qu'ils sont prêts à mobiliser tant au niveau national qu'au niveau européen pour rendre effective la protection des droits de l'homme (…)» (7).

3.2.3   Dans un avis récent sur la politique antiterroriste, un domaine dans lequel de nombreux droits fondamentaux sont en jeu (dignité humaine, protection contre la torture, protection des données, non-refoulement), le Comité a mis en évidence les difficultés pratiques qui se présentent pour intégrer le principe des droits fondamentaux dans le cadre de la formulation des politiques et du processus d'élaboration. Il se félicite que le respect des droits fondamentaux soit devenu une priorité horizontale dans ce domaine très sensible. Toutefois, l'engagement de la Commission à l'égard des droits fondamentaux devrait aller de pair avec un engagement similaire de la part des gouvernements nationaux, en particulier sur le plan de la mise en œuvre du droit européen. En outre, la protection des droits fondamentaux ne devrait pas être limitée à la conception et à l'élaboration d'instruments, mais s'étendre également à leur mise en œuvre (8).

3.3   Une nouvelle dimension capitale: une obligation juridiquement contraignante de promouvoir les droits fondamentaux

3.3.1   La Commission doit maintenant déterminer non seulement comment assurer la meilleure protection possible des droits fondamentaux dans le cadre de ses activités, mais aussi comment les promouvoir au mieux par de nouvelles initiatives ciblées.

3.3.2   L'article 51, paragraphe 1, de la Charte prévoit notamment l'obligation de promouvoir l'application des droits fondamentaux. Cet élément est de la plus haute importance pour le Comité. Le Comité relève que si la Commission évoque à certains égards cette promotion, elle n'insiste pas sur l'importance stratégique de cette obligation. La stratégie devrait consacrer au moins autant d'orientations stratégiques à cet aspect qu'à l'obligation de respecter les droits fondamentaux.

3.4   Les droits sociaux fondamentaux sont «indissociables» des droits civils et politiques. Il requiert dès lors une attention stratégique particulière.

3.4.1   Rappelant l'importance de la nature indivisible des droits fondamentaux, reconnue par la communication elle-même et soulignée dans plusieurs avis du Comité (9), ce dernier relève l'absence d'une approche stratégique concernant les droits sociaux fondamentaux.

3.4.2   Étant donné que les droits sociaux fondamentaux (10) sont éminemment importants et eu égard à la longue histoire des développements en la matière au sein de l'UE, le Comité considère que cette omission est inacceptable. La gestation de la Charte juridiquement contraignante, qui a commencé avec la «Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs», en 1989, et a été nourrie par des apports du Comité (11), s'est également effectuée en référence à la Charte sociale européenne (CSE), que le traité d'Amsterdam a intégrée dans le droit primaire de l'UE (12). Ce cheminement démontre que ces droits sociaux fondamentaux exigent une attention particulière de nature stratégique, surtout dans leur forme la plus «novatrice» du titre «Solidarité» de la Charte (la solidarité étant reconnue comme l'une des valeurs de l'Union).

3.4.3   Par ailleurs, le Comité a déjà insisté sur le rôle spécifique que jouent les services publics pour garantir une mise en œuvre effective des droits fondamentaux (13). En outre, il souligne l'importance des droits et principes de la «troisième génération» qui sont reconnus par la Charte, en particulier dans le domaine de la protection de l'environnement et des consommateurs. Ces droits et principes doivent être systématiquement respectés et défendus, en ce y compris sur le plan de la conception et de la mise en œuvre de la politique extérieure et commerciale.

3.4.4   S'agissant du principe de l'égalité en valeur entre les droits sociaux fondamentaux et les libertés économiques, le Comité est d'avis que cette approche doit tout particulièrement être entérinée par le droit primaire. Il fait observer que le 3è considérant du Préambule, et plus concrètement l’article 151 du TFUE, stipulent déjà que l'un des objectifs est l'amélioration des conditions de vie et de travail «permettant leur égalisation dans progrès». Le Comité demande expressément qu'un «protocole sur le progrès social» soit intégré dans les traités, afin de consacrer l'équivalence entre les droits sociaux et les libertés économiques fondamentaux et de préciser ainsi que ni les libertés économiques, ni les règles de concurrence ne peuvent prendre le pas sur les droits sociaux fondamentaux, et afin de définir clairement la portée de l'objectif de réaliser le progrès social qui a été assigné à l'Union (14).

3.5   L'égalité, en particulier entre les hommes et les femmes, doit être garantie, et il y a lieu de traiter spécifiquement tous les groupes vulnérables.

3.5.1   De la même manière qu'il s'impose de traiter séparément chacun des droits (sociaux) fondamentaux, il importe tout autant d'étudier et d'assurer leur mise en œuvre et leur promotion dans le respect de la non-discrimination et de l'égalité. Ce point revêt une importance spéciale du point de vue de la problématique de l'égalité entre hommes et femmes, déjà reconnue parmi les objectifs de l'Union et à l'article 23 de la Charte. En outre, il convient d'intégrer l'égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les activités.

3.5.2   La protection des droits fondamentaux devrait cibler de manière spécifique les groupes vulnérables. Le Comité met en avant l'avis qu'il a tout récemment consacré à ce sujet (15) et insiste sur la nécessité de protéger les droits du travail et les droits sociaux, notamment celui de grève (16). Par ailleurs, il souligne l'importance du Forum européen sur l'intégration.

3.5.3   Le Comité considère que les droits de l'homme sont universels et indivisibles et qu'ils doivent être protégés et garantis pour toute personne plutôt que pour les seuls citoyens européens. L'«Europe des droits et de la justice» ne peut se restreindre aux seuls détenteurs de la nationalité d'un des États membres de l'UE mais doit englober quiconque vit sur le territoire de l'Union, sans quoi l'espace de liberté, de sécurité et de justice serait, quant à la population à laquelle il s'applique, incompatible avec les valeurs et les principes de non-discrimination, d'égalité de traitement et de solidarité sur la base desquels a été fondée l'Union européenne (17). L'UE doit garantir qu'elle veille activement à protéger les droits fondamentaux de chaque individu, indépendamment de sa nationalité.

3.5.4   Le caractère dynamique des droits fondamentaux devrait être affirmé et les droits devraient bénéficier de moyens de protection nouveaux correspondants aux évolutions sociales. Ainsi qu’il l’a déjà admis, le CESE estime par exemple que la société numérique, tout en restant dans le cadre de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et 7 et 8 de la Charte, a des besoins de protection spécifique qui pourraient être couverts par de nouveaux textes (18).

3.5.5   L'action des autorités et de la police cible de plus en plus les minorités ethniques, les Roms en particulier. Face aux mesures prises par certains États membres, la réaction de la Commission, telle qu'expliquée dans le rapport 2010, a été rapide, mais, en définitive, inefficace. Des groupes de Roms ont été expulsés, alors que la Charte interdit expressément toute expulsion collective. L'UE doit s'assurer que les États membres mettent fin à de telles politiques.

3.6   Il est nécessaire de renforcer l'importance stratégique des actes non législatifs.

3.6.1   La communication ne fait que très peu référence aux actes non législatifs. Si l'on considère le vaste spectre que couvrent les activités politiques et financières de l'UE, en particulier dans le cas de la Commission, cette importante dimension demande que l'on adopte une démarche stratégique, afin d'assurer le respect des obligations de la Charte dans ces domaines, notamment dans des domaines d'action sensibles, tels que les échanges commerciaux avec les pays tiers. La stratégie devrait également couvrir de possibles omissions et comportements, ou fautes de comportement.

3.7   Au niveau de l'UE, les prescriptions de la Charte s'appliquent à tous les organes, agences et institutions, chacun possédant sa propre sphère de responsabilité.

3.7.1   Le Comité se félicite que la communication mentionne à plusieurs reprises les institutions de l'Union. La prise en compte de cet aspect n'obéit toutefois pas à une quelconque systématique. Il y a lieu de noter que le cadre institutionnel de l'Union est défini par l'article 13, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne et qu'il vise «à promouvoir ses valeurs, poursuivre ses objectifs, servir ses intérêts, ceux de ses citoyens et ceux des États membres, ainsi qu'à assurer la cohérence, l'efficacité et la continuité de ses politiques et de ses actions». La Commission, en sa qualité de gardienne des traités, doit assurer une approche cohérente et efficace. Le Comité considère quant à lui que son rôle spécifique en matière de protection des droits fondamentaux est d'être le gardien des valeurs de l'Union.

3.7.2   Il incombe à la Commission de surveiller toutes les agences et organes qui lui sont subordonnés et de veiller à ce qu'ils respectent et promeuvent les droits fondamentaux. Cette obligation vaut tout particulièrement en ce qui concerne l'OLAF, Frontex, etc. Pour le cas de cette dernière agence, le Comité a fait part de ses inquiétudes dans des avis récents. Le Comité relève avec inquiétude une série de pratiques de gouvernements d'États membres et de l'agence Frontex en matière d'expulsion de personnes qui pourraient avoir besoin d'une protection internationale (19). Ces opérations, dont la fréquence et l'ampleur vont croissant, devraient s'effectuer dans des conditions de transparence et de responsabilité totales. Le Comité recommande que Frontex et la Structure européenne d'appui dans le domaine du droit d'asile collaborent afin d'éviter avec efficacité toute violation des droits de l'homme. Expulser des gens vers des pays ou des zones dans lesquelles leur sécurité est menacée constitue une violation flagrante du principe de non-refoulement. En outre, le Comité a, entre autres suggestions, recommandé que le personnel de Frontex suive une formation spécifiquement destinée à garantir un niveau plus élevé de protection des droits fondamentaux (20).

3.7.3   Toutes les autres institutions devront encore consacrer une part importante de leur activité à développer une stratégie cohérente et efficace pour le respect et la promotion des droits fondamentaux et envisager d'améliorer, dans la logique du présent avis, les textes qui ont déjà été adoptés (21). Le Conseil doit en particulier prendre à cœur son rôle spécifique en tant que plate-forme des États membres s'agissant de la protection et de la promotion des droits fondamentaux.

3.8   Au niveau des États membres

3.8.1   Dès lors que les droits fondamentaux sont une condition nécessaire et un engagement fondamental à respecter pour faire partie de l'UE, les États membres ont un rôle important à jouer pour les concrétiser. Le Comité salue donc l'intention de la Commission de mener une stratégie de prévention en s'assurant du respect de la Charte par les États membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. Il sera nécessaire de construire une culture des droits fondamentaux orientée vers la protection et la promotion à tous les niveaux de gouvernement et dans tous les domaines d'action et de législation, ainsi que d'étudier et de cerner les incidences spécifiques en matière de droits fondamentaux durant le processus de transposition. Néanmoins, afin d'éviter de susciter des attentes immodérées, il convient de souligner que les États membres – bien que par ailleurs liés à des degrés divers par les grands actes internationaux de défense des droits dont ils sont signataires – (ne sont tenus de protéger et de promouvoir les droits et les principes de la Charte que dans la mesure où ils mettent en œuvre le droit de l'UE.

3.8.2   Le Comité encourage fortement la Commission à agir résolument en sa qualité de gardienne des traités et à recourir à la procédure d'infraction sans se laisser arrêter par des considérations politiques. Celle qui s'applique actuellement est trop lente et totalement inappropriée en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux. Vu l'importance du dossier et les risques d'atteinte qu'il induit concernant la vie, la sécurité, le bien-être et la dignité des personnes, l'UE doit agir rapidement, en temps voulu et de manière décidée et déployer sans atermoiements tous les pouvoirs institutionnels qui lui sont conférés.

3.8.3   Dans les procédures en infractions, le Comité conseille fermement à la Commission d'éviter de donner la priorité aux dossiers qui soulèvent des questions de principe ou ont des conséquences négatives particulièrement importantes pour les citoyens. Tous les droits repris dans la Charte, en particulier dans le cas des droits sociaux, ont une importance équivalente et aucune des institutions, Commission européenne comprise, n'a le droit ni la compétence de conférer à certains d'entre eux un ordre priorité.

3.8.4   De l'avis du Comité, on ne peut accepter de clauses d'exemption par État membre, car de telles dérogations peuvent aboutir à des situations qui peuvent nuire gravement à la protection des droits des citoyens et des travailleurs qui figurent dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE ou à leur application au sein de l'Union européenne. La Commission, tout comme l'ensemble des autres institutions de l'UE, devraient étudier la possibilité d'encourager les pays qui continuent à opter pour la non-participation à la Charte à accepter intégralement toutes les obligations découlant de cet instrument au service des droits fondamentaux et de faire rapport chaque année sur les mesures adoptées en la matière, ainsi que sur celles prises par les États membres concernés en vue d'une mise en œuvre effective des droits fondamentaux tels que sanctionnés dans la Charte.

3.9   Le rôle des autres obligations internationales est sous-estimé.

3.9.1   La communication fait référence à plusieurs reprises à d'autres obligations internationales. Une fois de plus, elle ne le fait pas de manière exhaustive. Une approche stratégique est dès lors également nécessaire. Elle s'impose notamment en vertu de l'article 53 de la charte de l'UE en tant que niveau minimum de protection conformément aux pactes des Nations unies, à la Charte sociale européenne (révisée) et, surtout, à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), comme indiqué dans le paragraphe 3 de l'article 52. En principe, la même logique en matière de niveau minimum de protection s'applique à la jurisprudence des autres organes internationaux, notamment la CEDH.

3.10   Autres mesures

3.10.1   Le Comité a souligné l'importance de mesures exécutoires efficaces (22). Le rôle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) doit être renforcé s'agissant de surveiller la mise en œuvre des droits de la Charte et des protocoles pertinents. Il faut en particulier assurer la publicité de la jurisprudence en la matière, notamment en ce qui concerne ces protocoles.

3.10.2   Afin d'assurer une protection efficace des droits de l'homme, toutes les normes de l'État de droit devraient être pleinement respectées dans l'ensemble des États membres et prises en compte dans les rapports périodiques, y compris, en particulier, la faculté des tribunaux de soumettre les règles de droit et les mesures de l'administration publique à une instance judiciaire supérieure, afin d'examiner si elles portent atteinte aux droits fondamentaux et aux droits de l'homme. De manière analogue, il conviendrait de garantir le droit des citoyens de dénoncer des violations des droits fondamentaux devant les juridictions nationales et européennes compétentes.

3.10.3   Il convient d'attribuer toutes les ressources nécessaires aux structures ad hoc. Cet impératif concerne principalement le Comité lui-même, la Commission et toutes les autres institutions de l'UE. La communication ne donne pas de précisions en matière de renforcement de capacités institutionnelles spécifiques. Le processus dans le cadre duquel l'UE protège les droits fondamentaux et renforce les processus législatifs et politiques nécessite du temps et des ressources importantes (par exemple pour la formation du personnel). Il ressort de la communication qu'il n'y a pas, au stade actuel, de plan concret de transition. Le Comité souligne que, sans engagement clair et ferme en faveur du renforcement des capacités, la plupart des objectifs de cette politique seront sérieusement fragilisés, surtout dans le court terme. L'observation vaut pour la Commission (23) elle-même tout comme, entre autres, pour l'Agence des droits fondamentaux (ADF) (24). Dès lors, il convient tout particulièrement de renforcer cette agence et de l'intégrer dans toutes les synergies. En outre, il serait utile de prévoir une participation active des comités nationaux des droits de l'homme, des médiateurs et de tous autres défenseurs des droits de l'homme.

3.11   Actions de promotion

3.11.1   L'Union devrait œuvrer à renforcer le cadre juridique des droits sociaux fondamentaux. À cette fin, il est nécessaire qu'elle devienne partie à la Charte sociale européenne révisée et à ses protocoles. S'agissant des États membres, il conviendrait que l'Union recommande la ratification de tous les instruments pertinents dans le domaine des droits (sociaux) fondamentaux (y compris les protocoles modificatifs et additionnels ou facultatifs). Lorsque la ratification par l'UE ne s'avère pas possible, il convient d'examiner et d'employer tous les moyens permettant de rendre leur contenu juridiquement contraignant.

3.11.2   L'intégration de la dimension des droits fondamentaux signifie que chaque entité administrative devra non seulement étudier la mise en place d'activités régulières (en particulier législatives) mais aussi proposer une ou deux actions concrètes de promotion par an. En outre, il conviendrait d'approfondir la liste récapitulative des droits fondamentaux, en tenant particulièrement compte de l'obligation de «promotion», de l'intégration de l'égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines d'action et du développement durable.

3.11.3   La Commission devrait lancer davantage de projets, qui devraient également couvrir la protection des défenseurs des droits de l'homme. Il y aurait lieu d'améliorer la coopération tant interne qu'externe. Le Comité rappelle à cet égard son avis dans lequel il demande que l'Union européenne accorde davantage d'importance, dans ses «politiques, aux droits économiques, sociaux et culturels, en recourant aux instruments géographiques et thématiques dont elle dispose, en particulier l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) comme instrument complémentaire» garantissant que le dialogue social soit reconnu en tant que priorité (25). La Commission devrait en outre consulter d'autres organisations internationales pour ce qui est de la protection et de la promotion des droits de l'homme.

3.11.4   Le Comité est préoccupé par la méconnaissance du public s'agissant de la Charte et des droits fondamentaux. Des efforts majeurs sont nécessaires pour accroître leur visibilité. La Charte est un document clé. La publicité de son contenu devrait être assurée et elle devrait constituer un point de référence pour une grande majorité d'Européens. Le Comité recommande à la Commission d'accroître ses efforts pour relever ce défi. À cet égard, la communication avec le public ne devrait pas cibler la diffusion de rapports mais bien des mesures actives visant à garantir que la Charte devienne un document de référence pour chaque citoyen de l'UE.

3.11.5   Le Comité accueille favorablement toutes les activités – y compris les activités déployées par les États membres – visant à fournir une formation spécifique à tous les groupes intéressés, en particulier les juristes et une meilleure information au public, mais il ne s'agit là que d'un aspect de la stratégie requise en matière de communication. Il est essentiel de communiquer directement avec le public. Ce constat se vérifie encore plus vrai lorsque l'on examine les expériences du réseau SOLVIT dans le cadre duquel la Commission recherche activement des informations, y compris auprès des acteurs concernés. Il y a lieu d'adopter la même approche en ce qui concerne les droits fondamentaux en général et les droits sociaux en particulier.

3.12   «Tests de résistance»

3.12.1   Le respect effectif des droits fondamentaux doit être démontré dans la pratique, en particulier dans les périodes de crise économique et là où la pression politique est élevée. Le Comité est particulièrement préoccupé par la diffusion de certaines positions politiques qui sont susceptibles de conduire et conduisent parfois effectivement à des infractions graves, ainsi qu'à des reculs en matière de promotion et de protection des droits fondamentaux.

3.12.2   La CJUE a déjà traité de questions importantes en matière de droits fondamentaux en invalidant des mesures de droit secondaire portant par exemple sur la non-discrimination (26) et la protection des données (27) ou en s'opposant à une législation nationale prévoyant une peine d'emprisonnement pour les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (28).

3.12.3   En outre, le Comité prend acte avec inquiétude de l'expulsion en masse de Roms, du traitement de ressortissants nord-africains dépourvus de papiers d'identité, des restrictions à la liberté d'expression, en particulier dans les médias, etc. Tous les instruments législatifs permettant de ne pas appliquer ou de restreindre des droits (sociaux) fondamentaux (par exemple le droit à une limite sur le nombre maximal d'heures de travail) devront faire l'objet d'un examen spécifique.

3.12.4   La crise financière et économique exerce une pression considérable sur les droits sociaux fondamentaux. Tous les pactes, plans de relance et autres mesures prises par l'UE ou les États membres ne doivent en aucun cas enfreindre les droits (sociaux) fondamentaux, tels que le droit à l'information et à la consultation, le droit à la négociation collective et à l'action collective dans le plein respect de l'autonomie des partenaires sociaux ou encore le droit à des services publics et sociaux. Ils doivent plutôt en assurer le respect et la promotion.

3.13   Société civile: il convient de fortement renforcer l'aspect participatif.

3.13.1   De façon générale, la stratégie évoque la nécessité de prendre en compte le point de vue des parties intéressées. Le Comité a souligné dans de nombreux avis cet aspect important dans le domaine des droits fondamentaux (29). Le terme «parties intéressées» semble être suffisamment vaste pour inclure toutes les entités. Le Comité estime néanmoins qu'il est de la plus grande importance que son rôle d'organe consultatif soit explicitement pris en compte. Cette observation vaut aussi pour les partenaires sociaux au niveau de l'UE (article 152 TFUE).

3.13.2   Ce sont les individus en particulier et la société civile en général qui sont les plus touchés par la mise en œuvre des droits fondamentaux. Il convient de conférer un rôle visible aux acteurs concernés. Ils doivent donc être régulièrement, pleinement et effectivement associés à ce processus.

3.13.3   En particulier, le Comité devrait être impliqué et consulté régulièrement et en temps utile, en particulier pour ce qui est du rapport annuel à établir par la Commission. En tant que gardien des valeurs de l'UE et représentant de la société civile organisée, le Comité est le mieux placé pour assurer une liaison avec la société civile.

3.13.4   Le CESE publiera un avis annuel sur l'application de la Charte des droits fondamentaux (avec une attention particulière pour les droits sociaux fondamentaux), des clauses sociales horizontales (articles 8, 9 et 10 du TFUE) et des autres dispositions du traité de Lisbonne en matière de politique sociale (notamment les articles 145 à 166 et 168 du TFUE), ainsi que du droit secondaire et des autres mesures juridiques et politiques, sous l'angle du respect et de la promotion des objectifs fixés. Dans ce contexte, il vérifiera et évaluera dans quelle mesure ceux-ci contribuent à l'évolution des droits fondamentaux et de la politique sociale dans l'UE. L'avis du CESE comportera également, le cas échéant, des recommandations de mesures concrètes pour mieux réaliser ces objectifs.

Outre les partenaires sociaux et les représentants de divers intérêts, d'autres grandes organisations représentatives de la société civile, travaillant dans le secteur social, pourront faire part de leurs avis et rapports spécifiques au cours d'une audition qui devra être organisée avant l'adoption de chaque avis. Ces avis annuels du CESE seront communiqués et expliqués aux représentants des institutions de l'UE, en particulier le Conseil européen, le Conseil, le Parlement européen, la Commission, la Cour de justice de l'Union européenne et la Banque centrale européenne.

Par ailleurs, des conférences sur l'application effective de la Charte seront organisées. Elles devraient contribuer à renforcer les contacts avec l'ADF.

3.13.5   Le rapport annuel est un outil utile pour évaluer les progrès politiques réalisés. Il devrait être rendu aisément accessible. Le Comité encourage la Commission et l'ADF à saisir cette occasion pour associer la société civile à l'élaboration du rapport et à être ouverts à des examens indépendants en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux au niveau de l'UE et au-delà de ses frontières. Le Comité, en tant que représentant de la société civile organisée, est prêt à faciliter ce processus et à contribuer au rapport annuel. Celui-ci doit prendre en considération des situations qui, pour des raisons diverses, ne font pas l'objet de pétitions ou de recours. De ce point de vue, le rapport devrait se faire l'écho de contributions fournies par différentes organisations actives dans le domaine des droits fondamentaux, qui devraient également lui servir d'assise.

3.13.6   Quoique le Comité reconnaisse l'importance des rapports annuels, il estime que le premier d'entre eux n'examine pas de manière cohérente tous les droits fondamentaux repris dans la Charte. Le rapport souligne un certain nombre de domaines clés dans la section consacrée aux évolutions les plus importantes mais les critères de sélection ne sont pas clairs. Cette approche sélective ne facilite pas le recensement de manquements dans la mise en œuvre et, plus inquiétant encore, pourrait indiquer que l'on accorde une plus grande priorité à certains droits fondamentaux qu'à d'autres.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur le thème «Les relations transatlantiques et la promotion internationale du MSE», JO C 51/20, 17.2.2011.

(2)  COM(2011) 160 final du 30.3.2011.

(3)  Avis du CESE sur le thème «Le respect des droits fondamentaux dans les politiques et la législation relatives à l'immigration», JO C 128 du 18.5.2010, p. 29, paragraphe 4.2.3.

(4)  Avis du CESE «Vers une charte des droits fondamentaux de l'Union européenne», JO C 367 du 20.12.2000, p. 26, paragraphe 3.1.3.

(5)  Avis du CESE sur le thème «Renforcer la cohésion et la coordination de l'UE dans le domaine social» (non encore publié au JO)

(6)  Avis du CESE sur le thème «Un espace de liberté,de sécurité et de justice au service des citoyens», JO C 128 du 18.5.2010, p. 80, paragraphe 4.2.4.2.

(7)  Avis du CESE sur le thème «Le respect des droits fondamentaux dans les politiques et la législation relatives à l'immigration», JO C 128 du 18.5.2010, p. 29, paragraphe 4.3.4.

(8)  Avis du CESE «Politique antiterroriste de l'UE» (JO C 218 du 23.07.2011, p. 91) - SOC/388, paragraphes 4.51-4.5.2.

(9)  Avis du CESE sur les thèmes «Vers une Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne» (JO C 367, 20.12. 2000, p. 26), paragraphe 3.1.1, «Création d'une Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne» (JO C 88, 11.4.2006, p. 37), paragraphe 2.1, et «Un espace de liberté,de sécurité et de justice au service des citoyens» (JO C 128, 18.5.2010, p. 80), paragraphe 3.5.

(10)  Avis du CESE sur le thème «Vers une Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne» (JO C 367, 20.12.2000, p. 26), paragraphe 3.1.3.

(11)  Avis du CESE sur le thème «Droits sociaux fondamentaux communautaires», JO C 126 du 23.5.1989, p. 4.

(12)  5e considérant TUE et article 151(1) TFUE.

(13)  Avis du CESE sur le thème «Le respect des droits fondamentaux dans les politiques et la législation relatives à l'immigration» (JO C 128, 18.5.2010, p. 29), paragraphe 4.3.4.

(14)  Avis du CESE sur «Un agenda social renouvelé: opportunités, accès et solidarité dans l’Europe du XXIe siècle», JO C 182 du 4.8.2009, p. 65, et sur «La dimension sociale du marché intérieur», JO C 44 du 11.2.2011, p. 90.

(15)  Avis du CESE sur le thème «Le respect des droits fondamentaux dans les politiques et la législation relatives à l'immigration» (JO C 128, 18.5.2010, p. 29).

(16)  Avis du CESE sur le thème «Un espace de liberté,de sécurité et de justice au service des citoyens» (JO C 128, 18.5.2010, p. 80), paragraphe 4.1.9.

(17)  Avis du CESE sur le thème «Un espace de liberté, de sécurité et de justice au service des citoyens» (JO C 128, 18.5.2010, p. 80), paragraphe 3.5.

(18)  Avis du CESE sur le thème «Renforcer la culture numérique, les compétences numériques et l'insertion numérique», JO C 318 du 29.10.2011, p. 9, paragraphe 7

(19)  Avis du CESE sur «La valeur ajoutée d'un régime européen commun d'asile» (JO C 44, du 11.2.2011, p. 17), paragraphe 4.19.

(20)  Avis du CESE sur les «Normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait de la protection internationale» (JO C 18, 19.1.2011, p. 85, paragraphe 4.2.1.9).

(21)  Résolution du Parlement européen du 15 décembre 2010; Conclusions du Conseil des 24 et 25 février 2011.

(22)  Avis du CESE «Vers une charte des droits fondamentaux de l'Union européenne», JO C 367 du 20.12.2000, p. 26, paragraphes 3.1.4 et 3.3.3.

(23)  Avis du CESE sur le thème «Un espace de liberté,de sécurité et de justice au service des citoyens», JO C 128 du 18.5.2010, p. 80, paragraphe 1.4; avis du CESE sur le thème «Le respect des droits fondamentaux dans les politiques et la législation relatives à l'immigration», JO C 128 du 18.5.2010, p. 29, paragraphe 2.15.

(24)  Avis du CESE sur le thème «Un espace de liberté,de sécurité et de justice au service des citoyens», JO C 128 du 18.5.2010, p. 80, paragraphe 3.7; avis du CESE «Création d'une Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne», JO C 88 du 11.4.2006, p. 37.

(25)  Avis du CESE sur «L'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH)» (avis d'initiative), § 1.1 et 1.2.

(26)  Arrêt de la CJUE (grande chambre) du 1er mars 2011 – Aff. C-236/09 – Association belge des Consommateurs Test-Achats ASBL (prise en considération du critère du sexe comme facteur pour l'évaluation des risques en assurance).

(27)  Arrêt de la CJUE (grande chambre) du 9 novembre 2010 – Affs. C-92/09 et C-93/09 – Volker und Markus Schecke (traitement des données personnelles dans le cadre de la publication d'informations relatives aux bénéficiaires de fonds européens agricoles).

(28)  Arrêt de la CJUE (première chambre) du 28 avril 2011 – Aff. C-61/11 PPU – El Dridi (législation «qui prévoit l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié»).

(29)  Avis du CESE «Vers une charte des droits fondamentaux de l'Union européenne», JO C 367 du 20.12.2000, p. 26, paragraphe 3.4., avis du CESE sur le thème «Un espace de liberté,de sécurité et de justice au service des citoyens», JO C 128 du 18.5.2010, p. 80, paragraphe 4.3.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/81


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées: un engagement renouvelé pour une Europe sans entraves»

COM(2010) 636 final

2011/C 376/15

Rapporteur: M. VARDAKASTANIS

Le 13 janvier 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de consulter le Comité économique et social européen sur la:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées: un engagement renouvelé pour une Europe sans entraves»

COM(2010) 636 final.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 31 août 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 151 voix pour, 0 voix contre et 5 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE accueille favorablement la stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées (ci-après la «stratégie»), en tant qu'instrument d'une politique active en vue de la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (ci-après la «convention des Nations unies») et la réalisation des engagements découlant de son adoption. Cette stratégie est la confirmation formelle par l'UE de cette convention et la reconnaissance de son caractère juridiquement contraignant. Le CESE appelle l'UE à franchir l'étape suivante tout aussi importante, qui consiste à ratifier le protocole facultatif et à veiller à ce que son droit dérivé, actuel et futur, soit conforme à la convention des Nations unies. Le CESE estime que cette convention fixe un cadre précis qui permet aux personnes handicapées d'œuvrer à leur épanouissement personnel pour autant que leur participation et leur concours soient garantis.

1.2   Le CESE propose de lier la mise en œuvre de la stratégie européenne en faveur des personnes handicapées à celle de la stratégie Europe 2020. Les États membres devraient inscrire des objectifs spécifiques pour les personnes handicapées dans leurs programmes nationaux de réforme en vue de mesurer la pauvreté, le taux d'emploi et la formation.

1.3   Le CESE salue l'initiative de la Commission européenne visant à adopter une directive antidiscrimination (1) fondée sur l'article 19 du TFUE (2). Moyennant la modification des dispositions relatives à la reconnaissance du handicap, conformément à la convention des Nations unies, il appelle les États membres et le Parlement européen à adopter une réglementation européenne stricte et adaptée, qui étende la protection des droits des personnes handicapées au-delà du domaine de l'emploi

1.4   Le CESE insiste sur la valeur ajoutée d'une consultation et d'une participation active des organisations de personnes handicapées dans le cadre de l'élaboration et de l'application de la réglementation, ainsi que des politiques conformément à l'article 4, paragraphe 3, de la convention des Nations unies et à l'article 11 du traité sur l'Union européenne. Les partenaires sociaux peuvent également jouer un rôle important et devraient davantage prendre en compte les considérations relatives au handicap dans leurs négociations. Le CESE demande la mise en œuvre de l'accord-cadre sur des marchés du travail propices à l'intégration sociale, conclu par les partenaires sociaux européens le 25 mars 2010, et appelle les États membres à adopter des mesures financières spécifiques pour favoriser les négociations collectives relatives aux questions de handicap. Il insiste sur le fait que les politiques d'emploi concernant les personnes handicapées doivent porter sur l'ensemble de la vie professionnelle, notamment sur la formation tout au long de la vie, le recrutement, le maintien dans l'emploi et la réinsertion professionnelle, en assurant une application positive de la réglementation en matière d'aides d'État. Il se réjouit également des actions conjointes des syndicats et des associations, telles que la conférence conjointe CES/FEPH, et les encourage.

1.5   Le CESE estime qu'une Europe sans frontières doit être instaurée en adoptant un acte législatif sur l'accessibilité dans l'Union européenne, c'est-à-dire une réglementation contraignante, stricte et adaptée, visant à s'assurer que les personnes handicapées ont accès aux biens, aux services et à l'environnement bâti. Des mécanismes adaptés et efficaces d'exécution et de suivi devraient être définis aux niveaux de l'UE et des États membres.

1.6   L'harmonisation de l'accessibilité sera bénéfique pour la compétitivité et la reprise économique dans l'UE en créant de nouveaux marchés de biens et de services liés à l'assistance aux personnes handicapées, ainsi que de nouveaux emplois. Le CESE se réjouit de la proposition de la stratégie, qui vise à garantir une totale accessibilité des sites internet des pouvoirs publics et des sites proposant des services au public d'ici 2015.

1.7   Le CESE estime qu'une carte européenne de mobilité constituerait un moyen concret et efficace pour promouvoir la liberté de mouvement des personnes handicapées en leur permettant d'avoir accès aux services dans l'ensemble de l'UE. La mise en œuvre de la stratégie doit conduire à l'adoption de cette carte européenne de mobilité utilisable dans tous les États membres.

1.8   Le CESE demande à l'UE de veiller à la dignité humaine et à l'égalité lors de l'élaboration des politiques. Il demande que la société toute entière, notamment au niveau familial, soit sensibilisée aux personnes handicapées, ainsi qu'au respect de leurs droits et de leur dignité, et que soient combattus les stéréotypes à l'encontre des personnes handicapées en matière d'emploi, d'éducation et dans d'autres domaines. Le CESE est convaincu de la valeur ajoutée de l'action de l'UE pour faire disparaître les inégalités auxquelles sont confrontées les personnes handicapées dans les États membres, notamment lorsqu'elle encourage les médias à favoriser la prise de conscience de leurs capacités et des contributions qu'elles peuvent apporter. Le CESE recommande la définition d'indicateurs relatifs au handicap afin de collecter des données cohérentes dans tous les domaines de la vie et d'assurer un suivi du nombre de personnes handicapées dans la perspective de la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020 de réduire les taux d'abandon scolaire, la pauvreté et le chômage.

1.9   Le CESE estime qu'un comité européen du handicap est nécessaire pour assurer une gouvernance structurée de la stratégie et un mécanisme plus puissant et plus efficace pour coordonner et suivre la mise en œuvre de la convention aux niveaux européen et national, conformément à l'article 33, paragraphe 1, de celle-ci. Le CESE évaluera en permanence sa mise en œuvre.

1.10   Le CESE dénonce l'incidence négative de la crise financière sur la vie des personnes handicapées et sur leur capacité à exercer leurs droits. Il insiste pour qu'un soutien soit accordé aux personnes handicapées en période de crise et met en garde contre toute réduction des dépenses sociales par mesure d'austérité. Les Fonds structurels européens et les autres instruments financiers devraient être utilisés à cette fin, ainsi que pour financer la mise en œuvre de la stratégie et de la convention des Nations unies. D'autres mécanismes sont nécessaires, par exemple dans le cadre des Fonds structurels, tels que l'affectation directe d'une enveloppe financière spécifique à des actions destinées aux personnes handicapées et à d'autres groupes vulnérables. La future politique de cohésion doit être conforme à la convention des Nations unies. L'article 16 du règlement actuel doit être appliqué de manière effective.

1.11   Le CESE affirme que tout individu, y compris les personnes présentant un handicap psychosocial, les personnes nécessitant un accompagnement plus poussé, les enfants et les femmes handicapés, doivent pleinement jouir de tous les droits humains et libertés fondamentales de la même manière que les autres citoyens. Il reconnaît et promeut le droit de vivre de manière indépendante et souligne la nécessité d'encourager le passage des soins en établissement à des soins de proximité.

1.12   Le CESE recommande que le futur cadre financier pluriannuel 2014-2020 prenne en compte le statut juridique de la stratégie et de la convention des Nations unies au niveau de l'UE et prévoie le financement de leur intégration et de leur mise en œuvre. Le cadre financier pluriannuel doit contribuer aux objectifs globaux de promotion des droits fondamentaux et de l'inclusion des personnes handicapées et procéder à des investissements en faveur de la lutte contre la discrimination et de l'accessibilité.

2.   Introduction

2.1   La communication adoptée par la Commission européenne en novembre 2010 constitue un instrument politique fondamental pour les personnes handicapées. La stratégie en faveur des personnes handicapées définit huit grands domaines: l'accessibilité, la participation, l'égalité, l'emploi, l'éducation et la formation, la protection sociale, la santé ainsi que l'action extérieure. Dans chaque domaine, des mesures phares sont prévues pour la période 2010-2015. Par la suite, de nouvelles initiatives seront élaborées et la stratégie sera révisée. La stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées vise à favoriser la mise en œuvre de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et définit les mécanismes essentiels à son application dans les politiques de l'UE, notamment dans les institutions européennes. Elle prévoit également le soutien indispensable au financement, à la recherche, à la sensibilisation et au recueil de statistiques et de données. La communication est accompagnée de deux documents importants: la liste des mesures concrètes prévues pour 2010-2015 (3), ainsi qu'un document de travail (4) expliquant la stratégie à la lumière de la convention des Nations unies.

2.2   Le CESE demande une application effective de la convention des Nations unies dans le cadre de la révision ou de l'élaboration des réglementations européennes.

2.3   Le CESE estime que les politiques de l'UE doivent refléter le changement de paradigme introduit par la convention des Nations unies, qui passe d'une perspective médicale à celle des droits humains. Il s'engage à appliquer une logique de modèle social au handicap.

2.4   Le CESE recommande d'adopter la définition de la convention des Nations Unies, selon laquelle on entend par personnes handicapées des individus qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l'interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l'égalité avec les autres (5).

2.5   Le CESE croit fermement que chaque être humain a droit à la vie et souligne que les personnes handicapées disposent de ce droit au même titre que les autres.

2.6   Le CESE dénonce les conditions de vie difficiles des personnes handicapées, qui sont soumises à de multiples formes de discrimination sur la base de leur sexe, de leur race, de leur couleur de peau, de leur origine ethnique ou sociale, de leurs caractéristiques génétiques, de leur langue, de leur religion et de leurs croyances, de leurs opinions politiques ou autres, de leur appartenance à une minorité nationale, de leurs propriétés, de leur naissance, de leur âge, de leur orientation sexuelle ou pour tout autre motif.

2.7   Le CESE relève que les personnes handicapées représentent quelque 16 % de la population de l'UE, soit 80 millions de personnes. Elles constituent également un sixième de la population active dans l'UE et 75 % d'entre elles, qui pourraient avoir besoin d'un soutien intensif, n'ont pas accès à l'emploi. 38 % des personnes handicapées âgées de 16 à 34 ans gagnent 36 % de moins que les personnes qui ne le sont pas. (6).

2.8   Le CESE renouvelle son engagement à promouvoir l'égalité et l'inclusion des personnes handicapées, qu'il a exprimé dans des avis antérieurs (7), dans le cadre de la mise en œuvre à la fois de la stratégie, de la convention des Nations unies et dans les actions extérieures de l'UE.

2.9   Le CESE appelle à l'adoption de mesures efficaces pour lutter contre l'abandon scolaire précoce, car les personnes handicapées ont deux fois moins de chances d'atteindre l'enseignement supérieur que les autres.

2.10   Le CESE réclame la révision de la directive 2000/78/CE portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail afin de la mettre en conformité avec la convention des Nations unies. En effet, selon la convention, le refus de réaliser un aménagement raisonnable doit être considéré comme une forme de discrimination dans le cadre de l'application et de la transposition de la directive. Le CESE appelle les États membres à appliquer correctement la directive et demande à la Commission européenne d'en contrôler l'application de manière adéquate.

2.11   Le CESE soutient le recours aux Fonds structurels pour favoriser la reprise économique et la cohésion sociale (8). La réglementation à venir devrait continuer à faire de la non-discrimination et de l'accessibilité des principes horizontaux et reconnaître la valeur ajoutée de la participation des organisations de personnes handicapées à chaque stade du processus (conception, mise en œuvre, gestion, évaluation et suivi). Les critères de non-discrimination et d'accessibilité devraient être consolidés dans les dispositions de cette réglementation. L'article 16 du règlement actuel doit être renforcé. La Commission et les États membres doivent veiller à sa mise en œuvre et à son application.

2.12   En outre, des mécanismes d’assistance financière adéquats devront être étudiés (9), tels que l’allocation directe d'une enveloppe financière spécifique pour les mesures destinées aux personnes handicapées (10) et d'autres groupes vulnérables afin de centrer la politique de cohésion sur des priorités pertinentes (11). Le CESE a déjà recommandé que des fonds soient affectés à des objectifs précis relatifs à l'inclusion sociale (12). De plus, afin de garantir l'assistance requise pour mettre en application les principes définis par la convention des Nations unies et la stratégie, l'inclusion sociale des personnes handicapées doit être reprise dans son ensemble comme une catégorie de dépenses déterminée.

2.13   Le CESE affirme que les enfants handicapés doivent pleinement jouir de tous leurs droits humains et des libertés fondamentales de la même manière que les autres et rappelle la convention relative aux droits de l'enfant et les obligations qui en découlent.

2.14   Le CESE insiste pour un passage des soins en établissement à des soins de proximité afin de respecter les droits des personnes handicapées à vivre de manière indépendante. Les fonds européens ne devraient pas être utilisés pour rénover des institutions mais pour financer le processus de transition de la prise en charge en établissement à celle de proximité en convertissant les services de l'une à l'autre. Il souligne la nécessité de promouvoir des normes adéquates en matière de qualité de la vie et de vieillissement actif.

3.   Évaluation de la stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées

3.1   Le CESE estime que la stratégie reflète en partie les ambitions de la convention des Nations unies et considère que ses domaines d'action sont pertinents et devraient être renforcés à la lumière de la convention des Nations unies.

3.2   Le CESE regrette que l'égalité entre hommes et femmes ne soit pas un élément transversal de la stratégie. Il demande une ventilation des données relatives au handicap selon le sexe et la prise en compte des femmes handicapées dans les statistiques liées à l'égalité des sexes. Le CESE recommande la prise en compte budgétaire de la question de la parité hommes-femmes dans les instruments financiers de l'UE relatifs au handicap. L'intégration de cette dimension devrait être garantie dans le cadre de l'application de la stratégie.

3.3   Le CESE se félicite que la stratégie relève l'insuffisance des données relatives au handicap et demande l'élaboration d'indicateurs pour mesurer les taux d'emploi et de pauvreté des personnes handicapées, ainsi que leur accès à l'éducation.

3.4   Tout en reconnaissant l'importance de la prévention, traitée dans le chapitre relatif à la santé, le CESE note qu'il serait plus judicieux que la stratégie donne la priorité à l'affirmation des droits des personnes handicapées plutôt que de les mélanger avec la prévention.

3.5   Le CESE se réjouit de l'engagement résolu de la stratégie en faveur de l'accessibilité et de son incidence positive sur la société (par exemple pour les personnes âgées ou à mobilité réduite). Les entreprises accessibles attirent davantage de clients (15 % des consommateurs), tandis que les nouveaux produits créent de nouveaux marchés et sont une source de croissance durable pour l'économie (13). Le CESE rappelle que la résolution du Conseil de l'UE affirme que «cette accessibilité ne représente pas moins que la pierre angulaire d'une société inclusive basée sur la non-discrimination» (14).

3.6   Le CESE est favorable au recours aux Fonds structurels pour fournir un soutien financier adéquat à la stratégie. Il suggère en particulier de rendre plus efficace l'utilisation du Fonds social européen (FSE) pour promouvoir l'intégration dans le marché du travail et celle du Fonds européen de développement régional (FEDER) pour parvenir à un degré élevé d'accessibilité en Europe.

3.7   Le CESE est convaincu que la stratégie devrait promouvoir davantage les possibilités pour les personnes handicapées de vivre de manière indépendante grâce aux soins de proximité et à la désinstitutionalisation. Les fonds européens devraient être investis pour développer ce type de soins et s'assurer qu'ils sont d'un niveau satisfaisant.

3.8   Le CESE rappelle (13) que l'«inclusion active» doit être connectée au marché de l'emploi et garantir un niveau de revenus suffisant, ainsi que l'accès à des services sociaux de qualité, afin de se traduire par une amélioration des conditions de vie, y compris pour ceux qui sont très en marge du marché de l'emploi (15).

3.9   Le CESE estime que l'UE, qui est le premier donateur d'aide extérieure dans le monde, devrait montrer l'exemple en intégrant le handicap dans son travail de coopération.

3.10   Le CESE soutient l'idée d'un marché unique inclusif et demande la prise en compte obligatoire de considérations sociales dans les marchés publics, en particulier en matière de promotion de l'accessibilité. Il préconise pour ce faire l'adoption d'un acte législatif européen sur l'accessibilité, qui soit ambitieux et contraignant, ainsi que la promotion de l'emploi, la non-discrimination et la qualité des services sociaux. Il se félicite du mandat européen de normalisation 473 (16) et appelle à l'adoption de normes d'accessibilité obligatoires en appui à la réglementation en matière de commandes publiques, à l'instar de la législation des États-Unis en matière d'accessibilité (17). Le CESE est bien conscient de l'importance du dialogue entre institutions, industrie et société civile dans la définition de ces normes (18). Toutefois, au vu de son succès limité dans la pratique, un mécanisme légalement contraignant et plus structuré est nécessaire à l'avenir.

3.11   Le CESE encourage le Parlement européen, le Conseil et le Comité des régions à se montrer ambitieux en matière de protection des droits des personnes handicapées et à assurer une mise en œuvre adéquate de la convention des Nations unies dans l'Union européenne.

4.   Mise en œuvre et gouvernance

4.1   Le CESE appelle à une gouvernance structurée de la stratégie par l'intermédiaire d'un comité européen du handicap, de manière à renforcer de manière concrète le groupe de haut niveau sur le handicap et pour servir de mécanisme de coordination pour la mise en œuvre et le suivi de la convention, conformément à son article 33, paragraphe 1.

4.2   Le CESE considère que des comités nationaux du handicap sont nécessaires pour assurer la coordination des questions relatives à la stratégie et à la convention des Nations unies au niveau national. Ces comités nationaux devraient garantir la participation des organisations de personnes handicapées au processus de coordination et faire le lien avec les points de contact nationaux et les acteurs européens concernés.

4.3   Le CESE estime que la composition du comité européen du handicap doit garantir la participation de représentants des personnes handicapées et la consultation du CESE ainsi que d'autres parties prenantes concernées et organisations de personnes handicapées.

4.4   Le CESE s'engage à jouer un rôle moteur dans la promotion de la convention des Nations unies, en tant que premier traité international sur les droits humains ratifié par l'UE. Il soutient la mise en œuvre sur le plan interne de la stratégie et de la convention. Il s'emploiera également à les faire connaître en organisant des manifestations, telles qu'une conférence de haut niveau avec les autres institutions européennes et des organisations représentatives des personnes handicapées.

4.5   Le CESE demande que l'article 33, paragraphes 1 et 2, de la convention soit dûment pris en considération et qu'il soit appliqué sans retards inutiles, en coopération avec les organisations représentatives des personnes handicapées. Le CESE souligne qu'il est important de placer le point de contact sous la responsabilité directe du Secrétaire général de la Commission, ainsi que de veiller à la totale indépendance et au pluralisme du mécanisme de suivi.

4.6   Le CESE rappelle l'obligation, prévue à l'article 33, paragraphe 3, de la convention et à l'article 11 du TUE, d'associer les personnes handicapées et leurs représentants à la mise en œuvre et au suivi de la convention des Nations unies, y compris la stratégie européenne.

4.7   Le CESE juge qu'il est important d'effectuer le suivi de la mise en œuvre des actions nationales qui doivent être réalisées au titre de la stratégie d'ici 2015, en s'assurant que les États membres communiquent des rapports sur leur état d'avancement. La Commission européenne devrait également faire rapport sur les réalisations au niveau européen. Il conviendrait que la mise en œuvre de la stratégie soit liée à celle de la stratégie Europe 2020. Les États membres devraient inscrire des objectifs spécifiques pour les personnes handicapées dans leurs programmes nationaux de réforme en vue de mesurer la pauvreté, le taux d'emploi et la formation.

4.8   Les programmes de financement de la Commission européenne appelés à remplacer PROGRESS devraient soutenir la participation des organisations de personnes handicapées concernées par les handicaps multiples et les déficiences spécifiques. Cette participation facilitera la mise en œuvre de la convention des Nations unies.

4.9   Le CESE appelle les parties prenantes, notamment les syndicats, les employeurs, les prestataires de services, les acteurs de l'économie sociale et les organisations de personnes handicapées, à s'engager activement dans la mise en œuvre de la stratégie, dans le cadre de leurs responsabilités et compétences respectives.

4.10   Le CESE est convaincu que les acteurs de l'économie sociale ont un rôle essentiel à jouer dans l'amélioration des conditions de vie et des possibilités offertes aux personnes défavorisées en matière d'accès à l'emploi, aux biens et aux services.

4.11   Le CESE invite les syndicats et les employeurs à inclure des clauses traitant spécifiquement du handicap dans leurs négociations collectives afin de promouvoir des marchés du travail inclusifs, ainsi que la mise en œuvre de la stratégie. Les États membres devraient adopter des mesures financières spécifiques pour soutenir ces négociations.

4.12   Le CESE estime que la stratégie doit favoriser la coopération entre les organisations nationales de personnes handicapées et les conseils économiques et sociaux nationaux en vue de diffuser plus avant la stratégie européenne au niveau des États membres.

4.13   Le CESE demande que les besoins des personnes qui nécessitent un accompagnement intensif et les personnes présentant un handicap psychosocial soient pris en considération dans tous les secteurs de la stratégie.

5.   Révision de la stratégie européenne en faveur des personnes handicapées en 2015 et nouveau cadre après 2020

5.1   Le CESE plaide pour un examen approfondi de la stratégie et l'adoption d'une liste ambitieuse de mesures à réaliser après 2015 pour combattre la discrimination et veiller à l'égalité dans l'UE.

5.2   Le CESE plaide pour une révision de la législation de l'UE existante et une prise en compte systématique des principes de la convention des Nations unies dans les nouvelles réglementations et politiques européennes.

5.3   Le CESE préconise un réexamen approfondi de la stratégie d'ici 2013 afin de s'assurer qu'elle est conforme aux dispositions de la convention et de couvrir notamment des domaines tels que le droit à la vie et la reconnaissance de la personnalité juridique.

5.4   Le CESE estime que les objectifs clés de la stratégie doivent être l'égalité en matière d'emploi, d'éducation et de liberté de mouvement, ainsi que d'autres domaines pertinents de la vie des personnes handicapées.

5.5   Le CESE rappelle qu'il doit être consulté avant que l'UE ne soumette son rapport sur la mise en œuvre de ses actions au comité des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées.

5.6   Le CESE insiste à nouveau sur l'importance que revêtent des données cohérentes pour l'évolution de la politique et pour une évaluation adéquate de la stratégie. Il en appelle à la définition d'indicateurs spécifiques concernant le handicap au niveau de l'UE.

Premières propositions en vue d'une nouvelle liste de mesures dans le cadre de la stratégie après 2015

5.7   Le CESE entend suivre de près la mise en œuvre de l'acte législatif européen sur l'accessibilité dans les États membres après l'adoption de la proposition correspondante par le Parlement européen et le Conseil sous la forme d'une législation juridiquement contraignante. Le CESE demande un plan concret pour rendre les institutions de l'UE dans leur ensemble (infrastructures, procédures de recrutement, réunions, sites internet et informations) accessibles aux personnes handicapées.

5.8   Le CESE souligne qu'il est important de modifier les dispositions relatives au handicap figurant dans la proposition de directive antidiscrimination de la Commission européenne, afin de les conformer à la convention des Nations unies, et il appelle les États membres à veiller à adopter une réglementation européenne stricte, qui étende la protection des droits des personnes handicapées au-delà du domaine de l'emploi.

5.9   Le CESE estime que la nouvelle liste de mesures à réaliser après 2015 devrait contenir des initiatives concernant la situation particulière des personnes affectées par un handicap psychosocial, des femmes, des jeunes filles, des enfants et des personnes âgées handicapés, ainsi que des personnes nécessitant une assistance intensive.

5.10   Le CESE insiste sur la nécessité de s'assurer que les personnes handicapées jouissent pleinement de la liberté de circulation. Le CESE plaide pour l'adoption d'une carte européenne de mobilité, fondée sur la reconnaissance des prestations en nature à travers l'ensemble des États membres de manière à permettre aux personnes handicapées de se déplacer librement dans l'UE dans des conditions égales à celles des autres citoyens. À l'instar de la carte de stationnement, la carte de mobilité vise à garantir l'accès à différents avantages offerts par de nombreuses institutions publiques et privées, par exemple l'accès aux transports publics, aux musées, etc. Le CESE attend des propositions concrètes pour supprimer les barrières à la portabilité des allocations pour handicapés et des services d'aides spécifiques comme l'assistance publique et les technologies d'assistance.

5.11   Le CESE propose la création d'un observatoire du handicap pour analyser la situation des personnes handicapées dans l'UE, échanger les bonnes pratiques et accompagner les développements politiques.

5.12   Le CESE en appelle à l'adoption d'un cadre européen juridiquement contraignant de la qualité des services de proximité à développer et à mettre en œuvre dans les États membres.

5.13   Le CESE insiste pour que l'enseignement de base soit inclusif. Il suggère l'apprentissage du langage des signes dans les écoles primaires, ainsi que le recrutement d'enseignants qualifiés pour utiliser le Braille et d'autres méthodes appropriées pour aider les enfants handicapés.

5.14   Le CESE demande l'établissement d'un système commun européen d'évaluation du handicap, fondé sur une logique des droits de l'homme (19).

5.15   Le CESE suggère de promouvoir une reconnaissance égale de la personnalité juridique des personnes handicapées. La Cour européenne de justice et les cours nationales doivent être accessibles et prendre toutes les mesures appropriées afin de lutter contre la discrimination.

5.16   Le CESE rappelle que le droit de vote est un droit humain inaliénable, reconnu par la convention des Nations unies à toutes les personnes handicapées. Il rappelle à toutes les institutions concernées que seules des obligations liées à l'âge et à la citoyenneté conditionnent les droits de vote et d'éligibilité. Le CESE rejette fermement et sans ambiguïté l'idée de restreindre le droit de vote et d'éligibilité sur la base du handicap, que ce soit sur décision d'un tribunal ou d'une autre manière. Le CESE appelle les institutions de l'UE et les États membres à abolir les législations discriminatoires en matière de tutelle pour permettre aux personnes handicapées d'exercer leurs droits politiques au même titre que les autres citoyens. Il note que des aménagements raisonnables concernant les procédures, les locaux et le matériel de vote sont indispensables pour garantir le droit de participer aux élections nationales et européennes.

5.17   Le CESE demande que la preuve soit apportée de l'efficacité des instruments politiques existants destinés à l'amélioration de la situation des personnes handicapées. Pour ce faire, il suggère de financer des projets, des études et des recherches au niveau de l'UE.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2008) 426 final.

(2)  TFUE, traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Article 19, paragraphe 1: «Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle».

(3)  SEC(2010) 1324 final.

(4)  SEC(2010) 1323 final.

(5)  Article 1 de la convention des Nations unies: http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?id=1413.

(6)  http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/statistics/themes.

(7)  JO C 354 du 28.12.2010, p. 8-15.

(8)  JO C 132 du 3.5.2011, p. 8-14.

(9)  Idem.

(10)  COM(2010) 636 final.

(11)  JO C 234 du 22.9.2005. p. 27-31; JO C 162 du 25.6.2008, p. 92-95; JO C 354 du 28.12.2010, p. 8-15; COM(2010) 636 final.

(12)  JO C 120 du 16.5.2008, p. 73-81, paragraphe 4.5.2.

(13)  JO C 354 du 28.12.2010, p. 8-15.

(14)  Résolution du Conseil 2008/C 75/01.

(15)  EUROFOUND.

(16)  M/473 – Mandat de normalisation donné au CEN, au CENELEC et à l'ETSI afin d'intégrer la «conception pour tous» dans les initiatives pertinentes en matière de normalisation.

(17)  JO C 354 du 28.12.2010, p. 8–15. L'Americans with Disabilities Act (ADA) est un cadre législatif interdisant la discrimination à l'égard des personnes handicapées en matière d'emploi, de transport, de logement public, de communications et d'activités gouvernementales. L'ADA établit également des exigences en matière de services de relais de télécommunication.

(18)  Voir les normes déjà appliquées au titre des mandats 376 et 420, ainsi que le lien suivant:

http://cms.horus.be/files/99909/MediaArchive/M420%20Mandate%20Access%20Built%20Environment.pdf.

(19)  Un système commun d'évaluation du handicap fondé sur les droits consacrés par la convention par la révision de l'ICF (classification internationale des fonctionnalités et des incapacités).


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/87


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux»

COM(2011) 126 final — 2011/0059 (CNS)

et la «Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière d'effets patrimoniaux des partenariats enregistrés»

COM(2011) 127 final — 2011/0060 (CNS)

2011/C 376/16

Rapporteur: M. PEZZINI

Le 26 avril 2011, le Conseil a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

 

«Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux»

COM(2011) 126 final – 2011/0059 (CNS)

et la

 

«Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière d'effets patrimoniaux des partenariats enregistrés»

COM(2011) 127 final – 2011/0060 (CNS).

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 31 août 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 156 voix pour, 3 voix contre et 6 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le CESE partage le point de vue de la Commission quant à la nécessité d'éliminer les incertitudes et les discriminations concernant les droits de propriété des couples internationaux, et juge opportun d'adopter un paquet législatif composé de deux règlements distincts, l'un relatif aux régimes matrimoniaux, l'autre aux partenariats enregistrés.

1.2   Le Comité considère que toute réglementation en la matière doit reposer sur la sécurité juridique, la prévisibilité, la simplification ainsi que sur un accès rapide à la justice, des solutions équitables, des coûts abordables et des délais courts, sous réserve des seules exceptions d'ordre public.

1.3   Le CESE juge essentiel que les réglementations prévues protègent de façon claire et transparente les droits inhérents aux régimes matrimoniaux et aux partenariats enregistrés, mais aussi les intérêts et les droits des tiers. À cet égard, le choix de la législation applicable et des compétences juridictionnelles devrait obligatoirement s'effectuer au moment où l'union est contractée.

1.4   Le CESE se demande à cet égard s'il ne serait pas possible d'instaurer un régime européen supplémentaire et optionnel, le «28e régime», qui protègerait de la même manière les couples internationaux tant en ce qui concerne les régimes matrimoniaux que les effets patrimoniaux.

1.4.1   De surcroît, cela permettrait d'avoir plus facilement recours à l'arbitrage et de rendre applicables les accords extrajudiciaires.

1.5   Le Comité rappelle qu'il est important de garantir la force exécutoire immédiate des décisions, sans activer de procédures ultérieures, fussent-elles simplifiées, afin de réduire les coûts et les délais pour les citoyens et les lourdeurs administratives pour les systèmes judiciaires.

1.6   Le CESE préconise la mise en place d'un système d'information et de formation des juridictions compétentes, des praticiens du droit et des citoyens, en créant un portail Internet interactif dans toutes les langues officielles et en prévoyant un système d'échange d'expertise et de compétences.

1.7   Le CESE appelle de ses vœux l'établissement d'un réseau européen de points nationaux d'assistance technique et juridique gratuite, relevant de l'Agence des droits fondamentaux, afin que tous les couples soient assurés de pouvoir exercer leurs droits en connaissance de cause et de manière éclairée.

1.8   Le Comité souligne qu'il est important de regrouper devant une juridiction unique les différentes procédures en matière de succession, de divorce, de séparation de corps et de liquidation du régime matrimonial.

1.9   Enfin, le Comité recommande vivement de veiller à ce que les réglementations en vigueur, en cours de modification ou d'élaboration soient pleinement cohérentes, afin de garantir un cadre juridique homogène et simplifié en matière de régime matrimoniaux, qui soit accessible à tous les citoyens européens.

2.   Le cadre législatif actuel

2.1   Pour le Comité, il est essentiel de garantir que les citoyens puissent circuler librement d'un État membre à l'autre, afin qu'ils puissent vivre, fonder une famille et acquérir une propriété au sein de l'Union européenne sans difficultés ni incertitudes.

2.2   Les traités et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantissent la liberté de circulation et de séjour, le droit d'accès à la justice et le respect des droits fondamentaux, à savoir notamment: le droit de propriété, l'égalité de tous devant la loi, le principe de non-discrimination, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit de se marier et de fonder une famille conformément aux législations nationales, le droit à accéder à un tribunal impartial.

2.3   La mobilité accrue des citoyens au sein de l'UE est à l'origine d'une augmentation des mariages et des unions «internationales» entre individus n'ayant pas la même nationalité ou résidant dans des États membres différents ou dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants.

2.4   Le CESE est conscient de l'importance, dans un espace sans frontières intérieures, de pouvoir exercer efficacement ces droits, quelle que soit la forme des unions contractées entre ressortissants d'États membres différents et indépendamment du fait qu'ils puissent résider dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. Cette situation s'accompagne souvent de la possession de biens mobiliers et/ou immobiliers situés sur le territoire de plusieurs pays de l'UE.

2.5   L'on compte actuellement environ 16 millions de couples internationaux en Europe. En 2007, sur 2,4 millions de nouveaux mariages, 13 % (310 000) présentaient une dimension internationale. De manière analogue, sur les 211 000 unions enregistrées dans l’UE la même année, 41 000 concernaient des couples internationaux.

2.6   Dans cinq pays, le mariage peut être contracté entre personnes du même sexe (aux Pays-Bas depuis 2001, en Belgique depuis 2003, en Espagne depuis 2005, en Suède depuis 2009 et au Portugal depuis 2010), tandis que le «partenariat enregistré» est un dispositif juridique plus récent, reconnu par 14 États membres (1). Ces 14 pays autorisent le partenariat enregistré de couples du même sexe, tandis que le partenariat enregistré conclu aussi bien entre personnes de même sexe qu'entre personnes de sexe opposé n'est admis qu'en Belgique, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas.

2.7   Consulté par la Commission en 2006 à propos du livre vert sur le règlement des conflits de lois en matière de régime matrimonial, le CESE avait approuvé sur le fond (2) les modifications apportées au règlement (CE) no 2201/2003, qui étendaient la compétence juridictionnelle et la loi applicable en matière matrimoniale, en considérant que ces modifications complétaient sur ces points un règlement qui traitait de la reconnaissance des décisions judiciaires en matière matrimoniale et de garde des enfants. Le CESE s'était déjà prononcé sur la compétence et la loi applicable en matière matrimoniale lors de la présentation du livre vert sur le divorce, sur lequel il avait élaboré un avis très approfondi, auquel il renvoie (3).

2.8   Le Comité s'était également interrogé sur l'opportunité de traiter séparément la question de la répartition des biens communs (immeubles, meubles et autres droits patrimoniaux), en élargissant le champ d'application «rationae personae» de cette répartition aux couples non mariés (lesquels peuvent aussi avoir des enfants communs).

2.9   Peut-être eût-il été plus logique de traiter d'une part toutes les conséquences de la dissolution du lien matrimonial et, d'autre part, de réglementer toutes les conséquences de la séparation des couples non mariés, vivant sous un régime de partenariat enregistré, en élaborant un cadre réglementaire unitaire.

2.10   Cela aurait sans doute amélioré la clarté et la compréhension du droit applicable et facilité la reconnaissance des décisions judiciaires, qui règlent souvent toutes les conditions et conséquences du divorce dans un jugement définitif unique.

2.11   Compte tenu des spécificités du mariage et du partenariat enregistré, ainsi que des différences juridiques qu'il peut y avoir entre ces deux formes d'union, le CESE reconnaît l'utilité de disposer de deux instruments réglementaires distincts: l'un relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux et l'autre à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière d'effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.

2.12   Le Comité se demande s'il ne serait pas utile de réfléchir à l'élaboration d'un seul instrument intégré, sous forme d'un régime européen supplémentaire et optionnel («28e régime») (4), auquel les couples – mariés ou liés par un partenariat enregistré - pourraient adhérer librement, sans discrimination aucune. L'accord franco-allemand instituant un régime matrimonial commun (5) pourrait constituer une piste de réflexion à cet égard.

2.12.1   Les aspects patrimoniaux des mariages et des partenariats enregistrés sont souvent réglés par une procédure non contentieuse. Dès lors, de l'avis du CESE, il serait opportun d'insérer dans le 28e régime certaines clauses relatives à la validité des accords extrajudiciaires d'arbitrage (6), ce qui entraînerait des avantages certains pour les citoyens européens.

2.13   De l'avis du Comité, ces deux instruments devraient assurer:

la prévisibilité et la certitude quant à la loi applicable, grâce à des règles claires et uniformes;

la cohérence en matière de coopération judiciaire civile, en particulier dans le domaine du droit de la famille;

la reconnaissance automatique des décisions et l'exécution au moyen d'une procédure uniforme simplifiée, garantissant la circulation des jugements sans exequatur en matière de reconnaissance et d'exécution des décisions;

l'harmonisation des règles de compétence et la détermination de la loi applicable par une seule juridiction, habilitée à connaître de l'ensemble des aspects de la situation du couple, lequel devrait être tenu d'opérer un choix;

la définition d'un cadre juridique cohérent et aisément accessible, grâce à l'unification et à l'harmonisation de la terminologie relative à l'ensemble des thématiques et des concepts, ainsi que des conditions se rapportant à des règles similaires pour toutes les matières (par exemple litispendance, clauses de compétence, etc.).

3.   Propositions de la Commission

3.1   Dans le «Rapport 2010 sur la citoyenneté de l'Union: lever les obstacles à l'exercice des droits des citoyens de l'Union» (7), la Commission relève que l'incertitude quant aux droits de propriété des couples internationaux constitue l'un des principaux obstacles auxquels se heurtent aujourd'hui encore les citoyens dans l'exercice quotidien de leurs droits.

3.2   Les propositions de la Commission se fondent sur l'article 81, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

3.3   Deux initiatives de la Commission concernant la loi applicable aux droits de propriété des couples internationaux ont été soumises au Conseil: la première concerne la détermination de la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution de régimes matrimoniaux; la seconde a trait aux mêmes questions en ce qui concerne les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.

3.4   Les propositions de la Commission ont pour objet de jeter des ponts entre les différents systèmes juridiques de l’UE et de faciliter la vie des couples internationaux, sans harmoniser ni modifier le droit matériel des États membres en matière de mariage ou de partenariats enregistrés, mais avec pour objectif:

de permettre aux couples internationaux mariés de choisir la loi applicable à leurs biens communs en cas de décès d'un conjoint ou de divorce;

d'augmenter la sécurité juridique pour les partenariats enregistrés à caractère international en assujettissant de manière générale les biens des couples liés par un partenariat enregistré à la loi du pays dans lequel leur union a été enregistrée;

d'augmenter la sécurité juridique pour les couples internationaux (mariés ou liés par un partenariat enregistré) en instituant un ensemble de règles cohérentes pour la détermination de la juridiction compétente et de la loi applicable sur la base d'une liste de critères de rattachement hiérarchisés et objectifs;

d'améliorer la prévisibilité pour les couples internationaux en simplifiant la procédure relative à la reconnaissance des décisions et des actes adoptés dans l'ensemble de l’UE et en prévoyant la possibilité pour les citoyens de présenter plusieurs actes introductifs d'instance devant une juridiction unique.

3.5   Ces propositions prévoient également la création, dans le cadre du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, d'un site Internet consacré aux registres existants en matière de régimes matrimoniaux et de dispositions nationales.

3.6   Ces propositions requièrent l'approbation unanime du Conseil des ministres de l'UE après consultation du Parlement européen.

4.   Observations générales

4.1   Le CESE juge souhaitable que le choix de la règlementation applicable aux couples mariés s'effectue au moment du mariage même, en évitant que puisse être choisie une loi à laquelle le mariage ne puisse être rattaché du point de vue législatif, et en prévoyant au contraire pour les mariages préexistants, si aucun choix n'est arrêté, une liste de critères de rattachement objectifs, afin d'identifier la loi devant être appliquée, conformément au système adopté dans le règlement récent «Rome III» (8).

4.1.1   De l'avis du CESE, l'introduction de règles limitant les possibilités de choix concernant la loi applicable, aurait pour effet de renforcer la sécurité juridique et donnerait aux couples concernés une certaine latitude dans le choix de la loi applicable à leurs biens, tout en garantissant la protection des intérêts des tiers.

4.1.2   Dans le cas de partenariats enregistrés, le choix est celui de la loi de l'État sous le régime duquel s'effectue cet enregistrement.

4.1.3   Le CESE souligne la nécessité de disposer d'un système d'information clair et adapté relatif au choix de la loi applicable, conformément au règlement (UE) no 1259/2010 et à la proposition contenue dans le document de la Commission COM(2011) 126 final, afin que les couples puissent prendre dûment connaissance du régime de divorce et de la réglementation des rapports patrimoniaux.

4.1.4   Le Comité donne la priorité à la sécurité juridique et fait part de ses doutes en ce qui concerne la conciliation effective entre le choix par le couple du régime juridique applicable à la réglementation de son patrimoine et la localisation réelle du bien, lorsque ce dernier se trouve dans un pays autre que celui qui a été convenu.

4.1.4.1   Selon le Comité, pour garantir la sécurité juridique et, dans le même temps, le droit des époux à sauvegarder la valeur de leurs biens meubles et immeubles, il conviendrait de procéder à une évaluation équitable du patrimoine au moment du mariage et au moment de la séparation ou du divorce.

4.1.4.2   Le CESE souhaite que soit indiqué sur tout acte relatif aux biens patrimoniaux le régime en vigueur entre les époux. C'est particulièrement important lorsque parmi ces biens figurent des actions et autres titres de participation, des assurances-vie, des fonds de pension, et autres.

4.1.5   Le CESE s'interroge sur les conséquences que peut avoir pour les tiers le fait que la loi choisie pour le régime matrimonial puisse ne pas correspondre à celle du pays où se trouve effectivement le bien, y compris lorsqu'il est situé en dehors de l'UE.

4.2   Le Comité considère qu'il est important d'éliminer les problèmes liés à la reconnaissance des décisions et des actes, en assurant des avancées en termes d'économies et de rapidité de reconnaissance des décisions et en évitant ainsi des voies de recours auprès des juridictions de différents États membres.

4.3   Les règles relatives à la liquidation des régimes matrimoniaux auraient pour effet d'étendre les compétences de la juridiction en charge du divorce ou de la succession aux questions corrélées à la liquidation du régime matrimonial. La sécurité juridique pour les citoyens s'en trouverait renforcée, car la juridiction compétente en matière de divorce ou de succession le serait également pour la liquidation du régime matrimonial.

4.3.1   Le Comité fait part de son inquiétude concernant le temps que prendra l'adaptation des règlementations internes de chaque État membre et la date à laquelle les règlements relatifs aux régimes matrimoniaux entreront en vigueur.

4.4   Le CESE juge qu'il est indispensable de garantir la libre circulation des décisions par leur reconnaissance automatique sur tout le territoire de l'Union et leur exécution selon une procédure homogène et simplifiée; il est également d'avis qu'il y a lieu d'assurer la cohérence requise en matière de coopération judiciaire civile.

4.5   Selon le CESE, la définition d'un cadre juridique cohérent et facilement accessible doit constituer l'objectif général; il considère que, à cette fin, il y a lieu de procéder à une unification et à une harmonisation de la terminologie relative à l'ensemble des thématiques et des concepts, ainsi que des exigences se rapportant à des règles similaires pour toutes les matières (par exemple, la litispendance, les clauses attributives de compétence, la résidence habituelle, etc.).

4.6   De l'avis du Comité, il importe également de permettre la reconnaissance et l'exécution des décisions ainsi que la libre circulation des décisions sans exequatur dans le marché intérieur, conformément aux modifications proposées (9) aux règles en matière civile et commerciale, en vertu du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, sans exceptions autres que celles d'ordre public et conformément à la Charte des droits fondamentaux.

4.7   Le CESE souscrit à la possibilité de rassembler devant une seule juridiction les différentes procédures: procédures relatives au divorce, à la séparation de corps et à la liquidation du régime matrimonial du couple. Les juridictions compétentes sont les mêmes que celles qui ont été indiquées en vertu du règlement «Bruxelles II bis».

4.7.1   Le Comité souligne l'importance d'éviter des procédures parallèles et l'application d'un droit matériel différent aux biens des couples mariés ou enregistrés.

4.8   Le CESE considère qu'il est capital de mener une action communautaire de formation en direction des membres des autorités publiques concernées et des praticiens du droit qui seront tenus d'appliquer le nouveau cadre réglementaire relatif aux régimes matrimoniaux et aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.

4.9   Il conviendra de dispenser aux époux et aux couples enregistrés une information adaptée sur les incidences de la législation choisie sur le patrimoine, dans le cas de son transfert, notamment dans l'hypothèse où le régime choisi diffère de celui de la localisation effective des biens.

4.10   Conformément aux conclusions du Conseil Justice et affaires intérieures des 24 et 25 février 2011, «le respect des droits fondamentaux devrait aussi être pris en compte lors de la rédaction des actes juridiques qui ne font pas l'objet d'une procédure législative» (10). Le Comité considère que l'Agence des droits fondamentaux peut et doit jouer un rôle actif en ce qui concerne l'assistance technique et juridique accordée aux couples pour leur permettre d'exercer efficacement leurs droits.

5.   Observations particulières

5.1   Réglementations proposées relatives aux régimes matrimoniaux

5.1.1   Le Comité marque son accord quant à la définition des régimes matrimoniaux comme couvrant à la fois les aspects relatifs à la gestion quotidienne des biens des époux, et ceux liés à leur liquidation, sans affecter la nature des droits réels, la qualification des biens et droits et la détermination des prérogatives du titulaire de ces droits, sous réserve des seules exceptions de droit public prévues par la législation des États membres.

5.1.2   Le Comité est soucieux d'assurer la cohérence en matière de compétences entre les régimes applicables en vertu des règlements no 1259/2010 (divorce ou séparation) et 2201/2003 (mariage) et ceux prévus par la proposition de règlement relative aux régimes matrimoniaux (voir chapitre II, articles 4 et 5, et chapitre III, articles 15 à 18).

5.1.2.1   Le CESE considère que le choix de régimes différents dans les divers cas de figure, choix qui serait laissé à l'appréciation des parties, est susceptible de déboucher sur une trop grande complexité et d'éventuels conflits de compétences, avec les conséquences qui en découlent, ce qui allongerait les délais et accroîtrait les coûts. Le Comité juge souhaitable que la compétence judiciaire soit déterminée au moment du mariage.

5.1.3   Le Comité est d'avis que le principe de reconnaissance mutuelle concernant la libre circulation des décisions, des actes authentiques et des transactions judiciaires en matière de régimes matrimoniaux doit exclure toute autre procédure ultérieure telle que celles proposées. Toute procédure d'exequatur (voir règlements Bruxelles I et II) augmenterait en effet les coûts et allongerait les délais.

5.1.4   Selon le CESE, il faudrait exclure à l'article 4 des deux règlements la possibilité de subordonner à l'accord des partenaires la compétence des juridictions saisies d'une demande en dissolution ou annulation à statuer également sur les effets patrimoniaux de tels actes.

5.2   Réglementation proposée pour les aspects patrimoniaux des partenariats enregistrés

5.2.1   Le CESE estime qu'il est indispensable de prendre en considération les spécificités des partenariats enregistrés afin de déterminer, s'agissant des seuls aspects patrimoniaux, les conséquences juridiques de ces partenariats pour les partenaires et vis-à-vis de tiers

5.2.2   Le CESE craint que les règles figurant au Chapitre III de la proposition de règlement 127/2011 (partenariats enregistrés) ne soient incompatibles avec les dispositions en vigueur dans le pays dans lequel les biens sont situés.

5.2.3   Compte tenu des différences existant entre les régimes au sein des pays qui autorisent les partenariats enregistrés, il serait utile, afin de renforcer le respect des droits des membres des partenariats enregistrés et ceux des tiers, d'harmoniser les systèmes d'information ainsi que les procédures de publicité et d'opposabilité des droits afférents aux biens qui appartiennent aux couples, en particulier lorsque ces biens se trouvent dans des pays qui ne reconnaissent pas le partenariat enregistré.

5.3   Accès à l'information sur les régimes patrimoniaux existant dans les États membres

5.3.1   Le CESE insiste sur l'importance d'assurer un accès adapté à l'information en premier lieu pour les époux et les partenaires ayant enregistré leur union, mais également pour les juridictions compétentes et les praticiens du droit, au moyen de guides pratiques rédigés dans les langues de l'UE; il souligne aussi l'importance de créer un portail Internet dans toutes les langues officielles de l'Union.

5.3.2   Le Comité considère qu'un programme de formation des autorités judiciaires, des praticiens et des usagers du droit est indispensable, de même que des échanges d'expériences, dans le but d'assurer une diffusion adéquate des expertises et connaissances sur les différents systèmes juridiques nationaux pertinents.

5.3.3   Le CESE appelle de ses vœux l'établissement d'un réseau européen de points nationaux d'assistance technique et juridique, relevant de l'Agence des droits fondamentaux, afin que tous les couples mariés ou unis par un partenariat enregistré soient assurés de pouvoir exercer gratuitement et en connaissance de cause leurs droits en matière de régimes matrimoniaux.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie et Suède.

(2)  JO C 325 du 30.12.2006, p. 71.

(3)  JO C 24 du 31.01.2006, p. 20.

(4)  JO C 21 du 21.01.2011, p. 26.

(5)  Cf. France - Conseil des ministres du 23 mars 2011.

(6)  Proposition du ministère italien de la Justice; voir également Cour de justice de l'Union européenne, Arrêt West Tankers, AFF C-185/07, paragraphe 26 sur la validité de la clause d'arbitrage.

(7)  Adopté le 27 octobre 2010.

(8)  Voir règlement UE no 1259/2010 du 20.12.2010, JO L 343 du 29.12.2010, p. 10.

(9)  Voir COM(2010) 748 final.

(10)  Conclusions du Conseil sur le rôle du Conseil de l'Union européenne pour assurer la mise en œuvre effective de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 24-25 février 2011.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/92


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d'action européen 2011-2015 pour l'administration en ligne — Exploiter les TIC pour promouvoir une administration intelligente, durable et innovante»

COM(2010) 743 final

et la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers l'interopérabilité pour les services publics européens»

COM(2010) 744 final

2011/C 376/17

Rapporteur: M. HENCKS

Les 15 et 16 décembre 2010, la Commission a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

 

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Plan d'action européen 2011-2015 pour l'administration en ligne — Exploiter les TIC pour promouvoir une administration intelligente, durable et innovante»

COM(2010) 743 final, et la

 

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Vers l'interopérabilité pour les services publics européens»

COM(2010) 744 final.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 7 septembre 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, 1 voix contre et 8 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le plan d’action sous avis résulte d’une demande de la conférence ministérielle sur l'administration en ligne de 2009 à Malmö, au cours de laquelle les ministres de l'UE se sont engagés à promouvoir des services publics en ligne transfrontaliers plus accessibles, interactifs et personnalisés. S'y ajoutent les engagements pris dans le cadre de l’Agenda numérique et de la stratégie Europe 2020.

1.2   Comme la seule compétence de la Commission en la matière est de proposer des conditions et des actions propices à un développement harmonieux des transactions transfrontalières d'administration en ligne en Europe, le CESE voudrait mettre en exergue qu'il reviendra en fin de compte aux États membres d'assurer le respect des engagements pris à Malmö.

1.3   Pour éviter des confusions avec un autre type de services, le CESE propose d'user en l'occurrence du terme «services publics transfrontaliers d'administration en ligne» européens et non de «services publics européens».

1.4   Le CESE soutient le plan d'action présenté par la Commission pour une administration en ligne durable et innovante, qui ouvre la voie à des services plus personnalisés et interactifs et qui prend mieux en compte les besoins et attentes des usagers appelés à jouer un rôle plus actif dans la définition des services publics en ligne.

1.5   La promotion de l'administration en ligne devra être accompagnée d'une réforme de l'administration et de ses relations avec l'usager, notamment par l'aide des usagers dans l'accomplissement des procédures de l'administration en ligne.

1.6   L’Union et les États membres doivent prendre toutes les mesures pour l’inclusion de tous les publics, y compris les défavorisés, dans la société numérique, conformément à la stratégie Europe 2020 et à l’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’UE.

1.7   En ce qui concerne l'interopérabilité, la signature et l'identification numériques, les entraves résultent souvent de l'absence d'une base juridique transfrontalière, des différences des droits nationaux et de solutions adoptées par les États membres mutuellement incompatibles. Une bonne gouvernance multilatérale effective des systèmes, fondée sur des hommes et sur des moyens adéquats, est nécessaire.

1.8   Le CESE soutient, dans un cadre d'interopérabilité européen, le développement d'une vision de normes d'interface communes et se prononce pour une plateforme d'échange d'informations, d'expériences et de codes fondés sur des logiciels libres et ouvert pour permettre des corrections et modifications, et surtout des formats de données ouverts pour l'interopérabilité. L’expérience acquise par certaines administrations (par exemple les douanes) devrait être utilisée pour prévoir l’interopérabilité technique, l’interopérabilité sémantique, l’interopérabilité organisationnelle des systèmes avant de les interconnecter, car elles sont garantes de la réalisation des accords, et de la stabilité des fonctionnements, par la mise au point de règles communes et de bases légales solides.

1.9   L'idée de l'interopérabilité s’impose aujourd’hui, mais uniquement pour les services où elle est utile. La réalisation en est très complexe, et nécessite l’intégration de nombreuses actions et mesures techniques pour garantir la sécurité des échanges aux citoyens. Elle est de plus évolutive.

1.10   Avant de lancer l’échange des données, il devra être recommandé aux administrations des États membres de procéder à un criblage afin que seules les données utiles à l’échange soient mises en ligne, en commençant par garantir le respect des textes existants.

1.11   Les données personnelles des citoyens, des entreprises et des organisations associatives doivent être protégées, et leur «droit à la caducité» respecté. La sécurité des données doit être assurée et garantie au niveau européen, et ceci dès la conception des échanges, au niveau des serveurs, des logiciels, du stockage, des échanges, etc. L’hypothèse de réutilisation des données par des tiers doit être soumise aux même règles et exigences.

2.   La promotion de l'administration en ligne

2.1   Depuis 1993, l’Union s’applique à coordonner l'action des États membres pour faciliter la convergence numérique et relever les défis de la société de l'information (programmes IDA IDAI, IDAII, IDABC, ISA) (1), afin de créer un espace européen unique offrant des communications à haut débit abordables et sûres, ainsi que des contenus de qualité, diversifiés et adaptés aux besoins des utilisateurs.

2.2   L'Union a ainsi adopté les orientations politiques correspondantes dans de nombreuses communications et plans d'action dont certains entendaient accélérer l'instauration de l'administration en ligne en se basant sur cinq priorités:

un accès pour tous;

une efficacité accrue;

des services en ligne à fort impact;

la mise en place d'outils clés:

la participation publique accrue au processus démocratique de décision.

2.3   Le nouveau plan d’action fait partie intégrante de l’agenda numérique. L’Union et les États membres doivent prendre toutes les mesures pour l’inclusion de tous les publics, y compris les défavorisés, dans la société numérique, conformément à la stratégie Europe 2020 et à l’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’UE.

3.   Les nouvelles initiatives de la Commission

3.1   Lors de la cinquième conférence ministérielle sur l'administration en ligne de Malmö en 2009, les ministres de l'UE se sont engagés à stimuler la compétitivité de l'Europe grâce aux économies de temps et d'argent que peuvent entraîner des services publics en ligne plus accessibles, interactifs et personnalisés.

3.2   La Commission propose donc un nouveau plan d'action pour l'administration en ligne qui vise à répondre concrètement à la demande de la conférence de Malmö et qui contribue à deux objectifs clés de la stratégie numérique pour l’Europe, selon laquelle les États membres devront aligner d'ici 2013 leur cadre national d'interopérabilité sur les cadres européens applicables, tout comme les administrations publiques devront promouvoir l'administration en ligne afin que, d'ici 2015,50 % des citoyens et 80 % des entreprises utilisent des services administratifs en ligne.

3.3   Les 40 mesures du plan d'action 2011-2015 concernent quatre domaines:

A.

conception des services en fonction des besoins des utilisateurs;

production collaborative de services faisant appel, par exemple, aux technologies du type Web 2.0;

réutilisation des informations du secteur public;

accroissement de la transparence;

participation des particuliers et des entreprises aux processus d'élaboration des politiques.

B.

services sans discontinuité pour les entreprises;

mise en œuvre à l'échelle de l'UE de services transnationaux.

C.

amélioration des processus organisationnels (passation électronique de marchés publics, traitement accéléré des demandes, etc.);

allègement des charges administratives;

administration verte (archivage électronique, recours aux vidéoconférences pour limiter les déplacements, etc.).

D.

spécifications ouvertes et interopérabilité (application du cadre d'interopérabilité européen);

création de facteurs déterminants (révision de la directive sur les signatures électroniques, proposition de décision sur la reconnaissance mutuelle de l'identification et de l'authentification électroniques dans toute l'UE.

3.4   Concrètement, le plan d'action prévoit les mesures suivantes:

faire en sorte que certaines informations fournies à l'administration puissent être enregistrées une fois pour toutes et de manière sûre (et qu'il ne soit pas nécessaire de donner plusieurs fois les mêmes informations à différentes administrations);

généraliser à toute l'UE l'utilisation de systèmes d'identification électroniques («eID») afin de faciliter certaines formalités à caractère transnational, comme la création d'une entreprise à l'étranger, les déménagements ou les expatriations professionnelles, le transfert dans un autre pays des droits à la retraite ou l'inscription dans un établissement scolaire ou universitaire étranger;

permettre aux citoyens et aux entreprises de suivre en temps réel le traitement de leur dossier par l'administration, en renforçant la transparence et l'ouverture;

personnaliser les services afin de mieux répondre aux besoins concrets des utilisateurs, par exemple en assurant la transmission sûre et rapide de documents et d'informations sous forme numérique;

permettre la réutilisation de données par des tiers, afin de faciliter la mise au point d'applications et de services publics nouveaux.

4.   Observations générales

Le CESE souscrit à la nécessité absolue de promouvoir une administration en ligne durable et innovante ainsi qu'une interopérabilité transfrontalière sans entraves.

4.1   Dans ce contexte il rappelle que la tâche principale de la Commission consiste en l’occurrence à créer des conditions plus propices au développement de transactions d’administration en ligne et notamment des conditions préalables comme l’interopérabilité, la signature et l'identification électroniques, et à coordonner les actions des États membres, étant entendu que les gouvernements des États membres qui se sont engagés politiquement par la déclaration de Malmö, jouent un rôle central dans la mise en œuvre des mesures retenues.

4.2   Le CESE voudrait avant toute chose rendre attentif au fait que la notion de «services publics européens» que la Commission utilise dans le cadre de sa communication sur l’interopérabilité est inappropriée et induit en erreur. Dans son avis intitulé «Les SIEG, quel partage des compétences entre l’UE et les États membres? (2)», le CESE a évoqué les services publics qui ne peuvent se réduire à l’échelon national ou local et qui pourraient être considérés comme services communautaires d’intérêt général. Les services transfrontaliers d’administration en ligne, même s’ils ont une certaine dimension européenne dans la mesure où ils sont transfrontaliers, sont toutefois de nature totalement différente des services que l'on pourrait qualifier de services publics européens.

4.3   Le CESE soutient la nouvelle stratégie qui consiste à passer de l'approche antérieure, qui était plutôt de nature universelle, à une approche personnalisée qui ouvre la voie à des services publics plus interactifs et qui répond mieux aux attentes et demandes des usagers. Cette approche s'appuie sur une nouvelle génération de services publics en ligne ouverts, souples et sans discontinuité au niveau local, régional, national et européen.

4.4   Le CESE félicite la Commission d'ouvrir la voie à ce que les utilisateurs (citoyens, entreprises, ONG ainsi que les structures formelles de dialogue reconnues par la Commission) puissent à terme jouer un rôle plus actif dans la définition des services publics en ligne adaptés à leurs besoins.

4.5   Le CESE soutient donc le nouveau plan d'action présenté par la Commission qui offre à toutes les parties intéressées la possibilité de bénéficier de services publics plus rapides et de meilleure qualité, et aidera les administrations publiques à revoir leur approche du service rendu et leurs procédures internes afin de répondre mieux aux nouvelles exigences de rapidité, de disponibilité et de simplicité.

4.6   On ne peut toutefois se défaire de l'impression que trop souvent les usagers ne sont pas vraiment au cœur des préoccupations de l'Administration, mais que l'administration électronique est organisée en fonction de la structure interne de l'administration, plutôt qu'en fonction des administrés, ce qui se traduit pour les usagers par des problèmes d'accessibilité, un manque de visibilité et l'absence d'homogénéité du graphisme.

4.7   Le CESE regrette que la question de la protection des données et de leur criblage ne soit pas abordée par la Commission. Le règlement afférent de 2001 doit être intégralement mis en œuvre, et toutes les données privées des citoyens ne peuvent être échangées sans la garantie absolue de leur confidentialité, du droit à l’oubli, et d’exigences à imposer avec garantie de leur respect. Le CESE exprime ses réserves sur la réutilisation de ces données par des tiers.

4.8   L’importance des questions techniques et informatiques ne doit pas être minimisée car elles conditionnent la réussite de l’interopérabilité et la sécurité des données: interopérabilité des techniques, des sémantiques, des organisations. L'administration en ligne devra aboutir à une réorganisation de l'administration et de ses relations avec l'usager; elle ne donnera des résultats satisfaisants pour toutes les parties que si elle est conçue comme outil de changement, associant formation, suivi individuel et collectif et communication, et non comme une finalité en soi. Il ne devra donc pas s'agir de remplacer les humains par des outils informatiques, mais de libérer du temps humain pour le consacrer à une tâche à plus haute valeur ajoutée, notamment l'assistance aux citoyens pour se familiariser et faire usage de l'administration en ligne (3), ceci d’autant plus que la Commission constate que l’usage les services transnationaux d'administration en ligne reste plutôt rare et même lorsque des services en ligne sont proposés, la majorité des Européens rechigne à les utiliser.

4.9   La promotion du recours à l'administration en ligne ne saurait être déconnectée des problèmes de la connectivité, des compétences et de l'insertion numérique (3).

4.10   S'il est vrai qu'un grand nombre de services d'administration en ligne sont d'ores et déjà disponibles avec un niveau de qualité qui s'améliore au fil des années, le CESE exprime toutefois ses réserves par rapport à l'évaluation comparative de l'administration en ligne présentée par la Commission qui se base sur l'examen d'un nombre trop limité de services et ne saurait être représentative. Ainsi, un taux de disponibilité de 100 % de services en ligne attesté au Portugal reste loin des réalités. Il convient toutefois de noter que tous les services administratifs n’auront pas besoin d’interopérabilité transfrontalière.

4.11   Il s'agira néanmoins d'éviter que la fracture numérique ne se transforme en fracture administrative. L'une des raisons des réserves des citoyens vis-à-vis de l’utilisation de l’administration en ligne est certainement la défiance en ce qui concerne la sécurisation et la protection des données. Le CESE estime donc indispensable d'instaurer un réel contrôle démocratique sur les méthodes et sur l'utilisation des données et d'impliquer le contrôleur européen des données (CEPD). À défaut, il serait défavorable à la réutilisation des données par des tiers préconisée par la Commission dans l’espoir de voir émerger des services administratifs nouveaux. Le CESE estime que la création d’un comité consultatif sur l’administration en ligne regroupant des représentants de l’Union, des administrations nationales, des partenaires sociaux, et d’usagers est désormais indispensable.

4.12   Le CESE rappelle dans ce contexte le besoin fondamental d'un «code» (dans le sens d’un ensemble de règles contraignantes) des droits de l'utilisateur du numérique, qui devrait être négocié avec les représentants de la société civile.

4.13   En ce qui concerne les marchés publics (qui représentent environ 18 % du PIB de l'UE en biens, services et travaux et qui constituent l'un des 12 éléments-clés de l'Acte pour le marché unique), la disponibilité de passation de marchés publics en ligne a atteint environ 60 % dans l'Union, ce qui reste loin de l'objectif de 100 % fixé à l'horizon 2010 par le premier plan d'action i2010.

4.14   Dans son avis (4) concernant le livre vert sur le développement des marchés publics électroniques le CESE a recommandé de mettre en œuvre un mécanisme de suivi afin notamment d'examiner les progrès accomplis, les obstacles rencontrés, les mesures correctives adoptées, lors de l'introduction de la procédure de passation électronique de marchés publics au sein des États membres.

4.15   Le CESE a ajouté dans ce même avis que, dans le cadre de la mise en œuvre de la passation électronique des marchés publics, les États membres devraient être encouragés à rechercher des solutions innovantes pour venir à bout des problèmes liés aux procédures commerciales et à la question linguistique, alors que la Commission européenne, tout en assumant un rôle de chef de file, devrait montrer l'exemple en adoptant la passation électronique des marchés publics dans l'ensemble de ses institutions.

4.16   Si l'interopérabilité, la signature électronique et l'identification numérique sont un moyen efficace pour promouvoir le développement de services transnationaux d'administration en ligne, celles-ci se heurtent souvent à l'absence d'une base juridique transfrontalière et intersectorielle applicable à l'interopérabilité, aux différences des droits nationaux et au choix par les États membres de solutions mutuellement incompatibles.

4.17   Afin de contrecarrer le manque d'infrastructures, d'architectures et de lignes directrices communes qui risque de multiplier le nombre de solutions qui ne sont pas interopérables, il s'agira de développer une vision et des normes communes.

4.18   Le CESE soutient la Commission dans ses activités d'interopérabilité dans les domaines de l'échange sécurisé d'informations, l'architecture d'interopérabilité et l'évaluation des implications sur les TIC des nouveaux instruments législatifs européens, le tout dans le cadre de sa stratégie d'interopérabilité européenne (EIS, European Interoperability Strategy).

4.19   De même, le CESE approuve l'idée que le cadre d'interopérabilité européen (EIF, European Interoperabilty Framework) s'applique à définir, conjointement avec les organisations souhaitant à collaborer à la fourniture conjointe de services publics en ligne, les éléments communs tels que le vocabulaire, les concepts, les principes, les lignes directrices, les normes, les spécifications et les pratiques, étant entendu que le multilinguisme devra être promu et que la mise à jour quotidienne de ces éléments est impérative.

4.20   Les administrations publiques doivent, lors de l’établissement des services en ligne transfrontaliers fonder les accords d’interopérabilité sur des spécifications formalisées existantes, ou à défaut, coopérer avec les communautés travaillant dans les mêmes domaines. Lors de l'évaluation et de la sélection des spécifications formalisées, les administrations publiques doivent utiliser une approche structurée, transparente et objective.

4.21   Le CESE soutient la Commission dans son intention de publier à bref échéance, à destination des pouvoirs publics, une communication fournissant des indications sur la relation entre normalisation des TIC et marchés publics, ce qui semble être un bon moyen pour ouvrir plus largement l'accès aux commandes publiques et faciliter les formalités administratives qui en découlent de part et d'autre.

Bruxelles, le 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  JO C 249 du 13.9.1993, p. 6; JO C 214 du 10.7.1998, p. 33; JO C 80 du 3.4.2002, p. 21; JO C 80 du 30.3.2004, p. 83; JO C 218 du 11.9.2009, p. 36.

(2)  JO C 128 du 18.5.2010, p. 65.

(3)  JO C 318 du 29/10/2011, p. 9

(4)  JO C 318 du 29.10.2011, p. 99.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/97


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources — initiative phare relevant de la stratégie Europe 2020»

COM(2011) 21 final

2011/C 376/18

Rapporteur: M. Lutz RIBBE

Le 26 janvier 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources — initiative phare relevant de la stratégie Europe 2020»

COM(2011) 21 final.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 septembre 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 22 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 120 voix pour, 13 voix contre et 10 abstentions.

1.   Résumé

1.1   Le CESE accueille favorablement l'initiative phare «Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources», mais estime qu'elle n'est pas suffisamment concrète. Eu égard à la dimension planétaire des problèmes environnementaux majeurs, le Comité renvoie à ses propositions pour la conférence des Nations unies sur le développement durable qui se tiendra en 2012 et à ses travaux sur la feuille de route pour une économie à faible intensité de carbone à l’horizon 2050 (1).

1.2   La Commission doit selon lui décrire très précisément, s'agissant des 20 initiatives distinctes annoncées:

ce qu'il faut entendre précisément par «utilisation efficace des ressources»;

ce qu'il est déjà possible de réaliser au moyen d'optimisations techniques, et

dans quels secteurs l'on doit œuvrer à l'«évolution en profondeur» annoncée, quelle forme celle-ci doit prendre selon le cas et à l'aide de quels instruments l'on entend procéder;

quelles modifications des habitudes de production et de consommation sont concrètement jugées nécessaires et comment il est possible de les accélérer.

1.3   Il ne fait aucun doute que la stratégie Europe 2020 doit poser des jalons déterminants pour une économie durable et donc efficace du point de vue de l'utilisation des ressources. Mais il n'en reste pas moins opportun de dissocier les missions relevant de la stratégie de développement durable de celles de la stratégie Europe 2020.

1.4   Le CESE ne comprend pas pourquoi l'initiative relative à l'utilisation efficace des ressources s'inscrit dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Cette initiative constitue plutôt à ses yeux une concrétisation de la stratégie de développement durable adoptée en 2001 et révisée en 2006, ne fût-ce qu'en raison de son horizon temporel, qui va bien au-delà de l'année 2020. Le CESE plaide pour une relance de la stratégie de développement durable, qui est selon lui négligée par la Commission.

2.   Observations préalables

2.1   Peu avant que la Commission ne demande au CESE d'élaborer cet avis sur l'initiative phare «Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources», le Bureau du Comité avait décidé d'élaborer un avis d'initiative sur l'état et la situation de la stratégie de développement durable de l'UE.

2.2   Les organes du CESE ont décidé de fusionner ces deux thèmes dans le présent avis.

3.   Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources – initiative phare relevant de la stratégie Europe 2020

3.1   L'initiative phare «Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources», publiée par la Commission et examinée dans le présent avis, constitue l'une des sept nouvelles initiatives phares que la Commission a incluses dans la stratégie Europe 2020.

3.2   Dans cette communication, la Commission indique – et ce n'est pas la première fois – que l'utilisation intensive des ressources mondiales non seulement met l'environnement de notre planète à rude épreuve mais menace aussi la sécurité d'approvisionnement, d'autant que les économies émergentes et les pays en voie de développement aspirent à un niveau de bien-être comparable, qui repose sur des schémas de production et de consommation non durables.

3.3   Un total de 20 initiatives distinctes seront publiées en 2011 dans le cadre de cette initiative phare et devront contribuer à la construction d'une Europe efficace dans l'utilisation des ressources. Selon la Commission, si nous voulons y parvenir, «il nous faut réaliser des progrès technologiques, faire évoluer en profondeur les systèmes énergétiques, industriels et agricoles, ainsi que les systèmes de transport, et modifier les habitudes de production et de consommation».

3.4   La Commission indique qu'il y aura lieu «de développer de nouveaux produits et services et de trouver de nouveaux moyens de réduire les intrants» et qu'il conviendra à cette fin de mener une action coordonnée ayant un poids politique.

3.5   Mais dans un premier temps, il faut «une analyse cohérente des raisons pour lesquelles certaines ressources ne sont pas exploitées de manière efficace», pour ensuite développer une «approche complexe et croisée» reposant «sur un dosage de politiques qui optimalise les synergies et assure un équilibre entre les différents secteurs et les différentes politiques».

3.6   L'un des principaux objectifs de l'initiative phare est de dégager «un accord sur la vision à long terme» qui s'étende jusqu'en 2050 et définisse des pistes pour le développement d’une économie à faible intensité de carbone, la conversion du système énergétique et de transport et le découplage entre «la croissance économique et […] la consommation de ressources».

4.   Observations générales sur l'initiative phare Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources et son rapport avec la stratégie de développement durable

4.1   Le CESE accueille favorablement l'initiative de la Commission, qu'il considère comme un élément important, voire crucial de la stratégie de développement durable, même si elle ne saurait la remplacer.

4.2   Il partage l'avis de la Commission selon lequel il convient, dans le cadre de la stratégie Europe 2020, de poser les jalons des évolutions futures jusqu'en 2050 et au-delà. Il se demande toutefois pourquoi la Commission établit un lien entre l'initiative phare Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources et la stratégie Europe 2020 plutôt que de la présenter comme la concrétisation de la stratégie de développement durable – ce qui aurait nettement plus de sens. Le seul fait que la communication de la Commission mentionne plus fréquemment l'horizon 2050 que l'année 2020 montre qu'il s'agit ici d'une mission à long terme.

4.3   La déclaration de la Commission selon laquelle il nous faut réaliser des progrès technologiques, faire évoluer en profondeur les systèmes énergétiques, industriels et agricoles, ainsi que les systèmes de transport, et modifier les habitudes de production et de consommation, rejoint la position qu'avait déjà adoptée le CESE dans son avis exploratoire du 28 avril 2004 sur l'«Évaluation de la stratégie de l'UE en faveur du développement durable». Le CESE avait toutefois déjà signalé à l'époque qu'il était indispensable, pour assurer le succès de la politique de développement durable, d'indiquer aussi concrètement que possible quels sont les changements nécessaires et comment il convient de les mettre en œuvre.

4.4   C'est précisément ce qui fait défaut dans la communication à l'examen. Elle est certes agréable à lire, mais relativement peu concrète. Le CESE estime dès lors qu'il est impératif, pour les 20 initiatives distinctes qui doivent encore être présentées, de décrire très précisément ce qui doit changer et comment, quels sont les points précis sur lesquels l'on doit s'attendre à une résistance et comment, au moyen de quelles mesures concrètes, ces résistances devront être vaincues.

4.5   Le CESE n'en juge pas moins très utiles les aménagements entrepris par la Commission en matière

d'optimisations techniques,

d'évolution en profondeur et

de modification des habitudes de production et de consommation.

La Commission devrait en conséquence préciser dans chaque cas ce qu'il est possible de réaliser sur le plan des optimisations techniques, quelles en sont les limites et ce qui rend en fin de compte nécessaire une évolution en profondeur dans certains domaines de la vie et de l'économie.

4.6   Mais auparavant, il s'avère concrètement nécessaire de disposer de l'«analyse cohérente» évoquée, concernant les raisons pour lesquelles les ressources continuent d'être utilisées de manière aussi peu rationnelle aujourd'hui. C'est un des défauts de la communication que de ne pas comporter justement une telle analyse.

4.7   Le CESE n'approuve que très partiellement la thèse de la Commission selon laquelle l'utilisation non rationnelle des ressources est due à l'absence d'informations sur son coût réel pour la société. En effet, les coûts par exemple du changement climatique qui se profile et ceux de la perte de biodiversité sont décrits de manière plus qu'impressionnante dans les rapports Stern et TEEB, respectivement. Pourtant, aucun changement fondamental n'a encore eu lieu.

4.8   L'inefficacité actuelle pourrait plutôt s'expliquer par les raisons suivantes:

a)

il n'existe à ce jour aucun véritable consensus de société sur la manière d'évaluer la situation actuelle («Qu'est-ce qui est efficace/non efficace? Quel est aujourd'hui le véritable degré de durabilité / non-durabilité de notre mode de vie et de certains secteurs économiques?»);

b)

on peut ainsi observer un degré élevé d'incertitude au sujet de la signification concrète du développement durable, de l' «économie verte» ou d'une «économie utilisant efficacement les ressources». Il n'existe pas de déclaration ou de définition claire et universelle de leur signification pour les différents domaines politiques;

c)

il existe, en fonction des intérêts défendus, des idées diamétralement opposées en ce qui concerne les changements concrets à apporter tant sur le plan quantitatif que qualitatif, la manière dont les évolutions futures doivent par conséquent se distinguer des évolutions actuelles, et les répercussions qu'elles auront sur le quotidien et l'économie.

4.9   La Commission a raison lorsqu'elle écrit dans la communication qu'une économie non durable est aujourd'hui à l'origine de la prospérité dont beaucoup profitent (tandis que d'autres en sont exclus). Les conséquences négatives de cette situation ne se feront pleinement sentir que sur les générations futures, qui devront les supporter.

4.10   Tant les responsables politiques que les milieux économiques et la société civile ont du mal à reconnaître cet état de fait et à en tirer les nécessaires conséquences. Cette situation est encore aggravée par le fait que personne ou presque n'a la moindre idée de la façon dont l'on pourrait assurer une «nouvelle prospérité» avec par exemple un dixième seulement de la consommation d'énergie actuelle. Ces incertitudes suscitent des craintes et des inquiétudes qui doivent être gérées avec beaucoup de sensibilité (2).

Optimisations techniques, évolution en profondeur et changement des comportements

4.11   En comparaison avec les nouveaux objectifs définis dans l'initiative phare Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources (réduction des émissions de CO2 de 80 à 95 %), les objectifs quantitatifs fixés à ce jour par l'UE, tels que la réduction des émissions de CO2 de 20 % d'ici à 2020, apparaissent bien dérisoires. En effet, une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre est relativement facile à réaliser à l'aide d'optimisations techniques, eu égard aux nouvelles technologies et à l'inefficacité technique subsistant dans le système actuel. Cependant, même la mise en œuvre de l'objectif actuel, encore clairement insuffisant, a donné et donne lieu à de nombreuses «mises en garde» contre les dangers que feraient déjà peser sur la «compétitivité de l'économie» les mesures et les optimisations techniques envisagées. Par conséquent, même les réalisations pouvant être opérées aujourd'hui à l'aide d'optimisations techniques sans porter atteinte à la consommation ne sont pas mises en œuvre de manière systématique. Il ne fait aucun doute que la résistance à l'égard de mesures plus poussées (cf. le concept d'«évolution en profondeur») n'en sera que plus grande.

4.12   Le CESE estime opportun de souligner très clairement que les optimisations techniques apportées en matière d'efficacité sont certes très importantes pour atteindre les objectifs visés. Mais même les techniques les plus efficaces en matière d'utilisation des ressources ne sont pas automatiquement synonymes de «durabilité». Nous ne donnerons à cet égard qu'un seul exemple: l'industrie allemande de l'automobile, qui est parvenue à empêcher l'adoption des limites strictes en matière d'émissions prévues par la Commission européenne (120 g CO2/ km), est fière de ses dernières innovations techniques. Audi se targue par exemple de produire une nouvelle A7 (cylindrée: 2,7 l) qui consomme «seulement», pour une puissance de 180 CV, quelque 6,8 litres de diesel pour 100 km (et émet ainsi 180 g CO2/ km). En comparaison avec les valeurs émises autrefois par les véhicules de la même catégorie, cela constitue certes un progrès en termes d'efficacité, mais cela n'a rien à voir avec la durabilité. L'Audi A7 n'est ni durable ni efficace dans son utilisation des ressources! Elle n'est pas l'illustration d'une nouvelle «économie verte», mais plutôt la preuve que des matières premières rares peuvent aussi être consommées avec des techniques prétendument efficaces et qu'il faut donc repenser totalement la politique de mobilité des personnes et des marchandises.

4.13   Le CESE regrette que dans le cadre de l'initiative phare, la Commission ne traite que de manière marginale et en quelques phrases la question à tous égards déterminante, à savoir que le modèle actuel de prospérité du monde occidental est fondé dans une trop large mesure sur l'utilisation d'énergies bon marché ainsi que sur une utilisation et une exploitation croissantes et souvent inefficaces des matériaux.

4.14   L'initiative phare Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources ou, mieux encore, une stratégie réactivée du développement durable, devrait pourtant accorder beaucoup plus d'importance à ces questions c. Même si la communication de la Commission mentionne en divers points les «différents intérêts en jeu» qui font obstacle à une utilisation efficace des ressources, elle ne les décrit pas clairement et n'indique pas non plus précisément l'approche envisagée par les responsables politiques à cet égard.

4.15   L'exemple de l'Allemagne, où l'on a décidé de faire évoluer en profondeur le secteur de l'énergie sans remettre en question l'objectif de réduction du CO2, montre bien néanmoins à quel point il est difficile de gérer de tels intérêts divergents.

Évolution en profondeur

4.16   L'importante mission qui nous incombe consiste à décrire, développer et mettre en œuvre cette évolution en profondeur, cette «nouvelle» économie, et partant une nouvelle compétitivité de l'économie (y compris au niveau mondial). L'époque des énergies et des matières premières bon marché arrive à son terme en raison de leur surexploitation et nous avons également une responsabilité vis-à-vis des générations futures: celle d'apprendre à partager ces biens environnementaux qui se raréfient. Le monde politique doit donc indiquer beaucoup plus clairement que la compétitivité d'une économie qui est fondée sur des énergies bon marché et la surexploitation des ressources naturelles et qui en outre peut externaliser les coûts environnementaux, n'est absolument pas viable à long terme. Sur le plan sociopolitique, l'on ne peut pas et ne doit pas œuvrer en faveur du maintien d'une telle économie; il faut au contraire la transformer.

4.17   L'initiative phare Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources fondée sur l'utilisation efficace des ressources peut y contribuer largement, mais elle n'est pas en soi suffisante. Car la question de l'utilisation efficace des ressources ne règle pas d'autres aspects du développement durable. C'est pour cette raison qu'a été développée la stratégie de développement durable, qui doit décrire et initier l'évolution sociétale et économique progressive de l'Europe, laquelle doit aller de pair avec l'adoption d'une attitude responsable vis-à-vis des générations futures et un partage équitable des ressources.

4.18   L'initiative phare Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources ne parvient même pas à définir cette notion d'«utilisation efficace des ressources», ce qui constitue une autre insuffisance pointée par le CESE. Il serait souhaitable que pour chaque produit, procédé ou domaine, les meilleures techniques disponibles, jugées efficaces du point de vue de l'utilisation des ressources, fassent l'objet d'une description précise et soient encouragées selon le principe du «top-runner» (alignement sur les meilleures performances). En introduisant un système de marquage en matière d'efficacité énergétique, pour les réfrigérateurs par exemple, la Commission a déjà fait de premiers pas dans cette direction.

4.19   Il ne fait aucun doute que différents instruments doivent être mis à contribution pour mettre en place des structures assurant une utilisation efficace des ressources. L'un de ces instruments est la fixation du prix des produits qui, selon la Commission, est appelée à jouer un rôle important. Ainsi, cette dernière a raison lorsqu'elle indique qu'il convient d' «insister davantage sur la fixation des prix au juste niveau et sur leur transparence […] pour faire apparaître le coût réel de l'utilisation de ressources», mais il n'a pas fallu attendre l'année 2011 pour le découvrir. Il n'est pas nouveau non plus que le CESE réclame depuis longtemps l'«internalisation des coûts externes». Seulement, la mise en œuvre de ce concept est largement insuffisante, pas uniquement à cause de la Commission et des États membres, mais aussi en raison de la résistance de certaines parties de l'économie, qui n'en retireraient aucun bénéfice et qui subiraient au contraire les conséquences «négatives» de l'évolution en profondeur qui est réclamée. Les responsables politiques doivent parvenir à surmonter progressivement ces résistances.

4.20   Pour ce faire, il faudrait impérativement expliquer comment l'on entend œuvrer à «la fixation des prix au juste niveau et [à] leur transparence». La stratégie ne donne aucune indication à ce sujet.

5.   Interactions entre le monde politique et la société civile, l'utilisation efficace des ressources, la stratégie Europe 2020 et la durabilité: nécessité d'une bonne gouvernance

5.1   Le monde politique serait bien avisé de s'interroger précisément sur les raisons pour lesquelles le développement durable et l'avènement d'une «économie verte», ou l'évolution vers une économie économe en ressources, progressent si lentement. Le CESE a déjà évoqué certaines des réponses à cette question.

5.2   Lentement, très lentement, s'installe la prise de conscience que les changements à apporter à notre système économique actuel doivent être réellement «profonds» pour que l'on puisse vraiment parler d'un développement durable. Le CESE se félicite que la communication de la Commission cite à cet égard quelques chiffres concrets, par exemple la nécessité de réduire, d'ici à 2050, les émissions de CO2 de 80 à 95 %. Lorsque ces objectifs chiffrés ont été mentionnés pour la première fois, M. BARROSO, président de la Commission européenne, a évoqué l'imminence d'une «nouvelle révolution industrielle» qu'il nous faudra mener.

5.3   Le CESE souligne une fois de plus dans l'optique de cette discussion à venir qu'un débat de fond sur le «concept de croissance» se fait selon lui toujours attendre. La Commission et le Conseil connaissent les avis du Comité sur le thème «Dépasser le PIB». Ces avis montrent bien que la vieille formule économique selon laquelle «la croissance est synonyme de prospérité» ne fonctionne plus aujourd'hui.

5.4   Cette question n'est malheureusement pas suffisamment discutée dans le cadre de l'initiative phare Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources, pas plus que dans celui de la stratégie Europe 2020. Au contraire: le contenu de ces stratégies peut donner l'impression que la «croissance» est une valeur en soi.

5.5   On lit dans la stratégie d'Europe 2020 que «Trois priorités devraient constituer le cœur d’Europe 2020:

une croissance intelligente – développer une économie fondée sur la connaissance et l'innovation;

une croissance durable – promouvoir une économie plus efficace dans l'utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive;

une croissance inclusive – encourager une économie à fort taux d'emploi favorisant la cohésion économique, sociale et territoriale.

Ces trois priorités se renforcent mutuellement. Elles offrent un aperçu de ce que sera l'économie sociale de marché européenne au XXIe siècle».

5.6   Le CESE se demande quel signal la Commission et le Conseil veulent envoyer en utilisant de telles formulations. La société doit-elle comprendre qu'il existait auparavant une croissance qui n'était pas fondée sur la connaissance et l'innovation? Le but de la politique n'a-t-il pas toujours été de promouvoir un fort taux d’emploi et la cohésion sociale et territoriale? Ces diverses «doctrines de la croissance» mènent-elles automatiquement au développement durable? Si tel est le cas, comment se fait-il que la Commission et le Conseil européen n'utilisent plus le terme de «durabilité», et pourquoi évoquer la perspective d'une «économie sociale de marché européenne du XXIe siècle» (et non pas par exemple celle d'une «économie socio-environnementale de marché»)?

5.7   La Commission sait très bien par exemple qu'une politique cohérente de protection des ressources peut parfaitement entraîner une baisse, et non pas une hausse, du produit intérieur brut. Si toutes les ampoules à incandescence traditionnelles sont remplacées par des lampes à basse consommation, en raison de l'interdiction de leur vente, si les bâtiments sont dûment isolés et si toutes les mesures d'économie d'énergie sont appliquées, la consommation d'énergie par exemple va considérablement baisser, et avec elle le PIB. Par conséquent, le CESE rappelle une nouvelle fois que

le concept de «croissance» doit être redéfini;

le PIB n'est pas un indicateur permettant de mesurer le bonheur, le bien-être, l'état de l'environnement, la santé ou la justice sociale.

La nouvelle «révolution» industrielle – une révolution de la responsabilité

5.8   Lorsque M. BARROSO, président de la Commission européenne, parle d'une «nouvelle révolution industrielle», il a raison uniquement en ce qui concerne le caractère radical des changements qui pourraient être menés. L'avenir exige un nouveau modèle de production et de consommation. M. BARROSO sait bien sûr très bien que sur le plan sociopolitique, le concept de «révolution» est complètement déplacé et risque de susciter des appréhensions. Les révolutions émanent de majorités opprimées, qui veulent changer rapidement et durablement une situation inacceptable en s'opposant au «pouvoir en place».

5.9   La situation dans laquelle s'inscrit le débat sur le développement durable et celui sur l'utilisation efficace des ressources est au contraire tout autre: il n'y a pas de majorité opprimée qui se révolterait contre les structures en place. La situation est plutôt la suivante: on vit très confortablement dans une société qui consomme chaque année une quantité de pétrole qu'il a fallu cinq millions d'années à créer et qui détruit chaque année 10 000 fois plus d'espèces que ne le ferait l'évolution.

5.10   Nous voici donc confrontés à une mission doublée d'une question: comment peut-on développer un sentiment de responsabilité collective des habitants actuels de la planète vis-à-vis des générations futures et comment exercer une pression en faveur de véritables changements éventuellement synonymes de renoncement?

5.11   Il est essentiel dans ce contexte que la société civile et l'économie soient d'emblée suffisamment associées à ce processus. Telle est et a été jusqu'ici la mission de la stratégie de développement durable de l'UE, adoptée en 2011 à Göteborg.

L'état de la stratégie de développement durable de l'UE

5.12   Depuis de nombreuses années, le CESE a suivi attentivement et activement cette stratégie de développement durable de l'UE, adoptée par le Conseil européen en 2001. Dès le début, il a insisté pour que cette stratégie orientée vers le long terme fasse précisément l'objet de la plus grande attention.

5.13   Le CESE a toujours (et de manière répétée) demandé que la stratégie de développement durable fournisse aux citoyens, au monde économique et aux associations, mais aussi aux décideurs politiques, des orientations claires et, partant, des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Les décisions à prendre à court et à moyen terme devraient reposer sur ces objectifs et tous les domaines politiques de l'UE devraient viser à satisfaire les ambitions de la stratégie du développement durable.

5.14   Par ailleurs, le CESE a dû tout aussi souvent déplorer que la stratégie de développement durable soit, à son avis, trop imprécise, mais aussi insuffisamment prise en compte sur le plan politique.

5.15   Le Comité s'était également félicité du rôle particulier que le Conseil européen lui avait explicitement attribué dans la stratégie révisée en faveur du développement durable de 2006, à savoir contribuer aux rapports de situation bisannuels de la Commission européenne. En 2007 et 2009, la Commission avait bien publié des rapports de situation en la matière, mais sans solliciter comme prévu le Comité avant de les élaborer, de sorte que celui-ci avait formulé ses observations et évaluations a posteriori.

5.16   Si le rythme de deux ans fixé par le Conseil européen est maintenu, le prochain rapport de situation devrait être publié cette année; toutefois, tout indique que ce ne sera pas le cas. La Commission n'a jusqu'ici pas demandé de contributions au CESE.

5.17   Les 51 pages du «Programme de travail de la Commission pour 2011» (3) ne comportent aucune indication du fait que la Commission présentera un rapport intermédiaire et ne mentionnent à aucun moment la stratégie de développement durable. La Commission se réfère à une pléthore incroyable de stratégies de l'UE mais non à la stratégie de développement durable, ce que le CESE déplore profondément.

5.18   Un silence remarquablement assourdissant – trop, de l'avis du Comité – entoure donc désormais la stratégie de développement durable. Bon nombre des promesses politiques de la stratégie de développement durable, telles que la présentation d'une liste des subventions néfastes pour l'environnement, n'ont pas été tenues. L'actualité politique se focalise sur la stratégie Europe 2020, qui n'établit pour sa part aucun rapport concret avec la stratégie de développement durable.

5.19   Le fait que la stratégie de développement durable ne fasse quasiment plus l'objet de débats politiques ni de communication est le pire signal que l'on puisse donner au citoyen. Le CESE se demande quelle en est la raison et comment la société doit interpréter cette situation. La Commission doit prendre conscience du fait que les citoyens ont l'impression que les nombreuses crises (4) de ces derniers mois et de ces dernières années ont mobilisé l'attention des décideurs politiques de manière exclusive et à tel point que les politiques à long terme ont été complètement reléguées à l'arrière-plan.

5.20   De plus en plus de personnes se demandent - à raison, de l'avis du CESE - si ces crises qui se répètent dans des domaines politiques très différents a) ne sont pas étroitement liées et b) ne sont pas l'expression ou la conséquence de modes de fonctionnement non durables.

5.21   On peut parfaitement conclure du document de la présidence du Conseil intitulé «Rapport sur la stratégie de l'Union européenne en faveur du développement durable»  (5) qu'il est clair, du moins pour le Conseil, que c'est effectivement le cas. Dès la première ligne du document on peut lire: «L'évolution actuelle de la situation est, à bien des égards, incompatible avec les objectifs du développement durable; les limites de la capacité de résistance de la planète sont dépassées et le capital économique et social est sous pression. Bien qu'il ait été répété à maintes reprises que des changements sont nécessaires, les résultats sont limités». Le rapport est, pour l'essentiel, un plaidoyer en faveur de la stratégie du développement durable, qui offre «une vision à long terme et un cadre d'action global donnant des orientations pour l'ensemble des politiques et des stratégies de l'UE. […] La difficulté consiste à faire en sorte que la stratégie de développement durable ait une influence réelle sur les politiques de l'UE, […] afin de veiller à la cohérence entre les objectifs à court et à long terme et entre différents secteurs».

5.22   Le cadre d'action politique global demandé par le CESE et également jugé nécessaire par le Conseil, que la stratégie de développement durable de l'UE est supposée constituer, ne subsiste donc actuellement – au mieux – qu'à l'état de revendication dans de vieux documents et quelques discours, mais n'est pas une réalité politique. Ni l'initiative phare Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources ni la stratégie Europe 2020 ne peuvent combler cette lacune.

5.23   Le CESE estime qu'il existe un risque important que les citoyens n'aient plus de vision globale. Non seulement parce qu'ils ne savent plus désormais quelles stratégies sont actuellement en vigueur et lesquelles sont contraignantes, mais aussi parce que les concepts utilisés sont source de confusion. Ainsi la stratégie Europe 2020 évoque-t-elle sans cesse la croissance sous diverses formes, mais sans plus faire mention de «durabilité» ni de «développement durable».

5.24   Le CESE juge en conséquence approprié que la Commission présente sous peu des explications très claires concernant les liens existant entre la stratégie Europe 2020 et la stratégie de développement durable. Il se prononce à nouveau pour que la stratégie de développement durable soit relancée et pour que la stratégie Europe 2020 soit considérée comme un jalon tout à fait essentiel sur la voie d'une réforme de secteurs économiques fondamentaux.

Bruxelles, le 22 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur «Rio + 20: vers une économie verte et une meilleure gouvernance - Contribution de la société civile organisée européenne» et Avis du CESE sur la Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050 (voir page 110 du présent Journal officiel).

(2)  Le CESE avait déjà attiré l'attention sur ce point précis en 2004, dans son avis exploratoire sur l'Évaluation de la stratégie de l'UE en faveur du développement durable (voir pages 22-37 du présent JO. C 117, 30.4.2004) et avait vainement demandé à la Commission de suivre cette situation avec une vigilance particulière.

(3)  COM(2010) 623 du 27.10.2010.

(4)  Pour n'en citer que quelques-unes: crise financière/crise de l'euro, crise énergétique, crise climatique, crise de la biodiversité, problème de la faim.

(5)  Cf. document du Conseil 16818/09 du 1.12.2009.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/102


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Rio +20: vers une économie verte et une meilleure gouvernance»

COM(2011) 363 final

Contribution de la société civile organisée européenne

2011/C 376/19

Rapporteur: M. WILMS

Le 20 juin 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de demander au Comité économique et social européen d'élaborer un avis sur le thème:

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: Rio +20: vers une économie verte et une meilleure gouvernance»

COM(2011) 363 final.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 septembre 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 22 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 141 voix pour, 2 voix contre et 11 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le Comité économique et social européen estime que la Conférence des Nations unies sur le développement durable qui se tiendra à Rio en 2012 doit envoyer un signal clair à la communauté internationale et formuler des propositions concrètes concernant la transition vers un nouvel ordre économique fondé sur une croissance économique de qualité qui contribue à éliminer la pauvreté et les injustices sociales tout en préservant le cadre de vie naturel pour les générations futures.

1.2

Le Comité accueille favorablement la communication de la Commission (1), qu'il considère comme une base solide permettant aux institutions de l'Union européenne de procéder à une analyse et d'élaborer une position communes dans la perspective de la Conférence de Rio +20. Dans ce contexte, le Comité renvoie à ses travaux sur l'initiative phare «Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources» et sur l'«Économie à faible intensité de carbone - Feuille de route 2050» (2). À cet égard, le Comité entend mettre l'accent sur les points suivants.

1.3

Le Comité est convaincu que la transition vers une économie durable doit s'inscrire dans une stratégie d'ensemble en matière de développement durable et être équitable. Si le Comité se félicite que la Commission se penche désormais aussi sur la dimension sociale du développement durable, il souhaite toutefois qu'elle lui consacre davantage d'attention. Des aspects tels que la cohésion sociale, l'équité, y compris entre les générations, une juste redistribution ainsi qu'une résolution équitable de problèmes sociaux comme les discriminations croissantes, l'absence d'accès à un large éventail de ressources, la pauvreté et le chômage revêtent une importance fondamentale.

1.4

Le Comité appuie les recommandations politiques de l'OIT en matière d'emplois verts et insiste en particulier sur la nécessité d'associer activement les partenaires sociaux à l'évolution du marché du travail. Par ailleurs, le Comité soutient résolument l'initiative des Nations unies en faveur d'un socle de protection sociale qui vise à assurer un ensemble de droits et transferts sociaux de base ainsi qu'à fournir un niveau élémentaire de biens et de services sociaux accessibles à tous.

1.5

Le Comité se félicite que la communication de la Commission ait été présentée conjointement par les commissaires en charge de l'environnement et du développement, ce qui met clairement l'accent sur le lien qui existe entre environnement, développement durable et aide au développement. Le Comité préconise que la nouvelle définition de la politique européenne d'aide au développement soit sous-tendue par la notion de développement durable et que cette influence se traduise notamment dans l'orientation des aides et l'élaboration de projets locaux en matière d'aide au développement.

1.6

Le Comité condamne avec la plus grande fermeté le fait qu'un milliard de personnes de par le monde, essentiellement dans les pays en développement, souffrent de la faim, ce qui est en totale contradiction avec la réalisation du premier objectif du Millénaire pour le développement. Le Comité est persuadé que l'accès garanti aux ressources, à l'alimentation et à l'énergie doit faire partie des thèmes prioritaires de l'agenda mondial du développement durable. Pour réaliser ces objectifs, il est impératif que la société civile participe activement à la définition des politiques aux niveaux local et national; à cet égard, il convient de mettre plus particulièrement l'accent sur le rôle des femmes dans les pays en développement.

1.7

Le Comité est convaincu que la transition vers une «économie verte» requiert des mesures aux niveaux international, national, régional et local, conjuguées à un vaste éventail d'instruments d'intervention. En font notamment partie des mesures visant à garantir que les prix du marché reflètent de manière adéquate les coûts environnementaux et une politique budgétaire plus verte, qui taxe l'utilisation des ressources plutôt que le travail. Il convient de concevoir les programmes de dépenses publiques de manière à encourager les investissements dans des technologies et projets durables, et de supprimer les subventions néfastes pour l'environnement tout en prenant dûment en compte les conséquences sociales. Les marchés publics doivent être mis à profit pour favoriser les produits et services respectueux de l'environnement. Il convient en outre de prendre des mesures permettant d'améliorer la complémentarité du commerce mondial et du développement durable.

1.8

Il convient de définir des paramètres précis pour évaluer les progrès accomplis sur la voie d'un développement plus durable. Des méthodes devraient être mises au point pour mesurer le progrès économique au-delà du PIB à l'aune de l'amélioration du bien-être des individus et de la qualité de vie, en prenant en compte la lutte contre la pauvreté, la création de conditions de travail décentes et la préservation du cadre de vie naturel. Avant la Conférence de Rio +20, le CESE a l'intention de présenter son point de vue sur la manière dont la société civile doit être associée au développement de ces indicateurs; pour ce faire, il prendra appui sur son avis intitulé «Dépasser le PIB – Indicateurs pour un développement durable» (3).

1.9

Dans le contexte ainsi tracé, la Conférence de Rio +20 devrait adopter un mandat sur «l'économie verte», lequel serait piloté par les Nations unies et comprendrait six volets principaux:

évaluation des progrès réalisés sur la voie d'une économie verte;

mesures réglementaires pour assurer la transition vers une économie verte;

sensibilisation au développement durable pour promouvoir une économie verte;

instruments de la politique budgétaire visant à promouvoir une économie verte;

dépenses et investissements publics dans une économie verte;

fixation d'objectifs pour une économie verte.

1.10

Les conclusions des travaux réalisés sur la base du mandat susmentionné devront permettre d'élaborer des plans d'action et des stratégies au niveau national en vue de la transition vers une économie verte, en prenant en compte les différentes spécificités nationales.

1.11

Il est urgent de mieux intégrer et de renforcer la gouvernance aux niveaux international et des Nations unies dans le domaine du développement durable et de l'environnement afin que la communauté internationale puisse engager les mesures nécessaires en faveur du développement durable. Il convient de tirer profit de la Conférence de Rio +20 pour créer un cadre institutionnel solide au niveau des Nations unies. Le programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) doit être renforcé et développé sur le plan institutionnel. Le Comité considère par ailleurs que l'idée de créer un Conseil du développement durable composé des dirigeants politiques des États membres des Nations unies et dépendant directement de l'Assemblée générale est utile pour relever les défis liés aux mesures à prendre pour garantir un développement durable et rendre l'économie plus verte.

1.12

Réussir la transition vers une économie durable implique que cette transition soit acceptée et portée par la société civile. Aussi le Comité est-il pleinement favorable à ce que les représentants de la société civile organisée soient activement associés aux préparatifs et au suivi de la Conférence de Rio +20 et puissent faire entendre efficacement leur voix pendant les négociations et lors de la mise en œuvre des conclusions de la conférence. Il convient de se livrer à un examen critique des formes de participation actuelles afin de déterminer si elles remplissent efficacement leur rôle. Le Comité appuie activement ce processus dans la perspective de la Conférence de Rio +20 en organisant des conférences avec la société civile et des consultations avec des représentants de la société civile européenne et d'autres régions du monde.

1.13

Il serait bon de renforcer la dimension du développement durable de la gouvernance à l'échelon national, régional et local ainsi qu'au niveau de la gestion d'entreprise. Ceci implique que la société civile soit associée, de manière effective et garantie au niveau institutionnel, aux thèmes et projets revêtant une importance pour l'écologisation de l'économie et le développement durable, au travers de processus démocratiques et de la mise en place de structures de dialogue. L'Union européenne devrait alimenter les débats du sommet de Rio +20 en présentant les expériences positives qu'elle a réalisées concernant la participation du public au processus décisionnel et l'accès de celui-ci aux informations sur l'environnement et aux tribunaux, conformément à la convention d'Aarhus, et insister pour que des structures analogues soient créées au niveau mondial.

1.14

Afin de donner davantage d'écho – avec l'autorité légale requise – à l'intérêt que présente le développement durable à long terme, le Comité appuie l'initiative du «World future Council» consistant à instituer, au niveau des Nations unies et au niveau national, un médiateur pour les générations futures.

1.15

Concernant le développement durable et la transition vers une économie verte, il est souhaitable que l'UE et les États membres commencent par balayer devant leur porte. Le Comité est convaincu que la position de l'UE dans les négociations de Rio +20 sera renforcée si elle reconnaît sa responsabilité historique et se fixe elle-même des objectifs ambitieux en matière de développement durable. Si cela a déjà été fait dans un certain nombre de domaines, dans d'autres cependant, beaucoup reste à faire, et pour certains, tout doit être réalisé à partir de zéro. Le Comité invite instamment le Conseil, la Commission et le Parlement européen à mettre pleinement en œuvre, à l'horizon 2020, l'ensemble des objectifs définis en matière de réduction des émissions et à examiner si l'objectif fixé en la matière pour 2020 ne pourrait pas être porté à 25 % pour pouvoir atteindre les objectifs futurs à moindre coût et ouvrir la voie à d'autres accords au niveau mondial. Il convient par ailleurs que les États membres prennent de toute urgence les mesures nécessaires pour atteindre l'objectif consistant à augmenter l'efficacité énergétique de 20 % à l'horizon 2020. D'une manière générale, l'UE devrait répercuter les incidences politiques qui découlent de la transition vers un modèle économique plus écologique pour un développement plus durable dans la définition de ses nouvelles perspectives financières pluriannuelles et dans l'élaboration de ses principales politiques, par exemple dans les domaines de l'agriculture, de la cohésion, du commerce et du développement, ainsi qu'en ce qui concerne l'approfondissement de la stratégie «Europe 2020». Après la Conférence de Rio +20, l'Union européenne devrait revoir sa stratégie en matière de développement durable.

2.   Contexte

2.1

Le 24 décembre 2009, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution en faveur de la tenue d'une nouvelle conférence des Nations unies sur le développement durable (CNUDD) à Rio en 2012.

2.2

En 2010, le CESE a examiné l'approche de l'Union européenne concernant cet événement important et a élaboré un premier avis sur ce thème en septembre 2010. (4) Depuis, des réunions préparatoires ont eu lieu à New York et dans d'autres villes, et la Commission européenne a présenté une communication (COM(2011) 363 final) dans laquelle elle propose des lignes d'action pour l'Union européenne concernant les négociations du sommet de Rio +20. Après avoir mené un vaste débat avec des représentants de la société civile organisée, le CESE développe dans le présent avis son point de vue et demande instamment que l'UE intègre une série d'éléments fondamentaux dans sa stratégie de négociation pour le sommet de Rio +20.

2.3

La résolution de l'Assemblée générale a établi que la conférence devrait avoir trois objectifs:

susciter un engagement politique renouvelé en faveur du développement durable;

évaluer les progrès réalisés et les lacunes restant à combler au niveau de la mise en œuvre des textes issus des grands sommets relatifs au développement durable;

relever les défis nouveaux qui se font jour.

2.4

État actuel de la situation. Si des progrès ont été enregistrés ces vingt dernières années concernant certains aspects du développement durable, la situation va toutefois en s'aggravant dans de nombreux domaines:

la pauvreté a augmenté en valeur absolue: 2,6 milliards de personnes vivent avec moins de deux euros par jour;

1,5 milliard de travailleurs, soit la moitié des travailleurs du monde, travaillent dans des conditions peu sûres. L'année 2010 a vu le taux de chômage le plus élevé jamais enregistré;

les émissions de CO2 et l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère continuent d'augmenter, et le changement climatique a un impact négatif croissant sur les conditions de vie dans de nombreuses régions du monde;

le phénomène migratoire augmente à l'échelle mondiale, ce qui renforce la pression sur l'environnement et la sécurité des approvisionnements;

les projections démographiques actuelles montrent que la population mondiale atteindra quelque 9 milliards d'individus en 2050, ce qui aggravera encore ces problèmes.

2.5

Les défis nouveaux qui se font jour. L'augmentation de la population mondiale, les attentes grandissantes en matière de niveau de vie et la consommation croissante de matières premières commencent à exercer une pression sur l'approvisionnement en denrées alimentaires, en énergie et autres ressources naturelles, qui se traduit par une augmentation des prix et l'émergence de problèmes sociaux et politiques sérieux.

2.6

L'un des principaux nouveaux défis auxquels le monde sera confronté au cours de ce siècle est celui d'assurer ou d'atteindre un niveau approprié de sécurité alimentaire, énergétique et d'approvisionnement en ressources pour tous, aujourd'hui et à l'avenir, dans un monde où la population ne cesse de croître et où les ressources naturelles sont limitées. En définitive, cela implique une croissance économique de qualité, qui contribue à éliminer la pauvreté et les injustices sociales tout en préservant les conditions de vie naturelles pour les générations futures. La création des structures institutionnelles requises pour relever ce défi devrait figurer parmi les thèmes essentiels du sommet mondial de 2012.

2.7

Ces trois dernières années, la crise économique et financière a été au centre des préoccupations des chefs de gouvernement et des ministres de l'économie et des finances. Toutefois, ces problèmes urgents à court terme ne doivent pas nous faire oublier les problématiques qui affectent l'économie réelle au niveau mondial et la nécessité impérieuse de modifier le fonctionnement de l'économie mondiale pour l'engager dans une direction plus durable, plus équitable et plus respectueuse de l'environnement. Cette transition devrait être en elle-même une source importante de nouveaux investissements et de nouveaux emplois, et créer davantage d'équité, de cohésion, de stabilité et de capacités d'adaptation. Elle peut contribuer à résoudre les difficultés économiques actuelles.

2.8

Engagement politique renouvelé. Le sommet de Rio +20 nous offre une occasion unique d'établir un cadre pour cette transformation, et de parvenir à l'engagement politique de haut niveau qui est nécessaire pour faire de ce changement une réalité. Il est essentiel que les chefs de gouvernement examinent eux-mêmes ces questions, assistent à la conférence et en assurent le suivi. De plus, le thème central de la conférence étant la transformation de l'économie mondiale, il est souhaitable que les ministres chargés des finances, de l'environnement et du développement y prennent part.

2.9

Le développement durable dépend des initiatives et de la participation de la société civile. Celle-ci doit être associée activement à la préparation du sommet, ainsi qu'à son suivi et à la mise en œuvre de ses conclusions. Il convient de mettre en place des structures de dialogue aux niveaux national et international, afin de favoriser les échanges entre les acteurs de la société civile, mais aussi entre celle-ci et les décideurs politiques, sur les questions relatives à la transition vers une économie plus verte et au développement durable.

2.10

Conformément à la résolution de l'Assemblée générale, les deux thèmes suivants seront à l'ordre du jour de la conférence:

l'économie verte dans le cadre du développement durable et de l'élimination de la pauvreté;

le cadre institutionnel du développement durable.

2.11

Un seul sommet ne permettra pas de parvenir à un accord sur toutes les mesures requises à l'échelle mondiale pour rendre l'économie plus verte et promouvoir le développement durable de manière plus efficace. Aussi le Comité considère-t-il que l'objectif le plus urgent de la Conférence de Rio +20 devrait être l'établissement d'un cadre institutionnel solide au sein des Nations unies afin de mettre en œuvre les décisions prises lors de la conférence, promouvoir constamment le développement durable dans le monde entier et réaliser un programme d'action pour l'écologisation de l'économie mondiale au cours des prochaines années.

3.   Le cadre institutionnel. Un nouveau Conseil du développement durable

3.1

Au niveau international, c'est la commission des Nations unies pour le développement durable qui est, depuis 19 ans, chargée d'assurer le suivi des avancées en matière de développement durable dans le monde entier. Néanmoins, dans sa forme actuelle, cette commission n'est plus en mesure de remplir sa mission. Elle a certes posé des diagnostics pertinents sur certains problèmes, mais ne s'est pas montrée capable d'aller plus loin en prenant des mesures concrètes. Il est nécessaire de créer au sein de l'ONU une structure plus réactive pour s'attaquer plus efficacement aux problèmes de développement durable à l'échelle mondiale.

3.2

Parmi les différentes options formulées pour renforcer la structure institutionnelle au sein des Nations unies, le Comité est favorable à l'idée de créer un nouveau Conseil de développement durable, qui serait placé directement sous l'égide de l'Assemblée générale et regrouperait, tout en les renforçant, les travaux actuellement réalisés séparément par l'ECOSOC et la commission du développement durable (CDD) de l'ONU.

3.3

Tous les pays du monde, représentés par leurs dirigeants politiques, devraient être membres de ce nouveau conseil. Celui-ci devrait promouvoir, à l'échelle de la planète, des mesures touchant à tous les aspects du développement durable ainsi que la transition vers une économie plus respectueuse de l'environnement, et encourager des mesures relatives à des thèmes nouveaux et de plus en plus en importants, comme la sécurité alimentaire et énergétique.

3.4

Le nouveau conseil coopérerait étroitement avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), lesquels seraient dotés d'une nouvelle mission: placer la promotion du développement durable au cœur de leurs activités.

3.5

Il convient de renforcer le programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) afin qu'ils apportent, conjointement, des contributions plus solides aux volets «environnement» et «développement» du développement durable.

3.6

Gouvernance nationale. Parallèlement à la création de structures plus réactives au niveau des Nations unies, les responsables politiques devraient également tirer parti du sommet mondial pour redynamiser leurs propres mécanismes nationaux visant à promouvoir le développement durable.

3.7

Les stratégies nationales en faveur du développement durable doivent être revitalisées et remaniées, avec la pleine participation et le soutien du monde de l'entreprise et de toutes les composantes de la société civile. Les organismes consultatifs tels que les conseils pour le développement durable doivent être dotés des ressources nécessaires pour pouvoir pleinement jouer leur rôle de laboratoires d'idées et de moteurs du progrès.

3.8

Gouvernance régionale et locale. Il existe de par le monde d'excellents exemples de ce que les collectivités territoriales peuvent réaliser. Le sommet devrait mettre en valeur les meilleurs exemples et inviter les gouvernements à inciter les collectivités territoriales à accomplir de nouvelles avancées en leur apportant leur soutien.

3.9

Le rôle de l'économie et des partenaires sociaux. Le moment est venu d'imposer plus largement, en s'appuyant sur les meilleurs exemples, les bonnes pratiques des entreprises en matière de développement durable en élaborant une convention-cadre sur la responsabilité sociale des entreprises en matière de développement durable et une convention-cadre sur la responsabilisation fondée sur la norme ISO 26000. Des négociations en ce sens devraient être engagées lors du sommet. Il convient d'associer pleinement les partenaires sociaux à ce processus.

3.10

Le rôle de la société civile. La transition vers une économie durable ne peut réussir que si la société civile est activement associée à cette démarche. Cela implique des processus démocratiques ainsi que la création de structures de dialogue entre la société civile et les décideurs politiques. Il convient par ailleurs de rendre généralement accessibles dans tous les pays des informations sur l'environnement, les progrès à accomplir pour une économie plus verte et d'autres aspects du développement durable, afin qu'un débat public éclairé puisse avoir lieu sur ces questions fondamentales. Dans l'Union européenne, la Convention de 1998 sur l'accès aux informations, la participation du public au processus décisionnel et l'accès aux tribunaux en matière environnementale (convention d'Aarhus) a contribué efficacement à élargir et à ancrer les droits du public à l'information ainsi qu'à promouvoir la participation et l'accès de celui-ci aux tribunaux. Le sommet devra encourager l'élaboration de conventions analogues dans toutes les régions du monde et charger le nouveau Conseil du développement durable de la réalisation de cet objectif au niveau mondial.

3.11

Médiateur pour les générations futures. Si les besoins des générations futures sont un aspect essentiel du développement durable, ils ne sont toutefois pas pris en compte dans les processus décisionnels pertinents. Pour remédier à cette situation et garantir que les intérêts à long terme soient pris en considération de manière renforcée et avec l'autorité légale requise, le CESE appuie l'initiative du World Future Council (5) consistant à instituer un médiateur pour les générations futures au niveau de l'ONU et au niveau national.

4.   L'économie verte

4.1

Le mode de fonctionnement actuel de l'économie mondiale n'est pas orienté vers un développement durable. Du point de vue environnemental, il favorise une consommation excessive de ressources naturelles, pollue l'environnement et est incapable d'atténuer le changement climatique; du point de vue social, il engendre le chômage de masse, la pauvreté généralisée, ainsi que la prédominance de mauvaises conditions sanitaires et d'un manque de formation.

4.2

Rendre l'économie plus verte signifie recadrer son fonctionnement, de manière à obtenir des résultats plus durables. Il convient de réexaminer les objectifs économiques pour mesurer leur contribution au développement durable. L'ensemble des instruments de gestion économique doivent être configurés de manière à orienter l'économie dans une direction plus durable.

4.3

Jusqu'ici, la croissance était considérée, dans le contexte du développement économique, comme une condition importante pour améliorer le niveau de vie général. Elle doit rester un objectif central à l'avenir, en particulier pour les pays en développement, dans lesquels il faut encore créer des conditions de vie décentes pour tous. Une économie verte doit dissocier la croissance économique de ses conséquences négatives sur l'environnement. Elle doit être l'un des éléments d'une stratégie de développement durable orientée vers une croissance économique de qualité qui contribue à éliminer la pauvreté et l'injustice sociale tout en préservant les conditions de vie naturelles pour les générations futures. La réorientation vers une économie verte doit tenir compte des principes fondamentaux que sont la justice, la coopération et la responsabilité conjointe mais différenciée.

4.4

Le CESE juge positif que, dans le cadre de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, les négociations internationales sur le climat prennent désormais également en compte les dimensions sociale et de travail décent, conformément à la vision partagée d'une action mondiale à long terme portée par l'accord de Cancun. Il appuie les recommandations politiques de l'OIT sur les emplois verts et souligne en particulier la nécessité d'associer activement les partenaires sociaux aux mutations du marché du travail.

4.5

La transition vers une économie verte est une tâche de grande ampleur qui doit être réalisée dans de nombreux domaines différents:

au niveau des instances internationales, nationales, régionales et locales;

dans divers secteurs de l'économie;

avec la participation de différents types d'entreprises, des partenaires sociaux et d'autres acteurs économiques et

avec la participation des citoyens et des consommateurs.

4.6

La Conférence de Rio +20 devrait susciter un nouvel engagement politique en faveur de la promotion du développement durable et de la transition vers une économie verte à l'échelle mondiale. Les participants devraient élaborer des principes pour une transition vers une économie plus respectueuse de l'environnement. En outre, ils devraient donner aux organes compétents des Nations unies le mandat de développer un programme de travail axé sur l'action concernant les aspects fondamentaux de la promotion du développement durable dans le monde.

4.7

Le mandat conféré aux organes des Nations unies en faveur d'une «économie verte». Le Comité propose que le mandat relatif aux futurs travaux des organes des Nations unies pour le développement durable comporte six piliers ou chapitres principaux:

évaluation des progrès accomplis sur la voie d'une économie plus verte;

mesures réglementaires relatives à la transition vers une économie verte;

sensibilisation au développement durable pour promouvoir une économie verte;

instruments de la politique budgétaire pour promouvoir une économie verte;

dépenses et investissements publics dans une économie verte;

fixation des objectifs pour réaliser une économie verte.

4.8

L'Union européenne et ses États membres ont acquis une grande expérience dans la mise en œuvre d'instruments destinés à promouvoir le développement durable. C'est pourquoi l'Union devrait faire valoir activement cette expérience sur la scène internationale.

4.9

Évaluer les progrès accomplis sur la voie d'une économie plus verte. Il convient de définir des paramètres clairs afin d'évaluer les progrès réalisés sur la voie d'un développement plus durable. Il y a lieu d'élaborer des méthodes permettant de mesurer le progrès économique en termes d'amélioration du bien-être des citoyens et de la qualité de vie en tenant compte de la lutte contre la pauvreté, de la création de conditions de travail décentes et de la préservation de l'environnement naturel. En particulier, il convient de s'accorder sur des méthodes permettant de mesurer l'utilisation qui est faite au travers des activités économiques des différents types de capital naturel existant dans les sols, les mers, l'atmosphère et dans les différents écosystèmes.

4.10

Lors du sommet, un calendrier devrait être établi concernant la mise en place d'un système permettant d'évaluer les progrès accomplis pour rendre l'économie plus verte.

4.11

Dans son avis «Dépasser le PIB – Des indicateurs pour un développement durable» (6), le CESE avait engagé une réflexion sur les limites du PIB, les ajouts et modifications éventuelles à y apporter ainsi que sur la nécessité d'élaborer de nouveaux critères permettant de définir des indicateurs supplémentaires concernant le bien-être et le développement durable (économique, social et environnemental). Le CESE a l'intention de présenter, avant la conférence de Rio +20, un avis sur la manière d'associer la société civile à l'élaboration de ces indicateurs.

4.12

Mesures réglementaires. Au sein de l'Union européenne, le renforcement progressif des normes minimales a, au fil des ans, amélioré les normes d'efficacité concernant de nombreux produits et processus (notamment les normes d'efficacité énergétique). Aussi l'UE devrait-elle proposer un mécanisme similaire pour promouvoir ce processus à l'échelle internationale. Il pourrait par ailleurs être utile de développer de nouvelles initiatives internationales en matière de gestion des produits chimiques et de réglementation des conséquences du développement de nouvelles technologies, par exemple les nanotechnologies.

4.13

Sensibilisation au développement durable et échange d'informations. Dans plusieurs pays, régions, villes, entreprises etc., la transition vers le développement durable a déjà donné d'excellents résultats dans la pratique.

4.14

L'UE a joué un rôle actif dans la promotion de l'éducation au développement durable et l'organisation de campagnes d'informations concernant des pratiques éprouvées et de nouvelles initiatives en matière de développement durable. Les expériences acquises dans ce domaine devraient alimenter le débat international sur les instruments relatifs à une économie verte.

4.15

Mesures fiscales. Le sommet devrait encourager davantage les efforts nationaux et internationaux visant à rendre la politique fiscale plus verte en supprimant les subventions néfastes et en aménageant la fiscalité de manière à faciliter l'emploi et à faire obstacle à la pollution environnementale et à l'utilisation de combustibles fossiles et autres ressources. Par ailleurs, il est temps de lancer une nouvelle initiative visant à s'accorder, au niveau international, sur une taxe touchant les transactions financières, et d'utiliser les recettes qui en découleront pour investir dans le développement durable.

4.16

Investissements dans la recherche et le développement. Les organes compétents des Nations unies devraient être chargés d'identifier dans quels secteurs de la recherche et du développement de technologies et d'instruments il serait utile, pour favoriser une économie verte, de regrouper les efforts de recherche et de développement au travers d'une coopération internationale. Il importe de mettre rapidement en place à l'échelle internationale de nouvelles technologies plus respectueuses de l'environnement. Les organes compétents des Nations unies devraient en particulier identifier les obstacles qui s'opposent à un transfert rapide de ces technologies et trouver des solutions pour lever ces obstacles.

4.17

Les marchés publics peuvent être un instrument puissant pour inciter les entreprises à fournir des produits et des services plus respectueux de l'environnement. L'Union européenne dispose d'une certaine expérience en matière de marchés publics verts qui respectent les principes du libre-échange dans un cadre européen. Les organes compétents des Nations unies devraient en particulier être chargés de promouvoir, au niveau mondial, les procédures qui ont fait leurs preuves dans ce domaine.

4.18

Flux d'investissements – Une nouvelle donne mondiale. Selon des estimations autorisées, l'investissement global requis pour passer à une économie à faibles émissions de carbone s'élève, dans le seul secteur de l'énergie, à plusieurs milliers de milliards d'euros sur les 40 prochaines années. D'autres aspects de la transition vers le développement durable nécessiteront également des fonds considérables. Les organes compétents des Nations unies devraient être chargés de mettre en place un forum pour assurer le suivi des principaux flux d'investissements à l'échelle mondiale et identifier les secteurs dans lesquels il convient de les augmenter ou de les modifier afin d'appuyer la transition vers une économie durable.

4.19

La capacité à réaliser cette transition varie considérablement d'un pays à l'autre, en ce qui concerne les ressources naturelles, économiques et humaines. L'un des défis les plus importants du sommet de 2012 consistera à donner plus de substance et d'envergure à un accord mondial visant à mobiliser les ressources publiques et privées en faveur de programmes relatifs au renforcement des capacités, au transfert de technologies et aux investissements durables, en vue d'aider de manière équitable les pays les moins développés et autres pays en développement à opérer la transition vers le développement durable sans être distancés. Il convient de charger les organes compétents des Nations unies de superviser les progrès en matière d'engagements financiers ou autres destinés à aider les pays en développement à réaliser cette transition.

5.   Objectifs dans des secteurs-clés

5.1

Le concept d'économie plus verte aura une incidence sur tous les secteurs importants de l'économie. Tous devront utiliser l'énergie et les autres ressources naturelles de manière plus efficace, réduire l'impact de la pollution et de la production de déchets, accorder davantage d'attention à l'environnement naturel et à la biodiversité, et garantir l'équité et la justice.

5.2

Les objectifs internationaux en matière de développement sont actuellement centrés sur la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Le Comité préconise de fixer, au moment de la révision de ces objectifs en 2015, un nouvel ensemble d'objectifs internationaux en matière de développement pour la période suivante, en mettant davantage l'accent sur le développement durable. Cela devrait être un objectif général du sommet de Rio, lequel devrait charger le nouveau conseil d'en assurer le suivi à travers des propositions spécifiques pour les thématiques essentielles. Les paragraphes ci-après examinent brièvement les priorités dans certains secteurs-clés.

5.3

Énergie. L'écologisation du secteur énergétique constitue le défi le plus important de tout le projet de transition vers une économie plus verte.

5.4

Cette transition exige une transformation radicale du secteur de l'énergie, lequel devrait passer des combustibles fossiles à des sources d'énergie à émissions de carbone faibles ou nulles, comme les sources d'énergie renouvelables. Parallèlement, afin de gérer cette transition de manière plus économe et efficace, il convient de faire un effort considérable dans tous les secteurs pour utiliser l'énergie plus efficacement et, partant, limiter ou réduire l'augmentation de la demande mondiale en énergie.

5.5

L'accès à des services énergétiques propres, abordables et modernes est impératif pour promouvoir un développement économique et social durable et réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement. Selon l'Agence internationale de l'énergie, plus de 1,4 milliard de personnes de par le monde n'ont pas accès à l'électricité. En outre, un milliard supplémentaire n'a accès qu'à des réseaux électriques non fiables. L'Assemblée générale des Nations unies a récemment déclaré que l'année 2012 serait «l'année internationale de l'énergie durable pour tous», donnant ainsi la possibilité, nécessaire s'il en est, d'attirer davantage l'attention de la communauté internationale sur la pauvreté énergétique ainsi que sur les solutions abordables et les modèles d'entreprises qui existent déjà et qui peuvent être appliqués au niveau mondial. Le CESE a participé activement au débat sur le développement et les énergies durables et entend continuer à apporter, à l'avenir, d'autres contributions sur ce thème important.

5.6

Nombre de personnes ne disposent toujours pas d'un accès suffisant à l'énergie (pauvreté énergétique). La transition vers des formes d'approvisionnement énergétique respectueuses de l'environnement doit avoir pour objectif prioritaire la fourniture d'énergie à un prix abordable aux groupes de population les plus démunis.

5.7

Agriculture, biodiversité et environnement naturel. Le CESE condamne sévèrement le fait qu'au niveau mondial, surtout dans les pays en développement, un milliard de personnes souffrent de la faim, ce qui est en contradiction totale avec la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

5.8

Le Comité exhorte la communauté internationale à reconnaître le droit à l'alimentation au niveau international et national, à améliorer le droit de posséder des terres, d'accéder aux terres ainsi qu'à l'eau, et d'exercer un contrôle sur l'accaparement des terres par des acteurs publics et des investisseurs privés dans les pays en développement.

5.9

Dans de nombreuses régions du monde, l'agriculture doit être réexaminée en profondeur dans la perspective de la transition vers une économie verte, de la sécurité alimentaire pour tous, de la préservation du capital naturel des sols et de leur biodiversité ainsi que de la promotion de l'efficacité des ressources dans ce domaine. Il est en particulier nécessaire de mieux gérer et protéger les ressources hydriques. Dans ces domaines, il convient de fixer de nouveaux objectifs.

5.10

Le CESE considère que la clé d'une agriculture durable réside dans le maintien, sur l'ensemble du territoire et dans le respect de la nature, d'une production alimentaire quantitativement suffisante, qualitativement élevée et régionalement différenciée, qui prenne soin des zones rurales et les protège, préserve la diversité et les spécificités des produits et favorise les paysages de culture divers et variés ainsi que les zones rurales (7). Bien que le monde ait besoin d'une plus grande biodiversité, l'on assiste à une diminution constante du nombre des espèces. La sylviculture, l'industrie minière, l'industrie manufacturière, sans oublier la croissance de la population, menacent également la biodiversité.

5.11

Il convient de prendre des mesures efficaces pour améliorer le fonctionnement des marchés agricoles et le rendre transparent. Il y a lieu de combattre la volatilité et l'augmentation intolérable du prix des denrées alimentaires. L'utilisation de matières premières renouvelables pour produire de l'énergie ne peut se faire au détriment de l'approvisionnement mondial en denrées alimentaires. Il faut garantir la sûreté de l'approvisionnement en denrées alimentaires en constituant des stocks au niveau régional et en encourageant une utilisation accrue de la biomasse résiduelle provenant de l'agriculture et de la production alimentaire.

5.12

Il y a lieu de garantir les droits des travailleurs du secteur agricole en mettant en œuvre les conventions existantes de l'OIT. La participation active de la société civile à la réalisation de projets nationaux et régionaux en matière de développement durable est indispensable, étant entendu qu'il convient de mettre plus particulièrement l'accent sur le rôle des femmes dans les pays en développement.

5.13

Le milieu marin. Le milieu marin est affecté par la pollution, la surpêche et d'autres formes de surexploitation des ressources marines. Le sommet devrait charger les organes compétents des Nations unies de lancer un nouveau processus international pour renforcer et coordonner les mécanismes existants en matière de protection du milieu marin et protéger les stocks de poissons et autres ressources halieutiques plus efficacement que ne le font les réglementations actuelles.

6.   Faire preuve de responsabilité

6.1

Si elle veut être crédible, l'Union européenne doit commencer par balayer devant sa porte en ce qui concerne le développement durable.

6.2

Les États membres et l'UE doivent:

renouveler collectivement leur engagement politique en faveur du développement durable, en plaçant la responsabilité de celui-ci auprès des chefs de gouvernement, épaulés notamment par les ministres de l'économie, des finances et de l'environnement;

donner un souffle nouveau à leurs propres stratégies et programmes d'action en faveur du développement durable.

s'engager pleinement avec les entreprises et toutes les composantes de la société civile pour préparer la conférence, en assurer le suivi et promouvoir le développement durable et la transition vers une économie verte.

Plan d'action

Le Comité économique et social européen s'est engagé à suivre activement toutes les étapes de la préparation de la Conférence des Nations unies sur le développement durable qui se tiendra en 2012 à Rio. Des auditions ont déjà eu lieu, le 23 mars 2011 et le 7 juillet 2011, alors que le présent avis était en cours d'élaboration.

Lorsque l'avis aura été adopté, le rapporteur mettra tout en œuvre pour que la position du CESE alimente le dialogue interinstitutionnel dans la perspective de l'élaboration d'une position commune de l'UE.

Sur la base de l'avis adopté, le CESE poursuivra le dialogue avec la société civile organisée européenne. Des rencontres conjointes sont prévues avec le groupe de liaison, des représentants des conseils économiques et sociaux nationaux ainsi que d'autres organisations et réseaux de la société civile, qui sont eux aussi en train de définir leur position en vue de la Conférence de Rio +20. Début 2012, le CESE a prévu d'organiser une grande conférence qui posera un jalon supplémentaire dans ce processus de dialogue avec la société civile.

Au-delà du dialogue au niveau européen, le CESE examine le thème de la Conférence de Rio +20 dans le cadre de ses relations avec des représentants de la société civile organisée d'autres régions du monde, en particulier du Brésil (qui accueillera la conférence), de la Chine et de l'Afrique du Sud. Le rapporteur jouera un rôle actif dans ce dialogue, afin de définir des priorités communes concernant les objectifs de la société civile organisée de différentes régions du monde, et de présenter ces positions à Rio de Janeiro en juin 2012.

De plus, au cours du processus de discussions de Rio +20, le rapporteur représentera le CESE au sein de l'Association internationale des Conseils économiques et sociaux et institutions similaires (AICESIS). En marge de la conférence proprement dite, il est prévu d'organiser l'an prochain à Rio une série de réunions avec nos partenaires internationaux.

Bruxelles, le 22 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  COM(2011) 363 final.

(2)  Voir pages 110 dans le présent journal officiel.

(3)  JO C 100/09, du 30.4.2009, p. 53.

(4)  Avis du Comité économique et social européen «Vers un sommet mondial sur le développement durable en 2012», JO C 48, du 15.2.2011, p. 65.

(5)  http://www.futurejustice.org/action-the-campaign/?section=full#21.

(6)  JO C 100/09, du 30.4.2009, p. 53.

(7)  Avis du Comité économique et social européen «La réforme de la politique agricole commune en 2013», JO C 354, du 28.12.2010, p. 35.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/110


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée “Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050”»

COM(2011) 112 final

2011/C 376/20

Rapporteur: M. ADAMS

Corapporteur: M. ZBOŘIL

Le 8 mars 2011, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée “Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050” »

COM(2011) 112 final.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 6 septembre 2011.

Lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 22 septembre 2011), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 119 voix pour, 3 voix contre et 2 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1   Le Comité accueille favorablement la feuille de route de la Commission vers une économie à faible intensité de carbone à l'horizon 2050, car celle-ci constitue un projet de stratégie future, et il invite toutes les institutions européennes à en tenir pleinement compte en tant que guide pour l'élaboration des actions et politiques nécessaires pour atteindre les objectifs 2050. Dans ce contexte, le Comité renvoie à ses travaux sur l'initiative phare «Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources» et à ses propositions pour la Conférence des Nations unies sur le développement durable de 2012 (1).

1.2   Le Comité plaide auprès du Conseil, de la Commission et du Parlement pour qu'ils assurent la pleine mise en œuvre de l'ensemble des objectifs existants pour 2020 en matière de carbone et pour qu'ils envisagent de durcir l'objectif à l'horizon 2020 en matière d'émissions de gaz à effet de serre (GES) en optant pour une réduction de 25 %, sur la base des avancées réalisées dans les négociations de la COP 17 et du développement économique escompté dans l'Union, en tant qu'objectif intermédiaire vers la réduction convenue de 80 à 95 % d'ici 2050.

1.3   Le Comité invite instamment l'UE à adopter des objectifs indicatifs de réduction des GES de 40 % d'ici 2030 et de 60 % d'ici 2040 et d'assurer leur suivi au moyen de mesures politiques juridiquement contraignantes qui permettraient de parvenir à ces réductions. De tels objectifs indicatifs sont nécessaires, car ils constituent des repères qui permettent de donner prévisibilité et stabilité aux investisseurs et aux décideurs.

1.4   Le Comité recommande à la Commission de présenter un nouveau paquet complet de mesures en vue de créer les incitations aux nouveaux investissements gigantesques nécessaires pour atteindre ces nouveaux objectifs. Ce paquet devrait comprendre un renforcement du système d'échange de quotas d'émissions (SEQE), qui est un outil d'optimisation des coûts qui permet d'éclairer les décisions d'investissement, ainsi que les autres actions suivantes:

promouvoir l'efficacité énergétique dans tous les secteurs;

accroître la sensibilisation des consommateurs et leur capacité à utiliser leur pouvoir d'achat pour favoriser des biens et des services à faible teneur en carbone;

soutenir l'investissement dans les infrastructures qui seront nécessaires;

promouvoir la formation et le renforcement des capacités dans les secteurs clés.

1.5   Le Comité insiste sur la nécessité d'une politique industrielle active et d'une recherche et développement (R&D) coordonnés pour favoriser le passage à une économie à faible intensité de carbone. Le Comité est favorable à la proposition de feuilles de route, qui constituent une vision stratégique pour guider ce processus de transition, en particulier s'agissant de la production d'électricité, des transports, de la construction et du logement, de l'agriculture et du traitement des déchets.

1.6   Il importe au plus haut point d'y associer la société civile au moyen d'un dialogue structuré et permanent sur les différents plans stratégiques.

2.   La feuille de route

2.1   La feuille de route 2050 suggère des mesures susceptibles de permettre à l'UE de réduire ses émissions de gaz à effet de serre conformément à l'objectif convenu de 80 à 95 % par rapport aux niveaux de 1990, le Conseil ayant reconfirmé en février 2011 qu'il s'agit là d'un objectif de l'UE.

2.2   Afin d'atteindre cet objectif, cette feuille de route expose un plan en vue de réduire les émissions domestiques de GES de 80 % à l'horizon 2050, ce qui laisse entendre que l'objectif de 95 % passerait par l'achat de compensations sur le marché mondial du carbone. Une réduction des émissions internes de l’ordre de 40 % et 60 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2030 et 2040 respectivement serait la solution ayant le meilleur rapport coût-efficacité, et par conséquent, une réduction de 25 % d'ici 2020 est considérée comme une étape sur cette voie.

2.3   Dans le secteur de l’électricité, la feuille de route prévoit que les technologies à faible intensité de carbone devraient fournir 100 % de l’approvisionnement énergétique d'ici 2050. Cela nécessitera des investissements considérables dans les énergies renouvelables et dans le développement de nouveaux réseaux intelligents dans l'ensemble de l'Europe, au moyen essentiellement d'un renforcement du SEQE.

2.4   Dans les transports, on envisage une réduction de 60 % des émissions de GES d'ici 2050. La feuille de route laisse entendre qu'il sera nécessaire de poursuivre le développement des biocarburants, en particulier pour ce qui est de l'aviation et des poids lourds. Elle relève toutefois que les problèmes en matière de sécurité alimentaire et d'environnement sont liés au développement des biocarburants et elle souligne qu'il importe de mettre au point des biocarburants plus durables de 2e et 3e générations.

2.5   Dans le secteur de la construction, la feuille de route souligne l'importance d'une application rapide de normes d'émission de carbone proches de zéro pour les nouvelles constructions, ainsi que le défi que constitue l'amélioration de la performance énergétique du parc immobilier actuel.

2.6   Dans l'industrie, il est prévu de poursuivre l'amélioration de l'efficacité énergétique et le passage à des modes de production à moindre consommation d'énergie. Des solutions propres à chaque secteur seront nécessaires dans certains cas, de même que des feuilles de route supplémentaires spécifiques dans chacun d'entre eux. Il importe de garantir que les mesures de réduction d'émissions de carbone ne conduisent pas tout simplement les secteurs voraces en énergie à délocaliser leurs activités vers des régions du monde moins régulées (fuite de carbone).

2.7   En ce qui concerne les secteurs agricole et sylvicole, une augmentation de l'efficacité énergétique et des pratiques susceptibles d'accroître la capacité des terres ouvrées à séquestrer le carbone sont autant d'éléments nécessaires. La biomasse est également mentionnée en tant que source d'énergie qui peut s'avérer durable, sous réserve que l'ensemble de ses incidences soient dûment évaluées. D'une manière générale, il y a lieu de trouver des solutions qui permettent de concilier la demande croissante en denrées alimentaires ou en biomasse et les objectifs de politique climatique.

2.8   La réalisation de tous ces objectifs nécessitera des investissements supplémentaires publics et privés de l'ordre de 270 milliards d'euros par an lors des 40 prochaines années. Ce montant équivaut à 1,5 % du PIB de l'UE ou encore à 8 % des niveaux d'investissement actuels – il est sensiblement moins élevé que les niveaux d'investissements déjà atteints dans certaines économies émergentes qui s'engagent résolument en direction d'une économie à faibles émissions de carbone.

2.9   Des ressources publiques supplémentaires nécessaires pour financer ces investissements pourraient provenir des recettes dégagées par le prochain cycle de mise aux enchères de quotas d'émissions du SEQE. De même, tous les programmes publics d'investissement devraient être utilisés plus systématiquement pour lever des fonds privés supplémentaires.

2.10   Parmi les autres avantages du passage à une économie à faible teneur en carbone figurent notamment la réduction de la dépendance vis-à-vis d'importations de combustibles fossiles, l'amélioration de la sécurité énergétique, la création de nouveaux emplois ainsi que l'amélioration de la qualité de l'air et de la santé.

2.11   La communication ne propose pas de nouvelles politiques ou mesures spécifiques. Elle indique plusieurs domaines où de nouvelles stratégies ou initiatives politiques seront nécessaires au niveau de l'UE et à l'échelon national pour garantir l'évolution nécessaire au long des 40 prochaines années. La feuille de route 2050 met en évidence une évolution importante consistant à passer de nouveaux objectifs contraignants à la prise de mesures. Elle suscite un débat parmi les États membres de l'UE, qui doivent décider de l'opportunité de fixer ou non de nouveaux objectifs. Une décision politique fondamentale devra être arrêtée: il s'agira de choisir entre des objectifs imposés d'en haut et une politique d'innovation technologique suivant une approche ascendante.

3.   Observations générales

3.1   La feuille de route se fonde sur des modèles économiques précis afin de dégager les solutions les moins coûteuses pour atteindre les objectifs à l'horizon 2050 de réductions de GES. Afin que la méthodologie appliquée suscite une pleine confiance, des informations supplémentaires doivent être rendues disponibles sur la construction des modèles économiques, sur les données qu'ils utilisent et les tests de sensibilité qui sont appliqués. Cependant, cette méthodologie s'avère d'ores et déjà suffisamment solide pour étayer la conclusion principale, à savoir que les niveaux d'investissements devront sensiblement s'accroître en vue de parvenir à une économie à faible intensité de carbone d'ici 2050.

3.2   Le Comité approuve tout particulièrement la conclusion de la feuille de route selon laquelle des avancées précoces sont cruciales du point de vue du rapport coût-efficacité. De telles avancées précoces accéléreront l'introduction de nouvelles technologies compétitives, abaissera leur prix et évitera de nouveaux investissements onéreux et inutiles dans des installations à haute intensité de carbone qui n'auront qu'une courte durée de vie. Elles créeront la dynamique économique en faveur des changements nécessaires.

3.3   Une feuille de route n'est utile que si elle oriente l'action. Le test clé pour cette feuille de route est de savoir dans quelle mesure elle peut devenir partie intégrante de l'élaboration des politiques et de la prise de décisions par les principaux acteurs européens: gouvernements, producteurs d'électricité et autres secteurs industriels cruciaux, ainsi que des choix individuels des consommateurs.

3.4   Les mutations politiques, économiques et technologiques à l'avenir requerront une certaine dose de flexibilité dans la voie précisément choisie, mais cela ne doit pas servir de prétexte à l'indécision ni aux retards. La feuille de route devrait déboucher sur un consensus entre tous les acteurs clés quant à la nature et au rythme des progrès qui s'imposent et à l'augmentation nécessaire du volume des investissements. Il convient d'accorder la priorité tout particulièrement aux investissements qui viseront à améliorer la sécurité de l'approvisionnement énergétique en Europe, compte tenu des incertitudes qui pèseront dans les années qui viennent sur nombre des sources d'énergie dont dispose l'Europe.

3.5   La feuille de route devrait également contribuer à sensibiliser le grand public et les consommateurs à la nécessité de passer à une économie à faible intensité de carbone et du rôle que chacun devra y jouer. Il importe au plus au point qu'il s'agisse là d'une «transition juste», équitable pour tous et qui aide chacun à s'adapter aux changements qui seront nécessaires.

3.6   De nombreux autres pays (dont la Chine, les États-Unis, la Corée du sud etc.) déploient des efforts considérables dans le développement et le déploiement de technologies à faible intensité de carbone en vue d'obtenir une primauté technologique et des avantages compétitifs dans ce nouveau secteur industriel de croissance. Il est essentiel que l'Europe fasse jeu égal avec ces efforts si elle ne souhaite pas rester à la traîne dans la course hautement disputée pour le primat dans le domaine de technologies plus écologiques et à faible intensité de carbone.

3.7   Les objectifs 20-20-20 existant en matière de développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique ainsi que de réduction des émissions de carbones, qui doivent être atteints d'ici 2020, fixent d'ores et déjà un but à l'UE pour cette année-là et il est essentiel d'atteindre l'ensemble de ces objectifs. À nouveau, le Comité plaide auprès du Conseil, de la Commission et du Parlement pour qu'ils réexaminent urgemment les arguments en faveur du durcissement de l'objectif à l'horizon 2020 d'une réduction de 25 % des émissions de GES d'ici-là, sur la base des avancées réalisées dans les négociations de la COP 17 et du développement économique escompté dans l'Union, en tant qu'objectif intermédiaire vers la réduction visée de 80 % d'ici 2050.

3.8   Il serait bien entendu souhaitable qu'une telle évolution aille de pair avec des progrès vers un accord généralisés sur une nouvelle série d'objectifs dans le cadre du processus international de négociations en matière de changement climatique. Mais l'absence d'un tel accord ne saurait servir de prétexte pour retarder la poursuite des actions que l'Europe elle-même doit accomplir dès à présent afin d'atteindre son but à long terme pour 2020, afin d'améliorer sa propre sécurité d'approvisionnement énergétique et de maintenir sa propre compétitivité dans la course aux technologies vertes.

3.9   Le Comité invite également l'UE à agir rapidement pour adopter des objectifs minimaux de réduction des GES de 40 % d'ici 2030 et de 60 % d'ici 2040 afin de fournir des orientations prévisibles pour ceux qui prennent des décisions d'investissement dans le secteur de l'énergie et dans d'autres domaines clés.

3.10   Les nouveaux investissements annuels nécessaires, soit 270 milliards d'euros, sont considérables, mais il ne s'agit que de 1,5 % du PIB de l'UE, ce qui est réalisable, à condition que les indicateurs budgétaires et autres indicateurs clés soient positifs et le restent. Le Comité estime que la stabilité et la prévisibilité du cadre sont vitales afin de fournir des garanties adéquates s'agissant du type d'investissements nécessaires.

3.11   Les objectifs de la feuille de route nécessitent à la fois une demande du marché (c'est-à-dire un marché intégré et compétitif de l'énergie dans l'UE, l'infrastructure de réseau nécessaire et la fixation adéquate du prix du carbone) et une poussée technologique (c'est-à-dire un soutien à la R&D et aux activités de démonstration et de déploiement précoce, comme indiqué dans le plan SET (2)). Un soutien au déploiement précoce et de vaste portée de nouvelles technologies révolutionnaires à faible intensité de carbone est particulièrement important pour accélérer la courbe d'apprentissage et le taux d'adoption. Il convient de maintenir les engagements budgétaires antérieurs dans ce domaine.

3.12   Les financements-relais sont particulièrement importants pour garantir que les nouvelles technologies dotées d'une valeur ajoutée européenne élevée et de rendements économiques positifs à long terme ne meurent pas à un stade précoce de leur développement. L’UE devrait:

fournir un soutien financier aux technologies relevant du plan SET en combinant au cas par cas des subventions et des prêts;

aligner les règles en matière de marchés publics sur les objectifs du plan SET;

garantir la cohérence de l'action du Fonds de cohésion et des Fonds structurels pour appuyer les objectifs en matière de carbone dans les infrastructures et autres projets.

3.13   La feuille de route met fortement l'accent sur le système européen d'échange de carbone, car ce dernier permet de produire les changements et les investissements voulus. Le SEQE a été conçu pour montrer le chemin à suivre à l'échelle mondiale et s'inscrire dans un système international de plafonnement et d'échange des droits d'émission censé établir un plafond d'émissions de carbone qui baisserait progressivement et qui serait cohérent avec l'objectif de 2 °C. Son objectif était de fixer un prix mondial pour l'échange d'émissions de carbone sur un marché mondial qui, une fois solidement établi, serait en lui-même un instrument important pour entraîner le glissement nécessaire des investissements vers les technologies à faible intensité de carbone de l'avenir. Cependant, laissé à lui-même, l'actuel système d'échange européen ne parvient pas à créer le stimulus nécessaire pour accroître considérablement les nouveaux investissements plus écologiques, même en Europe.

3.14   En conséquence, le Comité recommande à la Commission de présenter un nouveau paquet complet de mesures en vue de produire l'évolution rapide et nécessaire des priorités en matière d'investissements. Ce train de mesures global devrait à coup sûr inclure une réforme et un renforcement du SEQE (qu'il conviendrait maintenant de concevoir comme un instrument européen et moins comme le précurseur d'un système mondial) ayant pour objectif particulier de dégager des fonds substantiels pour appuyer la R&D et le déploiement de nouvelles technologies et d'infrastructures de soutien. Il devrait également inclure une gamme de mesures fiscales, réglementaires et orientées vers les consommateurs.

3.15   Un train de mesures complet

a)   un SEQE renforcé

Le Comité recommande un réexamen en profondeur du SEQE. Quatre domaines sont particulièrement importants:

il faut trouver des manières de renforcer la capacité du système à soutenir l'innovation et le déploiement de nouvelles technologies à faible intensité de carbone, comme décrit dans le plan SET, en utilisant les recettes de la mise aux enchères de quotas pour appuyer la R&D, les activités de démonstration et de déploiement précoce;

il faut répondre au problème possible de la fuite de carbone, à savoir la délocalisation industrielle à l'extérieur de l'UE (en particulier d'industries à haute intensité de carbone). Vu qu'un marché mondial du carbone n'a pas été mis en place, la compensation des ajustements de prix aux frontières pourrait être dès lors justifiée. Aussi longtemps qu'il n'aura pas été possible d'instaurer un marché mondial du CO2, la Commission devrait prendre des dispositions supplémentaires pour garantir la compétitivité des entreprises qui sont exposées à un risque réel de fuite de carbone;

la couverture sectorielle devrait être revue. (Dans des avis antérieurs, le Comité s'est félicité de l'extension du SEQE au secteur de l'aviation et a plaidé pour son extension au secteur maritime);

les mécanismes internationaux de compensation en vue de promouvoir des réductions d'émissions efficaces en matière de coûts dans les pays en développement devraient être resserrés et étendus (sans que cela ne serve de prétexte à une réduction des efforts visant à atteindre les objectifs nationaux de réduction des émissions).

b)   Mesures réglementaires: efficacité énergétique

Dans certains secteurs, comme celui de l'efficacité énergétique, les signaux envoyés par les prix n’ont guère d’effet. Des mesures européennes plus contraignantes sont nécessaires pour accélérer l'imposition et l'application de normes plus rigoureuses d'efficacité énergétique pour les logements et autres bâtiments, les automobiles et autres véhicules, les produits de consommation de différents types. Nous demandons instamment que la directive sur l’efficacité énergétique (COM(2011) 109 final) soit rigoureusement suivie après une évaluation d'impact exhaustive.

c)   Renforcer le rôle des consommateurs

Il y a lieu de motiver les consommateurs à participer activement à l'instauration d'une société à faible teneur en carbone, grâce à l'achat de biens et des services respectueux de l’environnement, et notamment de:

améliorer la crédibilité des initiatives de labellisation écologique et harmoniser leurs normes;

encourager la disponibilité de produits de consommations efficaces et durables;

renforcer le marché énergétique interne de l'ensemble de l'UE.

Les consommateurs doivent être convaincus qu'ils ont un rôle à jouer dans l’économie à faible intensité de carbone et il convient à cet égard d'encourager des partenariats avec le secteur public.

d)   Infrastructures

Des investissements considérables seront nécessaires dans toute l'Europe au profit des infrastructures qui sous tendent les nouvelles technologies à faibles émissions de carbone et qui assurent l'interopérabilité des nouveaux réseaux intelligents d'approvisionnement en électricité en vue de garantir la cohérence des spécifications techniques et un partage d'électricité optimal. Nous préconisons que la Commission mène une étude de suivi sur les pistes à emprunter pour le développement des infrastructures dans toute l'Europe en vue de soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone ainsi que les investissements et les structures institutionnelles afférentes.

e)   Renforcement des capacités et conséquences sur l'emploi

Il importe grandement d'analyser et d'évaluer au préalable les incidences sociales de la croissance, ou de la régression, de tous les secteurs concernés par la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, de mettre en place des instruments et mesures sectoriels complets pour constituer les compétences et capacités nécessaires et de proposer une requalification ou une autre forme d'aide à ceux qui quittent l'ancienne économie carbonée, afin de permettre ainsi une restructuration juste du pont de vue social.

f)   Mesures fiscales

Les réformes fiscales neutres destinées à accroître le niveau d'imposition sur les hydrocarbures (et d'autres ressources naturelles), tout en favorisant l'emploi et une meilleure sécurité sociale, jouent un rôle essentiel en vue d'orienter la transition vers une économie à faible intensité de carbone. La situation politique n'est probablement pas encore mûre pour proposer à nouveau une taxe carbone dans l'ensemble de l'Europe, mais il convient d'accomplir tout effort pour encourager une telle réforme à l'échelon national. En outre, le Comité accueille favorablement la récente proposition de taxe sur les transactions financières et plaide pour affecter directement les recettes ainsi perçues à l'encouragement des investissements dans une économie à faible intensité de carbone.

4.   Observations relatives à des questions spécifiques

4.1   Secteur de l'électricité. Le prix des énergies renouvelables n'a cessé de décroître au cours des dernières années. Il y a maintenant lieu d'augmenter les investissements afin d'amener ces prix à des niveaux compétitifs et abordables. Dans le même temps, il convient de maintenir une charge de base suffisante ou de concevoir des systèmes de stockage et de distribution pour surmonter les problèmes liés à l'intermittence des vents et de l'approvisionnement en électricité photovoltaïque.

4.2   En outre, le développement du concept de réseaux intelligents à l'échelle européenne est essentiel pour permettre une intégration plus extensive des énergies renouvelables. La capacité actuelle qu'a le réseau européen de distribution d'électricité d'absorber des énergies renouvelables intermittentes est limitée, et le système doit conserver un approvisionnement en charge de base provenant de sources non renouvelables (notamment le nucléaire). Un développement conséquent des systèmes intégrés de réseau intelligent (y compris pour la gestion de la demande du secteur industriel et du secteur résidentiel) et de vastes capacités de stockage d'électricité provenant de sources facilement accessibles (batteries, barrages hydroélectriques, etc.) seront nécessaires. Si le nucléaire et les combustibles fossiles avec captage et stockage du CO2 font partie de la solution, il convient d'aborder ces questions ouvertement et de les résoudre, vraisemblablement au cas par cas ou pays par pays. Nous escomptons que la prochaine «Feuille de route sur l'énergie 2050» exposera ces choix de manière plus détaillée et prévoira une plus grande coordination de la production et de la distribution d'énergie dans toute l'Europe.

4.3   L'investissement dans les technologies à faible intensité de carbone peut passer par l'accélération du taux d'investissement au-delà de ce que le marché jugerait rentable. Cela nécessitera des fonds publics, en particulier pour les mesures de démonstration et de déploiement précoce. La poursuite du développement du plan stratégique européen pour les technologies énergétiques (SET) est essentielle pour une économie à faible intensité de carbone.

4.4   Secteur des transports. Le Comité souscrit à la perspective de la communication sur l'évolution nécessaire dans le secteur des transports. Il y a lieu d'optimiser les performances en matière de carbone de toutes les technologies existantes Il y a lieu de promouvoir de nouvelles technologies, telles que l'électrification du transport routier. En outre, il convient d'encourager les biocarburants de 3e génération, afin de réduire les émissions du parc actuel de transport et d'affranchir les poids lourds de leur dépendance envers les énergies fossiles. Il y a lieu d'encourager le transfert modal en faveur de transports publics efficaces et des transports non motorisés. Il y a lieu que l'UE et ses États membres usent de la dépense publique, de la politique fiscale et de la voie réglementaire pour faire progresser ces changements. Il y a lieu que l'UE joue un rôle fort de coordination et d'incitation et fixe des objectifs et des calendriers pour certains des changements précis nécessaires.

4.5   En ce qui concerne les voitures et les autres véhicules routiers, les normes d'émissions ont été très efficaces pour réduire celles-ci. Des normes juridiquement contraignantes en la matière offrent la plus grande sécurité possible à l'industrie automobile et à ses fournisseurs. Dans de précédents avis, le Comité a formulé des observations sur un renforcement progressif des normes d'efficacité des combustibles pour les véhicules routiers, et plaidé pour des progrès plus rapides en la matière (3). Nous réitérons ici ces recommandations.

4.6   Nous relevons qu'il existe des limites physiques au-delà desquelles les performances du moteur à combustion interne en termes d'émissions de carbone ne peuvent plus être améliorées et nous proposons que la Commission mette à profit la perspective à long terme qu'offre la feuille de route vers une économie pauvre en carbone et la nécessité absolue de réduire les émissions des véhicules routiers pour conduire les efforts qu'il convient de réaliser promptement en vue du développement et de la mise en œuvre de véhicules à émissions de carbone nulles grâce à l'usage de l'hydrogène produit de manière durable ou d'une électricité produite plus proprement.

4.7   Le Comité manifeste derechef ses réserves quant à la mesure où l'on peut ou devrait s'en remettre à l'expansion des biocombustibles. Il estime donc que c'est à juste titre que la communication envisage de circonscrire l'utilisation des biocarburants à certaines niches du secteur des transports difficiles à électrifier, ainsi qu'à la réduction des émissions du parc de véhicules en service. Cette démarche comporte également un effort pour accroître les efforts de développement de biocarburants de deuxième et troisième générations à moindres émissions de carbone.

4.8   Le secteur de la construction. Les progrès accomplis dans la promotion de logements et autres bâtiments à faible intensité de carbone ont été trop lents. Vu que le taux de renouvellement des logements est très faible, le défi clé dans ce secteur consistera à établir et mettre en œuvre des programmes de vaste portée visant à améliorer les performances énergétiques des logements existants. Le Comité recommande que la Commission agisse aussi rapidement que possible pour:

imposer dès que possible des normes correspondant à une émission de carbone zéro pour tous les nouveaux bâtiments, tant publics que privés, à la fois pour les logements et les autres bâtiments, et différenciées selon les conditions climatiques;

arrêter des objectifs chiffrés et des programmes visant à renforcer les performances énergétiques des bâtiments existants, quel que soit leur type, pour autant que cela soit possible.

4.9   Industrie. En cette matière, la feuille de route doit faire la clarté sur les implications politiques du chemin proposé pour l'industrie européenne, compte tenu de leurs possibles incidences sur la compétitivité et l'emploi. Dans ce domaine de l’industrie, il conviendrait d’évaluer de manière exhaustive les objectifs actuels, secteur par secteur. Dans certaines industries (production d'acier, de ciment, etc.), les émissions de carbone font partie intégrante des procédés chimiques utilisés, ce qui fait que le volume de réduction de GES est susceptible d'être intrinsèquement limité, à moins que des produits de remplacement ne puissent être déployés à grande échelle ou que de nouvelles méthodes de capture du carbone ne soient mises au point. Les différents secteurs industriels nécessiteront chacun une analyse et une feuille de route spécifique quant à la manière de réduire encore leurs émissions de GES.

4.10   Le Comité demande à la Commission de préciser s'il est prévu d'intégrer dans la feuille de route une analyse concernant le carbone contenu dans des biens «sous-traités», aux fins de sa réduction. Les émissions mondiales découlant de la production de biens destinés à l'exportation sont passées de 4,3 gigatonnes de CO2 en 1990 (20 % des émissions mondiales) à 7,8 Gt en 2008 (26 %). Les réductions apparentes des émissions dans les États membres peuvent être réduites à néant par l'importation de produits anciennement fabriqués dans l'UE. Tout contrôle efficace dans ce domaine supposerait à la fois d'imposer des taxes ou des contrôles aux frontières et de modifier les habitudes internes de consommation. Or, il s'agit là de deux domaines très sensibles.

4.11   Agriculture et sylviculture. Le Comité estime qu'il faudra prêter une attention particulière lors du prochain réexamen de la PAC à la promotion de pratiques agricoles efficaces sur le plan énergétique et à faible intensité de carbone, en prenant appui sur la réduction de 20 % obtenue de 1990 à 2006. Il convient de promouvoir une gestion des terres et des forêts qui maximise la capture et la séquestration du carbone, et de créer des incitations à cet effet. Il faudrait également soutenir les agriculteurs qui participent à des chaînes courtes d'approvisionnement et implantées localement. Ce secteur dispose d’un potentiel considérable de réduction de ses émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles et de matériaux non renouvelables. Dans le secteur de l'agriculture, on peut toutefois distinguer nettement les conflits d'objectifs, à savoir, d'une part, la nécessité d'augmenter la production et, de l'autre, l'obligation de renforcer la capture du carbone dans le sol et dans la biomasse. Comment trouver une solution à cette contradiction? La question reste sans réponse. À nos yeux, une demande croissante au niveau mondial en matière de denrées alimentaires à forte teneur en CO2 et une utilisation accrue de la biomasse sont diamétralement opposées à l'idée de réduire les engrais, d'augmenter la séquestration, d'éviter le labour de pâturages, etc., et les mesures proposées ne suppriment pas la contradiction.

4.12   Déchets. La stratégie européenne en matière d'élimination des déchets continue de privilégier la réduction de la production de déchets, la promotion de la réutilisation et du recyclage et la minimisation de la pollution et de la dégradation des sols. Nous suggérons à la Commission, outre d'évaluer les différentes méthodes d'élimination des déchets, d'axer également ses réflexions sur la contribution possible de la gestion et du traitement des déchets à une économie plus durable et à plus faible intensité de carbone Il conviendrait notamment d'explorer plus avant l'utilisation des déchets comme combustible renouvelable et la récupération du gaz de décharge (méthane) afin de produire de l'énergie.

Bruxelles, le 22 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources – initiative phare relevant de la stratégie Europe 2020 et sur Rio+20: vers une économie verte et une meilleure gouvernance – Contribution de la société civile organisée européenne (voir page 102 du présent journal officiel).

(2)  Plan stratégique européen pour les technologies énergétiques. Voir (en anglais): http://ec.europa.eu/energy/technology/set_plan/set_plan_en.htm.

(3)  JO C 44 du 16.2.2008, pp. 53-56.


22.12.2011   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 376/116


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1927/2006 portant création du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation»

COM(2011) 336 final — 2011/0147 (COD)

2011/C 376/21

Le Conseil, en date du 14 juillet 2011 et le Parlement européen, en date du 19 juillet 2011, ont décidé, conformément à l'article 175, troisième alinéa du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1927/2006 portant création du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation»

COM(2011) 336 final — 2011/0147 (COD)

Étant donné que la proposition en objet se limite à prolonger une dérogation temporaire introduite par le règlement (CE) no 546/2009 sur lequel le Comité s'est déjà prononcé dans son avis CESE 627/2009, adopté le 24/03/2009 (1), le Comité, lors de sa 474e session plénière des 21 et 22 septembre 2011 (séance du 21 septembre 2011) a décidé, par 160 voix pour, 2 voix contre et 12 abstentions, de ne pas procéder à l'élaboration d'un nouvel avis en la matière, mais de se référer à la position qu'il a soutenue dans le document susmentionné.

Bruxelles, 21 septembre 2011.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Avis du CESE sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1927/2006 portant création du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, COM(2008) 867 final — COD 2008/0267 - J.O. C 228, page 103 du 22.09.2009.