ISSN 1725-2431

Journal officiel

de l'Union européenne

C 185

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Édition de langue française

Communications et informations

49e année
8 août 2006


Numéro d'information

Sommaire

page

 

II   Actes préparatoires

 

Comité économique et social européen

 

426e session plénière des 20 et 21 avril 2006

2006/C 185/1

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social — Nanosciences et nanotechnologies: un plan d'action pour l'Europe 2005-2009

1

2006/C 185/2

Avis du Comité économique et social européen sur les — Proposition de décision du Conseil concernant un programme spécifique à mettre en œuvre au moyen d'actions directes par le Centre commun de recherche au titre du 7e programme-cadre de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) — Proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique Coopération mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2013) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration — Proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique Idées mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2013) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration — Proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique Personnel mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2013) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration — Proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique Capacités mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2013) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration — Proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique à mettre en œuvre au moyen d'actions directes par le Centre commun de recherche au titre du 7e programme-cadre (2007-2011) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche nucléaire et de formation — Proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2011) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire(COM(2005) 439, 440, 441, 442, 443, 444, 445 final)

10

2006/C 185/3

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile(COM(2005) 429 final — 2005/0191 (COD))

17

2006/C 185/4

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive Stratégie pour le milieu marin)(COM(2005) 505 final — 2005/0211 (COD))

20

2006/C 185/5

Avis du Comité économique et social européen sur La gestion des mutations industrielles dans les zones transfrontalières à la suite de l'élargissement de l'Union européenne

24

2006/C 185/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques communautaires sur la migration et la protection internationale(COM(2005) 375 final — 2005/0156 (COD))

31

2006/C 185/7

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires(COM(2005) 649 final — 2005/0259 (CNS))

35

2006/C 185/8

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'amélioration de la portabilité des droits à pension complémentaire(COM(2005) 507 final — 2005/0214 (COD))

37

2006/C 185/9

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'Année européenne du dialogue interculturel (2008)(COM(2005) 467 final — 2005/0203 (COD))

42

2006/C 185/0

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — La situation des personnes handicapées dans l'Union européenne élargie: plan d'action européen 2006-2007(COM(2005) 604 final)

46

2006/C 185/1

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission: Une politique de cohésion pour soutenir la croissance et l'emploi — Orientations stratégiques de la politique de cohésion (2007-2013)(COM(2005) 299 final — SEC(2005) 904)

52

2006/C 185/2

Avis du Comité économique et social européen sur Les effets des accords internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur les mutations industrielles en Europe

62

2006/C 185/3

Avis du Comité économique et social européen sur le Cadre juridique pour la politique des consommateurs

71

2006/C 185/4

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission — Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne: Un cadre politique pour renforcer l'industrie manufacturière de l'UE vers une approche plus intégrée de la politique industrielle(COM(2005) 474 final)

80

2006/C 185/5

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions Travailler ensemble, travailler mieux: Un nouveau cadre pour la coordination ouverte des politiques de protection sociale et d'inclusion sociale dans l'Union européenne(COM(2005) 706 final)

87

2006/C 185/6

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux informations concernant le donneur d'ordre accompagnant les virements de fonds(COM(2005) 343 final — 2005/0138 (COD))

92

2006/C 185/7

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Réduction de l'impact de l'aviation sur le changement climatique(COM(2005) 459 final)

97

2006/C 185/8

Avis du Comité économique et social européen sur Le cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe

101

2006/C 185/9

Avis du Comité économique et social européen sur la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1592/2002 du 15 juillet 2002 concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne(COM(2005) 579 final — 2005/0228 (COD))

106

FR

 


II Actes préparatoires

Comité économique et social européen

426e session plénière des 20 et 21 avril 2006

8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/1


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social — Nanosciences et nanotechnologies: un plan d'action pour l'Europe 2005-2009»

(2006/C 185/01)

Le 7 juin 2005, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 28 mars 2006 (rapporteur: A. PEZZINI).

Lors de sa 426e session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 117 voix pour et 4 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Dans son précédent avis (1) sur les nanosciences et les nanotechnologies, le CESE avait jugé utile d'introduire le texte par une définition succincte des termes les plus courants, notamment compte tenu du fait qu'il s'agit d'un thème dont certains aspects sont nouveaux et la terminologie souvent méconnue ou, en tout cas, peu usitée. Aussi le CESE considère-t-il qu'il est opportun de reproduire ci-après ces définitions.

1.1.1

Par ailleurs, dans la mesure où, outre le sixième programme-cadre, de nombreux programmes européens lancés au début des années 2000 sont toujours en vigueur en 2006, le CESE a mentionné, dans les notes de bas de page, les principaux programmes ayant une incidence sur les N&N, en particulier ceux qui revêtent une importance spécifique pour les nouveaux États membres, qui n'ont pas eu l'occasion d'assister à leur lancement ni au débat mené sur leurs objectifs avant 2004.

1.2   Définitions (2)

1.2.1

Nano: désigne un milliardième d'unité. En l'occurrence, étant donné qu'il est question de dimensions, le préfixe «nano» désigne un milliardième de mètre.

1.2.2

Micro: désigne un millionième d'unité. En l'occurrence, un millionième de mètre.

1.2.3

Nanosciences: les nanosciences sont une nouvelle approche des sciences traditionnelles (chimie, physique, biologie, électronique, etc.) en ce qui concerne la structure fondamentale et le comportement de la matière au niveau des atomes et des molécules. En fait, ce sont les sciences qui étudient le potentiel des atomes dans les différentes disciplines (3).

1.2.4

Nanotechnologies: il s'agit des technologies qui permettent de manipuler les atomes et les molécules de manière à créer de nouvelles surfaces et de nouveaux objets qui, grâce à la composition différente et à la nouvelle disposition des atomes, présentent des caractéristiques spécifiques, pouvant être utilisées dans la vie quotidienne (4). Ce sont donc les technologies liées au milliardième de mètre.

1.2.5

Outre la définition susmentionnée, il est bon d'en donner une deuxième, plus significative d'un point de vue scientifique: le terme nanotechnologie désigne une approche multidisciplinaire de la création de matériaux, de dispositifs et de systèmes, en maîtrisant la matière à l'échelle nanométrique. Compte tenu de cette approche multidisciplinaire, une vaste base de connaissances en électronique, physique et chimie est requise pour qualifier les nanotechnologies.

1.2.6

Nanomécanique: les dimensions d'un objet commencent à présenter de l'importance lorsqu'il faut en déterminer les propriétés si l'échelle de dimension varie entre un et quelques dizaines de nanomètres (il s'agit d'objets composés de quelques dizaines à quelques milliers d'atomes). Dans cet ordre de dimensions, un objet composé de cent atomes de fer présente des propriétés physiques et chimiques radicalement différentes d'un autre objet composé de deux cents atomes, même s'ils sont tous deux fabriqués avec les mêmes atomes. De même, les propriétés mécaniques et électromagnétiques d'un solide constitué de nanoparticules sont radicalement différentes de celles d'un solide traditionnel de même composition chimique et présentent les propriétés des différentes unités qui le composent.

1.2.7

Microélectronique: branche de l'électronique qui s'occupe du développement de circuits intégrés, réalisés sur une seule partie de semiconducteur, de dimensions très réduites. À l'heure actuelle, la microélectronique est en mesure de réaliser différents composants d'environ 0,1 micromètre, soit 100 nanomètres (5).

1.2.8

Nanoélectronique: science qui s'occupe de l'étude et de la production de circuits qui sont réalisés au moyen de technologies et de matériaux autres que le silicium et qui fonctionnent selon des principes fondamentalement différents des principes actuels (6).

1.2.9

La nanoélectronique est en passe de devenir l'un des points phares des nanotechnologies, de la même manière que l'électronique se retrouve actuellement dans tous les secteurs scientifiques et dans tous les processus industriels (7).

1.2.10

Biomimétique: (8) science qui étudie les lois sur lesquelles reposent les assemblages moléculaires qui existent dans la nature. La connaissance de ces lois permettra de créer des nanomoteurs artificiels, basés sur les mêmes principes que ceux qui existent dans la nature (9).

1.3   Conclusions et recommandations

1.3.1

Le Comité se félicite des propositions présentées par la Commission visant à réaliser, d'ici à 2009, un plan d'action en matière de N&N, surtout compte tenu des éléments suivants:

la nécessité de respecter un développement durable, compétitif et stable,

l'accélération sensible, au niveau mondial, des investissements en R&D dans la dimension nanométrique,

la nécessité d'analyser les risques et avantages liés à l'approche nanométrique et l'urgence de disposer d'une vision commune et largement partagée tant par les décideurs politiques et institutionnels que par les partenaires sociaux ainsi que par l'opinion publique et les médias et ce, afin d'assurer le succès des N&N, compte tenu de leur utilité pour la santé, la sécurité et la qualité de vie des citoyens;

la demande en matière d'équipements et d'infrastructures de haut niveau, de réseaux européens intégrés et de bases de données communes;

la nécessité de former des personnels qualifiés dans les domaines scientifique, technique et de la production, ainsi que des cadres industriels familiarisés au monde des nanosciences et des nanotechnologies;

l'opportunité de mettre en place un pôle européen de promotion et de coordination (Focal point) qui joue le rôle d'interlocuteur stable et proactif, principalement entre le monde scientifique et celui de l'industrie, tant au niveau de l'Union qu'au niveau international, et qui soit assorti d'un bureau opérationnel.

1.3.1.1

Les effectifs de ce pôle devront disposer de compétences scientifiques et de gestion solides et avérées et être particulièrement réceptifs au contexte général dans lequel se développent les N&N.

1.3.1.2

Dans le secteur des N&N également, «les activités de recherche et de développement financées par la Communauté européenne apportent une forte valeur ajoutée européenne. Elles ouvrent des perspectives dépassant largement les capacités de certains États membres et ont déjà donné lieu à des développements européens de portée mondiale» (10). Il est donc important de disposer d'un pôle communautaire qui gère ce secteur et dont les responsabilités soient clairement identifiées.

1.3.2

Face à la révolution que représentent les N&N, le Comité est convaincu que ce sont ses capacités à coordonner et à instaurer une masse critique européenne de nanotechnologie sur des bases sûres qui permettront à l'Europe d'être à l'avant-garde, à un moment où de nouveaux acteurs ne cessent d'arriver sur le marché mondial en faisant preuve d'une certaine agressivité commerciale.

1.3.3

Pour le Comité, il est impératif que l'Union européenne réussisse à élaborer un plan d'action pour les N&N qui donne une impulsion unitaire en termes de gouvernance et sache intégrer les niveaux communautaire, national et régional, dans le respect du principe de subsidiarité. Ce plan doit plus particulièrement garantir les éléments suivants:

un dialogue visible et transparent avec la société civile, afin de la sensibiliser aux N&N, sur la base d'une évaluation objective des risques et des chances que celles-ci représentent,

la prise en compte constante des aspects éthiques et environnementaux ainsi que des aspects qui ont trait à la santé et à la sécurité des travailleurs et des consommateurs,

un pôle communautaire de référence clair, qui soit en mesure de coordonner étroitement les différentes politiques et les différents niveaux d'action,

la promotion, par une seule voix au niveau international, de déclarations communes et de codes de conduite dans le but de garantir l'utilisation responsable des N&N, d'assurer la coopération au niveau de la recherche scientifique fondamentale,

la lutte contre le «nano-divide» (exclusion du développement des connaissances N&N) et ce, en coopération avec les pays moins développés,

la certitude normative et réglementaire des efforts en matière de recherche, d'application et d'innovation sur le marché des N&N,

un calendrier et un échéancier des actions envisagées, tant au niveau communautaire que des États membres, assortis de mécanismes de contrôle de leur mise en œuvre et d'une attribution claire des responsabilités.

1.3.4

Le Comité demande que le Plan d'action communautaire soit accompagné de Plans d'action nationaux qui permettent la coordination et l'évaluation constante des convergences et des synergies dans les différents secteurs, à savoir les infrastructures, la formation et l'éducation, l'évaluation des risques, la formation en matière de protection de la sécurité sur le lieu de travail, la normalisation juridique et des brevets ainsi que le dialogue avec la société civile et en particulier les consommateurs.

1.3.5

Le Comité considère que l'industrie européenne devrait multiplier et accélérer les efforts en matière de recherche et d'application des N&N et consentir dans ce secteur des investissements au moins égaux à ceux de ses concurrents les plus avancés. À cette fin, elle pourrait notamment développer des plates-formes technologiques européennes, favoriser la protection et la mise en valeur des N&N au plan industriel, encourager les formations axées sur les petites entreprises, développer des réseaux européens pour l'innovation et la mise en œuvre des N&N, appuyer la qualification multidisciplinaire des travailleurs et des cadres techniques, développer les «nanotechnologies d'entreprise» et des laboratoires pour la mise au point des prototypes et la certification et créer un cadre commun pour la normalisation technique ainsi que la propriété intellectuelle et industrielle.

1.3.6

De l'avis du Comité, le rapport bisannuel sur le contrôle et la surveillance de la mise en œuvre du Plan d'action communautaire et de sa cohérence avec les autres politiques de l'UE devrait être accompagné d'une évaluation annuelle relative au respect du calendrier adopté et être complété par les rapports des États membres sur la mise en œuvre des Plans d'action nationaux.

1.3.7

Il conviendrait de présenter ce rapport non seulement au PE et au Conseil, mais également au Comité économique et social européen.

2.   Motivation

2.1

Les nanosciences et les nanotechnologies (N&N) sont un secteur en forte croissance et très prometteur du point de vue de la transformation de la recherche fondamentale en innovations porteuses. Il joue un rôle considérable, que ce soit pour renforcer la compétitivité de l'industrie européenne dans son ensemble ou pour créer de nouveaux produits et services permettant d'améliorer le bien-être et la qualité de vie des citoyens et de la société.

2.2

Il est désormais communément admis par les analystes que, d'ici à 2015, les matériaux, produits et services basés sur les N&N pourront générer un marché global représentant des centaines de milliards d'euros par an (11), à condition toutefois que l'on parvienne à convertir l'excellence scientifique en produits, processus et services commercialisables et à éviter, comme le souligne la Commission (12), de répéter «le paradoxe européen déjà vécu avec d'autres technologies».

2.3

De l'avis du Comité, il convient à cette fin:

de renforcer et de coordonner les efforts de recherche et de développement en accroissant les investissements dans ce secteur,

de mettre en place des infrastructures ad hoc de haut niveau,

d'évaluer soigneusement les risques tout au long du processus scientifique et d'application,

de veiller au strict respect des principes éthiques,

de ménager un contexte pro-actif et favorable à l'innovation dans l'ensemble du tissu économique de la production, en particulier les petites et moyennes entreprises,

de former des personnels qualifiés,

d'adapter le régime normatif et des brevets,

de favoriser les partenariats entre organismes publics et privés.

2.4

Le Comité s'est déjà prononcé sur le thème à l'examen (13), et a notamment formulé les recommandations suivantes:

développer des efforts conjoints au niveau communautaire et national en matière de R&DT ainsi que de formation scientifique et technologique grâce à d'importantes interactions entre l'industrie et le monde universitaire, accorder une attention particulière aux applications industrielles et multisectorielles, assurer une coordination renforcée des politiques, structures et réseaux d'intervenants, respecter les aspects éthiques, environnementaux, de santé et de sécurité et définir des normes techniques adaptées,

établir un lien étroit entre les N&N et la société, pour que les résultats de la recherche aient un impact positif sur la compétitivité de l'économie, la santé humaine, l'environnement, la sécurité et la qualité de vie des citoyens,

octroyer un financement adéquat dans le cadre des perspectives financières 2007-2013 et en particulier du 7ème programme-cadre de recherche et de développement technologique, et renforcer les plates-formes technologiques européennes,

adopter un plan d'action communautaire ambitieux, assorti d'une feuille de route et d'un calendrier précis, fondé sur une approche intégrée avec celle des États membres, afin de recueillir le consensus de tous les acteurs de la société civile et de les rallier autour d'une vision commune,

réaliser des infrastructures européennes de haut niveau pour la recherche et le transfert des technologies, axées sur l'innovation et le marché,

optimiser les régimes de propriété intellectuelle et créer, à l'échelon européen, un «service d'assistance relatif aux droits de propriété intellectuelle» pour répondre aux besoins des chercheurs, des entreprises, des centres de recherche et surtout de la société civile,

renforcer la coopération internationale concernant les aspects éthiques et les risques, la sécurité et les normes, les brevets et la métrologie,

prendre des mesures destinées à développer des processus industriels dans le secteur des N&N et des actions de sensibilisation à l'utilisation de celles-ci, et créer un Centre d'échange européen pour faciliter la commercialisation des produits, le transfert des technologies et l'échange des meilleures pratiques,

instaurer, avec les médias et l'opinion publique, un dialogue régulier et reposant sur la diffusion des connaissances scientifique, afin de rassurer les citoyens sur le contrôle des risques éventuels pour la santé et l'environnement et d'éviter toute perception erronée des développements nanotechnologiques.

2.5   Les N&N dans les nouveaux États membres

2.5.1

Au cours des cinq dernières années, la Commission européenne a octroyé des aides communautaires au soutien d'environ 30 centres d'excellence en relation avec les différentes priorités thématiques du programme-cadre de recherche communautaire. Un grand nombre de ces centres, qui sont actifs dans le développement des N&N (14), sont liés à des universités, des centres de recherche et des entreprises des nouveaux États membres.

2.5.2

Le Comité considère qu'il est important que, dans le cadre de ses activités, le Centre commun de recherche européen continue à soutenir et à stimuler les centres d'excellence des nouveaux États membres et des pays candidats, en particulier dans le secteur des N&N, et que ce thème soit explicitement intégré dans son programme de travail.

2.5.3

De l'avis du Comité, la Commission devrait également encourager le développement de réseaux européens pour l'innovation, l'application et la mise au point de prototypes de N&N, surtout en ce qui concerne les petites entreprises, qui composent la très grande majorité du tissu industriel de l'Europe.

2.5.4

En particulier, il conviendrait de prévoir des paquets de services spécifiques afin d'aider les entrepreneurs à identifier les opportunités et les limites des N&N, et multiplier les initiatives réussies telles que «Gate2Growth» (15) et «Minanet» (16). Aussi est-il nécessaire d'identifier de nouvelles sources et modalités de financement des risques, ainsi que des systèmes de garanties en complément des systèmes existants.

2.5.5

Le Comité considère que l'initiative communautaire PHANTOMS, un réseau d'excellence sur les nanotechnologies lancé dans le cadre du programme communautaire IST-FET pour les technologies de la société de l'information, mériterait d'être développée ultérieurement et dotée d'une meilleure visibilité.

2.5.6

S'agissant plus particulièrement de la nécessité de stimuler davantage les activités de recherche et d'innovation des nouveaux États membres et des pays candidats, le CESE estime en outre qu'il faudrait faciliter les synergies avec les initiatives EUREKA et COST, dans le cadre desquelles un grand nombre de ces pays mènent déjà des activités de N&N.

2.6   Le cadre international

2.6.1

Selon des estimations du mois de janvier 2005, le montant total des dépenses consenties à l'échelle mondiale par les gouvernements, les entreprises et le monde de la finance en faveur de la recherche et du développement des N&N est d'environ 7 milliards d'euros par an (17), plus de la moitié de ces dépenses étant effectuées par le secteur public. 35 % de ces dépenses sont réalisées en Amérique du Nord, 35 % en Asie, 28 % en Europe et 2 % dans le reste du monde.

2.6.1.1

Si, à la fin des années quatre-vingt-dix, les différences en matière d'investissements publics calculés par habitant étaient très faibles (environ 1 euro aux États-Unis et au Japon et la moitié de cette somme seulement dans l'UE), en 2005, les États-Unis ont dépensé 5 euros par habitant, le Japon 6,5 euros et l'UE 3,5 euros. Selon les prévisions, en 2010 les dépenses se monteront à plus de 9 euros par habitant aux États-Unis et au Japon contre 6,5 euros dans l'UE (18).

2.6.2

Les dépenses du secteur industriel au niveau mondial se montent à plus de 3 milliards d'euros par an. 46 % de ces dépenses sont effectuées par des entreprises américaines, 36 % par des entreprises asiatiques, 17 % par des entreprises européennes et moins de 1 % par des entreprises du reste du monde. Quelque 1.500 entreprises ont indiqué qu'elles investissaient des sommes importantes dans la recherche et le développement des N&N. 80 % de ces entreprises sont de jeunes entreprises innovantes, nordaméricaines pour plus de la moitié. S'agissant de la couverture médiatique des nanotechnologies, on est passé d'environ 7.000 articles par an à 12.000 à l'heure actuelle (19).

2.6.3

En l'espace de cinq ans, soit de la fin de l'année 2000 à aujourd'hui, le Gouvernement fédéral des États-Unis a investi plus de 4 milliards de dollars dans les nanotechnologies. Pour la seule année 2006, l'administration Bush a réclamé 1 milliard de dollars pour la recherche en N&N dans les onze Agences fédérales de recherche. Comme il ressort du rapport 2005 «5-Years Assessment on Nanotechnology Initiative», les États-Unis sont reconnus comme le leader mondial en matière de recherche et développement dans le secteur des nanotechnologies, dans la mesure où ils y investissent chaque année, secteurs public et privé confondus, 3 milliards de dollars, montant qui correspond à plus ou moins un tiers des investissements mondiaux.

2.6.3.1

Les États-Unis occupent la première place également en ce qui concerne le nombre de jeunes entreprises innovantes, de publications et de brevets. Au niveau fédéral, on considère que les dépenses consacrées aux nouvelles connaissances et aux infrastructures en matière de N&N «ont été appropriées et importantes, de manière à assurer, sur le long terme, une rentabilité économique substantielle».

2.6.4

Au Japon, les dépenses annuelles se sont montées à quelque 630 millions d'euros pour l'année 2003. 73 % de ces dépenses ont été effectuées par le Ministère de l'éducation et 21 % par le Ministère de l'économie, du commerce et de l'industrie. La recherche se concentre principalement sur les nanomatériaux. En termes de capital-risque, la Mitsui a décidé d'investir pratiquement 700 millions d'euros dans les nanotechnologies au cours des quatre prochaines années et le Fonds pour les technologies critiques consacrera 30 millions d'euros à la recherche N&N (20).

2.6.5

Toujours en Asie, Taïwan, où 800 entreprises sont actives dans le secteur des nanotechnologies, prévoit d'investir plus de 600 millions d'euros d'ici à 2008. L'objectif est d'atteindre, en 2006, un chiffre de pratiquement 7,5 milliards d'euros en termes de produits, de porter le nombre d'entreprises à 1.500 et de porter le marché des nouveaux produits à 25 milliards d'euros en 2012, en particulier dans différents secteurs de la nanoélectronique.

2.6.5.1

Pour réaliser cette expansion, il est indispensable de résoudre les problèmes de propriété intellectuelle et industrielle.

2.6.6

S'agissant de la Corée du Sud, elle est l'un des premiers pays dont les entreprises ont commercialisé avec succès des produits basés sur les N&N (21). La Corée du Sud, dont le marché national potentiel pour les nanotechnologies est estimé à quelque 2 milliards d'euros, a élaboré un programme pour les N&N, le «Next Generation Core Development programme», qui dispose d'une enveloppe budgétaire de 168 millions d'euros et dont les priorités sont notamment les nanomatériaux, les nanocomposants et les bionanotechnologies.

2.6.7

En Australie, plus de 30 entreprises N&N ont été créées au cours des dernières années et leur nombre croît de 50 % par an. Les investissements publics et privés dans la recherche N&N se montent à environ 60 millions d'euros par an et se concentrent principalement sur les nouveaux matériaux ainsi que sur les bionanotechnologies et leurs applications médicales et thérapeutiques.

2.6.8

Quant à la Chine, une étude publiée récemment à Pékin sur le développement des nanotechnologies dans ce pays pour la période de 2005 à 2010 et comportant des prévisions jusqu'en 2015 (22) révèle que la Chine est l'un des leaders mondiaux en termes d'enregistrement de nouvelles entreprises nanotechnologiques, de publications et de brevets relatifs aux N&N, et que son marché national de produits et systèmes N&N, dont la valeur est déjà estimée à plus de 4 milliards d'euros, va encore croître, pour dépasser les 27 milliards d'euros en 2010 et les 120 milliards en 2015 (23).

2.6.9

Le CESE considère que le contexte international montre bien à quel point il est important de garantir un environnement proactif favorable à la recherche et à l'innovation dans tous les États membres de l'UE si l'on veut prendre part avec succès aux investissements de recherche et de développement dans ce secteur.

3.   Observations

3.1

Le Comité a toujours plaidé pour le renforcement des efforts développés dans le but d'accroître en termes absolus et relatifs les investissements européens en R&D afin d'atteindre l'objectif des 3 % fixé à Barcelone. Au vu des tendances internationales, il considère que ces efforts sont avant tout nécessaires dans le secteur des N&N.

3.1.1

Le Comité est d'avis que ces efforts seraient moins efficaces s'ils ne s'inscrivaient pas dans un processus de coordination étroite, à l'échelle européenne, des programmes de recherche nationaux et régionaux en matière de N&N, notamment à l'aide des systèmes ERA-NET et ERA-NET PLUS (24). Ces efforts devraient être assortis d'actions de sensibilisation visant à soutenir les centres de recherche, industries et universités au moyen des programmes COST (25), FES (26), EUREKA (27) et des prêts de la BEI.

3.1.2

Le Comité considère que cette coordination européenne et la coopération devraient également concerner les actions déployées par les États membres pour développer des infrastructures interdisciplinaires et des pôles de compétences et d'excellence dans le secteur des N&N, notamment dans le but de créer un réseau paneuropéen qui améliore les synergies et permette d'éviter d'inutiles doubles emplois.

3.2   Au niveau communautaire

3.2.1

Le Comité est convaincu que pour être opérationnel et crédible, le Plan d'action communautaire proposé doit être assorti d'un calendrier et d'un échéancier qui rendent plus contraignants et vérifiables les progrès effectués concernant les domaines suivants:

l'augmentation des investissements en recherche, innovation et formation dans le secteur des N&N, tant au niveau communautaire que des États membres et de leurs régions, tout en veillant à assurer une coordination étroite à l'échelle européenne de la part de la Commission européenne, ainsi qu'un engagement accru du secteur industriel,

la création, au sein du septième programme-cadre, d'un pôle européen de coordination (focal point) qui joue le rôle d'interlocuteur stable et proactif au sein de l'Union comme au niveau de la coopération et du dialogue internationaux, avec un Centre européen «Nano-Janus» (28) doté de ressources adéquates,

la formation de personnels qualifiés ayant un profil multidisciplinaire dans le domaine scientifique, technique et de la production, ainsi que l'augmentation du nombre de cadres industriels sensibilisés à l'approche N&N,

l'acceptation et le succès des nanosciences et des nanotechnologies grâce à un dialogue visible et transparent avec la société civile, non seulement en raison de la contribution qu'elles apportent à la compétitivité européenne, mais aussi compte tenu de leur utilité pour la santé, la sécurité et la qualité de vie des citoyens,

la création, dès la conception des projets et de leurs applications, de mécanismes d'évaluation des risques toxicologiques et écotoxicologiques ainsi que des outils de formation adéquats pour lutter contre ceux-ci,

la soumission des propositions en matière de recherche et de financement public à un dispositif de surveillance éthique, à l'instar de ce qui est prévu pour le programme-cadre, dans le but de recenser systématiquement toutes les questions éthiques susceptibles de se poser en liaison avec les N&N,

la réalisation d'un juste équilibre entre les impératifs de développement social, de vulgarisation scientifique et de protection de la santé et de l'environnement d'une part, et les exigences en matière de propriété intellectuelle et industrielle d'autre part,

3.2.2

Le Comité est partisan d'une augmentation substantielle des investissements dans la recherche, l'innovation et la formation dans le secteur des N&N au niveau communautaire, parallèlement et en étroite coordination avec leur augmentation dans les États membres et leurs régions.

3.2.2.1

À cet égard, le Comité souligne que, contrairement à ce qui se produit dans d'autres secteurs de la recherche, le volume des ressources financières communautaires consacrées aux N&N est équivalent à celui des États membres (alors que pour la recherche en général, les fonds communautaires représentent 4 à 5 % des dépenses globales européennes et ceux provenant des États membres 87 %).

3.2.3

Selon le Comité, l'enveloppe budgétaire consacrée par le 7ème programme-cadre 2007-2013 à la priorité thématique liée aux N&N devrait représenter au moins 10 % des ressources octroyées au programme spécifique «Coopération».

3.2.3.1

Le programme «Capacités» devrait permettre aux PME de donner la place qui leur revient à la recherche et à l'innovation dans le secteur des N&N, en particulier en ce qui concerne les districts nanotechnologiques, les infrastructures d'excellence et la prévision en matière de N&N.

3.2.3.2

Le programme «Personnel» devrait accorder une attention suffisante à la formation et à la mobilité des chercheurs dans le domaine des N&N. Il en va de même en ce qui concerne les activités du Centre commun de recherche en matière de sécurité et de métronomie ainsi que les prospectives technologiques.

3.2.4

Par ailleurs, à partir de 2007, bien qu'il dispose d'une enveloppe limitée, une partie des interventions du programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité devrait pouvoir être consacrée à la mise en place d'une culture d'entreprise orientée vers les applications organisationnelles de la recherche sur les N&N.

3.2.5

Le Comité soutient fermement la création de plates-formes technologiques européennes, inspirées de celles qui existent dans le secteur de la nanoéelectronique ou la nanomédecine. Ces plates-formes sont en effet des instruments particulièrement adaptés pour promouvoir, sur la base d'une vision commune de prévision participative, l'implication de tous les acteurs publics et privés des différents secteurs (scientifique, technologique, industrie, financier) dans des projets et initiatives communautaires, nationaux/régionaux ou mixtes.

3.2.6

Le Comité estime qu'il est fondamental d'investir dans des formations et enseignements avancés. Les nouveaux programmes communautaires pour l'après 2006 devraient expressément prendre en compte des lignes d'action prévoyant un soutien multidisciplinaire aux N&N.

3.2.7

De son côté, la Commission devrait faciliter l'exploitation industrielle en mettant en place, d'ici à 2007 dans le cadre du programme de travail N&N du septième programme-cadre:

un «service d'assistance relatif aux droits de propriété intellectuelle», comme le CESE l'a proposé dans son précédent avis sur les N&N,

un centre européen pour l'échange des meilleures pratiques et le contrôle des brevets et nouvelles applications sur le marché mondial,

une bibliothèque numérique, comme le propose la communication à l'examen,

des appels d'offres CEN-STAR (29) sur des projets de recherche technique prénormative et conormative,

des actions pilotes de démonstration, en vue de l'application industrielle des N&N.

3.2.8

Dès à présent, la Commission devrait renforcer le dispositif de surveillance éthique, pour assurer systématiquement le recensement de toutes les questions éthiques susceptibles de se poser en liaison avec les N&N, surtout dans les secteurs de la médecine, de l'agroalimentaire et de la cosmétologie.

3.3   Au niveau des États membres

3.3.1

Le Comité insiste sur l'importance d'élaborer, aux côtés du Plan d'action communautaire, des Plans d'actions nationaux qui devraient être présentés au Parlement européen, au Conseil et à la Commission avant la fin du premier semestre 2006, dans le but de garantir des convergences et des synergies en matière d'infrastructures, de formation et d'éducation, ainsi que dans le domaine de la normalisation et des brevets, de l'évaluation des risques, et enfin, du dialogue avec la société civile, les consommateurs et les médias.

3.3.2

De l'avis du Comité, les États membres devraient réserver aux N&N une part plus importante des investissements publics et privés dont ils disposent et présenter régulièrement des rapports au Parlement européen et au Conseil sur les progrès accomplis concernant les investissements et la réalisation de leurs Plans nationaux.

3.3.3

Ces rapports devraient être intégrés dans le Rapport bisannuel de la Communauté, en particulier en ce qui concerne les éléments suivants:

la création d'un cadre normatif et législatif favorable au nouveau cycle industriel d'application des N&N, aux nouveaux concepts d'entreprise, aux nouvelles qualifications et exigences de formation des entrepreneurs, travailleurs et techniciens, aux normes, à la certification des produits et, enfin, au respect des questions éthiques et de la transparence, surtout en ce qui concerne la formation médico-scientifique, l'accessibilité et l'égalité des chances;

l'encouragement, au niveau régional, des applications innovantes dans le secteur des N&N, grâce au développement de réseaux de laboratoires pour la mise au point des prototypes, la certification et l'évaluation des risques accessibles à toutes les entreprises, ainsi qu'aux institutions, universités et centres de recherche. À cette fin, il y a lieu de prendre des mesures financières ciblées sur les jeunes entreprises innovantes et le capital risque, en particulier dans les régions éligibles au Fonds de cohésion, et de développer des pôles d'information visibles pour le public sur les risques et les chances que présentent les N&N;

le lancement d'actions visant à éviter les clivages dans le secteur des technologies N&N (nano-divide), en particulier dans les régions éligibles aux Fonds structurels et de cohésion et dans les régions insulaires et périphériques, tout en veillant à prévoir également des mesures destinées à éviter que les pays tiers moins développés soient exclus du développement N&N.

3.3.4

Le Comité estime que les États membres doivent veiller à préserver un juste équilibre entre, d'une part, les impératifs de coopération, de vulgarisation scientifique et des applications, dans un souci de protection de la santé et de l'environnement et, d'autre part, la nécessité de protéger le secret des inventions ainsi que la propriété intellectuelle et industrielle.

3.3.5

Le Comité considère que ce domaine illustre lui aussi les inconvénients que présente l'absence de brevet communautaire et d'un droit communautaire uniforme des brevets, et ce s'agissant notamment tant de la question de savoir ce qui est brevetable dans les États membres en termes d'inventions dans le domaine des bionanotechnologies, que de l'accès aisé des parties intéressées aux informations relatives aux nouvelles inventions et aux nouveaux brevets.

3.4   Au niveau international

3.4.1

Le Comité souscrit pleinement aux orientations proposées par le plan d'action pour le développement d'une coopération et d'un dialogue structurés au niveau international. Il suggère cependant de les compléter par les propositions suivantes:

Organiser régulièrement, sous l'égide de l'UE, des Forums internationaux de façon à multiplier les occasions de dialogue, d'échange de vues et de communication dans le but de renforcer la «communauté scientifique, industrielle et universitaire internationale»,

développer des leaderships européens pour promouvoir des initiatives en matière de déclarations communes et de codes de conduite en vue du développement et de l'utilisation responsable des N&N,

réaliser d'ici à 2008 une base de données électronique communautaire des publications scientifiques et techniques sur les N&N produites dans le monde,

intégrer, dans le cadre de la politique européenne de coopération au développement, des mesures destinées à renforcer les capacités des partenaires des pays en développement, ainsi que des actions visant à former du personnel scientifique et à sensibiliser les pouvoirs locaux aux technologies N&N et ce, dans le but d'éviter le «N&N-divide» (exclusion du développement des connaissances N&N),

réaliser, dans le secteur des N&N, des synergies conviviales pour les utilisateurs par le biais d'initiatives européennes (p. ex. EUREKA), et internationales (p.ex. Human Frontiers).

3.5   Au niveau de l'entreprise, du travail et de la société civile

3.5.1

De l'avis du Comité, les entreprises, et en particulier les PME, peuvent tirer un parti important des activités de recherche N&N et de leur diffusion directe au transfert de technologies, surtout grâce à l'intégration et à l'utilisation de technologies efficaces sur le plan énergétique et environnemental, de nanotechnologies informatiques, de nouveaux matériaux appliqués aux procédés, produits et services, ainsi que de technologies convergentes sur les plans nanotechnique, biologique et informatique.

3.5.2

Le Comité considère que l'industrie européenne devrait multiplier et accélérer les efforts dans le domaine de la recherche et de l'application des N&N, et investir au moins l'équivalent de ses concurrents les plus avancés. Ces efforts devraient être fortement encouragés par l'élaboration d'un cadre normatif et législatif favorable, tant au niveau communautaire qu'au niveau national/régional.

3.5.3

Le Comité est convaincu que cette approche, qui prévoit une forte participation des entreprises, est essentielle pour la recherche et le développement et pour la mise en oeuvre des N&N, à condition que des mesures de soutien soient adoptées aux niveaux européen, national et régional, et surtout, au niveau conjoint, dont les objectifs sont les suivants:

assurer une information transparente, simple et claire sur les résultats de la recherche nanotechnologique applicables de manière permanente et sûre pour les travailleurs, les experts, les consommateurs, l'environnement et la santé. Ces résultats doivent être garantis par des certifications pleinement acceptables sur le plan social et au regard du marché;

élaborer des actions de formation ciblées sur les problèmes rencontrés par les entreprises, principalement les petites, en vue d'une adoption et d'une utilisation consciente et responsable des N&N, qui réponde aux exigences des nouveaux processus de production dans le cadre desquelles elles sont appliquées (30);

soutenir des actions de formation et de perfectionnement multidisciplinaire du personnel technique et scientifique ayant trait à la nouvelle conception et organisation de l'entreprise qui applique de nouveaux processus de production nanotechnologiques et propose des services connexes dans les différents secteurs, ainsi qu'aux précautions qui s'imposent pour écarter les risques toxicologiques et écotoxicologiques,

identifier, sur la base de critères clairs et prédéfinis, les opportunités et limites de la propriété industrielle et intellectuelle afin d'assurer un bon équilibre entre coopération et concurrence, secret de production et diffusion des progrès en matière de N&N, publication et libre-circulation des nouvelles connaissances au sein de la communauté scientifique européenne et internationale et protection des droits de propriété intellectuelle,

faciliter l'accès des entreprises, surtout les petites entreprises ou celles qui sont implantées dans des régions insulaires et périphériques, aux instituts du CCR (31), aux laboratoires chargés de l'élaboration de prototypes, ainsi qu'aux infrastructures de certification, de mesure et d'essais. Il est également important de garantir l'accès à des organismes nationaux et européens de normalisation technique renforcés en vue de l'élaboration de normes internationalement reconnues et acceptées;

améliorer, dans le cadre de la BEI, du FEI, du CIP (32) et des fonds structurels communautaires, l'accès des entreprises, en particulier les PME, à des actions en matière de soutien financier, de capital pour jeunes entreprises innovantes et de capital-risque ainsi qu'à des actions de promotion des activités d'essaimage du monde académique, en vue de créer de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois dans le secteur des N&N ainsi que des réseaux d'achat, de production et de distribution des services de N&N,

développer les relations entre universités, centres de recherches et entreprises, en particulier les PME, en créant des centres de compétences gérés de manière conjointe, pour les différents secteurs d'application, en intégrant des experts en nanotechnologies dans les entreprises, et en organisant des cours de formation au moyen des nouvelles actions prévues par le programme Marie Curie.

3.5.4

Le Comité souligne que, surtout dans le secteur des N&N, les travailleurs et cadres techniques et scientifiques représentent, et doivent continuer à représenter, l'atout majeur des entreprises européennes socialement responsables.

3.5.4.1

À cet égard, le Comité met l'accent sur l'importance que revêtent les mesures visant à assurer un environnement et des processus de production sûrs ainsi que les actions destinées à offrir une formation adéquate aux personnels, en particulier en matière de diagnostic et de thérapie médicale, l'accent étant plus particulièrement mis sur la prévention et l'évaluation ex ante des risques toxicologiques et écotoxicologiques. Ceci pourra être réalisé au moyen de codes de conduite techniques confirmés au niveau européen.

3.5.4.2

L'impact sur les travailleurs de la nouvelle organisation du travail requise pour appliquer les N&N aux activités de production, ainsi que l'impact des exigences relatives à leur formation, leur sécurité et la protection de leur santé devraient faire l'objet d'évaluations détaillées et d'études de la part de la Fondation européenne de Dublin pour les conditions de vie et de travail.

3.5.5

Le dialogue européen mené sur les N&N avec toutes les parties intéressées devrait être achevé d'ici à 2007 grâce à la mise en place d'un organe ou d'un forum consultatif qui devrait avoir la visibilité et la transparence requises pour jouer le rôle d'interlocuteur compétent et reconnu vis-à-vis des médias et de la société civile.

3.5.6

Les initiatives pilotes efficaces en matière de sensibilisation des citoyens devraient être consolidées d'ici à 2007 et visibles dès la connexion au portail «Europa». Leur promotion devrait être assurée auprès des autres institutions, en particulier le PE et le Conseil CREST. Une résonance internationale devrait également leur être assurée avec la mise en place, en 2008, du «Prix interdisciplinaire N&N» qui sera remis à l'occasion de la «semaine européenne des N&N».

3.5.7

D'ici à 2007, la Commission devrait établir des méthodologies confirmées en matière d'identification des risques d'application et/ou d'utilisation des N&N et proposer, d'ici au premier semestre 2008, des lignes directrices européennes en la matière.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO C 157, du 28.06.2005.

(2)  Ibidem.

(3)  Interview du Commissaire BUSQUIN (synthèse dans le document IP/04/820 du 29 juin 2004).

(4)  Cf. note 2.

(5)  Centre de micro et de nanoélectronique de l'Institut polytechnique de Milan, Prof. Alessandro Spinelli.

(6)  Ibidem.

(7)  Les investissements en nanoélectronique représentent actuellement 6 milliards d'euros, ventilés comme suit: 1/3 pour les nano et micro, 1/3 pour le diagnostic et 1/3 pour les matériaux (source: Commission européenne, DG «Recherche»).

(8)  Du grec mimesis, imiter la nature.

(9)  Par exemple, le mouvement autonome des spermatozoïdes.

(10)  JO C 65, du 17.03.2006.

(11)  Cf. «Nanotechnologies and nanosciences, knowledge-based multifuntional materials & new production processes and devices» présenté lors de «l'Euronanoforum» à Edimbourg en septembre 2005.

(12)  COM(2005) 243 final et COM(2005) 24 final.

(13)  JO C 157 du 28.6.2005.

(14)  Parmi les principaux centres d'excellences, citons les suivants: le Centre de recherche moléculaire DESMOL, le Centre haute pression et le Centre CELDIS de l'Institut de physique de l'Académie polonaise des sciences; le Centre de recherche KFKI-CMRC et l'institut de recherche de l'état solide, de physique et d'optique de l'Académie hongroise des sciences; le Centre de recherche et de technologie des matériaux avancés (CAMART) de l'Institut de physique à l'état solide de l'Université de Lettonie.

(15)  L'initiative communautaire Gate2Growth offre une série de services et de réseaux afin de rendre l'accès aux investissements plus rapide et moins cher pour de nouvelles entreprises innovantes grâce à des réseaux thématiques paneuropéens d'investisseurs et d'intermédiaires, comme le réseau I-TecNet.

(16)  Minanet est une base de données accessible en ligne sur des projets de recherche européens dans le secteur des microsystèmes et des nanotechnologies. Elle comporte des projets N&N développés en République tchèque, en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie, en Bulgarie, en Lituanie, en Lettonie, à Chypre et en Roumanie.

(17)  Lux Research and Technology Review on Nanotechnology 2005.

(18)  Cf. http://cordis.europa.eu.int/nanotechnology; Commission européenne, DG «Recherche», Unité G4 (8.12.2005).

(19)  Lux Research and Technology Review on Nanotechnology 2005.

(20)  S'agissant des investissements privés dans les N&N, quelque 60 entreprises japonaises consacrent approximativement 170 millions d'euros par an à la R&D de nanotechnologies, montant qui a augmenté de 20 % depuis 2003.

(21)  Dès 2002, la société Samsung a lancé les puces flash (Flash Memory Chips), qui contiennent 90 éléments nanométriques.

(22)  Beijin Report 2005 on Nanotech Development to 2010-2015.

(23)  Selon le rapport susmentionné, la part de marché mondial de la Chine excédera 6 % en 2010 pour atteindre 16 % en 2015. La course aux produits finis dépendra beaucoup plus des convergences en matière d'application des nanobiotechnologies que des nanosciences, ainsi que des recherches d'application de trois grands Centres nationaux de recherche et de plus de 20 Instituts de nanotechnologies.

(24)  Espace européen de la recherche: coopération et coordination des activités nationales ou régionales liées à la recherche. Le programme ERA-NET, doté de 148 millions d'euros, prévoit des appels d'offre tous les six mois, jusqu'en 2005, pour des projets auxquels participent des organismes d'au moins trois États membres. Le programme ERA-NET Plus renforce le précédent dont il prendra la relève.

(25)  COST: Coopération européenne dans le domaine de la recherche scientifique et technique.

(26)  FES: Fondation européenne de la science.

(27)  EUREKA: Initiative européenne pour le développement des technologies de marché.

(28)  Cf. le Nanotechnology National Office, créé en 2003 aux États-Unis par la loi sur le développement des nanotechnologies.

(29)  CEN: Comité européen de normalisation. STAR: recherche sur la standardisation.

(30)  Le CESE se félicite des publications, sur support papier et CD, éditées et diffusées par la DG Innovation, ainsi que des outils pédagogiques destinés à un public concerné mais peu préparé, utilisés dans ces publications.

(31)  CCR = Centre de recherche commun.

(32)  CIP = Programme compétitivité et innovation.


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/10


Avis du Comité économique et social européen sur les

«Proposition de décision du Conseil concernant un programme spécifique à mettre en œuvre au moyen d'actions directes par le Centre commun de recherche au titre du 7e programme-cadre de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013)»

«Proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique» Coopération «mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2013) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration»

«Proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique» Idées «mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2013) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration»

«Proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique» Personnel «mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2013) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration»

«Proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique» Capacités «mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2013) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration»

«Proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique à mettre en œuvre au moyen d'actions directes par le Centre commun de recherche au titre du 7e programme-cadre (2007-2011) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche nucléaire et de formation»

«Proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique mettant en œuvre le 7e programme-cadre (2007-2011) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire»

(COM(2005) 439, 440, 441, 442, 443, 444, 445 final)

(2006/C 185/02)

Le 14 novembre 2005, le Conseil a décidé, conformément à l'article 166 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur les propositions susmentionnées.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 28 mars 2006 (rapporteur: M. WOLF et corapporteur: M. PEZZINI).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 132 voix pour et 2 voix contre.

1.   Synthèse

1.1

Les propositions de la Commission portent sur le contenu et les thèmes de recherche de ses propositions antérieures, déjà commentées par le Comité, relatives au septième programme-cadre de recherche et de développement (2007-2013) et au septième programme-cadre Euratom (2007-2011). Le présent avis du Comité vient donc compléter l'avis déjà présenté sur les deux programmes-cadres.

1.2

Le Comité recommandait dans cet avis de mettre pleinement à disposition les investissements dans le domaine de la recherche et du développement proposés par la Commission et de toute urgence nécessaires et de ne pas faire de ces investissements le jouet ou la victime des négociations sur le futur budget général de l'UE.

1.3

L'objectif de la stratégie de Lisbonne visant à faire de l'Europe la première économie de la connaissance au monde exige en effet un net accroissement des investissements dans la recherche et le développement. Dans ce domaine, l'Europe est en concurrence au niveau mondial non seulement avec des États comme les États-Unis, le Japon et la Corée mais aussi avec la Chine, l'Inde et le Brésil. Afin de renforcer leur compétitivité internationale, les États-Unis et le Japon viennent justement de faire des investissements dans la R&D une priorité nationale et de dégager les fonds correspondants. Eu égard à l'évolution perpétuelle du monde actuel, l'objectif consistant à investir 3 % du produit national brut de l'UE dans la recherche-développement, fixé par le Conseil de Barcelone en vue de soutenir la stratégie de Lisbonne et qui n'a pas encore été atteint, est donc un «objectif mouvant». Ceux qui ne le réaliseront pas à temps ne pourront briguer la première place.

1.4

S'agissant du budget global de l'UE entre-temps adopté par le Conseil et de son impact sur le budget de la recherche, le Comité réitère la recommandation qu'il avait également formulée à cet égard de consacrer à la recherche et au développement une part beaucoup plus importante — environ 8 % — que ce n'est le cas aujourd'hui et de commencer au plus vite à procéder au relèvement prévu par la décision du Conseil, ce en tout cas sans attendre sept ans.

1.5

Le programme spécifique «Coopération» est au cœur des propositions de la Commission. Le Comité est favorable au soutien que ce programme prévoit d'apporter à d'importants domaines de recherche comme l'énergie, la santé, les technologies de l'information, les nanotechnologies, l'environnement, les transports et les sciences socio-économiques et humaines, ainsi que les nouveaux thèmes que sont l'espace et la sécurité. Ces aspects sont commentés en détail au chapitre 4, qui recommande ponctuellement un engagement accru dans certains domaines particuliers.

1.6

D'une manière générale, le Comité préconise de ne pas prévoir une ventilation budgétaire fixe entre les différents thèmes mais de permettre la plus grande flexibilité possible. Le but est de garantir que durant la mise en œuvre des programmes, la Commission puisse réagir rapidement et sans avoir à prendre de mesures politiques à un déplacement de priorités intervenu entre-temps, à l'émergence de nouvelles questions ou, compte tenu du caractère horizontal de bien des thématiques traitées, à la nécessité de réaménagements.

1.7

Le Comité réaffirme son soutien au programme spécifique «Idées». Le défi à cet égard réside selon lui principalement — outre dans une dotation appropriée de ce programme — dans la procédure de sélection des demandes d'aide et dans la gestion du programme. Il se félicite que cette mission ambitieuse soit confiée à un organisme autonome, le Conseil européen de la recherche CER (European Research Council, ERC).

1.8

Le Comité a souligné à plusieurs reprises que pour que les actions européennes de recherche et de développement soient performantes et compétitives, il faut disposer non seulement d'équipements de pointe, de soutiens financiers et d'un environnement adéquat, mais aussi d'un nombre suffisant de scientifiques de haut niveau se distinguant par leur créativité. Le programme spécifique «Personnel» porte sur les mesures grâce auxquelles la Commission entend se rapprocher de cet objectif, mesures que le Comité soutient résolument. Celui-ci renvoie également aux observations qu'il a précédemment formulées concernant la Charte européenne du chercheur publiée par la Commission.

1.9

Le programme spécifique «Capacités» illustre bien les missions subsidiaires de la Communauté. Cela vaut en particulier pour les infrastructures de recherche (telles que les grands équipements, les instruments scientifiques, les ordinateurs, etc.) dont le coût et le fonctionnement dépassent les capacités d'un seul État membre. Mais le volet «Recherche au profit des PME», également inclus dans ce programme, répond lui aussi à des recommandations antérieures du Comité d'intégrer davantage les PME dans le processus d'innovation.

1.10

Le Comité renvoie enfin à sa recommandation antérieure à réduire radicalement les charges administratives imposées au demandeur, à simplifier les procédures et à garantir dans le même temps toute la continuité possible en ce qui concerne les instruments de soutien et les procédures d'attribution des aides.

2.   Introduction

2.1

Les propositions de la Commission, présentées dans sept documents distincts, viennent compléter la proposition de la Commission (1) relative au septième programme-cadre de recherche et de développement (2007-2013) et au septième programme-cadre Euratom (2007-2011) et apportent des informations détaillées sur le contenu et les thèmes de recherche des mesures d'aide prévues.

2.1.1

Le présent avis du Comité constitue donc un complément synthétique de l'avis  (2) sur le septième programme-cadre de recherche et de développement (2007-2013) et le programme Euratom (2007-2011) déjà présenté pour décision et des observations et recommandations contenues dans celui-ci.

2.1.2

C'est pourquoi le présent avis traite essentiellement du contenu de la recherche, et non pas des structures et des instruments prévus. Ainsi, il ne revient pas sur la question essentielle de l'optimisation du triangle de l'innovation (recherche fondamentale, recherche appliquée et développement), non plus que sur la recommandation selon laquelle il serait souhaitable qu'à l'avenir également, les fonctionnaires de la Commission chargés de ce programme soient des experts disposant d'une expérience dans le domaine de la recherche et parfaitement familiarisés avec le domaine spécifique concerné, ce qui suppose une continuité suffisante au niveau du personnel. Ces aspects ont déjà été abondamment traités dans des avis antérieurs (3).

2.1.3

Mais avant toute chose, il convient d'aborder un aspect essentiel concernant la ventilation budgétaire entre les différents volets des programmes ou la subdivision de ceux-ci. Le Comité avait déjà préconisé une flexibilité maximale, afin que la Commission puisse réagir rapidement et sans avoir à prendre de mesures politiques à un déplacement de priorités intervenu entre-temps, à l'émergence de nouvelles questions ou, compte tenu du caractère horizontal de bien des thématiques traitées, à la nécessité de réaménagements.

2.2

La Commission avait proposé de relever les budgets des deux programmes-cadres à 72,7 milliards d'euros au total (4). Cela représenterait encore un montant inférieur à 8 % du budget communautaire global proposé pour la période 2007-2013, qui est de 1 025 milliards d'euros. Dans l'avis précité sur le 7ème programme-cadre de RDT, le Comité avait recommandé de «mettre pleinement à disposition les investissements dans le domaine de la recherche et du développement proposés par la Commission et de toute urgence nécessaires et (de) ne pas faire de ces investissements le jouet ou la victime des négociations sur le futur budget général de l'UE».

2.2.1

Le Conseil européen du 19 décembre 2005 est cependant convenu d'un budget communautaire global de 862,4 (5) milliards d'euros seulement. Le budget de recherche communautaire pourrait ainsi se situer loin en deçà (6) des propositions de la Commission. Néanmoins, «le Conseil européen estime  (7) que les fonds UE alloués à la recherche devraient donc être accrus de façon qu'en 2013 les ressources disponibles soient près de 75 % supérieures en termes réels au niveau de 2006.» La Commission élaborera une proposition révisée conforme à cet objectif. Le processus de décision politique sur les deux programmes-cadres n'est donc toujours pas achevé.

2.2.2

L'objectif de la stratégie de Lisbonne visant à faire de l'Europe la première économie de la connaissance au monde exige en effet un net accroissement des investissements dans la recherche et le développement. Dans ce domaine, l'Europe est en concurrence au niveau mondial non seulement avec des États comme les États-Unis, le Japon et la Corée mais aussi avec la Chine, l'Inde et le Brésil. Afin de renforcer leur compétitivité internationale, les États-Unis et le Japon viennent justement de faire des investissements dans la R&D une priorité nationale et de dégager les fonds correspondants. Eu égard à l'évolution perpétuelle du monde actuel, l'objectif consistant à investir 3 % du produit national brut de l'UE dans la recherche-développement, fixé par le Conseil de Barcelone en vue de soutenir la stratégie de Lisbonne et qui n'a pas encore été atteint, est donc un «objectif mouvant». Ceux qui ne le réaliseront pas à temps ne pourront briguer la première place.

2.3

Face à cette situation, le Comité juge nécessaire de mentionner encore une fois certains passages de l'avis précédemment mentionné et de souligner à nouveau que (1) des activités de recherche et de développement efficaces, bénéficiant de subventions suffisantes et se distinguant par leur excellence, sont … la condition sine qua non de l'innovation, de la compétitivité et du bien-être, et partant aussi du développement culturel et des prestations sociales, que (2) la proposition de la Commission … est la contribution minimale requisequi devra encore être augmentée à plus long termedans les efforts déployés pour ne pas compromettre, mais au contraire pour maintenir et renforcer la position de l'Europe, berceau de la science et de la technique modernes et que (3) sans une telle contribution, les objectifs de Lisbonne ne pourront être réalisés, même à plus long terme.

2.4

Le Comité souligne à nouveau que la coopération européenne en matière de recherche et de développement est un moteur efficace de l'intégration et de la cohésion européenne. À un moment où l'Union européenne se bat pour l'acceptation de sa constitution par les citoyens, il s'agit là d'un point de vue tout à fait essentiel. Avant toute chose, il faut dire qu'un développement suffisant de la recherche et du développement est déterminant non seulement pour réaliser les objectifs de Lisbonne, mais aussi pour répondre aux questions et aux problèmes actuels en matière par exemple de santé, d'approvisionnement énergétique, d'environnement, etc.

2.5

Le Comité réitère dès lors sa recommandation de consacrer à la recherche et au développement, au sein du budget global de l'UE, une part beaucoup plus importante — environ 8 % — que ce n'est le cas aujourd'hui et de commencer au plus vite à procéder au relèvement prévu par la décision du Conseil, ce sans attendre sept ans.

2.6

Le Comité a pris acte de la proposition de la Commission (8) de créer un Institut européen de technologie (IET). Sans vouloir se prononcer ici sur le fond de cette proposition, il souhaite juste faire observer que les coûts de cette initiative ne devraient en aucun cas être imputés au budget des «programmes spécifiques» examinés ici.

2.7

Le Comité renvoie également à son invitation antérieure à réduire radicalement les charges administratives imposées au demandeur, à simplifier les procédures et à garantir dans le même temps toute la continuité possible en ce qui concerne les instruments de soutien et les procédures d'attribution des aides. Le Comité se prononcera plus amplement à ce sujet lorsqu'il examinera les propositions de la Commission concernant les «règles de participation» (9).

3.   Contenu des propositions de la Commission  (10)

3.1

Les propositions de la Commission recouvrent et présentent de manière détaillée l'ensemble des domaines devant faire l'objet d'actions de recherche et de développement dans le cadre du septième programme-cadre et du programme Euratom, c'est-à-dire la totalité des thèmes de recherche, des contenus, des méthodes et des instruments. Une proposition est également formulée concernant la contribution à apporter par le Centre commun de recherche. Des mesures sont en outre présentées en vue d'attirer et de renforcer les ressources humaines nécessaires. Il s'agit au total de sept documents de la Commission qui présentent avec force détails les différents programmes spécifiques correspondants.

3.2

D'une manière générale, ces programmes se décomposent comme suit, les différents pourcentages indiquant leur part respective dans le budget global:

A — Programme-cadre de R&D (budget global 72.726 millions d'euros) 2007 — 2013

Coopération

61,1%

Idées

16,3%

Personnel

9,8%

Capacités

10,3%

Actions non nucléaires menées par le Centre commun de recherche

2,5%

B — Programme-cadre Euratom (budget global 3.092 millions d'euros) 2007 — 2011

Recherche sur l'énergie de fusion

69,8%

Fission nucléaire et radioprotection

12,8%

Activités nucléaires du Centre commun de recherche

17,4%

3.3

Les propositions de la Commission sont présentées en détail au chapitre 3 de l'avis sur le septième programme-cadre de RDT (CESE 1484/2005).

4.   Observations du Comité

4.1

Les observations ci-après se fondent sur le contenu des chapitres 4 à 6 de l'avis mentionné ci-dessus sur le septième programme-cadre de RDT et sont difficilement compréhensibles si l'on n'a pas pris connaissance de ce dernier.

4.1.1

Le Comité soutient la Commission dans son intention de tenir compte du caractère transversal de nombreux éléments des programmes et de promouvoir la pluridisciplinarité par des approches multithématiques.

4.1.2

Le Comité s'est également penché sur la question de savoir si certains volets des travaux de recherche relevant de ces questions horizontales, tels que l'utilisation des TIC en médecine, devraient être regroupés au sein du programme consacré aux TIC ou devraient plutôt être insérés dans le volet Santé. S'agissant des TIC, il recommande en fait d'affecter dans une plus large mesure certaines des activités prévues aux volets spécifiques tels que la santé, l'énergie, les transports ou éventuellement les sciences sociales, ce qui permettrait de mettre en lumière les problèmes qui se posent dans ce contexte.

4.1.3

Quoi qu'il en soit, il n'est pas possible de répondre d'une manière générale à cette question. Il conviendra d'examiner selon le cas comment d'une part les plus grands effets de synergie pourront être obtenus en termes de méthodes et d'autre part quelle est la solution qui se rattache le mieux au problème concret qui se pose. Le Comité réitère sa recommandation d'assurer en tout état de cause «systématiquement une coordination d'ensemble ainsi que les liens nécessaires».

4.1.4

Le Comité est également favorable à la volonté de la Commission de répondre de manière flexible aux besoins émergents, aux nouvelles connaissances et propositions ainsi qu'aux nécessités politiques imprévues. La promotion et la coordination par la Commission de la recherche et du développement au stade précompétitif contribueront à consolider la position concurrentielle de l'UE

4.2   La coopération — élément-clé du programme

4.2.1

Santé. Le Comité souligne la nécessité d'adopter une approche large, allant de la préparation aux épidémies et pandémies voire leur prévention jusqu'à la prise en compte de l'évolution démographique, avec tous ses corollaires sociaux et sanitaires et implications à long terme, y compris la recherche sur le vieillissement et sur les handicaps (cette dernière ayant également ses aspects propres, notamment sociaux et techniques, qui dépassent le cadre des questions de santé). Le Comité appuie le projet de la Commission de ne pas négliger dans ce contexte l'étude des maladies rares. Le programme devrait s'étendre à tous les domaines scientifiques et techniques pertinents, y compris les biotechnologies, la génomique et la recherche sur les cellules souches et autres approches pluridisciplinaires, sans omettre la question des normes de qualité et des normes sociales nécessaires. Cela concerne aussi bien la recherche biomédicale dans les universités, les cliniques et les instituts de recherche bénéficiant d'aides publiques que le renforcement de la compétitivité de l'industrie médicale et pharmaceutique européenne. Le Comité recommande dès lors d'approuver le programme-cadre proposé. La recherche et le développement dans le secteur de la santé sont d'un intérêt primordial pour l'Europe et même pour le monde.

4.2.2

Alimentation, agriculture et biotechnologie (la biotechnologie constituant également une approche importante pour le thème de la santé (paragraphe 4.2.1)). Le Comité reconnaît dans ce programme la tentative légitime de créer et de préserver une bioéconomie européenne fondée sur la connaissance. Le but est d'utiliser les sciences du vivant et les technologies pour offrir des produits et des procédés éco-efficaces et compétitifs dans les secteurs de l'agriculture, de la pêche, de l'aquaculture, de l'alimentation, de la santé, de la sylviculture et les secteurs connexes. Étant donné la concurrence particulièrement âpre qui s'exerce dans le secteur agricole avec des pays tels que le Brésil, il s'agit là aussi d'un domaine essentiel. La culture de plantes contribuant à décontaminer des sols pollués en assimilant les polluants ou encore de plantes qui précisément n'absorbent pas les polluants de sols contaminés et dont l'utilisation est de ce fait sans danger, pourrait constituer un nouveau secteur potentiel de développement.

4.2.3

Technologies de l'information et de la communication (TIC). Les produits et les prestations du secteur des TIC ont considérablement enrichi et révolutionné la science, la technique, l'administration et même le quotidien des individus. De par sa dotation budgétaire propre et la multiplicité de ses domaines d'intervention, le thème des TIC représente le volet le plus conséquent du programme «Coopération», qui s'applique ou peut s'appliquer à tous les domaines. L'objectif est d'offrir des produits et des services innovants fondés sur les TIC dans des secteurs tels que la science, la technique, l'administration et la logistique. Le programme TIC couvre aussi bien le développement de nouveaux matériels (à cet égard, le développement de puces par exemple présente de nets chevauchements avec le programme Nanotechnologies), de systèmes matériels et de réseaux que de nouveaux outils de programmation. Il conviendrait à cet égard de prêter également attention à l'accessibilité des services TIC à toutes les catégories de la population. Le Comité renvoie par ailleurs à l'observation qu'il a formulée à ce propos au paragraphe 4.1.2. Dès lors, la question de savoir si l'enveloppe budgétaire tout à fait exceptionnelle dont le programme TIC bénéficie est effectivement justifiée dépend précisément de son succès dans la réalisation de ces missions, c'est-à-dire de la mesure dans laquelle il continuera d'apporter son concours à l'avenir à la mise en œuvre des autres programmes.

4.2.4

Nanosciences, nanotechnologies, matériaux et nouvelles technologies de production. Il s'agit là aussi d'un nouveau domaine extraordinairement innovant (11), à la croisée de la recherche fondamentale et appliquée, issu de multiples sources et ramifications dans le secteur de la recherche et de la technologie en physique et en chimie. Il a la capacité de produire dans de nombreux domaines techniques des produits et des procédés nouveaux ou plus performants. Mais dans le même temps, il s'agit d'un domaine tellement diversifié, aux multiples ramifications, qu'une vision très globale est nécessaire pour distinguer et mettre à profit les points communs et les liens au sein de cette discipline, qui s'étend de la physique nucléaire à la technologie des plasmas, de la nanomécanique à l'achèvement des textiles. Étant donné que les nanoprocessus se déroulent également dans une dimension microscopique, très difficilement accessible à l'entendement commun, ce thème nécessite d'emblée l'ouverture d'un dialogue constructif avec les consommateurs, afin d'identifier et d'exclure les risques, mais aussi de dissiper les craintes non fondées. C'est pourquoi il y a lieu de saluer expressément et de soutenir l'approche large adoptée par la Commission, dont l'objectif est également de diffuser les connaissances en la matière.

4.2.5

Énergie. Le Comité a attiré l'attention à différentes reprises sur la question clé de l'énergie et s'est déjà prononcé à ce sujet dans de nombreux avis spécifiques dans lesquels il a insisté sur les besoins considérables en matière de recherche (12). Un problème énergétique très sérieux se pose à moyen et à long terme. (13) Il s'agit à la fois de la pénurie attendue de ressources et de l'enchérissement des sources d'énergie «traditionnelles» que sont le pétrole et le gaz naturel et de la sécurité d'approvisionnement cruciale de l'Europe à l'égard de ces sources d'énergie et de l'impact — généralement planétaire — de l'utilisation de l'énergie sur l'environnement et notamment le climat. La résolution de ce problème passe obligatoirement par le recours à des technologies améliorées ou nouvelles, et néanmoins aussi peu onéreuses que possible. La recherche dans le secteur de l'énergie est la clé à cet égard. Cette recherche doit englober tous les domaines (14), depuis une meilleure exploitation — et stockage! — d'énergies respectueuses de l'environnement jusqu'aux techniques d'économie et d'utilisation plus efficace de l'énergie, y compris les procédés de captage et de stockage partiel ou total des gaz à effet de serre. Le développement de centrales électriques à haut rendement est également tout à fait primordial. Le Comité juge les propositions de la Commission appropriées et équilibrées mais craint fortement que la part du budget prévue à cette fin ne soit pas suffisante au regard de l'importance cruciale de la tâche à accomplir. Le Comité préconise qu'elle soit majorée en conséquence.

4.2.6

Environnement (changements climatiques inclus). La protection de l'environnement est essentielle pour préserver la qualité et les conditions de vie des générations actuelles et futures. L'identification et la résolution des problèmes qui se posent dans ce contexte — qu'ils soient d'origine humaine ou naturelle — constituent un objectif particulièrement ambitieux voire vital. Cette tâche présente des rapports étroits avec des questions relevant des domaines les plus divers de la recherche et de la politique: politique économique, politique énergétique, politique de la santé et politique agricole, sans oublier les missions de surveillance et, compte tenu des implications mondiales, les accords internationaux. Tandis que la recherche environnementale tend davantage à identifier ou permettre d'identifier les différents problèmes et leurs causes, la recherche de solutions s'effectue plutôt dans d'autres secteurs, notamment celui de l'énergie. Il faudrait en tenir compte en prévoyant une certaine flexibilité budgétaire.

4.2.7

Transports (aéronautique comprise). Les systèmes de transport européens sont un facteur essentiel de la prospérité économique et sociale de l'Europe et de sa cohésion. Le programme Transports vise à développer des systèmes et des moyens de transport intégrés paneuropéens écologiques, intelligents et sûrs. Il poursuit en conséquence des objectifs concrets de développement technique et logistique des différents modes et systèmes de transport. Le développement/perfectionnement de modes de transport économes en énergie et peu générateurs d'émissions (avions, automobiles, etc.) représente une mission scientifique et technique en lien avec les programmes Énergie et Environnement et à laquelle pourraient également être associées les PME. Les plates-formes technologiques (ACARE pour l'aéronautique et le transport aérien, ERRAC pour le transport ferroviaire, ERTRAC pour le transport routier, WATERBORNE pour le transport par voie navigable, plate-forme sur l'hydrogène et les piles à combustible) constituent à cet égard un instrument essentiel. L'objectif de ce programme revêt également une grande signification et mérite d'être soutenu compte tenu de l'importance, y compris pour les nouveaux États membres, d'un réseau européen de transport fonctionnel et du volume total du trafic, qui continue de croître — la prévention des encombrements constituant aujourd'hui un objectif majeur à cet égard -, et compte tenu de son rôle pour la compétitivité européenne (et de son impact sur l'environnement!).

4.2.8   Sciences socio-économiques et humaines.

4.2.8.1

Le Comité estime que l'objectif de ce programme devrait être de contribuer à une connaissance approfondie des défis socio-économiques, juridiques et culturels complexes et interdépendants auxquels l'Europe est confrontée, y compris la question des racines historiques et des traits communs de l'Europe, ainsi que de ses frontières et de ses voisins. Il est tout à fait essentiel pour les fondements intellectuels et l'identité de la Communauté — et cela concerne également les relations des États membres et des citoyens européens entre eux — de parvenir à une représentation et à une appréciation communes à tous les États membres de l'histoire européenne et d'en faire la base de l'enseignement de l'histoire dans les États membres ou de consolider les orientations existant déjà en ce sens.

4.2.8.2

Cette problématique met également en jeu des aspects tels que la politique économique, financière et fiscale, la politique scientifique, la croissance, l'emploi et la compétitivité, la cohésion sociale et la durabilité, la qualité de la vie, l'éducation, les questions culturelles et juridiques et l'interdépendance mondiale. Cela inclut également certains enjeux particuliers de la société moderne tels que le développement démographique (faits, conséquences, mesures), les migrations, l'exclusion sociale, le fossé culturel et le développement d'une société de la connaissance. Pour renforcer et bien marquer la cohérence de ce programme, le Comité recommande en outre d'extraire du programme Capacités, pour l'affecter au programme «Sciences socio-économiques et humaines», cette partie du thème «La science dans la société» dont la fonction n'est pas de diffuser les connaissances scientifiques ni de contribuer à une meilleure compréhension entre la science et la société (voir également par. 4.5.3), mais d'étudier les relations entre la science et la société. Le Comité attache une grande importance au programme «Sciences socio-économiques et humaines», qui joue de surcroît un rôle décisif de guidage auprès des responsables politiques. Le programme devrait être étendu à certains des thèmes mentionnés ci-dessus et sa part de budget devrait le cas échéant être renforcée en conséquence.

4.2.9   Sécurité et espace

La sécurité et l'espace sont des thèmes importants qui sont soutenus par le Comité.

4.2.9.1

Depuis les attaques terroristes des dernières années, les citoyens occidentaux sont encore plus sensibilisés à la question d'une sécurité suffisante, laquelle doit être abordée selon une large perspective, aussi bien juridique, sociale et culturelle que technique et scientifique. La question de la sécurité et de la recherche dans ce domaine ne se limite pas à la mise en œuvre d'une politique extérieure et de sécurité commune mais concerne également des secteurs tels que les transports, la santé (par exemple le programme de sécurité sanitaire de l'UE), la protection civile (par exemple les catastrophes naturelles et les accidents industriels), l'énergie et l'environnement.

4.2.9.2

Les citoyens sont d'une manière générale assez peu conscients des progrès phénoménaux réalisés dans le domaine de la recherche spatiale et de la technologie correspondante. Outre leur importance géostratégique, ces progrès permettent de mieux comprendre le monde. C'est en définitive l'observation du ciel et la compréhension notamment du mouvement des planètes qui en a découlé qui a donné un coup d'envoi décisif au développement des sciences modernes. De plus, la recherche et la technologie spatiales sont des champs d'expérimentation pour la mise au point de technologies innovantes. En ce qui concerne la recherche spatiale, le Comité juge nécessaire d'entretenir une coopération équilibrée entre le programme proposé et des organisations européennes déjà en place telles que l'ESA et l'ESO.

4.3

Idées. En promouvant de la sorte la recherche, la Commission s'engage sur un terrain inconnu mais prometteur, comme l'a déjà souligné plusieurs fois le Comité (15). Le soutien apporté à des projets de recherche d'une certaine envergure au niveau européen — en renonçant à imposer comme c'est l'usage une coopération transfrontalière — rend l'excellence possible et visible, ce qui permet dans le même temps d'attirer des scientifiques éminents au niveau européen et international. Un terrain particulièrement prometteur s'offre ainsi pour l'innovation. Le Comité tient à souligner de nouveau dans ce contexte que cette volonté d'accéder à un niveau supérieur présuppose l'acceptation d'un risque d'échec. La difficulté réside ici principalement — outre dans une dotation appropriée de ce programme — dans la procédure de sélection et dans la gestion du programme. Le Comité estime dès lors opportun que cette mission ambitieuse soit confiée à un organe autonome composé de scientifiques reconnus et talentueux, siégeant à titre personnel: le Conseil européen de la recherche CER (European Research Council, ERC).

4.4

Personnel. Le Comité a souligné à plusieurs reprises (16) que pour que les actions européennes de recherche et de développement soient performantes et compétitives, il faut disposer non seulement d'équipements de pointe et de soutiens financiers mais aussi d'un nombre suffisant de scientifiques de haut niveau se distinguant par leur créativité. Il y a donc lieu d'éveiller l'intérêt pour la science chez les enfants et les jeunes déjà, afin que ceux qui présentent des aptitudes dans ce domaine puissent entamer — et mener à leur terme — en nombre suffisant les études correspondantes, qui sont très difficiles et exigeantes.

4.4.1

Le Comité a déjà souligné dans son avis sur le 7ème programme-cadre (17) le rôle de premier plan joué par les universités en tant qu'institutions de recherche et de formation et les mauvaises conditions dont elles souffrent en Europe. Il faut notamment veiller dans ce contexte à ce que l'étudiant puisse mener à bien dans des conditions professionnelles et personnelles appropriées (18) une thèse de doctorat, qui revêt une grande importance dans une carrière de chercheur. Après une formation de très haut niveau, les chercheurs doivent encore accéder à une expérience internationale, bénéficier d'un environnement de recherche attrayant leur offrant une liberté suffisante, de contrats compétitifs au niveau international et d'une planification de carrière. (En rapport avec cette question, le Comité a déjà émis un avis à la fois favorable et critique sur la «Charte européenne du chercheur» (19).)

4.4.2

Compte tenu de la mobilité internationale des chercheurs, essentielle pour la science et la recherche, notamment entre les États les plus à la pointe dans ce domaine, il faut veiller à éviter une «fuite des cerveaux» à sens unique. Cela signifie qu'il faut prévoir des salaires tels qu'ils puissent attirer par exemple aussi des scientifiques américains de haut niveau en Europe, ce qui n'est pratiquement pas possible actuellement. Le Comité appuie donc l'objectif préconisé à plusieurs reprises par la Commission, consistant à mettre en œuvre les instruments et les conditions nécessaires et à faire en sorte que les États membres introduisent les instruments proposés dans le programme Personnel et parfois déjà existants. Il est par ailleurs particulièrement important pour l'Espace européen de la recherche de créer des conditions attrayantes de mobilité et d'éliminer les obstacles à celle-ci. Il y a lieu de se féliciter que la Commission s'attache à la poursuite de cet objectif.

4.5

Capacités. Ce programme illustre bien les missions subsidiaires de la Communauté.

4.5.1

Cela vaut en particulier pour la tâche consistant à développer/installer, à utiliser et à optimiser au niveau communautaire les infrastructures de recherche — telles que les grands équipements, les instruments scientifiques, les ordinateurs, etc. — dont le coût et le fonctionnement dépassent les capacités d'un seul État membre. Le Comité se félicite à cet égard qu'une approche de la base vers le sommet soit privilégiée pour la présentation de projets en la matière, conformément à la recommandation qu'il avait précédemment exprimée.

4.5.2

Mais les autres tâches accomplies dans le cadre du programme Capacités, comme les activités «Recherche au profit des PME» et «d'associations de PME», ou encore «Régions de la connaissance» et «Libérer et développer les capacités des régions de convergence de l'UE et des régions ultrapériphériques» sont elles aussi très importantes, notamment pour les nouveaux États membres et les PME.

4.5.3

Le volet «La science dans la société» a pour objectif de stimuler l'intégration harmonieuse des travaux scientifiques et technologiques — ainsi que des politiques de recherche qui y sont associées — dans le tissu social européen. Il s'agit de la capacité à créer, exploiter et diffuser des connaissances et à innover. Ce programme vise donc d'une part à donner aux citoyens européens une image de la science, des scientifiques et de leurs résultats, objectifs que le Comité approuve, car il voit notamment dans la diffusion des connaissances une mission essentielle d'ordre culturel et de promotion de l'innovation. Mais d'autre part, il s'agit également d'étudier pourquoi une partie des citoyens est plutôt sceptique vis-à-vis de la science (ou de certains de ses aspects), de ses méthodes et de son impact potentiel. Le Comité estime que ces derniers travaux de recherche, d'ordre essentiellement sociologique, devraient s'insérer dans le volet «Sciences socio-économiques et humaines» du programme spécifique «Coopération», afin d'être traités dans le contexte plus large de la coopération européenne.

4.6   Programme Euratom

Le Comité renvoie tout d'abord à ce propos à la présentation détaillée contenue dans son avis sur le septième programme-cadre de R&D et le programme Euratom, ainsi qu'aux observations qu'il a formulées à propos du programme spécifique Énergie.

4.6.1

S'agissant de la recherche sur l'énergie de fusion  (20), il s'agit maintenant (i) de préparer et de lancer la construction d'ITER, (ii) de prendre toutes les dispositions utiles en vue de son utilisation — y compris la formation et l'entraînement du personnel scientifique, l'implication et la mobilisation du potentiel de recherche des laboratoires associés des États membres et le recours à la division internationale du travail, (iii) de s'atteler aux développements technologiques (notamment les matériaux et le cycle du combustible) préparatoires à DEMO et (iv) d'étudier et d'optimiser différents systèmes de confinement. ITER et ses développements ultérieurs doivent être ancrés dans les instituts de recherche des États membres, qui doivent être à la base du soutien apporté à ce projet. Les propositions de la Commission répondent à ces objectifs et aux engagements internationaux contractés; elles sont pleinement approuvées par le Comité.

4.6.2

En ce qui concerne la fission nucléaire  (21), il convient à présent (i) de continuer d'étudier et d'accroître la sécurité des centrales nucléaires existantes (tâche incombant principalement aux fabricants et aux exploitants industriels) et (ii) de développer de nouveaux types de réacteurs encore plus performants en termes de sécurité, de consommation du combustible et de gestion des déchets. Cela inclut également des travaux de recherche sur le traitement des combustibles usés (transmutation, recyclage). Il y a également lieu (iii) de résoudre le problème du stockage et de parvenir à un accord politique à ce sujet, (iv) de soutenir les efforts de non-prolifération d'armes nucléaires et (v) d'obtenir de nouvelles informations sur les effets biologiques de (faibles) doses de rayonnements (22) et de développer les techniques de mesure correspondantes (dosimétrie individuelle notamment). Il importe à cette fin de former des spécialistes qualifiés afin de disposer d'une nouvelle génération suffisante. Le Comité est préoccupé par l'absence de relève dans certains États membres et par la baisse du niveau d'expertise et il fait observer que, face à l'utilisation à plus long terme de l'énergie nucléaire prévisible au niveau mondial, il conviendrait d'accorder plus de place à ces très importantes questions.

4.7   Centre commun de recherche (CCR)

4.7.1

Le CCR est à juste titre associé aussi bien aux activités du septième programme-cadre de recherche et de développement (2007-2013) que du septième programme-cadre Euratom (2007 — 2011). Étant donné qu'en cette qualité il dépend directement de la Commission et que c'est ce qui fait son atout sur le plan du guidage politique et de la souplesse intervention, il convient de garantir qu'il respecte les normes élevées et transparentes imposées à tous les établissements de recherche des États membres en termes d'évaluation internationale par les pairs, de concurrence, de procédures d'appel/de politique du personnel et de contrôle et qu'il soit intégré dans la communauté scientifique internationale. Le Comité attache de l'importance à cette intégration également du point de vue des sciences socio-économiques et humaines précédemment évoquées.

4.7.2

Parmi les missions du septième programme-cadre de recherche et de développement (2007-2013) figure le thème général, important pour la Communauté, du «Développement durable» (par exemple lutte contre le changement climatique, alimentation, énergie, transports, substances chimiques, décontamination). Cela recouvre l'élaboration de données de référence scientifiques et technologiques pour différents secteurs de la surveillance de l'environnement et du suivi des denrées alimentaires, ce qui constitue également une précieuse contribution au travail législatif de la Communauté. L'UE devrait également s'impliquer dans le développement et la diffusion de données de référence reconnues au niveau international et dans la promotion d'un système de mesure européen commun. Cela pourrait inclure la coordination, fondée sur le principe de la division du travail, des organismes nationaux de métrologie et de normalisation et la participation à leurs programmes. L'on pourrait donc examiner, dans l'intérêt du marché intérieur européen et plus généralement de l'intégration européenne, l'opportunité de créer un «Bureau européen des normes», en coopération avec les laboratoires nationaux compétents et des organismes comme le CEN et le CELENEC, ainsi que les industries concernées et le CCR.

4.7.3

Il est opportun que dans le cadre du septième programme-cadre de recherche et de développement (2007 — 2013), le CCR soutienne une prise de décision au niveau politique dans le domaine nucléaire, y compris en ce qui concerne la mise en œuvre et le contrôle des stratégies existantes et la réponse aux nouveaux défis. Le Comité juge également logique que le programme «nucléaire» du CCR se concentre sur la gestion des déchets, la sécurité et la surveillance (ces activités étant elles aussi interconnectées et coordonnées avec celles des États membres), car ces thèmes suscitent des préoccupations chez les citoyens et nécessitent des solutions sûres. Il importe particulièrement aux yeux du Comité de développer des procédures permettant de mieux veiller encore à la non-prolifération des armes nucléaires ou des techniques de fabrication d'armes nucléaires.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2005) 119 final/2 - 2005/0043 (COD) - 2005/0044 (CNS).

(2)  JO C 65 du 17.3.2006.

(3)  JO C 157 du 28.6.2006 – «Orientations pour la politique de soutien à la recherche de l'Union» et JO C 65 du 17.3.2006.

(4)  Sur base des prix 2005, sans indexation sur l'inflation: les chiffres varient suivant le système d'indexation sur l'inflation appliqué.

(5)  Base de prix 2005.

(6)  Les estimations actuelles évaluent ce budget à environ 49,5 milliards d'euros (voir par ex. le Frankfurter Allgemeine Zeitung no11 2006, p. 14).

(7)  Conseil de l'Union européenne 15915/05, CADREFIN 268, point 10, du 19 décembre 2005.

(8)  Communiqué de presse IP/06/201 du 22 février 2006.

(9)  COM(2005) 705 final.

(10)  Voir également le chapitre 3 du document JO C 65 du 17.3.2006.

(11)  JO C 157 du 28.6.2005.

(12)  JO C 241 du 7.10.2002; JO C 28 du 3.2.2006; JO C 65 du 17.3.2006.

(13)  Cf. note de bas de page précédente.

(14)  S'agissant du programme EURATOM, cf. paragraphe 4.6.

(15)  JO C 110 du 30.4.2004.

(16)  JO C 110 du 30.4.2004 – «Les chercheurs dans l'espace européen de la recherche: une profession, des carrières multiples».

(17)  JO C 65 du 17.3.2006, paragraphe 4.12.2.

(18)  Cf. notamment paragraphe 5.6 du doc. mentionné dans la note de bas de page 16.

(19)  Paragraphe 4.13.2 du doc. JO C 65 du 17.3.2006, et paragraphe 5.1.5 du doc. JO C 110 du 30.4.2004.

(20)  JO C 302 du 7.12.2004.

(21)  JO C 133 du 6.6.2003; JO C 110 du 30.4.2004.

(22)  Cf. par exemple RDT Info no 47, Commission européenne, janvier 2006.


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/17


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile»

(COM(2005) 429 final — 2005/0191 (COD))

(2006/C 185/03)

Le 16 novembre 2005, le Conseil a décidé, conformément à l'article 80, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 mars 2006 (rapporteur: M. McDonogh).

Lors de sa 426ième session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 134 voix pour et 2 voix contre.

1.   Recommandations

1.1

Il convient de permettre aux États membres d'appliquer des mesures plus strictes sur la base d'une évaluation des risques, pour autant qu'ils en assurent eux-mêmes le financement.

1.2

Chaque État membre doit pouvoir désigner une seule autorité responsable de la coordination et du contrôle de l'application des normes de sécurité.

1.3

Il convient que chaque État membre établisse un programme national de sûreté de l'aviation civile.

1.4

Afin de surveiller l'application du nouveau règlement par les États membres mais aussi de mettre en évidence les points faibles de la sûreté de l'aviation, il convient que la Commission effectue des inspections, notamment sans préavis.

1.5

Pour que les passagers et bagages transférés puissent être dispensés d'inspection à leur arrivée sur un vol en provenance d'un pays tiers (sûreté à guichet unique) et pour permettre aux passagers arrivant d'un tel vol de se mêler à des passagers contrôlés en partance, il convient d'encourager des accords entre la Communauté et des pays tiers, qui reconnaissent que les normes de sécurité appliquées dans le pays tiers sont équivalentes à celles de la Communauté.

1.6

Le Comité se félicite de l'initiative de la Commission et est totalement favorable aux principes fondamentaux de la proposition.

1.7

Il accueille également favorablement l'introduction de règles communes relatives à la sûreté des aéroports dans la mesure où les procédures varient fortement d'un pays européen à l'autre et où il est important qu'une norme soit adoptée.

1.8

Concernant l'annexe, partie 1, paragraphe 1.2, point 5, et partie 11: compte tenu de la libre-circulation des travailleurs au sein de la Communauté et de la main-d'œuvre disponible émanant de pays tiers, la Commission pourrait proposer son aide aux autorités nationales, aéroports, compagnies aériennes, etc. afin de valider les informations personnelles des employés potentiels et ce, en vue de remplir les critères en matière de vérification d'antécédents.

1.9

Il conviendrait de préciser l'objectif exposé au premier paragraphe de l'article premier afin qu'il soit clair que les mesures de sûreté dont il est question ont pour but de protéger l'aviation civile contre les actes d'intervention illicite qui mettent en danger sa sécurité. Les mesures concernées ne sont pas dirigées contre d'autres types d'intervention illicite tels que les vols ou la contrebande.

1.10

La Commission européenne devrait concevoir et mettre en place une politique globale de financement des mesures de sûreté aérienne qui font partie de l'obligation des États membres de protéger leurs citoyens contre la menace terroriste.

1.11

Il convient que le règlement à l'examen prévoie en outre un dispositif d'analyse de l'impact pour le secteur de chaque mesure de sûreté qui sera proposée, veillant ainsi à ce que le coût et les effets de chaque mesure ne soient pas disproportionnés par rapport à son efficacité.

2.   Introduction

2.1

La proposition législative de la Commission européenne a pour but de clarifier le cadre juridique communautaire (établi par le règlement no 2320/2002), de fournir la base d'une interprétation commune des exigences internationales définies par l'Organisation de l'aviation civile internationale, d'éviter que des informations sensibles soient accessibles au public et de se concentrer davantage sur la mise en place de dispositions en matière de sûreté de l'aviation civile dans le cadre de la mise en œuvre du présent règlement, en appliquant notamment la décision 1999/468/CE relative à la procédure de comitologie, qui prévoit la participation au processus décisionnel législatif des représentants des États membres de l'UE et de la Commission européenne.

2.2

La proposition vise à remplacer le règlement existant afin d'améliorer la législation sur la base de quatre principes: simplification, harmonisation, clarté et accroissement du niveau de sûreté.

3.   Observations générales

3.1

L'objectif de cette proposition est de clarifier, simplifier et harmoniser les exigences juridiques, et d'accroître ainsi la sûreté générale de l'aviation civile.

3.2

On s'est rendu compte avec le temps que le règlement était trop détaillé et qu'il devait être simplifié.

3.3

Bien qu'elle reconnaisse le principe de subsidiarité, la Commission est d'avis qu'un plus grand degré d'harmonisation des mesures et des procédures de sûreté est souhaitable.

3.4

C'est ainsi que 25 systèmes nationaux ont été mis en place, avec le risque important d'une concurrence faussée et l'impossibilité pour le secteur de jouir des libertés du marché unique.

3.5

Le renforcement de l'harmonisation fait également partie intégrante de la notion de sûreté à guichet unique, selon laquelle il est inutile d'inspecter à nouveau les passagers, bagages et fret en transit ou en correspondance, sur la base du postulat qu'ils ont déjà satisfait aux critères de sûreté de base de l'aéroport d'origine. Il s'agit là aussi d'un élément avantageux tant pour les passagers que pour les opérateurs qui se trouvent sur un marché très concurrentiel.

3.6

La Commission estime que la capacité d'agir/de réagir rapidement face aux risques en constante évolution est essentielle pour accroître le niveau général de sûreté.

3.7

La Commission estime que des mesures et des procédures de sûreté détaillées ne devraient pas être rendues publiques. Ce problème peut être résolu en intégrant des modalités opérationnelles aux dispositions de mise en œuvre. Le Comité voudrait souligner qu'il est important que ces nouvelles dispositions communes tiennent compte du problème spécifique des personnes à mobilité réduite conformément aux recommandations formulées dans le récent avis du Comité en la matière. Les contrôles de sécurité et autres mesures liées à la sûreté, tout en étant légitimes et indispensables, peuvent constituer des barrières supplémentaires et restreindre les droits des personnes à mobilité réduite, ce qui serait contraire aux efforts entrepris récemment par la Commission pour garantir aux personnes handicapées et aux personnes à mobilité réduite une égalité d'accès au transport aérien par rapport au reste de la population.

3.8

Le règlement (CE) no 2320/2002 du Parlement européen et du Conseil instaure des règles communes harmonisées dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile. La proposition vise à remplacer ce texte législatif.

3.9

Le règlement (CE) no 2320/2002 serait ainsi remplacé par un règlement plus simple et plus clair définissant des principes généraux.

3.10

La seule compétence nouvelle demandée par la Commission concerne les mesures de sûreté en vol. Celle-ci recouvre divers éléments tels que l'accès au cockpit, les passagers indisciplinés et les agents de sécurité à bord des avions («sky marshals»). Sauf circonstances exceptionnelles, le Comité n'est pas favorable à la présence de tels agents à bord.

3.11

L'exigence de programmes de sûreté se fonde sur les meilleures pratiques observées actuellement dans le secteur aérien; elle n'est donc pas une lourde contrainte pour le secteur ou l'administration. S'agissant des transporteurs de la Communauté, les programmes de sûreté devraient être approuvés par les autorités de l'État membre de chaque transporteur et reconnus par les autres États membres et autorités de régulation.

3.12

L'article 13 fait obligation à chaque État membre de réaliser des contrôles de conformité au moyen d'un programme national de contrôle de la qualité.

3.13

L'article 14 autorise la Commission à inspecter, entre autres, les aéroports communautaires.

3.14

L'article 17 remplace l'article 10 actuel sur la sûreté des vols en provenance de pays tiers. Il prévoit la signature d'accords entre la Communauté et des pays tiers en vertu desquels il serait inutile d'inspecter à nouveau et/ou de soumettre à d'autres contrôles de sûreté les passagers, les bagages et le fret en transit dans des aéroports communautaires.

3.15

Cet objectif doit être atteint en établissant des règles et des normes communes sur la sécurité de l'aviation ainsi que des mécanismes pour contrôler leur application.

3.16

Il convient de revoir le contenu du règlement (CE) no 2320/2002 à la lumière de l'expérience acquise et de remplacer ce même règlement par un nouvel acte recherchant la simplification, l'harmonisation, la clarté et l'accroissement du niveau de sûreté.

3.17

Vu le besoin d'assouplir les mesures de sûreté et les procédures afin de s'adapter à l'évolution des risques et de permettre l'arrivée de nouvelles technologies, le nouvel acte devrait arrêter les principes de base des actions à entreprendre pour protéger l'aviation civile contre les actes d'intervention illicite.

3.18

Il convient que le nouveau règlement porte sur les mesures de sûreté applicables à bord des aéronefs, ou pendant un vol, des transporteurs aériens communautaires.

4.   Observations spécifiques au sujet

Lors de la mise en œuvre de la législation, il faudrait tenir compte des éléments suivants

4.1

Il est important d'établir des normes communes relatives aux articles prohibés de façon à éviter des situations de confusion ou de conflit lors de la fouille par les services de sécurité.

4.2

Le terme «par sondage» est utilisé dans l'annexe de la proposition de règlement sans être défini. Il est nécessaire de définir le terme «par sondage» pour s'assurer que ce principe est interprété de la même façon dans toute l'Europe lorsqu'il y est fait recours pour les contrôles de sécurité.

4.3

Des mesures plus strictes ne devraient être mises en place que face à une menace terroriste particulière, identifiée par les autorités d'un État membre suite à une évaluation des risques. L'introduction de mesures plus strictes entre en contradiction avec les objectifs d'harmoniser les dispositions relatives à la sûreté aérienne dans l'ensemble de l'Union européenne et de créer une zone de sûreté à guichet unique. Dès lors, toutes les mesures de sécurité dissuasives ou préventives supplémentaires demandées par un État membre doivent être introduites après consultation exhaustive avec l'exploitant de l'aéroport et l'État membre concerné doit financer ces mesures de sécurité supplémentaires qui font partie de l'obligation du gouvernement national de protéger ses citoyens contre les actes terroristes.

4.4

Certaines compagnies aériennes interdisent les couverts en acier, tels que couteaux et fourchettes, tandis que d'autres les autorisent, il faudrait donc encourager les transporteurs aériens à appliquer des normes communes.

4.5

Si les ciseaux, limes, etc. sont interdits, les bouteilles en verre sont admises à bord. Ce sont pourtant des armes redoutables, en particulier lorsqu'elles sont brisées. Il est donc proposé de ne plus autoriser à bord que des bouteilles en plastique, qu'elles proviennent de la vente détaxée ou non. Les bouteilles en verre pourraient également être entreposées dans la soute à bagages. Un accord devra être trouvé sur ce point au niveau international avant la mise en œuvre du règlement.

4.6

Il importe de garder sous clef les équipements de secours tels que l'extincteur et la hache dans une armoire réservée à l'équipage et d'en empêcher l'accès direct aux passagers.

4.7

Afin de se protéger des attentats à la bombe tels que celui qui a touché la compagnie El Al, les compagnies aériennes doivent, dans la mesure du possible, utiliser des conteneurs renforcés pour les bagages.

4.8

Dans un souci de sécurité, les autorités nationales devraient effectuer des contrôles stricts quant à la quantité de boisson qui peut être servie aux passagers, celle-ci étant susceptible de provoquer des incidents liés à l'alcool présentant une menace pour la sécurité.

4.9

S'il est vrai que le poste de pilotage est protégé par une porte sécurisée, des pirates de l'air pourraient y accéder en détruisant la mince cloison des toilettes souvent situées juste à côté du poste de pilotage. Cette cloison devrait être renforcée.

4.10

L'article 11 devrait inclure les agents des compagnies aériennes et des compagnies de manutention qui sont souvent chargés d'assurer la sécurité.

4.11

Concernant l'annexe, partie 11: tous les instructeurs dans le domaine de la sécurité doivent être formés auprès des organismes de formation agréés, tels que l'European Security Training Institute (EASTI), en vue de normaliser la présentation des modules de formation en matière de sécurité de l'OACI. Les autorités nationales doivent être contraintes d'établir des programmes nationaux de formation avec des instructeurs qualifiés de l'EASTI.

4.12

Concernant l'annexe, partie 4, paragraphe 4.3: (avec l'accroissement du nombre de personnes refoulées, etc.) il faudrait contraindre l'autorité nationale à définir une période minimale de notification en vue de la préparation du transport proposé de passagers susceptibles de causer des troubles par le personnel du transporteur/de l'aéroport/de bord, lorsqu'il s'agit d'un vol commercial régulier.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/20


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive “Stratégie pour le milieu marin”)»

(COM(2005) 505 final — 2005/0211 (COD))

(2006/C 185/04)

Le 29 novembre 2005, le Conseil a décidé, conformément à l'article 175 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 mars 2006 (rapporteuse: Mme SÁNCHEZ MIGUEL).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 137 voix pour et 3 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Le CESE approuve la proposition de directive qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie thématique pour la protection et la conservation du milieu marin, puisqu'elle permet d'intégrer et de coordonner certaines des mesures juridiques qui existent déjà, notamment en ce qui concerne la méthodologie d'intervention sur le milieu, qui est similaire à celle définie par la directive-cadre sur l'eau.

1.2

Cela étant, et dans le souci d'adopter une approche critique, nous estimons que la proposition de directive est nécessaire mais pas suffisante. Nos mers et océans sont dans un tel état de dégradation que des actions plus coercitives seraient nécessaires afin de mettre en œuvre et de contrôler les actions existantes. En outre, la proposition implique une intervention partielle sur l'état du milieu marin et nous estimons donc qu'une directive-cadre conviendrait mieux, notamment pour intégrer et développer ultérieurement les aspects qui ne sont pas inclus ici, aussi bien du point de vue quantitatif que qualitatif.

1.3

Le fait de ne pas adopter de nouveaux instruments législatifs ou de gestion et d'utiliser ceux qui existent déjà évite aux États membres de nouveaux frais de financement et surtout un alourdissement de la charge administrative et permet d'incorporer les systèmes prévus en matière de participation et de consultation du grand public et des acteurs concernés, ce qui est si important pour renforcer l'implication des citoyens dans les questions environnementales.

1.4

Le CESE souhaite faire des recommandations qu'il juge nécessaires pour améliorer le contenu des dispositions proposées, afin que la Commission puisse tenir compte de notre avis en tant que contribution de la partie de la société civile qui est concernée:

1.4.1

En premier lieu, il convient de clarifier et renforcer la fonction de coordination et de contrôle de la Commission sur les collectivités régionales qui doivent évaluer et programmer les objectifs et les mesures applicables aux milieux marins qui sont de leur ressort, afin qu'il y ait une similitude et un équilibre entre les actions de toutes les régions riveraines. En effet, il ne faut pas oublier le caractère transfrontalier de nos mers et océans et une coordination centralisée permettrait même d'agir sur des pays tiers sur lesquels l'action communautaire est possible, notamment ceux auxquels nous sommes liés par des accords internationaux.

1.4.2

En ce qui concerne les définitions, notamment celle du bon état écologique, réalisée sur la base de descripteurs qualitatifs génériques, nous estimons nécessaire d'inclure des descripteurs quantitatifs, comme cela a été fait pour les eaux continentales dans la directive-cadre sur l'eau, car le bon état des eaux marines est largement fonction de la quantité. Les objectifs environnementaux devraient être, au minimum, ceux contenus dans la communication, tels que nous l'indiquons au paragraphe 5.5. En effet, conserver des objectifs aussi génériques que ceux de la proposition de directive pourrait nuire à leur efficacité.

1.4.3

Au sujet de la sélection des zones spéciales (considérées comme telles car elles ne pourront atteindre les objectifs environnementaux), le texte est ambigu et risque par conséquent de donner lieu à des abus lors de son application. C'est pourquoi nous proposons de définir clairement et rigoureusement les raisons faisant de ces zones des «zones spéciales» ainsi que les procédures pour leur adoption par la Commission.

1.5

Enfin, nous souhaitons souligner deux points qui nous paraissent extrêmement importants pour que l'application des objectifs proposés soit efficace. Le premier se rapporte à l'application immédiate de toutes les mesures prises auparavant et ayant une incidence sur le milieu marin, telles que celles dérivées des paquets de mesures ERIKA I, II et III, notamment celles relatives aux ports de refuge, au réseau transeuropéen de suivi du trafic maritime, à la création du système de surveillance des États pour l'immatriculation des navires, à l'étude et l'inventaire des déchets rejetés en milieu marin (y compris les bombes, les conteneurs de produits radioactifs), etc.

1.5.1

Le second point dont il faut tenir compte concerne la recherche sur le milieu marin. En effet, la recherche doit permettre, grâce à des connaissances toujours plus étendues et approfondies, de clarifier les objectifs et d'établir les programmes de mesures nécessaires pour le rétablissement du bon état écologique. Cela nécessite une implication accrue dans les programmes-cadres de recherche européens.

2.   Motivation

2.1

La Commission a présenté en 2002 (1) une communication sur laquelle se fonde la proposition de directive à l'examen établissant une stratégie pour la protection et la conservation du milieu marin d'un point de vue environnemental, dans le but de promouvoir l'utilisation durable des mers et la conservation des écosystèmes marins. Le 6ème programme d'action pour l'environnement faisait déjà référence à la nécessité de définir des moyens pour la protection et la conservation du milieu marin et il était évident que l'objectif de parvenir à une utilisation durable des mers et océans européens ne pouvait être réalisé au moyen de politiques individuelles. Il est devenu urgent d'agir car les prédictions de nombreux dangers soulignés dans le 6ème programme d'action se sont réalisées avec une ampleur qui dépasse les prévisions les plus pessimistes (2).

2.2

La stratégie proposée dans la communication précitée s'appuie sur la situation du milieu marin européen, qui est soumis à d'importantes détériorations et influencé par le changement climatique, la pollution des mers par des substances toxiques, la pêche commerciale, l'eutrophisation des mers et un danger supplémentaire, à savoir l'introduction d'espèces exogènes. Si nous ajoutons à cela d'autres obstacles à caractère institutionnel tels que la compétence exclusive des États membres sur leurs eaux territoriales, l'existence de conventions internationales ayant également une influence sur les pays tiers et de nombreux accords sur le plan mondial (3) difficiles à appliquer et à contrôler, nous voyons à quel point il est nécessaire d'apporter un contenu à cette stratégie, malgré tous les obstacles connus.

2.3

Simultanément à la proposition de directive à l'examen, une autre communication (4) a été récemment présentée, sur laquelle le CESE n'a pas été consulté et qui annonce l'élaboration prochaine d'un livre vert sur la stratégie pour le milieu marin. Nous estimons que la Commission devrait tenir compte du contenu de nos avis et des observations qui y sont formulées. Pour ce faire, le mieux serait de procéder à une nouvelle consultation dans le cadre de laquelle seraient intégrés nos connaissances et les avis que nous avons publiés sur les politiques ayant une incidence sur le milieu marin (pêche, transports, hydrocarbures, etc.). Le CESE, en tant que représentant de la société civile, tient à s'exprimer.

3.   Résumé des propositions

3.1

La stratégie pour la protection et la conservation du milieu marin dispose pour son application d'un instrument contenu dans la proposition de directive que nous allons examiner. Il faut également tenir compte des conventions internationales, notamment celles signées par la Commission et les États membres dans le cadre des Nations Unies (5) et les conventions régionales (6), sur lesquelles la présente directive doit s'appuyer afin de respecter les obligations qui y sont édictées.

3.2

La proposition de directive comporte cinq chapitres: le premier fixe les dispositions générales, à savoir l'objet (art. 1), le champ d'application (art. 2), les régions et sous-régions marines (art. 3), les stratégies pour le milieu marin (art. 4), les règles de coordination et de coopération entre les États membres (art. 5), ainsi que les autorités compétentes (art. 6).

3.3

Dans ce premier chapitre, il convient de souligner le contenu de l'article 4 sur les stratégies pour le milieu marin, qui devront être élaborées par les États membres, pour chaque région marine, et présenter un contenu minimum portant sur:

L'évaluation initiale de l'état écologique des eaux concernées et de l'impact environnemental des activités humaines sur ces eaux;

La définition du «bon état écologique» pour les eaux concernées;

La fixation d'une série d'objectifs environnementaux;

L'élaboration et la mise en œuvre d'un programme de surveillance des objectifs.

Elles devront en outre être accompagnées d'un programme de mesures, élaboré au plus tard en 2016, destiné à parvenir à un bon état écologique des mers et océans.

3.4

Aux chapitres II et III sont présentées les stratégies pour le milieu marin: le chapitre II décrit les règles de préparation de ces stratégies et le chapitre III les programmes de mesures.

3.4.1

Dans les règles de préparation des stratégies pour le milieu marin, le point de départ est l'obligation pour les États membres de réaliser une évaluation initiale de leurs eaux marines (art. 7) comprenant différents éléments, notamment une analyse économique et sociale de leur utilisation et du coût de la dégradation du milieu marin. Dans ce chapitre, sont définis le bon état écologique (art. 8 et annexe II) ainsi que les objectifs environnementaux (art. 9 et annexe III) et, enfin, le mode d'élaboration des programmes de surveillance (art. 10 et annexes II et IV) et la méthode d'approbation (art. 11).

3.4.2

Le chapitre III réglemente les programmes de mesures devant être élaborés par les États membres pour chacune de leurs régions marines (art. 12 et annexe V) pour parvenir à un bon état écologique et, en fonction de l'évaluation initiale, notifiés à la Commission (art. 14) en vue de leur approbation (art. 15). Des mesures ad hoc pour les zones spéciales sont prévues (art. 13).

3.5

Le chapitre IV expose les dispositions en matière de mise à jour des stratégies correspondant à chaque région marine (art. 16) ainsi que l'exigence de rédaction de rapports intermédiaires tous les trois ans (art. 17). Il convient de souligner le contenu de l'article 18, à savoir les dispositions en matière de consultation et d'information du public, conformément à la directive 2003/35/CE. Ce chapitre fixe également l'obligation pour la Commission de rédiger des rapports d'évaluation sur la mise en œuvre de la directive (art. 19) et de la réexaminer au plus tard 15 ans après la date de son entrée en vigueur.

3.6

Le dernier chapitre (chapitre V) prévoit les dispositions techniques en se référant aux annexes qui accompagnent la directive (art. 21) et au «comité» qui assistera la Commission dans cette tâche (art. 22).

4.   Observations sur la proposition

4.1

L'actuelle proposition de directive doit être étudiée en relation avec la communication précitée de la Commission au Conseil et au Parlement européen intitulée «Vers une stratégie pour la protection et la conservation du milieu marin» (pour un examen plus approfondi de la question, on se reportera à l'avis du CESE CESE 578/2003 sur cette communication). Les points clés de celle-ci sont:

les politiques individuelles des États membres ne suffisent pas à l'amélioration du milieu marin, comme il serait souhaitable, et l'état des eaux marines communautaires se détériore progressivement;

les États ne réalisent pas un suivi efficace de l'état de leurs eaux marines;

la connaissance scientifique du milieu marin est insuffisante et il convient de s'investir davantage dans la recherche;

la définition des éléments et objectifs liés à la nécessité de mettre en place une stratégie de protection et restauration du milieu marin n'est pas satisfaisante. Elle se traduit par 23 actions possibles.

4.2

Dans son avis, le CESE estime que:

a)

La communication est un pas en avant pour lancer les actions destinées à protéger et sauvegarder le milieu marin;

b)

Il manque toutefois une méthodologie d'intervention claire et efficace similaire à la méthodologie contenue dans la directive-cadre sur l'eau;

c)

Cette méthodologie, fondée sur les écosystèmes, devrait comporter une définition du «bon état des eaux» et prévoir la création de zones du milieu marin ainsi que la définition de critères et mécanismes de coordination des pouvoirs publics, etc.

4.3

De ce point de vue, la proposition de directive intègre, sous certains aspects, des éléments importants de l'avis du CESE et prévoit une méthodologie d'intervention semblable à celle définie par la directive-cadre sur l'eau mais avec des différences notables quant au rôle de la Commission et des États membres et quant à l'articulation des différents éléments contenus dans la directive-cadre. Toutefois, il manque des explications quant aux raisons et à l'utilité de ces éléments, surtout parce qu'il existe d'importantes contradictions. Par exemple:

a)

entre l'inefficacité des politiques individuelles et du cadre communautaire constatée dans la communication et la poursuite de ce mode d'action dans la présente proposition de directive;

b)

entre la définition exhaustive des éléments, objectifs et actions de la communication et le fait que ces définitions ne correspondent que partiellement à celles de la présente proposition de directive.

4.4

Le CESE estime que la présente proposition de directive:

a)

est nécessaire mais pas suffisante pour sauvegarder et protéger le milieu marin intéressant l'UE, c'est-à-dire celui qui ne se limite pas nécessairement aux eaux territoriales des États membres;

b)

est un bon point de départ qu'il convient de nuancer sur certains aspects majeurs;

c)

est partielle et qu'il convient par conséquent de réaliser de nouveaux développements a posteriori et de les insérer dans la proposition afin que ce soit une véritable directive-cadre dotée de l'ampleur et de la profondeur requises.

4.5

L'application de la directive est presque uniquement du ressort des États membres. La Commission donne les orientations pour les différentes actions, est tenue informée par les États membres et approuve ou rejette mutatis mutandis les définitions de l'état écologique, des objectifs environnementaux et des indicateurs ainsi que du programme de surveillance et du programme de mesures avec les zones spéciales.

4.6

La directive n'instaure pas de nouveaux instruments législatifs ou de gestion mais utilise ceux qui existent au niveau communautaire et dans le cadre des accords internationaux souscrits par l'Union européenne.

4.7

La directive clarifie la forme sous laquelle s'exerce, au travers des États membres, la participation du grand public et des acteurs concernés.

5.   Observations spécifiques

5.1

L'expérience héritée de l'intervention et de la mise en œuvre des dispositions européennes les plus ambitieuses dans les États membres (directive-cadre sur l'eau, directive IPPC) montre que la Commission doit jouer un rôle actif non seulement en matière de suivi mais également au niveau de la coordination et de la centralisation des activités considérées comme un soutien aux États membres, à commencer par le respect du principe de subsidiarité. Pour ce faire, la Commission devrait instaurer et présider un forum des autorités compétentes par zone et sous-zone maritime en présence des acteurs concernés, des institutions scientifiques reconnues dans ce domaine et des autorités responsables en matière de politique de la pêche et de radionucléides.

5.2

De même, la proposition de directive, en plus de définir les nécessités en matière d'information et d'approbation de la proposition d'évaluation initiale, le bon état écologique, les objectifs environnementaux, le programme de surveillance et le programme de mesures (y compris les mesures ad hoc pour les zones spéciales), devrait établir une procédure d'intervention et fixer un délai pour traiter les éventuels rejets. Cette procédure devrait prévoir la participation des acteurs concernés et du public en général et contenir des éléments suffisamment incitatifs.

5.3

Le contenu de l'évaluation initiale est détaillé dans l'annexe II. Dans le tableau intitulé «Pressions et impacts», il conviendrait, conformément à la communication antérieure à la proposition de directive, de définir les causes liées à l'activité humaine et leur relation avec les pressions et impacts et avec les éléments et objectifs de la protection du milieu marin, afin d'établir un lien approprié avec les actions et politiques de la stratégie.

5.4

La définition du «bon état écologique» et de l'«état écologique du milieu marin» se fait en fonction de «descripteurs qualitatifs génériques, de critères et de normes». Il faudrait également inclure des descripteurs quantitatifs, car certaines variables se référant aussi bien à l'évaluation initiale qu'au bon état écologique ont besoin de cette caractéristique. En outre, le suivi des variables des programmes de surveillance nécessite des références quantitatives (densité du phytoplancton, par exemple).

5.5

Les objectifs environnementaux sont définis à l'article 9 et dans l'annexe III au moyen de critères trop génériques. Il conviendrait de déterminer des éléments et objectifs minimums. Au bas mot, le contenu de la communication de 2002 devrait être intégré, à savoir:

Appauvrissement de la diversité biologique et destruction des habitats;

Substances dangereuses;

Eutrophisation;

Radionucléides;

Pollution chronique par les hydrocarbures;

Résidus et déchets;

Transports maritimes;

Santé et environnement;

Changement climatique.

5.6

Le programme de mesures (art.12, annexe IV) doit au minimum reprendre les mesures obligatoires selon la législation européenne, notamment la réglementation relative aux eaux côtières, dont le programme d'action s'efforce de prévenir les dommages occasionnés par les différentes sources de pollution énumérées au paragraphe ci-dessus. Il faudrait en outre inclure les mesures obligatoires dérivées des conventions et accords internationaux et les mesures ad hoc destinées à pallier la détérioration du milieu marin dans les «zones spéciales». Cette formulation présente l'avantage de regrouper en un seul instrument l'ensemble des mesures et actions actuellement dispersées dans différentes dispositions et règles juridiques afin de faciliter leur application.

5.6.1

Mais il faut par ailleurs éviter que la rédaction de ces programmes de mesures se limite à cela car, comme nous l'avons déjà mis en évidence, si cela n'a pas suffi à éviter la détérioration de l'environnement, cela ne suffira guère à atteindre l'objectif du bon état écologique du milieu marin. De ce point de vue, une initiative importante, qui mériterait toute notre attention, consisterait à diffuser régulièrement dans les pays à façade maritime de bonnes pratiques en matière d'écotechnologies (toilettes écologiques, lessives sans phosphates, zones-tampons et restrictions sur le littoral, etc.).

5.7

La proposition de directive permet aux États membres de sélectionner des zones spéciales dans lesquelles les objectifs environnementaux ne pourront pas être atteints pour les raisons suivantes:

Action ou absence d'action d'un autre État (membre ou non de l'UE);

Circonstances naturelles ou de force majeure;

Modifications ou altérations physiques en conséquence de «mesures prises pour des raisons impérieuses d'intérêt général».

5.7.1

Cette rédaction est si ambiguë qu'elle peut donner lieu à une application abusive. C'est pourquoi il convient de:

1.

définir très clairement et rigoureusement ces causes au moyen de:

l'élaboration d'une liste d'actions ou absence d'actions d'un autre État pouvant affecter la réalisation des objectifs environnementaux;

la définition des phénomènes considérés comme étant des circonstances naturelles et des critères caractérisant la force majeure;

la définition des critères caractérisant le concept d'«intérêt général».

2.

établir des procédures d'approbation de ces exceptions par la Commission avec la participation des acteurs concernés et du public.

5.8

S'agissant des questions de coordination et de coopération, il y a lieu de prendre en compte les pays tiers riverains de nos mers et océans, et pas seulement ceux qui sont parties prenantes à des accords internationaux, de manière à susciter une coopération accrue de leur part, en vue de l'obtention de bons résultats environnementaux.

5.9

Enfin, la proposition de directive canalise la participation des acteurs concernés et du public au travers des systèmes étatiques existants. Ces derniers sont remis en cause dans de nombreux pays, tantôt du fait du manque de transparence, tantôt parce qu'ils tardent à apporter une réponse aux demandes qui leur sont faites ou parce qu'ils considèrent avec ambiguïté les organisations des acteurs concernés, etc. La Commission devra donc mettre en place une procédure souple et efficace pour recueillir les plaintes ou dénonciations des acteurs concernés et du public en général, les gérer et garantir leurs droits à l'information, à la consultation et à la participation. En ce sens, il conviendrait de supprimer le critère «mutatis mutandis» du système d'approbation précité.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  COM(2002) 539 final – Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - Vers une stratégie pour la protection et la conservation du milieu marin.

(2)  Pour plus de détails, voir l'avis JO C 133 du 6.6.2003: «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - Vers une stratégie pour la protection et la conservation du milieu marin» (rapporteuse: Mme Maria Candelas SÁNCHEZ MIGUEL).

(3)  Les chapitres I à IV des conclusions du sommet de Johannesburg, tenu du 26 août au 4 septembre 2002, comportent des accords sur les océans et les mers, les pêcheries, la pollution maritime et la recherche. Voir avis JO C 133 du 6.6.2003.

(4)  COM(2005) 505 final du 14.10.2005.

(5)  Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) approuvée par décision no 98/392/CE du Conseil, le 23 mars 1998.

(6)  Convention sur la protection de l'environnement marin de la zone de la mer Baltique, décision no 94/157/CE; Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, décision no 98/249/CE; Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, décision no 77/585/CEE, modifiée en 1995.


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/24


Avis du Comité économique et social européen sur «La gestion des mutations industrielles dans les zones transfrontalières à la suite de l'élargissement de l'Union européenne»

(2006/C 185/05)

Le 20 juillet 2005, la future présidence autrichienne du Conseil de l'Union européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur «La gestion des mutations industrielles dans les zones transfrontalières à la suite de l'élargissement de l'Union européenne»

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 22 mars 2006 (rapporteur: M. KRZAKLEWSKI).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 21 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 69 voix pour, 2 voix contre et 5 abstentions.

Première partie: synthèse des conclusions et des recommandations du CESE

Le gouvernement autrichien a adressé à la commission consultative des mutations industrielles (CCMI) la demande formelle d'élaborer un avis exploratoire sur le thème des «Mutations industrielles dans l'Union élargie: perspectives et effets pour les régions transfrontalières».

Le Comité considère, qu'au cours du mandat de la nouvelle présidence, il convient de définir en termes distincts et précis ce que l'on entend par une «région» dans un contexte transfrontalier et industriel. Cette définition devra se référer spécifiquement aux régions situées au contact d'États qui ne sont pas membres de l'UE et tenir compte du statut de candidat à l'adhésion que ce pays voisin concerné possède ou ne possède pas.

Il s'impose tout particulièrement de répondre à un certain nombre de questions: où et comment tracer la ligne de partage entre les effets des changements qui ont été entrepris dans ces régions dans les années 1990 et ceux résultant des mutations enregistrées en lien avec l'adhésion à l'UE? Avec quels résultats les instruments communautaires y ont-ils été mis en œuvre avant et après l'adhésion? Dans l'application des politiques de l'Union, quels retards ont été enregistrés dans ces régions par rapport à d'autres?

Le Comité observe qu'aujourd'hui comme hier, la possibilité pour les parties intéressées d'employer des ressources disponibles au titre des fonds structurels de l'UE a constitué un facteur très important, voire décisif, pour conduire et développer une politique industrielle dans les régions transfrontalières de l'Europe élargie. Il est absolument indispensable d'augmenter la part qui, dans les fonds structurels, est dédiée à ces zones. Le règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'institution d'un groupement européen de coopération transfrontalière (GECT) offre une nouvelle chance à cet égard. Le Comité souligne avec une insistance toute particulière qu'il est indispensable d'inclure parmi les parties prenantes du GECT les acteurs économiques et sociaux, et les autres organisations concernées de la société civile, en particulier les organismes de formation. L'instauration de telles entités juridiques peut contribuer à renforcer la volonté de coopération transfrontalière, donner aux régions intéressées le sentiment d'être davantage les acteurs de leur propre destin et les inciter plus fortement à harmoniser leurs législations.

Le Comité affirme que le développement des marchés du travail dans les zones concernées constitue un facteur qui exerce une influence non négligeable sur les mutations industrielles. Il subsiste encore des barrières temporaires à la mobilité transfrontalière des travailleurs au sein de l'Union européenne. Le Comité invite les États membres à examiner sérieusement la possibilité de raccourcir les périodes transitoires. Le déroulement de cet examen doit inclure une participation appropriée des partenaires sociaux et leur consultation à tous les niveaux pertinents. Entre autres instruments susceptibles d'influer sur la politique industrielle, le Comité souligne l'intérêt que revêt l'éventuelle instauration de l'assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés européennes (ACCIS).

Dans son avis, le Comité souligne à plusieurs reprises que le dialogue social et l'implication de la société civile exercent une fonction extrêmement importante pour la gestion de la politique industrielle dans les régions étudiées. Cette observation s'applique tant durant la mise en oeuvre de politiques industrielles dynamiques que pour surmonter les problèmes touchant aux relations entre groupes nationaux, ethniques et culturels différents.

Seconde partie: argumentation à l'appui du présent avis

1.   Introduction

1.1

Peu de temps avant de prendre la présidence de l'Union européenne, le gouvernement autrichien a adressé à la commission consultative des mutations industrielles (CCMI) la demande formelle d'élaborer un avis exploratoire sur le thème des «Mutations industrielles dans l'Union élargie: perspectives et effets pour les régions transfrontalières». Par définition, la présentation d'un avis exploratoire précède l'adoption, par les institutions de l'UE, d'une proposition ou d'une décision politique.

1.2

Le passage à l'économie de marché et l'incorporation (transposition) du marché intérieur et des règles communautaires de concurrence ont enclenché une nouvelle dynamique dans un grand nombre de régions d'Europe centrale et orientale. Avec l'arrivée des pays d'Europe centrale et orientale dans l'UE, des régions frontalières ont pu se rapprocher davantage, redonnant vie, dans bien des cas, à des liens économiques et commerciaux historiques. Ce dynamisme retrouvé a cependant généré aussi son lot de difficultés nouvelles essentiellement liées au marché du travail, tout en mettant en lumière les carences en infrastructures des zones frontalières entre lesquelles une coopération s'est établie.

1.3

Afin d'étudier plus précisément les mutations industrielles qui interviennent dans les régions transfrontalières de l'Union élargie et de rassembler des matériaux en vue de l'élaboration d'un avis, la CCMI et l'Observatoire européen du changement (EMCC) ont organisé les 17 et 18 octobre 2005 à Bratislava, sur le territoire de la région transfrontalière Centrope, des «ateliers» auxquels ont participé des membres de la CCMI, des représentants des partenaires sociaux autrichiens, slovaques et hongrois et des experts.

2.   Observations générales — Aperçu de la situation dans les régions transfrontalières de l'Union élargie

2.1

Les régions frontalières, qui couvrent actuellement quelque 40 % de la superficie européenne, regroupent environ 33 % de la population de l'UE (1).

2.2

Depuis l'époque de la signature du traité sur la Communauté européenne du charbon et de l'acier, les frontières de l'Union européenne ont subi constamment des changements, qui devraient se poursuivre à moyen terme. Eu égard aux processus d'évolution qui en découlent, il convient que l'Union européenne fasse évoluer en continu sa politique concernant les régions frontalières.

2.2.1

Dès avant leur adhésion, au moment de l'adaptation de leur système juridique et socio-économique, les régions frontalières au sein des pays candidats qui partagent une frontière physique avec l'UE entreprennent une coopération avec celles de l'UE qui leur sont limitrophes et y occupent une position plus périphérique.

2.2.2

Le «Rideau de fer» constituait une frontière d'une nature particulière; aujourd'hui, son tracé se situe en grande partie à l'intérieur des limites de l'UE des Vingt-cinq. En 1989, au moment de la chute du Mur de Berlin et neuf ans après la révolution de Solidarité en Pologne (1980), pratiquement aucune infrastructure n'existait dans les zones situées à proximité de cette ligne qui séparait l'Europe des pays de l'ancien bloc soviétique et, en particulier, dans les aires qui formaient le «no man's land». Ce problème est loin d'être résolu, même si des progrès significatifs ont été enregistrés s'agissant de gommer les marques laissées par les décisions politiques qui ont abouti à pareille situation.

2.2.3

La Méditerranée offre un autre exemple spécifique de frontière. Si une politique de coopération entre l'UE et les pays qui bordent cette mer existe depuis plusieurs années déjà, l'Europe ne l'a pas, ces derniers temps, rangée parmi ses principales priorités, étant donné l'évolution de la situation internationale.

2.3

Avant l'entrée des nouveaux pays dans l'UE, il s'est créé sur leurs zones limitrophes une série d'associations transfrontalières, qui prennent par exemple la forme d'eurorégions et constituent un type de coopération de part et d'autre des frontières tirant son origine de conventions entre des territoires frontaliers voisins. Le fonctionnement des eurorégions ne devait pas obligatoirement être régi par des accords internationaux mais découlait d'un libre choix des collectivités et autres parties intéressées. L'activité conjointe établie dans le cadre des eurorégions avait pour but de résoudre des problèmes en commun, indépendamment des frontières politiques, et de mettre en place une collaboration économique dans le domaine de la communication et des actions en faveur de l'environnement.

2.4

Des années 1990 à nos jours, la mise en œuvre concrète de cette collaboration interrégionale s'est principalement opérée dans le cadre des différents programmes Interreg qui se sont succédé et le CESE s'est penché lui aussi sur certains de ses aspects, en lui consacrant des avis qui s'inspiraient notamment de l'expérience engrangée dans le secteur de la Méditerranée et de la Baltique (2), (3), (4).

2.4.1

Sur la base de ces travaux du CESE, il a été établi que la coopération interrégionale bénéficiant d'un soutien communautaire pouvait être définie en fonction des critères suivants:

a)

le type de territoire visé: région, grandes villes, entités locales subrégionales,

b)

les catégories d'extension spatiale: zones contiguës ou non contiguës (coopération transfrontalière ou transnationale),

c)

la couverture géographique: coopération à l'intérieur de l'UE ou entre des régions de l'UE et de pays voisins extracommunautaires,

d)

les niveaux de coopération, tels que:

la collecte d'expériences partagées, la constitution de réseaux de transfert de savoir-faire,

la planification territoriale,

les projets communs pour attirer des investissements en matière d'infrastructures et autres équipements.

2.4.2

Dans ses avis concernant Interreg, le Comité constate que dans les années 1990, la combinaison entre plusieurs catégories de coopération s'opérait de manière plutôt sélective. Par exemple, la coopération ne fonctionnait qu'à quelques-uns uns des niveaux indiqués et se limitait à certaines catégories spatiales et zones géographiques.

2.4.3

Dans le cas des régions transfrontalières situées aux points de rencontre entre la France, la Belgique, l'Allemagne et le Luxembourg, lesquelles ont été soumises à des processus de restructuration intenses, un des grands acquis communautaires a consisté en l'application de méthodes de redéploiement qui ont contré le dépeuplement de ces zones et l'apparition sur leur territoire de véritables «déserts postindustriels». Les ressources et moyens prévus par le traité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier ont exercé une influence déterminante pour que les restructurations aboutissent à pareil résultat.

2.5

À l'heure actuelle, on recense quelque 180 associations transfrontalières actives en Europe. La plupart d'entre elles constituent des outils dont le but est d'atténuer les effets négatifs de l'existence d'une frontière en activité. Le territoire des nouveaux États membres compte 32 eurorégions, qui témoignent ainsi clairement de leur vaste mobilisation dès lors qu'il s'agit de soutenir l'idée de coopération transfrontalière.

2.6

Dans la majorité de ces 32 zones transfrontalières où des États membres «nouveaux» côtoient des «anciens» qui leur sont limitrophes, il n'a été entrepris jusqu'à présent aucune initiative commune qui concernerait directement la politique industrielle, bien que nombre de projets communs s'y rapportent indirectement.

2.7

En règle générale, les initiatives nouvelles qui ont été prises dans le domaine de la politique industrielle ont été déployées dans des régions transfrontalières qui étaient situées dans le voisinage géographique de métropoles (par exemple à l'intérieur du triangle Vienne-Budapest-Bratislava) ou dont le territoire abritait des centres industriels ou un groupe de villes de grande taille mais de nature non métropolitaine (région de Katowice et Ostrava, aux confins de la République tchèque et de la Pologne).

2.7.1

La région du Frioul — Vénétie julienne, à la frontière italo-slovène, offre un nouvel exemple intéressant de mutations industrielles, différents secteurs de production, en particulier l'industrie du meuble, y ayant connu une reprise juste avant et après l'élargissement.

3.   Observations spécifiques

3.1   Caractéristiques principales d'une région transfrontalière de l'Union élargie

3.1.1

Tels qu'indiqués dans le présent avis, les traits qui caractérisent une région transfrontalière dotée d'une politique industrielle en développement ont été définis pour l'essentiel sur la base de l'observation de la région Centrope (5).

3.1.1.1

La région Centrope est composée de territoires de trois nouveaux États membres et de l'un des quinze anciens États membres (les länder de Vienne, de Basse-Autriche et du Burgenland en Autriche, la région de Moravie méridionale en République tchèque, les districts de Bratislava et de Trnava en République slovaque et les comtés de Győr-Moson-Sopron et de Vas en Hongrie). Elle comprend à la fois des zones qui présentent les problèmes typiques des espaces périphériques et, dans leur voisinage, des zones centrales urbaines économiquement dynamiques.

3.1.1.2

Dans les années 1990, la région a subi une intense restructuration, qui a été suivie d'investissements dans certaines portions de son territoire. Cette situation a provoqué des glissements sur le marché du travail, étant donné qu'un nombre considérable de travailleurs s'en sont retirés, principalement parmi les plus âgés, puis qu'une demande de main-d'œuvre est apparue — pas toujours au même endroit — au fur et à mesure que des investissements étaient effectués.

3.1.1.3

Dans le quadrilatère formé par l'Autriche, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie, l'élargissement de l'Union européenne a réuni des marchés régionaux du travail différents, dont l'intégration pose un défi. La délocalisation des entreprises et l'exode des travailleurs vers les villes ainsi que les lacunes de l'infrastructure, en particulier pour les transports, continuent comme auparavant à peser sur la structure du marché du travail, au même titre que les différences salariales sensibles entre l'Autriche et les nouveaux États membres et la pénurie annoncée de personnel qualifié.

3.1.1.4

Certains signes sont apparus qui laissent entrevoir que des réseaux de production d'échelle transfrontalière sont en train de se former. Parmi les facteurs qui ont contribué à ce phénomène figure le développement de l'infrastructure de transport, qui a nécessité des investissements substantiels. Cette action a abouti à combler les lacunes existantes et retisser des liens qui avaient été rompus.

3.1.2

Pour ces régions, les investissements étrangers et nationaux, y compris ceux émanant des rangs des petites et moyennes entreprises ont été et demeurent un des principaux facteurs de stimulation des mutations industrielles. Dans les pays où elles ont été créées avant l'adhésion, les «zones économiques spéciales» et autres «zones industrielles» ont «aspiré» la majorité des investissements, alors que leur localisation ne coïncidait que rarement avec le territoire des régions transfrontalières (voir l'avis CESE CCMI/025), lesquelles, dès lors, sont jusqu'à présent peu nombreuses à avoir développé une nouvelle politique industrielle sur leur territoire.

3.1.2.1

Les investissement qui ont constitué les principaux moteurs de la croissance ont été les implantations dans des installations préexistantes ou créées ex nihilo, ainsi que les transplantations. La reconnaissance de nouveaux marchés, les différences en matière de fiscalité des entreprises, le fort différentiel salarial et les aides publiques sont autant d'éléments qui ont stimulé ces investissements. Tous ces facteurs sont venus épauler le processus de restructuration et ont contribué à la croissance économique.

3.1.2.2

Ces évolutions ont permis de disposer d'une main-d'œuvre dotée de qualifications élevées ou moyennes et abouti à réduire les coûts liés au travail ou autres. Pour des métiers tels les machinistes, les monteurs, les usineurs, les soudeurs, les ingénieurs mécaniciens ou les informaticiens spécialisés, on a assisté à un accroissement de la demande, qui se manifeste d'ailleurs de plus en plus visiblement dans les secteurs de production de toute l'Union européenne.

3.1.2.3

Pareils mouvements ont eu pour effet d'accroître les compétences en matière de gestion, d'enclencher une politique fondée sur les ressources humaines et d'activer le dialogue social. Grâce à elles, des moyens financiers ont également pu être dégagés pour réaliser des investissements et nouer des relations avec des marchés de fournisseurs et de clients.

3.1.2.4

À ce mouvement d'investissement ont participé non seulement les grandes sociétés de l'UE mais également des entreprises petites et moyennes ou extracommunautaires. Elles ont investi en «grappes», de manière groupée, pratiqué l'«essaimage» (multiplication) des implantations, tissé des relations avec les firmes locales et forgé des liens avec des affaires familiales ou des filiales étrangères.

3.1.3

Si l'on analyse les caractéristiques structurelles des mutations industrielles dans les régions transfrontalières étudiées, on constate que la méthode qui s'y applique généralement est celle du pas à pas.

3.1.3.1

Dans un premier temps, le lancement du processus productif s'est appuyé sur une forte intensité en travail et une qualification plutôt faible des travailleurs, tandis que dans un second stade, on a recherché des travailleurs et des prestations plus qualifiés. Dès lors que la première étape a été franchie avec succès, on est passé à une phase où quelques cas de «délocalisations» d'entreprises se sont produits, mais au sein même de la région, le but étant d'obtenir des coûts de main-d'œuvre moins élevés.

3.1.3.2

Mises en place pour dégager des gains de compétitivité sans quitter le réseau ou le territoire régional, les liaisons organisées bidirectionnelles, vers l'amont (à l'étranger, dans le cadre de la région puis en dehors d'elle) et vers l'aval (sur le territoire local), ont exercé une influence significative sur les problèmes structurels qui accompagnent ces mutations industrielles.

3.1.3.3

Des approches assorties de risques plus élevés, suivant le principe de la «boule de neige», ont également été employées et ont permis, semble-t-il, de forger des liens plus forts. Les «enclaves» créées sous l'action de ce processus au sein d'une entreprise en phase ascendante se sont distinguées en ce qu'elles se prêtaient plus aisément à une «greffe» sur de nouvelles sociétés, créées par la suite.

3.1.3.4

Dans les régions transfrontalières, y compris des nouveaux pays de l'UE, un phénomène qui se manifeste de plus en plus fréquemment consiste en la création de nouvelles filiales ou divisions d'entreprises du fait d'investisseurs dynamiques qui passent à une deuxième phase de développement dans la région. On remarque également que dans ces zones, la politique industrielle est stimulée par des réseaux d'entreprises qui fonctionnent sur un schéma transfrontalier et présentent un caractère international, par exemple, en ce qu'elles pratiquent une gestion transfrontalière interactive de leurs ressources humaines.

3.2   Facteurs de croissance et d'intégration inhérents aux mutations industrielles dans les régions transfrontalières

3.2.1

En ce qui concerne la politique industrielle, la démarche consistera à recourir à des mesures directes de stimulation et d'encouragement, ainsi qu'à instaurer une asymétrie entre les entreprises. S'agissant de la mise en œuvre de cette approche asymétrique, les firmes qui comptent des petites et moyennes entreprises en réseau rencontrent davantage de difficultés.

3.2.1.1

Comme le souligne l'exposé de M. Pedersini (voir note 5), on pourra, dans un avenir rapproché, procéder à un raccourcissement de la période de fonctionnement de l'entreprise à un horizon chronologique de moyen terme; cette évolution aura évidemment des conséquences sociales et sa réalisation devra s'accompagner de la mise en œuvre de mécanismes de protection adaptés, qui auront été arrêtés par la voie du dialogue social et économique.

3.2.2

Pour ce qui est du développement de l'UE et de l'avenir de la politique industrielle sur l'ensemble de son territoire en général et dans les régions transfrontalières en particulier, un défi d'une haute importance sera de faire face au problème des différences au niveau de la fiscalité des entreprises, en particulier en matière d'imposition des personnes morales (6).

3.2.2.1

Il importe au plus haut point de déterminer si la fiscalité des personnes morales doit faire l'objet d'une harmonisation et comment il convient de définir la base de l'imposition, soit qu'elle s'effectue en fonction du lieu où se situe le siège légal de l'entreprise (imposition selon les règles de l'État de résidence, IRER), soit qu'elle soit établie suivant une législation fiscale commune (assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés européennes, ACCIS).

3.2.2.2

Si l'on choisit la voie de l'imposition selon les règles de l'État de résidence, on évitera d'avoir à prendre un certain nombre de mesures juridiques en vue de définir l'assiette d'imposition dans les régions transfrontalières de l'UE. Les risques que recèle cette approche sont toutefois plus nombreux que ses avantages (7).

3.2.2.3

Le recours à l'option de l'assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés européennes aboutira quant à lui à ce que tous les entrepreneurs actifs à l'échelon transnational appliqueront, pour la fixation de l'assiette d'imposition, des principes homogènes (8), quel que soit le pays où est implanté leur siège légal. Par ailleurs, cette approche ne nécessite pas de modification des réglementations nationales existantes mais implique simplement que les États conviennent d'appliquer à l'échelle de l'Union certaines règles supplémentaires nouvelles concernant les entreprises dont l'activité couvre plusieurs pays.

3.2.2.4

Ce mécanisme de l'assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés européennes présente certaines failles, en ce que pour un même pays, deux entreprises proches du point de vue du potentiel et des parts qu'elles détiennent sur le marché national risquent bien d'employer des bases différentes pour établir leur revenu imposable.

3.2.3

Dans les régions citées, l'état actuel des infrastructures de transport et le rythme auquel elles se développent, tant en leur sein même qu'au niveau de leurs «couloirs d'accès», comptent également parmi les principaux facteurs qui influent sur le déploiement de la politique industrielle. Il importe par conséquent non seulement d'investir de manière intensive dans la construction et la modernisation du réseau régional de transport mais également de créer des entreprises de transport communes et de leur appliquer une gestion moderne en s'appuyant sur l'innovation et la recherche scientifique.

4.   Bilan et conclusions finales

4.1

Le concept de régions transfrontalières qui se caractériseraient par une nouvelle politique industrielle mise en œuvre sur leur territoire est très complexe, et ce aussi bien dans un sens général qu'en rapport avec des exemples concrets et en situation. Telle est la raison pour laquelle le Comité considère, qu'au cours du mandat de la nouvelle présidence, il convient de définir en termes distincts et précis ce que l'on entend par une «région» dans un contexte transfrontalier et industriel. Cette définition devra se référer spécifiquement aux régions situées au contact d'États qui ne sont pas membres de l'UE et tenir compte du statut de candidat à l'adhésion que ce pays voisin possède ou ne possède pas.

4.1.1

Dans le cas des régions de ce type dont l'activité prend place tout à la fois, dans une zone s'étendant sur de «nouveaux» États membres et à un point de rencontre de ces derniers avec les pays de la «vieille» Union européenne, il s'impose tout particulièrement de répondre à deux questions: d'une part où et comment tracer la ligne de partage entre les effets des changements qui ont été entrepris dans ces régions dans les années 1990 et ceux résultant des mutations enregistrées en lien avec l'adhésion à l'UE; d'autre part, avec quels résultats les instruments communautaires y ont-ils été mis en œuvre avant et après l'adhésion.

4.1.2

Les travaux qui seront réalisés par la nouvelle présidence en coopération avec le CESE devraient aussi apporter une réponse aux interrogations suivantes:

Les instruments communautaires, tant directs qu'indirects, qui sont déployés dans les régions transfrontalières n'accusent-ils pas un retard par rapport aux besoins de ces territoires et, par là même, de l'ensemble de l'UE?

Comment arriver à tirer le meilleur profit de la concorde qui a pu être observée entre employeurs et organisations syndicales et semble présider à beaucoup d'initiatives économiques dans les régions transfrontalières?

Comment peut-on agir pour contrebalancer la menace que constitue un éventuel phénomène de double délocalisation, c'est-à-dire dans un avenir assez proche, des régions transfrontalières vers les pays de l'Est de l'Europe puis, finalement, vers l'Asie?

Si l'on se soucie de remédier aux conséquences des retards dont sont affectées nombre de régions transfrontalières (et qui peuvent aussi bien s'enraciner dans leur terreau historique que résulter de l'incapacité des politiques de l'UE à épouser leurs besoins), n'est-ce pas précisément sur leur territoire qu'il conviendrait d'instaurer anticipativement certains instruments communautaires dont la mise en œuvre est programmée, en considérant que pareille démarche offrirait l'occasion de vérifier ces actions sur le terrain et aurait valeur d'initiative pilote?

4.2

Étant donné que les régions transfrontalières de l'Union élargie adoptent une démarche qui leur est propre et se caractérise:

par une volonté de réduire au maximum le coût du travail,

par la pratique du déplacement dynamique des entreprises,

par des efforts pour ramener à un «horizon chronologique moyen» la période prévue pour le fonctionnement des entreprises,

par des mutations dynamiques dans la structure de l'emploi, du fait du recours à la méthode du pas à pas,

le CESE estime qu'un enjeu d'une haute importance consistera à garantir la cohésion sociale et à éviter une surenchère à la baisse en matière de droit du travail et de normes sociales. Aussi est-il indispensable que la réalisation de ces processus aille de pair avec l'utilisation des instruments qui ressortissent au champ des relations sociales modernes et bien établies dans l'UE et, plus particulièrement, de la concertation sociale ou du dialogue entre représentants des parties prenantes.

4.2.1

Eu égard aux difficultés qui caractérisent le marché du travail dans les régions transfrontalières et résultent tout à la fois des négligences dont elles ont souffert au cours de leur histoire, des processus de restructuration et des mutations dynamiques que provoque l'application d'une politique industrielle spécifique sur leur territoire, le CESE propose qu'afin de promouvoir l'emploi et l'augmentation des qualifications, on recourre dans pareilles situations à des mécanismes qui, autrefois, ont souvent été utilisés dans l'UE pour favoriser le travail et consistent à subventionner les entreprises créatrices de postes durables.

4.2.2

Il convient d'engager cette démarche tout en mettant en place des garanties formelles qui empêchent toute malversation au détriment de l'argent public et garantissent que les emplois créés de cette façon sont incontestablement des postes nouveaux et de nature permanente. Des techniques permettant d'offrir pareilles garanties dans les marchés publics ont été discutées lors de la révision des directives de l'UE en la matière.

4.2.3

En particulier, une entreprise ne devrait pas avoir le droit de bénéficier d'aides d'État ni de subventions au titre des fonds structurels lorsque après avoir perçu des aides, elle a délocalisé des emplois ou, à la suite d'une délocalisation, licencié du personnel sur son implantation initiale sans respecter les réglementations nationales et internationales.

4.3

Le Comité observe qu'aujourd'hui comme hier, la possibilité pour les parties intéressées d'employer des ressources disponibles au titre des fonds structurels de l'UE a constitué un facteur très important, voire décisif, pour conduire et développer une politique industrielle dans les régions transfrontalières de l'Europe élargie. Il est absolument indispensable d'augmenter la part qui, dans les fonds structurels, est dédiée à ces régions, tant pour adoucir le déroulement des puissants mécanismes de transition que pour rendre possible une adaptation au dynamisme des politiques appliquées sur ces territoires.

4.3.1

C'est sur ce fondement et en se référant à son avis (9) sur le règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'institution d'un groupement européen de coopération transfrontalière (GECT) que le Comité souligne avec une insistance toute particulière qu'il est indispensable de compléter les dispositions dudit règlement qui ont trait au but et à la composition du GECT par la formule «et des acteurs économiques et sociaux, ainsi que des autres organisations concernées de la société civile».

4.3.1.1

Les entités juridiques créées dans le cadre du GECT comme dans celui des autres fonds structurels devraient être responsables de la coordination des diverses sources de financement qui ouvrent la possibilité d'élaborer et mettre en oeuvre un projet réalisé au titre de ces fonds pour soutenir une politique industrielle dans la région concernée, ces moyens étant accessibles aux représentants des diverses parties intéressées au niveau régional. L'instauration de telles entités juridiques pourrait contribuer à renforcer la volonté de coopération transfrontalière, donnerait aux régions intéressées le sentiment d'être davantage les acteurs de leur propre destin et les inciterait plus fortement à harmoniser leurs législations.

4.3.2

Durant l'élaboration puis la mise en œuvre des projets alimentés par les fonds structurels, il convient de tirer parti de la possibilité qui est offerte de combiner les concours financiers publics avec des ressources privées fournies par des investisseurs sans que l'intervention de ces derniers soit qualifiée d'aide d'État illicite. Le critère déterminant à cet égard ne serait plus l'avantage retiré par l'acteur économique concerné mais celui apporté à la région, en termes d'emplois, de développement des infrastructures et de performance économique.

4.4

Le Comité considère que le développement des marchés du travail dans les régions concernées constitue un facteur qui exerce une influence non négligeable sur les mutations industrielles. Il subsiste encore des barrières temporaires à la mobilité transfrontalière des travailleurs au sein de l'Union européenne. Le Comité invite les États membres à examiner sérieusement la possibilité de raccourcir les périodes transitoires. Le déroulement de cet examen doit inclure une participation appropriée des partenaires sociaux et leur consultation à tous les niveaux pertinents.

4.4.1

Lorsqu'on s'emploie à encourager l'instauration des conditions requises pour une plus grande mobilité des travailleurs dans les régions transfrontalières, il convient également de ne pas oublier que des tensions peuvent voir le jour du fait de la nationalité ou de l'origine ethnique. Les spécificités de régions dans lesquelles des cultures et des nationalités différentes voisinent de longue date et l'expérience qu'elles ont accumulées devraient permettre mieux qu'ailleurs d'atténuer et de résoudre ces problèmes délicats. Le rôle du dialogue social et l'implication de la société civile revêtent une importance hors pair lorsqu'il s'agit de surmonter les problèmes touchant aux relations entre divers groupes nationaux, ethniques ou culturels (10).

4.5

Les activités liées aux mutations structurelles dynamiques dans les régions transfrontalières devraient bénéficier d'un accompagnement sous forme d'exercices d'expertise et d'évaluation, ainsi que d'études scientifiques, qui seraient entrepris sous les auspices des présidences successives de l'UE, car en la matière, les initiatives d'origine spontanée peuvent désormais s'avérer inefficaces ou, pis encore, déstabilisantes.

Bruxelles, le 21 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  A. ZÖLNER, intervention lors de la 216ème session de la commission des affaires étrangères du Sénat de la République de Pologne, Varsovie, le 26 octobre 2004.

(2)  JO C 133 du 31.5.1995.

(3)  JO C 39 du 12.2.1996.

(4)  JO C 39 du 12.2.1996.

(5)  Atelier de travail conjoint CCMI-EMCC, Bratislava, 17 et 18 octobre 2005, avec notamment les exposés de M. Roberto PEDERSINI et de Mme Klára FÓTI.

(6)  COM(2005) 532.

(7)  Rafał LIPNIEWICZ: «Jeden system dla wszystkich przedsiębiorców» («Un seul système pour tous les entrepreneurs»), Rzeczpospolita, 27 juillet 2004, no 174.

(8)  Ibidem.

(9)  JO C 234 du 22.9.2005.

(10)  Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, Rapport «Regional Social Capital in Europe» («Le capital social des régions en Europe»), 2005.


ANNEXE

À l'Avis du Comité économique et social européen

Les amendement suivants, qui ont recueilli plus d'un quart des suffrages exprimés, ont été repoussés au cours des débats:

Paragraphe 3.2.2.1

Modifier comme suit:

«Il importe au plus haut point de déterminer si la fiscalité des personnes morales doit faire l'objet d'une harmonisation et comment il convient de définir la base d'imposition, soit qu'elle s'effectue en fonction du lieu où se situe le siège légal de l'entreprise (imposition selon les règles de l'État de résidence, IRER), soit qu'elle soit établie suivant une législation fiscale commune (assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés européennes, ACCIS)».

Paragraphe 3.2.2.2

Biffer.

Paragraphe 3.2.2.3

Biffer.

Paragraphe 3.2.2.4

Biffer.

Exposé des motifs

Une discussion sur d'hypothétiques pistes de politique fiscale est dénuée de valeur dans le cadre de l'avis à l'examen, d'autant qu'elle est étrangère aux objectifs qui lui ont été assignés.

Résultats du vote

Voix pour: 20

Voix contre: 50

Abstentions: 3


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/31


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques communautaires sur la migration et la protection internationale»

(COM(2005) 375 final — 2005/0156 (COD))

(2006/C 185/06)

Le 15 novembre 2005, le Conseil, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 22 février 2006 (rapporteuse: Mme Sciberras).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 131 voix pour et 3 abstentions.

1.   Introduction

1.1

Le traité d'Amsterdam, entré en vigueur en 1999, poursuit notamment l'objectif de maintenir et de développer l'Union «en tant qu'espace de liberté, de sécurité et de justice, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d'asile, d'immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène» (1).

1.2

Avancée notable, la politique relative à la migration passait ainsi du troisième pilier de l'Union européenne, fondé sur la coopération intergouvernementale, au premier pilier, dont les politiques sont élaborées à l'initiative de la Commission européenne. Le 1er mai 2004 a également marqué le début d'une nouvelle phase dans le domaine de la politique migratoire des 25 États membres, poursuivant ce changement graduel de la politique nationale vers la politique collective.

1.3

Le 17 décembre 2005, la présidence britannique est parvenue à conclure un accord sur les perspectives financières pour 2007-2013, cadre régissant les finances de l'Union pour la prochaine période (2).

1.4

La rubrique «Citoyenneté, liberté, sécurité et justice» aborde la question de la sécurité des citoyens de l'UE dans les 25 États membres et prévoit des dépenses pour plusieurs initiatives dans des domaines tels que la protection des frontières. Une augmentation significative des dépenses au titre de cette rubrique est prévue au cours des huit prochaines années. Toutefois, il y a également des initiatives dans le domaine des politiques sociales, qui se traduisent par des projets sociaux tels que le Fonds européen pour les réfugiés et le Fonds d'intégration, dont l'objectif est d'améliorer la fourniture de services aux populations immigrantes des États membres.

1.5

Le Conseil européen de Thessalonique de juin 2003 a également mis l'accent sur «la nécessité d'envisager des moyens juridiques permettant à des ressortissants de pays tiers d'immigrer dans l'Union, en tenant compte de la capacité d'accueil des États membres» (3).

1.6

Les délibérations sur le sujet, notamment l'évaluation de la capacité d'accueil de chaque État membre, doivent non seulement tenir compte de la population, de la taille et de la situation économique de chaque État membre, mais aussi de sa population immigrante et des flux migratoires actuels. Or, ces derniers ne peuvent pas être correctement évalués si les métadonnées statistiques (règles applicables à la collecte de données) ne sont pas harmonisées sur l'ensemble des États membres. Cette harmonisation est en effet nécessaire pour garantir une cohérence interne des statistiques à l'échelle de l'UE.

1.7

Le manque d'harmonisation des statistiques est en partie imputable aux écarts de définitions du concept de migration. Ces écarts pourraient à leur tour découler des différences entre législations relatives à la migration, mais aussi d'insuffisances et de carences en matière de collecte des données, entravant la mise en œuvre d'une harmonisation progressive.

1.8

En outre, l'immigration illégale et le travail non déclaré sont deux phénomènes courants et en augmentation, ce qui est en partie imputable aux restrictions imposées sur les canaux légaux d'immigration. En raison de cette immigration non enregistrée, les mesures statistiques sont plus susceptibles d'être imprécises. De ce point de vue, la portée et la méthode des calculs statistiques sont particulièrement susceptibles de varier d'une autorité statistique nationale à l'autre, ce qui rend l'harmonisation des métadonnées entre États membres d'autant plus essentielle. Aux États-Unis, par exemple, la question de la sous-estimation du nombre d'immigrants illégaux a suscité un débat, visant à déterminer s'il conviendrait d'ajuster les données des recensements en utilisant les données sur les résidents non enregistrés collectées à l'aide de techniques d'échantillonnage. Mais il existe également d'autres méthodes pour la production de statistiques. En France, par exemple, les collectivités locales participent à la collecte des données.

1.9

Le projet de traité constitutionnel reconnaît «le droit des États membres de fixer les volumes d'entrée des ressortissants de pays tiers, en provenance de pays tiers, sur leur territoire dans le but d'y rechercher un emploi salarié ou non salarié» (4). Le CESE a considéré que cette contrainte constitutionnelle n'était pas un obstacle à un niveau élevé d'harmonisation législative pour l'admission de migrants. Le CESE a par ailleurs souligné la nécessité que l'UE se dote d'une politique active pour la migration économique et d'une législation harmonisée. (5)

1.10

L'évolution démographique et l'application de la stratégie de Lisbonne justifient en partie que l'on poursuive le développement d'un cadre légal pour l'immigration. Le CESE a fait observer que «compte tenu de l'évolution démographique dans l'Union et de la stratégie de Lisbonne, l'Europe doit disposer de politiques actives pour l'admission de migrants économiques… Indépendamment des besoins et des caractéristiques spécifiques à chaque pays, l'ouverture de voies à la migration économique est une caractéristique commune à tous les États membres» (6). L'Union européenne et les États membres doivent disposer d'une législation qui permette la migration de main-d'œuvre par des voies légales et transparentes. Bien que l'accent porte, en l'occurrence, sur les aspects économiques de l'immigration, le Comité reconnaît qu'il ne faut pas réduire le problème à cette dimension, les États membres devant également adopter des politiques actives pour l'admission de migrants non économiques.

1.11

Les flux migratoires importants posent également des problèmes d'ajustement aux pays d'accueil, en raison de la pression qu'ils exercent sur les services publics et des conséquences possibles sur le marché de l'emploi. Ces conséquences varient en fonction de la capacité d'absorption du pays d'accueil. Afin que l'opinion publique puisse être dûment informée des conséquences des flux migratoires, il est nécessaire de disposer de données statistiques précises et cohérentes pour tous les États membres. Par ailleurs, la précision statistique peut contribuer à lutter contre les tendances xénophobes au sein de l'opinion publique, et à renverser des affirmations telles que «les immigrés prennent les emplois des locaux» et «ils nous envahissent».

1.12

L'existence de données statistiques fiables peut contribuer à promouvoir un cadre légal commun et à protéger, de la sorte, les droits des migrants. Le Comité encourage la Commission à souligner l'importance d'une collecte et d'une interprétation précises des données statistiques pour en éviter de mauvaises interprétations.

1.13

Les travailleurs migrants constituent une large part de la main-d'œuvre. Aussi, pour atteindre l'objectif de mobilité de la main-d'œuvre sur l'ensemble de l'UE, faut-il prendre en considération les implications des restrictions imposées à la circulation des travailleurs entre États membres et la réinstallation de travailleurs migrants originaires de pays non membres de l'UE. En outre, ces flux intraeuropéens atténueraient les difficultés d'ajustement auxquelles sont confrontées les communautés d'accueil dotées d'une plus faible capacité d'absorption.

1.14

Le Comité part du principe que pour garantir le respect des droits de l'homme et la protection de la dignité humaine de chaque individu, les processus de collecte/traitement des données à des fins statistiques et/ou tout autre usage officiel de données personnelles recueillies de la sorte devraient être hautement protégés contre tout détournement de procédure ou autre violation.

2.   Importance des données statistiques dans le cadre légal

2.1

L'existence de données statistiques qui reflètent la position politique, sociale et économique ainsi que l'attitude nationale des pays de l'UE envers la question de l'immigration peut influencer et contribuer à la formulation, à l'analyse et à la révision de la politique migratoire dans ces pays.

2.2

Il est très important de disposer de données statistiques précises pour décrire les populations immigrantes des États membres de l'UE, notamment sur leur taille et d'autres caractéristiques démographiques. Le Comité demande instamment à la Commission de souligner la nécessité de disposer de données statistiques précises dans ce domaine, pour que les États membres puissent reconnaître l'importance de cette question et y allouer plus de ressources.

3.   Données sur l'immigration

3.1

Il faut garder à l'esprit les caractéristiques du paysage migratoire: en premier lieu, il apparaît que les flux migratoires prédominants vont d'Est en Ouest, en quête de meilleures conditions de vie. En deuxième lieu, l'on constate qu'il y a plus d'immigrants en provenance de pays non membres de l'UE vers les nouveaux États membres de l'Union. Ils sont attirés, de toute évidence, par les avantages potentiels qui découlent de l'adhésion de ces pays à l'UE, et du fait que ces pays offrent une porte d'entrée vers l'Occident. La production de données statistiques sur les modèles de migration est essentielle pour que les États membres puissent analyser les flux migratoires passés et actuels, prévoir les flux futurs, analyser leur impact réel sur les aspects démographiques, sociaux et économiques ainsi que leur potentiel. Ces données influenceront à leur tour les politiques dans ces domaines.

4.   Avantages des données statistiques

4.1

La plupart des États membres de l'UE disposent de statistiques complètes sur les pays d'origine des demandeurs d'asile. En revanche, il serait nécessaire de disposer statistiques plus approfondies fondées sur des critères cohérents pour tous les États membres, qui permettraient d'effectuer des comparaisons entre États à l'avenir.

4.2

La proposition de règlement visant à créer un cadre commun pour la collecte et l'établissement de statistiques s'avère particulièrement nécessaire dans les pays qui, loin de disposer d'une base de données centrale en matière de migration et d'asile, laissent au soin des différentes autorités la tâche de gérer leurs propres bases.

4.3

L'un des principaux rôles des statistiques est l'influence qu'elles exercent sur l'élaboration et la révision des politiques. A titre d'exemple, des statistiques révélant la présence d'enfants, de mineurs non accompagnés, de femmes enceintes et de personnes handicapées parmi les immigrants en situation irrégulière ont conduit à l'élaboration de politiques nationales sur la relaxe des «groupes vulnérables» et sur les «mineurs non accompagnés». Il apparaît dès lors qu'une ventilation plus détaillée des statistiques, ajoutant des informations démographiques et socio-économiques, comprenant la langue parlée, au simple nombre d'immigrants, a un impact sur les politiques. Ces dernières peuvent à leur tour avoir des implications sur l'intégration des immigrants au marché du travail.

4.4

Des statistiques plus précises et complètes permettent d'établir des projections plus fines et, partant, offrent une bonne base, par exemple, pour la planification future des ressources. Elles constituent aussi un outil solide pour étayer l'allocation de ressources. Par exemple, si des statistiques annuelles indiquent une tendance croissante à l'entrée, dans un pays, de mineurs non accompagnés en situation irrégulière, il faudra prévoir/accroître les ressources nécessaires pour fournir les infrastructures d'accueil et les services de soutien adaptés à ce groupe.

4.5

La production de statistiques fiables contribuera à garantir que les services offerts répondent aux besoins de leurs bénéficiaires et que la répartition des ressources entre États membres soit juste et proportionnée.

4.6

Par ailleurs, une étude comparative de toutes les lois sur l'immigration en vigueur dans les 25 États membres de l'UE aiderait indubitablement la Commission européenne à mieux coordonner la politique d'immigration à l'échelle européenne. Bien que l'immigration s'inscrive dans le pilier Justice et affaires intérieures, les citoyens européens exercent une pression sans cesse croissante, surtout dans les pays touchés par ce phénomène humain, pour que ce domaine soit traité au niveau de l'UE. L'objet d'une telle analyse serait d'œuvrer en faveur d'une harmonisation statistique afin de renforcer la cohérence des politiques d'immigration au sein de l'UE.

4.7

La production de données et d'enquêtes statistiques fiables sur les caractéristiques des immigrants illégaux aiderait les États membres de l'UE à analyser les causes sous-jacentes de l'immigration irrégulière. Ces données pourraient inclure le bagage socio-économique des immigrants, leur base de compétence, leurs aspirations et les motifs qui les ont poussés à émigrer. Ces enquêtes pourraient conduire à améliorer le niveau d'informations disponibles sur les immigrants et à prévoir des initiatives telles que des programmes d'éducation et de formation. La collecte de statistiques sur des données telles que le nombre d'immigrants informés sur les demandes de protection internationale, le nombre de demandes introduites, acceptées et rejetées pour les différents types de statuts (article 4), est également impérative dans la formulation des politiques concernant la protection des immigrants. La collecte et le traitement des données devraient être placés sous le contrôle des autorités publiques des États membres dotées de nouveaux moyens en hommes, en qualifications et en outils. Elles seraient alors soumises à mettre en œuvre la confidentialité des données personnelles sollicitées et à la production de rapports annuels à leur Parlement. La collecte de ces informations et de ces données statistiques requiert un effort conjoint des États membres pour recruter des interprètes professionnels capables de communiquer avec les immigrants afin d'obtenir toutes les informations nécessaires à la réalisation d'une enquête efficace. Les données collectées aideraient également les États membres à mettre en oeuvre les politiques appropriées. Les programmes précédemment mentionnés contribuent à l'intégration des immigrants dans les sociétés des États membres, des fonds étant disponibles pour la collecte de données sur le contexte social des immigrants, entre autres critères. Ces outils statistiques aideraient également des entités telles que l'observatoire européen à protéger les droits de l'homme.

4.8

Il faudrait également disposer de statistiques sur les centres fermés et les centres ouverts pour immigrants illégaux afin que la Commission européenne puisse proposer une politique commune en la matière.

4.9

Les États membres devraient également coopérer en matière de collecte de données relatives au travail (légal ou illégal) et au logement des immigrants. Ces données permettraient de dégager des tendances, au niveau de l'UE à 25, susceptibles de déboucher sur des politiques visant à améliorer les conditions de vie et de travail de ces travailleurs immigrants. Les États membres seraient alors tenus de mettre en œuvre la confidentialité des données personnelles sollicitées et les services compétents tenus à la production de rapports annuels à leur Parlement.

4.10

Les statistiques pourraient également être utilisées pour des campagnes de sensibilisation et d'intégration. Les données statistiques, en particulier, sur le contexte social et éducatif des immigrants, pourraient aider les citoyens européens à intégrer ces immigrants. Le Comité encourage dès lors la Commission à reconnaître l'importance des données socio-éducatives.

4.11

Les statistiques sur les dépenses encourues par les pays d'accueil en matière de contrôle, de détention, de rapatriement et d'intégration des immigrants sont également essentielles pour que l'UE à 25 puisse créer un fonds commun et élaborer une politique commune en matière d'immigration, fondés sur la solidarité. Les statistiques peuvent également contribuer à une meilleure évaluation des besoins de financement.

4.12

Le Comité encourage la Commission à introduire de nouveaux critères d'arrivée, incluant l'arrivée par air, terre ou mer, pour disposer de statistiques plus complètes sur la prévention d'entrées et de séjours irréguliers (article 5) et l'amélioration des sources de données et de normes de qualité (article 9).

5.   La nécessité d'assurer la protection internationale des immigrants en situation irrégulière

5.1

Ces dernières années, l'Europe a été le témoin d'un afflux d'immigrants en situation irrégulière en provenance de l'Afrique subsaharienne et d'autres pays africains. Dans bien des cas, les immigrants en situation irrégulière et les demandeurs d'asile ont fui leur pays d'origine pour échapper à des persécutions fondées sur la religion, la race et la politique, entre autres, mais aussi pour fuir la guerre civile, la famine, la pauvreté, les catastrophes naturelles, voire encore pour des raisons économiques. Nombre d'entre eux ont vu les leurs se faire tuer, torturer, soumettre à d'autres atrocités ou ils en ont été séparés. Souvent traumatisés, vulnérabilisés par les expériences vécues pendant leur voyage, ces immigrants ont besoin de protection. La production de données statistiques de qualité sur les raisons de l'émigration peut permettre d'identifier les causes de l'immigration et contribuer au développement et à l'évaluation des politiques d'asile et de lutte contre la traite d'êtres humains.

5.2

Les pays d'accueil des immigrants en situation irrégulière et tous les individus qui seront amenés à travailler avec eux doivent respecter les obligations internationales en matière de droits de l'homme ainsi que la législation nationale relative à l'immigration et aux réfugiés afin de pouvoir leur offrir une protection adéquate. Les forces de sécurité (l'armée et la police) du pays d'accueil sont, dans un premier temps, obligées d'assurer les opérations de sauvetage et l'application des normes minimales européennes pour l'accueil: assistance médicale, le cas échéant, détermination, dans la mesure du possible, du pays d'origine de l'immigrant en situation irrégulière et d'autres données démographiques. L'immigrant a également le droit fondamental d'être informé sur les démarches à suivre pour introduire une demande d'asile. La collecte de statistiques sur des données telles que le nombre d'immigrants informés sur les demandes de protection internationale, le nombre de demandes introduites, acceptées et rejetées pour les différents types de statuts (article 4), est également impérative dans la formulation des politiques concernant la protection des immigrants.

5.3

Les pays d'accueil doivent observer les obligations internationales en matière de droits de l'homme qui leur incombent en tant que signataires de conventions/déclarations/traités internationaux et/ou régionaux. Au titre des exigences fondamentales de l'acquis communautaire, les États membres de l'UE sont parties à la Convention relative au statut des réfugiés (1951) ainsi qu'au protocole et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (1967). Le document fondamental, à l'origine de toutes ces conventions, est la Déclaration universelle des droits de l'homme, de 1948 (DUDH), qui inclut le droit de demander asile. La Convention sur le statut des réfugiés constitue une partie essentielle du cadre international des droits de l'homme. D'autres conventions sont venues s'ajouter ultérieurement, dont la Convention contre la torture (1984) et la Convention relative aux droits de l'enfant (7). Les États membres doivent également observer les directives européennes, notamment la directive 2003/9/CE relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile (8), la directive 2004/83/CE sur les normes minimales relative aux conditions et au statut (9) et 2005/85/EC relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (10).

5.4

Il est dès lors essentiel que les pays d'accueil respectent ces conventions, pour s'assurer avant tout que les demandeurs d'asile reçoivent une protection minimale et ne soient pas refoulés avant le traitement de leur demande d'asile et la détermination de leur statut de réfugié humanitaire ou autre.

5.5

Les études comparatives sur l'application, par les États membres, des définitions sur l'immigration figurant à l'article 2 et de l'article 4 (tous deux issus de la source précédemment mentionnée) contribuent dans une large mesure à garantir la protection internationale des immigrants.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Article 1, point b).

(2)  Avis CESE du 19.1.2006 sur les droits fondamentaux et la justice, rapporteuse: Mme King (JO C 69 du 21.3.2006).

Avis CESE du 14.2.2006 sur la gestion des flux migratoires, rapporteuse: Mme Le Nouail-Marlière (JO C 88 du 11.4.2006).

Avis CESE du 14.12.2005 sur la proposition de décision du Conseil établissant le programme spécifique «Prévention, préparation et gestion des conséquences en matière de terrorisme», pour la période 2007-2013, rapporteur: M. Cabra de Luna (JO C 65 du 17.3.2006).

(3)  Point 30 des conclusions de la présidence.

(4)  Article III-267-5.

(5)  Avis du Comité économique et social européen du 9.6.2005 sur le Livre vert «Sur une approche communautaire de la gestion des migrations économiques», rapporteur: M. Pariza Castaños (JO C 286 du 17.11.2005).

(6)  Point 1.5 de SOC/199 (voir note en bas de page 4).

(7)  Mackey, Allan (Juge à l'immigration, RU). Article intitulé «Policies serving migratory purposes and the need to assure protection to asylum seekers and refugees», présenté à l'occasion du séminaire TAIEX, Malte, 15-16 décembre 2005.

(8)  Avis du CESE du 7.11.2001 sur la «Proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres» Rapporteurs: M. Mengozzi et M. Pariza (JO C 48 du 21.2.2002).

(9)  Avis du CESE du 13.5.2002 sur la «Proposition de directive du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers et les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, ou de personne qui, pour d'autres raisons, a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts». Rapporteuse: Mme Le Nouail-Marlière (JO C 221 du 17.9.2002).

(10)  Avis du CESE du 6.4.2001 sur la proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres. Rapporteur: M. Melícias (JO C 193 du 10.7.2001).


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/35


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires»

(COM(2005) 649 final — 2005/0259 (CNS))

(2006/C 185/07)

Le 13 février 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 mars 2006 (rapporteur: M. RETUREAU).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 133 voix pour, 3 voix contre et 3 abstentions.

1.   Résumé de l'avis du Comité

1.1

Le projet de règlement concerne une matière couverte par l'article 65 TCE et sa base juridique est constituée par l'article 61c du dit traité; compte tenu des spécificités propres aux créances d'aliments et à leur recouvrement transfrontaliers il répond, de manière adéquate, aux principes de proportionnalité et de subsidiarité, tant vis à vis des institutions judiciaires et des droits nationaux que vis à vis des justiciables.

1.2

La matière touche à la fois au droit de la famille et au recouvrement de créances, et au plan social comporte des risques de paupérisation qui doivent aussi être considérés.

1.3

Le projet répond également aux exigences de clarté et de sécurité juridique pour les parties en cause, les tiers impliqués et les administrations concernées; il protège également les données personnelles contre toute utilisation étrangère au règlement du litige et à l'accomplissement des obligations du débiteur d'aliments.

1.4

Le Comité approuve l'initiative législative de la Commission, compte tenu de certaines remarques particulières, et se réjouit des efforts faits en faveur d'une bonne législation, notamment par les consultations préalables et l'étude d'impact préliminaire qui ont précédé une rédaction juridique de qualité; il approuve également la forme choisie du règlement, ainsi que la base juridique retenue, mieux à même d'harmoniser la matière quand elle présente une composante européenne, en dépit des divergences, qui subsisteront, entre les droits nationaux.

1.5

Peu d'États membres ont ratifié la convention de La Haye sur le droit applicable aux obligations alimentaires, mais la plupart (17 sur 25) ont ratifié la convention sur l'exécution des décisions en la matière. Néanmoins, par le jeu des réserves exprimées et la possibilité d'opposer a priori des dispositions d'ordre public interne à une décision étrangère, il peut s'avérer impossible de faire appliquer une telle décision bien qu'elle émane d'un autre État-partie. Une telle situation crée des entraves à la libre circulation des décisions judiciaires dans l'espace communautaire, qu'il convient d'abolir.

1.6

Le Comité invite donc le Conseil à approuver le règlement proposé, qui établira une sécurité juridique et offrira des mesures pratiques d'exécution aux créanciers d'aliments dans un contexte transfrontalier, dans l'intérêt des européen(ne)s.

1.7

Enfin le Comité invite les gouvernements du Royaume-Uni et de la République d'Irlande à envisager leurs possibilités d'être liés par ce règlement (opt in) et le gouvernement du Danemark à faciliter l'exécution des décisions en matière de pensions alimentaires, conformément à la convention de La Haye sur l'exécution des obligations alimentaires ratifiée par ce pays, et à envisager l'établissement de coopérations ad hoc avec les autres pays membres à cette fin lorsqu'une demande lui sera présentée.

2.   Proposition de la Commission

2.1   Origine de la proposition, dimension internationale:

2.1.1

Le Programme de reconnaissance mutuelle en matière civile, adopté le 30 novembre 2000, demande la suppression de la procédure d'exequatur pour les créanciers d'aliments, qui doivent bénéficier du règlement «Bruxelles I» (1) de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale. Ce programme prévoit aussi qu'il peut être nécessaire d'établir certaines règles procédurales communes dans le cade de l'harmonisation des procédures, de rechercher la plus grande efficacité de l'exécution dans l'État requis d'une décision émanant d'un autre État membre, notamment par l'identification des éléments du patrimoine du débiteur.

2.1.2

La reconnaissance mutuelle doit encore s'inscrire dans un cadre de coopération judiciaire entre États membres et passe par l'harmonisation des règles de conflit de lois.

2.1.3

La Conférence de droit international privé de La Haye prépare une modernisation des conventions existantes, et selon la Commission la démarche communautaire et la démarche internationale sont complémentaires; l'initiative de La Haye permettra le développement ultérieur d'une coopération avec les pays tiers et pourrait produire des résultats transposables ultérieurement dans l'UE.

2.2   Objectifs de la proposition de règlement:

2.2.1

Elle se propose de lever tous les obstacles qui s'opposent au recouvrement des créances alimentaires dans un pays membre de l'Union par un créancier d'aliments domicilié dans un autre pays membre.

2.2.2

Le créancier doit pouvoir obtenir sans frais un titre directement exécutoire dans l'espace judiciaire européen, qui lui permette d'obtenir le recouvrement régulier des sommes dues.

2.2.3

Un instrument unique, ambitieux, couvrant tous les domaines pertinents de la coopération judiciaire civile s'avère indispensable en la matière, puisqu'il n'existe pas de régime unifié. La notion d'aliments et la notion de créancier d'aliments varient d'un pays à l'autre, et l'opposition possible à l'exécution d'une décision découle de réserves à la convention de La Haye de 1973 (article 26) qui pour l'instant a précédence sur le droit communautaire; il est proposé d'abolir cette exception — prévue dans l'article 71 du règlement Bruxelles I -, par le biais d'un instrument ad hoc pour le recouvrement des créances alimentaires.

2.3   Contenu du règlement proposé:

2.3.1

Harmonisation des règles de conflit de lois; si le droit applicable est déterminé par des règles harmonisées, cela facilite la circulation de la décision qui sera rendue selon un droit présentant des liens suffisants et indéniables avec la situation familiale du créancier et du débiteur.

2.3.2

Reconnaissance et caractère directement exécutoire de la décision sur tout le territoire de l'Union européenne.

2.3.3

Prise de mesures concrètes d'exécution par l'État de résidence du débiteur, y compris l'accès aux informations sur la situation économique du débiteur et la mise en place d'instruments juridiques permettant d'opérer des prélèvements directs sur salaire ou sur compte bancaire.

2.3.4

Renforcement du caractère privilégié de la créance d'aliments; renforcement de la coopération judiciaire civile: des modèles uniformisés d'actes sont annexés à cet effet au règlement.

3.   Observations générales

3.1

Le Comité reconnaît le caractère nécessaire et proportionné de la proposition de règlement spécifique relatif au recouvrement transfrontalier des créances alimentaires. En tant que les specialis il prévaut sur les autres dispositions générales de la coopération civile; il restaure la primauté du droit communautaire dans un domaine jusqu'ici exclu par la volonté des États, sans cependant modifier le droit interne des pays membres.

3.2

Les modalités prévues pour la détermination du patrimoine du débiteur et pour les prélèvements garantissent le respect du droit à la vie privée et le caractère confidentiel des données. Mais le débiteur est tenu d'informer le créancier et la juridiction d'origine de tout changement d'employeur ou de compte bancaire.

3.3

Le règlement apporte des solutions au créancier d'aliments, sans ignorer le droit du débiteur de contester la créance ou de demander le réexamen du montant devant la juridiction d'origine; la demande de réexamen est suspensive des mesures d'exécution.

3.4

La procédure d'exécution est celle de l'État d'exécution, quelque soit l'État d'origine de la décision.

3.5

La publication préalable d'un livre vert (2), l'organisation de consultations et de réunions d'experts, ainsi qu'une étude sur la situation dans chacun des États membres ont permis d'aboutir à une proposition cohérente, claire, bien conçue au plan pratique, qui devrait permettre d'éliminer les obstacles persistants au recouvrement transfrontalier des créances d'aliments.

4.   Observations particulières

4.1   Article 3

Le CESE est d'avis que le premier critère de définition de la compétence des tribunaux doit être le lieu où le créancier d'aliments a sa résidence habituelle et il suggère par conséquent d'inverser les alinéa a) et b).

4.2   Article 15

Le Comité considère que le créancier d'aliments doit toujours bénéficier de la loi qui lui confère le droit, car il n'est pas admissible d'opposer une loi quelconque qui lui retire ce droit, sauf éventuelle raison impérative d'ordre public admise par le présent règlement.

4.3   Article 35

Le Comité est d'avis que l'ordre de gel temporaire du compte bancaire ne peut être total mais doit être limité aux montants nécessaires à l'exécution de l'obligation alimentaire, sous peine de priver le titulaire du compte de moyens de subsistance pour une durée indéterminée, jusqu'à ce qu'une décision quant au fond soit prononcée, et il estime que cette mesure est serait manifestement disproportionnée par rapport à la fin visée.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Règlement CE 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

(2)  COM(2004) 254 final.


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/37


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'amélioration de la portabilité des droits à pension complémentaire»

(COM(2005) 507 final — 2005/0214 (COD))

(2006/C 185/08)

Le 15 décembre 2005, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 mars 2006 (rapporteuse: Mme Engelen-Kefer).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 103 voix pour, 19 voix contre et 11 abstentions.

1.   Conclusions et recommandations du Comité

1.1

Le CESE évalue positivement les objectifs de la Commission et les soutient, même si les mesures proposées pour la réalisation de ces objectifs sont diversement évaluées.

1.2

Il exprime notamment des réserves quant à la pertinence des dérogations et des exemptions prévues pour la réalisation effective des objectifs fixés. Cela vaut d'une part pour les exemptions relatives à la transférabilité et d'autre part pour les longs délais de transition appliqués pour l'abaissement de la durée de la période de stage.

1.3

Mais avant toute chose, l'objectif visant à faciliter la mobilité et à assurer des revenus complémentaires effectifs à l'âge de la retraite ne pourra être atteint qu'à condition d'adapter les différents systèmes fiscaux en vigueur dans les États membres.

1.4

Les aspects suivants devraient donc être pris en compte lors de la suite des travaux sur la proposition de directive:

Afin de lever les obstacles à la mobilité des travailleurs, il convient de disposer d'un système très largement coordonné, tant pour ce qui est de l'acquisition que du maintien et du transfert des droits à pension complémentaire. Il importe à cet égard de tenir suffisamment compte des retombées sur les divers régimes de pension complémentaire en vigueur dans les États membres et de l'éventualité d'une augmentation des dépenses au sein de ces régimes.

La participation financière des employeurs à l'établissement d'une pension complémentaire est nécessaire et souhaitable. Pour éviter des retombées négatives, il faut en conséquence prévoir des dispositions transitoires qui permettent aux employeurs d'adapter progressivement les régimes de pension.

Afin de répondre aux objectifs fondamentaux de la directive, les délais de mise en oeuvre doivent être aussi courts que possible et définis en fonction des besoins nationaux réels.

Il faudrait également revoir l'exemption générale et à durée illimitée prévue pour certains régimes.

Des mesures devraient parallèlement être prises dans le domaine de la fiscalité des régimes complémentaires de pension pour réduire les entraves à la mobilité liées à ces régimes.

2.   Introduction

Le 20 octobre 2005, la Commission européenne a présenté la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'amélioration de la portabilité des droits à pension complémentaire. Elle justifie sa proposition par le fait que l'importance croissante des régimes complémentaires de pension dans la couverture des risques vieillesse impose de supprimer les obstacles à la mobilité. Il importe de réduire ces obstacles pour permettre la mobilité tant entre États membres qu'à l'intérieur d'un État membre.

2.1

La Commission énumère les obstacles à éliminer:

conditions d'acquisition des droits à pension,

modalités de préservation des droits à pension dormants,

règles de transférabilité des droits acquis.

La Commission considère en outre que la mobilité peut être améliorée si les travailleurs sont (mieux) informés sur les conséquences de la mobilité pour les droits à pension complémentaire.

2.2

La Commission voit dans cette proposition l'aboutissement d'un long processus d'échange d'informations et d'expériences au niveau européen. Des négociations n'ont pas été engagées en vue de la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux en raison des vues divergentes quant à l'enjeu et aux instruments de cette action.

2.3

Avec la proposition à l'examen, la Commission entend établir, sur la base des articles 42 et 94 du traité CE, des principes communs pour l'aménagement des législations des États membres en la matière. Ces mesures visent également à faire en sorte que les entreprises ne soient pas dissuadées de s'établir dans un autre État membre par les difficultés de recrutement d'un personnel qualifié, ce personnel étant lié à d'autres entreprises par les dispositions des régimes complémentaires de pension.

2.4

La Commission justifie le choix de l'instrument de la directive par le fait que c'est le seul moyen d'établir un équilibre entre les droits inaliénables des travailleurs en termes de libre circulation et la flexibilité d'application dont doivent bénéficier les législateurs nationaux, dans le respect des spécificités nationales des régimes complémentaires de pension.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1

La directive définit, en accord avec les définitions présentées dans la directive 98/49/CE, les termes utilisés dans ce domaine réglementaire.

3.2

La proposition part du principe selon lequel les cotisations à un régime complémentaire de pension versées par le travailleur ou par l'employeur pour le compte du travailleur ne doivent pas être perdues au moment de la cessation d'emploi même si ces cotisations ne donnent pas encore droit au paiement d'une pension future. Il convient donc de garantir que les cotisations versées seront remboursées ou transférées.

3.3

Afin que les jeunes travailleurs en particulier ne perdent pas leurs droits en cas de changement d'emploi, la Commission a décidé que l'âge minimum à partir duquel il est possible d'acquérir des droits à pension complémentaire ne doit pas dépasser 21 ans dans l'ensemble des États membres.

De surcroît, la période d'attente, c'est-à-dire le temps nécessaire après l'établissement d'une relation de travail pour qu'un travailleur puisse être affilié à un régime complémentaire de pension, ne doit pas dépasser un an.

De même, la période de stage, c'est-à-dire les délais requis à compter du début du versement de cotisations pour que celles-ci confèrent des droits à pension, ne doit pas dépasser deux ans.

3.4

La Commission juge nécessaire de prévoir un ajustement équitable des droits à pension dormants, le choix de la forme et des instruments de cet ajustement étant laissé aux États membres. En outre, lorsque les droits acquis sont de faible valeur, les régimes complémentaires de pension ont la possibilité de les transférer mais aussi de les rembourser pour autant que ces droits ne dépassent pas un certain seuil (fixé par les États membres).

3.5

Afin d'encourager la mobilité et de limiter les inconvénients de celle-ci, il convient de faciliter le transfert des droits acquis du régime complémentaire de pension d'une relation de travail à celui d'une nouvelle relation de travail. Cela suppose également que le transfert n'occasionne pas de préjudices financiers en raison de calculs divergents ou de coûts trop élevés.

3.6

Il appartient au travailleur de décider s'il souhaite transférer ses droits ou les maintenir dans le régime de son ancienne relation de travail.

3.7

La proposition prévoit en outre que les travailleurs qui en font la demande soient informés dans un délai raisonnable des conséquences d'une cessation d'emploi sur les droits à pension complémentaire.

3.8   Mise en oeuvre

La directive entrera en vigueur dans les États membres le 1er juillet 2008 au plus tard.

Les États membres peuvent disposer d'un délai supplémentaire de 60 mois (à compter du 1er juillet 2008) pour l'abaissement de la période de stage à deux ans. Ce délai supplémentaire doit être justifié par une motivation spécifique.

3.9

De plus, les caisses de soutien, les entreprises qui constituent des provisions au bilan en vue du versement d'une pension à leurs employés et les régimes par répartition peuvent être exemptés pour une durée illimitée de l'obligation de transférabilité. La Commission doit être informée de la motivation spécifique de cette exemption. L'État membre concerné doit indiquer les mesures prises ou envisagées pour assurer la transférabilité. Il est prévu d'examiner en 2018 au plus tard si de nouvelles mesures sont nécessaires afin d'améliorer la transférabilité pour ces systèmes également.

4.   Évaluation générale

4.1

Les positions des partenaires sociaux concernant la portée et le contenu d'une législation européenne en la matière étant trop divergentes, il n'a pas été fait usage de la possibilité de la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux telle que prévue à l'article 139 TCE.

4.2

La CES, l'UNICE et le CEEP ont il est vrai reconnu dans le préambule de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée que «des innovations sont nécessaires dans les systèmes de protection sociale complémentaires afin de les adapter aux conditions actuelles, et notamment pour permettre la transférabilité des droits».

4.3

Une volonté unanime se manifeste ainsi de répondre d'une manière générale à la nécessité d'une adaptation des bases juridiques qui sous-tendent l'acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire. Le contexte du travail à durée déterminée n'est certes pas le même que celui qui préside à la libre circulation des travailleurs, mais les parties à l'accord reconnaissent que les conditions d'emploi évoluent et que cela implique une adaptation des régimes professionnels complémentaires de protection sociale.

4.4

Cela répond du reste au rôle important joué dans la plupart des États membres par les partenaires sociaux en ce qui concerne l'aménagement des régimes de pension complémentaire. Mais les actions des partenaires sociaux étant limitées au territoire national, la volonté de la Commission d'élaborer une directive apparaît néanmoins opportune.

4.4.1

Le contenu détaillé des régimes de pension complémentaires devrait être décidé à l'échelon des États membres, par le biais de conventions collectives entre les partenaires sociaux. A l'échelon européen, les règles sur les conditions d'acquisition devraient donc se concentrer sur les principes et fournir une orientation aux mesures nationales, en laissant aux partenaires sociaux une marge de négociation collective suffisante.

4.4.2

Il convient de remplacer l'article 4 de la directive par le texte suivant: «— lorsque des conditions d'acquisition sont exigées, telles qu'un âge minimum, une période d'attente et/ou d'investiture, ces conditions devront être équitables, et justifiée par des raisons objectives (et non discriminatoires)».

4.5

Tout changement d'emploi peut avoir un impact négatif sur l'acquisition de droits à pension complémentaire et leur montant.

Cet aspect pèse à son tour sur la décision des travailleurs de changer ou non d'emploi, même si cette décision dépend d'une multitude de facteurs.

4.6

En raison notamment de l'évolution démographique, les prestations du régime légal de pension ne suffiront plus à l'avenir pour assurer le maintien du niveau de vie, même dans les États membres où la pension légale constitue la principale source de revenus des personnes âgées. C'est pourquoi, même s'ils peuvent eux aussi être négativement influencés par l'évolution démographique, les régimes complémentaires de pension prennent de plus en plus d'importance.

4.7

Eu égard à l'objectif fondamental du marché intérieur, qui est d'assurer la libre circulation des personnes, mais aussi à la nécessité d'améliorer le cadre général des régimes complémentaires de pension, il y a lieu d'évaluer positivement l'approche de la Commission visant à réduire les obstacles à la mobilité découlant des régimes complémentaires de pension.

4.8

Par ailleurs, le Conseil est tenu, en vertu de l'article 40 du traité CE, d'arrêter, «par voie de directives ou de règlements, les mesures nécessaires en vue de réaliser la libre circulation des travailleurs». L'article 40 vient ainsi encore renforcer la base juridique de la proposition, à savoir l'article 42.

4.9

La réduction des entraves à la mobilité revêt également une grande importance pour la réalisation de l'objectif fondamental de la stratégie de Lisbonne, qui est de consolider l'espace économique européen grâce à l'instauration d'une société de la connaissance. La société de la connaissance est la condition du développement socio-économique ainsi que le principal facteur de productivité. Elle est fondée sur l'innovation et la capacité d'imagination des citoyens. Pour qu'elle puisse se déployer, il faut qu'ait lieu un échange permanent de connaissances et d'expériences. La mobilité des travailleurs peut y contribuer grandement. La préservation de la cohésion sociale est en outre l'une des composantes de la stratégie de Lisbonne. C'est pourquoi l'objectif du projet de directive de la Commission mérite d'être soutenu de ce point de vue également.

4.10

Il convient par ailleurs d'observer que le règlement no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, traitait déjà du problème de l'élimination des inconvénients (notamment) en termes de pension. Il s'agissait de l'un des premiers instruments de politique sociale visant à réduire les entraves à la livre circulation ou à en supprimer les incidences négatives. La proposition de la Commission s'inscrit dès lors logiquement dans le droit fil de cette politique, notamment eu égard au fait qu'il existe une lacune réglementaire considérable dans le domaine des régimes complémentaires de pension, lacune qu'il y a lieu de combler au vu de l'importance croissante de cet aspect pour le maintien du niveau de vie des personnes âgées.

4.11

Les mesures prises pour résorber les obstacles à la mobilité interviennent à point nommé compte tenu de la proclamation par la Commission européenne de 2006 comme «Année européenne de la mobilité des travailleurs».

4.12

Les régimes complémentaires de pension diffèrent selon les États membres. Il est dès lors évident que seul un cadre européen peut permettre un rapprochement progressif de ces différents systèmes dans le but de faciliter le passage d'un régime à un autre.

4.13

Ce constat étant posé pour le niveau européen, il apparaît dès lors peu pertinent pour l'homogénéité des conditions de vie et de travail d'harmoniser les dispositions régissant la mobilité transfrontalière sans s'occuper par ailleurs de celles s'appliquant à la mobilité à l'intérieur d'un État membre. C'est pourquoi il y a lieu de suivre l'approche de la Commission qui vise à réduire les obstacles à la mobilité des travailleurs tant au niveau transfrontalier que national.

4.14

Le projet de directive omet toutefois d'aborder un domaine essentiel, celui de l'harmonisation de la fiscalité des régimes complémentaires de pension. En ce domaine, la disparité des traitements fiscaux appliqués dans les États membres représente un sérieux obstacle à la mobilité dans la mesure où les travailleurs peuvent se voir soumis à une double imposition (sur les contributions et sur les prestations). La raison en est que si le texte traitait la question fiscale, le Conseil devrait statuer à l'unanimité, ce qui présenterait un risque de blocage de la directive. C'est pourquoi la Commission s'est efforcée de régler le problème de la fiscalité par le moyen de sa communication du 19 avril 2001 et engage actuellement des procédures d'infraction à l'encontre d'un certain nombre d'États membres. Le Comité estime que si la Commission n'agissait pas en ce sens, l'objectif d'amélioration de la portabilité des droits à pension complémentaire ne pourrait pas être atteint..

5.   Examen détaillé des dispositions de la directive

5.1

Il y a tout lieu de croire que la durée des périodes d'attente, celle du délai nécessaire pour l'obtention de droits acquis et l'âge minimum élevé requis pour l'accès à ces droits risquent effectivement de peser négativement sur la décision de changer d'emploi.

C'est pourquoi l'approche de la Commission consistant à réduire tant la période d'attente que l'âge d'accès aux droits et le délai pour l'acquisition de ceux-ci va dans la bonne direction. Les mesures proposées pourraient ainsi peut-être être considérées comme un premier pas vers la suppression totale de ces entraves.

5.2

Il convient néanmoins de tenir également compte de l'effet que les dispositions proposées pourraient avoir, en particulier sur les régimes complémentaires de pension volontaires financés par les employeurs. Car il faut aussi tenir compte de l'objection selon laquelle ces mesures peuvent entraîner une augmentation du coût financier. La volonté de maintenir de tels systèmes pourrait en être compromise.

5.3

Les engagements financés sur base volontaire par les employeurs constituent par ailleurs aussi un précieux outil sur le plan de la politique des ressources humaines. Si l'on se place du point de vue de la compétition pour attirer les meilleurs talents, il pourrait donc être tout à fait dans l'intérêt des employeurs, à la lumière de l'évolution démographique et des besoins croissants de main-d'œuvre, d'accorder des droits rapidement et au terme d'une courte période d'emploi. De surcroît, la pension complémentaire ne constitue qu'un outil parmi beaucoup d'autres de la politique des ressources humaines, qui se caractérise essentiellement par son caractère de prestation. Par ailleurs, de longues période d'attente et de stage récompensent la fidélité du salarié à son entreprise et augmentent ainsi le temps passé dans l'entreprise en question.

5.4

Il convient d'une manière générale de prendre également en considération que le rapport entre les régimes complémentaires de pension financés (uniquement) par les employeurs et ceux financés par les cotisations des travailleurs est variable selon les États membres. Afin de tenir compte de ces divergences, l'on pourrait prévoir des possibilités de différenciation pour les États membres en fonction du mode de financement des régimes.

5.5

La démarche de la Commission visant à réduire les entraves à la compétitivité pour les entreprises voulant créer des succursales dans d'autres États membres, doit être clairement mise en avant. Car de longs délais et un âge minimal élevé pour l'accès aux droits lient le personnel et freinent de ce fait la mobilité.

5.6

La Commission tient par ailleurs compte du besoin d'une adaptation progressive en prévoyant la possibilité d'une prolongation des délais prévus pour l'application de la disposition relative à la période requise pour l'acquisition de droits.

5.7

S'agissant de la préservation des droits à pension dormants, il est indéniable que l'obligation d'ajuster ces droits risque d'accroître les charges financières supportées par les régimes de pension.

Toutefois, cet aspect dépend principalement de la forme de l'engagement. S'il s'agit d'un régime à cotisations définies, l'ajustement des droits dormants n'apparaît pas justifié, dans la mesure où la valeur du capital accru dépend des évolutions sur les marchés de capitaux et des rendements; il pourrait avoir un impact négatif sur certains régimes de prestations, dans la mesure où les cotisations ne seraient plus versées.

5.8

Une adaptation semble toutefois nécessaire pour ce qui est de la fonction de la pension complémentaire, qui est de compléter de manière appropriée les droits acquis au titre des régimes légaux de pension. Le libellé de la proposition actuelle n'a il est vrai qu'un faible pouvoir contraignant pour l'adoption des mesures correspondantes par les États membres et les exemples figurant au considérant 7 doivent être considérés comme de simples suggestions. On est en outre en droit de se demander si l'appréciation de la fidélité à l'entreprise comme critère d'un ajustement différencié ou l'obligation d'ajuster les versements et non pas les droits à pension correspond à l'idée que se fait la Commission d'un «ajustement équitable».

5.9

La possibilité de ne pas transférer mais de rembourser les droits ne dépassant pas un certain seuil établi conformément à la pratique nationale semble pertinente.

5.10

Il est vrai que la décision de payer ou de maintenir les droits acquis incombe aux seuls régimes complémentaires de pension. Mais même des droits considérés comme de faible valeur aux termes des dispositions générales peuvent être tout à fait intéressants pour le travailleur individuel en tant que source complémentaire et régulière de revenus à l'âge de la retraite. Un remboursement effectué contre sa volonté pourrait donc éventuellement le dissuader de changer d'emploi.

5.11

Le CESE approuve les objectifs de la proposition de la Commission concernant la transférabilité des droits à pension complémentaire. Il se félicite en particulier que la Commission ne se limite pas à présenter exclusivement des propositions visant à améliorer cette transférabilité, mais s'efforce d'atténuer, dans le cadre d'une approche globale, les entraves à la mobilité liées aux régimes complémentaires de pension.

5.12

S'agissant des dispositions prévues en matière de transférabilité des droits, la volonté de la Commission de faire en sorte que le transfert ne pénalise pas le travailleur sur le plan financier mérite en particulier d'être saluée. Cela ne peut que contribuer à la réalisation de l'objectif poursuivi par la directive. En effet, en cas de doute, le travailleur n'optera pour le transfert et donc pour la mobilité qu'à la condition de ne pas subir de préjudices financiers du fait de ce transfert.

5.13

De même, s'agissant des dispositions améliorées en matière d'obligation d'information, l'on constate que les propositions concrètes formulées vont dans le sens de l'objectif de la directive, même s'il y a lieu de tenir compte du fait que cette obligation doit être considérée à l'aune des possibilités réelles, notamment celles des petites entreprises.

5.14

Une objection peut néanmoins être exprimée concernant le fait que l'article 6 paragraphe 1, en liaison avec la définition contenue à l'article 3 f, pourrait être interprété en ce sens que seuls les travailleurs changeant d'emploi de leur plein gré peuvent bénéficier de la transférabilité des droits à pension acquis. Mais cela aurait pour effet de défavoriser fortement les travailleurs licenciés. Il semble dès lors approprié, notamment au regard de l'objectif obligé de remédier à la pauvreté des personnes âgées, d'inclure dans le champ d'application de l'article 6 paragraphe 1 les différentes formes de cessation d'emploi.

5.15

De surcroît, le fait que certains régimes complémentaires de pension peuvent être exclus par principe des dispositions appliquées en matière de transférabilité va à l'encontre de l'objectif premier de la directive. Les États membres sont certes tenus d'informer la Commission des mesures qu'ils prennent pour inclure également ces régimes. Mais compte tenu des discussions menées depuis des années à ce sujet et du besoin pressant d'édifier un deuxième pilier stable pour les systèmes de retraite, ces dispositions sont probablement insuffisantes. Par ailleurs, compte tenu de la disparité des régimes en vigueur dans les États membres, les propositions de la Commission n'auront une chance d'être acceptées qu'à condition que soient fixés des délais transitoires adaptés. C'est pourquoi des délais et des objectifs concrets pourraient être prévus.

Bruxelles, le 20 mars 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


ANNEXE

À l'Avis du Comité économique et social européen

La proposition d'amendement suivante a été rejetée au cours des délibérations, mais a obtenu au moins un quart des suffrages:

Paragraphe 4.10:

Ajouter un nouveau paragraphe après le paragraphe 4.10

«4.10.1   La proposition de fonder la directive sur le transfert du capital de retraite à l'occasion du changement d'emploi n'est pas toujours justifiée. Il vaudrait mieux garantir une possibilité de combiner les droits acquis à pension, de la même manière qu'on appréhende les régimes généraux de retraites conformément au règlement 1408/71».

Exposé des motifs

Il peut être pratique d'appliquer les mêmes principes lorsqu'il s'agit de réunir les différents régimes publics de retraites et les régimes complémentaires.

Résultat du vote:

Voix pour: 49

Voix contre: 54

Abstentions: 19


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/42


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'Année européenne du dialogue interculturel (2008)»

(COM(2005) 467 final — 2005/0203 (COD))

(2006/C 185/09)

Le 16 novembre 2005, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 mars 2006 (rapporteuse: Mme Ágnes CSER).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 79 voix pour, 39 voix contre et 10 abstentions.

1.   Contenu essentiel de la proposition de décision

La proposition de décision du Parlement européen et du Conseil présentée par la Commission (COM(2005) 467 final) a pour objet de proclamer 2008 «Année européenne du dialogue interculturel».

La proposition s'inscrit dans le cadre de la stratégie présentée par le Parlement européen, le Conseil et la Commission, qui, par l'introduction de l'Année européenne, contribue à la création de la citoyenneté européenne en vue de la mise en œuvre des principaux objectifs stratégiques communs, en élevant au niveau communautaire la reconnaissance et l'adoption des droits de l'homme et en promouvant la coopération nationale, régionale et locale.

Il convient de considérer le dialogue interculturel comme un instrument de nature à faciliter la mise en œuvre des nombreux objectifs d'importance stratégique pour l'UE. Outre les coopérations nationales, régionales et locales, la promotion du dialogue s'instaure, dans toute l'Union mais aussi dans le cadre de la politique européenne de voisinage, entre les différents groupes sociaux, économiques et professionnels, ainsi qu'entre les individus.

1.1   Objectifs généraux de la proposition

Les objectifs généraux de la proposition sont les suivants:

il convient de promouvoir le dialogue interculturel en tant qu'instrument donnant la possibilité aux citoyens européens et à tous ceux résidant dans l'Union européenne de façon temporaire ou permanente d'acquérir les connaissances, les qualifications et les aptitudes qui leur permettront de s'adapter à un environnement plus ouvert mais aussi plus complexe, et de surmonter les difficultés qui les empêchent de profiter des opportunités offertes par une société dynamique et pluraliste, en Europe et partout dans le monde;

il convient également d'attirer l'attention des citoyens européens et de chaque personne vivant dans l'Union sur l'importance de construire une citoyenneté européenne active et ouverte sur le monde, respectueuse des différences culturelles et fondée sur les valeurs communes de l'UE, à savoir la dignité humaine, la liberté, l'égalité, la non-discrimination, la solidarité, les principes de démocratie et de l'État de droit, ainsi que le respect des droits de l'homme, y compris les droits des personnes appartenant à des minorités.

1.2   Objectifs spécifiques de la proposition

Les objectifs spécifiques du dialogue interculturel mis en place par la proposition consisteront à:

accroître la visibilité de l'ensemble des programmes et actions communautaires favorisant le dialogue interculturel;

mettre en exergue l'apport de nos différents héritages culturels à nos modes de vie; sensibiliser les citoyens européens et ceux vivant dans l'Union européenne, en particulier les jeunes, à l'importance de rechercher les moyens à mettre en œuvre pour la réalisation à travers le dialogue interculturel d'une citoyenneté européenne active et ouverte sur le monde, respectueuse de la diversité culturelle, et fondée sur les valeurs communes dans l'Union européenne;

contribuer à l'innovation et à la dimension horizontale et transsectorielle des initiatives visant à promouvoir le dialogue interculturel, en particulier auprès des jeunes.

2.   Observations générales

2.1

Le Comité se félicite que dans la proposition de décision, la notion de «citoyenneté européenne active» ne concerne pas uniquement les citoyens de l'Union européenne visés à l'article 17 du traité instituant la Communauté européenne, mais toute personne résidant de façon permanente ou temporaire dans l'Union européenne.

2.2

Le Comité se réjouit que la proposition de décision entende renforcer également la coopération avec les pays tiers par le biais du dialogue interculturel.

2.3

Le Comité accueille favorablement le fait que le dialogue interculturel soit considéré comme un instrument de coopération propre à renforcer la stabilité et la démocratie par l'établissement de relations de partenariat, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union.

2.4

Le Comité apprécie que la proposition de décision favorise, voire renforce l'harmonisation et la coordination des actions et programmes destinés à mettre en œuvre les stratégies communes des institutions européennes; en effet, en raison des différences culturelles, l'activité et la coopération des diverses institutions au niveau communautaire, national, régional et local sont caractérisées par un manque d'uniformité, des divergences et des différences au niveau de l'efficacité et des résultats. Si les cultures européennes entretenaient réellement un dialogue permanent leur permettant d'exprimer leur identité, cela améliorerait et dynamiserait le fonctionnement, l'efficacité et les performances des différentes institutions communautaires au niveau national, régional et local.

2.5

Le Comité se réjouit que l'héritage culturel européen puisse être non seulement reconnu, mais aussi exploité et vécu par tout un chacun grâce au développement de l'enseignement, de l'innovation, et de l'égalité des chances pour tous, à la promotion du dialogue interculturel au niveau communautaire et à la coordination de ce dialogue au niveau des États membres.

2.6

Le Comité se félicite que dans le cadre de l'Année du dialogue interculturel, la coopération entre les États membres favorise la mise en œuvre des objectifs communautaires, et soutient par conséquent la proclamation de l'année 2008 «Année européenne du dialogue interculturel».

2.7

Le CESE propose que l'Année européenne du dialogue interculturel soit mise à profit afin de ne pas «ethniciser» ni «culturaliser» les différences, les inégalités, les contradictions et les conflits qui semblent être d'origine économique, sociale, environnementale et politique, mais de faire en sorte d'éviter les conflits par l'identification des raisons qui les sous-tendent, en se familiarisant avec les autres cultures, en acceptant leur diversité et en utilisant le dialogue interculturel comme instrument.

2.8

Pour ce faire, et conformément à ses avis et supplément d'avis sur la dimension sociale de la culture, «le CESE insiste […] pour que l'Union européenne soit un espace d'autoréflexion, d'interrogation les unes par les autres des politiques culturelles de chacun des États membres. Un espace propice à une nouvelle réflexion culturelle sur la culture. La préparation de l'année du dialogue interculturel (2008) devrait être l'occasion pour la Commission de présenter un rapport très détaillé sur l'ampleur réelle de ce dialogue, les obstacles persistants ou nouveaux qu'il rencontre, les hypothèses nouvelles qui pourraient être formulées en vue de son véritable approfondissement. Le CESE est prêt à contribuer, notamment par l'abord» dimension sociale de la culture «[…] à l'élaboration de ce rapport  (1) ».

3.   Observations détaillées

3.1

Grâce à sa structure d'organe consultatif auprès du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, le CESE a créé des liens particuliers entre les cultures européennes. Ses membres sont de véritables Européens car ils respectent les valeurs et les cultures des différents partenaires sociaux et en tiennent compte de façon équilibrée au cours du processus d'élaboration des avis, et prennent des décisions consensuelles dans l'intérêt des citoyens européens (2).

3.2

Par leur coopération active et leurs activités au niveau communautaire mais également national, régional et local, les membres du CESE représentent, promeuvent et mettent en œuvre le dialogue interculturel au sein de la société civile.

3.3

Le CESE attire l'attention du Parlement européen, du Conseil et de la Commission sur le fait que le texte communautaire ne mentionne pas clairement le respect des cultures des pays tiers et de leur diversité, puisque la proposition de la Commission se réfère à l'article 151 du traité (obligation de respect mutuel des États membres) pour la définition de ses objectifs. Bien qu'il convienne d'exclure toute ingérence réglementaire de la part de l'Union européenne, la Commission européenne et les autres institutions doivent appeler les États membres à promouvoir le respect des différences culturelles et à favoriser le dialogue pacifique entre les différentes cultures.

3.4

Notre époque se caractérise malheureusement de plus en plus par des tensions issues de conflits entres les différentes cultures et religions, dont l'apparition implique que nous envisagions la nécessité d'intégrer le respect réciproque des différentes cultures au traité. Ces conflits et tensions témoignent que l'Union se doit de s'assigner sans relâche l'objectif du respect mutuel des diverses cultures. En cette période de «crise de la conscience européenne» et de conflits interculturels, la promotion des valeurs culturelles européennes peut être interprétée comme un signe d'optimisme et de confiance dans l'avenir de l'Union. C'est pour cette raison que l'Union européenne doit s'engager à développer le dialogue culturel et religieux avec les autres peuples, notamment en promouvant le tourisme culturel (3).

3.5

Le dialogue interculturel doit se fonder principalement sur la promotion du respect des différentes cultures, coutumes et traditions des citoyens vivant sur le territoire de l'Union.

3.6

La mobilité croissante des citoyens de l'UE et le nombre sans cesse grandissant de travailleurs migrants, qui sont souvent suivis de leurs familles ou de parents, supposent une action ciblée vivant à promouvoir le respect de cultures et traditions différentes de celles implantées en Europe: cette tâche devrait être menée à bien par les institutions européennes et les États membres dans le cadre de leurs fonctions de coordination.

3.7

Le CESE propose, sur la base des documents de l'Unesco précédemment cités, le renforcement de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, afin qu'il devienne un organe de coordination au niveau communautaire qui favoriserait l'intégration culturelle des dizaines de millions de citoyens issus de l'immigration dans l'intérêt de la reconnaissance et du respect mutuels des différentes cultures.

3.8

Le CESE regrette que parmi les instruments de mise en œuvre des objectifs qu'elle s'est fixés, la proposition ne prévoit pas la création d'un média à l'échelle communautaire, une chaîne de radio ou de télévision qui émettrait dans les langues des citoyens européens. La Commission a pourtant publié entre-temps son «Livre blanc sur une politique de communication européenne», à la suite du plan d'action sur la communication et du «Plan D comme Démocratie, Dialogue et Débat». Chacun de ces documents met l'accent sur le dialogue avec les citoyens européens. Les médias privés, qu'ils soient électroniques ou écrits, ne suffisent pas à eux seuls à réaliser totalement les objectifs communautaires.

3.9

Dans plusieurs de ses avis, le CESE a déjà exprimé ses préoccupations en ce qui concerne le financement des projets, la poursuite des objectifs fixés dans le cadre du concept très utile d'Année européenne, ou leur pérennisation équilibrée (4).

Le projet même des Années européennes requiert d'ailleurs une évaluation pour déterminer comment susciter et garantir l'attention du public, et comment obtenir et assurer l'équilibre des exigences de durabilité; en effet, il est impossible d'assurer le suivi de ces programmes établis sur une base annuelle, les fonds y afférents ne sont pas garantis pour les années suivantes, et l'on constate des déséquilibres dans la mise en œuvre des objectifs. La question se pose donc de savoir comment la décision à l'examen peut garantir à tous les citoyens et leurs institutions la reconnaissance et l'acceptation mutuelles de leur culture avec des objectifs établis pour un an.

3.10

Il est indubitable que les objectifs de l'Année de l'égalité des chances pour tous et de l'Année du dialogue interculturel, ainsi que la citoyenneté active et la démocratie participative visées dans la stratégie de communication de la Commission européenne, ne peuvent être réalisés au moyen de programmes annuels distincts; il convient donc d'harmoniser les programmes et l'usage des ressources afin que ces objectifs puissent être mis en œuvre à plus long terme, voire de façon permanente.

3.11

Le CESE doute de la possibilité de mettre en œuvre les objectifs prioritaires dans le cadre du budget proposé. Celui-ci est destiné dans sa plus grande part au soutien des actions à l'échelle communautaire, et l'on peut donc se demander si les 8 manifestations prévues ne sont pas disproportionnées par rapport à la mise en œuvre des objectifs fixés. Par conséquent, le soutien des initiatives locales des citoyens devient lui aussi aléatoire.

3.12

Le CESE propose que la Commission élabore des indicateurs non seulement quantitatifs mais également qualitatifs afin d'évaluer la mise en œuvre des objectifs de l'Année européenne, compte tenu des nombreuses formes de dialogue interculturel. Le CESE s'engage à collaborer à ces travaux en tant que représentant de la société civile.

3.13

Le CESE propose l'élaboration d'une encyclopédie de la culture européenne sur la base des événements et actions de l'Année du dialogue interculturel 2008, qui servirait à son tour de fondement à un manuel des cultures européennes, sur lequel pourrait reposer le développement de la citoyenneté européenne. Le recueil des meilleures pratiques et le manuel seraient indispensables dans le cadre de l'aide à l'intégration des travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

4.   La promotion des différentes coutumes, traditions et cultures

4.1

Le CESE soutient la Déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle («La richesse culturelle du monde, c'est sa diversité en dialogue») (5) et les objectifs fixés par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (6), dont, notamment, celui visant à «stimuler l'interculturalité afin de développer l'interaction culturelle dans l'esprit de bâtir des passerelles entre les peuples».

4.2

Parmi les objectifs de l'Année du dialogue interculturel, la représentation des sentiments humains dans les différentes formes d'expression artistique est l'une des valeurs de l'héritage culturel européen la plus accentuée. La connaissance et l'acceptation des différentes cultures est indissociable de la connaissance, de l'admission et de l'acceptation des sentiments et des valeurs de l'autre. Si le principal groupe cible est la jeunesse, il importe particulièrement de ne pas faire abstraction d'un développement émotionnel sain, et c'est la raison pour laquelle nous devons soutenir les initiatives contribuant au développement d'une conscience multiculturelle.

4.3

Le CESE souscrit à la proposition selon laquelle il conviendrait d'instituer une Journée du dialogue interculturel, dont la date pourrait correspondre à celle fixée précédemment par l'Unesco pour la Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement, à savoir le 21 mai. À cette occasion, les institutions communautaires pourraient décerner un prix symbolique aux établissements d'enseignement et aux organisations de la société civile qui se seraient distingués dans l'instauration et la mise en œuvre du dialogue interculturel (voir paragraphe 4.4). Cette journée pourrait donner lieu à des manifestations solennelles.

4.4

L'implication des organisations de la société civile, des établissements d'enseignement et des citoyens européens est déterminante dans le cadre de la promotion du dialogue interculturel. C'est pourquoi le CESE accueillerait très favorablement l'instauration d'un prix, même symbolique (les gagnants auraient la possibilité d'utiliser le logo de la Journée du dialogue interculturel) qui récompenserait des citoyens européens, organisations de la société civile et établissements d'enseignement s'étant distingués dans la promotion du dialogue interculturel, notamment à travers des initiatives ayant pour but de faire comprendre aux jeunes qu'il est important que les membres de la société respectent mutuellement les traditions et les valeurs culturelles de l'autre, non seulement au niveau local, régional et national mais également au niveau communautaire.

4.5

Les CESE partage l'opinion de la Commission et du Parlement européen selon laquelle les jeunes doivent être les principaux destinataires de l'initiative en faveur de la promotion du dialogue interculturel. Néanmoins, le CESE attire l'attention des institutions européennes sur la nécessité de ne pas négliger les générations plus âgées.

5.   Coordination avec les autres programmes

5.1

Afin de mettre en oeuvre de façon plus efficace les objectifs fixés par la proposition de décision, le CESE insiste sur l'opportunité d'harmoniser et d'uniformiser les objectifs et l'ensemble des instruments de l'Année européenne de l'égalité des chances pour tous (2007) et du Plan D comme Démocratie, Dialogue et Débat.

5.2

Étant donné la diversité des initiatives destinées à promouvoir le dialogue entre toutes les cultures, lancées par les différents États membres, le CESE estime que les institutions européennes devraient mettre en place un organe de coordination chargé de l'harmonisation, de la promotion et de la diffusion de ces initiatives.

5.3

Parmi les initiatives interculturelles réussies, il convient de citer entre autres le programme Leonardo, qui promeut la dimension européenne de la formation en soutenant le développement d'initiatives innovantes en ce domaine et des projets mis en oeuvre dans le cadre de partenariats internationaux (7), la fondation Anna Lindh (8), ainsi que l'EuromedCafé (9), qui promeut le dialogue interculturel entre les pays de la région méditerranéenne.

5.4

Tout en prenant en compte la mondialisation intervenue dans la vie économique, la proposition de décision s'attache également à promouvoir l'harmonie et à coordonner la diversité culturelle, entendant ainsi créer la valeur ajoutée et l'énergie nécessaire pour atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne renouvelée.

5.5

Le CESE est désireux de participer, en coopération avec les organisations non gouvernementales, aux actions suivantes:

assurer un caractère permanent au dialogue interculturel,

collaborer à la célébration, en novembre 2006, du vingt-cinquième anniversaire de la déclaration des Nations Unies, qui rejette l'intolérance et les discriminations fondées sur la foi et la croyance religieuse,

réaliser l'évaluation de l'année 2008.

Il formulera une proposition complémentaire appropriée sur la base des éléments susmentionnés.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis du CESE du 15 mars 2006 sur La dimension sociale de la culture, rapporteur M. Le SCORNET (SOC/191).

(2)  Programme de travail de Mme Anne-Marie SIGMUND, Présidente du Comité économique et social européen, mandat 2004/2006 et Bilan annuel du programme de travail de Mme Anne-Marie SIGMUND, Présidente du Comité économique et social européen, pour son mandat 2004 - 2006.

(3)  Point de vue déjà approuvé par le CESE dans son avis d'initiative du 15 mars 2006 sur le thème «Tourisme et culture: deux facteurs de croissance» (rapporteur: M. PESCI).

(4)  Avis du CESE du 14 février 2006 sur l'évaluation de l'Année européenne des personnes handicapées, rapporteuse: Mme Gunta ANČA (JO C 88 du 11.4. 2006).

(5)  Déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle, adoptée lors de la 31ème session de la Conférence générale (Paris, le 2 novembre 2001).

(6)  Adoptée lors de la Conférence générale de l'Unesco d'octobre 2005.

(7)  Parmi les initiatives en cours dans des pays tiers, citons «Tshwane University of Technology» (Afrique du Sud), «West Virginia» (États-Unis), «GE4 Student Exchange in Engineering» (États-Unis, Amérique latine et Asie), etc.

(8)  La Fondation Anna Lindh, créée dans le but de promouvoir la connaissance et le respect mutuels des peuples européens et de ceux de la région méditerranéenne, s'inscrit dans le cadre du plan d'action du processus de Barcelone.

(9)  EuromedCafé est un site internet lancé par la Fondazione Laboratorio Mediterraneo, dans le but de renouveler et redynamiser le dialogue et l'échange entre les peuples européens et méditerranéens.


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/46


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — La situation des personnes handicapées dans l'Union européenne élargie: plan d'action européen 2006-2007»

(COM(2005) 604 final)

(2006/C 185/10)

Le 28 novembre 2005, la Commission européenne a décidé, en vertu de l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», qui était chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 20 mars 2006 (Mme Greif, rapporteuse).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 55 voix pour et 1 abstention.

1.   Conclusion et recommandations

1.1

Le CESE est favorable aux actions proposées par la Commission européenne dans le PAH 2006-2007.

1.2

Le CESE considère que la surveillance de l'application de la directive sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail devrait rester prioritaire au cours de la période couverte par le PAH.

1.3

Le CESE invite la Commission à proposer une directive spécifique sur les questions de handicap, suite au processus de l'étude de faisabilité sur l'élaboration d'une législation de non-discrimination au niveau européen.

1.4

Un manque visible d'actions concrètes dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi est le signe très clair d'une insuffisance d'engagement de la part de l'UE. La SEE était l'un des principaux critères permettant de mettre à l'épreuve l'engagement de l'UE et des États membres vis-à-vis du PAH. Tous ont échoué à cette épreuve. Il conviendrait que les objectifs révisés de la stratégie européenne pour l'emploi renforcent l'intégration du handicap dans les Lignes directrices sur l'emploi et les programmes nationaux de réforme.

1.5

L'UE doit s'engager à respecter le principe d'intégration dans des initiatives telles que:

Les Fonds structurels, en veillant à ce que le règlement actuel, les orientations stratégiques et les programmes opérationnels prennent en compte les principes de non-discrimination et d'accessibilité pour les personnes handicapées.

Le 7ème programme-cadre, en veillant à ce que des projets de recherche existent dans des secteurs tels que la conception universelle, les systèmes des TIC, la transition vers l'autonomie de vie, etc.

Les transports, en favorisant l'inclusion d'une plus grande accessibilité dans le transport ferroviaire, les autocars internationaux et le transport maritime.

1.6

Le CESE regrette que les efforts déployés par les États membres de l'UE pour l'intégration des questions de handicap dans l'élaboration des politiques nationales ne suscitent pas suffisamment d'intérêt. La force du PAH réside dans le fait que les États nationaux ont intérêt à reprendre à leur compte les principes du plan d'action.

1.7

Le CESE encourage également les institutions européennes à adopter et à assumer les objectifs du PAH au niveau européen. Les efforts de communication interne et de sensibilisation devraient déboucher sur une meilleure visibilité du handicap dans l'élaboration des politiques européennes.

1.8

Les organisations de niveau européen, telles que le Forum européen des personnes handicapées et d'autres ONG représentatives, devraient poursuivre leurs travaux en bénéficiant d'un soutien dans le cadre du nouveau programme Progress.

1.9

Quant à l'ordre du jour pour l'avenir, le CESE invite la Commission à prêter attention aux questions particulières ci-après:

l'importance capitale de la notion d'autonomie de vie et du droit des personnes handicapées à ne pas faire l'objet d'une ségrégation dans des établissements spécialisés et à ne pas être exclues de la société; l'accès à l'information, la mobilité, le logement, les bâtiments et surtout l'assistance personnelle sont des éléments cruciaux pour l'autonomie de vie des personnes handicapées. À cet égard, la modernisation du système de protection sociale constitue l'une des priorités (1);

l'importance capitale de la participation politique active des personnes handicapées dans la société; les personnes handicapées devraient bénéficier de l'égalité des chances pour ce qui est de jouir de leurs droits à la participation active aux processus de décision, à l'élaboration des politiques, au contrôle et à l'évaluation, etc., par l'intermédiaire de leurs ONG et réseaux représentatifs. Il conviendrait de renforcer le rôle des ONG concernées à la fois au niveau national et au niveau de l'UE, de manière telle que les ONG plus petites et plus faibles puissent, elles aussi, prendre leur place parmi d'autres associations de plus grandes dimensions;

il conviendrait de s'occuper aussi, à l'avenir, des secteurs autres que l'emploi , tels que l'enseignement, la culture, le temps libre /les loisirs, etc.;

il faudrait accorder l'attention qui convient à l'impact des discriminations multiples, des différences culturelles, de la pauvreté , etc. Le fait de s'intéresser à ces aspects permettrait peut-être de mettre en évidence de nouvelles catégories de personnes handicapées, qui sont «invisibles» pour le moment;

un lieu de travail adapté (notamment des technologies d'assistance, du tutorat), et la désignation de personnes chargées des questions d'égalité dans les entreprises pourraient favoriser l'égalité des chances en matière d'emploi.

il faudrait accorder l'attention qui convient à la sécurité au travail en tenant compte des nécessités de prévention du handicap.

2.   Introduction

2.1

C'est avec grand intérêt que le CESE a pris connaissance de la communication (2).

2.2

Le plan d'action européen (PAH) (3), adopté en 2003 sous forme de plan d'action pluriannuel pour la période 2004-2010, vise à intégrer le handicap dans toutes les politiques concernées de l'Union européenne, ainsi qu'à déployer des actions concrètes destinées à renforcer l'inclusion des personnes handicapées dans les sociétés européennes.

2.2.1

La priorité de la première phase du PAH a été l'accès des personnes handicapées au marché du travail, l'utilisation des TIC et l'accessibilité aux bâtiments publics.

2.2.2

Les actions prioritaires de la deuxième phase du PAH privilégient la participation active des personnes handicapées au sein de la société, l'accès à des aides, des soins et des services de santé de qualité, la promotion de l'accessibilité des biens et des services et l'augmentation de la capacité d'analyse.

2.3

Le PAH prévoit l'élaboration d'un rapport bisannuel sur la situation des personnes handicapées, pour permettre de réviser les objectifs ainsi que d'analyser la situation des personnes handicapées au cours de la période de référence.

2.4

Le CESE regrette qu'en fin de compte, le rapport bisannuel se soit transformé en brève communication; la première partie de la communication est le rapport bisannuel qui couvre la période 2004-2005, et la deuxième partie est la deuxième phase du plan d'action, pour la période 2006-2007.

2.4.1

Les informations fournies dans les annexes de la communication présentent un grand intérêt pour l'évaluation. Toutefois, le CESE regrette que les informations fournies soient limitées, puisque l'analyse n'envisage pas toutes les initiatives qui se déploient dans l'UE. Les États auraient dû fournir davantage d'informations dans le questionnaire que la Commission européenne avait élaboré en vue de la rédaction du rapport.

2.4.2

Le CESE regrette que les informations fournies dans les annexes n'aient pas encore été traduites dans toutes les langues officielles de l'Union européenne, exception faite de l'anglais.

2.5

Les personnes handicapées représentent 10 % de la population, et ce pourcentage augmente avec le vieillissement de nos sociétés. Cela signifie qu'il y a plus de 50 millions de personnes handicapées dans l'Union européenne élargie (4).

2.6

Les personnes handicapées — des hommes et des femmes, des garçons et des filles — représentent une catégorie diverse et non homogène. Il conviendrait de tenir compte de cette diversité à tous les niveaux d'élaboration de la décision politique.

2.7

Le CESE s'est régulièrement et fermement prononcé en faveur de l'intégration totale des personnes handicapées et a demandé une directive traitant expressément des questions de handicap (5).

2.8

Le Comité a formulé certaines recommandations précises dans l'avis sur le plan d'action 2004-2006 (6). Le CESE reconnaît qu'il a été tenu compte de quelques-unes de ces recommandations, mais malheureusement, de nombreuses autres n'ont pas été prises en compte, notamment la demande d'une directive traitant expressément des questions de handicap et la demande d'intégration des questions de handicap dans la stratégie européenne pour l'emploi.

2.9

Le CESE analyse le plan d'action dont il s'agit ici à la lumière des négociations actuellement en cours à propos d'une convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées (7).

3.   Situation actuelle

Aperçu

3.1

Le CESE marque son accord avec l'importance des objectifs choisis pour la deuxième phase du PAH.

3.2

Le CESE estime que la Commission européenne devrait adopter une démarche sociale vis-à-vis du handicap lorsqu'elle aborde cette question dans différents documents, ce qui permettrait de promouvoir l'utilisation d'un langage plus neutre et plus inclusif dans le domaine plus large du handicap. La traduction de l'anglais de quelques-uns des documents élaborés par la Commission utilise un langage qui n'est pas entièrement conforme à une démarche sociale vis-à-vis du handicap.

3.3

Le CESE partage la préoccupation de la Commission en ce qui concerne le manque de données statistiques pertinentes sur les personnes handicapées, alors que cela est nécessaire à l'élaboration future des politiques en la matière. La recherche existante ne porte actuellement que sur les personnes handicapées qui sont actives/salariées, et elle n'envisage pas la majorité des citoyens handicapés (les personnes qui vivent dans des établissements spécialisés, les enfants).

3.4

Le CESE trouve matière à préoccupation dans le fait qu'il existe un fossé entre le taux d'emploi des non- handicapés et celui des personnes handicapées. Eurostat a confirmé en 2003 que «La participation à la vie active est évidemment beaucoup plus faible pour les personnes handicapées: 78 % des personnes âgées de 16 à 64 ans et ayant un lourd handicap sont inactives, contre 27 % pour les personnes sans PSHLD. En outre, même parmi les actifs, le taux de chômage des personnes gravement handicapées est environ le double de celui des personnes sans PSHLD. Seulement 16 % de ceux rencontrant des limitations en matière de travail reçoivent une assistance pour travailler.» (8)

3.5

Pour certains aspects, le CESE est enclin à ne pas adhérer pleinement à certaines des raisons présentées dans le rapport de la Commission pour expliquer le taux d'inactivité deux fois plus élevé chez les personnes handicapées que dans le reste de la population. Le soi-disant argument du «piège que constitue le niveau élevé des prestations perçues par rapport à celui des rémunérations» (9) est une explication incomplète qui fait porter toute la responsabilité aux personnes handicapées.

3.5.1

Derrière les statistiques négatives, se cachent des obstacles plus complexes, tels que les réticences des employeurs, des lieux de travail non adaptés, une inégalité d'accès au marché du travail, un manque d'assistance à l'autonomie de vie (soit par une assistance personnelle, soit par des appareils d'assistance), la discrimination rencontrée dans les transports, dans l'enseignement, pour l'accès aux biens et aux services, aux TIC, et ainsi de suite. Bien que 43,7 % des répondants handicapés estiment qu'ils pourraient travailler moyennant une assistance appropriée, ce sont en réalité 15,9 % d'entre eux seulement qui reçoivent effectivement cette assistance (10).

3.5.2

Le CESE estime donc que toute révision des systèmes de sécurité sociale ainsi que des régimes d'emploi devrait prendre en compte la complexité des raisons pour lesquelles une personne handicapée ne peut pas accéder au marché de l'emploi et y rester (11).

3.6   Promotion de l'emploi

3.6.1

Le CESE accueille avec satisfaction le fait que la Commission européenne ait pris des mesures sérieuses pour surveiller la transposition et la mise en oeuvre de la directive sur l'emploi (12). La surveillance devrait s'effectuer en coopération avec les partenaires sociaux et avec des ONG représentatives. Le CESE est convaincu que la directive sur l'emploi, qui interdit la discrimination en matière d'emploi pour un certain nombre de motifs, y compris le handicap, impose une obligation juridique, et non pas simplement un droit de «contester», et que la Commission a un rôle essentiel à jouer en tant que garant d'une mise en oeuvre efficace de la directive.

3.6.2

Le CESE ne partage pas le sentiment de la Commission européenne sur la visibilité du handicap dans la stratégie européenne pour l'emploi (SEE) (13). L'intégration du handicap dans la SEE a été assez réduite, et c'est le cas depuis que cette dimension a été oubliée dans les programmes nationaux de réforme.

3.6.3

Le Comité a déjà pris parti en faveur du règlement de la Commission concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État à l'emploi  (14) et en faveur des exemptions pour les aides d'État à l'inclusion des personnes handicapées sur le marché normal du travail.

3.6.4

Le CESE encourage fortement les partenaires sociaux à progresser encore davantage en ce qui concerne l'emploi des personnes handicapées. En 2004, les partenaires sociaux ont rendu compte des initiatives qu'ils avaient prises dans ce secteur (15).

3.6.5

Le CESE soutient également les initiatives du Fonds social européen en faveur de l'intégration des personnes handicapées sur le marché du travail. L'initiative EQUAL a été très utile pour promouvoir l'égalité des personnes handicapées. Le nouveau cadre des Fonds sociaux européens devrait tenir compte, pour les projets financés au moyen du FSE, de certains principes oubliés dans la législation actuelle, tels que le principe «d'accessibilité et conception universelle» («accessibility and design for all»).

3.6.6

Le CESE constate avec satisfaction que la Commission européenne a lancé un plan d'action communautaire contre la discrimination  (16).

3.6.7

Le CESE considère que d'autres initiatives telles que le Sommet de l'égalité et l'Année européenne de l'égalité des chances 2007 devront être suivies de décisions politiques ou de politiques et de mesures législatives d'importance.

3.6.8

Le CESE regrette que les organisations de personnes handicapées au niveau national aient été, en général, exclues de l'élaboration des programmes nationaux de réforme. L'ordre du jour révisé de Lisbonne devrait renforcer la participation de la société civile pour mieux réaliser les objectifs définis.

3.6.9

Le CESE estime que le dialogue avec la société civile — les partenaires sociaux et les ONG concernés — à la fois au niveau européen et national — est important pour assurer l'efficacité des stratégies pour l'emploi. La participation de représentants des ONG de personnes handicapées revêt une importance essentielle.

3.7   Intégration des personnes handicapées dans la société

3.7.1

Le CESE a récemment exprimé son avis sur l'AEPH et a invité la Commission européenne à évaluer dans son futur rapport bisannuel sur la situation des personnes handicapées le suivi des engagements politiques pris pendant l'Année européenne, et notamment le suivi des résolutions du Conseil concernant l'emploi, l'enseignement, l'eAccessibilité et la culture, ainsi qu'à présenter des recommandations pour l'intégration des questions de handicap dans la méthode de coordination ouverte, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne  (17).

3.7.2

Le CESE est favorable aux meilleures pratiques du règlement sur les passagers du transport aérien, règlement dans lequel les avantages des processus d'intégration sont clairs.

3.7.3

Le Comité accueille favorablement les résultats (18) obtenus dans le cadre de l'accessibilité aux TIC pour les personnes handicapées et les initiatives ultérieures (19). Il y a d'autres secteurs où certains progrès pourraient être réalisés, tels que les télécommunications dans un cadre réglementaire et la télédiffusion.

3.7.4

Le CESE considère que les Fonds structurels européens sont un instrument permettant à l'Union européenne de promouvoir ses principes, et la non-discrimination et l'accessibilité devraient figurer dans la législation et la programmation des Fonds. Le handicap devrait être une question fondamentale dans l'activité des Fonds.

3.7.5

Le CESE trouve matière à préoccupation dans les différents niveaux de la protection des droits des personnes handicapées dans l'UE. Le champ d'application de la protection et les droits d'une personne dépendent du lieu de sa résidence.

3.7.6

Le Comité trouve aussi matière à préoccupation dans le fait que certains aspects des discriminations exercées à l'égard des personnes handicapées sont négligés ou ne sont pas traités comme il conviendrait dans le rapport sur la première phase du PAH, par exemple: les conséquences de nombreux types de discriminations envers les personnes handicapées devraient être analysées, telles que les discriminations fondées sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle  (20) ; le droit des personnes handicapées à l'autonomie de vie est aussi une question à traiter.

Le CESE considère que le handicap n'est pas l'unique facteur déterminant pour les personnes handicapées et que les autres circonstances peuvent également avoir des incidences et des conséquences pour leur qualité de vie au quotidien.

4.   Le plan d'action de l'UE en faveur des personnes handicapées (PAH) 2006-2007

4.1

La Commission européenne a adopté un nouvel ensemble d'objectifs pour la deuxième phase. Le CESE constate avec satisfaction que les objectifs continuent à répondre aux principaux problèmes rencontrés par les personnes handicapées.

4.2

Le CESE ne partage pas le sentiment selon lequel cette intégration du handicap a réussi dans certains secteurs, notamment l'emploi, les TIC et l'enseignement. Cela est en contradiction avec quelques-uns des développements figurant dans les «rapports conjoints sur l'inclusion», où l'on reconnaît que «... sur fond de résultats économiques nuancés — dans le meilleur des cas –, la situation n'a pas évolué de manière substantielle. Par ailleurs, [les PAN] montrent clairement que la révision de la Stratégie de Lisbonne a mis en évidence un décalage entre les engagements pris par les États membres au titre des objectifs communs, d'une part, et les mesures prises pour les respecter, d'autre part» (21).

4.3

Le CESE estime que le groupe de haut niveau de l'UE sur le handicap est très important pour la mise en oeuvre du PAH et devrait être renforcé; le groupe devrait produire des résultats et des recommandations à caractère concret, que le Conseil de l'Union européenne puisse ensuite adopter.

4.3.1

Le CESE est fermement partisan de l'idée d'associer aux discussions du groupe de haut niveau le Forum européen des personnes handicapées et d'autres organisations européennes ayant des activités spécifiquement liées au handicap, afin d'assurer la participation du mouvement des personnes handicapées à la définition des politiques concernant les problèmes des citoyens européens handicapés.

4.4

Le CESE est satisfait d'apprendre que la Commission européenne ouvre actuellement une procédure d'infraction contre les États qui n'ont pas encore transposé la directive 2000/78 sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail dans leur système national, ou qui ne l'ont pas encore appliquée correctement (22).

4.5   Domaines prioritaires pour la deuxième phase

4.5.1

La deuxième phase du PAH privilégie l'inclusion active des personnes handicapées et s'appuie sur la notion de handicap au sein de la collectivité (23). Cela signifie que les personnes handicapées, à titre individuel, bénéficient des mêmes possibilités de choix et de décision dans leur vie quotidienne que les personnes non handicapées.

4.6   Encouragement de l'activité

4.6.1

Le CESE a noté dans son précédent avis que les personnes handicapées ne sont pas mentionnées dans la nouvelle stratégie de Lisbonne rationalisée (24).

4.6.2

Le CESE adresse une mise en garde quant au fait qu'il n'est pas possible de faire remonter les taux d'emploi et d'activité des personnes handicapées sans améliorer les conditions de travail et sans lutter contre les discriminations dans des secteurs tels que l'enseignement, les transports, les TIC, l'accès aux biens et aux services, etc.

4.6.3

Le CESE considère que la révision des objectifs de la stratégie européenne pour l'emploi doit prendre en compte l'intégration du handicap. Faute de cela, la protection des personnes handicapées continuera d'être très réduite.

4.6.4

Les Fonds structurels européens contribueront sensiblement à l'intégration s'ils reprennent à leur compte le principe de non-discrimination et d'accessibilité pour les personnes handicapées. La nouvelle période de programmation des Fonds structurels doit empêcher la création de nouvelles entraves dans l'environnement et prendre le parti de promouvoir une utilisation plus inclusive des Fonds.

4.6.5

Le nouveau règlement de la Commission européenne sur l'exemption par catégories des aides à l'emploi et à la formation doit créer un système équitable permettant d'encourager la participation des personnes handicapées au marché du travail. Il conviendrait que la nouvelle révision du règlement simplifie les procédures afin de faciliter l'accès des employeurs aux moyens nécessaires pour soutenir leurs salariés handicapés.

4.6.6

Les entreprises d'économie sociale peuvent contribuer utilement à l'intégration des personnes handicapées sur le marché du travail.

4.7   Promotion de l'accès à des services de qualité en matière de soutien et de soins

4.7.1

Le CESE marque son accord avec la Commission européenne sur l'importance de cette question.

4.7.2

Le CESE considère que toute action visant à promouvoir la qualité de vie des personnes handicapées dans les sociétés européennes devrait prendre sa source dans les droits de l'homme fondamentaux tels que:

le droit à la liberté de mouvement et à la liberté de choix de sa résidence,

le droit au respect de sa vie privée et familiale,

nul ne peut être arbitrairement privé de sa liberté,

nul ne peut être soumis à la torture ou à des traitements ou des peines inhumains ou dégradants,

le droit à l'éducation,

le droit à la santé, y compris l'accès à l'information et aux services de santé et de santé reproductive,

nul ne peut être privé de ses biens.

4.7.3

C'est pourquoi le CESE accueille favorablement l'assurance de la Commission indiquant que celle-ci veillera à favoriser l'autonomie de vie, la désinstitutionnalisation et la déségrégation des personnes placées dans de grandes structures d'accueil.

4.7.3.1

Le CESE invite la Commission à veiller à ce que toutes les parties concernées par la question de l'autonomie de vie, telles que les pouvoirs publics au niveau national, les organisations représentant les personnes handicapées et l'UE, participent activement à ce processus.

4.7.3.2

L'autonomie de vie ne signifie pas seulement vivre effectivement dans la société, mais aussi participer à la vie en société dans des conditions d'égalité. L'autonomie de vie veut dire la participation complète à tous les aspects de la vie en société.

4.7.3.3

Le CESE considère que toute action visant à réformer les services de soins devrait promouvoir l'autonomie de vie pour les personnes handicapées. La nouvelle stratégie pour les soins à long terme, ainsi que la nouvelle stratégie de protection sociale, devraient comporter un objectif spécifique de désinstitutionnalisation et de mise au point de solutions de remplacement ayant leur fondement dans la collectivité. Les solutions de remplacement devraient notamment comprendre des initiatives telles que des assistants personnels, des appareils d'assistance, des services de soutien, de l'information, de la formation, la participation des personnes handicapées à leur propre accès aux soins, etc.

4.7.4

Le CESE demande que les normes européennes minimales en matière de qualité des services offerts aux personnes handicapées soient améliorées. Il conviendrait d'élaborer ces normes en coopération avec les organisations de personnes handicapées. Tout modèle de services de soutien et de soins devrait se fonder sur des exigences de qualité, de continuité, d'accessibilité et de viabilité financière.

4.7.5

La méthode de coordination ouverte en matière de santé devrait également prendre en compte les besoins des personnes handicapées et leurs droits fondamentaux en ce qui concerne l'accès aux services.

4.8   Favoriser l'accessibilité des biens et des services

4.8.1

Le CESE accueille favorablement le règlement sur les passagers à mobilité réduite dans les transports aériens et les initiatives qui s'inscrivent dans le cadre plus large des transports (circulation ferroviaire, autocars et circulations maritime) et du tourisme, qui permettront d'assurer la libre circulation des personnes handicapées.

4.8.2

L'accès aux nouvelles technologies est essentiel pour combler l'écart résultant de la fracture numérique dans les sociétés européennes. L'UE doit veiller à ce que les projets qui relèvent du 7ème programme-cadre améliorent la recherche dans le domaine des nouvelles technologies, des appareils d'assistance et de la conception universelle («design for all») des biens et des services.

4.8.3

Le CESE estime que dans les négociations actuelles relatives à la directive sur les services du marché intérieur, il conviendrait de tenir compte des besoins des consommateurs handicapés lorsque l'on parle de l'accès aux biens et aux services dans l'UE.

4.8.4

Le CESE conseille à la Commission européenne de faire en sorte que la future communication sur les services sociaux d'intérêt général tienne compte des principes de continuité et d'accessibilité, des normes européennes de qualité, ainsi que de la viabilité financière.

4.9   Augmentation de la capacité d'analyse de l'UE

4.9.1

L'Union européenne doit pouvoir évaluer la situation des personnes handicapées.

4.9.2

Le CESE estime qu'il conviendrait de produire des données plus fiables et plus comparables en ce qui concerne les personnes handicapées. Les statistiques actuelles de l'UE comportent des analyses fondées sur le sexe et sur l'âge. Il est d'une importance essentielle pour l'analyse de la situation des personnes handicapées et l'élaboration de politiques futures que l'on puisse disposer d'une ventilation statistique complète au niveau de l'UE.

4.9.3

Il existe un besoin de développement de la recherche universitaire, développement qui prêterait une attention particulière d'une part, aux besoins exprimés par les personnes handicapées elles-mêmes, et d'autre part, à l'amélioration de l'analyse des discriminations multiples.

L'Année européenne de l'égalité des chances 2007 représente pour la Commission une occasion unique de prendre la responsabilité d'équilibrer/d'harmoniser dans l'ensemble de l'UE la protection juridique contre les discriminations à l'égard des personnes handicapées et de prendre des mesures en cas de violations.

Le CESE attend avec intérêt le prochain rapport bisannuel sur le PAH en 2008.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Plusieurs ONG représentatives affirment que l'assistance personnelle devrait, pour cette raison, devenir un droit pour les personnes handicapées, droit dont l'exercice pourrait être garanti par un financement direct. Cette condition est nécessaire à une évolution de nature structurelle dans la garantie des droits de l'homme fondamentaux.

(2)  COM (2003) 650 final.

(3)  Plan d'action en faveur des personnes handicapées (PAH).

(4)  La publication d'Eurostat «L'emploi des personnes handicapées en Europe en 2002» indique que: «Parmi ces personnes âgées entre 16 et 64 ans, 44,6 millions - soit 1 sur 6 (15,7 %) - ont indiqué qu'elles avaient un problème de santé ou un handicap de longue durée (PSHLD)».

(5)  Avis du CESE du 14 février 2006 sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la mise en oeuvre, les résultats et l'évaluation globale de l'année européenne des personnes handicapées 2003», Mme Anca, rapporteuse (JO C 88 du 11.4.2006).

Avis du CESE du 25 février 2004 sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “Égalité des chances pour les personnes handicapées: un plan d'action européen”», M. Cabra de Luna, rapporteur (JO C 110 du 30.4.2004).

Avis du CESE du 26 mars 2003 sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen – Vers un instrument juridiquement contraignant des Nations unies destiné à promouvoir et protéger les droits et la dignité des personnes handicapées», M. Cabra de Luna, rapporteur (JO C 133 du 6.6.2003).

Avis d'initiative du CESE du 17 juillet 2002 sur «L'intégration des personnes handicapées dans la société», M. Cabra de Luna, rapporteur (JO C 241 du 7.10.2002).

Avis du CESE du 17 octobre 2001 sur la «Proposition de décision du Conseil relative à l'Année européenne des personnes handicapées 2003», M. Cabra de Luna, rapporteur (JO C 36 du 8.2.2002).

(6)  Avis du CESE du 25 février 2004 sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions “Égalité des chances pour les personnes handicapées: un plan d'action européen”», M. Cabra de Luna, rapporteur (JO C 110 du 30.4.2004).

(7)  Convention internationale sur les droits des personnes handicapées. Nations unies, New-York, 2006 (texte de travail).

(8)  Statistiques en bref, thème 3: «L'emploi des personnes handicapées en Europe en 2002», Eurostat 26/2003.

(9)  Une prestation sociale vraisemblablement plus élevée qu'un salaire, et le risque de perdre les prestations en prenant un emploi.

(10)  Statistiques en bref, thème 3: «L'emploi des personnes handicapées en Europe en 2002», Eurostat 26/2003.

(11)  Les 57 % de personnes handicapées deviennent des personnes handicapées, au cours de leur vie professionnelle.

(12)  Directive du Conseil 2000/78/CE du 27 novembre 2000.

(13)  Décision du Conseil du 12.7.2005 sur les orientations pour les politiques de l'emploi des États membres. Intégration du handicap dans la stratégie européenne pour l'emploi http://europa/comm/dgs/employment_social/index_en.htm.

(14)  Règlement (CE) no 2204/2002 de la Commission.

(15)  CEEP, UNICE/UEAPME et rapport 2004 de la CES sur les actions des partenaires sociaux dans les États membres pour la mise en oeuvre des lignes directrices sur l'emploi.

(16)  2000/750/CE: décision du Conseil du 27 novembre 2000 établissant un programme d'action communautaire de lutte contre la discrimination (2001-2006).

(17)  Cf. note de bas de page 5.

(18)  Communication sur l'eAccessibilité – COM (2005) 425 final du 13.9.2005.

(19)  Les initiatives visant à harmoniser les exigences d'accessibilité dans le domaine des TIC; Orientations sur l'accessibilité au Web; European Curriculum on Design for All (programme européen sur la conception universelle).

(20)  Motifs de discrimination repris dans le traité CE, article 13.

(21)  Rapport conjoint sur la protection sociale et l'inclusion sociale 2006, COM(2006) 62 final.

(22)  Autriche, Finlande, Allemagne et Luxembourg.

(23)  Telle que cette notion se traduit dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 26 «L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté».

(24)  Avis du CESE du 14 février 2006 sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la mise en oeuvre, les résultats et l'évaluation globale de l'année européenne des personnes handicapées 2003», Mme Anca, rapporteuse (JO C 88 du 11.4.2006).


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/52


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission: Une politique de cohésion pour soutenir la croissance et l'emploi — Orientations stratégiques de la politique de cohésion (2007-2013)»

(COM(2005) 299 final — SEC(2005) 904)

(2006/C 185/11)

La Commission européenne, en date du 5 juillet 2005 a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 23 mars 2006 (rapporteur: M. VEVER).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 21 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 47 voix pour, zéro voix contre et 1 abstention.

1.   Résumé

1.1

Le Comité économique et social européen regrette que les orientations stratégiques 2007-2013 de la politique de cohésion aient été présentées un an après les propositions de programmation budgétaire et de règlements des Fonds structurels pour cette période, au lieu de l'avoir été conjointement sinon antérieurement. Dans ces conditions, les orientations s'apparentent davantage à des dispositions complémentaires qu'aux véritables lignes directrices qu'elles devraient être.

1.2

Ce décalage est d'autant plus regrettable que le besoin de telles lignes directrices est pressant face à des enjeux de cohésion aussi multiples que complexes en 2007-2013: accompagnement des élargissements, consolidation de l'euro, rattrapage des retards de la stratégie de Lisbonne confrontée à l'accélération de la globalisation. Face aux difficultés d'une croissance insuffisante, de disparités élevées entre États membres et d'un budget communautaire trop limité, les atouts de l'Union existent mais demeurent davantage potentiels qu'assurés (consolidation du marché unique élargi, infrastructures d'avenir, réformes d'adaptation).

1.3

Le CESE considère que les liens entre les priorités des orientations stratégiques et les objectifs des fonds structurels ne sont pas explicités, et que les conditions de leur mise en œuvre devraient être précisées. Ainsi, la première priorité visant une meilleure attractivité aux investissements pose la question centrale du nécessaire renforcement de la confiance dans le développement même de l'Union. La seconde priorité d'appui à l'innovation et l'entrepreneuriat pose la question de l'inadaptation persistante des moyens communautaires (blocage du brevet communautaire, lacunes d'un statut juridique européen de l'entreprise, interventions des Fonds trop limitées aux subventions). La troisième priorité visant à créer davantage d'emplois pose la question du rattrapage des retards de la stratégie de Lisbonne et d'une optimisation encore lointaine du fonctionnement économique et social du marché unique, face aux pressions de la globalisation.

1.4

Le CESE, à l'instar du Parlement européen, est préoccupé par la faiblesse du budget communautaire programmé par le Conseil européen de décembre 2005 pour 2007-2013: son plafonnement durable à 1,045 % du revenu national brut (soit 0,36 % pour le budget de cohésion) le situe à niveau moindre qu'avant l'élargissement de 15 à 25, alors même que les défis des disparités internes et de la concurrence internationale se sont considérablement accrus. Dès lors, la question centrale à laquelle doivent répondre les orientations stratégiques 2007-2013 de la politique de cohésion est: comment faire mieux avec moins? Pour y répondre, le CESE recommande de diversifier les moyens de la politique de cohésion, de concentrer davantage ses interventions et de moderniser ses modes de gestion.

1.5

Le CESE recommande de diversifier les moyens de la politique de cohésion à travers une ingénierie innovatrice des interventions financières de l'Union.

1.5.1

Les fonds structurels devraient pouvoir recourir à d'autres instruments que les subventions et développer, en liaison directe avec la BEI et le FEI, des prêts, des bonifications, des garanties d'emprunt, des appuis en capital-investissement et en capital à risque.

1.5.2

Un tel redéploiement, sur une échelle beaucoup plus vaste que le seul programme Jeremie, créerait un effet multiplicateur des interventions des fonds, en meilleure complémentarité avec l'investissement des capitaux publics et privés, palliant la modicité du budget.

1.5.3

À cette fin, le CESE se prononce en faveur d'un accroissement substantiel des capacités de prêts et de garanties de l'Union, d'un partenariat renforcé avec le secteur bancaire et financier, et d'aménagements correspondants dans les nouveaux règlements des Fonds structurels. Ces trois conditions nécessiteraient des propositions urgentes en ce sens de la part de la Commission européenne.

1.6

Le CESE recommande de concentrer davantage les interventions des Fonds structurels en fonction des intérêts prioritaires de l'Europe.

1.6.1

Au-delà de l'appui direct aux États et aux régions les plus nécessiteuses, qui doit être poursuivi et intensifié, ceci implique de renforcer, avec le concours de partenariats public/privé, le financement des réseaux trans-européens d'infrastructures et l'aide aux régions frontalières.

1.6.2

À cette fin, le CESE demande une réévaluation significative du budget des réseaux trans-européens, qui a été laissé pour compte par la programmation de décembre 2005 malgré les objectifs de la stratégie de Lisbonne.

1.6.3

Ceci suppose également que les aides communautaires soient davantage utilisées pour aider les États membres à mieux mettre en œuvre les orientations, les décisions et les engagements communautaires, qu'il s'agisse de la transposition des directives ou de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. En particulier, le budget des aides à la formation, lui aussi minimisé en décembre 2005, devrait être réévalué.

1.7

Le CESE recommande enfin de moderniser les modes de gestion de la politique de cohésion, pour promouvoir plus de transparence et d'interactivité.

1.7.1

Ceci suppose que les aides communautaires, à l'instar des aides d'État, justifient leur pleine compatibilité avec la politique européenne de concurrence.

1.7.2

Ceci nécessite aussi une meilleure association des acteurs de la société civile organisée, en premier lieu des partenaires sociaux, dans l'élaboration, la conduite et le suivi de la politique européenne de cohésion.

1.7.3

À cette fin, le CESE demande que l'association des acteurs socioprofessionnels fasse l'objet de dispositions explicites intégrées aux orientations stratégiques. Les conditions de leur mise en œuvre dans chacun des États membres devraient être précisées en annexe aux documents de programmation et de révision.

2.   Introduction

2.1

La communication de la Commission adoptée le 5 juillet 2005 sur les orientations stratégiques 2007-2013 de la politique de cohésion complète une série de propositions précédentes

2.1.1

Les orientations budgétaires communautaires 2007-2013, présentées le 17 février 2004, ont été calculées sur base d'un taux de 1,14 % du Revenu National Brut (RNB).

2.1.2

Les projets de règlements modifiant les dispositions des Fonds structurels (FEDER, FSE, Fonds de cohésion) pour la période 2007-2013, ont été présentés le 14 juillet 2004 (1): la Commission a proposé d'assigner aux Fonds trois objectifs:

2.1.2.1

un objectif de convergence, succédant à l'actuel objectif 1, au bénéfice des régions moins développées de l'Union, notamment celles dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne de l'UE: 78,54 % des ressources des Fonds y seraient affectés;

2.1.2.2

un objectif de compétitivité régionale et d'emploi, succédant à l'actuel objectif 2, au bénéfice des autres régions de l'UE, notamment pour les appuyer dans la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne et l'amélioration de l'emploi: 17,22 % des ressources des Fonds y seraient affectés;

2.1.2.3

un objectif de coopération territoriale européenne, succédant à l'actuel programme Interreg: 3,94 % des ressources des Fonds y seraient affectés.

2.1.3

La Commission a également présenté le 14 juillet 2004 un projet de statut de groupement européen de coopération transfrontalière, destiné à faciliter de telles initiatives intracommunautaires (2).

2.2

En présentant le 5 juillet 2005 les orientations stratégiques pour la politique de cohésion 2007-2013, la Commission a mis en avant trois priorités qui sont énoncées différemment des objectifs d'intervention des fonds structurels précédemment cités, même s'ils les recoupent:

2.2.1

la première priorité des orientations stratégiques vise une meilleure attractivité aux investissements;

2.2.2

la seconde priorité des orientations stratégiques concerne la promotion de l'innovation et de l'entrepreneuriat;

2.2.3

la troisième priorité des orientations stratégiques appuie la création d'emplois.

2.3

Ces orientations stratégiques sont appelées à être mises en œuvre à travers des cadres de référence stratégiques nationaux, qui seront ultérieurement établis par la Commission, les États membres et les régions.

2.4

La présentation des orientations stratégiques a constitué le dernier volet qui manquait encore à la discussion d'un paquet global sur la politique de cohésion 2007-2013. Il aurait au demeurant été plus logique que la Commission ouvre le débat sur la politique de cohésion par la présentation de ces orientations stratégiques, destinées à définir un cadre politique global, plutôt que par les projets de règlement des Fonds, qui devraient en constituer les modalités d'application. À défaut d'une meilleure articulation mutuelle, assurant aux orientations stratégiques un rôle directeur clair, et non un rôle d'accompagnement, le risque existe de diluer la valeur ajoutée de la politique européenne de cohésion et d'encourager une renationalisation des stratégies de développement, qui serait tout à fait nuisible à la cohérence, la compétitivité et l'efficacité économique et sociale de l'Union.

2.5

Les débats sur les orientations budgétaires pour 2007-2013 et les règlements des fonds pour cette période se sont engagés dans des conditions difficiles, marquées par des différences d'appréciation sensibles entre les 25 États membres sur les montants et les modalités d'intervention. Après un premier échec en juin 2005, le Conseil européen a dégagé le 17 décembre 2005 un accord budgétaire sur des bases très en retrait: il plafonne le budget 2007-2013 à 1,045 % du RNB, avec 252 milliards d'euros, soit 82 %, affectés à l'objectif de convergence, 48,5 milliards, soit 15,5 %, affectés à l'objectif de compétitivité et d'emploi, et 7,5 milliards, soit moins de 2,5 %, affectés à l'objectif de coopération territoriale européenne.

2.6

Le Parlement européen a rejeté le 18 janvier 2006 cette programmation budgétaire très éloignée de ses attentes. Des discussions ont donc repris entre le Conseil et le Parlement, débouchant le 4 avril 2006 sur un compromis qui prévoit d'ajouter 4 milliards d'euros (dont 2 à titre de réserve) à cette enveloppe. Ce compromis doit encore être ratifié des deux côtés.

3.   Observations sur les enjeux de la politique de cohésion 2007-2013

3.1

De très importants enjeux vont marquer la période 2007-2013 visée par les orientations stratégiques de cohésion:

3.1.1

Il faudra en premier lieu poursuivre et consolider l'élargissement. Après être passée de 15 à 25 en 2004, l'Union européenne devrait accueillir deux États membres supplémentaires en 2007. D'autres pourraient même suivre ultérieurement, après 2013 sinon avant, car la liste des candidatures à l'adhésion est aujourd'hui loin d'être close. En toute hypothèse, même si les élargissements renforcent le poids du marché unique et ses capacités de croissance, d'emplois, d'échanges, de production, de consommation et de compétitivité face à la globalisation, l'ampleur toujours croissante des disparités économiques et sociales va nécessiter d'engager un véritable saut qualitatif dans la coordination des politiques européennes et nationales, la gestion et le renforcement du marché unique, l'aménagement collectif du territoire de l'Union.

3.1.2

Il conviendra aussi de réussir l'élargissement de la zone euro, tout en assurant son renforcement, son attractivité et sa meilleure efficacité en termes de croissance et d'emplois. Celle-ci ne représente aujourd'hui que 12 des 25 États membres. Elle a vocation à s'élargir, d'ici à 2013, à une grande majorité d'entre eux, dans la mesure où ceux-ci en rempliront toutes les conditions. À l'instar de l'élargissement de l'Union, l'extension de la zone euro nécessitera davantage de convergence, dans des conditions de compétitivité, d'abord sur le plan économique, mais aussi dans de nombreux domaines connexes, allant de la fiscalité, notamment l'harmonisation des assiettes, à la politique sociale.

3.1.3

Les mutations structurelles vont continuer de s'amplifier tout au long de cette période:

3.1.3.1

la globalisation et l'affirmation des nouvelles puissances économiques émergentes vont renforcer la pression concurrentielle et amplifier les délocalisations;

3.1.3.2

les mutations technologiques vont encore s'accélérer, notamment avivées par les innovations d'une société de l'information mondialisée;

3.1.3.3

le vieillissement démographique de l'Europe va se confirmer, avec le départ en retraite des classes d'âge du «baby boom» d'après-guerre, modifiant les conditions de vie, d'emploi, d'équilibre des prestations sociales dans les États membres;

3.1.3.4

les pressions migratoires en provenance des pays tiers moins développés devraient continuer à s'amplifier. Il conviendra de mieux les encadrer, d'une part en améliorant l'adaptation aux besoins et aux capacités d'intégration de l'Union, et d'autre part en accroissant de façon très significative l'efficacité de l'aide au développement des pays d'émigration, pour créer sur place davantage d'emplois et de progrès économique et social. Il faudra également mieux intégrer les besoins d'adaptation à l'immigration dans les programmes de scolarisation et de formation aux différents niveaux.

3.1.3.5

La lutte contre l'exclusion sociale et la pauvreté, tant des demandeurs d'emplois que des «travailleurs pauvres», restera une exigence importante pour la politique européenne de cohésion. Si l'on ne résout pas ce type de problèmes, qui vont au-delà des questions d'emploi en tant que telles, il sera difficile, dans la pratique, de parvenir à assurer la cohésion non seulement du point de vue social mais aussi sous l'angle économique.

3.1.4

L'échéance 2010 de la stratégie de Lisbonne, fixée par le Conseil européen depuis 2000, sera au centre de cette période de profonds changements. Or, la mise en œuvre de cette stratégie a pris du retard. Il va être à la fois plus urgent mais aussi plus difficile pour l'Europe de rattraper ses retards pour préserver sa compétitivité.

3.2

Face à ces grands enjeux des prochaines années, la politique européenne de cohésion pourra s'appuyer sur plusieurs atouts importants. On citera notamment:

3.2.1

le poids spécifique du marché intérieur européen, qui réunit plus d'un demi milliard d'Européens et représente un potentiel économique, commercial et humain encore sous-utilisé, tant sur les plans de l'offre et de la demande économiques que du marché du travail;

3.2.2

le modèle européen de relations sociales et le dialogue social européen, qui mettent l'accent sur la valorisation des ressources humaines face aux enjeux de l'emploi, du développement, de la santé et de la qualité de vie dans la mondialisation;

3.2.3

la dynamique de croissance des nouveaux États membres, qui atteint fréquemment le double de la moyenne communautaire, et qui devrait contribuer à réduire les importantes disparités de développement et à appuyer le dynamisme économique et commercial de l'Union;

3.2.4

les nouvelles opportunités d'aménagement et d'investissements offertes par l'unification de l'ensemble du continent européen, qui permettent une relecture de son organisation économique interne et la mise en œuvre de schémas innovateurs d'infrastructures et d'aménagement du territoire;

3.2.5

dans la mesure où elles réussiront à se développer et à produire un effet mutuel d'entraînement, avec un concours actif des partenaires sociaux, les réformes économiques et sociales de la stratégie de Lisbonne, qui devraient également constituer un appui essentiel pour réussir la politique de cohésion de l'Union européenne;

3.2.6

Au total, les aides de la politique européenne de cohésion devraient surtout chercher à promouvoir un cercle vertueux de croissance et d'emploi en développant des interactions positives entre ces différents facteurs (approfondissement et élargissement du marché intérieur, investissements et aménagement du territoire, réformes dans les États membres).

3.3

La politique européenne de cohésion devra compter aussi avec d'importantes difficultés qui vont rendre la tâche plus complexe.

3.3.1

On citera en premier lieu la difficulté persistante à recréer une dynamique économique forte en Europe. Loin de rattraper ses retards sur ses concurrents, l'Union européenne continue actuellement de s'en démarquer. Elle connaît une croissance globalement médiocre, un chômage élevé dans de nombreux États membres, affectant les jeunes comme les plus âgés, des créations d'emplois le plus souvent insuffisantes, un déficit persistant de recherche, une accélération des délocalisations. Le classement actuel de l'Europe dans les performances mondiales ne reflète guère les ambitions affichées il y a cinq ans. Une amélioration significative de cette situation n'apparaît pas encore en vue.

3.3.2

Un autre grand défi pour la politique de cohésion sera lié à l'ampleur des disparités économiques et sociales, suite aux élargissements. Beaucoup de temps sera nécessaire pour les résorber. Il conviendra d'innover dans l'approche et dans les méthodes de la politique de cohésion par rapport à celles qui ont prévalu au cours des années précédentes, lorsque les différentiels de développement entre les États membres étaient beaucoup moins élevés.

3.3.3

Un important point faible pour la politique de cohésion est l'insuffisante coordination des politiques économiques, y compris fiscales, qui demeure trop lâche, même entre les pays qui ont adopté l'euro. Avec l'accroissement du nombre des États membres, il devient urgent d'y remédier, alors même que ceci devient également plus difficile. Cette coordination économique accrue devrait aussi s'accompagner d'une meilleure concertation sur les approches sociales.

3.3.4

On citera aussi, parmi les dysfonctionnements à corriger, l'insuffisante association des acteurs de la société civile, face à la primauté des administrations publiques et la gestion très bilatérale Commission/États membres de la mise en œuvre de cette politique de cohésion (3).

3.3.5

Pour leur part, les fonds européens restent et demeureront proportionnellement modestes, face à l'ampleur encore accrue des besoins. L'accord du 17 décembre 2005 limitant le budget européen à 1,045 % du revenu national brut réduit le budget de la politique de cohésion à 0,36 % du RNB. Les moyens budgétaires européens sont ainsi réduits à un niveau inférieur à celui d'avant l'élargissement de 15 à 25, ce qui préoccupe le CESE à l'instar du Parlement européen. Une telle échelle, qui n'a bien sûr rien de commun avec celle d'un budget fédéral (le budget des États-Unis représente plus de 20 % du PIB), apparaît aussi en elle-même excessivement réduite face aux enjeux de cohésion de l'Union.

3.3.6

Dès lors, la question centrale à laquelle doivent répondre les orientations stratégiques 2007-2013 de la politique de cohésion est: comment faire mieux avec moins? Il faudra donc plus que jamais veiller à la meilleure utilisation possible de ces crédits très limités, en assurant non pas une assistance pérenne mais les conditions d'un développement autonome et durable. Ceci nécessitera de rechercher d'une part une convergence et une complémentarité maximales avec les budgets nationaux, et d'autre part un effet d'amorçage et d'appui des forces du marché, qui peuvent, de concert avec les sources publiques de financement, mobiliser des ressources à l'échelle des besoins du développement collectif de l'Europe.

3.3.7

Pour répondre à tous ces défis, il conviendra de diversifier les moyens de la politique de cohésion, de concentrer plus efficacement ses interventions et de moderniser ses modes de gestion. Ces différentes considérations sont développées dans les paragraphes suivants.

4.   Observations sur les priorités de la politique de cohésion 2007-2013

4.1

Les orientations de politique de cohésion pour 2007-2013 s'inscrivent au service d'une priorité dominante de «croissance et d'emploi». Elles se réfèrent notamment au partenariat mis en avant sous ce titre par le Conseil européen en mars 2005, et aux lignes directrices intégrées également proposées sous ce titre en juin 2005 par la Commission.

4.2

Pour contribuer à cette priorité générale de «croissance et d'emploi», la communication de la Commission met en avant trois priorités particulières: promouvoir l'attractivité européenne aux investissements, développer l'innovation et l'entreprenariat, renforcer l'emploi et la formation. Ces trois priorités sont complétées par un souci transversal de mieux aménager le territoire de l'Union, dans ses composantes tant rurales qu'urbaines, et dans ses interrelations frontalières, nationales et régionales.

4.3

La première priorité, visant une meilleure attractivité aux investissements, apparaît particulièrement pertinente. Elle devrait être tout particulièrement mise en œuvre dans les régions moins développées de l'Union élargie qui méritent de bénéficier d'une priorité d'intervention, tout en veillant aussi aux mesures transitoires au bénéfice des régions anciennement prioritaires. Face notamment aux limites inhérentes aux fonds d'intervention européens, l'exigence doit être de promouvoir l'investissement des capitaux, notamment du secteur privé, au service des priorités de développement de l'économie européenne.

4.3.1

L'Union européenne n'est toutefois pas encore parvenue, en dépit des progrès réalisés dans l'achèvement du marché intérieur, dans la mise en place de l'union économique et monétaire et dans certaines des réformes de la stratégie de Lisbonne, à s'assurer un mécanisme de croissance autonome et vigoureux valorisant les synergies et les complémentarités de ses économies nationales. Il sera donc difficile de conduire une politique de cohésion efficace sans rétablir plus de confiance de tous les milieux concernés (entrepreneurs, salariés, investisseurs) vis-à-vis même du devenir du développement économique et social de l'Union, et même sans doute aussi de son avenir politique et institutionnel.

4.3.2

Ceci impliquera donc, au cours des prochaines années, de réduire les facteurs d'incertitude qui pèsent actuellement sur des questions aussi essentielles que l'achèvement du marché unique, l'affirmation d'une économie compétitive intégrée autour de l'euro, le renforcement de la croissance et de l'emploi, l'amélioration des conditions de vie, la réussite de la stratégie de Lisbonne, une gouvernance efficace des institutions de l'Union, l'aménagement optimal et durable de l'Europe élargie, dans le sens d'une harmonisation du progès économique, social et environnemental.

4.3.3

La communication de la Commission met l'accent sur les investissements dans les réseaux d'infrastructures notamment de transports. Il manque toutefois une analyse des raisons qui ont motivé la persistance des retards en ce domaine. Pour remédier à ces retards, il conviendrait d'accorder une meilleure priorité au financement des infrastructures transeuropéennes de transports, d'énergie et de télécommunications, qui conditionnent la cohésion de l'Union. On ne peut que déplorer ici la réduction drastique du financement de ces réseaux prévue par l'accord du 17 décembre 2005: le fait que cette priorité ait été la grande sacrifiée du Conseil européen est en contradiction directe avec les engagements de Lisbonne dont l'échéance se situe au centre de la cible 2007-2013. Le CESE demande donc, à l'instar des positions exprimées par le Parlement européen, qu'un budget clairement réévalué soit convenu pour financer les réseaux trans-européens.

4.3.4

La communication de la Commission souligne aussi deux autres priorités d'investissement pour la politique de cohésion: d'une part la promotion des investissements environnementaux, et d'autre part le renforcement de l'autonomie de l'Europe sur le plan énergétique.

4.3.4.1

Il conviendrait ici de souligner le lien direct qui devra être assuré entre ces priorités et l'appui aux réseaux européens d'infrastructures précédemment mentionné.

4.3.4.2

Il faudrait aussi s'assurer du respect des conditions environnementales par les bénéficiaires des aides européennes.

4.4

La seconde priorité assignée à la politique de cohésion est d'améliorer l'innovation et l'entrepreneuriat. Ce faisant, la Commission reprend très directement les priorités de la stratégie de Lisbonne concernant la promotion d'une Europe de la connaissance.

4.4.1

Cette priorité comprend en premier lieu l'accroissement des investissements de recherche.

4.4.1.1

Force est de constater ici que l'Europe perd dans l'ensemble du terrain vis-à-vis de ses grands partenaires technologiques. Les crédits de recherche des États membres, fréquemment inférieurs de plus d'un tiers à l'objectif de 3 % du PIB fixé par la stratégie de Lisbonne, ont souvent été au cours des dernières années non pas accrus mais plafonnés, sinon amputés. Le budget européen du programme cadre de recherche et développement (PCRD) demeure faible, comparativement aux budgets de recherche des États membres, et insuffisamment coordinateur vis-à-vis de ces programmes nationaux. Par ailleurs, de graves blocages persistent dans les processus institutionnels communautaires, y compris au plus haut niveau, donnant un très mauvais signal. L'échec du brevet communautaire, qui perdure depuis trente ans, illustre une incapacité très préoccupante de l'Union à se donner les moyens de ses ambitions.

4.4.1.2

Il faudrait donc engager une véritable politique européenne de recherche, dotée d'une crédibilité renforcée. Ceci impliquerait, dans le cadre d'un réaménagement nécessaire du budget communautaire, d'accroître significativement les crédits européens de la recherche, tout en leur assurant aussi un effet plus réel de coordination sur les programmes nationaux. Ceci supposerait aussi de débloquer enfin le brevet communautaire, quitte à ne pas l'appliquer dans un premier temps à tous les États membres si un accord unanime continue à faire défaut. Où en seraient en effet l'euro, Schengen ou la politique sociale européenne si on avait pareillement lié leur lancement à une mise en œuvre unanime?

4.4.2

Une autre nécessité soulignée par la communication de la Commission est d'encourager la création et le développement d'entreprises, notamment sur les nouveaux créneaux technologiques, et de promouvoir leur mise en réseau à l'échelle européenne.

4.4.2.1

On doit déplorer ici le fait qu'il manque encore aux petites entreprises la possibilité d'opter pour un statut juridique européen simplifié facilitant leurs activités à l'échelle transfrontalière.

4.4.2.2

Le CESE réitère donc sa demande, formulée dans son avis d'initiative sur «L'accès des PME à un statut de droit européen» (4), afin qu'un tel statut juridique européen en faveur des petites et moyennes entreprises soit présenté sans plus de retard par la Commission et rapidement adopté.

4.4.2.3

Le CESE regrette par ailleurs les retraits par la Commission à l'automne 2005, des propositions concernant un statut européen pour les mutualités et pour les associations européennes, dont la nécessité demeure plus que jamais présente.

4.4.3

La communication de la Commission souligne par ailleurs l'importance de la question du financement des entreprises et la nécessité de faciliter son accès notamment pour les entreprises innovatrices.

4.4.3.1

On soulignera ici que la capacité des fonds structurels à faciliter de façon significative l'accès des entreprises aux financements reste, dans ses modalités actuelles, forcément limitée et sans doute marginale en ce domaine, même si des accompagnements limités et des cofinancements de projets pilote peuvent être utiles dans des domaines suffisamment ciblés et exemplaires. Le CESE note avec satisfaction le lancement des initiatives JASPERS et JEREMIE, en partenariat entre la Commission, la Banque européenne d'investissement, le Fonds européen d'investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. L'initiative JASPERS vise à aider les autorités nationales et régionales des États éligibles à l'objectif de convergence pour la préparation de grands projets d'infrastructures. Le programme JEREMIE se donne pour objectif d'améliorer l'accès des petites entreprises au financement. Le CESE souhaite que ces initiatives soient rendues véritablement opérationnelles et lisibles à l'échelon local, de façon à ce que ce nouveau cadre d'action produise un effet maximal en termes de développement économique et de création d'activités, donc d'emplois, sur le terrain.

4.4.3.2

Pour que l'intervention des fonds ait un impact direct plus sensible sur les financements des entreprises, il faudrait leur donner les moyens d'avoir un effet élargi, touchant à des facilités de prêts bancaires, de mise à disposition de capital-risque, d'accès au micro-crédit et aux garanties pour les petites entreprises. Ceci impliquerait de redéfinir les moyens des Fonds et notamment leur mode d'ingénierie financière, qui est aujourd'hui essentiellement limité à l'octroi de subventions. Il s'agirait, à l'instar du programme JEREMIE mais sur une beaucoup plus vaste échelle, de transformer ces subventions en produits financiers: un euro provisionné pour garantir un prêt de capital à risque permettrait ainsi de financer cinq à dix euros d'investissement d'une PME, assurant un effet multiplicateur aux interventions des fonds européens. Les recommandations du CESE sur cette question centrale sont développées au chapitre 5 du présent avis.

4.4.3.3

On rappellera aussi qu'un achèvement rapide et effectif du marché financier unique européen, joint à une politique de concurrence efficace et à une consolidation de l'union économique et monétaire, permettrait d'améliorer de façon décisive l'accès des entreprises de toutes tailles aux financements. Ce point n'est pourtant guère souligné dans la communication de la Commission, alors même qu'une de ses responsabilités premières reste de conduire à bien un tel achèvement au cours des prochaines années.

4.5

La troisième priorité assignée par la communication de la Commission à la politique de cohésion est de créer davantage d'emplois et d'en améliorer la qualité.

4.5.1

La première condition pour créer plus d'emplois est de renforcer la croissance économique et de faciliter dans ce cadre la création d'emplois. Un tel objectif suppose une économie plus dynamique tant sur les plans de l'offre que de la demande, associée à des conditions administratives, fiscales et sociales plus favorables à ces créations d'emplois, notamment au regard de la situation des petites entreprises, des indépendants et des artisans, ainsi que des professions qui valorisent les qualifications professionnelles. Comme mentionné précédemment, les Fonds structurels ne pourront avoir qu'un impact direct limité en de tels domaines, tout en pouvant appuyer utilement des actions particulières et des projets pilote, en promouvant les meilleures pratiques.

4.5.2

Il conviendra aussi, comme le souligne la Commission, de développer l'adaptation du marché du travail. Un accent particulier devrait être mis par les Fonds structurels à l'amélioration du fonctionnement du marché unique en ce domaine. Ceci impliquera de renforcer la mobilité, y compris la portabilité des régimes de retraite, et de lever les entraves au marché européen de l'emploi, notamment dans le domaine des services (5) où se créent plus de deux tiers des nouveaux emplois, dans le respect des conditions sociales fixées dans les lois et les conventions collectives.

4.5.3

L'accent est par ailleurs mis de façon pertinente par la Commission sur les exigences d'amélioration de la formation à l'emploi. Le CESE est toutefois très préoccupé par la réduction de moitié, programmée en décembre 2005, du budget de la formation tout au long de la vie qui avait été proposé par la Commission. Le CESE demande sa réévaluation à un niveau conforme avec les engagements de la stratégie de Lisbonne. Dans ce domaine, de nouvelles compétences s'imposeront désormais, avec des responsabilités accrues et un appel à davantage d'initiative. Dans cet esprit, les futurs programmes devront autoriser une prise en compte des priorités régionales. Il est en effet essentiel que les financements du Fonds social européen soient le plus possible adaptés aux besoins régionaux et non réservés au cofinancement des seules politiques nationales.

4.5.3.1

D'une manière générale, le CESE souligne que tout devrait être fait pour favoriser la complémentarité et l'efficacité des dispositifs, et mobiliser les acteurs publics et privés dans un partenariat durable autour de stratégies régionales appuyées sur les priorités suivantes: favoriser l'accès de tous à l'innovation et la formation tout au long de la vie, améliorer la gestion et le développement des ressources humaines dans toutes les entreprises, augmenter le taux de participation des femmes, améliorer le taux d'activité jusqu'à la retraite, mieux articuler les besoins de l'économie et les politiques d'orientation et de formation, promouvoir l'enseignement professionnel et l'apprentissage à tous les niveaux, notamment dans les métiers confrontés à des difficultés de recrutement, privilégier les formations conduisant véritablement à l'insertion par l'économique de tout un public exclu, qui va grandissant.

4.5.3.2

Les fonds structurels devraient également cofinancer de façon prioritaire des programmes de formation à l'échelle européenne, à l'instar du succès des programmes Erasmus et Leonardo. Ces programmes devraient désormais passer à la vitesse supérieure, pour être en mesure d'appuyer deux à trois fois plus de jeunes Européens.

4.5.4

Une mention particulière devrait en outre être mise sur le vieillissement démographique, qui nécessite une adaptation particulière des différents aspects précédemment cités liés à la création d'emplois et aux systèmes d'aide sociale (cf. conditions administratives, fiscales et sociales, services à l'enfance dont le gardiennage à un prix abordable, marché du travail, formation et ressources humaines).

4.6

Ces trois priorités des orientations stratégiques sont complétées par une exigence transversale, constituant une sorte de quatrième priorité, qui concerne la prise en compte de la dimension territoriale de la politique de cohésion.

4.6.1

La communication cite la contribution des villes à la croissance et à l'emploi (meilleure maîtrise économique, sociale et environnementale de l'urbanisation), tout en prônant par ailleurs la diversification économique des zones rurales (préservation des services d'intérêt général, développement des réseaux, encouragement de pôles de développement). Les interactions entre ces exigences et les trois priorités des orientations stratégiques auraient mérité d'être mieux explicitées.

4.6.2

La communication souligne également les besoins de coopération territoriale, à un triple niveau:

4.6.2.1

la coopération transfrontalière, notamment pour développer les échanges mutuels et promouvoir l'intégration économique et sociale;

4.6.2.2

la coopération transnationale, notamment pour renforcer les actions communes d'importance stratégique entre États (transports, recherche, intégration sociale);

4.6.2.3

la coopération interrégionale, notamment pour encourager la diffusion des meilleures pratiques économiques, sociales et environnementales.

4.6.3

Le CESE regrette toutefois que cette référence aux besoins de coopération territoriale européenne n'apparaisse qu'un élément complémentaire sinon accessoire des priorités des orientations stratégiques, au lieu de leur être explicitement intégrée.

4.7

Au total, l'examen des trois priorités des orientations stratégiques, complétées par la dimension territoriale, amène à se poser plusieurs grandes questions:

4.7.1

En premier lieu, les priorités des orientations stratégiques manquent de précision pour constituer un véritable cadre «stratégique» d'intervention et de gestion de la politique de cohésion. Elles constituent plutôt un rappel de bonnes pratiques à encourager à travers les différentes interventions.

4.7.2

En particulier, les liens entre les priorités des orientations stratégiques et les trois objectifs d'intervention des fonds ne sont guère précisés. Ceci constitue un handicap majeur: alors même que les orientations stratégiques devraient encadrer les interventions des Fonds, elles ne font en réalité que les accompagner. En ce sens, les orientations stratégiques apparaissent davantage comme des directives d'accompagnement et d'application que comme les lignes directrices qu'elles devraient être.

4.7.3

Pour que les orientations stratégiques méritent mieux leur nom et jouent plus efficacement leur rôle, il faudrait notamment que leurs objectifs prioritaires soient précisés dans les domaines suivants:

4.7.3.1

la «valeur ajoutée» de la politique européenne de cohésion par rapport aux politiques nationales et locales;

4.7.3.2

la «concentration territoriale» sur des pôles et des axes européens de développement, permettant d'assurer un effet global d'entraînement;

4.7.3.3

l'«encadrement directeur» des interventions des Fonds européens, assurant que les orientations stratégiques constituent un cadre efficace et cohérent, et ne se limitent pas à de simples dispositions d'accompagnement.

5.   Observations sur les moyens de la politique de cohésion 2007-2013

5.1

Pour appuyer la politique de cohésion, la Commission souligne tout particulièrement le rôle des fonds structurels (Fonds régional et Fonds social) et du Fonds de cohésion. Elle précise que leur intervention, dans le cadre des objectifs stratégiques mentionnés précédemment, doit permettre de stimuler la croissance, de mieux exploiter les opportunités du marché unique, de promouvoir une plus forte convergence entre les États membres, de renforcer la compétitivité régionale, de développer une meilleure intégration du territoire de l'Union dans ses dimensions économique, sociale et culturelle.

5.2

On constatera en premier lieu que l'Union européenne va être confrontée à un décalage croissant entre la limitation du budget des Fonds et l'ampleur des besoins (disparités de développement entre États membres, retards d'aménagement des infrastructures, retards du marché unique, retards de compétitivité, retards de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne). Le réaménagement interne des priorités du budget communautaire est nécessaire, y compris à travers la poursuite de la réforme en cours de la politique agricole commune. Mais il n'ouvrira que des marges limitées à l'augmentation des crédits des fonds structurels, dans la mesure où le montant global du budget communautaire demeurera très restreint. En tout état de cause, avec le plafonnement à 1,045 % du PIB du budget communautaire, le 0,36 % (308 milliards d'éuros sur un budget de 862 milliards, sous réserve du supplément de 4 milliards convenus le 4 avril 2006, restant à ratifier par le Parlement et le Conseil) qui devrait revenir à la politique de cohésion n'apparaît pas au CESE suffisant en soi pour permettre à l'Union d'atteindre ses objectifs de cohésion pour la période 2007-2013.

5.3

Il conviendra donc d'accorder la plus grande attention:

5.3.1

d'une part aux modalités d'intervention des fonds, qui devront avoir un effet de levier accru sur les investissements, ce qui nécessitera d'innover davantage que par le passé en ce domaine;

5.3.2

d'autre part à la concentration réelle des interventions des fonds, qui devra avoir un effet plus structurant notamment à l'échelle transnationale et transfrontalière.

5.4

Concernant les modalités d'intervention des fonds, plusieurs observations méritent d'être soulignées:

5.4.1

On rappellera en premier lieu que l'intervention des fonds structurels ne peut qu'accompagner la politique de cohésion de l'Union. Elle n'en saurait en être l'instrument exclusif ni même dominant. Elle doit essentiellement promouvoir, au service des orientations communes, une mobilisation des capitaux disponibles sur les marchés et une utilisation plus convergente des budgets nationaux et régionaux. Il s'agit donc surtout d'assurer un effet de levier. Dans ce cadre, les instruments structurels de l'Union doivent constituer un outil central d'aménagement du territoire européen, tout en accompagnant les politiques communautaires et les mutations économiques et sociales en cours.

5.4.2

À ces fins, l'utilisation des fonds de l'Union, et celle de la Banque Européenne d'Investissement, devraient être conçues en fonction d'une conception plus flexible et plus innovatrice d'ingénierie financière. Comme le reconnaît la Commission de façon pertinente, les fonds ne devraient plus se limiter à accorder des subventions, et devraient soutenir d'autres instruments, tels que les prêts, les garanties d'emprunts, les instruments convertibles, le capital investissement et le capital risque. Le CESE non seulement appuie ces considérations, mais demande d'en tirer toutes les conséquences et d'engager une véritable réforme des modalités d'intervention financière de l'Union.

5.4.2.1

Le CESE est d'avis que le développement de tels moyens alternatifs d'intervention de la part des Fonds structurels, en liaison étroite avec le Fonds européen d'Investissement et la Banque Européenne d'Investissement, permettrait d'accroître considérablement l'impact des interventions communautaires, et de mieux les articuler avec l'investissement des capitaux publics et privés. En particulier, ils contribueraient à un partage public/privé du financement d'investissements, notamment de PME, qui sont considérés à risque par les partenaires financiers traditionnels et dont les conditions de prêt risquent encore de se durcir à l'avenir suite aux accords de Bâle II. Ils constitueraient un moyen efficace de pallier les limites du budget européen. En effet, un euro de subvention aurait été souvent mieux utilisé s'il avait été consacré à garantir cinq à dix euros de prêt. Ceci permettrait notamment d'élargir le nombre des bénéficiaires, tout en les responsabilisant davantage que l'octroi de subventions non remboursables.

5.4.2.2

Ces nouveaux moyens d'intervention devraient être mis en œuvre le plus près possible du terrain, pour assurer un effet de levier maximum sur le développement économique et social. D'autres ressources pourraient également être mobilisées en coordonnant mieux les interventions entre les fonds structurels et d'autres institutions financières déjà actives dans le développement européen, telles que la BERD. Un champ d'intervention prioritaire devrait être de promouvoir de façon beaucoup plus large et plus active les partenariats public/privé au niveau européen, dans des conditions de concurrence transparentes et ouvertes, notamment pour financer les grands projets d'infrastructures qui sont indispensables tant à la cohésion globale qu'à la compétitivité collective de l'Europe. Comme mentionné précédemment (6), la dotation budgétaire des réseaux trans-européens devrait en tout état de cause être réévaluée de façon significative, car les partenariats public/privé pour les infrastructures européennes ne pourront pas réussir sans un socle suffisant d'engagement des fonds publics communautaires.

5.4.2.3

Une telle réforme dans les modalités d'intervention des fonds communautaires nécessiterait d'accroître la capacité d'emprunts et de prêts de l'Union européenne. Elle impliquerait également, outre une coordination intensifiée avec la BEI et d'autres institutions financières, d'engager un véritable partenariat avec le réseau bancaire et financier européen, tout en renforçant par ailleurs la conditionnalité des aides, tant au niveau des États membres que des bénéficiaires directs. Il conviendrait enfin de compléter en ce sens la réforme des règlements des fonds européens pour 2007-2013, afin de rendre les nouveaux systèmes d'ingénierie financière pleinement opérationnels. Le CESE demande donc que la Commission européenne fasse de nouvelles propositions en ces trois domaines.

5.4.3

On regrettera par ailleurs que la gestion des Fonds structurels ait elle-même été au cours des dernières années trop opaque et trop dominée par des relations bilatérales entre administration communautaire et administrations nationales, sans évidence d'une coordination d'ensemble efficace, ni d'un contrôle et d'un suivi suffisants de la bonne utilisation des fonds. La Cour des Comptes de l'Union a fréquemment déploré cette situation, mais les aménagements ponctuels qui ont suivi sont demeurés trop limités. Le principe général d'une transparence accrue dans la conception, l'adoption et la mise en œuvre des politiques communautaires ne s'est pas encore élargi, comme il aurait du l'être, au fonctionnement et à la gestion des fonds. Les orientations stratégiques de la politique de cohésion devraient dorénavant constituer le socle d'un changement de cap clair et net en ce sens.

5.4.4

Au titre des innovations nécessaires pour assurer cette meilleure gouvernance des aides européennes, on citera l'exigence d'une vérification plus systématique de la compatibilité des aides communautaires avec les règles de concurrence. Certaines interventions mal contrôlées des fonds ont pu occasionner par le passé, sous couvert de réduction des disparités régionales, des entorses sérieuses et dommageables aux principes d'une concurrence équitable, alors même qu'il est parfaitement possible de concilier ces deux objectifs. Les aides de l'Union sont des aides publiques assimilables aux aides d'État et doivent donc relever du même contrôle. Ce principe va également dans le sens nécessaire d'une meilleure articulation mutuelle entre les aides européennes et les aides nationales et régionales. Le rapport annuel de la concurrence de la Commission devrait donc comprendre dorénavant un chapitre sur les conditions de contrôle des aides communautaires au titre de la politique de concurrence de l'Union. Le CESE a déjà présenté cette recommandation dans le passé, mais sans résultat à ce jour.

5.5

Concernant la concentration des interventions, la Commission devrait veiller à assurer une meilleure orientation des interventions des fonds européens en fonction d'une dimension plus européenne de l'aménagement du territoire de l'Union, ce qui est loin d'être le cas actuellement, au-delà de progrès ponctuels amorcés par les schémas d'intervention communautaire.

5.5.1

Les Fonds structurels n'ont en effet guère cherché à ce jour à privilégier une dimension transnationale dans leurs interventions, malgré la mise en place normative et économique du grand marché intérieur européen, aujourd'hui élargi à 25 États membres. Les Fonds structurels ont été principalement gérés par la Commission sur la base des priorités nationales présentées par les États, sans référence directe aux besoins nouveaux de coopération découlant de la suppression des entraves physiques, techniques et fiscales aux échanges, alors même que les disparités économiques et sociales se sont elles-mêmes accrues, nécessitant de renforcer les liens et réseaux transnationaux.

5.5.2

Il conviendrait de remédier à cette situation en développant des priorités d'intervention plus claires pour consolider les «points de soudure» entre les États membres, tant sur les plans transnational, transrégional et transfrontalier. Les mentions pertinentes faites par la Commission sur ces aspects mériteraient d'être réévaluées, développées et intégrées au cœur des priorités d'intervention des fonds, et non pas figurer en complément additionnel de ces priorités.

6.   Observations sur l'intégration dans les politiques nationales et régionales

6.1

L'intégration de la politique de cohésion dans les politiques nationales et régionales constitue un impératif central, souligné de façon pertinente par la Commission. On soulignera la nécessité de progresser dans deux domaines:

6.2

En premier lieu, il faudrait assurer que les aides communautaires sont effectivement utilisées à appuyer la mise en œuvre optimale des orientations, décisions et engagements communautaires dans les différents États membres. On citera en particulier:

6.2.1

les transpositions correctes et dans les délais des directives européennes;

6.2.2

le renforcement de la coopération administrative à l'échelle européenne, notamment pour assurer le bon fonctionnement du marché unique;

6.2.3

une meilleure application, dans ses deux composantes, du pacte de stabilité et de croissance qui ne devrait pas rester cantonné à un simple garde fou des déficits, mais ouvrir la voie à une gouvernance économique commune.

6.3

En second lieu, il faudrait assurer que les aides communautaires concourent bien à renforcer la cohérence entre politiques européennes et nationales, notamment au service d'une mise en œuvre plus efficace de la stratégie de Lisbonne. On citera en particulier:

6.3.1

l'accompagnement des réformes structurelles économiques, sociales et administratives;

6.3.2

la simplification du cadre réglementaire et le développement des approches européennes d'autorégulation socioprofessionnelle qui mérite d'être appuyé; (7)

6.3.3

l'accélération de l'achèvement de l'espace financier européen, optimisant les avantages de l'euro;

6.3.4

le rapprochement des fiscalités sur une base attractive aux investissements et à l'innovation, permettant de mieux encadrer la concurrence entre les différents systèmes des États membres.

6.4

Il conviendrait enfin d'éviter au maximum d'ajouter des critères supplémentaires nationaux ou régionaux au cadre fixé par l'UE, afin de conserver la souplesse nécessaire dans la définition du contenu des futurs programmes. Dans le même esprit, il faudrait éviter de mettre en place des procédures susceptibles de figer a priori l'affectation des crédits pour une durée de sept ans ou de se couper de la possibilité d'adapter facilement les programmes en cours de réalisation.

6.5

Le CESE souhaite aussi que les aides communautaires contribuent à promouvoir une approche industrielle européenne, permettant de coordonner, aux différents niveaux (européen, national, régional), les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile organisée (8).

6.6

Le CESE se félicite enfin que le Conseil de l'Union européenne de décembre 2005 ait marqué son accord de principe sur la mise en place d'un Fonds d'ajustement à la mondialisation «destiné à accroître l'effort en faveur des travailleurs privés d'emploi du fait de changements structurels majeurs affectant les échanges commerciaux mondiaux, ainsi qu'à aider ces personnes à suivre des formations supplémentaires et à retrouver un emploi». Les chefs d'État et de gouvernement ont invité le Conseil à définir les critères d'éligibilité à ce Fonds. Le CESE estime que les partenaires sociaux européens interprofessionnels, voire sectoriels, pourraient être impliqués dans leur définition.

7.   Observations sur l'association des acteurs socioprofessionnels

7.1

L'association des acteurs socioprofessionnels à la politique de cohésion constitue une exigence forte. Le CESE avait notamment demandé de renforcer cette association, dans son avis de 2003 sur le partenariat pour la mise en œuvre des Fonds structurels (9). La Commission reconnaît cette nécessité, soulignant qu'elle participe de façon décisive à une meilleure appropriation de cette politique sur le terrain. Toutefois, elle ne présente pas de propositions pour en organiser les modalités et les intégrer dans les orientations stratégiques de cohésion.

7.2

Le CESE propose donc de compléter les orientations stratégiques de la politique de cohésion 2007-2013 en précisant un véritable cadre pour l'association des acteurs socioprofessionnels. À l'instar des dispositions de l'Accord de Cotonou en faveur des acteurs non étatiques des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, explicitement consultés et associés à la gestion des aides européennes, ce cadre devrait être intégré à part entière dans les orientations stratégiques, avec un effet contraignant pour les États membres.

7.3

Ce cadre devrait notamment comprendre les objectifs suivants:

7.3.1

associer les milieux socioprofessionnels et les partenaires sociaux à la définition européenne des grandes orientations (notamment le document stratégique global) et à leur mise en œuvre décentralisée au niveau national (notamment le cadre de référence stratégique national établi par les États membres), ainsi qu'au niveau régional et local;

7.3.2

approfondir ce dialogue tant dans ses composantes économiques que sociales et environnementales, au service d'un développement efficace, participatif et durable;

7.3.3

impliquer directement les acteurs socioprofessionnels dans l'amélioration de l'emploi, tout particulièrement à travers la politique contractuelle entre partenaires sociaux, notamment pour moderniser les systèmes de formation professionnelle et faciliter une meilleure adaptation du marché du travail;

7.3.4

inciter les acteurs de la société civile à tirer un meilleur parti du marché unique européen, en intensifiant les réseaux trans-européens de production, d'échanges et d'infrastructures, et en engageant des autorégulations et corégulations socioprofessionnelles qui contribuent à achever le marché unique;

7.3.5

définir avec les acteurs socioprofessionnels des modèles efficaces de partenariat public/privé, avec des modes adaptés de concessions, d'incitations, de garanties et de sous-traitances;

7.3.6

développer sur ces bases davantage de programmes de partenariat public/privé, notamment d'infrastructures et de financements de PME au niveau local;

7.3.7

encourager les acteurs socioprofessionnels à intensifier les initiatives de coopération européenne concernant la recherche et l'innovation technologique;

7.3.8

appuyer les approches innovatrices des acteurs socioprofessionnels qui contribuent aux perspectives du développement durable.

7.4

Pour être efficace, un tel dialogue devra être mieux organisé et mieux structuré, tant à Bruxelles que dans les différents États membres et régions. Le cadre d'association devrait ainsi prévoir les dispositions suivantes:

7.4.1

appuyer ce dialogue sur une information efficace, bien relayée par les pouvoirs publics des États membres, concernant les orientations stratégiques et leurs modalités de mise en oeuvre;

7.4.2

engager les consultations suffisamment en amont, donnant des possibilités d'implication des acteurs socioprofessionnels dans les études d'impact;

7.4.3

informer les acteurs socioprofessionnels sur le suivi donné aux consultations et à leurs propositions;

7.4.4

annexer aux documents officiels de programmation ou de révision un relevé des conditions de consultation des acteurs socioprofessionnels;

7.4.5

promouvoir, dans le cas de programmes transfrontaliers ou interrégionaux, des consultations conjointes et des partenariats socioprofessionnels également transfrontaliers ou interrégionaux;

7.4.6

encourager notamment les initiatives de dialogue social sur ces plans transfrontaliers et interrégionaux, notamment en concrétisant le cadre transnational optionnel pour la négociation collective tel qu'annoncé dans l'agenda social 2005-2010.

7.5

Le CESE réitère par ailleurs son soutien à la proposition de la Commission visant à consacrer 2 % des ressources du Fonds social européen au développement des capacités et activités entreprises conjointement par les partenaires sociaux.

7.6

Le CESE a convenu, avec l'appui explicite du Conseil européen de mars 2005, de développer un réseau européen d'information et d'appui sur les initiatives des acteurs de la société civile participant à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. Ce réseau intégrera à part entière les initiatives que prendront ces acteurs pour renforcer l'efficacité de la politique européenne de cohésion au cours de cette période 2007-2013.

Bruxelles, le 21 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis du CESE sur les «Fonds (Dispositions générales)», «Fonds de cohésion» et «Fonds de développement régional», JO C 255 du 14.10.2005, pages. 79, 88 et 91.

(2)  Avis du CESE: JO C 255 du 14.10.2005, p. 76.

(3)  Avis du CESE sur la «Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen – Construire notre avenir commun: défis politiques et moyens budgétaires de l'Union élargie 2007-2013», JO C 74 du 23.03.2005, p. 32.

(4)  JO C 125 du 27.5.2002, p.100.

(5)  Avis du CESE sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur», JO C 221 du 8.9.2005, p. 113.

(6)  Voir paragraphe 4.3.3.

(7)  Rapport d'information de la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» sur «L'état actuel de la corégulation et l'autorégulation dans le marché unique».

(8)  Vois avis du CESE sur la «Politique industrielle moderne», JO C 110 du 9.5.2006.

(9)  JO C 10 du 14.1.2004, p. 21.


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/62


Avis du Comité économique et social européen sur «Les effets des accords internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur les mutations industrielles en Europe»

(2006/C 185/12)

Le 10 février 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur d'élaborer un avis sur «Les effets des accords internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur les mutations industrielles en Europe».

La commission consultative des mutations industrielles, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 30 janvier 2006 (rapporteur: M. ZBOŘIL; corapporteur: M. ČINČERA).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 79 voix pour, 11 voix contre et 9 abstentions.

1.   Introduction: objectifs de l'UE en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre

1.1

Actuellement, les changements climatiques mondiaux constituent l'un des sujets les plus importants non seulement des débats et actions scientifiques et politiques, mais aussi de la vie de la société au quotidien. Les actions lancées au niveau international, dès la fin des années 80 et au début des années 90, ont dans un premier temps débouché sur la création en 1989 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), puis sur l'ouverture de négociations au niveau de l'ONU (1990) et enfin sur l'adoption en 1992 de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNFCCC). Cette dernière (UNFCCC) est entrée en vigueur le 21 mars 1994.

1.2

Des changements climatiques se sont déjà produits dans l'histoire lointaine et, faute de données météorologiques de qualité datant de ces périodes, nos connaissances du climat à travers l'histoire tiennent exclusivement à des mesures et des observations paléoclimatologiques ou à des phénomènes géologiques et des découvertes archéologiques (données indirectes). De nouvelles analyses de données indirectes se rapportant à l'hémisphère Nord révèlent qu'au cours du dernier millénaire, aucune augmentation générale de la température à la surface terrestre n'a été aussi importante que celle enregistrée au 20ème siècle.

1.3

La grande majorité des États et des régions plus vulnérables aux changements climatiques sont en général aussi confrontées à d'autres facteurs, notamment la croissance rapide de leur population, l'épuisement des ressources naturelles et la pauvreté. Une politique ou des mesures qui en découlent, élaborée avec le concours des pays développés et respectueuse des besoins des pays en développement peut donner simultanément un élan au développement durable ainsi qu'à l'égalité des chances et multiplier les effets des mesures d'adaptation. Ainsi, on devrait réduire la pression sur les ressources, améliorer la gestion des risques environnementaux et les conditions de vie des membres les plus défavorisés de la société. Ces initiatives peuvent dans le même temps contribuer à la réduction de la vulnérabilité aux changements. Il convient dès lors de tenir compte des risques que présentent les changements climatiques lors de la proposition et de la mise en œuvre d'initiatives internationales et nationales en matière de développement.

1.4

Le troisième rapport d'évaluation (TRE) du GIEC, élaboré en 2001, révèle qu'à l'échelle mondiale la température moyenne de la surface du globe a augmenté depuis 1861. Selon les analyses de l'Organisation météorologique mondiale, les neuf années les plus chaudes de l'histoire se situent justement au cours de la dernière décennie. L'année 1998 constitue le record absolu, suivie de 2002, 2003, 2004 et 2001. Au 20ème siècle, l'augmentation de la température moyenne a été comprise entre ±0,6 et ±0,2 oC et les projections des tendances à venir laissent à penser qu'en l'absence de mesures adéquates, la température devrait connaître une nouvelle augmentation de 1,4 à 5,8 oC, d'ici à la fin du 21ème siècle.

1.5

Selon une supposition, qui bénéficie, essentiellement en Europe, d'un large soutien de la communauté scientifique et à laquelle on accorde une importance extraordinaire dans les milieux politiques, l'on attribue les causes des changements climatiques principalement à l'augmentation de la quantité de gaz à effet de serre dans l'atmosphère terrestre en raison de l'activité humaine et en particulier de l'utilisation de combustibles fossiles. Cette hypothèse repose sur la corrélation entre l'augmentation à long terme de la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, en particulier de dioxyde de carbone, et l'évolution à long terme des températures à l'échelle mondiale au cours du 20ème1 siècle, ainsi que sur les conclusions de modèles climatiques visant à estimer l'ampleur et l'impact des changements climatiques dans le futur sur la base de scénarios relatifs à l'évolution des émissions de gaz à effet de serre et de leur concentration dans l'atmosphère.

1.6

Il est désormais évident que l'homme exerce une influence sur les changements climatiques mondiaux, et ce malgré la part d'incertitude quant aux effets des aérosols et d'autres facteurs naturels (activités volcaniques et irradiations). Le climat mondial est néanmoins également influencé par les cycles de l'activité solaire et des facteurs géophysiques, c'est pourquoi il n'est pour l'instant pas possible, et il ne sera vraisemblablement pas possible pendant longtemps encore, de déterminer la part humaine dans ces changements climatiques à caractère naturel. Les incertitudes tiennent également au caractère représentatif des données disponibles ainsi qu'aux conclusions des modèles climatiques qui ne décrivent toujours pas tout à fait précisément l'ensemble des interactions, ce qui les empêche de simuler avec une précision parfaite l'ensemble des éléments du système climatique.

1.7

Dans le cadre de l'élaboration des projections des concentrations de gaz à effet de serre et d'aérosols dans l'atmosphère et, partant, des projections concernant l'évolution du climat à l'avenir, les scénarios d'émissions du rapport spécial sur les scénarios d'émissions (RSSE) du GIEC permettent de dégager des modèles climatiques. Les scénarios d'émissions intègrent de multiples hypothèses quant à l'évolution socio-économique, énergétique et démographique du monde jusqu'à la fin du 21ème siècle.

1.8

Les morts, les dégâts et la détérioration des conditions de vie suite à la sécheresse, aux inondations, aux vagues de chaleur, aux avalanches et aux tempêtes sont autant de signes de la vulnérabilité des systèmes sociaux et des écosystèmes aux situations climatiques extrêmes. Les projections de l'évolution future révèlent que la fréquence de la plupart des phénomènes climatiques extrêmes devrait augmenter au cours du 21ème siècle et leurs répercussions devraient s'aggraver tant par leur ampleur que par leur intensité.

1.9

Pour être mieux à même de repérer les changements climatiques, de les corréler et de les comprendre pleinement, il convient de mener des recherches supplémentaires visant à réduire le degré d'incertitude attaché aux projections concernant les futurs changements climatiques. L'accent doit être mis en particulier sur la promotion d'autres mesures plus précises, d'un suivi systématique, de la modélisation et d'analyses plus détaillées s'agissant notamment des répercussions des changements climatiques.

1.10

L'hypothèse des causes anthropogènes des changements climatiques mondiaux engendrés par une présence accrue de gaz à effet de serre dans l'atmosphère a été validée par les décisions politiques des États concernés et de l'Union européenne. C'est sur cette hypothèse qu'est fondée l'application du principe de précaution ainsi que l'élaboration de politiques et de stratégies visant à limiter les changements climatiques en réduisant les émissions de gaz à effets de serre, notamment celles de dioxyde de carbone résultant de l'utilisation de combustibles fossiles.

1.11

Conséquence pratique de ces décisions politiques, la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (UNFCCC) de décembre 1997 s'est vu adjoindre le protocole de Kyoto, entré en vigueur le 16 février 2005.

1.12

Les parties contractantes sont tenues par le protocole de Kyoto de réduire sur la période 2008-2012 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990 en fonction de leurs engagements chiffrés inscrits à l'annexe B du protocole. Les États membres de l'UE 15 doivent réduire leurs émissions globales de 8 % (soit en termes absolus 336 millions de tonnes de CO2 par an). Les nouveaux États membres disposent d'objectifs de réduction propres repris à l'annexe B. La plupart se sont également engagés à une réduction de 8 %, la Hongrie et la Pologne s'étant quant à elles fixé un objectif de 6 %. L'annexe B prévoit en outre pour la Hongrie, la Pologne et la Slovénie une année de référence différente. Par ailleurs, le protocole prévoit la possibilité de la mise en oeuvre de mécanismes flexibles (échange de droits d'émission, projets de «mise en œuvre conjointe» (MOC) dans les pays développés et de «mécanismes de développement propre» (MDP) dans les pays en développement), destinés à encourager les pays développés à réduire les émissions et à tenir les engagements qu'ils ont pris dans le cadre du protocole de Kyoto aux conditions économiques les plus avantageuses, tout en aidant les pays en développement à bénéficier de transferts de nouvelles technologies.

1.13

Les États membres de l'UE 15 contribuent à hauteur d'environ 85 % au total des émissions de l'UE à 25 contre 15 % pour les nouveaux États membres. Les inventaires d'émissions actuels indiquent que jusqu'en 2003 l'UE 15, en tant que partie contractante au protocole de Kyoto, n'est parvenue à réduire ses émissions globales de gaz à effet de serre que de 1,7 %, ce qui hypothèque considérablement la réalisation effective des objectifs de Kyoto d'ici la période 2008-2012. Même si les émissions dans l'UE-15 ont connu une augmentation de 3,6 % depuis 1995, voire 4,3 % au cours des cinq dernières années, les projections les plus récentes tablent sur une diminution de 8,8 % d'ici 2010 sous l'effet conjoint de nouvelles mesures de diminution du niveau des émissions et des mécanismes de Kyoto, ce qui dépasse les objectifs fixés pour l'UE-15 dans le protocole de Kyoto. Sur la période 1990-2003, les nouveaux États membres de l'Union européenne ont enregistré une réduction de 22 % du total de leurs émissions de gaz à effet de serre même si l'essentiel de cette diminution tient aux processus de transition, notamment durant la première moitié des années 1990: après 1995, le niveau des émissions a baissé de 6 % pour se stabiliser au cours des cinq dernières années.

1.14

Les perspectives de la réalisation des engagements du protocole de Kyoto dans les pays membres de l'Europe des Quinze indiquent que la réduction des émissions d'ici 2012 risque de poser problème. Cependant, le document élaboré en vue de la réunion du Conseil (en mars 2005) contient les données relatives aux objectifs à moyen et long termes en matière de réduction des émissions pour les pays économiquement avancés, qui devraient atteindre 15 à 30 % avant 2020 et entre 60 et 80 % d'ici 2050 par rapport au niveau des émissions de 1990. En ce qui concerne les conséquences de telles mesures, le GIEC estime que la croissance du PIB mondial ralentira de l'ordre de 0,003 à 0,06 % par an entre 1990 et 2100 (1). La Commission européenne estime (si l'on souhaite atteindre un niveau de concentration du CO2 dans l'atmosphère égal à 550 pmv) que le PIB de l'UE-25 devrait baisser de 0,5 % en 2025 si l'on parvient à réduire le niveau de CO2 de 1,5 % par an à compter de 2012. Cela n'est envisageable que si tous les pays prennent part à la lutte contre les changements climatiques et au système d'échange de droits d'émission. Si l'UE s'engage dans cette démarche à titre unilatéral, les conséquences en termes de PIB risquent d'être deux à trois fois plus importantes, sans pour autant produire de résultats environnementaux perceptibles (2).

1.15

Le problème majeur du protocole de Kyoto tient au fait que les États-Unis, qui sont dans l'absolu les plus grands producteurs de gaz à effet de serre avec près de 25 % du total mondial, n'y ont pas adhéré et qu'aucun objectif de réduction des pays pour lesquels on prévoit la plus forte croissance d'émissions de gaz à effet de serre (Inde, Chine et autres où l'augmentation des émissions depuis 1990 a atteint plus de 20 %) n'est encore fixé pour la période de référence 2008-2012. Bien qu'au début des négociations, en 1990, la part des pays en développement dans le total des émissions mondiales ait été d'environ 35 %, elle s'élevait dès 2000 à 40 % environ et sera, d'après les projections, de 50 % vers 2010 et pourrait même atteindre 75 % en 2025. Cela représente une menace sérieuse pour les objectifs de cette initiative. Si on ne parvient toutefois pas, par le biais de négociations politiques, à un accord global sur l'approche à adopter face aux changements climatiques, les efforts isolés des pays européens (UE) ne pourront apporter l'impact positif souhaitable et risquent d'entraîner, au contraire, un grave déséquilibre en termes de développement économique.

1.16

En dépit de toutes les réserves possibles au sujet du niveau de connaissances actuelles sur le fondement des changements climatiques en cours et au sujet de la façon dont la politique relative aux changements climatiques a été initiée, élaborée et adoptée, force est de constater que de nombreuses mesures destinées à limiter les émissions de gaz à effet de serre peuvent avoir un impact positif notable, à savoir la diminution de l'intensité énergétique dans les entreprises comme dans les foyers. Pour ce faire, il est nécessaire de chercher des mécanismes incitatifs adéquats et avant tout d'investir dans le développement de la science, de la recherche, de nouvelles technologies et d'innovations essentielles.

2.   Moyens visant à atteindre les objectifs de l'UE en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre

2.1

Afin de remplir ses engagements découlant du protocole de Kyoto, à savoir réduire les émissions globales de gaz à effet de serre de 8 % d'ici à la période comprise entre 2008 et 2012, et de manière plus générale afin de limiter efficacement les émissions de gaz à effet de serre, l'Union européenne a adopté le Programme européen sur le changement climatique, puis dans le cadre de celui-ci de nombreuses mesures législatives concrètes d'ampleur majeure ou mineure, dont voici les plus importantes:

2.1.1

La directive 2003/87/CE établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (3) devrait constituer un outil décisif afin de tenir les engagements relatifs à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette directive a été transposée au cours de l'année 2004, alors qu'étaient présentés et dans la plupart des cas approuvés les plans nationaux octroyant à chaque source et à ses exploitants des quotas d'émission de gaz à effet de serre. La directive est entrée en vigueur de manière effective le 1er janvier 2005 et doit permettre aux exploitants de sources d'émission de gaz à effet de serre d'échanger des quotas et d'ainsi réduire leurs émissions au moindre coût.

2.1.2

La directive de liaison des mécanismes flexibles du protocole de Kyoto et des échanges de quotas d'émission doit permettre de relier les mécanismes flexibles MOC et MDP au système communautaire d'échange de droits d'émission des gaz à effet de serre. Ainsi les objectifs propres des États membres et des entreprises pourront-ils être atteints en collaboration avec d'autres pays ayant ratifié le protocole de Kyoto.

2.1.3

La directive 2001/77/CE relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables (4) est un outil capital pour l'introduction et l'utilisation de sources d'énergie renouvelables (hydraulique, éolienne, solaire, biomasse, énergie géothermique) visant à compenser les inconvénients économiques qui accompagnent la phase initiale de la mise en œuvre de sources d'énergie renouvelables.

2.1.4

La directive 2003/30/CE visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants (5) ou autres carburants renouvelables dans les transports crée des conditions favorables à la limitation de la consommation de combustibles fossiles liquides au profit de la croissance de la part de carburants issus de sources renouvelables.

2.1.5

La directive 2004/8/CE concernant la promotion de la cogénération sur la base de la demande de chaleur utile dans le marché intérieur de l'énergie (6) vise à encourager une meilleure utilisation énergétique des combustibles fossiles par le biais de la technique de cogénération.

2.1.6

La directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité (7) (JO L 283 du 31 octobre 2003, p. 51) introduit sur le territoire de l'UE une taxe dite sur le carbone, ou en d'autres termes crée le cadre d'une réforme fiscale écologique et d'une internalisation des externalités.

2.1.7

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (COM (2003) 492 final) relatif à certains gaz à effet de serre fluorés (HFC, PFC et SF6) (8) devrait être adoptée dans le courant de l'année.

2.1.8

Des mesures introduisent une évaluation des paramètres des performances thermiques des bâtiments, leur amélioration ainsi que d'autres instruments techniques de régulation.

2.2

Bien que le cadre réglementaire mis en place par les directives relatives aux sources d'énergie renouvelables, à la cogénération, à la taxation des produits énergétiques et à la promotion des biocarburants crée des conditions de marché favorables à une réduction plus aisée et plus efficace de la consommation de carburants fossiles tout en instaurant en principe des conditions identiques pour tous les entrepreneurs dans ces mêmes domaines, la mise en œuvre de la directive établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre a suscité toute une série de réactions contradictoires, notamment en ce qui concerne la préparation et le processus d'adoption des plans nationaux octroyant à chaque source un quota d'émission. En effet, ce dispositif n'est pas de nature à créer des conditions identiques pour les participants à ce système d'échange, tant au niveau national entre les différents secteurs de production qu'à l'échelle communautaire entre les États membres.

2.3

S'agissant de l'application de la directive relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables, on constate que les effets de cet instrument sur le marché sont bien plus évidents. Il fixe à l'avance des règles claires quant aux conditions qui régissent au niveau national l'achat d'énergie alimentant les réseaux de distribution. On peut supposer que, naturellement, ces conditions diffèreront d'un État à l'autre, ce qui peut également apparaître comme une atteinte à l'équité des règles en matière de concurrence économique. Toutefois, il appartient à chaque État membre de définir ses priorités et de ses possibilités, ce qui lui permet dès lors de rendre plus avantageux les prix d'achat de l'électricité produite à partir de chacune des sources d'énergie renouvelables.

2.4

Quelque peu en retrait des mesures de réglementation l'on peut chercher des mesures de soutien, en particulier pour ce qui concerne des travaux de recherche scientifique menés sous l'égide du 6ème programme-cadre (9) qui, pour la période 2003-2006, alloue à ces activités scientifiques liées au changement climatique des fonds à hauteur de 2 120 millions d'euros. Cette enveloppe est répartie entre les domaines suivants: «systèmes énergétiques durables», «transports terrestres durables» et «changement planétaire et écosystèmes». Parmi les priorités établies dans la proposition relative au septième programme-cadre pour 2007-2013 (10) figurent au chapitre «Énergie»: l'hydrogène et les piles à combustibles, la fabrication d'électricité à partir de sources renouvelables et de biocarburants liquides, mais également les technologies propres du charbon et la séquestration, l'économie d'énergie et son utilisation rationnelle, qui disposent de ressources s'élevant à 2 931 millions d'euros. Au chapitre «Environnement et changements climatiques» sont abordés les thèmes suivants: la recherche en matière de changements climatiques, les possibilités de réduction de la vulnérabilité et des risques. L'enveloppe consacrée à ces initiatives est de 2 535 millions d'euros.

2.5

Le déploiement de l'utilisation de la biomasse, un meilleur entretien des forêts et leur renouvellement ainsi que l'extension du boisement aux espaces agricoles incultivables dans les zones adéquates font partie des domaines permettant de parvenir à une réduction plus conséquente des émissions de gaz à effet de serre. Il est également possible de réduire ces émissions par la promotion d'activités favorisant l'utilisation de la séquestration géologique et l'exploitation en toute sécurité de l'énergie nucléaire.

2.6

Alors que certains pays ont choisi d'abandonner progressivement l'énergie nucléaire ou y ont renoncé dès le début, cette source d'énergie continue dans d'autres pays à jouer un rôle très important dans la production énergétique. Le développement de la fusion nucléaire est en cours, mais l'on estime que son exploitation ne deviendra économiquement viable que dans 50 ans au plus tôt. Par conséquent, la promotion de l'amélioration de la sécurité lors de la fission nucléaire, le recyclage des combustibles nucléaires usés et leur stockage final restent des enjeux importants. Bon nombre de pays estiment que la promotion et le maintien de l'énergie nucléaire constituent un outil adéquat pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. D'autres pays émettent des réserves quant à une telle approche en raison des risques liés à l'énergie nucléaire.

2.7

La problématique majeure de la réduction de la vulnérabilité du territoire européen dans son ensemble et en particulier des différents États membres suite aux éventuels changements climatiques fait l'objet d'une attention relativement faible. Ce domaine crucial mérite une attention nettement plus importante, pour que les moyens financiers consentis soient utilisés avec la plus grande efficacité.

3.   Les effets sur les mutations industrielles de l'application du protocole de Kyoto et des mesures relevant de la politique de limitation des changements climatiques

3.1

Les effets de la mise en œuvre du protocole de Kyoto et des politiques et mesures correspondantes peuvent se répartir en deux groupes: (i) d'une part, ceux qui provoquent des mutations structurelles dans les secteurs industriels (y compris éventuellement des délocalisations de certains producteurs voire secteurs) et (ii) de l'autre, ceux qui agissent d'abord sur l'augmentation de l'efficacité de l'utilisation d'énergie tout en s'accompagnant de changements internes dans les différentes branches, notamment celles à forte intensité énergétique. Pour réussir sans pertes inutiles, il convient d'adopter les moyens permettant d'équilibrer régulation et incitation positive du marché. Dans le cas contraire, les politiques de lutte contre les changements climatiques risquent de se solder par un échec.

3.2

Les mutations structurelles peuvent résulter de l'application de certains instruments occasionnant une augmentation des coûts des sources d'énergies primaires (fossiles) et de l'énergie électrique. L'augmentation des prix tient à la libéralisation jusqu'à présent seulement partielle du marché des énergies et dès lors au risque de comportement monopolistique de grands groupes énergétiques. Ceux-ci peuvent se permettre de répercuter sur leurs prix de l'énergie pratiqués sur le marché les coûts supplémentaires liés aux mesures de lutte contre les changements climatiques (droits d'émissions, prix d'achat de l'énergie produite à partir de sources renouvelables). Par ailleurs, cette augmentation résulte également de l'augmentation exogène des prix imposés due à des raisons fiscales. Force est de constater que sur ce marché partiellement libéralisé, les économies nationales ayant déjà totalement achevé le processus de libéralisation ont tendance à augmenter les prix de l'énergie sous prétexte de la lutte contre les changements climatiques, en répercutant par exemple pleinement le prix du carbone. Il est fort à craindre qu'une augmentation sensible des prix de l'énergie électrique et une déformation de la structure industrielle surviennent en conséquence des mesures suivantes:

3.2.1

la promotion de l'électricité produite à partir de sources renouvelables s'accompagne de toute une série de répercussions et de contributions en fonction de chaque type d'énergie renouvelable. L'énergie hydraulique (tout en tenant compte de la nécessité de bien réfléchir aux modifications des cours d'eau, qui doivent être mineures, et des problèmes liés aux grands ouvrages hydrauliques) semble poser relativement le moins de problèmes. Le niveau de difficulté va grandissant pour ce qui est de l'énergie éolienne en termes de mise en œuvre et de gestion de ce mode de production. L'utilisation de la biomasse exige toute une série de restrictions et d'aménagements administratifs pour que les avantages puissent compenser les coûts liés à l'exploitation de cette source renouvelable particulièrement variée. Il s'agit en particulier du danger lié au rachat de la biomasse par les grandes centrales électriques qui l'utilisent comme additif pour les combustibles destinés aux centrales thermiques, ce qui augmente le prix de la biomasse au point de la rendre inaccessible pour les chaufferies locales ou pour les industries de transformation connexes. Les sources d'énergie véritablement propres étant à l'heure actuelle encore en phase de développement (cellules photoélectriques et énergie géothermique), leur utilisation à grande échelle n'est pas encore à l'ordre du jour. L'une des incidences consiste en tout état de cause en une augmentation du prix d'achat de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, fixé arbitrairement, qui se répercute sur le prix de l'électricité pour les clients. De manière générale, il convient toutefois de soutenir l'utilisation des sources d'énergie renouvelables et de réfléchir à la meilleure façon de les exploiter de manière rentable;

3.2.2

étant donné que la fiscalité des énergies primaires varie d'un pays à l'autre et que les États membres se distinguent considérablement quant aux conditions nationales spécifiques, cette mesure constitue une source de déséquilibre qui peut peser sur l'allocation des investissements dans le développement des capacités et des nouvelles technologies réalisés par les secteurs à forte intensité énergétique et, par conséquent, sur les mutations industrielles. Cet instrument ne devrait alors être utilisé qu'en dernier ressort et, le cas échéant, avec la plus grande prudence, notamment lorsque l'on sait que la fiscalité des énergies primaires dans l'Union européenne rend moins compétitifs les pays ayant appliqué ces mesures fiscales;

3.2.3

la mise en place du système européen d'échange des quotas d'émission est liée à l'augmentation des prix des énergies (différentes sources portant sur différents territoires font état d'écarts situés entre 8 % et 40 %) et à la baisse de la compétitivité qui se manifeste par un recul du PIB compris entre 0,35 % et 0,82 %. De la même manière, les exportations européennes risquent fort de marquer le pas dans un contexte d'exacerbation de la concurrence de pays où, parce que l'on se dispense de prendre des dispositions en vue de limiter les changements climatiques, le prix de l'énergie est plus faible. L'introduction de ce système pose de nombreux problèmes et porte atteinte d'une manière générale à la clarté de l'environnement des investissements en favorisant plutôt les opérateurs inefficaces tant dans les procédés qu'ils utilisent qu'en termes de systèmes de gestion;

3.2.4

les réactions de certains secteurs industriels (production de métaux ferreux et non ferreux, de matériaux de construction, industrie chimique et du papier etc.) en termes de structure sont renforcées, outre la hausse des prix des énergies, par l'introduction du système européen d'échange de quotas d'émissions. Ces secteurs ont consacré depuis le début des années 1990 des moyens importants à leur modernisation et à la réduction de leur intensité énergétique, ce qui n'a pas empêché certains d'entre eux d'accroître nettement leurs volumes de production. Le système européen d'échange des quotas d'émission crée en fait un dispositif d'allocation des droits d'émission selon lequel les entreprises modernisées devront acheter des quotas alors que celles qui n'auront fourni aucun effort et déployé aucun moyen recevront sous la forme de droits d'émission assortis de la possibilité de les vendre une «contribution» à leur développement. Dès 2008-2012, c'est-à-dire au cours de la principale période d'échange, ces entreprises risquent de se retrouver dans une situation économique inextricable dans la mesure où, dans bien des cas, les techniques et technologies leur ont permis de réduire au minimum leurs émissions et d'atteindre la plus grande efficacité énergétique, et où toute autre réduction est absolument impossible.

3.2.5

Dans certaines branches (notamment dans la sidérurgie), les gaz à effet de serre résultent de processus physico-chimiques. D'un point de vue technique, les émissions ont été déjà ramenées dans la plupart des cas au niveau le plus bas. Les émissions physico-chimiques irréductibles devraient être exclues du système d'échange de quotas, sans pour autant que cette mesure permette aux branches industrielles concernées d'ignorer leur obligation de faire baisser les émissions dans les autres secteurs (production d'énergie). Le plafond du volume global des quotas fixé pour chaque État et chaque exploitant de sources d'énergie constitue un autre facteur déterminant. Dans la mesure où le système commence seulement à fonctionner, l'expérience pratique en termes de fonctionnalité et de conséquences concrètes est pour le moment limitée. Les points de vue quant à ses effets vont d'un scepticisme absolu à un optimisme exagéré. Reste que, dans leurs bilans des avantages que présentent les mesures envisagées de réduction des gaz à effet de serre, même les concepteurs du système n'ont indiqué aucune valeur précise quant au niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre après l'introduction du système européen d'échange de quotas d'émissions. Néanmoins, les acteurs économiques préfèrent un système fonctionnel et équitable d'échange de quotas à la taxation de l'énergie.

3.3

Les changements provoqués par les autres instruments peuvent être considérés comme nettement plus importants. Même s'ils font l'objet d'une moindre attention médiatique que le système européen d'échange des quotas d'émission, ils permettent néanmoins progressivement une véritable réduction de la consommation d'énergie en valeur absolue ou un recul de la consommation de carburants fossiles destinés à la production d'énergie. Il s'agit donc d'un mode de développement tout à fait indiqué s'appuyant sur la mise en œuvre du potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre, même si, à l'évidence, il présente également certains risques.

3.3.1

La pleine application de la directive relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables dans la mesure envisagée devrait réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les États membres de l'UE 15 de l'ordre de 100 à 125 millions de tonnes d'équivalents CO2, ce qui, par son ampleur, constitue la plus grande contribution à la réduction des gaz à effet de serre. Hormis l'effet direct de la réduction des émissions, cette directive devrait contribuer au développement de technologies et d'équipements utilisant tant des processus physiques de production d'énergie (hydraulique, éolien, solaire) que des processus thermiques utilisant la biomasse en tant que source d'énergie. L'utilisation de la biomasse risque de se traduire par la perte de certaines matières premières renouvelables (en particulier le bois) pour les secteurs de la transformation. Il convient par conséquent de prévoir un soutien adéquat afin de prévenir la perte de sources de matières premières. Dans le cas de l'énergie éolienne, le risque tient à son instabilité. Le recours massif à l'énergie éolienne peut menacer la fiabilité des approvisionnements en électricité des réseaux et nécessite dès lors de disposer d'une réserve de capacités à partir de sources stables.

3.3.2

Une fois qu'elle aura été pleinement mise en œuvre, la directive visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants doit permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l'UE 15 de l'ordre de 35 à 40 millions de tonnes de CO2. Elle aura dans le même temps pour autre conséquence d'offrir de nouvelles perspectives à l'agriculture et à l'industrie de transformation s'agissant tant de la fourniture de matières premières que des biocarburants eux-mêmes destinés aux véhicules à moteur.

3.3.3

La directive concernant la promotion de la cogénération est une composante essentielle du système de limitation des émissions de gaz à effet de serre dans la mesure où elle devrait permettre de réduire les émissions dans l'UE 15 de 65 millions de tonnes de CO2 par an et où elle vise à accroître l'efficacité énergétique de la production de chaleur dans tous les cas où ce système n'était jusqu'à présent pas exploité (notamment en combinaison avec les principales sources de chaleur destinées au chauffage des logements des particuliers etc.). Nombreuses sont les installations industrielles qui utilisent ce système depuis déjà longtemps. Le coût relativement élevé des carburants par rapport au supplément d'énergie obtenue et dès lors le faible retour sur investissement, la nécessité de réaliser des investissements considérables lorsque l'introduction du système doit s'accompagner d'une reconversion des installations de base et enfin le fait que ces sources ne sont en général pas exploitées de manière continue, ce qui complique leur raccordement au réseau, telles sont les difficultés que pose la plupart du temps la cogénération. Dans le domaine des approvisionnements en énergies, les possibilités globales de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont estimées entre 250 et 285 millions de tonnes d'équivalents CO2.

3.3.4

Il convient d'introduire des mesures fiscales de manière extrêmement prudente. Ces dernières devraient avoir plutôt des effets stimulants, réduisant la charge fiscale globale qui pèse sur les acteurs concernés lorsque ceux-ci réduisent les émissions de gaz à effet de serre. Cette question renvoie à la fiscalité des carburants utilisés dans le transport aérien. Contrairement à d'autres modes de transport, les transports aériens bénéficient à l'heure actuelle d'avantages fiscaux, et en effet, ils ne contribuent aux émissions de gaz à effet de serre qu'à hauteur d'environ 2 %. La taxation éventuelle des carburants aériens doit s'inscrire dans un contexte global. Il faut proposer et mettre en œuvre des mesures en tenant compte de la forte concurrence dans le transport aérien et ces mesures ne peuvent pas être fixées unilatéralement par l'Union européenne.

3.3.5

Concernant la consommation, l'ampleur de la réduction potentielle est évaluée entre 215 et 260 millions de tonnes d'équivalents CO2, dont une réduction comprise entre 35 et 45 millions de tonnes d'équivalents CO2 liée à de meilleures propriétés thermiques des bâtiments. Dans les transports, le potentiel de réduction est estimé entre 150 et 180 millions de tonnes d'équivalents CO2.

3.3.6

Le règlement relatif à certains gaz à effet de serre fluorés (HFCs, PFCs et SF6), qui fait partie du domaine politique, ne concerne qu'une part relativement faible des gaz à effet de serre. À l'heure actuelle, ces substances représentent près de 2 % de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre de l'UE, proportion qui devrait atteindre 3 % après 2012. Les possibilités de réduire ces émissions passent essentiellement par la limitation de l'utilisation de ces matières dans les équipements frigorifiques commerciaux, pour la fabrication du HFC-23 ou dans les unités de climatisation fixes ou portatives. D'après les dernières estimations du GIEC les coûts peuvent se situer dans un rapport de 10 à 300 USD par tonne d'équivalents CO2 (différence sectorielle et régionale). Le potentiel de réduction des émissions est évalué entre 18 et 21 millions de tonnes d'équivalents CO2.

3.3.7

La séquestration dans la matière verte présente un potentiel considérable de réduction de la quantité de gaz à effet de serre qui peut atteindre de 60 millions à 100 millions de tonnes d'équivalents CO2, pour autant que soit créé le cadre nécessaire.

3.4

La capture et le stockage du CO2 dans les couches géologiques appropriées ou dans des espaces exploités dans le sous-sol (séquestration géologique) supposent de le séparer des sources anthropogènes qui s'y prêtent, de l'acheminer sur le lieu de stockage et de l'isoler de l'atmosphère pour de longues périodes. L'efficacité de ce mode de réduction des émissions sera fonction de la quantité de CO2 capturé, de la diminution de l'efficacité globale des centrales électriques et des complexes industriels, compte tenu de l'intensité énergétique de la capture, du transport et du stockage et enfin de la proportion de CO2 stocké. Les techniques actuelles peuvent retenir environ 90 % de la quantité de CO2 stocké. La mise en place de ces dispositifs nécessite 15 % à 30 % d'énergie supplémentaire (essentiellement pour la capture), soit une efficacité globale de la réduction des émissions d'environ 85 %.

4.   Conclusions et recommandations

4.1

Les changements climatiques constituent un problème unique tel que l'humanité n'en a pas rencontré dans l'histoire moderne. Il s'agit d'un problème global inscrit dans une perspective à long terme (pluriséculaire) caractérisé par une complexe interaction de processus climatiques, environnementaux, économiques, politiques, institutionnels, sociaux et technologiques. Cela a d'importantes implications internationales et intergénérationnelles dans le contexte d'objectifs de société plus larges, comme l'égalité et le développement durable. L'élaboration d'une réaction aux changements climatiques est caractérisée par une prise de décision présentant un grand degré d'incertitude et par le risque d'entraîner des changements non linéaires, voire irréversibles.

4.2

Les manifestations négatives des changements climatiques planétaires sont liées au caractère croissant des phénomènes météorologiques extrêmes (par exemple crues, inondations, glissements de terrains, sécheresses, ouragans, etc.), dont le bilan humain et matériel ne cesse de s'alourdir. Le calcul des coûts et bénéfices des activités destinées à atténuer leurs conséquences diffèrent en fonction de la manière de mesurer la prospérité, du périmètre et de la méthodologie de l'analyse et des postulats de départ utilisés pour les analyses. Il en résulte que l'estimation des coûts et bénéfices peut ne pas refléter les coûts et bénéfices réels des activités visant à atténuer les changements climatiques.

4.3

À défaut de tenir compte de l'ensemble des paramètres économiques dans la détermination de nouvelles politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, les pays ayant ratifié le protocole de Kyoto risquent de voir une partie de leur production délocalisée dans des pays économiquement plus avancés qui hésitent encore quant à la signature du protocole, ou dans des pays en développement qui ne sont pour l'instant liés par aucun engagement quantitatif découlant des dispositions dudit protocole. Cette situation pourrait se traduire par des pertes économiques ou de compétitivité, sans pour autant parvenir à une diminution souhaitable des émissions au niveau mondial.

4.4

Afin de mettre en œuvre avec succès les mesures destinées à atténuer les changements climatiques, il faudra surmonter de nombreux obstacles de nature technique, économique, politique, culturelle, sociale, comportementale et institutionnelle, qui empêchent une pleine utilisation des opportunités techniques, économiques et sociales qu'offrent ces activités d'atténuation. Le potentiel des opportunités d'atténuation et les types d'obstacles varient selon les régions et les secteurs ainsi que dans le temps.

4.5

L'efficacité de la mise en œuvre des mesures visant à atténuer les changements climatiques peut être accrue à condition que les politiques relatives aux changements climatiques soient intégrées aux autres objectifs non climatiques des politiques nationales et sectorielles et qu'elles deviennent de vastes stratégies de transition destinées à accomplir les changements sociaux et technologiques à long terme que nécessitent à la fois le concept de développement durable et l'atténuation des changements climatiques.

4.6

Des actions coordonnées entre pays et secteurs peuvent contribuer à réduire les coûts des mesures visant à atténuer les changements climatiques, aborder des considérations liées à la compétitivité, résoudre des conflits potentiels avec les règles du commerce international et lutter contre les émissions de carbone. Un groupe de pays désireux de limiter collectivement leurs émissions de gaz à effet de serre devrait s'accorder afin de mettre en place des instruments internationaux parfaitement conçus et efficaces.

4.7

Les changements climatiques constituent un phénomène global; c'est donc dans un cadre global qu'il convient de les aborder. Il est nécessaire de recourir à tous les instruments et négociations politiques afin d'associer tous les grands émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre aux efforts visant à réduire le taux global de concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Pour déterminer qui sont ces gros pollueurs, il conviendrait de prendre en compte le niveau estimé d'émissions globales de gaz à effet de serre dans l'atmosphère après 2012. Des progrès réels ne pourront être accomplis sans recourir aux moyens politiques et économiques appropriés.

4.8

Il convient en outre d'évaluer de manière réaliste la volonté des États de l'UE même d'atteindre des objectifs bien plus ambitieux de limitation imposée des émissions après 2012 à la lumière de la stratégie de Lisbonne et des résultats obtenus aujourd'hui grâce aux mesures adoptées et mises en œuvre. Dans ce sens, nous saluons les suggestions avancées dans la communication de la Commission «Vaincre le changement climatique planétaire» et les matériaux qui l'accompagnent.

4.9

L'UE devrait s'atteler dans un avenir proche à élaborer une argumentation concrète pour les négociations internationales sur les changements climatiques. À terme, ces négociations devront déboucher sur une solution acceptable permettant de poursuivre le processus de réduction des émissions de gaz à effet de serre après 2012 avec la participation de tous les pays économiquement développés aux côtés des principaux producteurs de ces gaz dans les pays émergents et, de manière générale, en développement. À défaut, il faudra prendre en considération le fait que le protocole de Kyoto sous sa forme actuelle ne couvrira en 2012 qu'environ un quart des émissions globales de gaz à effet de serre dans le monde et ne pourra donc pas être, à défaut d'être modifié, un instrument efficace de résolution de la problématique du climat mondial dans le futur. Il sera alors indispensable de chercher des solutions susceptibles d'en assurer la continuité. Une nouvelle réévaluation des instruments de réduction des émissions de gaz à effet de serre, y compris du système communautaire d'échange de quotas d'émission, tant en termes de leur effet global sur le volume total d'émissions de gaz à effet de serre qu'en termes de rapport coût-efficacité et de charge administrative, pourrait faire partie de ces mesures. Il conviendrait d'entamer dans les plus brefs délais un examen comparatif des propositions et projets des différents groupes d'États concernant la réduction à long terme des émissions de gaz à effet de serre, afin de pouvoir prendre les décisions appropriées à temps.

4.10

Il est nécessaire, à l'aide de moyens politiques, de parvenir à associer la communauté internationale à la résolution de ces problèmes mondiaux. Il faut toutefois reconnaître ouvertement qu'une entente internationale n'est pas nécessairement dans l'intérêt de tous les gros émetteurs et qu'en raison de leur position et taille géographiques, une approche unilatérale est pour eux payante (États-Unis, Chine). En cas d'échec politique, le maintien du rôle dirigeant de l'UE dans le domaine des changements climatiques pourra engendrer un affaiblissement de la capacité d'adaptation sans exercer d'effet notable sur les changements climatiques mêmes.

4.11

Il est indispensable, afin de résoudre ces problèmes, d'approfondir considérablement les connaissances relatives à la fois aux causes de ces phénomènes et aux possibilités de limitation des influences anthropogènes correspondantes. Sans moyens scientifiques et de recherche appropriés et à défaut de disposer d'un monitoring et d'une surveillance systématique, il est impossible d'assurer le développement accéléré des connaissances scientifiques sur les causes réelles des changements climatiques, dont on a besoin.

4.12

Il ne fait aucun doute qu'à de nombreux égards la rationalisation de la production et surtout de l'utilisation de l'énergie constituent un facteur capital non seulement de la réussite économique mais aussi d'une réduction progressive des émissions de gaz à effet de serre. Le Comité considère que l'augmentation de la production d'énergie provenant de sources renouvelables sélectionnées en fonction des spécificités de chaque État membre, comprenant notamment l'utilisation de biocarburants dans les transports, l'utilisation rationnelle des potentialités de la cogénération, ou l'accroissement de l'efficacité globale de la production électrique et thermique, constitue, du côté de la production, un instrument approprié et efficace. Il est toutefois nécessaire de tenir compte du fait que ces mesures ont une portée limitée. Parmi les moyens permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre et qui fonctionnent relativement bien figure également l'utilisation de l'énergie solaire thermique, destinée au chauffage ou à la production d'eau chaude non potable, et des pompes thermiques qui deviennent désormais tout à fait rentables même pour des applications de petite capacité, par exemple pour des maisons familiales.

4.13

Le Comité considère que la décarbonisation de la production électrique et thermique qui passe par l'exploitation de toutes les sources de carburants et de matières premières, et surtout par la promotion de la production d'électricité nucléaire, photovoltaïque et des technologies hydrogènes, notamment dans le cadre de la recherche, du développement et de l'amélioration de la sécurité des systèmes de production et d'exploitation, représente une autre méthode efficace. En matière de conservation d'énergie, il convient de veiller, outre à la classique réduction de la consommation énergétique de la production industrielle, également à l'amélioration qualitative des caractéristiques thermiques des bâtiments ainsi qu'à une croissance considérable de transports en commun efficaces. Ces instruments nécessiteront également des moyens notables pour la science et la recherche ainsi que de grands efforts de mise en œuvre, si l'UE veut véritablement prendre une position de leader dans la lutte contre les changements climatiques.

4.14

Préalablement à l'adoption de toutes ces mesures, il est impératif de procéder à une analyse approfondie des tenants et des aboutissants, afin que des mesures non appropriées ne puissent menacer la compétitivité et en son essence la capacité d'action de l'UE en tant qu'ensemble, et de chaque État membre. Par exemple, il ne faut pas que le soutien apporté à la production d'énergie provenant de la biomasse ait pour effet de menacer certains secteurs industriels d'une perte de leur potentiel de matières premières. Pareillement, il ne faut pas que la croissance des prix de l'énergie consécutive aux mesures visant à contenir les émissions de gaz à effet de serre devienne prohibitive et entraîne de graves conséquences sociales.

4.15

Afin de garantir la sécurité de la population, il est nécessaire d'élaborer des plans visant à limiter la vulnérabilité aux changements climatiques, tout en tenant compte des spécificités régionales, et d'encourager le développement de systèmes d'alerte et de mise en garde allant de pair avec des activités de suivi et de surveillance systématiques. Afin que des mesures efficaces puissent être prises dans ce domaine, il est impératif de procéder à des analyses stratégiques et économiques approfondies, d'élaborer des projets concrets et d'allouer des ressources financières adéquates tant au niveau de l'Union que des États membres et des régions.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Voir le Rapport du groupe de travail III du GIEC, intitulé «Changements climatiques 2001: mesures d'atténuation», résumé technique, p. 61.

(2)  Voir le document «Vaincre le changement climatique planétaire» COM(2005) 35 du 9 février 2005, p. 15.

(3)  JO L 275 du 25 octobre 2003, p. 32.

(4)  JO L 283 du 27 octobre 2001, p. 33.

(5)  JO L 123 du 17 mai 2003, p. 42.

(6)  JO L 52 du 21 février 2004, p. 50.

(7)  JO L 283 du 31 octobre 2003, p. 51.

(8)  COM (2003) 492 final.

(9)  Décision 2002/835/CE du Conseil du 30 septembre 2002.

(10)  COM(2005) 119 du 6 avril 2005.


ANNEXE

À L'Avis du Comité économique et social européen

L'amendement suivant, qui a recueilli au moins un quart des suffrages exprimés, a été rejeté au cours de la discussion:

Paragraphe 4.13

Le Comité considère que la décarbonisation de la production électrique et thermique qui passe par l'exploitation d'autres sources de carburants et de matières premières, en particulier par la production photovoltaïque et les technologies hydrogènes, notamment dans le cadre de la recherche, du développement et de l'amélioration de la sécurité des systèmes de production et d'exploitation, représente une autre méthode efficace. ....

Exposé des motifs

La suppression de l'argumentation en faveur de l'énergie nucléaire découle de l'amendement relatif au point 2.6.

Résultat du vote

Voix pour: 25

Voix contre: 54

Abstentions: 12


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/71


Avis du Comité économique et social européen sur le «Cadre juridique pour la politique des consommateurs»

(2006/C 185/13)

Le 10 février 2005, conformément à l'article 29 du Règlement intérieur, paragraphe 2, le Comité économique et social européen a décidé d'élaborer un avis sur le: «Cadre juridique pour la politique des consommateurs».

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 28 mars 2006 (rapporteur: M. PEGADO LIZ).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 45 voix pour, 26 voix contre et 2 abstentions.

1.   Synthèse

1.1

Dans toute communauté de droit, la politique que celle-ci entend mener doit se fonder sur une base juridique qui définit les limites assignées à la compétence de cette communauté et les paramètres de son action. L'Union européenne est une communauté de droit qui doit répondre à cette exigence.

1.2

Pour qu'une base juridique soit adéquate, opérationnelle et efficace, elle doit être claire, précise et autonome. Elle doit contenir les objectifs, les principes fondateurs et les critères de mises en œuvre de la politique qu'entend poursuivre cette communauté de droit. Elle doit couvrir tous les domaines de la politique pour laquelle elle a été conçue.

1.3

Au sein de l'Union européenne, dès l'adoption du Traité de Maastricht, la nouvelle base juridique d'intervention en matière de politique de protection des consommateurs fut l'article 129-A considéré comme rapidement insuffisant pour servir de fondement au développement d'une politique à part entière en ce domaine.

1.4

Le défaut d'application de cette base juridique au fil des années a confirmé les faiblesses de celle-ci en tant que base juridique adéquate et efficace pour la promotion d'une réelle politique de protection des intérêts des consommateurs au niveau communautaire.

1.5

Les modifications introduites par le nouvel article 153 du Traité d'Amsterdam n'ont pas été en mesure de rencontrer les faiblesses ainsi dénoncées et les textes qui étaient proposés en vue de l'adoption de la Constitution Européenne n'ont pas, non plus, rencontré ces questions.

1.6

La politique des consommateurs est de toute évidence une des politiques les plus proches des citoyens européens. Elle peut influencer dans une large mesure leur adhésion à l'idéal européen dès lors que celui-ci rencontre leurs besoins et leurs aspirations, ce qui n'a pas toujours été le cas (1).

1.7

Les orientations de la Commission en matière de politique de protection des consommateurs (2) confirment une dégradation malheureusement préoccupante de la protection et de la promotion des intérêts des consommateurs. Cette carence renforce le besoin et la nécessité urgente d'une réflexion sur la base juridique que contient le Traité en cette matière.

1.8

Semblable réflexion est développée dans cet avis. Elle conduit le Comité économique et social européen à constater, qu'au-delà de l'indispensable volonté politique de faire progresser la politique de protection des intérêts des consommateurs dans le sens d'une promotion accrue de sa participation et de la protection de ses intérêts dans tous les domaines des politiques communautaires, il est également nécessaire de procéder à une étude de fond sur la refonte du cadre juridique pour asseoir la politique de protection des intérêts consommateurs.

1.9

Aidé par de nombreuses contributions de nombreux juristes européens dont l'expertise est généralement reconnue en la matière, le Comité économique et social européen peut être en mesure de conclure en proposant une nouvelle base juridique pour la politique des consommateurs. Elle devrait contribuer de façon décisive à une amélioration, à une simplification voire même à une réduction de la réglementation, en recommandant à la Commission, au Conseil ainsi qu'aux États membres de veiller à ce que semblable proposition soit prise en considération dans la perspective d'une prochaine révision du texte du Traité.

2.   Introduction. Objectif de l'avis d'initiative

2.1

Lorsque le CESE a décidé d'approuver le présent avis d'initiative, son objectif a été de promouvoir une réflexion approfondie sur la base juridique à choisir pour la politique — des consommateurs au niveau européen — à savoir l'article 153 du Traité, et ce, en le mettant en rapport tant avec le texte constitutionnel soumis aux différents États membres qu'avec le droit dérivé. Il a également veillé à faire participer les représentants intéressés par cette question ainsi que des spécialistes en matière de droit communautaire de la consommation.

2.1.1

Conscients des faiblesses que représente actuellement la rédaction de l'article 153, nombreux étaient ceux qui s'accordaient à considérer que ces faiblesses étaient à l'origine du défaut d'utilisation pratique de cet article comme base juridique du droit dérivé en matière de promotion des droits et des intérêts des consommateurs ainsi qu'en matière de développement de la politique des consommateurs dans l'Union européenne. Celle-ci avait donc tout à gagner si elle pouvait être dotée d'une base juridique appropriée, opérante et efficace.

2.2

Les institutions européennes en général et en particulier les organisations de la société civile, les organisations des consommateurs et les interlocuteurs sociaux seraient assurément les premiers bénéficiaires de l'amélioration de la base juridique de la politique des consommateurs dans le Traité.

2.2.1

Le CESE, en tant que forum de représentation institutionnelle de la société civile organisée, a été jugé comme étant le lieu privilégié pour mener à bon port cette tâche, dans un esprit de dialogue entre les interlocuteurs sociaux et avec l'appui des experts universitaires en la matière.

2.2.2

Le CESE considère que la politique des consommateurs est de toute évidence une des politiques les plus proches des citoyens européens. Elle peut et doit influencer dans une large mesure leur adhésion à l'idéal européen dès lors que celui-ci rencontre leurs besoins et leurs aspirations.

2.2.3

Le 14 octobre 2005, le Comité économique et social européen a auditionné de nombreux représentants qui avaient ainsi répondu favorablement au questionnaire préparé à cet effet. Les opinions et les suggestions ainsi recueillies ont permis de mieux fonder cet avis. Le CESE remercie ici vivement tous ceux qui ont permis l'élaboration de ce texte (3).

3.   La question: une base juridique pour la politique des consommateurs

3.1

La base juridique actuelle pour la politique de défense des consommateurs figure dans le titre XIV du Traité, intitulé «protection des consommateurs», à l'article 153. L'article se lit comme suit:

1.

«Afin de promouvoir les intérêts des consommateurs et d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, la Communauté contribue à la protection de la santé, de la sécurité et des intérêts économiques des consommateurs ainsi que la promotion de leur droit à l'information, à l'éducation et à s'organiser afin de préserver leurs intérêts.

2.

Les exigences de la protection des consommateurs sont prises en considération dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques et actions de la communauté.

3.

La Communauté contribue à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 par:

a)

des mesures qu'elle adopte en application de l'article 95 dans le cadre de la réalisation du marché intérieur;

b)

des mesures qui appuient et complètent la politique menée par les états membres, et en assure le suivi.

4.

Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 et après consultation du Comité économique et social, arrête les mesures visées au paragraphe 3,.b).

5.

Les mesures arrêtées en application du paragraphe 4 ne peuvent empêcher un État membre de maintenir ou d'établir des mesures de protection plus strictes. Ces mesures doivent être compatibles avec le présent traité et seront notifiées à la Commission»  (4) .

3.2

La protection des consommateurs pour être élevée au rang de matière déférée à la compétence de l'Union européenne doit nécessairement faire l'objet d'une disposition spécifique du Traité en application de l'article 5 de ce même Traité qui, dans sa version consolidée, se lit comme suit:

«Le Parlement européen, le Conseil, la Commission, la Cour de justice et la Cour des comptes exercent leurs attributions dans les conditions et aux fins prévues, d'une part, par les dispositions des traités instituant les Communautés européennes et des traités et actes subséquents qui les ont modifiés ou complétés et, d'autre part, par les autres dispositions du présent traité».

3.3

L'importance de cette règle aux termes de laquelle les États ont donc bien le pouvoir de définir leur propre compétence, mérite d'être soulignée tant notamment les lacunes, l'imprécision d'un texte ou son caractère contradictoire peuvent conduire à invalider les règles subséquentes adoptées par les institutions européennes, en vertu de ce Traité.

3.4

Il est opportun de rappeler à ce stade comment, dans son arrêt du 5 octobre 2000, la Cour de justice a rappelé qu'un acte adopté sur le fondement de l'article 100 A (aujourd'hui 95) doit avoir effectivement pour objet l'amélioration des conditions de l'établissement et du fonctionnement du marché intérieur. La Cour rappelle que si la simple constatation des disparités entre les réglementations nationales ainsi que le risque abstrait d'entrave aux libertés fondamentales ou de distorsion de concurrence étaient suffisants pour justifier le choix de l'article 100 A comme base juridique, le contrôle juridictionnel du respect de la base juridique serait privé de toute efficacité (5).

3.5

Cette exigence d'une base juridique claire et, partant, susceptible de contrôle dans une perspective internationale est également à inscrire sur le plan politique comme étant un signal constitutionnel incontestable concernant le besoin d'une politique de protection des consommateurs. Il n'est pas inutile de rappeler à ce sujet comment l'Acte unique européen des 17 et 28 février 1986 a remédié partiellement à la lacune que présentait le Traité de Rome en introduisant un titre uniquement consacré à l'environnement composé des articles 130 R à 130 T (aujourd'hui articles 174 à 176). Les objectifs poursuivis par l'article 175 et les critères qui ont été définis par ce même texte pour l'élaboration de l'action de la Communauté en matière d'environnement ont manifestement favorisé l'émergence d'un ensemble efficace de normes en cette matière.

3.5.1

A cet égard, la lecture comparée des articles 175 et 153 actuels du Traité montre manifestement que la qualité même de la base juridique est déterminante pour les interventions ultérieures. En matière d'environnement, les objectifs sont clairement et précisément affirmés.

Par ailleurs, l'article 175 définit des principes qui sont fondateurs des interventions de la Communauté en ce domaine.

Enfin, des paramètres techniques définis à l'article 175. 3 sont également des facteurs contribuant à une application rationnelle et utile de la politique en matière d'environnement.

3.5.2

Dans la mesure où le législateur communautaire dispose d'un pouvoir d'appréciation sur le caractère adéquat des mesures qu'il entend adopter, il est évident que la qualité de la base juridique est déterminante dans la mesure où elle réduit les hypothèses d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir ou de dépassement manifeste du pouvoir d'appréciation (6).

4.   L'article 153 est-il une base juridique acceptable pour fonder la politique communautaire pour les consommateurs européens?

4.1

À la lumière de ces enseignements, il faut constater que l'article 153 actuel du Traité ne constitue plus une base juridique qui offre des garanties suffisantes au regard des objectifs de protection des consommateurs.

4.2

Il convient de rappeler que le droit de la consommation au niveau européen s'est essentiellement développé par conséquent autour de la référence que constitue l'article 95 du Traité et doit beaucoup aux impulsions données pour la réalisation du marché intérieur. Certes, la politique de protection des consommateurs se veut transversale, et dans d'autres domaines du Traité, il existe des références explicites à la nécessité de prendre en compte la protection des consommateurs. Néanmoins, de façon générale il est considéré que l'article 153 dans sa rédaction actuelle est insuffisant.

4.3

Il est également constaté que les mesures de protection et de défense des consommateurs n'ont été adoptées qu'exceptionnellement sur base de cet article 153 (ou antérieurement l'article 129-A).

4.4

Il faut également ajouter à cette critique, qui fait de la politique des consommateurs un accessoire des règles propres au développement du marché intérieur, les conséquences tirées de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 5 octobre 2000 (7) et évoquées ci-dessus. L'incertitude qui est liée notamment à cette jurisprudence peut conduire à mettre en cause, notamment par voie de questions préjudicielles, la base juridique même de certaines directives adoptées dans le domaine de la protection des consommateurs (garantie, vente à domicile, etc.).

4.5

En outre, le texte actuel définit un critère qui est celui du niveau de protection élevé des consommateurs. Ce niveau élevé de protection des consommateurs tel qu'il est défini à l'article 153 ne conduit pas nécessairement à rechercher au sein des États membres le système juridique qui offre le plus de garanties. L'article 153. 5 permet dans un tel cas en effet de maintenir des systèmes juridiques plus protecteurs, pour autant qu'ils soient compatibles avec le Traité.

4.5.1

Par ailleurs, la définition d'un niveau de protection élevé n'est guère aisée. Les paramètres qui doivent être pris en considération ne sont nullement repris dans l'article 153 et peuvent conduire à plusieurs difficultés d'interprétation.

4.6

Il semble donc aujourd'hui que la base juridique doit être revue à la lumière des réflexions qui suivent.

4.6.1

La politique de protection des consommateurs doit faire partie des compétences propres de l'Union et ne pas se présenter comme un complément de celle menée par les États membres. Il est en effet paradoxal de considérer que la protection des consommateurs dont on dit qu'elle peut contribuer à l'amélioration du marché intérieur serait de la compétence des États membres.

4.6.2

La santé, la sécurité et les intérêts économiques des consommateurs sont présentés comme des domaines auxquels l'Union européenne doit apporter une contribution. Il conviendrait d'y voir plutôt des objectifs qui méritent assurément d'être élargis. Ainsi, les intérêts économiques des consommateurs sont-ils les seuls à prendre en considération? Il existe manifestement une contradiction plus qu'apparente entre la promotion de ces intérêts et la contribution à la protection de ceux-ci.

4.6.3

Le droit à l'information, le droit à l'éducation et à l'organisation afin de préserver ces intérêts sont des principes qu'il conviendrait de reconnaître comme étant des règles fondamentales qui détermineraient la politique de l'Union.

4.6.4

Les critères qui doivent être pris en compte pour définir le niveau élevé de protection n'étant pas définis, il faut que le Traité lui-même, les mentionne.

4.6.5

La réflexion sur la protection des consommateurs comme base juridique autonome devra prendre en considération la priorité qui doit être reconnue à la politique communautaire tant sur le fond que sur la forme. Le principe de double subsidiarité est évidemment une restriction qui paralyse tant au niveau européen que national toute politique de développement de protection des consommateurs. La double subsidiarité qu'organise l'article 153 doit être évidemment, dans ces conditions abandonnée.

4.6.6

La base juridique dans le Traité doit également s'inscrire dans une recherche où le consommateur n'est pas seulement protégé ou défendu mais bien actif. Le consommateur est un citoyen qui, dans les choix que la société propose, doit avoir un droit de parole évident et être entendu.

4.6.7

Il conviendra également de voir si les dispositions du Traité qui ont trait à l'accès à la Cour de justice ne doivent pas reconnaître un accès direct des associations de consommateurs en tant que groupes représentatifs concernés par les actes pris par l'Union européenne.

4.6.8

Il faut ajouter que le texte, dans sa formulation actuelle, se fonde sur une conception restrictive de la protection des consommateurs pratiquement concentrée sur les seules vertus de l'information.

5.   Objectifs, principes et critères pour la définition d'une base juridique pour la politique des consommateurs

5.1

Quels sont les critères qui, de manière générale, doivent déterminer la qualité d'une base juridique dans un Traité?

Il ressort des éléments retenus ci-dessus que la base juridique doit:

être claire et précise,

contenir les objectifs à poursuivre dans le cadre de la politique définie, les principes fondateurs de cette politique et les critères de mise en œuvre,

être autonome.

Ces différentes caractéristiques sont essentielles pour tenter de remédier aux difficultés énoncées ci-dessus.

5.2

Des questions périphériques peuvent en outre être intégrées dans une perspective d'affinement de la base juridique. Ainsi, des options quant à la qualité de l'harmonisation doivent être envisagées. Notamment, la politique d'harmonisation maximale ou complète est soutenue par la Commission. Faut-il encore que le niveau de protection choisi soit effectivement un niveau de protection élevé, faute de quoi l'harmonisation maximale ou totale risque de se développer au détriment des intérêts des consommateurs.

5.3

Le texte proposé tend à modifier l'article 3. 1. t du Traité en indiquant clairement, au nombre des objectifs poursuivis par les institutions, la politique de promotion et de protection des intérêts des consommateurs.

5.4

L'article 153 suggéré se décline en trois temps:

5.4.1

Il contient un inventaire des objectifs poursuivis par la politique de l'Union européenne dans le domaine de la consommation. Ces objectifs sont traditionnels. Néanmoins, il faut souligner certaines particularités de ceux-ci:

La promotion des droits à l'information, à l'éducation, à la participation et à l'organisation pour la défense et la représentation des intérêts des consommateurs, notamment par la reconnaissance des droits individuels et collectifs en ce domaine constitue une innovation. Elle est le signe exprès que les mécanismes de recours collectifs, certes, doivent être mis en place, mais également que des modes associant, de manière collective, les consommateurs à l'élaboration des règles qui les concernent doivent être organisés.

La protection de la santé et de la sécurité des consommateurs est évidemment un thème traditionnel qui doit être affirmé comme un des objectifs poursuivis par le Traité.

Enfin, la promotion des intérêts juridiques, économiques, sociaux et culturels des consommateurs constitue manifestement un élément nouveau. Elle reconnaît en effet le consommateur comme acteur de la société et non pas comme simple utilisateur des produits et des services. C'est au terme de la reconnaissance de cette promotion que des politiques notamment de développement durable peuvent être élaborées. C'est également sur le même registre que s'élaborera une politique associant étroitement la promotion des intérêts des consommateurs et le respect dû à l'environnement.

5.4.2

Des principes peuvent, au stade de la formulation de l'article 153, être affirmés:

L'action préventive;

La réparation efficace;

Le développement d'une consommation durable;

Le principe créateur de risque-payeur;

Le principe participatif.

Ces cinq principes sont nécessaires pour mener à bien la politique ci-dessus évoquée.

5.4.3

Le texte proposé rappelle, de manière traditionnelle, que les exigences, certes, qui s'inscrivent ici dans une base autonome ne peuvent être non plus ignorées dès lors qu'il s'agit de développer d'autres politiques de l'Union européenne.

5.4.4

Certains paramètres doivent être pris en compte notamment dès lors qu'il s'agit de développer ces mesures. La notion de degré de protection élevé prendra en compte notamment des données socio-économiques qui sont disponibles et qui permettent de définir exactement le comportement des consommateurs face à l'acquisition et à l'utilisation des produits et services mis sur le marché. De même, la reconnaissance explicite de recours collectifs doit être affirmée.

5.4.5

L'article 153 a, tel qu'il est proposé, définit la politique qui doit être suivie par le Conseil.

Une des questions débattues est celle de l'effet direct des directives. La solution proposée est celle tendant à privilégier les règlements comme technique d'harmonisation. Elle rend vain le débat en l'état sur l'effet précisément des directives. Une formule souple permettant d'amener les États membres à prendre position lorsqu'ils entendent maintenir ou établir des mesures de protection est élaborée.

Cette solution favorise l'harmonisation maximale, soumise cependant à une appréciation au cas par cas.

5.4.6

Enfin, le texte de l'article 153 contient une innovation dans la mesure où il élève au rang de destinataires des associations de consommateurs au sens de l'article 230 du Traité. En d'autres termes, les actes communautaires qui méconnaissent les dispositions de ce Traité peuvent faire l'objet d'un recours direct des associations devant la Cour.

6.   Conclusion: proposition d'une nouvelle base juridique

Vu ces données, la proposition est formulée comme suit:

Article 153

1.   La politique de la Communauté, dans le domaine de la consommation, assure la poursuite des objectifs suivants:

La promotion des droits à l'information, à l'éducation, à la participation, à l'organisation pour la défense et la représentation des intérêts du consommateur, notamment par la reconnaissance des droits individuels et collectifs dans ces domaines;

La protection de la santé et de la sécurité des consommateurs;

La promotion des intérêts juridiques, économiques, sociaux et culturels des consommateurs.

2.   La politique de la Communauté dans le domaine de la protection des consommateurs vise au niveau de protection le plus élevé. Elle est fondée sur les principes suivants:

Principe d'action préventive;

Principe de réparation efficace des atteintes aux droits et aux intérêts individuels et collectifs des consommateurs;

Principe créateur de risque-payeur;

Principe de développement d'une politique de consommation et de protection durable;

Principe de participation des consommateurs par des instances représentatives de leurs intérêts à l'élaboration et à l'application des règles.

3.   Les exigences en matière de protection des consommateurs sont intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques de la Communauté.

4.   Dans l'élaboration de son action en matière de protection des consommateurs, la Communauté tient compte:

de niveaux de protection élevés qui sont reconnus aux consommateurs au sein des États membres;

des données socioéconomiques disponibles relatives à l'acquisition et à l'utilisation des produits et services mis sur le marché;

de l'effectivité des recours mis en place en cas d'atteinte aux droits ou aux intérêts des consommateurs, notamment par la reconnaissance d'actions d'intérêt collectif.

Article 153 a

1.   Le Conseil statuant conformément à la procédure visée à l'article 251, et après consultation du Comité économique et social, arrête des mesures nécessaires à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 de l'article 153; ces mesures font l'objet d'une révision régulière visant à garantir qu'elles continuent d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs.

2.   Les mesures d'harmonisation à mettre en application avec le paragraphe 1 ne peuvent empêcher un État membre de maintenir ou d'établir des mesures de protection plus strictes. Ces mesures doivent être compatibles avec le présent Traité et seront notifiées à la Commission

3.   La Commission, dans les six mois après la notification mentionnée au paragraphe 3, décide du rejet de la mesure nationale en justifiant notamment si celle-ci représente un obstacle au fonctionnement du marché intérieur. En l'absence d'une décision dans ce délai, la mesure est considérée comme acceptée, sauf si la complexité de la matière exige une prolongation du délai jusqu'à un an au plus, auquel cas l'État membre en reçoit notification dans le premier délai de six mois.

4.   La Commission assure, en coopération étroite avec les états membres, l'application effective des mesures prises en vue de la promotion des droits et intérêts des consommateurs. En particulier, les États membres sont tenus de prendre les dispositions nécessaires pour

a)

Définir et appliquer des sanctions à caractère effectif, proportionnées et dissuasives en cas d'infraction aux mesures qui imposent des obligations ou interdictions pour la protection des consommateurs;

b)

Faire cesser de telles infractions;

c)

Prévoir des procédures judiciaires et non judiciaires simplifiées pour la prévention et la réparation des atteintes aux droits et intérêts des consommateurs et une juste compensation des dommages subis.

5.   Les associations de consommateurs dûment reconnues selon le droit interne des États membres ou par la Commission européenne sont présumées être destinataires au sens de l'article 230 du Traité des mesures prises en application du présent article et de l'article 153.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Comme le CESE l'a dénoncé notamment dans son Avis sur «La politique des consommateurs après l'élargissement de l'Union européenne», JO C 221 du 8.09.2005 et le Parlement européen l'a, lui aussi, reconnu dans son rapport sur la promotion et la protection des intérêts des consommateurs dans les nouveaux États membres (Rap. Henrik Dam Kristensen, PE 359.904/02-00). Une telle prise en compte pourrait, d'ailleurs, être mieux assurée par le développement complémentaire d'approches d'autorégulation, de corégulation et de modes alternatifs de règlement des litiges.

(2)  Bien évidentes dans la nouvelle directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 (JO L 149 du 11.06.2005) sur les pratiques commerciales déloyales, dans son programme d'action communautaire dans le domaine de la santé et de la protection des consommateurs (2007/2013) [COM(2005) 115 final] et dans le retrait de la proposition de règlement relatif à la promotion des ventes dans le marché intérieur (COM(2005) 462 final du 27.09.2005).

(3)  À l'audition du 14 octobre 2005 étaient présents: M. Carlos Almaraz, (UNICE), Professeur Thierry Bourgoignie, (Université du Québec à Montréal), Ms Nuria Rodríguez, (Bureau Européen des Unions de Consommateurs), M. Denis Labatut et Ms Kalliopi Spyridaki, (UGAL - Union of Groups of Independant Retailers of Europe), M. Jon-Andreas Lange, (Forbrukerradet – The Consumer Council of Norway), M. William Vidonja, (CEA), Mr Patrick von Braunmühl, (Verbraucherzentrale Bundesverband – vzbv) et Mr Hubert J.J. van Breemen, (VNO NVW).

En outre on a reçu des commentaires écrits en réponse au questionnaire adressé à quelques dizaines de juristes et académiciens partout en Europe, de la part de Professeur Thierry Bourgoignie, (Université du Québec à Montreal), Professeur Jean Calais-Auloy, (Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Montpellier), M. Stephen Crampton, (Which?), Professeur Mário Frota, (APDC - Associação Portuguesa de Direito do Consumo), Mme Cornelia Kutterer, (Bureau Européen des Unions de Consommateurs), Mr Jon-Andreas Lange, (Forbrukerradet – The Consumer Council of Norway), Mme René-Claude Mäder, (CLCV - Consommation, Logement et Cadre de Vie), Professeur Stephen Weatherill (ECLG), Professeur Hans Micklitz, (Institut für Europäisches Wirtschafts-und Verbraucherrecht e.V.Universität Bamberg), Mme Gaëlle Patetta, (UFC–Que Choisir?), Professeur Norbert Reich, (Universität Bremen Fachbereich Rechtswissenschaften), de l'UNICE ainsi que de l'Euro Commerce.

(4)  Outre l'article précité, la politique des consommateurs a ses fondements dans différentes autres dispositions du Traité UE, parmi lesquelles on peut distinguer d'emblée celle qui a présidé à l'appel lancé en préambule aux États membres à assurer la promotion du «progrès économique et social de leurs peuples, compte tenu du principe du développement durable et dans le cadre de l'achèvement du marché intérieur» et l'instauration d'une «citoyenneté commune de ressortissants de leur pays», ainsi que dans les dispositions des articles 2 et 6 dudit traité ou encore, dans les dispositions visées aux articles 2; 3, paragraphe 1, alinéa t); 17, paragraphe 2; 33, paragraphe 1 alinéa e); 34, paragraphe 2 II; 75, paragraphe 3, II; 81, paragraphe 3; et 87, paragraphe 2, alinéa a), du Traité CE dans sa rédaction telle qu'issue du Traité de Nice.

(5)  CJCE, 5 octobre 2000, République fédérale d'Allemagne c. Parlement et Conseil, affaire C-376/98, Rec., I -8149, voir plus spécialement les attendus 76 à 89.

(6)  Sur ces questions voir CJCE, 20 octobre 1977, S.A. ROQUETTE FRERES, affaire 29/77, Rec. p. 1835.

(7)  C-376/98, Rec., 1/8498, Allemagne c/Parlement et Conseil.


ANNEXE I

À l'Avis du Comité économique et social européen

Les amendements ci-dessous ont été repoussés au cours des débats mais ont recueilli au moins un quart des voix exprimées:

Paragraphe 1.3

Supprimer le paragraphe.

Exposé des motifs

Le paragraphe 1.3 contient une affirmation catégorique: «Au sein de l'Union européenne, dès l'adoption du Traité de Maastricht, la nouvelle base juridique d'intervention en matière de politique de protection des consommateurs fut l'article 129-A considéré comme rapidement insuffisant pour servir de fondement au développement d'une politique à part entière en ce domaine». Cette critique sévère n'est étayée par aucune preuve.

Résultats du vote

Voix pour: 23

Voix contre: 39

Abstentions: 5

Paragraphe 1.4

Supprimer le paragraphe.

Exposé des motifs

Le paragraphe 1.4 contient une affirmation catégorique: «Le défaut d'application de cette base juridique au fil des années a confirmé les faiblesses de celle-ci en tant que base juridique adéquate et efficace pour la promotion d'une réelle politique de protection des intérêts des consommateurs au niveau communautaire». Cette critique sévère n'est étayée par aucune preuve.

Résultats du vote

Voix pour: 23

Voix contre: 39

Abstentions: 5

Paragraphe 1.5

Supprimer le paragraphe.

Exposé des motifs

Le paragraphe 1.5 contient une affirmation catégorique: «Les modifications introduites par le nouvel article 153 du Traité d'Amsterdam n'ont pas été en mesure de rencontrer les faiblesses ainsi dénoncées et les textes qui étaient proposés en vue de l'adoption de la Constitution européenne n'ont pas, non plus, rencontré ces questions». Cette critique sévère n'est étayée par aucune preuve.

Résultats du vote

Voix pour: 23

Voix contre: 39

Abstentions: 5

Paragraphe 4.6.1

Biffer intégralement ce paragraphe.

Exposé des motifs

Le paragraphe qu'il est proposé de supprimer aboutirait à convertir la politique des consommateurs en compétence communautaire, privant ainsi les États membres de la possibilité d'édicter des règles plus strictes en la matière.

Résultats du vote

Voix pour: 26

Voix contre: 35

Abstentions: 8

Paragraphe 4.6.7

Supprimer le paragraphe.

Exposé des motifs

Il n'est pas souhaitable que les associations des consommateurs puissent avoir un accès direct à la Cour de justice. Toutes les associations de défense d'intérêts pourraient alors demander cela au nom de leurs membres. Un tel droit pourrait entraîner des situations inacceptables (comme on les connaît aux États-Unis d'Amérique — class actions).

Résultats du vote

Voix pour: 30

Voix contre: 38

Abstentions: 4

Paragraphe 5.4.1

Supprimer les mots:

La promotion des droits à l'information, à l'éducation, à la participation et à l'organisation pour la défense et la représentation des intérêts des consommateurs, notamment par la reconnaissance des droits individuels et collectifs en ce domaine constitue une innovation. Elle est le signe exprès que les mécanismes de recours collectifs, certes, doivent être mis en place, mais également que des modes associant, de manière collective, les consommateurs à l'élaboration des règles qui les concernent doivent être organisés.

Exposé des motifs

Il n'est pas souhaitable que les associations des consommateurs puissent avoir un accès direct à la Cour de justice. Toutes les associations de défense d'intérêts pourraient alors demander cela au nom de leurs membres. Un tel droit pourrait entraîner des situations inacceptables (comme on les connaît aux États-Unis d'Amérique — class actions).

Résultats du vote

Voix pour: 30

Voix contre: 40

Abstentions: 3

Paragraphe 5.4.4

Supprimer la dernière phrase:

5.4.4

Certains paramètres doivent être pris en compte notamment dès lors qu'il s'agit de développer ces mesures. La notion de degré de protection élevé prendra en compte notamment des données socioéconomiques qui sont disponibles et qui permettent de définir exactement le comportement des consommateurs face à l'acquisition et à l'utilisation des produits et services mis sur le marché. De même, la reconnaissance explicite de recours collectifs doit être affirmée.

Exposé des motifs

Il n'est pas souhaitable que les associations des consommateurs puissent avoir un accès direct à la Cour de justice. Toutes les associations de défense d'intérêts pourraient alors demander cela au nom de leurs membres. Un tel droit pourrait entraîner des situations inacceptables (comme on les connaît aux États-Unis d'Amérique — class actions).

Résultats du vote

Voix pour: 27

Voix contre: 42

Abstentions: 4

Paragraphe 5.4.6

Supprimer le paragraphe.

Exposé des motifs

Il n'est pas souhaitable que les associations des consommateurs puissent avoir un accès direct à la Cour de justice. Toutes les associations de défense d'intérêts pourraient alors demander cela au nom de leurs membres. Un tel droit pourrait entraîner des situations inacceptables (comme on les connaît aux États-Unis d'Amérique — class actions).

Résultats du vote

Voix pour: 26

Voix contre: 44

Abstentions: 2

Paragraphe 6

Supprimer le paragraphe.

Exposé des motifs

Le paragraphe 6 contient une proposition ambitieuse de nouvelle base juridique pour la politique de protection des consommateurs. Comme démontré aux paragraphes précédents (1.3, 1.4 et 1.5), le texte de l'avis ne comporte pas suffisamment de preuves démontrant que ces changements sont nécessaires ou utiles. Au lieu de lancer une vaste modification de la base juridique existante pour la politique de protection des consommateurs, l'avis devrait porter bien davantage sur les véritables arguments qui feront de la nouvelle base légale la priorité lors de la prochaine révision du Traité.

Résultats du vote

Voix pour: 23

Voix contre: 39

Abstentions: 5

Article 153

Supprimer dans le point 4 le texte du dernier tiret.

de l'effectivité des recours mis en place en cas d'atteinte aux droits ou aux intérêts des consommateurs, notamment par la reconnaissance d'actions d'intérêt collectif.

Exposé des motifs

Il n'est pas souhaitable que les associations des consommateurs puissent avoir un accès direct à la Cour de justice. Toutes les associations de défense d'intérêts pourraient alors demander cela au nom de leurs membres. Un tel droit pourrait entraîner des situations inacceptables (comme on les connaît aux États-Unis d'Amérique — class actions).

Résultats du vote

Voix pour: 27

Voix contre: 44

Abstentions: 2

Article 153 A

Supprimer le quatrième paragraphe de l'article 153 A que l'avis propose d'insérer dans le traité.

Exposé des motifs

Ce paragraphe aurait pour effet d'assujettir la politique des consommateurs aux règles du marché intérieur. Un tel schéma est en contradiction sur le fond avec le reste de l'avis.

Résultats du vote

Voix pour: 27

Voix contre: 34

Abstentions: 14


ANNEXE II

À l'Avis du Comité économique et social européen

Le passage suivant de l'avis de section a été rejeté au profit d'un amendement adopté par l'Assemblée, mais a obtenu au moins un quart des voix exprimées:

Paragraphe 6, Article 153 A

2.

Les mesures d'harmonisation prennent par priorité la forme de règlement.

Résultats du vote

31 voix pour la suppression de ce paragraphe

24 voix contre

14 abstentions.


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/80


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission — Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne: Un cadre politique pour renforcer l'industrie manufacturière de l'UE vers une approche plus intégrée de la politique industrielle»

(COM(2005) 474 final)

(2006/C 185/14)

Le 5 octobre 2005, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Marché unique, production et consommation», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 28 mars 2006 (rapporteur: M. Ehnmark).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 38 voix pour, 1 voix contre et 5 abstentions.

1.   Résumé de l'avis

1.1

La stratégie de Lisbonne fournit un grand nombre de mesures horizontales pour la création d'un cadre permettant d'améliorer la compétitivité de l'UE, mais les approches sectorielles sont jusqu'à présent absentes. Avec cette nouvelle communication de la Commission européenne, l'UE fait un nouveau pas en avant vers la création d'une politique industrielle européenne commune. Une politique et des priorités communes devraient améliorer la compétitivité de l'UE sur le marché mondial. C'est pourquoi nous nous félicitons au plus haut point de la communication de la Commission sur un cadre pour une politique industrielle intégrée.

1.2

Le CESE appuie l'analyse faite dans la communication des mesures de soutien indispensables dans 27 secteurs de l'industrie manufacturière, ainsi que l'instauration de 14 task-forces sectorielles et intersectorielles, afin de définir des mesures plus concrètes pour améliorer la compétitivité de l'industrie européenne.

1.3

La communication ne traite toutefois pas de certains aspects essentiels liés à l'élaboration et à la mise en œuvre d'une politique industrielle européenne. La responsabilité de la mise en oeuvre est confiée à d'autres unités de la Commission, aux gouvernements nationaux ou aux collectivités régionales et à l'industrie elle-même. La question de savoir «qui fait quoi?» reste ouverte.

1.4

En particulier, la communication ne souligne pas la nécessité de répartir le travail entre l'UE et l'échelon national. Les 14 nouvelles task-forces sectorielles opéreront principalement au niveau communautaire. Le CESE souligne qu'il est indispensable de mettre en place un système de coordination avec l'échelon national. Cela fera gagner du temps, l'industrie pouvant difficilement se permettre d'en perdre.

1.5

La communication n'apporte pas beaucoup d'éléments ni en ce qui concerne le rôle des gouvernements dans l'innovation et la compétitivité ni en ce qui concerne la frontière entre l'industrie manufacturière et les services.

1.6

Pour les travaux à venir, le CESE souligne l'importance d'impliquer étroitement les acteurs concernés et notamment les partenaires sociaux. Le CESE juge essentiel que les partenaires sociaux puissent parvenir à des accords sur les mutations industrielles et l'innovation, comme c'est déjà le cas dans certains pays de l'UE.

1.7

Au moyen de cette communication, l'UE répond à la question «L'industrie manufacturière européenne a-t-elle un avenir?». Le CESE, pour sa part, est prêt à inclure les questions de la politique industrielle européenne dans le réseau créé pour la stratégie de Lisbonne.

2.   Introduction

2.1

La révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne présentée en mars 2005 au Conseil européen a offert une vision très contrastée des résultats des cinq premières années.

2.2

C'est particulièrement dans les domaines de la croissance économique et industrielle et de la création d'emplois plus nombreux et meilleurs que la stratégie de Lisbonne a échoué. En termes de concurrence mondiale, l'Europe est confrontée à des difficultés. Un certain nombre d'études sur la croissance et la compétitivité placent en tête les États-Unis, ainsi que les pays scandinaves. Les grandes économies européennes sont loin derrière. Dans une étude récente réalisée par le Forum économique mondial, le Royaume-Uni arrivait en 13ème position, suivi de l'Allemagne en 15ème et de la France en 30ème, juste devant l'Espagne. Il convient toutefois de noter que certains nouveaux États membres de l'UE se comportent bien en termes de croissance économique: en 2005, le taux de croissance du PIB était de 5,5 % en Slovaquie et de 5,4 % en Pologne.

2.3

D'après une récente enquête sur la croissance de la productivité, réalisée par la société «The Conference Board», les premières économies européennes sont passées loin derrière les États-Unis, sur les 10 dernières années. En 2005, les 15 pays de l'UE pré-élargissement ont enregistré une croissance de leur productivité de 0,5 %, contre 1,8 % pour les États-Unis et 1,9 % pour le Japon.

2.4

En réponse aux décisions prises par le Conseil européen en mars 2005, la Commission européenne a présenté de nombreuses propositions et communications tout au long de l'année sur les questions de restructuration industrielle, de productivité, de compétitivité et de soutien à l'esprit d'entreprise et aux PME.

2.5

Ce qui fait défaut dans la gamme des nouvelles propositions, ce sont des efforts d'adaptation en fonction des secteurs industriels, notamment au niveau des problèmes rencontrés par l'industrie manufacturière, et la fourniture d'une base pour les mesures de soutien sectorielles ou verticales. Dans sa nouvelle communication «Vers une approche plus intégrée de la politique industrielle», la Commission se propose de combler ce vide.

3.   Grandes lignes de la nouvelle proposition de cadre politique

3.1

La communication peut être considérée comme le lancement d'un nouveau processus basé sur une analyse de la situation compétitive de 27 segments de l'industrie manufacturière.

3.2

La Commission met l'accent sur ce que les entreprises elles-mêmes considèrent comme le goulet d'étranglement de l'innovation, de la compétitivité et de la croissance. Elle insiste sur les PME, ce qui est logique étant donné que le secteur manufacturier de l'UE est composé en grande majorité de PME, qui comptent pour 58 % des emplois de l'industrie manufacturière. De nombreux acteurs concernés ont également été consultés durant les travaux préparatoires.

3.3

Les secteurs manufacturiers analysés dans la communication couvrent quatre grands domaines: les industries agroalimentaires et des sciences de la vie, les industries mécaniques et des systèmes, les industries de la mode et du design, et les industries de base et des biens intermédiaires. Concrètement, l'analyse porte sur des industries allant de la biotechnologie et des produits pharmaceutiques à la construction mécanique et électrique, en passant par les industries de la défense et de l'aérospatiale, du textile, de l'ameublement, des produits céramiques, de l'acier, des produits chimiques, de la pâte à papier et du papier.

3.4

Pour l'évaluation de la compétitivité des 27 secteurs, les critères suivants ont été utilisés:

créer un marché unique ouvert et concurrentiel;

développer les connaissances, c'est-à-dire la recherche, l'innovation et les compétences;

améliorer la réglementation;

assurer les synergies entre la compétitivité et les politiques énergétiques et environnementales;

assurer une participation totale et équitable sur les marchés mondiaux;

faciliter la cohésion sociale et économique.

3.5

Les conclusions sectorielles indiquent des cases où «un défi est considéré comme revêtant une priorité majeure pour chaque secteur parmi les nombreux défis politiques pertinents», selon les termes de la communication. Cette explication ne suffit toutefois pas à rendre les conclusions claires. Pour la biotechnologie, par exemple, la case équivalant aux besoins en matière de recherche est cochée mais pas celle équivalant aux besoins en matière de compétences. Pour le textile, les besoins en matière de recherche et de compétences sont signalés, ainsi que l'accès aux marchés, mais pas la nécessité de contrer les distorsions commerciales.

3.6

La Commission propose le lancement de 7 grandes initiatives politiques transsectorielles, afin de relever les défis communs et de renforcer les synergies. Ces 7 initiatives transsectorielles sont:

Initiative en matière de droits de propriété intellectuelle et de contrefaçon;

Groupe de haut niveau sur la compétitivité, l'énergie et l'environnement;

Aspects extérieurs de la compétitivité et accès au marché;

Nouveau programme de simplification législative;

Améliorer les qualifications au sein des secteurs;

Gestion des mutations structurelles dans l'industrie manufacturière;

Approche européenne intégrée de la recherche et de l'innovation industrielle.

3.7

Outre les initiatives intersectorielles, la Commission a identifié un certain nombre de nouvelles initiatives sectorielles, à savoir un forum pharmaceutique, un examen à mi-parcours de la stratégie relative aux sciences de la vie et à la biotechnologie, de nouveaux groupes de haut niveau sur l'industrie chimique et l'industrie de la défense, une initiative en matière d'industrie spatiale européenne, une task-force sur la compétitivité des TIC et le lancement d'un dialogue politique pour la construction mécanique.

4.   Observations générales

4.1

La nouvelle communication représente le premier véritable effort pour établir des initiatives sectorielles globales en faveur de la compétitivité et de l'innovation dans l'industrie manufacturière. Cette initiative est la bienvenue. Les initiatives et modèles horizontaux ne suffisent pas. De par sa structure, la nouvelle communication fournit une base précieuse pour la prise de décisions en matière d'actions concrètes. L'initiative comprend une analyse approfondie des questions de croissance et de compétitivité dans un certain nombre de secteurs industriels.

4.2

La Commission présente sa proposition comme un cadre de définition des priorités. L'objectif premier est d'introduire des mesures destinées à relever les défis de la mondialisation.

4.3

Il manque un lien clair entre les efforts réalisés à l'échelon communautaire et la participation indispensable des gouvernements, de l'industrie et des acteurs concernés aux échelons national et régional. Ce point devrait être amélioré ultérieurement, notamment au sein des nouvelles task-forces sectorielles et intersectorielles. Il existe cependant un risque évident que cela se traduise par beaucoup de planification et peu de mise en œuvre.

4.4

Afin d'éviter cela, le CESE recommande que des décisions spécifiques soient prises afin de garantir la coordination nécessaire. Cela permettrait une participation active renforcée des différents acteurs concernés.

4.5

La nouvelle communication, tout comme diverses autres propositions et communications, représente une nouvelle étape vers la création d'une politique industrielle européenne. Est-ce réaliste? Compte tenu des défis qui attendent l'industrie européenne, le CESE pense que c'est probablement la meilleure façon de promouvoir la compétitivité et d'utiliser les avantages spécifiques de l'Union, tels que sa base de connaissances étendues et la dimension considérable de son marché intérieur.

4.6

La Commission tient à souligner que la nouvelle communication entend être en accord avec l'esprit de la stratégie de Lisbonne et compléter les efforts totaux de cette stratégie. La mise en oeuvre véritable (davantage de recherche, d'éducation ou de réglementation) sera de la responsabilité d'autres services de la Commission, des gouvernements nationaux et des collectivités régionales. Il convient de coordonner la planification et la mise en œuvre.

4.7

L'approche de la Commission est assez ambivalente. Il faudrait revoir l'équilibre entre les programmes horizontaux et les nouveaux efforts sectoriels.

4.8

La communication n'inclut pas les ressources des différentes actions car les ressources nécessaires sur le plan communautaire doivent provenir du programme d'action en faveur de la compétitivité et de l'innovation, du programme-cadre pour la recherche, des fonds structurels et des programmes éducatifs, pour ne citer que les principaux. La coordination des politiques, y compris des ressources, sera une tâche difficile et délicate. En effet, les ressources financières communautaires disponibles sont relativement limitées par rapport aux besoins et à la demande.

4.9

L'introduction de nouvelles méthodes et outils de production avancés, notamment dans les PME, nécessitera des conditions de crédit avantageuses. La BEI et le FEI devraient être étroitement impliqués dans les travaux des groupes de planification sectorielle et intersectorielle.

4.10

Dans sa nouvelle proposition, la Commission se concentre sur l'échelon communautaire. Les aspects régionaux ne sont traités que de façon marginale. L'importance des zones métropolitaines, dotées d'un fort potentiel de promotion de l'innovation et de la compétitivité industrielles, est absente de l'analyse. Il faudra en tenir compte par la suite, tout comme des questions de politique industrielle régionale.

4.10.1

Le Comité remarque que la Commission ne fait aucune proposition particulière en ce qui concerne les secteurs industriels dont le degré de concentration régionale est particulièrement élevé.

4.11

Les trois thèmes qui ressortent des réponses de l'industrie et des acteurs concernés au sujet des mesures à prendre pour améliorer la compétitivité sont: davantage de recherche et de relations avec la recherche; davantage d'éducation et de formation, notamment au niveau des compétences; un accès facilité au soutien financier, notamment pour les entrepreneurs individuels et les microentreprises.

4.12

La plupart des secteurs manufacturiers analysés dans la nouvelle communication font du renforcement des compétences sectorielles un aspect pour lequel «un défi est considéré comme revêtant une priorité majeure», pour reprendre les termes de la communication. Les questions des compétences et de leur renforcement sont fondamentales. L'initiative trans-sectorielle proposée sur les questions de compétences devrait normalement donner naissance à des propositions innovantes.

4.13

La Commission, dans cette communication, s'intéresse peu à l'importance des gouvernements pour l'instauration de conditions de concurrence loyales pour l'industrie et notamment l'industrie manufacturière. Les travaux généreront certainement un certain nombre de commentaires sur le soutien que les gouvernements peuvent apporter à l'industrie, en termes d'éducation, de systèmes de transport, de réseaux d'énergie et de TIC, pour ne citer que quelques exemples.

4.14

La communication ne traite pas du fait que la frontière entre l'industrie manufacturière et les services est de plus en plus floue. Qu'est-ce que cela signifie en termes de ressources humaines, d'approches du marché et d'accès au marché, de réglementation et d'accès au financement?

4.15

En ce qui concerne l'accès au financement pour les PME, l'on remarque que seules 5 demandes spécifiques supplémentaires sont enregistrées dans la vaste analyse des 27 secteurs, à savoir les produits pharmaceutiques, la biotechnologie, les dispositifs médicaux et la construction mécanique et électrique. Il est assez surprenant que la même demande n'ait pas été enregistrée pour les industries de base et des biens intermédiaires, pour ne citer que cet exemple.

5.   Vers une politique industrielle européenne

5.1

Grâce à la nouvelle communication de la Commission européenne, l'UE fait un pas de plus vers la création d'un cadre commun pour une politique industrielle européenne. Cela est bienvenu. Une politique et des priorités communes devraient améliorer la compétitivité de l'Europe à l'échelle mondiale. Dans le même temps, il convient d'envisager la politique industrielle européenne dans le cadre des structures créées pour soutenir l'industrie (l'éducation et la recherche ne sont que deux exemples parmi d'autres) et pour la consultation avec les salariés, pour ne citer que quelques aspects. La compétitivité durable de l'Europe n'est possible qu'avec la pleine participation de la société et des citoyens.

5.2

L'on entend souvent que ce que l'industrie veut c'est un marché caractérisé par des conditions égales pour tous et doté de systèmes d'alerte clairs et non bureaucratiques. La position acceptée par le plus grand nombre est: le moins de bureaucratie possible et le plus de soutien (au sens général) possible. Lors d'un récent Conseil «Compétitivité», les ministres ont souligné que les contraintes législatives et réglementaires ne devaient pas avoir de conséquences négatives sur la compétitivité. D'un autre côté, on peut faire valoir qu'il conviendrait de ne pas présenter les obligations administratives communautaires comme un pur paramètre de coût, car dans bien des cas, elles sont venues remplacer 25 législations nationales différentes et diminuent ainsi les frais de fonctionnement. Dans une récente communication, la Commission explique que les coûts réglementaires, dont lesdites obligations administratives ne constituent qu'une composante parmi d'autres, doivent être étudiés dans un contexte large, qui englobe les inconvénients et les avantages économiques, sociaux et environnementaux de la réglementation.

5.3

La concurrence mondiale à laquelle est confrontée l'UE, ainsi que d'autres groupes de pays, est féroce. L'autosatisfaction n'y a pas sa place. Toutefois, pour l'Europe, la croissance et la compétitivité ne sauraient être des fins en soi. Il est globalement reconnu qu'il existe une vision sociale européenne, résumée dans la stratégie de Lisbonne: un niveau élevé de compétitivité basée sur la connaissance, des ambitions élevées en matière de cohésion sociale et une politique responsable en matière d'environnement. La politique industrielle européenne serait intégrée à la stratégie de Lisbonne tout en étant une ambition sur le long terme qui lui survivra. Cependant, en dépit des périodes considérées, la politique industrielle ferait partie intégrante des priorités communes formulées dans le cadre de la stratégie de Lisbonne.

5.3.1

La Commission a présenté une stratégie révisée de développement durable, sur laquelle le Conseil devra trancher dans le courant de cette année. La politique industrielle cadre est conforme aux priorités de la stratégie de développement durable.

5.4

La politique industrielle européenne devrait donc être tournée vers trois objectifs prioritaires: identifier les secteurs prioritaires pour une compétitivité durable, traiter les mesures prioritaires pour y parvenir et, enfin, accélérer l'unification du marché intérieur et en faire l'un des éléments clés pour promouvoir la création d'un marché caractérisé par des conditions égales pour tous. À l'échelon communautaire, cela signifie prêter attention à ce qui est réalisable au moyen d'initiatives au niveau communautaire. Une politique industrielle poursuivant ces objectifs pourrait apporter une réelle valeur ajoutée à l'industrie, aux gouvernements (aussi bien au niveau national que régional), aux partenaires sociaux et à la société civile organisée.

5.5

Le Comité salue l'annonce par la Commission de la création de groupes de travail portant sur plusieurs aspects. Cependant, il estime qu'il importe encore de clarifier les relations qu'entretient la politique industrielle avec deux autres domaines si l'on veut lever certaines ambiguïtés qui ont nui au développement de grands projets industriels européens.

5.5.1

Tout d'abord, il faut éclaircir les liens entre la politique de la concurrence et la politique industrielle.

5.5.2

Deuxièmement, la Commission a présenté un plan d'action afin de moderniser le droit des sociétés dont l'un des aspects réside dans le renforcement du droit des actionnaires. Il est essentiel que cette modernisation ne nuise pas aux investissements industriels.

5.5.3

Il conviendrait que le groupe des commissaires en charge des portefeuilles des affaires économiques, du marché intérieur, de la politique de la concurrence et de la Stratégie de Lisbonne se coordonne pour éviter tout risque d'incohérence qui mettrait en péril la crédibilité et l'efficacité de toute relance de la politique industrielle.

5.6

La politique industrielle européenne doit tenir compte du rôle important du secteur public en tant que fournisseur des connaissances et des infrastructures, pour ne mentionner que deux points essentiels. Dans certains pays, l'industrie et le secteur public entretiennent des relations très étroites, mais ce n'est pas le cas partout. Que les dépenses d'innovation des autorités atteignent aux États-Unis le double de l'Europe illustre bien l'importance que revêt le secteur public en la matière. De tels chiffres témoignent de la place qui revient à ce dernier, même si l'on considère qu'une fraction notable de ces montants va à des fins militaires. Sur le terrain européen, l'argent public qui a été alloué — et l'est encore en partie — dans certains pays au développement de nouveaux produits pharmaceutiques fournit un exemple pertinent. L'importance du secteur public est également illustrée par son rôle dans l'extension des services de TIC, notamment les réseaux à large bande.

5.7

La révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne a également incité les partenaires sociaux à élaborer des projets afin d'assurer l'avenir de l'industrie manufacturière européenne. L'UNICE, l'organisation européenne des employeurs, a fait de nombreux commentaires et propositions au sujet des résultats actuels de la stratégie de Lisbonne. L'association ORGALIME, représentant les industries mécaniques, électroniques et métallurgiques de 23 pays européens, a présenté un vaste projet de développement de l'industrie manufacturière européenne, en réaction à la communication de la Commission. Du côté des salariés, la Fédération européenne des métallurgistes (FEM) a présenté, à l'automne 2005, un projet destiné à relancer l'industrie manufacturière, qui reprend certaines propositions contenues dans les autres projets.

5.8

Dans son projet, la FEM énumère 15 mesures clés divisées en deux parties. Dans la première, intitulée «Recherche et développement», la FEM considère qu'il faut consacrer plus de ressources à la recherche et prêter davantage attention à l'innovation sociale. Dans la seconde partie, intitulée «Cadre social de l'innovation», la FEM énumère des mesures concrètes supplémentaires pour la promotion des PME, de l'esprit d'entreprise, de l'apprentissage tout au long de la vie et pour la restructuration des marchés du travail européens en privilégiant la sécurité sociale.

5.9

Ce programme d'action, tout comme d'autres projets des partenaires sociaux, témoigne d'une certaine convergence dans l'analyse des défis auxquels est confrontée l'industrie européenne. On peut globalement parler d'un vaste consensus à propos de la voie que doit suivre l'Europe. Cette identification en parallèle des principaux défis et des mesures fournit une plate-forme pour le dialogue social et les accords entre partenaires sociaux en faveur de l'innovation et de la compétitivité (voir point 6).

5.10

La stratégie de Lisbonne est parvenue à promouvoir le concept de société à forte intensité de connaissance et le rôle de leader de l'Europe en matière de qualifications, de compétences et de recherche et développement. La décision du Conseil européen de Barcelone de consacrer 3 % du PIB à la recherche a été largement applaudie et soutenue, du moins en théorie.

5.11

Il convient de noter que la Commission, dans ses échanges et discussions avec les représentants de l'industrie, n'a pas trouvé beaucoup de nouvelles idées et solutions pour le transfert de connaissance entre les universités et l'industrie. La Commission reviendra sur ces questions dans une communication ultérieure. Il est toutefois de la responsabilité même des entreprises d'établir de bonnes relations avec le secteur de la recherche. Compte tenu de la lenteur des progrès enregistrés en matière de mise en oeuvre de l'objectif de 3 % du PIB européen pour la recherche et le développement, cette absence d'idées pour le transfert de connaissances est préoccupante. Dans l'UE, la baisse du nombre d'étudiants dans les disciplines scientifiques et techniques par rapport à la situation chez les principaux concurrents de l'UE constitue une autre source de préoccupation. Il est essentiel que les PME renforcent la qualification de leur capital humain existant et intègrent des universitaires dans les processus de production et d'innovation. Le 7ème programme-cadre devrait aider les PME à introduire des technologies avancées de recherche et de production.

5.12

Dans ce contexte, il convient de rappeler que, même en consacrant 3 % de son PIB à la recherche, l'Europe restera derrière les États-Unis et le Japon. L'objectif des 3 % est un objectif intermédiaire, comme l'ont déjà compris certains États membres. La concurrence mondiale obligera l'Europe à revoir ses ambitions à la hausse d'ici 15 ou 20 ans.

5.13

Il est possible de faire le même type de commentaires en ce qui concerne le besoin de renforcement des compétences et de l'apprentissage tout au long de la vie. Un certain nombre de signaux nous parviennent de l'industrie au sujet de questions telles que le renforcement des compétences, mais il ne s'agit pas de questions pouvant être réglées au niveau de l'UE. À ce niveau, il n'est possible que d'identifier et d'analyser la nature des besoins, mais la mise en oeuvre véritable doit se faire aux échelons national et régional. Le CEDEFOP pourrait sans aucun doute diffuser des informations sur les expériences importantes.

5.14

Dans ce contexte, il convient de rappeler que le débat élargi en matière de politique de l'éducation sur l'apprentissage tout au long de la vie a en réalité commencé au début des années 1970, avec une importante étude réalisée par l'OCDE. Mais, depuis, très peu d'approches véritablement novatrices ont été mises en oeuvre pour faire correspondre les choix et les ressources de l'industrie, du secteur public et des individus eux-mêmes (qui pourraient demander de meilleures possibilités de renforcement de leurs compétences afin de faciliter leur mobilité sur le marché du travail).

5.15

Depuis que les projecteurs de l'actualité se sont braqués sur les déplacements et délocalisations d'entreprises, l'attention a été attirée sur la nécessité de garantir les droits fondamentaux des travailleurs à l'échelon de la planète tout entière. L'accord conclu en 1998 au sein de l'Organisation internationale du travail sur la «Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail» a jeté les bases d'une réglementation du travail et fourni une norme qui devrait être appliquée d'un bout à l'autre du dispositif de la gouvernance internationale. Les lignes directrices de l'OCDE constituent des engagements politiques de la part des gouvernements. Si l'on veut qu'il soit perçu positivement, il s'impose de prouver tout à la fois que le changement ne constitue pas un jeu à somme nulle et que dans les entreprises, les secteurs industriels, les régions et les marchés du travail, il est possible de le gérer sur un mode socialement équitable.

5.15.1

Il convient de reconnaître toute la portée des comités d'entreprise européens dans ce contexte. Ils constituent en effet une réponse concrète aux demandes en faveur d'une structure d'information et de consultation largement applicable au sein des entreprises transfrontalières. Bien que la mise en place de telles structures nécessite du temps et que la directive actuelle sur les comités d'entreprises soit assez floue, les comités d'entreprise font partie intégrante des efforts plus vastes en vue de l'élaboration d'une politique industrielle européenne.

5.16

Une politique industrielle européenne contribuerait largement à la compétitivité de l'UE. La communication de la Commission en est un élément essentiel. Le CESE en a énuméré d'autres. Le CESE suggère à la Commission de prendre l'initiative de lancer d'autres débats et dialogues dans le cadre du dialogue social et d'autres forums pertinents.

6.   Observations sur les propositions sectorielles

6.1

Le CESE appuie le choix des paramètres étudiés pour l'analyse des 27 segments de l'industrie manufacturière, mais au travers de cette approche très ambitieuse, certaines incohérences apparaissent dans les résultats individuels de l'analyse. Le CESE se félicite de cet effort et des conclusions, ainsi que du choix des thèmes pour le premier groupe de task-forces sectorielles et intersectorielles.

6.2

Le CESE se félicite tout particulièrement du projet de groupe de haut niveau sur la compétitivité, l'énergie et l'environnement. Les technologies environnementales et liées aux économies d'énergie peuvent donner à l'UE un avantage considérable à l'échelle mondiale. La récente prise de conscience mondiale quant aux dangers liés au changement climatique, du fait d'une trop forte dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles, devrait déboucher sur un puissant soutien aux efforts visant à modifier les modèles de production et de consommation. La tâche qui attend le groupe de haut niveau est redoutable, notamment parce que d'autres pays réalisent désormais de lourds investissements dans les technologies respectueuses de l'environnement (les États-Unis, pour ne citer qu'eux).

6.3

Le design est en train de devenir un élément clé dans le développement et la commercialisation des produits. Il conviendrait de le mettre en valeur, non pas en lui consacrant une task-force sectorielle à part entière, mais en tant qu'un des thèmes horizontaux communs à quelques task-forces. Dans un certain nombre de pays de l'UE, le design industriel est déjà une longue success story. Il est important d'en tirer parti.

6.4

La communication de la Commission ne traite pas explicitement des questions de communication et d'information de l'industrie elle-même ainsi que des différents groupes d'acteurs concernés. Cependant, compte tenu du fait qu'une partie considérable de la mise en œuvre devra se faire par l'information et la communication, ces questions devront faire l'objet de toute l'attention requise. Sinon, comment les nombreuses PME pourraient-elles obtenir les informations dont elles ont besoin sur les partenariats et les différentes mesures de soutien?

6.5

L'un des aspects cruciaux de la mise en œuvre sera le facteur temps. Du fait de la concurrence mondiale, le développement de produits dans l'industrie manufacturière ne peut se faire lentement. Les différentes task-forces à l'échelon européen devront donc adopter des calendriers serrés, afin de fournir une valeur ajoutée aux acteurs concernés par les décisions de l'industrie en matière d'investissements et de développement.

6.6

De même que la Commission, le CESE est préoccupé par le fait que le transfert d'emplois européens vers des pays à faible coût aura des conséquences douloureuses sur les plans local et sectoriel, notamment pour les salariés peu qualifiés, qu'il conviendrait d'aider à supporter les effets de la restructuration industrielle. Le CESE a déjà indiqué, dans d'autres contextes, que les fonds structurels devraient être davantage et mieux utilisés pour des mesures actives (et proactives) destinées à faire face aux effets de la mondialisation. La récente proposition en faveur d'un fonds de mondialisation sera examinée plus en détails par le CESE.

7.   Nécessité d'un dialogue social élargi

7.1

Dans certains pays, il existe déjà d'ambitieux accords entre partenaires sociaux sur l'innovation industrielle. Il s'agit d'expressions de priorités et intérêts mutuels pour le développement de l'industrie manufacturière.

7.2

Citons par exemple l'accord industriel signé entre les partenaires sociaux en Suède en 1997. Depuis cette date, les signataires de l'accord ont présenté de nombreuses propositions afin d'améliorer la compétitivité industrielle. Les signataires ont notamment axé leurs efforts sur la création d'instituts de recherche industrielle compétitifs, sur l'intensification des échanges entre l'industrie et les établissements d'enseignement, sur le soutien à l'innovation pour les jeunes entreprises et les entreprises émergentes et sur le soutien aux centres pour le développement industriel. Certaines de leurs propositions ont été acceptées par le gouvernement.

7.3

Le CESE souligne qu'il est absolument essentiel que les acteurs concernés, notamment les partenaires sociaux, soient étroitement impliqués dans les processus d'innovation, de compétitivité et de restructuration. La cadence des évolutions ne va pas diminuer. Il devient donc indispensable d'adopter une approche proactive de ces changements basée sur la confiance mutuelle. Une gestion réussie des mutations industrielles suppose un dialogue social fondé sur des partenariats solides et empreints de confiance et une culture de dialogue caractérisée par une représentation authentique et des structures stables. Une représentation authentique implique également des niveaux élevés de connaissance des questions et choix actuels.

7.3.1

Il convient de mentionner les efforts de nombreux comités d'entreprise européens (cf. § 5.14.1) pour renforcer les compétences des personnes participant à leurs travaux. C'est essentiel pour les deux parties prenant part au dialogue. En l'absence de niveaux élevés de connaissances et de compétences, les comités d'entreprise seront dans l'incapacité de jouer leur rôle en tant qu'acteur essentiel du processus de consultation et de dialogue.

7.4

Le CESE espère que la communication de la Commission en faveur d'une politique industrielle, ainsi que d'autres initiatives, inciteront les acteurs concernés, notamment les partenaires sociaux, à participer étroitement aux processus d'évolution. Le CESE a esquissé ses positions sur le thème du dialogue social et des mutations industrielles dans un avis qu'il a adopté en septembre 2005 (1).

7.5

En réponse aux conclusions du Conseil européen de 2005, le CESE a lancé un réseau interactif regroupant les expériences en matière de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. Le CESE envisage d'élargir ce réseau aux questions liées à la participation des acteurs concernés, et notamment des partenaires sociaux, à la définition de la politique industrielle européenne.

8.

En novembre 2005, la Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) a adopté un avis complémentaire sur la communication de la Commission «Vers une approche plus intégrée de la politique industrielle» (rapporteur: M. Pezzini).

8.1

La CCMI a jugé extrêmement intéressant le fait que la Commission européenne, dans sa communication, aborde, au sein de la politique industrielle, le thème d'une politique sectorielle. La CCMI s'est notamment dite convaincue que cette politique sectorielle pouvait être réellement efficace si elle était envisagée de manière structurée au sein du dialogue social, aux niveaux local, national et européen.

8.2

La CCMI a toutefois souligné que la communication de la Commission ne présentait aucune initiative concrète ni aucun plan d'action et, surtout, qu'elle ne prévoyait pas de ressources financières adéquates pour soutenir les politiques. Il serait à cet égard particulièrement important d'associer la BEI et le FEI aux projets d'entreprise.

8.3

La CCMI a également souligné que la Commission devait reconnaître l'importance d'un secteur public toujours plus moderne.

8.4

La CCMI a en outre rappelé l'importance d'une politique industrielle régionale volontariste. La CCMI a aussi mis l'accent sur la politique commerciale comme gage de réussite de la politique industrielle. Enfin, elle a insisté sur le respect des droits fondamentaux au travail définis dans les conventions de l'OIT.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  JO C 24 du 31 janvier 2006.


ANNEXE

À l'Avis du Comité économique et social européen

L'amendement suivant a été rejeté, mais a obtenu au moins un quart des voix exprimées:

Paragraphe 7.5

Supprimer la seconde phrase de ce paragraphe.

«En réponse aux conclusions du Conseil européen de 2005, le CESE a lancé un réseau interactif regroupant les expériences en matière de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. Le CESE envisage d'élargir ce réseau aux questions liées à la participation des acteurs concernés, et notamment des partenaires sociaux, à la définition de la politique industrielle européenne».

Exposé des motifs

Insister sur l'implication spécifique des partenaires sociaux à la définition de la politique industrielle européenne équivaut à minorer le rôle des petites et moyennes entreprises, des organisations professionnelles de spécialistes, des associations sectorielles et de la communauté scientifique dans la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.

Résultats du vote

Voix pour: 11

Voix contre: 27

Abstention: 1


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/87


Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions «Travailler ensemble, travailler mieux: Un nouveau cadre pour la coordination ouverte des politiques de protection sociale et d'inclusion sociale dans l'Union européenne»

(COM(2005) 706 final)

(2006/C 185/15)

Le 22 décembre 2005, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Emploi, affaires sociales, citoyenneté», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 20 mars 2006 (rapporteur: M. OLSSON).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 20 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 31 voix pour, 0 voix contre et 1 abstention.

1.   Synthèse de la position du CESE

1.1

Le Comité approuve l'essentiel de la communication. Elle renforcera en effet la dimension sociale de la stratégie de Lisbonne si les États membres confèrent, à travers le nouveau cadre, un poids politique plus important à l'objectif de modernisation et d'amélioration de la protection sociale. La dimension sociale est essentielle pour relever les défis suscités par la mondialisation et une population vieillissante. Les différents objectifs de la stratégie de Lisbonne, c'est-à-dire la croissance économique durable, des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, ainsi qu'une cohésion sociale renforcée, doivent être également défendus et conservés.

1.2

La Commission doit entamer un dialogue avec les États membres afin de les sensibiliser aux politiques sociales adéquates.

1.3

Tout en se félicitant de la présente initiative, le CESE fait toutefois observer que qu'il doit être tenu compte des spécificités des trois volets concernés, de leurs différents stades d'avancement ainsi que des différences entre États membres.

1.4

L'un des trois objectifs généraux consiste à «améliorer la gouvernance, la transparence et la participation des parties intéressées à la conception, à l'exécution et au suivi de la politique». Les partenaires sociaux et d'autres acteurs clés de la société civile organisée doivent être beaucoup plus impliqués dans tous les aspects essentiels du processus.

1.5

Le nouveau cadre et ses objectifs constituent pour les États membres l'occasion de souligner la dimension sociale de leurs PNR, en définissant et en mettant en œuvre des priorités nationales spécifiques.

1.6

Le CESE, dans le cadre de ses travaux en cours, effectue le suivi du nouveau cadre de coopération ouverte et rédige un rapport sur les progrès réalisés avant le sommet de printemps 2007.

2.   Résumé du document de la Commission

2.1

La Commission propose une méthode de coordination ouverte (MOC) rationalisée pour la protection sociale et l'insertion sociale, conformément à ses premiers projets de 2003. Des objectifs généraux communs sont définis et complétés par des objectifs spécifiques pour chacun des trois volets:

(1)

l'élimination de la pauvreté et de l'exclusion sociale;

(2)

la garantie de pensions adéquates et viables; et

(3)

la garantie de soins de santé et de soins de longue durée accessibles, de qualité et viables.

2.2

La proposition a pour objectif de définir un nouveau cadre pour faire de la MOC un processus plus fort et plus visible, mieux intégré dans la stratégie de Lisbonne. Les procédures et les modalités de travail (participation des acteurs, gouvernance, calendrier, rapports, évaluation, échange de bonnes pratiques, apprentissage mutuel, information) doivent être améliorées. Le nouveau cadre couvre une période de trois ans (2005-2008).

2.3

Sur la base des objectifs communs, les États membres sont tenus de soumettre leurs stratégies nationales sur la protection sociale et l'insertion sociale avant septembre 2006 de manière à ce qu'elles puissent être intégrées dans les programmes nationaux de réforme (PNR) qui doivent être présentés le 15 octobre 2006.

3.   Observations générales

3.1

Pour permettre au Comité de remplir son rôle consultatif, il aurait fallu que la proposition soit publiée avant le 22 décembre 2005. Ce retard a empêché le CESE d'apporter sa propre contribution aux formations du Conseil concernées ainsi que pour le sommet de printemps de mars 2006.

3.1.1

Le CESE a déjà remarqué la brièveté des périodes de consultation pour d'autres questions importantes telles que la proposition de la Commission sur les premières lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi (1) et émis des critiques à ce sujet.

Le Comité souligne que la qualité de la procédure consultative doit être maintenue à l'occasion du lancement de propositions importantes dans le cadre de la stratégie de Lisbonne révisée.

3.2

Dans tous les cas, la proposition reposant sur un cycle de trois années, cet avis peut contribuer à la mise en oeuvre et au suivi du nouveau cadre, à la fois par les États membres et par la Commission.

3.3

Le CESE a récemment pris position sur la gouvernance de la stratégie de Lisbonne, et communiqué par la même occasion ses observations sur la mise en œuvre de la MOC (2). En 2003, le Comité a adopté un avis sur la première proposition de la Commission concernant la rationalisation (3). Il a également fait part de ses réflexions sur l'utilisation de la MOC en relation avec les pensions et les soins de santé (4). Le CESE élabore actuellement aussi des avis sur d'autres sujets en rapport avec celui-ci (5).

3.4

À notre regret, seuls quelques uns des PNR présentés en octobre 2005 comportent certains éléments de protection sociale et d'insertion sociale. Les acteurs concernés doivent à présent concevoir et mettre en œuvre des stratégies nationales et des programmes de réforme afin de garantir la prise en compte de la dimension sociale. Le présent avis doit être considéré comme une contribution à ce processus.

3.5

Le Comité approuve l'essentiel de la communication. Elle renforcera en effet la dimension sociale de la stratégie de Lisbonne si les États membres confèrent, à travers le nouveau cadre, un poids politique plus important à l'objectif de modernisation et d'amélioration de la protection sociale. La dimension sociale est essentielle pour relever les défis suscités par la mondialisation et une population vieillissante. Les différents objectifs de la stratégie de Lisbonne, c'est-à-dire la croissance économique durable, des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, ainsi qu'une cohésion sociale renforcée, doivent être également défendus et conservés.

3.6

Compte tenu de ce contexte et de la persistance d'une situation sociale alarmante dans l'Union européenne, le CESE demande à la Commission européenne et aux États membres d'adresser un signal clair et positif aux citoyens, au sujet des efforts consentis pour insister sur la dimension sociale en tant que troisième pilier de la stratégie de Lisbonne.

3.7

Le CESE reconnaît que les politiques de protection sociale relèvent principalement de la compétence des États membres. Toutefois, la Commission doit entamer un dialogue avec les États membres afin de les sensibiliser aux politiques sociales adéquates. Le CESE demande aux États membres d'assumer leur responsabilité politique face aux défis auxquels ils sont confrontés. Le Comité souligne que la réalisation des objectifs européens fixés dans le nouveau cadre dépendra de la détermination et de la capacité de chaque État membre à remplir ses engagements visant à promouvoir le progrès social dans le cadre de la modernisation de la protection sociale afin de la rendre financièrement viable.

3.8

Les interactions nécessaires et positives entre la politique économique, les stratégies de l'emploi et la protection sociale doivent être pleinement exploitées. Des politiques sociales ambitieuses fondées sur la solidarité doivent être considérées comme un facteur productif ayant des impacts positifs sur la croissante et l'emploi (6). En même temps, le caractère durable des politiques sociales dépend de la croissance économique, soutenue par une meilleure coordination des politiques économiques à l'échelle européenne.

3.9

Tout en se félicitant de la présente initiative, le CESE fait toutefois observer que la réunion des trois volets, qui se trouvent chacun à un stade d'avancement différent, doit toujours tenir compte des spécificités des trois volets concernés, de leurs différents stades d'avancement ainsi que des différences entre États membres.

Il convient de tenir compte des différences de qualité des instruments européens de coordination des politiques nationales. Alors que, en matière d'insertion sociale, il est nécessaire de disposer d'orientations et d'objectifs concrets (cf. les orientations en matière de politique de l'emploi), la coordination européenne en est toujours, dans le domaine des pensions comme dans celui de la santé, au stade d'accords sur des objectifs qualitatifs généraux.

3.10

Toutefois, à l'occasion du développement et de la mise en œuvre des trois volets, les États membres devraient exploiter totalement les synergies entre eux, étant donné que ceux-ci se chevauchent très souvent. Une mesure prise dans l'un des volets est susceptible d'avoir un impact direct sur les autres. Il importe également que les États membres comblent le fossé existant entre la volonté politique et la mise en œuvre effective.

4.   Observations particulières

Participation des acteurs

4.1

L'un des trois objectifs généraux consiste à «améliorer la gouvernance, la transparence et la participation des parties intéressées à la conception, à l'exécution et au suivi de la politique».

La participation des partenaires sociaux et d'autres acteurs clés de la société civile organisée est toujours trop peu développée. L'utilisation de la MOC dans différents domaines n'a pas donné les résultats escomptés car les États membres n'ont pas fait preuve d'un engagement réel à l'égard des objectifs et actions convenus. Ainsi, plusieurs plans d'action nationaux présentent des lacunes en particulier concernant la définition de stratégies et d'objectifs nationaux précis, ainsi qu'en matière de participation active de tous les intéressés. Au lieu de cela, les programmes nationaux en faveur de l'emploi et de l'insertion sociale ou dans d'autres domaines ont été partiellement transformés en rapports d'activité bureaucratiques.

4.2

Le CESE a la conviction qu'une participation plus importante de la société civile organisée à toutes les étapes du processus augmentera la qualité des plans d'action nationaux. Ceci pourra garantir que les préoccupations et aspirations des citoyens seront prises en compte dans les plans.

4.3

La Commission indique à juste titre que la MOC peut promouvoir la participation à l'élaboration de la politique sociale. Il est essentiel de dégager un consensus sur les réformes destinées à réaliser la modernisation de la protection sociale en vue de la rendre viable financièrement, avec les partenaires sociaux et d'autres acteurs concernés de la société civile. Le CESE se prononce en faveur d'une implication extensive dans toutes les phases; depuis l'élaboration de la politique à sa mise en œuvre et à son évaluation. Toutefois, le fait de participer aux prises de décision n'exonère pas les législateurs élus de leur responsabilité en matière de promotion du progrès social et d'un niveau élevé de protection sociale.

4.4

Le CESE reconnaît que la MOC a progressé différemment dans les trois volets concernés par le nouveau cadre. Bien que celle-ci soit encore insuffisante, la participation a été plus importante pour la MOC sur l'insertion sociale que pour celle concernant les pensions. La participation des partenaires sociaux et d'autres acteurs clés à cette stratégie a été très limitée. Bien qu'il importe d'améliorer de toute urgence la MOC sur l'insertion sociale, le CESE insiste fortement, tout comme la Commission, sur la nécessité d'impliquer davantage les acteurs concernés dans les deux autres volets.

4.5

Contrairement à la MOC pour les pensions, pour laquelle la participation était limitée, le CESE a constaté un degré d'implication bien supérieur auprès d'acteurs clés à des actions législatives européennes concernant les pensions. C'est par exemple le cas pour les retraites professionnelles complémentaires. Ce contraste montre la nécessité de rendre la MOC plus attrayante et plus intéressante pour tous les acteurs concernés.

4.6

Le CESE propose que le comité de la protection sociale (CPS) organise des réunions plus régulières et plus larges avec des représentants des partenaires sociaux et d'autres organisations pertinentes de la société civile, tant au niveau européen que des États membres. Le CESE estime également que les représentants des gouvernements au sein du CPS ont une grande responsabilité à la fois pour organiser, et participer à des consultations avec des partenaires sociaux et d'autres acteurs de la société civile dans leur pays.

4.7

Le CESE, dans le cadre de ses travaux en cours sur la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne (7), devrait associer les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernées, ainsi que les conseils économiques et sociaux partout où ils existent au suivi du nouveau cadre de coopération ouverte, et à la rédaction d'un rapport sur les progrès réalisés avant le sommet de printemps 2007. Le Comité devrait en particulier se concentrer sur la gouvernance et les domaines dans lesquels une véritable participation des acteurs s'est avérée efficace pour concevoir et mettre en œuvre des priorités nationales.

4.8   Transparence

Pour que la participation ait un sens, les acteurs concernés doivent avoir accès à un stade précoce aux principaux documents sur les questions politiques. La transparence est également nécessaire lorsque la Commission européenne et les États membres analysent et évaluent le nouveau cadre, par exemple en procédant à des «évaluations par les pairs» et en définissant des indicateurs.

4.9   Apprentissage mutuel et bonnes pratiques

Pour chacun des trois volets, il importe au plus haut point de tirer les leçons des expériences d'autrui. Il y a lieu de développer des systèmes efficaces pour le transfert des meilleures pratiques et l'exploitation des mesures non législatives. L'échange d'expériences et l'apprentissage mutuel doivent associer les décideurs à tous les niveaux. Étant donné que les partenaires sociaux et les autres acteurs de la société civile concernés possèdent un savoir unique et une grande expérience des politiques sociales, ils doivent être associés à l'identification et à l'évaluation des possibilités de transfert des bonnes pratiques. Les questions horizontales essentielles à la réussite du nouveau cadre comprennent des modèles de participation aux prises de décision et d'implication des acteurs concernés. Une autre question essentielle est de trouver des manières et des méthodes pour créer une société qui soit facteur d'intégration pour tous. Enfin, il est nécessaire de réconcilier la protection sociale et la compétitivité sans marginaliser les catégories qui se trouvent en dehors du marché du travail. A cet égard, le CESE rappelle les débats actuels sur l'approche de l'emploi reposant sur le cycle de la vie, et l'équilibre entre flexibilité et sécurité de l'emploi (8).

4.10   Évaluation par les pairs

L'évaluation par les pairs ainsi que l'échange de bonnes pratiques sont des instruments intéressants, car ils sont concrets et stimulants pour les personnes concernées. La Commission doit veiller à ce que les partenaires sociaux et les autres organisations de la société civile concernées soient associées aux évaluations par les pairs.

4.11   Programme européen Progress

Les partenaires sociaux et d'autres organisations concernées de la société civile doivent être susceptibles de mener à bien des projets dans tous les volets du nouveau programme Progress. Dans son avis, le CESE a exprimé sa préoccupation au sujet du faible niveau de ressources financières alloué à ce programme (9). Notre inquiétude a encore grandi après la décision du Conseil européen sur les perspectives financières pour 2007-2013. Le CESE souligne fermement qu'il a déjà demandé à ce que des ressources suffisantes soient prévues pour l'ensemble des volets du programme, notamment les projets relatifs à la protection sociale et à l'insertion sociale.

4.12   Indicateurs

Une approche analytique reposant sur des indicateurs de qualité, fiables et comparables est nécessaire pour apporter une photographie suffisamment détaillée et objective des progrès concernant ces objectifs. Des ressources en matière de recherche sont nécessaires afin d'identifier les indicateurs pertinents. La fiabilité de la collecte et du traitement des données doit impérativement être garantie. Alors que les indicateurs sont fixés à la fois à l'échelon européen et à l'échelon national, le CESE réitère sa demande pour que les acteurs concernés soient invités à prendre part à la formulation et à l'évaluation d'indicateurs (10). Le comité de la protection sociale (CPS) ainsi que les États membres devraient tous agir dans ce sens.

Il convient de développer des indicateurs qualitatifs. Il est important que des critères pertinents, fondés sur les besoins humains, se reflètent dans le choix d'indicateurs afin de mesurer par exemple l'accessibilité générale de la protection sociale, la qualité par rapport aux attentes, ainsi que l'implication des usagers et le fait de leur accorder un traitement favorable.

Il est nécessaire de rapprocher les indicateurs utilisés dans la MOC avec ceux utilisés dans la stratégie de Lisbonne, afin de donner une image globale des progrès accomplis.

4.13   Accroître la visibilité

En de nombreuses occasions, le CESE a souligné que la communication entre l'Europe et ses citoyens est gâchée par le manque actuel d'information pertinente et transparente. Étant donné que le nouveau cadre porte sur des questions touchant de près les citoyens, le CESE souligne l'importance d'organiser un débat permanent à tous les niveaux pour pouvoir relever les défis futurs et faire des choix stratégiques dans les domaines de la protection sociale, des pensions, des soins de santé et de l'insertion sociale. Dans ce contexte, la Commission européenne doit également renforcer la visibilité de ses propres actions. Les propositions sur la manière de promouvoir un débat de ce type dans le contexte de la stratégie de Lisbonne sont disponibles dans d'autres avis (11).

5.   Observations complémentaires sur les objectifs

5.1

Le nouveau cadre et ses objectifs constituent pour les États membres l'occasion de souligner la dimension sociale de leurs PNR, en définissant et en mettant en œuvre des priorités nationales spécifiques liées aux objectifs généraux de Lisbonne, dans le plein respect du principe de subsidiarité des États membres. Toutefois, le CESE demande aux États membres d'utiliser intégralement les orientations préparées par la Commission européenne (12).

5.2

Concernant le volet relatif à l'insertion sociale, «Élimination de la pauvreté et de l'exclusion sociale», les États membres élaboreront au cours de l'année 2006 de nouveaux plans d'action nationaux sur l'insertion sociale.

5.2.1

le CESE estime que des mesures concrètes doivent être prises en ce qui concerne les actions prioritaires définies par le Conseil «Emploi et affaires sociales» en mars 2005. Le CESE rappelle l'objectif de l'UE selon lequel les États membres ont des étapes décisives à franchir afin d'éradiquer la pauvreté en 2010 (13). En outre, le CESE souligne que les politiques visant à lutter contre l'exclusion sociale ont un rôle important à jouer pour relever le défi démographique auquel nous sommes confrontés.

5.2.2

Le CESE considère qu'il importe en particulier de se concentrer sur les éléments suivants:

la lutte contre la pauvreté, en particulier celle qui touche les enfants, dans le cadre d'une politique soutenant les enfants et les familles (notamment les parents isolés), et l'égalité, évitant ainsi la transmission de la pauvreté entre les générations;

la création de nouveaux emplois, de meilleure qualité, pour les plus défavorisés, ainsi que les «travailleurs pauvres»;

la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes;

la promotion de l'égalité des chances pour les personnes atteintes d'un handicap;

les mesures antidiscrimination;

l'intégration des minorités ethniques;

la prévention et la lutte à l'égard du phénomène des sans-abri;

l'accès à des soins de santé et des services sociaux de qualité, indépendamment de son niveau de revenus;

la situation des personnes souffrant de maladies chroniques;

un revenu minimum garanti, des mesures visant à limiter l'endettement et l'accès aux services financiers et aux microcrédits.

5.3

Concernant le volet relatif aux pensions «pensions adéquates et viables», des stratégies nationales sur les retraites ont été présentées l'année dernière; seuls quelques ajustements sont attendus en 2006.

5.3.1

Les questions prioritaires pourraient notamment porter sur:

la garantie d'un revenu pour les personnes âgées, leur permettant de vivre dans la dignité et évitant ainsi leur marginalisation;

des systèmes de retraite prévoyant une couverture adéquate des personnes employées sur la base de nouveaux types de contrats et des indépendants;

aide aux citoyens dans le cadre de la planification de leur retraite.

5.4

Concernant le volet relatif aux soins de santé et aux soins de longue durée: «des soins de santé et des soins de longue durée accessibles, de qualité et viables», les États membres vont élaborer des plans nationaux pour la première fois.

5.4.1

Le CESE souhaite souligner le fait que des services de soin de qualité et correspondant à des normes techniques excellentes devraient être accessibles à tous. Si l'on veut pouvoir créer des soins de santé et des soins de longue durée financièrement viables, des actions préventives dans le domaine de la santé sont d'une importance cruciale.

5.4.2

Les questions prioritaires des nouveaux plans d'action nationaux pourraient notamment porter sur:

des soins de santé préventifs, à caractère aussi bien médicaux que non médicaux;

des soins sur les lieux de travail pour tous, afin de lutter en particulier contre les maladies mentales et physiques, et ainsi permettre de prolonger la vie professionnelle;

la coopération entre les fournisseurs de services sociaux et de soins de santé;

la relation entre les prestataires de soin et les producteurs de biens et services dans ce secteur;

les services à la population dépendante;

les normes de qualité;

la formation pour les différentes catégories de travailleurs sociaux et de la santé afin de conserver les professionnels de la santé en place et d'attirer de nouveaux travailleurs dans ce secteur;

les droits des patients;

la prestation d'aide à domicile.

Bruxelles, le 20 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Avis du CESE sur les «Lignes directrices pour l'emploi: 2005-2008», rapporteur M. Henri MALOSSE. JO C 286 du 17.11.2005.

(2)  Avis du CESE sur «Le cheminement vers la société européenne de la connaissance - La contribution de la société civile organisée à la stratégie de Lisbonne» (avis exploratoire), rapporteur: M. Jan OLSSON, corapporteurs: Mme Eva BELABED et M. Joost VAN IERSEL, JO C 65 du 17.3.2006.

(3)  Avis du CESE sur le «Renforcement de la dimension sociale de la stratégie de Lisbonne: Rationalisation de la coordination ouverte dans le domaine de la protection sociale», rapporteur: M. Wilfried BEIRNAERT, JO C 32 du 5.2.2004.

(4)  Avis du CESE sur la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social - «Une approche intégrée au service des stratégies nationales visant à garantir des pensions sûres et viables», rapporteuse: Mme Giacomina CASSINA, JO C 48 du 21.2.2002, p. 101.

(5)  Travaux du CESE en cours sur «Cohésion sociale: modèle social européen», SOC 237 et sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant une procédure visant à mettre en oeuvre le règlement (CE) No883/2004 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale», SOC 197.

(6)  Avis du CESE sur la «Communication de la Commission – L'Agenda social», p. 12, rapporteuse: Mme Engelen-Kefer, JO C 294 du 25.11.2005.

(7)  Mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne, contributions suite au mandat du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005.

(8)  Avis du CESE sur la «Flexécurité: le cas du Danemark», rapporteuse: Mme Anita VIUM, ECO/167; et avis du CESE sur «Le cheminement vers la société européenne de la connaissance – La contribution de la société civile organisée à la stratégie de Lisbonne» (Avis exploratoire), rapporteur: M. Jan OLSSON, corapporteurs: Mme Eva BELABED et M. Joost VAN IERSEL, JO C 65 du 17.3.2006.

(9)  Avis du CESE sur la «Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme communautaire pour l'emploi et la solidarité sociale – Progress», rapporteur: M. Wolfgang GREIF, JO C 255 du 14.10.2005.

(10)  Avis du CESE sur «Les indicateurs sociaux» (avis d'initiative), Rapporteuse: Mme Giacomina CASSINA, JO C 221 du 19.09.2002.

(11)  Avis du CESE sur la «Contribution de la Commission à la période de réflexion et au-delà: Le Plan D comme Démocratie, Dialogue et Débat», (avis d'initiative), Rapporteuse: Mme Jillian VAN TURNHOUT, JO C 65 du 17.3.2006 et l'avis du CESE sur la «Représentativité des organisations européennes dans la société civile dans le cadre du dialogue civil», Rapporteur: M. OLSSON, SC/023, paragraphes 7.6 – 7.7.

(12)  Document de travail de la Commission européenne sur les orientations destinées à préparer les rapports nationaux sur les stratégies en matière de protection sociale et d'insertion sociale («Guidelines for Preparing National Reports on Strategies for Social Protection and Social Inclusion»)

(13)  Conseil européen de Lisbonne, mars 2000.


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/92


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux informations concernant le donneur d'ordre accompagnant les virements de fonds»

(COM(2005) 343 final — 2005/0138 (COD))

(2006/C 185/16)

Le 26 septembre 2005, le Conseil, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 23 mars 2006 (rapporteur: M. BURANI).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 21 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté l'avis suivant par 85 voix pour, 15 voix contre et 6 abstentions.

1.   Introduction

1.1

La proposition à l'examen vise à transposer la recommandation spéciale VII (RS VII) du Groupe d'action financière (GAFI) dans le droit communautaire. Cette recommandation a pour objectif «d'empêcher les terroristes et autres criminels d'avoir un accès sans entrave aux virements électroniques lors du déplacement de leurs fonds et de détecter ces abus lorsqu'ils se produisent» (1). Elle fait partie d'une série de dispositions législatives et réglementaires visant d'une part le gel des avoirs terroristes  (2) et d'autre part la prévention du blanchiment de capitaux provenant d' activités terroristes  (3).

1.2

En substance, les mesures proposées par la Commission dans le document à l'examen sont présentées de façon simple mais sont denses en contenu et leur mise en œuvre s'avère lourde de conséquences. La proposition prévoit l'obligation pour les «prestataires de services de paiement» — concrètement, les institutions financières procédant aux virements de fonds — de collecter les informations concernant le donneur d'ordre: celles-ci doivent accompagner les virements de fonds et être transmises par le prestataire du donneur d'ordre au prestataire du destinataire final (ou bénéficiaire). Cette règle s'applique aux mouvements de capitaux au sein de l'UE et, sauf rares exceptions et dérogations, aux virements à destination et en provenance de pays tiers.

1.3

Le CESE souscrit pleinement à la nécessité d'un règlement tirant sa légitimité de l'article 95 du Traité. Cette solution a également reçu un accord préalable des États membres et du secteur des prestataires des services de paiement. Il existe un consensus général sur l'opportunité d'adopter un instrument d'application directe tel que le règlement plutôt qu'une directive, dont la transposition dans les législations nationales ne saurait être homogène. Les actions prévues dans le document de la Commission sont, d'une façon générale, correctes et rationnelles. Le CESE reste cependant perplexe quant à leur efficacité réelle, du moins à court terme.

1.4

Le CESE estime en effet que ce règlement présente certaines «insuffisances», ce pour deux raisons essentielles: il laisse aux prestataires de services de paiement une grande marge d'évaluation individuelle et prévoit des modalités techniques très faciles à contourner par les criminels.

2.   Observations générales et commentaires

2.1

Le problème de la lutte contre les activités illégales (euphémisme — qu'il serait d'ailleurs temps d'abandonner — utilisé dans le jargon communautaire pour désigner les activités du crime organisé) a été soulevé pour la première fois de façon organique, du moins d'un point de vue conceptuel, par le Conseil de Dublin en 1996. Les débats sur ce thème ont débouché sur l'adoption d'un programme d'action par le Conseil d'Amsterdam en 1997 (4). Il s'agissait d'une trentaine de recommandations détaillées et coordonnées qui auraient dû être mises en œuvre en 1998 au plus tard et qui après huit ans n'ont pour la plupart toujours pas été concrétisées.

2.2

Le concept de «criminalité organisée» a évolué depuis sa création: en 1998, l'OLAF (5) (UCLAF à l'époque) a attiré l'attention sur la fraude fiscale de grande envergure perpétrée par le crime organisé au détriment des intérêts financiers de la Communauté. Plus tard, à la suite des événements du 11 septembre et des attentats qui ont suivi, le concept a été élargi clairement et fermement aux actes de terrorisme.

2.3

Le groupe d'action financière (GAFI) mis en place par les pays industrialisés du G8, qui jusqu'à ce jour constitue le premier intermédiaire entre les gouvernements, s'est mis au diapason de l'évolution des mentalités et de l'adaptation des actions menées sur le terrain. Créé afin de lutter contre le blanchiment de capitaux du fait du crime organisé, le GAFI est désormais compétent pour toutes les activités financières liées au terrorisme: les neuf recommandations spéciales, qui ont pour la plupart donné lieu à des textes communautaires relatifs au blanchiment et aux systèmes de paiement, revêtent une importance non négligeable. La proposition de règlement à l'examen constitue la transposition de la recommandation spéciale VII relative aux virements électroniques effectués par des terroristes «et autres criminels».

2.4

L'adoption du principe selon lequel les activités financières illégales, qu'elles soient liées au terrorisme ou au crime organisé, constituent un phénomène mondial contre lequel il faut lutter de façon coordonnée aurait le mérite d'apporter une clarification linguistique qui s'avère importante notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des actions de lutte sur le terrain. Il arrive que la priorité soit accordée à l'un ou l'autre, tant au niveau communautaire qu'au niveau national: la multitude d'initiatives adoptées dans ce domaine parlent tantôt de «crime organisé, y compris le terrorisme» tantôt de «terrorisme et autres activités criminelles». Il n'est pas toujours facile — pour les enquêteurs et à plus forte raison pour les prestataires de services de paiement — de classifier les activités financières illégales selon des catégories bien précises, d'autant que dans certains domaines, le terrorisme a développé des liens étroits avec le crime organisé et inversement: trafic d'armes et de drogue, immigration clandestine, falsification de billets et de documents, entre autres.

2.5

En ce qui concerne la lutte contre les activités financières illégales, le crime organisé et le terrorisme constituent donc deux aspects d'un même phénomène. Le fait que cette réalité semble parfois ignorée est notamment due à l'introduction de la proposition de règlement à l'examen, qui parle à plusieurs reprises de «lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme». Sans entrer pour l'instant dans les détails des mesures prévues, le CESE estime néanmoins que cette formulation risque de prêter à confusion, pour des raisons qui seront exposées plus clairement dans les commentaires relatifs aux différents articles. Il doit être bien clair qu'il est ici question de crime organisé et de terrorisme.

2.6

Il faut noter à cet égard que la confusion provient des textes du GAFI lui-même: le titre des neufs recommandations spéciales évoquées au paragraphe 2.3 est «Financement du terrorisme» sans plus de précisions, les notes interprétatives qui les accompagnent sont intitulées «Recommandations spéciales sur le financement du terrorisme» (6) tandis que le texte parle «d'empêcher les terroristes et autres criminels d'avoir un accès sans entrave» (7) . Lorsqu'elle a transposé la recommandation du GAFI, la Commission a repris cette distinction en classant la proposition de règlement parmi les mesures de lutte contre le terrorisme. Selon le CESE, ces mesures devraient au contraire être considérées comme des moyens de lutte contre le blanchiment de capitaux et le crime organisé. Si du point de vue juridique cette distinction n'est pas très importante, il en va tout autrement sur le plan pratique et opérationnel, comme nous tenterons de l'expliquer dans les commentaires exprimés ci-après.

3.   Observations relatives au texte de la proposition

3.1

Article 2: Champ d'application. Le règlement est applicable aux virements de fonds qui sont envoyés ou reçus par un prestataire de services de paiement établi dans la Communauté et dont le bénéficiaire ou le donneur d'ordre est également établi dans la Communauté. Il est également applicable (article 7) aux virements de fonds effectués depuis la Communauté à destination de bénéficiaires de pays tiers et vice versa (article 8) moyennant quelques adaptations.

3.1.1

Le règlement n'est pas applicable aux virements de fonds résultant d'une opération commerciale effectuée à l'aide d'une carte de crédit ou de débit, à condition qu'un identifiant unique permettant de remonter jusqu'au donneur d'ordre accompagne tous les virements de fonds résultant de cette opération. Les opérations réalisées au moyen de monnaie électronique («e-money»), c'est-à-dire de cartes prépayées, ne sont pas nommément exclues mais pas non plus explicitement mentionnées. Les modalités techniques feront l'objet de commentaires de la part des prestataires de services de paiement Pour sa part, le CESE constate que les exigences relatives aux opérations effectuées à l'aide d'une carte ne sont pas les mêmes que celles relatives aux ordres de paiement: le prestataire de services de paiement du donneur d'ordre (à qui est envoyé un extrait de compte reprenant dans le détail les opérations effectuées) n'est pas informé des activités exercées par le bénéficiaire ni de la nature du rapport entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire. Dans la plupart des cas, non seulement il sera impossible de faire la distinction entre les opérations commerciales et les autres opérations, mais de plus il sera souvent techniquement impossible d'identifier le donneur d'ordre.

3.2

Article 5: informations accompagnant les virements de fonds. Les prestataires de services de paiement doivent veiller à ce que les virements de fonds soient accompagnés des informations complètes sur le donneur d'ordre, après les avoir vérifiées et s'être assuré qu'elles sont complètes et fiables. Pour les virements de fonds à des bénéficiaires en dehors de la Communauté à concurrence de 1 000 euros, les prestataires de services de paiement «peuvent» déterminer l'étendue de cette vérification. Cette marge de manœuvre — raisonnable et réaliste — peut toutefois permettre d'importants flux financiers considérés comme des envois de fonds de la part des émigrés mais destinés en apparence seulement aux familles restées dans le pays d'origine. Par ailleurs, la vérification généralement exigée pour tous les autres ordres de paiement pose un problème pour ce type de virements, souvent effectués au comptant via différents prestataires de services de paiement par une multitude d'individus dont l'identification ne présente pas un intérêt particulier.

3.2.1

Quoi qu'il en soit, l'exemption applicable aux virements inférieurs à 1 000 euros oblige les prestataires de services de paiement à mettre en œuvre des procédures distinctes, coûteuses et inutiles. Il serait préférable de faire référence, dans cet article, aux actuelles réglementations en matière de blanchiment de capitaux applicables aux virements effectués par des donneurs d'ordre qui ne seraient pas titulaires d'un compte courant.

3.3

Article 9: Virements de fonds pour lesquels les informations sur le donneur d'ordre manquent ou sont incomplètes. Selon l'article 6, le prestataire de services de paiement du donneur d'ordre doit communiquer au prestataire de services de paiement du bénéficiaire les informations complètes sur le donneur d'ordre. Lorsque ces informations sont manquantes ou incomplètes, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire doit les demander auprès du prestataire de services de paiement du donneur d'ordre. Celui-ci peut soit refuser le virement, soit conserver les fonds soit mettre les fonds à la disposition du bénéficiaire, sous sa responsabilité et dans le respect des réglementations relatives au blanchiment de capitaux. Lorsque ce fait se répète, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire doit refuser tous les ordres de paiement provenant de ce prestataire de services de paiement ou mettre fin à sa relation commerciale avec lui. Ce fait doit être déclaré «aux autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme».

3.3.1

L'obligation imposée à un établissement de crédit de mettre fin dans les cas prévus à ses relations avec un autre établissement de crédit pose à l'évidence un problème de proportionnalité: en effet, les relations entre les établissements de crédit internationaux ne se limitent pas aux virements de fonds, qui n'en constituent généralement qu'une petite partie, mais incluent aussi des lignes de crédit, des services, des opérations sur titres, etc., qui mettent en jeu des sommes bien supérieures à un virement de fonds illégal ou supposé tel. Une interruption immédiate des relations commerciales, comme le propose la Commission, occasionnerait des dommages considérables et injustifiés tant aux prestataires de services de paiement qu'à leurs clients.

3.3.2

Les termes «autorités responsables» posent le problème de fond évoqué dans l'introduction du présent document. Sachant que les dispositions générales en matière de blanchiment de capitaux attribuent de lourdes responsabilités — y compris pénales — aux prestataires de services de paiement et à leur personnel, il n'est pas toujours facile de déterminer si une opération, une fois qu'elle a été jugée «suspecte», est imputable à la «petite délinquance» ou au terrorisme. Tous les pays sont dotés de divers services de renseignements et de répression: police criminelle (parfois scindée en deux organes distincts), police financière, douanes, services secrets. En l'absence d'indications précises, c'est aux prestataires de services de paiement qu'il reviendra d'identifier les autorités auxquelles ils doivent s'adresser. Le règlement exige donc des prestataires de services de paiement qu'ils prennent des décisions sortant de leurs compétences professionnelles.

3.3.3

Il conviendrait donc d'élaborer une réglementation contraignant les États membres à créer un point de contact unique pour la collecte des notifications et pour leur diffusion parmi les services de renseignements compétents (8). Cette proposition figurait déjà dans le programme du Conseil de 1998.

3.4

Article 10: Évaluation des risques. Cet article stipule que des informations incomplètes sur le donneur d'ordre doivent être considérées comme suspectes par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire, qui doit le déclarer aux autorités compétentes. La réglementation en vigueur laisse au prestataire de services de paiement la faculté de déterminer au cas par cas s'il s'agit d'une erreur, d'une omission ou d'un cas suspect: cette tâche peut s'avérer ardue si l'on considère qu'un prestataire de services de paiement doit traiter quotidiennement une quantité impressionnante d'opérations. Les observations exprimées aux paragraphes 3.3.2 et 3.3.3 s'appliquent également à la notification.

3.5

Article 13: Limites techniques. Cet article s'applique aux virements provenant de pays tiers: les informations sur le donneur d'ordre, qu'elles soient ou non complètes, doivent être conservées par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire pendant au moins cinq ans. Lorsque le prestataire de services de paiement intermédiaire est situé dans la Communauté, il doit en informer le prestataire de services de paiement du bénéficiaire. Ces dispositions ne suscitent pas de commentaire particulier, si ce n'est que la conservation des données pour une période aussi longue peut entraîner des coûts considérables et la nécessité de stocker des millions d'informations: une telle mesure n'est justifiable que si elle se révèle vraiment utile. Il serait peut-être préférable de réfléchir sur ce point et de limiter l'obligation de conserver les informations aux virements supérieurs à un certain montant.

3.6

Article 14: Obligations de coopération. Les prestataires de services de paiement sont soumis à l'obligation de coopérer avec les autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme, et de fournir avec célérité les informations demandées qui sont en leur possession. Ces autorités ne peuvent exploiter ces informations «qu'à des fins de prévention, d'investigation, de détection ou de poursuite des activités de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme».

3.6.1

Le CESE approuve totalement ces dispositions. Il souhaite cependant émettre un commentaire en réponse aux réserves manifestées par certains concernant une éventuelle violation des réglementations relatives à la protection de la vie privée: l'intérêt supérieur de la collectivité dans sa lutte contre un danger social extrêmement préoccupant exige dans certains cas que l'on déroge aux grands principes afin de la protéger. L'obligation pour les autorités de n'utiliser les informations récoltées qu'à des fins bien déterminées constitue en soi une garantie contre d'éventuelles dérives. Plus généralement, il faut partir du principe en vertu duquel le donneur d'ordre d'un virement en faveur d'organismes remplissant de «véritables» missions sociales ou d'utilité publique n'a rien à craindre: il ne s'agit en effet ni d'évasion fiscale ni d'infraction à la législation ni d'acte répréhensible.

3.6.2

Par ailleurs, on est en droit de s'interroger sur l'efficacité pratique de telles mesures. Pour les prestataires de services de paiement devrait valoir le principe général d'une bonne connaissance de la clientèle qui, s'il était appliqué, permettrait d'exempter des contrôles et de l'obligation de notification les clients dont l'honorabilité est connue et prouvée. Cette règle est assez facile à appliquer en ce qui concerne le bénéficiaire. En revanche, le contrôle du donneur d'ordre est bien plus difficile et complexe à mettre en oeuvre, surtout lorsque les virements sont effectués selon les modalités évoquées au paragraphe 3.1.1 ci-dessus.

3.7

Article 19: Virements de fonds à des organisations charitables à l'intérieur d'un État membre. Cet article prévoit une dérogation aux dispositions de l'article 5: les États membres peuvent exempter les prestataires de services de paiement des obligations relatives à la communication des informations sur le donneur d'ordre pour les virements de fonds destinés à des organisations exerçant des activités à finalité charitable, religieuse, culturelle, éducative, sociale, fraternelle ou environnementale et visant le développement durable, à condition que:

a)

ces organisations soient soumises à des obligations d'information et d'audit externe ou à la surveillance d'une autorité publique;

b)

ces virements de fonds soient limités à un montant de 150 euros;

c)

ces virements de fonds soient effectués exclusivement sur le territoire de cet État membre.

3.7.1

Pour les États membres appliquant le régime dérogatoire prévu, il sera sans doute extrêmement difficile de tenir un registre des organisations concernées et de contrôler le respect des réglementations. Le prestataire de services de paiement serait en outre dans l'obligation de vérifier au cas par cas que le donneur d'ordre est inscrit sur une liste «blanche» constamment mise à jour, ce qui constituerait sans aucun doute une lourde tâche. La situation varie néanmoins d'un pays à l'autre: dans les États où la réglementation est insuffisante, il sera très difficile de faire respecter la disposition visée au paragraphe 3.7 a).

3.7.2

L'exemption prévue par la proposition de règlement est fondée sur le fait que les objectifs sociaux poursuivis par ces organisations constituent en soi une garantie en ce qui concerne l'utilisation correcte des fonds. C'est exact en ce qui concerne la plupart de ces organismes, les organisations connues et les souscriptions ouvertes en cas de calamités publiques; mais il n'en est pas moins vrai que des organisations terroristes s'infiltrent ou trouvent une couverture parmi d'autres organismes de moindre importance et moins connus poursuivant des objectifs à finalité prétendument sociale ou d'utilité publique. S'agissant des activités mentionnées à la fin du paragraphe 3.7, le règlement ne saurait faire de discriminations fondées sur la religion: tout le monde sait cependant que le financement du terrorisme s'opère parfois par l'entremise d'organisations sans but lucratif présentant une «façade» apparemment inoffensive et dont l'on ne découvre qu'après coup la menace qu'elles représentaient. Il existe en substance parmi les organisations sans but lucratif, à côté d'une majorité d'organisations «transparentes», certaines autres qui doivent faire l'objet d'une surveillance attentive, la difficulté consistant à trouver le moyen de les identifier.

3.7.3

Le document semble également ignorer que sous la couverture des organisations sans but lucratif peuvent se cacher des organisations criminelles qui ne sont pas forcément terroristes: les revenus du petit trafic de drogue, de la prostitution et du racket peuvent facilement se dissimuler derrière des dons adressés à des organisations sans but lucratif aux noms séduisants et dont les représentants sont — du moins aux yeux des prestataires de services de paiement — tout à fait irréprochables. En réalité, il existe des systèmes de contrôle indirects qui dans certains cas peuvent mettre à jour des cas suspects: la fréquence des virements provenant d'un même individu et toujours effectués au comptant est par exemple caractéristique des activités évoquées ci-dessus. Mais ces méthodes sont connues des criminels, qui ont donc recours à toutes sortes de moyens: fractionnement des virements, recours à des prestataires différents, etc. Le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est donc le mieux placé pour détecter d'éventuels cas suspects sur la base de la fréquence des virements provenant d'un même donneur d'ordre. Par ailleurs, les systèmes électroniques actuels de gestion des comptes ne permettent un contrôle de ce type que s'ils sont équipés des programmes ad hoc, réalisés sur mesure. Il s'agit là d'une solution difficile à mettre en oeuvre.

3.7.4

Le CESE attire en conséquence l'attention sur le fait que l'exemption, qui selon le règlement incombe aux prestataires de services de paiement, amenés à agir de leur propre initiative et sur la base des informations qu'ils possèdent en matière de finalité, de contrôle, d'honorabilité des représentants, etc., doit être considérée comme une faille du système. La collaboration des prestataires de services de paiement, même si elle est menée avec toute la bonne volonté possible, restera toujours insuffisante pour lutter contre les phénomènes du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme: il faut avant tout que les autorités compétentes jouent un rôle actif et signalent les cas suspects. Pour ce faire, il faudrait concrétiser l'idée d'une autorité centralisatrice dont il a été question précédemment.

3.7.5

Le CESE souhaite également soumettre à l'attention des autorités responsables une autre considération. À moins d'une notification directe par les prestataires de services de paiement, les données sont conservées pendant cinq ans, généralement en vue d'une consultation par les autorités afin de prouver des agissements criminels antérieurs. Il s'agit donc le plus souvent de mesures à caractère probatoire, ni préventives ni répressives. L'on est en droit de se demander comment il sera possible dans la pratique de détecter des cas particuliers parmi les centaines de millions d'opérations enregistrées au fil des années.

3.7.6

Enfin, il est à noter que l'exposé des motifs du règlement ne fait aucunement référence aux coûts du système au regard de ses bénéfices potentiels. Tous les prestataires de services de paiement ne disposent pas de structures suffisantes pour se conformer aux dispositions prévues, mais même ceux qui en sont dotés devront supporter des charges supplémentaires et des contraintes organisationnelles, dont le coût retombera nécessairement sur l'ensemble des utilisateurs des systèmes de paiement. Un tel sacrifice n'est acceptable que pour autant que l'on puisse démontrer que le nouveau règlement apporte des bénéfices concrets et tangibles.

Bruxelles, le 21 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  GAFI, «Note interprétative révisée à la Recommandation Spéciale VII: Virements électroniques».

(2)  Règlements (CE) du Conseil no 2580/2001 et 881/2002.

(3)  Directives 91/308/CEE, 2001/97/CE, …

(4)  Programme d'action relatif à la criminalité organisée, JO C 251 du 15.08.1997.

(5)  COM(1998) 276 final, «Protection des intérêts financiers des Communautés et lutte contre la fraude – Rapport annuel 1997».

(6)  «Special recommendations on terrorist financing».

(7)  «Preventing terrorists and other criminals from having unfettered access».

(8)  La nécessité de créer un point de contact unique n'est pas nouvelle et a déjà été évoquée par le CESE: en effet, elle apparaît déjà dans le programme du Conseil de 1997 mentionné au paragraphe 2.1, selon lequel tout État membre aurait dû créer un point de contact unique donnant accès à tous les services de répression. Malgré les années qui se sont écoulées depuis, un tel organisme n'existe pas encore et la collaboration entre les services de renseignement et de répression au niveau national et communautaire pose un problème qui n'a pas encore trouvé de solution définitive.


ANNEXE 1

À l'Avis du Comité économique et social européen

Les amendements ci-dessous ont été repoussés au cours des débats mais ont recueilli au moins un quart des suffrages exprimés (article 54, paragraphe 3, du règlement intérieur).

Paragraphe 3.7.2

Modifier comme suit:

L'exemption prévue par la proposition de règlement est fondée sur le fait que les objectifs sociaux poursuivis par ces organisations constituent en soi une garantie en ce qui concerne l'utilisation correcte des fonds. C'est exact en ce qui concerne la plupart de ces organismes., les organisations connues et les souscriptions ouvertes en cas de calamités publiques; Mais il n'en est pas moins vrai que des organisations terroristes s'infiltrent ou trouvent une couverture parmi d'autres organismes de moindre importance et moins connus poursuivant des objectifs à finalité prétendument sociale ou d'utilité publique. S'agissant des activités mentionnées à la fin du paragraphe 3.7, le règlement ne saurait faire de discriminations fondées sur la religion: tout le monde sait cependant que le financement du terrorisme s'opère parfois par l'entremise d'organisations sans but lucratif présentant une «façade» apparemment inoffensive et dont l'on ne découvre qu'après coup la menace qu'elles représentaient. Il existe en substance parmi les organisations sans but lucratif, à côté d'une majorité d'organisations «transparentes», certaines autres qui doivent faire l'objet d'une surveillance attentive, la difficulté consistant à trouver le moyen de les identifier.

Exposé des motifs

La motivation sera donnée oralement.

Résultat du vote:

Voix pour: 37

Voix contre: 44

Abstentions: 8

Paragraphe 3.7.4

Modifier comme suit:

Le CESE attire en conséquence l'attention sur le fait que Même si l'exemption, qui selon le règlement incombe aux prestataires de services de paiement, amenés à agir de leur propre initiative et sur la base des informations qu'ils possèdent en matière de finalité, de contrôle, d'honorabilité des représentants, etc., doit peut constituer être considérée comme une faille du système , elle se justifie au regard des fonctions des organisations sans but lucratif au sein d'une société démocratique. La collaboration des prestataires de services de paiement, même si elle est menée avec toute la bonne volonté possible, restera toujours insuffisante pour lutter contre les phénomènes du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme: il faut avant tout que les autorités compétentes jouent un rôle actif et signalent les cas suspects. Pour ce faire, il faudrait concrétiser l'idée d'une autorité centralisatrice dont il a été question précédemment.

Exposé des motifs

Les paragraphes du nouveau texte expliquent suffisamment ce qui motive la proposition de supprimer les passages en question. L'on observe parmi les ONG une forte réaction d'opposition aux règles proposées par le GAFI. Si le CESE se prononçait en faveur desdites règles, cela susciterait en outre d'importants problèmes pour les relations du Comité avec ces ONG.

Résultat du vote:

Voix pour: 43

Voix contre: 52

Abstentions: 7


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/97


Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Réduction de l'impact de l'aviation sur le changement climatique»

(COM(2005) 459 final)

(2006/C 185/17)

Le 27 septembre 2005, la Commission européenne a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 mars 2006 (rapporteur: M. SIMONS).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 21 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 55 voix pour, 0 voix contre et 1 abstention.

A.   Conclusions

A.1

Le Comité économique et social européen (CESE) partage l'avis de la Commission selon lequel il convient de prendre des mesures (politiques) complémentaires afin de contrôler l'impact de l'aviation sur le changement climatique. Même si l'on atteint tous les objectifs ambitieux de la recherche-développement au cours des prochaines décennies, la part de l'aviation dans l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre représentera toujours environ 50 % du taux de croissance annuel du trafic aérien. Les fonds prévus à cette fin dans le 7ème programme-cadre devront être alloués de manière ciblée et efficace.

A.2

Dans le but d'atténuer l'impact sur le climat, la Commission européenne se fixe comme objectif politique de réduire les émissions de CO2 et de NOx produites par l'aviation dans l'UE, dans un premier temps pour la période 2008-2012. Compte tenu des traités et accords internationaux ainsi que des études en cours, le CESE considère qu'il conviendrait de commencer par des mesures concernant les émissions de CO2 provenant du trafic aérien intracommunautaire, afin de réduire au minimum les éventuels retards de mise en œuvre.

A.3

Afin que le système d'échange de quotas d'émission soit appliqué au niveau mondial, il conviendrait de l'introduire par l'intermédiaire de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI); si cela s'avère opportun lors des négociations, l'introduction d'un tel système pour le trafic aérien intracommunautaire — en tant que première étape pratique dans cette direction — pourrait constituer une option réalisable.

A.4

En raison de l'impact sur le changement climatique des émissions de CO2 (qui ne cessent d'augmenter chaque année) générées par le trafic aérien intracommunautaire, ce dernier devrait être intégré le plus tôt possible dans un système communautaire ouvert d'échange de quotas d'émission, avec un scénario de référence réaliste. Il conviendrait de procéder à la répartition des taux d'émission au niveau de l'UE et des objectifs supplémentaires en matière de contribution/réduction devraient s'appliquer directement aux compagnies aériennes en tant que parties prenantes, tout en s'assurant que de nouveaux opérateurs puissent tout de même entrer sur le marché sans subir de handicap concurrentiel. Quant aux autres effets, il serait pertinent de recourir à des instruments locaux plus adaptés, tels qu'une taxe sur les NOx ou des mesures opérationnelles.

A.5

Les investissements dans la recherche concernant la contribution au changement climatique des émissions autres que le CO2 provenant de l'aviation, ainsi que dans le développement technologique permettant d'assurer un transport aérien moins polluant, devraient constituer une priorité absolue tant pour l'UE que pour l'industrie; à cet égard, il y a lieu notamment d'éviter tout compromis néfaste entre les nuisances sonores et les émissions enregistrées au niveau local et les émissions générées par le trafic aérien au niveau mondial.

A.6

Étant donné le potentiel de réduction des émissions que recèle l'amélioration de la gestion de l'espace aérien par le biais de l'initiative «Ciel unique européen» et du programme SESAR, celle-ci devrait également figurer parmi les priorités.

A.7

En outre, il conviendrait d'explorer davantage les possibilités d'améliorer la position concurrentielle des moyens de transport terrestres grâce à des mesures non-discriminatoires, afin d'offrir des solutions de remplacement plus attrayantes pour les transports de passagers et de marchandises dans l'UE.

B.   Motivation

B.1

Bien que la contribution au changement climatique des émissions provenant de l'aviation soit relativement faible (environ 3 %), elle est appelée à se développer sous l'effet de l'accroissement de la demande, à cause de l'absence de carburants de remplacement et de la relative maturité des technologies actuellement disponibles dans l'industrie aérienne. Même si l'UE réalise et met en œuvre ses objectifs ambitieux en matière de R&D au cours des décennies à venir, les émissions de CO2 provenant de l'aviation continueront d'augmenter de 2 à 2,5 % par an, soit environ la moitié de la croissance annuelle du transport aérien (estimée à 4-5 %).

B.2

L'établissement d'un système d'échange de quotas d'émission constitue la solution la plus rentable pour limiter les effets du changement climatique, tout en favorisant un développement durable de l'aviation.

B.3

Le problème est de dimension mondiale et exige par conséquent une solution globale. En attendant, si cela s'avère opportun, un système intracommunautaire peut d'ores et déjà être introduit, et servir ultérieurement de modèle pour un système mondial par le biais de l'OACI.

B.4

Aussi un tel système d'échange intracommunautaire devrait-il être le plus consensuel possible, en limitant dans un premier temps le règlement au CO2, sans l'application de multiplicateurs. Les effets des émissions autres que le CO2 (pour lesquelles le protocole de Kyoto ne prévoit pas d'équivalents) sont moins bien connus du point de vue scientifique, bien qu'il existe des signes indiquant que certaines de ces émissions sont susceptibles d'avoir certaines conséquences dans certains cas. En attendant de nouveaux progrès en la matière, ces effets devraient faire l'objet de mesures locales harmonisées à l'échelon communautaire, à l'instar des taxes sur les NOx.

B.5

Les trains à grande vitesse se sont révélés être une alternative intéressante au transport aérien de passagers pour les liaisons européennes caractérisées par un volume élevé de vols de moins d'une heure. Il convient de mener des études pour évaluer le potentiel de développement des connexions ferroviaires à grande vitesse ainsi que les possibilités de les exploiter aux fins du transport de marchandises, tout en évitant de fausser le jeu de la concurrence par l'octroi de subventions nationales ou communautaires. Néanmoins, force est de constater que les trains ne pourront jamais remplacer parfaitement qu'une partie restreinte du trafic aérien intracommunautaire.

1.   Introduction

1.1

Le transport aérien fait partie intégrante de notre société du 21ème siècle et permet de transporter les passagers comme les marchandises sur de longues distances, à une vitesse fulgurante. Il engendre des bénéfices considérables pour les économies nationales et régionales. Malheureusement, l'aviation contribue également au changement climatique que connaît actuellement notre planète. Bien que le rendement énergétique des aéronefs ait augmenté de plus de 70 % au cours des 40 dernières années, la consommation totale de carburant s'est accrue dans le même temps de plus de 400 % en raison d'une croissance encore plus importante du trafic aérien, conséquence directe de l'augmentation de la demande/des exigences en matière de voyages.

1.2

Tout cela entraîne une augmentation de l'impact climatique de l'aviation, qui est la source de gaz à effet de serre progressant le plus rapidement dans le domaine des transports: alors que les émissions totales de l'UE, grâce au protocole de Kyoto, ont diminué de 5,5 % (-287 millions de tonnes équivalent CO2) entre 1990 et 2003, les émissions de gaz à effet de serre dues au trafic aérien international ont augmenté de 73 % (+47 millions de tonnes équivalent CO2) dans l'UE, ce qui correspond à une croissance annuelle de 4,3 %. La croissance du trafic aérien qu'enregistre l'UE depuis 1990 est toutefois bien plus rapide, ce qui permet d'affirmer formellement que l'industrie aéronautique tente de remédier aux conséquences environnementales en s'attaquant aux causes, au moyen de techniques efficaces.

1.3

À cet égard, traiter le problème dès son apparition s'avère être une mesure (initiale) efficace. À court, moyen et long termes, l'industrie aérienne ne saurait compenser seule le reste de la pollution que ses activités génèrent, à moins d'un ralentissement forcé, mais irréaliste, de la croissance du trafic aérien.

1.4

Bien que la part de l'aviation dans les émissions globales de gaz à effet de serre soit encore modeste (environ 3 % (1)), sa croissance rapide nuit aux progrès réalisés dans les autres secteurs. Si cette croissance se poursuit de la même manière, les émissions provenant des vols internationaux à partir des aéroports de l'UE auront augmenté en 2012 de 150 % par rapport à 1990. Cette augmentation des émissions provenant du transport aérien international de l'UE annulerait plus d'un quart des réductions d'émissions requises pour la Communauté en vertu du protocole de Kyoto.

1.5

À long terme, si les tendances actuelles se confirment (auquel cas la part de l'aviation dans les émissions totales de CO2 au sein de l'UE passerait des 3 % enregistrés en 2005 à environ 5 % en 2030, le trafic aérien étant multiplié par deux), les émissions provenant de l'aviation auront un impact plus important sur le changement climatique. Un système d'échange de quotas d'émission réduirait quelque peu la demande, mais étant donné que le développement prévu de l'aviation nécessiterait l'achat de droits d'émission à d'autres participants à ce système, cela ne nuirait pas aux objectifs de réduction précités.

2.   Résumé de la communication de la Commission

2.1

Le 27 septembre 2005, la Commission a publié sa communication sur les mesures politiques existantes et celles pouvant éventuellement être créées afin de tenter d'enrayer, directement ou indirectement, l'augmentation des émissions provenant de l'aviation.

2.2

Les mesures politiques existantes visent notamment à sensibiliser le public, à favoriser des moyens de transport de remplacement et à encourager la recherche pour un transport aérien plus propre, par exemple dans le cadre du 6ème programme d'action pour l'environnement; le changement climatique fera l'objet d'efforts plus intensifs encore dans le cadre du 7ème programme d'action.

2.3

Des mesures politiques telles qu'une meilleure gestion du trafic aérien (grâce au programme «Ciel unique européen» ) sont également envisagées pour tenter d'obtenir à moyen terme une réduction d'environ 10 % en utilisant plus efficacement l'espace aérien européen.

2.4

D'autres mesures politiques ayant déjà été étudiées, telles que l'introduction éventuelle d'une taxe énergétique pour l'aviation (carburant), ou encore une taxe sur les billets (dans l'UE) pourraient permettre de maîtriser — ne fût-ce que partiellement — les effets de l'aviation sur le changement climatique.

2.5

Aussi la Commission recommande-t-elle l'intégration des effets de l'aviation sur le changement climatique dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE), en complément des mesures politiques existantes. Selon la Commission, cette approche est conforme à celle de l'OACI, qui, plutôt que des prélèvements fiscaux, approuve explicitement le principe de l'échange des droits d'émission internationaux et ouverts à réaliser au travers de schémas volontaires de marché de droit d'émissions ou par l'intégration du transport aérien international dans les systèmes existants des États.

2.6

Dans sa communication, la Commission énumère les principaux paramètres et accorde en outre provisoirement la préférence aux éléments suivants:

partie prenante: exploitants d'aéronefs;

type d'émissions: CO2 et dans la mesure du possible, les effets des émissions autres que le CO2;

portée: tous les vols au départ (à destination de l'UE et des pays tiers);

méthode d'allocation: harmonisée au niveau de l'UE.

2.7

Un groupe de travail constitué d'experts des États membres et des principales parties intéressées — l'industrie, les consommateurs et les organisations environnementales — doit, avant mai 2006, conseiller les services de la Commission sur la manière d'intégrer l'aviation dans le SCEQE, conformément au mandat annexé à la communication. Des propositions législatives sont donc attendues pour fin 2006.

3.   Observations générales

3.1

Pratiquement tous les pays du monde s'accordent aujourd'hui à reconnaître les conséquences des émissions (humaines) de gaz à effet de serre sur le changement climatique planétaire. En revanche, les avis divergent toujours fortement quant au meilleur moyen de traiter le problème. Les pays responsables d'une grande partie des émissions mondiales de gaz à effet de serre, tels que les États-Unis et la Chine, ont adopté une approche mettant principalement l'accent sur des mesures innovatrices à la source, notamment, et ont récemment conclu des accords internationaux à ce sujet.

3.2

Le protocole de Kyoto, signé en 1997 et ratifié non seulement par l'UE, mais aussi, entre autres, par la Russie et le Canada, prévoit pour l'UE l'obligation d'atteindre, entre 2008 et 2012, une réduction moyenne de 8 % des gaz à effet de serre par rapport à 1990, les pourcentages de réduction variant d'un État membre à l'autre. Une partie de ces obligations de réduction peuvent être remplies grâce à des mesures (plus rentables) prises à l'étranger.

3.3

Il existe depuis 2000 dans l'UE le programme européen sur le changement climatique (PECC), dans le cadre duquel a été élaboré le nouveau système d'échange de quotas d'émission (SCEQE) pour le CO2, s'appliquant depuis le premier janvier 2005 à toutes les sources fixes d'émission dans l'UE. Le secteur des transports ne fait pas (encore) partie du SCEQE pour la première période allant jusqu'en 2007, mais y sera probablement intégré pour la seconde phase, de 2008 à 2012. Il convient en outre de signaler que l'aviation internationale, entre autres, n'est pas prise en compte dans l'actuel protocole de Kyoto et ses objectifs.

3.4

Afin que les règles s'appliquent à l'aviation au niveau mondial, il convient de prendre des initiatives et de mener des négociations au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

3.5

Les avions commerciaux volent à une altitude de croisière comprise entre 8 et 13 km, et c'est à cette altitude qu'ils rejettent des gaz et des particules qui modifient la composition de l'atmosphère et contribuent au changement climatique.

Le dioxyde de carbone (CO 2 ) est le principal gaz à effet de serre étant donné les grandes quantités rejetées et le temps de séjour prolongé de ce gaz dans l'atmosphère. L'augmentation des concentrations de CO2 a un effet direct bien connu, qui est le réchauffement de la surface de la terre.

Les oxydes d'azote (NO x ) ont sur le climat deux effets indirects. Ils produisent de l'ozone sous l'effet du rayonnement solaire mais ils diminuent également la concentration atmosphérique ambiante de méthane. L'ozone comme le méthane sont de puissants gaz à effet de serre. Le résultat net est que l'ozone l'emporte sur l'effet méthane, et l'effet observé est donc un réchauffement de la planète.

La vapeur d'eau (H 2 O) rejetée par les aéronefs a un effet direct de gaz à effet de serre, mais minime dans la mesure où elle est rapidement éliminée par les précipitations. Toutefois, la vapeur d'eau émise à haute altitude déclenche souvent la formation de traînées de condensation qui ont tendance à réchauffer la surface de la terre. De surcroît, ces traînées peuvent donner naissance à des nuages de type cirrus (formés de cristaux de glace). Ceux-ci sont également soupçonnés d'avoir un effet de réchauffement notable, mais cela reste très hypothétique.

Par rapport aux autres émissions des aéronefs, les particules de sulfate et de suie ont un effet direct beaucoup moins important. La suie absorbe la chaleur et a un effet de réchauffement, les particules de sulfate réverbèrent les rayonnements et ont un léger effet de refroidissement. En outre, elles peuvent influer sur la formation des nuages et sur les propriétés de ceux-ci.

3.6

En 1999, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a estimé que l'impact global actuel de l'aviation était 2 à 4 fois plus important que l'effet résultant de ses seules émissions antérieures de CO2. À la lumière des dernières connaissances acquises, il semblerait que cet impact se situerait autour d'un facteur 2; les conclusions mises à jour du GIEC sont attendues prochainement.

3.7

Étant donné que les carburants destinés à l'aviation internationale sont, par convention, exempts de taxes, le transport aérien se trouve dans une situation plus favorable par rapport à d'autres modes de transport. Il est vrai que, par exemple, les compagnies aériennes supportent elles-mêmes les coûts de leur infrastructure sous forme de redevances de route et taxes aéroportuaires (ces dernières reposant de plus en plus souvent sur des considérations environnementales) ainsi que les coûts environnementaux sous la forme des taxes passagers, et ne reçoivent des subventions que pour les liaisons relevant d'une obligation de service public mais, à cet égard, d'autres modes de transport supportent eux aussi des coûts équivalents.

4.   Observations particulières

4.1

Un système d'échange de quotas d'émission intraeuropéen, qui, s'il s'avère opportun, pourrait être introduit comme première initiative concrète dans le cadre de négociations au sein de l'OACI, doit être envisagé en complément des instruments politiques existants, tels que la sensibilisation du public à la mobilité durable, la promotion de modes de transport de remplacement et l'encouragement des recherches pour une aviation plus propre.

4.2

Instruments complémentaires pouvant être mis en œuvre pour limiter l'impact de l'aviation:

fiscalité: accises sur le kérosène (pourcentage fixe) ou TVA sur les billets;

redevances: montant fixe ou proportionnel (par km parcouru) par passager ou par aéronef;

échange de quotas d'émission: intégration de l'aviation de l'UE dans le système communautaire ouvert d'échange de quotas d'émission (SCEQE).

4.3

D'après une étude réalisée précédemment à la demande de la Commission, la solution proposée basée sur la fiscalité (accises sur le kérosène ou TVA sur les billets, définies par l'UE) a une incidence majeure sur la demande (baisse minimale de 7,5 % en 2010) et des conséquences mineures sur les émissions de CO2 (-0,9 à –1,5 %). Cette approche ne favoriserait pas un transport aérien plus propre.

4.4

Une autre solution envisagée, les redevances par passager, peut être introduite assez aisément, mais n'aura aucune incidence sur l'objectif politique qui nous occupe, à savoir la réduction des émissions de gaz à effet de serre par mouvement d'aéronef. En revanche, ce type de redevance, en fonction de son montant, peut avoir des conséquences importantes pour la demande et partant, pour la position concurrentielle de l'économie (aéronautique) européenne.

4.5

Une solution plus réaliste, certainement à court terme, serait l'introduction de redevances par aéronef, éventuellement comme politique d'accompagnement pour contrer les effets des émissions autres que le CO2. Ces redevances pourraient inciter à développer une aviation plus propre et ont moins d'incidence sur la demande. Les redevances par aéronef peuvent également être imposées aux compagnies aériennes des pays tiers, à condition que les recettes soient utilisées au profit de l'environnement.

4.6

L'intégration de l'aviation dans un système communautaire d'échange de quotas d'émission comporte également les avantages suivants:

solution présentant le meilleur rapport coût-efficacité;

le gain pour l'environnement, en ce qui concerne la réduction du CO2, est connu à l'avance;

il ne s'agit pas d'un nouvel instrument politique, la première phase a déjà commencé.

4.7

Le CESE estime que dans un premier temps, le système d'échange de quotas d'émission appliqué à l'aviation devrait présenter les caractéristiques suivantes:

en cas d'intégration précoce de l'aviation, il est essentiel de limiter le système au CO2:

seule substance dont l'impact est attesté scientifiquement;

les autres options, ne sont soit pas (encore) réalisables et entraînent des retards, soit ne sont pas encore suffisamment fondées scientifiquement (une seule échelle pour tous les effets non liés au CO2).

les autres substances nuisibles pour l'environnement, telles que les NOx, doivent faire l'objet d'instruments d'accompagnement plus appropriés

allocation des droits d'émission au niveau de l'UE:

mauvaises expériences avec des plans d'allocation nationaux pour les sources fixes en cas d'allocation au niveau des États membres;

l'aviation est par excellence un marché faisant l'objet d'une concurrence internationale, les distorsions de marché seraient évitées;

attribution des droits d'émission aux compagnies aériennes:

le stimulant le plus pertinent et le plus efficace au sein du système;

méthode d'allocation non discriminatoire:

clause d'antériorité, étalonnage des performances ou vente aux enchères;

traitement équitable par rapport à d'autres secteurs participant au système communautaire ouvert d'échange de quotas;

veiller à ne pas «punir» les compagnies aériennes qui sont déjà performantes et les nouveaux venus;

exclusivement pour les vols intérieurs à l'UE, pas (encore) pour tous les vols au départ/à l'arrivée:

la solution idéale n'existe pas, l'option la plus pragmatique consiste à mener des négociations dans l'enceinte de l'OIAC;

ce système garantira la participation de toutes les compagnies aériennes au processus, quel que soit leur pays d'origine.

4.8

Lors de la rédaction de sa communication, la Commission a fait procéder à une évaluation limitée des incidences, et a indiqué qu'une évaluation détaillée accompagnerait la proposition définitive. L'incidence économique réelle dépend entre autres du prix des échanges et de la méthode d'allocation.

4.9

L'application du SCEQE à l'aviation intracommunautaire n'aura pas les mêmes implications pour toutes les compagnies aériennes européennes. Premièrement, l'effet sur la demande variera fortement en raison des différences d'élasticité des prix. En outre, l'impact dépend également de la part des services intracommunautaires dans l'ensemble de la production d'une compagnie aérienne. Des préoccupations ont été exprimées quant à la possibilité que des compagnies aériennes dont seule une petite partie des activités sont couvertes par le système aient recours à l'interfinancement entre les diverses catégories de tarifs ou avec les vols long-courrier, ce qui serait préjudiciable aux compagnies aériennes dont la plupart des activités de transport, voire leur totalité, sont concernées par le système. Ces aspects doivent faire l'objet d'un examen plus approfondi dans le cadre de l'évaluation des incidences.

4.10

Le CESE estime que dans la perspective d'une intégration de l'aviation dans le SCEQE, divers aspects doivent encore être étudiés, par exemple au sein du groupe d'experts proposé et déjà actif, avant de pouvoir prendre définitivement position sur la méthode et le calendrier à adopter, notamment:

les leçons à tirer de l'évaluation de l'échange de quotas d'émission pour les sources fixes, avant que des mesures ne puissent être appliquées au secteur de l'aviation;

les problèmes pouvant survenir au début de la deuxième période d'échange de quotas en raison de l'intégration de l'aviation dans le SCEQE;

les futurs prix des échanges et leur impact sur la croissance de l'aviation;

les frais généraux liés à l'échange de quotas d'émission pour l'aviation, par rapport aux objectifs visés;

la faisabilité et l'applicabilité de l'échange de quotas d'émission pour l'aviation;

la possibilité d'étendre le système à l'échelle planétaire par l'intermédiaire de l'OIAC, et si ce n'est pas réalisable, les coûts et les bénéfices d'un système exclusivement régional;

examen plus poussé des interférences entre l'allocation des créneaux horaires et l'échange de quotas d'émission dans l'aviation;

examen plus approfondi des conséquences de compromis éventuels entre les émissions de CO2 et NOx (un gaz à effet de serre, mais aussi un «problème local» autour des aéroports de l'UE situés dans un environnement urbain).

Bruxelles, le 21 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  L'aviation est l'un des modes de transport les plus propres et les plus économiques. Les émissions dues aux transports représentent 22 % de l'ensemble des émissions de CO2 générées dans le monde par l'utilisation de carburants fossiles. Les résultats du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) démontrent que dans le secteur des transports, ce sont les transports routiers qui émettent la plus grande quantité de gaz à effet de serre (75 % de l'ensemble des émissions de CO2 produites par les transports). Les émissions de l'aviation ne représentent que 12 % des émissions totales des transports. Par conséquent, l'aviation n'est responsable que de 2 % à 3 % de l'ensemble des émissions de CO2 générées dans le monde (12 % de 22 %).


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/101


Avis du Comité économique et social européen sur «Le cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe»

(2006/C 185/18)

Le 14 juillet 2005, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis sur «Le cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe»

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 mars 2006 (rapporteur: M. SIMONS).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 21 avril 2006), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 57 voix pour et 1 abstention.

1.   Recommandations

1.1

Dans les avis du CESE du 16 janvier 2002 et du 24 septembre 2003, toutes les parties intéressées sont invitées à poursuivre leurs efforts sur la voie de l'harmonisation et de l'intégration du transport par voies navigables en Europe. Ces avis, dans leur intégralité, restent d'actualité et peuvent être complétés pour ce qui concerne le cadre institutionnel à la lumière des développements intervenus depuis leur adoption.

1.2

À cet égard, il importe grandement que la coopération entre les principaux acteurs, à savoir la Commission européenne, la Commission centrale pour la navigation du Rhin et la Commission du Danube, soit élargie et renforcée. Une plate-forme permanente de coopération devrait agir structurellement, de manière approfondie et à un stade précoce, dans les différents domaines de la navigation intérieure ainsi que partout où cela s'avère utile en pleine association avec les partenaires sociaux, afin que l'élaboration des politiques soit aussi solide, uniforme et vaste que possible.

1.3

Pour permettre en définitive la mise en place d'un régime juridique paneuropéen uniforme, il convient de prendre en compte plusieurs éléments.

1.3.1

Premièrement, s'agissant de la portée géographique, tous les pays de l'UE ne sont pas directement concernés par la navigation intérieure, contrairement à d'autres modes de transport tels que la navigation aérienne et le transport routier.

1.3.2

Deuxièmement, il est des pays importants pour la navigation intérieure et donc pour l'Europe, qui ne sont pas membres de l'UE.

1.3.3

Troisièmement, ce n'est que par une action politique commune que peut intervenir l'adaptation nécessaire des infrastructures sur le réseau des voies d'eau intérieures, qui relève dans chaque État de la compétence nationale.

1.3.4

Quatrièmement, il est clair, eu égard à la diversité des circonstances naturelles et aux différences d'infrastructure et d'intensité dans la navigation intérieure, que toutes les règles ne doivent pas être appliquées dans toute leur ampleur et selon une pondération égale à tous les fleuves européens.

1.3.5

Les éléments précités montrent que la réflexion sur la structure de la navigation intérieure paneuropéenne doit surtout revêtir un caractère unique et spécifique.

1.4

La pression politique pour aboutir à un régime paneuropéen existe, comme en attestent les déclarations des conférences ministérielles, mais elle ne s'est pas encore traduite dans les faits de façon spécifique et ferme. La conférence ministérielle de 2006 en Roumanie devra montrer dans quelle mesure la volonté politique peut effectivement se muer en actions concrètes.

1.5

Un régime juridique uniforme et intégré ne peut porter atteinte au niveau élevé de protection, de sécurité et d'application uniforme du droit atteint notamment pour les eaux du Rhin. Il faut s'attendre à ce que les États membres de la CCNR invoquent la préservation de l'«acquis rhénan» en cas de passage vers un autre régime. Font également partie de ce niveau élevé et de ce «droit acquis» les relations étroites et directes avec les entreprises de la navigation intérieure.

1.6

Dans le cadre de ce nouveau système, il conviendra d'accorder une attention particulière à la politique sociale, qui a été largement négligée dans les régimes existants de la navigation intérieure en Europe. Les partenaires sociaux devront être pleinement associés aux efforts déployés en la matière.

1.7

Tout bien pesé, le CESE soutient toute initiative visant, au final, la mise en place d'une organisation indépendante, établie par voie de convention, qui regrouperait au minimum les organisations internationales, telles que l'UE, les États membres de l'UE qui pratiquent la navigation intérieure, ainsi que des États tiers tels que la Suisse et les États du Danube non membres de l'UE. Au sein d'une organisation de parties à une telle convention, une assemblée de ministres pourrait prendre les décisions politiques juridiquement contraignantes et surveiller les contrôles nationaux. Cette organisation pourrait non seulement concentrer toutes les connaissances et compétences actuellement disponibles dans les différentes enceintes existantes, mais aussi veiller à ce que le niveau actuel de protection et de sécurité soit au moins maintenu et qu'un dialogue social sectoriel se poursuive.

1.8

Le CESE invite à nouveau toutes les parties intéressées à continuer d'œuvrer dans la direction indiquée plus haut, notamment en ce qui concerne le renforcement de la coopération et l'institution d'une organisation indépendante, telle que décrite ci-dessus. Comme en atteste sa participation active à divers forums ayant trait à la navigation intérieure, le Comité demeure lui aussi actif afin que ce qui précède devienne réalité dans les plus brefs délais. Il a notamment l'intention de prendre part cette année aux auditions du Parlement européen en la matière ainsi qu'à la conférence paneuropéenne sur le transport par voies de navigation intérieure, qui se tiendra en Roumanie fin 2006.

2.   Introduction

2.1

Dans ses avis du 16 janvier 2002 sur «L'avenir du réseau transeuropéen voies navigables» et du 24 septembre 2003 intitulé «Vers un régime paneuropéen de la navigation fluviale» , le Comité économique et social européen a procédé à une analyse de la situation de la navigation intérieure en Europe. (1) Ce dernier avis examine les goulets d'étranglement dans la navigation intérieure et aborde la question de la nécessité d'une harmonisation réglementaire, tant pour les aspects de droit public que de droit privé. Il traite aussi d'autres thèmes tels que l'environnement et la sécurité, le marché du travail et des questions de nature sociale. Ces dernières ont également fait l'objet d'un avis d'initiative distinct du mois de septembre 2005 intitulé «La politique sociale dans le cadre d'un régime paneuropéen de navigation intérieure» .

2.2

Dans le second avis précité, le CESE appelle notamment toutes les parties prenantes de la navigation intérieure à poursuivre leurs efforts en faveur de régimes juridiques intégrés et d'un droit uniforme de la navigation intérieure. Une harmonisation des traités, des conventions et des accords bilatéraux existants applicables aux voies navigables nationales et internationales est jugée nécessaire pour promouvoir la navigation intérieure à l'échelle paneuropéenne.

2.3

Ces différents avis indiquent par ailleurs que le Comité continuera lui aussi à œuvrer afin que la mise en place de règles juridiques intégrées sur toutes les voies navigables européennes devienne réalité dans les plus brefs délais.

2.4

Cette intention repose essentiellement sur la conviction que la navigation intérieure, en tant que l'un des modes de transport les plus propres et les plus écologiques dotés d'un potentiel de croissance suffisant, peut apporter à l'avenir une contribution importante à la réponse durable qu'il conviendra de donner à l'expansion inévitable du transport.

2.5

L'un des goulets d'étranglement dans la navigation intérieure réside dans l'existence de trois régimes juridiques différents en Europe, qui se chevauchent partiellement sur le plan géographique.

2.6

Étant donné que des développements pertinents sont intervenus récemment concernant cet aspect spécifique, le Comité considère qu'il est utile et nécessaire d'élaborer un avis d'initiative plus détaillé en la matière.

3.   Cadre institutionnel existant

3.1

L'avis du 24 septembre 2003 fait état des trois régimes en vigueur en Europe, à savoir l'Acte de Mannheim révisé de 1868 pour les eaux du Rhin, la Convention de Belgrade de 1948 pour le Danube ainsi que le champ d'application des traités communautaires et l'acquis communautaire de l'Union européenne.

3.2

Cinq États sont actuellement parties à l'Acte de Mannheim révisé: l'Allemagne, la Belgique, la France et les Pays-Bas, membres de l'UE, et la Suisse, non membre de l'UE. L'institution du droit de liberté de navigation et d'un régime uniforme et harmonisé pour le Rhin et ses affluents a fait naître au 19ème siècle un «marché intérieur avant la lettre», qui a été très important, et l'est du reste toujours, pour le développement économique de l'Europe.

3.3

Contrairement à ce que son âge pourrait laisser croire, la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) est une organisation ultra moderne, qui dispose d'un petit secrétariat et d'un vaste réseau de spécialistes (nationaux), entretient des liens étroits avec les entreprises de la navigation intérieure, et est capable de réagir promptement à toute évolution afin d'assurer à tout moment l'optimalisation et l'actualisation du régime de la navigation rhénane.

3.4

La CCNR détient des compétences réglementaires et arrête des décisions à l'unanimité. Les États parties à l'Acte sont tenus de transposer les décisions, pour autant que nécessaire, dans la législation nationale. Les compétences de la CCNR portent notamment sur les normes techniques, les équipages, la sécurité, l'environnement et la liberté de navigation. L'Acte de Mannheim prévoit que la promotion de la navigation intérieure sera assurée par les parties. La CCNR dispose d'un pouvoir juridictionnel pour les litiges relevant de la compétence de l'Acte.

3.5

La Convention de Belgrade établit un régime pour le Danube. Les États riverains du Danube signataires de la Convention siègent à la Commission du Danube qui, contrairement à la Commission du Rhin, ne détient que des compétences consultatives. En outre, ce régime ne vise qu'à réglementer la navigation internationale sur le Danube. Le cabotage (qui, pour le Rhin, est bien inclus dans l'Acte de Mannheim) sort du champ d'application de la Convention de Belgrade. On ne peut donc pas parler d'unité évidente du régime juridique pour le Danube. La Commission du Danube regroupe des États membres de l'UE, des pays candidats à l'adhésion à l'UE de la région des Balkans ainsi que d'autres États tels que la Moldavie, la Russie, la Serbie-Monténégro et l'Ukraine.

3.6

Avec la réalisation du Traité de Rome de 1957, le marché intérieur s'est progressivement mis en place au sein de l'UE et étendu, y compris dans le domaine de la navigation intérieure. La Commission européenne s'est vu confier des tâches notamment en ce qui concerne les normes techniques, les équipages, l'environnement et la sécurité.

3.7

En pratique, il existe une coopération, qui fort heureusement tend à se développer, entre la CCNR, la Commission du Danube et la Commission européenne, dans le cadre de laquelle l'influence de la CCNR, en termes d'expertise technique et d'expérience notamment, est grande. La coopération entre la CCNR et la Commission européenne a reçu une nouvelle impulsion avec la conclusion d'un accord le 3 mars 2003. En revanche, la coopération avec la Commission du Danube revêt pour l'heure un caractère plus sporadique.

4.   Développements récents

4.1

En octobre 2004, un groupe formé de personnalités indépendantes d'Europe orientale et occidentale a rédigé un rapport dans lequel ces dernières analysent le cadre institutionnel actuel de la navigation intérieure au niveau européen et formulent des recommandations en vue de renforcer ce cadre. Il s'agit d'une initiative des Pays-Bas, soutenue par l'Allemagne, la Belgique, la France et la Suisse. Ce groupe, dirigé par M. Jan TERLOUW, ancien vice-premier et ministre de l'économie néerlandais, s'est lui-même baptisé «Groupe EFIN (European Framework for Inland Navigation)» et a publié un rapport intitulé « Un nouveau cadre institutionnel pour la navigation intérieure en Europe». Sept autres personnes font également partie du groupe et proviennent respectivement d'Allemagne, d'Autriche, de Belgique, de France, de Hongrie, de Roumanie et de Suisse.

4.2

Le Groupe EFIN constate dans son rapport que la navigation intérieure est dotée d'un énorme potentiel mais que celui-ci n'est pas estimé à sa juste valeur. La navigation intérieure est en mesure de contribuer grandement à l'amélioration du système européen de transport de marchandises. Le Groupe EFIN estime que le cadre institutionnel ne suffit pas pour exploiter de manière optimale le potentiel de la navigation intérieure en Europe. Il considère en outre ce cadre trop faible pour susciter l'attention nécessaire des responsables politiques en vue du développement du secteur.

4.3

Comme l'avait déjà préconisé le CESE dans ses avis du 16 janvier 2002 et du 24 septembre 2003, le Groupe EFIN considère lui aussi qu'il est nécessaire d'arriver, pour l'ensemble des voies d'eau européennes, à une plus grande harmonisation au plan des prescriptions techniques, des qualifications, des mécanismes d'attestation et des conditions d'accès au marché. Par ailleurs, il est souhaitable de disposer d'une instance susceptible de soutenir l'amélioration du réseau d'infrastructures des voies navigables, le développement des équipements techniques à bord, la promotion de l'innovation ainsi que le renforcement des compétences professionnelles. Un appui institutionnel actif est nécessaire afin d'aider la navigation intérieure à surmonter les obstacles qui entravent son développement. À cet effet, il conviendrait d'ériger une nouvelle structure.

4.4

Le Groupe EFIN a examiné une série d'options en vue de la mise sur pied d'une telle nouvelle structure, en veillant à toujours garder à l'esprit la dimension paneuropéenne. Une coopération accrue entre les institutions actuelles, notamment la CCNR, la Commission du Danube et la Commission européenne, mais aussi la Conférence européenne des ministres des transports (CEMT) et la Commission économique des Nations unies pour l'Europe (CEE-ONU), est préconisée, mais ne suffit pas en soi pour donner forme à une nouvelle structure telle que proposée.

4.5

Le Groupe EFIN plaide dès lors en faveur de la constitution d'une «Organisation européenne pour la navigation intérieure» dotée d'un large mandat afin de couvrir tous les aspects de la navigation intérieure. Cette organisation ne devrait pas être instituée par le biais d'une nouvelle convention. Les conventions et régimes existants resteraient intacts et en l'état. La nouvelle organisation serait évolutive: elle devrait pouvoir être adaptée aux besoins changeants et contenir différents organes modulaires capables d'agir indépendamment l'un de l'autre.

4.6

L'organisation devrait s'articuler autour de trois composantes: une assemblée politique — la Conférence des ministres européens chargés des voies navigables, un appareil administratif — le Bureau européen pour les voies navigables, et un instrument financier — le Fonds européen d'intervention pour le transport fluvial. Pour plus de détails, il convient de se référer au rapport du Groupe EFIN.

4.7

Il y a lieu de mentionner que le Groupe EFIN a, parmi les options, examiné de manière approfondie la possibilité de créer une agence communautaire pour la navigation intérieure. Le Groupe EFIN s'interroge quant à l'existence d'une volonté politique suffisante pour aboutir à la création d'une telle agence communautaire. Il songe ensuite que ce type d'agences ne disposent pas de compétences réglementaires, mais qu'elles sont uniquement chargées de missions d'exécution, de surveillance et de collecte d'informations. De nombreuses voies d'eau n'étant pas soumises au droit communautaire, une telle agence n'aurait qu'une portée géographique limitée. Finalement, tout bien considéré, le Groupe émet un avis négatif concernant cette option.

4.8

Le 14 juillet 2005, la Commission européenne a publié un document de consultation sous le titre «Un programme d'action européen intégré pour le transport par voies navigables». Elle y mentionne un certain nombre de domaines dans lesquels elle souhaite améliorer le transport par les voies navigables communautaires et invite les parties intéressées à lui faire part de leurs commentaires. Le 17 janvier 2006, la Commission européenne a publié la communication «NAIADES» sur la promotion du transport par voies navigables qu'elle a intitulée «Un programme d'action européen intégré pour le transport par voies navigables» (2).

4.9

Outre un grand nombre de points d'action répartis dans cinq domaines stratégiques, la Commission examine également les possibilités existantes en vue de moderniser la réglementation et de l'adapter aux défis futurs. À cet effet, il y a lieu de moderniser et d'améliorer la structure organisationnelle qui, en raison de sa fragmentation, perd en efficacité et en importance sur le plan politique. En modifiant les instruments actuels, il conviendra toutefois de ne pas négliger les obligations et les accords internationaux en vigueur. L'«acquis» existant devra dès lors être respecté.

4.10

La Commission indique que ce processus a déjà commencé et se réfère à cet égard à sa recommandation du 1er août 2003 au Conseil visant à l'autoriser à adhérer aux deux commissions fluviales, ainsi qu'au rapport EFIN. Elle précise que quatre options sont actuellement en discussion, à savoir: a) l'intensification de la coopération entre les commissions fluviales existantes et la Commission européenne, b) l'adhésion de la Communauté européenne aux Commissions du Rhin et du Danube, c) la création d'une organisation paneuropéenne de la navigation intérieure, et d) l'option consistant à confier à la Communauté la tâche d'aborder dans une perspective stratégique le développement du transport par voies navigables en Europe dans le respect des intérêts des pays tiers.

5.   Une navigation intérieure paneuropéenne

5.1

L'idée de parvenir à un régime paneuropéen de la navigation intérieure et de stimuler de cette manière le transport par voies navigables sur l'ensemble du continent n'est pas neuve et bénéficie d'un large soutien. Déjà en 1991, lors d'une conférence ministérielle à Budapest, les ministres s'étaient exprimés dans ce sens. En 2001, la Conférence paneuropéenne sur le transport par voies de navigation intérieure, tenue les 5 et 6 septembre à Rotterdam, a débouché sur une Déclaration dans laquelle les ministres appellent à accélérer la coopération européenne en vue d'une libéralisation et d'un renforcement du transport fluvial. Cette Déclaration contient plusieurs principes, objectifs et actions. L'un des principes énoncés est que l'harmonisation ne peut se faire au détriment du niveau des normes de sécurité et de qualité actuellement en vigueur et que les conditions sociales favorables, du moins celles existantes, doivent être préservées. Dans la Déclaration, les ministres plaident en faveur de la création d'un «marché paneuropéen du transport fluvial transparent et intégré, fondé sur les principes de réciprocité, de liberté de navigation, de concurrence loyale et d'égalité de traitement pour les usagers des voies de navigation intérieure».

5.2

Outre des efforts dans le domaine des infrastructures par exemple — domaine qui, comme on le sait, relève de l'échelon national au sein de l'UE — la Déclaration de Rotterdam invite la Commission européenne, la CEE-ONU et les deux commissions fluviales à intensifier leur coopération en matière d'harmonisation paneuropéenne des normes techniques, de sécurité et d'effectifs, et les encourage à coopérer à l'amélioration de l'enseignement et de la formation professionnelle. Elle invite ensuite la CEE-ONU, la Commission européenne, les deux commissions fluviales et la CEMT, en étroite collaboration, à identifier avant fin 2002 les obstacles d'ordre législatif entravant la mise en place au niveau paneuropéen d'un marché harmonisé et concurrentiel du transport fluvial, et à formuler des solutions afin de surmonter ces obstacles.

5.3

Force est de constater que depuis la conférence de 2001, l'exercice de réflexion sur le cadre institutionnel pour la navigation intérieure évolue bien. À cet égard, il convient de signaler l'atelier que la CEMT, la CEE-ONU et les commissions fluviales ont organisé à Paris en septembre 2005 sous le titre évocateur «On the Move».

5.4

En 2006 se tiendra une nouvelle conférence ministérielle en Roumanie, qui s'inscrira dans le prolongement de la conférence de Rotterdam.

6.   Observations

6.1

Le CESE est d'avis que le rapport EFIN représente une contribution précieuse à la discussion du volet institutionnel, en particulier les analyses qui y sont exposées, lesquelles méritent d'être soutenues. Les auteurs n'ont toutefois pas tiré complètement la conséquence logique des analyses dans la mesure où la solution proposée ne semble pas receler une force contraignante suffisante. Par ailleurs, comme dans les conventions et régimes existants, la politique sociale constitue la «tache aveugle» du rapport EFIN.

6.2

Il convient de se féliciter de ce que la Commission, contrairement au passé, laisse tout à fait ouverte la discussion sur les réformes institutionnelles. Le fait qu'elle dissocie complètement cette question des cinq domaines stratégiques n'y est certainement pas étranger. En ce qui concerne les options proposées, le CESE fait remarquer qu'un renforcement de la coopération à court terme s'impose assurément, comme le recommande la Commission dans sa première option. L'adhésion de la Commission à la CCNR, à propos de laquelle aucune décision n'a encore été prise par le Conseil depuis deux ans, peut également constituer une étape. Toutefois, pour atteindre l'efficacité recherchée et susciter une attention accrue sur le plan politique, des actions plus audacieuses seront nécessaires.

6.3

S'agissant des deux autres options concernant la phase finale des restructurations, à savoir la création d'une organisation paneuropéenne de la navigation intérieure ainsi que la solution communautaire, la Commission se borne à en énumérer les avantages et inconvénients sans opérer elle-même un choix, afin de laisser la discussion ouverte.

6.4

Afin notamment d'apporter sa contribution au débat et après examen des arguments avancés, le CESE entend d'ores et déjà faire ce choix. Le Comité estime que la solution communautaire, telle que présentée par la Commission, ne couvrira pas l'ensemble du territoire de l'Union. Le régime du Rhin et (dans une moindre mesure) le régime du Danube subsisteront, ce qui assure un niveau d'administration supplémentaire et confirme les besoins de coordination. Cette option exige également la conclusion d'accords avec des pays tiers, ce qui peut donner lieu à des différends. Une coopération avec les commissions fluviales signifie en pratique que la Commission centrale pour la navigation du Rhin et la Commission du Danube devront fournir les connaissances et les aptitudes nécessaires. L'expertise communautaire encore à construire ferait en fait double emploi avec celle des commissions fluviales, un chevauchement que la Commission souhaite précisément éviter.

6.5

En revanche, le CESE peut se rallier aux arguments positifs présentés par la Commission en faveur de l'option soutenant la création d'une organisation paneuropéenne de la navigation intérieure, au sein de laquelle coopéreraient toutes les organisations et pays européens concernés, y compris donc l'Union européenne. Une organisation de ce type relèverait la visibilité politique de la navigation intérieure et peut contribuer à la promouvoir sur le plan stratégique; en outre, elle favorise l'harmonisation de la législation. L'argument selon lequel cette organisation doit être financée par les contributions des parties prenantes, sur lequel la Commission n'a émis aucun jugement de valeur, est positif dans la mesure où cette option prévoit qu'en plus de l'UE, les pays tiers vont contribuer au développement de la navigation intérieure.

6.6

En ce qui concerne les arguments négatifs exposés par la Commission, le CESE fait valoir que la réalisation et la ratification d'une convention vont certes prendre du temps, mais qu'en réalité le processus a déjà commencé et qu'il pourrait même être achevé en quelques années s'il y a une volonté politique suffisante. Le succès des conférences ministérielles de 1991 et 2001 sur la navigation intérieure et l'organisation de la prochaine conférence plus tard dans l'année en Roumanie sont autant de signes précurseurs. L'objection selon laquelle une telle organisation opérerait hors du cadre communautaire est levée par le fait même de la participation de l'UE, qui garantit ainsi le lien communautaire. En outre, l'exécution effective des décisions de cette organisation peut être assurée par voie de convention, comme c'est déjà le cas avec l'Acte de Mannheim pour la navigation du Rhin.

6.6.1

Lors du récent sommet sur la navigation intérieure (Inland Navigation Summit, Industry Congress), qui s'est tenu à Vienne du 13 au 15 février 2006, la Commission a présenté un argument supplémentaire contre l'option d'une convention en soutenant qu'aux termes du traité la navigation fluviale relève de la compétence pleine et entière de l'UE et ne peut être transférée par un autre accord intergouvernemental. À cet égard, il convient de noter que la navigation intérieure en Europe se caractérise précisément par le fait que certaines compétences, notamment en ce qui concerne le trafic rhénan, sont réservées, en vertu de l'Acte de Mannheim révisé, aux États du Rhin. À cela s'ajoute le fait que des pays tiers souhaitent être associés à un régime juridique européen, pour lequel la Communauté n'est bien entendu pas non plus compétente.

6.6.2

L'option d'une convention signifierait que des pays extracommunautaires pourraient être liés à un même régime juridique que les États membres de l'UE. L'on pourrait aussi envisager des «chambres fluviales» dotées de compétences différentes. Dans les eaux communautaires, le droit européen de la navigation intérieure pourrait continuer de s'appliquer intégralement. Le grand avantage de cette option est qu'elle permettrait de traiter et de décider de questions paneuropéennes et aussi d'inclure de nouvelles compétences dans les traités, notamment en matière d'infrastructures.

Bruxelles, le 21 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Voir JO C 80 du 03.04.2002 et JO C 10 du 14.01.2004.

(2)  COM(2006) 6 final.


8.8.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 185/106


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1592/2002 du 15 juillet 2002 concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne»

(COM(2005) 579 final — 2005/0228 (COD))

(2006/C 185/19)

Le 31 janvier 2006, le Conseil a décidé, conformément à l'article 80, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée.

La section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 24 mars 2006 (rapporteur: M. Simons).

Lors de sa 426ème session plénière des 20 et 21 avril 2006 (séance du 21 avril), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 71 voix pour et 3 voix contre.

1.   Conclusions et motivation

1.1

Le CESE soutient sans réserve l'objectif consistant à élargir le champ d'application du règlement (CE) no 1592/2002 aux opérations aériennes, à l'octroi des licences de pilotes et aux aéronefs des pays tiers dans la mesure où la centralisation auprès d'une autorité unique de l'ensemble des activités de réglementation aérienne se traduirait par un surcroît d'efficacité et de sécurité.

1.2

S'agissant de la certification supplémentaire des opérateurs commerciaux des pays tiers, la Communauté devrait disposer de possibilités clairement établies de conclure avec des pays tiers des accords bilatéraux de reconnaissance mutuelle des certificats nécessaires. Le CESE estime par conséquent qu'il convient dans cette optique de prendre des mesures visant à s'assurer du respect par l'ensemble des États membres de l'OACI de leurs obligations, rendant ainsi caduque cette certification supplémentaire.

1.3

Il convient, pour garantir un niveau optimal de sécurité aérienne, que l'AESA dispose de ressources accrues pour mener à bien les tâches que la Commission propose de lui confier dans sa communication. Le financement communautaire envisagé à l'heure actuelle devra dès lors être considérablement revu à la hausse. Dans le même temps, la mise en commun des ressources au niveau communautaire a toutes les chances de conduire à des économies considérables non seulement pour le secteur mais également pour les gouvernements des États membres. La proposition de la Commission fait l'impasse sur cette question.

1.4

Le CESE est convaincu que la définition des opérations commerciales devrait être étendue aux opérations réalisées par l'aviation d'affaires et à celles réalisées en propriété fractionnée, et ce afin de garantir à l'ensemble des passagers dans l'Union européenne la même protection en matière de sécurité.

1.5

Conformément aux objectifs de sécurité rappelés en particulier aux paragraphes 1.1 et 1.4 ci-dessus et dans l'intérêt des usagers, il est primordial que l'AESA s'assure que l'inclusion des règles du JAR-OPS dans la législation communautaire, via la modification pendante du règlement (CEE) no 3922/91 ou autre procédure, représentera effectivement un progrès et procurera un niveau d'harmonisation suffisant dans les différents domaines réglementés sous son autorité.

2.   Introduction et synthèse du document de la Commission

2.1

En 2002, le règlement (CE) no 1592/2002 du Parlement européen et du Conseil a établi des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et institué l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).

2.2

Ce règlement a pour principal objectif d'assurer et de maintenir en Europe un niveau optimal et uniforme de sécurité dans le domaine de l'aviation civile. Il vise en outre à garantir dans toute l'Union un niveau élevé de protection de l'environnement, à faciliter la libre circulation des marchandises, des personnes et des services, à promouvoir la rentabilité dans les processus réglementaire et de certification et à éviter le double emploi entre le plan national et le plan européen, à aider les États membres à remplir leurs obligations au titre de la convention de Chicago de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et enfin à promouvoir les vues de la Communauté en matière de sécurité de l'aviation civile.

2.3

Le champ d'application du règlement confère à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) les compétences suivantes:

assister la Commission dans ses tâches législatives;

assister la Commission dans la conduite des inspections de normalisation auprès des autorités aéronautiques nationales (AAN) chargées de la sécurité;

assister la Communauté et ses États membres dans leurs relations avec les pays tiers;

aider les États membres à remplir leurs obligations internationales;

émettre des spécifications de certification ainsi que tout document d'orientation;

délivrer des certificats de type et des certificats de type supplémentaires pour les produits, pièces et équipements et garantir le maintien de leur navigabilité;

émettre et contrôler en permanence les agréments délivrés aux organismes de conception, de production et de maintenance établis en dehors du territoire des États membres et aux organismes de conception établis sur le territoire des États membres et aux organismes de production si elle a été sollicitée à cet effet par l'État membre concerné.

2.4

Les AAN restent compétentes pour délivrer les certificats individuels de navigabilité et les agréments aux organismes et au personnel (à l'exception des organismes de conception) établis sur le territoire de leur État membre mais elles doivent se conformer aux règles communes et se soumettre aux inspections de normalisation de l'AESA.

2.5

Il est généralement admis (1) que, pour des raisons d'efficacité, de sécurité et de normalisation, l'ensemble des activités de réglementation de la sécurité aérienne dans la Communauté doivent impérativement être conduites par une autorité unique, en l'espèce l'AESA.

2.6

La Commission rappelle dans l'exposé des motifs du document à l'examen que, le règlement (CE) no 1592/2002 étant entré en vigueur en septembre 2002, la Communauté dispose d'une compétence exclusive en matière de navigabilité et de compatibilité environnementale des produits, pièces et équipements aéronautiques. Dès l'adoption du texte actuel, il était entendu que, pour garantir un niveau optimal et uniforme de sécurité et la mise en place de conditions de concurrence équitables pour les opérateurs aériens communautaires, le champ d'application du règlement devait être élargi aux opérations aériennes et à l'octroi des licences des équipages de conduite.

2.7

La Commission rappelle que l'inclusion des règles du JAR-OPS dans la législation communautaire, via la modification pendante du règlement (CEE) no 3922/91, représentera un progrès indéniable mais elle ne procurera pas un niveau d'harmonisation suffisant car elle ne concernera que le transport commercial par avion. Les autres types d'aéronefs, les autres opérations commerciales ou les opérations non commerciales ne seront pas couverts par ces règles communes, qui ne concerneront pas davantage les licences des équipages de conduite ni les aéronefs des pays tiers. La Commission a par conséquent présenté la proposition à l'examen modifiant le règlement (CE) no 1592/2002.

2.8

La présente proposition prévoit également des exigences de certification applicables aux exploitants de pays tiers effectuant des opérations commerciales dans l'Union européenne.

2.9

Le 16 novembre 2005, la Commission a publié sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1592/2002 du 15 juillet 2002 concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) — (COM(2005) 579 final — 2005/0228 (COD)).

2.10

Cette proposition entend étendre les règles communes à toutes les opérations aériennes et les exigences de certification à tous les opérateurs commerciaux. Les certificats seraient délivrés par les États membres (AAN) ou, le cas échéant, l'AESA, qui pourrait aussi, chaque fois que nécessaire, imposer des directives opérationnelles.

2.11

Pour les opérations non commerciales, les règles seraient adaptées à la complexité des aéronefs utilisés et ne donneraient pas lieu à certification. Lorsque ces opérations sont conduites avec des aéronefs complexes, les opérateurs concernés devraient toutefois établir qu'ils sont en mesure de répondre à l'ensemble des exigences essentielles relatives aux opérations aériennes.

2.12

La proposition de règlement imposerait à la plupart des pilotes opérant dans la Communauté de détenir une licence délivrée sur la base d'exigences communes. Les organismes et le personnel de formation ainsi que les simulateurs de vol devraient, eux aussi, être certifiés sur la base de règles communes. L'AESA effectuerait les inspections de normalisation des AAN chargées de vérifier l'application de ces règles et certifierait elle-même les organismes et les simulateurs de vol établis dans les pays tiers.

2.13

Pour garantir une sécurité suffisante, la présente proposition soumettrait aux règles opérationnelles communes les aéronefs des pays tiers opérant dans la Communauté. Les opérateurs commerciaux de pays tiers effectuant des opérations aériennes dans la Communauté devraient en outre détenir un certificat.

2.14

La proposition envisage également d'apporter un certain nombre de modifications au fonctionnement de l'Agence, en particulier de son conseil d'administration.

3.   Observations générales

3.1

La sécurité aérienne nécessite en Europe une instance unique de régulation contrôlant l'ensemble des activités du transport aérien afin de garantir une approche cohérente commune de la réglementation en matière de sécurité sur le marché commun de l'aviation. Dans la mesure où il n'existe pas de frontières claires entre les différents aspects de la réglementation relative à la sécurité aérienne, la centralisation auprès d'une autorité unique de l'ensemble des activités dans ce domaine se traduirait par un surcroît d'efficacité et de sécurité. Aussi le CESE soutient-il sans réserve l'objectif consistant à élargir le champ d'application du règlement (CE) no 1592/2002 aux opérations aériennes, à l'octroi des licences de pilotes et aux aéronefs des pays tiers.

3.2

Il convient de veiller à la sécurité des aéronefs des pays tiers opérant dans la Communauté. Il importe de la même manière de rétablir des conditions de concurrence équitable avec d'autres régions du monde qui imposent aux compagnies aériennes de l'Union européenne opérant sur leur territoire (par exemple les États-Unis) des exigences de ce type et s'en sont servies pour procurer à leurs propres compagnies des avantages concurrentiels déloyaux au détriment des transporteurs aériens européens. Toutefois, s'agissant de la certification supplémentaire des opérateurs commerciaux des pays tiers, la Communauté devrait disposer de possibilités clairement établies de conclure avec des pays tiers des accords bilatéraux de reconnaissance mutuelle des certificats exigés afin d'éviter de faire peser sur les compagnies aériennes internationales de trop nombreuses obligations supplémentaires en matière de certification. Le CESE estime par conséquent qu'il convient dans cette optique de prendre des mesures visant à s'assurer du respect par l'ensemble des États membres de l'OACI de leurs obligations, rendant ainsi caduque cette certification supplémentaire.

3.3

L'Agence européenne de sécurité aérienne doit disposer du financement public communautaire nécessaire qui lui permette d'exercer ses missions supplémentaires en matière de sécurité, notamment la conduite d'un nombre suffisant d'inspections de normalisation de toutes les autorités aéronautiques nationales (AAN) chargées de la sécurité situées dans la Communauté et d'analyses de sécurité tout en veillant à ce que l'Europe reste compétitive par rapport aux autres régions du monde. Aussi convient-il, pour garantir un niveau optimal de sécurité aérienne, que l'AESA dispose de ressources accrues pour mener à bien les tâches qui lui sont confiées. Le financement communautaire envisagé à l'heure actuelle devra dès lors être nettement revu à la hausse.

3.4

Une augmentation des ressources financières et humaines de l'AESA doit aller de pair avec une réduction progressive du personnel des AAN afin de veiller au respect des objectifs de rentabilité financière et d'éviter toute hausse des coûts pour le secteur et les compagnies aériennes en Europe. Pour autant que soit adoptée une feuille de route quant au rôle que joueront à l'avenir les AAN et aux ressources humaines nécessaires, la mise en commun des ressources au niveau communautaire a toutes les chances de conduire à des économies considérables non seulement pour le secteur mais également pour les gouvernements des États membres. La proposition de la Commission fait l'impasse sur cette question.

3.5

Il est essentiel que la modification pendante du règlement (CEE) no 3922/91 (EU-OPS-1) soit analysée en fonction des objectifs de sécurité et d'harmonisation et que les règles d'application qu'adoptera l'AESA en matière d'opérations aériennes soient développées selon une approche cohérente commune de la réglementation et sur la base de données scientifiques et de sécurité claires.

3.6

Il importe par ailleurs de garantir une transition en douceur à partir des systèmes nationaux actuels (sur la base des normes JAR-OPS-1) et de veiller à ce que les modifications apportées aux normes en vigueur se bornent à les adapter à la législation communautaire et au nouveau cadre mis en place autour de l'AESA.

4.   Observations spécifiques

4.1

La définition des opérations commerciales (article 1er) devrait être étendue aux opérations réalisées par l'aviation d'affaires et à celles réalisées en propriété fractionnée. Les opérateurs devraient notamment être tenus d'apporter la preuve de leur capacité à effectuer ces opérations qui devraient en outre être soumises à des règles d'application identiques. Tous les passagers au sein de l'Union européenne devraient bénéficier de la même protection en matière de sécurité. Par ailleurs, étant donné que ces opérations sont souvent réalisées à l'aide d'aéronefs à motorisation complexe (Boeing 737, Airbus A319) dans le même espace aérien que les opérations commerciales, il importe au plus au point, et ce pour des raisons de sécurité, qu'elles soient soumises aux mêmes règles et à la même application de ces dispositions que les opérations commerciales.

4.2

La modification pendante du règlement (CEE) no 3922/91 (EU-OPS-1) harmonise effectivement les exigences de formation en matière de sécurité applicables à l'équipage de cabine mais laisse à l'appréciation des États membres l'opportunité de délivrer des certificats dans ce domaine. Certains États membres le font alors que d'autres n'en voient pas la nécessité. L'AESA devra donc vérifier si cette absence d'harmonisation pour les conditions d'exercice des fonctions d'équipages de cabine pourrait se révéler préjudiciable à la sécurité des passagers.

4.3

Concernant la modification pendante du règlement (CEE) no 3922/91 (sous-partie Q du règlement relatif aux règles EU-OPS-1) il est primordial que le régime de limitation du temps de vol fasse l'objet d'une évaluation scientifique et médicale réalisée par l'AESA conformément aux dispositions qui devraient être définies dans le règlement modifiant le règlement (CEE) no 3922/91 relatif aux règles EU-OPS-1 et pour tout problème de sécurité éventuellement identifié par l'AESA dans l'exercice de ses futures activités de contrôle.

4.4

S'agissant du conseil d'administration de l'AESA (article 25) et du bureau exécutif de l'AESA que le règlement à l'examen entend instaurer (article 28), il apparaît essentiel d'éviter la multiplication au sein de l'Agence d'instances qui pourraient entraver son fonctionnement. Par conséquent, si un bureau exécutif est mis en place, le nombre des réunions du conseil d'administration devrait être ramené à deux voire une par an. À cet égard, il importe également d'éviter que des représentants des autorités aéronautiques nationales (AAN) soient désignés pour y siéger compte tenu du risque de conflits d'intérêt. En effet, les AAN dépendent aussi financièrement du secteur aéronautique et pourraient dès lors rejeter la mise en place d'un système plus efficace autour de l'AESA.

4.5

La proposition visant à nommer quatre représentants de l'organe consultatif des parties intéressées au conseil d'administration de l'AESA (et à son bureau exécutif) découle logiquement du fait que la mission de l'AESA consiste à servir les intérêts du secteur, celui-ci contribuant par le paiement d'honoraires et de redevances à la majeure partie du budget de l'Agence. Toutefois, compte tenu de la contribution substantielle qu'apporte le secteur au budget de l'Agence, il y aurait tout lieu d'accorder à ses représentants les mêmes droits de vote s'agissant du fonctionnement général de l'AESA et des questions stratégiques impliquant l'Agence.

4.6

Il va de soi que les modifications apportées à la procédure de nomination du directeur exécutif et des directeurs (article 30, paragraphe 4) font suite à de nouvelles dispositions qui concernent l'ensemble des agences de l'Union européenne. Le CESE estime néanmoins que, dans le cas de l'instance d'expertise qu'est l'AESA, il y a lieu de revenir sur cette proposition qui empêcherait des candidats méritants de poursuivre leurs missions au-delà de deux périodes de cinq ans, ce qui risque de se traduire par l'impossibilité pour l'AESA de recruter les candidats les plus aptes.

4.7

L'exigence fondamentale d'instruction théorique (paragraphe 1, point i) 1), de l'annexe III) semble avoir omis l'utilisation à cette fin de CD-Rom, supports de formation courants dont les mérites sont reconnus par le secteur. Ce paragraphe devrait donc être reformulé comme suit: «L'instruction théorique doit être dispensée ou conçue par des instructeurs dûment qualifiés (…)».

4.8

Il convient de modifier comme suit l'exigence essentielle relative aux opérations de vol et aux sièges (paragraphe 3, point a) 3, de l'annexe IV): «En fonction du type d'aéronef, pendant le décollage et l'atterrissage, pendant la circulation au sol et lorsqu'il l'estime nécessaire dans l'intérêt de la sécurité, le pilote commandant de bord doit veiller à ce que chaque passager soit convenablement assis et que sa ceinture de sécurité soit correctement attachée». Cette modification est motivée par la nécessité de satisfaire aux règles actuelles de sécurité autorisant à asseoir les enfants en bas âge (enfants de moins de deux ans) sur les genoux et interdisant, pour des raisons de sécurité, l'utilisation de couchettes pendant le décollage, l'atterrissage et la circulation au sol (les couchettes ne sont utilisées qu'en croisière pour le confort du bébé).

4.9

Les exigences fondamentales quant au nombre de membres d'équipage et à la composition de l'équipage (paragraphe 7, point a), de l'annexe IV) semblent ne pas distinguer le nombre de membres d'équipage de conduite et la composition de l'équipage de conduite et le nombre de membres d'équipage de cabine et la composition de l'équipage de cabine. Le nombre de membres d'équipage de conduite et la composition de l'équipage de conduite sont déjà visés dans d'autres dispositions étant donné qu'ils dépendent des normes de certification de l'aéronef (limites indiquées dans le manuel de vol de l'aéronef, voir le paragraphe 4, point a)) et de limitation du temps de vol (article 15 ter, paragraphe 3). S'agissant des membres d'équipage de cabine, leur nombre minimum découle, pour l'essentiel, de règles de sécurité telles que les dispositions du JAR-OPS 1.990.

4.10

La proposition concernant les programmes de sécurité (paragraphe 8, point d) (iv), de l'annexe IV) en matière de protection de systèmes électroniques et informatiques pour prévenir toute atteinte à l'intégrité et toute corruption délibérée du système devrait être supprimée étant donné qu'il serait impossible pour les compagnies aériennes de satisfaire à cette exigence. Cette question relève de la certification de l'appareil et de ses systèmes (la responsabilité des compagnies aériennes ne devrait être limitée qu'à l'obligation d'agir contre toute atteinte involontaire à l'intégrité du système déjà évoquée dans le cadre des instructions de sécurité mais qui ne constitue pas un problème du point de vue de la sécurité).

4.11

La proposition semble n'envisager que 20 créations de postes au sein de l'AESA (voir le total des effectifs, page 57 de la communication à l'examen) pour mener à bien ses missions élargies. Ce chiffre est à mettre en regard avec les quelque 200 agents employés à l'heure actuelle par les AAN de l'Union européenne et chargés de l'élaboration de la réglementation en matière d'opérations aériennes et d'octroi des licences de pilotes. Par ailleurs, dans le cadre du système national actuel coordonné par les Autorités conjointes de l'aviation (JAA), le secteur apporte un appui considérable pour ce qui est de l'élaboration des nouvelles règles, ce que ne permet plus le système organisé autour de l'AESA. Le CESE estime que la création de 20 postes est tout à fait insuffisante pour que l'Agence soit à même d'assumer ses missions supplémentaires. D'importantes activités réglementaires de l'AESA risqueraient d'en être encore davantage retardées (phénomène d'ores et déjà observé dans d'autres domaines), ce qui pourrait porter atteinte à la sécurité ainsi qu'à la compétitivité du secteur aéronautique européen. De la même manière, les inspections de normalisation effectuées par l'AESA auprès des AAN de l'Union européenne et les analyses de sécurité dans ces nouveaux domaines de compétence nécessitent des ressources bien supérieures afin de garantir un niveau uniforme de surveillance en matière de sécurité.

Bruxelles, le 21 avril 2006.

La Présidente

du Comité économique et social européen

Anne-Marie SIGMUND


(1)  Voir l'Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes dans le domaine de l'aviation et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne» (rapporteur: M. von Schwerin), JO C 221 du 7.8.2001.