92003E2145

QUESTION ÉCRITE E-2145/03 posée par Reinhold Messner (Verts/ALE) à la Commission. Retenue du fleuve torrentiel Tagliamento (région italienne de Frioul-Vénétie Julienne).

Journal officiel n° 051 E du 26/02/2004 p. 0206 - 0208


QUESTION ÉCRITE E-2145/03

posée par Reinhold Messner (Verts/ALE) à la Commission

(27 juin 2003)

Objet: Retenue du fleuve torrentiel Tagliamento (région italienne de Frioul-Vénétie Julienne)

L'extraction de quelque 30 millions de m3 de graviers de rivière dans le cours moyen du Tagliamento doit permettre la construction d'un barrage d'écrêtement des crues de 14 km2 destiné à protéger la ville de Latisana, située dans le cours inférieur canalisé de ce fleuve.

Le Tagliamento possède le dernier grand bassin à régime torrentiel de toute la région alpine. Aussi l'Italie a-t-elle demandé que la portion concernée de ce fleuve soit considérée comme une région protégée au titre de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (92/43/CEE(1)) et de la directive concernant la conservation des oiseaux sauvages (79/409/CEE(2)).

Si ce projet anti-crues devait être réalisé, ce large réseau hydrologique (diffluence), qui est modifié à chaque crue, serait remplacé par un couloir unique. Les organismes se verraient priver de l'écoulement de l'eau de ce fleuve. Les graviers, dont l'imposante couche était mobile jusqu'ici s'amoncelleraient (succession). Le lit du Tagliamento se creuserait. En amont et surtout, en aval du lac de retenue, cette construction aurait de lourdes répercussions sur la limnologie et l'écologie des zones marécageuses, la faune et la flore de celles-ci (lesquelles englobent par exemple plus de 30 espèces de poissons et d'amphibiens). Outre l'extraction permanente de graviers de rivière à partir du lac de barrage, des mesures d'aménagement devraient être prises en aval (notamment des ouvrages transversaux destinés à relever le lit et empêcher l'étiage).

Il faut se féliciter du sérieux avec lequel l'Italie aborde, elle aussi, la question de la protection anti-crues. Les inondations dévastatrices qui ont touché ces dernières années l'Allemagne et une vaste partie de l'Europe sont à la base d'une révision des méthodes de protection. La tendance n'est plus à la correction, mais plutôt à la création de zones de retenue supplémentaires. En outre, la directive de l'UE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau (2000/60/CE(3)) exhorte tous les États membres à mettre les masses d'eau en bon état. En outre, l'Italie a signé, en 1991, la convention

alpine qui est contraignante en matière de droit international public et par laquelle les États signataires s'engagent à protéger globalement la nature et les eaux. La région de Frioul-Vénétie Julienne étant une région à haut risque sismique, le remplissage d'un réservoir aussi volumineux constitue un danger à peine imaginable.

La Commission pourrait-elle veiller à ce que l'écosystème du Tagliamento soit protégé et que des mesures alternatives de protection anti-crues soient envisagées? Lors de la réalisation de ce projet, pourrait-elle s'assurer du respect des directives sur la conservation des habitats naturels, sur la conservation des oiseaux sauvages et sur l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement? La Commission pense-t-elle qu'un tel projet pourrait satisfaire la clause relative au bon état de l'eau, contenue dans la directive établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau?

(1) JO L 206 du 22.7.1992, p. 7.

(2) JO L 103 du 25.4.1979, p. 1.

(3) JO L 327 du 22.12.2000, p. 1.

Réponse donnée par Mme Wallström au nom de la Commission

(13 août 2003)

La construction d'un réservoir de retenue pour prévenir les inondations du fleuve Tagliamento aura une certaine incidence sur l'environnement. Un projet de ce genre peut tomber sous le coup de plusieurs instruments législatifs communautaires.

La directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement(1) (directive EIE), modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997(2), prévoit que les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l'article 4 de la directive, qui renvoie lui-même aux annexes I et II.

Par ailleurs, la directive Habitats(3) et la directive Oiseaux sauvages(4) peuvent s'appliquer si des zones protégées ont été désignées dans la zone concernée par le projet.

Le projet relatif au fleuve Tagliamento a déjà été évalué par la Commission dans le cadre d'une plainte qui a été clôturée.

Le plaignant affirmait qu'un projet visant à améliorer la sécurité hydraulique du fleuve Tagliamento avait été approuvé sans passer par la procédure de l'EIE et sans évaluation conformément à l'article 6 de la directive Habitats. Ce projet impliquait la construction de trois bassins d'expansion dans le cadre des travaux de consolidation sur le fleuve Tagliamento, et il était affirmé qu'il aurait une incidence sur le site d'importance communautaire (IT3310007: Greto del Tagliamento), proposé dans le cadre de la directive Habitats pour faire partie du réseau Natura 2000.

Les autorités italiennes ont été invitées à fournir des informations sur ce dossier, à propos de l'application des directives 92/43/CE et 85/337/CEE du Conseil.

En réponse, les autorités italiennes ont informé la Commission que les travaux en question n'étaient pas au stade du projet mais de la planification, et que la directive EIE n'était donc pas applicable à ce stade. Le plan avait été approuvé avant que l'article 6 (paragraphes 2 à 4) de la directive, puisse être considéré comme applicable aux États membres. C'est la raison pour laquelle il n'avait pas fait l'objet d'une évaluation en application de l'article 6, paragraphe 3 de la directive. Les autorités italiennes ont cependant déclaré que le projet relatif aux trois bassins d'expansion serait soumis à une évaluation conformément à l'article 6 de la directive Habitats. S'appuyant sur ces informations, la Commission a clôturé la plainte.

Sur la base des informations complémentaires fournies par l'Honorable Parlementaire, la Commission n'est pas en mesure de détecter une quelconque infraction aux directives 85/337/CEE et 92/43/CE du Conseil. Elle serait cependant prête à réévaluer le dossier si l'Honorable Parlementaire lui fournissait des informations nouvelles, plus détaillées, pouvant démontrer une violation des deux directives.

La directive cadre sur l'eau(5), qui n'a joué aucun rôle dans les évaluations effectuées dans le cadre de la plainte précitée, prévoit la réalisation d'un certain nombre d'objectifs environnementaux intégrés dans un plan de gestion à définir pour chaque district hydrographique. La directive est entrée en vigueur le 22 décembre 2000 et est actuellement transposée dans les législations nationales, ce qui devrait être fait d'ici la fin de 2003.

L'article 4, paragraphe 7 de la directive 2000/60/CE dispose que les États membres ne commettent pas une infraction à la directive lorsque les objectifs ne sont pas atteints en raison de nouvelles modifications des caractéristiques physiques d'une masse d'eau de surface. Étant donné que la directive est entrée en vigueur en décembre 2000, le projet pourra être considéré comme une nouvelle modification dès qu'il aura dépassé le stade de la planification. L'Italie peut par conséquent demander une telle dérogation dans le plan de gestion du bassin hydrographique qui sera finalisé en 2009.

Toutefois, le même paragraphe prévoit une série de conditions à remplir pour l'application d'une telle dérogation. À partir des informations fournies sur le projet, il n'est pas possible d'estimer si celui-ci remplirait les critères énoncés à l'article 4, paragraphe 7. En outre, l'octroi d'une dérogation en cas de nouvelle modification est également soumis aux dispositions des paragraphes 8 et 9 de l'article 4. Le paragraphe 8 exige que la réalisation des objectifs dans d'autres masses d'eau du même district hydrographique ne soit pas compromise par cette nouvelle modification. Enfin, le paragraphe 9 dispose que l'application des dérogations prévues à l'article 4 doit garantir au moins le même niveau de protection que la législation communautaire actuellement en vigueur.

En conclusion, une fois que la préparation de ces travaux aura atteint le stade de projet, la Commission appréciera toute nouvelle information qui sera portée à sa connaissance en relation avec les directives 85/337/CEE, 92/43/CE et 2000/60/CE du Conseil.

(1) JO L 175 du 5.7.1985.

(2) JO L 73 du 14.3.1997.

(3) Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

(4) Directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

(5) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.