ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

31 mars 2023 (*)

« Pourvoi – Demande d’aide juridictionnelle – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Décision du Tribunal de l’Union européenne non susceptible de recours – Incompétence manifeste »

Dans l’affaire C‑485/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 juillet 2022,

KO, représentée par Me P. Koutrakos, dikigoros, Me F. Randolph, advocaat, et Mme J. Stojsavljevic-Savic, solicitor,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne,

Commission européenne,

Service européen pour l’action extérieure (SEAE),

Eulex Kosovo,

parties défenderesses en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, KO demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 19 mai 2022, KO/Conseil e.a. (T‑119/22 AJ, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande d’admission au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

2        Par cette ordonnance, le président du Tribunal a estimé, en application de l’article 146, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, que le Tribunal était manifestement incompétent pour statuer sur le recours en indemnité que KO envisageait d’introduire aux fins d’obtenir réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison de divers actes et omissions du Conseil de l’Union européenne, de la Commission européenne, du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et de Eulex Kosovo lors de la mise en œuvre de l’action commune 2008/124/PESC du Conseil, du 4 février 2008, relative à la mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo, EULEX KOSOVO (JO 2008, L 42, p. 92), et, en particulier, lors des enquêtes effectuées durant cette mission concernant l’assassinat de son fils, survenu au cours de l’année 1999 au Kosovo.

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque la Cour est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire, elle peut à tout moment décider, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        KO demande à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée. Elle invoque, en substance, quatre moyens à l’appui de son pourvoi.

6        Par son premier moyen, elle fait valoir que l’article 148, paragraphe 8, du règlement de procédure du Tribunal, relatif aux décisions sur les demandes d’aide juridictionnelle et selon lequel « [l]es ordonnances rendues en vertu du présent article ne sont pas susceptibles de recours », est inapplicable en l’espèce.

7        Elle soutient que l’ordonnance attaquée a été adoptée sur le fondement de l’article 146, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal et que cette disposition ne contient aucune restriction quant à l’exercice du droit au recours.

8        Il ressort toutefois du règlement de procédure du Tribunal que le chapitre quinzième de ce règlement de procédure, intitulé « De l’aide juridictionnelle », est composé des articles 146 à 150 de celui-ci et que l’article 146 dudit règlement de procédure, intitulé « Généralités », prévoit, à son paragraphe 2, les cas dans lesquels « [l]’aide juridictionnelle est refusée », alors que l’article 148 de celui-ci, intitulé « Décision sur la demande d’aide juridictionnelle », précise, notamment, les modalités d’adoption des décisions sur les demandes d’aide juridictionnelle et, dans le cas où une telle demande est acceptée, le contenu de ces décisions.

9        Il en résulte que l’article 148, paragraphe 8, du même règlement de procédure est applicable à une situation dans laquelle le président du Tribunal décide de refuser d’accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle et que la Cour est, par voie de conséquence, manifestement incompétente pour connaître d’un pourvoi contre une telle décision (voir, en ce sens, ordonnances du 21 mai 2019, BI/Commission, C‑99/19 P, non publiée, EU:C:2019:434, et du 17 mai 2022, OH/Cour européenne des droits de l’homme, C‑692/21 P, non publiée, EU:C:2022:398). Partant, le premier moyen ne peut qu’être rejeté.

10      C’est dès lors en vain que KO soutient, en substance, par son deuxième moyen, que l’article 148, paragraphe 8, du règlement de procédure du Tribunal doit être lu à la lumière de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et être interprété en ce sens que, si une ordonnance rendue en matière d’aide juridictionnelle ne peut, conformément à cet article 148, paragraphe 8, faire l’objet d’un recours portant sur le seul montant de l’aide juridictionnelle qui a été accordé, il en serait autrement s’agissant d’une ordonnance rejetant une demande d’admission au bénéfice de l’aide juridictionnelle au motif que le Tribunal serait manifestement incompétent pour connaître de l’action pour laquelle l’aide a été demandée. En effet, l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne doit être lu à la lumière de l’article 56, premier alinéa, de ce statut, qui dispose qu’un pourvoi peut être formé contre les décisions du Tribunal qui mettent fin à l’instance, qui tranchent partiellement le litige au fond ou qui mettent fin à un incident de procédure portant sur une exception d’incompétence ou d’irrecevabilité. Or, une décision du Tribunal refusant d’accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle ne relève pas des décisions énumérées à cet article 56, premier alinéa, et ne peut, par conséquent, faire l’objet d’un pourvoi, ainsi que le prévoit également l’article 148, paragraphe 8, du règlement de procédure du Tribunal. Partant, le deuxième moyen ne peut qu’être rejeté.

11      Il en va de même du troisième moyen, par lequel KO soutient que le fait de refuser d’examiner le présent pourvoi serait incohérent et incompatible avec ses droits fondamentaux, étant donné que les demanderesses d’aide juridictionnelle dans les affaires ayant donné lieu aux ordonnances de la Cour du 24 juin 2022, KS et KD (C‑29/22 P-AJ, non publiée), ainsi que du 24 juin 2022, KS et KD (C‑44/22 P-AJ, non publiée), auraient été admises au bénéfice de l’aide juridictionnelle en vue de pouvoir faire face aux frais afférents aux pourvois dans les affaires jointes C‑29/22 P et C‑44/22 P, KS e.a./Conseil e.a., qui concerneraient les mêmes questions substantielles que le pourvoi qu’elle envisage de former. En effet, les pourvois dans ces affaires jointes sont dirigés contre l’ordonnance du Tribunal du 10 novembre 2021, KS et KD/Conseil e.a. (T‑771/20, non publiée, EU:T:2021:798), par laquelle celui-ci s’est déclaré manifestement incompétent pour connaître d’un recours introduit sur le fondement de l’article 268 TFUE. Or, une telle ordonnance est susceptible de faire l’objet d’un pourvoi au sens de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En revanche, par le présent pourvoi, KO demande l’annulation de l’ordonnance attaquée par laquelle le président du Tribunal a rejeté sa demande visant à être admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle. Partant, ce pourvoi n’est pas dirigé contre une décision du Tribunal pouvant faire l’objet d’un pourvoi au titre de cette dernière disposition.

12      Enfin, il en va également ainsi du quatrième moyen, par lequel KO fait valoir que le fait de la priver du droit de former un pourvoi contre l’ordonnance attaquée constituerait une violation de l’article 47, troisième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, du fait qu’il s’agirait d’une limitation disproportionnée de son droit à être admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle, ainsi qu’il ressortirait de la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, EU:C:2010:811, point 47). En effet, une telle conclusion ne ressort aucunement de cette jurisprudence. En tout état de cause, il convient de relever que KO n’a pas suffisamment étayé son argument selon lequel le rejet du présent pourvoi serait de nature à entraîner une violation de cette disposition.

13      Eu égard à ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté pour incompétence manifeste de la Cour.

 Sur les dépens

14      En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que KO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté pour incompétence manifeste de la Cour.


2)      KO supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.