ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

17 janvier 2022 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑599/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 septembre 2021,

AM.VI. Srl, établie à Naples (Italie),

Quinam Limited, venant aux droits de Fashioneast Sàrl, établie à Londres (Royaume-Uni),

représentées par Mes A. Camusso et M. Baghetti, avvocati,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. I. Jarukaitis (rapporteur) et M. Ilešič, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Campos Sánchez-Bordona, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, AM.VI. Srl et Quinam Limited demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2021, Fashioneast et AM.VI./EUIPO – Moschillo (RICH JOHN RICHMOND) (T‑297/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:432), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 mars 2020 (affaire R 1381/2019‑2), relative à une procédure de déchéance entre, d’une part, Moschillo Srl et, d’autre part, Fashioneast et AM.VI.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, de ce règlement procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de leur demande d’admission du pourvoi, les requérantes invoquent deux moyens, tirés, respectivement, de dénaturations des faits et d’une violation des articles 15 et 51 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1).

7        Dans le cadre de leur premier moyen, les requérantes soutiennent, premièrement, que le Tribunal a jugé à tort que la marque en cause n’était pas utilisée, en estimant qu’une déclaration effectuée par un tiers, titulaire d’une licence, attestant de l’usage de la marque en cause, était fausse.

8        Deuxièmement, le Tribunal aurait considéré à tort, au point 38 de l’arrêt attaqué, que les éléments « rich » et « richmond » n’apparaissaient jamais ensemble et constituaient deux signes autonomes qui ne sont pas utilisés comme une seule marque, bien qu’il ressorte des éléments de preuve produits par les requérantes que ces éléments ont toujours été utilisés de façon adéquate et complémentaire. Par ailleurs, le Tribunal serait parvenu de manière erronée à la conclusion, figurant au point 40 de cet arrêt, selon laquelle la sous-marque correspond à l’élément « rich », tandis que les requérantes avaient clairement affirmé devant le Tribunal que la sous-marque en question était RICH JOHN RICHMOND.

9        Troisièmement, le Tribunal aurait rejeté comme preuve d’un usage sérieux deux contrats de licence produits par les requérantes, concernant l’ensemble du portefeuille de marques RICHMOND. Or, il s’agirait d’une erreur cruciale, étant donné que l’octroi de licences pour la marque en cause était pertinent pour déterminer si celle-ci avait fait l’objet d’un usage sérieux.

10      Ainsi, le Tribunal aurait commis de multiples erreurs dans son évaluation des éléments de preuve produits devant lui, ce qui l’aurait conduit à faire une application erronée des articles 15 et 51 du règlement n° 207/2009.

11      À cet égard, les requérantes précisent que le présent pourvoi contribuerait à l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union en permettant de fournir des indications sur les critères applicables quant à la recevabilité et à l’évaluation des preuves dans le cadre des recours visant à déterminer l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne.

12      Par leur second moyen, les requérantes soutiennent, notamment, que, au regard de la jurisprudence, et en particulier de l’arrêt du 10 décembre 2015, Sony Computer Entertainment Europe/OHMI – Marpefa (Vieta) (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950, point 45), le Tribunal a commis de multiples erreurs. En premier lieu, il aurait constaté, sans aucun élément à l’appui, que l’élément « john » de la marque en cause était distinctif et, en second lieu, que l’absence d’utilisation de cet élément sur les produits en question altérait le caractère distinctif de cette marque.

13      À cet égard, les requérantes précisent que le présent pourvoi devrait être admis afin d’obtenir des indications sur l’application correcte des articles 15 et 51 du règlement no 207/2009, dans un souci de cohérence et de développement du droit de l’Union.

14      Il convient de rappeler que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

15      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14, ainsi que du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21).

16      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22).

17      Dès lors, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

18      En l’occurrence, il convient de constater, s’agissant du premier moyen, que les requérantes, par leur argumentation résumée aux points 7 à 10 de la présente ordonnance, cherchent, d’une part, à remettre en cause des appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal relativement aux éléments de preuve produits devant lui. Or, une telle argumentation ne saurait démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 12 novembre 2021, König Ludwig International/EUIPO, C‑465/21 P, non publiée, EU:C:2021:922, point 16 et jurisprudence citée).

19      D’autre part, dans la mesure où, par cette argumentation, les requérantes excipent de dénaturations des faits et d’éléments de preuve que le Tribunal aurait commises dans le cadre de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque en cause, il convient de relever qu’une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible, en tant que telle et même à la supposer fondée, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 10 novembre 2021, Comercializadora Eloro/EUIPO, C‑415/21 P, non publiée, EU:C:2021:924, point 21 et jurisprudence citée).

20      S’agissant du second moyen, force est de constater que, par leur argumentation résumée au point 12 de la présente ordonnance, les requérantes cherchent, en réalité, à remettre en cause l’appréciation factuelle opérée par le Tribunal concernant le caractère distinctif de l’élément « john » de la marque en cause ainsi que la conclusion du Tribunal selon laquelle l’absence d’utilisation de cet élément sur les produits en question a altéré le caractère distinctif de cette marque. Or, ainsi qu’il est indiqué au point 18 de la présente ordonnance, une telle argumentation ne saurait démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

21      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’argumentation présentée par les requérantes à l’appui de leur demande d’admission de leur pourvoi n’est pas de nature à établir que ce dernier soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

24      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que les requérantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      AM.VI. Srl et Quinam Limited supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.