ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

23 novembre 2021 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑345/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 juin 2021,

Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, établie à Nicosia (Chypre), représentée par MM. S. Malynicz, QC et S. Baran, barrister ainsi que Mme V. Marsland, solicitor,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, MM. S. Rodin (rapporteur) et N. Piçarra, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et, l’avocat général, M. M. Campos Sánchez Bordona, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 mars 2021, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – Filotas Bellas & Yios (Halloumi) (T‑282/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:154), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 15 février 2019 (affaire R 2295/2017-4), relative à une procédure de nullité entre Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi et Filotas Bellas & Yios.

 Sur la demande d’admission

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission, la requérante fait valoir que le pourvoi soulève trois questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier argument, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, au point 117 de l’arrêt attaqué, violé l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), et méconnu les arrêts du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO (C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45), et du 29 janvier 2020, Sky e.a (C‑371/18, EU:C:2020:45, points 74 et 75), dans la mesure où il a qualifié la malhonnêteté en tant que critère permettant d’évaluer l’existence de la mauvaise foi. La requérante ajoute que le Tribunal s’est écarté de l’arrêt du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Događaji (MONOPOLY) (T‑663/19, EU:T:2021:211, point 41), qui reprendrait la jurisprudence de la Cour mentionnée ci-dessus selon laquelle l’intention malhonnête constituerait seulement l’un des motifs alternatifs de la mauvaise foi.

8        Enfin, la requérante fait valoir que cette incohérence jurisprudentielle menacerait l’unité du droit de l’Union étant donné que les questions concernant la mauvaise foi sont régulièrement traitées devant les juridictions nationales. En effet, ces dernières pourraient apprécier de manière divergente de telles questions en raison de l’absence d’un critère cohérent applicable.

9        Par ses deuxième et troisième arguments, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’article 53, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n°°207/2009, ainsi que la jurisprudence de la Cour, notamment les arrêts du 24 mai 2012 Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:201:314, points 40 à 47), et du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170).

10      Plus précisément, le Tribunal aurait attaché une importance excessive au caractère distinctif de la marque antérieure dans la comparaison des signes et n’aurait pas rendu l’arrêt attaqué sur la base des éléments de preuves produits, ce qui soulèverait une question importante pour le développement du droit de l’Union. En outre, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant, au point 50 de l’arrêt attaqué, que la charge de la preuve du caractère distinctif de la marque antérieure pèse sur le titulaire de celle-ci. Le Tribunal suivrait dans ce contexte la jurisprudence provenant de l’arrêt du 25 septembre 2018, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑328/17, non publié, EU:T:2018:594, point 41), alors que celle-ci aurait été remise en question dans les conclusions de l’avocate générale Kokott du 17 octobre 2019, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2019:881), ce qui soulèverait un problème de cohérence du droit de l’Union.

11      Enfin, la requérante fait valoir que le Tribunal aurait erronément jugé que, s’agissant du caractère enregistrable et de la portée de la protection de marques collectives, les différents régimes de protection des droits, comme le régime des marques et le régime des appellations d’origine et des indications géographiques peuvent avoir des effets les uns sur les autres en droit de l’Union.

12      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut a pour but de limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14, et du 6 octobre 2021, FCA Italy/EUIPO, C‑360/21 P, non publiée, EU:C:2021:841, point 13).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

15      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

16      En l’occurrence, en ce qui concerne, en premier lieu, l’argumentation évoquée aux points 7 et 8 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence pertinente de la Cour et de sa propre jurisprudence, il importe de relever que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 17).

17      Plus particulièrement, si la requérante précise les points de l’arrêt attaqué et ceux des décisions de la Cour qui auraient été méconnus, elle ne fournit toutefois pas d’indications suffisantes sur la similitude des situations visées dans ces arrêts permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2020, Confédération nationale du Crédit Mutuel/Crédit Mutuel Arkéa, C‑867/19 P, non publiée, EU:C:2020:103, point 18).

18      La requérante ne fournit pas non plus d’indications sur les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

19      En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation résumée aux points 9 à 10 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal aurait commis une erreur, en attachant une importance excessive au caractère distinctif de la marque antérieure dans la comparaison des signes et en ne prenant pas en compte les éléments de preuve produits, dès lors que cette appréciation est de nature factuelle, l’argumentation en question ne saurait soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnances du 10 octobre 2019, KID-Systeme/EUIPO, C‑577/19 P, non publiée, EU:C:2019:854, point 20, et du 24 juin 2021, Olimp Laboratories/EUIPO, C‑219/21 P, non publiée, EU:C:2021:522, point 20).

20      En outre, la requérante se limitant à avancer la méconnaissance de certaines dispositions du règlement n° 207/2009 ainsi que d’une certaine jurisprudence, outre que l’inexistence d’une jurisprudence cohérente concernant la répartition de la charge de la preuve du caractère distinctif, il importe de souligner que si la requérante identifie les points de l’arrêt attaqué et ceux des décisions du Tribunal et de la Cour qui auraient été méconnus, elle n’explique pas avec précision et clarté en quoi exactement la jurisprudence évoquée aurait été méconnue ou ne fournit pas d’indications suffisantes sur la similitude des situations visées dans cette jurisprudence permettant d’établir la réalité des contradictions invoquées. Par ailleurs, s’agissant de la prétendue méconnaissance de certaines dispositions dudit règlement, la requérante n’explique pas non plus avec précision et clarté en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal.

21      En troisième et dernier lieu, en ce qui concerne l’argumentation évoquée au point 11 de la présente ordonnance, il convient de relever que les explications fournies par la requérante ne sont pas suffisamment claires et précises pour permettre à la Cour de comprendre en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et quelle est concrètement la question de droit importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

22      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

23      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

24      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

25      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.