ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 juillet 2021 ( *1 )

« Pourvoi – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Calcul des contributions ex ante pour l’année 2017 – Authentification d’une décision du Conseil de résolution unique (CRU) – Obligation de motivation – Données confidentielles – Légalité du règlement délégué (UE) 2015/63 »

Dans les affaires jointes C‑584/20 P et C‑621/20 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits respectivement les 6 et 20 novembre 2020,

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou, A. Nijenhuis et V. Di Bucci ainsi que par Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie requérante dans l’affaire C‑584/20 P,

soutenue par :

Royaume d’Espagne, représenté par M. J. Rodríguez de la Rúa Puig, en qualité d’agent,

partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant :

Landesbank Baden-Württemberg, établie à Stuttgart (Allemagne), représentée par Mes H. Berger et M. Weber, Rechtsanwälte,

partie demanderesse en première instance,

soutenue par :

Fédération bancaire française, établie à Paris (France), représentée par Mes A. Gosset-Grainville, M. Trabucchi et M. Dalon, avocats,

partie intervenante au pourvoi,

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. K.‑P. Wojcik, P. A. Messina et J. Kerlin ainsi que par Mme H. Ehlers, en qualité d’agents, assistés de Mes H.‑G. Kamann et P. Gey, Rechtsanwälte, ainsi que de Me F. Louis, avocat,

partie défenderesse en première instance,

et

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. K.‑P. Wojcik, P. A. Messina et J. Kerlin ainsi que par Mme H. Ehlers, en qualité d’agents, assistés de Mes H.‑G. Kamann et P. Gey, Rechtsanwälte, ainsi que de Me F. Louis, avocat,

partie requérante dans l’affaire C‑621/20 P,

soutenu par :

Royaume d’Espagne, représenté par M. J. Rodríguez de la Rúa Puig, en qualité d’agent,

partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant :

Landesbank Baden-Württemberg, établie à Stuttgart (Allemagne), représentée par Mes H. Berger et M. Weber, Rechtsanwälte,

partie demanderesse en première instance,

soutenue par :

Fédération bancaire française, établie à Paris (France), représentée par Mes A. Gosset-Grainville, M. Trabucchi et M. Dalon, avocats,

partie intervenante au pourvoi,

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou, A. Nijenhuis et V. Di Bucci ainsi que par Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot, M. Vilaras, E. Regan, M. Ilešič, L. Bay Larsen (rapporteur), A. Kumin et N. Wahl, présidents de chambre, MM. T. von Danwitz, M. Safjan, C. Lycourgos, I. Jarukaitis, N. Jääskinen et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mars 2021,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 avril 2021,

rend le présent

Arrêt

1

Par leurs pourvois respectifs, la Commission européenne et le Conseil de résolution unique (CRU) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 septembre 2020, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑411/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:435), par lequel celui-ci a annulé la décision du CRU dans sa session exécutive, du 11 avril 2017, sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2017/05) (ci-après la « décision litigieuse »), en ce qu’elle concerne Landesbank Baden-Württemberg.

Le cadre juridique

La directive 2014/59/UE

2

Les considérants 105 à 107 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), sont libellés comme suit :

« (105)

En principe, les contributions devraient être collectées auprès des acteurs du secteur financier préalablement à toute opération de résolution et indépendamment de celle-ci. Lorsque les financements préalables se révèlent insuffisants pour couvrir les pertes ou les frais encourus en utilisant les dispositifs de financement, des contributions supplémentaires devraient être collectées pour couvrir les coûts ou pertes supplémentaires.

(106)

Pour atteindre une masse critique et éviter les effets procycliques qui pourraient se produire en cas de crise systémique si les dispositifs de financement étaient alimentés exclusivement par des contributions ex post, il est indispensable que les moyens financiers ex ante disponibles des dispositifs de financement nationaux atteignent au moins un certain niveau cible minimum.

(107)

Pour assurer un calcul équitable des contributions aux dispositifs de financement nationaux et encourager l’adoption de modes de fonctionnement moins risqués, il conviendrait que ces contributions soient fonction du degré du risque de crédit, de liquidité et de marché encouru par les établissements. »

3

L’article 102, paragraphe 1, de cette directive précise :

« Les États membres veillent à ce que, au plus tard le 31 décembre 2024, les moyens financiers disponibles de leurs dispositifs de financement atteignent au moins 1 % du montant des dépôts couverts de tous les établissements agréés sur leur territoire. Les États membres peuvent fixer des niveaux cibles supérieurs à ce montant. »

4

L’article 103 de ladite directive dispose :

« 1.   Pour atteindre le niveau cible précisé à l’article 102, les États membres veillent à ce que des contributions soient perçues au moins chaque année auprès des établissements agréés sur leur territoire, y compris des succursales de l’Union.

2.   La contribution de chaque établissement est proportionnelle au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts de tous les établissements agréés sur le territoire de l’État membre.

Ces contributions sont adaptées en fonction du profil de risque des établissements selon les critères adoptés en vertu du paragraphe 7.

[...]

7.   La Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 115 pour préciser la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements visée au paragraphe 2 du présent article, en tenant compte de tous les éléments suivants :

a)

l’exposition au risque de l’établissement, y compris l’importance de ses activités de négociation, de ses engagements de hors bilan et de son niveau d’endettement ;

b)

la stabilité et la diversité des sources de financement de l’établissement et de ses actifs non grevés très liquides ;

c)

la situation financière de l’établissement ;

d)

la probabilité que l’établissement soit soumis à une procédure de résolution ;

e)

la mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ;

f)

la complexité de la structure de l’établissement et sa résolvabilité ;

g)

l’importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie d’un ou de plusieurs États membres ou de l’Union ;

h)

le fait que l’établissement appartient à un système de protection institutionnel. »

Le règlement (UE) no 806/2014

5

Le considérant 41 du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), énonce :

« Compte tenu des missions du CRU et des objectifs de la résolution, parmi lesquels figure la protection des fonds publics, le fonctionnement du [Mécanisme de résolution unique (MRU)] devrait être financé par des contributions versées par les établissements établis dans les États membres participants. »

6

L’article 69, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :

« Au terme d’une période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 [...] les moyens financiers disponibles du [Fonds de résolution unique (FRU)] atteignent au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements de crédit agréés dans tous les États membres participants. »

7

L’article 70, paragraphes 1 et 2, dudit règlement dispose :

« 1.   La contribution individuelle de chaque établissement est perçue au moins chaque année et est calculée proportionnellement au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

2.   Chaque année, le CRU, après consultation de la [Banque centrale européenne (BCE)] ou de l’autorité compétente nationale et en étroite coopération avec les autorités de résolution nationales, calcule les contributions individuelles pour faire en sorte que les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible.

Chaque année, le calcul de la contribution de chaque établissement s’appuie sur :

a)

une contribution forfaitaire, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire des États membres participants ; et

b)

une contribution en fonction du profil de risque, fondée sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive [2014/59], tenant compte du principe de proportionnalité, sans créer de distorsions entre les structures du secteur bancaire des États membres.

Le rapport entre la contribution forfaitaire et la contribution en fonction du profil de risque est défini avec le souci d’une répartition équilibrée des contributions entre les différents types de banques.

[...] »

8

L’article 88, paragraphe 1, du même règlement est libellé comme suit :

« Les membres du CRU, le vice-président, [...] le personnel du CRU et le personnel des États membres participants qui fait l’objet d’un échange ou d’un détachement et exerce des fonctions de résolution sont soumis, même après la cessation de leurs fonctions, aux exigences de secret professionnel prévues par l’article 339 [TFUE] et par les actes pertinents de la législation de l’Union. Il leur est notamment interdit de divulguer à toute personne ou autorité des informations confidentielles obtenues dans l’exercice de leurs activités professionnelles ou des informations reçues d’une autorité compétente ou d’une autorité de résolution en rapport avec leurs fonctions au titre du présent règlement, à moins que ce ne soit dans l’exercice desdites fonctions, ou sous une forme résumée ou agrégée de telle sorte que les entités visées à l’article 2 ne puissent être identifiées ou qu’elles le soient avec le consentement exprès et préalable de l’autorité ou de l’entité qui a fourni les informations.

Les informations couvertes par les exigences de secret professionnel ne sont pas divulguées à une autre entité publique ou privée, sauf lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires. »

Le règlement délégué (UE) 2015/63

9

L’article 4 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44), précise :

« 1.   L’autorité de résolution calcule la contribution annuelle que doit verser chaque établissement en proportion du profil de risque de l’établissement, sur la base des informations fournies par celui-ci [...] et en application de la méthode énoncée dans la présente section.

2.   L’autorité de résolution calcule la contribution annuelle visée au paragraphe 1 sur la base du niveau cible annuel du dispositif de financement pour la résolution, compte tenu du niveau cible à atteindre pour le 31 décembre 2024 conformément à l’article 102, paragraphe 1, de la directive [2014/59], et sur la base du montant moyen des dépôts couverts l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur son territoire. »

10

L’article 5 de ce règlement délégué énonce les principes de l’ajustement au risque des contributions annuelles de base.

11

L’article 6 dudit règlement délégué définit les piliers et les indicateurs de risque, dont la pondération relative est fixée à l’article 7 du même règlement délégué.

12

L’article 9 du règlement délégué 2015/63 prévoit :

« 1.   L’autorité de résolution calcule le multiplicateur d’ajustement supplémentaire en fonction du profil de risque pour chaque établissement en combinant les indicateurs de risque visés à l’article 6 conformément à la formule et aux procédures exposées à l’annexe I.

2.   Sans préjudice de l’article 10, l’autorité de résolution calcule la contribution annuelle de chaque établissement pour chaque période de contribution en multipliant la contribution annuelle de base par le multiplicateur d’ajustement supplémentaire en fonction du profil de risque, conformément à la formule et aux procédures exposées à l’annexe I.

3.   Le multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque est compris entre 0,8 et 1,5. »

13

L’article 13, paragraphe 1, de ce règlement délégué dispose :

« Au plus tard le 1er mai de chaque année, l’autorité de résolution informe chacun des établissements visés à l’article 2 de sa décision déterminant la contribution annuelle due par cet établissement. »

14

L’annexe I dudit règlement délégué est intitulée « Procédure de calcul des contributions annuelles des établissements » et détaille les étapes devant être suivies par le CRU lors du calcul des contributions ex ante au FRU.

Les antécédents du litige

15

Par la décision litigieuse, le CRU a décidé du montant des contributions ex ante au FRU pour l’année 2017, en ce compris le montant de la contribution de Landesbank Baden-Württemberg, un établissement de crédit établi en Allemagne.

16

Par avis de perception du 21 avril 2017, reçu par Landesbank Baden-Württemberg le 24 avril 2017, la Bundesanstalt für Finanzmarktstabilisierung (Office fédéral de stabilisation des marchés financiers, Allemagne) a informé Landesbank Baden-Württemberg que le CRU avait fixé sa contribution ex ante pour l’année 2017 au FRU et lui a indiqué le montant à payer au profit du Restrukturierungsfonds (fonds de restructuration, Allemagne). Deux documents étaient joints à cet avis de perception, à savoir une version allemande du texte de la décision litigieuse, sans l’annexe que ce texte mentionne, et un document intitulé « Détails du calcul (ajusté au risque) : Contributions ex ante au [FRU] pour 2017 » (ci-après l’« annexe harmonisée »).

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

17

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juin 2017, Landesbank Baden-Württemberg a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

18

À l’appui de ce recours, elle a invoqué six moyens. Ces moyens étaient tirés, le premier, d’une violation de l’article 296 TFUE et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») en raison d’une motivation insuffisante de la décision litigieuse, le deuxième, d’une violation de l’article 41 de la Charte au motif que Landesbank Baden-Württemberg n’avait pas été entendue, le troisième, d’une violation de l’article 47 de la Charte en raison du caractère invérifiable de cette décision, le quatrième, d’une violation de plusieurs dispositions de droit dérivé ainsi que des articles 16 et 20 de la Charte du fait de l’application du multiplicateur pour l’indicateur « système de protection institutionnel », le cinquième, d’une violation de l’article 16 de la Charte et du principe de proportionnalité en raison de l’application du multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque et, le sixième, de l’illégalité des articles 4 à 7 et 9 du règlement délégué 2015/63 ainsi que de l’annexe I de ce règlement délégué.

19

Par décision du 13 novembre 2017, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du CRU.

20

Par une mesure d’organisation de la procédure et trois ordonnances portant des mesures d’instruction, le Tribunal a invité le CRU à communiquer plusieurs informations ainsi que plusieurs documents, dont une copie intégrale de l’original de la décision litigieuse accompagnée de son annexe.

21

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse, en ce qu’elle concerne Landesbank Baden-Württemberg, et a jugé que les effets de cette décision seraient maintenus pendant six mois à compter du jour où cet arrêt devient définitif.

22

En premier lieu, le Tribunal a examiné d’office un moyen tiré du défaut d’authentification de la décision litigieuse.

23

À cet égard, il a relevé, aux points 46 et 47 de l’arrêt attaqué que, si le CRU avait produit une copie de la version signée du corps de la décision litigieuse ainsi qu’une copie d’une fiche d’acheminement relative au dossier également signée, il n’avait apporté aucune preuve de l’authentification de l’annexe de cette décision, laquelle constituait un élément essentiel de ladite décision. En particulier, le Tribunal a souligné, au point 51 de l’arrêt attaqué, que le CRU n’avait pas établi que cette annexe avait été signée électroniquement.

24

Au point 52 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé que l’argument avancé par le CRU lors de l’audience, selon lequel ladite annexe aurait été disponible dans un système documentaire dénommé « Advanced Records System » (ci-après le « système ARES ») au moment de la signature de la fiche d’acheminement, était nouveau et, à ce titre, irrecevable ainsi que, en tout état de cause, non étayé. Au point 53 de cet arrêt, le Tribunal a ainsi observé que la fiche d’acheminement produite par le CRU ne comportait aucun élément prouvant le bien-fondé de cet argument ou permettant d’établir un lien indissociable entre cette fiche et un document présent dans le système ARES, qui correspondrait à l’annexe de la décision litigieuse.

25

Le Tribunal a, par conséquent, jugé, au point 55 de l’arrêt attaqué, que l’exigence d’authentification de la décision litigieuse n’était pas satisfaite.

26

En second lieu, le Tribunal a estimé opportun, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’examiner les premier, troisième et sixième moyens invoqués par Landesbank Baden-Württemberg et a accueilli ces moyens.

27

Le Tribunal a, premièrement, examiné le respect de l’obligation de motivation et du droit à une protection juridictionnelle effective.

28

Aux points 95 à 98 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la décision litigieuse ne contenait presque aucun élément servant au calcul de la contribution ex ante au FRU de Landesbank Baden-Württemberg pour l’année 2017 et que, si l’annexe harmonisée précisait d’autres éléments de calcul, elle ne comportait pas d’éléments suffisants pour vérifier l’exactitude de cette contribution. Le Tribunal a jugé, en particulier, que ce document ne comprenait aucun élément se rapportant aux autres établissements bancaires concernés par ce calcul, alors que, en application notamment des articles 4 à 7 et 9 du règlement délégué 2015/63, le calcul de ladite contribution impliquait à la fois une mise en proportion du passif de Landesbank Baden-Württemberg avec le total du passif de ces autres établissements ainsi qu’une évaluation du profil de risque de celle-ci en rapport avec les profils de risque desdits autres établissements.

29

Le Tribunal a, en outre, précisé, aux points 100 et 102 de l’arrêt attaqué, que, au regard de la nature confidentielle des données prises en compte dans le calcul de la contribution ex ante au FRU de Landesbank Baden-Württemberg pour l’année 2017, le mode de calcul de celle-ci était intrinsèquement opaque et portait atteinte à la possibilité de contester utilement la décision litigieuse. Partant, le Tribunal a estimé, au point 109 de cet arrêt, que la motivation fournie à Landesbank Baden-Württemberg plaçait celle-ci dans une situation dans laquelle elle n’était pas en mesure de savoir si le montant de cette contribution avait été calculé correctement ou si elle devait le contester devant les juridictions de l’Union.

30

Le Tribunal en a déduit, au point 110 de l’arrêt attaqué, que le CRU avait violé l’obligation de motivation.

31

Il a, deuxièmement, relevé, au point 127 de cet arrêt, que la possibilité, pour le Tribunal, de demander au CRU de produire des informations aux fins de l’examen de la légalité de la décision litigieuse ne pouvait pas modifier, en l’espèce, le constat d’une violation de l’obligation de motivation, ni garantir le respect du droit de Landesbank Baden-Württemberg à une protection juridictionnelle effective.

32

Troisièmement, le Tribunal s’est prononcé sur l’exception d’illégalité soulevée par Landesbank Baden-Württemberg.

33

À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 129 de l’arrêt attaqué, que l’opacité du mode de calcul des contributions ex ante au FRU résultait, à tout le moins en partie, du règlement délégué 2015/63. Par conséquent, il a jugé, au point 141 de cet arrêt, que la violation de l’obligation de motivation constatée dans cet arrêt trouvait sa cause, pour la partie du calcul de ces contributions relative à l’adaptation en fonction du profil de risque, dans l’illégalité des articles 4 à 7 et 9 du règlement délégué 2015/63 ainsi que de l’annexe I de ce règlement délégué.

Les conclusions des parties

34

Par son pourvoi dans l’affaire C‑584/20 P, la Commission demande à la Cour :

d’annuler l’arrêt attaqué et

de condamner Landesbank Baden-Württemberg aux dépens du pourvoi.

35

Par son pourvoi dans l’affaire C‑621/20 P, le CRU demande à la Cour :

d’annuler l’arrêt attaqué ;

de rejeter la requête introduite par Landesbank Baden-Württemberg, et

de condamner Landesbank Baden-Württemberg aux dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

36

Landesbank Baden-Württemberg demande à la Cour :

de rejeter les pourvois et

de condamner la Commission et le CRU aux dépens.

La procédure devant la Cour

37

Par actes séparés présentés au greffe de la Cour lors du dépôt de leurs pourvois respectifs, la Commission et la CRU ont demandé que les présentes affaires soient soumises à la procédure accélérée prévue aux articles 133 à 136 du règlement de procédure de la Cour, applicables au pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement.

38

À l’appui de leurs demandes, la Commission et le CRU ont fait valoir, en substance, que l’arrêt attaqué avait des conséquences majeures sur le calcul annuel des contributions ex ante au FRU, qu’il était nécessaire de clarifier au plus vite le cadre juridique régissant ce calcul en vue de permettre au FRU d’acquérir la capacité financière qu’exige son rôle et que, dans l’attente de cette clarification, un grand nombre de recours risquaient d’être introduits devant les juridictions de l’Union.

39

Il résulte de l’article 133 du règlement de procédure de la Cour que, à la demande soit de la partie requérante, soit de la partie défenderesse, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, l’autre partie, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre une affaire à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement.

40

Les 4 et 8 décembre 2020, le président de la Cour a décidé, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, de faire droit aux demandes de la Commission et du CRU.

41

En effet, l’arrêt attaqué remet en cause les procédures suivies au sein du CRU pour assurer l’authentification et la motivation des décisions fixant les contributions ex ante au FRU ainsi que la légalité d’éléments essentiels de la méthode de calcul de ces contributions. Il s’ensuit que le CRU est, depuis le prononcé de cet arrêt, exposé à une incertitude majeure quant aux procédures et au mode de calcul devant être appliqués à cette fin, alors qu’il est tenu, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, d’informer, au plus tard le 1er mai de chaque année, chacun des établissements concernés de sa décision déterminant la contribution annuelle au FRU due par ces établissements.

42

Eu égard à l’importance du rôle du FRU dans le cadre de l’union bancaire, la persistance d’une telle incertitude sur les conditions de financement de celui-ci serait susceptible d’avoir une incidence négative importante, de nature systémique, sur le fonctionnement de cette union et, partant, sur la stabilité de la zone euro. Il importe donc, afin de prévenir toute entrave au processus de perception des contributions assurant ce financement, de lever, dans les meilleurs délais, cette incertitude (voir, par analogie, ordonnances du président de la Cour du 4 octobre 2012, Pringle, C‑370/12, non publiée, EU:C:2012:620, points 7 et 8, ainsi que du 12 juin 2018, BCE/Lettonie, C‑238/18, non publiée, EU:C:2018:488, point 17).

43

Conformément à l’article 54, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, le président de la Cour a décidé, le 12 février 2021, de joindre les présentes affaires aux fins de la phase orale de la procédure et de l’arrêt.

44

Par ordonnances du président de la Cour du 25 février 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P, non publiée, EU:C:2021:150), et CRU/Landesbank Baden-Württemberg (C‑621/20 P, non publiée, EU:C:2021:151), la Fédération bancaire française a été admise à intervenir au soutien des conclusions de Landesbank Baden-Württemberg.

45

Par ordonnance du président de la Cour du 12 mars 2021, Commission et CRU/Landesbank Baden-Württemberg (C‑584/20 P et C‑621/20 P, non publiée, EU:C:2021:261), le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission et du CRU.

Sur les pourvois

46

La Commission invoque cinq moyens à l’appui de son pourvoi dans l’affaire C‑584/20 P. Le premier moyen est tiré, d’une part, d’une dénaturation des faits ainsi que, d’autre part, d’une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, en ce qui concerne le constat, par le Tribunal, du défaut d’authentification de la décision litigieuse. Les deuxième à cinquième moyens sont tirés, respectivement, d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation s’agissant de la recevabilité de l’exception d’illégalité accueillie par le Tribunal, de deux erreurs dans l’interprétation du règlement no 806/2014 ainsi que d’une extension erronée de la portée de l’obligation de motivation au titre de l’article 296 TFUE.

47

À l’appui de son pourvoi dans l’affaire C‑621/20 P, le CRU invoque deux moyens tirés, le premier, tout d’abord, d’une violation de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ensuite, d’une dénaturation des preuves ainsi que, enfin, d’une violation du droit à un procès équitable, en ce qui concerne le constat, par le Tribunal, du défaut d’authentification de la décision litigieuse, et, le second, d’une violation de l’article 296 TFUE ainsi que de l’article 47 de la Charte.

Sur la seconde branche du premier moyen dans l’affaire C‑584/20 P et sur la troisième branche du premier moyen dans l’affaire C‑621/20 P

Argumentation des parties

48

Par la seconde branche du premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑584/20 P et par la troisième branche du premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑621/20 P, qu’il convient d’examiner d’emblée, la Commission et le CRU, soutenus par le Royaume d’Espagne, font valoir que le Tribunal a violé le principe du contradictoire ainsi que les droits de la défense et le droit à un procès équitable du CRU.

49

Ils estiment, en effet, que le CRU n’a pas été en mesure de prendre utilement position sur le moyen, soulevé d’office par le Tribunal, tiré du défaut de preuve suffisante de l’authentification de la décision litigieuse.

50

Selon le CRU, le droit des parties à être entendues implique qu’elles puissent prendre connaissance des moyens de droit relevés d’office par le Tribunal et qu’elles puissent effectivement les discuter. Le CRU aurait donc dû avoir la possibilité de se familiariser avec les questions soulevées devant le Tribunal sous une forme et dans un délai appropriés pour pouvoir prendre position efficacement à leur sujet.

51

Le CRU souligne, à cet égard, que la question de l’authentification de cette décision n’avait pas été discutée dans le cadre de la phase écrite de la procédure antérieurement à l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal, que ce dernier n’avait pas indiqué, au moins lors de cette audience, que les preuves fournies par le CRU étaient insuffisantes et qu’il avait refusé l’offre de preuve formulée, à cette occasion, par le CRU. Le respect de l’obligation d’authentification étant normalement présumé, le Tribunal n’aurait pas pu se contenter de poser des questions de fait et aurait dû approfondir son instruction, plutôt que de se fonder sur le seul manque de preuve.

52

Si le Tribunal avait donné au CRU la possibilité d’approfondir la question de l’authentification de la décision litigieuse, ce dernier aurait établi que la fiche d’acheminement dont il se prévaut avait été générée automatiquement au sein du système ARES, aurait fourni une capture d’écran montrant le contenu de ce système au moment de la signature et aurait démontré que ledit système était clos et sûr.

53

Landesbank Baden-Württemberg estime que cet argument n’est pas fondé.

54

Elle soutient que la mesure d’organisation de la procédure et les mesures d’instruction adoptées en première instance avaient pour objet l’authentification de la décision litigieuse, dans la mesure où l’invitation à produire l’original de cette décision, en ce compris son annexe, se rapporte à la version authentifiée de ladite décision. Le CRU, qui aurait produit une fiche d’acheminement en réponse à ces mesures, aurait dû démontrer, sans attendre l’audience devant le Tribunal, le lien entre cette fiche et le système ARES.

55

Dans ces conditions, le Tribunal n’aurait pas été tenu d’attirer l’attention du CRU sur la question de l’authentification de la décision litigieuse. En particulier, le Tribunal aurait, à juste titre, décidé de ne pas faire figurer dans le rapport d’audience une allégation de Landesbank Baden-Württemberg relative à cette question figurant dans ses observations du 6 novembre 2019 portant sur les réponses du CRU auxdites mesures, dès lors que cette allégation n’aurait pas constitué un élément clé de son argumentation.

Appréciation de la Cour

56

Le droit à un procès équitable constitue un principe fondamental du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission, C‑58/12 P, EU:C:2013:770, point 32, et Gascogne Sack Deutschland/Commission, C‑40/12 P, EU:C:2013:768, point 28 ainsi que jurisprudence citée), désormais consacré à l’article 47 de la Charte.

57

Pour satisfaire aux exigences de ce droit, les juridictions de l’Union doivent veiller à faire respecter devant elles et à respecter elles-mêmes le principe du contradictoire, lequel s’applique à toute procédure susceptible d’aboutir à une décision d’une institution de l’Union affectant de manière sensible les intérêts d’une personne (arrêt du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 53 et jurisprudence citée).

58

Ce principe doit bénéficier à toute partie à un procès dont sont saisies les juridictions de l’Union, quelle que soit sa qualité juridique. Les organismes de l’Union, tels que le CRU, peuvent par conséquent aussi s’en prévaloir lorsqu’ils sont parties à un tel procès (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 53).

59

Le principe du contradictoire ne confère pas seulement à chaque partie à un procès le droit de prendre connaissance des pièces et des observations soumises au juge par la partie adverse et de les discuter. Il implique également le droit pour les parties de prendre connaissance des éléments soulevés d’office par le juge, sur lesquels celui-ci entend fonder sa décision, et de les discuter. Pour satisfaire aux exigences relatives au droit à un procès équitable, il importe en effet que les parties aient connaissance et puissent débattre contradictoirement des éléments tant de fait que de droit qui sont décisifs pour l’issue de la procédure (arrêt du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 54 et jurisprudence citée).

60

Afin de garantir le respect effectif du principe du contradictoire, une invitation préalable aux parties à présenter leurs observations sur le moyen que la juridiction de l’Union envisage de relever d’office doit leur être adressée dans des conditions qui permettent à celles-ci de prendre position de manière utile et effective sur ce moyen y compris, le cas échéant, en présentant à cette juridiction les éléments de preuve nécessaires pour lui permettre de statuer sur ledit moyen en étant pleinement informée (voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 57, ainsi que du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, points 55 à 59).

61

En l’espèce, il résulte des points 35 et 36 de l’arrêt attaqué que le moyen tiré du défaut d’authentification de la décision litigieuse a été relevé d’office par le Tribunal.

62

Par conséquent, il incombait au Tribunal d’informer les parties qu’il envisageait de fonder sa décision sur ledit moyen et de les inviter, en conséquence, à lui présenter les arguments qu’elles jugeaient utiles afin qu’il puisse statuer sur ledit moyen.

63

Or, il ressort des termes de la mesure d’organisation de la procédure et des trois mesures d’instruction adoptées par le Tribunal que ces mesures ne comportaient pas de questions se rapportant directement à la procédure suivie par le CRU en vue d’assurer l’authentification de la décision litigieuse et qu’elles n’indiquaient aucunement à celui-ci que le Tribunal envisageait de soulever d’office un moyen se rapportant à un défaut éventuel d’authentification de cette décision, en ce compris l’annexe de celle-ci.

64

Si lesdites mesures visaient certes, comme le relève Landesbank Baden-Württemberg, à recueillir des informations et des documents se rapportant à la procédure d’adoption de la décision litigieuse, il ne saurait être raisonnablement attendu du CRU qu’il déduise des mêmes mesures qu’il était précisément invité à s’exprimer sur les conditions d’authentification de cette décision.

65

Partant, le CRU n’ayant pas été invité à se prononcer sur le moyen tiré du défaut d’authentification de la décision litigieuse avant l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal, il y a lieu de déterminer s’il a été mis en mesure par le Tribunal, lors de cette audience, de prendre position de manière utile et effective sur ce moyen.

66

À cet égard, il convient de souligner que, dès lors que l’authentification des actes d’un organisme de l’Union dépend de l’application de procédures internes spécifiques mises en place à cette fin par cet organisme, le moyen tiré du défaut d’authentification de la décision litigieuse doit nécessairement être apprécié sur le fondement des preuves présentées par le CRU quant à la nature de ses procédures internes et à leur application en l’espèce.

67

Il s’ensuit que, en vue d’assurer le respect du principe du contradictoire, le CRU devait être invité à présenter des arguments relatifs à ce moyen, dans des conditions lui permettant de rassembler des preuves se rapportant à l’authentification de la décision litigieuse et de les présenter au Tribunal. Or, eu égard aux circonstances rappelées au point 64 du présent arrêt, il ne pouvait raisonnablement être attendu du CRU qu’il présente de telles preuves lors de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal.

68

Au surplus, il ne ressort ni de l’arrêt attaqué, ni du procès-verbal de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal, ni de l’enregistrement de celle-ci que le Tribunal aurait clairement informé le CRU, lors de cette audience, qu’il envisageait de relever d’office un moyen tiré du défaut d’authentification de la décision litigieuse ou qu’il incombait au CRU de discuter de ce moyen lors de ladite audience.

69

Le Tribunal a, au contraire, considéré que le CRU n’était pas en droit, lors de l’audience en première instance, de présenter des arguments ou des éléments de preuve relatifs à l’authentification de la décision litigieuse.

70

En effet, alors qu’il est constant que le CRU n’avait pas pris position à ce sujet dans le mémoire en défense, dans la duplique ou dans ses observations en réponse à la mesure d’organisation de la procédure et aux mesures d’instruction adoptées par le Tribunal, ce dernier a jugé, au point 52 de l’arrêt attaqué, qu’un argument relatif à l’authentification de la décision litigieuse avancé par le CRU lors de l’audience devait être considéré comme irrecevable en tant qu’il était nouveau.

71

De surcroît, il ressort de l’enregistrement de l’audience devant le Tribunal que celui-ci n’a pas donné suite à une offre du CRU de présenter immédiatement des éléments de preuve supplémentaires destinés à démontrer l’authentification de la décision litigieuse.

72

Partant, la circonstance que deux membres du Tribunal aient, lors de l’audience devant celui-ci, posé au CRU plusieurs questions à propos de l’authentification de la décision litigieuse ne saurait être considérée comme suffisante pour satisfaire aux obligations pesant sur le Tribunal en vertu du principe du contradictoire, rappelées au point 60 du présent arrêt.

73

En effet, d’une part, il ressort des points 52 et 53 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que l’exigence d’authentification de la décision litigieuse n’était pas satisfaite en se fondant notamment, à titre principal, sur l’irrecevabilité de l’argument du CRU relatif à la disponibilité, dans le système ARES, d’un document comportant l’annexe de cette décision au moment de la signature de la fiche d’acheminement à laquelle se réfère le CRU et, à titre subsidiaire, sur l’absence de production, par le CRU, d’éléments de preuve susceptibles d’établir cette disponibilité ou le lien indissociable entre ce document et la fiche d’acheminement.

74

D’autre part, le CRU fait valoir que, s’il avait été invité par le Tribunal à prendre position sur un moyen relevé d’office tiré du défaut d’authentification de la décision litigieuse, il aurait présenté des éléments de preuve relatifs aux conditions de c réation de cette fiche d’acheminement ainsi qu’au contenu et aux caractéristiques du système ARES.

75

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, si le Tribunal avait effectivement offert au CRU la possibilité de présenter des preuves se rapportant à l’authentification de la décision litigieuse, le CRU aurait pu produire une série d’éléments de preuve présentant, prima facie, une pertinence à cet égard. Par conséquent, le Tribunal aurait dû, en vue de se prononcer sur cette authentification, apprécier ces éléments de preuve et il ne pouvait donc se contenter de considérer que les allégations relatives au rôle du système ARES dans ladite authentification étaient irrecevables ou que ces allégations n’étaient pas étayées.

76

La circonstance que le CRU se soit exprimé sur l’authentification de la décision litigieuse lors de sa plaidoirie devant le Tribunal, puis en réponse aux questions posées par deux membres de celui-ci, n’est pas, au regard des constats opérés aux points 66 à 71 du présent arrêt, de nature à remettre en cause cette appréciation, d’autant plus que le CRU ne soutient pas avoir été privé de toute possibilité de présenter des arguments sur cette authentification, mais soutient ne pas avoir été en mesure de présenter des preuves à cet égard en première instance.

77

Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la seconde branche du premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑584/20 P et la troisième branche du premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑621/20 P, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres branches de ces moyens.

78

Cela étant, cette conclusion ne saurait suffire à entraîner, à elle seule, l’annulation de l’arrêt attaqué, dans la mesure où il ressort des points 56, 141 et 143 de cet arrêt que le Tribunal a examiné, à titre surabondant, les premier, troisième et sixième moyens avancés en première instance par Landesbank Baden-Württemberg et qu’il a, au terme de cet examen, accueilli ces moyens.

Sur le cinquième moyen dans l’affaire C‑584/20 P et sur le second moyen dans l’affaire C‑621/20 P

Argumentation des parties

79

Par le cinquième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑584/20 P et par le second moyen du pourvoi dans l’affaire C‑621/20 P, la Commission et le CRU, soutenus par le Royaume d’Espagne, font valoir, d’une part, que la motivation de l’arrêt attaqué est non seulement insuffisante, en ce que le Tribunal a accueilli en bloc le grief formulé contre plusieurs dispositions du règlement délégué 2015/63 sans préciser en quoi chacune d’elles contribuerait à l’opacité relevée du mode de calcul des contributions ex ante au FRU, mais également contradictoire, dès lors que le Tribunal concède que certains aspects de ce mode de calcul peuvent être examinés par les débiteurs de ces contributions et qu’il admet la nature confidentielle des données en cause sans en tirer de conséquences.

80

D’autre part, les requérants estiment que le Tribunal a méconnu, en l’espèce, la portée de l’obligation de motivation découlant de l’article 296 TFUE.

81

En premier lieu, il serait suffisant que la décision litigieuse fasse apparaître clairement la méthodologie suivie par le CRU, à savoir les critères retenus et les raisons de leur application à l’établissement concerné, sans que ce dernier ne doive nécessairement être en mesure de vérifier précisément l’exactitude du calcul opéré en se fondant sur les données financières d’autres établissements.

82

Le CRU souligne, à cet égard, que la portée de l’obligation de motivation devrait être limitée pour tenir compte de l’obligation de protéger le secret professionnel prévue à l’article 339 TFUE, laquelle constituerait également un principe fondamental du droit de l’Union.

83

En deuxième lieu, les données relatives à des établissements tiers, utilisées pour calculer le passif total du secteur et pour comparer les profils de risque des établissements concernés, ne seraient pas déterminantes pour le calcul de la contribution ex ante au FRU d’un établissement en particulier. Au demeurant, selon le CRU, si l’examen de ces données devait s’avérer nécessaire, il serait possible de divulguer celles-ci aux juridictions de l’Union.

84

En troisième lieu, l a limitation de la portée de l’obligation de motivation proposée par la Commission et par le CRU pourrait, contrairement à ce qu’aurait constaté le Tribunal, s’appuyer sur la jurisprudence de la Cour.

85

En effet, la logique d’assurance qui caractériserait le FRU se distinguerait de celle des anciens processus parafiscaux qui étaient en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de la Cour visés au point 122 de l’arrêt attaqué.

86

En outre, il serait admis, de manière générale, que les autorités publiques peuvent prendre en compte, aux fins de l’exercice concret de marges d’appréciation, des données confidentielles auxquelles le destinataire de la décision n’a pas accès, mais qui devront, le cas échéant, être communiquées aux juridictions compétentes. La Cour aurait ainsi jugé, dans les domaines du droit de la concurrence, des marchés publics, de la fonction publique et des mesures antidumping, que les autorités compétentes peuvent se fonder sur des données confidentielles non divulguées.

87

En quatrième lieu, le CRU fait valoir que la méthode de calcul prévue par le règlement délégué 2015/63 garantit un niveau approprié de transparence du calcul des contributions ex ante au FRU.

88

Le législateur de l’Union, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, aurait établi une méthode qui viserait à déterminer par avance le montant global à percevoir par le CRU et à répartir ce montant de manière équitable entre les établissements concernés, ce qui supposerait de définir une position de risque relative précise pour chaque établissement. Cette méthode devrait être différenciée de l’approche « absolument individuelle » qui caractériserait usuellement la perception des impôts.

89

Ladite méthode serait décomposée en sept étapes distinctes. Quatre d’entre elles seraient basées sur des données individuelles relatives à chaque établissement ainsi que sur des données communes établies par le CRU et communiquées par celui-ci, ce qui permettrait à chaque établissement de recalculer non seulement sa contribution annuelle de base mais aussi son coefficient individuel d’ajustement en fonction du profil de risque et, par conséquent, sa contribution annuelle ex ante au FRU. Trois de ces étapes reposeraient sur des données confidentielles relatives à des établissements tiers et conduiraient à établir des données communes utilisées de la même manière pour tous les établissements concernés.

90

S’agissant, plus spécifiquement, du profil de risque d’un établissement, les données d’entrée pour le calcul des données communes en vue de l’affectation de chaque établissement aux paniers de risque ne seraient pas divulguées. Pour autant, cette affectation serait explicitée dans une annexe harmonisée qui permettrait à chaque établissement de comprendre ses performances relatives pour chaque indicateur de risque. Les données publiées par le CRU sur son site Internet assureraient l’accès à des informations agrégées supplémentaires et la transparence aurait d’ailleurs encore été accrue au cours des cycles de contribution suivant celui de l’année 2017.

91

Landesbank Baden-Württemberg, soutenue par la Fédération bancaire française, avance que la motivation de l’arrêt attaqué est suffisante pour établir une violation, par le CRU, de l’article 296 TFUE et que les arguments avancés dans les pourvois ne sont pas de nature à remettre en cause cette motivation.

92

En effet, premièrement, il ressortirait clairement de la jurisprudence de la Cour que l’obligation de respecter les secrets d’affaires ne saurait vider l’exigence de motivation de son contenu essentiel. Aucune mise en balance entre l’exigence de protection des secrets d’affaires et l’obligation de motivation ne serait nécessaire, dès lors qu’il aurait été loisible à la Commission de définir un autre mode de calcul évitant de faire intervenir des données confidentielles.

93

Deuxièmement, l’argument tiré de l’absence de caractère déterminant des données relatives à d’autres établissements serait irrecevable en tant qu’il n’aurait pas été présenté en première instance et serait, en tout état de cause, non fondé puisque le montant de la contribution ex ante au FRU de Landesbank Baden-Württemberg pour l’année 2017 dépendrait de ces données.

94

Troisièmement, les analogies entre les situations en cause dans les présentes affaires et celles examinées par la Cour dans des domaines tels que ceux du droit de la concurrence, des marchés publics, de la fonction publique ou des mesures antidumping ne seraient pas pertinentes. La décision litigieuse, qui imposerait le versement d’une contribution extrêmement lourde, ne pourrait en effet pas être comparée aux décisions en cause dans les arrêts de la Cour auxquels se réfèrent les requérants.

95

Quatrièmement, le Tribunal aurait eu raison de constater que la décision litigieuse n’était pas suffisamment motivée, dès lors qu’elle ne mettrait pas Landesbank Baden-Württemberg en mesure de vérifier le montant de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2017. Les arguments des requérants dirigés contre cette appréciation remettraient en cause des constatations factuelles et seraient à ce titre irrecevables.

96

Une régularisation en cours d’instance de ce vice, au moyen de la communication de données confidentielles aux juridictions de l’Union, ne serait, de surcroît, pas envisageable. D’une part, la motivation devrait être communiquée en même temps que la décision en cause. D’autre part, même si le Tribunal avait disposé des données confidentielles détenues par le CRU, il n’aurait pas été en mesure de contrôler lui-même ce montant, n’étant pas en possession du programme informatique dont dispose le CRU nécessaire à cette fin.

97

Cinquièmement, en ce qui concerne plus spécifiquement la légalité de la méthode de calcul établie par le règlement délégué 2015/63, l’argumentation du CRU ne serait pas conforme aux exigences de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, dans la mesure où cette argumentation n’identifierait pas les points de l’arrêt attaqué qu’elle vise à remettre en cause.

98

En tout état de cause, l’existence d’un niveau cible et d’une proportion maximale de ce niveau pouvant être prélevée chaque année n’imposeraient pas de recourir à une approche relative de l’évaluation du profil de risque, ainsi que l’illustrerait le calcul des contributions au financement du système de garantie des dépôts mis en place par la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173, p. 149).

Appréciation de la Cour

99

Il y a lieu de rappeler que, aux points 141 et 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé non seulement que le CRU avait méconnu l’obligation de motivation ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective, mais également que les articles 4 à 7 et 9 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 étaient illégaux. Il a, par conséquent, accueilli les premier, troisième et sixième moyens invoqués en première instance par Landesbank Baden-Württemberg.

100

En premier lieu, il découle des points 97, 103, 109 et 110 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a jugé que le CRU était tenu, en vertu de l’article 296 TFUE, de faire figurer dans la motivation de la décision litigieuse les éléments permettant à Landesbank Baden-Württemberg de vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2017 et qu’il n’avait pas satisfait à cette obligation.

101

En vue d’apprécier le bien-fondé du cinquième moyen invoqué dans l’affaire C‑584/20 P et du second moyen invoqué dans l’affaire C‑621/20 P, il y a lieu de déterminer si le Tribunal a ainsi correctement apprécié la portée de l’obligation de motivation pesant sur le CRU.

102

À titre liminaire, il convient de rappeler, d’une part, que l’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques des institutions de l’Union sont motivés et, d’autre part, que le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.

103

La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 40, et du 24 novembre 2020, Minister van Buitenlandse Zaken, C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

104

Il ressort également de la jurisprudence de la Cour qu’une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, en fonction de l’intérêt que les destinataires de l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 122 et jurisprudence citée).

105

Dans ce contexte, il importe, premièrement, de souligner qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent doit nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme d’argent.

106

Certes, la Cour a jugé, comme le Tribunal l’a relevé, en substance, au point 122 de l’arrêt attaqué, que la motivation d’un titre exécutoire se rapportant à la perception d’un prélèvement parafiscal devait comprendre un décompte exact et détaillé des éléments de la créance en cause et que seul ce décompte pouvait permettre le contrôle juridictionnel d’une telle décision (voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité, 9/56, EU:C:1958:7, p. 30 et 31, ainsi que du 16 décembre 1963, Macchiorlati Dalmas/Haute Autorité, 1/63, EU:C:1963:58, p. 636).

107

Toutefois, les contributions ex ante au FRU déterminées par la décision litigieuse ne sauraient, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 122 de l’arrêt attaqué, être assimilées aux créances qui étaient en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de la Cour mentionnés au point précédent.

108

En effet, alors que ces créances se rapportaient à la fois à un prélèvement parafiscal et à des intérêts de retard, dont les montants respectifs et les modes de calcul ne pouvaient pas être déterminés en l’absence d’un décompte exact et détaillé, la décision litigieuse se borne à établir les contributions ex ante au FRU de chacun des établissements concernés, sur la base de règles de calcul prévues, de manière détaillée, par le règlement délégué 2015/63.

109

Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, point 49 et jurisprudence citée), lequel est notamment concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 109).

110

En vue d’assurer le respect de ces obligations, la Cour a considéré, dans plusieurs domaines du droit de l’Union, que la motivation d’un acte faisant grief à un justiciable, qui repose sur une appréciation de la position relative d’opérateurs privés, peut, dans une certaine mesure, être limitée afin de protéger des informations relatives à ces opérateurs couvertes par le secret des affaires.

111

En particulier, une décision de la Commission concluant à l’inexistence d’une aide d’État dénoncée par un plaignant peut, au regard de l’obligation de respecter le secret des affaires, être suffisamment motivée sans comporter l’ensemble des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le raisonnement de cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, points 108 à 111). Dès lors, une version non confidentielle d’une telle décision, lorsqu’elle fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de ladite institution ainsi que la méthodologie employée par celle-ci, de manière à permettre aux intéressés de connaître ces justifications et au Tribunal d’exercer son contrôle à leur égard, suffit à satisfaire à l’obligation de motivation pesant sur la même institution (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 55).

112

De même, l’obligation de motiver une décision rejetant l’offre d’un soumissionnaire dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public n’implique pas que celui-ci devrait disposer d’informations complètes quant aux caractéristiques de l’offre retenue par le pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, points 21 et 22), l’accès à de telles informations devant être limité en vue, notamment, de maintenir une relation de confiance entre ce pouvoir et les opérateurs économiques participant à une telle procédure (voir, par analogie, arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, point 36).

113

Or, en raison de la nature spécifique des contributions ex ante au FRU, consistant, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués, le calcul de ces contributions repose, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 143 de ses conclusions, non sur l’application d’un taux à une assiette, mais, en application des articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi que des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, sur la définition d’un niveau cible devant être atteint par la somme desdites contributions prélevées avant la fin de l’année 2023, puis d’un niveau cible annuel devant être réparti entre les établissements agréés sur le territoire des États membres participants au MRU.

114

Dès lors que l e niveau cible total est défini comme devant s’élever à 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble de ces établissements et que la contribution annuelle de base de chaque établissement est calculée proportionnellement au montant de son passif (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, rapporté au passif cumulé (hors fonds propres) moins les dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous ces États membres, il apparaît que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante au FRU, tel qu’il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, dont la validité n’a aucunement été contestée par Landesbank Baden-Württemberg, implique l’utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires ne pouvant pas être reprises dans la motivation de la décision litigieuse.

115

À cet égard, il convient de rejeter l’argument de Landesbank Baden-Württemberg selon lequel il n’y aurait pas lieu de procéder à une mise en balance de l’obligation de motivation et du principe général de protection du secret des affaires, visé au point 109 du présent arrêt, au motif que le législateur de l’Union aurait pu instituer une méthode alternative de calcul des contributions ex ante au FRU, qui n’impliquerait pas l’utilisation de données confidentielles.

116

La circonstance que le législateur de l’Union aurait pu opter, en amont, pour une méthode alternative de calcul ne saurait avoir d’incidence sur la détermination de la portée de l’obligation de motivation par rapport au principe de protection du secret des affaires, dans le cadre d’une méthode fondée, en partie, sur l’utilisation de données confidentielles. Or, le législateur de l’Union ayant valablement fait le choix d’une telle méthode, celle-ci implique nécessairement une mise en balance de cette obligation et de ce principe.

117

Il ressort, en effet, de la jurisprudence constante de la Cour que le législateur de l’Union bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il est amené à intervenir dans un domaine impliquant, de sa part, des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes (arrêt du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka, C‑203/12, EU:C:2013:664, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

118

Or, considérer, comme l’a fait le Tribunal, que la motivation de la décision litigieuse doit nécessairement permettre à Landesbank Baden-Württemberg de vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2017 impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant notamment d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU.

119

Il convient d’ailleurs de souligner que le système de garantie des dépôts mis en place par la directive 2014/49, auquel Landesbank Baden-Württemberg se réfère en vue d’établir la possibilité de concevoir une méthode alternative de calcul des contributions ex ante au FRU, repose également, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 160 de ses conclusions, sur des contributions calculées en ayant recours à des données couvertes par le secret des affaires des établissements concernés.

120

Troisièmement, s’il résulte de ce qui précède que l’obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l’Union, avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n’en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

121

Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation.

122

En l’espèce, l’obligation de motivation devra être considérée comme étant respectée lorsque les destinataires d’une décision fixant des contributions ex ante au FRU, tout en ne se voyant pas transmettre des données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante au FRU, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés.

123

Dans un tel cas, ces destinataires sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante au FRU a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdits destinataires peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante au FRU et évaluer s’il apparaît utile d’introduire un recours contre cette décision, de sorte qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution de chaque établissement concerné (voir, par analogie, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 108 ainsi que jurisprudence citée).

124

Par conséquent, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 97, 103 et 109 de l’arrêt attaqué, que le CRU était tenu, en vertu de l’article 296 TFUE, de faire figurer dans la motivation de la décision litigieuse les éléments permettant à Landesbank Baden-Württemberg de vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2017, sans que puisse faire obstacle à cette obligation le caractère confidentiel de certains de ces éléments.

125

Le Tribunal ne pouvait donc pas valablement accorder une telle portée à l’obligation de motivation pour juger, au point 110 de l’arrêt attaqué, que le CRU avait violé cette obligation.

126

En deuxième lieu, le Tribunal a, aux points 129 à 140 de l’arrêt attaqué, examiné l’exception d’illégalité soulevée par Landesbank Baden-Württemberg dans le cadre de son sixième moyen présenté en première instance à l’égard de plusieurs dispositions du règlement délégué 2015/63, ainsi que de son annexe I, puis a, au point 141 de cet arrêt, accueilli ce moyen.

127

Le Tribunal a ainsi jugé que la méthode de calcul définie par la Commission, aux articles 4 à 7 et 9 ainsi qu’à l’annexe I du règlement délégué 2015/63, présentait une opacité, à tout le moins en ce qui concerne l’adaptation des contributions ex ante au FRU en fonction du profil de risque des établissements concernés, et que cette opacité empêchait le CRU de se conformer à son obligation de motivation découlant de l’article 296 TFUE.

128

À cet égard, il convient, premièrement, de relever que la méthode précise de calcul utilisée par le CRU en vue de déterminer le montant des contributions ex ante au FRU est définie par le règlement délégué 2015/63. En particulier, l’annexe I de ce règlement délégué détaille les différentes étapes de cette méthode de calcul et énonce les formules mathématiques devant être appliquées par le CRU.

129

Ledit règlement délégué constitue ainsi un élément essentiel du contexte entourant la décision litigieuse, qui doit, conformément à la jurisprudence rappelée au point 104 du présent arrêt, être pris en compte en vue d’apprécier la motivation de celle-ci, en tant qu’il garantit que les destinataires de cette décision sont pleinement informés de la méthode de calcul utilisée par le CRU.

130

Deuxièmement, s’agissant, plus spécifiquement, de l’adaptation des contributions ex ante au FRU en fonction du profil de risque, exigée par l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59 ainsi que par l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, les principes devant être appliqués à cet égard par le CRU sont énoncés aux articles 6 à 9 du règlement délégué 2015/63et mis en œuvre, de manière plus concrète, à l’annexe I de ce règlement délégué.

131

L’adaptation de la contribution ex ante au FRU au profil de risque d’un établissement repose sur une comparaison de l’exposition de cet établissement aux facteurs de risque pertinents avec celle des autres établissements concernés.

132

Il résulte des deuxième à quatrième étapes de la méthode de calcul des contributions ex ante au FRU, prévues à l’annexe I dudit règlement délégué, que cette adaptation est assurée essentiellement, tout d’abord, au moyen de l’affectation, pour la plupart des facteurs de risque, de chacun des établissements concernés à un « bin », regroupant une série d’établissements regardés comme étant similaires sur la base des valeurs de l’indicateur brut relatif au facteur de risque en cause, et de l’attribution aux établissements faisant partie d’un même « bin » d’une valeur commune d’indicateur rééchelonné.

133

Les valeurs ainsi attribuées, pour un établissement donné, à chaque indicateur de risque sont ensuite consolidées, dans le cadre de la cinquième étape du calcul des contributions ex ante au FRU prévue à l’annexe I du règlement délégué 2015/63, dans un indicateur composite tenant compte de la pondération des différents piliers de risque.

134

Le multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque est enfin déterminé, lors de la sixième étape de ce calcul, sur la base d’un rééchelonnement de l’indicateur composite compris dans une fourchette allant de 0,8 à 1,5.

135

Il s’ensuit, certes, que le CRU n’est pas en mesure de fournir à un établissement des données lui permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de la valeur du multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque qui lui a été attribuée aux fins du calcul de sa contribution ex ante au FRU, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés.

136

Toutefois, il importe de souligner que l’article 88, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit la possibilité de divulguer des informations confidentielles obtenues par le CRU dans le cadre de son activité, lorsque la divulgation de ces informations peut être opérée sous une forme résumée ou agrégée de telle sorte que les établissements concernés ne puissent être identifiés.

137

Dès lors, dans le cadre défini par le règlement délégué 2015/63, le CRU peut, sans méconnaître son obligation de respecter le secret des affaires, divulguer les valeurs limites de chaque « bin » et les indicateurs s’y rapportant, en vue de permettre à l’établissement concerné de s’assurer, notamment, que le classement qui lui a été attribué lors de la discrétisation des indicateurs, telle que définie à l’annexe I de ce règlement délégué, correspond effectivement à sa situation économique, que cette discrétisation a été opérée de manière conforme à la méthode définie par ce règlement délégué sur la base de données plausibles et que l’ensemble des facteurs de risque devant être pris en considération en application du règlement no 806/2014 ainsi que dudit règlement délégué l’ont bien été.

138

Troisièmement, il y a lieu de préciser que les autres étapes de la méthode de calcul des contributions ex ante au FRU reposent, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 149 de ses conclusions, sur des données agrégées des établissements concernés, lesquelles peuvent être divulguées sous une forme agrégée sans porter atteinte à l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires.

139

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que le règlement délégué 2015/63 ne fait aucunement obstacle à la possibilité, pour le CRU, de divulguer, sous une forme agrégée et anonymisée, des informations suffisantes pour permettre à un établissement de comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte dans le calcul de sa contribution ex ante au FRU, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés.

140

Il convient encore d’ajouter que, si une motivation fondée sur la divulgation des informations pertinentes sous une telle forme ne permet pas à chaque établissement de déceler systématiquement une éventuelle erreur commise par le CRU dans le recueil et l’agrégation des données en cause, elle suffit, en revanche, pour permettre à cet établissement de s’assurer que les informations qu’il a fournies aux autorités compétentes ont bien été intégrées dans le calcul de sa contribution ex ante au FRU, en conformité avec les règles du droit de l’Union pertinentes, et pour identifier, sur la base de sa connaissance générale du secteur financier, une utilisation éventuelle d’informations dépourvues de plausibilité ou manifestement incorrectes, ainsi que pour déterminer s’il y a lieu d’introduire un recours en annulation contre une décision du CRU fixant sa contribution ex ante au FRU.

141

Il s’ensuit que le règlement délégué 2015/63 n’empêche pas le CRU de se conformer à son obligation de motivation, telle qu’elle est définie au point 122 du présent arrêt, et que ce règlement délégué lui permet de fournir aux établissements concernés des informations suffisantes pour comprendre les raisons justifiant les décisions fixant les contributions ex ante au FRU ainsi que pour évaluer la nécessité d’introduire un recours contre ces décisions.

142

Par conséquent, l’appréciation du Tribunal figurant au point 141 de l’arrêt attaqué, constatant l’illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, en tant que la violation de l’obligation de motivation constatée au point 110 de cet arrêt découlerait de ces dispositions, est entachée d’une erreur de droit.

143

En troisième lieu, il découle des points 127 et 143 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que le CRU avait méconnu le droit à une protection juridictionnelle effective en ne fournissant pas à Landesbank Baden-Württemberg, dans la motivation de la décision litigieuse, des éléments permettant à celle-ci de vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2017, sans que la possibilité, pour le Tribunal, de demander au CRU de produire devant lui des informations à cette fin soit de nature à garantir le respect de ce droit.

144

Cependant, si le respect, par le CRU, de son obligation de motivation est nécessaire pour garantir la protection juridictionnelle des destinataires de ses décisions, il ressort de ce qui précède que l’appréciation du Tribunal selon laquelle le CRU aurait, en l’espèce, violé cette obligation est fondée sur une conception de ladite obligation entachée d’une erreur de droit.

145

En outre, il résulte de la jurisprudence de la Cour que, dans les cas où la motivation d’une décision a dû être limitée en vue d’assurer la protection de données confidentielles prises en compte par l’auteur de cette décision, il appartient à celui-ci, en cas de présentation aux juridictions de l’Union mettant en cause ces données, de se justifier devant ces dernières dans le cadre de l’instruction contentieuse (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 110).

146

Le cas échéant, afin d’exercer un contrôle juridictionnel effectif, conforme aux exigences de l’article 47 de la Charte, les juridictions de l’Union peuvent ainsi solliciter du CRU la production de données susceptibles de justifier les calculs dont l’exactitude est contestée devant elles, en assurant, en tant que de besoin, la confidentialité de ces données (voir, par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 120 et 125).

147

L’article 88, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 806/2014 fait d’ailleurs état de la possibilité pour le CRU de divulguer des informations couvertes par les exigences de secret professionnel lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires.

148

Il découle de ce qui précède que c’est au terme d’un raisonnement erroné en droit que le Tribunal a jugé, au point 143 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse devait être annulée en raison de la violation de l’obligation de motivation et du droit à une protection juridictionnelle effective, accueillant ainsi les premier, troisième et sixième moyens présentés par Landesbank Baden-Württemberg en première instance.

149

Le cinquième moyen invoqué dans l’affaire C‑584/20 P et le second moyen invoqué dans l’affaire C‑621/20 P étant fondés, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit besoin d’examiner les deuxième à quatrième moyens invoqués dans l’affaire C‑584/20 P.

Sur le recours devant le Tribunal

150

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

151

Tel est le cas de la présente affaire, la Cour disposant de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le recours.

Sur l’authentification de la décision litigieuse

152

Il ressort, en substance, de la jurisprudence de la Cour relative aux actes de la Commission que l’authentification de ces actes a pour but d’assurer la sécurité juridique en figeant le texte adopté par le collège, permettant ainsi de vérifier, en cas de contestation, la correspondance parfaite avec ce dernier des textes publiés ou notifiés. Cette authentification constitue une forme substantielle dont la violation peut entraîner l’annulation de l’acte concerné et être soulevée d’office par le juge (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, points 75 et 76, ainsi que du 6 avril 2000, Commission/ICI, C‑286/95 P, EU:C:2000:188, points 40, 41 et 51).

153

En l’espèce, il est constant que la décision litigieuse est composée, d’une part, du corps de cette décision et, d’autre part, d’une annexe.

154

Il ressort des éléments présentés par le CRU devant le Tribunal que la procédure mise en place au sein de cet organisme pour assurer l’authentification d’une telle décision reposait sur la signature manuscrite du corps de la décision et d’une fiche d’acheminement.

155

L’authentification du corps de la décision litigieuse est assurée, à suffisance, par la signature manuscrite apposée sur celle-ci par la présidente du CRU.

156

En ce qui concerne l’annexe de la décision litigieuse, le CRU a produit, devant le Tribunal, une fiche d’acheminement, signée de manière manuscrite par la présidente du CRU, renvoyant explicitement à deux éléments joints et comportant un numéro d’identification.

157

En outre, le CRU a produit, devant la Cour, une capture d’écran se rapportant au contenu du système ARES.

158

Or, il ressort, tout d’abord, de cette capture d’écran que le numéro reporté sur la fiche d’acheminement visée au point 156 du présent arrêt est le numéro de sauvegarde (Save number) désignant, dans le système ARES, le dossier correspondant à la décision litigieuse.

159

Ladite capture d’écran permet ensuite d’identifier les deux éléments joints mentionnés dans cette fiche d’acheminement comme étant, d’une part, le corps de la décision litigieuse et, d’autre part, l’annexe de cette décision.

160

Il découle enfin de la même capture d’écran que le dossier correspondant à la décision litigieuse dans le système ARES a été créé et envoyé le 11 avril 2017, soit le jour de l’adoption de la décision litigieuse.

161

Au vu de ces éléments, l’allégation du CRU selon laquelle le système ARES comprenait, à cette date, un fichier correspondant à l’annexe de la décision litigieuse, auquel renvoyait la fiche d’acheminement, doit être considérée comme étant établie.

162

Cette appréciation n’est pas remise en cause par la circonstance que la capture d’écran produite par le CRU indique également un numéro d’enregistrement (Reg. number), différent du numéro de sauvegarde, et une date enregistrement du dossier, à savoir le 13 juin 2017, lesquels renvoient, selon les explications non contestées du CRU, à la clôture du dossier en cause.

163

Dans ces conditions, la signature manuscrite apposée par la présidente du CRU sur la fiche d’acheminement est suffisante pour garantir l’authentification de l’annexe de la décision litigieuse.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

164

Par son premier moyen présenté en première instance, Landesbank Baden-Württemberg fait valoir que la décision litigieuse n’est pas suffisamment motivée, en ce qu’elle ne comporte pas une série d’informations pertinentes, en particulier en ce qui concerne l’adaptation de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2017 à son profil de risque.

165

Il ressort du point 122 du présent arrêt que la motivation de la décision litigieuse doit assurer, en tenant compte du contexte entourant cette décision, la communication à Landesbank Baden-Württemberg d’informations suffisantes pour comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte dans le calcul de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2017, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés.

166

À cette fin, il incombe au CRU, ainsi qu’il a été constaté au point 139 du présent arrêt, de publier ou de transmettre à Landesbank Baden-Württemberg, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives aux établissements concernés, utilisées pour calculer cette contribution, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires.

167

Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition de Landesbank Baden-Württemberg pour que celle-ci dispose d’une motivation suffisante de la décision litigieuse, figurent, notamment, les valeurs limites de chaque « bin » et celles des indicateurs s’y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante au FRU de Landesbank Baden-Württemberg pour l’année 2017 a été adaptée au profil de risque de celle-ci.

168

Or, il est constant que les éléments figurant dans la décision litigieuse et dans l’annexe harmonisée ainsi que ceux accessibles sur le site Internet du CRU à la date de la décision litigieuse ne couvraient qu’une partie des informations pertinentes que le CRU aurait pu communiquer sans porter atteinte au secret des affaires.

169

En particulier, l’annexe harmonisée ne comportait pas de données relatives aux valeurs limites de chaque « bin » et aux valeurs des indicateurs s’y rapportant.

170

Le CRU a, en outre, indiqué devant la Cour qu’il n’avait pas non plus publié, à la date de la décision litigieuse, de telles informations sur son site Internet.

171

Il s’ensuit que la décision litigieuse n’est pas suffisamment motivée et que le premier moyen présenté en première instance par Landesbank Baden-Württemberg est fondé.

172

Il y a lieu par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués en première instance, d’annuler la décision litigieuse en ce qu’elle concerne Landesbank Baden-Württemberg.

Sur le maintien des effets de la décision litigieuse

173

Le CRU a demandé au Tribunal de différer l’effet d’une éventuelle annulation de la décision litigieuse pendant une durée de six mois suivant la date à laquelle le jugement de celui-ci est devenu définitif.

174

Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

175

À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un tel acte peuvent être maintenus notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves pour les personnes concernées et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs d’incompétence de son auteur ou de violation des formes substantielles (arrêt du 7 septembre 2016, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑113/14, EU:C:2016:635, point 81 ainsi que jurisprudence citée).

176

En l’espèce, si la décision litigieuse a été prise en violation des formes substantielles, la Cour n’a, en revanche, pas constaté, dans la présente procédure, d’erreur affectant la conformité de cet acte aux règles régissant le calcul des contributions ex ante au FRU établies par la directive 2014/59, par le règlement no 806/2014 et par le règlement délégué 2015/63.

177

Or, prononcer l’annulation de la décision litigieuse sans prévoir le maintien de ses effets jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par un nouvel acte serait de nature à porter atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, qui constituent une partie essentielle de l’union bancaire, laquelle contribue à la stabilité de la zone euro.

178

Dans ces circonstances, il y a lieu de maintenir les effets de la décision litigieuse, en ce qu’elle concerne Landesbank Baden-Württemberg, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au FRU de cet établissement pour l’année 2017.

Sur les dépens

179

Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement, elle statue sur les dépens.

180

L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit, en outre, que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

181

En l’espèce, eu égard à l’annulation de l’arrêt attaqué et à l’accueil du recours de première instance, il convient de condamner, d’une part, la Commission, le CRU et Landesbank Baden-Württemberg à supporter leurs propres dépens afférents au pourvoi et, d’autre part, le CRU à supporter, outre ses propres dépens afférents à la procédure de première instance, ceux de Landesbank Baden-Württemberg afférents à cette procédure.

182

En application de l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens afférents au pourvoi et la Commission, en tant que partie intervenante devant le Tribunal, supporte ses propres dépens afférents à la procédure de première instance.

183

Conformément à l’article 140, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, la Cour peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées à l’article 140, paragraphes 1 et 2, dudit règlement supportera ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de juger que la Fédération bancaire française supporte ses propres dépens afférents au pourvoi.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

 

1)

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 septembre 2020, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑411/17, EU:T:2020:435), est annulé.

 

2)

La décision du Conseil de résolution unique dans sa session exécutive, du 11 avril 2017, sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2017/05), est annulée en ce qu’elle concerne Landesbank Baden-Württemberg.

 

3)

Les effets de la décision du Conseil de résolution unique dans sa session exécutive, du 11 avril 2017, sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2017/05), en ce qu’elle concerne Landesbank Baden-Württemberg, sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait excéder six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du Conseil de résolution unique fixant la contribution ex ante au Fond de résolution unique de cet établissement pour l’année 2017.

 

4)

La Commission européenne supporte ses propres dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à celle du pourvoi.

 

5)

Le Conseil de résolution unique supporte, outre ses propres dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à celle du pourvoi, les dépens de Landesbank Baden-Württemberg afférents à la procédure de première instance.

 

6)

Landesbank Baden-Württemberg, la Fédération bancaire française et le Royaume d’Espagne supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.