ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

16 septembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Structure et taux des accises applicables aux tabacs manufacturés – Directive 2011/64/UE – Article 2, paragraphe 2 – Article 5, paragraphe 1 – Notion de “Produits constitués exclusivement ou partiellement de substances autres que le tabac” – Notion de “tabacs à fumer” – Tabac à pipe à eau »

Dans l’affaire C‑674/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 4 septembre 2019, parvenue à la Cour le 10 septembre 2019, dans la procédure

« Skonis ir kvapas » UAB

contre

Muitinės departamentas prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos,

en présence de :

Vilniaus teritorinė muitinė,

LA COUR (huitième chambre),

composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. J. Malenovský et N. Wahl (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement lituanien, par Mmes V. Kazlauskaitė-Švenčionienė et R. Butvydytė, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par Mme M. J. Ruiz Sánchez, en qualité d’agent,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour le gouvernement portugais, par Mmes P. Barros da Costa et A. Homem ainsi que par MM. L. Inez Fernandes et N. Vitorino, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes J. Jokubauskaitė et C. Perrin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, et de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2011/64/UE du Conseil, du 21 juin 2011, concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés (JO 2011, L 176, p. 24), ainsi que de certaines dispositions de la nomenclature combinée (ci-après la « NC ») figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 1006/2011 de la Commission, du 27 septembre 2011 (JO 2011, L 282, p. 1), le règlement d’exécution (UE) no 927/2012 de la Commission, du 9 octobre 2012 (JO 2012, L 304, p. 1), le règlement d’exécution (UE) no 1001/2013 de la Commission, du 4 octobre 2013 (JO 2013, L 290, p. 1), et le règlement d’exécution (UE) no 1101/2014 de la Commission, du 16 octobre 2014 (JO 2014, L 312, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Skonis ir kvapas » UAB au Muitinės departamentas prie Finansų ministerijos (département des douanes près le ministère des Finances, Lituanie) au sujet de la décision de ce dernier d’imposer à Skonis ir kvapas, d’une part, un redressement à hauteur de 1308750,28 euros au titre de l’accise et de 274837,74 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’importation sur du tabac à pipe à eau importé et mis à la consommation au cours des années 2012 à 2015 et, d’autre part, une amende d’un montant de 158359 euros.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le considérant 2 de la directive 2011/64 énonce :

« Il convient que la législation fiscale de l’Union [européenne] applicable aux produits du tabac assure le bon fonctionnement du marché intérieur et, en même temps, un niveau élevé de protection de la santé, comme le prévoit l’article 168 [TFUE], d’autant que les produits du tabac peuvent nuire gravement à la santé et que l’Union est partie à la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT). Il convient de tenir compte de la situation existant pour chacun des différents types de tabacs manufacturés. »

4

L’article 2, paragraphes 1 et 2, de cette directive dispose :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par tabacs manufacturés :

a)

les cigarettes ;

b)

les cigares et les cigarillos ;

c)

le tabac à fumer :

i)

le tabac fine coupe destiné à rouler les cigarettes ;

ii)

les autres tabacs à fumer.

2.   Sont assimilés aux cigarettes et au tabac à fumer, les produits constitués exclusivement ou partiellement de substances autres que le tabac mais répondant aux autres critères de l’article 3 ou de l’article 5, paragraphe 1.

Par dérogation au premier alinéa, les produits ne contenant pas de tabac ne sont pas considérés comme tabac manufacturé lorsqu’ils ont une fonction exclusivement médicale. »

5

Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par tabacs à fumer :

a)

le tabac coupé ou fractionné d’une autre façon, filé ou pressé en plaques, qui est susceptible d’être fumé sans transformation industrielle ultérieure ;

b)

les déchets de tabac conditionnés pour la vente au détail, qui ne relèvent pas de l’article 3 et de l’article 4, paragraphe 1, et qui sont susceptibles d’être fumés. Aux fins du présent article, les déchets de tabac sont réputés être des restes de feuilles de tabac et des sous-produits obtenus dans le cadre du traitement du tabac ou de la fabrication de produits du tabac. »

Le droit lituanien

6

L’article 3, paragraphe 27, de la Lietuvos Respublikos akcizų įstatymas (loi lituanienne sur les accises), du 30 octobre 2001 (Žin., 2001, no 98-3482), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur les accises »), dispose :

« On entend par “tabac à fumer” les produits suivants :

1)

tabac déchiré, coupé ou fractionné d’une autre façon, filé ou pressé en plaques (cubes), qui est susceptible d’être fumé sans autre transformation industrielle ;

2)

les déchets de tabac (restes de feuilles de tabac et sous-produits obtenus dans le cadre du traitement du tabac ou de la fabrication de produits du tabac) conditionnés pour la vente au détail, qui ne relèvent pas de [la qualification de cigare, cigarillo ou cigarette], s’ils sont susceptibles d’être fumés. »

7

L’article 3, paragraphe 35, de cette loi énonce :

« Les produits constitués partiellement de substances autres que le tabac mais répondant aux autres critères [de qualification de cigare ou cigarillo] sont assimilés aux cigares et cigarillos. »

8

L’article 3, paragraphe 36, de ladite loi précise :

« Les produits qui sont entièrement ou partiellement constitués de succédanés de tabac, mais qui satisfont aux autres critères prévus à [l’article 3, paragraphe 27, de la loi sur les accises] sont assimilés [...] au tabac à fumer. Ces dispositions ne sont pas applicables aux produits ne contenant pas de tabac destinés à un usage médical. »

9

L’article 31, paragraphe 2, de la loi sur les accises prévoit :

« Le tabac à fumer est soumis à accise au taux de 54,16 euros par kilogramme de produit. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

Skonis ir kvapas est une société établie en Lituanie qui exerce, entre autres, une activité de vente au détail de divers produits du tabac.

11

À cette fin, elle a, au cours des années 2012 à 2015, importé en Lituanie du tabac à pipe à eau, conditionné en paquets de 50 ou de 250 grammes et composé de plusieurs substances, à savoir du tabac (à hauteur de 24 %), du sirop de sucre (47 %), de la glycérine (27 %), des substances aromatiques (2 %) ainsi que du sorbate de potassium (moins d’un gramme par kilogramme).

12

Dans les déclarations de la requérante au principal, ce tabac à pipe à eau a été classé, en application de la NC alors en vigueur, sous le code 2403110000, en tant que « tabac pour pipe à eau », ainsi que sous le code national additionnel X203, en tant que « tabac à fumer, soumis à accise au taux fixé à l’article 31, paragraphe 2, de la loi sur les accises ».

13

Le Vilniaus teritorinė muitinė (service régional des douanes de Vilnius, Lituanie) (ci-après le « service régional des douanes ») a procédé à une vérification des déclarations électroniques d’importation présentées par la requérante au principal et a constaté que le poids net du tabac à pipe à eau déclaré ne correspondait ni aux indications figurant sur les factures ni à celles figurant sur les documents d’emballage. La requérante au principal avait, en effet, déclaré non pas le poids net total du tabac à pipe à eau importé, mais uniquement le poids du tabac y contenu, c’est-à-dire le poids d’un des composants dudit tabac à pipe à eau.

14

Le service régional des douanes a estimé que, selon la législation nationale, il fallait considérer comme du tabac à fumer soumis à accise l’ensemble du tabac à pipe à eau en cause au principal et non pas uniquement le tabac qu’il contenait. Par conséquent, dans le rapport de contrôle fiscal, il a procédé à un redressement du montant des droits d’accise dus par la requérante au principal à hauteur de 1308750,28 euros ainsi que du montant de la TVA à l’importation à hauteur de 274837,74 euros. Il a par ailleurs imposé le paiement d’intérêts de retard s’élevant à 512513 euros au titre des droits d’accise et à 43532 euros au titre de la TVA, ainsi que d’une amende d’un montant de 158359 euros.

15

La requérante au principal a contesté ce rapport de contrôle fiscal en introduisant une réclamation auprès du département des douanes près le ministère des Finances, lequel a, par décision du 14 novembre 2017, confirmé ledit rapport et a refusé de faire droit à la demande de la requérante au principal de bénéficier d’un dégrèvement pour les intérêts de retard ainsi que pour l’amende.

16

La requérante au principal a introduit un recours contre cette décision devant la Mokestinių ginčų komisija prie Lietuvos Respublikos vyriausybės (commission des litiges fiscaux près le gouvernement de la République de Lituanie). Celle-ci a confirmé le montant des droits d’accise et de la TVA établi dans le rapport fiscal, mais a accordé à la requérante au principal un dégrèvement pour les intérêts de retard.

17

Cette décision ainsi que celles du service régional des douanes et du département des douanes près le ministère des Finances ont fait l’objet d’un recours devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie) qui, par jugement du 7 juin 2018, les a confirmées. La requérante au principal a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie).

18

Premièrement, la juridiction de renvoi indique qu’elle doit déterminer si l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2011/64 doit être interprété en ce sens que du tabac à pipe à eau, tel que celui en cause au principal, composé de tabac à hauteur de 24 % et d’autres substances telles que du sirop de sucre, de la glycérine, des substances aromatiques et un conservateur, doit être qualifié de « produit constitué partiellement de substances autres que le tabac » au sens de cette disposition.

19

Deuxièmement, elle précise qu’il lui incombe de décider si, lorsque le tabac contenu dans le mélange destiné à être fumé, comme du tabac à pipe à eau, répond aux critères visés à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2011/64, le mélange dans son ensemble, et indépendamment des autres substances qui le composent, doit être considéré comme du tabac à fumer.

20

Troisièmement, la juridiction de renvoi estime que, en cas de réponse négative à cette interrogation, elle devra répondre à la question de savoir si, pour qualifier le tabac à pipe à eau en cause au principal de tabac à fumer aux fins de sa taxation au titre de l’accise, il convient de vérifier si ce produit, obtenu en mélangeant du tabac fractionné avec d’autres liquides et des substances se présentant d’ordinaire sous forme de poudre, satisfait à la condition énoncée à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/64.

21

Quatrièmement, la juridiction de renvoi explique que, en cas de réponse négative à la deuxième question et de réponse positive aux première et troisième questions, il conviendrait de déterminer si les dispositions de la NC relatives à la position tarifaire 2403 doivent être interprétées en ce sens que ne sont pas considérés comme des « succédanés de tabac » des composants du tabac à pipe à eau tels que le sirop de sucre, les substances aromatiques et la glycérine.

22

C’est dans ces conditions que le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Convient-il d’interpréter l’article 2, paragraphe 2, de la directive [2011/64] en ce sens que du tabac à pipe à eau tel que celui en cause dans la présente affaire [c’est‑à-dire qui est composé de tabac (jusqu’à 24 %), de sirop de sucre, de glycérine, de substances aromatiques et d’un conservateur] doit être qualifié de “produit constitué partiellement de substances autres que le tabac” au sens de cette disposition ?

2)

Convient-il d’interpréter l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2011/64, y compris dans les cas où il est lu en conjonction avec l’article 2, paragraphe 2, de cette directive, en ce sens que, lorsque le tabac contenu dans le mélange destiné à être fumé – dans le tabac pour pipe à l’eau (en l’occurrence, dans le produit en cause) – répond aux critères visés à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2011/64, le mélange dans son ensemble doit être considéré comme du tabac à fumer, indépendamment des autres substances qu’il contient ?

3)

En cas de réponse négative à la deuxième question, l’article 2, paragraphe 2, et/ou l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2011/64 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’est considéré comme « tabac à fumer » au sens de cette directive tout produit, tel que celui en cause [au principal], obtenu en mélangeant du tabac fractionné avec d’autres liquides et des substances se présentant d’ordinaire sous forme de poudre (du sirop de sucre, de la glycérine, des substances aromatiques et un conservateur) ?

4)

En cas de réponse négative à la deuxième question et de réponse positive aux première et troisième questions, les dispositions de la [NC], relatives à la position 2403 doivent-elles être interprétées en ce sens que ne sont pas considérées comme des “succédanés de tabac” des substances entrant dans la composition du tabac à pipe à eau telles que 1) le sirop de sucre, 2) les substances aromatiques et 3) la glycérine ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

23

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2 et 5 de la directive 2011/64 doivent être interprétés en ce sens que du tabac à pipe à eau, composé de tabac à hauteur de 24 % et d’autres substances telles que du sirop de sucre, de la glycérine, des substances aromatiques et un conservateur, doit être qualifié de « produit constitué partiellement de substances autres que le tabac » et de « tabac à fumer », au sens de ces dispositions, et, partant, doit, dans son ensemble et indépendamment des substances, autres que le tabac, qui le composent, être considéré comme du tabac à fumer soumis à l’accise sur le tabac.

24

À cet égard et à titre liminaire, il y a lieu de relever que les dispositions de la directive 2011/64 ne visent pas explicitement le tabac à pipe à eau.

25

Toutefois, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive définit, aux fins de son application, la notion de « tabacs manufacturés » et classe en trois catégories les tabacs manufacturés faisant l’objet de l’harmonisation visée par ladite directive, la première concernant les cigarettes, la deuxième, les cigares et les cigarillos, et la troisième, le tabac à fumer. Les produits visés par chacune de ces catégories sont définis aux articles 3 à 5 de la directive 2011/64 en fonction de leurs caractéristiques propres.

26

En outre, l’article 2, paragraphe 2, de cette directive assimile aux cigarettes et au tabac à fumer, les produits constitués exclusivement ou partiellement de substances autres que le tabac mais répondant aux autres critères de l’article 3 ou de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive. Par ailleurs, cette dernière disposition définit la notion de « tabac à fumer ».

27

S’agissant, en premier lieu, de l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2011/64 et de la notion de « produits constitués partiellement de substances autres que le tabac » au sens de cette disposition, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, afin d’en garantir une application uniforme, l’interprétation des notions de la directive 2011/64 doit être autonome, fondée sur le libellé des dispositions en cause ainsi que sur l’économie de cette directive et les finalités poursuivies par celle-ci (arrêt du 11 avril 2019, Skonis ir kvapas, C‑638/17, EU:C:2019:316, point 25 et jurisprudence citée).

28

Quant aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2011/64, le législateur de l’Union n’a pas précisé la nature des substances autres que le tabac visées par cette disposition, de sorte que la notion de « produits constitués partiellement de substances autres que le tabac » n’exclut aucune substance pouvant être mélangée avec du tabac ni n’exige que le tabac soit mélangé avec des substances déterminées.

29

Quant à l’économie de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2011/64, il convient de souligner que le premier alinéa de cette disposition vise à établir une règle générale selon laquelle sont assimilés aux cigarettes et au tabac à fumer les produits qui, bien qu’étant constitués exclusivement ou partiellement de substances autres que le tabac, répondent toutefois aux autres critères des cigarettes et du tabac à fumer énoncés à l’article 3 et à l’article 5, paragraphe 1,de ladite directive. Conformément à l’article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2011/64, seuls échappent à cette règle les produits qui, d’une part, ne contiennent pas de tabac et, d’autre part, ont une fonction exclusivement médicale (voir, par analogie, arrêt du 30 mars 2006, Smits-Koolhoven, C‑495/04, EU:C:2006:218, point 18).

30

Il s’ensuit qu’un produit peut relever du champ d’application de cette directive et être soumis à l’accise sur le tabac sans pour autant être constitué exclusivement de tabac.

31

Quant aux objectifs de la directive 2011/64, celle-ci a, ainsi qu’il résulte de son article 1er, pour objet de fixer les principes généraux de l’harmonisation des structures et des taux de l’accise à laquelle les États membres soumettent les tabacs manufacturés. La directive 2011/64 relève donc de la législation fiscale de l’Union applicable aux produits du tabac, législation qui, aux termes du considérant 2 de ladite directive, a pour objectif d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur et, en même temps, un niveau élevé de protection de la santé (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2014, Yesmoke Tobacco, C‑428/13, EU:C:2014:2263, points 23, 35 et 36, ainsi que du 6 avril 2017, Eko-Tabak, C‑638/15, EU:C:2017:277, point 17).

32

Or, afin de garantir, d’une part, le bon fonctionnement du marché intérieur et des conditions de concurrence neutres dans le secteur du tabac et, d’autre part, un niveau élevé de protection de la santé humaine, il convient d’assimiler aux cigarettes et au tabac à fumer tous les produits du tabac susceptibles d’être fumés. En effet, de tels produits sont en concurrence avec les cigarettes et le tabac à fumer, et sont susceptibles d’être visés par la politique de protection de la santé en matière de lutte contre le tabagisme.

33

Au demeurant, en vertu de l’article 2, point 13, de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE (JO 2014, L 127, p. 1), le tabac à pipe à eau est réputé être du tabac à fumer.

34

En outre, dans la mesure où, selon le dossier dont dispose la Cour, le chauffage et la combustion de toutes les substances composant du tabac à pipe à eau, tel que celui en cause au principal, génèrent une fumée à inhaler, une telle qualification s’applique à ce dernier.

35

Il s’ensuit que la notion de « produit constitué partiellement de substances autres que le tabac », au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2011/64, doit être interprétée en ce sens qu’elle comprend du tabac à pipe à eau, tel que celui en cause au principal, composé de tabac, de sirop de sucre, de glycérine, de substances aromatiques et d’un conservateur.

36

S’agissant, en second lieu, de l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/64, il convient de souligner que le libellé de cette disposition exige, aux fins de la qualification de « tabacs à fumer », le respect de deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, que le tabac soit coupé ou fractionné d’une autre façon, filé ou pressé en plaques, et, d’autre part, qu’il soit susceptible d’être fumé sans transformation industrielle ultérieure.

37

En ce qui concerne la première condition, il semble ressortir du dossier dont dispose la Cour que le tabac à pipe à eau en cause au principal est un tabac coupé ou fractionné d’une autre façon, filé ou pressé en plaques, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

38

En ce qui concerne la seconde condition, du tabac à pipe à eau, tel que celui en cause au principal, est susceptible d’être fumé sans transformation industrielle ultérieure.

39

À cet égard, il importe de rappeler que la Cour a déjà précisé que ne constitue pas une transformation industrielle une manipulation aisée tendant à rendre un produit du tabac non fini susceptible d’être fumé et qu’une transformation industrielle vise, en revanche, la transformation, habituellement à grande échelle, selon un processus standardisé, de matières premières en biens matériels (arrêt du 6 avril 2017, Eko-Tabak, C‑638/15, EU:C:2017:277, points 30 à 32).

40

Or, le tabac à pipe à eau est un produit ne nécessitant, pour être fumé, aucune transformation selon un processus standardisé de matières premières en biens matériels.

41

Ainsi, du tabac à pipe à eau, tel que celui en cause au principal, est susceptible de remplir les deux conditions cumulatives, prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/64, et nécessaires à la qualification de « tabacs à fumer ».

42

S’agissant de la question de savoir si du tabac à pipe à eau, tel que celui en cause au principal, doit, dans son ensemble et quelles que soient les substances, autres que le tabac, qui le composent, être considéré comme du tabac à fumer, il convient de souligner que, comme l’ont fait valoir, à juste titre, la Commission européenne et le gouvernement portugais, la directive 2011/64 assimile, dans leur intégralité, aux tabacs à fumer, les produits constitués partiellement de substances autres que le tabac sans distinguer entre ces différentes substances ni prévoir l’imposition du seul tabac contenu dans ces produits.

43

Ainsi, il résulte des articles 7 à 12 de cette directive que le montant de l’accise sur les cigarettes n’est pas défini en faisant abstraction des substances et des éléments autres que le tabac composant les cigarettes.

44

De même, le législateur de l’Union n’a aucunement prévu, en ce qui concerne les tabacs manufacturés autres que les cigarettes visés aux articles 13 et 14 de la directive 2011/64, d’exclure de l’accise sur ces produits le poids des substances autres que le tabac.

45

Enfin, toutes les substances composant le tabac à pipe à eau sont chauffées et fumées en tant que composantes d’un produit unique. Partant, un tel produit doit, aux fins de la directive 2011/64, être considéré, dans son ensemble, comme du tabac à fumer et être soumis en tant que tel à l’accise sur le tabac.

46

Il s’ensuit que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2011/64 doit être interprété en ce sens que, lorsque le tabac contenu dans un mélange destiné à être fumé, tel que du tabac pour pipe à eau, remplit les conditions énoncées à cette disposition, un tel mélange doit, dans son ensemble et quelles que soient les substances autres que le tabac qui le composent, être considéré comme du tabac à fumer.

47

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que les articles 2 et 5 de la directive 2011/64 doivent être interprétés en ce sens que du tabac à pipe à eau, composé de tabac à hauteur de 24 % et d’autres substances telles que du sirop de sucre, de la glycérine, des substances aromatiques et un conservateur, doit être qualifié de « produit constitué partiellement de substances autres que le tabac » et de « tabac à fumer », au sens de ces dispositions, et, partant, doit, dans son ensemble et quelles que soient les substances, autres que le tabac, qui le composent, être considéré comme du tabac à fumer soumis à l’accise sur le tabac.

Sur les troisième et quatrième questions

48

Eu égard à la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et quatrième questions.

Sur les dépens

49

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

Les articles 2 et 5 de la directive 2011/64/UE du Conseil, du 21 juin 2011, concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés, doivent être interprétés en ce sens que du tabac à pipe à eau, composé de tabac à hauteur de 24 % et d’autres substances telles que du sirop de sucre, de la glycérine, des substances aromatiques et un conservateur, doit être qualifié de « produit constitué partiellement de substances autres que le tabac » et de « tabac à fumer », au sens de ces dispositions, et, partant, doit, dans son ensemble et quelles que soient les substances, autres que le tabac, qui le composent, être considéré comme du tabac à fumer soumis à l’accise sur le tabac.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.