ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 juillet 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel – Règlement (UE) 2016/679 – Champ d’application – Article 2, paragraphe 2, sous a) – Notion d’“activité qui ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union” – Article 4, point 7 – Notion de “responsable du traitement” – Commission des pétitions du parlement d’un État fédéré d’un État membre – Article 15 – Droit d’accès de la personne concernée »

Dans l’affaire C‑272/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden, Allemagne), par décision du 27 mars 2019, parvenue à la Cour le 1er avril 2019, dans la procédure

VQ

contre

Land Hessen,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme L. S. Rossi (rapporteure), MM. J. Malenovský, F. Biltgen et N. Wahl, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour VQ, par Me A.-K. Pantaleon, genannt Stemberg, Rechtsanwältin,

pour le Land Hessen, par Mes H.‑G. Kamann, M. Braun et L. Hesse, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et M. Hellmann, ainsi que par Mme A. Berg, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, O. Serdula et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. H. Krämer, D. Nardi et F. Erlbacher, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 4, point 7, et de l’article 15 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1), et, d’autre part, de l’article 267 TFUE, lu en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant VQ au Land Hessen (Land de Hesse, Allemagne) au sujet de la légalité du rejet par le président du Hessischer Landtag (Parlement du Land de Hesse) de la demande d’accès de l’intéressé aux données à caractère personnel le concernant, enregistrées par la Commission des pétitions de ce parlement.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 95/46/CE

3

La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31), abrogée par le règlement 2016/679, contenait un article 3, intitulé « Champ d’application », qui prévoyait :

« 1.   La présente directive s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.

2.   La présente directive ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel :

mis en œuvre pour l’exercice d’activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit communautaire, telles que celles prévues aux titres V et VI du traité sur l’Union européenne, et, en tout état de cause, aux traitements ayant pour objet la sécurité publique, la défense, la sûreté de l’État (y compris le bien-être économique de l’État lorsque ces traitements sont liés à des questions de sûreté de l’État) et les activités de l’État relatives à des domaines du droit pénal,

effectué par une personne physique pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques. »

Le règlement 2016/679

4

Les considérants 16 et 20 du règlement 2016/679 énoncent :

« (16)

Le présent règlement ne s’applique pas à des questions de protection des libertés et droits fondamentaux ou de libre flux des données à caractère personnel concernant des activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit de l’Union, telles que les activités relatives à la sécurité nationale. Le présent règlement ne s’applique pas au traitement des données à caractère personnel par les États membres dans le contexte de leurs activités ayant trait à la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union.

[...]

(20)

Bien que le présent règlement s’applique, entre autres, aux activités des juridictions et autres autorités judiciaires, le droit de l’Union ou le droit des États membres pourrait préciser les opérations et procédures de traitement en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel par les juridictions et autres autorités judiciaires. La compétence des autorités de contrôle ne devrait pas s’étendre au traitement de données à caractère personnel effectué par les juridictions dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle, afin de préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire dans l’accomplissement de ses missions judiciaires, y compris lorsqu’il prend des décisions. Il devrait être possible de confier le contrôle de ces opérations de traitement de données à des organes spécifiques au sein de l’appareil judiciaire de l’État membre, qui devraient notamment garantir le respect des règles du présent règlement, sensibiliser davantage les membres du pouvoir judiciaire aux obligations qui leur incombent en vertu du présent règlement et traiter les réclamations concernant ces opérations de traitement de données. »

5

L’article 2 de ce règlement, intitulé « Champ d’application matériel », prévoit :

« 1.   Le présent règlement s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.

2.   Le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué :

a)

dans le cadre d’une activité qui ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union ;

b)

par les États membres dans le cadre d’activités qui relèvent du champ d’application du chapitre 2 du titre V du traité sur l’Union européenne ;

c)

par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle ou domestique ;

d)

par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces.

[...] »

6

L’article 4 dudit règlement, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

7)

“responsable du traitement”, la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement ; lorsque les finalités et les moyens de ce traitement sont déterminés par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre, le responsable du traitement peut être désigné ou les critères spécifiques applicables à sa désignation peuvent être prévus par le droit de l’Union ou par le droit d’un État membre ;

[...] »

7

L’article 15 du même règlement, intitulé « Droit d’accès de la personne concernée », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu’elles le sont, l’accès auxdites données à caractère personnel ainsi que les informations suivantes :

[...] »

8

L’article 23 du règlement 2016/679, intitulé « Limitations », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le droit de l’Union ou le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement ou le sous-traitant est soumis peuvent, par la voie de mesures législatives, limiter la portée des obligations et des droits prévus aux articles 12 à 22 et à l’article 34, ainsi qu’à l’article 5 dans la mesure où les dispositions du droit en question correspondent aux droits et obligations prévus aux articles 12 à 22, lorsqu’une telle limitation respecte l’essence des libertés et droits fondamentaux et qu’elle constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour garantir :

a)

la sécurité nationale ;

b)

la défense nationale ;

c)

la sécurité publique ;

d)

la prévention et la détection d’infractions pénales, ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière ou l’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces ;

e)

d’autres objectifs importants d’intérêt public général de l’Union ou d’un État membre, notamment un intérêt économique ou financier important de l’Union ou d’un État membre, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal, de la santé publique et de la sécurité sociale ;

f)

la protection de l’indépendance de la justice et des procédures judiciaires ;

g)

la prévention et la détection de manquements à la déontologie des professions réglementées, ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière ;

h)

une mission de contrôle, d’inspection ou de réglementation liée, même occasionnellement, à l’exercice de l’autorité publique, dans les cas visés aux points a) à e) et g) ;

i)

la protection de la personne concernée ou des droits et libertés d’autrui ;

j)

l’exécution des demandes de droit civil. »

Le droit allemand

Le droit fédéral

9

L’article 97 du Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne) prévoit :

« (1)   Les juges sont indépendants et ne sont soumis qu’à la loi.

(2)   Les juges titulaires réguliers nommés à vie à un emploi permanent ne peuvent, avant l’expiration de leurs fonctions et contre leur gré, être révoqués, suspendus définitivement ou temporairement de leurs fonctions, mutés à un autre emploi ou mis à la retraite qu’en vertu d’une décision de justice, et uniquement pour les motifs et dans les formes définis par la loi. La législation peut fixer les limites d’âge auxquelles les juges nommés à vie sont admis à faire valoir leurs droits à la retraite. En cas de modification de l’organisation des tribunaux ou de leurs ressorts territoriaux, les juges peuvent être mutés à un autre tribunal ou relevés de leurs fonctions en conservant toutefois le bénéfice de l’intégralité de leur traitement. »

10

L’article 26 du Deutsches Richtergesetz (loi allemande sur le statut de la magistrature, ci-après le « DRiG ») est libellé comme suit :

« (1)   Le juge est soumis à un contrôle disciplinaire seulement dans la mesure où cela ne porte pas atteinte à son indépendance.

(2)   Sans préjudice du paragraphe 1, le contrôle disciplinaire comprend aussi le pouvoir de reprocher au juge la manière illicite de s’acquitter de sa fonction et de le sommer de s’acquitter dûment et sans retard de ses fonctions.

(3)   Si le juge soutient qu’une mesure du contrôle disciplinaire porte atteinte à son indépendance, sur demande de ce juge, une juridiction se prononce conformément à la présente loi. »

Le droit du Land de Hesse

11

L’article 126 de la Verfassung des Landes Hessen (Constitution du Land de Hesse) prévoit :

« (1)   Le pouvoir judiciaire est exercé exclusivement par les juridictions légalement instituées.

(2)   Les juges sont indépendants et soumis uniquement à la loi. »

12

L’article 127 de cette Constitution est libellé comme suit :

« (1)   Les juges titulaires réguliers sont nommés à vie.

(2)   Les juges sont nommés à vie seulement si, après un engagement temporaire pour une période d’essai dont la durée doit être déterminée par la loi, ils offrent, de par leur personnalité et leur activité en tant que juge, la garantie d’exercer leur fonction dans un esprit de démocratie et de sens social.

(3)   La décision d’engagement temporaire et de nomination à vie est prise ensemble par le ministre de la Justice et une commission de sélection des juges.

[...] »

13

L’article 2b du Hessisches Richergesetz (loi du Land de Hesse sur le statut de la magistrature, ci‑après le « HRiG ») énonce :

« La notation de l’aptitude, des compétences et de la prestation professionnelle des juges est régie par des lignes directrices du ministère de la Justice. »

14

L’article 3 du HRiG dispose :

« Les juges sont nommés par le ministre de la Justice. »

15

L’article 18 de la Verwaltungsgerichtsordnung (code de procédure administrative) est rédigé comme suit :

« Pour couvrir un besoin temporaire en personnel, un fonctionnaire à vie disposant des diplômes requis pour exercer la fonction de juge peut être nommé en tant que juge temporaire pour une durée minimale de deux ans et au maximum pour la durée de sa fonction principale. L’article 15, paragraphe 1, première et troisième phrases, ainsi que paragraphe 2, du DRiG s’applique mutatis mutandis. »

16

Le Hessisches Datenschutz- und Informationsfreiheitsgesetz (loi du Land de Hesse sur la protection des données et la liberté de l’information), qui adapte le droit du Land de Hesse en matière de protection des données notamment au règlement 2016/679, dispose, à son article 30, paragraphe 1 :

« À l’exception des articles 15 et 29, les dispositions de la présente loi s’appliquent au Parlement du Land seulement dans la mesure où ce dernier intervient dans des affaires administratives, notamment lorsqu’il s’agit des affaires économiques du Parlement du Land, de la gestion du personnel ou de la mise en œuvre de dispositions législatives dont l’exécution incombe au président ou à la présidente du Parlement du Land. Par ailleurs, le Parlement du Land adopte un règlement intérieur en matière de protection des données conforme à son statut constitutionnel. [...] »

17

L’annexe 2 de la Geschäftsordnung des Hessischen Landtags (règlement intérieur du Parlement du Land de Hesse), du 16 décembre 1993, contient les lignes directrices relatives au traitement des informations classifiées dans le domaine du Parlement du Land de Hesse de 1986, lesquelles énoncent, à leur article 13, intitulé « Protection de secrets privés » :

« (1)   Dans la mesure où la protection de secrets personnels, d’affaires ou d’entreprise le requiert, les dossiers, autres documents et les délibérations des commissions doivent être gardés secrets. Cela vaut en particulier pour les dossiers fiscaux et les pétitions. [...]

(2)   La consultation de tels dossiers ou documents est réservée aux membres de la commission compétente. Il en va de même de la consultation des procès‑verbaux de délibérations des commissions sur des questions requérant le respect du secret, au sens du paragraphe 1. La commission décide de la distribution des procès-verbaux. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18

Après avoir présenté une pétition à la Commission des pétitions du Parlement du Land de Hesse, VQ a, sur le fondement de l’article 15 du règlement 2016/679, demandé à cette commission l’accès aux données à caractère personnel le concernant, enregistrées par celle-ci dans le cadre du traitement de sa pétition.

19

Le président du Parlement du Land de Hesse a décidé de rejeter cette demande, au motif que la procédure de pétition constitue une mission parlementaire et que ledit parlement ne relève pas du champ d’application du règlement 2016/679.

20

VQ a, le 22 mars 2013, introduit un recours devant le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden, Allemagne) contre la décision du président du Parlement du Land de Hesse rejetant sa demande.

21

Ce tribunal relève que, compte tenu, notamment, de l’article 13 des lignes directrices relatives au traitement des informations classifiées dans le domaine du Parlement du Land de Hesse de 1986, le droit allemand n’octroie aucun droit d’accès aux données à caractère personnel dans le cadre d’une pétition telle que celle en cause au principal.

22

Cependant, il se demande, en premier lieu, si la Commission des pétitions du Parlement du Land de Hesse peut être qualifiée d’« autorité publique », au sens de l’article 4, point 7, du règlement 2016/679, et peut, en l’occurrence, être considérée comme étant le « responsable du traitement » des données personnelles de VQ. Dans ce cas, ce dernier pourrait se prévaloir d’un droit d’accès au titre de l’article 15 dudit règlement.

23

Or, le règlement 2016/679 ne donnerait aucune définition de la notion d’« autorité publique ». Selon le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden), cette expression pourrait se voir reconnaître une acception fonctionnelle ou une acception institutionnelle. Selon la première de ces acceptions, seraient des « autorités publiques » toutes les entités publiques accomplissant des missions d’administration publique, y compris, par conséquent, le Parlement du Land de Hesse lorsqu’il accomplit de telles missions. Selon la seconde desdites acceptions, la Commission des pétitions de ce parlement serait un organisme autonome, et donc une autorité publique, au sens institutionnel. Elle ne participerait pas à l’activité législative dudit parlement étant donné que, d’une part, son activité n’aurait aucun caractère contraignant et, d’autre part, elle ne disposerait ni d’un droit d’initiative ni d’un droit de réglementer, son action dépendant toujours de la pétition du citoyen et du contenu de la demande.

24

Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 2, du règlement 2016/679 n’excluant pas les organes ou institutions agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs, cette disposition impliquerait que soit retenue une conception large de la notion d’administration et donc d’autorité publique. Ainsi, au regard du droit de pétition, rien ne distinguerait cette commission de toute autre autorité administrative du Land de Hesse.

25

Le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) considère, dès lors, que la Commission des pétitions du Parlement du Land de Hesse est une « autorité publique », au sens de l’article 4, point 7, de ce règlement et qu’aucun motif ne s’oppose, en l’occurrence, à l’exercice d’un droit d’accès en vertu de l’article 15 dudit règlement.

26

Cependant, ce tribunal se demande, en second lieu, si lui-même peut être considéré comme étant une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, lu en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, au regard des critères dégagés par la Cour à cet égard, en particulier de celui tenant à l’indépendance de l’organisme concerné.

27

À cet égard, il rappelle que l’exigence d’indépendance comporte deux aspects. Le premier, d’ordre externe, supposerait que ledit organisme exerce ses fonctions en toute autonomie, sans lien de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, de telle sorte que l’instance soit protégée contre les interventions ou les pressions extérieures susceptibles de mettre en péril l’indépendance de jugement de ses membres quant aux litiges qui leur sont soumis. Le second aspect, d’ordre interne, rejoindrait la notion d’impartialité et viserait l’égale distance par rapport aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs au regard de l’objet de celui-ci. Cet aspect exigerait le respect de l’objectivité et l’absence de tout intérêt dans la solution du litige, en dehors de la stricte application de la règle de droit.

28

S’agissant de l’aspect externe de l’indépendance, le rattachement d’une juridiction au ministère de la Justice impliquerait que cette juridiction ne puisse pas exercer ses fonctions en toute autonomie. En l’occurrence, l’organisation des juridictions du Land de Hesse serait imposée par le ministère de la Justice de ce Land. En particulier, ce ministère déterminerait les moyens de communication (téléphone, télécopie, Internet et autres) et l’équipement informatique, notamment le « HessenPC », conçu pour l’administration, avec un prestataire central, à savoir la Hessische Zentrale für Datenverarbeitung (Centrale du traitement des données du Land de Hesse), relevant du ministère des Finances du Land de Hesse. Cette dernière assurerait également la maintenance de tous ces équipements, si bien que l’administration aurait la possibilité d’accéder à toutes les données des juridictions.

29

Le simple risque de voir une influence politique s’exercer sur les juridictions, par le biais, notamment, de l’équipement ou du personnel alloué par le ministère de la Justice, suffirait pour entraîner un risque d’ingérence dans les décisions de celles-ci et affecter l’indépendance des juridictions dans l’exercice de leurs missions. À ces fins, serait même suffisante une supposée pression exercée en vue d’un règlement rapide des affaires au moyen d’une statistique de la charge de travail gérée par ledit ministère.

30

En outre, les juridictions du Land de Hesse ne bénéficieraient pas d’un contrôle autonome en matière de protection des données dès lors que l’essentiel du traitement des données serait imposé, en substance, par le ministère de la Justice du Land de Hesse, sans que soit exercé le contrôle juridictionnel mentionné au considérant 20 du règlement 2016/679.

31

En ce qui concerne l’aspect interne de l’indépendance, le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) précise que le droit constitutionnel allemand ne garantit pas l’indépendance institutionnelle des juridictions.

32

En effet, tout d’abord, ainsi qu’il ressortirait des articles 2b et 3 du HRiG, la nomination, la notation et la promotion des juges, y compris de ceux composant la juridiction de renvoi, relèveraient du ministre de la Justice du Land de Hesse. Il s’ensuivrait que les dispositions du droit de la fonction publique leur seraient applicables, de telle sorte que, notamment, les déplacements professionnels à l’étranger des juges, tels que ceux effectués dans le cadre du Réseau européen de formation judiciaire, devraient être décidés par ledit ministre.

33

Ensuite, conformément à l’article 18 du code de procédure administrative, pour couvrir un besoin temporaire en personnels, un fonctionnaire pourrait être nommé en tant que juge temporaire. Or, un tel juge pourrait être issu d’une autorité publique qui a, devant lui, la qualité de partie défenderesse dans une procédure juridictionnelle.

34

En outre, le ministère de la Justice du Land de Hesse inscrirait les coordonnées professionnelles de tous les juges dans un système de gestion d’informations des ressources humaines dépendant du gouvernement du Land de Hesse, de telle sorte que toutes les autorités administratives de ce Land pourraient accéder à ces données, alors même qu’elles sont susceptibles d’avoir la qualité de partie dans une affaire portée devant ces mêmes juges.

35

Enfin, le ministère de la Justice déciderait également du nombre de juges et de postes de chaque juridiction, du personnel « hors magistrature » attribué, en fait, au pouvoir exécutif, ainsi que de l’équipement informatique de chaque juridiction.

36

Ainsi, les juridictions disposeraient seulement d’une indépendance fonctionnelle dans la mesure où seuls les juges seraient indépendants et soumis à la loi, conformément à l’article 126 de la Constitution du Land de Hesse. Toutefois, à elle seule, une telle indépendance fonctionnelle serait insuffisante pour protéger les juridictions de toute influence extérieure.

37

Le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) en conclut que, probablement, il ne remplit pas les conditions prévues à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte pour être considéré comme étant un tribunal indépendant et impartial.

38

Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le [règlement 2016/679], en l’occurrence [son] l’article 15, [intitulé « Droit d’accès de la personne concernée »], trouve-t-il à s’appliquer à la commission du parlement d’un État fédéré d’un État membre compétente pour traiter des pétitions de citoyens, en l’occurrence la Commission des pétitions du Parlement du Land de Hesse, et cette dernière doit-elle être considérée à cet égard comme une autorité publique, au sens de l’article 4, point 7, du [règlement 2016/679] ?

2)

La juridiction de renvoi est-elle un tribunal indépendant et impartial, au sens de l’article 267 TFUE lu conjointement avec l’article 47, deuxième alinéa, de la [Charte] ? »

Sur la compétence de la Cour

39

Dans ses observations, le gouvernement polonais remet en cause la compétence de la Cour, en particulier pour statuer sur la seconde question, étant donné que le droit de l’Union ne règle pas l’organisation judiciaire des États membres et que, par conséquent, cette question ne relèverait que du droit national.

40

Il suffit de constater, à cet égard, que la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du droit de l’Union, que ce soit du règlement 2016/679 ou de l’article 267 TFUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.

41

Dans ces conditions, la Cour est manifestement compétente pour statuer sur cette demande dans son intégralité, c’est-à-dire tant sur la première que sur la seconde question [voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 74 et 75].

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

42

Par sa seconde question, le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) émet des doutes quant à sa propre qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte. Ainsi, il invite en réalité la Cour à examiner la recevabilité de sa demande de décision préjudicielle, étant donné que la qualité de « juridiction », au sens dudit article 267, constitue une condition de cette recevabilité et, par conséquent, un préalable pour l’interprétation par la Cour de la disposition de droit de l’Union visée par la première question.

43

Selon une jurisprudence constante, pour apprécier si l’organisme de renvoi en cause possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, et donc pour apprécier si la demande de décision préjudicielle est recevable, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par l’organe, des règles de droit ainsi que son indépendance (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 51 et jurisprudence citée).

44

Les doutes émis par le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) concernent sa propre indépendance à l’égard du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif. Ces doutes se fondent sur les circonstances selon lesquelles, premièrement, les juges seraient nommés et promus par le ministre de la Justice, deuxièmement, la notation des juges serait régie par le ministère de la Justice selon les mêmes dispositions que celles applicables aux fonctionnaires, troisièmement, les données à caractère personnel et les coordonnées professionnelles des juges seraient gérées par ce ministère, qui aurait ainsi accès à ces données, quatrièmement, pour couvrir un besoin temporaire en personnel, des fonctionnaires pourraient être nommés en tant que juges temporaires et, cinquièmement, ledit ministère imposerait l’organisation externe et interne des juridictions, déterminerait l’allocation de personnels, les moyens de communication et l’équipement informatique des juridictions et déciderait également des déplacements professionnels à l’étranger des juges.

45

À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’indépendance des juges des États membres revêt une importance fondamentale pour l’ordre juridique de l’Union à divers titres. Elle relève, tout d’abord, du principe de l’État de droit, qui fait partie des valeurs sur lesquelles, selon l’article 2 TUE, l’Union est fondée et qui sont communes aux États membres, ainsi que de l’article 19 TUE, qui concrétise cette valeur et confie la charge d’assurer le contrôle juridique dans cet ordre également aux juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117, point 32). Ensuite, ladite indépendance est une condition nécessaire pour garantir aux justiciables, dans le champ d’application du droit de l’Union, le droit fondamental à un juge indépendant et impartial prévu à l’article 47 de la Charte, lequel revêt une importance cardinale en tant que garant de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir en ce sens, notamment, arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission, C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, points 70 et 71 ainsi que jurisprudence citée). Enfin, ladite indépendance est essentielle au bon fonctionnement du système de coopération judiciaire qu’incarne le mécanisme de renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, en ce que ce mécanisme ne peut être activé que par une instance, chargée d’appliquer le droit de l’Union, qui répond, notamment, à ce critère d’indépendance (voir, notamment, arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 56 et jurisprudence citée).

46

Ainsi, aux fins de vérifier la recevabilité d’une demande de décision préjudicielle, le critère relatif à l’indépendance que doit remplir l’organe de renvoi afin de pouvoir être considéré comme étant une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, peut être apprécié au regard de cette seule disposition.

47

Il s’ensuit, comme le souligne la Commission européenne, que, en l’occurrence, cette appréciation doit porter sur l’indépendance du seul Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) dans le cadre du litige au principal, lequel porte, ainsi qu’il ressort des points 22 à 25 du présent arrêt, sur l’interprétation du droit de l’Union, à savoir le règlement 2016/679.

48

À cet égard, certains éléments mis en avant par ledit tribunal administratif sont manifestement dénués de pertinence aux fins de cette appréciation.

49

Il en est ainsi, en premier lieu, des règles relatives aux procédures de nomination des juges temporaires, de tels juges ne faisant pas partie de la formation de jugement composée, en l’occurrence, du seul président du Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden).

50

S’agissant, en deuxième lieu, du rôle du ministère de la Justice du Land de Hesse en ce qui concerne la gestion des déplacements professionnels des juges ou l’organisation des juridictions, la détermination des effectifs du personnel, la gestion des moyens de communication et de l’équipement informatique ainsi que la gestion des données à caractère personnel, il suffit de relever que la demande de décision préjudicielle ne contient aucune information permettant de comprendre dans quelle mesure ces éléments seraient susceptibles de remettre en cause, dans l’affaire au principal, l’indépendance du Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden).

51

Il reste donc en substance à vérifier la prétendue influence que le pouvoir législatif ou le pouvoir exécutif seraient susceptibles d’exercer sur les juges composant ledit tribunal administratif en raison de leur implication dans la nomination, la promotion et la notation de ceux-ci.

52

Selon une jurisprudence constante, les garanties d’indépendance et d’impartialité dont doivent bénéficier les juridictions des États membres postulent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’instance, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de ladite instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent (arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 63 et jurisprudence citée).

53

À cet égard, le gouvernement allemand précise que, en l’occurrence, les magistrats jouissent d’un statut autonome à l’intérieur de la fonction publique, assuré, notamment, par la garantie de l’inamovibilité prévue à l’article 97 de la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne, par la compétence des cours de justice de la magistrature en ce qui concerne la protection judiciaire des magistrats, ainsi que par la procédure de nomination, dans laquelle la Commission de sélection des juges joue un rôle déterminant. Cette commission, prévue à l’article 127 de la Constitution du Land de Hesse, serait composée de sept membres nommés par le Parlement de ce Land, de cinq membres issus de la magistrature et, par rotation annuelle, du président de l’un des deux ordres des avocats dudit Land. Les membres désignés par ledit parlement de manière proportionnelle à la composition de celui-ci devraient assurer la légitimité démocratique de ladite commission.

54

En ce qui concerne les conditions de nomination du juge siégeant dans la juridiction de renvoi, il importe de rappeler d’emblée que le seul fait que les pouvoirs législatif ou exécutif interviennent dans le processus de nomination d’un juge n’est pas de nature à créer une dépendance de ce dernier à leur égard ni à engendrer des doutes quant à l’impartialité de celui-ci, si, une fois nommé, l’intéressé n’est soumis à aucune pression et ne reçoit pas d’instructions dans l’exercice de ses fonctions [voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 133 ainsi que jurisprudence citée].

55

Le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) semble, toutefois, s’interroger également sur la compatibilité de la composition de la Commission de sélection des juges avec le principe d’indépendance, compte tenu de la prépondérance des membres choisis par le pouvoir législatif.

56

Cependant, cette circonstance ne saurait, à elle seule, conduire à douter de l’indépendance de la juridiction de renvoi. En effet, l’indépendance d’une juridiction nationale doit, y compris sous l’angle des conditions dans lesquelles intervient la nomination de ses membres, être appréciée au regard de l’ensemble des facteurs pertinents

57

Or, il convient de rappeler, à cet égard, que, lorsqu’une juridiction nationale a soumis à la Cour une série d’éléments qui, selon elle, est de nature à faire douter de l’indépendance d’une commission participant à la nomination de juges, la Cour a jugé que, si l’un ou l’autre des éléments ainsi mis en exergue par ladite juridiction peut ne pas être critiquable en soi et relever, en ce cas, de la compétence des États membres et des choix effectués par ceux-ci, leur combinaison, ajoutée aux circonstances dans lesquelles ces choix ont été opérés, peut, en revanche, conduire à douter de l’indépendance d’un organe appelé à participer à la procédure de nomination des juges, alors même que, lorsque lesdits éléments sont envisagés séparément, une telle conclusion ne s’imposerait pas [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême)C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 142].

58

En l’occurrence, il ne saurait être conclu à l’absence d’indépendance d’une commission telle que celle en cause au principal en raison de la présence du seul élément mentionné au point 55 du présent arrêt.

59

S’agissant des conditions de notation et de promotion des juges, également mises en cause par le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden), il suffit de constater que le dossier soumis à la Cour ne contient pas d’indices selon lesquels la manière dont le pouvoir exécutif exerce ses compétences à cet égard serait de nature à engendrer des doutes légitimes, notamment, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité du juge concerné à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts susceptibles de s’affronter devant lui.

60

Compte tenu de ce qui précède, les éléments mis en avant par le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) au soutien des doutes qu’il émet en ce qui concerne sa propre indépendance ne sauraient suffire, en soi, pour qu’il soit conclu que de tels doutes sont fondés et que ce tribunal n’est pas indépendant, en dépit de toutes les autres règles prévues par l’ordre juridique dont ce tribunal administratif relève et visant à assurer son indépendance, au nombre desquelles figurent, notamment, celles mentionnées au point 53 du présent arrêt.

61

Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden) doit, en l’occurrence, être considéré comme étant une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE. Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.

62

Il importe de préciser que cette conclusion n’a pas d’incidence sur l’examen de la recevabilité de la seconde question, laquelle, en tant que telle, est irrecevable. En effet, cette question portant sur l’interprétation de l’article 267 TFUE lui-même, qui n’est pas en cause aux fins de la solution du litige au principal, l’interprétation sollicitée par ladite question ne répond pas à un besoin objectif pour la décision que la juridiction de renvoi doit rendre (voir, en ce sens, ordonnance du 25 mai 1998, Nour, C‑361/97, EU:C:1998:250, point 15 et jurisprudence citée).

Sur la demande de décision préjudicielle

63

Par sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur le point de savoir si l’article 4, point 7, du règlement 2016/679 doit être interprété en ce sens que la commission des pétitions du parlement d’un État fédéré d’un État membre doit être qualifiée de « responsable du traitement », au sens de cette disposition, de telle sorte que le traitement de données à caractère personnel effectué par une telle commission relève du champ d’application de ce règlement, notamment de l’article 15 de celui-ci.

64

Afin de répondre à cette question, il convient, en premier lieu, de rappeler que ledit article 4, point 7, définit le « responsable du traitement » comme étant la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement.

65

Ainsi, la définition de la notion de « responsable du traitement » figurant dans le règlement 2016/679 ne se limite pas aux autorités publiques, mais, comme le met en exergue le gouvernement tchèque, est suffisamment large pour inclure tout organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement.

66

S’agissant, en deuxième lieu, des observations du Land de Hesse selon lesquelles les activités d’une commission parlementaire ne relèvent pas du champ d’application du droit de l’Union, au sens de l’article 2, paragraphe 2, du règlement 2016/679, il convient de rappeler que la Cour a déjà eu l’occasion de préciser, au regard de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46, que, cette directive étant fondée sur l’article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE), le recours à cette base juridique ne présuppose pas l’existence d’un lien effectif avec la libre circulation entre États membres dans chacune des situations visées par l’acte fondé sur une telle base et qu’il ne serait pas approprié d’interpréter l’expression « activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit [de l’Union] » comme ayant une portée telle qu’il serait nécessaire de vérifier, au cas par cas, si l’activité spécifique en cause affecte directement la libre circulation entre États membres (arrêt du 6 novembre 2003, Lindqvist, C‑101/01, EU:C:2003:596, points 40 et 42).

67

Il en va a fortiori ainsi en ce qui concerne le règlement 2016/679, qui est fondé sur l’article 16 TFUE, aux termes duquel le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne fixent les règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, notamment, par les États membres dans l’exercice d’activités qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union, et à la libre circulation de ces données, et dont l’article 2, paragraphe 2, correspond, en substance, à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46.

68

En troisième lieu, l’article 2, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, étant donné qu’il constitue une exception à la définition très large du champ d’application de ce règlement énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de celui-ci, doit être interprété de manière restrictive.

69

Certes, la Cour a, en substance, souligné que les activités mentionnées à titre d’exemples à l’article 3, paragraphe 2, premier tiret, de la directive 95/46 (à savoir les activités prévues aux titres V et VI du traité sur l’Union européenne ainsi que les traitements ayant pour objet la sécurité publique, la défense, la sûreté de l’État et les activités relatives à des domaines du droit pénal) sont, dans tous les cas, des activités propres aux États ou aux autorités étatiques et que ces activités sont destinées à définir la portée de l’exception y prévue, de telle sorte que cette exception ne s’applique qu’aux activités qui y sont ainsi expressément mentionnées ou qui peuvent être rangées dans la même catégorie (ejusdem generis) (arrêt du 6 novembre 2003, Lindqvist, C‑101/01, EU:C:2003:596, points 43 et 44).

70

Cela étant, le fait qu’une activité soit propre à l’État ou à une autorité publique ne suffit pas pour que cette exception soit automatiquement applicable à une telle activité. Il est, en effet, nécessaire que cette activité figure au nombre de celles qui sont expressément mentionnées par ladite disposition ou qu’elle puisse être rangée dans la même catégorie que celles-ci.

71

Si les activités de la Commission des pétitions du Parlement du Land de Hesse sont sans aucun doute de nature publique et propres à ce Land, cette commission contribuant indirectement à l’activité parlementaire, il n’en demeure pas moins non seulement que ces activités sont de nature tant politique qu’administrative, mais également qu’il ne ressort aucunement du dossier dont dispose la Cour que lesdites activités correspondent, en l’occurrence, à celles mentionnées à l’article 2, paragraphe 2, sous b) et d), du règlement 2016/679 ou qu’elles puissent être rangées dans la même catégorie que celles-ci.

72

En quatrième et dernier lieu, aucune exception n’est prévue dans le règlement 2016/679, notamment au considérant 20 et à l’article 23 de celui-ci, en ce qui concerne les activités parlementaires.

73

Par conséquent, dans la mesure où la Commission des pétitions du Parlement du Land de Hesse détermine, seule ou avec d’autres, les finalités et les moyens du traitement, cette commission doit être qualifiée de « responsable du traitement », au sens de l’article 4, point 7, du règlement 2016/679, et, partant, l’article 15 de celui-ci trouve, en l’occurrence, à s’appliquer.

74

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 4, point 7, du règlement 2016/679 doit être interprété en ce sens que, dans la mesure où une commission des pétitions du parlement d’un État fédéré d’un État membre détermine, seule ou avec d’autres, les finalités et les moyens du traitement, cette commission doit être qualifiée de « responsable du traitement », au sens de cette disposition, de telle sorte que le traitement de données à caractère personnel effectué par une telle commission relève du champ d’application de ce règlement, notamment de l’article 15 de celui-ci.

Sur les dépens

75

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

 

L’article 4, point 7, du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), doit être interprété en ce sens que, dans la mesure où une commission des pétitions du parlement d’un État fédéré d’un État membre détermine, seule ou avec d’autres, les finalités et les moyens du traitement, cette commission doit être qualifiée de « responsable du traitement », au sens de cette disposition, de telle sorte que le traitement de données à caractère personnel effectué par une telle commission relève du champ d’application de ce règlement, notamment de l’article 15 de celui‑ci.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.