ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

25 juin 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences sur l’environnement – Permis d’urbanisme en vue de l’implantation et de l’exploitation d’éoliennes – Article 2, sous a) – Notion de “plans et programmes” – Conditions d’octroi du permis établies par un arrêté et une circulaire – Article 3, paragraphe 2, sous a) – Actes nationaux définissant un cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir – Absence d’évaluation environnementale – Maintien des effets des actes nationaux et des permis octroyés sur le fondement de ceux-ci après que la non-conformité de ces actes au droit de l’Union a été constatée – Conditions »

Dans l’affaire C‑24/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad voor Vergunningsbetwistingen (Conseil du contentieux des permis, Belgique), par décision du 4 décembre 2018, parvenue à la Cour le 15 janvier 2019, dans la procédure

A e.a.

contre

Gewestelijke stedenbouwkundige ambtenaar van het departement Ruimte Vlaanderen, afdeling Oost-Vlaanderen,

en présence de :

Organisatie voor Duurzame Energie Vlaanderen VZW,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, Mme A. Prechal, MM. M. Vilaras, E. Regan et I. Jarukaitis, présidents de chambre, MM. E. Juhász, M. Ilešič, J. Malenovský, L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteure), MM. F. Biltgen, A. Kumin, N. Jääskinen et N. Wahl, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 décembre 2019,

considérant les observations présentées :

pour A e.a., par Mes T. Swerts, W.‑J. Ingels, et L. Nijs, advocaten,

pour Organisatie voor Duurzame Energie Vlaanderen VZW, par Mes T. Malfait et V. McClelland, advocaten,

pour le gouvernement belge, par Mmes C. Pochet et M. Jacobs ainsi que par M. P. Cottin, en qualité d’agents, assistés de Me J. Vanpraet, advocaat,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman, M. Gijzen et M. Noort, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Lavery, en qualité d’agent, assistée de M. R. Warren, QC, et de M. D. Blundell, barrister,

pour la Commission européenne, par MM. E. Manhaeve et M. Noll‑Ehlers, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous a), ainsi que de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2001, L 197, p. 30).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A e.a. au Gewestelijke stedenbouwkundige ambtenaar van het departement Ruimte Vlaanderen, afdeling Oost-Vlaanderen (fonctionnaire régional de l’urbanisme du département de l’aménagement du territoire de Flandre, section Flandre orientale, Belgique), au sujet de la décision de celui-ci d’octroyer un permis d’urbanisme à un producteur et fournisseur d’électricité aux fins de l’implantation et de l’exploitation de cinq éoliennes sur un site dont A e.a. sont les riverains.

Le cadre juridique

Le droit international

3

La convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, signée à Espoo (Finlande) le 26 février 1991 (ci‑après la « convention d’Espoo »), a été approuvée au nom de la Communauté européenne le 24 juin 1997 et est entrée en vigueur le 10 septembre de la même année.

4

L’article 2, paragraphe 7, de la convention d’Espoo stipule :

« Les évaluations de l’impact sur l’environnement prescrites par la présente convention sont effectuées, au moins au stade du projet de l’activité proposée. Dans la mesure voulue, les parties s’efforcent d’appliquer les principes de l’évaluation de l’impact sur l’environnement aux politiques, plans et programmes. »

Le droit de l’Union

5

Aux termes du considérant 4 de la directive 2001/42 :

« L’évaluation environnementale est un outil important d’intégration des considérations en matière d’environnement dans l’élaboration et l’adoption de certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement dans les États membres, parce qu’elle assure que ces incidences de la mise en œuvre des plans et des programmes sont prises en compte durant l’élaboration et avant l’adoption de ces derniers. »

6

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objectifs », prévoit :

« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »

7

L’article 2 de ladite directive est rédigé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)

“plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par la Communauté européenne, ainsi que leurs modifications :

élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ;

b)

“évaluation environnementale” : l’élaboration d’un rapport sur les incidences environnementales, la réalisation de consultations, la prise en compte dudit rapport et des résultats des consultations lors de la prise de décision, ainsi que la communication d’informations sur la décision, conformément aux articles 4 à 9 ;

[...] »

8

Aux termes de l’article 3, intitulé « Champ d’application», de la même directive :

« 1.   Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2.   Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

a)

qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40),] pourra être autorisée à l’avenir [...]

[...] »

9

La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), a abrogé et remplacé la directive 85/337.

10

L’annexe II, point 3, sous i), de la directive 2011/92 vise les « [i]nstallations destinées à l’exploitation de l’énergie éolienne pour la production d’énergie (parcs éoliens) ».

Le droit belge

Le Vlarem II

11

Le besluit van de Vlaamse regering houdende algemene en sectorale bepalingen inzake milieuhygiëne (arrêté du gouvernement flamand fixant les dispositions générales et sectorielles en matière d’hygiène de l’environnement), du 1er juin 1995 (Belgisch Staatsblad,31 juillet 1995, p. 20526), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « Vlarem II »), a été adopté en exécution, notamment, du decreet van de Vlaamse Raad betreffende de milieuvergunning (décret du Conseil flamand relatif au permis d’environnement), du 28 juin 1985 (Belgisch Staatsblad,17 septembre 1985, p. 13304), ainsi que du decreet van de Vlaamse Raad houdende algemene bepalingen inzake milieubeleid (décret du Conseil flamand contenant des dispositions générales concernant la politique de l’environnement), du 5 avril 1995 (Belgisch Staatsblad,3 juin 1995, p. 15971). Le Vlarem II prévoit des conditions environnementales générales et sectorielles relatives, d’une part, aux nuisances et aux risques que peuvent provoquer certaines installations et activités et, d’autre part, à la réparation des éventuels dommages causés à l’environnement par leur exploitation.

12

Par l’article 99 du besluit van de Vlaamse regering tot wijziging van het besluit van de Vlaamse regering houdende de vaststelling van het Vlaams reglement betreffende de milieuvergunning en van het [Vlarem II], wat betreft de actualisatie van voormelde besluiten aan de evolutie van de techniek (arrêté du gouvernement flamand modifiant l’arrêté du gouvernement flamand du 6 février 1991 fixant le règlement flamand relatif à l’autorisation écologique et modifiant [le Vlarem II], pour ce qui concerne l’actualisation des arrêtés précités par rapport à l’évolution de la technique), du 23 décembre 2011 (Belgisch Staatsblad,21 mars 2012, p. 16474), une section 5.20.6 a été ajoutée au Vlarem II, concernant les installations pour la production d’électricité au moyen de l’énergie éolienne.

13

Cette section, intitulée « Installations de production d’électricité par énergie éolienne », contient notamment des dispositions portant sur la projection d’ombre par des pales (limitation des effets stroboscopiques causés par cette ombre), la sécurité des éoliennes (présence de certains systèmes de détection et d’arrêt automatique) et le bruit (exécution de mesurages acoustiques).

14

En matière de projection d’ombre, l’article 5.20.6.2.1 du Vlarem II dispose :

« Si un objet sensible à la projection d’ombre se trouve dans le périmètre de quatre heures d’ombre portée attendue par an de l’éolienne, cette dernière est équipée d’un module d’arrêt automatique. »

15

L’article 5.20.6.2.2 du Vlarem II oblige l’exploitant à tenir un journal par éolienne et à y indiquer certaines données relatives à la projection d’ombre, ainsi qu’à établir un rapport de contrôle au moins les deux premières années d’exploitation.

16

Aux termes de l’article 5.20.6.2.3 du Vlarem II :

« Un maximum de trente heures de projection d’ombre effective par an, avec un maximum de trente minutes de projection d’ombre effective par jour, vaut pour chaque objet pertinent sensible à la projection d’ombre en zone industrielle, à l’exception des habitations.

Un maximum de huit heures de projection d’ombre effective par an, avec un maximum de trente minutes de projection d’ombre effective par jour, vaut pour chaque objet pertinent sensible à la projection d’ombre dans toutes autres zones et pour des habitations en zone industrielle. »

17

Dans le domaine de la sécurité, l’article 5.20.6.3.1 du Vlarem II prévoit que toutes les éoliennes doivent être construites conformément aux exigences de sécurité définies par la norme IEC61400 ou équivalente et être certifiées. Son article 5.20.6.3.2 prévoit que toutes les éoliennes doivent être équipées de dispositifs de sécurité composés notamment d’un dispositif de protection contre les risques liés au givrage et à la foudre ainsi que d’un système auxiliaire de freinage et d’un système de contrôle en ligne détectant les anomalies tout en les transmettant à l’unité de contrôle propre à l’éolienne.

18

Pour ce qui est du bruit, l’article 5.20.6.4.2 du Vlarem II fixe des valeurs maximales de bruit en plein air à proximité des habitations :

« Le bruit spécifique de l’éolienne en plein air est, sauf dispositions contraires contenues dans l’autorisation environnementale, limité par période d’évaluation et à proximité de l’autre habitation ou zone résidentielle la plus proche, à la valeur directrice visée à l’annexe 5.20.6.1, ou au bruit de fond, visé à l’annexe 4B, point F14, 3, du titre Ier du présent arrêté. Lsp ≤ MAX(valeur directrice, LA 95).

Dans le cas où le bruit de fond définit la norme, la distance entre les éoliennes et les habitations doit être supérieure à trois fois le diamètre du rotor. »

19

L’annexe 5.20.6.1 du Vlarem II contient les indications suivantes :

« Destination de la zone selon le permis

Valeur indicative du bruit spécifique en plein air en dB(A)

Jour

Soir

Nuit

1° Zones agricoles et zones de récréation et de séjour

44

39

39

2a° Zones ou parties de zones, à l’exception des zones d’habitation ou des parties de zones d’habitation, situées à moins de 500 m de zones industrielles

50

45

45

2b° Zones d’habitation ou parties de zones d’habitation situées à moins de 500 m de zones industrielles

48

43

43

3a° Zones ou parties de zones, à l’exception de zones résidentielles ou parties de zones résidentielles, situées à moins de 500 m de zones destinées aux entreprises artisanales et aux petites et moyennes entreprises, des zones de service ou des zones d’extraction pendant l’extraction

48

43

43

3b° Zones d’habitation ou parties de zones d’habitation situées à moins de 500 m de zones destinées aux entreprises artisanales et aux petites et moyennes entreprises, des zones de service ou des zones d’extraction pendant l’extraction

44

39

39

4° Zones d’habitation

44

39

39

5° Zones industrielles, zones de services, zones destinées à des équipements collectifs et des équipements de service public et zones d’extraction pendant l’extraction

60

55

55

5bis° Zones agraires

48

43

43

6° Zones de divertissement à l’exception des zones de récréation et de séjour

48

43

43

7° Toutes les autres zones, à l’exception des zones tampons, des domaines militaires et des zones qui font l’objet de valeurs indicatives fixées dans des arrêtés spéciaux

44

39

39

8° Zones tampons

55

50

50

9° Zones ou parties de zones situées à moins de 500 m de zones destinées à l’extraction de gravier au cours de l’extraction

48

43

43

10° Zones agricoles

48

43

43 »

La circulaire de 2006

20

L’omzendbrief EME/2006/01-RO/2006/02 (circulaire EME/2006/01-RO/2006/02), du 12 mai 2006, intitulée « Cadre d’évaluation et conditions requises pour implanter des éoliennes » (Belgisch Staatsblad,24 octobre 2006, p. 56705), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « circulaire de 2006 »), constitue, comme l’indique le point 3 de celle-ci, la mise à jour d’une circulaire datant du 17 juillet 2000.

21

Selon le point 3.1 de la circulaire de 2006, celle-ci contient un certain nombre d’éléments à prendre en considération pour le choix de l’implantation d’une éolienne. Les points 3.1.1 à 3.1.14 incluent différentes considérations en matière de regroupement, d’utilisation du sol, d’habitat, d’agriculture, de terrains industriels, de zones portuaires, de sports et de loisirs, de paysage, d’impact sonore, de projection d’ombre et de reflets lumineux, de sécurité, de nature, d’étude d’impact sur l’environnement et d’aviation.

22

En particulier, le point 3.1.9 de cette circulaire, intitulé « Impact sonore », est libellé en ces termes :

« La mesure dans laquelle les éoliennes peuvent créer une nuisance dépend de différents facteurs tels que la puissance de la source des éoliennes, la forme, la hauteur de l’axe et le nombre d’éoliennes. La nature du sol (eau, terre), la distance avec les habitants aux alentours et le niveau du bruit de fond jouent un rôle. Globalement, le bruit de fond augmente davantage avec le vent qu’avec l’intensité de la source de l’éolienne.

Aux termes de l’article 5.20, paragraphe 2, du titre II du Vlarem [II], aucune norme de bruit n’est applicable. Le permis d’environnement peut néanmoins imposer des seuils d’émission de bruit en fonction de la situation environnante. Les mesures nécessaires à prendre à la source doivent répondre à l’état actuel de la technique. Des logiciels internationalement reconnus peuvent être utilisés pour évaluer le bruit spécifique des éoliennes. La détermination du bruit de fond doit être réalisée par un expert en environnement agréé dans la discipline du bruit et des vibrations.

Lorsque l’habitation étrangère la plus proche ou la zone habitée la plus proche se trouvent à une distance de 250 mètres du mât de l’éolienne, on peut considérer que le trouble causé par l’éolienne ou par le parc d’éoliennes peut être limité à un niveau acceptable.

Lorsque la distance est inférieure ou égale à 250 mètres, il convient d’adopter l’approche suivante.

Le bruit spécifique est déterminé à proximité de l’habitation étrangère la plus proche ou de la zone habitée la plus proche. Pour apprécier le caractère admissible d’une éolienne ou d’un parc d’éoliennes à un endroit déterminé, on évaluera, par dérogation à l’annexe 2.2.1 du titre II du Vlarem [II], le bruit spécifique à l’aune des normes de qualité de l’environnement suivantes pour le bruit en plein air :

Valeurs de référence en dB(A) en plein air

Zone

Normes de qualité de l’environnement en dB(A) en plein air

Jour

Soir

Nuit

1° Zones agricoles et zones de récréation et de séjour

49

44

39

2° Zones ou parties de zones situées à moins de 500 mètres de zones industrielles non mentionnées au point 3° ou de zones destinées à des équipements collectifs et des équipements de service public

54

49

49

3° Zones ou parties de zones situées à moins de 500 mètres de zones destinées à des entreprises industrielles et des petites et moyennes entreprises, de zones de services ou de zones d’extraction pendant l’extraction

54

49

44

4° Zones d’habitation

49

44

39

5° Zones industrielles, zones de service, zones destinées à des équipements collectifs et des équipements de service public et zones d’extraction pendant l’extraction

64

59

59

6°Zones de divertissement à l’exception des zones de récréation et de séjour

54

49

44

7° Toutes les autres zones à l’exception : des zones tampons, des domaines militaires et des zones qui font l’objet de valeurs indicatives fixées dans des arrêtés spéciaux

49

44

39

8° Zones tampons

59

54

54

9° Zones ou parties de zones situées à moins de 500 mètres de zones destinées à l’extraction de gravier durant l’extraction

59

54

49

La détermination du bruit spécifique doit se faire à une vitesse du vent de 8 mètres/seconde et dans la direction la moins favorable du vent, c’est-à-dire lorsque l’impact du bruit des éoliennes est maximal au point considéré.

Si le bruit spécifique répond aux normes de qualité de l’environnement visées ci-dessus ou si le bruit spécifique à proximité de l’habitation étrangère la plus proche ou de la zone d’habitation la plus proche est inférieur de 5 dB(A) au bruit de fond, on peut considérer que le trouble causé par l’éolienne ou par le parc d’éoliennes peut être limité à un niveau acceptable. »

23

Aux termes du point 3.1.10 de la circulaire de 2006, intitulé « Projection d’ombre – reflets lumineux » :

« Les pales en mouvement des éoliennes peuvent causer des troubles par projection d’ombre et reflets lumineux tant pour les personnes qui habitent aux alentours que pour celles qui y travaillent ainsi que pour les cultures (serres).

Les contours des projections d’ombre peuvent être calculés à l’aide de logiciels spéciaux diffusés dans le monde entier. Dans l’évaluation des troubles des projections d’ombre, on estime acceptable un maximum de 30 heures de projection d’ombre effective par an dans l’habitation habitée. Si l’effet d’ombre est supérieur, il convient d’examiner dans quelle mesure des mesures correctrices peuvent être prises (par exemple stores, films sur fenêtres…). [...]

Les effets éventuels doivent être décrits dans la note de localisation. »

24

Pour ce qui est du choix de l’implantation, la circulaire de 2006 aborde également le principe de l’approche planologique (point 3.2.1), visant à délimiter les sites idéaux du point de vue urbanistique, environnemental et éolien, et donne un aperçu des territoires qui entrent en ligne de compte pour la délivrance de permis en vue de l’implantation d’éoliennes (point 3.2.2). Enfin, cette circulaire donne un aperçu du rôle du groupe de travail sur l’énergie éolienne (point 4).

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25

Le 30 novembre 2016, à l’issue d’une procédure ayant débuté au cours de l’année 2011, le fonctionnaire régional de l’urbanisme du département de l’aménagement du territoire de Flandre, section Flandre orientale, a délivré, sous certaines conditions, un permis d’urbanisme (ci-après le « permis du 30 novembre 2016 ») à Electrabel SA, en vue de l’implantation et de l’exploitation de cinq éoliennes sur le territoire des communes d’Aalter (Belgique) et de Nevele (Belgique) (ci-après le « projet de parc éolien »). Ce permis requérait, notamment, le respect de certaines conditions fixées respectivement par les dispositions figurant dans la section 5.20.6 du Vlarem II et par la circulaire de 2006 (ci-après, ensemble, l’« arrêté et la circulaire de 2006 »).

26

A e.a., en leur qualité de riverains du site prévu pour la réalisation du projet de parc éolien, ont saisi la juridiction de renvoi, à savoir le Raad voor Vergunningsbetwistingen (Conseil du contentieux des permis, Belgique), d’un recours visant à l’annulation du permis du 30 novembre 2016. Au soutien de leur demande, A e.a. font valoir que l’arrêté et la circulaire de 2006, sur le fondement desquels ce permis a été délivré, violent l’article 2, sous a), ainsi que l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, au motif que ces actes nationaux n’ont pas fait l’objet d’une évaluation environnementale, contrairement aux dispositions de cette directive, telles qu’interprétées par la Cour, notamment, dans son arrêt du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a. (C‑290/15, EU:C:2016:816). Selon A e.a., il ressort de cet arrêt qu’un acte réglementaire national comportant diverses dispositions relatives à l’installation d’éoliennes, qui doivent être respectées dans le cadre de la délivrance d’autorisations administratives portant sur l’implantation et l’exploitation de telles installations, relève de la notion de « plans et programmes », au sens de cette directive, et doit, partant, être soumis à une évaluation environnementale.

27

Pour sa part, le fonctionnaire régional de l’urbanisme du département de l’aménagement du territoire de Flandre, section Flandre orientale, considère, en substance, que l’arrêté et la circulaire de 2006 ne relèvent pas de la notion de « plans et programmes », au sens de la directive 2001/42, en ce que ces actes ne constituent pas un cadre suffisamment complet pour être considéré comme un système cohérent pour les projets d’implantation d’éoliennes.

28

Eu égard aux précisions apportées par l’arrêt du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a. (C‑290/15, EU:C:2016:816), la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant au point de savoir si l’arrêté et la circulaire de 2006 auraient dû faire l’objet d’une évaluation environnementale. Partant, elle s’interroge sur la conformité à la directive 2001/42 tant de ces actes que du permis du 30 novembre 2016, qui a été adopté sur le fondement de ceux-ci.

29

De surcroît, cette juridiction invite la Cour à reconsidérer sa jurisprudence constante, amorcée par l’arrêt du 22 mars 2012, Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C‑567/10, EU:C:2012:159), et confirmée depuis lors dans ses arrêts du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C‑671/16, EU:C:2018:403), du 7 juin 2018, Thybaut e.a. (C‑160/17, EU:C:2018:401), du 8 mai 2019,  Verdi Ambiente e Società (VAS) – Aps Onlus  e.a. (C‑305/18, EU:C:2019:384), du 12 juin 2019, CFE (C‑43/18, EU:C:2019:483), ainsi que du 12 juin 2019, Terre wallonne (C‑321/18, EU:C:2019:484), selon laquelle le syntagme « exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives », figurant à l’article 2, sous a), de la directive 2001/42, doit être interprété en ce sens que sont « exigés », au sens et pour l’application de cette disposition et, dès lors, soumis à l’évaluation environnementale dans les conditions qu’elle fixe, les plans et programmes dont l’adoption est « encadrée » par des dispositions législatives ou réglementaires nationales.

30

Or, selon la juridiction de renvoi, faisant référence à cet égard aux points 18 et 19 des conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C‑567/10, EU:C:2011:755), la Cour devrait privilégier une interprétation plus proche de l’intention du législateur de l’Union et qui consisterait à limiter la portée de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 aux actes qui doivent être obligatoirement adoptés en vertu de dispositions législatives ou réglementaires.

31

Dans ces conditions, le Raad voor Vergunningsbetwistingen (Conseil du contentieux des permis) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 2, sous a), et l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive [2001/42] imposent-ils de qualifier de “plans et programmes”, au sens des dispositions de [cette] directive, l’article 99 de l’arrêté du gouvernement flamand modifiant l’arrêté du gouvernement flamand du 6 février 1991 fixant le règlement flamand relatif à l’autorisation écologique et modifiant [le Vlarem II], pour ce qui concerne l’actualisation des arrêtés précités par rapport à l’évolution de la technique, qui insère dans le Vlarem II la section 5.20.6 concernant les installations de production d’électricité par énergie éolienne, et la circulaire [de 2006] comportant tous deux différentes dispositions portant sur l’installation d’éoliennes dont des mesures relatives à la sécurité, et, en fonction des zones planologiques, à la projection d’ombre définie ainsi que des normes de bruit ?

2)

S’il apparaît qu’une évaluation environnementale devait être réalisée avant l’adoption [de l’arrêté et de la circulaire de 2006], le [Raad voor Vergunningsbetwistingen (Conseil du contentieux des permis)] peut-il aménager dans le temps les effets juridiques de la nature illégale [de l’arrêté et de la circulaire de 2006] ? Un certain nombre de sous-questions doivent être posées à cet effet :

a)

Une ligne de conduite que l’administration se donne, telle la circulaire [de 2006], que l’autorité concernée adopte dans les limites de son pouvoir d’appréciation et de la latitude qui lui est propre, en sorte que l’autorité compétente n’est pas à proprement parler appelée à élaborer le “plan ou programme” et pour laquelle aucune procédure formelle d’adoption n’est prévue, peut-elle être assimilée à un “plan ou un programme”, au sens de l’article 2, sous a), de la directive [2001/42] ?

b)

Suffit-il qu’une ligne de conduite que l’administration se donne ou une règle générale, [telles que l’arrêté et la circulaire de 2006], prévoie une limitation de la marge d’appréciation d’une autorité habilitée à délivrer des permis pour pouvoir être assimilée à un “plan ou programme”, au sens de l’article 2, sous a), de la directive [2001/42] même si ces [arrêté et circulaire] ne font pas office de condition nécessaire requise pour délivrer un permis ou n’ont pas vocation à encadrer la délivrance ultérieure de permis, alors que le législateur européen a indiqué que cette finalité participe de la définition des “plans et programmes” ?

c)

Une ligne de conduite que se donne l’administration, qui a été établie pour des raisons de sécurité juridique et constitue donc une décision complètement libre, telle la [circulaire de 2006], peut-elle être définie comme un “plan ou programme”, au sens de l’article 2, sous a), de la directive [2001/42] et une telle interprétation ne heurte-t-elle pas la jurisprudence de la [Cour] voulant qu’une interprétation téléologique d’une directive ne puisse fondamentalement s’écarter de la volonté clairement exprimée par le législateur de l’Union ?

d)

La section 5.20.6 du Vlarem II peut-elle être définie, là où les règles qu’elle renferme ne devaient pas être obligatoirement établies, comme un “plan ou programme”, au sens de l’article 2, sous a), de la directive [2001/42], et une telle interprétation ne heurte-t-elle pas la jurisprudence de la [Cour] voulant qu’une interprétation téléologique d’une directive ne puisse fondamentalement s’écarter de la volonté clairement exprimée par le législateur de l’Union ?

e)

Une ligne de conduite que se donne l’administration et un arrêté ministériel normatif tels [l’arrêté et la circulaire de 2006], lesquels ont une valeur indicative limitée, ou à tout le moins ne fixent pas de cadre dont peut être tiré le moindre droit à la réalisation d’un projet et desquels ne peut pas être tiré de droit à un cadre indiquant dans quelle mesure des projets peuvent être accordés, peuvent-ils être assimilés à un “plan ou programme” définissant “le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive [85/337] pourra être autorisée à l’avenir” au sens de l’article 2, sous a), et de l’article 3, paragraphe 2, [sous a),] de la directive [2001/42] et une telle interprétation ne heurte-t-elle pas la jurisprudence de la Cour voulant qu’une interprétation téléologique d’une directive ne puisse fondamentalement s’écarter de la volonté clairement exprimée par le législateur de l’Union ?

f)

Une ligne de conduite que se donne l’administration, telle la circulaire [de 2006] qui a une simple valeur indicative, ou un arrêté normatif du gouvernement, telle la section 5.20.6 du Vlarem II, fixant simplement des limites minimales pour la délivrance de permis et qui a en outre un effet parfaitement autonome en tant que règle générale,

qui ne comportent tous deux qu’un nombre restreint de critères et de modalités,

et dont aucun des deux n’est exclusivement décisif même pour un seul critère ou modalité et dont on peut dès lors soutenir que l’on peut exclure sur la base de données objectives qu’ils sont susceptibles d’affecter l’environnement de manière significative,

peuvent-ils être assimilés à un “plan ou programme” dans une lecture conjointe de l’article 2, sous a), et de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive [2001/42] et peuvent-ils être donc assimilés à des actes qui établissent, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ?

g)

Si la [seconde question, sous f),] appelle une réponse négative, une juridiction peut-elle le déterminer elle-même après l’adoption de l’arrêté ou de la pseudo-législation ([tels l’arrêté et la circulaire de 2006]) ?

h)

Si une juridiction n’est qu’indirectement compétente pour avoir été saisie par voie d’exception, dont l’issue est limitée aux parties, et s’il ressort de la réponse aux questions préjudicielles que [l’arrêté et la circulaire de 2006] sont illégaux, peut-elle décider de maintenir les effets de l’arrêté illégal ou de la circulaire illégale si les instruments illégaux contribuent à un objectif de protection de l’environnement poursuivi par une directive au sens de l’article 288 TFUE et que sont remplies les conditions de ce maintien requises par le droit de l’Union (telles que définies dans l’arrêt [du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement (C‑379/15, EU:C:2016:603)]) ?

i)

Si la [seconde question, sous h),] appelle une réponse négative, une juridiction peut-elle décider de maintenir les effets du projet contesté pour répondre ainsi indirectement aux conditions requises par le droit de l’Union (telles que définies dans l’arrêt [du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement (C‑379/15, EU:C:2016:603)],) pour maintenir les effets juridiques du plan ou programme non conforme à la directive [2001/42] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la notion de « plans et programmes », au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42, visée par la première question et par la seconde question, sous a) à d)

32

Par sa première question et sa seconde question, sous a) à d), qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion de « plans et programmes » un arrêté et une circulaire, adoptés par le gouvernement d’une entité fédérée d’un État membre, comportant tous deux différentes dispositions portant sur l’implantation et l’exploitation d’éoliennes.

33

L’article 2, sous a), de la directive 2001/42 définit les « plans et programmes » qu’il vise comme étant ceux qui satisfont à deux conditions cumulatives, énoncées respectivement aux deux tirets que comprend cette disposition, à savoir, d’une part, avoir été élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, au moyen d’une procédure législative, et, d’autre part, être exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives.

34

S’agissant de la première de ces conditions, celle-ci est remplie dès lors qu’il ressort des indications de la juridiction de renvoi que l’arrêté et la circulaire de 2006 ont été adoptés par le gouvernement flamand, lequel constitue une autorité régionale.

35

Concernant la seconde desdites conditions, énoncée à l’article 2, sous a), second tiret, de la directive 2001/42, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que doivent être regardés comme étant « exigés », au sens et pour l’application de la directive 2001/42, les plans et les programmes dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives ou réglementaires nationales, lesquelles déterminent les autorités compétentes pour les adopter ainsi que leur procédure d’élaboration (arrêts du 22 mars 2012, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑567/10, EU:C:2012:159, point 31 ; du 7 juin 2018, Thybaut e.a., C‑160/17, EU:C:2018:401, point 43, ainsi que du 12 juin 2019, Terre wallonne, C‑321/18, EU:C:2019:484, point 34). Ainsi, la Cour a jugé que, afin de préserver l’effet utile de cette disposition, eu égard à sa finalité, une mesure doit être considérée comme « exigée » dès lors que le pouvoir d’adopter la mesure trouve sa base juridique dans une disposition particulière, même s’il n’existe, à proprement parler, aucune obligation d’élaborer cette mesure (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, points 38 à 40).

36

Il convient de relever, au préalable, que, par ses questions, la juridiction de renvoi tout comme le gouvernement du Royaume-Uni dans ses observations écrites invitent la Cour à reconsidérer cette jurisprudence.

37

À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie. La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également révéler des éléments pertinents pour son interprétation (voir, en ce sens, arrêt du 9 octobre 2019, BGL BNP Paribas, C‑548/18, EU:C:2019:848, point 25 et jurisprudence citée).

38

S’agissant, tout d’abord, du libellé de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42, il importe de souligner, ainsi que l’a fait valoir M. l’avocat général au point 60 de ses conclusions, qu’une comparaison des versions linguistiques de l’article 2, sous a), second tiret, de la directive 2001/42 met en lumière une portée différente d’une version à l’autre. En effet, alors que le terme « exigés » utilisé dans la version en langue française de même que, notamment, les termes utilisés dans les versions en langue espagnole (« exigidos »), allemande (« erstellt werden müssen »), anglaise (« required »), néerlandaise (« zijn voorgeschreven »), portugaise (« exigido ») et roumaine (« impuse ») font référence à un type d’exigence ou d’obligation, la version en langue italienne utilise le terme moins contraignant de « previsti » (« prévus »).

39

Or, toutes les langues officielles de l’Union européenne constituent les langues authentiques des actes dans lesquelles ils sont rédigés, de telle sorte que toutes les versions linguistiques d’un acte de l’Union doivent, par principe, se voir reconnaître la même valeur (voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 2011, Homawoo, C‑412/10, EU:C:2011:747, point 28 et jurisprudence citée, ainsi que du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 49 et jurisprudence citée).

40

Il s’ensuit que l’examen du libellé de l’article 2, sous a), second tiret, de la directive 2001/42 n’est pas concluant puisqu’il ne permet pas de déterminer si les « plans et programmes » visés à cette disposition sont exclusivement ceux que les autorités nationales sont tenues d’adopter en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives.

41

S’agissant, ensuite, de la genèse de l’article 2, sous a), second tiret, de la directive 2001/42, cette disposition, qui ne figurait ni dans la proposition initiale de directive de la Commission européenne, ni dans la version modifiée de cette dernière, a été ajoutée par la position commune (CE) no 25/2000, du 30 mars 2000, arrêtée par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne, en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2000, C 137, p. 11). Ainsi que l’a exposé M. l’avocat général aux points 62 et 63 de ses conclusions, le législateur de l’Union a, par cet ajout, entendu limiter à certains plans et programmes seulement l’obligation de procéder à une évaluation environnementale, sans qu’il soit possible d’affirmer que son intention était de limiter ce type d’évaluation aux seuls plans et programmes dont l’adoption est obligatoire.

42

En ce qui concerne le contexte dans lequel s’inscrit cette disposition, il importe de souligner, premièrement, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 66 et 67 de ses conclusions, qu’une conception binaire opérant une distinction selon que l’adoption d’un plan ou d’un programme est obligatoire ou facultative ne serait pas susceptible d’appréhender de manière suffisamment précise, et donc satisfaisante, la diversité des situations et l’hétérogénéité des pratiques des autorités nationales. En effet, l’adoption de plans ou de programmes, qui est susceptible de relever d’une multitude d’hypothèses, n’est souvent ni imposée de manière générale, ni laissée à l’entière discrétion des autorités compétentes.

43

Deuxièmement, l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 inclut non seulement l’élaboration ou l’adoption des « plans et programmes », mais également leurs modifications (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 2012, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑567/10, EU:C:2012:159, point 36, ainsi que du 10 septembre 2015, Dimos Kropias Attikis, C‑473/14, EU:C:2015:582, point 44). Or, comme l’a précisé M. l’avocat général au point 68 de ses conclusions, ce dernier cas de figure, dans lequel la modification du plan ou programme concerné est également susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/42, se présente le plus fréquemment lorsqu’une autorité décide de sa propre initiative de procéder à une telle modification, sans y être contrainte.

44

Les considérations qui précèdent sont conformes à la finalité et aux objectifs de la directive 2001/42, qui elle-même s’insère dans le cadre prévu à l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lequel un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés, conformément au principe du développement durable.

45

La finalité de cette directive est en effet, comme le rappelle son article 1er, d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable.

46

Pour cela, ainsi qu’il ressort dudit article 1er, l’objectif essentiel de la directive 2001/42 consiste à soumettre les plans et les programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement à une évaluation environnementale lors de leur élaboration et avant leur adoption (arrêts du 22 septembre 2011, Valčiukienė e.a., C‑295/10, EU:C:2011:608, point 37, ainsi que du 7 juin 2018, Thybaut e.a., C‑160/17, EU:C:2018:401, point 61 ainsi que jurisprudence citée).

47

Il convient aussi de rappeler que la directive 2001/42 a été adoptée sur le fondement de l’article 175, paragraphe 1, CE, relatif aux actions à entreprendre par la Communauté dans le domaine de l’environnement en vue de réaliser les objectifs visés à l’article 174 CE. L’article 191 TFUE, qui correspond à l’article 174 CE, dispose, à son paragraphe 2, que la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un « niveau de protection élevé », en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union. L’article 191, paragraphe 1, TFUE autorise l’adoption de mesures visant notamment certains aspects définis de l’environnement, tels que la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de celui-ci, la protection de la santé des personnes ainsi que l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles. Dans le même sens, l’article 3, paragraphe 3, TUE prévoit que l’Union œuvre notamment pour un « niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement » (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Associazione Italia Nostra Onlus, C‑444/15, EU:C:2016:978, points 41 à 43 et jurisprudence citée).

48

Or, de tels objectifs risqueraient d’être compromis si l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 était interprété en ce sens que seuls les plans ou programmes dont l’adoption est obligatoire sont visés par l’obligation d’une évaluation environnementale édictée par cette directive. En effet, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 42 du présent arrêt, l’adoption desdits plans ou programmes n’est souvent pas imposée de manière générale. D’autre part, une telle interprétation permettrait qu’un État membre contourne aisément cette obligation d’évaluation environnementale en s’abstenant délibérément de prévoir que les autorités compétentes sont tenues d’adopter de tels plans ou programmes.

49

De surcroît, l’interprétation étendue de la notion de « plans et programmes » est conforme aux engagements internationaux de l’Union, tels qu’ils résultent notamment de l’article 2, paragraphe 7, de la convention d’Espoo.

50

Il s’ensuit que, alors qu’une interprétation restrictive, limitant la seconde condition de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 aux seuls « plans et programmes » dont l’adoption est obligatoire, risquait de conférer à celle-ci une portée marginale, la Cour a privilégié la nécessité d’assurer l’effet utile de cette condition en retenant une conception plus étendue du terme « exigés » (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑567/10, EU:C:2012:159, point 30).

51

Partant, il n’existe aucun élément de nature à justifier un revirement de la jurisprudence de la Cour à cet égard.

52

Il en résulte que l’article 2, sous a), second tiret, de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens que doivent être regardés comme étant « exigés », au sens et pour l’application de cette directive, les plans et les programmes dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives ou réglementaires nationales, lesquelles déterminent les autorités compétentes pour les adopter et leur procédure d’élaboration.

53

Concernant le point de savoir si l’arrêté et la circulaire de 2006 satisfont à cette condition, il ressort de la demande de décision préjudicielle que le Vlarem II est un arrêté adopté par le pouvoir exécutif d’une entité fédérée belge, à savoir le gouvernement flamand, en exécution de normes hiérarchiquement supérieures émanant du pouvoir législatif de cette même entité, à savoir le Parlement flamand. Or, il découle des explications de la juridiction de renvoi concernant le décret du Conseil flamand relatif au permis d’environnement ainsi que le décret du Conseil flamand contenant des dispositions générales concernant la politique de l’environnement que ceux-ci ont encadré l’adoption du Vlarem II par le gouvernement flamand, notamment en conférant audit gouvernement la compétence pour adopter un tel acte et en indiquant que les conditions sectorielles prévues par celui-ci viseraient à prévenir et à limiter des troubles et des risques inacceptables pour l’environnement des installations et activités concernées.

54

S’agissant de la circulaire de 2006, il résulte de ladite demande que cette circulaire émane, en l’occurrence, du gouvernement flamand et a été signée par le ministre-président et deux ministres compétents en la matière.

55

La juridiction de renvoi indique à ce propos que la circulaire de 2006, laquelle, tout comme le Vlarem II, contribuerait à la réalisation des objectifs et des normes à atteindre résultant de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16), trouve son fondement juridique dans la compétence de gestion et d’appréciation dont les autorités disposent, en vertu de la réglementation nationale pertinente, aux fins de la délivrance de permis dits d’« environnement », au sens de cette réglementation.

56

Ainsi, la raison d’être de la circulaire de 2006 se situerait dans le choix effectué par les autorités ministérielles de cette entité fédérée de limiter leur propre pouvoir d’appréciation, en s’obligeant à suivre les règles qu’elles se fixent de cette manière. Il apparaît dès lors que l’adoption de la circulaire de 2006 s’inscrit dans le cadre des prérogatives dont de telles autorités ministérielles bénéficient en vertu du droit belge, sous réserve des vérifications qu’il incombe, en l’occurrence, à la juridiction de renvoi d’effectuer quant à la nature juridique exacte d’une telle circulaire dans l’ordre juridique de cet État membre.

57

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion de « plans et programmes » inclut non seulement leur élaboration, mais également leur modification (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2019, CFE, C‑43/18, EU:C:2019:483, point 71 et jurisprudence citée).

58

En particulier, la Cour a déjà dit pour droit que, quand bien même un acte ne contient pas et ne peut pas contenir de prescriptions positives, la faculté que cet acte institue de permettre d’obtenir plus aisément des dérogations aux prescriptions en vigueur modifie l’ordonnancement juridique et a pour effet de faire relever un tel acte du champ d’application de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, Thybaut e.a., C‑160/17, EU:C:2018:401, point 58).

59

Or, comme l’a souligné M. l’avocat général aux points 108 et 109 de ses conclusions et ainsi qu’il résulte du dossier soumis à la Cour, d’une part, le point 3 de la circulaire de 2006 semble permettre d’inclure des zones qui n’entraient pas initialement en considération pour la production d’énergie éolienne. D’autre part, l’annexe de cette circulaire semble contenir des valeurs moins exigeantes par rapport à celles figurant dans l’annexe de la section 5.20.6.1 du Vlarem II en matière de qualité de l’environnement relatives au bruit et à la projection d’ombre dans les zones habitées, ce qu’il incombe néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier.

60

Dès lors, ainsi que l’a, en substance, relevé M. l’avocat général au point 80 de ses conclusions, et sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, la circulaire de 2006 modifie, en les développant ou en y dérogeant, les dispositions du Vlarem II, de telle sorte qu’elle peut être considérée comme répondant à la condition rappelée au point 52 du présent arrêt.

61

Il y a encore lieu de relever que le caractère général de l’arrêté et de la circulaire de 2006 ne fait pas obstacle à ce que ces actes soient qualifiés de « plans et programmes », au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42. En effet, s’il ressort du libellé de cette disposition que la notion de « plans et programmes » peut recouvrir des actes normatifs adoptés par voie législative, réglementaire ou administrative, cette directive ne contient précisément pas de dispositions spécifiques relatives à des politiques ou à des réglementations générales qui nécessiteraient une délimitation par rapport aux plans et aux programmes, au sens de ladite directive. La circonstance qu’un acte national ait un certain niveau d’abstraction et poursuive un objectif de transformation d’une zone géographique constitue une illustration de sa dimension programmatique ou planificatrice et ne fait pas obstacle à son inclusion dans la notion de « plans et programmes » (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 60 ainsi que jurisprudence citée).

62

Il s’ensuit que le Vlarem II et, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, la circulaire de 2006 remplissent également la seconde condition visée à l’article 2, sous a), second tiret, de la directive 2001/42.

63

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il convient de répondre à la première question et à la seconde question, sous a) à d), que l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion de « plans et programmes » un arrêté et une circulaire, adoptés par le gouvernement d’une entité fédérée d’un État membre, comportant tous deux différentes dispositions portant sur l’implantation et l’exploitation d’éoliennes.

Sur la notion de « plans et programmes » soumis à une évaluation environnementale, au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, visée par la seconde question, sous e) à g)

64

Par sa seconde question, sous e) à g), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens que constituent des plans et programmes devant être soumis à une évaluation environnementale en vertu de cette disposition, un arrêté et une circulaire, comportant tous deux différentes dispositions portant sur l’implantation et l’exploitation d’éoliennes, dont des mesures relatives à la projection d’ombre, à la sécurité ainsi qu’aux normes de bruit.

65

L’article 3 de la directive 2001/42 subordonne l’obligation de soumettre un plan ou un programme particulier à une évaluation environnementale à la condition que le plan ou le programme, visé par cette disposition, soit susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement (arrêt du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 30). Plus particulièrement, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive, sont soumis à une évaluation environnementale systématique les plans et les programmes élaborés pour certains secteurs et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92 pourra être autorisée à l’avenir [arrêt du 8 mai 2019, « Verdi Ambiente e Società (VAS) – Aps Onlus » e.a., C‑305/18, EU:C:2019:384, point 47].

66

En premier lieu, il est constant, en l’occurrence, que l’arrêté et la circulaire de 2006 traitent du secteur de l’énergie, mentionné à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, et que ces actes nationaux concernent les projets de parcs éoliens, qui font partie de ceux énumérés au point 3, sous i), de l’annexe II de la directive 2011/92.

67

En second lieu, s’agissant du point de savoir si de tels actes définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir, il convient de rappeler que la notion de « plans et programmes » se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (arrêts du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a., C‑290/15, EU:C:2016:816, point 49 ; du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 53, ainsi que du 12 juin 2019, CFE, C‑43/18, EU:C:2019:483, point 61).

68

Une telle interprétation vise à assurer que des prescriptions susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement fassent l’objet d’une évaluation environnementale (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C‑41/11, EU:C:2012:103, point 42, ainsi que du 7 juin 2018, Inter‑Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 54).

69

En l’occurrence, l’arrêté et la circulaire de 2006 établissent des conditions relatives à l’implantation et à l’exploitation d’éoliennes en région flamande, tenant notamment aux projections d’ombre, aux consignes de sécurité ainsi qu’aux émissions de bruit.

70

Si l’arrêté et la circulaire de 2006 ne semblent pas constituer un ensemble complet de normes relatives à l’implantation et à l’exploitation d’éoliennes, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que la notion d’« ensemble significatif de critères et de modalités » doit être entendue de manière qualitative et non pas quantitative. En effet, il y a lieu d’éviter de possibles stratégies de contournement des obligations énoncées par la directive 2001/42 pouvant se matérialiser par une fragmentation des mesures, réduisant ainsi l’effet utile de cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 55, ainsi que du 12 juin 2019, CFE, C‑43/18, EU:C:2019:483, point 64).

71

L’importance et l’étendue des prescriptions édictées par l’arrêté et la circulaire de 2006 indiquent, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 94 de ses conclusions, que ces actes constituent un cadre, certes non exhaustif, mais suffisamment significatif pour déterminer les conditions auxquelles est soumise la délivrance d’un permis pour l’implantation de parcs éoliens dans la zone géographique visée, projets dont les incidences environnementales sont indéniables.

72

Il convient d’ailleurs de rappeler à cet égard que, au point 50 de l’arrêt du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a. (C‑290/15, EU:C:2016:816), la Cour a dit pour droit qu’un acte comportant des types de normes comparables à celles de l’arrêté et de la circulaire de 2006 s’agissant de l’implantation et de l’exploitation d’éoliennes revêtait une importance et une étendue suffisamment significatives pour la détermination des conditions applicables à ce secteur et que les choix notamment d’ordre environnemental posés à travers lesdites normes sont appelés à déterminer les conditions dans lesquelles les projets concrets d’implantation et d’exploitation de sites éoliens pourront être autorisés à l’avenir.

73

Au regard de ces éléments, il convient de considérer que l’arrêté et, sous réserve des vérifications auxquelles il a été fait référence aux points 60 et 62 du présent arrêt, la circulaire de 2006 relèvent de la notion de « plans et programmes » devant, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/42, être soumis à une évaluation des incidences environnementales.

74

Une telle interprétation ne saurait être remise en cause par la nature juridique particulière de la circulaire de 2006.

75

En effet, le syntagme « qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets [...] pourra être autorisée à l’avenir », figurant à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, ne comporte aucun renvoi aux droits nationaux, et constitue, par conséquent, une notion autonome du droit de l’Union devant être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière.

76

Or, s’il n’est pas certain qu’un acte tel que la circulaire de 2006 soit de nature à produire des effets de droit obligatoires pour les tiers, ladite circulaire ne saurait en revanche, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi quant à sa portée juridique exacte, être assimilée à des dispositions de valeur purement indicative, lesquelles ne répondent pas à la condition rappelée au point précédent (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2019, Terre wallonne, C‑321/18, EU:C:2019:484, point 44).

77

En effet, outre le fait que la circulaire de 2006 est intitulée « Cadre d’évaluation et conditions requises pour implanter des éoliennes », il résulte des indications de la juridiction de renvoi que le permis du 30 novembre 2016 précise que celui-ci doit répondre à tout moment aux conditions de cette circulaire, ce qui suggère que cette dernière revêt à tout le moins un caractère obligatoire pour les autorités compétentes dans le domaine de la délivrance de tels permis.

78

D’ailleurs, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 95 de ses conclusions, le gouvernement belge paraît lui-même admettre le caractère contraignant de l’arrêté et de la circulaire de 2006 pour de telles autorités dans leur ensemble lorsque ce gouvernement fait observer que l’éventuelle non-conformité des conditions environnementales que ces actes prévoient avec le droit de l’Union aurait pour conséquence d’invalider les permis antérieurement accordés, de telle sorte qu’il conviendrait de limiter les effets dans le temps de l’arrêt à intervenir devant la juridiction de renvoi.

79

Il découle de tout ce qui précède qu’il convient de répondre à la seconde question, sous e) à g), que l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens que constituent des plans et programmes devant être soumis à une évaluation environnementale en vertu de cette disposition, un arrêté et une circulaire, comportant tous deux différentes dispositions portant sur l’implantation et l’exploitation d’éoliennes, dont des mesures relatives à la projection d’ombre, à la sécurité ainsi qu’aux normes de bruit.

Sur la possibilité pour la juridiction de renvoi de maintenir les effets de l’arrêté et de la circulaire de 2006 ainsi que du permis du 30 novembre 2016, qui fait l’objet de la seconde question, sous h) et i)

80

Par sa seconde question, sous h) et i), la juridiction de renvoi demande, en substance, si, et à quelles conditions, lorsqu’il apparaît qu’une évaluation environnementale, au sens de la directive 2001/42, aurait dû être réalisée avant l’adoption de l’arrêté et de la circulaire sur lesquels est fondé un permis relatif à l’implantation et à l’exploitation d’éoliennes contesté devant elle, de sorte que ces actes et ce permis seraient non conformes au droit de l’Union, cette juridiction peut maintenir les effets desdits actes et dudit permis.

81

Tout d’abord, conformément à l’article 1er de la directive 2001/42, l’objectif essentiel de cette dernière consiste à soumettre les plans et les programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, lors de leur élaboration et avant leur adoption, à une évaluation environnementale.

82

En l’absence, dans cette directive, de dispositions relatives aux conséquences à tirer d’une violation des dispositions procédurales qu’elle édicte, il appartient aux États membres de prendre, dans le cadre de leurs compétences, toutes les mesures nécessaires, générales ou particulières, pour que tous les « plans » ou « programmes » susceptibles d’avoir des « incidences notables sur l’environnement », au sens de ladite directive, fassent l’objet d’une évaluation environnementale, conformément aux modalités procédurales et aux critères prévus par cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C‑379/15, EU:C:2016:603, point 30 et jurisprudence citée).

83

En vertu du principe de coopération loyale, prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres sont tenus d’effacer les conséquences illicites d’une telle violation du droit de l’Union. Il en résulte que les autorités nationales compétentes, y compris les juridictions nationales saisies d’un recours contre un acte de droit interne adopté en violation du droit de l’Union, sont dans l’obligation de prendre, dans le cadre de leurs compétences, toutes les mesures nécessaires afin de remédier à l’omission d’une évaluation environnementale. Cela peut, par exemple, consister, pour un « plan » ou un « programme » adopté en méconnaissance de l’obligation de procéder à une évaluation environnementale, à adopter des mesures tendant à la suspension ou à l’annulation de ce plan ou de ce programme (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C‑379/15, EU:C:2016:603, points 31 et 32), ainsi qu’à retirer ou à suspendre un permis déjà accordé, afin d’effectuer une telle évaluation [voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 75 ainsi que jurisprudence citée].

84

Il convient encore d’ajouter que seule la Cour peut, à titre exceptionnel et pour des considérations impérieuses de sécurité juridique, accorder une suspension provisoire de l’effet d’éviction exercé par une règle du droit de l’Union à l’égard du droit national contraire à celle-ci. En effet, si des juridictions nationales avaient le pouvoir de donner aux dispositions nationales la primauté par rapport au droit de l’Union auquel ces dispositions contreviennent, serait-ce même à titre provisoire, il serait porté atteinte à l’application uniforme du droit de l’Union (arrêt du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, C‑411/17, EU:C:2019:622, point 177 ainsi que jurisprudence citée).

85

En réponse à l’argumentation développée par la Commission dans ses observations écrites, selon laquelle le maintien, à titre exceptionnel, des effets de mesures nationales contraires au droit de l’Union ne serait possible que dans le cadre d’un recours direct contre les mesures potentiellement défaillantes, et non pas par voie d’exception, lorsque le recours introduit devant la juridiction nationale porte sur des actes adoptés en exécution desdites mesures, il importe de préciser, comme l’a indiqué M. l’avocat général aux points 126 à 128 de ses conclusions, que la jurisprudence de la Cour n’a pas opéré une telle distinction et que ce maintien, par la Cour, est possible dans le cadre de l’une ou de l’autre de ces voies de recours.

86

En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, si le Decreet betreffende de organisatie en de rechtspleging van sommige Vlaamse bestuursrechtscolleges (décret relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes), du 4 avril 2014 (Belgisch Staatsblad,1er octobre 2014, p. 77620), ne permet pas à la juridiction de renvoi de maintenir temporairement les effets de l’arrêté et de la circulaire de 2006, la Constitution belge, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, reconnaîtrait, en revanche, au juge le droit d’écarter l’application de tels actes réglementaires nationaux lorsqu’ils ne sont pas conformes aux normes hiérarchiquement supérieures. S’agissant des effets du permis du 30 novembre 2016, l’article 36, paragraphes 1 et 2, du décret relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes habiliterait la juridiction de renvoi à les maintenir temporairement, même si celui-ci a été adopté en application d’actes nationaux méconnaissant le droit de l’Union.

87

À cet égard, il importe de relever qu’il résulte du dossier soumis à la Cour que le projet de parc éolien ne semble pas avoir été mené à son terme, voire même que la réalisation de celui-ci n’a pas débuté.

88

Or, s’il devait s’avérer exact que la réalisation du projet de parc éolien n’a pas débuté, le maintien des effets du permis du 30 novembre 2016, pendant la durée de l’évaluation environnementale prescrite par l’arrêté et la circulaire de 2006, n’apparaîtrait en tout état de cause pas nécessaire (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Comune di Corridonia e.a., C‑196/16 et C‑197/16, EU:C:2017:589, point 43, ainsi que du 28 février 2018, Comune di Castelbellino, C‑117/17, EU:C:2018:129, point 30). Il incomberait dès lors à la juridiction de renvoi d’annuler le permis adopté sur le fondement du « plan » ou « programme » lui-même adopté en méconnaissance de l’obligation de procéder à une évaluation environnementale (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C‑41/11, EU:C:2012:103, point 46).

89

Une telle annulation devrait également intervenir, conformément aux principes rappelés au point 83 du présent arrêt, s’il devait s’avérer que la réalisation du projet de parc éolien a débuté, voire est achevée.

90

Cela étant, il a été jugé, en premier lieu, que, tout en tenant compte de l’existence d’une considération impérieuse liée à la protection de l’environnement, une juridiction nationale peut exceptionnellement être autorisée à faire usage d’une réglementation nationale l’habilitant à maintenir certains effets d’un acte national dont la procédure d’adoption n’a pas été conforme à la directive 2001/42, telle que celle visée au point 86 du présent arrêt, lorsqu’il existe un risque que l’annulation de cet acte créerait un vide juridique incompatible avec l’obligation pour l’État membre concerné d’adopter les mesures de transposition d’un autre acte du droit de l’Union visant à la protection de l’environnement, tel que la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (JO 1991, L 375, p. 1) (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C‑41/11, EU:C:2012:103, points 56 et 63).

91

À cet égard, la juridiction de renvoi indique que l’arrêté et la circulaire de 2006 contribueraient à mettre en œuvre les objectifs de la directive 2009/28 concernant la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable. Or, même si une telle production est guidée par des considérations relatives à la protection de l’environnement et constitue un objectif primordial de l’Union en matière énergétique, tout achoppement dans le développement de celle-ci sur le territoire d’un État membre, tel que celui pouvant découler de l’annulation d’un permis d’urbanisme à un producteur et à un fournisseur d’électricité aux fins de la construction d’un nombre limité d’éoliennes, ne saurait suffire à compromettre globalement la mise en œuvre de ladite directive sur ce territoire.

92

En second lieu, au point 179 de l’arrêt du 29 juillet 2019, Inter‑Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen (C‑411/17, EU:C:2019:622), la Cour a reconnu que la sécurité de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné constituait également une considération impérieuse. Elle a toutefois précisé simultanément que des considérations relatives à la sécurité de l’approvisionnement en électricité ne sauraient justifier le maintien des effets de mesures nationales adoptées en méconnaissance des obligations découlant du droit de l’Union que si, dans l’hypothèse d’une annulation ou d’une suspension des effets de ces mesures, il existait une menace réelle et grave de rupture de l’approvisionnement en électricité de l’État membre concerné, à laquelle il ne pourrait être fait face par d’autres moyens et alternatives, notamment dans le cadre du marché intérieur.

93

Or, ainsi que l’a fait valoir la Commission lors de l’audience devant la Cour et comme l’a souligné M. l’avocat général au point 132 de ses conclusions, il est incertain que la cessation de l’activité d’un nombre limité d’éoliennes soit susceptible d’avoir des retombées significatives sur l’approvisionnement en électricité de l’ensemble de l’État membre concerné.

94

En tout état de cause, un éventuel maintien dans le temps des effets de ces actes ne saurait couvrir que le laps de temps strictement nécessaire pour remédier à l’illégalité constatée (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C‑41/11, EU:C:2012:103, point 62, ainsi que du 29 juillet 2019, Inter‑Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, C‑411/17, EU:C:2019:622, point 181).

95

Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question, sous h) et i), que lorsqu’il apparaît qu’une évaluation environnementale, au sens de la directive 2001/42, aurait dû être réalisée avant l’adoption de l’arrêté et de la circulaire sur lesquels est fondé un permis relatif à l’implantation et à l’exploitation d’éoliennes contesté devant une juridiction nationale, de sorte que ces actes et ce permis seraient non conformes au droit de l’Union, cette juridiction ne peut maintenir les effets desdits actes et de ce permis, que si le droit interne le lui permet dans le cadre du litige dont elle est saisie, et dans l’hypothèse où l’annulation dudit permis serait susceptible d’avoir des retombées significatives sur l’approvisionnement en électricité de l’ensemble de l’État membre concerné et uniquement pendant le temps strictement nécessaire pour remédier à cette illégalité. Il appartient à la juridiction de renvoi, le cas échéant, de procéder à cette appréciation dans le litige au principal.

Sur les dépens

96

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 2, sous a), de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion de « plans et programmes » un arrêté et une circulaire, adoptés par le gouvernement d’une entité fédérée d’un État membre, comportant tous deux différentes dispositions portant sur l’implantation et l’exploitation d’éoliennes.

 

2)

L’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens que constituent des plans et programmes devant être soumis à une évaluation environnementale en vertu de cette disposition, un arrêté et une circulaire, comportant tous deux différentes dispositions portant sur l’implantation et l’exploitation d’éoliennes, dont des mesures relatives à la projection d’ombre, à la sécurité, ainsi qu’aux normes de bruit.

 

3)

Lorsqu’il apparaît qu’une évaluation environnementale, au sens de la directive 2001/42, aurait dû être réalisée avant l’adoption de l’arrêté et de la circulaire sur lesquels est fondé un permis relatif à l’implantation et à l’exploitation d’éoliennes contesté devant une juridiction nationale, de sorte que ces actes et ce permis seraient non conformes au droit de l’Union, cette juridiction ne peut maintenir les effets desdits actes et de ce permis, que si le droit interne le lui permet dans le cadre du litige dont elle est saisie, et dans l’hypothèse où l’annulation dudit permis serait susceptible d’avoir des retombées significatives sur l’approvisionnement en électricité de l’ensemble de l’État membre concerné et uniquement pendant le temps strictement nécessaire pour remédier à cette illégalité. Il appartient à la juridiction de renvoi, le cas échéant, de procéder à cette appréciation dans le litige au principal.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.