CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 1er juillet 2021 ( 1 )

Affaire C‑891/19 P

Commission européenne

contre

Hubei Xinyegang Special Tube Co. Ltd

« Pourvoi – Dumping – Règlement d’exécution (UE) 2017/804 – Importations de certains tubes sans soudure en fer ou en acier – Règlement (UE) 2016/1036 – Article 3, paragraphes 2, 3 et 6, et article 17 – Détermination du préjudice – Analyse de la sous-cotation des prix – Obligation pour la Commission européenne de tenir compte des segments de marché liés au produit considéré ainsi que de la totalité des ventes de produits similaires des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon »

1.

La détermination de l’existence d’un préjudice à l’industrie de l’Union européenne causé par les importations faisant l’objet d’un dumping constitue une condition essentielle de l’adoption de mesures antidumping. Dans l’analyse visant à établir l’existence d’un tel préjudice, la Commission européenne doit notamment effectuer un examen objectif des effets de telles importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, notamment en déterminant l’existence d’une sous-cotation des prix.

2.

Lors de cet examen complexe, la Commission est-elle tenue – et si oui, dans quelles circonstances – de prendre en compte les segments de marché relatifs au produit considéré ? Dans le cadre de cet examen, cette institution est-elle tenue de prendre en considération la totalité des ventes de produits similaires des producteurs de l’Union faisant l’objet de l’échantillon retenu aux fins de l’enquête ? Dans ce contexte, quelle est l’intensité du contrôle juridictionnel que le juge de l’Union doit exercer sur un tel type d’analyse qui est menée par la Commission, et qui comporte l’appréciation de situations économiques complexes ?

3.

Telles sont, en substance, les principales questions soulevées dans la présente affaire, qui concerne un pourvoi par lequel la Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission ( 2 ), par lequel le Tribunal a annulé le règlement d’exécution (UE) 2017/804 de la Commission, du 11 mai 2017, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en fer (à l’exclusion de la fonte) ou en acier (à l’exclusion de l’acier inoxydable), de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm, originaires de la République populaire de Chine ( 3 ).

I. Le cadre juridique

4.

L’article 3 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non-membres de l’Union européenne ( 4 ), intitulé « Détermination de l’existence d’un préjudice », prévoit :

« 1.   Pour les besoins du présent règlement, le terme “préjudice” s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union, d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union ou d’un retard sensible dans la création d’une telle industrie, et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2.   La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a)

du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ; et

b)

de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

3.   En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

[...]

5.   L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie [...].

6.   Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important.

7.   Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie de l’Union sont aussi examinés de manière que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent : le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping ; la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation ; les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et de l’Union et la concurrence entre ces mêmes producteurs ; l’évolution des techniques ainsi que les résultats à l’exportation, et la productivité de l’industrie de l’Union.

[...] »

II. Les antécédents du litige et le règlement attaqué

5.

Le 13 février 2016, à la suite d’un dépôt de plainte, la Commission a entamé une enquête antidumping concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en fer (à l’exclusion de la fonte) ou en acier (à l’exclusion de l’acier inoxydable), de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm (ci-après le « produit considéré »), originaires de la République populaire de Chine.

6.

Au cours de l’enquête, Hubei Xinyegang Special Tube Co. Ltd (ci-après « Hubei Xinyegang »), une société établie en Chine qui produit et exporte vers l’Union des tubes sans soudure, a été sélectionnée pour faire partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois en application de l’article 17 du règlement de base.

7.

Le 11 novembre 2016, la Commission a adopté le règlement (UE) 2016/1977 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations [du produit considéré] originaires de la République populaire de Chine ( 5 ).

8.

Le 11 mai 2017, la Commission a adopté le règlement attaqué, dont l’article 1er prévoit l’imposition d’un droit antidumping définitif à tous les producteurs-exportateurs chinois du produit considéré. En ce qui concerne les produits fabriqués et exportés par Hubei Xinyegang, le taux du droit antidumping a été fixé à 54,9 %.

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

9.

Le 7 août 2017, Hubei Xinyegang a introduit un recours devant le Tribunal dans lequel elle concluait à l’annulation du règlement attaqué et invoquait quatre moyens à l’appui de son recours.

10.

Le Tribunal n’a analysé que le premier moyen, structuré en deux branches et tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et des articles 3.1 et 3.2 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ( 6 ) (ci-après l’« accord antidumping »), et le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 6, de ce règlement et de l’article 3.5 de cet accord.

11.

Dans l’arrêt attaqué, après avoir rejeté la première branche du premier moyen ( 7 ), un point qui ne fait pas l’objet de la présente affaire, le Tribunal a, en revanche, accueilli la seconde branche du premier moyen soulevé par Hubei Xinyegang, relative à la méthode retenue par la Commission, dans le cadre de la détermination de l’existence d’un préjudice, pour comparer les prix des importations en dumping et ceux des produits vendus par l’industrie de l’Union. Le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas tenu compte de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix et de l’effet des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base. Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal a en particulier renvoyé au rapport de l’organe d’appel établi par l’organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (ci-après l’« organe d’appel de l’OMC ») dans le différend « Chine – Mesures imposant des droits antidumping sur les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance (“HP-SSST”) en provenance du Japon » (WT/DS454/AB/R et WT/DS460/AB/R, rapport du 14 octobre 2015, ci‑après le « rapport de l’organe d’appel “HP-SSST” ») et à son propre arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T‑35/01, ci-après l’« arrêt Shanghai Teraoka , EU:T:2004:317).

12.

Le Tribunal a considéré, en premier lieu, que, même si elle avait constaté l’existence de trois segments de marché relatifs au produit considéré, la Commission, à tort, n’avait pas tenu compte de cette segmentation dans le cadre de son analyse relative à la sous-cotation des prix et, de manière plus générale, dans son analyse des effets des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ( 8 ). En second lieu, et de surcroît, le Tribunal a accueilli l’argument formulé par Hubei Xinyegang selon lequel, dans l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission, à tort, n’avait pas tenu compte de 17 types de produits sur les 66 vendus par les producteurs de l’Union échantillonnés. Enfin, le Tribunal a considéré que les conclusions auxquelles il était parvenu ne pouvaient être remises en cause par les éléments versés par la Commission au dossier, après l’audience, à un stade tardif de la procédure.

13.

Le Tribunal a ensuite également accueilli le deuxième moyen de recours invoqué par Hubei Xinyegang, et tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base ainsi que de l’article 3.5 de l’accord antidumping ( 9 ). En substance, le Tribunal a jugé que, ayant retenu dans l’analyse du premier moyen que la Commission n’avait pas tenu compte de tous les éléments pertinents aux fins de la détermination de la sous-cotation des prix et de l’effet des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, il convenait également de considérer que la conclusion de la Commission relative à l’existence d’un lien de causalité, au sens de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, reposait sur un fondement factuel incomplet ( 10 ).

14.

Le Tribunal a, dès lors, annulé le règlement attaqué dans la mesure où il concernait Hubei Xinyegang, sans examiner les autres moyens invoqués par celle-ci à l’appui de son recours.

IV. Les conclusions des parties

15.

Dans son pourvoi, la Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué ; de rejeter comme étant non fondés les premier et deuxième moyens du recours en première instance ; de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il réexamine les autres moyens, et de réserver les dépens de la procédure de première instance et du pourvoi.

16.

Hubei Xinyegang demande à la Cour de rejeter le pourvoi ; à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il examine les moyens restants, et de condamner la Commission aux dépens du pourvoi et de l’instance devant le Tribunal.

17.

ArcelorMittal Tubular Products Roman SA, Válcovny trub Chomutov a.s. et Vallourec Deutschland GmbH (ci-après « ArcelorMittal e.a. »), intervenues devant le Tribunal au soutien des conclusions de la Commission ( 11 ), demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué ; de rejeter les premier et deuxième moyens du recours en première instance en ce qu’ils sont infondés ; de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les troisième et quatrième moyens du recours en première instance ; de condamner Hubei Xinyegang aux dépens du présent pourvoi, et de réserver les dépens pour le reste.

V. Sur le pourvoi

18.

À l’appui de son pourvoi, la Commission, soutenue par ArcelorMittal e.a., soulève six moyens, qui peuvent être subdivisés en trois groupes.

19.

Les trois premiers moyens visent à contester la partie de l’arrêt attaqué dans laquelle le Tribunal a reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte, à tort, des différents segments de marché relatifs au produit considéré dans son analyse relative à la sous-cotation des prix ( 12 ).

20.

Les quatrième et cinquième moyens visent à contester la partie de l’arrêt attaqué par laquelle le Tribunal a conclu que la Commission, dans son analyse de la sous-cotation des prix, n’avait pas tenu compte, à tort, des prix de 17 types de produits sur les 66 vendus par les producteurs de l’Union ( 13 ).

21.

Enfin, par son sixième moyen, la Commission soutient que le Tribunal a exercé, à tort, un contrôle juridictionnel trop intense.

22.

Avant d’analyser les moyens de pourvoi soulevés par la Commission, j’estime opportun de formuler quelques observations à caractère liminaire.

A. Observations liminaires

23.

La présente affaire concerne l’analyse de la sous-cotation des prix effectuée par la Commission, dans le cadre d’une procédure antidumping, pour établir l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union. La détermination de l’existence d’un tel préjudice constitue une condition essentielle de l’adoption de mesures antidumping ( 14 ). Les dispositions qui régissent la détermination de l’existence d’un préjudice sont prévues à l’article 3 du règlement de base.

24.

À cet égard, il convient, en premier lieu, de relever que, comme le Tribunal l’a observé ( 15 ), l’article 3, paragraphes 1, 2 et 3, du règlement de base contient des dispositions identiques en substance à celles des articles 3.1 et 3.2 de l’accord antidumping. On peut en déduire que le législateur de l’Union avait l’intention de mettre en œuvre dans le droit de l’Union, par ces dispositions, une obligation particulière prise dans le cadre des accords OMC ( 16 ). Dans ces circonstances, et dans ces limites, il appartient au juge de l’Union de contrôler la légalité du règlement attaqué à la lumière de ces dispositions de l’accord antidumping ( 17 ). Dans le cadre d’un tel contrôle de la légalité, le juge de l’Union doit également tenir compte de l’interprétation des différentes dispositions de cet accord que l’organe de règlement des différends de l’OMC a adoptée ( 18 ).

25.

Ensuite, il convient, en deuxième lieu, de relever qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base que la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

26.

En ce qui concerne en particulier l’analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, il ressort de l’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base qu’il convient d’examiner, notamment, si les importations faisant l’objet d’un dumping ont été effectuées à des prix sensiblement inférieurs à ceux des produits similaires de l’Union ou, en d’autres termes, s’il y a eu une « sous-cotation » notable des prix ( 19 ).

27.

La détermination des effets des importations en dumping sur les prix des produits similaires de l’industrie de l’Union, et plus particulièrement la détermination de l’existence d’une sous-cotation des prix, impliquent un examen du lien existant entre les prix de ces importations et les prix des produits similaires, examen qui suppose qu’une comparaison entre ces deux prix soit effectuée ( 20 ).

28.

Toutefois, l’article 3 de l’accord antidumping et, par conséquent, l’article 3 du règlement de base ne prévoient pas une méthode particulière d’analyse pour la détermination de l’existence d’un préjudice ni, plus précisément, d’une sous-cotation des prix ( 21 ). Cette analyse doit toutefois être fondée sur des preuves positives et sur un examen objectif, qui doit donc être impartial et équitable et tenir compte de toutes les preuves pertinentes ( 22 ).

29.

À cet égard, il convient d’ailleurs de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner ( 23 ). La Cour a expressément reconnu que ce large pouvoir d’appréciation porte notamment sur la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union ( 24 ).

30.

Ainsi que le Tribunal l’a relevé à juste titre, l’analyse de la sous-cotation des prix ainsi que, plus généralement, l’analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires de l’industrie de l’Union comportent indubitablement l’appréciation de situations économiques complexes ( 25 ), ce qui, comme nous le verrons plus en détail dans l’analyse du sixième moyen du pourvoi, a une incidence sur le degré de contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union.

31.

En troisième lieu, en ce qui concerne spécifiquement le cas d’espèce, il est nécessaire de préciser certains éléments de fait constatés par le Tribunal et non contestés entre les parties.

32.

Tout d’abord, dans le cadre de l’enquête antidumping, la Commission a estimé que le produit considéré était constitué de certains tubes et tuyaux sans soudure en fer (à l’exclusion de la fonte) ou en acier (à l’exclusion de l’acier inoxydable), de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm, originaires de la République populaire de Chine ( 26 ). Elle a relevé l’existence de trois segments de marché relatifs à ce produit, un relatif au pétrole et au gaz, un relatif à la production d’électricité et un relatif aux constructions ( 27 ). La définition du produit considéré et du produit similaire, bien qu’elle ait été contestée pendant la procédure administrative, ne l’a pas été par Hubei Xinyegang devant le Tribunal et doit donc être considérée comme étant définitive.

33.

Ensuite, il convient de relever que, en l’espèce, la Commission a effectué une analyse visant à déterminer la sous-cotation des prix des importations chinoises par rapport aux prix de l’industrie de l’Union en comparant les prix des importations avec les prix de l’industrie de l’Union par le système du numéro de contrôle de produit (ci-après « NCP ») (ci-après la « méthode des NCP »).

34.

Selon cette méthode, un NCP unique a été attribué à chaque type de produit fabriqué et vendu par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon et à chaque type de produit fabriqué et vendu par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, ce numéro dépendant des caractéristiques principales du produit ( 28 ). En conséquence, les types de produits importés depuis la Chine ont été comparés sur la base des NCP avec les produits fabriqués et vendus par l’industrie de l’Union qui ont des caractéristiques identiques ou similaires ( 29 ). Pour le calcul de la sous-cotation des prix, la Commission a comparé les prix des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avec ceux des ventes des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, NCP par NCP. Pour chaque NCP pour lequel il existait des ventes correspondantes, la Commission a établi une marge de sous-cotation. Elle a ensuite calculé une marge de sous-cotation moyenne pondérée pour le produit considéré pour chacun des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon. En utilisant cette méthode, elle a fini par déterminer des marges de sous-cotation des prix comprises entre 15,2 et 29,1 % ( 30 ). En tant que telle, l’utilisation de la méthode des NCP n’a pas été contestée par Hubei Xinyegang ( 31 ).

35.

Enfin, il est établi et non contesté entre les parties que la totalité des importations chinoises a fait l’objet d’une analyse dans le cadre de la détermination de la sous-cotation des prix ( 32 ).

B. Sur les trois premiers moyens contestant la critique tirée de la non-prise en considération des segments de marché relatifs au produit considéré dans l’examen de la sous-cotation des prix et des effets des importations sur les prix

36.

Par ses trois premiers moyens de pourvoi, la Commission conteste l’arrêt attaqué en ce que, à ses points 59 à 67, le Tribunal a conclu que, dans son analyse relative à la sous-cotation des prix, la Commission, à tort, n’avait pas tenu compte des différents segments de marché relatifs au produit considéré. Dans son troisième moyen de pourvoi, la Commission conteste, en particulier, les points 77 à 79 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal a rejeté certains éléments produits par la Commission, à sa demande, après l’audience de première instance.

1.   L’arrêt attaqué

37.

Aux points 59 à 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré comme étant constant que, même si la Commission avait relevé l’existence de trois segments de marché relatifs au produit considéré, elle n’avait pas tenu compte de cette segmentation dans l’analyse de la sous-cotation des prix.

38.

À cet égard, le Tribunal a toutefois relevé que l’espèce se caractérisait par quatre éléments (respectivement analysés aux points 61, 62, 63 et 64 de l’arrêt attaqué) : premièrement, tous les types de produits relevant du produit similaire n’étaient pas directement interchangeables du côté de la demande, même si les producteurs pouvaient réorienter leur offre ; deuxièmement, l’utilisation de différentes matières premières dans la fabrication des types de produits avait également une incidence sur la variation des prix entre les segments de marché, différences qui, ainsi qu’il ressortait du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », constituaient un élément pertinent à prendre en compte aux fins de l’analyse de la sous-cotation des prix ; troisièmement, la Commission avait confirmé que 75,1 % des importations chinoises échantillonnées concernaient le segment de la construction qui, ainsi qu’il ressortait de l’arrêt Shanghai Teraoka, aurait dû être analysé séparément, et, quatrièmement, il ressortait du règlement provisoire que plus de 60 % des ventes de la plus grande société des producteurs de l’Union étaient liées à l’industrie du pétrole et du gaz.

39.

Le Tribunal a ensuite relevé, au point 65 de l’arrêt attaqué, que, dans le règlement attaqué, la Commission avait établi un lien entre l’analyse de la sous‑cotation des prix des importations en dumping et l’évolution des prix de l’industrie de l’Union, laquelle avait pourtant été déterminée de manière globale, sans faire de distinction entre les différents segments de marché.

40.

Dans ces conditions, le Tribunal a conclu, au point 66 de l’arrêt attaqué, que, en ne tenant pas compte de la segmentation du marché du produit considéré dans le cadre de son analyse de la sous-cotation des prix et, d’une façon plus générale, de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, la Commission n’avait pas fondé son analyse sur l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce. Ensuite, le Tribunal a ajouté, au point 67 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu des quatre éléments mentionnés au point 38 des présentes conclusions, la Commission aurait dû à tout le moins s’assurer que la baisse des prix de l’industrie de l’Union ne provenait pas d’un segment sur lequel les importations chinoises avaient une faible présence ou un niveau de sous-cotation – à supposer qu’il existe – qui ne pouvait pas être considéré comme étant « notable » au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base. Le Tribunal a estimé que cette conclusion ne préjugeait pas de l’utilisation par la Commission, comme dans le cas d’espèce, de la méthode des NCP, dès lors que celle-ci s’inscrivait dans le cadre d’une analyse tenant compte de la segmentation du marché.

41.

Enfin, aux points 77 et 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les conclusions auxquelles il était parvenu ne pouvaient être remises en cause par les éléments versés par la Commission au dossier, après l’audience, à un stade tardif de la procédure. En effet, selon le Tribunal, la Commission ne pouvait valablement invoquer à l’appui du règlement attaqué des motifs qui n’y figurent pas et qu’elle n’a mentionnés qu’après l’introduction du recours.

2.   Argumentation des parties

a)   Sur le premier moyen du pourvoi, tiré de l’absence d’obligation pour la Commission d’effectuer une analyse du préjudice par segment de marché

42.

Par son premier moyen de pourvoi, qui est subdivisé en trois branches, la Commission, soutenue par ArcelorMittal e.a., conteste la conclusion du Tribunal selon laquelle, même si tous les tubes visés par l’enquête constituaient incontestablement un seul « produit similaire », elle aurait quand même dû effectuer une analyse du préjudice par segment de marché.

43.

Dans la première branche, la Commission soutient que, lorsqu’il a considéré que la Commission était tenue d’effectuer des évaluations distinctes de la sous-cotation des prix par segment de marché du produit considéré, le Tribunal a enfreint l’article 1er, paragraphes 2 et 4, l’article 3, paragraphes 2, 3 et 8, ainsi que l’article 4 du règlement de base. Il ressortirait de ces dispositions qu’il suffit que la Commission effectue l’analyse de la sous-cotation des prix au niveau du « produit similaire » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base. Ces dispositions n’imposeraient pas une analyse plus détaillée ni une obligation d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix séparément pour chaque segment de marché. Dès lors que ni la détermination du « produit similaire » ni celle de l’« industrie de l’Union » opérées dans le règlement attaqué n’ont été contestées devant le Tribunal, ces déterminations ne sauraient être remises en cause dans le cadre de moyens relatifs à la constatation de l’existence d’un préjudice. Le Tribunal aurait introduit une analyse fondée sur la notion de « marché pertinent » propre au droit de la concurrence, laquelle serait toutefois différente de la notion de « produit similaire » dans le cadre de la réglementation antidumping.

44.

Dans la deuxième branche, la Commission soutient que le Tribunal s’est trompé dans son interprétation des deux précédents sur lesquels il a fondé son analyse (à savoir le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » et l’arrêt Shanghai Teraoka) ou, à titre subsidiaire, qu’il a mal qualifié ou dénaturé les faits, qui seraient tout à fait différents des faits pertinents en l’espèce. Aucun de ces deux précédents ne saurait en effet fonder la conclusion selon laquelle la Commission était tenue d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix pour chaque segment de marché en sus de l’analyse effectuée au niveau du produit similaire.

45.

Dans la troisième branche, la Commission fait valoir que le Tribunal a mal interprété le règlement attaqué ou, à titre subsidiaire, qu’il a commis une erreur dans la qualification juridique des faits lorsqu’il a jugé, au point 67 de l’arrêt attaqué, que les faits, constatés aux points 59, 61, 62 (première partie) et 64 de l’arrêt attaqué, constituaient des circonstances exceptionnelles nécessitant une analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché.

46.

Hubei Xinyegang soutient, à titre liminaire, que la Commission décrit de manière erronée l’arrêt attaqué. Le Tribunal n’aurait pas imposé à la Commission une obligation générale d’effectuer une analyse de la sous-cotation pour chaque segment de marché, mais il aurait seulement considéré que, eu égard aux faits de l’espèce, dans le règlement attaqué, la Commission n’avait pas pris en considération la segmentation du marché dans son analyse de la sous-cotation des prix, et ce à tort. Les arguments tirés d’une prétendue obligation d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix pour chaque segment de marché seraient donc inopérants. En outre, dès lors que la Commission n’invoque pas une dénaturation, toute contestation implicite de certains faits serait irrecevable, et les informations supplémentaires que la Commission fournit constitueraient des informations nouvelles qui sont, dès lors, irrecevables.

47.

En ce qui concerne la première branche, Hubei Xinyegang soutient que la référence, à l’article 3, paragraphe 2, et à l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base, aux « produits similaires » au pluriel démontrerait que la notion de « produit similaire » est susceptible de recouvrir plusieurs types de produits et, partant, plusieurs segments de marché. Cela serait confirmé par la jurisprudence de la Cour. En outre, l’organe d’appel de l’OMC aurait souligné l’importance d’examiner l’existence de différents segments de marché dans l’analyse de la sous-cotation des prix et l’arrêt attaqué serait conforme à ces constatations. Selon Hubei Xinyegang, s’il n’existe aucune obligation d’établir l’existence d’une sous-cotation des prix pour chaque type de produit ou segment de marché, la Commission serait toutefois tenue d’examiner tous les éléments de preuve pertinents, y compris le point de savoir comment l’existence de différents segments de marché peut avoir une incidence globale sur l’analyse des effets sur les prix, en l’espèce la sous-cotation des prix.

48.

En ce qui concerne la deuxième branche, Hubei Xinyegang soutient que le fondement de l’annulation du règlement attaqué est l’obligation de fonder des constatations sur des éléments de preuve positifs au sens de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base. La référence au rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » et à l’arrêt Shanghai Teraoka n’étayerait que l’affirmation selon laquelle, s’il existe des segments de marché avec des différences de prix substantielles, l’incidence de cette segmentation sur l’analyse de la sous-cotation des prix doit être prise en compte. En outre, plusieurs allégations de la Commission concernant ces deux précédents seraient inexactes. Enfin, l’allégation selon laquelle, dans la présente affaire, tant les importations chinoises que les produits vendus par l’industrie de l’Union se concentraient sur le même segment de marché ne figurerait pas dans le règlement attaqué, comme le Tribunal l’a constaté.

49.

Selon Hubei Xinyegang, la troisième branche également doit être rejetée. En effet, d’une part, les parties intéressées auraient soulevé la question de l’existence de plusieurs segments de marché non pas dans le cadre de la définition du produit considéré, mais dans celui du préjudice et du lien de causalité. D’autre part, en ce qui concerne l’ajustement effectué par la Commission pour calculer la marge de préjudice en raison de la situation économique et de la rentabilité de la plus grande société de l’échantillon de producteurs de l’Union, ces éléments auraient clairement une incidence considérable sur l’analyse du préjudice.

b)   Sur le deuxième moyen du pourvoi relatif à la méthode des NCP

50.

Par son deuxième moyen, la Commission conteste les points 60 et 67 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal aurait, en substance, considéré que la méthode des NCP ne serait pas adéquate pour tenir compte de la segmentation du marché. Ce faisant, le Tribunal aurait mal interprété le considérant 24 du règlement attaqué ainsi que les explications fournies au cours de la procédure administrative et dans les observations orales et écrites de la Commission devant le Tribunal. À titre subsidiaire, la Commission soutient que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve produits à cet égard.

51.

Selon la Commission, la méthode des NCP constitue l’analyse la plus détaillée qui peut être effectuée pour comparer le produit considéré et le produit similaire. Cette méthode, qui ne serait d’ailleurs pas utilisée par les principaux partenaires commerciaux de l’Union, consisterait en une analyse beaucoup plus approfondie que celle effectuée au niveau des segments de marché du produit similaire. En effet, la construction des NCP tiendrait compte de toutes les caractéristiques du produit et permettrait ainsi à la Commission de mettre en correspondance chaque produit des producteurs chinois retenus dans l’échantillon avec le produit du producteur de l’Union retenu dans l’échantillon qui est le plus comparable possible. Les NCP débuteraient par un chiffre tenant compte du segment de marché dont relève un type de produit. Rien ne permettrait de conclure que la Commission, en se fondant sur les NCP, n’aurait pas tenu compte de certaines caractéristiques propres au produit ou au marché (en particulier les variations de prix). La méthode des NCP garantirait, par sa conception et son fonctionnement, une analyse par segment de marché.

52.

Hubei Xinyegang soutient que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a simplement indiqué que, en l’espèce, l’application de la méthode des NCP était en soi insuffisante pour tenir compte de la segmentation du marché. Il serait vrai que cette méthode permettait à la Commission de déterminer si les importations chinoises relevant d’un NCP ou d’un type de produit spécifique appartenant à un segment de marché spécifique étaient effectuées à des prix inférieurs (sous‑cotation) aux prix de vente facturés par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon pour le même NCP ou type de produit relevant du même segment de marché. Toutefois, la méthode des NCP n’aurait pas permis à la Commission de déterminer les effets des importations dans un segment donné sur les prix de vente de l’industrie de l’Union pour des produits appartenant à d’autres segments.

c)   Sur le troisième moyen du pourvoi, tiré d’une erreur d’interprétation de l’obligation de motivation et de la dénaturation des éléments de preuve

53.

Par son troisième moyen de pourvoi, qui est structuré en deux branches, la Commission conteste les points 77 à 79 de l’arrêt attaqué auxquels le Tribunal a rejeté des éléments qu’elle avait produits après l’audience de première instance et qui montraient, d’une part, qu’il existait une sous-cotation des prix pour les trois segments de marché concernés et, d’autre part, que les ventes des producteurs de l’Union étaient concentrées dans le segment de la construction.

54.

Dans la première branche, la Commission soutient que, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur en interprétant trop étroitement l’obligation de motivation incombant à la Commission en matière d’antidumping. Cette interprétation serait contraire à la jurisprudence et enfreindrait l’article 296 TFUE. Il n’aurait pas été nécessaire que la Commission explique spécifiquement dans le règlement attaqué qu’elle avait constaté une sous-cotation des prix dans les trois segments de marché et que les ventes des producteurs de l’Union étaient concentrées dans le segment de la construction. Ces informations auraient quoi qu’il en soit été communiquées dans les grandes lignes à Hubei Xinyegang au cours de l’enquête.

55.

Dans la seconde branche, la Commission fait valoir que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve dont il disposait en jugeant, au point 78 de l’arrêt attaqué, que l’analyse par segment de marché n’aurait été effectuée qu’ex post. La distinction entre les différents segments de marché aurait été délibérément internalisée dans l’analyse par la méthode des NCP, dont le Tribunal aurait ignoré ou méconnu et dénaturé le fonctionnement.

56.

En ce qui concerne la première branche, Hubei Xinyegang soutient que l’arrêt sur lequel la Commission fonde son argumentation ( 33 ) concernerait une situation particulière dans laquelle une société qui n’avait pas participé à la procédure administrative invoquait une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne des allégations qu’elle n’avait pas formulées elle-même. La situation de cette société serait cependant fondamentalement différente dans la mesure où, dès le début de la procédure administrative, elle aurait souligné que l’existence de plusieurs segments de marché avait de l’importance pour l’analyse de la sous-cotation des prix. En outre, il ressortirait de la jurisprudence que les institutions sont tenues d’exposer les faits et considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision et que la motivation d’un acte doit figurer dans le corps même de celui-ci. Enfin, il serait inexact qu’elle savait que la sous-cotation des prix avait été constatée dans les trois segments de marché et que les ventes des producteurs de l’Union étaient concentrées dans le segment de la construction, dans la mesure où elle n’aurait pas eu accès aux calculs relatifs à la sous-cotation des autres producteurs chinois pour des raisons de confidentialité.

57.

En ce qui concerne la seconde branche, Hubei Xinyegang soutient que le Tribunal ne reproche pas à la Commission de ne pas avoir appliqué la méthode des NCP par segment, mais de ne pas avoir mené une analyse par segment. Dès lors, le Tribunal aurait critiqué le fait que la méthode des NCP n’avait permis à la Commission que d’établir une sous-cotation des prix sur un segment donné, sans lui permettre d’analyser les effets de la sous-cotation constatée dans un segment sur les prix de vente facturés par des producteurs de l’Union dans un autre segment.

3.   Appréciation juridique

a)   Sur la critique formulée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué

58.

Afin de pouvoir analyser les premier, deuxième et troisième moyens de pourvoi soulevés par la Commission, il convient, à mon sens, de préciser d’emblée la portée exacte de la critique formulée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. En effet, les parties s’opposent sur la portée à donner à l’arrêt attaqué ( 34 ).

59.

Il ressort, selon moi, de la lecture des points 65, 66 et 67 de l’arrêt attaqué, rappelés aux points 39 et 40 des présentes conclusions, que, dans cet arrêt, le Tribunal a pris acte du fait que la Commission avait utilisé la méthode des NCP pour analyser l’existence d’une sous-cotation des prix, mais que, au regard des quatre éléments mentionnés au point 38 des présentes conclusions, qui caractérisent le cas d’espèce, il a considéré que l’utilisation de cette méthode n’était pas suffisante pour tenir compte de manière adéquate de la segmentation du marché aux fins de l’analyse des effets des importations en dumping sur les prix de l’industrie de l’Union. Le Tribunal a ainsi reproché à la Commission de ne pas avoir fondé son analyse sur l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce.

60.

Selon le Tribunal, puisqu’elle avait établi un lien entre l’analyse de la sous‑cotation des prix et l’évolution des prix de l’industrie de l’Union, qui avait été déterminée globalement sans tenir compte de la segmentation du marché ( 35 ), au vu des circonstances de l’espèce, la Commission aurait dû, à tout le moins, s’assurer que l’évolution des prix de l’industrie de l’Union (à savoir la baisse de ces prix) ne « provenait pas » d’un segment sur lequel les importations chinoises avaient une présence limitée ou un niveau de sous-cotation non « notable ». En d’autres termes, le Tribunal a considéré que, même si elle avait bien utilisé la méthode des NCP, la Commission aurait dû constater que cette baisse des prix du produit similaire de l’industrie de l’Union, prise dans son ensemble, ne résultait pas des dynamiques qui avaient eu lieu dans un segment de marché dans lequel les importations en dumping n’avaient pas eu d’incidence substantielle en raison de leur faible volume ou d’un niveau de sous-cotation non notable ; dans ce cas, en effet, cette baisse n’aurait pas été la conséquence (des effets sur les prix) des importations en dumping.

61.

Dans ce contexte, l’analyse qui suit tendra à déterminer, tout d’abord, l’étendue des obligations qui incombent à la Commission lors de l’examen de la sous-cotation des prix lorsque les produits examinés dans le cadre de l’enquête englobent plusieurs segments de marché identifiables. Ensuite, il conviendra de vérifier si c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que, au vu des éléments caractérisant la présente espèce, l’analyse effectuée par cette institution était entachée d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

b)   La Commission est-elle tenue d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix segment par segment ?

62.

Il convient, tout d’abord, de se demander si l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, interprété à la lumière des autres dispositions de ce règlement et des dispositions correspondantes de l’accord antidumping, suppose une obligation générale pour la Commission d’effectuer une analyse de la sous‑cotation segment par segment chaque fois que le produit considéré englobe plusieurs segments de marché identifiables ( 36 ).

63.

J’estime que tel n’est pas le cas et je relève, à cet égard, que les parties s’accordent à dire qu’il n’existe pas d’obligation générale de ce type à la charge de la Commission.

64.

Comme le fait valoir à juste titre la Commission, il ressort des termes mêmes de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base que l’analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, et notamment l’examen visant à déterminer si ces importations ont été effectuées à des prix sensiblement inférieurs à ceux des produits similaires de l’industrie de l’Union (et, partant, s’il y a eu sous-cotation des prix), doit être effectuée par référence au produit similaire, tel que défini à l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base. Il ne ressort pas de ces dispositions, ni d’aucune autre disposition du règlement de base, qu’il existe une obligation générale pour la Commission d’effectuer une analyse de l’existence de la sous-cotation des prix à un niveau plus détaillé que le niveau du produit similaire.

65.

Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par l’interprétation de l’article 3.2 de l’accord antidumping faite dans le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », qui a affirmé expressément que l’autorité chargée de l’enquête n’est pas tenue, au titre de cette disposition, d’établir l’existence d’une sous-cotation des prix pour chacun des types de produits visés par l’enquête ou en ce qui concerne toute la gamme des marchandises constituant le produit similaire ( 37 ).

66.

Il s’ensuit que, puisque le produit considéré et le produit similaire ont été déterminés, et que leur définition n’est pas contestée, il suffit, en principe, que la Commission effectue une analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, au niveau du produit similaire ainsi défini et non à un niveau plus détaillé.

67.

Cela étant, il ressort, toutefois, de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base que la Commission est tenue de procéder à un examen objectif des effets des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union. L’examen objectif exigé par cette disposition, lue à la lumière de l’interprétation de la disposition correspondante (article 3.1) de l’accord antidumping donnée par l’organe d’appel de l’OMC, nécessite de prendre en considération toutes les preuves pertinentes, qui peuvent inclure, le cas échéant, la prise en compte de la part de marché relative de chaque type de produit visé par l’enquête ( 38 ).

68.

Il en résulte que, dans certaines circonstances, afin de garantir que l’examen de l’existence d’une sous-cotation des prix notable au niveau du produit similaire soit « objectif » ( 39 ), il apparaît approprié de prendre en considération les parts de marché des différents types de produits en cause, et qu’il peut donc être nécessaire de tenir compte des différents segments de marché du produit en cause.

c)   Dans quels cas est-il nécessaire de procéder à une analyse de la sous-cotation des prix segment par segment ?

69.

Afin de garantir l’objectivité de l’examen visant à déterminer l’existence d’une sous-cotation des prix, il convient donc de se demander dans quels cas il apparaît approprié, voire nécessaire, d’effectuer une analyse segment par segment en prenant en considération la part de marché relative de chaque type de produit. Ensuite, sur le fondement de cette analyse, il conviendra de vérifier si c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que le cas d’espèce relevait de cette catégorie de cas.

70.

À cet égard, pour justifier la nécessité d’un examen de la sous-cotation des prix segment par segment dans la présente affaire, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a renvoyé à deux précédents qui ont fait l’objet d’une discussion approfondie entre les parties : l’arrêt Shanghai Teraoka du Tribunal lui-même et le rapport de l’organe d’appel « HP‑SSST ».

71.

Le premier de ces précédents, à savoir l’arrêt Shanghai Teraoka, concernait un cas dans lequel trois segments distincts étaient identifiables dans le cadre du produit en cause et où les importations en cause étaient concentrées à 97 % dans un seul de ces trois segments.

72.

Au cours de l’enquête antidumping, le Conseil de l’Union européenne avait effectué un examen de la sous-cotation des prix uniquement en ce qui concernait ce segment et avait ensuite extrapolé les conclusions relatives aux effets sur les prix dans ce segment à l’ensemble du produit similaire ( 40 ). Devant le Tribunal, la requérante avait soutenu qu’en procédant de la sorte, le Conseil avait enfreint l’article 3 du règlement de base, en ce qu’il avait évalué l’effet des importations par rapport à une partie seulement du produit similaire ( 41 ).

73.

Compte tenu de ces circonstances de fait, le Tribunal a jugé, d’une part, que, dans le cadre de la détermination du préjudice à laquelle il est procédé au titre de l’article 3 du règlement de base, les institutions de l’Union peuvent procéder à une analyse par segment pour évaluer les différents indicateurs du préjudice, notamment si les résultats obtenus selon une autre méthode se révèlent biaisés pour une raison ou une autre, pour autant que le produit concerné dans son ensemble soit dûment pris en compte ( 42 ). Par ailleurs, le Tribunal a considéré que dans une situation dans laquelle 97 % des importations étaient concentrées dans un segment spécifique, il était logique, voire indispensable pour le résultat correct de l’enquête, que cette analyse contienne séparément l’évaluation de ce segment ( 43 ). Le Tribunal a rejeté l’argument de la requérante sur le fondement de ces considérations.

74.

À mon sens, il ressort de l’arrêt Shanghai Teraoka que, en droit, dans un cas où les importations sont fortement concentrées dans un segment de marché en ce qui concerne le produit en cause, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont elles jouissent dans le domaine des mesures de défense commerciale, rappelé au point 29 des présentes conclusions, les institutions de l’Union peuvent se limiter à analyser la sous-cotation des prix au regard de ce segment, si cela est approprié pour garantir le caractère objectif de l’examen des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, sous réserve que le produit concerné soit dûment pris en considération dans son ensemble. En outre, selon les circonstances de l’espèce, une évaluation séparée d’un segment peut être appropriée, voire nécessaire, pour garantir l’objectivité de cet examen.

75.

En ce qui concerne le second précédent, à savoir le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », il concernait une situation dans laquelle le produit similaire, tel que défini par les autorités chinoises responsables de l’enquête antidumping, englobait trois segments identifiables (qualité A, qualité B et qualité C). En l’espèce, les importations faisant l’objet d’un dumping et les ventes nationales se concentraient dans des segments différents du marché : les ventes nationales étaient concentrées dans le segment relatif à la qualité A, dans lequel une quantité négligeable d’importations avait eu lieu (1,45 %) ; les importations faisant l’objet d’un dumping étaient en revanche concentrées dans les segments relatifs aux qualités B et C. En outre, les prix des produits inclus dans les qualités B et C correspondaient respectivement au double et au triple des prix des produits inclus dans la qualité A. Dans ce contexte, les autorités chinoises avaient constaté l’existence d’une sous-cotation des prix dans les segments correspondants aux qualités B et C, dans lesquels les importations étaient concentrées, mais n’avaient constaté aucune sous-cotation des prix dans le segment relatif à la qualité A, dans lequel la production nationale était concentrée ( 44 ). Ces autorités n’avaient donc pas constaté une sous-cotation au niveau du produit similaire, mais s’étaient bornées à constater la sous-cotation uniquement en ce qui concernait les qualités B et C ( 45 ).

76.

Dans ce contexte factuel, l’organe d’appel de l’OMC a considéré, d’une part, qu’un examen objectif visant à vérifier l’existence d’une sous-cotation des prix notable par les importations faisant l’objet d’un dumping par rapport au produit intérieur similaire (comprenant les trois types de produits) aurait dû prendre en considération les parts de marché pertinentes des différents types de produits et, d’autre part, qu’une analyse appropriée des effets sur les prix aurait dû prendre en considération l’existence de différences significatives entre les prix des différents types de produits. Cet organe a également jugé que l’autorité chargée de l’enquête ne peut pas écarter des éléments de preuve donnant à penser que les importations faisant l’objet d’un dumping n’ont pas d’effet sur les prix intérieurs, ou seulement un effet limité ( 46 ).

77.

Il ressort ainsi du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » que, dans une situation caractérisée par une forte concentration des ventes intérieures et des importations faisant l’objet d’un dumping sur des segments différents, caractérisés eux-mêmes par des différences de prix tout à fait notables, afin de garantir l’objectivité de l’examen relatif à l’existence de la sous-cotation des prix requise par l’article 3.1 de l’accord antidumping (et donc par l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base), il convient de prendre en considération les parts de marché de chaque type de produit et ces différences de prix notables.

78.

Les deux précédents susmentionnés donnent des indications concernant certaines situations dans lesquelles il apparaît opportun, voire nécessaire, de prendre en considération la segmentation du marché afin de garantir un examen objectif de la sous-cotation des prix. C’est donc à la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’analyser la question de savoir si le Tribunal a considéré à bon droit que, en l’espèce, il était nécessaire que la Commission tienne compte de la segmentation du marché du produit considéré et que, en ne le faisant pas, elle n’a pas fondé son analyse sur l’ensemble des éléments pertinents de l’espèce.

d)   Sur l’obligation pour la Commission de tenir compte de la segmentation du marché en l’espèce

1) Sur l’obligation de motivation du règlement attaqué et les éléments présentés par la Commission devant le Tribunal après l’audience de première instance

79.

Pour pouvoir mener l’analyse mentionnée au point précédent des présentes conclusions, il convient toutefois, au préalable, de vérifier si c’est à juste titre que, ainsi qu’il ressort des points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a refusé de tenir compte des éléments présentés par la Commission après l’audience de première instance ou si, comme le soutient la Commission dans le cadre de son troisième moyen de pourvoi, le Tribunal a commis une erreur de droit en procédant de la sorte. En effet, ces éléments revêtent une importance fondamentale pour comprendre le contexte précis du cas d’espèce.

80.

À cet égard, il ressort du dossier que, à la suite des débats qui ont eu lieu lors de l’audience devant le Tribunal, celui-ci avait imparti un délai à la Commission pour lui fournir certaines informations afin de préciser le pourcentage des ventes des producteurs de l’Union faisant l’objet de l’échantillon dans les trois segments de marché en cause ainsi que d’autres données concernant les importations des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon.

81.

La Commission s’est conformée à cette demande et a fourni des données résultant de l’application de la méthode des NCP aux ventes des producteurs chinois et de l’Union retenus dans l’échantillon. Il ressortait de ces données, d’une part, que, dans le cadre de chacun des trois segments en cause, il existait une correspondance entre les importations faisant l’objet d’un dumping et les ventes de l’industrie de l’Union qui se situaient à des niveaux presque équivalents. Plus précisément, il ressortait de ces données que tant les importations que les ventes intérieures se concentraient principalement dans le segment de la construction (avec une part respective de 75,1 % et de 71,6 %), qu’elles atteignaient toutes deux un niveau non négligeable dans le segment du pétrole et du gaz (respectivement 17,3 % et 15,3 %) et qu’elles étaient toutes deux présentes dans une mesure moindre, mais non négligeable, dans le segment de la production d’électricité (respectivement 7,4 % et 13,1 %). D’autre part, il ressortait de ces données que la sous-cotation des prix avait eu lieu sur les trois segments en cause.

82.

Le Tribunal a rejeté la pertinence de ces données en soutenant, en substance, aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait pas compléter la motivation du règlement attaqué par des motifs mentionnés postérieurement à l’introduction du recours devant le Tribunal.

83.

À cet égard, toutefois, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée ( 47 ).

84.

En particulier, lorsqu’il s’agit d’un acte de portée générale, comme un règlement instituant des droits antidumping, l’obligation de motivation doit être interprétée en ce sens qu’il ne saurait être exigé des institutions de l’Union qu’elles spécifient les différents faits parfois très nombreux et complexes au vu desquels le règlement a été adopté, ni a fortiori qu’elles en fournissent une appréciation plus ou moins complète ( 48 ).

85.

À cet égard, il convient de relever que le Tribunal n’a pas contesté l’insuffisance de la motivation du règlement attaqué, mais a refusé de prendre en considération certaines données fournies par la Commission à sa demande, données qui, afin de répondre à des arguments soulevés par une requérante, offraient une vision plus détaillée des conclusions contenues dans le règlement attaqué. Concrètement, pour répondre aux arguments soulevés par Hubei Xinyegang, ces données détaillent la conclusion – dont il est incontesté que la motivation est suffisante – selon laquelle l’analyse fondée sur la méthode des NCP avait démontré qu’il existait en l’espèce une sous-cotation des prix au niveau du produit similaire ( 49 ).

86.

Dans ce contexte, j’estime que la Commission doit pouvoir être mise en mesure de répondre à des arguments présentés dans un recours dirigé contre un règlement instituant des droits antidumping en fournissant des données complémentaires qui – lorsque cela est nécessaire pour que le juge de l’Union puisse exercer son contrôle juridictionnel sur l’acte – permettent à celui-ci de comprendre pleinement l’analyse impliquant l’appréciation de situations économiques complexes, analyse fondée sur de nombreuses données économiques et effectuée par la Commission pour parvenir aux conclusions contenues dans cet acte d’application générale. À cet égard, je relève que, en matière antidumping, la pratique du Tribunal lui-même semble aller en ce sens ( 50 ).

87.

En outre, si le juge de l’Union l’estime nécessaire, il peut, comme le Tribunal l’a fait dans la présente affaire, demander des informations et des éclaircissements à l’institution en cause afin d’obtenir des explications supplémentaires quant à la motivation, limitée mais suffisante, de l’adoption d’un acte d’application générale ( 51 ).

88.

Il découle de ce qui précède que, à mon sens, le Tribunal aurait dû prendre en considération les données résultant de l’application de la méthode des NCP qui ont été mentionnées au point 81 des présentes conclusions, par lesquelles la Commission, à la demande du Tribunal lui-même et afin de répondre à un argument soulevé par Hubei Xinyegang dans son recours de première instance, a détaillé de manière plus précise la conclusion contenue dans le règlement attaqué quant à la constatation en l’espèce de l’existence d’une sous-cotation des prix au niveau du produit similaire.

89.

Il en résulte, selon moi, que le troisième moyen du pourvoi de la Commission doit être accueilli et que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit sur ce point. Par conséquent, les éléments visés au point 81 des présentes conclusions doivent être pris en considération dans le cadre de l’analyse qui suit.

2) Sur l’utilisation de la méthode des NCP en l’espèce

90.

Afin de bien comprendre l’examen effectué par la Commission en l’espèce pour déterminer l’existence de la sous-cotation des prix des importations faisant l’objet d’un dumping par rapport aux prix des produits similaires de l’industrie de l’Union, examen critiqué par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, il convient d’approfondir l’analyse de la méthode des NCP utilisée à cette fin par la Commission et déjà mentionnée aux points 33 et 34 des présentes conclusions.

91.

Il ressort du considérant 24 du règlement attaqué, ainsi que des informations figurant dans le dossier, que les NCP sont des codes alphanumériques dont chacun correspond à une catégorie de produits. Ces codes sont définis immédiatement après le début de l’enquête sur la base des caractéristiques spécifiques du produit ( 52 ).

92.

En l’espèce, en application de cette méthodologie, les différents produits en cause au cours de l’enquête ont été répartis dans cinq catégories, identifiables par le premier numéro du code, qui indique le type de produit. Il est incontesté que les produits relevant d’un NCP correspondant aux catégories 1 et 2 étaient compris dans le segment du pétrole et du gaz, que ceux correspondant à la catégorie 3 étaient utilisés dans le secteur de la construction et que ceux correspondant aux catégories 4 et 5 relevaient du segment de la production d’électricité.

93.

Comme indiqué au point 34 des présentes conclusions, pour déterminer l’existence d’une sous-cotation sensible des prix selon la méthode des NCP, la Commission a comparé, NCP par NCP, les prix des importations et les prix des producteurs de l’Union. Elle a donc comparé les ventes de chaque produit considéré compris dans le NCP par les producteurs chinois retenus dans l’échantillon avec celles d’un produit similaire de l’industrie de l’Union. En procédant de la sorte, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point précédent des présentes conclusions, la répartition des produits par NCP reposait sur des critères qui permettaient de prendre en considération les différents segments dans lesquels le produit en cause était réparti, la Commission a tenu compte de ces segments dans l’analyse de la sous-cotation des prix.

94.

Il ressort des informations figurant dans le dossier ( 53 ) que l’utilisation de cette méthode permettait de tenir compte des volumes relatifs des différentes ventes au niveau des différents segments. Cela est d’ailleurs démontré par le fait que, sur le fondement de cette analyse, les différentes parts de ventes pour chaque segment ont pu être déterminées, comme l’a fait la Commission. Ainsi qu’il ressort du point 81 des présentes conclusions, sur le fondement de cette détermination, la Commission a ainsi pu établir qu’il y avait une correspondance substantielle entre les importations chinoises et les ventes intérieures de l’Union dans les différents segments et, plus précisément, que les unes et les autres étaient concentrées dans le même segment, à savoir celui de la construction, mais que, dans les deux autres segments, la présence des importations et des ventes domestiques était non négligeable.

95.

L’utilisation de cette méthode permettait également de tenir compte du niveau des sous-cotations dans les différents segments de marché, comme le démontre le fait que la Commission a pu établir qu’il existait une sous-cotation dans chaque segment.

96.

Il résulte, à mon avis, des considérations qui précèdent que l’affirmation, figurant aux points 60 et 66 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, malgré l’utilisation de la méthode des NCP, en ne tenant pas compte de la segmentation du marché correspondant aux différents types de produit considéré dans le cadre de son analyse de la sous-cotation des prix, la Commission n’aurait pas fondé son analyse sur l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce est erronée. En effet, la manière dont cette méthode avait été conçue et son utilisation concrète garantissaient, en l’espèce, une analyse par segment de marché des produits faisant l’objet de l’enquête.

97.

Quant à l’argument de Hubei Xinyegang selon lequel la méthode des NCP n’aurait pas permis à la Commission de déterminer les effets des importations dans un segment donné sur les prix de vente de l’industrie de l’Union pour des produits appartenant à d’autres segments, j’estime qu’un tel complément d’analyse n’est pas nécessaire dans une situation où les importations et les ventes intérieures avaient un niveau substantiellement équivalent sur les trois segments existants et où la sous-cotation des prix a été constatée sur chacun des trois segments.

98.

Il découle de ce qui précède que, à mon avis, le deuxième moyen de pourvoi de la Commission doit également être accueilli.

3) Sur les éléments caractérisant l’espèce pris en considération par le Tribunal pour déterminer l’insuffisance de l’analyse effectuée par la Commission

99.

Au point 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, à la lumière des quatre circonstances qui caractérisent la présente espèce, qu’il a analysées aux points 61 à 64 de l’arrêt attaqué et qui sont mentionnées au point 38 des présentes conclusions, malgré l’utilisation de la méthode des NCP, la Commission aurait dû, à tout le moins, s’assurer que l’évolution des prix de l’industrie de l’Union (à savoir la baisse de ces prix) ne « provenait » pas d’un segment sur lequel les importations chinoises avaient une présence limitée ou un niveau de sous-cotation non notable. Ainsi, comme je l’ai relevé au point 60 des présentes conclusions, pour le Tribunal, en présence de telles circonstances, malgré l’utilisation de la méthode des NCP, afin de garantir un examen objectif de la sous-cotation des prix et, plus généralement, des effets des prix des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, la Commission aurait dû effectuer une analyse supplémentaire visant à vérifier que la baisse des prix des produits similaires de l’industrie de l’Union, prise en considération dans son ensemble, était effectivement la conséquence (des effets sur les prix) des importations faisant l’objet d’un dumping. Le Tribunal a considéré que, en ne procédant pas à ce complément d’analyse, l’examen effectué par la Commission était incomplet.

100.

Il convient dès lors de vérifier si, au regard du cas d’espèce, ces quatre circonstances imposaient à la Commission, malgré l’examen effectué au moyen de la méthode des NCP, de mener l’analyse demandée par le Tribunal au point 67 de l’arrêt attaqué.

101.

À cet égard, en ce qui concerne la première de ces circonstances, à savoir la difficulté d’interchangeabilité des différents types de produits relevant du produit similaire tel que défini ( 54 ), je relève que si l’interchangeabilité du côté de la demande est bien un critère d’analyse fondamental pour la définition du marché pertinent en matière de concurrence, elle ne joue pas un rôle aussi fondamental en matière d’antidumping. Les critères utilisés pour définir le produit similaire en matière d’antidumping, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base, sont différents et il n’est pas rare que, dans le cadre d’une enquête antidumping, soit défini comme « produit similaire » un produit comprenant différents types de produits qui, dans le cadre du droit de la concurrence, relèveraient de marchés pertinents du produit différents. À cet égard, il convient, en outre, de relever que Hubei Xinyegang n’a pas contesté devant le Tribunal la définition du « produit similaire », de sorte que cette définition doit être considérée comme étant une donnée acquise et ne saurait être remise en cause au niveau de l’analyse visant à établir l’existence d’un préjudice ( 55 ).

102.

Il s’ensuit que la difficulté d’interchangeabilité des produits visés par l’enquête du côté de la demande n’apparaît pas comme un élément pertinent pour considérer que, en l’espèce, la Commission était tenue d’effectuer l’analyse supplémentaire requise par le Tribunal au point 67 de l’arrêt attaqué, en sus de l’analyse effectuée sur la base de la méthode des NCP.

103.

En ce qui concerne la deuxième de ces circonstances, à savoir l’existence de différences de prix entre les différents segments, le Tribunal a considéré, en se référant au rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », que l’existence de ces différences de prix était un élément à prendre en considération aux fins de l’analyse de la sous-cotation des prix et que l’existence de ces différences de prix entre les segments contribuait à imposer le complément d’analyse mentionné au point 67 de l’arrêt attaqué ( 56 ).

104.

Toutefois, s’il est vrai, ainsi qu’il ressort du point 76 des présentes conclusions, que, dans ce rapport, l’organe d’appel de l’OMC a considéré que, dans le cas soumis à son examen, une analyse appropriée des effets sur les prix aurait dû tenir compte des différences significatives entre les prix des différents types de produits, j’estime que l’on ne saurait déduire de ce précédent que, en l’espèce, afin d’assurer un examen objectif de la sous-cotation des prix au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission était tenue d’effectuer l’analyse visée au point 67 de l’arrêt attaqué.

105.

En effet, ainsi qu’il ressort des points 75 à 77 des présentes conclusions, dans l’affaire examinée par l’organe d’appel de l’OMC, les importations faisant l’objet d’un dumping et les ventes intérieures étaient concentrées dans des segments différents, la sous-cotation n’avait été constatée que dans deux des trois segments en cause, dans lesquels les importations se concentraient, et elle n’avait pas été constatée dans celui où se concentraient les ventes domestiques. En revanche, dans la présente affaire, ainsi qu’il ressort des données mentionnées au point 81 des présentes conclusions, les importations en dumping et les ventes domestiques étaient concentrées dans le même segment et, dans les deux autres segments, les unes et les autres étaient présentes à des niveaux comparables. En outre, dans la présente affaire, la sous-cotation a été constatée dans tous les segments entre lesquels le produit considéré était réparti. De plus, il ressort du dossier que la comparaison par la méthode des NCP permettait de prendre en considération les différences de prix entre les différents types de produits inclus dans les différents segments. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la deuxième circonstance relevée par le Tribunal, envisagée à la lumière du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », n’imposait pas non plus, en l’espèce, à la Commission, d’effectuer le complément d’analyse requis au point 67 de l’arrêt attaqué.

106.

En ce qui concerne la troisième des circonstances prises en considération par le Tribunal, à savoir le fait que 75,1 % des importations des producteurs chinois retenus dans l’échantillon étaient concentrées dans le segment de la construction, en renvoyant à l’arrêt Shanghai Teraoka, le Tribunal a considéré que cela rendait logique, voire nécessaire, une analyse séparée de ce segment ( 57 ). À mon sens, ce précédent ne permet toutefois pas de faire constater une erreur d’analyse de la Commission en l’espèce. En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort des points 71 à 74 des présentes conclusions, ce précédent concernait un cas de figure différent de celui de la présente affaire. En effet, à la différence de cet arrêt, la Commission ne s’est pas limitée, en l’espèce, à effectuer un examen de la sous-cotation des prix uniquement au regard du segment sur lequel les importations se concentraient, mais a porté cet examen sur la totalité du produit considéré. D’autre part, en utilisant la méthode des NCP, elle a pris en considération la segmentation du marché, comme le requiert ce précédent ( 58 ). En toute hypothèse, compte tenu du fait que les importations en dumping et les ventes domestiques étaient concentrées sur le même segment et étaient présentes à des niveaux comparables sur les autres segments, et du fait que la sous-cotation a été constatée sur tous les segments entre lesquels le produit considéré était réparti, la troisième circonstance indiquée par le Tribunal ne permet pas non plus de démontrer une erreur d’analyse de la Commission.

107.

Enfin, en ce qui concerne la quatrième circonstance identifiée par le Tribunal, à savoir le fait qu’il ressortait du règlement provisoire que plus de 60 % des ventes de la plus grande société des producteurs de l’Union étaient liées à l’industrie pétrolière et gazière, celle-ci n’étaye pas non plus la conclusion du Tribunal selon laquelle le complément d’analyse prévu au point 67 de l’arrêt attaqué était nécessaire en l’espèce. En effet, la pertinence de cette circonstance, par laquelle le Tribunal impliquait qu’il était plausible que les importations faisant l’objet d’un dumping et les ventes de l’industrie de l’Union soient concentrées dans plusieurs segments, est toutefois manifestement contredite par la constatation, résultant des informations mentionnées au point 81 des présentes conclusions, selon laquelle des importations en dumping et des ventes de l’Union étaient concentrées sur le même segment, à savoir celui de la construction.

108.

Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun des quatre éléments avancés par le Tribunal n’était de nature à justifier la nécessité d’un complément d’analyse tel que celui mentionné au point 67 de l’arrêt attaqué. Plus précisément, dans une situation dans laquelle la Commission avait utilisé la méthode des NCP pour déterminer la sous-cotation des prix et où, d’une part, les importations faisant l’objet d’un dumping et les ventes domestiques étaient concentrées sur le même segment et étaient présentes à des niveaux comparables sur les autres segments et où, d’autre part, la sous-cotation des prix était présente sur tous les segments dans lesquels le produit considéré était réparti, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir effectué le complément d’analyse indiqué au point 67 de l’arrêt attaqué.

e)   Conclusion relative aux premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi

109.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’arrêt attaqué est entaché de plusieurs erreurs en ce que le Tribunal conclut que, dans la mesure où la Commission n’a pas tenu compte de la segmentation du marché dans l’analyse de la sous-cotation des prix et plus généralement des effets sur les prix, cette institution n’a pas fondé son analyse sur toutes les données pertinentes du cas d’espèce et que, malgré l’utilisation de la méthode des NCP, en l’espèce, la Commission aurait au moins dû s’assurer que l’évolution des prix de l’industrie de l’Union (à savoir la baisse de ces prix) ne « provenait » pas d’un segment sur lequel les importations chinoises avaient une présence limitée ou un niveau de sous-cotation non notable.

110.

Par conséquent, à mon sens, les premier, deuxième et troisième moyens de pourvoi soulevés par la Commission doivent être accueillis.

C. Sur les quatrième et cinquième moyens, portant sur la critique relative à la non-prise en considération des 17 types de produit similaire non exportés par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon

111.

Par ses quatrième et cinquième moyens, la Commission, soutenue par ArcelorMittal e.a., conteste l’arrêt attaqué en ce que, à ses points 68 à 76, le Tribunal a constaté que la Commission, à tort, n’avait pas tenu compte, dans son analyse relative à la sous-cotation des prix, d’un certain volume du produit similaire fabriqué par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

1.   L’arrêt attaqué

112.

Aux points 68 à 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que 17 types de produits sur les 66 vendus par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, représentant 8 % du volume des ventes de ces producteurs, n’avaient pas été pris en considération dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, étant donné que ces produits n’avaient pas été exportés par les producteurs‑exportateurs chinois retenus dans l’échantillon et qu’aucune comparaison ne pouvait donc avoir lieu.

113.

Se fondant sur le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », le Tribunal a considéré, au point 71 de l’arrêt attaqué, qu’aucun élément ne permet de considérer que l’analyse prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base puisse ne pas prendre en considération un certain volume du produit similaire ne faisant pas l’objet d’une sous-cotation des prix. Il a également considéré, aux points 72 à 74 de l’arrêt attaqué, que le lien établi par la Commission dans le règlement attaqué entre l’analyse de la sous-cotation des prix des importations faisant l’objet d’un dumping et l’évolution des prix de l’industrie de l’Union était nécessairement fondé sur une base factuelle erronée, puisqu’il avait été établi sans tenir compte de ces 17 types de produits qui n’avaient pas fait l’objet d’une sous‑cotation des prix. Le Tribunal a donc considéré que, en l’absence de motivation spécifique à cet égard dans le règlement attaqué, il ne pouvait être exclu que ces 17 types de produits aient participé, pour une partie non négligeable, à la baisse des prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. Le Tribunal en a déduit que la Commission n’avait pas tenu compte de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix et de l’effet des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

2.   Argumentation des parties

a)   Sur le quatrième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base

114.

Par le quatrième moyen du pourvoi, qui est articulé en deux branches, la Commission, soutenue par ArcelorMittal e.a., reproche au Tribunal d’avoir enfreint l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

115.

Dans une première branche, la Commission soutient que la conclusion du Tribunal selon laquelle l’analyse de la sous-cotation des prix doit être effectuée pour tous les types de produits vendus par l’industrie de l’Union reposerait sur une compréhension erronée de l’examen de la sous-cotation des prix. Il ressortirait des termes mêmes de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base que cet examen ne doit pas être effectué pour chaque type de produit ou de NCP vendu par l’industrie de l’Union, mais que la sous-cotation des prix doit être établie au niveau du produit similaire. La Commission calculerait, d’abord, la sous-cotation au niveau de chaque NCP et, ensuite, la moyenne pondérée de la sous-cotation relative à tous les NCP produits par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. Si une sous-cotation n’est pas constatée pour un NCP, ou si une sous-cotation négative est constatée, cela ne signifierait pas qu’un droit antidumping ne peut pas être imposé également sur les NCP pour lesquels aucune sous-cotation n’a été observée.

116.

Dans la seconde branche, la Commission soutient que, en considérant que l’examen des effets sur les prix en vertu de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base requiert également une appréciation des 17 NCP non produits par les producteurs chinois retenus dans l’échantillon, le Tribunal a confondu cet examen avec l’analyse de « non-imputation » prévue à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base. En effet, il ressortirait du texte même de ces dispositions qu’elles présupposent l’évaluation de la sous-cotation des prix entre le produit importé faisant l’objet d’un dumping et le produit similaire et n’abordent pas les effets de NCP vendus par l’industrie de l’Union, mais pas par les producteurs‑exportateurs chinois. Dans le règlement attaqué, la Commission aurait déterminé les effets sur les prix par référence aux NCP pour lesquels l’échantillon de ventes chinoises permettait de mettre en correspondance un NCP avec l’échantillon de ventes de l’Union. Elle n’aurait pas pu établir la sous-cotation pour les 17 NCP vendus par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, mais non exportés par les producteurs chinois retenus dans l’échantillon. La question identifiée aux points 72 à 74 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission aurait dû évaluer le risque que l’industrie de l’Union ait pu subir des pertes importantes en réaction aux ventes de l’Union des 17 NCP non exportés par les producteurs-exportateurs chinois s’inscrirait dans le cadre de l’analyse de non‑imputation prévue à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base. Toutefois, Hubei Xinyegang n’aurait pas invoqué la violation de cette disposition à l’appui de son recours. En outre, le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » n’étayerait aucunement les conclusions du Tribunal.

117.

Hubei Xinyegang soutient, tout d’abord, que la Commission décrirait de manière erronée l’arrêt attaqué. Le Tribunal n’aurait pas considéré que la sous‑cotation des prix doit être déterminée au niveau de chaque NCP, mais se serait simplement borné à critiquer le fait que la Commission avait étendu ses constatations concernant l’existence d’une sous-cotation des prix à l’égard de certains types de produits à d’autres types de produits pour lesquels cette constatation n’avait pas été faite, et ce sans explication.

118.

En ce qui concerne la première branche, Hubei Xinyegang fait valoir que le Tribunal aurait considéré à bon droit que les préoccupations exprimées dans la jurisprudence ( 59 ), concernant le fait d’exclure du calcul de la marge de dumping les transactions à l’exportation vers l’Union relatives à certains types du produit considéré, étaient également valables dans le cadre de l’analyse de la sous‑cotation ou des effets sur les prix. Il existerait également un risque de manipulation s’il fallait considérer que la Commission n’est pas tenue de prendre en compte toutes les ventes des producteurs retenus dans l’échantillon de l’Union. En effet, cela pourrait lui permettre de ne constater une sous-cotation des prix que pour une partie limitée des ventes de l’industrie de l’Union et d’étendre cette constatation au reste des ventes, sans devoir expliquer quels ont été les effets de ces dernières ventes sur les prix.

119.

En ce qui concerne la seconde branche, Hubei Xinyegang fait valoir que l’argument de la Commission selon lequel l’analyse des effets sur les prix et la détermination du lien de causalité constitueraient des étapes totalement indépendantes l’une de l’autre serait inopérant dans la mesure où la Commission n’a pas contesté le point 86 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal a constaté l’existence d’un lien entre la détermination de la sous-cotation des prix et la détermination de l’existence d’un lien de causalité. En toute hypothèse, l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, en ce qu’il se réfère à l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union, prévoirait les exigences relatives au lien de causalité et à la non-imputation formulées ensuite à l’article 3, paragraphes 6 et 7, de ce règlement. En outre, le Tribunal se serait référé, à juste titre, au rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » dont il ressortirait qu’il convient d’établir les effets sur les prix pour le produit dans son ensemble, sans exclure les types de produits pour lesquels aucune sous-cotation n’a été constatée.

b)   Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 17 du règlement de base

120.

Par son cinquième moyen, la Commission soutient que le Tribunal a enfreint l’article 17 du règlement de base ( 60 ) en constatant que la Commission, à tort, n’avait pas tenu compte des effets des 17 types de produits non vendus par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, mais vendus par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. L’absence d’importations pour les 17 NCP en cause serait la conséquence intrinsèque de l’utilisation de la méthode d’échantillonnage en l’espèce, pour laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation. En outre, puisque l’échantillon est considéré comme étant représentatif, la constatation d’une sous-cotation des prix sur la base de la moyenne pondérée des marges de sous-cotation établies pour les NCP vendus par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon serait représentative pour tous les NCP, et donc également pour le produit considéré. L’interprétation du Tribunal priverait de tout effet utile l’échantillonnage et limiterait indûment le pouvoir d’appréciation dont jouit la Commission à cet égard.

121.

Hubei Xinyegang répond, premièrement, que, si la Commission dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour sélectionner l’échantillon, il n’en reste pas moins que, une fois l’échantillon retenu, elle doit respecter toutes les obligations légales prévues dans le règlement de base, y compris celle d’effectuer une analyse correcte des effets sur les prix. Deuxièmement, l’arrêt attaqué ne préjugerait pas de la possibilité pour la Commission de recourir à l’échantillonnage ni de la flexibilité dont elle dispose à cet égard. L’arrêt attaqué exigerait uniquement de tenir compte, une fois les échantillons établis, des effets de toutes les importations faisant l’objet d’un dumping des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon sur les prix de tous les types de produits vendus par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

3.   Analyse

a)   Sur la critique formulée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué

122.

Pour pouvoir analyser les quatrième et cinquième moyens, il convient tout d’abord, comme pour les trois premiers moyens, de préciser la portée de la critique formulée par le Tribunal. En effet, même en ce qui concerne la partie de l’arrêt attaqué contestée dans ces moyens, les parties s’opposent sur la portée à attribuer à la critique du Tribunal.

123.

La Commission et ArcelorMittal e.a. soutiennent que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a imposé à la Commission l’obligation de procéder à une analyse de la sous-cotation des prix pour chaque type de produit, c’est-à-dire pour chaque NCP, vendu par l’industrie de l’Union. Elles soutiennent également que ce que le Tribunal reproche essentiellement à la Commission ne relève pas de l’analyse des effets des importations en dumping sur les prix de l’industrie de l’Union, mais de l’analyse dite de « non-imputation » figurant à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, non invoqué devant le Tribunal.

124.

Hubei Xinyegang soutient, en revanche, que le Tribunal a reproché à la Commission d’avoir simplement étendu la portée de ses constatations relatives à la sous-cotation des prix de certains types de produits à des types de produits pour lesquels aucune sous-cotation n’avait été démontrée, et ce sans motivation. Dès lors, en excluant de son analyse lesdits 17 types de produits, la Commission n’aurait pas démontré les effets sur les prix des importations pour le produit similaire dans son ensemble, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

125.

À cet égard, je relève en premier lieu que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, tout d’abord, constaté au point 69 que, en appliquant la méthode des NCP, la Commission n’avait pas été en mesure de déterminer une marge de sous-cotation des prix pour les 17 types de produits de l’industrie de l’Union pour lesquels il n’existait pas de produits importés correspondants. Ensuite, au point 71, en se référant au rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », le Tribunal a considéré que, toutefois, rien dans les dispositions pertinentes ne permettait de considérer qu’il était possible d’exclure de l’analyse prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base un certain volume du produit similaire ne faisant pas l’objet d’une sous-cotation des prix, à savoir lesdits 17 types de produits pour lesquels il n’avait pas été possible de déterminer la marge de sous-cotation en appliquant la méthode des NCP.

126.

Par cette dernière affirmation, le Tribunal a, à mon sens, exprimé le principe selon lequel, dans l’analyse des effets sur les prix, la Commission est tenue de prendre en considération l’intégralité des ventes du produit similaire de l’industrie de l’Union. Ensuite, le Tribunal a appliqué ce principe à l’espèce et a jugé que, dans le présent cas de figure, cette analyse ayant été effectuée en déterminant la sous-cotation des prix par l’application de la méthode des NCP, la Commission était tenue de prendre nécessairement en considération, aux fins de fonder son analyse sur toutes les données pertinentes, l’ensemble des NCP des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

127.

En second lieu, aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a essentiellement reproché à la Commission d’avoir fondé le lien qu’elle a constaté entre l’analyse de la sous-cotation des prix des importations en dumping et l’évolution des prix de l’industrie de l’Union sur une base factuelle erronée, dès lors qu’elle n’a pas pris en considération les 17 types de produits en cause, et ce parce qu’il ne pouvait être exclu que ces types de produits aient « participé, pour une part non négligeable, à la baisse des prix des producteurs de l’Union échantillonnés ».

128.

Il s’ensuit que le Tribunal reproche essentiellement à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans son analyse, de la manière dont les prix de ces 17 types de produits – pour lesquels la marge de sous-cotation n’avait pas pu être déterminée – pouvaient avoir contribué à l’évolution des prix des producteurs de l’Union qui avait été calculée par la Commission par référence au produit similaire pris en considération dans sa totalité.

b)   Existe-t-il, pour la Commission, une obligation de toujours prendre en considération, dans l’analyse des effets sur les prix, tous les types de produits de l’industrie de l’Union retenus dans la définition du produit similaire ?

129.

Dans ce contexte, il convient, tout d’abord, de s’interroger sur le point de savoir s’il existe, comme il semble ressortir du point 71 de l’arrêt attaqué, une obligation pour la Commission de toujours prendre en considération tous les types de produits vendus par l’industrie de l’Union dans son examen des effets des importations en dumping sur les prix, en particulier lorsque cet examen comporte la constatation de la sous-cotation des prix.

130.

Pour fonder l’affirmation de principe figurant au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est référé au point 5.180 du rapport de l’organe d’appel « HP‑SSST », dans lequel cet organe a estimé que, dans le cas examiné, les autorités chinoises étaient tenues « d’évaluer le caractère notable de la sous‑cotation des prix dans les importations faisant l’objet d’un dumping par rapport à “la proportion de la production nationale pour laquelle aucune sous‑cotation des prix n’a été constatée” ».

131.

Le Tribunal a étendu par analogie la portée de cette affirmation à l’espèce et, ayant d’abord constaté, au point 70 de l’arrêt attaqué, que les 17 types de produits en cause « n’étaient [...] pas sous-cotés », il en a déduit, au point 71, le principe susmentionné selon lequel on ne saurait exclure une partie du produit similaire de l’examen des effets sur les prix.

132.

Je ne suis cependant pas convaincu que l’on puisse tirer de ce point du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » un principe à caractère général tel que celui dégagé par le Tribunal. Ce point doit, en effet, être lu dans le contexte de l’espèce examinée par l’organe d’appel de l’OMC. Ainsi qu’il ressort du point 75 des présentes conclusions, cette affaire concernait une situation dans laquelle les autorités chinoises n’avaient pas analysé, et n’avaient donc pas constaté, une sous‑cotation des prix pour les produits relevant du segment relatif à la qualité A, dans lequel les ventes nationales étaient concentrées, mais s’étaient limitées à étendre à ce segment les constatations de la sous-cotation concernant les segments de marché relatifs aux qualités B et C, sur lesquels se concentraient les importations faisant l’objet d’un dumping.

133.

Il en ressort que, à ce point, l’organe d’appel de l’OMC a entendu indiquer que, dans une situation très particulière de ce type, où les ventes domestiques étaient fortement concentrées sur un segment (qualité A) et où les importations en dumping étaient concentrées sur d’autres segments (qualités B et C), les autorités chinoises ne pouvaient pas se borner à étendre les constatations relatives à la sous‑cotation effectuées pour les qualités B et C aux produits relevant du segment de qualité A.

134.

Contrairement à ce qui s’était passé dans ce cas-là, la Commission n’a, en l’espèce, pas exclu une « proportion de la production nationale » de la constatation de la sous-cotation des prix pour des raisons d’opportunité, mais, comme le Tribunal l’admet lui-même, elle n’était pas en mesure de calculer la marge de sous-cotation pour ces produits, et ce en raison de l’échantillon et de la méthode d’analyse choisie en application de sa marge d’appréciation ( 61 ).

135.

Il s’ensuit que, à mon sens, le point du rapport de l’organe d’appel « HP‑SSST » en question ne saurait fonder un principe général tel que celui qui ressort de l’affirmation figurant au point 71 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il est nécessaire que la Commission prenne toujours en considération, dans son analyse de la sous-cotation des prix et des effets sur les prix, tous les types de produits vendus par l’industrie de l’Union et relevant du produit similaire tel que déterminé.

136.

Hubei Xinyegang prétend toutefois que ce principe serait conforme à l’approche retenue par la Cour dans l’arrêt Changshu City. À cet égard, il convient de rappeler que, dans cet arrêt, la Cour a jugé que l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base, eu égard à son libellé, à sa finalité et au contexte dans lequel il s’insère, ne saurait être interprété comme permettant l’exclusion du calcul de la marge de dumping des transactions à l’exportation vers l’Union relatives à certains types du produit considéré. Au contraire, il découle de cette disposition que les institutions de l’Union sont tenues de prendre en considération l’ensemble de ces transactions aux fins de ce calcul ( 62 ).

137.

À cet égard, j’estime toutefois que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base pour le calcul de la marge de dumping, donnée par la Cour dans l’arrêt Changshu City, n’est pas nécessairement transposable, de manière automatique, à l’examen de la sous-cotation des prix au sens de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ce règlement. D’un point de vue littéral déjà, il convient de relever que ces deux dispositions sont formulées de manière fondamentalement différente. L’article 2, paragraphe 11, du règlement de base prévoit en effet explicitement l’obligation de prendre en considération les « prix de toutes les exportations » ( 63 ). On peut donc considérer que, dans la mesure où les dispositions de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ce règlement sont formulées différemment, elles n’imposent pas nécessairement de prendre en considération dans cette analyse toutes les ventes du produit similaire par l’industrie de l’Union.

138.

Cela semble d’ailleurs correspondre également à la logique différente qui sous-tend le calcul de la marge de dumping et la détermination de la sous-cotation. En effet, alors que le calcul de la marge de dumping est fait, normalement ( 64 ), en prenant en considération les ventes domestiques et les exportations de la même entreprise, à savoir le producteur-exportateur, la détermination de la sous-cotation des prix présuppose en revanche la comparaison entre les ventes de producteurs différents (à savoir les importations en dumping des producteurs-exportateurs et les ventes domestiques de l’industrie de l’Union).

139.

Il découle de l’analyse qui précède que ni le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », sur lequel s’est appuyé le Tribunal, ni l’arrêt Changshu City, invoqué par Hubei Xinyegang, ne sauraient fonder un principe selon lequel la Commission est toujours tenue, quelles que soient les circonstances, de prendre en considération la totalité des ventes des producteurs de l’Union de tous les types de produits similaires dans l’analyse de la sous-cotation des prix et, plus généralement, des effets sur les prix des importations en dumping.

140.

Cela étant, j’estime néanmoins nécessaire de formuler les considérations suivantes.

141.

Premièrement, comme indiqué aux points 28 et 67 des présentes conclusions, il ressort de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base que la Commission est tenue de procéder à un examen objectif des effets des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union. On ne saurait donc exclure que, dans certaines circonstances, en vue de garantir l’objectivité de cet examen, il soit effectivement nécessaire de prendre en considération la totalité des ventes des produits de l’industrie de l’Union.

142.

Deuxièmement, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, l’analyse en cause présuppose l’examen des effets des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union. En l’espèce, comme je l’ai relevé au point 35 des présentes conclusions, il n’est pas contesté que cet examen a été effectué au regard de l’ensemble des importations du produit considéré effectuées par les exportateurs chinois retenus dans l’échantillon.

143.

Troisièmement, comme je l’ai rappelé aux points 28 et 29 des présentes conclusions, l’article 3 du règlement de base ne prévoit pas une méthode spécifique d’analyse pour déterminer l’existence d’un préjudice ni, plus particulièrement, d’une sous-cotation des prix et, à cet égard, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, compte tenu de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner. Dans ce contexte, dans la mesure où l’objectivité de l’examen est garantie, il appartient à ces institutions de choisir la méthode d’analyse qu’elles estiment la plus appropriée, selon les particularités de l’enquête en cause, pour déterminer les effets sur les prix.

144.

Quatrièmement, en l’espèce, d’une part, il ressort du règlement attaqué que la Commission a choisi de recourir à l’échantillonnage conformément à l’article 17 du règlement de base ( 65 ) en ce qui concerne tant les producteurs‑exportateurs chinois que les producteurs de l’Union. Cet échantillonnage, pour lequel la jurisprudence a reconnu une certaine latitude ( 66 ), n’a pas été contesté en l’espèce.

145.

D’autre part, comme je l’ai déjà relevé aux points 33, 34 et 90 et suivants des présentes conclusions, en l’espèce, la Commission, faisant usage de la latitude susmentionnée, a choisi d’appliquer la méthode des NCP pour déterminer la sous‑cotation des prix. Cette méthode, qui n’a pas non plus été contestée, visait notamment à faire en sorte que les prix des produits qui provenaient d’entreprises différentes et qui devaient être comparés soient comparables. Comme je l’ai déjà relevé, pour assurer cette comparabilité, la Commission a fondé la détermination des différents NCP sur les caractéristiques physiques et techniques des produits. Toutefois, ainsi que le fait valoir à juste titre ArcelorMittal e.a., l’utilisation d’un tel système présuppose un compromis entre, d’une part, la nécessité d’assurer ladite compatibilité des prix et, d’autre part, la nécessité de faire en sorte qu’il soit possible de comparer le nombre le plus élevé possible d’importations et de ventes domestiques, afin d’obtenir un résultat le plus représentatif possible. Dans cette perspective, plus le NCP est détaillé, plus les produits importés et domestiques relevant du NCP seront comparables. Toutefois, dans le même temps, plus le NCP est détaillé et plus élevé est le risque que certains produits (NCP) n’aient pas d’équivalents et qu’ils ne puissent donc pas être pris en considération dans l’analyse. En l’espèce, il est constant que l’utilisation de la méthode des NCP conçue par la Commission a permis un niveau très élevé de comparabilité, 100 % des importations faisant l’objet d’un dumping ayant été comparées avec 92 % des ventes domestiques des entreprises retenues dans l’échantillon. Comme je l’ai déjà relevé, cette méthode n’a pas été contestée.

146.

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’analyser l’erreur reprochée par le Tribunal à la Commission.

c)   Sur l’erreur reprochée par le Tribunal à la Commission

147.

Il ressort du point 76 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte de toutes les données pertinentes en l’espèce dans le cadre de l’examen de la sous-cotation des prix et de l’effet des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union.

148.

Il ressort des points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, rappelés aux points 113 et 127 des présentes conclusions, que, en ce qui concerne la deuxième erreur que le Tribunal reproche à la Commission, les données pertinentes, dont celle-ci n’aurait pas tenu compte à tort, étaient les données relatives à l’incidence que les prix des ventes des 17 types de produits, pour lesquels une sous-cotation des prix n’avait pu être constatée, auraient pu avoir sur la baisse des prix des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon relatives au produit similaire, pris dans son ensemble. Comme je l’ai relevé au point 128 des présentes conclusions, le Tribunal a fondamentalement reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans son analyse de la sous-cotation des prix et des effets sur les prix, de la possible contribution que les ventes de ces 17 types de produits pouvaient avoir eue sur l’évolution des prix des producteurs de l’Union en ce qui concerne le produit similaire considéré dans sa totalité.

149.

Toutefois, à cet égard, je relève, d’une part, que, comme observé au point 142 des présentes conclusions, il ressort de manière explicite du libellé de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base que l’analyse des effets sur les prix concerne les effets des importations en dumping sur les prix du produit similaire sur le marché de l’Union et non l’effet des prix d’une partie des produits similaires. Or, en l’espèce, le Tribunal a reproché à la Commission d’avoir violé ces dispositions en ne tenant pas compte non pas des effets des importations (dont 100 % ont été prises en considération dans l’analyse), mais des effets des ventes de 17 types de produits par les producteurs de l’Union.

150.

D’autre part, cette critique porte sur le fait que la Commission n’aurait prétendument pas vérifié si la baisse des prix du produit similaire pris dans son ensemble n’était pas due, pour une part « non négligeable », à la baisse des prix des 17 types de produits en question. Cela revient à dire que la Commission aurait dû déterminer si les prix de ces 17 types de produits avaient contribué de manière disproportionnée à la baisse des prix du produit similaire pris dans sa totalité, par rapport aux conséquences, sur le produit similaire ainsi considéré, de la baisse des prix des 49 autres types de produits pour lesquels la sous-cotation avait été constatée.

151.

Toutefois, ainsi que Arcelor Mittal e.a. l’a relevé à juste titre, cette baisse disproportionnée des prix des 17 types de produits en cause ne pourrait avoir eu lieu que pour deux raisons : soit en raison d’une incidence disproportionnée des importations faisant l’objet d’un dumping sur ces produits, soit en raison de l’effet d’autres facteurs, internes ou externes, autres que ces importations. Or, dans ce contexte, de deux choses l’une : dans la première hypothèse, une telle baisse disproportionnée signifierait que les importations en dumping ont produit sur les prix de ces 17 types de produits des effets encore plus importants que ceux déterminés par la Commission pour les autres types de produits, pour lesquels une sous-cotation avait été constatée. Dans ce cas, toutefois, la conclusion relative à l’existence d’effets préjudiciables sur les prix du produit similaire en raison des importations sur le marché de l’Union ne saurait certainement pas être remise en cause en tant qu’erronée. Dans le second cas, la baisse disproportionnée des prix de ces produits serait, en revanche, due à l’incidence d’« autres facteurs [que les importations, qui] ont contribué au préjudice » causé à l’industrie de l’Union. Toutefois, ainsi que le fait valoir la Commission, l’examen de ces autres facteurs relève de l’analyse de la« non-imputation » prévue à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, dont la violation n’a pas été invoquée par Hubei Xinyegang et ne saurait donc justifier qu’il soit fait droit au recours de celle-ci ( 67 ).

152.

En ce qui concerne ces 17 types de produits, je dois encore souligner que, selon moi, la conclusion que le Tribunal tire, à la fin du point 71 de l’arrêt attaqué, de la constatation figurant au point 70 de cet arrêt, selon laquelle les 17 types de produits en cause n’avaient fait l’objet d’aucune sous-cotation des prix, est erronée. En effet, c’est à cause de l’échantillonnage et du choix de la méthode des NCP qu’il n’était pas possible de calculer une marge de sous-cotation pour ces types de produits ( 68 ), comme, du reste, le relève le Tribunal au point 69 de l’arrêt attaqué. Cela ne signifie cependant pas que ces 17 types de produits n’ont pas eux‑mêmes fait l’objet d’une sous-cotation. En effet, il n’est pas exclu que d’autres exportateurs chinois, qui n’ont pas été retenus dans l’échantillon, aient importé lesdits 17 types de produits à des prix sensiblement inférieurs à ceux des producteurs de l’Union ( 69 ). C’est uniquement le choix de la méthode appliquée par la Commission dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, choix d’ailleurs incontesté, qui a rendu cette constatation impossible.

153.

Il ressort de ce qui précède que l’analyse du Tribunal figurant aux points 68 à 76 de l’arrêt attaqué est également, à mon avis, entachée d’erreurs de droit et que, par conséquent, le Tribunal a également fondé cette partie de l’arrêt sur une interprétation erronée de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

D. Sur le sixième moyen, tiré d’une détermination erronée de l’intensité du contrôle juridictionnel

1.   Argumentation des parties

154.

Le sixième moyen de pourvoi soulevé par la Commission, soutenue par ArcelorMittal e.a., est articulé en trois branches. Par la première branche, la Commission reproche au Tribunal d’avoir statué ultra petita en requalifiant les premier et deuxième moyens de la requête en première instance, et en élargissant ainsi la portée du litige au-delà des limites strictes fixées par cette requête. En effet, Hubei Xinyegang n’aurait pas contesté la détermination des faits, mais en remettant en cause la manière dont la Commission a exercé son pouvoir d’appréciation, elle aurait contesté l’appréciation des faits.

155.

Dans la deuxième branche, la Commission soutient que, aux points 34, 35 et 45 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a identifié de manière erronée l’intensité du contrôle juridictionnel qu’il devait exercer. Il se serait fondé, dans l’arrêt attaqué, sur une interprétation large de la notion de « détermination des faits » qui ne trouverait pas de fondement dans la jurisprudence et ne serait pas compatible avec l’intensité du contrôle juridictionnel reconnue par la jurisprudence constante. Le Tribunal aurait appliqué un contrôle juridictionnel complet, alors que le critère de l’erreur manifeste était applicable.

156.

Dans la troisième branche, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur dans la qualification juridique des faits. Même si l’intensité du contrôle juridictionnel déterminée était adéquate, ce qui n’est pas le cas, la Commission s’y serait conformée, dès lors qu’elle aurait recueilli, lors de l’enquête, toutes les données nécessaires pour procéder à une analyse par segment de marché et pour évaluer les 17 NCP contestés.

157.

S’agissant de la première branche, Hubei Xinyegang fait valoir que la simple lecture de la requête en première instance montre que le Tribunal n’a pas requalifié les moyens qu’elle avait présentés, mais les a simplement accueillis. S’agissant de la deuxième branche, elle soutient que le Tribunal aurait correctement appliqué le contrôle juridictionnel, conformément à la jurisprudence de la Cour. S’agissant de la troisième branche, elle soutient que, même s’il était vrai que la Commission a recueilli toutes les données nécessaires à l’analyse, cela ne ressort pas du règlement attaqué ni des éléments produits devant le Tribunal.

2.   Analyse

158.

En ce qui concerne, tout d’abord, la première branche du présent moyen, je conviens avec Hubei Xinyegang que la lecture de la requête en première instance montre que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a effectivement accueilli les moyens tirés de la violation de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement de base qu’elle avait soulevés, sans les requalifier. La première branche du présent moyen doit donc, à mon sens, être rejetée.

159.

Cela ne signifie cependant pas qu’il soit impossible que le Tribunal, en procédant de la sorte, ait appliqué une intensité de contrôle juridictionnel erronée, comme le fait valoir la Commission dans le cadre de la deuxième branche.

160.

À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union suppose l’appréciation de situations économiques complexes et que le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est notamment le cas en ce qui concerne la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antidumping ( 70 ).

161.

À cet égard, la Cour a aussi jugé que le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par les institutions. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées ( 71 ).

162.

En outre, dans le cadre du contrôle de la légalité, visé à l’article 263 TFUE, le juge de l’Union ne peut, en toute hypothèse, substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué ( 72 ).

163.

En l’espèce, je relève en premier lieu que, au point 34 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait référence à une formule tirée de sa jurisprudence constante ( 73 ), qui reprend, en substance, les principes exprimés dans la jurisprudence de la Cour mentionnée aux points 160 et 161 des présentes conclusions. Cette formule contient cependant une phrase qui ne figure pas dans cette jurisprudence de la Cour, à savoir celle selon laquelle « [c]e contrôle juridictionnel limité n’implique cependant pas que le juge de l’Union s’abstienne de contrôler l’interprétation, par les institutions, de données de nature économique ». Cette phrase paraît clairement dériver de la jurisprudence relative à la portée du contrôle juridictionnel en matière de concurrence ( 74 ). Toutefois, je ne crois pas que la détermination de la portée du contrôle juridictionnel effectuée par la Cour en matière de concurrence soit automatiquement transposable en matière d’antidumping. Si ces deux matières sont toutes deux de nature économique, puisqu’elles concernent toutes deux des comportements d’entreprises et relèvent toutes deux d’une compétence exclusive de l’Union, elles présentent toutefois des éléments qui les différencient profondément. Plus concrètement, d’une part, les institutions ont des pouvoirs d’enquête très différents dans les deux matières et, en matière d’antidumping, contrairement à ce qui se passe dans le secteur de la concurrence, le règlement de base ne confère à la Commission aucun pouvoir d’enquête qui lui permettrait de contraindre les sociétés à participer à l’enquête ou à fournir des informations ( 75 ). D’autre part, le pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions en matière d’antidumping doit être, en principe, plus large dans la mesure où, ainsi qu’il ressort expressément de la jurisprudence, il découle de la nécessité de prendre en considération la complexité non seulement des situations économiques, comme en matière de concurrence, mais également des situations politiques ( 76 ).

164.

En second lieu, il convient de rappeler que, comme le Tribunal l’a relevé et comme je l’ai rappelé au point 28 des présentes conclusions, l’article 3 du règlement de base ne prévoit pas de méthode spécifique d’analyse pour la détermination de l’existence d’un préjudice ni, plus particulièrement, d’une sous‑cotation des prix. Une méthode précise pour effectuer cette analyse, qui comporte l’évaluation de situations économiques complexes, n’ayant pas été prescrite, la Commission dispose a fortiori d’un pouvoir d’appréciation.

165.

Dans ces circonstances, il est selon moi opportun de souligner que même si le Tribunal est tenu d’établir si les éléments de preuve à la disposition de la Commission constituent l’ensemble des données pertinentes qui doivent être prises en considération pour apprécier une situation complexe, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour mentionnée au point 161 des présentes conclusions, cela n’ôte rien au fait que, dans le cadre de cette appréciation, le Tribunal ne saurait aller jusqu’à dépasser les bornes du contrôle juridictionnel limité, en allant jusqu’à substituer sa propre appréciation à celle de la Commission. La constatation que la Commission ne disposait pas de l’ensemble des données pertinentes doit amener à la conclusion que, en conséquence, cette institution a commis une erreur manifeste d’appréciation. En d’autres termes, la jurisprudence mentionnée au point 161 des présentes conclusions doit être lue à la lumière de la jurisprudence citée au point 160. Il en découle que, pour annuler un règlement tel que le règlement attaqué en l’espèce, le juge de l’Union doit constater que l’éventuelle insuffisance des données pertinentes pour apprécier une situation économique complexe a entraîné une erreur manifeste d’appréciation de la Commission.

166.

En troisième lieu, et en lien avec les considérations qui précèdent, je considère qu’il est nécessaire d’apporter quelques clarifications quant à la portée de ce pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions. En effet, la ligne de démarcation entre la constatation du caractère suffisant des données pertinentes pour apprécier une situation économique complexe et la remise en cause de la méthode d’analyse utilisée est assez subtile.

167.

À cet égard, je considère que, dans une situation telle que celle en cause dans la présente affaire, cette marge d’appréciation s’étend, à tout le moins, aux décisions relatives au choix de la méthode d’analyse, aux données et aux preuves à recueillir, à la méthode de calcul à utiliser pour déterminer la marge de sous‑cotation, ainsi qu’à l’interprétation et à l’évaluation des données recueillies. S’agissant de l’ensemble de ces questions, le critère de l’erreur manifeste doit s’appliquer et le contrôle juridictionnel que le juge de l’Union doit exercer est limité.

168.

En analysant la présente espèce à la lumière des considérations qui précèdent, il ressort des points 59 et 60 des présentes conclusions que le premier reproche du Tribunal à la Commission consiste, d’une part, dans le fait que, même si elle a utilisé la méthode NCP, elle n’a pas pris en considération la segmentation du marché dans l’analyse de la sous-cotation des prix et plus généralement des effets sur les prix et, d’autre part, dans le fait qu’elle n’a pas effectué une analyse complémentaire pour vérifier si la baisse des prix du produit similaire de l’industrie de l’Union, prise en considération dans son ensemble, n’était pas le résultat de dynamiques qui s’étaient produites dans un segment de marché où les importations en dumping n’avaient pas eu d’incidence substantielle en raison de leur volume insignifiant ou d’un niveau non notable de sous-cotation.

169.

Il ressort du point 128 des présentes conclusions que, dans le cadre de la deuxième critique adressée par le Tribunal à la Commission, celui-ci lui a reproché de ne pas avoir tenu compte, dans son analyse, de la contribution que les prix des 17 types de produits pour lesquels une sous-cotation n’avait pas pu être constatée pouvaient avoir eue sur l’évolution des prix des producteurs de l’Union qui avait été calculée par la Commission par référence au produit similaire pris en considération dans sa totalité.

170.

C’est en raison de ces deux prétendues erreurs d’analyse que le Tribunal a conclu, au point 76 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas tenu compte de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce.

171.

À cet égard, je relève, d’une part, que ces critiques font apparaître un degré d’intervention de la part du Tribunal plutôt élevé dans l’analyse de la sous‑cotation des prix effectuée par la Commission, degré selon moi difficilement conciliable avec l’intensité limitée du contrôle juridictionnel prescrit par la jurisprudence mentionnée au point 160 des présentes conclusions. Sur ce plan, je relève notamment que, ainsi qu’il ressort de l’intitulé de la section de l’arrêt attaqué qui commence à son point 53, la deuxième branche du premier moyen soulevé en première instance par Hubei Xinyegang et accueillie par le Tribunal visait à remettre en cause la méthode utilisée par la Commission pour son examen de la sous-cotation des prix, ce qui relève à mon sens indubitablement du large pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission en la matière, comme je l’ai relevé au point 167 des présentes conclusions.

172.

D’autre part, je relève que le Tribunal n’a nullement constaté qu’en ne tenant pas compte de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce, la Commission aurait commis une erreur manifeste. Il s’ensuit que, selon moi, le Tribunal n’a pas appliqué le critère requis par la jurisprudence pour exercer le contrôle juridictionnel dans un cas tel que celui de l’espèce.

173.

À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je considère qu’il convient d’accueillir également le sixième moyen de pourvoi.

E. Conclusion relative au pourvoi

174.

Eu égard aux points 109, 110, 153 et 173 des présentes conclusions, à mon sens, tant la partie de l’arrêt attaqué relative à la première critique formulée par le Tribunal (points 59 à 67 et 77 à 79) que celle relative à la deuxième critique (points 68 à 76) sont entachées d’erreurs de droit. Il s’ensuit que l’arrêt attaqué doit être annulé en ce qui concerne l’analyse par le Tribunal du premier moyen de recours soulevé en première instance par Hubei Xinyegang.

175.

Dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le deuxième moyen de recours soulevé en première instance par Hubei Xinyegang exclusivement sur le fondement des constatations effectuées dans le cadre de l’analyse du premier moyen, il y a lieu, comme le fait valoir la Commission, d’annuler également la partie de l’arrêt attaqué relative à l’analyse du deuxième moyen de recours (points 82 à 89) et, dès lors, l’arrêt attaqué dans son intégralité.

VI. Sur le recours devant le Tribunal

176.

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, la Cour peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

177.

Tel me semble être le cas en ce qui concerne les premier et deuxième moyens de recours soulevés par Hubei Xinyegang devant le Tribunal et résumés aux points 24, 25 et 82 de l’arrêt attaqué. En effet, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, contrairement à ce qu’a constaté le Tribunal, les arguments avancés par Hubei Xinyegang dans le cadre de ces deux premiers moyens ne démontrent aucune erreur manifeste de la part de la Commission dans l’analyse de la sous-cotation des prix et des effets des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union.

178.

J’estime, en revanche, que le litige n’est pas en état d’être jugé par la Cour en ce qui concerne les troisième et quatrième moyens de recours, qui n’ont pas été analysés par le Tribunal dans l’arrêt attaqué et pour lesquels il ne saurait être exclu qu’un complément d’instruction soit nécessaire. Dans ces circonstances, je pense que l’affaire devrait être renvoyée au Tribunal afin qu’il puisse se prononcer sur ces moyens de recours restants.

VII. Sur les dépens

179.

Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Étant donné que cela n’est pas le cas en l’espèce, les dépens sont réservés.

VIII. Conclusion

180.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), est annulé ;

les premier et deuxième moyens de recours invoqués par Hubei Xinyegang Special Tube Co. Ltd en première instance sont rejetés ;

l’affaire est renvoyée devant le Tribunal pour qu’il statue sur les autres moyens ;

les dépens sont réservés.


( 1 ) Langue originale : l’italien.

( 2 ) T‑500/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:691.

( 3 ) JO 2017, L 121, p. 3 (ci-après le « règlement attaqué »).

( 4 ) JO 2016, L 176, p. 21 (ci-après le « règlement de base »).

( 5 ) JO 2016, L 305, p. 1 (ci-après le « règlement provisoire »).

( 6 ) JO 1994, L 336, p. 103.

( 7 ) Voir points 48 à 52 de l’arrêt attaqué.

( 8 ) Voir points 59 à 67 de l’arrêt attaqué.

( 9 ) Voir points 82 à 89 de l’arrêt attaqué.

( 10 ) Voir, en particulier, point 88 de l’arrêt attaqué.

( 11 ) Ordonnance du 24 janvier 2018 du président de la septième chambre du Tribunal. Voir point 12 de l’arrêt attaqué.

( 12 ) Voir points 59 à 67 et 77 à 79 de l’arrêt attaqué.

( 13 ) Voir points 68 à 76 de l’arrêt attaqué.

( 14 ) En effet, il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base qu’un droit antidumping ne saurait être imposé sur un produit faisant l’objet d’un dumping que si la mise en libre pratique de ce produit cause un préjudice.

( 15 ) Voir points 30 et 54 de l’arrêt attaqué.

( 16 ) À cet égard, voir arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal (C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 44 à 46 et jurisprudence citée).

( 17 ) Voir, par analogie, arrêt du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil (C‑76/00 P, EU:C:2003:4, point 56).

( 18 ) Voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2020, Commission/Hongrie (Enseignement supérieur) (C‑66/18, EU:C:2020:792, point 92).

( 19 ) Ainsi qu’il ressort du libellé des dispositions pertinentes susmentionnées, l’analyse des effets sur les prix peut permettre de déterminer non seulement l’existence d’une sous-cotation des prix, mais également le fait que les importations en dumping ont eu pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites.

( 20 ) Voir, en ce sens, rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », points 5.158 et 5.161 (où d’autres renvois sont effectués). Ces principes sont repris en substance aux points 32 et 56 de l’arrêt attaqué.

( 21 ) Voir rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », point 5.141 (où d’autres renvois sont effectués à la note en bas de page 340). Voir, également, point 33 de l’arrêt attaqué.

( 22 ) Voir rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », point 5.180.

( 23 ) Voir, parmi de nombreux autres, arrêt du 19 septembre 2019, Trace Sport (C‑251/18, EU:C:2019:766, point 47 et jurisprudence citée).

( 24 ) Arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission (C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 15 et jurisprudence citée).

( 25 ) Voir point 33 de l’arrêt attaqué.

( 26 ) Considérant 19 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 28 du règlement attaqué.

( 27 ) Voir considérants 22, 25 et 108 du règlement attaqué.

( 28 ) En l’espèce, les caractéristiques prises en considération ont été les suivantes : le type de produit, le diamètre extérieur, l’épaisseur de paroi, la trempe et le revenu, la longueur, l’extrémité du tube et l’essai. Voir considérant 24 du règlement attaqué.

( 29 ) Voir considérant 24 du règlement attaqué.

( 30 ) Voir considérant 69 du règlement attaqué et point 37 de l’arrêt attaqué.

( 31 ) Voir point 37 de l’arrêt attaqué.

( 32 ) Voir point 38 de l’arrêt attaqué.

( 33 ) Arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland (C‑687/13, EU:C:2015:573).

( 34 ) Ainsi qu’il ressort des points 43 et 46 des présentes conclusions, les parties donnent une interprétation divergente de l’arrêt attaqué.

( 35 ) Voir point 65 de l’arrêt attaqué et point 37 des présentes conclusions.

( 36 ) La Commission aborde la question de l’existence d’une telle obligation dans la première branche de son premier moyen de pourvoi.

( 37 ) Voir rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », point 5.180, première phrase.

( 38 ) Voir rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », point 5.180.

( 39 ) Voir point 28 des présentes conclusions.

( 40 ) Voir considérant 96 du règlement (CE) no 2605/2000 du Conseil, du 27 novembre 2000, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certaines balances électroniques originaires de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de Taïwan (JO 2000, L 301, p. 42), faisant l’objet de l’arrêt Shanghai Teraoka.

( 41 ) Voir arrêt Shanghai Teraoka, point 121.

( 42 ) Voir arrêt Shanghai Teraoka, point 127.

( 43 ) Voir arrêt Shanghai Teraoka, point 129.

( 44 ) Voir rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », points 5.179 à 5.181.

( 45 ) Voir rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », point 5.178.

( 46 ) Voir rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », point 5.181.

( 47 ) Voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland (C‑687/13, EU:C:2015:573, points 75 et 76).

( 48 ) Voir arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland (C‑687/13, EU:C:2015:573, point 77). Les principes dégagés dans cet arrêt et dans la jurisprudence citée ont selon moi une portée générale et ne sauraient être remis en cause par les arguments relatifs à la prétendue particularité de la situation d’Hubei Xinyegang dans la présente affaire.

( 49 ) Voir considérants 63 à 79 du règlement attaqué lus conjointement avec les considérants 60 à 62 du règlement provisoire.

( 50 ) Voir, entre autres, par exemple, arrêts du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil (T‑276/13, EU:T:2016:340, point 282), et du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372, point 52).

( 51 ) À cet égard, voir également les considérations figurant aux points 113 à 118 des conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Fliesen-Zentrum Deutschland (C‑687/13, EU:C:2015:349).

( 52 ) Indiquées à la note en bas de page 28 des présentes conclusions.

( 53 ) Voir, notamment, l’annexe produite par la Commission en ce qui concerne le calcul des marges de sous-cotation d’Hubei Xinyegang.

( 54 ) Voir point 67 de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’analyse effectuée au point 61 de celui-ci.

( 55 ) À cet égard, je relève, à titre incident, que le Tribunal a admis qu’il existait une interchangeabilité du côté de l’offre dans la mesure où les fabricants pouvaient facilement adapter leurs moyens de production pour produire les différents types de produits relevant de l’un ou l’autre segment.

( 56 ) Voir point 67 de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’analyse effectuée au point 62 de celui-ci.

( 57 ) Voir point 67 de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’analyse effectuée au point 63 de celui-ci.

( 58 ) Voir points 71 à 74 des présentes conclusions.

( 59 ) Hubei Xinyegang renvoie à l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, ci-après l’« arrêt Changshu City , EU:C:2017:269).

( 60 ) L’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, intitulé « Échantillonnage », prévoit : « 1. Dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de types de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d’après les renseignements disponibles au moment du choix ou au plus grand volume de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible. 2. Le choix final des parties, types de produits ou transactions, effectué en application desdites dispositions relatives à l’échantillonnage, appartient à la Commission, mais la préférence est accordée au choix d’un échantillon en concertation avec les parties intéressées ou avec leur consentement, sous réserve que ces parties se fassent connaître et fournissent suffisamment de renseignements dans les trois semaines suivant l’ouverture de l’enquête afin de permettre le choix d’un échantillon représentatif ».

( 61 ) Voir également, à cet égard, point 152 des présentes conclusions.

( 62 ) Voir arrêt Changshu City, point 61 .

( 63 ) Cette disposition prévoit que « l’existence de marges de dumping au cours de la période d’enquête est normalement établie sur la base d’une comparaison d’une valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations vers l’Union ». Mise en italique par mes soins.

( 64 ) Tel n’est manifestement pas le cas lorsque la valeur normale est déterminée sur la base des données relatives à un pays analogue au sens de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base.

( 65 ) Voir considérants 6 à 13 du règlement provisoire et considérants 6 à 11 du règlement attaqué.

( 66 ) Voir arrêt du 15 juin 2017, T.KUP (C‑349/16, EU:C:2017:469, point 31).

( 67 ) À cet égard, je relève que cette constatation n’est pas remise en cause par l’argument de Hubei Xinyegang repris au point 119 des présentes conclusions, selon lequel la Commission n’a pas contesté le point 86 de l’arrêt attaqué. En effet, au point 76 de cet arrêt, le Tribunal a reproché à la Commission de ne pas avoir pris en considération l’ensemble des données pertinentes dans l’analyse de la sous-cotation des prix et des effets sur les prix et, donc, d’avoir enfreint l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base. Il convient dès lors d’analyser la critique du Tribunal au regard de ces dispositions.

( 68 ) C’est en ce sens qu’il y a lieu d’interpréter l’affirmation de la Commission reproduite au point 70 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « les prix de ces 17 types de produits n’étaient, par définition, “pas sous-cotés par les ventes à l’exportation chinoises de l’échantillon” ».

( 69 ) Cela différencie encore ce cas de celui tranché dans le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », dans lequel les autorités chinoises n’avaient pas constaté de sous-cotation pour les produits relevant de la qualité A parce qu’il n’y avait pas d’importations dans ce segment et non à cause du choix de l’échantillonnage et du choix de la méthode d’analyse.

( 70 ) Arrêts du 10 septembre 2015, Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572, point 46 et jurisprudence citée), ainsi que du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission (C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 15).

( 71 ) Arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil (C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 64 et jurisprudence citée).

( 72 ) Arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission (C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 17 et jurisprudence citée).

( 73 ) Voir, notamment, arrêts du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil (T‑528/09, EU:T:2014:35, point 53), et du 28 juin 2019, Changmao Biochemical Engineering/Commission (T‑741/16, non publié, EU:T:2019:454, point 30 et jurisprudence citée).

( 74 ) Arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 94).

( 75 ) Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire EBMA/Giant (China) (C‑61/16 P, EU:C:2017:615, point 50).

( 76 ) Voir point 29 des présentes conclusions et jurisprudence constante citée à la note 23.