CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 6 février 2020 ( 1 )

Affaire C‑2/19

A.P.

contre

Riigiprokuratuur

[demande de décision préjudicielle formée par la Riigikohus (Cour suprême, Estonie)]

« Renvoi préjudiciel – Décision‑cadre 2008/947/JAI – Surveillance des mesures de probation et des peines de substitution – Reconnaissance et surveillance d’un jugement infligeant une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve mais n’imposant pas de mesure de probation »

I. Introduction

1.

La décision-cadre 2008/947/JAI ( 2 ) introduit un mécanisme de reconnaissance mutuelle spécifique des jugements ou des décisions de probation infligeant des mesures de probation ou des peines de substitution. Elle permet de transférer la surveillance des mesures de probation ou des peines de substitution de l’État membre qui a prononcé la peine et imposé ces mesures vers l’État membre dans lequel la personne condamnée réside. L’article 1er de la décision‑cadre 2008/947 décrit l’objectif de ce mécanisme, qui vise à « faciliter la réhabilitation sociale des personnes condamnées, à améliorer la protection des victimes et de la société en général, et à faciliter l’application de mesures de probation et de peines de substitution appropriées lorsque l’auteur de l’infraction ne vit pas dans l’État de condamnation ».

2.

En l’espèce, les autorités lettones ont demandé aux autorités estoniennes d’appliquer ce mécanisme à un jugement infligeant une peine d’emprisonnement de trois ans, dont l’exécution était suspendue sous condition pendant la même période, si la personne condamnée ne commettait pas de nouvelle infraction pénale intentionnelle. Toutefois, ce jugement n’était assorti d’aucune mesure de probation particulière.

3.

C’est dans ce contexte que la Cour est appelée à statuer sur le champ d’application (matériel) du mécanisme de reconnaissance mutuelle prévu par la décision-cadre 2008/947 : ce mécanisme doit‑il s’appliquer également à un jugement qui prononce uniquement une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve et qui n’inflige pas de mesure de probation ?

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

4.

Le considérant 8 de la décision-cadre 2008/947 énonce que « [l]a reconnaissance mutuelle et la surveillance des peines assorties du sursis avec mise à l’épreuve, des condamnations sous condition, des peines de substitution et des décisions de libération conditionnelle visent à accroître les chances de réinsertion sociale de la personne condamnée en lui donnant la possibilité de conserver ses liens familiaux, linguistiques, culturels et autres ; l’objectif consiste toutefois également à améliorer le contrôle du respect des mesures de probation et des peines de substitution dans le but de prévenir la récidive et de tenir ainsi compte du souci de protection des victimes et de la société en général ».

5.

Le considérant 9 de la décision-cadre 2008/947 déclare qu’« [i]l existe plusieurs types de mesures de probation et de peines de substitution qui sont communément appliquées dans les États membres et que tous les États membres sont en principe disposés à surveiller. La surveillance de ces types de mesures et de peines devrait être obligatoire, sous réserve de certaines exceptions prévues par la présente décision-cadre. En outre, les États membres peuvent déclarer qu’ils sont disposés à surveiller d’autres types de mesures de probation ou de peines de substitution ».

6.

L’article 1er de la décision-cadre 2008/947 définit les objectifs et le champ d’application :

« 1.   La présente décision-cadre vise à faciliter la réhabilitation sociale des personnes condamnées, à améliorer la protection des victimes et de la société en général, et à faciliter l’application de mesures de probation et de peines de substitution appropriées lorsque l’auteur de l’infraction ne vit pas dans l’État de condamnation. En vue d’atteindre ces objectifs, la présente décision-cadre définit les règles selon lesquelles un État membre autre que celui où la personne a été condamnée reconnaît les jugements et, le cas échéant, les décisions de probation et surveille les mesures de probation prononcées sur la base d’un jugement ou les peines de substitution qu’il comporte et prend toute autre décision en rapport avec ledit jugement, sauf si la présente décision-cadre en dispose autrement.

2.   La présente décision-cadre s’applique uniquement :

a)

à la reconnaissance de jugements et, le cas échéant, de décisions de probation ;

b)

au transfert de la surveillance de mesures de probation et de peines de substitution ;

c)

à toute autre décision liée à celles qui sont visées aux points a) et b),

conformément à ce que décrit et prévoit la présente décision-cadre.

[…] »

7.

L’article 2 de la décision-cadre 2008/947 définit les termes suivants :

« Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par :

1)   “jugement”, la décision définitive rendue par une juridiction de l’État d’émission établissant qu’une personne physique a commis une infraction pénale et prononçant :

a)

une peine ou mesure privative de liberté si une libération conditionnelle a été accordée sur la base de ce jugement ou par une décision de probation ultérieure ;

b)

une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve ;

c)

une condamnation sous condition ;

d)

une peine de substitution ;

2)   “peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve”, une peine ou mesure privative de liberté dont l’exécution est suspendue sous condition, en totalité ou en partie, au moment de la condamnation, du fait de l’adoption d’une ou de plusieurs mesures de probation. Ces mesures de probation peuvent être inscrites dans le jugement lui‑même ou arrêtées dans une décision de probation distincte rendue par une autorité compétente ;

3)   “condamnation sous condition”, un jugement décidant l’ajournement du prononcé d’une peine du fait de l’adoption d’une ou de plusieurs mesures de probation, ou imposant une ou plusieurs mesures de probation au lieu d’une peine ou mesure privative de liberté. Ces mesures de probation peuvent être inscrites dans le jugement lui‑même ou arrêtées dans une décision de probation distincte, prise par une autorité compétente ;

[…]

5)   “décision de probation”, un jugement ou une décision définitive rendue par une autorité compétente de l’État d’émission sur la base d’un tel jugement :

a)

accordant la libération conditionnelle ; ou

b)

prononçant des mesures de probation ;

[…]

7)   “mesures de probation”, des obligations et injonctions imposées par une autorité compétente à une personne physique conformément aux dispositions du droit interne de l’État d’émission en liaison avec une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve, une condamnation sous condition ou une libération conditionnelle ;

[…] »

8.

L’article 4, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947 énumère, sous a) à k), différents types de mesures de probation et de peines de substitution auxquelles la décision-cadre s’applique. Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, chaque État membre notifie au secrétariat général du Conseil les mesures de probation et les peines de substitution, autres que celles mentionnées à l’article 4, paragraphe 1, qu’il est disposé à surveiller.

9.

L’article 14 de la décision-cadre 2008/947 concerne la « [c]ompétence pour toute décision ultérieure et [la] loi applicable » :

« 1.   L’autorité compétente de l’État d’exécution est compétente pour prendre toute décision ultérieure ayant trait à une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve, une libération conditionnelle, une condamnation sous condition ou une peine de substitution, en particulier lorsqu’une mesure de probation ou une peine de substitution n’a pas été respectée ou lorsque la personne condamnée commet une nouvelle infraction pénale.

Ces décisions ultérieures sont notamment :

a)

la modification des obligations ou des injonctions que comporte la mesure de probation ou la peine de substitution, ou la modification de la durée de la période de probation ;

b)

la révocation du sursis à l’exécution du jugement ou la révocation de la décision de libération conditionnelle ; ainsi que

c)

le prononcé d’une peine ou d’une mesure privative de liberté en cas de peine de substitution ou de condamnation sous condition.

2.   La loi applicable aux décisions rendues conformément au paragraphe 1, ainsi qu’à toutes les conséquences découlant du jugement, y compris, le cas échéant, à l’exécution de la peine et, au besoin, à l’adaptation de la peine ou mesure privative de liberté, est celle de l’État d’exécution.

[…] »

B.   Le droit estonien

10.

Conformément à l’article 50857 du kriminaalmenetluse seadustik (code de procédure pénale, Estonie), la reconnaissance des jugements et l’exercice de la surveillance ordonnée en vertu de cet article ne sont autorisés que pour une liste de mesures de probation ou de peines de substitution correspondant à la liste figurant à l’article 4, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947.

III. Les faits, le déroulement de la procédure et la question préjudicielle

11.

Par jugement du 24 janvier 2017, la Rīgas pilsētas Latgales priekšpilsētas tiesa (tribunal de la ville de Riga, arrondissement suburbain de Latgale, Lettonie) a, conformément à l’article 20, paragraphe 4, et à l’article 195, paragraphe 3, du Krimināllikums (code pénal, Lettonie), reconnu le requérant coupable d’avoir, à grande échelle, soutenu le blanchiment de moyens financiers issus du crime (ci‑après le « jugement en cause »). Le requérant a été condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans, dont l’exécution a été suspendue sous condition pendant un délai d’épreuve de trois ans, s’il ne commettait pas de nouvelle infraction pénale intentionnelle.

12.

Les autorités lettones ont demandé aux autorités estoniennes de reconnaître et d’exécuter le jugement en cause en Estonie.

13.

Par ordonnance du 16 février 2018, le Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju, Estonie) a déclaré le jugement en cause exécutoire en Estonie. Le Riigiprokurör (procureur général, Estonie) a estimé que le jugement en cause ne pouvait pas être reconnu en Estonie en raison de l’absence de base juridique. Toutefois, le Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju) n’a pas été de cet avis et a considéré que le fait qu’aucune mesure de probation ou peine de substitution n’a été imposée n’empêchait pas la reconnaissance du jugement en cause. Il s’est référé à l’article 14 de la décision-cadre 2008/947, en vertu duquel l’autorité compétente de l’État d’exécution est compétente pour prendre toute décision ultérieure ayant trait à une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve, notamment lorsque la personne condamnée commet une nouvelle infraction pénale pendant le délai d’épreuve. Même si aucune mesure de probation ou peine de substitution n’a été imposée à la personne condamnée, le jugement en cause était lié à un délai d’épreuve qui n’avait pas encore expiré.

14.

Par ordonnance du 21 mars 2018, la Tallinna Ringkonnakohus (cour d’appel de Tallinn, Estonie) a confirmé l’ordonnance rendue en première instance.

15.

Le requérant a formé un pourvoi contre cette ordonnance auprès de la Riigikohus (Cour suprême, Estonie), la juridiction de renvoi, en demandant l’annulation des deux ordonnances et la non‑reconnaissance du jugement en cause. À ses yeux, ce jugement n’impose aucune des mesures visées à l’article 50857 du code de procédure pénale, qui est exhaustif. Si un jugement d’un autre État membre comportant une condamnation n’impose aucune mesure de probation ou peine de substitution prévue par cette disposition, le jugement ne peut pas être reconnu.

16.

Le procureur général a de nouveau souscrit à ce point de vue et a réaffirmé qu’il n’y avait pas de base juridique pour la reconnaissance du jugement en cause.

17.

Dans ces circonstances, la Riigikohus (Cour suprême) a sursis à statuer et a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante :

« Convient-il de considérer que la reconnaissance d’un jugement d’un État membre et la surveillance de son exécution sont conformes à la [décision-cadre 2008/947] également lorsque la personne condamnée a, par ce jugement, été dispensée de l’exécution d’une peine d’emprisonnement sous condition [ ( 3 )] sans se voir imposer de quelconques obligations supplémentaires, de sorte que la personne condamnée a pour seule obligation de s’abstenir de commettre une nouvelle infraction intentionnelle pendant le délai d’épreuve [il s’agit de la dispense de l’exécution d’une peine sous condition au sens de l’article 73 du karistusseadustik (code pénal, Estonie)] ? »

18.

Des observations écrites ont été présentées par les gouvernements estonien, letton et hongrois ainsi que par la Commission européenne. Toutes ces parties, de même que le requérant et le gouvernement polonais, ont participé à l’audience de plaidoiries du 14 novembre 2019.

IV. Appréciation

19.

Les présentes conclusions sont structurées comme suit. Je commencerai par la recevabilité de la question préjudicielle (A). J’examinerai ensuite le standard requis en matière d’information et de communication entre les autorités respectives de l’État membre d’émission et de l’État membre d’exécution (B). Enfin, j’aborderai la question clé de la présente affaire, en expliquant pourquoi, à mon avis, le jugement en cause ne relève pas du champ d’application de la décision‑cadre 2008/947 (C).

A.   Recevabilité

20.

Le gouvernement letton considère que la présente question préjudicielle doit être déclarée irrecevable au motif qu’elle repose, selon lui, sur une méconnaissance de la portée du jugement en cause. Ce gouvernement souligne que le droit letton permet de révoquer le sursis non seulement si une nouvelle infraction pénale intentionnelle est commise, mais également en cas de commission d’une nouvelle infraction pénale, quelle qu’elle soit. En outre, le droit letton impose automatiquement d’autres obligations aux personnes en probation. Il est donc erroné de considérer que la seule obligation imposée à la personne condamnée en question est de ne pas commettre une nouvelle infraction pénale.

21.

Je prends note des éclaircissements fournis par le gouvernement letton. Toutefois, le fait est que, dans sa décision de renvoi, la juridiction nationale indique clairement que le jugement en cause ne comporte pas de mesure de probation. C’est également ce qui ressort de la lettre j), point 4, du certificat dont le formulaire standard figure à l’annexe I de la décision-cadre 2008/947 (ci‑après le « certificat visé à l’annexe I »), qui, en l’espèce, a été rempli par les autorités lettones et fait partie intégrante du dossier de l’affaire.

22.

Dans des circonstances factuelles aussi claires, les explications complémentaires fournies par le gouvernement letton, loin de réfuter une quelconque affirmation de la juridiction de renvoi, laissent entrevoir une question différente : quel devrait être le standard requis en matière d’information et de communication entre les autorités d’émission et les autorités d’exécution dans le contexte de la décision‑cadre 2008/947 ? Toutes les informations doivent‑elles figurer dans le certificat visé à l’annexe I ? Les autorités de l’État membre d’exécution devraient-elles être chargées de vérifier elles‑mêmes si des mesures de probation, qui ne sont pas explicitement mentionnées dans le certificat visé à l’annexe I, pourraient effectivement être imposées en vertu de la législation de l’État d’émission ?

23.

Que la présente affaire soit vue comme concernant simplement le standard requis en matière d’information et de communication à fournir par les autorités d’émission (B), ou qu’elle soit comprise comme portant sur le champ d’application matériel de la décision-cadre 2008/947 (C), il ne fait aucun doute à mes yeux que les deux cas de figure concernent l’interprétation de ladite décision‑cadre et que la question posée est donc recevable.

B.   Le standard requis et la clarté en matière d’information et de communication

24.

Comme d’autres instruments du droit de l’Union relatifs à la coopération judiciaire en matière pénale, le certificat visé à l’annexe I de la décision-cadre 2008/947 ne manque pas de lignes et de cases à remplir par les autorités d’émission. Parmi celles‑ci figure la lettre j), intitulée « Informations concernant la durée et la nature de la (des) mesure(s) de probation ou de la (des) peine(s) de substitution ». La lettre j), point 1, appelle l’indication de la « [d]urée totale de la surveillance de la (des) mesure(s) de probation ou de la (des) peine(s) de substitution ». La lettre j), point 4, concerne la « [n]ature de la (des) mesure(s) de probation ou de la (des) peine(s) de substitution », et contient une liste de douze cases à cocher possibles, qui reproduit pour l’essentiel la liste figurant à l’article 4, paragraphe 1, de la décision‑cadre 2008/947 en y ajoutant une case reflétant l’article 4, paragraphe 2. L’autorité compétente de l’État d’émission doit cocher une ou plusieurs des douze cases, selon le type de mesure de probation ou de peine de substitution imposée (la possibilité de cocher plusieurs cases étant explicitement prévue).

25.

Il ressort du dossier de la présente affaire que l’autorité compétente de l’État d’émission n’a coché aucune des cases énumérées à la lettre j), point 4, du certificat visé à l’annexe I, tout en indiquant à la lettre j), point 1, que la durée de la surveillance de la mesure de probation était de trois ans.

26.

À l’audience, le gouvernement letton a expliqué que la manière dont l’autorité compétente lettone avait procédé dans cette affaire correspondait à la pratique nationale selon laquelle les mesures de probation imposées ne sont effectivement pas incluses dans le jugement mais s’appliquent de plein droit ( 4 ).

27.

La question générale qui se pose dans ces circonstances est de savoir si la mesure de probation ou la peine de substitution peut être définie ailleurs que dans le jugement ou la décision de probation. Je distinguerais deux niveaux dans cette question.

28.

D’une part, il appartient assurément à chaque État membre de structurer son propre système d’imposition de mesures de probation. Au niveau national, ces mesures peuvent être définies dans le jugement lui‑même, dans une décision de probation faisant suite au jugement, voire dans un jugement qui renvoie simplement à une disposition normative spécifique définissant les mesures de probation applicables.

29.

D’autre part, pour des raisons opérationnelles et pratiques, cette liberté est quelque peu circonscrite dès lors que ce qui est recherché est la reconnaissance et la surveillance des mesures de probation au niveau européen. Lorsque la reconnaissance au titre de la décision-cadre 2008/947 est demandée dans un autre État membre, les documents transmis (et notamment le certificat visé à l’annexe I) ( 5 ) doivent indiquer clairement quelles mesures de probation ou peines de substitution spécifiques doivent être surveillées.

30.

Je tiens à souligner ce point sans ambiguïté : toutes les informations nécessaires doivent figurer dans le certificat visé à l’annexe I. La coopération judiciaire entre les États membres est basée sur l’idée d’une communication standardisée et donc simplifiée. Il n’incombe pas aux autorités de l’État membre d’exécution d’entamer une enquête sur le fonctionnement du système juridique national de l’État membre d’émission, afin d’identifier ou de vérifier les obligations spécifiques qui auraient pu être imposées à la personne condamnée en vertu du droit national, mais que l’autorité requérante aurait omis de mentionner.

31.

Dans ce contexte juridique, et tout en tenant dûment compte de l’explication fournie par le gouvernement letton au sujet de sa législation, on ne peut ignorer que les autorités estoniennes ont été laissées dans un certain flou s’agissant de la question de savoir quelle est la mesure de probation à surveiller. Comme il a été indiqué précédemment, aucune case spécifique n’a été cochée à la lettre j), point 4, du certificat visé à l’annexe I, ce qui correspond vraisemblablement au fait qu’aucune mesure de probation spécifique n’a été imposée par le jugement en cause.

32.

En réponse à cette question, le gouvernement letton renvoie à l’article 15 de la décision-cadre 2008/947, qui dispose que, « [à] chaque fois que cela est jugé nécessaire, les autorités compétentes de l’État d’émission et celles de l’État d’exécution peuvent se consulter mutuellement en vue de faciliter l’application efficace et sans heurts de la présente décision-cadre ». Le gouvernement letton suggère que lorsque les informations sur les mesures de probation font défaut, les autorités de l’État d’exécution devraient faire usage de cette disposition. Elles devraient prendre contact avec les autorités de l’État d’émission pour s’enquérir des obligations de surveillance censées s’appliquer à la personne condamnée.

33.

Comme dans le cas de dispositions analogues d’autres instruments de coopération judiciaire en matière pénale ( 6 ), il ne fait aucun doute que la communication entre les autorités compétentes est cruciale ( 7 ). Toutefois, les règles applicables de chaque instrument, et en particulier le niveau requis d’informations à fournir, devraient être interprétées de manière à réduire au minimum la nécessité d’une telle communication supplémentaire. La nécessité d’introduire des demandes d’informations supplémentaires devrait rester l’exception et ne pas devenir la règle ( 8 ).

34.

Les autorités de l’État d’exécution devraient donc pouvoir se fonder sur les informations fournies dans le certificat visé à l’annexe I pour comprendre quelles mesures doivent être surveillées. Il ne leur incombe pas d’engager une discussion approfondie avec les autorités de l’État d’émission afin de combler la lacune (importante) dans les informations fournies ( 9 ), celles‑ci constituant, de fait, l’élément central de l’application de la décision-cadre.

35.

Au vu de ces éléments, on ne peut que conclure qu’il existe des lacunes dans l’approche adoptée par les autorités lettones en ce qui concerne la procédure de reconnaissance mutuelle et, en particulier, la manière dont elles ont rempli le certificat visé à l’annexe I. Le gouvernement letton semble l’avoir reconnu à l’audience.

36.

Ainsi, bien que, dans une certaine mesure, la présente affaire puisse effectivement être considérée comme portant sur le standard approprié en matière d’information et de communication dans le contexte de la décision-cadre 2008/947, les faits de l’affaire demeurent ceux qui ont été exposés par la juridiction de renvoi. Celle‑ci est confrontée à une demande de reconnaissance d’un jugement imposant une peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve sans qu’aucune mesure de probation ait été définie dans la documentation fournie. La question de savoir si, dans ces circonstances, ladite juridiction est toujours tenue de reconnaître le jugement en cause est celle que j’examinerai à présent.

C.   Une peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve est‑elle une mesure de probation ?

37.

La juridiction de renvoi demande, en substance, si la décision‑cadre 2008/947 doit s’appliquer à un jugement qui n’impose aucune mesure spécifique de probation et dans lequel la seule obligation qui s’applique à la personne condamnée est de ne pas commettre une nouvelle infraction pendant le délai d’épreuve de trois ans.

38.

Afin de déterminer si un tel jugement, que je désignerai, par souci de commodité, comme une simple peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, doit être reconnu en vertu de la décision-cadre 2008/947, j’examinerai le libellé (1), le contexte (2) et l’objectif (3) de cet instrument.

1. Le libellé

39.

Pour commencer, le titre de la décision-cadre 2008/947 indique clairement que cet instrument introduit un mécanisme de reconnaissance aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution. Il ne s’agit pas d’une mesure de reconnaissance générale de tout jugement.

40.

Les différentes dispositions introductives de la décision‑cadre 2008/947 définissent également son champ d’application en des termes clairs. Elles lient toutes le jugement ou les décisions de probation devant être reconnus au fait qu’un tel jugement ou une telle décision doit imposer une mesure de probation ou une peine de substitution.

41.

L’article 1er, paragraphe 1, indique que la décision-cadre 2008/947 « définit les règles selon lesquelles un État membre autre que celui où la personne a été condamnée reconnaît les jugements et, le cas échéant, les décisions de probation et surveille les mesures de probation prononcées sur la base d’un jugement ou les peines de substitution qu’il comporte et prend toute autre décision en rapport avec ledit jugement, sauf si la […] décision‑cadre en dispose autrement » ( 10 ).

42.

Le libellé des articles 2 et 4 de la décision-cadre 2008/947 corrobore ce constat.

43.

Les définitions des expressions « peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve » et « condamnation sous condition », figurant à l’article 2, points 2) et 3), de la décision-cadre 2008/947, impliquent toutes deux l’adoption simultanée d’une ou de plusieurs mesures de probation « inscrites dans le jugement lui‑même ou arrêtées dans une décision de probation distincte rendue par une autorité compétente ».

44.

En vertu de l’article 2, point 7), on entend par « mesures de probation » des obligations et injonctions imposées par une autorité compétente à une personne physique conformément aux dispositions du droit interne de l’État d’émission en liaison avec une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve, une condamnation sous condition ou une libération conditionnelle.

45.

En outre, l’article 4, paragraphe 1, contient une liste de mesures de probation auxquelles la décision-cadre 2008/947 s’applique. La liste figurant à l’article 4, paragraphe 1, peut être complétée conformément à l’article 4, paragraphe 2, en vertu duquel les États membres doivent notifier au secrétariat général du Conseil les mesures de probation et les peines de substitution, autres que celles mentionnées à l’article 4, paragraphe 1, qu’ils sont disposés à surveiller ( 11 ). Toutefois, la République d’Estonie n’ayant pas procédé à une telle notification, l’analyse dans la présente affaire se concentre sur la liste de l’article 4, paragraphe 1.

46.

Le libellé de toutes les dispositions précitées prouve une chose : pour que la décision-cadre 2008/947 s’applique, il doit exister soit un jugement ou une décision de probation imposant, simultanément, une mesure de probation ou une peine de substitution. Alors que la relation logique au sein du premier ensemble (jugement ou décision de probation) et du second ensemble (mesure de probation ou peine de substitution) est ou (disjonction), la relation globale entre les deux ensembles est et (conjonction) : pour que l’affirmation globale soit vraie, les deux propositions individuelles doivent l’être également. Par conséquent, compte tenu du libellé de la décision-cadre 2008/947, celle‑ci n’est manifestement pas applicable à un jugement imposant une simple peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, puisqu’un tel jugement ne contient ni mesure de probation ni peine de substitution.

47.

Cette conclusion intermédiaire appelle la question suivante : l’obligation de ne pas commettre une nouvelle infraction pénale pourrait‑elle être considérée en soi comme une « mesure de probation » au sens de la décision-cadre 2008/947, comme le soutient notamment la Commission ?

48.

Je considère que cette thèse est difficile à admettre pour au moins trois raisons.

49.

Premièrement, l’obligation de ne pas commettre une nouvelle infraction pénale ne figure pas sur la liste de l’article 4, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947. Or, l’imposition d’une simple peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve est un phénomène assez courant dans un certain nombre d’États membres, en particulier dans les cas d’infractions moins graves commises par des délinquants primaires. En outre, il ressort du considérant 9 de la décision-cadre 2008/947 que les types de mesures de probation et de peines de substitution énumérées à l’article 4, paragraphe 1, sont « communément appliquées dans les États membres » et que « tous les États membres sont en principe disposés à [les] surveiller ». Ce constat est en soi déjà frappant : si la condition consistant à ne pas commettre une autre infraction pendant une période donnée était effectivement considérée comme une mesure de probation « communément appliqué[e] dans les États membres », serait‑il possible que le législateur de l’Union ait négligé son existence et ne l’ait pas incluse sur la liste de l’article 4, paragraphe 1, de cette décision-cadre ?

50.

Deuxièmement, la Commission suggère que la situation en question pourrait relever de l’article 4, paragraphe 1, sous d), de la décision-cadre 2008/947, qui concerne les « injonctions concernant le comportement, la résidence, la formation, les loisirs, ou comportant des restrictions ou des modalités relatives à l’exercice d’une activité professionnelle » ( 12 ).

51.

Cette suggestion ne me convainc pas. Une obligation aussi générale et générique que celle de ne pas commettre une nouvelle infraction pénale tranche avec la nature plutôt spécifique et concrète des obligations potentielles énumérées à l’article 4, paragraphe 1, sous d) (résidence, activités, formation, etc.). Ce contraste est renforcé par le considérant 10 de la décision-cadre 2008/947, qui indique que « [l]es mesures de probation et les peines de substitution qu’il est en principe obligatoire de surveiller comprennent entre autres les injonctions concernant le comportement (telle l’obligation de cesser de consommer de l’alcool), la résidence (telle l’obligation de changer de résidence en raison d’actes de violence familiale), la formation (telle l’obligation de suivre un “cours de conduite sûre”), les loisirs (telle l’obligation de cesser de pratiquer un sport donné ou d’assister à la pratique de ce sport) et les restrictions ou modalités relatives à l’exercice d’une activité professionnelle (telle l’obligation de rechercher une activité professionnelle dans un autre cadre de travail) » ( 13 ).

52.

En outre, la logique générale sous‑tendant l’argument de la Commission me semble problématique. Il ne fait aucun doute que, à un certain niveau, l’obligation de ne pas commettre une nouvelle infraction pénale vise, en termes généraux, un comportement déterminé. Toutefois, selon cette logique, tout mot apparaissant à l’article 4, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947 extrait de cette disposition et sorti de son contexte, pourrait recouvrir n’importe quelle réalité. Pourquoi ne pas alors choisir le mot « obligation » et ne pas voir sous chaque point de l’article 4, paragraphe 1, contenant ce mot l’« obligation de ne pas commettre une nouvelle infraction pendant une période donnée » ?

53.

Troisièmement, je note que, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947, « [l]’autorité compétente de l’État d’exécution est compétente pour prendre toute décision ultérieure ayant trait à une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve, une libération conditionnelle, une condamnation sous condition ou une peine de substitution, en particulier lorsqu’une mesure de probation ou une peine de substitution n’a pas été respectée ou lorsque la personne condamnée commet une nouvelle infraction pénale » ( 14 ).

54.

Cette disposition établit donc une distinction claire entre le non‑respect d’une mesure de probation, d’une part, et la commission d’une nouvelle infraction pénale, d’autre part. Ce libellé présente clairement une alternative supplémentaire, différente du non‑respect d’une mesure de probation. En d’autres termes, si l’obligation de ne pas commettre une nouvelle infraction était, en soi, une mesure de probation, la distinction entre le non‑respect d’une mesure de probation et la commission d’une nouvelle infraction serait superflue.

55.

À la lumière des éléments textuels évoqués ci‑dessus, il me faut conclure que la décision-cadre 2008/947 ne s’applique pas à un jugement qui impose une simple peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve mais aucune mesure de probation. L’obligation de ne pas récidiver pendant la durée de la suspension ne constitue pas, en soi, une mesure de probation.

56.

Cette conclusion est corroborée par un examen du contexte et de la logique internes et externes de l’instrument en question.

2. Le contexte et la logique internes et externes

57.

La décision-cadre 2008/947 a remplacé les dispositions correspondantes de la convention du Conseil de l’Europe du 30 novembre 1964 pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition ( 15 ). Le lien précis entre ces deux instruments n’est pas explicité davantage au‑delà des déclarations selon lesquelles, d’une part, la convention antérieure « n’a[vait] été ratifiée que par douze États membres, dont certains ont formulé de nombreuses réserves » et, d’autre part, la décision-cadre 2008/947 « constitue un instrument plus efficace parce qu’elle est fondée sur le principe de la reconnaissance mutuelle et que tous les États membres y participent » ( 16 ).

58.

On ne peut donc guère tirer d’enseignements de la convention antérieure et de sa portée aux fins d’interpréter le champ d’application de la décision-cadre 2008/947. Par conséquent, les indications utiles devraient plutôt être recherchées dans la logique interne de la décision‑cadre 2008/947 elle‑même [a)], et dans le contexte externe, à savoir les autres instruments législatifs de l’Union européenne dans le domaine de la coopération en matière pénale [b)].

a) La logique interne

59.

Comme l’a suggéré, en substance, le gouvernement polonais, la décision-cadre 2008/947 repose sur l’idée que si le juge s’abstient de prononcer une peine ou une mesure privative de liberté et prononce, en lieu et place, une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve ou une condamnation sous condition accompagnée d’une mesure de probation (ou d’une peine de substitution), la personne condamnée aura de meilleures chances de se réinsérer dans la société (ce qui contribue à la prévention de la récidive et à la protection de la société contre les activités criminelles). Cette personne aura également la possibilité de s’installer dans un autre État membre qui assurera le respect des conditions liées à la condamnation. Cet État sera l’État membre de résidence ou, en application de conditions supplémentaires, un autre État membre, par exemple si la personne s’y est vu accorder un contrat de travail, si elle est un membre de la famille d’une personne qui a sa résidence légale habituelle dans cet État membre ou si elle a l’intention de suivre des études ou une formation dans cet État membre ( 17 ).

60.

Pour résumer, il semblerait que la logique soit de permettre à une personne de se déplacer même en présence de certaines contraintes. En pareil cas, les contraintes sont censées se déplacer avec la personne. Néanmoins, s’il n’y a pas de contraintes particulières, qu’y a‑t‑il à déplacer ? S’il n’existe pas de mesure de probation spécifique à déplacer dans un autre État membre, faire en sorte que la personne relève de la décision‑cadre 2008/947 dans l’État membre d’exécution reviendrait à créer des contraintes qui n’existaient pas auparavant.

61.

Ce point est lié à un autre argument structurel. Dans le contexte de l’application de la décision-cadre 2008/947, la communication et la surveillance sont assurées par les autorités désignées par les États membres en vertu de l’article 3 de ladite décision-cadre. Ces autorités spécifiquement désignées non seulement communiquent entre elles, mais assurent également la liaison avec les structures spécialisées des institutions de l’État membre qui ont la capacité et l’expertise nécessaires pour contrôler le respect (de la liste exhaustive) des mesures de probation définies à l’article 4, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947 (ou notifiées au titre de l’article 4, paragraphe 2).

62.

En revanche, qui surveillerait l’absence de commission d’une nouvelle infraction par une personne condamnée, et de quelle manière ? Cette tâche incombe normalement à toutes les autorités répressives chargées de prévenir et de poursuivre les activités criminelles dans un État membre et de mener des enquêtes en la matière. Ainsi, la « surveillance » de toute mesure de ce type serait, par sa nature même, diffuse et générale, et incomberait à toutes les autorités répressives de l’État membre, et pas nécessairement ou uniquement à un réseau spécialisé d’autorités de probation.

63.

Cette distinction d’ordre institutionnel souligne davantage encore la différence entre la nature et la logique d’une mesure de probation spécifique, d’une part, et de l’interdiction générique de commettre une nouvelle infraction qui découle d’une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve, d’autre part.

b) Le contexte externe

64.

Le principe de reconnaissance mutuelle, la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire en matière pénale au sein de l’Union européenne ( 18 ), a été mis en œuvre au niveau de l’Union pour certains aspects de l’application du droit pénal. Deux autres instruments sont pertinents aux fins de l’interprétation de la décision-cadre 2008/947 dans le contexte de la présente affaire : la décision-cadre 2008/675/JAI relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale ( 19 ) et la décision-cadre 2008/909/JAI concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne ( 20 ).

65.

Les décisions-cadres 2008/909 et 2008/947 visent à rendre le principe de reconnaissance mutuelle applicable, d’une part, aux jugements en matière pénale prononçant une peine privative de liberté et, d’autre part, aux jugements imposant des mesures de probation ou des peines de substitution. Alors que le premier instrument s’applique ainsi aux cas dans lesquels les personnes condamnées sont privées de liberté, le second vise les situations dans lesquelles les intéressés ne font pas l’objet d’une telle privation, mais se voient imposer d’autres mesures, qu’il s’agisse de mesures de probation ou de peines de substitution.

66.

La décision-cadre 2008/675 constitue un autre outil qui, toutefois, diffère des autres quant à sa nature et à sa fonction, comme la Commission l’a fait observer à l’audience. Elle n’institue pas un mécanisme de reconnaissance comparable à celui mis en place par les deux autres décisions-cadres. Elle ne transfère aucune compétence à l’égard de la personne concernée ni aucune condamnation d’un État membre à l’autre. La disposition clé de la décision-cadre 2008/675, à savoir l’article 3, paragraphe 1, exige que les États membres tirent des condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres des conséquences équivalentes à celles tirées de condamnations nationales antérieures. À cette fin, cet instrument n’opère pas de distinction entre les peines qui impliquent une privation de liberté et celles qui n’ont pas cet effet, ni entre les peines assorties ou non d’un sursis avec mise à l’épreuve. Toutes les condamnations pénales sont visées.

67.

À la différence de ce dernier instrument, la décision-cadre 2008/947 transfère la compétence relative à l’exécution d’une peine prononcée dans un autre État membre. La décision-cadre 2008/947 permet, en particulier dans les conditions prévues à son article 14, aux autorités de l’État membre d’exécution de modifier les modalités de la peine : les États membres sont habilités à modifier ou adapter une condamnation pénale définitive prononcée dans un autre État membre. Toutefois, cette faculté constitue une exception au principe général, applicable par défaut, de la territorialité du droit pénal. Ce constat semble être confirmé par la comparaison avec l’article 3, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/675, aux termes duquel « [l]a prise en compte de condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre […] n’a pour effet ni d’influer sur ces condamnations antérieures ou toute décision relative à leur exécution dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure, ni de les révoquer, ni de les réexaminer ».

68.

Dans l’affaire C-171/16, la Cour a reconnu ce fait, en déclarant que cette « disposition exclut […] tout réexamen desdites condamnations [antérieures], qui doivent donc être prises en compte telles qu’elles ont été prononcées » ( 21 ). La décision-cadre 2008/675 s’oppose donc à ce qu’un État membre, lorsqu’il tient compte de condamnations antérieures, modifie les modalités d’exécution de la peine prononcée dans un autre État membre ( 22 ).

69.

Je tire deux conséquences de ce contexte législatif.

70.

Premièrement, s’il était conclu que la décision-cadre 2008/947 ne s’applique pas à une simple peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, cela ne signifierait bien sûr pas qu’une telle décision judiciaire ne peut pas être prise en compte dans un autre État membre. Cette prise en considération interviendrait simplement sur la base d’un instrument distinct de la décision-cadre 2008/947. À l’instar de la Commission, les gouvernements hongrois et polonais notent, en substance, que le présent cas de figure entre dans le champ d’application de la décision-cadre 2008/675. En d’autres termes, si la personne concernée commettait une nouvelle infraction pénale dans un autre État membre (dans le cas du requérant, dans un État autre que la République de Lettonie), sa condamnation antérieure prononcée par le jugement en cause pourrait être prise en compte par les autorités compétentes dans les conditions définies par la décision-cadre 2008/675.

71.

Deuxièmement, il ressort du contexte législatif propre à ce domaine du droit que le système de la décision-cadre 2008/947, et en particulier son article 14, énonce l’exception aux règles applicables par ailleurs. Mais alors, comme pour toute exception, la portée de celle‑ci ne doit-elle pas être interprétée de manière restrictive ? De tels transferts de compétence en matière pénale ne devraient-ils pas avoir lieu uniquement dans les cas établis par le législateur de l’Union de manière claire et sans équivoque ? La relation mutuelle entre la décision-cadre 2008/675 et la décision-cadre 2008/947 constitue, à mes yeux, une raison supplémentaire d’interpréter ce dernier instrument avec prudence et de manière restrictive.

72.

J’admets naturellement que les conséquences découlant de la décision-cadre 2008/675 sont potentiellement d’une « intensité normative » moindre que celles résultant de la décision-cadre 2008/947. En effet, comme la Cour l’a déclaré en substance dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Beshkov (C‑171/16, EU:C:2017:710), la « prise en compte » d’une condamnation antérieure ne peut pas affecter et modifier les modalités d’exécution de la peine précédemment prononcée dans un autre État membre ( 23 ). J’admets également que la conclusion quant à la non‑applicabilité de la décision-cadre 2008/947 à une simple peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve signifie que la compétence relative à son exécution ne peut être transférée à l’État de résidence de la personne visée par cette condamnation. Néanmoins, cette conséquence découle clairement du régime législatif de l’Union actuellement en vigueur, tout au moins en ce qui concerne, à mon sens, le libellé et le contexte de ces mesures. Le dernier élément à analyser est celui de l’objectif : une interprétation large du champ d’application de la décision‑cadre 2008/947 permettrait‑elle de servir son objectif d’une manière ou d’une autre ?

3. L’objectif

73.

En vertu de son article 1er, paragraphe 1, la décision-cadre 2008/947 vise premièrement à « faciliter la réhabilitation sociale des personnes condamnées », deuxièmement à « améliorer la protection des victimes et de la société en général » et troisièmement à « faciliter l’application de mesures de probation et de peines de substitution appropriées lorsque l’auteur de l’infraction ne vit pas dans l’État de condamnation ».

74.

Le considérant 8 développe le premier objectif en ajoutant que la décision‑cadre 2008/947 « accroî[t] les chances de réinsertion sociale de la personne condamnée en lui donnant la possibilité de conserver ses liens familiaux, linguistiques, culturels et autres ».

75.

S’agissant du deuxième objectif, ce même considérant indique qu’en « amélior[ant] le contrôle du respect des mesures de probation et des peines de substitution dans le but de prévenir la récidive », la décision‑cadre 2008/947 tient ainsi également compte « du souci de protection des victimes et de la société en général ».

76.

Quant au troisième objectif, selon le rapport de mise en œuvre de la Commission, « [l]a mise en œuvre correcte de la [décision-cadre 2008/947] encouragera […] les juges à prononcer une peine de substitution à exécuter à l’étranger en lieu et place d’une peine de détention, dans la mesure où ils auront l’assurance que la personne sera adéquatement surveillée dans un autre État membre » ( 24 ). À plus long terme, « dans la mesure où les États membres doivent au minimum prévoir les mesures de probation et les peines de substitution mentionnées à l’article 4, paragraphe 1, de [la décision-cadre 2008/947], un autre effet positif de cette décision-cadre sera la promotion et le rapprochement des sanctions alternatives à la détention dans les différents États membres » ( 25 ).

77.

En ce qui concerne les trois objectifs identifiés ci‑dessus, pourraient‑ils être servis d’une manière ou d’une autre par une interprétation large du champ d’application de la décision-cadre 2008/947, comme le suggèrent la Commission et le gouvernement estonien ?

78.

Tel ne saurait guère être le cas pour ce qui est du premier objectif, qui concerne la réinsertion sociale des personnes condamnées. La reconnaissance du jugement en cause ne créerait aucune obligation active de surveillance du requérant, comme le reconnaît le gouvernement estonien et comme il est également indiqué dans la décision de renvoi ( 26 ). La situation qui en résulterait ne contribuerait en rien à la réinsertion sociale du requérant. Sa situation à cet égard serait exactement la même que si le jugement en cause n’était pas reconnu, car il ne ressort pas du dossier que ce jugement limiterait de quelque manière que ce soit sa capacité à quitter la Lettonie.

79.

Une interprétation large de la décision-cadre 2008/947 ne semble pas non plus contribuer au troisième objectif, qui vise à « faciliter l’application de mesures de probation et de peines de substitution appropriées », étant donné qu’aucune mesure de ce type n’a été imposée en l’espèce. Si une simple peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve était considérée comme une « mesure de probation », je ne vois pas en quoi un juge serait davantage encouragé à imposer une simple peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve plutôt qu’une peine privative de liberté lorsqu’il ou elle n’avait de toute façon pas l’intention d’imposer de limitations supplémentaires à la conduite de la personne condamnée sous la forme de mesures de probation spécifiques.

80.

La situation est sans doute moins simple en ce qui concerne le deuxième objectif, à savoir « améliorer la protection des victimes et de la société en général ». On pourrait en effet penser que la reconnaissance du jugement en cause permettrait aux autorités estoniennes de révoquer le sursis imposé par le jugement en cause si le requérant commettait une nouvelle infraction pénale, puis de cumuler immédiatement la peine précédente avec celle qui serait imposée pour la nouvelle infraction pénale. On pourrait y voir une mesure de protection des victimes et de la société en général, puisque le requérant serait privé de liberté, et probablement pour une durée plus longue que si l’imposition d’une peine cumulée n’était pas possible.

81.

Assurément, les avis divergent quant au rôle de la sanction pénale dans la société et sur la meilleure façon de protéger la société dans son ensemble contre les activités criminelles. Toutefois, l’idée de simplement appliquer des sanctions plus sévères, sans tenir compte de l’intérêt de favoriser la réinsertion sociale des personnes concernées, accentue clairement l’aspect rétributif, lequel entraîne des conséquences immédiates pour la personne condamnée ainsi qu’une protection immédiate (quoique à court terme) de la société, au détriment d’une réinsertion sociale qui favorise les effets à long terme tant pour la personne condamnée que pour les autres membres de la société ( 27 ).

82.

La Commission semble interpréter l’article 14, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947 selon cette logique favorable à l’exécution, en déclarant qu’il serait déraisonnable que la commission d’une nouvelle infraction n’entraîne pas la révocation du sursis.

83.

Je reconnais que, à première vue, le mécanisme de l’article 14 de la décision-cadre 2008/947 attribuant compétence à l’État d’exécution semble adapté à la situation en cause. En d’autres termes, s’il était conclu que l’obligation de ne pas commettre une nouvelle infraction pénale peut être considérée comme une mesure de probation, le mécanisme de l’article 14 de cette décision‑cadre fournirait aux autorités de l’État d’exécution l’outil nécessaire pour réagir en cas de violation de cette obligation.

84.

Toutefois, cet argument est un exemple singulier de raisonnement à rebours, qui déséquilibre la finalité et la logique globales de la décision-cadre 2008/947.

85.

Premièrement, il y a lieu de souligner que ce raisonnement se fonde sur une conséquence négative potentielle qui ne s’est pas encore matérialisée en l’espèce : l’hypothèse que la personne condamnée récidive. Le dossier ne contient aucune preuve que l’intéressé a récidivé. En outre, de façon générale, l’argument dans son ensemble repose sur le postulat que, une fois condamnées, ces personnes récidiveront probablement. Je laisserai de côté le degré d’encouragement et de soutien moral qu’un tel argument prodigue aux personnes auxquelles ont été infligées une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve ou une condamnation sous condition, et je relèverai plutôt, du même coup, le peu de confiance qui est exprimée dans la capacité des actes législatifs de l’Union en question à contribuer efficacement à l’objectif de réinsertion sociale.

86.

Deuxièmement, le champ d’application d’un acte de l’Union doit normalement être déterminé par la disposition pertinente qui le définit, et non par le fait qu’une partie du mécanisme créé par cet instrument pourrait également être utilisée à d’autres fins.

87.

Troisièmement, la commission d’une nouvelle infraction pénale est susceptible d’avoir des répercussions sur les personnes en probation même si aucune mesure de probation spécifique, telle que celle de ne pas consommer d’alcool, n’a été enfreinte. Les personnes condamnées en probation, auxquelles une mesure de probation spécifique a été appliquée, sont susceptibles d’être soumises à l’obligation de ne pas commettre une nouvelle infraction pénale, dans l’État membre en question ainsi qu’à l’étranger. En cas de récidive, leur sursis peut être révoqué, en fonction de l’ordre juridique correspondant et des circonstances particulières de l’affaire.

88.

Quatrièmement, l’interprétation large de la décision-cadre 2008/947 suggérée par la Commission pourrait sans doute servir la finalité « rétributive » de la sanction pénale. Toutefois, cette interprétation ignore les autres aspects qui sont spécifiquement mis en balance en vertu du triple objectif de la décision-cadre 2008/947, énoncé à l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision-cadre et au point 73 des présentes conclusions. Ladite décision-cadre vise à promouvoir l’application de mesures de probation ou de peines de substitution, car elles contribuent à éviter de prononcer des peines privatives de liberté, améliorant ainsi les chances de réinsertion des personnes condamnées dans la société.

89.

Les trois objectifs poursuivis par la décision-cadre 2008/947, tels qu’énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision-cadre se rejoignent donc. Ladite décision-cadre vise à trouver un équilibre entre eux. Je ne vois aucune raison convaincante de donner plus de poids à un seul de ces objectifs, ou plutôt à un seul élément se rapportant à l’un d’entre eux, pour parvenir à une interprétation large d’un instrument du droit de l’Union qui les poursuit tous.

90.

En résumé, je ne vois guère de raison de proposer une interprétation excessivement large du champ d’application de la décision-cadre 2008/947, qui va à l’encontre du libellé, de la logique et du système clairs de cet instrument, tout en cherchant à privilégier un seul élément très particulier de l’un de ses objectifs, aux dépens (voire au détriment) de ses autres objectifs.

91.

Pour conclure, j’ai tenté à plusieurs reprises de suggérer que, même en droit de l’Union, lorsque le libellé de l’acte législatif en cause est clair, la nécessité d’analyser ses objectifs est moindre ( 28 ). J’ajouterai simplement qu’il devrait en aller de même, a fortiori, dans les affaires relevant du droit pénal au sens large, domaine dans lequel l’interprétation extensive ou restrictive de l’instrument en question aura des répercussions, du point de vue du droit pénal, sur la situation des intéressés.

92.

Il est indéniable, dans ce contexte, qu’une interprétation large du champ d’application de la décision-cadre 2008/947 est susceptible, en l’espèce, d’aggraver la situation de la personne condamnée dans la présente affaire (laquelle n’a pas récidivé). Je prends bonne note des éclaircissements utiles fournis par la juridiction de renvoi en ce qui concerne la proportionnalité des peines, principe énoncé, en droit de l’Union, à l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »). Selon l’explication fournie dans la décision de renvoi, la reconnaissance du jugement en cause permettrait de cumuler la peine précédemment prononcée avec toute nouvelle peine. À l’inverse, sans reconnaissance, aucun cumul n’est possible. Je crois comprendre que la personne condamnée, en l’espèce, devrait alors purger successivement deux peines : celle correspondant à la nouvelle infraction commise hypothétiquement en Estonie et celle prononcée précédemment en Lettonie.

93.

Le problème que pose cet argument, comme celui qu’avance la Commission ( 29 ), est son caractère hypothétique dans le contexte de la présente affaire. Encore une fois, le requérant n’a pas récidivé. La volonté louable d’empêcher l’imposition de ce qui serait considéré comme excessif dans un État membre donné ne peut, à mon avis, avoir pour effet de modifier et d’étendre le champ d’application de la décision-cadre 2008/947, dont les objectifs ne concernent pas la question de la condamnation en cas de récidive.

94.

Il ne saurait donc être soutenu que la situation d’une personne qui n’a pas récidivé devrait être modifiée en se fondant sur le fait qu’une personne qui a récidivé se trouverait peut-être dans une situation plus favorable si l’article 14 de la décision-cadre 2008/947 s’appliquait à son cas. On pourrait affirmer que la personne condamnée en l’espèce, qui n’a pas récidivé, se trouverait dans une situation plus défavorable au seul motif que la peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve serait reconnue en Estonie, ce qui la ferait relever d’un régime qui ne lui serait normalement pas applicable. Elle serait donc potentiellement soumise à toutes les obligations qui pourraient s’appliquer dans cet État et y aurait un casier judiciaire, ce qui ne serait pas le cas autrement. C’est la raison pour laquelle, je présume, le requérant au principal a contesté, dans trois instances juridictionnelles en Estonie, le fait que sa peine assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve puisse relever du mécanisme de la décision-cadre 2008/947.

95.

Cet élément ayant été clarifié, je ne peux que rappeler que l’interprétation des mesures pénales doit être régie par le principe de légalité, consacré, en droit de l’Union, par l’article 49, paragraphe 1, de la Charte. Je ne vise pas ici la conception étroite de la légalité des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege), mais la question plus large de la certitude et de la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à une condamnation pénale ( 30 ). En d’autres termes, il semble que si le jugement en cause est considéré comme relevant du champ d’application de la décision-cadre 2008/947, la portée du droit pénal sera étendue au détriment de la personne condamnée, ce qui constitue en soi un argument supplémentaire contre l’interprétation large de la décision-cadre 2008/947.

96.

J’en conclus que l’analyse contextuelle et téléologique effectuée plus haut ne modifie pas la conclusion à laquelle j’étais déjà parvenu sur la base d’un examen du libellé, de la logique et du système de la décision‑cadre 2008/947. Cet instrument ne s’applique pas à un jugement qui impose une simple peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve sans définir de mesure de probation au sens de la décision‑cadre 2008/947 et dans lequel la seule obligation de la personne condamnée en cause est d’éviter de commettre une nouvelle infraction pénale pendant le délai d’épreuve.

V. Conclusion

97.

J’invite la Cour à répondre de la manière suivante à la question posée par le Riigikohus (Cour suprême, Estonie) :

La décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution, ne s’applique pas à un jugement qui inflige une peine assortie du sursis avec mise à l’épreuve sans imposer de mesure de probation au sens de cette décision‑cadre et dans lequel la seule obligation de la personne condamnée est d’éviter de commettre une nouvelle infraction pénale pendant le délai d’épreuve.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Décision-cadre du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution (JO 2008, L 337, p. 102), telle que modifiée (ci‑après la « décision-cadre 2008/947 »).

( 3 ) Note sans pertinence pour la version française des présentes conclusions.

( 4 ) Le gouvernement letton cite à cet égard l’article 55, paragraphes 1, 2 et 9, du code pénal (Lettonie), ainsi que l’article 155 du Latvijas Sodu izpildes kodekss (code de l’application des peines, Lettonie).

( 5 ) En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947, lorsque l’autorité compétente de l’État d’émission décide de faire usage du mécanisme mis en place par ladite décision-cadre, elle doit transmettre à l’autorité compétente de l’État d’exécution le jugement ou la décision de probation concerné, accompagné du certificat visé à l’annexe I.

( 6 ) Voir, entre autres, article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24).

( 7 ) Voir, sur l’habilitation des autorités judiciaires d’exécution à cet égard, arrêts du 10 août 2017, Tupikas (C‑270/17 PPU, EU:C:2017:628, point 91), et du 10 août 2017, Zdziaszek (C‑271/17 PPU, EU:C:2017:629, point 103).

( 8 ) Voir, par analogie, arrêt du 23 janvier 2018, Piotrowski (C‑367/16, EU:C:2018:27, point 61), et mes conclusions dans l’affaire X (Mandat d’arrêt européen contre un chanteur) (C‑717/18, EU:C:2019:1011, point 80).

( 9 ) Soit dit en passant, on pourrait ajouter que les dispositions de droit national invoquées par le gouvernement letton (mentionnées plus haut dans la note 4), dont les mesures de probation sont censées découler clairement de plein droit, accroissent quelque peu cette incertitude. L’article 155 du code de l’application des peines (Lettonie) énumère six mesures de probation différentes. Cependant, un certain nombre d’entre elles sont plutôt indéterminées et générales. Pour qu’elles puissent s’appliquer à une personne condamnée, il faudrait une décision d’un juge ou d’un agent de probation, afin de les adapter au cas spécifique. Toutefois, en l’absence d’une telle décision concernant la nature et, le cas échéant, la durée de la mesure et de sa surveillance, le juge de l’État membre d’exécution est-il censé se contenter de faire un choix dans cette liste ?

( 10 ) Conjonctions de coordination mises en italique par mes soins.

( 11 ) L’article 6, paragraphe 4, de la décision-cadre 2008/947 dispose que, « [o]utre les mesures et peines mentionnées à l’article 4, paragraphe 1, le certificat visé au paragraphe 1 du présent article comporte uniquement les mesures ou peines communiquées par l’État d’exécution en vertu de l’article 4, paragraphe 2 ».

( 12 ) Mise en italique par mes soins.

( 13 ) Mise en italique par mes soins.

( 14 ) Mis en italiques par mes soins.

( 15 ) Voir article 23, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/947.

( 16 ) Considérant 4 de la décision-cadre 2008/947.

( 17 ) Voir considérant 14 et article 5, paragraphe 2, de la décision-cadre 2008/947.

( 18 ) Voir, par exemple, considérant 2 de la décision-cadre 2008/947 et arrêt du 11 janvier 2017, Grundza (C‑289/15, EU:C:2017:4, point 41 et jurisprudence citée).

( 19 ) Décision-cadre du Conseil du 24 juillet 2008 (JO 2008, L 220, p. 32).

( 20 ) Décision-cadre du Conseil du 27 novembre 2008 (JO 2008, L 327, p. 27).

( 21 ) Voir arrêt du 21 septembre 2017, Beshkov (C‑171/16, EU:C:2017:710, point 44).

( 22 ) Cela étant, il reste à déterminer dans quelle mesure les conclusions tirées par la Cour dans cet arrêt étaient fondées sur la circonstance factuelle spécifique selon laquelle la peine prononcée en premier lieu avait été exécutée dans son intégralité avant que la personne condamnée ne demande son cumul avec une deuxième peine. Voir arrêt du 21 septembre 2017, Beshkov (C‑171/16, EU:C:2017:710, en particulier points 46 et 47).

( 23 ) Voir points 67 et 68 des présentes conclusions.

( 24 ) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 5 février 2014 sur la mise en œuvre par les États membres des décisions-cadres 2008/909/JAI, 2008/947/JAI et 2009/829/JAI concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de justice prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté, des mesures de probation et peines de substitution ainsi que des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire [COM(2014) 57 final, p. 5].

( 25 ) COM(2014) 57 final, p. 8 et 9.

( 26 ) La juridiction de renvoi explique que les autorités estoniennes n’exercent pas de surveillance active de l’exécution de l’obligation incombant à la personne condamnée en vertu de l’article 73, paragraphe 1, du code pénal (Estonie), qui concerne l’imposition d’une condamnation sous condition sans application de mesures de surveillance. La réponse de l’État au non‑respect de l’obligation de ne pas commettre une nouvelle infraction pénale ne peut être que de veiller à ce qu’une sanction soit imposée pour la nouvelle infraction.

( 27 ) Voir, sur le droit de la peine de manière plus générale, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Beshkov (C‑171/16, EU:C:2017:386, points 46 et suivants).

( 28 ) Voir, en ce sens, par exemple, mes conclusions dans l’affaire Commission/Allemagne (C‑220/15, EU:C:2016:534, point 35).

( 29 ) Points 82 à 90 des présentes conclusions.

( 30 ) Voir, sur cette question, mes conclusions dans l’affaire X (Mandat d’arrêt européen contre un chanteur) (C‑717/18, EU:C:2019:1011, points 92 à 94 et jurisprudence citée).