ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

8 janvier 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande d’enregistrement de la marque verbale EMCURE – Rejet partiel de l’opposition »

Dans l’affaire C‑533/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 14 août 2018,

Emcur Gesundheitsmittel aus Bad Ems GmbH, établie à Bad Ems (Allemagne), représentée par Me K. Bröcker, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. C. G. Fernlund (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Emcur Gesundheitsmittel aus Bad Ems GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juin 2018, Emcur/EUIPO – Emcure Pharmaceuticals (EMCURE) (T‑165/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:346), en tant que, par cet arrêt, celui-ci a partiellement rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 13 décembre 2016 (affaire R 790/2016-2), relative à une procédure d’opposition entre elle-même et Emcure Pharmaceuticals Ltd.

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        M. l’avocat général a, le 12 novembre 2018, pris la position suivante :

« 1.      Pour les raisons que nous allons évoquer ci-après, nous proposons à la Cour de rejeter le pourvoi comme étant manifestement non fondé et de condamner la requérante aux dépens, conformément à l’article 137 et à l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure.

2.      Au soutien de son pourvoi, la requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, celle-ci estimant que le Tribunal n’a pas dûment apprécié la similitude entre, d’une part, les services visés par la marque demandée et relevant des classes 35 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et, d’autre part, les produits couverts par la marque antérieure et relevant de la classe 5 dudit arrangement.

3.      Ce moyen se divise en deux branches.

4.      Par la première branche du moyen unique, la requérante reproche au Tribunal d’avoir procédé à une appréciation erronée de la similitude des produits et des services en cause en ne prenant pas dûment en considération le public pertinent. En particulier, elle soutient que, au point 39 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait omis de tenir compte du grand public, alors qu’il s’agissait d’un groupe pertinent de consommateurs auquel le Tribunal aurait fait référence au point 35 de cet arrêt. Selon la requérante, le Tribunal aurait ainsi dénaturé des faits ou, “à tout le moins”, violé des principes généraux dégagés par la jurisprudence de la Cour.

5.      Si, au point 25 de son pourvoi, la requérante reproche au Tribunal d’avoir dénaturé des faits en ne tenant pas compte, dans le cadre de son appréciation, de toutes les composantes du public pertinent, l’ensemble de ses critiques tend en réalité à démontrer que le Tribunal n’a pas correctement appliqué les principes dégagés par la jurisprudence pertinente qu’elle rappelle, notamment, au point 24 de ce pourvoi.

6.      Or, ses critiques reposent sur une lecture largement incomplète et erronée de l’arrêt attaqué et doivent d’emblée être rejetées comme étant manifestement non fondées.

7.      Premièrement, si la requérante tente de démontrer l’existence d’une erreur entachant le raisonnement du Tribunal en dressant un parallèle entre les constatations relevées par le Tribunal, au point 35 de l’arrêt attaqué, et l’analyse à laquelle celui-ci a procédé, au point 39 de cet arrêt, force est de constater que, au point 35 dudit arrêt, le Tribunal n’a fait que résumer les arguments soulevés à cet égard par la requérante et n’a pas donné de définition du public pertinent, laquelle n’était d’ailleurs pas contestée par la requérante.

8.      Deuxièmement, s’agissant du public pertinent devant être pris en compte afin d’apprécier le risque de confusion entre les produits et les services en cause, le Tribunal a expressément relevé, au point 39 de l’arrêt attaqué que, conformément à la jurisprudence visée au point 18 de cet arrêt, il doit s’agir des usagers susceptibles d’utiliser tant les produits et les services visés par les marques antérieures que ceux visés par la marque demandée.

9.      C’est donc à bon droit et conformément aux termes de cette jurisprudence que le Tribunal a uniquement tenu compte, aux fins de son analyse, de la catégorie du public pertinent susceptible d’utiliser tant les produits visés par la marque verbale antérieure EMCUR relevant de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice que les services visés par la marque verbale demandée EMCURE relevant des classes 35 et 41 au sens de cet arrangement, à savoir les professionnels, et a exclu de celle-ci le grand public.

10.      Par la seconde branche du moyen unique, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et a, en outre, entaché son analyse d’une contradiction lorsqu’il a apprécié l’existence d’un lien de complémentarité entre les produits visés par la marque verbale antérieure EMCUR relevant de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice et les services visés par la marque verbale demandée EMCURE relevant des classes 35 et 41 au sens de cet arrangement.

11.      En particulier, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné, aux points 41 à 44 de l’arrêt attaqué, le point de savoir si le public pertinent serait susceptible de croire que la responsabilité de la fourniture desdits services et de la fabrication desdits produits incombe à la même entreprise. Elle estime que l’analyse du Tribunal est donc entachée d’une contradiction dans la mesure où ce dernier aurait procédé à cet examen au point 50 de l’arrêt attaqué, concernant les services relevant de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice et au point 60 de cet arrêt, concernant les services relevant de la classe 44 au sens de cet arrangement.

12.      Force est de constater que ces critiques reposent sur une interprétation erronée des principes fixés par la jurisprudence applicable.

13.      Il ressort de cette jurisprudence, rappelée par le Tribunal au point 29 de l’arrêt attaqué, que, pour apprécier la similitude entre les produits et les services visés par des signes en conflit, il est nécessaire de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux, parmi lesquels figurent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

14.      Il découle également de la jurisprudence rappelée par le Tribunal au point 30 de l’arrêt attaqué que les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise.

15.      Conformément à cette jurisprudence, l’appréciation du lien de complémentarité entre des produits et des services impose donc de caractériser la nature du rapport ou du lien existant entre eux, en examinant si l’usage de ces produits revêt un caractère indispensable ou important aux fins de la prestation de ces services et, réciproquement, si la fourniture de ces derniers revêt un caractère indispensable ou important aux fins de l’usage desdits produits.

16.      Le point de savoir si le public pertinent est susceptible de penser qu’il n’existe qu’une seule et même entreprise responsable de la fourniture des services en cause et de la fabrication des produits concernés ne constitue pas, au sens de ladite jurisprudence, un facteur pertinent susceptible de caractériser le rapport entre ces produits et ces services et qu’il serait donc nécessaire de prendre en considération aux fins d’apprécier le lien de complémentarité entre ceux-ci. Ainsi que cela ressort clairement des termes de la même jurisprudence et, en particulier, de l’emploi de l’expression “de sorte que”, le risque de confusion dans l’esprit des consommateurs est la conséquence de l’existence d’un lien de complémentarité entre les produits et les services visés et relève ainsi de la définition même de la notion de “produits ou services complémentaires”.

17.      Dans ces conditions, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans le cadre de son analyse du lien de complémentarité entre les produits et les services en cause en se bornant à examiner, tout d’abord, au point 41 de l’arrêt attaqué, si l’usage de produits pharmaceutiques est indispensable ou important aux fins de la fourniture des services d’organisation d’évènements, et réciproquement, ensuite, au point 42 de cet arrêt, si l’usage de produits pharmaceutiques est indispensable ou important pour la prestation d’un service de publication dans le domaine pharmaceutique et médical, et réciproquement, et, enfin, au point 43 dudit arrêt, si la prise d’un médicament est indispensable ou importante aux fins de la prestation des services “infrastructures de clubs de santé”, et réciproquement.

18.      En outre, l’analyse du Tribunal n’est entachée d’aucune contradiction.

19.      En effet, si, aux points 50 et 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a effectivement tiré la conclusion selon laquelle le public pertinent est susceptible de croire que la responsabilité de la fourniture des services relevant des classes 42 et 44 au sens de l’arrangement de Nice et de la fabrication des produits pharmaceutiques incombe à la même entreprise, cette conclusion résulte du constat, relevé par le Tribunal auxdits points, selon lequel ces services sont étroitement liés à ces produits.

20.      En revanche, force est de constater que, au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal est parvenu à la conclusion inverse selon laquelle les services relevant des classes 35 et 41 au sens de l’arrangement de Nice et les produits relevant de la classe 5 au sens de cet arrangement ne sont pas complémentaires.

21.      En procédant ainsi, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit et a appliqué une jurisprudence constante.

22.      Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu, par conséquent, de rejeter le pourvoi introduit par Emcur Gesundheitsmittel aus Bad Ems comme étant manifestement non fondé et de condamner cette dernière aux dépens, conformément à l’article 137 et à l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure. »

6        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant manifestement non fondé.

 Sur les dépens

7        En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle‑ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.

2)      Emcur Gesundheitsmittel aus Bad Ems GmbH supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.