ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

8 mai 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Transports – Services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route – Règlement (CE) no 1370/2007 – Article 5, paragraphes 1 et 2 – Attribution directe – Contrats de services publics de transport de voyageurs par autobus et par tramway – Conditions – Directive 2014/24/UE – Article 12 – Directive 2014/25/UE – Article 28 »

Dans l’affaire C‑253/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne), par décision du 7 mars 2018, parvenue à la Cour le 12 avril 2018, dans la procédure

Stadt Euskirchen

contre

Rhenus Veniro GmbH & Co. KG,

en présence de :

SVE Stadtverkehr Euskirchen GmbH,

RVK Regionalverkehr Köln GmbH,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur) et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour la Stadt Euskirchen, par Mes S. Schaefer et J. Manka, Rechtsanwälte,

pour Rhenus Veniro GmbH & Co. KG, par Me C. Antweiler, Rechtsanwalt,

pour la Commission européenne, par MM. W. Mölls et P. Ondrůšek ainsi que par Mme J. Hottiaux, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5 du règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Stadt Euskirchen (ville d’Euskirchen, Allemagne) à Rhenus Veniro GmbH & Co. KG (ci-après « Rhenus Veniro ») au sujet d’un projet d’attribution directe d’un service public de transport de voyageurs par autobus et autres véhicules.

Le cadre juridique

Le règlement no 1370/2007

3

L’article 2 du règlement no 1370/2007, intitulé « Définitions », est ainsi libellé :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)

“transports publics de voyageurs”, les services de transport de voyageurs d’intérêt économique général offerts au public sans discrimination et en permanence ;

b)

“autorité compétente”, toute autorité publique, ou groupement d’autorités publiques, d’un ou de plusieurs États membres, qui a la faculté d’intervenir dans les transports publics de voyageurs dans une zone géographique donnée, ou tout organe investi d’un tel pouvoir ;

[...]

h)

“attribution directe”, attribution d’un contrat de service public à un opérateur de service public donné en l’absence de toute procédure de mise en concurrence préalable ;

[...]

j)

“opérateur interne”, une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ;

[...] »

4

L’article 4, paragraphe 7, de ce règlement dispose :

« Les documents de mise en concurrence et les contrats de service public précisent de manière transparente si, et si oui dans quelle mesure, la sous-traitance peut être envisagée. En cas de sous-traitance, l’opérateur chargé de la gestion et de l’exécution du service public de transport de voyageurs conformément au présent règlement est tenu d’exécuter lui-même une partie importante du service public de transport de voyageurs. [...] »

5

L’article 5 dudit règlement, intitulé « Attribution des contrats de service public », prévoit :

« 1.   Les contrats de service public sont attribués conformément aux règles établies dans le présent règlement. Toutefois, les marchés de services ou marchés publics de services, tels que définis par la directive 2004/17/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1),] ou par la directive 2004/18/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114)], pour les services publics de transport de voyageurs par autobus ou par tramway sont attribués conformément aux procédures prévues par lesdites directives lorsque ces contrats ne revêtent pas la forme de contrats de concession de services tels que définis dans ces directives. Lorsque les contrats sont attribués conformément à la directive [2004/17] ou à la directive [2004/18], les paragraphes 2 à 6 du présent article ne s’appliquent pas.

2.   Sauf interdiction en vertu du droit national, toute autorité locale compétente, qu’il s’agisse ou non d’une autorité individuelle ou d’un groupement d’autorités fournissant des services intégrés de transport public de voyageurs, peut décider de fournir elle-même des services publics de transport de voyageurs ou d’attribuer directement des contrats de service public à une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services. Lorsqu’une autorité locale compétente prend une telle décision, les dispositions suivantes s’appliquent :

[...]

b)

le présent paragraphe est applicable à condition que l’opérateur interne et toute entité sur laquelle celui-ci a une influence, même minime, exercent leur activité de transport public de voyageurs sur le territoire de l’autorité locale compétente, nonobstant d’éventuelles lignes sortantes et autres éléments accessoires à cette activité se prolongeant sur le territoire d’autorités locales compétentes voisines, et ne participent pas à des mises en concurrence concernant la fourniture de services publics de transport de voyageurs organisés en dehors du territoire de l’autorité locale compétente ;

[...]

e)

si la sous-traitance au titre de l’article 4, paragraphe 7, est envisagée, l’opérateur interne est tenu d’assurer lui-même la majeure partie du service public de transport de voyageurs.

3.   Toute autorité compétente qui recourt à un tiers autre qu’un opérateur interne attribue les contrats de service public par voie de mise en concurrence, [...]

[...] »

6

L’article 7 du même règlement, intitulé « Publication », dispose, à son paragraphe 2 :

« Chaque autorité compétente prend les mesures nécessaires afin que, au plus tard un an avant le lancement de la procédure de mise en concurrence ou un an avant l’attribution directe, soient publiées au Journal officiel de l’Union européenne au minimum les informations suivantes :

a)

le nom et les coordonnées de l’autorité compétente ;

b)

le type d’attribution envisagée ;

c)

les services et les territoires susceptibles d’être concernés par l’attribution.

[...] »

La directive 2014/23/UE

7

La directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1), est entrée en vigueur le 17 avril 2014 et ses dispositions devaient être transposées par les États membres avant le 18 avril 2016.

8

L’article 5 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)

“concessions”, des concessions de travaux ou de services au sens des points a) et b) :

a)

“concession de travaux”, un contrat conclu par écrit et à titre onéreux par lequel un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices confient l’exécution de travaux à un ou à plusieurs opérateurs économiques, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d’exploiter les ouvrages qui font l’objet du contrat, soit dans ce droit accompagné d’un prix ;

b)

“concession de services”, un contrat conclu par écrit et à titre onéreux par lequel un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices confient la prestation et la gestion de services autres que l’exécution de travaux visée au point a) à un ou à plusieurs opérateurs économiques, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d’exploiter les services qui font l’objet du contrat, soit dans ce droit accompagné d’un prix ;

[...] »

La directive 2014/24/UE

9

L’article 12 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), intitulé « Marchés publics passés entre entités appartenant au secteur public », dispose :

« 1.   Un marché public attribué par un pouvoir adjudicateur à une personne morale régie par le droit privé ou le droit public ne relève pas du champ d’application de la présente directive lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

a)

le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;

b)

plus de 80 % des activités de cette personne morale contrôlée sont exercées dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou par d’autres personnes morales qu’il contrôle ; et

c)

la personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

Un pouvoir adjudicateur est réputé exercer sur une personne morale un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services, au sens du premier alinéa, point a), s’il exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée. Ce contrôle peut également être exercé par une autre personne morale, qui est elle-même contrôlée de la même manière par le pouvoir adjudicateur.

2.   Le paragraphe 1 s’applique également lorsqu’une personne morale contrôlée qui est un pouvoir adjudicateur attribue un marché au pouvoir adjudicateur qui la contrôle, ou à une autre personne morale contrôlée par le même pouvoir adjudicateur, à condition que la personne morale à laquelle est attribué le marché public ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

3.   Un pouvoir adjudicateur qui n’exerce pas de contrôle sur une personne morale régie par le droit privé ou le droit public au sens du paragraphe 1 peut néanmoins attribuer un marché public à cette personne morale sans appliquer la présente directive, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

a)

le pouvoir adjudicateur exerce, conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs, un contrôle sur la personne morale concernée, analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services ;

b)

plus de 80 % des activités de cette personne morale sont exercées dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par les pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent ou par d’autres personnes morales contrôlées par les mêmes pouvoirs adjudicateurs ; et

c)

la personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

Aux fins du premier alinéa, point a), les pouvoirs adjudicateurs exercent un contrôle conjoint sur une personne morale lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

i)

les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l’ensemble d’entre eux ;

ii)

ces pouvoirs adjudicateurs sont en mesure d’exercer conjointement une influence décisive sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de la personne morale contrôlée ; et

iii)

la personne morale contrôlée ne poursuit pas d’intérêts contraires à ceux des pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent ;

4.   Un marché conclu exclusivement entre deux pouvoirs adjudicateurs ou plus ne relève pas du champ d’application de la présente directive, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

a)

le marché établit ou met en œuvre une coopération entre les pouvoirs adjudicateurs participants dans le but de garantir que les services publics dont ils doivent assurer la prestation sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun ;

b)

la mise en œuvre de cette coopération n’obéit qu’à des considérations d’intérêt public ; et

c)

les pouvoirs adjudicateurs participants réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 % des activités concernées par la coopération ;

5.   Le pourcentage d’activités visé au paragraphe 1, premier alinéa, point b), au paragraphe 3, premier alinéa, point b), et au paragraphe 4, point c), est déterminé en fonction du chiffre d’affaires total moyen ou d’un autre paramètre approprié fondé sur les activités tel que les coûts supportés par la personne morale ou le pouvoir adjudicateur concerné pour ce qui est des services, fournitures et travaux pendant les trois années précédant l’attribution du marché.

Lorsque, en raison de la date de création ou de début des activités de la personne morale ou du pouvoir adjudicateur concerné ou en raison d’une réorganisation de ses activités, le chiffre d’affaires, ou un autre paramètre fondé sur les activités tel que les coûts, n’est pas disponible pour les trois dernières années ou n’est plus pertinent, il suffit de montrer que le calcul des activités est vraisemblable, notamment par des projections d’activités. »

La directive 2014/25/UE

10

L’article 11 de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243), intitulé « Services de transport », dispose :

« La présente directive s’applique aux activités visant la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par chemin de fer, systèmes automatiques, tramway, trolleybus, autobus ou câble.

En ce qui concerne les services de transport, il est considéré qu’un réseau existe lorsque le service est fourni dans les conditions déterminées par une autorité compétente d’un État membre, telles que les conditions relatives aux itinéraires à suivre, à la capacité de transport disponible ou à la fréquence du service. »

11

L’article 28 de la directive 2014/25, intitulé « Marchés passés entre pouvoirs adjudicateurs », prévoit des dispositions en substance analogues à celles contenues à l’article 12 de la directive 2014/24, telles que rappelées au point 9 du présent arrêt.

Le litige au principal et la question préjudicielle

12

La ville d’Euskirchen est une autorité compétente, au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 1370/2007.

13

Le 8 décembre 2016, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, la ville d’Euskirchen a fait publier au supplément du Journal officiel de l’Union européenne un avis de préinformation concernant un projet d’attribution directe d’un marché de service public de transport de voyageurs par autobus et autres véhicules ne revêtant pas la forme d’un contrat de concession de services, en application de l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement.

14

Aux termes de cet avis de préinformation, ledit marché, qui portait sur l’exécution annuelle de plus d’un million de kilomètres, devait être attribué à SVE Stadtverkehr Euskirchen GmbH (ci-après « SVE »), société détenue en totalité par la ville d’Euskirchen, pour une durée de 120 mois à compter du 1er janvier 2019.

15

Dans la mesure où SVE ne disposait ni de véhicule ni de chauffeur pour exécuter elle-même le contrat faisant l’objet du marché public, elle a fait part de son intention de conclure un contrat de sous-traitance avec RVK Regionalverkehr Köln GmbH (ci-après « RVK »), société fournissant des services de transport sur l’ensemble du territoire couvert par le Zweckverband Verkehrsverbund Rhein-Sieg (syndicat intercommunal de la communauté de transports Rhein-Sieg, Allemagne).

16

RVK est détenue respectivement à hauteur de 12,5 % par Kölner Verkehrsbetriebe AG, Kreisholding Rhein Sieg GmbH, Rhein-Erft Verkehrsgesellschaft mbH, Elektrische Bahn der Stadt Bonn und des Rhein Sieg Kreises SBB GmbH (SBB GmbH) et Stadtwerke Bonn Verkehrs GmbH, ainsi que par le Kreis Euskirchen (arrondissement d’Euskirchen, Allemagne) et le Rheinisch-Bergischer Kreis (arrondissement de Rhin-Berg, Allemagne). Les parts restantes sont détenues à hauteur de 2,5 % par l’Oberbergischer Kreis (arrondissement du Haut-Berg, Allemagne) et de 10 % par l’opérateur sous-traitant lui-même.

17

Au cours de l’année 2016, SVE a répondu favorablement à la proposition qui lui était faite d’acquérir 2,5 % des parts de RVK au 1er janvier 2019, date du début de l’exécution du marché public dont l’attribution était envisagée.

18

Rhenus Veniro a formé un recours contre l’attribution directe projetée devant la Vergabekammer compétente (chambre des marchés publics, Allemagne).

19

Par décision du 16 mai 2017, la Vergabekammer (chambre des marchés publics) a fait interdiction à la ville d’Euskirchen d’attribuer le marché à SVE.

20

À cet égard, la Vergabekammer (chambre des marchés publics) a, tout d’abord, fait valoir que SVE ne remplissait pas le critère de l’exécution personnelle du contrat de transport, prévu à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007. Ensuite, elle a indiqué que RVK exécutait des prestations de transport sur d’autres secteurs territoriaux que celui de la ville d’Euskirchen, ce qui était contraire auxdites dispositions. Enfin, elle a souligné que l’activité de RVK ne pouvait être imputée à SVE, puisque cette dernière ne détiendrait que 2,5 % de RVK à la date du 1er janvier 2019.

21

SVE a formé un recours devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) contre la décision de la Vergabekammer (chambre des marchés publics), en faisant valoir que celle-ci avait fait une application incorrecte de l’article 5 du règlement no 1370/2007, dès lors que RVK faisait l’objet d’un contrôle conjoint de la part d’autorités compétentes et qu’elle exécutait ses prestations sur le territoire de ces autorités.

22

L’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) fait observer, à titre liminaire, que l’issue du litige dépend de la réponse que la Cour va apporter aux demandes de décision préjudicielle dont elle a été saisie dans les affaires jointes Verkehrsbetrieb Hüttebräucker et Rhenus Veniro (C‑266/17 et C‑267/17), relatives à la question de l’applicabilité de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007 aux marchés publics qui ne sont pas des concessions de service.

23

Dans l’hypothèse où la Cour apporterait une réponse affirmative à cette question, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) s’interroge sur le point de savoir si l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007 a vocation à s’appliquer lorsque l’opérateur interne fait réaliser la majeure partie du marché qui lui est attribué par une société dont il ne détient que 2,5 % du capital social, le reste du capital social appartenant, directement ou indirectement, à d’autres autorités compétentes.

24

Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« En imposant à l’opérateur interne d’assurer lui-même la majeure partie du service public de transport de voyageurs, l’article 5, paragraphe 2, sous e), du règlement no 1370/2007 exclut-il que l’opérateur interne fasse réaliser la majeure partie de ce service par une société dans laquelle il détient 2,5 % des parts sociales et dont les parts sociales restantes sont détenues directement ou indirectement par d’autres autorités compétentes ? »

Sur la question préjudicielle

25

Par sa question, la juridiction de renvoi interroge en substance la Cour sur le point de savoir si l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007 est applicable à l’attribution directe d’un contrat portant sur un service public de transport de voyageurs par autobus qui ne revêt pas la forme d’un contrat de concession et, dans l’affirmative, si cette disposition autorise l’opérateur interne à faire réaliser la majeure partie de ce service par une société dont il ne détient que 2,5 % du capital social.

26

À cet égard, il y a lieu de souligner que la Cour a déjà jugé que, s’agissant des marchés relevant normalement du champ d’application matériel et ratione temporis de la directive 2004/17 ou de la directive 2004/18, les attributions directes de contrats portant sur des services publics de transport de voyageurs par autobus et ne revêtant pas la forme de contrats de concession au sens de ces directives étaient soumis non pas à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007, mais au régime des attributions directes qui s’est développé sur la base de ces directives (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Verkehrsbetrieb Hüttebräucker et Rhenus Veniro, C‑266/17 et C‑267/17, EU:C:2019:241, points 73 à 76).

27

S’agissant des directives 2014/24 et 2014/25, qui ont abrogé et remplacé respectivement les directives 2004/18 et 2004/17, et qui, contrairement à ces deux dernières directives, ne définissent plus la notion de « contrat de concession », désormais régie par la directive 2014/23, la Cour a relevé que ces deux directives ont, à l’article 12 pour la première et à l’article 28 pour la seconde, codifié et précisé la jurisprudence développée par la Cour en matière d’attribution directe, ce qui met en évidence que le législateur de l’Union a entendu que ce régime d’attribution directe soit rattaché à ces deux directives (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Verkehrsbetrieb Hüttebräucker et Rhenus Veniro, C‑266/17 et C‑267/17, EU:C:2019:241, points 77 et 78).

28

En l’occurrence, l’avis de préinformation relatif au projet d’attribution directe du marché de service public de transports de voyageurs par autobus et autres véhicules en cause au principal a été publié le 8 décembre 2016, alors que, à cette date, les directives 2014/24 et 2014/25 étaient déjà applicables, étant donné que le délai prévu pour leur transposition avait expiré.

29

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à l’attribution directe de contrats portant sur des services publics de transport par autobus qui ne revêtent pas la forme de contrats de concession, au sens de la directive 2014/23.

Sur les dépens

30

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

 

L’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à l’attribution directe de contrats portant sur des services publics de transport par autobus qui ne revêtent pas la forme de contrats de concession, au sens de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.