CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 18 septembre 2019 ( 1 )

Affaire C‑176/18

Club de Variedades Vegetales Protegidas

contre

Adolfo Juan Martínez Sanchís

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection communautaire des obtentions végétales – Règlement (CE) no 2100/94 – Article 13, paragraphes 2 et 3 – Effets de la protection – Système de protection en cascade – Mise en culture de constituants variétaux et récolte de leurs fruits – Distinction entre les actes commis sur les constituants variétaux et ceux accomplis sur le matériel de récolte – Notion d’“utilisation non autorisée de constituants variétaux” – Article 95 – Protection provisoire »

I. Introduction

1.

Par sa demande de décision préjudicielle, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 13, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 2100/94 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales ( 2 ).

2.

Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant Club de Variedades Vegetales Protegidas (ci‑après « CVVP »), une entité mandatée pour faire valoir les droits du titulaire de la protection communautaire d’une variété de mandariniers, au propriétaire d’une exploitation agricole. CVVP reproche à ce dernier d’avoir mis en culture les arbres de cette variété protégée, ainsi que d’en avoir récolté et commercialisé les fruits, sans avoir obtenu l’autorisation du titulaire ni lui avoir versé une rémunération équitable.

3.

La juridiction de renvoi cherche essentiellement à savoir si, lorsque les plants d’une variété protégée ont été acquis par un agriculteur auprès d’une pépinière au cours de la période comprise entre la publication de la demande et l’octroi de la protection, la mise en culture de ces plants ainsi que la récolte et la vente subséquentes de leurs fruits requièrent, d’une part, le paiement d’une rémunération équitable à l’obtenteur dans la mesure où ces actes ont lieu pendant cette période, et, d’autre part, l’autorisation de ce dernier dans la mesure où ils perdurent après l’octroi de la protection.

II. Le cadre juridique

A.   Le règlement no 2100/94

4.

L’article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement no 2100/94 dispose :

« 2.   Aux fins du présent règlement, on entend par “variété” un ensemble végétal d’un seul taxon botanique du rang le plus bas connu qui, qu’il réponde ou non pleinement aux conditions d’octroi d’une protection des obtentions végétales, peut :

être défini par l’expression des caractères résultant d’un certain génotype ou d’une certaine combinaison de génotypes,

être distingué de tout autre ensemble végétal par l’expression d’au moins un desdits caractères

et

être considéré comme une entité eu égard à son aptitude à être reproduit sans changement.

3.   Un ensemble végétal est constitué de végétaux entiers ou de parties de végétaux dans la mesure où ces parties peuvent produire des végétaux entiers, tous deux dénommés ci‑après “constituants variétaux”. »

5.

Conformément à l’article 13, paragraphes 1 à 3, de ce règlement:

« 1.   La protection communautaire des obtentions végétales a pour effet de réserver à son ou ses titulaires, ci‑après dénommés “titulaire”, le droit d’accomplir les actes indiqués au paragraphe 2.

2.   Sans préjudice des articles 15 et 16, l’autorisation du titulaire est requise pour les actes suivants en ce qui concerne les constituants variétaux ou le matériel de récolte de la variété protégée, ci‑après dénommés “matériel” :

a)

production ou reproduction (multiplication) ;

b)

conditionnement aux fins de la multiplication ;

c)

offre à la vente ;

d)

vente ou autre forme de commercialisation ;

e)

exportation à partir de la Communauté ;

f)

importation dans la Communauté ;

g)

détention aux fins mentionnées aux points a) à f).

Le titulaire peut subordonner son autorisation à des conditions et à des limitations.

3.   Le paragraphe 2 s’applique au matériel de récolte uniquement si celui‑ci a été obtenu par l’utilisation non autorisée de constituants variétaux de la variété protégée et sauf si le titulaire a raisonnablement pu exercer son droit en relation avec lesdits composants variétaux. »

6.

L’article 94 dudit règlement, intitulé « Contrefaçon », énonce, à son paragraphe 1 :

« Toute personne qui :

a)

accomplit, sans y avoir été autorisée, un des actes visés à l’article 13, paragraphe 2, à l’égard d’une variété faisant l’objet d’une protection communautaire des obtentions végétales

[...]

peut faire l’objet d’une action, intentée par le titulaire, en cessation de la contrefaçon ou en versement d’une rémunération équitable ou à ce double titre. »

7.

L’article 95 du même règlement, intitulé « Actes antérieurs à l’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales », prévoit que « [l]e titulaire peut exiger une rémunération équitable de la part de toute personne ayant accompli, pendant la période comprise entre la publication de la demande de protection communautaire des obtentions végétales et l’octroi de ladite protection, un acte qui lui aurait été interdit après ladite période au titre de la protection communautaire ».

B.   La convention UPOV

8.

L’Union européenne est partie à la convention internationale pour la protection des obtentions végétales ( 3 ), dont l’article 13, intitulé « Protection provisoire », est ainsi libellé :

« Chaque Partie contractante prend des mesures destinées à sauvegarder les intérêts de l’obtenteur pendant la période comprise entre le dépôt de la demande d’octroi d’un droit d’obtenteur ou sa publication et l’octroi du droit. Au minimum, ces mesures auront pour effet que le titulaire d’un droit d’obtenteur aura droit à une rémunération équitable perçue auprès de celui qui, dans l’intervalle précité, a accompli des actes qui, après l’octroi du droit, requièrent l’autorisation de l’obtenteur conformément aux dispositions de l’article 14. Une Partie contractante peut prévoir que lesdites mesures ne prendront effet qu’à l’égard des personnes auxquelles l’obtenteur aura notifié le dépôt de la demande. »

9.

Aux termes de l’article 14 de la convention UPOV :

« 1)   [Actes à l’égard du matériel de reproduction ou de multiplication] a) Sous réserve des articles 15 et 16, l’autorisation de l’obtenteur est requise pour les actes suivants accomplis à l’égard du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée :

i)

la production ou la reproduction,

ii)

le conditionnement aux fins de la reproduction ou de la multiplication,

iii)

l’offre à la vente,

iv)

la vente ou toute autre forme de commercialisation,

v)

l’exportation,

vi)

l’importation,

vii)

la détention à l’une des fins mentionnées aux points i) à vi) ci‑dessus.

b) L’obtenteur peut subordonner son autorisation à des conditions et à des limitations.

2)   [Actes à l’égard du produit de la récolte] Sous réserve des articles 15 et 16, l’autorisation de l’obtenteur est requise pour les actes mentionnés aux points i) à vii) du paragraphe 1) a) accomplis à l’égard du produit de la récolte, y compris des plantes entières et des parties de plantes, obtenu par utilisation non autorisée de matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée, à moins que l’obtenteur ait raisonnablement pu exercer son droit en relation avec ledit matériel de reproduction ou de multiplication. »

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

10.

Le 22 août 1995, Nadorcott Protection SARL a déposé une demande de protection d’une variété de mandariniers, dénommée Nadorcott, auprès de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV). La demande a été publiée au Bulletin officiel de l’Office communautaire des variétés végétales du 22 février 1996.

11.

L’OCVV a octroyé la protection demandée par décision du 4 octobre 2004, publiée au Bulletin officiel de l’Office communautaire des variétés végétales du 15 décembre 2004.

12.

La Federación de Cooperativas Agrícolas Valencianas (fédération des coopératives agricoles de Valence, Espagne) a attaqué cette décision devant la chambre de recours de l’OCVV. Ce recours a produit un effet suspensif sur l’octroi de la protection jusqu’à son rejet par décision du 8 novembre 2005, publiée au Bulletin officiel de l’Office communautaire des variétés végétales du 15 février 2006.

13.

La décision de la chambre de recours de l’OCVV a été attaquée devant le Tribunal de l’Union européenne. Ce recours n’a pas eu d’effet suspensif sur l’octroi de la protection et a été rejeté ( 4 ).

14.

Nadorcott Protection a conféré à Carpa Dorada SA une licence exclusive sur les droits relatifs à la variété végétale Nadorcott. Cette dernière a confié à la requérante au principal, CVVP, l’exercice des actions en contrefaçon à l’encontre du défendeur au principal, M. Adolfo Juan Martínez Sanchís.

15.

M. Martínez Sanchís est propriétaire de deux parcelles sur lesquelles ont été plantés, respectivement, 506 arbres de la variété végétale Nadorcott au printemps 2005 et 998 arbres de cette variété au printemps 2006. Ces plants avaient été achetés à une pépinière, dans un établissement ouvert au public, au cours de la période comprise entre la publication de la demande de protection de cette variété et l’octroi de la protection le 15 février 2006. Depuis lors, 100 remplacements ont eu lieu, au total, sur ces parcelles.

16.

CVVP a attrait M. Martínez Sanchís en justice au motif qu’il aurait violé les droits du titulaire de la protection communautaire de la variété végétale Nadorcott et de son licencié en plantant, en greffant et en exploitant commercialement des arbres de cette variété. Plus précisément, CVVP a intenté, d’une part, une action au titre de la protection provisoire concernant les prétendus actes de contrefaçon antérieurs à la date d’octroi de la protection de ladite variété, et, d’autre part, une action en contrefaçon pour les actes postérieurs à cette date. Outre une déclaration de contrefaçon, CVVP demandait la cessation de l’ensemble des actes susmentionnés, en ce compris de la commercialisation des fruits des arbres de la variété protégée. Ce dernier sollicitait, de surcroît, la réparation du préjudice qu’il alléguait avoir subi du fait des actes tant antérieurs que postérieurs au 15 février 2006, ainsi que la publication de l’arrêt à venir.

17.

La juridiction de première instance a rejeté le recours au motif que les actions étaient prescrites conformément à l’article 96 du règlement no 2100/94 ( 5 ). En outre, cette juridiction a estimé, en substance, que les conditions prévues à l’article 13, paragraphe 3, de ce règlement n’étaient pas remplies, si bien que le titulaire de la protection n’était pas en droit de s’opposer à l’accomplissement d’actes portant sur le matériel de récolte de la variété protégée. Ainsi, selon ladite juridiction, le titulaire n’avait pas établi que la reproduction des mandariniers en pépinière avait eu lieu sans son autorisation ni qu’il n’avait pas raisonnablement pu exercer ses droits au cours de la phase de reproduction de ces constituants variétaux.

18.

Saisie d’un appel contre ce jugement, l’Audiencia (cour provinciale, Espagne), après avoir conclu à l’absence de prescription, a rejeté l’appel sur le fond au motif que M. Martínez Sanchís avait acheté les plants en cause auprès d’un établissement ouvert au public, avant l’octroi de la protection de la variété végétale, sous l’apparence juridique d’une acquisition légitime. Dans ces conditions, selon cette juridiction, ce dernier était protégé par l’article 85 du code de commerce espagnol.

19.

CVVP s’est pourvu en cassation auprès du Tribunal Supremo (Cour suprême) contre l’arrêt rendu en appel. Cette juridiction a, par décision du 6 mars 2018 parvenue à la Cour le 7 mars 2018, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Lorsqu’un agriculteur a acheté en pépinière (établissement appartenant à un tiers) des plants d’une variété végétale et qu’il les a plantés avant que l’octroi de la protection de cette variété ne produise ses effets, faut‑il, pour que l’activité réalisée ensuite par l’agriculteur, consistant à effectuer les récoltes successives des arbres, soit concernée par le “ius prohibendi” visé à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94, que les conditions posées par le paragraphe 3 de cet article soient remplies au motif qu’il s’agit de “matériel de récolte” ? Ou doit‑on considérer que cette activité de récolte constitue un acte de production ou de reproduction de la variété donnant naissance au “matériel de récolte”, dont l’interdiction par le titulaire de la variété végétale ne requiert pas le respect des conditions du paragraphe 3 [dudit article] ?

2)

Une interprétation selon laquelle le système de protection en cascade concerne tous les actes visés au paragraphe 2 [de l’article 13 du règlement no 2100/94] portant sur le “matériel de récolte”, y compris la récolte elle‑même, ou uniquement les actes postérieurs à la production de ce matériel de récolte, comme ce serait le cas de la détention et de sa commercialisation, est‑elle conforme à l’article 13, paragraphe 3 [de ce règlement] ?

3)

Dans le cadre de l’application au “matériel de récolte” du système d’extension de la protection en cascade prévue par l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94, faut‑il, pour que la première condition soit remplie, que l’achat des plants ait été effectué après que le titulaire a obtenu la protection communautaire de la variété végétale, ou suffirait‑il qu’il ait bénéficié, à cette date, d’une protection provisoire, l’achat ayant eu lieu pendant la période comprise entre la publication de la demande de protection et le début des effets de l’octroi de la protection de la variété végétale ? »

20.

CVVP, M. Martínez Sanchís, le gouvernement hellénique et la Commission européenne ont déposé des observations écrites devant la Cour. CVVP, le gouvernement hellénique et la Commission ont été représentés à l’audience de plaidoiries du 16 mai 2019. M. Martínez Sanchís a répondu par écrit, le 15 mai 2019, aux questions posées par la Cour en vue de l’audience.

IV. Analyse

A.   Sur les première et deuxième questions

21.

Les deux premières questions préjudicielles, que j’examinerai conjointement, portent sur la délimitation des champs d’application respectifs des paragraphes 2 et 3 de l’article 13 du règlement no 2100/94.

22.

Ces dispositions définissent les effets de la protection d’une variété végétale en instituant un système de « protection en cascade », composé d’un régime de « protection primaire » portant sur les constituants variétaux et d’un régime de « protection secondaire » concernant le produit de la récolte ( 6 ).

23.

En vertu de ce système, l’ensemble des actes visés à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 requièrent, d’une part, l’autorisation du titulaire de la protection lorsqu’ils ont pour objet les constituants variétaux eux‑mêmes ( 7 ). La notion de « constituant variétal » désigne, aux termes de l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement, les « végétaux entiers » ainsi que les « parties de végétaux dans la mesure où ces parties peuvent produire des végétaux entiers ».

24.

D’autre part, l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 dispose que, lorsque les actes énumérés au paragraphe 2 de cet article concernent le matériel de récolte, l’autorisation du titulaire n’est exigée que pour autant que deux conditions soient remplies. Premièrement, le produit de la récolte doit avoir été obtenu par l’utilisation non autorisée des constituants variétaux ( 8 ). Deuxièmement, l’obtenteur doit avoir été privé de la possibilité raisonnable d’exercer son droit sur ces constituants variétaux.

25.

Les régimes de protection primaire et de protection secondaire ainsi décrits correspondent, respectivement, aux systèmes de protection du « matériel de reproduction et de multiplication » et du « matériel de récolte » institués à l’article 14, paragraphes 1 et 2, de la convention UPOV, dont le règlement no 2100/94 reprend largement le libellé. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires à ce règlement et du texte de celui‑ci, le régime qu’il établit repose sur celui prévu par la convention UPOV ( 9 ). Les éléments d’interprétation afférents à cette convention sont, dès lors, également pertinents pour l’interprétation dudit règlement.

26.

Cela étant rappelé, la juridiction de renvoi cherche à savoir, par ses première et deuxième questions, si les actes consistant à mettre en culture les arbres d’une variété protégée et à en récolter les fruits relèvent du régime de protection primaire institué à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 ( 10 ), de sorte qu’ils requièrent l’autorisation du titulaire de la protection indépendamment du respect des conditions énoncées au paragraphe 3 de cet article ( 11 ).

27.

L’enjeu de ces questions pour la résolution du litige au principal consiste, de surcroît, à déterminer si les actes de commercialisation des fruits ainsi récoltés sont couverts par le régime de protection secondaire institué à l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94, bien que la vente des plants à M. Martínez Sanchís ait eu lieu avant l’octroi de la protection. Cette dernière problématique présente un lien avec la troisième question préjudicielle, raison pour laquelle je l’aborderai dans la seconde partie de mon analyse ( 12 ).

28.

Selon CVVP, la mise en culture des constituants variétaux protégés et la récolte de leurs fruits constituent des actes de « production » de ces constituants couverts par la protection primaire prévue à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2100/94. En revanche, M. Martínez Sanchís, le gouvernement hellénique et la Commission considèrent que ni la mise en culture ni la récolte des fruits des constituants variétaux protégés ne sont assimilables à des actes commis sur ces constituants relevant du champ d’application du régime de protection primaire institué à l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement.

29.

Je partage ce dernier point de vue.

30.

À ce propos, le libellé de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2100/94, en ce qu’il fait référence aux actes de production ou de reproduction concernant des constituants variétaux – par opposition au matériel de récolte visé au paragraphe 3 de cet article –, désigne, selon l’usage courant de ces termes, les actes par lesquels sont générés non pas des fruits, mais bien de nouveaux constituants variétaux.

31.

Ne saurait, dans cette optique, être accueillie l’argumentation avancée par CVVP selon laquelle la notion de « production » englobe nécessairement les actes de mise en culture et de récolte des fruits, sauf à priver cette notion d’un contenu propre et distinct de celui de la notion de « reproduction » employée à la même disposition. À mes yeux, l’emploi conjoint de ces deux termes vise simplement à mettre en évidence que les actes visés à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2100/94 recouvrent tant la propagation de constituants végétaux par voie végétative (notamment, par greffage ( 13 )) que leur multiplication par la génération de nouveau matériel génétique ( 14 ).

32.

Par ailleurs, la genèse de la convention UPOV, dans sa version révisée en 1991, fait apparaître la volonté de ses auteurs de ne pas inclure l’utilisation du matériel de reproduction aux fins de la production d’une récolte parmi les actes dont l’accomplissement est subordonné à l’autorisation de l’obtenteur. Cette inclusion faisait pourtant l’objet d’une mention spécifique en ce sens à l’article 14, paragraphe 1, sous a), de cette convention telle qu’initialement proposée par l’UPOV ( 15 ) – mention qui aurait, du reste, été inutile si la notion de « production », y figurant également, englobait déjà une telle utilisation ( 16 ).

33.

À cet égard, plusieurs propositions d’amendements visant à appuyer l’insertion de l’utilisation du matériel de reproduction aux fins de la production de fleurs coupées ou de fruits au nombre des actes visés à l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la convention UPOV ont, au cours de la conférence diplomatique ayant présidé à son adoption, motivé la création d’un groupe de travail mandaté pour examiner cette problématique ( 17 ). Comme l’a souligné la Commission lors de l’audience, ce groupe de travail et, par la suite, les auteurs de la convention UPOV ont rejeté ces propositions.

34.

A été décidée, en contrepartie, la reconnaissance, à l’article 14, paragraphe 1, sous b), de la convention UPOV (dont la dernière phrase de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 reprend le contenu), d’une faculté pour l’obtenteur d’assortir l’autorisation des actes pour lesquels son consentement est requis de certaines conditions et limitations contractuelles ( 18 ). Celles‑ci peuvent concerner, notamment, les modalités de la mise en culture et de la récolte des fruits des constituants végétaux dont la multiplication fait l’objet de l’autorisation de l’obtenteur ( 19 ).

35.

Par conséquent, l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la convention UPOV et l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 ne confèrent au titulaire de la protection aucun droit d’interdire, en tant que telle, l’exploitation des constituants variétaux en vue de la production d’une récolte. Ainsi que la Communauté internationale des obtenteurs de plantes ornementales et fruitières de reproduction asexuée (CIOPORA) l’a constaté « avec regret et amertume » en réaction à la décision ainsi adoptée au cours de la conférence diplomatique, la convention UPOV, au moyen de son article 14, paragraphe 2 (auquel correspond, je le rappelle, l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94), « ne fait rien d’autre que donner à l’obtenteur un moyen indirect – à travers la fleur coupée ou le fruit – de contrôler a posteriori le matériel de multiplication qui aurait échappé à son contrôle en vertu de l’article [14, paragraphe 1, sous a), de cette convention]» ( 20 ).

36.

Au vu de ce qui précède, j’estime que les actes de mise en culture des constituants variétaux protégés et de récolte de leurs fruits ne relèvent pas des catégories d’actes concernant des constituants variétaux visées à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94. En conséquence, le titulaire n’est pas en droit d’invoquer la protection primaire instituée par cette disposition à l’encontre de l’agriculteur ayant accompli de tels actes. Le titulaire peut, cependant, se prévaloir de la protection secondaire prévue à l’article 13, paragraphe 3, de ce règlement en vue de s’opposer à l’accomplissement à l’égard du produit de la récolte des actes énumérés au paragraphe 2 de cet article (tels que la commercialisation des fruits) pour autant que les deux conditions énoncées au paragraphe 3 dudit article soient réunies ( 21 ).

B.   Sur la troisième question

37.

La troisième question préjudicielle a trait à l’articulation entre le régime de protection secondaire prévu à l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 et le système de protection provisoire institué à l’article 95 de ce règlement. Par cette question, la juridiction de renvoi demande si, pour que soit réunie la première condition énoncée à l’article 13, paragraphe 3, dudit règlement – selon laquelle le produit de la récolte doit avoir été obtenu à partir de l’« utilisation non autorisée » de constituants variétaux protégés –, l’achat des plants doit avoir été effectué après l’octroi de la protection.

38.

À titre liminaire, je crois utile de souligner la distinction qu’institue le règlement no 2100/94 entre les régimes de « protection provisoire » et de « protection définitive » des obtentions végétales.

39.

Ces régimes concernent les remèdes dont dispose l’obtenteur en cas d’accomplissement par un tiers d’un acte visé à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94. Conformément à l’article 94, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, l’obtenteur peut exercer une action en cessation de la contrefaçon et/ou en versement d’une rémunération équitable à l’encontre de toute personne ayant commis un tel acte sans son autorisation après l’octroi de la protection de la variété végétale en cause. L’article 95 dudit règlement prévoit que, lorsqu’une personne accomplit, au cours de la période comprise entre la publication de la demande et l’octroi de la protection (ci‑après la « période de protection provisoire »), un acte « qui lui aurait été interdit après [cette] période », seul peut être exigé de sa part le paiement d’une rémunération équitable ( 22 ).

40.

En ce qui concerne l’interprétation de l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94, aucun des intéressés ayant déposé des observations à la Cour ne conteste, en premier lieu, que la notion d’« utilisation » qui y figure fait référence à l’accomplissement d’un acte visé au paragraphe 2 de cet article ( 23 ). Cette conclusion se comprend aisément au regard de l’objectif et de l’économie générale du régime de protection en cascade institué par ces dispositions. Ce régime vise, en effet, à permettre à l’obtenteur de faire valoir ses droits sur les fruits générés par les constituants variétaux protégés lorsque ce dernier n’a pas pu agir contre la personne ayant commis un acte listé au paragraphe 2 dudit article à l’égard des constituants variétaux eux‑mêmes ( 24 ).

41.

En l’occurrence, les actes visés à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 se rapportant aux constituants variétaux, dont la date est pertinente aux fins de vérifier le respect de la première condition prévue au paragraphe 3 de cet article, consistent en la multiplication et en la commercialisation de ces plants par la pépinière (à laquelle correspond l’« achat des plants » mentionné dans l’énoncé de la troisième question préjudicielle). Il résulte, en revanche, de la réponse que je propose d’apporter aux première et deuxième questions préjudicielles que la mise en culture des arbres et la récolte de leurs fruits ne sauraient être assimilées à des actes qui concernent les constituants variétaux au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94.

42.

Ici apparaît le lien entre ces deux questions, d’une part, et la troisième question déférée par la juridiction de renvoi, d’autre part. En effet, par son argumentation développée en réponse aux première et deuxième questions préjudicielles, CVVP entend établir que la première condition énoncée à l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 est en l’espèce remplie, en ce qui concerne les actes de commercialisation des fruits postérieurs à l’octroi de la protection, quelle que soit la réponse qu’apportera la Cour à la troisième question préjudicielle.

43.

L’approche de CVVP s’explique au regard du fait que, tandis que la multiplication et la vente des mandariniers par la pépinière ont eu lieu au cours de la période de protection provisoire, les actes de mise en culture de ces arbres et de récolte de leurs fruits par l’agriculteur ont perduré après l’octroi de la protection. En assimilant ces derniers actes à des actes de « production » des constituants variétaux couverts par la protection primaire prévue à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2100/94, CVVP soutient que la mise en culture des mandariniers et la récolte de leurs fruits ont constitué une « utilisation non autorisée » des constituants variétaux protégés, au sens du paragraphe 3 de cet article, quand bien même cette notion ne couvrirait que les actes accomplis sur ces constituants après l’octroi de la protection.

44.

Cette argumentation doit être réfutée pour les motifs exposés dans mon analyse des première et deuxième questions préjudicielles.

45.

En second lieu, les intéressés ayant soumis des observations à la Cour s’opposent, en revanche, sur la signification de l’expression « non autorisée » employée à l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94.

46.

D’une part, selon CVVP, une utilisation non autorisée de constituants variétaux se produirait toutes les fois qu’un acte visé à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 est commis sans que l’obtenteur y ait marqué son consentement. CVVP observe que, pendant la période de protection provisoire, l’obtenteur n’est pas habilité à interdire l’accomplissement d’un tel acte – celui‑ci pouvant uniquement demander une rémunération équitable en vertu de l’article 95 de ce règlement. Partant, tout acte de ce type commis au cours de cette période serait constitutif d’une utilisation non autorisée, même lorsqu’une rémunération équitable a été versée à l’obtenteur, puisque ce dernier n’a pas pu consentir à son accomplissement ( 25 ).

47.

D’autre part, M. Martínez Sanchís et la Commission font valoir, en substance, que, dès lors que les actes listés à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 ne requièrent pas l’autorisation de l’obtenteur au cours de la période de protection provisoire, ces actes ne sauraient être qualifiés d’« utilisation non autorisée » de constituants variétaux lorsqu’ils sont accomplis pendant cette période. À titre subsidiaire, la Commission soutient, comme le fait en substance le gouvernement hellénique, que lesdits actes doivent, s’ils sont commis pendant la période de protection provisoire, être réputés non autorisés s’ils n’ont pas donné lieu au paiement d’une rémunération équitable ( 26 ).

48.

Le bien‑fondé de la position défendue par M. Martínez Sanchís et par la Commission à titre principal ressort, à mes yeux, sans ambiguïté de l’économie générale des régimes de protection provisoire et de protection secondaire.

49.

Je rappelle, à cet égard, que les droits que l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 confère au titulaire sur le matériel de récolte revêtent une nature subsidiaire, en ce sens qu’ils ne peuvent être invoqués que dans les situations où l’obtenteur n’a pas pu exercer ses droits au titre du paragraphe 2 de cet article à l’encontre de la personne (en l’espèce, la pépinière) ayant accompli un ou plusieurs actes visés à cette disposition (en l’occurrence, la multiplication et la commercialisation) à l’égard des constituants variétaux protégés ( 27 ).

50.

Dans cette optique, la notion d’« utilisation non autorisée » ne me semble avoir de sens que dans la mesure où l’un des actes énumérés à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 a été commis sur les constituants variétaux sans l’autorisation de l’obtenteur alors même que cette autorisation était requise. Ce n’est, ainsi, que lorsque l’obligation d’obtenir le consentement de l’obtenteur a été violée que ce dernier peut faire valoir ses droits sur le produit de la récolte.

51.

Or, l’article 95 du règlement no 2100/94 institue non pas un régime d’autorisation préalable, mais uniquement un régime de rémunération de l’obtenteur ( 28 ). Au cours de la période de protection provisoire, l’obtenteur n’est pas habilité à interdire les actes énumérés à l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement. Partant, leur accomplissement, même lorsqu’il ne s’accompagne pas du paiement d’une rémunération équitable, ne saurait être assimilé à une utilisation non autorisée du constituant variétal protégé, puisqu’il n’a eu lieu au mépris d’aucune obligation d’autorisation préalable.

52.

À ce propos, l’article 95 du règlement no 2100/94 prévoit que l’obtenteur « peut demander » une rémunération équitable de la part de toute personne ayant accompli « un acte qui lui aurait été interdit après [la période de protection provisoire] ». Ce libellé met en évidence qu’aucun acte, qu’il se rapporte aux constituants variétaux ou au matériel de récolte, ne requiert l’autorisation de l’obtenteur avant l’octroi de la protection définitive. Il révèle également que, au cours de la période de protection provisoire, le défaut de verser à l’obtenteur une rémunération équitable ne rend pas l’acte en cause illégal en tant que tel ( 29 ). Les effets de la protection provisoire contrastent, ainsi, avec ceux de la protection définitive prévue à l’article 94, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, laquelle peut être invoquée à l’encontre de toute personne qui accomplit, « sans y avoir été autorisée », un des actes visés à l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement.

53.

Qui plus est, conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 2100/94 ( 30 ), la durée de la protection des obtentions végétales s’écoule à compter de l’octroi de la protection. Cette protection se distingue, sous cet angle, de celle qui découle du brevet européen, dont la durée est calculée à partir du dépôt de la demande ( 31 ). À mes yeux, le fait que la période de protection provisoire des obtentions végétales soit non pas déduite de la durée de la protection définitive, mais bien ajoutée à celle‑ci en tant que protection distincte dans l’intérêt de l’obtenteur, contribue à justifier que le champ d’application de la protection provisoire diffère de celui de la protection définitive, seule cette dernière visant les actes accomplis sur le matériel de récolte eu égard à la première condition énoncée à l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94.

54.

L’interprétation que je préconise est, au demeurant, corroborée par certains documents explicatifs adoptés par le Conseil de l’UPOV ( 32 ). Aux termes de ces documents, la notion d’« utilisation non autorisée », au sens de l’article 14, paragraphe 2, de la convention UPOV, désigne « les actes à l’égard du matériel de reproduction ou de multiplication qui requièrent l’autorisation du titulaire du droit d’obtenteur [...] mais qui ont été accomplis sans qu’une telle autorisation ait été obtenue» ( 33 ). Le Conseil de l’UPOV y précise que l’accomplissement d’actes non autorisés suppose que ce droit « ait été octroyé et soit en vigueur ».

55.

Au vu de ces considérations, j’estime que l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 ne protège le titulaire que dans la mesure où des actes visés au paragraphe 2 de cet article ont été accomplis sur les constituants variétaux sans son autorisation après l’octroi de la protection.

56.

Cette lecture n’est pas infirmée par le fait, mis en exergue par CVVP, que la valeur économique des variétés fruticoles telles que celle en cause au principal réside principalement dans leur capacité à produire des fruits. En effet, ce fait ne saurait remettre en cause l’architecture du système de protection des obtentions végétales consistant, à titre principal, en un régime de protection primaire portant sur les constituants variétaux et, à titre subsidiaire, dans la mesure où l’obtenteur n’a pas pu faire valoir son droit à la protection primaire, en un régime de protection secondaire relatif au matériel de récolte. Dans le cadre de ce système de protection en cascade, la valeur économique associée à la possibilité de récolter au fil des ans les fruits des constituants variétaux peut être reflétée dans le montant de la rémunération (« royalties ») fixée par l’obtenteur pour les actes, visés à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94, accomplis sur ces constituants eux‑mêmes.

57.

Ne saurait davantage remettre en question l’interprétation ici proposée l’argumentation, également avancée par CVVP, selon laquelle cette interprétation permettrait à tout intéressé de reproduire les constituants variétaux en période de protection provisoire et, par la suite, d’en poursuivre l’exploitation sans que l’obtenteur soit rétribué. En effet, l’impossibilité pour l’obtenteur de faire valoir ses droits sur le produit de la récolte au titre de l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 ne l’empêche pas de demander une rémunération équitable à l’encontre du pépiniériste ayant multiplié et vendu les constituants variétaux.

58.

Cette protection peut, certes, se révéler inopérante en cas d’impossibilité pour l’obtenteur de faire valoir ses droits à l’endroit de ce dernier. Une telle conséquence m’apparaît cependant inhérente à l’équilibre que le régime de protection provisoire établit entre les intérêts, d’une part, de l’obtenteur, et, d’autre part, de l’acquéreur de constituants variétaux multipliés et vendus au cours de la période de protection provisoire. Ainsi que l’a relevé en substance la Commission, rien ne permet de considérer que ce régime, s’il vise à encourager l’obtenteur à rendre disponibles à des tiers les constituants variétaux dès la publication de la demande de protection et, le cas échéant, à en tirer un profit commercial ( 34 ), aurait pour prétention de garantir que ce dernier n’encoure aucun risque lorsqu’il choisit de procéder ainsi.

59.

Compte tenu de ces considérations, la première condition prévue à l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 ne saurait être remplie dans une situation telle que celle en cause au principal.

60.

En effet, d’une part, dans la mesure où les actes de multiplication et de commercialisation des constituants variétaux ont été commis par la pépinière avant l’octroi de la protection, ces actes ne constituent pas une utilisation non autorisée de ces constituants au sens de cette disposition.

61.

D’autre part, dès lors que, au vu de la réponse que je propose d’apporter aux première et deuxième questions préjudicielles, les actes de mise en culture et de cueillette des fruits accomplis par l’agriculteur ne relèvent pas du champ d’application de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94, ces actes – même commis après l’octroi de la protection – ne sauraient davantage donner lieu à une utilisation non autorisée des constituants variétaux.

62.

J’en conclus que, lorsque les plants d’une variété végétale sont acquis auprès d’une pépinière au cours de la période comprise entre la publication de la demande et l’octroi de la protection communautaire de cette variété, l’acquéreur peut – pendant et après cette période – librement cultiver ces plants ainsi qu’en récolter et en vendre les fruits.

V. Conclusion

63.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) :

1)

L’article 13, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, doit être interprété en ce sens que les actes consistant à mettre en culture des constituants variétaux d’une variété protégée et à en récolter les fruits ne relèvent pas des catégories d’actes, dont l’accomplissement est subordonné à l’autorisation du titulaire de la protection, visées à cette disposition.

2)

L’article 13, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2100/94 doit être interprété en ce sens que la notion d’« utilisation non autorisée » de constituants variétaux protégés n’inclut pas les actes accomplis sur ces constituants, tels que leur multiplication ou leur commercialisation, au cours de la période comprise entre la publication de la demande de protection communautaire des obtentions végétales et l’octroi de cette protection.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Règlement du Conseil du 27 juillet 1994 (JO 1994, L 227, p. 1).

( 3 ) Signée sous l’égide de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) le 2 décembre 1961 et révisée à Genève le 10 novembre 1972, le 23 octobre 1978 ainsi que le 19 mars 1991 (ci‑après la « convention UPOV »). L’Union a adhéré à cette convention par la décision 2005/523/CE du Conseil, du 30 mai 2005, approuvant l’adhésion de la Communauté européenne à la [convention UPOV] (JO 2005, L 192, p. 63).

( 4 ) Arrêt du 31 janvier 2008, Federación de Cooperativas Agrarias de la Comunidad Valenciana/OCVV – Nador Cott Protection (Nadorcott) (T‑95/06, EU:T:2008:25).

( 5 ) Aux termes de cette disposition, « [l]es actions visées aux articles 94 et 95 se prescrivent par trois ans à compter de la date à laquelle la protection communautaire des obtentions végétales a finalement été accordée et à laquelle le titulaire a pris connaissance de l’acte et de l’identité de l’auteur de la contrefaçon et, en l’absence de cette connaissance, trente ans après l’accomplissement de l’acte en cause ».

( 6 ) Voir arrêt du 20 octobre 2011, Greenstar-Kanzi Europe (C‑140/10, EU:C:2011:677, point 26). L’article 13, paragraphe 4, du règlement no 2100/94 établit, de surcroît, un régime pouvant être qualifié de « protection tertiaire » portant sur les produits obtenus directement à partir de matériel de reproduction ou de récolte de la variété protégée. Ce régime est étranger à la présente affaire.

( 7 ) La notion de « titulaire » de la protection communautaire des obtentions végétales, employée à l’article 13, paragraphes 1 à 4, du règlement no 2100/94, se distingue de celle d’« obtenteur », laquelle est définie à l’article 11 de ce règlement comme la « personne qui a créé ou qui a découvert et développé la variété, ou son ayant droit ou ayant cause ». La personne ayant découvert et développé la variété répond à la seule définition de l’« obtenteur » avant l’octroi de la protection, à la suite duquel elle devient également « titulaire » de la protection.

( 8 ) Ainsi que l’ont fait valoir CVVP et la Commission, la première condition prévue à l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94 peut être perçue comme une expression particulière de la règle générale de l’épuisement énoncée à son article 16. Aux termes de cette disposition, « [l]a protection communautaire des obtentions végétales ne s’étend pas aux actes concernant du matériel de la variété protégée [...] qui a été cédé à des tiers par le titulaire ou avec son consentement en un lieu quelconque de la Communauté, ou du matériel dérivé dudit matériel », à moins que ces actes n’impliquent soit la multiplication ultérieure (et non prévue lors de la cession) des constituants variétaux en question, soit l’exportation, à des fins autres que la consommation, de ces constituants variétaux vers un pays tiers où ils ne seront pas protégés.

( 9 ) Voir proposition de règlement (CEE) du Conseil instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, du 30 août 1990 [COM(90) 347 final, p. 2]. Voir, également, vingt‑neuvième considérant du règlement no 2100/94.

( 10 ) La notion de « mise en culture » est employée, dans ce contexte, pour désigner la plantation d’un constituant variétal ainsi que l’ensemble des actes d’entretien de ce constituant qui visent à en maximiser la production de fleurs ou de fruits.

( 11 ) Pour autant, bien entendu, que ce droit ne soit pas épuisé en vertu de l’article 16 du règlement no 2100/94. En l’occurrence, CVVP fait valoir, sans être contesté sur ce point par d’autres intéressés, que le droit du titulaire n’est pas épuisé dès lors qu’il n’a pas consenti à la multiplication des mandariniers de la variété Nadorcott par la pépinière.

( 12 ) Voir points 42 et 43 des présentes conclusions.

( 13 ) Ainsi, dans l’hypothèse où M. Martínez Sanchís aurait propagé les arbres de la variété Nadorcott par greffage – comme l’a, aux termes de la décision de renvoi, allégué CVVP dans son recours et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi –, CVVP pourrait invoquer à son égard la protection primaire prévue à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2100/94. Je note, à ce sujet, que CVVP n’a plus avancé pareille allégation dans le cadre de la procédure devant la Cour et que M. Martínez Sanchís conteste s’être livré à une quelconque multiplication de ces constituants variétaux.

( 14 ) Voir, en ce sens, Würtenberger, G., van der Kooij, P., Kiewiet, B., et Ekvad, M., European Union Plant Variety Protection, 2e éd., Oxford University Press, Oxford, 2015, p. 128.

( 15 ) Voir article 14, paragraphe 1, sous a), viii), de la proposition de base préparée par l’UPOV [actes de la conférence diplomatique de révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, Genève, 1991 (ci‑après les « actes de la conférence diplomatique de 1991 »), documents de base, p. 28 ainsi que comptes rendus analytiques, points 859 à 876].

( 16 ) Voir, à cet égard, en particulier, actes de la conférence diplomatique de 1991, comptes rendus analytiques, points 1024 et 1534.2.

( 17 ) Actes de la conférence diplomatique de 1991, comptes rendus analytiques, points 1005 à 1030.

( 18 ) Actes de la conférence diplomatique de 1991, comptes rendus analytiques, points 1529.2, 1529.3 et 1543. Voir, également, le rapport du groupe de travail qui figure parmi les documents de la conférence (actes de la conférence diplomatique de 1991, p. 145 à 148).

( 19 ) Par exemple, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 octobre 2011, Greenstar‑Kanzi Europe (C‑140/10, EU:C:2011:677, point 10), les accords entre l’obtenteur de la variété de pommiers protégée et les membres du réseau de commercialisation des fruits de cette variété comprenaient un « cahier des charges » prévoyant des restrictions concernant notamment la production de ces fruits.

( 20 ) Actes de la conférence diplomatique de 1991, comptes rendus analytiques, point 1534.3.

( 21 ) Cette conclusion opère sans préjudice du droit du titulaire, auquel ont fait référence CVVP, M. Martínez Sanchís et la Commission, de s’opposer aux actes visés à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 commis à l’égard du produit de la récolte, même lorsque les conditions énoncées au paragraphe 3 de cet article ne sont pas remplies, pour autant que le produit de la récolte puisse servir à des fins de reproduction [voir, à cet égard, Conseil de l’UPOV, « Notes explicatives sur les actes à l’égard du produit de la récolte selon l’acte de 1991 de la convention UPOV », 24 octobre 2013 (ci‑après les « notes explicatives sur les actes à l’égard du produit de la récolte »), p. 4, point 3]. Dans un tel cas de figure, le produit de la récolte constitue, en réalité, également un « constituant variétal » tel que défini à l’article 5, paragraphe 3, de ce règlement. Les droits du titulaire sont, cependant, limités par l’article 14, paragraphe 1, dudit règlement, en vertu duquel « [n]onobstant l’article 13, paragraphe 2, et afin de sauvegarder la production agricole, les agriculteurs sont autorisés à utiliser, à des fins de multiplication en plein air dans leur propre exploitation, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans leur propre exploitation, de matériel de multiplication d’une variété bénéficiant d’une protection communautaire des obtentions végétales autre qu’une variété hybride ou synthétique ». En l’espèce, CVVP a précisé que les fruits de la variété Nadorcott ne peuvent pas servir à la génération de nouveaux arbres de cette variété, ceux‑ci ne pouvant être obtenus que par des techniques de reproduction asexuée telles que le greffage.

( 22 ) Cette disposition met en œuvre l’obligation, incombant aux parties contractantes à la convention UPOV en vertu de l’article 13 de cette convention, de prendre « des mesures destinées à sauvegarder les intérêts de l’obtenteur pendant la période comprise entre le dépôt de la demande d’octroi d’un droit d’obtenteur ou sa publication et l’octroi du droit ».

( 23 ) Voir, en ce sens, s’agissant de la disposition correspondante figurant à l’article 14, paragraphe 2, de la convention UPOV, Conseil de l’UPOV, « Orientations en vue de la rédaction de lois fondées sur l’acte de 1991 de la convention UPOV », 6 avril 2017 (ci‑après les « orientations du Conseil de l’UPOV »), p. 57.

( 24 ) Voir, également, à cet égard, actes de la conférence diplomatique de 1991, comptes rendus analytiques, points 915 à 934.

( 25 ) En d’autres termes, CVVP considère que le paiement d’une rémunération équitable pour l’accomplissement, sur les constituants variétaux visés par la demande de protection, d’un acte visé à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 n’épuise pas les droits du titulaire sur ces constituants ni sur le matériel de récolte dérivé de ceux‑ci (voir, à cet égard, note 8 des présentes conclusions).

( 26 ) La Commission, bien qu’elle ait plaidé en faveur de cette seule approche dans ses observations écrites, a précisé lors de l’audience qu’elle ne préconise celle‑ci qu’à titre subsidiaire.

( 27 ) Voir points 35 et 40 des présentes conclusions.

( 28 ) Ce régime s’inspire de celui prévu à l’article 13 de la convention UPOV. S’agissant de la genèse de cette disposition, j’observe que la protection provisoire, ayant d’abord fait l’objet d’une faculté laissée à la discrétion des États parties à la convention UPOV, ne constitue une obligation dans leur chef que depuis sa révision en 1991. Les travaux préparatoires ayant présidé à cette révision n’apportent pas d’éclairage sur l’articulation entre la protection provisoire, d’une part, et la protection secondaire, également introduite à cette occasion, d’autre part.

( 29 ) Un certain rapprochement peut être opéré avec le régime instauré à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10). En vertu de cette disposition, les États membres peuvent prévoir une exception au droit de reproduction du titulaire d’un droit d’auteur aux fins de permettre la réalisation de reproductions à des fins privées, à condition que le titulaire perçoive une rémunération équitable. Dans l’arrêt du 21 avril 2016, Austro‑Mechana (C‑572/14, EU:C:2016:286, point 48), la Cour a jugé que, lorsqu’un État membre met en œuvre cette faculté, la réalisation de reproductions à usage privé, bien qu’elle requière le paiement d’une rémunération équitable au titulaire du droit d’auteur, constitue un acte autorisé en vertu du droit national.

( 30 ) Cette disposition reprend le contenu de l’article 19, paragraphe 2, de la convention UPOV.

( 31 ) Voir article 63, paragraphe 1, de la convention sur la délivrance de brevets européens, signée à Munich le 5 octobre 1973, telle que révisée en 2000.

( 32 ) Notes explicatives sur les actes à l’égard du produit de la récolte, p. 4, point 4, ainsi qu’orientations du Conseil de l’UPOV, p. 57. Bien que dépourvus de caractère contraignant, ces documents fournissent des indications utiles à l’interprétation de la convention UPOV et des dispositions correspondantes du règlement no 2100/94.

( 33 ) De tels actes sont également réputés non autorisés lorsqu’ils ne sont pas accomplis conformément aux conditions et limitations éventuelles définies par le titulaire dans son autorisation en application de l’article 14, paragraphe 1, sous b), de la convention UPOV. Voir orientations du Conseil de l’UPOV, p. 57. Il me semble, cependant, découler d’une application par analogie du raisonnement suivi dans l’arrêt du 20 octobre 2011, Greenstar‑Kanzi Europe (C‑140/10, EU:C:2011:677, points 41 à 43), que seules les violations de conditions et limitations contractuelles portant directement sur des éléments essentiels de la protection sont susceptibles d’affecter le consentement du titulaire de la protection aux fins de l’application de l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 2100/94.

( 34 ) Voir, en ce sens, Würtenberger, G., van der Kooij, P., Kiewiet, B. et Ekvad, M., European Union Plant Variety Protection, op. cit., p. 198.