CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 21 mars 2019 ( 1 )

Affaire C‑34/18

Ottília Lovasné Tóth

contre

ERSTE Bank Hungary Zrt.

[demande de décision préjudicielle formée par la Fővárosi Ítélőtábla (cour d’appel régionale de Budapest-Capitale, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Clauses abusives – Directive 93/13/CEE – Champ d’application – Clause reflétant le droit – Annexe – Valeur juridique – Article 3, paragraphe 1 – Appréciation du caractère abusif d’une clause – Impression produite par une clause sur le consommateur moyen – Compréhensibilité des clauses – Existence de jugements nationaux contradictoires »

1. 

La présente affaire concerne une procédure opposant ERSTE Bank Hungary Zrt. (ci-après la « banque ») et Mme Ottília Lovasné Tóth au sujet du caractère abusif d’une clause spécifique contenue dans un contrat de prêt relatif à un logement. La clause litigieuse figure dans une convention hypothécaire et prévoit, d’une part, que chaque partie s’engage à accepter la force probante d’un acte notarié rédigé conformément aux comptes du débiteur et aux livres et documents comptables de la banque, et, d’autre part, que chaque partie accepte qu’un tel acte fasse foi aux fins d’une exécution forcée en cas de défaillance.

2. 

En l’occurrence, la Kúria (Cour suprême, Hongrie) a déjà rendu plusieurs arrêts concernant une clause similaire à celle en cause au principal. Dans ces arrêts, elle a conclu qu’une telle clause ne faisait que renvoyer à une procédure notariale d’exécution nationale existante et que, par conséquent, d’un point de vue juridique, elle n’affectait ni le droit de l’une des parties d’intenter une action en justice ni la charge de la preuve.

3. 

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande notamment si cette clause peut néanmoins être déclarée abusive au sens de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29, ci-après la « directive de 1993 ») en raison essentiellement de l’impression erronée qu’une telle clause peut produire sur le consommateur moyen.

4. 

Avant d’examiner cette question, il est tout d’abord nécessaire de rappeler les dispositions pertinentes de la directive de 1993.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive de 1993

5.

Les seizième, dix-septième et vingtième considérants de la directive de 1993 indiquent :

« [16]

considérant que l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que cela constitue l’exigence de bonne foi ; que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ;

[17]

considérant que, pour les besoins de la présente directive, la liste des clauses figurant en annexe ne saurait avoir qu’un caractère indicatif et que, en conséquence du caractère minimal, elle peut faire l’objet d’ajouts ou de formulations plus limitatives notamment en ce qui concerne la portée de ces clauses, par les États membres dans le cadre de leur législation ;

[…]

[20]

considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et que, en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur ».

6.

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive de 1993 dispose :

« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont partis, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

7.

Aux termes de l’article 3 de la directive de 1993 :

« 1.   Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[…]

3.   L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

8.

L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive de 1993 est libellé comme suit :

« 1.   Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.   L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

9.

L’article 5 de la directive de 1993 dispose :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. […] »

10.

Conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive de 1993 :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

11.

Selon l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive de 1993 :

« 1.   Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2.   Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses. »

12.

Aux termes de l’article 8 de la directive de 1993 :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

13.

Le point 1 de l’annexe de la directive de 1993 précise :

« Clauses ayant pour objet ou pour effet :

[…]

m)

d’accorder au professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou le service fourni est conforme aux stipulations du contrat ou de lui conférer le droit exclusif d’interpréter une quelconque clause du contrat ;

[…]

q)

de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui‑ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat. »

2. La directive 2005/29/CE

14.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22), intitulé « Actions trompeuses », dispose :

« 1.   Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement :

[…]

g)

les droits du consommateur […] »

15.

Aux termes de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2005/29, intitulé « Omissions trompeuses » :

« Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu’un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu’il n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l’un ou l’autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d’être amené à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. »

II. Le litige au principal et les questions préjudicielles

16.

Le 27 octobre 2008, la banque et Mme Tóth, laquelle, dans le cadre de l’accord, agissait à des fins ne relevant pas de son activité commerciale ou professionnelle, ont conclu un contrat de prêt en vue de l’achat d’une propriété résidentielle. En conséquence, nul ne conteste le statut de consommateur de Mme Tóth aux fins de l’article 2, sous b), de la directive de 1993.

17.

Le même jour, Mme Tóth s’est présentée devant un notaire et a déclaré qu’elle avait connaissance de chacune des clauses du contrat de prêt. Cette déclaration a été insérée dans un acte authentique intitulé « Déclaration unilatérale de reconnaissance de dette ».

18.

La clause I.4 du contrat de prêt (ci-après la « clause I.4 »), qui fait également partie de l’acte authentique préparé par le notaire, est libellée comme suit :

« Afin de régler tout éventuel litige portant sur le décompte ou de faire droit à une exigence de la banque, afin de déterminer l’encours du crédit ou de toute autre dette à un moment donné conformément au présent acte, afin de déterminer la date effective du déblocage et la date d’exigibilité d’une créance, ainsi que toute donnée ou fait nécessaire aux fins de l’exécution forcée judiciaire directe, les parties ont exprimé leur volonté de s’engager à accepter comme élément de preuve doté de la force probante un acte conclu en la forme authentique dressé conformément aux comptes ouverts par le débiteur dans les livres de la banque et les registres et livres comptables de ladite banque.

Conformément à cela, les parties s’engagent à reconnaître, par la signature du présent document, qu’en cas de défaut de remboursement du prêt et de ses accessoires, ou de remboursement non conforme au contrat, l’acte conclu en la forme authentique dressé conformément aux comptes ouverts par le débiteur dans les livres de la banque et les registres et livres comptables de ladite banque fera foi, à côté du présent document et aux fins d’une exécution forcée, de l’encours du crédit et de ses accessoires à un moment donné, ainsi que des faits susmentionnés.

En cas d’introduction d’une éventuelle procédure d’exécution forcée, les parties/le débiteur invitent le notaire ayant établi le présent document ou tout autre notaire compétent à attester, à la demande de la banque, dans un acte conclu en la forme authentique dressé conformément aux comptes ouverts par le débiteur dans les livres de la banque et les registres et livres comptables de ladite banque, l’encours du crédit et de ses accessoires ou de toute autre dette résultant du prêt susmentionné, ainsi que les données ou faits susmentionnés nécessaires ; elles accordent l’autorisation de lever le secret bancaire à cet égard. »

19.

En outre, en vertu du contrat de prêt et de la déclaration unilatérale de reconnaissance de dette, en cas de violation grave du contrat par le débiteur, telle que le non-respect de ses obligations de paiement, la banque est en droit de résilier le contrat avec effet immédiat et de déclarer que le solde reste dû, majoré des intérêts et des frais.

20.

Le 5 janvier 2016, Mme Tóth a formé un recours en vue de faire constater que la clause I.4 et la disposition correspondante de l’acte notarié étaient abusives. À l’appui de son recours, elle a allégué que cette clause renversait le fardeau de la preuve à son détriment.

21.

Dans son mémoire en défense, la banque a soutenu que la clause n’était pas abusive, car elle ne lui permettait ni de déterminer unilatéralement si Mme Tóth avait rempli son obligation ni de quantifier le montant dont elle était redevable ou de restreindre ses possibilités de faire valoir ses droits, et qu’elle n’inversait pas la charge de la preuve, puisqu’elle ne peut pas être considérée comme une reconnaissance de dette.

22.

La juridiction de première instance a rejeté le recours. Elle a estimé que la clause ne constituait pas une disposition contraignante pour les parties en ce qui concerne l’exécution des obligations du débiteur, qu’elle ne contenait aucune reconnaissance de dette et qu’elle ne permettait pas non plus à la banque de déterminer unilatéralement le montant restant dû par Mme Tóth ou si celle-ci a agi pour s’acquitter de ses obligations contractuelles. De plus, le fait que Mme Tóth ait accepté l’exécution d’un acte notarié ne signifiait pas qu’elle était privée de la possibilité de contester le montant de la créance, puisqu’elle pouvait encore présenter, par exemple, une demande de suspension (ou de limitation) de son exécution.

23.

Mme Tóth a alors interjeté appel devant la juridiction de renvoi. À l’appui de son appel, elle a fait valoir que la clause pouvait entraîner un déséquilibre entre elle et le défendeur, car elle permettait à ce dernier d’exercer plus facilement ses droits tout en rendant difficile pour elle de contester le montant de la dette inscrite dans les livres de la banque.

24.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi indique, en premier lieu, que le champ d’application de l’annexe de la directive de 1993 n’est pas clair. En effet, le point 1 de cette annexe dans sa version hongroise fait référence à « l’objet ou à l’effet » des clauses, alors que d’autres versions linguistiques, telles que les versions en langues allemande, polonaise, tchèque ou slovaque, utilisent l’expression « objectif ou effet ». Compte tenu de cette différence de formulation, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, pour qu’une clause relève du point 1, sous q), de l’annexe de cette directive, il suffit qu’elle ait pour objectif d’inverser la charge de la preuve.

25.

En outre, lorsqu’une clause satisfait aux exigences énoncées au point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993, la question se pose de savoir s’il est encore nécessaire d’examiner dans quelle mesure cette clause a créé un déséquilibre au détriment du consommateur. En effet, bien qu’elle ait soutenu avoir pleinement connaissance du fait que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, l’annexe à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de cette directive ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive de clauses susceptibles d’être considérées comme abusives, la juridiction de renvoi relève que, dans l’arrêt du 26 avril 2012, Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242), la Cour a également déclaré que « [s]i le contenu de l’annexe en cause n’est pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif d’une clause litigieuse, il constitue, cependant, un élément essentiel sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif de cette clause ».

26.

En deuxième lieu, la juridiction de renvoi indique que la Kúria (Cour suprême) a jugé qu’une clause similaire à celles en cause dans la procédure au principal ne saurait être considérée comme une reconnaissance de dette et qu’elle n’affecte pas la situation juridique du consommateur en ce qui concerne les possibilités de faire valoir ses prétentions, car la législation lui accorde le droit d’engager une procédure de suspension de l’exécution ou de faire déclarer que la résiliation n’a aucun effet juridique. La Kúria (Cour suprême) a également déclaré qu’une clause similaire ne constitue pas en soi un désavantage pour le consommateur en ce qui concerne la charge de la preuve. En effet, puisqu’un prêteur peut prendre la décision de mettre fin au contrat sur la base de ses propres écritures, il est inhérent à une telle situation que la charge de la preuve incombe au consommateur. De même, la législation nationale autorise tout prêteur à demander une déclaration notariée, même si le contrat passé avec le débiteur ne contenait aucune disposition explicite à cet égard. Ainsi, pour la Kúria (Cour suprême), ce n’est ni la clause ni l’acte notarié qui modifie la charge de la preuve rendant ainsi la défense du consommateur plus difficile, mais plutôt les règles régissant les actes notariés ayant force probante et les clauses d’exécution.

27.

La juridiction de renvoi indique qu’elle a encore un doute sur le point de savoir si néanmoins la clause I.4 ne devrait pas être considérée comme relevant du point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993.

28.

Elle fait observer, d’une part, que si la clause I.4 est compréhensible du point de vue grammatical, ses conséquences ne sont pas claires pour le consommateur, puisqu’elle donne l’impression que, une fois le contrat signé, l’exécution de l’acte notarié fera office de preuve irréfragable et fiable de toute dette susceptible de survenir à l’avenir en vertu de l’accord. Elle affirme que tout cela a une incidence directe sur la décision du consommateur d’exercer ses droits à l’encontre du prêteur.

29.

D’autre part, la clause I.4 pourrait avoir des conséquences négatives pour le consommateur même si, selon l’interprétation de la Kúria (Cour suprême), cette clause n’est pas à l’origine du droit pour le prêteur d’engager une action en exécution directe. En effet, la banque aurait le droit, en invoquant ladite clause, d’écarter toute négociation équitable et loyale avec le débiteur, car ce dernier ne pourrait faire valoir ses droits que dans le cadre d’une procédure judiciaire onéreuse et longue au cours de laquelle il n’aura d’autre solution, s’il veut éviter les conséquences de la résiliation, que de payer les sommes excessives dues en vertu des clauses abusives.

30.

En troisième lieu, la juridiction de renvoi se demande si la clause I.4 ne devrait pas être déclarée abusive au titre de l’article 5 de la directive de 1993. De fait, selon les arrêts de la Kúria (Cour suprême), une telle clause ne renverse pas la charge de la preuve. Cependant, plusieurs juridictions nationales se seraient prononcées en sens contraire dans plusieurs affaires similaires. En raison de ce corpus de jurisprudence hongroise, les consommateurs ne seraient pas en mesure de se rendre compte que cette disposition apparemment claire n’a en fait aucun effet sur la charge de la preuve.

31.

En quatrième lieu, la juridiction de renvoi relève que, selon le libellé de la clause I.4, la déclaration contenue dans l’acte notarié doit être rédigée sur la seule base des informations consignées par le prêteur concernant l’exécution de ses obligations par le débiteur jusque‑là. Cette clause autoriserait donc le prêteur à décider unilatéralement si le consommateur a rempli ses obligations conformément aux conditions du contrat et si, par conséquent, elle pouvait relever du point 1, sous m), de l’annexe de la directive de 1993.

32.

Dans ces conditions, la Fővárosi Ítélőtábla (cour d’appel régionale de Budapest-Capitale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Le point 1, sous q), de l’annexe de la [directive de 1993] doit‑il être interprété en ce sens que celui-ci, en tant que disposition à caractère normatif du droit de l’Union ayant le rang d’une règle d’ordre public, interdit de façon générale et d’une manière qui rend tout examen supplémentaire superflu l’imposition par le créancier d’une clause contractuelle type ou non négociée individuellement ayant pour objectif ou pour effet d’inverser la charge de la preuve en la faisant peser sur le débiteur ayant qualité de consommateur ?

2)

Dans la mesure où il convient d’apprécier l’objectif ou l’effet de la clause contractuelle sur le fondement du point 1, sous q), de l’annexe de la [directive de 1993], peut-on considérer comme faisant obstacle à l’exercice des droits du consommateur la clause contractuelle :

au regard de laquelle le débiteur ayant qualité de consommateur peut légitimement supposer qu’il doit exécuter le contrat dans son intégralité, avec toutes ses clauses, selon les modalités et dans la mesure exigée par le créancier, même si ledit débiteur est convaincu que les prestations exigées par le créancier ne sont pas dues, en totalité ou en partie ;

ou qui a pour effet d’exclure ou de restreindre l’accès du consommateur à un mode de règlement des litiges fondé sur une négociation loyale, parce qu’il suffit que le créancier se prévale de cette clause pour que le litige soit considéré comme étant réglé ?

3)

Dans la mesure où le caractère abusif des clauses contractuelles énumérées à l’annexe de la [directive de 1993] doit être déterminé en prenant également en compte les critères figurant à l’article 3, paragraphe 1, de [cette directive], une clause qui a une incidence sur les décisions du consommateur concernant l’exécution du contrat, le règlement des litiges l’opposant au créancier par la voie gracieuse ou contentieuse, ou encore la mise en œuvre de ses droits, est-elle alors conforme au principe de la rédaction claire et compréhensible des clauses, énoncé à l’article 5 de [ladite directive], étant précisé que la clause en question est certes clairement rédigée, mais que ses effets juridiques ne peuvent être établis qu’à l’aide d’une interprétation des dispositions du droit national qui ne faisaient l’objet d’une jurisprudence uniforme ni à la date de la conclusion du contrat ni lors des années suivantes ?

4)

Faut-il interpréter le point 1, sous m), de l’annexe de la [directive de 1993] en ce sens qu’une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle peut être abusive également dans le cas où elle autorise le professionnel à apprécier unilatéralement si la prestation du consommateur a été exécutée conformément au contrat, et que cette clause est reconnue par le consommateur comme étant contraignante à son égard, avant même que l’une ou l’autre partie au contrat n’ait effectué de prestations ? »

III. Analyse

B.   Sur la compétence de la Cour et la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

33.

La banque soutient que les questions posées sont hypothétiques et que, par conséquent, la Cour n’est pas compétente pour y répondre. En effet, contrairement à ce que suppose la juridiction de renvoi dans ses première, deuxième et quatrième questions, la banque affirme que la clause en cause au principal n’aurait pour effet ni de renverser la charge de la preuve, ni d’exclure ou de restreindre la possibilité pour le consommateur d’exercer des voies de recours, ni de permettre à la banque d’évaluer unilatéralement si le consommateur a rempli ses obligations contractuelles. De même, contrairement à l’hypothèse mentionnée dans la troisième question, elle fait valoir que la jurisprudence nationale n’est en réalité pas divergente, puisque la Kúria (Cour suprême) s’est depuis lors prononcée dans plusieurs arrêts récents sur la portée d’une clause similaire à celle en cause au principal.

34.

À cet égard, il convient tout d’abord de noter que, si la banque conteste formellement la compétence de la Cour, son argument doit être interprété comme mettant en cause la recevabilité des questions posées ( 2 ).

35.

En second lieu, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher ( 3 ). Il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision de justice à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour ( 4 ).

36.

En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Bien entendu, le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 5 ). Or, le fait que l’une des parties au principal conteste la pertinence de la question préjudicielle en vue du règlement du litige au principal ne permet pas, en soi, de conclure à l’irrecevabilité de ces questions.

37.

En l’espèce, il ne ressort pas de manière manifeste de la présentation de l’affaire par la juridiction de renvoi que les hypothèses envisagées dans ses questions ne correspondent pas à la situation en cause dans l’affaire au principal. Dans ces conditions, j’estime que la Cour ne devrait pas déclarer ces questions irrecevables ( 6 ).

C.   Sur le fond

1. Observations liminaires

38.

Dans la mesure où plusieurs questions concernent l’interprétation du point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993, j’estime qu’il est tout d’abord nécessaire de répondre aux doutes exprimés par la juridiction de renvoi dans sa demande concernant le libellé de la première phrase de cette annexe.

39.

En l’espèce, il ressort du dix-septième considérant, ainsi que de l’article 3, paragraphe 3, de la directive de 1993, que l’annexe de cette directive est destinée à contenir une liste non exhaustive d’exemples de clauses susceptibles d’être déclarées abusives au sens de l’article 3, paragraphe l, de ladite directive en raison de leur objet ou de leur effet.

40.

Ensuite, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993, une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. En conséquence, lorsqu’elles apprécient le caractère abusif de la clause faisant l’objet de leur contrôle, les juridictions nationales doivent prendre en considération l’objet ou l’effet de telles clauses.

41.

Enfin, la Cour a déjà jugé que la directive de 1993 oblige les États membres à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers ( 7 ), ce qui suppose que l’élément déterminant soit les effets produits par les clauses du contrat et non l’objectif poursuivi par leur auteur.

42.

Dans ces conditions, j’estime que le point 1 de l’annexe de la directive de 1993 devrait être interprété, quelle que soit la version linguistique, comme faisant référence à l’« objet ou [l’]effet » et non à l’« objectif ou [l’]effet » de clauses contractuelles.

43.

Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la compétence de cette dernière en la matière porte sur l’interprétation de la notion de « clause abusive », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993 et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de la directive. En revanche, il appartient à ce juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce ( 8 ).

2. Sur la première question

44.

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993 doit être interprété en ce sens qu’il équivaut à une interdiction générale de toute clause qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et dont l’objet ou l’effet est de renverser la charge de la preuve lorsque, selon le droit applicable, cette charge incombe naturellement à l’autre partie.

45.

À cet égard, il convient de rappeler que le point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993 concerne les clauses qui ont pour objet ou pour effet « de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur […], en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat ». Par conséquent, toute clause ayant pour objet ou pour effet de renverser injustement la charge de la preuve en la faisant peser sur le consommateur doit être examinée au titre du point 1, sous q), de l’annexe de cette directive.

46.

Toutefois, il ressort clairement des termes mêmes de l’article 3, paragraphe 3, de la directive de 1993 que l’annexe de cette directive contient une liste de clauses qui peuvent – mais ne doivent pas nécessairement – être déclarées abusives ( 9 ). En conséquence, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, « une clause qui y figure ne doit pas nécessairement être considérée comme abusive, et, inversement, une clause qui n’y figure pas peut néanmoins être déclarée abusive» ( 10 ). Pour déclarer une clause abusive, cette dernière doit être appréciée au regard du critère énoncé à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, même si, comme je l’expliquerai par la suite, certaines caractéristiques de ce critère peuvent être présumées remplies si la disposition contractuelle en cause relève du champ d’application de l’annexe.

47.

Par conséquent, on ne peut pas considérer, en droit de l’Union, que le point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993 prévoie une interdiction générale des clauses relevant de l’une des catégories qui y sont énumérées. Il s’agit simplement d’un exemple de clause susceptible d’être déclarée abusive.

48.

Il convient cependant de noter que l’article 8 de la directive de 1993 confère aux États membres le droit d’adopter ou de maintenir des dispositions plus strictes pour assurer un degré de protection plus élevé du consommateur.

49.

Partant, ainsi que la Commission l’a souligné dans ses observations écrites – ce que son représentant a également confirmé à l’audience –, les tâches dévolues aux juridictions nationales dépendent du point de savoir si l’État membre concerné a décidé, par des mesures législatives appropriées, de rendre la liste des clauses figurant au point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993 juridiquement contraignante et non pas simplement purement indicative.

50.

Dans le cas où l’État membre n’a pas pris une telle décision et que la législation nationale ne considère donc pas les clauses relevant de la catégorie visée au point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993 comme abusives, les juridictions nationales doivent examiner, à la lumière de la définition de la notion de « clause abusive » figurant à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive et des précisions apportées à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive en ce qui concerne les éléments à prendre en compte dans cette évaluation, si les clauses soumises à leur contrôle doivent être considérées comme abusives ( 11 ).

51.

En revanche, dans le cas où l’État membre concerné a effectivement décidé que les clauses relevant de la catégorie visée au point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993 sont réputées abusives, les juridictions nationales sont dès lors tenues de déclarer comme abusive toute clause ayant pour objet ou pour effet de reverser la charge de la preuve et de la faire peser sur les consommateurs, sans avoir à appliquer le critère énoncé à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive. Il convient toutefois de souligner que, lorsqu’un État membre a pris de telles mesures, ce n’est pas le point 1, sous q), de l’annexe de ladite directive qui rend toute analyse complémentaire au titre de l’article 3, paragraphe 1, de la même directive superflue, mais la législation nationale en question.

52.

En ce qui concerne la procédure au principal, comme toutes les parties l’ont confirmé lors de l’audience et comme l’a d’ailleurs constaté la juridiction de renvoi, la Hongrie a modifié son code civil afin de tirer parti de la possibilité offerte à l’article 8 de la directive de 1993 de prévoir des normes de protection des consommateurs plus strictes que celles requises par la directive elle-même. Cependant, dans la mesure où la Hongrie n’était pas tenue de prendre une telle décision, il doit être constaté que l’obligation imposée à ses juridictions nationales de déclarer nulles, de manière automatique, les clauses contractuelles visées au point 1, sous q), de l’annexe de cette directive, relève du droit national et non pas du droit de l’Union.

53.

Par conséquent, j’estime que, s’agissant du droit de l’Union, la réponse à la première question devrait être négative. En termes simples, il y a lieu de répondre que le point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993 ne saurait être interprété comme une interdiction générale de toute clause contractuelle relevant de son champ d’application.

54.

Bien que la juridiction de renvoi ait parfaitement résumé la jurisprudence de la Cour sur cette question, cette juridiction a néanmoins exprimé le besoin de demander à la Cour des précisions sur l’incidence de l’annexe de la directive de 1993. Dans ces conditions, j’estime que la Cour pourrait juger utile de profiter de l’occasion pour préciser certains aspects du critère à appliquer pour déterminer dans quelles conditions une clause renversant la charge de la preuve devrait être considérée comme abusive au vu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.

55.

En effet, la Cour a jugé par le passé que l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993 énonçait deux critères pour définir la notion de « clauses abusives », à savoir, d’une part, l’« absence de bonne foi » et, d’autre part, un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat [au détriment du consommateur] ». Selon la jurisprudence, la première condition impliquerait d’examiner si un vendeur ou un fournisseur agissant de manière juste et équitable avec le consommateur pourrait raisonnablement supposer que ce dernier a accepté une telle clause dans le cadre de négociations contractuelles individuelles, tandis que la seconde exigerait d’examiner si le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par le droit national en vigueur ( 12 ).

56.

Pour ma part, je ne pense pas, cependant, qu’il y ait lieu d’apprécier ces deux critères séparément.

57.

Premièrement, du point de vue du libellé de l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993, il convient de noter que les termes « bonne foi » et « déséquilibre significatif » sont liés grammaticalement par la préposition « en dépit de ». L’utilisation de cette préposition ne signifie pas que la situation décrite constitue une condition distincte, mais sert plutôt à souligner le fait que la création d’un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties dans le contrat est contraire à la bonne foi normalement attendue. Il est donc clair qu’une clause figurant dans un contrat conclu avec un consommateur qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, ne peut être considérée comme abusive aux fins de l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993 que si :

elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, et que

ce déséquilibre intervient au détriment du consommateur.

58.

En conséquence, étant donné que dans les systèmes juridiques qui utilisent ce précepte, la bonne foi est toujours présumée, l’expression « en dépit de l’exigence de bonne foi » doit être comprise comme désignant simplement la situation qui aurait prévalu en l’absence d’un déséquilibre significatif et non pas comme constituant en soi une condition distincte. En d’autres termes, l’expression « en dépit de l’exigence de bonne foi » décrit essentiellement l’état de la situation dans les cas où il existe, de fait, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur.

59.

Deuxièmement, en ce qui concerne les objectifs poursuivis par la directive de 1993, le seizième considérant explique que l’exigence de bonne foi suppose une évaluation globale des différents intérêts à la lumière, notamment, de la force des positions de négociation des parties. Cela démontre, une fois encore, que le législateur européen n’avait pas l’intention d’établir une ligne claire entre ces deux concepts, et encore moins d’établir un principe de bonne foi en tant que critère global et indépendant, séparément des autres dispositions spécifiques de la directive de 1993.

60.

Troisièmement, d’un point de vue systémique, comme certains auteurs l’ont souligné, une clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est en soi contraire au principe de bonne foi ( 13 ).

61.

Dans ce contexte, on peut également supposer que la référence, à l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993, à l’existence d’un « déséquilibre significatif » en lien avec la notion de « bonne foi » peut s’expliquer par l’absence d’un principe général de bonne foi dans les traditions de common law comme l’attestent le droit anglais et le droit irlandais ( 14 ). En outre, en subordonnant l’exigence de bonne foi à l’existence d’un déséquilibre significatif, l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993 donne une définition objective de ce qui pourrait constituer autrement une conception divergente du principe de bonne foi, même dans les États membres qui suivent la tradition du droit civil. On peut donc dire que la directive de 1993 concilie à cet égard les différentes approches existantes des États membres en matière de relations contractuelles.

62.

Eu égard aux considérations précédentes, j’estime donc que, malgré la référence à la bonne foi faite à l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993, le caractère abusif d’une clause peut être déduit de la simple circonstance qu’elle produit un déséquilibre significatif entre les droits contractuels des parties, causant ainsi un préjudice au consommateur. C’est en substance le seul critère prévu à l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993 et il n’est pas nécessaire d’établir, en outre, que cette clause a été insérée du fait de l’absence de bonne foi.

63.

La seconde précision qui pourrait être apportée de manière utile concerne la nature juridique de l’annexe de la directive de 1993. Bien que le fait qu’une clause particulière figure dans cette annexe n’est pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif d’une clause litigieuse, la Cour a estimé qu’« il constitue, cependant, un élément essentiel sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif de cette clause» ( 15 ).

64.

La référence ici à un « élément essentiel » est peut-être une question qui pourrait être utilement clarifiée, car je ne pense pas que ces termes étaient destinés à être compris ainsi voire même qu’ils puissent l’être.

65.

Premièrement, on peut relever que, même si la Cour a clairement précisé que le contenu de l’annexe de la directive de 1993 n’était pas suffisant « à lui seul » et n’établissait pas « automatiquement », aux fins du droit de l’Union, le caractère abusif d’une clause contractuelle litigieuse, la Cour n’a jamais exclu non plus expressément la possibilité que l’annexe puisse comporter au moins une indication partielle, voire présomptive du caractère abusif d’une clause spécifique.

66.

Deuxièmement, chaque catégorie de clauses mentionnées dans l’annexe de la directive de 1993 fait référence à des situations dans lesquelles l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties est si évidente qu’il est difficile de voir comment il pourrait en être autrement.

67.

Par conséquent, j’estime que la constatation de la Cour selon laquelle l’annexe de la directive de 1993 est « un élément essentiel sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif de cette clause » doit être comprise en ce sens que, lorsqu’une clause remplit les critères de l’une des catégories mentionnées dans l’annexe, les juridictions nationales peuvent présumer que cette clause crée un déséquilibre ( 16 ). Toutefois, étant donné que l’article 3, paragraphe 1, de cette directive fait référence à des situations de déséquilibre qui sont, en premier lieu, significatives, en deuxième lieu, préjudiciables aux consommateurs, et qui, en troisième lieu, concernent les droits et obligations des parties découlant du contrat, les tribunaux nationaux sont néanmoins tenus de veiller à ce que ces trois autres critères soient également remplis avant de pouvoir tirer une conclusion quant au caractère abusif de la clause en question ( 17 ).

68.

Par conséquent, en résumé, en ce qui concerne la première question, je suis d’avis que le point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993 n’équivaut pas à une interdiction générale de toute clause contractuelle non négociée individuellement et ayant pour objet ou pour effet d’inverser la charge de la preuve lorsque cette charge devrait, selon le droit applicable, incomber naturellement à l’autre partie. En revanche, l’article 3, paragraphe 1, de cette directive interdit, comme abusive, une clause contractuelle ayant pour effet de limiter ou d’exclure l’accès du consommateur à un mécanisme de règlement des litiges dans les cas où, si la juridiction nationale en décide ainsi, le prêteur a simplement à invoquer cette clause pour que le différend soit considéré comme résolu.

3. Sur la deuxième question

69.

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si, dans une affaire dans laquelle, conformément au point 1, sous q), de l’annexe de la directive de 1993, il convient d’apprécier l’objet ou l’effet d’une durée contractuelle, les catégories de clauses suivantes doivent être considérées comme empêchant les consommateurs d’exercer leurs droits :

une clause au regard de laquelle un débiteur ayant qualité de consommateur peut légitimement supposer qu’il doit exécuter le contrat dans son intégralité, avec toutes ses clauses, selon les modalités et dans la mesure exigées par le créancier, même si ledit débiteur est convaincu que les prestations exigées par le créancier ne sont pas dues,

une clause qui a pour effet d’exclure ou de restreindre l’accès du consommateur à un mode de règlement des litiges fondé sur une négociation loyale, parce qu’il suffit que le créancier se prévale de cette clause pour que le litige soit considéré comme étant réglé.

70.

À la lumière de la réponse à la première question, j’estime que cette deuxième question doit être interprétée comme portant sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993 et comme visant à vérifier si une clause relevant de l’une des deux hypothèses mentionnées par la juridiction de renvoi doit être considérée comme abusive. Je propose, pour des raisons de commodité, de commencer mon analyse en examinant d’abord la seconde hypothèse.

a) Sur la seconde hypothèse : le consommateur a vu son accès au système judiciaire restreint

71.

L’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993 dispose qu’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle « est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ».

72.

Comme indiqué précédemment, afin de déterminer si, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993, une clause entraîne un « déséquilibre significatif », les juridictions nationales doivent comparer les droits et obligations des parties nées de la clause en question avec ceux qui prévaudraient sans elle ( 18 ).

73.

En ce qui concerne les droits et obligations des parties découlant du droit national, je relève que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive de 1993, l’obligation pour les États membres de prévoir des modalités procédurales permettant d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent de cette directive contre l’utilisation de clauses abusives implique une exigence de droit à un recours effectif, consacrée également à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 19 ).

74.

Si la clause contractuelle en cause dans la présente procédure a pour effet de permettre aux prêteurs de mettre fin à tout litige en considérant le litige comme étant résolu, cela empêche en substance les débiteurs d’engager leur propre procédure. Cela priverait à leur tour les débiteurs de leur droit à un recours effectif. Une telle clause créerait manifestement un profond déséquilibre dans la relation contractuelle ordinaire entre les parties, au détriment manifeste du consommateur. Elle devrait donc être considérée comme abusive au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993.

75.

Toutefois, les informations contenues dans le dossier de la Cour dans la présente affaire indiquent que la Kúria (Cour suprême) a jugé dans une série d’arrêts que des clauses similaires se contentaient de mentionner l’existence d’une procédure d’exécution notariale nationale et qu’elles ne visaient donc en aucune manière à exclure le droit pour l’emprunteur d’engager les procédures judiciaires appropriées.

76.

Dans ce contexte, avant d’examiner si une clause de cette nature peut être déclarée abusive, il faut d’abord vérifier si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive de 1993, selon lequel toute clause contractuelle reflétant une disposition légale impérative ne doit pas être soumise aux dispositions de cette directive, s’applique.

77.

À cet égard, je considère que, la banque n’étant pas tenue de recourir à la procédure d’exécution notariale nationale, une telle clause ne saurait être considérée comme impérative aux fins des dispositions d’exclusion de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive de 1993.

78.

Toutefois, comme je l’ai déjà fait observer, le caractère non abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en comparant les droits et obligations établis par le contrat à ceux qui auraient prévalu en l’absence de celui-ci. Or, une clause qui ne fait qu’attirer l’attention du client sur l’existence d’une disposition législative ne modifie pas sa situation à son détriment. Même en l’absence d’une telle disposition contractuelle, l’autre partie aurait eu, en tout état de cause, le droit d’invoquer la disposition législative en question, à supposer, bien entendu, qu’elle soit applicable.

79.

En l’espèce, la disposition contractuelle litigieuse semble se référer simplement à l’existence d’une procédure d’exécution notariale nationale, bien qu’il appartienne en dernier ressort à la juridiction nationale de s’en assurer. Cependant, si c’est effectivement le cas, il doit être constaté que, pour tous les motifs que je viens d’indiquer, une telle clause ne peut être considérée comme abusive.

b) Sur la première hypothèse : le consommateur a été amené à croire que le contrat devait être exécuté conformément à la demande du prêteur

80.

La première hypothèse évoquée par la juridiction de renvoi dans la deuxième question renvoie en substance à une clause contractuelle qui, considérée de manière objective, donne l’impression au consommateur qu’il doit exécuter le contrat de la manière et dans la mesure requises par le prêteur, même si, en substance, la prestation demandée n’est due ni en totalité ni en partie.

81.

Ainsi que l’explique la juridiction de renvoi dans sa demande, l’hypothèse examinée ici fait référence à une clause contractuelle parfaitement claire en soi, mais qui donne néanmoins l’impression au consommateur que, une fois le contrat formalisé sous la forme d’un acte notarié, ce dernier servira de preuve irréfutable et concluante de toute dette susceptible de naître à l’avenir en vertu de l’accord. En d’autres termes, la véritable question est de savoir si une disposition contractuelle peut être considérée comme abusive simplement en raison de l’impression qu’une clause, au demeurant intelligible du point de vue grammatical, est susceptible de créer dans l’esprit du consommateur moyen.

82.

Il serait peut-être naïf de ne pas supposer que les rédacteurs de contrats peuvent s’employer à tirer parti de multiples façons des asymétries probables d’information entre ceux-ci et les consommateurs. Un stratagème évident et bien connu consiste à chercher à dissimuler au consommateur les effets juridiques précis d’une clause donnée. Le second stratagème, qui semble être suggéré implicitement par la juridiction de renvoi, survient lorsque le rédacteur cherche à inciter les consommateurs à se comporter d’une certaine manière alors que, d’un point de vue juridique, un tel comportement n’est en réalité pas requis. En d’autres termes, si les informations contenues dans la clause sont juridiquement exactes, elles sont néanmoins présentées de manière à amener le consommateur à agir différemment ( 20 ).

83.

Il est évident que, dans le cas du premier stratagème que j’ai déjà mentionné (à savoir la dissimulation), la clause en cause doit être examinée au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993, les juridictions nationales devant apprécier l’effet juridique réel produit par celle-ci et déterminer si une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur.

84.

En ce qui concerne le second stratagème, il convient de rappeler que l’annexe de la directive de 1993 doit être interprétée comme ne se référant pas aux objectifs éventuels que les rédacteurs d’une clause contractuelle avaient à l’esprit ( 21 ). En revanche, dans la mesure où l’évaluation du caractère non abusif d’une clause repose, selon l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, sur l’équilibre entre les droits et les obligations des parties, seul importe l’effet juridique produit par la clause en cause. Si une telle clause a pour seul effet de faire croire aux consommateurs qu’ils doivent agir d’une manière qui n’est pas juridiquement requise, l’éventuel caractère abusif de cette clause ne relève nullement de ladite directive.

85.

Par ailleurs, il convient de souligner que le libellé de l’article 5 de la directive de 1993 ne prévoit pas expressément que le fait pour une clause de ne pas être rédigée de façon claire et compréhensible constitue un motif distinct pour la déclarer abusive. Cette disposition prévoit simplement que, dans le cas où une clause contractuelle n’est pas rédigée « de façon claire et compréhensible » et, par suite, qu’« [e]n cas de doute sur le sens d’une clause », l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut.

86.

En outre, il ressort du seizième considérant et de l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993 qu’il n’existe qu’un seul critère d’une clause contractuelle abusive, à savoir celui prévu à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive. Ainsi, l’article 5 de ladite directive ne constitue pas un critère alternatif, mais prévoit simplement une règle interprétative permettant de déterminer l’effet juridique produit par de telles clauses. Il s’ensuit que, lorsqu’une clause spécifique n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible, le recours à la règle d’interprétation de l’article 5 de la même directive peut permettre d’atténuer une interprétation potentiellement dure ou injuste de cette disposition. Ce n’est que lorsque, même interprétée en référence à l’article 5 de la directive de 1993, la clause contractuelle crée encore un déséquilibre contractuel au détriment du consommateur qu’elle pourra être considérée comme abusive. Dans cette situation toutefois, le caractère abusif sera évalué par référence au critère énoncé à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive et non en référence à la règle interprétative énoncée à l’article 5 de ladite directive.

87.

Il est vrai que l’arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612, point 68), a peut‑être toutefois laissé planer un doute sur la question de savoir si une clause peut être déclarée abusive simplement parce qu’elle n’a pas été rédigée de façon claire et compréhensible. En effet, la Cour a estimé que le caractère abusif d’une telle clause pouvait résulter d’une formulation non conforme à l’obligation de rédiger une clause de façon claire et compréhensible, énoncée à l’article 5 de la directive de 1993. La Cour en a donc déduit qu’une clause prérédigée concernant le choix de la loi applicable désignant la loi de l’État membre dans lequel le vendeur ou le fournisseur est établi était abusive. Il l’a fait non pas en référence aux effets juridiques de cette clause, mais parce que celle‑ci était trompeuse pour les consommateurs, car ils n’étaient pas informés de l’existence de certaines dispositions légales obligatoires ( 22 ).

88.

On notera cependant que, avant de tirer cette conclusion, la Cour a rappelé au point 67 de cet arrêt que, pour déclarer une clause abusive, cette dernière devait engendrer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, ce qui tend à démontrer que l’intention de la Cour n’était pas de poser un second critère alternatif pour déclarer une clause abusive.

89.

En tout état de cause, j’estime que cet arrêt a peut-être quelque peu surestimé la portée de l’« obligation de transparence » identifiée par la Cour ( 23 ) dans sa jurisprudence antérieure ( 24 ). Dans ces conditions, j’estime que la Cour devrait revenir à son approche antérieure, selon laquelle l’article 5 de la directive de 1993 n’instaure pas un critère autonome du caractère abusif, distinct de celui de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive. Je pense donc que la Cour devrait plutôt rappeler que l’article 5 de ladite directive énonce simplement une règle d’interprétation prévoyant que, lorsque les dispositions pertinentes du contrat ne sont pas rédigées « de façon claire et compréhensible » et qu’il existe un doute quant à la signification de la clause en question, « l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut ». Ce n’est que si, même après l’application de la règle interprétative contenue à l’article 5 de la même directive, la clause produit encore un déséquilibre significatif entre les parties que le critère du caractère abusif énoncé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive de 1993 entre en ligne de compte ( 25 ).

90.

La juridiction de renvoi pourrait toutefois souhaiter examiner la législation de l’Union sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs qui contient des dispositions traitant spécifiquement des informations trompeuses, et en particulier l’article 6, paragraphe 1, sous g), et l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2005/29. Étant donné, cependant, que cette directive n’a pas été mentionnée par la juridiction de renvoi et que sa pertinence n’a pas été examinée par les parties, je propose de ne pas développer cette question davantage.

91.

Il s’ensuit, par conséquent, qu’une clause ne peut pas être déclarée abusive en vertu de la directive de 1993 simplement en raison de l’impression, susceptible d’être donnée par cette clause au consommateur, que l’exécution d’une certaine obligation contractuelle est requise lorsque, appréciée en référence au véritable libellé de la clause contractuelle, cette exécution n’est en fait pas requise. Compte tenu du critère du caractère abusif énoncé à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, il est nécessaire de démontrer que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, qui, dans le cas d’espèce, se produirait au détriment du consommateur.

4. Sur la troisième question

92.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 5 de la directive de 1993 doit être interprété en ce sens qu’il y a lieu de considérer qu’une clause est rédigée de façon claire et compréhensible, alors que ses effets juridiques ne peuvent être déterminés que par une interprétation de la législation nationale sur laquelle les tribunaux n’avaient pas formulé de position cohérente au moment de la conclusion du contrat et à l’égard de laquelle aucune position cohérente n’est apparue au cours des années suivantes, même si la formulation utilisée est par ailleurs claire et compréhensible.

93.

Comme je l’ai déjà fait observer, l’article 5 de la directive de 1993 dispose que « [d]ans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible ». Cela implique que le libellé d’une clause doit énoncer clairement les effets juridiques de cette clause et que toute évaluation du caractère compréhensible d’une clause doit être fondée, tout du moins en premier lieu, sur ce libellé.

94.

En l’espèce, toutefois, la juridiction de renvoi évoque le cas d’une clause dont le libellé est clair, mais dont le sens juridique a été brouillé par l’existence d’une jurisprudence contradictoire concernant l’interprétation de la clause en question.

95.

Par conséquent, la question doit être comprise comme se rapportant à l’existence d’une éventuelle obligation d’informer le consommateur de l’existence de cette jurisprudence contradictoire, en plus et au-delà de l’obligation prévue à l’article 5 de la directive de 1993 de rédiger des clauses de manière claire et compréhensible. Or, dans son arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612, point 69), la Cour a constaté, au sujet d’une clause stipulant que le contrat est régi par le droit de l’État membre dans lequel le vendeur ou le fournisseur est établi, que « lorsque les effets d’une clause sont déterminés par des dispositions législatives impératives, il est essentiel que le professionnel informe le consommateur de ces dispositions ».

96.

On peut toutefois observer que la directive de 1993 ne comporte aucune référence à une telle obligation. Au contraire, l’existence de celle-ci est contredite par le libellé de son article 5 qui implique que les informations essentielles relatives au contrat doivent être contenues dans le contrat lui-même.

97.

En outre, indépendamment de toute position que la Cour pourrait adopter en ce qui concerne la question de savoir si l’article 5 de la directive de 1993 consacre un critère autonome du caractère abusif, je doute pour ma part que l’article 5 de cette directive puisse être correctement interprété comme imposant une obligation plus large au rédacteur du contrat de prévenir les consommateurs de l’incidence réelle ou potentielle des décisions de justice relatives à l’interprétation des dispositions législatives impératives. Dans ce contexte, on peut d’abord observer que les cinquième et sixième considérants de ladite directive font expressément référence au fait que « généralement, le consommateur ne connaît pas les règles de droit qui, dans les États membres autres que le sien, régissent les contrats relatifs à la vente de biens ou à l’offre de services» ( 26 ). Cela suggère en soi que la même directive repose, au moins tacitement, sur le fait que, alors que les consommateurs ne sont généralement pas familiarisés avec le droit étranger, ils doivent être réputés avoir une connaissance suffisante de leur propre système juridique dans la mesure où il s’agit de l’application de contrats conclus avec les consommateurs.

98.

Deuxièmement, si telle était la signification de l’article 5 de la directive de 1993, ce dernier imposerait potentiellement une charge considérable, voire incertaine, au fournisseur des biens ou des services en cause. On pourrait se demander comment le rédacteur du contrat est censé résumer ou expliquer les conséquences juridiques d’une clause ayant fait l’objet d’une série de décisions judiciaires potentiellement contradictoires ou incohérentes. Une telle obligation pourrait être particulièrement lourde dans les systèmes de common law où une grande partie du droit des contrats (certes pas l’intégralité) ne repose pas sur les dispositions d’un code général (comme c’est le cas dans la grande majorité des États membres) ni même sur la législation, mais plutôt sur l’interprétation d’une série de décisions de justice. Même dans le cas de systèmes de droit civil dans lesquels la jurisprudence n’est peut-être pas aussi essentielle à la compréhension du droit des contrats que dans le cas des systèmes de common law, une telle obligation pourrait se révéler très difficile à satisfaire.

99.

Troisièmement, une telle interprétation de l’article 5 de la directive de 1993 serait inapplicable dans la pratique. Après tout, le vingtième considérant de cette directive prévoit que le « consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses […] ». On pourrait se demander s’il est suggéré de manière sérieuse, comme conséquence de l’arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612), que les vendeurs potentiels fournissent aux consommateurs un résumé des décisions de justice avant de conclure un contrat de consommation. Même si cette obligation devait se limiter aux achats importants des consommateurs ( 27 ) – tels que, comme en l’espèce, l’exécution d’une hypothèque constituée en vue de l’achat d’une maison –, on ne peut qu’imaginer l’impatience (pour ne pas dire la perplexité) du consommateur moyen face à ce qui pourrait bien s’apparenter à un séminaire sur les bases du droit des contrats dispensé par un personnel non qualifié. En tout état de cause, si cette directive imposait une obligation aussi contraignante, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle soit énoncée de manière très claire.

100.

Par conséquent, je ne peux m’empêcher de penser qu’il pourrait être nécessaire que la Cour revoie et, en fait, modifie une partie du point 69 de l’arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612).

101.

À cet égard, il convient tout d’abord de porter attention aux faits à l’origine de cet arrêt. L’affaire concernait une action en justice intentée par un groupe de consommateurs contestant la validité de certaines clauses figurant dans des contrats de vente par voie électronique de type standard, que la société multinationale de vente en ligne au détail, Amazon, avait conclus avec des consommateurs autrichiens. Amazon n’avait ni siège ni établissement en Autriche. L’une de ces clauses contractuelles indiquait simplement que le contrat était régi par le droit luxembourgeois. Il n’y avait, notamment, aucune référence aux dispositions pertinentes du règlement Rome I ( 28 ) qui visent à protéger le consommateur en matière de clauses de désignation de la loi applicable. La clause n’indiquait même pas que le choix de la loi luxembourgeoise était sans préjudice des droits accordés aux consommateurs par la loi autrichienne.

102.

La conclusion selon laquelle une telle clause était abusive n’est donc guère surprenante. Après tout, s’il existe un leitmotiv fondamental dans le système de protection prévu par les règlements de Bruxelles et de Rome, c’est que les consommateurs doivent être protégés de l’application des clauses contractuelles destinées à les soustraire à la compétence des juridictions ou à l’application des systèmes de droit qui leur sont familiers. Dans cette optique, une clause contractuelle qui prévoit l’application de la loi luxembourgeoise aux consommateurs autrichiens sans faire référence aux dispositions protectrices prévues par le règlement Rome I en ce qui concerne un tel choix de loi applicable constitue presque un exemple type de clause abusive contenue dans un contrat conclu avec les consommateurs.

103.

J’estime donc que les observations formulées par la Cour au point 69 de l’arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612), doivent être considérées à la lumière de ces circonstances particulières et par rapport au contexte général des dispositions relatives à la désignation de la loi applicable – et à la protection des consommateurs qui en découle –, figurant aux articles 4, 6 et 9 du règlement Rome I.

104.

Toutefois, si l’arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612), doit être interprété en ce sens qu’il existe une obligation générale du vendeur ou du fournisseur d’informer le consommateur de l’existence de dispositions légales impératives, je crains alors qu’il soit impossible de soutenir une telle affirmation. Bien que la Cour n’adhère pas officiellement à un système de précédents, étant donné l’importance de cet arrêt, il serait néanmoins souhaitable, selon moi, que ces constatations soient, à tout le moins, clarifiées, voire modifiées.

105.

Dans cette perspective, il convient de rappeler que le droit des contrats de tous les États membres comporte des dispositions légales obligatoires, dont beaucoup visent expressément à protéger les consommateurs. Cela est certainement vrai des systèmes de droit civil auxquels adhère la grande majorité des États membres, car leurs codes nationaux sont remplis de dispositions de cette nature. Néanmoins, cela est également vrai des systèmes de common law. Bien que de larges pans du droit des contrats découlent de décisions de justice dans les systèmes de common law, ainsi que je l’ai déjà indiqué, il existe cependant de nombreux exemples importants de cas dans lesquels des dispositions impératives de ce type ont été imposées par la loi.

106.

Ainsi, le droit des contrats de tous les États membres contient un large éventail de dispositions impératives, allant par exemple des clauses implicites concernant l’aptitude à l’usage des biens et services fournis, d’une part, à des règles spéciales concernant le transfert de la propriété immobilière, d’autre part. Il ne peut donc pas être suggéré de manière réaliste que les consommateurs doivent être informés par le vendeur ou le fournisseur de chacune de ces dispositions légales impératives avant la conclusion du contrat. Dans la mesure où l’arrêt Verein für Konsumententinformation repose sur l’idée selon laquelle les consommateurs devraient effectivement avoir la possibilité d’examiner toutes les clauses contractuelles afin d’être en mesure d’influencer leur contenu ( 29 ), il faut donc supposer que la Cour n’a pas exigé que toutes les dispositions légales obligatoires applicables soient portées à la connaissance du consommateur, mais uniquement celles qui ont une influence directe sur son consentement.

107.

Dans ces conditions, je suggère que, d’une part, l’obligation d’information énoncée par la Cour dans l’arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612), soit interprétée en ce sens qu’elle se limite à l’hypothèse particulière évoquée dans cette affaire, à savoir celle d’une clause régissant le droit applicable, nonobstant le libellé apparemment large figurant au point 69 de cet arrêt. Une telle interprétation dudit arrêt serait également conforme aux cinquième et sixième considérants de la directive de 1993 qui mentionnent la nécessité de protéger les consommateurs qui n’ont généralement pas connaissance du droit des pays autres que le leur.

108.

D’autre part, j’estime que, d’une manière ou d’une autre, il serait utile que la Cour clarifie le libellé du point 69 de l’arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612), voire qu’elle le modifie. À cet égard, je propose à la Cour de constater que, en l’absence des circonstances particulières d’une clause de désignation d’une loi étrangère du type en cause dans cette affaire, il n’existe aucune obligation générale pour les vendeurs ou les fournisseurs de biens ou de services d’attirer l’attention des clients sur l’existence de dispositions légales impératives de cette nature avant l’exécution du contrat.

109.

En ce qui concerne la question posée, j’estime que l’existence d’une éventuelle obligation d’information devrait résulter de la directive 2005/29 plutôt que de la directive de 1993 et que cette obligation ne devrait porter que sur les éléments essentiels du contrat ( 30 ) et ne pas aller jusqu’à inclure la jurisprudence existante. Il s’ensuit que, en tout état de cause, l’existence d’une jurisprudence contradictoire ne saurait suffire en soi à établir qu’une clause contractuelle, qui ne renvoie pas à cette jurisprudence, n’est pas compréhensible au sens de l’article 5 de la directive de 1993.

5. Sur la quatrième question

110.

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande en substance si le point 1, sous m), de l’annexe de la directive de 1993 devrait être interprété en ce sens qu’il s’applique à une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle autorise la partie qui conclut un contrat avec le consommateur à déterminer unilatéralement si l’exécution du contrat par le consommateur est conforme aux conditions du contrat, avant même que les parties contractantes n’aient exécuté quelque obligation.

111.

À cet égard, il convient de rappeler que le point 1, sous m), de l’annexe de la directive de 1993 fait référence à des clauses qui ont pour objet ou pour effet de donner au vendeur ou au fournisseur le droit de déterminer, entre autres, si « la chose livrée ou le service fourni » est conforme aux stipulations du contrat ou de lui conférer le droit exclusif d’interpréter toute clause du contrat. Il ressort toutefois de l’utilisation des termes « la chose livrée ou le service fourni » que le point 1, sous m), de l’annexe de cette directive ne fait pas référence à toutes les obligations contractuelles découlant du contrat, mais uniquement à celles qui se rapportent à la question de savoir si les biens ou les services concernés ont été fournis conformément au contrat. En effet, si l’objectif avait été que le point 1, sous m), de ladite directive s’applique à toutes les obligations découlant du contrat, le législateur de l’Union aurait probablement utilisé d’autres termes que « la chose livrée ou le service fourni ».

112.

En conséquence, une clause qui « autorise le professionnel à apprécier unilatéralement si la prestation du consommateur a été exécutée conformément au contrat » ne relève pas, en tant que telle, du point 1, sous m), de l’annexe de la directive de 1993, même si, dans certaines circonstances, elle peut équivaloir à une clause contractuelle abusive conformément à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive en raison du fait que, presque par définition, elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

113.

Redisons-le, le point 1, sous m), de la directive de 1993 ne s’applique donc qu’aux seules clauses qui donnent au vendeur ou au fournisseur le droit exclusif de déterminer si les biens ou les services fournis sont conformes au contrat : il ne concerne pas l’exécution du contrat en général.

IV. Conclusion

114.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par la Fővárosi Ítélőtábla (cour d’appel régionale de Budapest-Capitale, Hongrie) de la manière suivante :

1)

Le point 1, sous q), de l’annexe de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il n’équivaut pas à une interdiction générale de toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui a pour objet ou pour effet d’inverser la charge de la preuve lorsque, conformément au droit applicable, cette charge incombe naturellement à l’autre partie.

2)

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété comme qualifiant d’abusive une clause contractuelle ayant pour effet de limiter ou d’exclure l’accès du consommateur à un mécanisme de règlement des litiges. En revanche, une clause contractuelle au regard de laquelle le consommateur peut légitimement supposer qu’il doit exécuter le contrat dans son intégralité selon les modalités et dans la mesure requises par le prêteur, même si cela est contesté par le consommateur, ne constitue pas une clause contractuelle abusive aux fins de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.

3)

L’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’absence d’une position cohérente parmi les juridictions nationales sur l’interprétation d’une clause standard spécifique ne suffit pas, en soi, pour permettre de conclure que cette clause n’a pas été rédigée de manière claire et compréhensible au sens de cette disposition.

4)

Le point 1, sous m), de l’annexe de la directive 93/13 doit être interprété comme ne s’appliquant pas à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui autorise le professionnel à apprécier unilatéralement si la prestation du consommateur a été exécutée conformément aux stipulations du contrat. Toutefois, dans certaines circonstances, une telle clause pourrait être considérée comme contraire aux dispositions de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) La Cour est compétente pour répondre à une question préjudicielle posée par une juridiction nationale, sauf lorsque l’objet de la question sort du cadre de sa compétence quant au fond défini par l’article 267, paragraphe 1, TFUE, à savoir l’interprétation des traités et la validité et l’interprétation des actes des institutions, organes ou organismes de l’Union.

( 3 ) Arrêt du 5 juillet 2016, Ognyanov (C‑614/14, EU:C:2016:514, point 16).

( 4 ) Arrêt du 1er juillet 2010, Sbarigia (C‑393/08, EU:C:2010:388, points 19 et 20). En outre, conformément à l’article 267 TFUE, la Cour n’est pas compétente pour apprécier les faits et appliquer le droit de l’Union à un cas particulier. Voir, notamment, arrêts du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria (C‑83/14, EU:C:2015:480, point 104), et du 26 avril 2012, Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 22).

( 5 ) Arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring (C‑51/17, EU:C:2018:750, point 37).

( 6 ) Les arrêts rendus par la Kúria (Cour suprême) cités par la banque ont tous été rendus antérieurement aux faits de la présente procédure.

( 7 ) Arrêt du 26 avril 2012, Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 34 et jurisprudence citée).

( 8 ) Ordonnance du 14 novembre 2013, Banco Popular Español et Banco de Valencia, (C‑537/12 et C‑116/13, EU:C:2013:759, point 63).

( 9 ) L’utilisation du verbe « pouvoir » semble plus déterminante à cet égard que la référence faite au dix-septième considérant ou à l’article 3, paragraphe 3, de la directive de 1993, au caractère « indicatif » de l’annexe de cette directive. En effet, et comme la Commission l’a souligné dans son exposé des motifs de la proposition réexaminée de directive du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs [COM(93) 11 final], cet adjectif est ambigu. En effet, cela pourrait indiquer soit que la liste figurant à l’annexe de ladite directive est incomplète, soit qu’elle n’a pas de force probante particulière.

( 10 ) Arrêt du 7 mai 2002, Commission/Suède (C‑478/99, EU:C:2002:281, point 20).

( 11 ) Arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid (C‑484/08, EU:C:2010:309, point 33).

( 12 ) Voir arrêts du 14 mars 2013, Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, points 68 et 69) ; du 26 janvier 2017, Banco Primus (C‑421/14, EU:C:2017:60, points 58 à 60), et du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a. (C‑186/16, EU:C:2017:703, point 56).

( 13 ) Voir, notamment, Tenreiro, M., « The Community Directive on Unfair Terms and National Legal Systems – The Principle of Good Faith and Remedies for Unfair Terms », 3 European Review of Private Law, 2e édition, 1995, p. 273-279.

( 14 ) Pour le droit anglais, voir, notamment, Globe Motors Inc v TRW Lucas Variety Electric Steering Ltd [2016] EWCA Civ 396, et pour le droit irlandais, Flynn &. Benray v Breccia & McAteer [2017] IECA 7, [2017] 1 ILRM 369, Morrissey v. Irish Bank Resolution Corporation [2017] IECA 162.

( 15 ) Arrêts du 26 avril 2012, Invitel (C‑472/10, EU:C:2012:242, point 26), et du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito (C‑488/11, EU:C:2013:341, point 55).

( 16 ) Cela concorde également avec le terme « objet » utilisé dans la première phrase de l’annexe de la directive de 1993, lequel implique que, dans certains cas, certaines déductions relatives au caractère déséquilibré d’une clause donnée peuvent être tirées simplement de son contenu.

( 17 ) Cette conclusion n’est contredite ni par le libellé de l’article 3, paragraphe 3, de la directive de 1993 ni par celui de son dix-septième considérant. D’une part, l’article 3, paragraphe 3, de cette directive ne précise pas pourquoi les catégories de clauses mentionnées dans son annexe ne doivent pas automatiquement être considérées comme abusives. D’autre part, s’il ressort du dix-septième considérant de ladite directive que la liste de clauses figurant en annexe a une valeur indicative parce que la même directive ne prévoit qu’un niveau d’harmonisation minimal, une telle circonstance n’exclut pas que le législateur de l’Union ait néanmoins considéré que le caractère minimal doit inclure l’obligation pour les États membres de considérer que les catégories de clauses mentionnées dans l’annexe de la directive de 1993 sont présumées créer un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties.

( 18 ) Arrêt du 14 mars 2013, Aziz (C‑415/11, EU:C:2013:164, point 68).

( 19 ) Arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska (C‑176/17, EU:C:2018:711, point 59).

( 20 ) Notamment, la répétition de certaines expressions ou l’utilisation d’une formulation sophistiquée, bien que grammaticalement correctes et juridiquement exactes, peuvent parfois donner aux consommateurs l’impression qu’ils ne peuvent pas contester la validité d’une clause, même s’ils sont en fait légalement autorisés à le faire. En outre, exiger des consommateurs qu’ils déclarent devant un notaire qu’ils ont pris connaissance de chacune des clauses du prêt, incorporer cette déclaration dans un acte authentique, puis faire plusieurs fois référence à l’existence d’une procédure notariale d’exécution dans la convention hypothécaire peuvent, lorsque ces actes sont combinés à d’autres éléments, dissuader les consommateurs d’exercer leurs droits. Cela semble particulièrement vrai si l’on se réfère aux perceptions communes prévalant dans les États membres (tels que la Hongrie) où la procédure d’exécution notariale est souvent utilisée et où un acte notarié est perçu comme un engagement irrévocable.

( 21 ) Voir observations liminaires.

( 22 ) Arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612, point 71).

( 23 ) Je pense que cette obligation de transparence ne concerne que l’article 4, paragraphe 2, de la directive de 1993 selon lequel l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte pas sur la définition de l’objet principal du contrat, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. En effet, l’exigence d’intelligibilité posée à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive se justifie par le fait que les consommateurs sont censés avoir consenti au contrat en considération de son objet. Ainsi, contrairement aux autres clauses d’un contrat d’adhésion que les consommateurs ne lisent pas, ces clauses ne risquent pas de déjouer la vigilance du consommateur. Par conséquent, bien que l’exigence de compréhensibilité, énoncée à l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive, ait la même portée que celle visée à l’article 5 de la même directive, les conséquences de sa violation ne sont pas les mêmes, l’objectif poursuivi par ces deux dispositions n’est pas identique. Dans le premier cas, cet objectif est de vérifier que la présomption que je viens de rappeler est correcte (et donc que le consommateur était bien en mesure d’évaluer, sur la base de critères clairs et intelligibles, les conséquences économiques qui découlent pour lui de l’objet du contrat) alors que, selon moi, l’objectif de l’article 5 de la directive de 1993 est de déterminer, au regard du critère énoncé à l’article 3, paragraphe 2, de cette directive comment il y a lieu d’interpréter une clause.

( 24 ) Voir arrêts du 26 février 2015, Matei (C‑143/13, EU:C:2015:127, point 73), et du 20 septembre 2018, EOS KSI Slovensko (C‑448/17, EU:C:2018:745, point 61).

( 25 ) Voir, notamment, arrêt du 9 juillet 2015, Bucura (C‑348/14, EU:C:2015:447, non publié, point 64).

( 26 ) Italique ajouté par mes soins.

( 27 ) Une distinction qui, en tout état de cause, n’est pas établie par la directive elle‑même.

( 28 ) Règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO 2008, L 177, p. 6).

( 29 ) Voir arrêt du 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation (C‑191/15, EU:C:2016:612, points 63 et 68).

( 30 ) Voir, par analogie, arrêt du 7 septembre 2016, Deroo-Blanquart (C‑310/15, EU:C:2016:633, point 48).