ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

3 septembre 2020 ( *1 )

« Taxation des dépens »

Dans l’affaire C‑265/17 P‑DEP,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens récupérables au titre de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, introduite le 20 janvier 2020,

United Parcel Service Inc., établie à Atlanta (États-Unis), représentée par M. A. Ryan, solicitor, et Me W. Knibbeler, advocaat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. N. Khan, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. S. Rodin (rapporteur), président de chambre, M. D. Šváby et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

l’avocate générale entendue,

rend la présente

Ordonnance

1

La présente affaire a pour objet la taxation des dépens exposés par United Parcel Service Inc. (ci-après « UPS ») dans le cadre de l’affaire C‑265/17 P.

2

Par un pourvoi introduit le 16 mai 2017, la Commission européenne a demandé l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:144), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2013) 431 de la Commission, du 30 janvier 2013, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (affaire COMP/M.6570 – UPS/TNT Express) (ci-après la « décision litigieuse »).

3

Par l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23), la Cour a rejeté ce pourvoi et a condamné la Commission aux dépens.

4

Aucun accord n’étant intervenu entre UPS et la Commission sur le montant des dépens récupérables afférents à la procédure de pourvoi, UPS a, par acte déposé au greffe le 20 janvier 2020, en application de l’article 145 du règlement de procédure de la Cour, introduit la présente demande.

Les conclusions des parties

5

UPS demande à la Cour de fixer le montant des dépens récupérables à la somme de 866629,89 euros. Ce montant correspondrait aux frais indispensables exposés aux fins de la procédure de pourvoi, notamment aux honoraires des avocats, des économistes et des frais de déplacement.

6

La Commission conclut au rejet de cette demande et à la fixation du montant des dépens récupérables à la somme de 45500 euros pour les avocats et 5000 euros pour les économistes.

Argumentation des parties

7

Au soutien de sa demande, UPS fait valoir que les dépens, qui comprennent les honoraires des avocats et leurs débours ainsi que les honoraires des économistes, ont été exposés aux fins de la procédure de pourvoi et ont présenté un caractère indispensable. Elle soutient à cet égard que le montant total des dépens et des débours réclamés est raisonnable, eu égard aux données de la cause et compte tenu de la complexité de l’objet et de la nature de la procédure de pourvoi.

8

En premier lieu, UPS estime que le litige en cause a soulevé des questions juridiques d’une complexité non négligeable, ayant justifié un volume d’heures de travail important de ses avocats. Elle fait valoir, premièrement, que le litige était complexe par son objet et sa nature, dès lors qu’il concernait une décision de la Commission au titre du règlement sur le contrôle des concentrations, de telles décisions étant souvent complexes, ainsi que l’aurait d’ailleurs reconnu Mme l’avocate générale dans ses conclusions dans la présente affaire. UPS rappelle que l’arrêt attaqué portait sur la légalité d’une décision de cette nature, de 450 pages, qui s’appuyait dans une large mesure sur des analyses économiques et économétriques.

9

UPS indique à cet égard que certains des moyens de pourvoi de la Commission l’on conduit, aux fins d’y répondre, à procéder à des analyses approfondies de questions économiques et juridiques. Elle expose que, par le troisième moyen de son pourvoi, la Commission a fait valoir que le Tribunal ne s’était pas prononcé, dans l’arrêt attaqué, sur son argumentation selon laquelle UPS aurait pu « intuitivement » comprendre le modèle de concentration des prix utilisé à partir des modèles communiqués lors de la procédure administrative. Ces arguments auraient incité UPS à avoir recours à des experts économistes indépendants.

10

UPS expose également que, par le quatrième moyen de son pourvoi, la Commission a fait valoir qu’une analyse de concentration des prix qui serait viciée en raison des erreurs qu’elle comporte ne pouvait conduire à l’annulation intégrale de la décision litigieuse. Cette argumentation aurait conduit les représentants et conseillers d’UPS à effectuer une analyse approfondie de l’arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission (C‑109/10 P, EU:C:2011:686), et de son application en l’espèce par le Tribunal.

11

UPS soutient, deuxièmement, que le litige était important sous l’angle du droit de l’Union, car il aurait mis en exergue un principe procédural fondamental d’application générale qui présente une importance à l’égard de la pratique quotidienne de la Commission au titre du règlement sur les concentrations. Il ressortirait clairement de l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23), ainsi que des conclusions de l’avocate générale Kokott dans cette affaire, que cette dernière concernait un principe fondamental sur lequel la Commission ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation. Cette procédure aurait aussi exigé, pour la première fois, que la Cour approfondisse sa compréhension des modèles économétriques.

12

UPS fait valoir, troisièmement, que le litige présentait des difficultés particulières qui ont accru l’ampleur du travail de ses représentants et de leurs conseillers. Cette importance et cette complexité seraient confirmées par la demande de la Commission, acceptée par la Cour, d’un second échange de mémoires afin, pour la Commission, de pouvoir répondre au mémoire en réponse d’UPS.

13

Ainsi, selon UPS, la quantité totale de temps passé et le montant des dépens réclamés, pour un litige qui aurait revêtu pour elle un intérêt économique important, le montant initial de l’opération de concentration concernée étant de 5,2 milliards d’euros, sont raisonnables au vu de la durée et de la complexité particulière de cette procédure spécifique.

14

Par ailleurs, UPS considère que le caractère proportionné des dépens exposés en l’espèce doit être apprécié au regard de l’ordonnance du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission (T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192).

15

En deuxième lieu, UPS soutient que les honoraires d’avocats ont été exposés à bon escient. Elle expose que, aux fins de déterminer le nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables, il conviendrait de tenir uniquement compte du niveau de complexité de l’affaire, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties. Elle fait ainsi valoir qu’il ressort de la description du travail effectué que la duplication du travail s’est limitée à l’« absolu minimum » et était organisée en fonction du niveau d’expérience des différents conseillers. Par ailleurs, UPS indique que ses conseillers avaient anticipé la tenue d’une audience devant la Cour et préparé celle-ci. Bien que la Cour ait finalement considéré qu’une audience n’était pas nécessaire dans cette affaire, il conviendrait néanmoins de tenir compte des frais exposés par UPS à cette fin.

16

En troisième lieu, UPS soutient que l’intervention d’experts économistes était justifiée par la nature économique de la procédure, à l’instar de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission (T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192). UPS expose qu’elle a fait appel aux mêmes économistes que ceux à qui elle a eu recours pour son argumentation lors de la procédure administrative et de la procédure judiciaire de première instance. Leur participation aurait été engendrée par les allégations de la Commission, à un stade très tardif de la procédure. De plus, elle serait totalement justifiée eu égard à l’importance, pour la procédure, du modèle de concentration des prix qui a été retenu. Enfin, le nombre total d’heures consacrées par les économistes aux fins de la procédure resterait relativement limité au vu des assertions économiques et économétriques complexes sous-tendant l’argumentation de la Commission au stade du pourvoi.

17

La Commission indique que le montant des dépens réclamés en l’espèce serait le montant le plus élevé jamais demandé dans le cadre d’un pourvoi. Elle soutient que cette demande est insuffisamment étayée et manifestement excessive.

18

Elle fait valoir, en premier lieu, que ni la correspondance préalable des parties ni la demande de taxation des dépens ne comporte de preuves des montants effectivement facturés à UPS ou payés par UPS.

19

Ainsi, alors qu’UPS allèguerait que 212,3 heures auraient été nécessaires pour la phase « finale » du pourvoi, cette société n’indiquerait toutefois pas le travail qui a été effectué durant ces heures, ni en quoi celui-ci aurait était « nécessaire », à la lumière de la répartition des heures entre chaque avocat.

20

La Commission expose que les juridictions de l’Union apprécient l’importance et la valeur du travail effectué au regard des informations précises fournies par le requérant, notamment des factures datées et signées. Or, ces preuves feraient défaut en l’espèce.

21

Il en irait de même à l’égard des honoraires réclamés au titre des travaux des économistes, dont les frais s’élèveraient à 300000 euros, ce qui ne pourrait, par ailleurs, être qualifié de « frais limités ».

22

La Commission soutient, en second lieu, que les dépens réclamés sont manifestement excessifs. Elle considère, premièrement, que le montant total octroyé dans une autre affaire ne peut pas simplement être transposé d’une affaire à l’autre, contrairement à ce qu’UPS chercherait à obtenir. Les motifs de l’ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission (T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192), ne pourraient pas être transposés en l’espèce, car le Tribunal ne fournirait, dans cette ordonnance, que peu de détails sur les travaux qu’il a jugés nécessaires au déroulement de la procédure. Par ailleurs, cette affaire concernait une procédure de première instance, avec toutes les questions factuelles que cela implique, et non une procédure de pourvoi comme en l’espèce.

23

Deuxièmement, la Commission estime que le recours à treize avocats pour une période qui s’étendrait du 7 mars 2017 au 16 janvier 2019 est excessif. La période de travail à prendre en compte ne serait que d’environ six mois et débuterait à compter du jour de la notification du pourvoi à UPS pour s’achever à la date du dépôt du mémoire en duplique d’UPS. Les taux horaires appliqués par les deux avocats principaux, à savoir 862 euros/heure et entre 695 euros et plus de 820 euros/heure, seraient également excessifs eu égard aux honoraires compris entre 360 euros et 495 euros/heure que la Cour semble avoir admis dans des affaires antérieures. UPS demanderait le remboursement de 878,4 heures de travail d’avocats avec un taux horaire moyen de 600 euros/heure, alors que de nombreux avocats juniors et stagiaires ont été impliqués. La Commission considère qu’un taux moyen de 350 euros/heure devrait être accordé. Le recours à treize économistes, dont elle a déduit, en additionnant les rubriques mentionnées par UPS dans ses annexes, qu’ils avaient travaillé 363,5 heures pour un taux horaire moyen de 824 euros/heure, serait également disproportionné.

24

Les frais exposés au titre des débours, à savoir environ 36000 euros de frais de transport et de bureau réclamés par UPS, ne seraient pas dûment justifiés. La Commission souligne à cet égard qu’aucune audience n’a été tenue au Luxembourg.

25

Troisièmement, la Commission relève que le nombre total d’heures de travail dont le remboursement est réclamé n’apparaît pas dans la demande de taxation. La somme totale des heures réclamées pour les avocats dans l’annexe A de la demande, pour toutes les phases du pourvoi, s’élèverait à 878,4 heures. Elle considère que cette somme totale, convertie en jours ouvrables, correspond à 110 jours de travail d’avocats, soit 22 semaines, à raison de 5 jours ouvrables par semaine, pour un pourvoi de 25 pages et un mémoire en réplique de 10 pages, ce qui serait disproportionné et exorbitant.

26

La Commission expose que la longueur de la décision litigieuse n’est pas pertinente dans le cadre d’un pourvoi contre un arrêt du Tribunal rendu à la suite d’un recours en annulation formé par UPS contre cette décision, les avocats d’UPS ayant acquis, en raison de l’introduction de ce recours, une connaissance précise de ladite décision. De plus, la Commission considère qu’il était possible d’utiliser, au stade du pourvoi, les analyses économiques présentées devant le Tribunal et que, en tout état de cause, il découle de la nature d’un pourvoi et du règlement de procédure qu’aucun nouveau rapport d’expert n’aurait pu être admis à ce stade.

27

La Commission estime, par conséquent, que les observations soumises par les avocats au stade du pourvoi n’ont nécessité que 130 heures de travail, ce qui représenterait, en retenant un taux horaire moyen de 350 euros/heure, 45500 euros à ce titre. Elle considère que les honoraires des économistes ont trait à la production de preuves qui étaient irrecevables, mais que, si la Cour devait juger que la nature de l’affaire justifiait le recours à ces consultants, elle ne devrait pas accorder plus de 5000 euros à ce titre. Enfin, si la Cour devait estimer qu’UPS a exposé des débours, seuls pourraient donner lieu à remboursement les frais de bureau à concurrence de 500 euros.

Appréciation de la Cour

28

Aux termes de l’article 144, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».

29

Il ressort ainsi du libellé de cette disposition que la rémunération d’un avocat relève des frais indispensables au sens de celle-ci. Il en découle également que les dépens récupérables sont limités, d’une part, aux frais exposés aux fins de la procédure devant la Cour et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnance du 5 décembre 2018, TV2/Danmark/Viasat Broadcasting UK, C‑657/15 P‑DEP, non publiée, EU:C:2018:985, point 13).

30

Par ailleurs, le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens (ordonnance du 5 décembre 2018, TV2/Danmark/Viasat Broadcasting UK, C‑657/15 P‑DEP, non publiée, EU:C:2018:985, point 14).

31

Le droit de l’Union ne contenant pas de dispositions de nature tarifaire, la Cour doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (ordonnance du 5 décembre 2018, TV2/Danmark/Viasat Broadcasting UK, C‑657/15 P‑DEP, non publiée, EU:C:2018:985, point 15).

32

C’est à la lumière de l’ensemble de ces éléments qu’il y a lieu d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

33

Concernant, en premier lieu, l’objet et la nature du litige, il convient de relever qu’il s’agissait d’une procédure de pourvoi, qui, par sa nature, est limitée aux questions de droit et ne porte ni sur la constatation ni sur l’appréciation des faits du litige (ordonnance du 15 octobre 2015, Conseil/Ningbo Yonghong Fasteners, C‑601/12 P‑DEP, non publiée, EU:C:2015:726, point 19).

34

Toutefois, par leur nature, les affaires relatives aux décisions de la Commission au titre du règlement sur le contrôle des concentrations soulèvent des problèmes économiques et juridiques complexes qui portent sur des opérations dont les montants dépassent le cadre habituel des litiges portés devant la Cour. En effet, le pourvoi concernait une opération de concentration d’un montant initial de 5,2 milliards d’euros, ce qui démontre les intérêts économiques substantiels de la présente affaire pour UPS.

35

De ce fait, la participation d’experts économistes peut, en principe, être considérée comme étant nécessaire et les frais y afférents peuvent être récupérés au titre de l’article 144, sous b), du règlement de procédure, compte tenu de la nature économique et juridique des appréciations effectuées par la Commission dans le cadre du contrôle des opérations de concentration, tout particulièrement lorsqu’est en cause le modèle économétrique retenu par la Commission pour déclarer ladite concentration incompatible avec le marché intérieur.

36

À cet égard, il y a lieu de relever que, à l’appui de son pourvoi devant la Cour, la Commission avait invoqué quatre moyens. Les troisième et quatrième moyens étant tirés, notamment, de la prise en compte de modèles économétriques et de concentration des prix, le pourvoi soulevait, de ce fait, des questions complexes, de nature tant juridique qu’économique, justifiant le recours à des experts économistes.

37

Conformément à la jurisprudence précitée, les dépens récupérables sont limités aux frais exposés aux fins de la procédure devant la Cour, qui ont été indispensables à ces fins. Il appartient au demandeur à la taxation des dépens d’établir que tel est le cas s’agissant des frais dont il demande le remboursement, afin de permettre au juge de l’Union de déterminer le montant à concurrence duquel les honoraires que ce demandeur a payés aux avocats et aux experts économistes auxquels il a eu recours peuvent être récupérés auprès de la partie qui a été condamnée.

38

S’agissant, en deuxième lieu, de l’importance du litige sous l’angle du droit de l’Union et des difficultés de la cause, il convient de relever que le pourvoi introduit par la Commission tendait à l’annulation de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal avait accueilli le moyen d’UPS, tiré de ce que la Commission avait violé les droits de la défense en ayant adopté la décision litigieuse sur le fondement d’un modèle économétrique différent de celui ayant fait l’objet d’un débat contradictoire durant la procédure administrative, et avait annulé cette décision.

39

Il y a lieu, par ailleurs, de constater que lesdits moyens soulevaient des questions de droit inédites, qui ne relevaient pas d’une simple application du droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour, ce qui a d’ailleurs justifié l’attribution du pourvoi à une chambre à cinq juges, ainsi que le fait que la Cour a statué avec le bénéfice de conclusions. Par conséquent, il ne saurait être contesté que lesdites questions nécessitaient une analyse approfondie (voir, en ce sens, ordonnance du 30 janvier 2014, Éditions Odile Jacob/Commission et Lagardère, C‑553/10 P‑DEP et C‑554/10 P‑DEP, EU:C:2014:56, point 28).

40

La question principale soulevée par le pourvoi consistait à examiner si une entreprise pouvait « intuitivement » comprendre le modèle de concentration des prix utilisé par la Commission à partir des modèles communiqués lors de la procédure administrative, dans le cadre de l’examen du respect des droits de la défense des entreprises lors de la procédure de contrôle des opérations de concentration devant la Commission.

41

Cette question doit être considérée comme nouvelle et importante, Mme l’avocate générale ayant souligné, dans ses conclusions, que, au-delà du cas concret d’espèce, l’arrêt ouvrira la voie à la pratique administrative future de la Commission dans des procédures complexes de contrôle des concentrations, mais aussi à celle des autorités de la concurrence et des tribunaux nationaux qui, souvent, s’inspirent étroitement des normes en vigueur au niveau de l’Union.

42

En ce qui concerne, en troisième lieu, l’ampleur du travail fourni, il y a lieu de rappeler que, lors de la fixation du montant des dépens récupérables, il convient de tenir compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels ledit travail a été réparti (ordonnance du 3 septembre 2009, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P‑DEP, non publiée, EU:C:2009:497, point 48).

43

En l’occurrence, la procédure de pourvoi n’a pas donné lieu à la tenue d’une audience de plaidoiries.

44

Il en découle que les frais exposés postérieurement à la clôture de la procédure écrite devant la Cour ne peuvent être considérés comme objectivement indispensables aux fins de cette procédure et, partant, être inclus dans la présente demande de taxation des dépens. Il en va en particulier ainsi des frais exposés au titre de la préparation d’une éventuelle audience qui n’a pas été jugée nécessaire par la Cour, de l’analyse des conclusions de Mme l’avocate générale ou encore de l’analyse de l’arrêt de la Cour, les parties devant elles-mêmes supporter les conséquences financières d’une telle stratégie contentieuse.

45

En l’espèce, la présente demande de taxation des dépens est caractérisée par l’absence de présentation de toute facture détaillée, datée et signée dont le paiement est demandé à UPS, que ce soit par les cabinets d’avocats ou encore par les experts économistes impliqués dans la procédure de pourvoi. Un tel manque de précision et de preuves doit être pris en compte dans l’appréciation des dépens qui s’avèrent indispensables à la procédure et qui peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En effet, en ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils qui sont intervenus, il convient de rappeler que la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué par un avocat dépend de la précision des informations fournies (ordonnance du 26 septembre 2018, Viasat Broadcasting UK/TV2/Danmark, C‑660/15 P-DEP, non publiée, EU:C:2018:778, point 33 et jurisprudence citée).

46

Dans ces conditions, UPS n’expose pas de façon claire et précise, dans sa demande de taxation des dépens, s’élevant à 866629,89 euros, le nombre total d’heures de travail facturées ainsi que le taux horaire moyen de celles-ci. Partant, la présente demande de taxation n’apparaît pas suffisamment transparente et étayée.

47

À cet égard, il y a tout particulièrement lieu de relever que, si, pour les prestations à caractère juridique, les documents fournis par UPS permettent d’identifier, pour chaque intervenant, le taux horaire ainsi que le temps passé facturés par celui-ci, tel n’est pas le cas pour les prestations à caractère économique. Pour ces dernières, seul le temps passé par les intervenants est mentionné, sans qu’il soit possible de déterminer le taux horaire pratiqué par chacun d’eux, UPS se limitant à indiquer des débours globaux d’un montant d’environ 300000 euros au titre des expertises économiques auxquelles elle a eu recours.

48

Au regard du montant total des dépens demandés par UPS, il convient de constater que le taux horaire moyen a été fixé par UPS à 600 euros/heure pour les avocats et à 824 euros/heure pour les économistes. Or, de tels taux horaires moyens dépassent largement les sommes habituellement acceptées par la Cour dans des procédures de taxation de dépens.

49

Or, il est de jurisprudence constante que, en l’absence, dans l’état actuel du droit de l’Union, de barème de rémunération des avocats ou des experts économistes, ce n’est que dans l’hypothèse où le taux horaire moyen facturé apparaît manifestement excessif que le juge de l’Union peut s’en écarter et fixer ex æquo et bono le montant des honoraires d’avocats et des experts économistes récupérables (voir, en ce sens, ordonnance du 4 juillet 2017, AESA/Heli-Flight, C-61/15 P-DEP, non publiée, EU:C:2017:530, point 16).

50

De plus, il ressort des annexes de la présente demande de taxation qu’UPS fait valoir que 878,4 heures de travaux d’avocats et 363,5 heures de travaux d’économistes ont été nécessaires aux fins de la procédure de pourvoi concernée.

51

Or, les avocats qui se prévalent d’une qualification et d’une expérience élevées en matière de droit de la concurrence et dont les prestations sont facturées au taux horaire moyen de 600 euros sont présumés traiter les affaires qui leur sont confiées, y compris celles qui présentent une certaine complexité, avec efficacité et célérité [voir, en ce sens, ordonnances du 3 octobre 2018, Orange/Commission, C‑486/15 P‑DEP, non publiée, EU:C:2018:824, point 37, et du 10 avril 2019, Giant (China)/EBMA, C‑61/16 P‑DEP, non publiée, EU:C:2019:298, point 31].

52

À cet égard, s’il est vrai que, par ses moyens, la Commission soulevait des questions de droit inédites, les avocats principaux mandatés par UPS avaient déjà pu acquérir une connaissance approfondie de l’affaire en cause à l’occasion de la procédure devant le Tribunal, ce qui a dû non seulement faciliter le travail, mais également réduire le temps nécessaire à l’étude du pourvoi et à la rédaction des mémoires en réponse et en duplique [voir, en ce sens, ordonnance du 10 avril 2019, Giant (China)/EBMA, C‑61/16 P‑DEP, non publiée, EU:C:2019:298, point 32].

53

Il en va également ainsi pour les experts économistes qui avaient déjà acquis une connaissance approfondie du dossier lors de la procédure devant le Tribunal, les modèles économétriques complexes en cause étant déjà au cœur des débats.

54

Il s’ensuit que la somme de 866629,89 euros réclamée à la Commission par UPS au titre des dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure de pourvoi n’apparaît pas, dans sa totalité, « indispensable aux fins de la procédure », au sens de l’article 144, sous b), du règlement de procédure.

55

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient, en l’espèce, de fixer, ex æquo et bono, le montant des honoraires d’avocats et d’experts économistes récupérables à la somme globale de 200000 euros.

56

S’agissant, enfin, des débours autres que les honoraires d’avocats et des experts économistes, UPS réclame une somme de 35912,19 euros au titre des frais de déplacement, de copies et de communication. Or, en l’absence d’audience de plaidoiries et de l’ensemble des pièces justificatives requises pour chacune de ces dépenses, elle ne saurait constituer une somme récupérable au titre de ces débours (voir, en ce sens, ordonnance du 16 mai 2013, Deoleo/Aceites del Sur-Coosur, C‑498/07 P‑DEP, non publiée, EU:C:2013:302, point 34).

57

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par UPS auprès de la Commission, afférents à l’affaire C‑265/17 P, en fixant leur montant total à la somme de 200000 euros.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

 

Le montant total des dépens que la Commission européenne doit rembourser à United Parcel Service Inc. dans l’affaire C‑265/17 P est fixé à la somme de 200000 euros.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.