ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

18 octobre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système européen commun d’asile – Directive 2013/32/UE – Article 46, paragraphe 2 – Recours contre une décision refusant l’octroi du statut de réfugié, mais accordant le statut conféré par la protection subsidiaire – Recevabilité – Absence d’intérêt suffisant lorsque le statut de protection subsidiaire accordé par un État membre offre les mêmes droits et avantages que ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l’Union et du droit national – Pertinence, aux fins de l’examen de l’identité desdits droits et avantages, de la situation individuelle du demandeur »

Dans l’affaire C‑662/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie), par décision du 8 novembre 2017, parvenue à la Cour le 27 novembre 2017, dans la procédure

E. G.

contre

Republika Slovenija,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, Mme C. Toader et M. A. Rosas, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour E. G., par Me D. Bulog, odvetnica,

pour le gouvernement slovène, par Me J. Morela, višja državna odvetnica,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes P. Huurnink et M. K. Bulterman, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande ainsi que par M. M. Žebre, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 46, paragraphe 2, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant E. G., ressortissant afghan, à la Republika Slovenija (République de Slovénie), représentée par le Ministrstvo za notranje zadeve (ministère de l’Intérieur), au sujet du rejet, par ce dernier, de la demande introduite par E. G. en vue de se voir accorder le statut de réfugié.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2011/95/UE

3

Les considérants 8, 9 et 39 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9), énoncent :

« (8)

Dans le pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté les 15 et 16 octobre 2008, le Conseil européen constatait que de fortes disparités subsistaient d’un État membre à l’autre pour ce qui est de l’octroi de la protection et des formes que celle-ci revêtait et appelait à de nouvelles initiatives pour achever la mise en place, prévue par le programme de La Haye [adopté par le Conseil européen du 4 novembre 2004, fixant les objectifs à réaliser dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice pendant la période 2005-2010], d’un régime d’asile européen commun et offrir ainsi un niveau de protection plus élevé.

(9)

Dans le programme de Stockholm [adopté en 2010], le Conseil européen a réaffirmé son attachement à l’objectif consistant à établir un espace commun de protection et de solidarité fondé sur une procédure d’asile commune et un statut uniforme, conformément à l’article 78 [TFUE], pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale, d’ici à 2012 au plus tard.

[...]

(39)

En répondant à l’invitation lancée par le programme de Stockholm pour mettre en place un statut uniforme en faveur des réfugiés ou des personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et sauf dérogations nécessaires et objectivement justifiées, il convient d’accorder aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire les mêmes droits et avantages que ceux dont jouissent les réfugiés au titre de la présente directive et de les soumettre aux mêmes conditions d’accès. »

4

L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose, à ses points d) à g) :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

d)

“réfugié”, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12 ;

e)

“statut de réfugié”, la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié pour tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride ;

f)

“personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire”, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ;

g)

“statut conféré par la protection subsidiaire”, la reconnaissance, par un État membre, d’un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ;

[...] »

5

L’article 3 de ladite directive, intitulé « Normes plus favorables », prévoit :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié ou de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la présente directive. »

6

L’article 11 de la même directive énumère les cas dans lesquels un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride cesse d’être un réfugié. Cet article dispose, à son paragraphe 1, sous e), que tel est le cas lorsque la personne en cause ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme refugié ayant cessé d’exister.

7

L’article 12 de la directive 2011/95 établit des règles en matière d’exclusion du statut de réfugié.

8

À l’article 14 de cette directive figurent des règles concernant la révocation, la fin du statut de réfugié et le refus de le renouveler.

9

L’article 16 de ladite directive, intitulé « Cessation », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride cesse d’être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire lorsque les circonstances qui ont justifié l’octroi de cette protection cessent d’exister ou ont évolué dans une mesure telle que cette protection n’est plus nécessaire. »

10

L’article 17 de la même directive prescrit des règles relatives aux cas dans lesquels il est exclu d’accorder le statut conféré par la protection subsidiaire.

11

L’article 19 de la directive 2011/95 contient des règles concernant la révocation, la fin du statut conféré par la protection subsidiaire et le refus de le renouveler.

12

Aux termes de l’article 20 de cette directive, figurant au chapitre VII de celle-ci, relatif au « contenu de la protection internationale » :

« 1.   Le présent chapitre est sans préjudice des droits inscrits dans la convention de Genève.

2.   Le présent chapitre s’applique à la fois aux réfugiés et aux personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, sauf indication contraire.

3.   Lorsqu’ils appliquent le présent chapitre, les États membres tiennent compte de la situation spécifique des personnes vulnérables telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés [...]

[...]

5.   L’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale pour les États membres lors de la transposition des dispositions du présent chapitre concernant les mineurs. »

13

L’article 21 de ladite directive prévoit :

« 1.   Les États membres respectent le principe de non-refoulement en vertu de leurs obligations internationales.

2.   Lorsque cela ne leur est pas interdit en vertu des obligations internationales visées au paragraphe 1, les États membres peuvent refouler un réfugié, qu’il soit ou ne soit pas formellement reconnu comme tel :

a)

lorsqu’il y a des raisons sérieuses de considérer qu’il est une menace pour la sécurité de l’État membre où il se trouve ; ou

b)

lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre.

3.   Les États membres peuvent refuser d’octroyer un titre de séjour à un réfugié qui entre dans le champ d’application du paragraphe 2, le révoquer, y mettre fin ou refuser de le renouveler. »

14

L’article 24 de la directive 2011/95, intitulé « Titre de séjour », dispose :

« 1.   Dès que possible après qu’une protection internationale a été octroyée, les États membres délivrent aux bénéficiaires du statut de réfugié un titre de séjour valable pendant une période d’au moins trois ans et renouvelable, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent, et sans préjudice de l’article 21, paragraphe 3.

[...]

2.   Dès que possible après qu’une protection internationale a été octroyée, les États membres délivrent aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire et aux membres de leur famille un titre de séjour valable pendant une période d’au moins un an et renouvelable pour une période d’au moins deux ans, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent. »

La directive 2013/32

15

Il ressort de l’article 1er de la directive 2013/32 que celle-ci a pour objet d’établir des procédures communes d’octroi et de retrait de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95.

16

Aux termes de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2013/32 :

« Lors de l’examen d’une demande de protection internationale, l’autorité responsable de la détermination détermine d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié et, si tel n’est pas le cas, détermine si le demandeur remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire. »

17

L’article 46 de cette directive, intitulé « Droit à un recours effectif », qui constitue l’unique disposition du chapitre V de celle-ci, ce chapitre étant lui-même intitulé « Procédures de recours », dispose :

« 1.   Les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a)

une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

i)

les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire ;

[...]

c)

une décision de retirer la protection internationale, en application de l’article 45.

2.   Les États membres font en sorte que les personnes dont l’autorité responsable de la détermination reconnaît qu’elles peuvent bénéficier de la protection subsidiaire disposent d’un droit à un recours effectif, en vertu du paragraphe 1, contre une décision considérant une demande infondée quant au statut de réfugié.

Sans préjudice du paragraphe 1, point c), lorsque le statut de protection subsidiaire accordé par un État membre offre les mêmes droits et avantages que ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l’Union et du droit national, cet État membre peut considérer comme irrecevable un recours contre une décision considérant une demande infondée quant au statut de réfugié, en raison de l’intérêt insuffisant du demandeur à ce que la procédure soit poursuivie.

[...] »

Le droit slovène

18

L’article 20 du Zakon o mednarodni zaščiti (loi relative à la protection internationale) (Uradni list RS, no 16/17, ci-après le « ZMZ-1 ») prévoit :

« (1)   En Slovénie, on entend par “protection internationale”, le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire.

(2)   Le statut de réfugié est reconnu à un ressortissant d’un État tiers qui en raison d’une crainte justifiée de persécutions pour des motifs d’appartenance à une race ou un groupe ethnique particulier, à une croyance religieuse particulière, d’appartenance nationale, d’appartenance à un groupe social déterminé ou de convictions politiques se trouve en dehors du pays dont il est ressortissant et du fait de cette crainte ne peut pas ou ne souhaite pas bénéficier de la protection de cet État, ou à une personne apatride qui se trouve en dehors du pays où elle résidait habituellement et qui, en raison d’une crainte justifiée, ne peut ou ne souhaite pas retourner dans cet État, s’il n’y a pas de motifs d’exclusion au titre de l’article 31, paragraphe 1, de la présente loi.

(3)   Le statut conféré par la protection subsidiaire est reconnu au ressortissant d’un État tiers ou à une personne apatride qui ne remplit pas les conditions du statut de réfugié s’il existe un motif valable de croire que, en cas de retour dans l’État d’origine ou l’État de la dernière résidence habituelle, s’il s’agit d’une personne apatride, le demandeur courra un risque réel de subir des atteintes graves, ainsi que le dispose l’article 28 de la présente loi, et s’il n’existe pas de motifs d’exclusion au titre de l’article 31, paragraphe 2, de la présente loi. »

19

L’article 66, paragraphe 1, du ZMZ-1, qui régit la procédure de prolongation de la protection internationale, dispose :

« Soixante jours avant l’expiration du statut, le ministère envoie aux personnes auxquelles la protection subsidiaire est reconnue une communication écrite portant sur les conditions de prolongation de la protection subsidiaire, les conséquences d’une absence de demande de prolongation et la possibilité d’introduire une demande visant à mettre en œuvre une nouvelle procédure. Ladite communication inclut également le formulaire par lequel la personne à laquelle la protection subsidiaire est reconnue demande la prolongation de la protection subsidiaire en Slovénie. »

20

L’article 67 du ZMZ-1 qui fixe les motifs de la cessation de la protection internationale prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« (1)   Le statut prend fin pour le réfugié dans les cas suivants :

s’il s’est volontairement réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité,

si, ayant perdu sa nationalité, il l’a volontairement recouvrée,

s’il a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont il a acquis la nationalité,

s’il est retourné volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d’être persécuté,

s’il ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister,

si, s’agissant d’une personne qui n’a pas de nationalité, il est en mesure de retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister.

(2)   Pour la personne à laquelle la protection subsidiaire est reconnue, le statut prend fin lorsque les circonstances en raison desquelles la protection subsidiaire lui a été reconnue disparaissent ou évoluent dans une telle mesure qu’une telle protection n’est plus nécessaire. »

21

L’article 90, paragraphe 1, du ZMZ-1 est libellé comme suit :

« La personne qui se voit reconnaître la protection internationale a le droit :

de recevoir des informations sur le statut, les droits et les obligations des personnes bénéficiant d’une protection internationale en Slovénie,

de résider en Slovénie,

de percevoir une indemnité financière pour l’hébergement privé,

de recevoir une couverture médicale,

à la protection sociale,

de recevoir une éducation,

à l’emploi et au travail,

de recevoir une aide à l’intégration dans la société. »

22

Aux termes de l’article 92 du ZMZ-1 :

« (1)   Pour la personne qui se voit reconnaître en Slovénie le statut de réfugié, la décision de reconnaissance du statut vaut, à compter du jour de la notification, également comme autorisation de séjour à durée indéterminée en Slovénie.

(2)   Pour la personne qui se voit reconnaître en Slovénie la protection subsidiaire, la décision de reconnaissance ou de prolongation du statut vaut, à compter du jour de la notification, également comme autorisation de séjour à durée déterminée en Slovénie, et ce tant que dure cette protection.

(3)   L’autorisation de séjour visée aux paragraphes 1 et 2 du présent article est délivrée par le ministère dans le format prévu par la loi régissant l’entrée, la sortie et le séjour des étrangers en Slovénie. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23

E. G., qui soutient être né le 31 décembre 2001, a franchi la frontière slovène le 9 décembre 2015 après avoir voyagé, seul ou avec son cousin, à pied, en camion et en train, à travers la Turquie, la Grèce, la Serbie et la Croatie, en provenance d’Iran, où il vivait avec ses parents depuis l’âge d’un an environ.

24

À l’occasion de son hébergement au centre d’accueil d’urgence pour enfants de Koper (Slovénie), E. G. a demandé, le 11 décembre 2015, le bénéfice de la protection internationale au ministère de l’Intérieur.

25

Par une décision du 9 février 2016, ce ministère, après avoir convoqué E. G. à un entretien individuel, qui a eu lieu le 22 janvier 2016, a considéré que celui-ci ne remplissait pas les conditions pour se voir accorder le statut de réfugié, mais que le statut conféré par la protection subsidiaire pouvait lui être octroyé jusqu’à sa majorité, soit jusqu’au 31 décembre 2019.

26

E. G. a introduit un recours contre cette décision, qui a été accueilli par des arrêts de l’Upravno sodišče (Tribunal administratif, Slovénie) des 26 avril et 7 septembre 2016. Par le dernier de ces arrêts, ladite décision a été annulée et l’affaire a été renvoyée au ministère de l’Intérieur.

27

Le 21 février 2017, ce ministère a adopté une nouvelle décision au contenu identique à celui de ladite décision du 9 février 2016.

28

Cette décision était notamment fondée sur le motif selon lequel, si E. G. était renvoyé en Afghanistan, il serait livré à lui-même, sans soutien familial, et serait, en tant que mineur, une cible facile de violences physiques, de traite des êtres humains, d’abus sexuels ou de travail dans des conditions inhumaines et dangereuses, de telle sorte qu’il existerait un risque sérieux qu’il subisse un traitement inhumain ou dégradant.

29

Le recours introduit contre ladite décision ayant été rejeté par un arrêt de l’Upravno sodišče (Tribunal administratif) du 10 mai 2017, la juridiction de renvoi, le Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie), a été saisie d’un recours administratif contre cet arrêt, par lequel E. G. conteste le rejet de sa demande tendant à l’obtention du statut de réfugié.

30

La juridiction de renvoi relève que, au soutien de son recours, E. G. a fait valoir, notamment, qu’il souhaite s’intégrer en Slovénie, apprendre la langue slovène et terminer sa scolarité dans cet État membre, mais que, pour cela, il est nécessaire que le statut de réfugié lui soit reconnu, car seul ce statut lui offrirait un degré suffisant de sécurité, contrairement au statut conféré par la protection subsidiaire, qui prendra fin dès sa majorité, le 31 décembre 2019.

31

Cette juridiction estime que, compte tenu de l’identité des droits que confèrent les deux statuts de protection internationale dans le droit slovène, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du ZMZ-1, se pose la question de savoir si, au regard tant du droit slovène que du droit de l’Union, en particulier de l’article 46, paragraphe 2, de la directive 2013/32, le recours introduit contre la décision contestée, en tant qu’elle rejette la demande d’obtention du statut de réfugié, est irrecevable en raison de l’intérêt insuffisant du demandeur, auquel est accordé le statut conféré par la protection subsidiaire, à poursuivre la procédure.

32

La juridiction de renvoi considère que se pose, dans ce contexte, la question de savoir si, pour reconnaître au demandeur un intérêt suffisant, il est nécessaire d’apprécier si, au regard de la situation concrète du demandeur, l’octroi du statut de réfugié lui apporterait plus de droits que ceux qui lui sont accordés par le statut conféré par la protection subsidiaire ou s’il est suffisant de constater que la législation opère une distinction entre les droits accessoires, qui reposent sur les droits octroyés par les deux formes de protection internationale, indépendamment du point de savoir si cette différence concerne également le demandeur de manière concrète.

33

À cet égard, la juridiction de renvoi indique que, en vertu de l’article 92, paragraphe 1, du ZMZ-1, le statut de réfugié, à la différence du statut conféré par la protection subsidiaire, permet au demandeur d’obtenir un titre de séjour permanent ainsi que certains droits accessoires qui y sont liés, au nombre desquels figurent le droit de vote aux élections locales, le droit à un passeport d’une durée de validité de dix ans, en principe, ou le droit au regroupement familial, permettant aux membres de la famille d’obtenir un titre de séjour permanent.

34

Cette juridiction estime, toutefois, que, malgré cette différence relative, notamment, à la durée du titre de séjour accordé sous l’un ou l’autre statut de protection internationale, il pourrait être considéré que ces deux statuts et, partant, les titres de séjour qui y sont attachés, ont essentiellement la même durée et confèrent donc les mêmes droits et avantages, au sens de l’article 46, paragraphe 2, de la directive 2013/32.

35

En effet, le statut de réfugié, tout comme le statut conféré par la protection subsidiaire, prendrait fin dès que la protection concernée ne s’impose plus et la protection subsidiaire, alors même qu’elle est accordée pour une période déterminée, serait prolongée aussi longtemps qu’il existe des motifs pour ce faire.

36

La juridiction de renvoi affirme, par ailleurs, privilégier l’approche selon laquelle la différence, sur un plan abstrait, entre les durées des deux formes de protection internationale est dépourvue de pertinence aux fins de l’appréciation de l’existence d’un intérêt juridique au titre de l’article 46, paragraphe 2, de la directive 2013/32. La position contraire impliquerait qu’un demandeur aurait toujours un intérêt juridique à former un recours en raison des différentes règles prescrites pour ces deux formes de protection en ce qui concerne leurs durées respectives.

37

Partant, s’il y avait lieu d’apprécier cet intérêt juridique non pas de manière abstraite, mais de manière concrète, il incomberait à la personne à laquelle la protection subsidiaire a été accordée d’établir si, concrètement, sa situation juridique pourrait être améliorée par la reconnaissance du statut de réfugié. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce. En effet, le statut de réfugié, s’il était accordé à E. G., le serait non pas pour une durée illimitée, mais pour une durée limitée à sa minorité, dès lors que l’intéressé a sollicité une protection en raison de sa qualité de mineur.

38

C’est dans ces conditions que le Vrhovno sodišče (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’intérêt du demandeur au titre de l’article 46, paragraphe 2, second alinéa de la directive [2013/32] doit-il être interprété en ce sens que le statut conféré par la protection subsidiaire n’offre pas les mêmes droits et avantages que le statut de réfugié lorsque la législation nationale accorde certes les mêmes droits et avantages à la personne à laquelle est reconnue la protection internationale, mais n’emploie pas la même méthode pour définir la durée et la cessation de la protection internationale, car le réfugié se voit reconnaître son statut pour une période indéterminée et ce statut lui est retiré si les circonstances justifiant cette reconnaissance prennent fin, tandis que la protection subsidiaire est reconnue pour une période déterminée et est prolongée s’il y a des motifs de le faire ?

2)

L’intérêt du demandeur au titre de l’article 46, paragraphe 2, second alinéa de la directive [2013/32] doit-il être interprété en ce sens que le statut conféré par la protection subsidiaire n’offre pas les mêmes droits et avantages que le statut de réfugié lorsque la législation nationale accorde certes les mêmes droits et avantages à la personne à laquelle est reconnue la protection internationale, mais que les droits accessoires qui reposent sur ces droits et avantages ne sont pas les mêmes ?

3)

Convient-il, compte tenu de la situation individuelle du demandeur, d’apprécier si, au vu de sa situation concrète, la reconnaissance du statut de réfugié lui apporterait plus de droits et avantages que la reconnaissance de la protection subsidiaire ou suffit-il, pour qu’il existe un intérêt au titre de l’article 46, paragraphe 2, second alinéa de la directive [2013/32], qu’il y ait une législation qui établit une distinction entre les droits accessoires reposant sur les droits et avantages des deux formes de protection internationale ? »

Sur les questions préjudicielles

39

Par ses trois questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens que le statut conféré par la protection subsidiaire, accordé par une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal, offre les « mêmes droits et avantages que ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l’Union et du droit national », au sens de cette disposition, de telle sorte qu’une juridiction de cet État membre peut rejeter comme irrecevable un recours introduit contre une décision considérant une demande infondée quant à l’octroi du statut de réfugié, mais accordant le statut conféré par la protection subsidiaire, en raison de l’intérêt insuffisant du demandeur à ce que la procédure soit poursuivie, et si, lorsqu’il est constaté que lesdits droits et avantages que confèrent ces deux statuts de protection internationale en vertu de la législation nationale applicable ne sont pas les mêmes, un tel recours peut néanmoins être rejeté comme irrecevable s’il est vérifié, au vu de la situation concrète du demandeur, que l’octroi du statut de réfugié ne serait pas susceptible de lui apporter plus de droits et d’avantages que l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, dès lors que le demandeur n’invoque pas ou n’invoque pas encore des droits qui sont accordés en vertu du statut de réfugié, mais qui ne le sont pas ou qui ne le sont que dans une moindre mesure au titre du statut conféré par la protection subsidiaire.

40

À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des considérants 8, 9 et 39 de la directive 2011/95 que le législateur de l’Union a souhaité mettre en place un statut uniforme en faveur de l’ensemble des bénéficiaires d’une protection internationale et qu’il a, par conséquent, choisi d’accorder aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire les mêmes droits et avantages que ceux dont jouissent les réfugiés, sauf dérogations nécessaires et objectivement justifiées (arrêt du 1er mars 2016, Alo et Osso, C‑443/14 et C‑444/14, EU:C:2016:127, point 32).

41

Il découle en outre de l’article 3 de la directive 2011/95 que les États membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables relatives tant aux conditions d’octroi de la protection internationale qu’au contenu des droits que confère la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec cette directive.

42

Il s’ensuit que, si la directive 2011/95 a mis en place un régime de droits et d’avantages qui, en règle générale, est le même pour l’ensemble des bénéficiaires d’une protection internationale, certains des droits et avantages dont jouissent les personnes reconnues en tant que réfugiés ne sont pas ou ne sont pas dans la même mesure accordés aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire, les États membres pouvant toutefois aligner, dans leur législation visant à transposer cette directive, les droits et avantages conférés par ce statut sur ceux qui sont attachés au statut de réfugié.

43

L’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32 permet à un État membre de prévoir que peut être rejeté comme irrecevable pour absence d’intérêt suffisant un recours dirigé contre une décision considérant infondée une demande tendant à l’obtention du statut de réfugié, mais accordant le statut conféré par la protection subsidiaire, lorsque ce dernier statut, octroyé par cet État membre, offre les « mêmes droits et avantages » que ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l’Union et du droit national.

44

Cette disposition prévoit une exception à l’obligation imposée aux États membres par l’article 46 de la directive 2013/32 de prévoir un droit à un recours effectif devant une juridiction contre toute décision de rejet d’une demande de protection internationale (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Sacko, C‑348/16, EU:C:2017:591, point 28).

45

L’article 46, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2013/32 dispose d’ailleurs expressément que ce droit de recours doit, en principe, également être prévu lorsque, comme en l’occurrence, est en cause une décision rejetant comme infondée la demande tendant à l’obtention du statut de réfugié, mais accordant le statut conféré par la protection subsidiaire.

46

Par ailleurs, l’obligation ainsi faite aux États membres de prévoir un tel droit de recours correspond au droit consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial », selon lequel toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal (arrêt du 26 juillet 2017, Sacko, C‑348/16, EU:C:2017:591, point 30).

47

Il s’ensuit que les caractéristiques du recours prévu à l’article 46 de la directive 2013/32 doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte, qui constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective (arrêt du 26 juillet 2017, Sacko, C‑348/16, EU:C:2017:591, point 31).

48

Ledit principe de protection juridictionnelle effective des droits que tirent les justiciables du droit de l’Union est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d’égalité des armes, le droit d’accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter (arrêt du 26 juillet 2017, Sacko, C‑348/16, EU:C:2017:591, point 32).

49

Partant, l’exclusion du droit à un recours prévue à l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32, en ce qu’elle constitue une exception au droit à un recours effectif devant une juridiction contre toute décision de rejet d’une demande de protection internationale qu’impose l’article 46 de cette directive ainsi qu’une limitation du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective que consacre l’article 47 de la Charte, doit être interprétée de manière restrictive.

50

Il en découle que cette exclusion du droit à un recours effectif doit être interprétée en ce sens qu’elle ne peut trouver à s’appliquer que s’il existe une identité effective entre les droits et avantages offerts par le statut conféré par la protection subsidiaire, accordé par l’État membre concerné, et ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l’Union et du droit national applicable.

51

S’agissant de la question de savoir si, en l’occurrence, il est satisfait à cette condition d’identité, condition unique d’application que pose l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la juridiction de renvoi, si elle se réfère, dans sa première question, à une différenciation entre ces deux statuts qu’opère le droit slovène quant à la « méthode pour définir la durée et la cessation de la protection internationale », vise également les règles figurant à l’article 92 du ZMZ-1, qui dispose, à son paragraphe 1, que le réfugié se voit reconnaître une autorisation de séjour à durée indéterminée, alors que, conformément au paragraphe 2 de cet article, la protection subsidiaire n’ouvre droit qu’à une autorisation de séjour à durée déterminée.

52

Ces règles relatives aux durées des autorisations de séjour associées aux deux statuts de protection internationale concernés visent à transposer dans le droit slovène l’article 24 de la directive 2011/95 fixant de manière différenciée pour ces deux statuts les exigences minimales en ce qui concerne la validité du titre de séjour et prévoyant, à cet égard, qu’un titre d’au moins trois ans doit être accordé aux réfugiés, alors qu’un titre d’une durée minimale d’un an doit être garanti aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire.

53

Ces règles minimales relatives au droit de séjour dans l’État membre dans lequel la protection internationale est demandée se rapportent, ainsi que l’ont fait valoir le gouvernement néerlandais et la Commission européenne, au contenu des droits respectifs que confèrent ces deux statuts et, partant, à des « droits et avantages », au sens de l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32.

54

Or, force est de constater que, en qui concerne le droit de séjour, le statut conféré par la protection subsidiaire, prévu par la législation slovène, n’octroie pas les mêmes droits et avantages que ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l’Union et du droit national, dès lors que, ainsi qu’il ressort des constatations effectuées par la juridiction de renvoi et rappelées au point 33 du présent arrêt, la durée du titre de séjour associé au statut conféré par la protection subsidiaire n’est pas alignée sur celle du titre de séjour dont bénéficient les personnes auxquelles est accordé le statut de réfugié.

55

À cet égard, il y a lieu de relever qu’il existe une différence certaine entre, d’une part, le titre de séjour à durée indéterminée dont bénéficient les réfugiés en vertu du droit slovène, nonobstant le fait qu’il peut être mis fin à la validité de celui-ci, dès lors que, notamment, les conditions prévues pour l’octroi du statut de réfugié ne sont plus remplies, et, d’autre part, le titre de séjour limité dans le temps dont bénéficient, selon le droit slovène, les personnes auxquelles est accordé le statut conféré par la protection subsidiaire, nonobstant le fait que ce dernier titre peut être prolongé pour une période supplémentaire dans le cadre d’une procédure prévue à cet effet et qu’il peut être mis fin à la validité de celui-ci, dès lors que, notamment, les conditions fixées pour l’octroi de ce dernier statut ne sont plus remplies.

56

En l’occurrence, E. G. s’est vu accorder un titre de séjour à durée déterminée en tant que personne bénéficiant du statut conféré par la protection subsidiaire pour une période de moins de trois ans, plus précisément pour la période allant du 21 février 2017 au 31 décembre 2019. Or, si E. G. s’était vu reconnaître le statut de réfugié, il aurait eu droit, conformément à l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2011/95, à un titre de séjour valable pour une période d’au moins trois ans, c’est-à-dire pour une période allant à tout le moins jusqu’au 21 février 2020.

57

En revanche, ainsi que l’ont soutenu le gouvernement néerlandais et la Commission, les règles du droit slovène relatives à l’octroi, à la cessation, à la révocation ou au prolongement des statuts de protection internationale respectifs, auxquelles se réfère la juridiction de renvoi dans sa première question, se rapportent non pas au contenu des droits conférés par ces statuts, mais à la détermination du statut concerné.

58

Ces règles sont prescrites de manière impérative et distincte pour les deux statuts de protection internationale concernés aux chapitres III à VI de la directive 2011/95.

59

Lesdites règles, contrairement à celles relatives au contenu des droits que confère ledit statut, ne peuvent pas, par conséquent, entrer en ligne de compte en tant que « droits et avantages », au sens de l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32.

60

Ensuite, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si, aux fins de l’appréciation, au regard du droit national applicable, de l’équivalence des droits et avantages accordés en vertu des deux statuts de protection internationale que prévoit le droit de l’Union, il importe que certains droits dits « accessoires », qu’elle définit comme des droits qui reposent sur des droits et des avantages accordés en vertu de l’un de ces deux statuts de protection internationale, ne soient pas les mêmes pour ces deux statuts.

61

À cet égard, il suffit de relever que, compte tenu également de l’interprétation restrictive qu’il doit être fait de l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32, impliquant que cette disposition ne peut trouver à s’appliquer que dans l’hypothèse d’une identité effective des droits et avantages conférés en vertu des deux statuts de protection internationale concernés, de tels droits accessoires, tout comme les droits directement accordés par les statuts sur lesquels ils se fondent, au nombre desquels figurent le droit de vote aux élections locales, le droit à un passeport d’une durée de validité de dix ans en principe ou encore le droit au regroupement familial permettant aux membres de la famille d’obtenir un titre de séjour permanent, qui, selon la juridiction de renvoi, sont accordés par le droit slovène aux réfugiés, mais ne sont pas octroyés ou, à tout le moins, ne sont pas accordés dans la même mesure aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire, sont des droits qui doivent être pris en compte lorsqu’il y a lieu d’apprécier si, aux fins dudit article 46, paragraphe 2, second alinéa, les droits et avantages accordés par ces deux statuts de protection internationale sont les mêmes.

62

Enfin, la juridiction de renvoi se demande si, dans le cadre de l’appréciation de la condition posée à l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32, relative à l’identité des droits et des avantages conférés par les deux statuts de protection internationale concernés, il y a lieu de tenir compte de la situation individuelle du demandeur, en ce sens que, même en l’absence d’une telle identité de droits et d’avantages, un intérêt suffisant pour introduire un recours contre une décision lui refusant le statut de réfugié ferait en tout état de cause défaut, entraînant l’irrecevabilité du recours, si l’octroi de ce statut ne lui apportait pas, au vu de sa situation concrète, plus de droits et d’avantages que l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

63

Or, la question de savoir s’il est satisfait à la condition, posée à l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32, selon laquelle il existe une identité effective des droits attachés aux deux statuts de protection internationale concernés, doit être appréciée sur la base d’un examen d’ensemble de la législation nationale concernée, et non pas au regard de la situation concrète du demandeur en cause.

64

En effet, tout d’abord, une interprétation contraire de l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32, selon laquelle il y aurait lieu de prendre en compte la situation concrète du demandeur concerné n’est nullement confortée par le libellé de cette disposition. Il ressort, en effet, de ce libellé que cette disposition trouve à s’appliquer dans la seule hypothèse où il existe une identité effective des droits et avantages conférés par les deux statuts de protection internationale.

65

Ensuite, cette interprétation contraire ne serait pas non plus compatible avec l’interprétation restrictive qu’il convient de donner de celle-ci ainsi qu’il a déjà été dit au point 49 du présent arrêt.

66

Enfin, une telle interprétation contraire serait difficilement conciliable avec l’impératif consistant à assurer la prédictibilité de l’application de l’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32 et à éviter une inégalité de traitement dans cette application.

67

S’il s’avère que, s’agissant de la législation d’un État membre, la condition relative à l’identité effective des droits et des avantages conférés par les deux statuts de protection internationale concernés n’est pas remplie, ainsi que cela est le cas du droit slovène en ce qui concerne le droit de séjour et certains droits dits « accessoires », un demandeur doit pouvoir introduire un recours contre une décision lui refusant le statut de réfugié, mais lui accordant le statut conféré par la protection subsidiaire, même si ce demandeur n’invoque pas ou n’invoque pas encore l’un desdits droits accordés de manière différenciée en vertu des deux statuts de protection internationale concernés.

68

En tout état de cause, si E. G. ne semble pas ou ne semble pas encore invoquer certains des droits accessoires qui sont accordés de manière différenciée en vertu de ces deux statuts de protection internationale, il n’en va pas de même en ce qui concerne le droit de séjour, dès lors que l’objectif principal du recours introduit par l’intéressé consiste précisément à obtenir un droit de séjour plus étendu et plus stable, lui permettant, notamment, de poursuivre ses études en Slovénie au-delà de sa majorité.

69

Par ailleurs, si, dans une situation d’absence d’identité effective des droits et avantages accordés en vertu des deux statuts de protection internationale concernés, telle que celle en cause au principal, ce recours devait néanmoins être rejeté comme irrecevable en raison d’une absence d’intérêt suffisant, le droit fondamental à un recours effectif devant un tribunal, tel qu’il est garanti par l’article 47 de la Charte, ne serait pas respecté.

70

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées de la manière suivante :

L’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens que le statut conféré par la protection subsidiaire, accordé par une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal, n’offre pas les « mêmes droits et avantages que ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l’Union et du droit national », au sens de cette disposition, de telle sorte qu’une juridiction de cet État membre ne peut rejeter comme irrecevable un recours introduit contre une décision considérant une demande infondée quant à l’octroi du statut de réfugié, mais accordant le statut conféré par la protection subsidiaire, en raison de l’intérêt insuffisant du demandeur à ce que la procédure soit poursuivie, lorsqu’il est vérifié que, selon la législation nationale applicable, ces droits et avantages que confèrent ces deux statuts de protection internationale ne sont pas effectivement identiques.

Un tel recours ne peut être rejeté comme irrecevable, même s’il est constaté, au vu de la situation concrète du demandeur, que l’octroi du statut de réfugié ne serait pas susceptible de lui apporter plus de droits et d’avantages que l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, dès lors que le demandeur n’invoque pas ou n’invoque pas encore des droits qui sont accordés en vertu du statut de réfugié, mais qui ne le sont pas ou ne le sont que dans une moindre mesure en vertu du statut conféré par la protection subsidiaire.

Sur les dépens

71

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

L’article 46, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, doit être interprété en ce sens que le statut conféré par la protection subsidiaire, accordé par une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal, n’offre pas les « mêmes droits et avantages que ceux offerts par le statut de réfugié au titre du droit de l’Union et du droit national », au sens de cette disposition, de telle sorte qu’une juridiction de cet État membre ne peut rejeter comme irrecevable un recours introduit contre une décision considérant une demande infondée quant à l’octroi du statut de réfugié, mais accordant le statut conféré par la protection subsidiaire, en raison de l’intérêt insuffisant du demandeur à ce que la procédure soit poursuivie, lorsqu’il est vérifié que, selon la législation nationale applicable, ces droits et avantages que confèrent ces deux statuts de protection internationale ne sont pas effectivement identiques.

 

Un tel recours ne peut être rejeté comme irrecevable, même s’il est constaté, au vu de la situation concrète du demandeur, que l’octroi du statut de réfugié ne serait pas susceptible de lui apporter plus de droits et d’avantages que l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, dès lors que le demandeur n’invoque pas ou n’invoque pas encore des droits qui sont accordés en vertu du statut de réfugié, mais qui ne le sont pas ou ne le sont que dans une moindre mesure en vertu du statut conféré par la protection subsidiaire.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le slovène.