ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

28 mars 2019 (*)

Table des matières


I. Le cadre juridique

II. La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

III. Sur la demande tendant à la production de preuves après la clôture de la phase écrite de la procédure

IV. Sur le recours

A. Observations liminaires

1. Sur les notions de « précipitations exceptionnellement fortes » et de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs »

2. Sur la charge de la preuve

B. Sur le premier grief

1. Sur la première partie du premier grief

a) Sur l’agglomération d’Athlone

b) Sur l’agglomération de Cavan

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

c) Sur l’agglomération de Cork City

d) Sur l’agglomération d’Enniscorthy

e) Sur l’agglomération de Fermoy

f) Sur l’agglomération de Mallow

g) Sur l’agglomération de Midleton

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

h) Sur l’agglomération d’Osberstown

i) Sur l’agglomération de Roscommon Town

j) Sur l’agglomération de Roscrea

k) Sur l’agglomération de Thurles

2. Sur la seconde partie du premier grief

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

3. Sur l’application de circonstances exceptionnelles et de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs »

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

C. Sur le deuxième grief

1. Sur la première partie du deuxième grief

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

2. Sur la deuxième partie du deuxième grief

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

3. Sur la troisième partie du deuxième grief

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

4. Sur l’application de circonstances exceptionnelles et de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs »

D. Sur le troisième grief

1. S’agissant des agglomérations dont les systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires ne sont pas conformes à l’article 3 de la directive 91/271

2. S’agissant des agglomérations de Dundalk, de Killybegs, de Portarlington, de Ringsend et de Tralee

3. S’agissant des agglomérations de Ballincollig New, de Cavan, de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

1) Sur les données pertinentes pour l’examen du troisième grief en ce qui concerne les agglomérations de Ballincollig New, de Cavan, de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea

2) Sur les agglomérations concernées

4. Sur l’application de circonstances exceptionnelles et de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs »

E. Sur le quatrième grief

F. Conclusion

V. Sur les dépens


« Manquement d’État – Directive 91/271/CEE – Collecte et traitement des eaux urbaines résiduaires – Circonstances exceptionnelles – Connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs – Principe de proportionnalité des coûts – Charge de la preuve – Moyens de preuve »

Dans l’affaire C‑427/17,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 14 juillet 2017,

Commission européenne, représentée par MM. K. Mifsud-Bonnici et E. Manhaeve, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Irlande, représentée par Mmes J. Quaney et M. Browne ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Kingston, BL, de M. C. Toland, SC, et de M. B. Murray, SC,

partie défenderesse,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de président de la dixième chambre, MM. F. Biltgen et E. Levits (rapporteur), juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : Mme L. Hewlett, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 septembre 2018,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :

–        en ne veillant pas à ce que les eaux collectées dans un système combiné recueillant les eaux urbaines résiduaires et les eaux de pluie dans les agglomérations d’Athlone, de Ballincollig New, de Cavan, de Cork City, d’Enniscorthy, de Fermoy, de Midleton, d’Osberstown, de Mallow, de Ringaskiddy (y compris l’agglomération de Carrigaline), de Roscommon Town, de Roscrea, de Thurles et de Gaoth Dobhair soient retenues et acheminées à des fins de traitement, conformément aux exigences de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO 1991, L 135, p. 40), telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1137/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008 (JO 2008, L 311, p. 1) (ci-après la « directive 91/271 »), l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de cette directive et de l’annexe I, A et note en bas de page 1, de ladite directive ;

–        en ne mettant pas en place un traitement secondaire ou un traitement équivalent ou en ne fournissant pas de preuves suffisantes pour démontrer la conformité à la directive 91/271 à cet égard en ce qui concerne les agglomérations d’Arklow, d’Athlone, de Ballincollig New, de Ballybofey/Stranorlar, de Cavan, de Cobh, de Cork City, d’Enfield, d’Enniscorthy, de Fermoy, de Killybegs, de Mallow, de Midleton, de Passage/Monkstown, d’Osberstown, de Rathcormac, de Ringaskiddy (y compris les flux en provenance de Carrigaline et de Crosshaven), de Ringsend, de Roscommon Town, de Roscrea, de Shannon Town, de Thurles, de Tubbercurry, de Youghal et de Gaoth Dobhair, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 3, de cette directive, lu en combinaison avec les exigences de l’article 10 et de l’annexe I, B, de ladite directive ;

–        en ne veillant pas à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte des agglomérations d’Athlone, de Ballincollig New, de Cavan, de Cork City, de Dundalk, d’Enniscorthy, de Fermoy, de Killarney, de Killybegs, de Longford, de Mallow, de Midleton, de Navan, de Nenagh, d’Osberstown, de Portarlington, de Ringsend, de Roscrea, de Thurles, de Tralee et de Waterford City fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de la directive 91/271 et en conformité avec les exigences de l’annexe I, B, de cette directive, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphes 2 et 3, de ladite directive, lu en combinaison avec les exigences de l’article 10 et de l’annexe I, B, de la même directive, et

–        en ne veillant pas à ce que le rejet des eaux usées provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Arklow et de Castlebridge soit soumis à des réglementations préalables et/ou à des autorisations spécifiques, l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12 de la directive 91/271.

I.      Le cadre juridique

2        En vertu du troisième considérant de la directive 91/271 :

« [...] pour éviter que l’environnement ne soit altéré par l’évacuation d’eaux urbaines résiduaires insuffisamment traitées, il est en général nécessaire de soumettre ces eaux à un traitement secondaire ».

3        Aux termes du huitième considérant de la directive 91/271 :

« [...] il est nécessaire de surveiller les stations de traitement, les eaux réceptrices et l’évacuation des boues pour faire en sorte que l’environnement soit protégé des effets négatifs du déversement des eaux résiduaires ».

4        L’article 2 de cette directive précise :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

5)      “système de collecte” : un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires ;

6)      “un équivalent habitant (EH)” : la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DBO5) de 60 grammes d’oxygène par jour ;

[...]

11)      “eutrophisation” : l’enrichissement de l’eau en éléments nutritifs, notamment des composés de l’azote et/ou du phosphore, provoquant un développement accéléré des algues et des végétaux d’espèces supérieures qui entraîne une perturbation indésirable de l’équilibre des organismes présents dans l’eau et une dégradation de la qualité de l’eau en question ;

[...] »

5        L’article 3 de ladite directive prévoit :

« 1.      Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires :

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000

et

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour celles dont l’EH se situe entre 2 000 et 15 000.

Pour les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des “zones sensibles”, telles que définies à l’article 5, les États membres veillent à ce que des systèmes de collecte soient installés au plus tard le 31 décembre 1998 pour les agglomérations dont l’EH est supérieur à 10 000.

Lorsque l’installation d’un système de collecte ne se justifie pas, soit parce qu’il ne présenterait pas d’intérêt pour l’environnement, soit parce que son coût serait excessif, des systèmes individuels ou d’autres systèmes appropriés assurant un niveau identique de protection de l’environnement sont utilisés.

2.      Les systèmes de collecte décrits au paragraphe 1 doivent répondre aux prescriptions de l’annexe I, point A. [...] »

6        Aux termes de l’article 4 de la même directive :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes :

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15 000,

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10 000 et 15 000,

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour les rejets, dans des eaux douces et des estuaires, provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 2 000 et 10 000.

[...]

3.      Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 doivent répondre aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B. [...]

4.      La charge exprimée en EH est calculée sur la base de la charge moyenne maximale hebdomadaire qui pénètre dans la station d’épuration au cours de l’année, à l’exclusion des situations inhabituelles comme celles qui sont dues à de fortes précipitations. »

7        L’article 5 de la directive 91/271 dispose :

« 1.      Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à l’annexe II.

2.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10 000.

3.      Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées au paragraphe 2 doivent répondre aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B. [...]

[...]

5.      Pour les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines qui sont situées dans les bassins versants pertinents des zones sensibles et qui contribuent à la pollution de ces zones, les paragraphes 2, 3 et 4 sont applicables.

[...]

6.      Les États membres veillent à ce que la liste des zones sensibles soit revue au moins tous les quatre ans.

7.      Les États membres veillent à ce que les zones identifiées comme sensibles à la suite de la révision prévue au paragraphe 6 se conforment aux exigences précitées dans un délai de sept ans.

[...] »

8        L’article 10 de cette directive précise :

« Les États membres veillent à ce que les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires construites pour satisfaire aux exigences des articles 4, 5, 6 et 7 soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées. Il convient de tenir compte des variations saisonnières de la charge lors de la conception de ces installations. »

9        L’article 12 de ladite directive énonce :

« 1.      Les eaux usées traitées sont réutilisées lorsque cela se révèle approprié. Les itinéraires d’évacuation doivent réduire au maximum les effets négatifs sur l’environnement.

2.      Les autorités compétentes ou les organes appropriés veillent à ce que le rejet des eaux usées provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires soit soumis à des réglementations préalables et/ou à des autorisations spécifiques.

3.      Les réglementations préalables et/ou les autorisations spécifiques, relatives aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires et effectués conformément au paragraphe 2 dans les agglomérations ayant un EH compris entre 2 000 et 10 000, dans le cas de rejets dans des eaux douces et dans des estuaires, et dans les agglomérations ayant un EH de 10 000 ou plus, pour tous les rejets, définissent les conditions requises pour répondre aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B. La Commission peut modifier ces prescriptions. Ces mesures, qui visent à modifier des éléments non essentiels de la présente directive, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 18, paragraphe 3.

4.      Les réglementations et/ou les autorisations sont réexaminées et au besoin adaptées à intervalles réguliers. »

10      L’annexe I de la directive 91/271, intitulée « Prescriptions relatives aux eaux urbaines résiduaires », prévoit, à son point A, intitulé « Systèmes de collecte » :

« Les systèmes de collecte tiennent compte des prescriptions en matière de traitement des eaux usées.

La conception, la construction et l’entretien des systèmes de collecte sont entrepris sur la base des connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs, notamment en ce qui concerne :

–        le volume et les caractéristiques des eaux urbaines résiduaires,

–        la prévention des fuites,

–        la limitation de la pollution des eaux réceptrices résultant des surcharges dues aux pluies d’orage. »

11      L’annexe I, B, de cette directive, intitulé « Rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices », précise :

« 1.      Les stations d’épuration des eaux usées sont conçues ou modifiées de manière que des échantillons représentatifs des eaux usées entrantes et des effluents traités puissent être obtenus avant rejet dans les eaux réceptrices.

2.      Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, traités conformément aux articles 4 et 5 de la présente directive, répondent aux prescriptions figurant au tableau 1.

3.      Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans des zones sensibles sujettes à eutrophisation, telles qu’identifiées à l’annexe II point A lettre a), répondent en outre aux prescriptions figurant au tableau 2 de la présente annexe.

[...] »

12      La note en bas de page 1 de cette annexe, qui se rapporte aux points A et B de celle-ci, est rédigée comme suit :

« Étant donné qu’en pratique il n’est pas possible de construire des systèmes de collecte et des stations d’épuration permettant de traiter toutes les eaux usées dans des situations telles que la survenance de précipitations exceptionnellement fortes, les États membres décident des mesures à prendre pour limiter la pollution résultant des surcharges dues aux pluies d’orage. Ces mesures pourraient se fonder sur les taux de dilution ou la capacité par rapport au débit par temps sec ou indiquer un nombre acceptable de surcharges chaque année. »

13      Le tableau 1 de l’annexe I de la directive 91/271 contient les prescriptions relatives aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires et soumises aux dispositions des articles 4 et 5 de cette directive. Il se présente ainsi :

Paramètres

Concentration

Pourcentage minimal de réduction [par rapport aux valeurs à l’entrée]

Méthode de mesure de référence

Demande biochimique en oxygène (DBO5 à 20 °C) sans nitrification [...]

25 mg/l O2

70-90

40 aux termes de l’article 4 paragraphe 2

[...]

Demande chimique en oxygène (DCO)

125 mg/l O2

75

[...]

Total des matières solides en suspension

35 mg/l [...]

35 aux termes de l’article 4 paragraphe 2 (plus de 10 000 EH)


60 aux termes de l’article 4 paragraphe 2 (de 2 000 à 10 000 EH)

90 [...]

90 aux termes de l’article 4 paragraphe 2 (plus de 10 000 EH)


70 aux termes de l’article 4 paragraphe 2 (de 2 000 à 10 000 EH)

[...]

14      Le tableau 2 de l’annexe I de ladite directive contient les prescriptions relatives aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires et effectuées dans des zones sensibles sujettes à eutrophisation. Il se présente ainsi :

Paramètres

Concentration

Pourcentage minimal de réduction [...]

Méthode de mesure de référence

Phosphore total

2 mg/l (EH compris entre 10 000 et 100 000)

1 mg/l (EH de plus de 100 000)

80

[...]

Azote total [...]

15 mg/l (EH compris entre 10 000 et 100 000) [...]

10 mg/l (EH de plus de 100 000) [...]

70-80

[...]

15      L’annexe II, A, de la directive 91/271 précise les critères d’identification des zones sensibles.

II.    La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

16      Par une lettre de mise en demeure du 27 septembre 2013, la Commission a exprimé à l’Irlande ses inquiétudes quant au respect des dispositions de la directive 91/271, considérant que cet État membre :

–        n’avait pas veillé à ce que les eaux collectées dans 40 agglomérations soient retenues et acheminées à des fins de traitement conformément aux exigences de l’article 3 et de l’annexe I, A, de cette directive ;

–        n’avait pas mis en place de traitement secondaire ou de traitement équivalent pour les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant de 52 agglomérations, comme prévu à l’article 4 et à l’annexe I, B et D, de ladite directive ;

–        n’avait pas appliqué correctement l’article 5 de la même directive en ce qui concerne 28 agglomérations, et

–        n’avait pas appliqué l’article 12 de la directive 91/271 en ce qui concerne 32 agglomérations.

17      Par courriers des 11 décembre 2013, 14 février et 8 avril 2014, l’Irlande a reconnu les carences quant au système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires et a indiqué que les nombreux travaux de modernisation permettraient, dans les années à venir, une conformité complète de ce système avec les dispositions de la directive 91/271.

18      Eu égard à ces informations et à la suite de la réunion du 9 avril 2014 entre les autorités irlandaises et les services de la Commission, cette dernière a adressé à l’Irlande une lettre de mise en demeure complémentaire, datée du 25 septembre 2015, se substituant intégralement à la précédente.

19      La Commission y limitait les premier et quatrième griefs à respectivement douze et 27 agglomérations, tout en étendant les deuxième et troisième griefs à respectivement 53 et 36 agglomérations.

20      Dans ses réponses des 25 janvier et 29 juillet 2016, l’Irlande a présenté les avancées du programme de modernisation de son système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires, tout en reconnaissant que des travaux étaient nécessaires pour se conformer entièrement aux dispositions de la directive 91/271.

21      À partir des données transmises par l’Irlande dans ses réponses, la Commission lui a adressé un avis motivé, daté du 30 septembre 2016, l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

22      La Commission y étendait le premier grief à quatorze agglomérations en tout, les deuxième, troisième et quatrième griefs étant limités respectivement à 28, à 22 et à deux agglomérations.

23      Dans sa réponse datée du 28 novembre 2016, l’Irlande a présenté de nouvelles données communiquées le 8 novembre 2016 par l’Environmental Protection Agency (agence de protection de l’environnement, Irlande). Se référant auxdites données, cet État membre a indiqué, d’une part, qu’une partie des reproches de la Commission perdait dès lors son fondement. D’autre part, l’Irlande a précisé les dates à partir desquelles les travaux qui étaient en cours permettraient d’aboutir à la conformité entière du système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires aux dispositions de la directive 91/271.

24      N’étant pas entièrement satisfaite des réponses apportées par l’Irlande audit avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.

III. Sur la demande tendant à la production de preuves après la clôture de la phase écrite de la procédure

25      Après la clôture de la procédure écrite le 5 février 2018, l’Irlande a demandé, par une lettre en date du 17 septembre 2018, à être autorisée à produire de nouveaux documents en application de l’article 128, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

26      Par décision du 18 septembre 2018, le président de chambre a admis ces nouveaux documents en tant que preuve dans l’examen du présent recours en manquement, tout en permettant à la Commission de prendre position sur lesdits documents lors de l’audience.

IV.    Sur le recours

A.      Observations liminaires

27      Le recours de la Commission est fondé sur quatre griefs tirés, respectivement, d’une application incorrecte de l’article 3, paragraphes 1 et 2, et de l’annexe I, A et note en bas de page 1, de la directive 91/271 concernant quatorze agglomérations, d’une application incorrecte de l’article 4, paragraphes 1 et 3, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, point 2, de cette directive concernant 25 agglomérations, d’une application incorrecte de l’article 5, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, point 3, de ladite directive concernant 21 agglomérations, ainsi que d’une application incorrecte de l’article 12 de la même directive concernant deux agglomérations.

28      L’Irlande conteste le manquement allégué à deux égards. D’une part, cet État membre présente pour la majorité des griefs, pris individuellement, des arguments tendant à remettre en cause le fait que la Commission ait apporté à la Cour tous les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence du manquement allégué. D’autre part, se fondant sur l’annexe I, A et note en bas de page 1, de cette directive, l’Irlande fait valoir, pour l’ensemble du présent recours, que l’analyse des griefs avancés par la Commission doit être effectuée au regard des circonstances exceptionnelles auxquelles a été confronté cet État membre au cours des deux dernières décennies ainsi qu’en considération de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs ».

29      Dans ces conditions, il convient de rappeler d’emblée les exigences auxquelles doit répondre l’invocation de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », ainsi que le cadre spécifique dans lequel la directive 91/271 fixe les obligations qui incombent aux États membres, avant de tirer les conséquences qui en résultent quant à la charge de la preuve.

1.      Sur les notions de « précipitations exceptionnellement fortes » et de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs »

30      La directive 91/271 renvoie, à son annexe I, A, à la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », qui précise, en substance, que la conception, la construction et l’entretien des systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires sont entrepris sur la base de ces connaissances, sans entraîner des coûts excessifs. En outre, par la note en bas de page 1 de cette annexe, le législateur de l’Union européenne a reconnu qu’il existe des situations dans lesquelles la totalité des eaux urbaines résiduaires ne pourra pas être collectée ou traitée. En particulier, il a constaté « qu’en pratique il n’est pas possible de construire des systèmes de collecte et des stations d’épuration permettant de traiter toutes les eaux usées » et prévu que l’absence de collecte et de traitement des eaux usées peut être tolérée dans des « situations telles que la survenance de précipitations exceptionnellement fortes ». Toutefois, dans ce cas, il appartient aux États membres de décider des « mesures à prendre pour limiter la pollution résultant des surcharges dues aux pluies d’orage » (arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, point 56).

31      Premièrement, s’agissant de l’expression « précipitations exceptionnellement fortes », celle-ci n’est mentionnée à la note en bas de page 1 de l’annexe I de la directive 91/271 qu’à titre indicatif, cette expression étant précédée des termes « dans des situations telles que ». Ainsi, l’absence de collecte ou de traitement des eaux usées peut également être admise dans d’autres circonstances (arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, point 57).

32      Toutefois, l’objectif poursuivi par la directive 91/271 ne permet pas de considérer que ces autres circonstances adviennent de façon ordinaire et courante d’autant plus que le terme « exceptionnellement » indique bien que l’absence de collecte ou de traitement des eaux usées ne peut pas intervenir dans des conditions ordinaires (arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, point 58).

33      En outre, il importe de préciser que, lorsqu’un État membre se trouve confronté à une situation exceptionnelle ne lui permettant pas de collecter ou de traiter les eaux usées, il reste tenu de prendre les mesures appropriées pour limiter la pollution conformément à la note en bas de page 1 de l’annexe I de la directive 91/271 (arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, point 60).

34      Par ailleurs, la notion de « précipitations exceptionnellement fortes » n’étant pas définie par cette directive, il est légitime que la Commission, dans le cadre de son contrôle du respect du droit de l’Union, adopte des lignes directrices et la Cour n’étant pas compétente pour chiffrer des obligations prévues par la directive 91/271, la notion de « précipitations exceptionnellement fortes » doit dès lors s’apprécier à la lumière de l’ensemble des critères et des conditions fixés par cette directive et, notamment, de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs » (arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, point 61).

35      Deuxièmement, il importe de rappeler que la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », doit être examinée dans chaque cas concret eu égard à l’objectif de protection de l’environnement de la directive 91/271, sachant qu’elle constitue une notion intrinsèque à l’ensemble des dispositions de cette directive visant à assurer un tel objectif tout en évitant de mettre à la charge des États membres des obligations irréalisables qu’ils ne pourraient remplir ou seulement à des coûts disproportionnés (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, points 62 à 64).

36      Ainsi, l’examen de cette notion présuppose la mise en balance, d’une part, de la technologie la plus avancée ainsi que les coûts envisagés et, d’autre part, des avantages qu’un système de collecte ou de traitement des eaux plus performant peut apporter, de sorte que des coûts occasionnés ne soient pas disproportionnés par rapport aux avantages procurés (arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, point 67).

37      Concrètement, la Cour a jugé que des installations ne pouvaient être considérées comme étant en conformité avec la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », au sens de l’annexe I, A, de la directive 91/271, dès lors que, d’une part, un État membre s’est engagé dans un grand programme de travaux prouvant que des solutions technologiques, en vue de pallier le problème de déversements excessifs d’eaux résiduaires, existent, mais ne sont pas appliquées et, d’autre part, un tel État membre a décidé de financer de tels travaux, de sorte que les coûts y afférents ne sauraient être considérés comme excessifs (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Commission/Royaume-Uni, C‑502/15, non publié, EU:C:2017:334, point 44).

2.      Sur la charge de la preuve

38      Il est constant que si, dans le cadre d’une procédure en manquement engagée en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué en apportant à la Cour tous les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective d’une directive, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants ainsi que par l’État membre concerné (arrêt du 28 janvier 2016, Commission/Portugal, C‑398/14, EU:C:2016:61, point 47).

39      Il s’ensuit notamment que, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître que les dispositions nationales transposant une directive ne sont pas correctement appliquées en pratique sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les éléments ainsi présentés et les conséquences qui en découlent (arrêt du 28 janvier 2016, Commission/Portugal, C‑398/14, EU:C:2016:61, point 48).

40      Dans le cadre plus spécifique de la directive 91/271, il appartient par conséquent à l’État membre qui entend se prévaloir de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », en vue de justifier toute divergence aux dispositions de cette directive de présenter à la Cour les éléments lui permettant d’apprécier dans quelle mesure, dans un cas concret, les coûts occasionnés par un système de collecte ou de traitement des eaux plus performant seraient disproportionnés par rapport aux avantages procurés.

41      En effet, il convient de souligner que le législateur de l’Union, conscient de l’ampleur des travaux d’infrastructure que nécessitait l’application de la directive 91/271 et des coûts liés à l’exécution complète de celle-ci, a accordé aux États membres un délai de plusieurs années pour l’accomplissement de leurs obligations (arrêt du 4 mai 2017, Commission/Royaume-Uni, C‑502/15, non publié, EU:C:2017:334, point 48).

42      Au demeurant, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements éventuels intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 28 novembre 2018, Commission/Slovénie, C‑506/17, non publié, EU:C:2018:959, point 50 et jurisprudence citée).

43      Dans la mesure où l’Irlande présente des arguments pour chaque grief afin de démontrer la conformité des systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires ainsi que de leur traitement, et invoque également pour l’ensemble du présent recours en manquement des circonstances exceptionnelles ainsi que la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », pour justifier toute divergence avec les dispositions de la directive 91/271, il convient d’examiner le bien-fondé de chaque grief avancé par la Commission, avant d’apprécier les éléments mis en avant par l’Irlande pour justifier les cas dans lesquels la Cour conclurait à des divergences avec les dispositions de cette directive, sachant que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, quand bien même l’État membre concerné ne conteste pas un manquement, il appartient à la Cour, en tout état de cause, de constater si ce manquement reproché existe ou non (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, Commission/Grèce, C‑320/15, EU:C:2017:678, point 21).

B.      Sur le premier grief

44      Par son premier grief, la Commission reproche à l’Irlande un manquement à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’annexe I, A et note en bas de page 1, de cette directive, au motif, d’une part, que les systèmes combinés de collecte des eaux urbaines résiduaires de douze agglomérations ne satisfont pas aux exigences de ces dispositions, en tant qu’en émanent des décharges répétées et excessives, et, d’autre part, qu’un tel système fait entièrement défaut dans deux agglomérations.

45      L’Irlande remet en cause ponctuellement les données présentées par la Commission au soutien de son grief et conteste globalement le manquement à l’article 3 de la directive 91/271 en invoquant des circonstances exceptionnelles ainsi que la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs ».

46      Dans la mesure où l’invocation de circonstances exceptionnelles et de ladite notion intervient en vue de justifier les situations dans lesquelles un système de collecte des eaux urbaines résiduaires ne satisfait pas aux exigences de l’article 3 de la directive 91/271, il convient, à titre liminaire, d’apprécier si les éléments de preuve présentés par la Commission sont susceptibles d’établir le grief reproché en ce qui concerne chacune des agglomérations qu’il vise.

1.      Sur la première partie du premier grief

47      La Commission considère que les systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires et des eaux de pluie des agglomérations d’Athlone, de Ballincollig New, de Cavan, de Cork City, d’Enniscorthy, de Fermoy, de Mallow, de Midleton, d’Osberstown, de Roscommon Town, de Roscrea et de Thurles engendrent des décharges d’eaux non traitées dont les fréquences et les quantités ne sont pas en conformité avec l’article 3, paragraphe 1, de la directive 91/271, ainsi qu’avec la note en bas de page 1 de l’annexe I de cette directive.

48      À la suite des précisions apportées par l’Irlande dans son mémoire en défense, la Commission s’est désistée de la première partie du premier grief en ce qui concerne l’agglomération de Ballincollig New, ainsi que le townland de Killagoley dans l’agglomération d’Enniscorthy.

49      À la suite d’une question de la Cour lors de l’audience, l’Irlande a toutefois reconnu que, s’agissant des agglomérations d’Athlone, de Cork City, de Fermoy et de Mallow, les données avancées par la Commission témoignaient de la non-conformité des systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires aux prescriptions de l’article 3 de la directive 91/271, tout en maintenant que les situations de non-conformité ainsi admises devaient être appréciées au regard de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs ».

50      En tout état de cause, et ainsi qu’il a été rappelé au point 43 du présent arrêt, il appartient à la Cour de constater si le manquement reproché existe ou non, même dans la mesure où l’Irlande ne le conteste pas.

a)      Sur l’agglomération d’Athlone

51      Pour l’agglomération d’Athlone, il résulte des données transmises, à la Commission, par l’Irlande dans sa réponse du 11 décembre 2013 à la lettre de mise en demeure initiale du 27 septembre 2013 que plus de 300 rejets ont été recensés pour l’année 2011, équivalents à un volume de 144 294 m3 d’eaux urbaines résiduaires rejetées sans traitement préalable.

52      Eu égard à ces données, il y a lieu de conclure que le système de collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération d’Athlone n’est pas conforme à l’article 3 de la directive 91/271.

b)      Sur l’agglomération de Cavan

1)      Argumentation des parties

53      En premier lieu, la Commission se réfère au document daté du mois de février 2012 et intitulé « Cavan Sewerage Scheme and Treatment Works », annexé à la réponse de l’Irlande du 11 décembre 2013 à la lettre de mise en demeure initiale du 27 septembre 2013, qui fait état d’un déversoir d’orage non conforme aux prescriptions nationales relatives aux rejets des déversoirs d’orage.

54      En second lieu, cette institution se réfère au rapport de l’agence pour la protection de l’environnement pour l’année 2016 (« Urban Waste Water Treatment in 2016 », ci-après le « rapport APE 2016 ») qui se réfère lui-même aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour l’agglomération de Cavan, faisant état pour la période qu’il couvre de 20 déversoirs de pluies d’orage, dont le statut de 14 est inconnu, le statut de cinq est conforme aux prescriptions nationales assurant la transposition de la directive 91/271 et le statut d’un déversoir est non conforme à ces prescriptions.

55      L’Irlande fait, premièrement, valoir que la Commission ne saurait s’acquitter de la charge de la preuve du manquement en se fondant sur la circonstance que le rapport APE 2016 qualifie le système de collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Cavan de non conforme aux prescriptions nationales de transposition de la directive 91/271, dès lors que la mention de cette agglomération dans ce rapport résulte uniquement de ce qu’elle a été visée par la Commission dans la procédure ayant abouti à l’introduction du présent recours en manquement. En tout état de cause, il appartiendrait à cette institution de se fonder sur ses propres éléments de preuve et non sur les données issues de l’État membre incriminé.

56      Deuxièmement, cet État membre met en avant les améliorations dudit système de collecte qui se sont traduites par une diminution du nombre de déversoirs d’orage dans cette agglomération.

2)      Appréciation de la Cour

57      D’emblée, il faut rappeler que si, dans le cadre d’une procédure en manquement engagée en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué en apportant à la Cour tous les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective d’une directive, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants ainsi que par l’État membre concerné (arrêt du 28 janvier 2016, Commission/Portugal, C‑398/14, EU:C:2016:61, point 47).

58      Partant, il ne saurait être reproché, par principe, à la Commission de faire usage des éléments qui sont mis à sa disposition pour remplir la tâche qui lui incombe, y compris de ceux émanant de l’État membre concerné lui-même, dès lors qu’ils permettent de démontrer le manquement reproché.

59      Cependant, il importe de souligner que, ainsi qu’il résulte du rapport APE 2016, sur lequel, notamment, la Commission fonde la première partie du premier grief, l’inclusion des données relatives à l’agglomération de Cavan a été motivée par la circonstance que cette agglomération a été visée par la présente procédure en manquement, indépendamment de toute évaluation quant à la conformité de son système de collecte des eaux urbaines résiduaires à l’article 3 de la directive 91/271.

60      Dans ces circonstances, la Commission ne saurait conclure, du fait de la simple mention de l’agglomération de Cavan dans le rapport APE 2016, à la non-conformité à cette disposition du système de collecte des eaux urbaines résiduaires de cette agglomération.

61      En l’occurrence, la Commission indique qu’il ressort du document intitulé « Cavan Sewerage Scheme and Treatment Works » du mois de février 2012 qu’un déversoir d’orage est non conforme aux prescriptions nationales en la matière. Dans son mémoire en réplique, la Commission identifie ce déversoir comme étant situé sur la rue Thomas Ashe et fait valoir que le rapport APE 2016, qui se réfère aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour cette agglomération, permet de conclure qu’il existe dans celle-ci un déversoir non conforme auxdites prescriptions.

62      Or, dans son mémoire en duplique, l’Irlande relève que ce déversoir a été éliminé au cours de l’année 2015 et que l’égout de 225 mm se trouvant à cet endroit a été remplacé par un nouvel égout gravitaire de 300 mm à la suite de travaux qui ont été achevés au mois de juillet 2016.

63      En l’absence de données supplémentaires, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas fourni les éléments permettant d’apprécier la réalité du grief allégué en ce qui concerne l’agglomération de Cavan.

c)      Sur l’agglomération de Cork City

64      Pour l’agglomération de Cork City, il résulte des données transmises, à la Commission, par l’Irlande dans sa réponse du 28 novembre 2016 à l’avis motivé que 853 rejets ont été comptabilisés pour l’année 2015, équivalents à un volume de 5 948 782 m3 d’eaux urbaines résiduaires rejetées sans traitement préalable.

65      Eu égard à ces données, il y a lieu de conclure que le système de collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Cork City n’est pas conforme à l’article 3 de la directive 91/271.

d)      Sur l’agglomération d’Enniscorthy

66      Après avoir pris note de ce que, dans le townland de Killagoley dans l’agglomération d’Enniscorthy, les eaux urbaines résiduaires sont collectées en conformité avec l’article 3 de la directive 91/271, la Commission indique, dans son mémoire en réplique, que, le rapport APE 2016 se réfère aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour cette agglomération, aux termes duquel 1 % du volume total d’eaux usées générées a été rejeté par les déversoirs d’orage.

67      À cet égard, il résulte de ce rapport que sur les six déversoirs d’orage actifs pour ladite agglomération, un est jugé non conforme aux prescriptions nationales assurant la transposition de la directive 91/271. Ce dernier a été en outre activé 30 fois au cours de l’année 2016.

68      Partant, il convient de considérer que la Commission a apporté la preuve que le système de collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération d’Enniscorthy, à l’exception du townland de Killagoley, ne satisfait pas, en partie, aux exigences de l’article 3 de la directive 91/271.

e)      Sur l’agglomération de Fermoy

69      Pour l’agglomération de Fermoy, il résulte des données transmises, à la Commission, par l’Irlande dans sa réponse du 25 janvier 2016 à la lettre de mise en demeure complémentaire que 108 rejets ont été comptabilisés pour l’année 2014, équivalents à un volume de 71 500 m3 d’eaux urbaines résiduaires rejetées sans traitement préalable, alors que pour l’année 2015, 57 rejets ont été constatés, équivalents à un volume de 35 337 m3 d’eaux urbaines résiduaires non traitées.

70      Eu égard à ces données, il y a lieu de conclure que le système de collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Fermoy n’est pas conforme à l’article 3 de la directive 91/271.

f)      Sur l’agglomération de Mallow

71      Pour l’agglomération de Mallow, il résulte des données transmises, à la Commission, par l’Irlande dans sa réponse du 25 janvier 2016 à la lettre de mise en demeure complémentaire que, pour l’année 2014, sur les huit déversoirs d’orage actifs, le nombre de rejets estimé pour un seul de ces déversoirs s’élevait à 121, correspondant à un volume de 480 000 m3 d’eaux urbaines résiduaires non traitées.

72      Eu égard à ces données, il y a lieu de conclure que le système de collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Mallow n’est pas conforme à l’article 3 de la directive 91/271.

g)      Sur l’agglomération de Midleton

1)      Argumentation des parties

73      S’agissant de l’agglomération de Midleton, la Commission fonde la première partie de son premier grief sur différents rapports ainsi que sur une plainte qui lui a été adressée pour démontrer la non-conformité du système de collecte des eaux urbaines résiduaires de cette agglomération à l’article 3 de la directive 91/271.

74      Premièrement, elle s’appuie sur les données résultant de l’étude « White Young Green » sur les débordements dans l’agglomération de Midleton durant les années 2011 et 2012.

75      Deuxièmement, la Commission se réfère aux rapports de WYG Engineering du mois de novembre 2008 et de Mott MacDonald du mois d’août 2011, intitulé « Midleton Sewerage Scheme – Assessment of Pump Overflow », pour prouver que la station d’épuration de l’agglomération de Midleton est en sous-capacité par rapport à la charge à traiter et que les débits de pompage ainsi que la capacité de stockage doivent largement être augmentés. Un tel constat serait, en outre, confirmé par des données communiquées à la Commission à la suite d’une plainte qui lui a été transmise.

76      Troisièmement, la Commission reprend les données du rapport APE 2016 pour ladite agglomération.

77      À titre principal, l’Irlande conteste la recevabilité de ces éléments de preuve, au motif que ceux-ci ne lui ont pas été transmis antérieurement à l’introduction du présent recours par la Commission.

78      Cet État membre allègue que, en tout état de cause, les données sur lesquelles se fonde la Commission ne reflètent plus la situation actuelle. Ainsi, pour l’année 2015, seuls huit rejets auraient été constatés. En outre, les normes dites « demande biochimique en oxygène » (ci-après « DBO ») et « demande chimique en oxygène » (ci-après « DCO ») prescrites à l’article 4 de la directive 91/271, lu en combinaison avec le tableau 1 de l’annexe I de cette directive, auraient été respectées pour les années 2013 à 2016.

2)      Appréciation de la Cour

79      S’agissant de la recevabilité des éléments de preuve présentés par la Commission, il y a lieu de constater, tout d’abord, que dans sa réponse du 11 décembre 2013 à la lettre de mise en demeure initiale du 27 septembre 2013, l’Irlande a elle-même fait référence à l’étude « White Young Green » sur les débordements durant les années 2011 et 2012.

80      Il ressort, ensuite, du dossier que le rapport de WYG Engineering du mois de novembre 2008 a, quant à lui, été commandité par le conseil du comté de Cork.

81      S’agissant, enfin, du rapport de Mott MacDonald du mois d’août 2011 et de la plainte transmise à la Commission, il importe de souligner que ces documents, au même titre que ceux cités aux points précédents, ont été mentionnés dans la lettre de mise en demeure complémentaire du 25 septembre 2015, avant d’être annexés à la requête de cette institution.

82      Partant, l’Irlande disposait de la possibilité de se procurer directement lesdits documents ou, à tout le moins, dans un souci de diligence, d’en réclamer la production par la Commission en temps utile.

83      En tout état de cause, et afin de garantir les droits de la défense de l’État membre incriminé, l’objet d’un recours en manquement, en application de l’article 258 TFUE, est fixé par l’avis motivé de la Commission, de telle sorte que le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que cet avis (arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, C‑171/08, EU:C:2010:412, point 25).

84      En l’occurrence, l’Irlande ne conteste pas l’identité des motifs et des moyens de l’avis motivé et de la requête de la Commission dans la présente procédure.

85      Par conséquent, les éléments de preuve sur lesquels la Commission fonde la première partie de son premier grief s’agissant de l’agglomération de Midleton doivent être déclarés recevables.

86      La Commission s’est au demeurant appuyée sur le rapport APE 2016, qui se réfère aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour cette agglomération, dont il résulte que quatre déversoirs d’orage étaient actifs en 2016, dont émanaient 158 rejets, équivalents à un volume de 561 679 m³ d’eaux urbaines résiduaires non traitées.

87      À cet égard, d’une part, l’Irlande ne saurait alléguer de l’ancienneté de ces données datant de 2016, dès lors qu’elle y oppose des données datant de l’année 2015 pour remettre en cause les éléments avancés par la Commission.

88      D’autre part, l’article 3 de la directive 91/271 prescrivant une obligation de collecter l’ensemble des eaux urbaines résiduaires, la circonstance que les normes prescrites en matière de traitement des eaux à l’article 4 de la directive 91/271, lu en combinaison avec le tableau 1 de l’annexe I de cette directive, ont été respectées pour les années 2013 à 2016 n’a pas d’incidence sur la conformité du système de collecte des eaux urbaines résiduaires à l’article 3 de ladite directive.

89      Eu égard à ces éléments, il y a lieu de conclure que le système de collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Midleton n’est pas conforme à l’article 3 de la directive 91/271.

h)      Sur l’agglomération d’Osberstown

90      S’agissant de l’agglomération d’Osberstown, la Commission relève la présence de 22 déversoirs d’orage et souligne que des travaux de modernisation sont en cours.

91      Si la présence de déversoirs d’orage et de travaux de modernisation en cours est un indice de ce que le système de collecte des eaux urbaines résiduaires est susceptible, dans certaines circonstances, d’engendrer des débordements et des rejets d’eaux urbaines résiduaires non traitées, il n’en demeure pas moins que, en l’absence de données concrètes et précises concernant la conformité de ces déversoirs et leur activité, une telle présence ne constitue, au plus, qu’une présomption de non-conformité.

92      En outre, et ainsi qu’il a été souligné au point 60 du présent arrêt, la simple circonstance que l’agglomération d’Osberstown a été visée dans le rapport APE 2016 ne saurait en soi suffire à conclure à la non-conformité du système de collecte des eaux urbaines résiduaires de cette agglomération à l’article 3 de la directive 91/271. De plus, ainsi que la Commission l’a relevé dans son mémoire en réplique, il ne semble pas y avoir de référence aux données relatives à cette agglomération dans le rapport APE 2016.

93      En l’absence de données supplémentaires, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas fourni les éléments permettant d’apprécier la réalité du grief allégué en ce qui concerne l’agglomération d’Osberstown.

i)      Sur l’agglomération de Roscommon Town

94      Il ressort de la réponse de l’Irlande à la lettre de mise en demeure complémentaire qu’il existe dix déversoirs d’orage dans l’agglomération de Roscommon Town. De même, le rapport APE 2016, se réfère aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour cette agglomération recensant six déversoirs d’orage dont aucun n’est conforme aux prescriptions nationales de transposition de la directive 91/271.

95      Eu égard à ces données, il y a lieu de conclure que le système de collecte des eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Roscommon Town n’est pas conforme à l’article 3 de la directive 91/271.

j)      Sur l’agglomération de Roscrea

96      S’agissant de l’agglomération de Roscrea, la Commission relève la présence de quatre déversoirs d’orage et souligne que des travaux de modernisation sont en cours. À cet égard, cette institution renvoie au rapport APE 2016, qui se réfère aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour cette agglomération, mais ne contient aucune indication en ce qui concerne la conformité et l’activité de ces déversoirs.

97      Si la présence de déversoirs d’orage et de travaux de modernisation en cours est un indice de ce que le système de collecte est susceptible, dans certaines circonstances, d’engendrer des débordements et des rejets d’eaux urbaines résiduaires non traitées, il n’en demeure pas moins que, en l’absence de données concrètes et précises concernant la conformité de ces déversoirs et leur activité, une telle présence ne constitue, au plus, qu’une présomption de non-conformité.

98      En outre, et ainsi qu’il a été souligné au point 60 du présent arrêt, la simple circonstance que l’agglomération de Roscrea a été visée dans le rapport APE 2016, qui se réfère aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour cette agglomération, ne saurait en soi suffire à conclure à la non-conformité du système de collecte des eaux urbaines résiduaires de cette agglomération à l’article 3 de la directive 91/271.

99      En l’absence de données supplémentaires, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas fourni les éléments permettant d’apprécier la réalité du grief allégué en ce qui concerne l’agglomération de Roscrea.

k)      Sur l’agglomération de Thurles

100    La Commission relève la présence de quatre déversoirs d’orage dans l’agglomération de Thurles et souligne que des travaux de modernisation sont en cours. À cet égard, cette institution renvoie au rapport APE 2016, qui se réfère aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour cette agglomération, mais ne contient aucune indication en ce qui concerne la conformité et l’activité de ces déversoirs.

101    Si la présence de déversoirs d’orage et de travaux de modernisation en cours est un indice de ce que le système de collecte est susceptible, dans certaines circonstances, d’engendrer des débordements et des rejets d’eaux urbaines résiduaires non traitées, il n’en demeure pas moins que, en l’absence de données concrètes et précises concernant la conformité de ces déversoirs et leur activité, une telle présence ne constitue, au plus, qu’une présomption de non-conformité.

102    En outre, et ainsi qu’il a été souligné au point 60 du présent arrêt, la simple circonstance que l’agglomération de Thurles a été visée dans le rapport APE 2016, qui se réfère aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour cette agglomération, ne saurait en soi suffire à conclure à la non-conformité du système de collecte des eaux urbaines résiduaires de cette agglomération à l’article 3 de la directive 91/271.

103    En l’absence de données supplémentaires, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas fourni les éléments permettant d’apprécier la réalité du grief allégué en ce qui concerne l’agglomération de Thurles.

2.      Sur la seconde partie du premier grief

a)      Argumentation des parties

104    La Commission considère que l’Irlande n’a pas mis en place de systèmes de collecte appropriés des eaux urbaines résiduaires dans les agglomérations de Ringaskiddy et de Gaoth Dobhair.

105    Toutefois, à la suite des précisions apportées par l’Irlande dans son mémoire en défense, la Commission s’est désistée de la seconde partie du premier grief concernant l’agglomération de Gaoth Dobhair.

106    S’agissant de l’agglomération de Ringaskiddy, la Commission indique que la charge en eaux urbaines résiduaires engendrée par 116 982 EH n’est pas collectée.

107    L’Irlande souligne que la charge totale générée par cette agglomération provient pour 85 % d’activités industrielles disposant de leurs propres stations d’épuration. Dès lors, seules les charges des localités de Carrigaline et de Crosshaven devraient être prises en considération aux fins de l’appréciation de la conformité à l’article 3 de la directive 91/271.

108    Après avoir pris note dans le mémoire en réplique que la charge de 17 500 EH devait être retenue pour l’agglomération de Ringaskiddy, la Commission, se fondant sur les données transmises par l’Irlande dans sa réponse du 25 janvier 2016 à la lettre de mise en demeure complémentaire, rappelle qu’il n’existe aucun système de collecte pour cette agglomération.

b)      Appréciation de la Cour

109    Dès lors qu’il n’est pas contesté qu’il n’existe pas de système de collecte des eaux urbaines résiduaires pour la charge de 17 500 EH dans l’agglomération de Ringaskiddy, il y a lieu de conclure à la non-conformité du système de collecte des eaux urbaines résiduaires de cette agglomération à l’article 3 de la directive 91/271.

110    Il résulte de l’ensemble de ces considérations que les systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Athlone, de Cork City, d’Enniscorthy à l’exception du townland de Killagoley, de Fermoy, de Mallow, de Midleton, de Ringaskiddy et de Roscommon Town ne sont pas conformes à l’article 3 de la directive 91/271.

111    L’Irlande faisant toutefois valoir que la conformité des systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires dans ces agglomérations doit être appréciée au regard de l’annexe I, A, de cette directive ainsi que de la note en bas de page 1 de cette annexe, de sorte que l’application de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », justifierait toute divergence partielle avec l’article 3 de la directive 91/271, il convient de procéder à l’examen des éléments avancés à cet égard par l’Irlande dans le cadre des principes rappelés aux points 30 à 37 du présent arrêt.

3.      Sur l’application de circonstances exceptionnelles et de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs »

a)      Argumentation des parties

112    À titre général, l’Irlande rappelle les circonstances exceptionnelles auxquelles cet État membre a été confronté dans le secteur de la gestion et du traitement des eaux urbaines résiduaires ces dernières décennies, soulignant l’effort originaire nécessaire pour mettre en conformité le réseau de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires irlandais, la profonde réforme entreprise dans ce secteur ainsi que les effets d’une crise économique sur le déroulement de cette réforme.

113    En particulier, ledit État membre estime que l’analyse des griefs avancés par la Commission doit être effectuée en tenant compte des investissements et des travaux accomplis par l’Irlande de l’année 2000 à l’année 2013, dans le cadre de la réforme fondamentale du système de traitement des eaux urbaines résiduaires qui a toutefois été profondément contrariée par la crise économique subie par cet État membre en 2008. Durant cette période, 3,5 milliards d’euros ont malgré tout pu être engagés pour moderniser les infrastructures de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires.

114    Dans ce contexte, l’Irlande souligne que d’importants moyens seront investis à court terme pour achever cette modernisation. Les investissements engagés sont chiffrés à 2,7 milliards d’euros pour la période allant de l’année 2014 à l’année 2021 et permettront la mise en conformité entière du système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires avec les dispositions de la directive 91/271.

115    De manière plus ponctuelle, l’Irlande relève, concernant certaines agglomérations, les difficultés d’ordre technique, juridique ou administratif qui ont pu retarder la réalisation des travaux nécessaires.

116    En outre, cet État membre fait valoir que, eu égard à la faiblesse de la fréquence et de l’ampleur des rejets constatés dans certaines agglomérations, il doit être considéré que les dysfonctionnements ponctuels des systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires concernés résultent de précipitations exceptionnelles au sens de la note en bas de page 1 de l’annexe I de la directive 91/271.

117    La Commission rappelle que l’application de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », n’est que l’expression du principe de proportionnalité dans le cadre des investissements en matière d’infrastructures de collecte et de traitement des eaux usées. Dans ce contexte, l’Irlande n’apporterait aucune preuve démontrant que les coûts nécessaires pour la mise en conformité des systèmes de collecte et de traitement des eaux usées avec les dispositions de la directive 91/271 seraient disproportionnés par rapport aux gains en matière de protection de l’environnement.

b)      Appréciation de la Cour

118    Ainsi qu’il a été rappelé au point 34 du présent arrêt, la notion de « précipitations exceptionnellement fortes » doit s’apprécier à la lumière de l’ensemble des critères et des conditions fixés par la directive 91/271 et, notamment, de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs ».

119    L’application de cette dernière notion doit être examinée dans chaque cas concret et requiert de mettre en balance, d’une part, la technologie la plus avancée ainsi que les coûts envisagés et, d’autre part, les avantages qu’un système de collecte ou de traitement des eaux urbaines résiduaires plus performant peut apporter, de sorte que les coûts occasionnés ne soient pas disproportionnés par rapport aux avantages procurés.

120    À cet égard, la Cour a jugé que des installations ne pouvaient être considérées comme étant en conformité avec la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », au sens de l’annexe I, A, de la directive 91/271, dès lors, d’une part, qu’un État membre s’est engagé dans un grand programme de travaux prouvant que des solutions technologiques, en vue de pallier le problème de déversements excessifs d’eaux résiduaires, existent, mais ne sont pas appliquées et, d’autre part, qu’un tel État membre a décidé de financer de tels travaux, de sorte que les coûts y afférents ne sauraient être considérés comme excessifs (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Commission/Royaume-Uni, C‑502/15, non publié, EU:C:2017:334, point 44).

121    Dès lors que l’Irlande indique avoir entamé un programme de réforme profonde du système de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires, il est prouvé, d’une part, que des solutions technologiques, en vue de pallier le problème de déversements excessifs avant traitement d’eaux urbaines résiduaires, existent. D’autre part, les coûts des travaux nécessaires à cette fin ne sauraient être considérés comme excessifs, dans la mesure où l’Irlande a décidé de les mettre en œuvre.

122    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de difficultés pratiques ou administratives pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits par une directive. Il en va de même pour les difficultés financières qu’il appartient aux États membres de surmonter en prenant les mesures appropriées (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, point 66 et jurisprudence citée).

123    Ainsi, la simple mention, à titre général, des difficultés financières liées à la crise économique ne saurait justifier le fait que les systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires des différentes agglomérations visées par le premier grief ne sont pas conformes à l’article 3 de la directive 91/271.

124    Cela étant dit, ainsi que la Commission l’a elle-même admis lors de l’audience, l’existence d’une telle crise économique pourrait, pour chaque cas concret, être prise en compte dans le cadre de la mise en balance mentionnée aux points 36 et 119 du présent arrêt.

125    Toutefois, il convient de constater que l’Irlande n’apporte aucun élément permettant d’établir le caractère disproportionné des coûts à engager afin d’assurer la conformité des systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires des différentes agglomérations visées par le premier grief par rapport aux avantages qui en résulteraient.

126    Par ailleurs, la mention des travaux qui restent à réaliser en ce qui concerne les systèmes de collecte de chacune des agglomérations visées par le premier grief témoigne de la faisabilité de la mise en place des installations nécessaires à la mise en conformité des systèmes avec les dispositions de la directive 91/271.

127    À cet égard, il faut rappeler que le législateur de l’Union, conscient de l’ampleur des travaux d’infrastructure qui résultait de la transposition de la directive 91/271 et des coûts liés à l’exécution complète de celle-ci, a accordé aux États membres un délai de plusieurs années pour l’accomplissement de leurs obligations (arrêt du 4 mai 2017, Commission/Royaume-Uni, C‑502/15, non publié, EU:C:2017:334, point 48).

128    En particulier, s’agissant de l’agglomération de Midleton, l’Irlande indique que la fréquence des rejets est très faible, de sorte qu’ils ne sauraient être qualifiés d’évènements habituels.

129    Toutefois, ainsi que la Commission l’a soulevé dans son mémoire en réplique, le rapport APE 2016 se réfère aux informations contenues dans le rapport environnemental annuel pour cette agglomération, dont il résulte que quatre déversoirs d’orage étaient actifs en 2016, dont émanaient 158 rejets, équivalents à un volume de 561 679 m³ d’eaux urbaines résiduaires non traitées.

130    En l’absence de précisions supplémentaires quant aux rejets constatés sur l’agglomération de Midleton, l’Irlande ne saurait faire valoir que lesdits rejets résultent d’évènements météorologiques inhabituels dont la prise en compte nécessiterait des coûts disproportionnés par rapport aux avantages procurés.

131    Il résulte de l’ensemble de ces considérations que la collecte des eaux urbaines résiduaires dans les agglomérations d’Athlone, de Cork City, d’Enniscorthy à l’exception du townland de Killagoley, de Fermoy, de Mallow, de Midleton, de Ringaskiddy et de Roscommon Town n’est pas conforme à l’article 3, paragraphes 1 et 2, ainsi qu’à l’annexe I, A, de la directive 91/271.

C.      Sur le deuxième grief

132    Par son deuxième grief, la Commission reproche à l’Irlande un manquement à l’article 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive, en raison, premièrement, de l’absence de station d’épuration dans six agglomérations, deuxièmement, de l’incapacité des stations d’épuration existantes dans sept agglomérations d’assurer le respect des normes DBO et DCO telles que prescrites à l’annexe I, B, de la directive 91/271 ainsi qu’au tableau 1 de cette annexe et, troisièmement, de la non-conformité à l’article 3 de cette directive en ce qui concerne douze agglomérations.

133    L’Irlande conteste globalement le manquement à l’article 4 de la directive 91/271 en se fondant sur l’application de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », et remet en cause ponctuellement les données présentées par la Commission au soutien de ce grief s’agissant de certaines agglomérations.

134    Dans la mesure où l’invocation de circonstances exceptionnelles et de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », intervient en vue de justifier les situations dans lesquelles un système de traitement des eaux urbaines résiduaires ne satisfait pas aux exigences de l’article 4 de la directive 91/271, il convient, d’emblée, d’apprécier si les éléments de preuve présentés par la Commission sont susceptibles de fonder en droit le deuxième grief en ce qui concerne chacune des agglomérations visées par celui-ci.

1.      Sur la première partie du deuxième grief

a)      Argumentation des parties

135    La Commission considère que les prescriptions de l’article 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271 ne sont pas respectées en raison de l’absence d’installations de traitement des eaux usées pour les agglomérations d’Arklow, de Cobh, de Killybegs, de Passage/Monkstown, de Ringaskiddy et de Youghal.

136    L’Irlande invoque, d’une part, des difficultés lors de la planification et de la réalisation des équipements requis. Cet État membre indique, d’autre part, que les travaux permettant un traitement des eaux usées conforme aux exigences de l’article 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271 sont en cours d’achèvement ou, à tout le moins, planifiés.

b)      Appréciation de la Cour

137    L’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/271 prévoit que la totalité des eaux urbaines résiduaires pénétrant dans des systèmes de collecte doit, avant d’être rejetée, être soumise à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent.

138    Selon l’article 4, paragraphe 3, de cette directive, ce traitement secondaire ou ce traitement équivalent doit être assuré par des stations d’épuration dont les rejets répondent aux prescriptions de l’annexe I, B, de la directive 91/271.

139    Ainsi qu’il ressort de la réponse de l’Irlande du 25 janvier 2016 à la lettre de mise en demeure complémentaire ainsi que de sa réponse du 28 novembre 2016 à l’avis motivé, les eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Arklow, de Cobh, de Killybegs, de Passage/Monkstown, de Ringaskiddy et de Youghal ne font l’objet d’aucun traitement avant rejet, en raison de l’absence d’installations nécessaires à cette fin.

140    L’existence d’un manquement devant être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte, à cet égard, par la Cour (arrêt du 28 janvier 2016, Commission/Portugal, C‑398/14, EU:C:2016:61, point 49).

141    En l’occurrence, l’avis motivé, daté du 30 septembre 2016, impartissait à l’Irlande un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis pour se conformer à ses obligations résultant de l’article 4 de la directive 91/271. Le délai accordé pour cette mise en conformité expirait ainsi le 30 novembre 2016.

142    Or, concernant les agglomérations visées à la première partie du deuxième grief, l’Irlande indique, dans son mémoire en défense, que, à la date du dépôt de ce mémoire, des travaux concernant les stations d’épuration étaient en cours ou programmés afin de répondre aux obligations de l’article 4 de la directive 91/271. Dès lors, il est établi que ces agglomérations ne respectaient pas, au terme du délai fixé par l’avis motivé, les obligations découlant de cet article 4, dans la mesure où elles ne disposaient pas d’installations de traitement des eaux usées opérationnelles.

143    Partant, le deuxième grief doit être considéré comme fondé en ce qui concerne les agglomérations d’Arklow, de Cobh, de Killybegs, de Passage/Monkstown, de Ringaskiddy et de Youghal.

2.      Sur la deuxième partie du deuxième grief

a)      Argumentation des parties

144    Se fondant sur la réponse de l’Irlande du 25 janvier 2016 à la lettre de mise en demeure complémentaire, la Commission constate que les capacités des installations des agglomérations de Ballybofey/Stranorlar, d’Enfield, d’Enniscorthy, de Ringsend, de Shannon Town et de Tubbercurry ne permettent pas d’assurer un traitement secondaire ou équivalent des charges des eaux usées avant leur rejet.

145    En outre, s’agissant de l’agglomération de Rathcormac, la Commission constate que les normes DBO/DCO ne sont pas respectées.

146    S’agissant des agglomérations de Ballybofey/Stranorlar, d’Enniscorthy, de Ringsend, de Shannon Town et de Tubbercurry, l’Irlande reconnaît la nécessité d’augmenter les capacités des installations de traitement des eaux usées. Cet État membre indique que des travaux sont en cours de finalisation afin de remédier à ces carences.

147    S’agissant de l’agglomération d’Enfield, ledit État membre relève qu’une évaluation de la capacité de la station d’épuration est en cours, mais que son renforcement n’est pas jugé nécessaire, dès lors que les normes DBO/DCO sont respectées.

148    S’agissant de l’agglomération de Rathcormac, l’Irlande indique que la non-conformité de l’installation de traitement des eaux urbaines résiduaires était due à des problèmes opérationnels qui devaient être résolus à la fin de l’année 2017.

b)      Appréciation de la Cour

149    Au soutien de la deuxième partie du deuxième grief, la Commission s’appuie sur les données datant du 31 décembre 2014 qui lui ont été communiquées par l’Irlande dans sa réponse du 25 janvier 2016 à la lettre de mise en demeure complémentaire ainsi que dans sa réponse du 28 novembre 2016 à l’avis motivé.

150    Tout d’abord, il ressort de ces documents que :

–        la charge générée par l’agglomération de Ballybofey/Stranorlar est de 5 532 EH, la capacité de traitement des installations étant de 4 000 EH, les normes DBO/DCO étaient respectées en ce qui concerne les années 2013 à 2015 ;

–        la charge générée par l’agglomération d’Enniscorthy concernant le déversement secondaire était de 2 107 EH, la capacité de traitement des installations étant de 1 000 EH, les normes DBO/DCO n’étaient pas respectées en ce qui concerne ces années ;

–        la charge générée par l’agglomération de Ringsend est de 2 124 000 EH, la capacité de traitement des installations étant de 1 640 000 EH, les normes DBO/DCO n’étaient pas respectées en ce qui concerne lesdites années ;

–        la charge générée par l’agglomération de Shannon Town est de 26 740 EH, la capacité de traitement des installations étant de 12 500 EH, les normes DBO/DCO n’étaient pas respectées en ce qui concerne les mêmes années, et

–        la charge générée par l’agglomération de Tubbercurry est de 2 283 EH, la capacité de traitement des installations étant de 1 400 EH, les normes DBO/DCO n’étaient pas respectées en ce qui concerne les années 2013 à 2015.

151    Ensuite, en ce qui concerne l’agglomération d’Enfield, la réponse de l’Irlande à l’avis motivé fait état d’une charge générée de 5 873 EH pour l’année 2015, alors que la capacité de traitement des installations est de 3 500 EH. Il ressort toutefois également de cette réponse que les normes DBO/DCO étaient respectées depuis 2013.

152    L’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/271 contenant une obligation inconditionnelle de traitement secondaire ou de traitement équivalent de la totalité des eaux urbaines résiduaires avant leur rejet, il y a lieu de constater que, eu égard à la sous-capacité des installations des agglomérations de Ballybofey/Stranorlar et d’Enfield, les prescriptions de cette disposition ne sont pas respectées en ce qui concerne ces agglomérations.

153    À cet égard, même si les normes DBO/DCO étaient respectées en ce qui concerne les eaux traitées dans les installations desdites agglomérations pour les années 2013 à 2015, il n’en demeure pas moins qu’une partie des eaux urbaines résiduaires n’a reçu aucun traitement.

154    Or, la Cour a déjà jugé que, dès lors que les rejets d’eaux n’ayant fait l’objet d’aucun traitement ne répondent pas aux prescriptions de l’annexe I, B, de la directive 91/271, le traitement des eaux urbaines résiduaires par des installations en sous-capacité ne saurait être considéré comme conforme à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 91/271 (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2008, Commission/Irlande, C‑316/06, non publié, EU:C:2008:487, points 12 et 22).

155    S’agissant, enfin, de l’agglomération de Rathcormac, ainsi qu’il résulte des données contenues dans la réponse de l’Irlande du 25 janvier 2016 à la lettre de mise en demeure complémentaire, ainsi que dans sa réponse du 28 novembre 2016 à l’avis motivé, la charge générée est de 2 602 EH, la capacité des installations de cette agglomération étant de 4 000 EH. Toutefois, les normes DBO/DCO prescrites à l’annexe I, B, de la directive 91/271 ainsi qu’au tableau 1 de cette annexe n’étaient pas respectées pour les années 2014 à 2016.

156    L’Irlande indique dans son mémoire en défense que le dépassement desdites normes résulte de problèmes opérationnels, sans apporter, cependant, plus de précisions.

157    Dans ces conditions, il convient de considérer que les eaux usées de l’agglomération de Rathcormac ne font pas l’objet d’un traitement adéquat avant rejet. Le grief tiré de la non-conformité à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’annexe I, B, de cette directive et le tableau 1 de cette annexe, est dès lors fondé en ce qui concerne cette agglomération.

158    Partant, le traitement des eaux des agglomérations de Ballybofey/Stranorlar, d’Enfield, d’Enniscorthy, de Ringsend, de Shannon Town et de Tubbercurry n’est pas conforme à l’article 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive ainsi que le tableau 1 de ladite annexe. Le traitement des eaux de l’agglomération de Rathcormac n’est pas conforme à l’article 4, paragraphe 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive ainsi que le tableau 1 de ladite annexe.

3.      Sur la troisième partie du deuxième grief

a)      Argumentation des parties

159    La Commission considère que l’Irlande a enfreint l’article 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive, en ce qui concerne les agglomérations d’Athlone, de Ballincollig New, de Cavan, de Cork City, de Fermoy, de Mallow, de Midleton, d’Osberstown, de Roscommon Town, de Roscrea, de Thurles et de Gaoth Dobhair.

160    À la suite des précisions apportées par l’Irlande dans son mémoire en défense, la Commission s’est désistée de la troisième partie du deuxième grief en ce qui concerne l’agglomération de Gaoth Dobhair.

161    Cette institution justifie le manquement à l’article 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271 par le manquement à l’article 3 de cette directive.

162    Outre des circonstances exceptionnelles et l’application de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », l’Irlande avance qu’un traitement approprié des eaux usées est garanti en ce qui concerne les agglomérations d’Athlone, de Ballincollig New, de Cavan, de Fermoy, de Mallow, de Midleton, d’Osberstown, de Roscommon Town et de Thurles et s’appuie, à cet égard, sur les données contenues dans sa réponse du 25 janvier 2016 à la lettre de mise en demeure complémentaire ainsi que dans sa réponse du 28 novembre 2016 à l’avis motivé.

b)      Appréciation de la Cour

163    La Commission fondant la troisième partie du deuxième grief exclusivement sur la non-conformité des systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires dans certaines agglomérations à l’article 3 de la directive 91/271, il y a lieu de rappeler, premièrement, que, ainsi qu’il résulte des points 63, 93, 99 et 103 du présent arrêt, la Commission n’a pas établi que l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la directive 91/271 en ce qui concerne les systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Cavan, d’Osberstown, de Roscrea et de Thurles. En outre, la Commission s’est désistée de la première partie du premier grief en ce qui concerne l’agglomération de Ballincollig New.

164    Partant, sur le fondement de l’argumentation de la Commission, la troisième partie du deuxième grief ne saurait concerner que les agglomérations d’Athlone, de Cork City, de Fermoy, de Mallow, de Midleton et de Roscommon Town.

165    Premièrement, selon l’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/271, la totalité des eaux urbaines résiduaires pénétrant dans des systèmes de collecte doit, avant d’être rejetée, être soumise à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent.

166    Par conséquent, dans la mesure où des agglomérations ne sont pas équipées d’un système permettant de collecter la totalité de leurs eaux urbaines résiduaires, conformément à l’article 3 de la directive 91/271, l’obligation de soumettre la totalité des rejets à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent, prévue à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, n’est donc, a fortiori, pas remplie (arrêt du 19 juillet 2012, Commission/Italie, C‑565/10, non publié, EU:C:2012:476, point 34).

167    Deuxièmement, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 91/271, les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires doivent répondre aux prescriptions de l’annexe I, B, de cette directive.

168    Le troisième considérant de ladite directive précise qu’il est en général nécessaire de soumettre les eaux urbaines résiduaires à un traitement secondaire pour éviter que l’environnement ne soit altéré par leur évacuation.

169    L’Irlande indique que, malgré l’absence de stations d’épuration et, par conséquent, de traitement des eaux urbaines résiduaires dans certaines agglomérations, les normes DBO/DCO sont respectées.

170    D’une part, dès lors que l’installation d’un système de collecte des eaux urbaines résiduaires a été jugée comme étant justifiée dans une agglomération donnée, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/271 énonce une obligation de résultat en ce qui concerne le traitement de ces eaux par une station d’épuration.

171    D’autre part, l’annexe I, B, point 1, de cette directive précise que les stations d’épuration des eaux usées sont conçues ou modifiées de manière que des échantillons représentatifs des eaux usées entrantes et des effluents traités puissent être obtenus avant rejet dans les eaux réceptrices.

172    Partant, les dispositions de la directive 91/271 fixent des obligations de traitement visant un respect systématique et pérenne des normes qu’elles établissent en ce qui concerne les rejets des eaux usées. À cette fin, seule la collecte de la totalité de ces eaux permet de garantir un tel respect. En effet, en l’absence de système permettant la collecte de l’entièreté des eaux urbaines résiduaires, toute conformité constatée aux normes DBO/DCO ne saurait avoir un caractère systématique, dès lors qu’elle peut fluctuer en fonction de facteurs liés à des circonstances diverses, telles que la dilution des eaux usées ou le comportement de leurs émetteurs.

173    En tout état de cause, l’annexe I, B, point 1, de la directive 91/271 prescrit l’obligation de prélever des échantillons représentatifs des eaux usées avant leur rejet des stations d’épuration. Or, et en l’absence de système de collecte fiable, cette directive n’offre aucune autre solution permettant de prouver le respect des normes DBO/DCO.

174    Par conséquent, il convient de constater que le traitement des eaux urbaines résiduaires dans les agglomérations d’Athlone, de Cork City, de Fermoy, de Mallow, de Midleton et de Roscommon Town n’est pas conforme à l’article 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive.

4.      Sur l’application de circonstances exceptionnelles et de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs »

175    Outre le contexte général dans lequel a été initié le programme de modernisation de la gestion des eaux urbaines résiduaires, tel que rappelé aux points 112 à 114 du présent arrêt, l’Irlande fait ponctuellement valoir des problèmes juridiques à l’origine de la non-conformité du traitement des eaux urbaines résiduaires à l’article 4 de la directive 91/271.

176    Cet État membre indique, en outre, que l’achèvement dans un avenir proche des travaux concernant les systèmes de gestion des eaux urbaines résiduaires de certaines agglomérations visées par le deuxième grief devrait permettre à court terme la mise en conformité des installations concernées avec la directive 91/271.

177    Eu égard aux considérations rappelées aux points 118 à 121 du présent arrêt et à la circonstance que l’Irlande n’a pas présenté d’éléments permettant de démontrer le caractère disproportionné des coûts pour la mise en conformité des installations de traitement des eaux urbaines résiduaires dans les agglomérations visées par le deuxième grief, il y a lieu de conclure que le traitement de ces eaux dans les agglomérations d’Arklow, d’Athlone, de Ballybofey/Stranorlar, de Cobh, de Cork City, d’Enfield, d’Enniscorthy, de Fermoy, de Killybegs, de Mallow, de Midleton, de Passage/Monkstown, de Rathcormac, de Ringaskiddy, de Ringsend, de Roscommon Town, de Shannon Town, de Tubbercurry et de Youghal n’est pas conforme à l’article 4, paragraphes 1 et/ou 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive.

D.      Sur le troisième grief

178    Par son troisième grief, la Commission fait valoir que le traitement plus rigoureux des eaux urbaines résiduaires pénétrant dans les zones sensibles et les bassins correspondants, conformément à l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 91/271, n’est pas effectué dans les agglomérations d’Athlone, de Ballincolig New, de Cavan, de Cork City, de Dundalk, d’Enniscorthy, de Fermoy, de Killarney, de Killybegs, de Longford, de Mallow, de Midleton, de Navan, de Nenagh, d’Osberstown, de Portarlington, de Ringsend, de Roscrea, de Thurles, de Tralee et de Waterford City. À la suite des précisions apportées par l’Irlande dans son mémoire en défense, la Commission s’est désistée de ce grief s’agissant de l’agglomération de Waterford City.

179    Premièrement, la Commission invoque la non-conformité des systèmes de collecte des eaux usées des agglomérations visées par le premier grief du présent recours en manquement pour justifier la non-conformité des systèmes de traitement à l’article 5 de la directive 91/271.

180    Deuxièmement, la Commission se fonde sur les données qui lui ont été transmises par l’Irlande dans sa réponse à la lettre de mise en demeure complémentaire ainsi qu’à l’avis motivé pour les autres agglomérations visées par le troisième grief.

1.      S’agissant des agglomérations dont les systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires ne sont pas conformes à l’article 3 de la directive 91/271

181    Selon l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/271, les États membres doivent identifier les zones sensibles sur le fondement des critères définis à l’annexe II de cette directive.

182    Les paragraphes 2 et 3 de cet article énoncent une obligation de traitement des eaux urbaines résiduaires avant leur rejet dans des zones sensibles, de sorte que les normes prescrites à l’annexe I, B, de la directive 91/271 soient respectées. À cet égard, ces eaux urbaines résiduaires doivent être soumises à un traitement plus rigoureux que celui prévu à l’article 4 de cette directive.

183    Une telle obligation s’impose également en ce qui concerne les rejets des stations d’épuration situées dans les bassins versants pertinents des zones sensibles en vertu de l’article 5, paragraphe 5, de ladite directive.

184    Par analogie à ce qu’il a été dit au point 166 du présent arrêt, si le système de collecte des eaux urbaines résiduaires d’une agglomération n’est pas conforme à l’article 3 de la directive 91/271, il y a lieu a fortiori de considérer que le traitement des eaux urbaines résiduaires de cette agglomération qui sont rejetées dans une zone sensible ne peut être garanti.

185    Il est constant, d’une part, que les eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Athlone, de Cork City, d’Enniscorthy à l’exception du townland de Killagoley, de Fermoy, de Mallow et de Midleton sont rejetées dans des zones ayant été identifiées comme sensibles en vertu des critères définis à l’annexe II de la directive 91/271 et que ces agglomérations ont un EH de plus de 10 000.

186    D’autre part, il résulte du point 131 du présent arrêt que les systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires de ces agglomérations ne sont pas conformes à l’article 3 de la directive 91/271.

187    Partant, il y a lieu de constater que le traitement de ces eaux dans ces agglomérations ne saurait être conforme à l’article 5 de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’annexe I, B, de cette directive.

188    En revanche, ainsi qu’il ressort des points 63, 93, 99 et 103 du présent arrêt, pour les systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Cavan, d’Osberstown, de Roscrea et de Thurles, la Commission n’a pas établi à suffisance de droit leur non-conformité à l’article 3 de la directive 91/271. Il ressort également du point 48 du présent arrêt que la Commission s’est désistée de la première partie du premier grief en ce qui concerne l’agglomération de Ballincollig New.

189    Pour ce qui est des agglomérations d’Osberstown et de Thurles, la Commission n’a pas fourni d’autres éléments au soutien du troisième grief, celui-ci devant être rejeté en ce qui les concerne. Toutefois, s’agissant des traitements des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Ballincollig New, de Cavan et de Roscrea, les éléments fournis par la Commission au soutien de ce grief seront examinés aux points 193 à 221 du présent arrêt.

2.      S’agissant des agglomérations de Dundalk, de Killybegs, de Portarlington, de Ringsend et de Tralee

190    La Commission s’appuie sur les réponses de l’Irlande à la lettre de mise en demeure complémentaire ainsi qu’à l’avis motivé indiquant que la conformité du traitement des eaux usées des agglomérations de Dundalk, de Killybegs, de Portarlington, de Ringsend et de Tralee, qui ne disposent d’aucune station d’épuration ou dont le traitement est insuffisant, serait assurée à l’achèvement des travaux en cours.

191    L’Irlande ne conteste pas ces informations, mais indique que les travaux en cours devraient permettre de garantir le respect des prescriptions de l’article 5 de la directive 91/271 :

–        pour l’agglomération de Dundalk, au troisième trimestre de l’année 2017 ;

–        pour l’agglomération de Killybegs, au 1er janvier 2018 ;

–        pour l’agglomération de Portarlington, au deuxième trimestre de l’année 2017 ;

–        pour l’agglomération de Ringsend, au deuxième trimestre de l’année 2022, et

–        pour l’agglomération de Tralee, au quatrième trimestre de l’année 2017.

192    Dès lors qu’il est constant que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que, selon les informations communiquées par l’Irlande, les travaux en cause aboutiront après le 30 novembre 2016, le troisième grief est fondé en ce qui concerne les agglomérations de Dundalk, de Killybegs, de Portarlington, de Ringsend et de Tralee.

3.      S’agissant des agglomérations de Ballincollig New, de Cavan, de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea

a)      Argumentation des parties

193    La Commission, se prévalant des données telles qu’elles résultent des réponses de l’Irlande à la lettre de mise en demeure complémentaire ainsi qu’à l’avis motivé, fait valoir que le traitement des eaux urbaines résiduaires rejetées dans des zones sensibles n’est pas assuré conformément aux prescriptions de l’article 5 de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive ainsi que le tableau 2 de ladite annexe, en ce qui concerne les agglomérations de Ballincollig New, de Cavan, de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea. Plus précisément, la Commission fait valoir que même à supposer que ce traitement soit conforme à ces dispositions s’agissant du phosphore concernant les agglomérations de Cavan, de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea, il n’est pas procédé à la réduction de l’azote qui est pourtant déclaré comme un élément nutritif limitant pour les zones sensibles dans lesquelles les stations d’épuration de ces agglomérations rejettent les eaux traitées. En outre, pour l’agglomération de Ballincollig New, la Commission observe que, à la suite d’examens complémentaires réalisés par l’agence pour la protection de l’environnement, l’Irlande a fait valoir que l’élimination d’éléments nutritifs ne serait pas nécessaire.

194    L’Irlande considère que les données présentées par la Commission ont fait l’objet d’une actualisation, comme en témoigne la correspondance du 8 novembre 2016 adressée par l’agence pour la protection de l’environnement au ministre irlandais du Logement, de l’Aménagement du territoire et des Collectivités et de l’action locales, qu’elle a produite en annexe à la réponse à l’avis motivé. Cet État membre souligne qu’il résulte de ce document que pour les agglomérations de Cavan, de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh, et de Roscrea, il a été conclu qu’une réduction de l’azote en tant qu’élément nutritif limitant n’était plus nécessaire en ce qui concerne les rejets des stations d’épuration de ces agglomérations dans les zones sensibles concernées. S’agissant de l’agglomération de Ballincollig New, ce même document conclurait à l’absence de caractère sensible de la zone dans laquelle sont déversées les eaux traitées par le système de cette agglomération.

195    La Commission relève que les documents produits à l’occasion de la correspondance de l’agence pour la protection de l’environnement du 8 novembre 2016 constituent des éléments préalables qui appellent des décisions complémentaires afin d’adapter la désignation de la zone sensible concernée ainsi que les licences et les autorisations de rejet qui s’y rapportent. Elle se réfère à cet égard à l’arrêt du 4 mai 2017, Commission/Royaume-Uni (C‑502/15, non publié, EU:C:2017:334).

196    L’Irlande considère que les conclusions auxquelles aboutissent les constats de l’agence pour la protection de l’environnement sont définitives et directement applicables, les modifications du registre des zones sensibles et des licences de rejet ne constituant que des modalités techniques d’application. Elle se réfère, pour ce faire, à l’arrêt du 6 octobre 2009, Commission/Suède (C‑438/07, EU:C:2009:613).

197    À toutes fins utiles, cet État membre a adjoint à son mémoire en défense les décisions de modification des licences pour les stations d’épuration de certaines agglomérations, dont celle de Killarney, adoptées entre le 29 juin et le 7 juillet 2017.

b)      Appréciation de la Cour

1)      Sur les données pertinentes pour l’examen du troisième grief en ce qui concerne les agglomérations de Ballincollig New, de Cavan, de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea

198    D’une part, il n’est pas contesté que les agglomérations de Ballincollig New, de Cavan, de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea ont un EH de plus de 10 000.

199    D’autre part, il est constant que les eaux urbaines résiduaires de ces agglomérations sont rejetées dans des zones qui ont été identifiées comme sensibles en vertu des critères définis à l’annexe II de la directive 91/271.

200    Si, dans un premier temps, les eaux sensibles, dans lesquelles ont lieu les rejets des stations d’épuration des agglomérations de Cavan, de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea ont été identifiées comme telles en raison de leur sensibilité tant à l’azote qu’au phosphore, l’Irlande a informé la Commission dans sa réponse à l’avis motivé qu’au vu de nouvelles données, le traitement pour une réduction de l’azote n’était plus nécessaire.

201    S’agissant de la zone de déversement des eaux traitées par le système de l’agglomération de Ballincollig New, cet État membre indique que, en vertu des conclusions de la correspondance du 8 novembre 2016, aucun élément d’eutrophisation n’avait été constaté et que, pour tous les aspects biologiques ainsi que ceux liés aux éléments nutritifs, les seuils n’ont pas été atteints entre l’année 2010 et l’année 2015. Cela étant, l’Irlande ne conteste pas le fait que cette zone soit toujours désignée comme sensible.

202    D’emblée, il y a lieu de rappeler que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements éventuels intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 28 novembre 2018, Commission/Slovénie, C‑506/17, non publié, EU:C:2018:959, point 50 et jurisprudence citée).

203    Les données auxquelles se réfèrent les parties sont issues, d’une part, de la réponse de l’Irlande à la lettre de mise en demeure complémentaire et, d’autre part, de la réponse de cet État membre à l’avis motivé. À cette dernière réponse de l’Irlande était annexée la correspondance du 8 novembre 2016 adressée par l’agence pour la protection de l’environnement au ministre irlandais du Logement, de l’Aménagement du territoire et des Collectivités et de l’action locales. À son tour, cette correspondance fait référence à la révision des zones sensibles qui a été réalisée par cette agence au cours de l’année 2016 sur la base de données collectées entre l’année 2010 et l’année 2015 (ci-après « la révision APE 2016 »). Cette révision figure à l’annexe I de ladite correspondance.

204    À cet égard, il ressort de ces données que s’agissant des agglomérations de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea, l’Irlande n’a pas procédé à une réduction de l’azote conforme à la directive 91/271, l’azote étant pourtant déclaré comme un élément nutritif limitant pour les zones sensibles dans lesquelles les stations d’épuration de ces agglomérations rejettent les eaux traitées.

205    En revanche, il ne ressort pas de ces mêmes données que tel est le cas pour ce qui est de l’agglomération de Cavan. Partant, en l’absence de données supplémentaires, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas fourni les éléments permettant d’apprécier la réalité du grief allégué en ce qui concerne cette agglomération.

206    S’agissant de l’agglomération de Ballincollig New, il ressort de la révision APE 2016 qu’aucun élément d’eutrophisation n’avait été constaté et que, pour tous les aspects biologiques ainsi que ceux liés aux éléments nutritifs, les seuils n’ont pas été atteints entre l’année 2010 et l’année 2015. Selon l’Irlande, il en découle qu’il n’existe aucune obligation d’éliminer les éléments nutritifs ni, partant, aucune infraction à l’article 5 de la directive 91/271.

207    Toutefois, indépendamment de la question de savoir si cette obligation existe ou pas, il importe de noter qu’il ressort de la réponse de l’Irlande à la lettre de mise en demeure complémentaire que, pour les années 2013 à 2015, il était procédé à l’élimination des éléments nutritifs conformément à l’article 5 de cette directive, en termes de réduction tant de phosphore que d’azote. En l’absence de données supplémentaires, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas fourni les éléments permettant d’apprécier la réalité du grief allégué en ce qui concerne l’agglomération de Ballincollig New.

208    S’agissant des données tirées des évaluations transmises par l’agence pour la protection de l’environnement dans sa correspondance du 8 novembre 2016, annexée à la réponse à l’avis motivé de l’Irlande, sur lesquelles s’appuie cet État membre pour alléguer que le traitement insuffisant de l’azote, voire du phosphore et de l’azote, n’est plus pertinent afin d’établir la conformité du traitement avec l’article 5 de la directive 91/271, il faut relever qu’il est indiqué à la page 2 de la révision APE 2016 que toute modification de la désignation d’une zone sensible nécessitera des analyses supplémentaires.

209    L’Irlande fait toutefois valoir qu’une telle nécessité ne concerne que les zones que la révision APE 2016 recommande de désigner pour la première fois en tant que sensibles.

210    À cet égard, premièrement, la révision APE 2016 précise que les résultats collectés en ce qui concerne, notamment, l’agglomération de Longford, nécessitent une confirmation par des analyses supplémentaires, alors même que les zones de rejet des stations d’épuration de cette agglomération ont été désignées comme sensibles avant le 8 novembre 2016.

211    Deuxièmement, ainsi que le reconnaît l’agence pour la protection de l’environnement elle-même dans sa correspondance du 8 novembre 2016, les constatations et les conclusions mentionnées dans la révision APE 2016 sont susceptibles d’avoir des conséquences sur la désignation d’une zone sensible ainsi que sur les licences d’autorisation de rejet des stations d’épuration concernées. Ainsi, dans ladite correspondance, cette agence relève que la révision APE 2016 sera suivie par l’adoption de recommandations et la modification d’instruments réglementaires (Statutory Instruments). Ce sont alors ces modifications qui permettent de fixer la conformité aux prescriptions du tableau 2 de l’annexe I de la directive 91/271.

212    À ce titre, il convient de relever que l’article 12, paragraphe 2, de la directive 91/271 prescrit l’obligation pour les États membres de veiller à ce que le rejet des eaux usées provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires soit soumis à des réglementations préalables et/ou à des autorisations spécifiques. De tels documents définissent, selon le paragraphe 3 de cet article, les conditions requises pour répondre aux prescriptions de l’annexe I, B, de cette directive.

213    S’il est vrai que les constatations et les conclusions mentionnées dans la révision APE 2016 concernent non seulement des modifications dans l’identification des éléments nutritifs à traiter, mais également la nécessité de désigner de nouvelles zones sensibles, il n’en reste pas moins que l’identification d’un élément nutritif responsable de l’eutrophisation des eaux d’une zone de rejet est déterminante pour sa désignation en tant que zone sensible.

214    Ainsi, les eaux d’une zone peuvent être sensibles au phosphore ou à l’azote, voire à ces deux éléments nutritifs.

215    Partant, l’Irlande ne saurait faire valoir que, dans la mesure où la révision APE 2016 préconise uniquement la limitation de la sensibilité au phosphore des zones dans lesquelles les stations d’épuration des agglomérations de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea rejettent les eaux traitées, les modifications qui en découlent ne consistent qu’en des modalités techniques.

216    De fait, il est à noter que l’Irlande a adjoint à son mémoire en défense les décisions de modification des licences pour les stations d’épuration de certaines agglomérations visées par le troisième grief, adoptées entre le 29 juin et le 7 juillet 2017.

217    Or, le délai imparti aux termes de l’avis motivé ayant expiré le 30 novembre 2016, de tels documents ne sauraient être pris en compte par la Cour aux fins de l’appréciation de l’existence du manquement allégué par la Commission.

218    C’est donc sur le fondement des données avancées par la Commission qu’il convient d’examiner la conformité des rejets des stations d’épuration des agglomérations concernées.

2)      Sur les agglomérations concernées

219    Ainsi qu’il ressort de la réponse de l’Irlande à la lettre de mise en demeure complémentaire, les rejets des stations d’épuration des agglomérations de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea ne sont pas conformes aux prescriptions du tableau 2 de l’annexe I de la directive 91/271 en ce qui concerne la réduction de l’azote.

220    Pour les raisons avancées aux points 209 à 217 du présent arrêt, les données résultant de la correspondance de l’agence pour la protection de l’environnement du 8 novembre 2016 et de la révision APE 2016 y annexée ne sauraient être considérées comme des éléments de preuve susceptibles de remettre en cause les données avancées par la Commission.

221    Partant, il y a lieu de considérer que le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Killarney, de Longford, de Navan, de Nenagh et de Roscrea n’est pas conforme à l’article 5 de la directive 91/271.

4.      Sur l’application de circonstances exceptionnelles et de la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs »

222    Outre le contexte général dans lequel a été initié le programme de modernisation de la gestion des eaux urbaines résiduaires, tel que rappelé aux points 112 à 114 du présent arrêt, l’Irlande fait ponctuellement valoir des problèmes juridiques à l’origine de la non-conformité du traitement des eaux urbaines résiduaires à l’article 5 de la directive 91/271.

223    Cet État membre indique, en outre, que l’achèvement dans un avenir proche des travaux concernant les systèmes de traitement des eaux urbaines résiduaires de certaines agglomérations visées par le troisième grief devrait permettre à court terme la mise en conformité des installations avec la directive 91/271.

224    Eu égard aux considérations rappelées aux points 118 à 121 du présent arrêt et à la circonstance que l’Irlande n’a pas présenté d’éléments permettant de démontrer le caractère disproportionné des coûts pour la mise en conformité des installations de traitement des eaux urbaines résiduaires dans les agglomérations visées par le troisième grief, il y a lieu de conclure que le traitement de ces eaux dans les agglomérations d’Athlone, de Cork City, de Dundalk, d’Enniscorthy à l’exception du townland de Killagoley, de Fermoy, de Killarney, de Killybegs, de Longford, de Mallow, de Midleton, de Navan, de Nenagh, de Portarlington, de Ringsend, de Roscrea et de Tralee n’est pas conforme à l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive.

E.      Sur le quatrième grief

225    Par son quatrième grief, la Commission fait valoir qu’il n’est pas prévu de réglementations préalables et/ou d’autorisations spécifiques relatives aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, conformément à l’article 12, paragraphes 2 et 3, de la directive 91/271, concernant les agglomérations d’Arklow et de Castlebridge.

226    S’agissant de l’agglomération d’Arklow, l’Irlande met en avant les difficultés juridiques liées à la mise en place d’une station d’épuration qui n’ont pas permis d’engager la procédure d’autorisation requise.

227    S’agissant de l’agglomération de Castlebridge, les eaux usées seraient acheminées dans une agglomération plus étendue pour laquelle une autorisation révisée est en cours d’examen.

228    En tout état de cause, l’Irlande considère que les circonstances exceptionnelles auxquelles elle a été confrontée justifient le rejet du quatrième grief.

229    Dès lors qu’il n’est pas contesté par l’Irlande que, à la date d’expiration du délai imparti aux termes de l’avis motivé, à savoir le 30 novembre 2016, les stations d’épuration des agglomérations d’Arklow et de Castlebridge ne disposaient pas d’autorisation de rejets valables, il convient de considérer que les stations d’épuration de ces agglomérations ne sont pas en conformité avec l’article 12 de la directive 91/271.

230    En outre, l’Irlande étant restée en défaut de présenter des éléments permettant de démontrer le caractère disproportionné des coûts pour la mise en conformité des installations de traitement des eaux urbaines résiduaires dans les agglomérations visées par le quatrième grief, il y a lieu de conclure que les systèmes de traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Arklow et de Castlebridge ne sont pas en conformité avec l’article 12 de la directive 91/271.

F.      Conclusion

231    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent :

–        en vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 91/271 et de l’annexe I, A et note en bas de page 1, de cette directive, en ne veillant pas à ce que les eaux collectées dans un système combiné recueillant les eaux urbaines résiduaires et les eaux de pluie soient retenues et acheminées à des fins de traitement, conformément aux exigences de ladite directive en ce qui concerne les agglomérations d’Athlone, de Cork City, d’Enniscorthy à l’exception du townland de Killagoley, de Fermoy, de Mallow, de Midleton, de Ringaskiddy et de Roscommon Town ;

–        en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et/ou 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive, en ne mettant pas en place un traitement secondaire ou un traitement équivalent en ce qui concerne les agglomérations d’Arklow, d’Athlone, de Ballybofey/Stranorlar, de Cobh, de Cork City, d’Enfield, d’Enniscorthy, de Fermoy, de Killybegs, de Mallow, de Midleton, de Passage/Monkstown, de Rathcormac, de Ringaskiddy, de Ringsend, de Roscommon Town, de Shannon Town, de Tubbercurry et de Youghal ;

–        en vertu de l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive, en ne veillant pas à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte des agglomérations d’Athlone, de Cork City, de Dundalk, d’Enniscorthy à l’exception du townland de Killagoley, de Fermoy, de Killarney, de Killybegs, de Longford, de Mallow, de Midleton, de Navan, de Nenagh, de Portarlington, de Ringsend, de Roscrea et de Tralee fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de ladite directive et en conformité avec les prescriptions de l’annexe I, B, de la même directive, et

–        en vertu de l’article 12 de la directive 91/271, en ne veillant pas à ce que le rejet des eaux usées provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Arklow et de Castlebridge soit soumis à des réglementations préalables et/ou à des autorisations spécifiques.

232    Le recours est rejeté pour le surplus.

V.      Sur les dépens

233    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de l’Irlande aux dépens et le manquement ayant, pour l’essentiel, été constaté, il y a lieu de condamner cet État membre aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

1)      L’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent :

–        en vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1137/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, et de l’annexe I, A et note en bas de page 1, de cette directive, telle que modifiée, en ne veillant pas à ce que les eaux collectées dans un système combiné recueillant les eaux urbaines résiduaires et les eaux de pluie soient retenues et acheminées à des fins de traitement, conformément aux exigences de ladite directive, telle que modifiée, en ce qui concerne les agglomérations d’Athlone, de Cork City, d’Enniscorthy à l’exception du townland de Killagoley, de Fermoy, de Mallow, de Midleton, de Ringaskiddy et de Roscommon Town ;

–        en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et/ou 3, de la directive 91/271, telle que modifiée par le règlement n° 1137/2008, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive, telle que modifiée, en ne mettant pas en place un traitement secondaire ou un traitement équivalent en ce qui concerne les agglomérations d’Arklow, d’Athlone, de Ballybofey/Stranorlar, de Cobh, de Cork City, d’Enfield, d’Enniscorthy, de Fermoy, de Killybegs, de Mallow, de Midleton, de Passage/Monkstown, de Rathcormac, de Ringaskiddy, de Ringsend, de Roscommon Town, de Shannon Town, de Tubbercurry et de Youghal ;

–        en vertu de l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 91/271, telle que modifiée par le règlement n° 1137/2008, lu en combinaison avec l’article 10 et l’annexe I, B, de cette directive, telle que modifiée, en ne veillant pas à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte des agglomérations d’Athlone, de Cork City, de Dundalk, d’Enniscorthy à l’exception du townland de Killagoley, de Fermoy, de Killarney, de Killybegs, de Longford, de Mallow, de Midleton, de Navan, de Nenagh, de Portarlington, de Ringsend, de Roscrea et de Tralee fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de ladite directive, telle que modifiée, et en conformité avec les prescriptions de l’annexe I, B, de la même directive, telle que modifiée, et

–        en vertu de l’article 12 de la directive 91/271, telle que modifiée par le règlement n° 1137/2008, en ne veillant pas à ce que le rejet des eaux usées provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Arklow et de Castlebridge soit soumis à des réglementations préalables et/ou à des autorisations spécifiques.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’Irlande est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.