ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

5 juillet 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 2, 9 et 168 – Activité économique – Immixtion directe ou indirecte d’une holding dans la gestion de ses filiales – Location d’un immeuble par une société holding à sa filiale – Déduction de la taxe payée en amont – TVA acquittée par une société holding sur les dépenses effectuées pour acquérir des participations dans d’autres entreprises »

Dans l’affaire C‑320/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 22 mai 2017, parvenue à la Cour le 29 mai 2017, dans la procédure

Marle Participations SARL

contre

Ministre de l’Économie et des Finances,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Marle Participations SARL, par Me L. Poupot, avocat,

pour le gouvernement français, par M. D. Colas ainsi que par Mmes E. de Moustier et A. Alidière, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. R. Lyal et Mme N. Gossement, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, 9 et 168 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Marle Participations SARL au ministre de l’Économie et des Finances au sujet de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente aux dépenses se rapportant à des opérations d’acquisition de titres dont la requérante au principal s’est acquittée.

Le cadre juridique de l’Union

3

L’article 2 de la directive TVA dispose, à son paragraphe 1, sous c) :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

c)

les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».

4

L’article 9, paragraphe 1, de cette directive est ainsi libellé :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5

Aux termes de l’article 135 de ladite directive :

« 1.   Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

l)

l’affermage et la location de biens immeubles.

2.   Sont exclues de l’exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes :

a)

les opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper ;

b)

les locations d’emplacements pour le stationnement des véhicules ;

[...]

Les États membres peuvent prévoir des exclusions supplémentaires au champ d’application de l’exonération prévue au paragraphe 1, point l). »

6

L’article 137 de la même directive prévoit :

« 1.   Les États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation des opérations suivantes :

[...]

d)

l’affermage et la location de biens immeubles.

2.   Les États membres déterminent les modalités de l’exercice du droit d’option prévu au paragraphe 1.

Les États membres peuvent restreindre la portée de ce droit. »

7

Aux termes de l’article 167 de la directive TVA :

« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. »

8

L’article 168 de la même directive dispose :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

b)

la TVA due pour les opérations assimilées aux livraisons de biens et aux prestations de services conformément à l’article 18, point a), et à l’article 27 ;

c)

la TVA due pour les acquisitions intracommunautaires de biens conformément à l’article 2, paragraphe 1, point b) i) ;

d)

la TVA due pour les opérations assimilées aux acquisitions intracommunautaires conformément aux articles 21 et 22 ;

e)

la TVA due ou acquittée pour les biens importés dans cet État membre. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

9

Marle Participations est la société holding du groupe Marle, qui exerce son activité dans le domaine de la fabrication d’implants orthopédiques. Elle a pour objet social notamment la gestion de participations dans plusieurs filiales du groupe auxquelles, par ailleurs, elle louait un immeuble.

10

Il ressort du dossier soumis à la Cour que, à compter de l’année 2009, Marle Participations a réalisé une opération de restructuration qui l’a conduite à procéder à des cessions et à des acquisitions de titres. Elle a intégralement déduit la TVA ayant grevé les divers frais afférents à cette opération de restructuration.

11

À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a remis en cause la déduction de la TVA qui a été opérée par cette société et lui a adressé en conséquence des rappels de TVA au motif que les dépenses pour lesquelles elle demandait la déduction de la TVA concouraient à la réalisation d’opérations en capital situées hors du champ d’application du droit à déduction.

12

Marle Participations a contesté, sans succès, ces rappels de TVA devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (France), puis devant la cour administrative d’appel de Nancy (France).

13

Ainsi, cette société s’est pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi.

14

Dans la décision de renvoi, le Conseil d’État (France) précise, en se référant aux arrêts du 27 septembre 2001, Cibo Participations (C‑16/00, EU:C:2001:495), et du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496), qu’il résulte de l’article 168 de la directive TVA que, si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être regardées comme des activités économiques conférant à leur auteur la qualité d’assujetti, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés, dans lesquelles des participations sont détenues, par la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA, telles que la fourniture de services financiers, commerciaux et techniques à ces sociétés.

15

En outre, il résulterait de l’arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496), que les frais liés à l’acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique doivent être considérés comme faisant partie de ses frais généraux et que la taxe acquittée sur ces frais doit, en principe, être déduite intégralement, à moins que certaines opérations économiques réalisées en aval ne soient exonérées de la taxe.

16

La juridiction de renvoi souligne toutefois que, dans le cas d’espèce, les seuls services que Marle Participations a fournis aux filiales pour lesquelles elle a engagé des dépenses en vue de l’acquisition de leurs titres, ou qu’elle a cherché à développer à leur égard, portaient sur la location d’immeubles.

17

C’est dans ce contexte que le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La location d’un immeuble par une société holding à une filiale traduit-elle une immixtion directe ou indirecte dans la gestion de cette filiale, ayant pour effet de conférer à l’acquisition et à la détention de parts de cette filiale le caractère d’activités économiques au sens de la directive [TVA], et, le cas échéant, dans quelles conditions ? »

Sur la question préjudicielle

18

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive TVA doit être interprétée en ce sens que la location d’un immeuble par une société holding à sa filiale constitue une immixtion dans la gestion de cette dernière, qui doit être considérée comme une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, ouvrant droit à déduction de la TVA sur les dépenses supportées par la société en vue de l’acquisition de participations dans cette filiale et, dans l’affirmative, à quelles conditions.

19

À titre liminaire, il convient de rappeler que, si la directive TVA assigne un champ d’application très large à la TVA, seules les activités ayant un caractère économique sont visées par cette taxe (arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Finlande, C‑246/08, EU:C:2009:671, point 34). En effet, il ressort de l’article 2 de cette directive que, parmi les prestations de services effectuées sur le territoire d’un État membre, sont soumises à la TVA uniquement les prestations effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (ordonnance du 12 janvier 2017, MVM, C‑28/16, EU:C:2017:7, point 24).

20

Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive, est considéré comme un assujetti quiconque exerce, d’une façon indépendante, une activité économique, quels que soient les buts et les résultats de cette activité.

21

La notion d’« activités économiques » est définie à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive TVA comme recouvrant toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, et notamment les opérations comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

22

L’analyse de ces définitions met en évidence l’étendue du champ d’application couvert par la notion d’« activités économiques », ainsi que le caractère objectif de cette notion, en ce sens que l’activité est considérée en elle-même, indépendamment de ses buts ou de ses résultats. Une activité est ainsi, en règle générale, qualifiée d’économique lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération (arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Finlande, C‑246/08, EU:C:2009:671, point 37 et jurisprudence citée).

23

Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre du système de la TVA, les opérations taxables supposent l’existence d’une transaction entre les parties comportant stipulation d’un prix ou d’une contre-valeur (arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Finlande, C‑246/08, EU:C:2009:671, point 43) et qu’une prestation de services n’est effectuée « à titre onéreux », au sens de l’article 2 de la directive TVA, que s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue (arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Finlande, C‑246/08, EU:C:2009:671, point 45).

24

Il y a également lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit à déduction de la TVA, tel que prévu aux articles 167 et suivants de la directive TVA, constitue un principe fondamental du système commun de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Ce droit s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (ordonnance du 12 janvier 2017, MVM, C‑28/16, EU:C:2017:7, point 26).

25

Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (ordonnance du 12 janvier 2017, MVM, C‑28/16, EU:C:2017:7, point 27 et jurisprudence citée).

26

Il ressort toutefois de l’article 168, sous a), de la directive TVA que, pour pouvoir bénéficier du droit à déduction, il importe, d’une part, que l’intéressé soit un « assujetti », au sens de cette directive, et, d’autre part, que les biens ou les services invoqués pour fonder ledit droit soient utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées et que, en amont, ces biens soient livrés ou ces services soient rendus par un autre assujetti (arrêt du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 39).

27

En ce qui concerne, plus particulièrement, le droit à déduction d’une société holding, la Cour a déjà considéré que celle-ci n’a pas la qualité d’assujetti, au sens de l’article 9 de la directive TVA, et, partant, ne bénéficie pas du droit à déduction, en vertu des articles 167 et 168 de cette directive, lorsque cette société holding a pour unique objet de prendre des participations dans d’autres entreprises sans s’immiscer directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises, sous réserve des droits que ladite société holding détient en sa qualité d’actionnaire ou d’associé (arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 18).

28

La simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être considérées comme des activités économiques, au sens de la directive TVA, conférant à leur auteur la qualité d’assujetti. En effet, la simple prise de participations financières dans d’autres entreprises ne constitue pas une exploitation d’un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence, dès lors que la perception d’un éventuel dividende, fruit de cette participation, résulte de la simple propriété du bien (arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 19).

29

Cependant, la Cour a dit pour droit qu’il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés où s’est opérée la prise de participations, sans préjudice des droits que détient l’auteur des participations en sa qualité d’actionnaire ou d’associé (voir, notamment, arrêts du 14 novembre 2000, Floridienne et Berginvest, C‑142/99, EU:C:2000:623, point 18 ; du 27 septembre 2001, Cibo Participations, C‑16/00, EU:C:2001:495, point 20 ; du 6 septembre 2012, Portugal Telecom, C‑496/11, EU:C:2012:557, point 33, ainsi que du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 20).

30

Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que l’immixtion d’une société holding dans la gestion des sociétés dans lesquelles elle a pris des participations constitue une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, dans la mesure où elle implique la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA en vertu de l’article 2 de cette directive, telles que la fourniture de services administratifs, comptables, financiers, commerciaux, informatiques et techniques par la société holding à ses filiales (voir, notamment, arrêts du 14 novembre 2000, Floridienne et Berginvest, C‑142/99, EU:C:2000:623, point 19 ; du 27 septembre 2001, Cibo Participations, C‑16/00, EU:C:2001:495, point 22, ainsi que du 6 septembre 2012, Portugal Telecom, C‑496/11, EU:C:2012:557, point 34).

31

À cet égard, il y a lieu de souligner que les exemples d’activités traduisant une immixtion de la société holding dans la gestion de ses filiales, qui figurent dans la jurisprudence de la Cour, ne constituent pas une énumération exhaustive.

32

La notion d’« immixtion d’une holding dans la gestion de sa filiale » doit partant être entendue comme recouvrant toutes les opérations constitutives d’une activité économique, au sens de la directive TVA, effectuées par la holding au profit de sa filiale.

33

En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que les seuls services que Marle Participations a fournis aux filiales pour lesquelles elle a engagé des dépenses en vue de l’acquisition de leurs titres, ou qu’elle a cherché à développer à leur égard, portaient sur la location d’un immeuble, utilisé par une filiale opérationnelle en tant que nouveau site de production.

34

À cet égard, il convient également de rappeler que la taxation des opérations d’affermage et de location est une faculté, prévue à l’article 137, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA, que le législateur de l’Union a consentie aux États membres par dérogation à la règle générale, établie à l’article 135, paragraphe 1, sous l), de cette directive, en vertu de laquelle les opérations d’affermage et de location sont exonérées de la TVA. Les États membres peuvent ainsi, en vertu de cette faculté, accorder aux bénéficiaires de cette exonération la possibilité d’y renoncer (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Turn- und Sportunion Waldburg, C‑246/04, EU:C:2006:22, points 26 et 27).

35

Au vu des considérations exposées aux points 19 à 23, ainsi qu’au point 34 du présent arrêt, la location d’un immeuble par une société holding à sa filiale constitue une immixtion dans la gestion de cette dernière, qui doit être considérée comme une activité économique ouvrant droit à déduction de la TVA sur les dépenses supportées par la société en vue de l’acquisition de titres de cette filiale, à condition que cette prestation de services présente un caractère permanent, qu’elle soit effectuée à titre onéreux et qu’elle soit taxée, ce qui implique que cette location ne soit pas exonérée, et qu’il existe un lien direct entre le service rendu par le prestataire et la contre-valeur reçue du bénéficiaire. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que ces conditions sont remplies dans l’espèce pendante devant elle.

36

En ce qui concerne les conditions d’exercice du droit à déduction et, plus particulièrement, son étendue, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà dit pour droit, dans l’arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 33), que les frais liés à l’acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique doivent être considérés comme faisant partie de ses frais généraux et la TVA acquittée sur ces frais doit, en principe, être déduite intégralement.

37

Toutefois, les frais liés à l’acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui ne participe à la gestion que de certaines d’entre elles et qui, à l’égard des autres, n’exerce, en revanche, pas d’activité économique doivent être considérés comme faisant partie seulement partiellement de ses frais généraux, de telle sorte que la TVA acquittée sur ces frais ne peut être déduite qu’en proportion de ceux qui sont inhérents à l’activité économique, selon des critères de ventilation définis par les États membres, lesquels, dans l’exercice de ce pouvoir, doivent tenir compte de la finalité et de l’économie de la directive TVA et, à ce titre, prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à l’activité économique et à l’activité non économique, ce qu’il appartient aux juridictions nationales de vérifier (arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 33).

38

Dans l’affaire au principal, il incombera ainsi à la juridiction de renvoi d’apprécier si l’acquisition des titres ayant engendré les dépenses pour lesquelles Marle Participations a demandé la déduction de la TVA concerne uniquement les filiales auxquelles cette société a loué le bâtiment ou si elle concerne également d’autres filiales.

39

Dès lors, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’établir, au regard des éléments dont elle dispose, si, et dans quelle mesure, Marle Participations peut déduire la TVA acquittée, en tenant compte des critères mentionnés aux points 36 à 37 du présent arrêt.

40

En outre, il y a lieu de relever qu’il ne saurait être tenu compte, aux fins de l’évaluation de la déduction accordée à une société holding qui s’immisce directement ou indirectement dans la gestion de ses filiales dans lesquelles elle a acquis des participations, du chiffre d’affaires réalisé par cette société à raison des prestations de services de location fournies à ses filiales et des revenus qu’elle tire de sa participation dans le capital de celles-ci afin d’empêcher que ce droit soit invoqué frauduleusement ou abusivement.

41

Certes, il est de jurisprudence constante que le droit à déduction peut être refusé lorsqu’il est établi, au vu d’éléments objectifs, que ce droit est invoqué frauduleusement ou abusivement. En effet, la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par la directive TVA, et les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union (arrêts du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C‑80/11 et C‑142/11, EU:C:2012:373, points 42 et 43 ainsi que jurisprudence citée, et du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 43).

42

Cependant, les mesures adoptées par les États membres ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs. Elles ne peuvent dès lors être utilisées de manière telle qu’elles remettraient systématiquement en cause le droit à déduction de la TVA et, partant, la neutralité de la TVA (arrêts du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid, C‑80/11 et C‑142/11, EU:C:2012:373, point 57, ainsi que du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 50).

43

Or, en premier lieu, il est de jurisprudence constante que les dépenses exposées par une société holding s’immisçant dans la gestion d’une filiale pour les différents services qu’elle a acquis dans le cadre d’une prise de participations dans cette filiale font partie des frais généraux de l’assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix de ses produits, entretenant donc en principe un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de la société holding (arrêts du 27 septembre 2001, Cibo Participations, C‑16/00, EU:C:2001:495, point 35, et du 29 octobre 2009, SKF, C‑29/08, EU:C:2009:665, point 58).

44

En second lieu, il convient de garantir le droit à déduction de la TVA, sans le subordonner à un critère portant, notamment, sur le résultat de l’activité économique de l’assujetti, conformément aux dispositions de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA en vertu desquelles est un assujetti « quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité ».

45

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que la directive TVA doit être interprétée en ce sens que la location d’un immeuble par une société holding à sa filiale constitue une « immixtion dans la gestion » de cette dernière, qui doit être considérée comme une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, ouvrant droit à déduction de la TVA sur les dépenses supportées par la société en vue de l’acquisition de participations dans cette filiale, dès lors que cette prestation de services présente un caractère permanent, qu’elle est effectuée à titre onéreux et qu’elle est taxée, ce qui implique que cette location ne soit pas exonérée, et qu’il existe un lien direct entre le service rendu par le prestataire et la contre-valeur reçue du bénéficiaire. Les frais liés à l’acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion en leur louant un immeuble, et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être considérés comme faisant partie de ses frais généraux et la TVA acquittée sur ces frais doit, en principe, pouvoir être déduite intégralement.

46

Les frais liés à l’acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui ne participe à la gestion que de certaines d’entre elles et qui, à l’égard des autres, n’exerce, en revanche, pas d’activité économique doivent être considérés comme faisant partie seulement partiellement des frais généraux de cette société, de telle sorte que la TVA acquittée sur ces frais ne peut être déduite qu’en proportion de ceux qui sont inhérents à l’activité économique, selon des critères de ventilation définis par les États membres, lesquels, dans l’exercice de ce pouvoir, doivent tenir compte de la finalité et de l’économie de ladite directive et, à ce titre, prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à l’activité économique et à l’activité non économique, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

Sur les dépens

47

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

La directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprétée en ce sens que la location d’un immeuble par une société holding à sa filiale constitue une « immixtion dans la gestion » de cette dernière, qui doit être considérée comme une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les dépenses supportées par la société en vue de l’acquisition de participations dans cette filiale, dès lors que cette prestation de services présente un caractère permanent, qu’elle est effectuée à titre onéreux et qu’elle est taxée, ce qui implique que cette location ne soit pas exonérée, et qu’il existe un lien direct entre le service rendu par le prestataire et la contre-valeur reçue du bénéficiaire. Les frais liés à l’acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion en leur louant un immeuble, et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être considérés comme faisant partie de ses frais généraux et la TVA acquittée sur ces frais doit, en principe, pouvoir être déduite intégralement.

 

Les frais liés à l’acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui ne participe à la gestion que de certaines d’entre elles et qui, à l’égard des autres, n’exerce, en revanche, pas d’activité économique doivent être considérés comme faisant partie seulement partiellement des frais généraux de cette société, de telle sorte que la TVA acquittée sur ces frais ne peut être déduite qu’en proportion de ceux qui sont inhérents à l’activité économique, selon des critères de ventilation définis par les États membres, lesquels, dans l’exercice de ce pouvoir, doivent tenir compte de la finalité et de l’économie de ladite directive et, à ce titre, prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à l’activité économique et à l’activité non économique, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

 

Rosas

Toader

Jarašiūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juillet 2018.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de la VIIème chambre

A. Rosas


( *1 ) Langue de procédure : le français.