ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

13 septembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Droit des entreprises – Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales – Directive 2011/7/UE – Article 6, paragraphes 1 et 3 – Remboursement des frais de recouvrement d’une créance – Frais résultant des rappels adressés en raison du retard de paiement du débiteur »

Dans l’affaire C‑287/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Okresní soud v Českých Budějovicích (tribunal de district de České Budějovice, République tchèque), par décision du 10 mars 2017, parvenue à la Cour le 19 mai 2017, dans la procédure

Česká pojišťovna a.s.

contre

WCZ, spol. s r.o.,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Vajda, président de chambre, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour la Commission européenne, par Mmes Z. Malůšková et M. Patakia ainsi que par M. D. Kukovec, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2011, L 48, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Česká pojišťovna a.s. à WCZ, spol. s r.o. au sujet de l’indemnisation des frais résultant des rappels qu’elle a adressés à WCZ en raison du retard de paiement des primes d’assurance dues par cette dernière avant qu’elle introduise un recours destiné à obtenir le paiement de ces primes.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 12, 19 et 20 de la directive 2011/7 énoncent :

« (12)

Les retards de paiement constituent une violation du contrat qui est devenue financièrement intéressante pour les débiteurs dans la plupart des États membres, en raison du faible niveau ou de l’absence des intérêts pour retard de paiement facturés et/ou de la lenteur des procédures de recours. Un tournant décisif visant à instaurer une culture de paiement rapide, au sein de laquelle une clause contractuelle ou une pratique excluant le droit de réclamer des intérêts devrait toujours être considérée comme étant manifestement abusive, est nécessaire pour inverser cette tendance et pour décourager les retards de paiement. Ce tournant devrait aussi inclure l’introduction de dispositions particulières portant sur les délais de paiement et sur l’indemnisation des créanciers pour les frais encourus et devrait prévoir, notamment, que l’exclusion du droit à l’indemnisation pour les frais de recouvrement est présumée être un abus manifeste.

[...]

(19)

Il est nécessaire de prévoir une indemnisation équitable des créanciers pour les frais de recouvrement exposés en cas de retard de paiement de manière à décourager lesdits retards de paiement. Les frais de recouvrement devraient également inclure la récupération des coûts administratifs et l’indemnisation pour les coûts internes encourus du fait de retards de paiement, pour lesquels la présente directive devrait fixer un montant forfaitaire minimal susceptible d’être cumulé aux intérêts pour retard de paiement. L’indemnisation par un montant forfaitaire devrait tendre à limiter les coûts administratifs et internes liés au recouvrement. L’indemnisation pour les frais de recouvrement devrait être déterminée sans préjudice des dispositions nationales en vertu desquelles une juridiction nationale peut accorder au créancier une indemnisation pour des dommages et intérêts supplémentaires en raison du retard de paiement du débiteur.

(20)

Outre le droit au paiement d’un montant forfaitaire pour les frais internes de recouvrement, le créancier devrait également avoir droit au remboursement des autres frais de recouvrement encourus du fait du retard de paiement du débiteur. Ces frais devraient inclure, en particulier, les frais exposés par le créancier pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement de créances. »

4

L’article 6 de cette directive, intitulé « Indemnisation pour les frais de recouvrement », prévoit :

« 1.   Les États membres veillent à ce que, lorsque des intérêts pour retard de paiement sont exigibles dans des transactions commerciales conformément à l’article 3 ou à l’article 4, le créancier soit en droit d’obtenir du débiteur, comme minimum, le paiement d’un montant forfaitaire de 40 [euros].

2.   Les États membres veillent à ce que le montant forfaitaire visé au paragraphe 1 soit exigible sans qu’un rappel soit nécessaire et vise à indemniser le créancier pour les frais de recouvrement qu’il a encourus.

3.   Le créancier est en droit de réclamer au débiteur, outre le montant forfaitaire visé au paragraphe 1, une indemnisation raisonnable pour tous les autres frais de recouvrement venant en sus dudit montant forfaitaire et encourus par suite d’un retard de paiement du débiteur. Ces frais peuvent comprendre, notamment, les dépenses engagées pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement de créances. »

Le droit tchèque

5

L’article 369, paragraphe 1, dernière phrase, de la loi no 513/1991 portant code de commerce, telle que modifiée par la loi no 179/2013, prévoit :

« Outre les intérêts de retard, le créancier a droit au remboursement d’un montant minimal des frais de recouvrement de la créance dont le niveau et les conditions sont fixés par un décret du gouvernement. »

6

L’article 3 du décret gouvernemental no 351/2013 fixant le montant des intérêts de retard et des frais de recouvrement d’une créance, établissant la rémunération des liquidateurs et des membres de l’organe d’administration de la personne morale nommés par le juge, et précisant certaines questions touchant au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et aux registres publics de personnes morales et physiques, des fonds fiduciaires et de l’information sur les propriétaires réels, énonce :

« En cas d’obligation réciproque des entrepreneurs [...], le montant minimal des frais liés à la présentation de chaque créance s’élève à 1200 [couronnes tchèques (CZK) (environ 46 euros)] [...] »

7

L’article 121, paragraphe 3, de la loi no 40/1964 établissant le code civil dispose :

« Les accessoires d’une créance sont les intérêts, les intérêts de retard, les pénalités de retard et les frais de recouvrement. »

8

L’article 142, paragraphe 1, de la loi no 99/1963 établissant le code de procédure civile prévoit :

« Le juge reconnaît à la partie à laquelle il a été pleinement fait droit, aux dépens de la partie qui a succombé, le remboursement des frais nécessaires à l’exercice ou à la défense utiles d’un droit. »

9

Aux termes de l’article 142a, paragraphe 1, dudit code :

« Le requérant qui a obtenu gain de cause dans une procédure relative à l’exécution d’une obligation a droit au remboursement des frais de procédure aux dépens du défendeur uniquement si, dans un délai d’au moins 7 jours avant le dépôt de l’acte introductif d’instance, il a envoyé au défendeur, à l’adresse où ce dernier a élu domicile, le cas échéant à la dernière adresse connue, une mise en demeure. »

Les faits au principal et la question préjudicielle

10

Česká pojišťovna et WCZ ont conclu, le 7 novembre 2012, un contrat d’assurance prenant effet à la même date.

11

Par lettre du 10 mars 2015, Česká pojišťovna a informé WCZ de la résiliation dudit contrat au 25 février 2015, en raison du défaut de paiement des primes d’assurance, et lui a réclamé le remboursement des primes dues, pour la période allant du 7 novembre 2014 au 25 février 2015, pour un montant de 1160 CZK (environ 44 euros). Au total, Česká pojišťovna a adressé quatre rappels à WCZ avant de saisir la juridiction de renvoi.

12

Česká pojišťovna sollicite de ladite juridiction la condamnation de WCZ, d’une part, au paiement de ladite somme de 1160 CZK (environ 44 euros), augmentée des intérêts de retard légaux, pour la période allant du 25 février 2015 à la date de paiement des primes dues, et, d’autre part, au remboursement des frais liés au recouvrement de sa créance, à concurrence de 1200 CZK (environ 46 euros). De plus, Česká pojišťovna réclame à WCZ le remboursement des frais de procédure.

13

La juridiction de renvoi souligne que l’article 6 de la directive 2011/7 a été transposé par l’article 3 du décret gouvernemental no 351/2013 et que, en droit tchèque, les accessoires d’une créance sont constitués par les intérêts, les intérêts de retard et les frais liés à la présentation de celle-ci.

14

Après avoir constaté que le droit national impose aux juridictions de reconnaître, au titre des frais de justice, les frais liés à un unique rappel envoyé au défendeur avant l’introduction d’un recours juridictionnel, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir s’il convient de reconnaître, outre le droit à une indemnisation forfaitaire des frais de recouvrement découlant de l’article 6 de la directive 2011/7, le droit à une indemnisation des frais de rappel en application des règles de procédure nationales. Ladite juridiction relève en effet que, selon le considérant 19 de cette directive, l’indemnisation forfaitaire au titre de l’article 6 de celle-ci doit couvrir précisément les frais de rappel encourus par le créancier. Il s’ensuivrait, selon elle, que reconnaître le droit à une indemnisation de manière cumulative sur la base dudit article 6 et sur celle des règles procédurales nationales permettrait au requérant d’obtenir deux fois la même indemnisation.

15

Une telle question serait fondamentale dans le cadre de l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi puisque Česká pojišťovna réclame une indemnisation forfaitaire à hauteur de 1200 CZK (environ 46 euros), en application de l’article 3 du décret gouvernemental no 351/2013 et de l’article 6 de la directive 2011/7, ainsi que l’indemnisation des frais de représentation, en ce compris les frais de rappel avant l’introduction du recours, découlant du droit national.

16

Dans ces conditions, l’Okresní soud v Českých Budějovicích (tribunal de district de České Budějovice, République tchèque) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 6, paragraphes 1 et 3, de la directive 2011/7 [...] doit-il être interprété en ce sens qu’il oblige le juge à octroyer, au requérant qui a obtenu gain de cause dans un litige portant sur le remboursement d’une créance découlant d’une transaction commerciale au sens de l’article 3 ou de l’article 4 de ladite directive, une somme de 40 euros (ou l’équivalent dans la monnaie nationale), et en sus le remboursement des frais de la procédure judiciaire, en ce compris le remboursement des frais de rappel à l’adresse du défendeur avant l’introduction du recours, à concurrence du montant fixé par les dispositions procédurales de l’État membre ? »

Sur la question préjudicielle

17

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6 de la directive 2011/7 doit être interprété en ce sens qu’il reconnaît au créancier réclamant l’indemnisation des frais résultant des rappels adressés au débiteur en raison du retard de paiement de ce dernier le droit d’obtenir, à ce titre, outre le montant forfaitaire de 40 euros, prévu au paragraphe 1 de cet article, une indemnisation raisonnable, au sens du paragraphe 3 du même article.

18

À titre liminaire, il y a lieu de noter que l’article 6 de la directive 2011/7 vise à assurer une indemnisation pour les frais de recouvrement consentis par le créancier lorsque des intérêts pour retard de paiement sont exigibles en vertu de cette directive. Il ressort, par ailleurs, de la décision de renvoi que l’article 6 de la directive 2011/7 a été transposé en droit tchèque par l’article 3 du décret gouvernemental no 351/2013 fixant à 1200 CZK (environ 46 euros) la somme forfaitaire prévue à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive.

19

Il convient de relever, en premier lieu, qu’il ne ressort pas du libellé de l’article 6 de la directive 2011/7 que les frais de rappel consentis par le créancier afin d’obtenir le paiement de sa créance ne pourraient pas être indemnisés au-delà du montant forfaitaire de 40 euros prévu au paragraphe 1de cet article 6.

20

En effet, ledit paragraphe 1 évoque uniquement le droit du créancier d’obtenir, comme minimum, le paiement d’un montant forfaitaire de 40 euros. En outre, le paragraphe 2 dudit article 6 impose aux États membres de veiller, d’une part, à ce que ce montant forfaitaire soit dû automatiquement, même en l’absence d’un rappel au débiteur, et, d’autre part, à ce qu’il vise à indemniser le créancier pour les frais de recouvrement qu’il a encourus. En cela, ces dispositions n’établissent aucune distinction parmi ces frais.

21

Quant au paragraphe 3 du même article 6, il prévoit que le créancier a le droit de réclamer au débiteur, outre le montant forfaitaire visé au paragraphe 1 de cet article, une indemnisation raisonnable pour tous les autres frais de recouvrement venant en sus dudit montant.

22

À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que, en utilisant, à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2011/7, l’expression « en sus dudit montant », le législateur de l’Union a entendu souligner que peuvent ainsi faire l’objet d’une indemnisation raisonnable les frais de recouvrement, quels qu’ils soient, qui dépassent la somme de 40 euros.

23

D’autre part, s’il est vrai que la version en langue française de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2011/7 vise les « autres » frais de recouvrement, une telle précision pouvant laisser à penser qu’il s’agit de frais de recouvrement d’une autre nature que ceux visés au paragraphe 1 de cet article, il convient toutefois de relever que, notamment, les versions en languesgrecque, anglaise, italienne et néerlandaise de cette disposition ne corroborent pas cette interprétation puisqu’elles utilisent respectivement les termes « opoiadipote schetika ypoloipomena », « any », « ogni » et « alle », en lieu et place du terme « autres ».

24

Or, selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent, en effet, être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union européenne (arrêt du 6 juin 2018, Tarragó da Silveira, C‑250/17, EU:C:2018:398, point 20).

25

Il convient de souligner, en deuxième lieu, en ce qui concerne l’objectif de la directive 2011/7, que cette dernière vise à lutter contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, ce retard constituant, selon le considérant 12 de cette directive, une violation du contrat devenue financièrement intéressante pour les débiteurs en raison notamment du faible niveau ou de l’absence des intérêts pour retard de paiement facturés (arrêt du 16 février 2017, IOS Finance EFC, C‑555/14, EU:C:2017:121, point 24).

26

Il s’ensuit que ladite directive a pour objectif la protection efficace du créancier contre les retards de paiement (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, Nemec, C‑256/15, EU:C:2016:954, point 50). Une telle protection implique d’offrir audit créancier une indemnisation la plus complète possible des frais de recouvrement qu’il a exposés de manière à décourager de tels retards de paiement.

27

Il serait, dès lors, contraire à un tel objectif d’interpréter l’article 6 de la directive 2011/7 comme s’opposant à ce que des frais résultant des rappels adressés au débiteur en raison du retard de paiement de ce dernier puissent donner lieu à une indemnisation supérieure à 40 euros, même lorsque le montant de ces frais dépasse une telle somme forfaitaire.

28

Il convient encore de rappeler que la directive 2011/7 remplace la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 2000, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2000, L 200, p. 35), dont l’article 3, paragraphe 1, sous e), prévoyait que le créancier avait droit à un dédommagement raisonnable pour tous les frais de recouvrement encourus par suite d’un retard de paiement du débiteur.

29

Dans la mesure où rien n’indique que le législateur de l’Union a entendu, par l’adoption de la directive 2011/7, diminuer la protection offerte au créancier par la directive 2000/35, il serait incohérent de considérer que, sous l’empire de la directive 2011/7, le créancier ne pourrait obtenir qu’une indemnisation des frais résultant des rappels adressés au débiteur en raison du retard de paiement de ce dernier limitée à 40 euros, même lorsque ces frais sont d’un montant supérieur, alors qu’il aurait pu en obtenir un dédommagement raisonnable et, le cas échéant, supérieur à ce montant, sous l’empire de la directive 2000/35.

30

Il convient toutefois de préciser que, l’indemnisation prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2011/7 devant être raisonnable, cette indemnisation ne peut couvrir ni la partie desdits frais qui est déjà prise en charge par la somme forfaitaire de 40 euros prévue au paragraphe 1 de cet article ni des frais apparaissant comme excessifs au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

31

Il résulte, dès lors, tant du libellé de l’article 6 de la directive 2011/7 que de la finalité de cette directive que cette disposition doit être interprétée comme permettant à un créancier réclamant le remboursement des frais résultant des rappels adressés au débiteur en raison du retard de paiement de ce dernier, d’obtenir, outre la somme forfaitaire de 40 euros, une indemnisation raisonnable de la partie de ces frais dont le montant dépasse cette somme forfaitaire.

32

Cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par la prise en compte des considérants 19 et 20 de la directive 2011/7.

33

En effet, il convient de relever que le préambule d’un acte de droit de l’Union n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, point 31).

34

Par ailleurs, et en tout état de cause, il ne ressort ni du considérant 19 ni du considérant 20 de la directive 2011/7 que le montant forfaitaire dont il est question à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive doit être considéré comme la somme maximale qui peut être allouée au créancier afin de l’indemniser des frais résultant des rappels adressés au débiteur en raison du retard de paiement de ce dernier ou, plus généralement, des frais de recouvrement internes ou administratifs.

35

Il convient de relever, plus particulièrement, à cet égard, que, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 40 de ses conclusions, si les versions en langues anglaise et française du considérant 20 de la directive 2011/7 paraissent réserver le droit à un remboursement forfaitaire pour les seuls frais internes de recouvrement (fixed sum to cover internal recovery costs) par opposition au remboursement des « autres » frais de recouvrement (other recovery costs they incur), une telle distinction formelle entre les frais internes et les « autres » frais de recouvrement n’apparaît pas dans d’autres versions linguistiques du même considérant, comme les versions en langues italienne (diritto al pagamento di un importo forfettario per coprire i costi interni [...] esigere anche il risarcimento delle restanti spese di recupero sostenute) ou néerlandaise (het recht op betaling van een vast bedrag ter dekking van interne invorderingskosten [...] recht hebben op terugbetaling van de overige invorderingskosten die ontstaan).

36

Par ailleurs, la circonstance que le considérant 19 de la directive 2011/7 énonce que cette directive devrait fixer un montant forfaitaire minimal pour la récupération des coûts administratifs et l’indemnisation des coûts internes encourus du fait de retards de paiement n’exclut pas davantage qu’une indemnisation raisonnable de ces coûts puisse être octroyée au créancier dans la mesure où ce montant forfaitaire minimal est insuffisant.

37

En outre, s’il est vrai que ledit considérant précise que l’indemnisation par un montant forfaitaire devrait tendre à limiter les coûts administratifs et internes liés au recouvrement, cette affirmation doit toutefois être lue à la lumière de l’ensemble du même considérant. Il s’ensuit que, par cette précision, le législateur de l’Union n’a fait que souligner que le caractère automatique de l’indemnisation forfaitaire de 40 euros constitue une incitation pour le créancier à limiter ses frais de recouvrement à cette somme, sans pour autant exclure que ce créancier puisse obtenir, le cas échéant, un dédommagement raisonnable plus important, mais dépourvu d’automaticité.

38

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la question posée que l’article 6 de la directive 2011/7 doit être interprété en ce sens qu’il reconnaît au créancier réclamant l’indemnisation des frais résultant des rappels adressés au débiteur en raison du retard de paiement de ce dernier le droit d’obtenir, à ce titre, outre le montant forfaitaire de 40 euros, prévu au paragraphe 1 de cet article, une indemnisation raisonnable, au sens du paragraphe 3 du même article, pour la partie de ces frais qui dépasse ce montant forfaitaire.

Sur les dépens

39

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

 

L’article 6 de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, doit être interprété en ce sens qu’il reconnaît au créancier réclamant l’indemnisation des frais résultant des rappels adressés au débiteur en raison du retard de paiement de ce dernier le droit d’obtenir, à ce titre, outre le montant forfaitaire de 40 euros, prévu au paragraphe 1 de cet article, une indemnisation raisonnable, au sens du paragraphe 3 du même article, pour la partie de ces frais qui dépasse ce montant forfaitaire.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.