CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 6 juin 2019 ( 1 )

Affaire C‑659/17

Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS)

contre

Azienda Napoletana Mobilità SpA

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione, sezione lavoro (Cour de cassation, chambre du travail, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Aide d’État – Décision 2000/128/CE de la Commission – Régimes d’aide mis à exécution par l’Italie portant mesures pour l’emploi – Exonération et réduction de charges sociales – Décision de la Commission déclarant incompatibles avec le marché commun certaines aides à l’embauche par des contrats de formation et de travail et aides pour la transformation de contrats de formation et de travail en contrats à durée indéterminée – Applicabilité de la décision à un employeur qui exerce des activités de transport public local en régime essentiellement de non-concurrence »

1. 

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions relatives aux aides d’État figurant à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’affaire s’inscrit dans le cadre d’un litige entre l’Istituto nazionale della previdenza sociale (institut national de la prévoyance sociale, ci‑après l’« INPS »), d’une part, et la société Azienda Napoletana Mobilità SpA (ci‑après l’« ANM »), d’autre part, au sujet de l’obligation, pour cette dernière, de verser des charges sociales à l’INPS pour des membres du personnel embauchés dans le cadre de contrats de formation et de travail entre 1997 et 2001.

2. 

L’ANM est une société qui appartient intégralement à la commune de Naples et qui preste des services de transport public local urbain dans cette commune ( 2 ).

3. 

Par sa décision 2000/128/CE, du 11 mai 1999, concernant les régimes d’aide mis à exécution par l’Italie portant mesures pour l’emploi ( 3 ), la Commission européenne a déclaré partiellement incompatibles avec le marché commun des aides accordées par l’Italie sous la forme de réduction de charges sociales dues par les employeurs pour des contrats de formation et de travail et pour la transformation de contrats de formation et de travail en contrats à durée indéterminée ( 4 ). Sur la base de cette décision, l’INPS a demandé à l’ANM de payer des charges sociales pour la période 1997-2001, afin de récupérer ces réductions. Dans la procédure au principal, l’ANM a conclu notamment qu’elle n’était pas tenue de payer ces sommes.

4. 

La question que la Cour est maintenant appelée à trancher est de savoir si la décision 2000/128 s’applique à une société telle que l’ANM. Après tout, cette société preste des services de transport public local « en régime essentiellement de non-concurrence, en raison du caractère exclusif du service presté» ( 5 ). Une question décisive est de savoir si les échanges entre les États membres sont affectés et si la concurrence est faussée ou menace d’être faussée, comme le prévoit l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

Le cadre juridique

5.

Les articles 1er à 3 de la décision 2000/128 disposent :

« Article premier

1.   Les aides illégalement accordées depuis novembre 1995 par l’Italie pour l’embauche de travailleurs par des contrats de formation et de travail, prévues par les lois 863/84, 407/90, 169/91 et 451/94, sont compatibles avec le marché commun et avec l’accord EEE pour autant qu’elles concernent :

la création de nouveaux postes de travail dans l’entreprise bénéficiaire en faveur de travailleurs qui n’ont pas encore obtenu d’emploi ou qui ont perdu leur emploi précédent, au sens des lignes directrices concernant les aides à l’emploi,

l’embauche de travailleurs éprouvant des difficultés particulières à s’insérer ou à se réinsérer dans le marché du travail. Aux fins de la présente décision, on entend par “travailleurs éprouvant des difficultés particulières à s’insérer ou à se réinsérer dans le marché du travail” les jeunes de moins de 25 ans, les titulaires d’un diplôme universitaire long (laurea) jusqu’à 29 ans compris et les chômeurs de longue durée, c’est‑à‑dire ceux qui sont au chômage depuis au moins un an.

2.   Les aides octroyées au moyen de contrats de formation et de travail ne remplissant pas les conditions mentionnées au paragraphe 1 sont incompatibles avec le marché commun.

Article 2

1.   Les aides octroyées par l’Italie en vertu de l’article 15 de la loi 196/97 pour la transformation de contrats de formation et de travail en contrats à durée indéterminée sont compatibles avec le marché commun et avec l’accord EEE à condition qu’elles respectent la condition de la création nette d’emploi telle que définie dans les lignes directrices concernant les aides à l’emploi.

L’effectif de l’entreprise est calculé déduction faite des emplois bénéficiant de la transformation et des emplois créés au moyen de contrats à durée déterminée ou ne garantissant pas une certaine pérennité de l’emploi.

2.   Les aides à la transformation de contrats de formation et de travail en contrats à durée indéterminée ne remplissant pas la condition mentionnée au paragraphe 1 sont incompatibles avec le marché commun.

Article 3

L’Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires les aides ne remplissant pas les conditions énoncées aux articles 1er et 2 déjà illégalement accordées.

La récupération a lieu conformément aux procédures du droit national. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale ».

Le litige au principal et la question préjudicielle

6.

Entre le mois de novembre 1995 et le mois de mai 2001 ( 6 ), l’ANM a embauché des personnes à des fins de formation professionnelle, pour ensuite les intégrer dans l’entreprise. Ces embauches ont été effectuées sous la forme de contrats de formation et de travail, en vertu de la loi italienne no 863/1984 telle que modifiée ensuite par les lois no 407/1990, no 169/1991 et no 451/1994. L’ANM a ensuite transformé certains contrats de formation et de travail en contrats de travail à durée indéterminée, conformément à la loi no 451/1994.

7.

Les dispositions nationales en question accordaient une exonération totale de charges sociales, pour une période de formation de deux ans, aux entreprises qui opéraient dans des zones où le taux de chômage était supérieur à la moyenne nationale. Cette exonération était prorogée pour un an en cas de transformation des contrats de formation et de travail en contrats à durée indéterminée. L’ANM a bénéficié de ces exonérations pour les contrats de formation et de travail en question et leur transformation subséquente.

8.

Par la décision 2000/128, la Commission a déclaré que cette réglementation nationale était partiellement incompatible avec l’interdiction prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

9.

L’INPS, en sa qualité d’organisme chargé de veiller à l’exécution de la décision 2000/128, a envoyé à l’ANM deux demandes de paiement, l’une de 7429436,76 euros, pour des contrats de formation et de travail pour la période 1997-2001, et l’autre de 2266014,05 euros, pour la transformation subséquente de ces contrats, pour la période 1999-2001.

10.

L’ANM a saisi le Tribunale di Napoli (tribunal de Naples, Italie) d’un recours contre la décision de l’INPS de procéder au recouvrement de ces sommes. Cette juridiction a fait droit au recours de l’ANM, au motif que la décision 2000/128 n’avait pas d’effet direct, car elle n’était pas suffisamment précise ni inconditionnelle.

11.

L’INPS a formé un recours devant la Corte d’appello di Napoli (cour d’appel de Naples, Italie), qui a confirmé la décision du Tribunale di Napoli (tribunal de Naples), mais a basé sa décision sur d’autres motifs. La Corte d’appello di Napoli (cour d’appel de Naples) a jugé que la décision 2000/128 faisait partie de l’ordre juridique italien, mais qu’elle n’était pas applicable au cas d’espèce, car la réduction de charges sociales accordée à l’ANM n’affectait pas les échanges entre les États membres et n’était pas susceptible de fausser la concurrence, puisque cette société exerçait une activité de transport public local en régime de non-concurrence.

12.

Contre la décision de la Corte d’appello di Napoli (cour d’appel de Naples), l’INPS a saisi la Corte suprema di cassazione, sezione lavoro (Cour de cassation, chambre du travail) qui a soumis à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La décision [2000/128] est-elle également applicable aux employeurs exerçant une activité de transport public local – en régime essentiellement de non‑concurrence, en raison du caractère exclusif du service presté – qui ont bénéficié de réductions de charges sociales suite à la conclusion de contrats de formation et de travail, à partir de la date d’entrée en vigueur de la loi no 407 de 1990, en ce qui concerne, en l’espèce, la période allant de [mai] 1997 à mai 2001 ? »

La procédure devant la Cour

13.

L’INPS, l’ANM, le gouvernement italien et la Commission européenne ont présenté des observations écrites.

14.

À la fin de la phase écrite de la procédure, la Cour a considéré qu’il était nécessaire de demander des éclaircissements à la juridiction de renvoi, en vertu de l’article 101 du règlement de procédure, sur trois questions. Cette demande a été envoyée à la juridiction de renvoi le 13 décembre 2018. Après avoir obtenu plusieurs prorogations du délai qui avait été fixé, la juridiction de renvoi a présenté sa réponse à cette demande au greffe de la Cour le 13 mars 2019.

15.

Il a été demandé à la juridiction de renvoi de clarifier, premièrement, les termes « régime essentiellement de non-concurrence, en raison du caractère exclusif du service presté », employés dans la demande de décision préjudicielle. Plus précisément, la juridiction de renvoi a été invitée à préciser s’il s’agissait d’une attribution directe à l’ANM des services de transport locaux en cause au principal et si la commune de Naples aurait légalement pu attribuer ces services à d’autres prestataires de tels services. Deuxièmement, la juridiction de renvoi a été invitée à préciser si le marché italien des transports publics locaux était ou non, à l’époque des faits au principal, ouvert, totalement ou partiellement, à la concurrence et, le cas échéant, en quelle mesure. Troisièmement, la juridiction de renvoi a été invitée à préciser toutes les activités que l’ANM exerçait à l’époque des faits.

16.

En outre, conformément à l’article 61 du règlement de procédure, la Cour a invité les parties à prendre position, lors de l’audience, sur la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissements et à concentrer leurs plaidoiries sur ces trois sujets et sur les conséquences que pourrait avoir cette réponse sur la question préjudicielle.

17.

L’INPS, l’ANM, le gouvernement italien et la Commission ont présenté des observations lors de l’audience du 3 avril 2019.

Remarques préliminaires

18.

Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence ( 7 ).

19.

C’est sur les deuxième et quatrième conditions prévues à l’article 107, paragraphe 1, TFUE que porte la demande de décision préjudicielle ( 8 ).

20.

À titre liminaire, je relève que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, rien, dans le dossier présenté à la Cour, n’indique que les exonérations de charges sociales auraient été accordées à l’ANM en compensation de prestations de service public ou de service d’intérêt économique général ( 9 ). Ne relève pas de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ( 10 ) une intervention étatique considérée comme une compensation représentant la contrepartie de prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de telle sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de placer ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable au regard des entreprises concurrentes. Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, les conditions énoncées aux points 88 à 93 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), doivent être réunies ( 11 ).

21.

L’aide qui fait l’objet de la décision 2000/128 était un régime ou programme qui s’appliquait à de multiples secteurs et régions et non à une entité particulière. En vertu de l’article 3 de cette décision, l’Italie était tenue de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide illégale auprès des bénéficiaires.

22.

Dans le cas d’un programme d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du programme en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des modalités que ce programme prévoit, celui‑ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres. Ainsi, la Commission, dans une décision qui porte sur un tel programme, n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée ( 12 ). À cet égard, il appartient à l’État membre de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée par une telle opération de récupération ( 13 ).

23.

Aux considérants 64 à 66 et 98 de la décision 2000/128, la Commission a constaté que les aides en question faussaient la concurrence et affectaient les échanges entre les États membres ou étaient susceptibles de le faire « dans la mesure où les entreprises bénéficiaires exportent une partie de leur production dans les autres États membres ; en outre, même si ces entreprises n’exportent pas, la production nationale est favorisée du fait que les possibilités des entreprises établies dans d’autres État membres d’exporter leurs produits sur le marché italien en sont diminuées» ( 14 ).

24.

Avant de procéder à la récupération d’un avantage, les autorités nationales doivent nécessairement vérifier, dans chaque cas individuel, si l’avantage accordé était, dans le chef de son bénéficiaire, susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges [à l’intérieur de l’Union]. Cette vérification supplémentaire est essentielle à la qualification d’aides d’État des avantages individuels perçus ( 15 ).

25.

En l’espèce, c’est donc lorsque l’INPS a tenté de récupérer les aides accordées à un bénéficiaire individuel tel que l’ANM que s’est posée la question de savoir si les échanges entre les États membres avaient été affectés et la concurrence faussée par cette mesure individuelle et qu’une décision constatant un tel effet pouvait être attaquée devant les juridictions nationales ( 16 ).

Analyse

La jurisprudence et les principes applicables

26.

La réponse à la question préjudicielle me semble, du moins à première vue, pouvoir être trouvée dans la jurisprudence constante de la Cour. Ces principes ont été réitérés et appliqués en dernier lieu, dans le domaine du transport public urbain, dans l’arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9). Cette affaire concernait l’autorisation donnée par Transport for London aux taxis londoniens (Black Cabs) de circuler sur les couloirs de bus aménagés sur les voies publiques aux heures pendant lesquelles les limitations de circulation relatives à ces couloirs s’appliquent, tout en interdisant aux voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) d’y circuler, sauf pour prendre et déposer des passagers les ayant préalablement réservées.

27.

Aux points 65 à 69 de cet arrêt, la Cour constate que, selon une jurisprudence constante, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement de vérifier si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence ( 17 ). En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position de certaines entreprises par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges à l’intérieur de l’Union, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide. À cet égard, il n’est pas nécessaire que les entreprises bénéficiaires participent elles‑mêmes aux échanges à l’intérieur de l’Union. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à des entreprises, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées. Par ailleurs, selon la jurisprudence de la Cour, il n’existe pas de seuil ou de pourcentage ex ante au-dessous duquel il est possible de considérer que les échanges entre les États membres ne sont pas affectés. En effet, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre les États membres soient affectés. Dès lors, la condition selon laquelle l’aide doit être de nature à affecter les échanges entre les États membres ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transport fournis ou de l’importance du domaine d’activité concerné ( 18 ).

28.

La Cour a considéré qu’il ne saurait être exclu que la politique relative aux couloirs de bus ait eu pour effet de rendre moins attrayante la fourniture de services par les VTC à Londres, avec pour conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer ce marché en soient diminuées ( 19 ).

29.

Quant à la condition de la distorsion de la concurrence, les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence ( 20 ).

30.

Il apparaît clairement de la jurisprudence qui précède que le seuil à partir duquel une mesure d’aide est considérée comme susceptible d’affecter les échanges et de fausser la concurrence est bas ( 21 ). Il faut cependant vérifier si l’aide d’État en question n’est pas une aide de minimis, auquel cas cette aide est présumée ne pas avoir d’incidence sur les échanges entre les États membres et ne pas fausser ni menacer de fausser la concurrence ( 22 ). Étant donné que, pour l’ANM, la valeur de la mesure d’aide en question dans l’affaire au principal était d’environ 10 millions d’euros et qu’elle a été accordée sur une période de cinq ans, elle ne pourrait pas, en principe, être considérée comme une aide de minimis, quelles que soient les règles de l’Union en matière d’aides de minimis applicables ratione temporis ( 23 ).

31.

Je considère donc que la thèse de l’ANM, selon laquelle elle ne relèverait pas du champ d’application de la décision 2000/128 parce qu’elle a été constituée expressément pour gérer les services de transport public dans la commune de Naples, ne saurait, en principe, prospérer.

32.

Toutefois, pour que les deuxième et quatrième conditions prévues à l’article 107, paragraphe 1, TFUE soient appliquées dans l’affaire au principal, l’INPS doit impérativement démontrer, dans le cadre de la procédure au principal, que l’ANM exerce en concurrence avec d’autres entreprises sur des marchés qui ne sont pas fermés à la concurrence de iure ( 24 ).

33.

Selon moi, si le marché de la prestation de services de transport dans la commune de Naples était, à l’époque des faits, potentiellement ouvert à un certain degré de concurrence ( 25 ) et ne faisait donc pas l’objet d’un monopole de droit, ou que l’ANM opérait sur d’autres marchés ouverts à un certain degré de concurrence, il est probable que la mesure d’aide en question était susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre les États membres, malgré le caractère local des services de transport prestés, qui étaient confinés à la commune de Naples.

34.

Par souci de clarté, il me semble important de définir la notion de « monopole de droit » dans le présent contexte. À cet égard, je considère que la meilleure définition figure à la note 272 de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (C/2016/2946) ( 26 ), aux termes de laquelle « un monopole légal existe lorsqu’un service donné est réservé par des mesures législatives ou réglementaires à un prestataire exclusif et qu’il est clairement interdit à tout autre opérateur de fournir ce service (même pour satisfaire une éventuelle demande résiduelle émanant de certains groupes de consommateurs). Cependant, le seul fait que la prestation d’un service public soit confiée à une entreprise spécifique ne signifie pas que cette entreprise jouit d’un monopole légal ». En outre, il va sans dire que le monopole de droit réservé par la loi doit être conforme au droit de l’Union, en particulier les règles en matière de marchés publics.

35.

Dans ces circonstances et à la lumière des arrêts du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415, point 78), et du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, points 66 à 70), si le marché de la prestation de services de transport dans la commune de Naples était, à l’époque des faits, ouvert de iure à un certain degré de concurrence et ne faisait donc pas l’objet d’un monopole de droit, il n’est pas irréaliste de supposer que la mesure d’aide en question puisse avoir eu pour effet de maintenir ou d’augmenter la prestation de services de transport par une entité telle que l’ANM, de sorte que des entreprises établies dans d’autres États membres auraient vu diminuer leurs chances de prester leurs services de transport dans la commune de Naples. En outre, même si le marché des services de transport dans la commune de Naples était, à l’époque des faits, fermé de iure à la concurrence ( 27 ), dans l’hypothèse où les activités de l’ANM n’auraient néanmoins pas été confinées à ce service et à ce marché géographique particuliers, la mesure d’aide en question pourrait avoir facilité son expansion à d’autres marchés ouverts à la concurrence ( 28 ), à moins que toute possibilité de subvention croisée entre le marché sur lequel l’ANM peut avoir bénéficié d’un monopole de droit et tout autre marché sur lequel elle peut avoir opéré ait été effectivement et clairement exclue par la tenue de comptabilités séparées pour ses différentes activités ( 29 ).

Application de la jurisprudence et des principes aux faits de l’affaire au principal

36.

Les questions principales qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner sont donc, premièrement, de savoir si le marché concerné était ouvert de iure à un certain degré de concurrence à l’époque des faits et, deuxièmement, de savoir si l’ANM opérait, à cette époque, sur d’autres marchés (géographiques ou de produit ou de service) ouverts à un certain degré de concurrence et, dans l’affirmative, si toute possibilité de subvention croisée était exclue.

37.

S’agissant de la première question, dans sa réponse à la demande d’éclaircissements envoyée par la Cour, la juridiction de renvoi a précisé que, selon les observations de l’ANM sur cette question, les termes « en régime essentiellement de non-concurrence, en raison du caractère exclusif du service presté » signifiaient qu’il n’y avait, en pratique, pas de conditions de concurrence sur le marché concerné, puisque l’ensemble du réseau de services de transport urbain de la commune de Naples ne faisait pas l’objet d’une procédure d’appel d’offres ( 30 ), mais d’une attribution directe. L’ANM a indiqué que cette attribution directe était conforme au droit de l’Union et au droit national ( 31 ). Elle a confirmé qu’elle disposait d’un droit exclusif en ce qui concernait tous les services de transport public de ligne sur le territoire en question, de sorte qu’il n’existait pas de service similaire et qu’il ne pouvait pas être remplacé par un service similaire.

38.

Selon moi, le simple fait que l’attribution directe en question puisse avoir été conforme au droit de l’Union et au droit national en matière de marchés publics n’exclut pas pour autant que la concurrence potentielle puisse avoir été faussée ou que les échanges entre les États membres puissent avoir été affectés. La question qu’il y a lieu de résoudre est, au contraire, de savoir si l’ANM bénéficiait d’un monopole de droit pour ce qui concerne la gestion du transport urbain dans la commune de Naples ou si, en vertu du droit national, la concession en question, ou une partie de celle‑ci, aurait pu être attribuée à une autre entité au moyen, entre autres, d’une procédure d’appel d’offres. S’il était possible de recourir à une procédure d’appel d’offres ( 32 ), alors il pourrait y avoir eu une certaine concurrence pour le marché concerné et l’attribution directe elle‑même pourrait avoir contribué à fausser la concurrence potentielle ou avoir exacerbé cet effet, ou pourrait avoir affecté les échanges entre les États membres ( 33 ).

39.

Lors de l’audience du 3 avril 2019 devant la Cour, la divergence était grande entre l’ANM et les autres parties quant à la portée et à la signification exactes du droit italien en la matière, en particulier l’article 18 du décret législatif no 422/1997. Il n’appartient pas à la Cour d’interpréter la législation nationale. Je considère donc, sur la base des observations présentées par l’INPS, l’ANM, le gouvernement italien et la Commission lors de l’audience du 3 avril 2019, qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier, non seulement si l’article 18 du décret no 422/1997 ou d’autres dispositions de la législation nationale permettaient d’attribuer directement la concession en question à l’ANM, mais si, en fait, ces dispositions l’imposaient. Il semblerait plausible ( 34 ), au vu d’une lecture rapide de l’article 18, paragraphe 2, du décret législatif no 422/1997, qu’un certain degré de concurrence sur le marché concerné ait été possible à l’époque des faits ( 35 ). La finalité de cet exercice est de déterminer si l’ANM disposait d’un monopole de droit sur le marché concerné.

40.

S’agissant de la deuxième question, l’ANM a confirmé, dans ses observations écrites, qu’elle n’opérait pas en dehors de la province ( 36 ) de Naples. Elle a également affirmé que, conformément à ses statuts (qui ont été en vigueur du 27 juin 1995 jusqu’en 2001), elle opérait exclusivement dans la commune de Naples. En outre, elle a affirmé que, en vertu de la jurisprudence nationale, elle ne pouvait pas opérer en dehors de la province de Naples. Je voudrais observer, cependant, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 3, paragraphe 3, de ses statuts datés du 6 avril 1992, l’ANM pouvait, dans certaines circonstances, opérer en dehors de cette commune.

41.

L’ANM affirme en outre n’avoir pas exercé d’autre activité que la gestion d’un système de transport urbain jusqu’au 1er janvier 2013, date à laquelle elle a fusionné avec une autre société, Napolipark, qui gère des installations de stationnement pour voitures. Étant donné la date en question et le laps de temps considérable qui s’est écoulé depuis l’octroi de la mesure d’aide, je ne considère pas que cette activité soit temporellement pertinente pour apprécier l’effet réel ou potentiel de la mesure en question sur la concurrence ou sur les échanges entre les États membres. Je voudrais observer, cependant, que, aux termes de l’article 4 du contratto di servizio (contrat de services) conclu le 27 juin 1997 entre la commune de Naples et l’ANM, l’objet de la concession n’est pas seulement la gestion du transport urbain, mais comprend aussi la gestion d’emplacements de stationnement.

42.

À la lumière de ces considérations, il incombe donc à la juridiction de renvoi de vérifier si l’ANM a exercé une activité en dehors de la commune de Naples ou une activité portant sur un autre produit ou service à l’époque des faits et, dans l’affirmative, si toute possibilité de subvention croisée était exclue.

Conclusion

43.

Partant, je suggère à la Cour de répondre à la question présentée par la Corte suprema di cassazione, sezione lavoro (Cour de cassation, chambre du travail, Italie), de la manière suivante :

La décision 2000/128/CE, du 11 mai 1999, concernant les régimes d’aide mis à exécution par l’Italie portant mesures pour l’emploi, est applicable à un employeur, tel qu’Azienda Napoletana Mobilità SpA, qui prestait des services de transport public local et a bénéficié, pendant la période allant de mai 1997 à mai 2001, d’exonérations de charges sociales après avoir conclu des contrats de formation et de travail, à partir de l’entrée en vigueur de la loi no 407 de 1990, sauf si elle bénéficiait d’un monopole de droit qui, par des dispositions législatives ou réglementaires, conformément au droit de l’Union, réservait la prestation de ces services à un opérateur exclusif, à l’exclusion de tout autre opérateur, et pour autant qu’elle n’ait pas opéré sur un autre marché géographique ou un autre marché de produit ou de service.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Il semblerait, sous réserve du contrôle de la juridiction de renvoi, que l’ANM ait été originellement constituée en 1995 par la décision no 94, du 6 avril 1995, du conseil municipal de Naples, en vertu de l’article 22 de la loi nationale italienne no 142/1990 et des articles 54 à 60 des statuts de la commune de Naples, en tant qu’entreprise spéciale de cette commune, pour gérer le service de transport public sur le territoire de cette commune. Toujours sous réserve du contrôle de la juridiction de renvoi, il semblerait aussi que l’ANM ait été transformée en société par actions en 2001 et, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, du decreto legislativo n. 422 – Conferimento alle regioni ed agli enti locali di funzioni e compiti in materia di trasporto pubblico locale, a norma dell’articolo 4, comma 4, della legge 15 marzo 1997, n. 59 (décret législatif no 422 – Transfert aux régions et aux collectivités locales de fonctions et de compétences en matière de transport public local, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la loi no 59 du 15 mars 1997), du 19 novembre 1997 (GURI no 287 du 10 décembre 1997, p. 4, ci‑après le « décret législatif no 422/1997 »), la gestion de tout le réseau de transport urbain de la commune de Naples a été attribuée à l’ANM sans aucune procédure d’appel d’offres.

( 3 ) JO 2000, L 42, p. 1.

( 4 ) Par arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission (C‑310/99, EU:C:2002:143), la Cour a rejeté un recours en annulation présenté par la République italienne contre la décision 2000/128. Par arrêt du 1er avril 2004, Commission/Italie (C‑99/02, EU:C:2004:207), la Cour a jugé que, en n’adoptant pas dans le délai imparti toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires les aides qui, aux termes de la décision 2000/128, ont été jugées illégales et incompatibles avec le marché commun, la République italienne avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 3 et 4 de ladite décision.

( 5 ) Voir point 12 de la question préjudicielle.

( 6 ) Ces dates ne sont pas parfaitement certaines.

( 7 ) Arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 82 et jurisprudence citée).

( 8 ) Les deuxième et quatrième conditions prévues à l’article 107, paragraphe 1, TFUE sont deux conditions distinctes mais liées.

( 9 ) En effet, tant le gouvernement italien que la Commission ont indiqué, lors de l’audience du 3 avril 2019, que les mesures en question ne constituaient pas une compensation de prestations de service public ou de service d’intérêt économique général. Dans ses observations écrites, l’ANM a soutenu avoir une confiance légitime dans le caractère définitif des exonérations de charges sociales. Cette question n’a pas été soulevée par la juridiction de renvoi. Elle sort donc du cadre de la question préjudicielle.

( 10 ) Afin de qualifier une mesure d’aide d’État, la première condition de l’article 107, paragraphe 1, TFUE est qu’un avantage soit accordé à une entreprise.

( 11 ) Arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission (C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, points 44 à 46). Cela n’implique pas que l’ANM ne puisse pas prétendre à une compensation pour la prestation de services publics ou de services d’intérêt économique général sur une autre base.

( 12 ) Arrêt du 9 juin 2011, Comitato  Venezia vuole vivere  e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 63 et 130).

( 13 ) Arrêt du 9 juin 2011, Comitato  Venezia vuole vivere  e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 64).

( 14 ) Voir considérant 66 de la décision 2000/128. Selon moi, la production et l’exportation de produits, citées au considérant 66, ne constituent qu’un simple exemple. Cela ressort clairement de l’arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, points 65 à 69). Voir point 24 des présentes conclusions.

( 15 ) Arrêt du 9 juin 2011, Comitato  Venezia vuole vivere  e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 115). Au point 120 de cet arrêt, la Cour a jugé que « la vérification, à effectuer par les autorités nationales, de la situation individuelle de chaque bénéficiaire concerné doit être suffisamment encadrée par la décision de la Commission concernant un régime d’aides qui est assortie d’un ordre de récupération. D’une part, […] une telle décision doit permettre d’identifier clairement sa portée. D’autre part, […] une telle décision doit contenir en elle‑même tous les éléments essentiels pour sa mise en œuvre par les autorités nationales, excluant ainsi que le contenu réel de cette décision ne soit établi que postérieurement, au moyen d’un échange de lettres entre la Commission et les autorités nationales ». Dans l’arrêt du 13 février 2014, Mediaset (C‑69/13, EU:C:2014:71, point 35), la Cour a dit que, étant donné que la Commission n’avait pas, dans sa décision, identifié les bénéficiaires individuels de l’aide en cause et n’avait pas davantage fixé les montants précis de l’aide à récupérer, il appartenait au juge national, s’il en était saisi, de se prononcer sur le montant de l’aide dont la récupération avait été ordonnée par la Commission. En cas de difficulté, le juge national a toujours la possibilité de s’adresser à la Commission afin que cette dernière lui apporte son concours conformément au principe de coopération loyale visé à l’article 4, paragraphe 3, TUE.

( 16 ) Il est possible que l’ANM ait eu la qualité pour contester devant le Tribunal de l’Union européenne la validité de la décision 2000/128, en ce qu’elle était directement et individuellement concernée par cette décision, en raison de l’atteinte particulière portée à sa situation juridique par l’ordre de récupération des aides concernées figurant à son article 3. Voir, par analogie, arrêt du 9 juin 2011, Comitato  Venezia vuole vivere  e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 51). Puisqu’il semblerait, au vu du dossier présenté à la Cour et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que l’ANM ne conteste pas la validité de la décision 2000/128 en soi, mais conteste seulement que les aides qui lui ont été accordées affectent les échanges entre les États membres, comme le prévoit l’article 107, paragraphe 1, TFUE, je ne considère pas que la règle de recevabilité du renvoi préjudiciel énoncée dans l’arrêt du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, EU:C:1994:90, points 13 à 18), soit applicable et l’ANM n’était pas tenue de saisir le Tribunal d’un recours en annulation de la décision 2000/128.

( 17 ) Il y a lieu de souligner que l’INPS n’est pas tenu de prouver que les exonérations accordées à l’ANM ont eu une incidence réelle sur les échanges entre les États membres ou que la concurrence est effectivement faussée.

( 18 ) Voir, aussi, arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, points 77 à 82) ; du 21 juillet 2005, Xunta de Galicia (C‑71/04, EU:C:2005:493, point 41), et du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, points 78 et 79). Dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, point 77), la Cour a relevé qu’il n’était nullement exclu qu’une subvention publique accordée à une entreprise qui ne fournit que des services de transport local ou régional et ne fournit pas de services de transport en dehors de son État d’origine puisse, néanmoins, avoir une incidence sur les échanges entre États membres.

( 19 ) Arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, point 70).

( 20 ) Arrêts du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 80), et du 21 juillet 2005, Xunta de Galicia (C‑71/04, EU:C:2005:493, point 44).

( 21 ) Aux points 42 et 43 de l’arrêt du 21 juillet 2005, Xunta de Galicia (C‑71/04, EU:C:2005:493), la Cour a jugé qu’« une aide d’une importance relativement faible est de nature à affecter de tels échanges lorsque le secteur dans lequel opèrent les entreprises qui en bénéficient connaît une vive concurrence ». « Ainsi, lorsqu’un secteur est caractérisé par un nombre élevé de petites entreprises, une aide, même relativement modeste sur le plan individuel, mais ouverte potentiellement à l’ensemble ou à une très large partie des entreprises du secteur, peut avoir des répercussions sur les échanges entre États membres ».

( 22 ) Pour les règles actuelles en matière d’aides d’État de minimis, voir, par exemple, règlement (UE) no 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis (JO 2013, L 352, p. 1). J’observe que le secteur du transport était exclu du champ d’application du règlement (CE) no 69/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (JO 2001, L 10, p. 30). Le secteur du transport n’était en revanche pas exclu du champ d’application du règlement (CE) no 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis (JO 2006, L 379, p. 5). Toutefois, le seuil de minimis général y était adapté afin de tenir compte de la taille moyenne réduite des entreprises actives dans le transport routier de marchandises et de passagers. Ce seuil réduit n’est plus applicable au secteur du transport routier de passagers en vertu du règlement no 1407/2013.

( 23 ) Pour se faire une idée de l’ampleur des activités de l’ANM, il est intéressant de noter que, selon la Commission, le service de transport public géré par l’ANM desservait environ 1 million d’habitants à l’époque des faits. Cependant, il revient en dernière analyse à la juridiction de renvoi de déterminer si et dans quelle mesure les règles relatives aux aides de minimis sont applicables.

( 24 ) Le fait que le marché est fermé à la concurrence de facto, puisque que l’ANM dispose de droits exclusifs à la suite de l’attribution directe de la concession en question, portant sur la gestion du réseau de services de transport public de la commune de Naples, est sans pertinence.

( 25 ) Voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, ACEA/Commission (T‑297/02, EU:T:2009:189, point 90). Voir, aussi, arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission (C‑298/00 P, EU:C:2004:240, point 66), qui mentionne l’ouverture du marché à une concurrence partielle. Au point 65 de l’arrêt du 26 octobre 2016, Orange/Commission (C‑211/15 P, EU:C:2016:798), la Cour a jugé que « la circonstance qu’un secteur économique a fait l’objet d’une libéralisation au niveau de l’Union est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence, ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres ».

( 26 ) JO 2016, C 262, p. 1.

( 27 ) Et faisait donc l’objet d’un monopole de droit.

( 28 ) Voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, ACEA/Commission (T‑297/02, EU:T:2009:189, point 94).

( 29 ) Voir arrêt du 23 janvier 2019, Fallimento Traghetti del Mediterraneo (C‑387/17, EU:C:2019:51, point 42).

( 30 ) Malgré l’existence de monopoles locaux ou régionaux, lorsque les autorités régionales et locales compétentes octroient ces monopoles au moyen de procédures de marchés publics, la concurrence peut être faussée et les échanges entre les États membres peuvent être affectés par une aide d’État accordée à une entreprise qui participerait à l’appel d’offres pour obtenir un tel monopole si la position financière de cette entreprise est renforcée par rapport à celle d’autres soumissionnaires potentiels. Arrêt du Tribunal du 16 juillet 2014, Allemagne/Commission (T‑295/12, non publié, EU:T:2014:675, point 154).

( 31 ) Dans sa réponse à la demande d’éclaircissements envoyée par la Cour, la juridiction de renvoi a indiqué que, selon l’ANM, en ce qui concerne l’ouverture progressive à la concurrence du marché des services de transport soumis à des obligations de service public, l’obligation d’adjuger les contrats selon les nouvelles règles prévues à l’article 5 du règlement (UE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1) était applicable, en vertu du régime transitoire prévu à l’article 8 de ce règlement, à partir du 3 décembre 2019. Dans ses observations écrites, l’ANM a affirmé que, pendant la période 1997-2001, les dispositions du règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO 1969, L 156, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) no 1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991 (JO 1991, L 169, p. 1), étaient applicables à la concession en question. Selon l’ANM, ce règlement régissait la conclusion de contrats de service public pour arrêter les obligations relatives à la prestation des services de transport public local, sans toutefois préciser les modalités selon lesquelles ces contrats devaient être conclus, ni évoquer la question de l’ouverture à la concurrence du marché des services de transport public. L’ANM a indiqué également que, en vertu de l’article 18 du décret législatif no 422/1997, le système des concessions avait été remplacé par l’ouverture à la concurrence à partir du 31 décembre 2005.

( 32 ) Même pour une partie du marché concerné.

( 33 ) Voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, ACEA/Commission (T‑297/02, EU:T:2009:189, point 92), où le Tribunal a jugé que l’existence même d’un régime d’aide en faveur de certains bénéficiaires pouvait avoir « créé une incitation pour les communes à leur confier directement les services plutôt que d’accorder des concessions dans le cadre de procédures ouvertes ».

( 34 ) Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi.

( 35 ) Voir article 18, paragraphe 2, sous a), du décret législatif no 422/1997, qui prévoit la possibilité d’une procédure d’appel d’offres et article 18, paragraphe 2, sous b), qui, en cas d’attribution directe du marché, prévoit des limites à l’exercice d’activités en dehors d’une certaine zone géographique.

( 36 ) Je voudrais observer qu’il est question tantôt de la province de Naples et tantôt de la commune de Naples. Le dossier présenté à la Cour ne permet pas de déterminer si ces termes désignent une zone géographique unique pour ce qui concerne l’époque des faits.