CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 19 avril 2018 ( 1 )

Affaire C‑123/17

Nefiye Yön

contre

Landeshauptstadt Stuttgart

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Accord d’association CEE-Turquie – Décision no 2/76 – Article 7 – Clause de “standstill” – Nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi – Regroupement familial – Protocole additionnel – Article 59 – Justification – Raisons impérieuses d’intérêt général »

1. 

Les accords bilatéraux entre l’Union européenne et la République de Turquie s’opposent-ils à des conditions d’entrée plus strictes imposées aux ressortissants turcs, adoptées par la République fédérale d’Allemagne au mois d’octobre 1980, qui empêchent le regroupement familial d’un travailleur turc qui réside depuis longtemps dans cet État membre avec son épouse turque ? Le présent renvoi préjudiciel du Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) pose la question du champ d’application temporel et matériel de la clause de « standstill » de l’article 7 de la décision no 2/76 ( 2 ) relative à la mise en œuvre de l’article 12 de l’accord d’association CEE-Turquie ( 3 ) concernant la libre circulation des travailleurs. Il donne à la Cour l’occasion de préciser le champ d’application temporel de deux décisions successives du conseil d’association CEE-Turquie ( 4 ), la décision no 2/76 et la décision no 1/80 ( 5 ).

Le droit de l’Union

L’accord d’association et le protocole additionnel

2.

L’accord d’association a été conclu en 1963. Conformément à son article 2, paragraphe 1, il a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes. L’association devait comporter une phase préparatoire, une phase transitoire et une phase définitive ( 6 ). Au cours de la phase préparatoire, la République de Turquie devait renforcer son économie en vue de pouvoir assumer les obligations qui lui incomberaient au cours des deux autres phases ( 7 ). L’objectif de la phase transitoire était la mise en place progressive d’une union douanière entre les parties et le rapprochement de leurs politiques économiques ( 8 ). La phase définitive, fondée sur l’union douanière, impliquait le renforcement de la coordination des politiques économiques de la République de Turquie et de l’Union ( 9 ).

3.

L’article 9 de l’accord d’association prévoit que, dans le domaine d’application de l’accord, et sans préjudice des dispositions particulières qui pourraient être établies en application de l’article 8 de cet accord, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite en conformité avec le principe énoncé désormais à l’article 18 TFUE.

4.

Le chapitre 3 de l’accord d’association est intitulé « Autres dispositions de caractère économique ». Dans ce chapitre, l’article 12 prévoit que « [l]es parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles [45, 46 et 47 TFUE] pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles ».

5.

En 1970, la CEE et la République de Turquie ont signé le protocole additionnel annexé à l’accord d’association, marquant le passage de la phase préparatoire à la phase transitoire ( 10 ).

6.

L’article 36 du protocole additionnel prévoit que « [l]a libre circulation des travailleurs entre les États membres et la Turquie sera réalisée graduellement conformément aux principes énoncés à l’article 12 de l’accord d’association ». Il habilite le conseil d’association, constitué en vertu de l’accord, à décider des modalités nécessaires à cet effet.

7.

L’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel a introduit une clause de « standstill » qui interdit aux parties contractantes d’introduire entre elles « de nouvelles restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services ».

8.

L’article 59 du protocole additionnel prévoit que « [d]ans les domaines couverts par le présent protocole, la Turquie ne peut bénéficier d’un traitement plus favorable que celui que les États membres s’accordent entre eux en vertu du traité instituant la Communauté ».

9.

En vertu de l’article 62, le protocole additionnel et ses annexes sont partie intégrante de l’accord d’association.

La décision no 2/76

10.

La décision no 2/76 du conseil d’association a institué un certain nombre de mesures destinées à mettre en œuvre les dispositions de l’accord d’association relatives à la libre circulation des travailleurs. En particulier, elle fixait « les modalités de mise en œuvre de l’article 36 du protocole additionnel » pour une première étape « fixée à quatre ans à partir du 1er décembre 1976» ( 11 ). Toutefois, ses dispositions devaient continuer à s’appliquer jusqu’au début de la phase suivante ( 12 ).

11.

L’article 7 de la décision no 2/76 prévoit :

« Les États membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l’emploi. »

12.

L’article 9 de la décision no 2/76 permet des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques.

13.

La décision no 2/76 est entrée en vigueur le 20 décembre 1976 ( 13 ).

La décision no 1/80

14.

La décision no 1/80 a également été adoptée par le conseil d’association afin de mettre en œuvre les dispositions de l’accord d’association relatives à la libre circulation des travailleurs. Le troisième considérant indique que, dans le domaine social, il convient d’améliorer « le régime dont bénéficient les travailleurs et les membres de leur famille par rapport au régime institué par la décision no 2/76 ».

15.

L’article 13 de la décision no 1/80 prévoit :

« Les États membres de la Communauté et la [République de] Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l’emploi. »

16.

L’article 14, paragraphe 1, de la décision no 1/80 permet de déroger aux dispositions de la décision pour des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques.

17.

L’article 16 de la décision no 1/80 prévoyait que le conseil d’association examinerait les résultats de l’application de ces dispositions, « afin d’élaborer des solutions qui seraient possibles à partir du 1er décembre 1983 ». Toutefois, aucune mesure supplémentaire de ce type n’a été adoptée ( 14 ).

18.

Les dispositions pertinentes de la décision no 1/80 étaient applicables à partir du 1er décembre 1980 ( 15 ).

Le droit allemand

19.

L’article 1er de la Elfte Verordnung zur Änderung der Verordnung zur Durchführung des Ausländergesetzes (onzième règlement modificatif du règlement d’exécution de la loi relative aux étrangers), du 1er juillet 1980 (BGBI. 1980 I, p. 782), a introduit une obligation générale de visa pour les ressortissants turcs, prenant effet le 5 octobre 1980. Avant cette modification, les ressortissants turcs devaient avoir un permis de séjour sous forme de visa uniquement pour exercer une activité professionnelle en Allemagne ( 16 ).

20.

Conformément à l’article 4 de l’Aufenthaltsgesetz (loi relative au séjour des étrangers en Allemagne), du 30 juillet 2004 (BGBI. 2004, I, ci-après la « loi relative au séjour des étrangers »), pour entrer et séjourner sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne, les étrangers doivent être titulaires d’une autorisation de séjour, à moins que le droit de l’Union ou un règlement n’en dispose autrement, ou à moins qu’il existe un droit de séjour en vertu de l’accord d’association.

21.

L’article 5, paragraphe 2, de la loi relative au séjour des étrangers prévoit qu’un permis de séjour à durée limitée ne peut être accordé que si l’étranger est entré en Allemagne avec le visa requis et a déjà fourni dans sa demande de visa les informations pertinentes aux fins de la délivrance de ce permis de séjour. Il est possible de déroger à ces exigences lorsque les conditions du droit à la délivrance sont remplies ou lorsque, en raison des circonstances particulières de l’espèce, il est déraisonnable d’imposer de recommencer la procédure de délivrance de visa. L’article 6, paragraphe 3, de cette loi prévoit que, pour les séjours de longue durée, un visa délivré avant que l’étranger entre en Allemagne est nécessaire.

22.

L’article 30 de la loi relative au séjour des étrangers concerne le regroupement des conjoints. Un permis de séjour à durée limitée doit être délivré au conjoint d’un étranger lorsque le conjoint peut communiquer au moins de façon simple en langue allemande ( 17 ). Le permis de séjour à durée limitée peut être délivré nonobstant cette exigence lorsque le conjoint ne peut faire preuve de connaissances élémentaires en langue allemande en raison d’une maladie physique, mentale ou psychologique ou d’un handicap ; ou lorsqu’il n’est pas possible ou pas raisonnable d’exiger du conjoint, en raison des circonstances particulières de l’espèce, qu’il acquière des connaissances élémentaires en langue allemande avant d’entrer en Allemagne ( 18 ).

Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

23.

Mme Nefiye Yön est une ressortissante turque. Son époux, également de nationalité turque, réside en Allemagne depuis 1995. Initialement, il a déposé une demande d’asile qui a été rejetée. Ensuite, il a épousé une ressortissante allemande dont il a divorcé ultérieurement. Il a épousé Mme Yön en 2004. Il est titulaire d’un titre de résident permanent au moins depuis l’année 2005 et il occupe un emploi dans une boulangerie depuis 2009. Le couple a trois enfants majeurs qui vivent, respectivement, en Turquie, Allemagne et Autriche.

24.

En 2007, Mme Yön a introduit auprès de l’ambassade d’Allemagne à Ankara une première demande de visa afin de rejoindre son mari aux fins d’un regroupement familial. Elle a introduit deux autres demandes en 2011. Les trois demandes ont été rejetées au motif qu’elle ne disposait pas d’une connaissance suffisante de la langue allemande. Au mois de mars 2013, elle est entrée aux Pays‑Bas avec un visa Schengen délivré par ce pays, afin de rendre visite à sa sœur qui y vivait. Au mois d’avril 2013, elle s’est rendue en Allemagne pour y rejoindre son mari. Au mois de mai 2013, elle a demandé en Allemagne la délivrance d’un permis de séjour à durée limitée au titre du regroupement familial. Elle aurait des problèmes de santé et serait analphabète ; raisons pour lesquelles elle serait dépendante de l’aide de son mari.

25.

Au mois de mars 2014, la Landeshauptstadt Stuttgart (ville de Stuttgart, Allemagne) a rejeté la demande de Mme Yön au motif que cette dernière n’avait pas démontré qu’elle était capable de communiquer au moins de façon simple en langue allemande et qu’elle était entrée en Allemagne sans le visa national requis.

26.

Le Verwaltungsgericht (tribunal administratif, Allemagne) a fait droit au recours de Mme Yön contre cette décision. Il a considéré que les motifs du rejet de la demande de celle-ci étaient contraires à la clause de « standstill » des décisions no 2/76 et no 1/80.

27.

La ville de Stuttgart a formé un pourvoi contre ce jugement devant le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale).

28.

La juridiction de renvoi estime que, si la condition de connaissances linguistiques, à laquelle est subordonnée la délivrance d’un permis de séjour à durée limitée, prévue à l’article 30, paragraphe 1, de la loi relative au séjour des étrangers devait constituer une « nouvelle restriction » au sens de la clause de « standstill », elle pourrait néanmoins être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général. La loi relative au séjour des étrangers a été modifiée, afin de se conformer au principe de proportionnalité, en introduisant une possibilité d’exemption de l’exigence de connaissances linguistiques. Toutefois, la juridiction de renvoi explique que le présent renvoi préjudiciel concerne non pas la condition de connaissances linguistiques, puisque cette question n’a pas encore été examinée par les juridictions nationales, mais plutôt l’obligation (prévue à l’article 5, paragraphe 2, de cette loi) d’entrée sur le territoire avec le visa requis, condition à laquelle est subordonnée la délivrance d’un permis de séjour.

29.

La juridiction de renvoi observe ensuite que l’obligation de visa pourrait être considérée comme une « nouvelle restriction » à la libre circulation des travailleurs turcs. Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

La clause de “standstill” de l’article 13 de la décision du conseil d’association no 1/80 a-t-elle entièrement remplacé la clause de “standstill” de l’article 7 de la décision du conseil d’association no 2/76, ou la légalité de nouvelles restrictions à la liberté de circulation des travailleurs, introduites entre l’entrée en vigueur de la décision no 2/76 et la date à laquelle l’article 13 de la décision no 1/80 est devenu applicable, doit-elle continuer à être appréciée au regard de l’article 7 de la décision no 2/76 ?

2)

Dans l’hypothèse où il convient de répondre à la première question en ce sens que l’article 7 de la décision no 2/76 n’a pas été entièrement remplacé : la jurisprudence de la Cour relative à l’article 13 de la décision no 1/80 doit‑elle également être entièrement transposée à l’application de l’article 7 de la décision no 2/76, de sorte que l’article 7 de la décision no 2/76 s’applique en principe également à une règle nationale, introduite avec effet au 5 octobre 1980, qui subordonne le regroupement avec un conjoint travailleur turc à la délivrance d’un visa national ?

3)

L’introduction d’une telle règle nationale est-elle justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, notamment par l’objectif d’un contrôle efficace de l’immigration et de la gestion des flux migratoires, lorsqu’une clause de rigueur excessive tient compte des circonstances particulières du cas d’espèce ? »

30.

Mme Yön a présenté des observations écrites très courtes. La ville de Stuttgart, le gouvernement allemand et la Commission européenne ont présenté des observations écrites plus détaillées. La ville de Stuttgart, le gouvernement allemand et la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience du 18 janvier 2018.

Appréciation

Observations générales

L’objectif de l’accord d’association et la mise en œuvre progressive de la libre circulation des travailleurs

31.

L’objectif de l’accord d’association est d’établir des liens de plus en plus étroits avec la République de Turquie et de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre la République de Turquie et l’Union ( 19 ). Si l’adhésion de la République de Turquie à l’Union est un objectif à long terme ( 20 ), la finalité de l’accord d’association est surtout économique ( 21 ). Ces deux aspects de l’accord d’association ne sont pas incompatibles. Il est indiqué expressément que la « phase définitive » de l’association est une union douanière et le libellé ainsi que la structure de l’accord reflètent son caractère économique ( 22 ). Toutefois, l’accord évoque aussi expressément la possibilité d’une adhésion de la République de Turquie à l’Union ( 23 ). Cet objectif futur a vocation à s’inscrire dans le prolongement des résultats économiques de l’accord d’association tout en nécessitant des mesures supplémentaires des parties contractantes.

32.

Tout d’abord le chapitre 3 de l’accord d’association (« Autres dispositions de caractère économique »), introduit par l’article 12, évoque le principe de libre circulation des travailleurs. Par la suite, l’article 36 du protocole additionnel fixe une échéance de dix ans pour réaliser la libre circulation des travailleurs « graduellement » et prévoit que le conseil d’association décidera « des modalités nécessaires à cet effet ». Le conseil d’association a dûment adopté la décision no 2/76 fixant le contenu de la première étape de cette réalisation « graduelle » de la libre circulation ( 24 ). Des mesures visant à « assurer la relance et le développement de l’association » ont été prises en 1980 avec l’adoption de la décision no 1/80 ( 25 ). Or, le processus législatif s’est arrêté là. Bien que l’article 16 de la décision no 1/80 ait chargé le conseil d’association d’« examine[r] […] les résultats de l’application des dispositions [relatives à libre circulation des travailleurs], afin d’élaborer des solutions qui seront possibles à partir du 1er décembre 1983 », aucun acte normatif accroissant la libre circulation des travailleurs n’a vu le jour. Par conséquent, ainsi que l’a relevé la Cour, certains éléments essentiels de ce projet ambitieux n’ont pas encore été réalisés et l’instauration graduelle de la libre circulation des travailleurs n’est pas achevée ( 26 ).

33.

Contrairement à d’autres accords, comme l’accord EEE et l’accord sur la libre circulation des personnes avec la Confédération suisse ( 27 ), l’accord d’association ne prévoit aucune extension généralisée à la République de Turquie des règles du marché intérieur. Il n’instaure par la libre circulation des travailleurs entre l’Union et la République de Turquie. Il prévoit seulement l’établissement progressif de cette libre circulation ( 28 ). C’est pourquoi la Cour a jugé à plusieurs reprises que, contrairement aux travailleurs de l’Union, actuellement, les ressortissants turcs ne jouissent pas de la libre circulation dans l’Union ; l’accord d’association ne garantit d’ailleurs la jouissance de certains droits que sur le territoire du seul État membre d’accueil ( 29 ).

L’interprétation de l’accord d’association et des décisions du conseil d’association

34.

Un accord international conclu par l’Union doit être interprété non pas uniquement en fonction de ses termes, mais également à la lumière de ses objectifs ( 30 ). La Cour a rappelé que l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités ( 31 ) dispose qu’un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but ( 32 ). Le libellé identique de dispositions contenues dans un traité de l’Union et dans des accords internationaux n’implique pas automatiquement une interprétation uniforme (ci-après le « principe consacré par l’arrêt Polydor ») ( 33 ).

35.

Le principe consacré par l’arrêt Polydor s’applique également dans le cadre de l’accord d’association et de ses instruments de mise en œuvre. Par conséquent, l’extension de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union à une disposition, rédigée en termes comparables, similaires ou même identiques, figurant dans un accord conclu par l’Union avec un pays tiers, dépend notamment de la finalité poursuivie par chacune de ces dispositions dans le cadre qui lui est propre. Pour décider si une disposition du droit de l’Union se prête à une application par analogie dans le cadre de l’accord d’association, il importe dès lors de comparer la finalité poursuivie par l’accord d’association ainsi que le contexte dans lequel il s’insère, d’une part, et ceux de l’instrument en cause du droit de l’Union, d’autre part ( 34 ). Qui plus est, l’existence d’un objectif d’adhésion n’implique pas que la jurisprudence interprétant des dispositions des traités est étendue automatiquement à un accord avec un État tiers ( 35 ).

36.

À l’article 12 de l’accord d’association, les parties sont convenues de « s’inspirer » des dispositions du droit primaire de l’Union relatives à la libre circulation des travailleurs. Ainsi que l’a fait observer l’avocat général Cruz Villalón, l’emploi du terme « s’inspirer » montre que la liberté économique identifiée par le droit primaire de l’Union doit servir de modèle. Toutefois, ce terme indique également que la liberté économique identifiée par le droit primaire de l’Union ne doit pas être intégralement transposée au contexte de l’accord. En effet, le terme « s’inspirer » n’implique pas une reproduction à l’identique et autorise au contraire en principe des interprétations différentes ( 36 ).

37.

Depuis l’arrêt Bozkurt, il est de jurisprudence constante que les principes acceptés dans le cadre de dispositions du droit primaire de l’Union relatives à la libre circulation des travailleurs doivent être transposés, dans la mesure du possible, aux ressortissants turcs bénéficiant des droits reconnus par l’accord d’association ( 37 ). Néanmoins, les parties contractantes ne sont pas obligées d’appliquer ces règles en tant que telles ( 38 ). Il convient plutôt d’appliquer ces principes au regard du libellé, de l’objectif poursuivi par la disposition interprétée et du système qu’elle institue ( 39 ).

38.

La Cour s’est elle-même montrée prête à appliquer largement la formule « dans la mesure du possible » de façon littérale et n’a pas hésité à s’appuyer sur des dispositions du droit dérivé de l’Union lors de l’interprétation de dispositions de l’accord d’association et de la législation y relative ( 40 ). Ainsi, la Cour s’est référée au règlement (CEE) no 1612/68 ( 41 ) aux fins de l’interprétation de la notion de « membre de la famille » au sens de l’article 7 de la décision no 1/80. S’agissant de la détermination de la portée de l’exception d’ordre public prévue à l’article 14 de la décision no 1/80, la Cour a jugé qu’il « convient de se référer à l’interprétation donnée de la même exception en matière de libre circulation des travailleurs ressortissants des États membres » et plus particulièrement à la directive 64/221/CEE ( 42 ).

39.

L’arrêt Toprak est allé jusqu’à établir un parallèle entre la clause de « standstill » de l’article 13 de la décision no 1/80 et une clause de « standstill » de la sixième directive TVA ( 43 ). (Cette affaire a été tranchée sans conclusions d’avocat général et, pour ma part, je nourris des doutes quant à l’opportunité d’appliquer par analogie l’interprétation d’une législation en matière fiscale à des dispositions relatives au marché du travail faisant partie d’une association entre l’Union et un pays tiers.)

40.

La Cour a également appliqué par analogie des principes de sa jurisprudence relative à la libre circulation des travailleurs dans l’Union à la libre circulation des travailleurs entre les États membres et la République de Turquie. Dès l’arrêt Kus, la Cour a fait référence à des principes posés dans l’arrêt Antonissen ( 44 ) pour considérer qu’un travailleur turc pouvait invoquer directement l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 1/80 pour obtenir le renouvellement non seulement de son permis de travail, mais aussi de son permis de séjour ( 45 ).

41.

La Cour a également fait référence à sa jurisprudence relative à des accords internationaux conclus avec des pays tiers, quelle que soit leur nature (qu’il s’agisse ou non d’accords d’association) et quel que soit leur objectif (qu’ils concernent ou non une adhésion à l’Union) ( 46 ).

42.

Néanmoins, la jurisprudence a aussi admis certaines limites importantes à l’application de la formule « dans la mesure du possible ».

43.

Premièrement, dans l’arrêt Demirkan, la Cour a jugé que « l’interprétation donnée aux dispositions du droit de l’Union, y compris celles du traité, relatives au marché intérieur, ne peut pas être automatiquement transposée à l’interprétation d’un accord conclu par l’Union avec un État tiers, sauf dispositions expresses à cet effet prévues par l’accord lui-même» ( 47 ).

44.

Ainsi, à défaut d’une disposition spécifique du droit découlant de l’accord d’association, la Cour a refusé expressément d’étendre par l’analogie l’application de dispositions du droit de l’Union au domaine concerné. Dans l’arrêt Bozkurt, elle a jugé que, à défaut d’une disposition spécifique reconnaissant aux travailleurs turcs le droit de demeurer sur le territoire d’un État membre après y avoir exercé un emploi, le droit de séjour du ressortissant turc disparaît si l’intéressé est victime d’une incapacité de travail totale et permanente. Les conditions dans lesquelles un tel droit de demeurer peut être exercé étaient subordonnées, conformément à l’article 45, paragraphe 3, sous d), TFUE, à l’adoption de règlements par la Commission, de sorte qu’il n’était pas possible de transposer aux travailleurs turcs le régime applicable au titre de ces règlements ( 48 ).

45.

Deuxièmement, lorsque les objectifs et le contenu de dispositions du droit dérivé de l’Union vont au-delà de ceux des dispositions équivalentes du droit découlant de l’accord d’association, la Cour a exclu une interprétation du second par analogie avec le premier. Notamment, le régime de protection contre une expulsion dont bénéficient les citoyens de l’Union en vertu de l’article 28, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38/CE ( 49 ) ne pouvait pas être transposé mutatis mutandis aux garanties contre une expulsion accordées aux ressortissants turcs en vertu de l’article 14, paragraphe 1, de la décision no 1/80. Ce faisant, la Cour a relevé que la directive 2004/38, loin de se limiter à poursuivre un objectif purement économique, vise également à renforcer les droits des citoyens de l’Union ; que sa base légale ne se limite pas aux dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs, et que les deux régimes juridiques en cause ne pouvaient pas être considérés comme équivalents ( 50 ).

46.

Troisièmement, la Cour a refusé de transposer sa jurisprudence relative à l’interprétation d’une liberté fondamentale du droit de l’Union à l’accord d’association lorsque cette jurisprudence est postérieure à l’adoption des règles du droit découlant de cet accord et aucun élément n’indique que les parties contractantes audit accord d’association et au protocole additionnel aient, lors de la signature de ceux-ci, voulu que ces actes soient interprétés de cette manière. Partant, l’interprétation en droit de l’Union de la libre prestation des services comme incluant la libre prestation des services « passive », c’est-à-dire la liberté d’un ressortissant d’un État membre de se rendre dans un autre État membre en tant que destinataire de services, reconnu par la jurisprudence en 1984 ( 51 ), ne pouvait pas être étendue à la clause de « standstill » concernant la libre prestation des services de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel signé en 1970 ( 52 ).

La nature et la fonction des clauses de « standstill » des décisions du conseil d’association

47.

Les clauses de « standstill » des décisions du conseil d’association ont fait l’objet d’un certain nombre de renvois préjudiciels, à commencer par l’affaire Sevince. Dans l’arrêt rendu dans cette affaire, la Cour a reconnu que de telles clauses ont un effet direct ( 53 ).

48.

Une clause de « standstill », en tant que telle, ne confère pas de droits ( 54 ). Elle introduit une obligation qui se résout juridiquement en un devoir d’abstention. Elle opère non pas comme une règle de fond en rendant inapplicable le droit matériel pertinent auquel elle se substituerait, mais comme une règle de nature quasi procédurale qui prescrit ratione temporis quelles sont les dispositions de la réglementation d’un État membre au regard desquelles il y a lieu d’apprécier la situation d’un ressortissant turc souhaitant faire usage de ses libertés économiques dans un État membre ( 55 ). Ces dispositions peuvent régir les conditions de fond ou de procédure en matière de première admission sur le territoire de l’État membre concerné des ressortissants turcs se proposant d’y faire usage desdites libertés économiques ( 56 ).

49.

Les clauses de « standstill » des décisions du conseil d’association ne remettent pas en cause la compétence de principe des États membres pour conduire leur politique nationale relative à l’immigration ( 57 ). Elles empêchent seulement l’adoption dans la législation nationale de nouvelles restrictions susceptibles de placer des obstacles supplémentaires à l’instauration progressive de la libre circulation des travailleurs entre les États membres et la République de Turquie. Exprimé de manière imagée : elles gèlent à la date de l’entrée en vigueur de la clause de « standstill » le droit en vigueur dans tous les États membres en matière de restrictions des conditions d’accès à l’emploi des ressortissants turcs.

Sur la première question

50.

La première question concerne le champ d’application temporel de la clause de « standstill » de la décision no 2/76. La juridiction de renvoi demande en substance si cette décision est encore applicable à la législation nationale en cause, qui a été introduite le 5 octobre 1980 (c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la décision no 1/80, le 1er décembre 1980).

51.

La ville de Stuttgart et le gouvernement allemand soutiennent que la décision no 2/76 et la clause de « standstill » qu’elle comporte ne sont plus applicables. Ils affirment que l’article 59, paragraphe 1, sous a), de la convention de Vienne sur le droit des traités et l’arrêt Bozkurt plaident en ce sens ( 58 ). Le gouvernement allemand a soutenu lors de l’audience qu’une fois entrée en vigueur la décision no 1/80 avait remplacé rétroactivement la décision no 2/76 à tous égards et était ainsi devenue la seule référence pour évaluer la validité de nouvelles restrictions. Toutefois, comme la législation allemande en cause existait déjà lorsque la décision no 1/80 est entrée en vigueur, elle ne relèverait pas de la clause de « standstill » de l’article 13 de cette décision.

52.

La Commission soutient que la clause de « standstill » de l’article 7 de la décision no 2/76 continue à s’appliquer aux mesures nationales adoptées entre le 1er décembre 1976 et le 30 novembre 1980 inclus.

53.

Je suis d’accord avec la Commission.

54.

Le champ d’application temporel de la décision no 2/76 est défini expressément par cette décision lue conjointement avec la décision no 1/80. La décision no 2/76 est entrée en vigueur le 20 décembre 1976 ( 59 ) et s’est appliquée pendant une « première étape » de quatre ans, à partir du 1er décembre 1976. La décision no 2/76 devait « continue[r] d’être appliquée […] jusqu’à l’entrée en vigueur de [l’]étape ultérieure» ( 60 ). La décision no 1/80 a marqué le début de la phase ultérieure. Elle est entrée en vigueur le 1er juillet 1980 ( 61 ), mais la section 1 (« Questions relatives à l’emploi et à la libre circulation des travailleurs ») du chapitre II (« Dispositions sociales ») était applicable à partir du 1er décembre 1980 ( 62 ).

55.

Le texte des deux décisions et le système de mise en œuvre graduelle de la libre circulation des travailleurs envisagé par le droit découlant de l’accord d’association montrent clairement que la décision no 1/80 devait succéder sans rupture à la décision no 2/76. C’est pourquoi la décision no 2/76 s’est appliquée du 20 décembre 1976 au 30 novembre 1980 ( 63 ). La section pertinente de la décision no 1/80 s’applique depuis le 1er décembre 1980 ( 64 ).

56.

Rien dans la décision no 1/80 ou dans le cadre général du droit découlant de l’accord d’association n’indique que cette décision soit supposée avoir un effet rétroactif sur le champ d’application temporel de la décision no 2/76 ou annuler cette dernière ex tunc. Le remplacement d’un acte juridique par un acte postérieur produit des effets ex nunc, à moins que l’acte postérieur ne soit doté d’effet rétroactif ou annule ex tunc l’acte antérieur ( 65 ).

57.

Qui plus est, l’interprétation proposée par le gouvernement allemand créerait un vide juridique ex post. La décision no 1/80 ne peut pas être appliquée rétroactivement à des situations nées avant le 1er décembre 1980. Selon la logique du gouvernement allemand, de telles situations, qui relevaient auparavant de la décision no 2/76, ne seraient plus régies par aucune décision à partir de l’entrée en vigueur de la décision no 1/80. Il est impossible qu’il en soit ainsi.

58.

Dans l’arrêt Bozkurt, la Cour a relevé que la décision no 1/80 constitue une étape supplémentaire vers la réalisation de la libre circulation des travailleurs et remplace, à compter de sa date d’entrée en vigueur, les dispositions, moins favorables, de la décision no 2/76 ( 66 ). Toutefois, dans cet arrêt tel que je le comprends, la Cour n’a laissé entendre nulle part que, en entrant en vigueur, la décision no 1/80 aurait effacé les effets juridiques produits par la décision no 2/76 concernant les événements (en l’occurrence l’entrée en vigueur des dispositions allemandes en cause le 5 octobre 1980) survenus alors que cette dernière décision était en vigueur.

59.

C’est pourquoi je conclus que la légalité de nouvelles restrictions à la libre circulation des travailleurs introduite par un État membre entre l’entrée en vigueur de la décision no 2/76 et l’entrée en vigueur de la décision no 1/80 doit être appréciée au regard de l’article 7 de la décision no 2/76.

Sur la deuxième question

60.

En posant la deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, à la lumière de la jurisprudence de la Cour relative à la clause de « standstill » de l’article 13 de la décision no 1/80, la clause de « standstill » de l’article 7 de la décision no 2/76 doit être interprétée en ce sens qu’elle interdit d’imposer une nouvelle restriction au regroupement familial de membres de la famille de travailleurs turcs.

61.

La ville de Stuttgart et le gouvernement allemand soutiennent que le regroupement familial ne relève pas de la clause de « standstill » de l’article 7 de la décision no 2/76, puisque cette disposition ne concernerait pas les membres de la famille des ressortissants turcs. La ville de Stuttgart ajoute que les ressortissants turcs sont également soumis à une obligation de visa en vertu du droit de l’Union ( 67 ).

62.

La Commission soutient que, tout comme les clauses de « standstill » de l’article 13 de la décision no 1/80 et de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, l’article 7 de la décision no 2/76 couvre aussi le regroupement familial. La jurisprudence de la Cour relative à ces autres dispositions ( 68 ) devrait désormais être transposée à la clause de « standstill » de la décision no 2/76.

63.

Ainsi que la Commission le relève à juste titre dans ses observations écrites, le point de savoir si l’expression « nouvelles restrictions aux conditions d’accès à l’emploi » doit inclure les restrictions au regroupement familial ne fait l’objet d’aucune disposition du droit découlant de l’accord d’association. C’est pourquoi j’analyserai tout d’abord la portée et l’interprétation de cette phrase et j’examinerai par la suite si la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de cette expression dans le contexte de la décision no 1/80 doit être transposée à la décision, antérieure, no 2/76.

La portée et l’interprétation de l’expression « nouvelles restrictions aux conditions d’accès à l’emploi » dans la décision no 1/80

64.

La question du regroupement familial dans le droit découlant de l’accord d’association relatif à la libre circulation des travailleurs a été abordée pour la première fois dans l’arrêt Demirel ( 69 ). Dans cette affaire, l’épouse d’un ressortissant turc vivant et travaillant en Allemagne avait reçu l’ordre de quitter le pays à l’expiration de son visa. Le visa en cause était valide seulement aux fins d’une visite et non pas aux fins d’un regroupement familial.

65.

Dans ses conclusions, l’avocat général Darmon a examiné la portée de la clause de « standstill » de la décision no 1/80 dans le contexte du regroupement familial. Il a observé que le droit au regroupement familial pour les travailleurs qui étaient ressortissants d’un État membre avait dû être introduit par une disposition expresse du règlement no 1612/68. En l’absence d’une disposition analogue dans le droit découlant de l’accord d’association, un tel droit ne saurait être considéré comme implicitement consacré. Si le regroupement familial est bien un élément nécessaire à la réalisation de la mise en œuvre de la libre circulation des travailleurs, il ne devient un droit qu’après mise en œuvre de la liberté qu’il conditionne et adoption d’une disposition particulière le concernant. L’avocat général Darmon a conclu que la clause de « standstill » de l’article 13 de la décision no 1/80 « est relative à l’accès à l’emploi et non au regroupement familial. Elle subordonne le séjour des membres de la famille à une autorisation délivrée par les autorités compétentes des États parties à l’accord. Elle ne saurait donc être interprétée comme couvrant un droit au regroupement familial» ( 70 ).

66.

La Cour a suivi cette conclusion. Elle a relevé que la décision no 1/80 était la seule décision adoptée par le conseil d’association en vue de l’instauration progressive de la libre circulation des travailleurs ( 71 ) et que cette décision interdisait toutes nouvelles restrictions en ce qui concerne les conditions d’accès à l’emploi pour les travailleurs turcs déjà intégrés au marché du travail des États membres. Dans le domaine du regroupement familial, en revanche, aucune décision de ce genre n’avait été prise ( 72 ). C’est pourquoi la Cour a poursuivi l’examen de l’affaire uniquement sur la base des articles 7 et 12 de l’accord d’association, ainsi que de l’article 36 du protocole additionnel. Elle a jugé que l’article 12 de l’accord d’association et l’article 36 du protocole additionnel « revêt[ai]ent une portée essentiellement programmatique et ne constitu[ai]ent pas des dispositions suffisamment précises et inconditionnelles pour être susceptibles de régir directement la circulation des travailleurs » et qu’« on ne saurait déduire de l’article 7 de l’accord une interdiction d’introduire de nouvelles restrictions en ce qui concerne le regroupement familial» ( 73 ). Partant, il est parfaitement clair que, dans l’arrêt Demirel, la Cour a considéré que la décision no 1/80 (y compris la clause de « standstill » de l’article 13 de celle-ci) ne visait pas les restrictions au regroupement familial des travailleurs turcs.

67.

Vingt-neuf ans plus tard, la question est revenue devant la Cour avec l’affaire Genc ( 74 ). La Cour a regroupé les quatre questions très détaillées et éclairées de la juridiction de renvoi en une seule question, constituée de deux branches : i) une mesure nationale rendant le regroupement familial plus difficile relève-t-elle de la clause de « standstill » de l’article 13 de la décision no 1/80 et, ii) s’il en est ainsi, une telle restriction peut-elle toutefois être justifiée ? En s’écartant de la réponse claire apportée dans l’arrêt du 30 septembre 1987, Demirel (12/86, EU:C:1987:400) (sans toutefois y faire référence), la Cour a répondu respectivement par l’affirmative et par la négative aux deux branches de la question. Il convient d’examiner attentivement le cheminement suivi par la Cour pour parvenir à la première partie de cette conclusion, avant de se demander si ce cheminement devrait être transposé de la décision no 1/80 à la décision, antérieure, no 2/76.

68.

La Cour a commencé par citer, à titre de jurisprudence constante, un arrêt rendu dans une affaire concernant la liberté d’établissement entre la CEE et la République de Turquie (l’arrêt Savas) ( 75 ) et un arrêt concernant la décision no 1/80 relatif à des droits fiscaux pour la délivrance du permis de séjour (l’arrêt Sahin) ( 76 ) à l’appui de la thèse selon laquelle « les clauses de “standstill” énoncées à l’article 13 de la décision no 1/80 et à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel prohibent de manière générale l’introduction de toute nouvelle mesure interne qui aurait pour objet ou pour effet de soumettre l’exercice par un ressortissant turc d’une liberté économique sur le territoire de l’État membre concerné à des conditions plus restrictives que celles qui lui étaient applicables à la date d’entrée en vigueur de ladite décision ou dudit protocole à l’égard de cet État membre» ( 77 ). Dans l’arrêt Savas (points 56 à 63), la Cour avait fait largement référence à des arrêts concernant la décision no 1/80 pour des principes qui « doivent valoir également, par analogie, dans le contexte […] [du] droit d’établissement ». Dans l’arrêt Sahin (au point 65), la Cour avait déjà affirmé qu’« étant donné que […] la clause de “standstill” énoncée à l’article 13 de la décision no 1/80 est de même nature que celle inscrite à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel et que ces deux clauses poursuivent un objectif identique (voir arrêts du 11 mai 2000, Savas, C‑37/98, EU:C:2000:224, point 50, ainsi que du 21 octobre 2003, Abatay e.a., C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, points 70 à 74), l’interprétation rappelée au point précédent ( 78 ) doit valoir également s’agissant de l’obligation de statu quo qui constitue le fondement dudit article 13 en matière de libre circulation des travailleurs ».

69.

J’observe en passant que, dans l’arrêt Abatay e.a., la Cour avait déjà confondu le libellé de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, qui interdit en termes généraux d’introduire « de nouvelles restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services » et le libellé de l’article 13, de la décision no 1/80 qui interdit « de nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent [dans l’Union et en Turquie] en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l’emploi » (souligné par mes soins) ( 79 ). Toutefois, il est évident que les libellés des deux dispositions sont sensiblement différents. En application des principes d’interprétation consacrés par la Cour dans la jurisprudence antérieure, notamment le principe consacré par l’arrêt Polydor et les principes généraux d’interprétation, ainsi que la formule « dans la mesure du possible» ( 80 ), il serait nécessaire de prendre dûment en considération cette différence de libellé ainsi que le contexte général et le schéma dans lesquels s’inscrit la mesure (liberté d’établissement et libre prestation des services en termes généraux à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel ; réalisation graduelle de la libre circulation des travailleurs à l’article 36 du protocole additionnel, sur lequel est basée la décision no 1/80). Ainsi, tant l’approche littérale que l’approche téléologique indiquent que les dispositions ne devraient pas avoir exactement la même interprétation et la même portée.

70.

Dans l’arrêt Genc, la Cour a ensuite confirmé que la référence pour l’analyse au regard de l’article 13 de la décision no 1/80 est non pas le membre de la famille qui souhaite rejoindre un travailleur turc résidant dans l’État membre en cause, mais ce dernier ( 81 ). Par conséquent, en l’espèce, il convient de se demander si l’époux, M. Yön, est affecté négativement par les mesures attaquées (à supposer qu’il s’agisse de « nouvelles » restrictions) et non pas si Mme Yön est affectée négativement. C’est sur le droit à la libre circulation du travailleur qu’il convient de mettre l’accent.

71.

La Cour a poursuivi en reprenant la motivation de l’arrêt Dogan rendu récemment. Dans cette affaire, l’épouse d’un homme d’affaires turc (le gérant d’une petite société) établi en Allemagne et résidant dans ce pays depuis 1998, avait déposé une demande de visa en Turquie au titre du regroupement familial. Sa demande avait été rejetée aux motifs qu’elle ne disposait pas des connaissances élémentaires en langue allemande nécessaires pour se voir accorder un visa au titre du regroupement familial ( 82 ). La Cour a considéré que cette condition, introduite après l’entrée en vigueur du protocole additionnel, était prohibée par la clause de « standstill » de l’article 41, paragraphe 1, de ce protocole ( 83 ).

72.

En citant l’arrêt Dogan, la Cour a relevé que « la décision d’un ressortissant turc de s’établir dans un État membre pour y exercer une activité économique de manière stable peut être influencée négativement lorsque la législation de cet État membre rend difficile ou impossible le regroupement familial, de sorte que ledit ressortissant peut, le cas échéant, se voir obligé de choisir entre son activité dans l’État membre concerné et sa vie de famille en Turquie» ( 84 ). En partant de la prémisse que la clause de « standstill » énoncée à l’article 13 de la décision no 1/80 est de même nature et poursuit le même objectif que celle inscrite à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, la Cour a souligné que l’interprétation de cet article 41, paragraphe 1, donnée dans l’arrêt Dogan pourrait être transposée à l’affaire Genc ( 85 ). La Cour a ajouté immédiatement que « ce n’est que dans la mesure où une réglementation nationale durcissant les conditions du regroupement familial, telle que celle en cause au principal, est de nature à affecter l’exercice par des travailleurs turcs […] d’une activité économique sur le territoire de l’État membre concerné, qu’il y a lieu de considérer qu’une telle réglementation entre dans le champ d’application de la clause de “standstill” visée à l’article 13 de la décision no 1/80 […] [et que] les clauses de “standstill” énoncées à l’article 13 de la décision no 1/80 et à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, telles qu’interprétées par la Cour, ne comportent aucunement la reconnaissance d’un droit au regroupement familial ni d’un droit d’établissement et de séjour en faveur des membres de la famille des travailleurs turcs» ( 86 ).

73.

Enfin, la Cour a établi une distinction avec l’arrêt Demirkan ( 87 ) en se basant sur les faits (puisque cette affaire concernait un destinataire de services, c’est‑à‑dire un cas de prestation de services « passive », il n’y avait pas de lien avec l’exercice d’une activité économique) et a affirmé que l’interprétation qu’elle donnait, en se basant sur l’arrêt du 10 juillet 2014, Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066), était « cohérente avec celle développée par la Cour, au sujet de l’article 7, premier alinéa, de la décision no 1/80, selon laquelle l’objectif de cette autre disposition de ladite décision consiste à favoriser le regroupement familial dans l’État membre d’accueil en vue de faciliter l’emploi et le séjour du travailleur turc appartenant au marché régulier de l’emploi dans l’État membre concerné» ( 88 ).

74.

Avec tout le respect dû à la Cour, l’approche adoptée dans l’arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247), pose un certain nombre de problèmes.

75.

Premièrement, elle ignore la différence de libellé importante entre deux clauses de « standstill » contenues dans deux instruments de rangs différents dans la hiérarchie des normes. Les parties contractantes sont convenues d’inclure dans le protocole additionnel une clause de « standstill » générale concernant de « nouvelles restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services» ( 89 ). Le conseil d’association, en vertu de l’habilitation qui lui est accordée à l’article 36 du protocole additionnel afin de réaliser « graduellement » la libre circulation des travailleurs, a formulé dans la décision no 1/80 une clause de « standstill » beaucoup plus limitée qui vise seulement les « nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent [dans l’Union et en Turquie] en situation régulière concernant le séjour et l’emploi ».

76.

Deuxièmement, l’arrêt Genc contredit à la fois l’arrêt Demirel et la jurisprudence plus récente relative à l’accord d’association, dans laquelle la Cour a jugé qu’il était nécessaire qu’il existe une disposition expresse d’une décision du conseil d’association accordant un droit supplémentaire à un travailleur turc ( 90 ). Selon moi, sur la base de l’article 36 du protocole additionnel, le conseil d’association pourrait très bien légiférer sur les conditions entravant le regroupement familial des travailleurs turcs, or, jusqu’à présent, il ne l’a pas fait. À titre subsidiaire, la Cour aurait pu mentionner les arrêts Demirel et Bozkurt dans l’arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247), et, si elle avait souhaité s’en écarter, elle aurait pu développer une argumentation plus détaillée (basée notamment sur l’évolution générale de la jurisprudence, l’importance de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, etc.). Or, là encore, elle ne l’a pas fait.

77.

Troisièmement, il convient de relever que le droit primaire de l’Union en matière de libre circulation des travailleurs (article 45 TFUE) ne couvre pas le droit au regroupement familial. Ce droit des travailleurs qui sont des citoyens de l’Union a été introduit expressément par le droit dérivé ( 91 ). Dans le règlement no 1612/68 (déjà utilisé comme orientation par la Cour pour interpréter la décision no 1/80) ( 92 ), c’est le titre I de la première partie qui traite de l’accès à l’emploi. Un autre titre (titre III de la première partie, intitulé « Des familles des travailleurs» ( *1 )) régit le regroupement familial des travailleurs qui sont ressortissants d’un État membre et qui sont déjà employés sur le territoire d’un autre État membre. Par conséquent, le règlement no 1612/68 ne rattache pas le regroupement familial à l’accès à l’emploi (le seul objet identifié par le libellé de l’article 13 de la décision no 1/80).

78.

Quatrièmement, d’autres dispositions de la décision no 1/80 concernant les membres de la famille de travailleurs font référence aux personnes qui « ont été autorisé[e]s à les rejoindre» ( 93 ) ou résidant régulièrement dans l’État membre d’accueil ( 94 ). Cela indique que l’intention du conseil d’association n’était pas que la décision no 1/80 régisse la première entrée des membres de la famille. D’ailleurs, dans d’autres arrêts, la Cour a jugé expressément que, dans le contexte du droit découlant de l’accord d’association, « le regroupement familial ne constitue pas un droit pour les membres de la famille du travailleur migrant turc, mais dépend au contraire d’une décision des autorités nationales prise en application du seul droit de l’État membre concerné» ( 95 ) ; et que « [l]es États membres ont conservé […] la compétence de réglementer l’entrée sur leur territoire d’un membre de la famille d’un travailleur turc» ( 96 ).

79.

Enfin, l’arrêt Genc lui-même répète que l’article 13 de la décision no 1/80 porte sur la situation des travailleurs turcs et non pas sur les membres de la famille ( 97 ). La première admission d’un ressortissant turc sur le territoire d’un État membre est subordonnée à son intention d’exercer sa liberté économique d’y travailler ( 98 ). Curieusement, l’entrée ultérieure d’un membre de la famille au titre du regroupement familial avec ce travailleur semble maintenant être soumise à moins de conditions que le droit principal du travailleur lui‑même.

80.

Je ne cherche pas à suggérer que les conditions d’entrée et de résidence des membres de la famille d’un travailleur turc au titre du regroupement familial ne seraient pas de nature à affecter sa décision d’exercer ou non, et pour combien de temps, une activité économique dans l’Union. Il est évident qu’elles l’affecteront. La question qui se pose en l’espèce est seulement de savoir si, selon une interprétation littérale et téléologique, il est convaincant d’attribuer à l’article 13 de la décision no 1/80 la signification que lui prête la Cour dans l’arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247).

81.

Je ne cherche pas non plus à contester l’approche libérale adoptée par la Cour lorsqu’elle a qualifié de « nouvelles restrictions » à la liberté économique des travailleurs turcs notamment l’exigence d’un permis de travail pour les conducteurs de camion ( 99 ) ; l’exigence d’un visa pour les conducteurs de camion qui ne sont pas établis dans un État membre ( 100 ) ; et l’introduction de droits fiscaux aux fins de l’obtention d’un permis de séjour dans l’État membre d’accueil ( 101 ). Toutes ces décisions concernaient des restrictions que l’on pouvait faire relever sans grande difficulté du champ d’application de l’article 13 de la décision no 1/80, selon une interprétation littérale et téléologique. Je ne pense pas qu’il en soit ainsi des nouvelles restrictions affectant le regroupement familial.

La portée et l’interprétation de la clause de « standstill » de la décision no 2/76

82.

Mon point de départ est que l’accord d’association envisage une amélioration graduelle des conditions régissant l’emploi des travailleurs turcs dans l’Union.

83.

La décision no 2/76 a fixé les modalités de la « première étape » après l’adoption du protocole additionnel ( 102 ). L’article 3 de cette décision dispose que « [l]es enfants turcs résidant régulièrement avec leurs parents dans un État membre […] y ont le droit d’accéder aux cours d’enseignement général » et par conséquent cela leur donne le droit de bénéficier « des avantages prévus par les législations nationales dans ce domaine» ( 103 ). Les membres de la famille des travailleurs turcs ne sont mentionnés nulle part ailleurs dans la décision no 2/76. Rien dans le libellé de la clause de « standstill » (article 7) n’indique que celle-ci était censée viser le regroupement familial.

84.

La décision no 1/80 rappelle qu’il convient d’« améliorer […] le régime dont bénéficient les travailleurs turcs et les membres de leur famille par rapport au régime institué par la décision no 2/76» ( 104 ). La seule différence de libellé entre les deux clauses de « standstill » (article 7 de la décision no 2/76 et article 13 de la décision no 1/80) réside effectivement dans l’insertion dans la seconde, après la phrase « nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs », de six mots supplémentaires : « et des membres de leur famille ».

85.

Étant donné que les deux décisions représentent deux étapes successives de la « réalisation graduelle » de la libre circulation des travailleurs et que la décision no 1/80 vise à « améliorer le régime » dont bénéficient les travailleurs et les membres de leur famille par rapport au régime institué par la décision no 2/76, la tendance devrait être une évolution d’un « régime moins favorable » vers un « régime plus favorable ». C’est pourquoi il ne serait pas inhabituel d’interpréter les dispositions de la décision no 2/76 de manière moins extensive en ce qui concerne la vie de famille et les membres de la famille que les dispositions de la décision no 1/80 qui l’a remplacée.

86.

Pour les raisons que j’ai exposé précédemment ( 105 ), l’analyse faite par la Cour dans l’arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247), concernant l’article 13 de la décision no 1/80 n’est pas aussi solide que l’on pourrait le souhaiter. J’invite la Cour à ne pas transposer cette interprétation à la clause de « standstill » antérieure relative aux restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs, à savoir l’article 7 de la décision no 2/76.

87.

J’ajoute que cela ne conduit à priver les travailleurs turcs d’aucun droit au regroupement avec des membres de leur famille sur le territoire de l’Union. La directive 2003/86/CE ( 106 ) comporte une lex generalis régissant le regroupement familial. Le droit découlant de l’accord d’association est une lex specialis, comportant des dispositions plus précises applicables aux ressortissants turcs pour la matière couverte par son champ d’application ( 107 ). Si les travailleurs turcs ne relèvent pas de la lex specialis, ils peuvent toujours invoquer la lex generalis.

L’incidence potentielle de l’article 59 du protocole additionnel

88.

Si, contrairement à la position que j’ai défendue, la Cour considère que la législation nationale en cause relève de l’article 7 de la décision no 2/76, il faudra examiner si l’article 59 du protocole additionnel prime sur l’application de cette clause de « standstill ».

89.

L’article 59 du protocole additionnel dispose que, « [d]ans les domaines couverts par le présent protocole, la Turquie ne peut bénéficier d’un traitement plus favorable que celui que les États membres s’accordent entre eux en vertu d[es] traité[s] instituant [l’Union] ». Ainsi, il illustre le principe selon lequel l’appartenance à l’Union est la relation la plus approfondie et la plus privilégiée qu’un État puisse obtenir ; et, partant, toute autre relation entre un pays tiers et l’Union (comme l’accord d’association) doit nécessairement être moins privilégiée.

90.

Le protocole additionnel fait partie du droit primaire dans la hiérarchie des normes du droit découlant de l’accord d’association. C’est pourquoi les décisions adoptées par le conseil d’association dans l’exercice de compétences déléguées doivent faire l’objet d’une interprétation conforme à la règle « interdisant un traitement plus favorable » qu’il prévoit. J’observe que les arrêts récents qui ont inclus le regroupement familial dans le champ d’application de la clause de « standstill » de l’article 13 de la décision no 1/80 ne semblent pas avoir examiné ce critère d’interprétation supplémentaire et nécessaire ( 108 ).

91.

Cela dit, la Cour a déjà appliqué l’article 59 du protocole additionnel dans le contexte de la libre circulation des travailleurs turcs et a toujours considéré, à juste titre, que les ressortissants turcs ne peuvent pas être placés dans une situation plus favorable que les citoyens de l’Union ( 109 ). Il y a deux courants jurisprudentiels, l’un concernant les droits matériels (positifs) accordés aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, et l’autre concernant l’obligation d’abstention (négative) imposée aux États membres par la clause de « standstill ».

92.

Dans le premier courant, la Cour a pris en considération la situation globale, plutôt que de s’attacher à une équivalence exacte quant aux droits accordés aux ressortissants turcs et à ceux accordés aux citoyens de l’Union ( 110 ). Ainsi, par exemple, la Cour a refusé de comparer la situation de l’enfant d’un travailleur turc à celui d’un descendant d’un ressortissant d’un État membre, compte tenu des différences importantes entre leurs situations juridiques respectives ( 111 ).

93.

Dans le second courant, constitué de deux arrêts rendus dans des affaires relatives à l’introduction de droits fiscaux aux fins de l’obtention d’un permis de séjour aux Pays-Bas, la Cour a adopté une approche différente. Elle a d’abord considéré que l’article 13 de la décision no 1/80, appliqué conjointement avec la « règle interdisant un traitement plus favorable », n’interdit pas l’introduction d’une législation qui subordonne la délivrance d’un permis de séjour ou une prorogation de la validité de celui-ci au paiement de droits fiscaux par les ressortissants turcs résidant sur le territoire de l’État membre d’accueil. La Cour a par la suite examiné la proportionnalité de la nouvelle restriction qui, autrement, serait interdite par la clause de « standstill» ( 112 ).

94.

Je déduis les principes suivants de mon analyse de la jurisprudence : i) l’article 59 du protocole additionnel n’interdit pas l’adoption de nouvelles restrictions qui s’appliquent de la même manière aux ressortissants turcs et aux citoyens de l’Union ; ii) toutefois, il est nécessaire de comparer la situation juridique qui en résulte pour les ressortissants turcs, d’une part, et les citoyens de l’Union, d’autre part ; iii) les nouvelles restrictions appliquées aux travailleurs turcs ne doivent pas nécessairement être les mêmes que celles imposées aux citoyens de l’Union, mais elles doivent être équivalentes compte tenu des situations différentes des deux catégories ( 113 ) ; iv) les nouvelles restrictions imposées aux travailleurs turcs ne doivent pas être disproportionnées par rapport à celles applicables aux citoyens de l’Union ( 114 ) ; v) de nouvelles restrictions disproportionnées seraient également contraires au principe de non-discrimination consacré à l’article 9 de l’accord d’association ( 115 ).

95.

En l’espèce, la comparaison adéquate est celle entre un travailleur turc travaillant en Allemagne et souhaitant être rejoint par son épouse turque et un ressortissant d’un autre État membre de l’Union travaillant en Allemagne et souhaitant être rejoint par son épouse ressortissante d’un État tiers, y compris par une épouse ressortissante turque.

96.

À moins que le membre de la famille en cause ait déjà un permis de séjour, l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/38 requiert un visa d’entrée conformément au règlement no 539/2001 ou, le cas échéant, à la législation nationale ( 116 ). Depuis l’entrée en vigueur de cette directive, les États membres auraient selon moi le droit d’introduire une obligation de visa similaire pour les membres de la famille des travailleurs turcs, dans la mesure où les conditions imposées ne sont pas disproportionnées par rapport à celles introduites par la directive 2004/38 ( 117 ).

97.

De surcroît, l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/38 prévoit que, lorsqu’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union ne dispose pas des documents ou du visa d’entrée requis, il n’est pas refoulé automatiquement et se voit accorder toutes facilités pour obtenir les visas nécessaires. Pour la même catégorie de personnes, l’article 9, paragraphe 3, de cette directive prévoit que le non-respect de l’obligation de demander la carte de séjour peut être passible de sanctions non discriminatoires et proportionnées. C’est pourquoi, selon la Commission, les membres de la famille des travailleurs turcs ne sont pas dans une situation plus favorable que les ressortissants d’États tiers membres de la famille de citoyens de l’Union, puisque l’entrée illégale de ces derniers dans un État membre ne justifie pas le refus d’un permis de séjour. Par conséquent, l’article 59 du protocole additionnel n’aurait pas pour effet de modifier le résultat obtenu en appliquant la clause de « standstill ». Toutefois, si l’application de la clause de « standstill » conduisait à ne soumettre à aucune obligation de visa les membres de la famille d’un ressortissant turc qui sont ressortissants d’un pays tiers, alors que les membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui sont ressortissants d’un pays tiers seraient soumis à une telle obligation, alors, l’article 59 du protocole additionnel s’y opposerait.

98.

Le fait qu’une condition imposée à un ressortissant turc soit plus stricte que celle imposée à un citoyen de l’Union n’implique pas en soi qu’elle soit disproportionnée ( 118 ). Il convient d’examiner la situation particulière des ressortissants turcs en tant que ressortissants de pays tiers, l’obligation des États membres de délivrer un permis conformément à la législation nationale afin que les membres de la famille puissent rejoindre un travailleur turc et la procédure de mise en œuvre de cette obligation.

99.

Il convient également d’examiner si les conséquences du non-respect des règles sont excessivement sévères pour un membre de la famille d’un travailleur turc comparées aux conséquences applicables à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union. À cet égard, je relève que l’article 5, paragraphe 2, de la loi relative au séjour des étrangers en Allemagne prévoit qu’une dérogation à l’exigence d’un visa est possible lorsque, en raison des circonstances particulières de l’espèce, il est déraisonnable d’imposer de recommencer la procédure de délivrance de visa. Il me semble que cela est suffisant pour assurer le respect du principe de proportionnalité.

100.

Pour conclure, concernant la deuxième question préjudicielle, il convient selon moi de répondre que l’introduction d’une obligation de visa pour l’épouse d’un travailleur turc souhaitant rejoindre ce travailleur au titre du regroupement familial ne relève pas du champ d’application de l’article 7 de la décision no 2/76.

Sur la troisième question

101.

La troisième question est pertinente seulement si, contrairement à la position que je viens de défendre, la Cour décide de transposer son raisonnement dans l’arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247), à la clause de « standstill » de l’article 7 de la décision no 2/76. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si la mesure nationale requérant un visa peut être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, notamment par l’objectif d’un contrôle efficace de l’immigration et de la gestion des flux migratoires, lorsqu’une clause de rigueur excessive tient compte des circonstances particulières du cas d’espèce.

102.

La ville de Stuttgart, le gouvernement allemand et la Commission soutiennent tous que la clause de « standstill » de la décision no 2/76 n’empêche pas d’adopter une législation nationale poursuivant cet objectif, à condition que cette législation respecte le principe de proportionnalité.

103.

Je suis d’accord avec eux.

104.

Premièrement, cette interprétation est conforme aux principes du TFUE et de la jurisprudence de la Cour relative à la libre circulation des travailleurs, qui doivent s’appliquer, dans la mesure du possible, à la libre circulation des travailleurs dans le contexte de l’accord d’association ( 119 ).

105.

La Cour a élaboré le concept d’objectifs légitimes susceptibles de justifier des mesures nationales restreignant la libre circulation des travailleurs dans l’Union en raison de la portée large de ce qui est désormais l’article 45 TFUE et parce que les exceptions à la libre circulation prévues à l’article 45, paragraphe 3, TFUE sont d’interprétation stricte. Ainsi, un obstacle à cette liberté peut néanmoins être compatible avec l’article 45 TFUE, à condition qu’il poursuive un objectif légitime compatible avec le traité, qu’il soit justifié par des raisons impérieuses d’intérêt général et que son application soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ( 120 ).

106.

De même, dans le contexte du droit découlant de l’accord d’association, l’interprétation large donnée à la libre circulation des travailleurs dans la décision no 2/76 et dans la décision no 1/80, combinée à l’interprétation stricte des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques (respectivement les articles 9 et 14 de ces décisions) ( 121 ), rend le concept de raisons impérieuses d’intérêt général nécessaire pour assurer l’équilibre adéquat du système de libre circulation des travailleurs dans le cadre de cet accord, par analogie avec la situation du marché intérieur.

107.

Deuxièmement, la jurisprudence a déjà reconnu cette justification dans le contexte de l’interdiction de nouvelles conditions posées au regroupement des travailleurs turcs avec les membres de leur famille, dès lors que les restrictions qui en résultent sont propres à garantir la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre ( 122 ).

108.

Les objectifs suivants ont déjà été reconnus par la jurisprudence en tant que raisons impérieuses d’intérêt général justifiant l’introduction de nouvelles restrictions à l’exercice des libertés économiques en vertu du droit découlant de l’accord d’association : prévenir l’entrée et le séjour irréguliers ( 123 ) ; prévenir les mariages forcés ( 124 ) ; garantir une intégration réussie des ressortissants d’États tiers ( 125 ) ; et gérer efficacement les flux migratoires ( 126 ). La liste n’est pas exhaustive et, à l’instar de l’avocat général Mengozzi, je reconnais que les États membres jouissent d’une marge de manœuvre en la matière ( 127 ).

109.

En l’espèce, la République fédérale d’Allemagne invoque la gestion efficace des flux migratoires pour justifier l’introduction d’une obligation de visa aux fins du regroupement familial avec un travailleur turc. Cet objectif a déjà été accepté en tant que raison impérieuse d’intérêt général compatible avec le traité. Par conséquent, il est en principe susceptible de justifier une nouvelle restriction malgré la clause de « standstill» ( 128 ). Toutefois, la juridiction de renvoi devra également vérifier si l’exigence en cause respecte le principe de proportionnalité ( 129 ). Ce faisant, elle doit examiner si la mesure nationale est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ( 130 ).

110.

En ce qui concerne le caractère approprié de la mesure, il me semble que la jurisprudence a déjà accepté qu’une obligation de visa permettant de suivre les flux migratoires est propre à garantir la réalisation de l’objectif de gestion efficace des flux migratoires ( 131 ).

111.

Quant à savoir si la mesure en cause va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, la Cour a expliqué que, en principe, l’obligation faite aux ressortissants d’États tiers de détenir un visa de séjour pour entrer et séjourner dans un État membre ne peut pas en soi être considérée comme disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi. Toutefois, le principe de proportionnalité exige également que les modalités de mise en œuvre d’une telle obligation n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi ( 132 ).

112.

À cet égard, la législation allemande en cause exige qu’un ressortissant d’un État tiers qui souhaite obtenir un permis de séjour soit entré dans le pays avec le visa requis et ait déjà fourni, dans sa demande de visa, les informations essentielles requises pour le permis de séjour. Toutefois, il peut être dérogé à l’obligation de visa lorsque, en raison des circonstances particulières de l’espèce, il est déraisonnable d’imposer de recommencer la procédure de délivrance de visa.

113.

Je considère que, en prévoyant une exception en raison des circonstances particulières de l’espèce, la procédure prévue par la législation allemande pour mettre en œuvre l’obligation de visa respecte le principe de proportionnalité.

114.

Il appartiendra à la juridiction nationale, qui disposera des informations nécessaires, d’apprécier si le cas de Mme Yön présente les caractéristiques requises pour appliquer cette exception. Les éléments pertinents peuvent être notamment l’âge de Mme Yön, son état de santé, son degré de dépendance à l’égard de son mari et sa capacité à voyager ( 133 ).

115.

C’est pourquoi je conclus que, si la Cour jugeait que la législation en cause au principal constitue une nouvelle restriction aux conditions d’accès à l’emploi des travailleurs turcs au sens de l’article 7 de la décision no 2/76, cette restriction pourrait être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, comme la gestion efficace des flux migratoires. Toute restriction doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. Il appartiendra à la juridiction nationale de déterminer s’il en est ainsi.

Conclusion

116.

Partant, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles du Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) :

La légalité de nouvelles restrictions à la libre circulation des travailleurs introduite par un État membre entre l’entrée en vigueur de la décision no 2/76 du conseil d’association, du 20 décembre 1976, relative à la mise en œuvre de l’article 12 de l’accord d’association et l’entrée en vigueur de la décision no 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association entre la Communauté européenne et la Turquie doit être appréciée au regard de l’article 7 de la décision no 2/76.

L’introduction d’une obligation de visa pour l’épouse d’un travailleur turc souhaitant rejoindre celui-ci au titre du regroupement familial ne relève pas du champ d’application de l’article 7 de la décision no 2/76.

De nouvelles restrictions aux conditions d’accès à l’emploi des travailleurs turcs, au sens de l’article 7 de la décision no 2/76, peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, comme la gestion efficace des flux migratoires. Toute restriction doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif légitime poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. Il appartiendra à la juridiction nationale de déterminer s’il en est ainsi.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Décision du conseil d’association du 20 décembre 1976 relative à la mise en œuvre de l’article 12 de l’accord d’association. La décision n’a pas été publiée au Journal officiel de l’Union européenne. Toutefois elle est accessible dans une compilation utile de textes pertinents publiée sous l’autorité du Conseil en 1992 : voir https://www.ab.gov.tr/files/ardb/evt/Accord_d_association_et_protocoles_CEE-Turquie_et_autres_textes_de_base.pdf

( 3 ) Accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (JO 1964, 217, p. 3687, ci-après l’« accord d’association »). Protocole additionnel et protocole financier, signés le 23 novembre 1970, annexés à l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (JO 1972, L 293, p. 3).

( 4 ) Concernant la constitution et le fonctionnement du conseil d’association, voir articles 22 et suiv. de l’accord d’association.

( 5 ) Décision du conseil d’association du 19 septembre 1980 relative au développement de l’association entre la Communauté européenne et la Turquie. La décision n’a pas été publiée au Journal officiel de l’Union européenne, mais elle figure dans la compilation de textes du Conseil.

( 6 ) Article 2, paragraphe 3, de l’accord d’association. Les première et deuxième phases ont pris fin respectivement le 1er janvier 1973 [avec l’entrée en vigueur du protocole additionnel annexé à l’accord d’association, signé à Bruxelles le 23 novembre 1970 (JO 1973, C 113, p. 17, ci-après le « protocole additionnel »)] et le 31 décembre 1995 [avec l’entrée en vigueur de la décision no 1/95 du conseil d’association CE-Turquie, du 22 décembre 1995, relative à la mise en place de la phase définitive de l’union douanière (envisagée par l’article 2, paragraphe 2, de l’accord d’association) (JO 1996, L 35, p. 1)].

( 7 ) Article 3 de l’accord d’association.

( 8 ) Article 4, paragraphe 1, de l’accord d’association.

( 9 ) Article 5 de l’accord d’association.

( 10 ) Voir troisième considérant du protocole additionnel.

( 11 ) Article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision no 2/76. C’est pourquoi, bien que le titre indique qu’il s’agit d’une décision « relative à la mise en œuvre de l’article 12 de l’accord [d’association] », le deuxième considérant et l’article 1er, paragraphe 1, indiquent clairement que la véritable base juridique est l’article 36 du protocole additionnel.

( 12 ) Article 11 de la décision no 2/76.

( 13 ) Article 13 de la décision no 2/76.

( 14 ) Le conseil d’association a adopté d’autres mesures, non pertinentes pour la présente affaire, concernant les droits des travailleurs turcs, notamment la décision no 3/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille (JO 1983, C 110, p. 60).

( 15 ) Article 16, paragraphe 1, de la décision no 1/80.

( 16 ) Article 5, paragraphe 1, première phrase, de la Verordnung zur Durchführung des Ausländergesetzes (règlement d’exécution de la loi relative aux étrangers), du 10 septembre 1965 (BGBI. 1965 I, p. 1341).

( 17 ) Article 30, paragraphe 1, de la loi relative au séjour des étrangers.

( 18 ) Article 30, paragraphe 1, de la loi relative au séjour des étrangers.

( 19 ) Premier considérant et article 2, paragraphe 1, de l’accord d’association.

( 20 ) Quatrième considérant et article 28 de l’accord d’association. Ce dernier se contente de rappeler que, lorsque le fonctionnement de l’accord aura permis d’envisager l’acceptation intégrale de la part de la Turquie des obligations découlant du TFUE, les parties contractantes examineront la possibilité d’une adhésion de la Turquie à l’Union. Voir également arrêt du 4 mai 1999, Sürül (C‑262/96, EU:C:1999:228, point 70).

( 21 ) Arrêts du 8 décembre 2011, Ziebell (C‑371/08, EU:C:2011:809, point 64) ; du 24 septembre 2013, Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, points 50 et 51), et du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, point 52).

( 22 ) Voir, à cet égard, l’article 2, paragraphes 1 et 2, ainsi que les articles 3, 4 et 5 de l’accord d’association. La finalité économique ressort également des chapitres 1er, 2 et 3 du titre II de l’accord, qui concerne la mise en œuvre de la phase transitoire. Ces chapitres sont intitulés respectivement « Union douanière », « Agriculture » et « Autres dispositions de caractère économique ». Voir, à cet égard, arrêt du 24 septembre 2013, Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, point 51).

( 23 ) Voir quatrième considérant de l’accord d’association.

( 24 ) Voir cinquième considérant et article 1er, paragraphe 1, de la décision no 2/76.

( 25 ) Voir deuxième considérant et article 1er de la décision no 1/80. Voir également, à cet égard, arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt (C‑434/93, EU:C:1995:168, point 14).

( 26 ) Arrêt du 18 décembre 2014, Royaume-Uni/Conseil (C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 52). Voir également conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Royaume-Uni/Conseil (C‑81/13, EU:C:2014:2114, point 79).

( 27 ) Accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3) et Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (JO 2002, L 114, p. 6). Voir, à cet égard, également conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Royaume-Uni/Conseil (C‑81/13, EU:C:2014:2114, points 74 à 80).

( 28 ) Arrêt du 18 décembre 2014, Royaume-Uni/Conseil (C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 50).

( 29 ) Arrêt du 24 septembre 2013, Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, point 53 et jurisprudence citée).

( 30 ) Arrêt du 8 décembre 2011, Ziebell (C‑371/08, EU:C:2011:809, point 61 et jurisprudence citée).

( 31 ) Convention de Vienne sur le droit des traités, conclue à Vienne le 23 mai 1969, Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 353.

( 32 ) Avis 1/91 (Accord EEE – I), du 14 décembre 1991 (EU:C:1991:490, point 14).

( 33 ) Arrêt du 9 février 1982, Polydor et RSO Records (270/80, EU:C:1982:43, point 15). Cette affaire concernait l’accord conclu entre la Communauté économique européenne et la République portugaise, du 22 juillet 1972 (JO 1972, L 301, p. 165).

( 34 ) Arrêt du 8 décembre 2011, Ziebell (C‑371/08, EU:C:2011:809, point 62).

( 35 ) Voir, à cet égard, arrêt du 27 septembre 2001, Gloszczuk (C‑63/99, EU:C:2001:488, point 52), dans le contexte de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Pologne, d’autre part (JO 1993, L 348, p. 2). Voir également conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:237, point 63).

( 36 ) Voir conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:237, point 60).

( 37 ) Voir, à cet égard, arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt (C‑434/93, EU:C:1995:168, point 20). Voir également arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, point 52 et jurisprudence citée).

( 38 ) Arrêt du 18 décembre 2014, Royaume-Uni/Conseil (C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 51).

( 39 ) Voir, à cet égard, arrêt du 29 mars 2012, Kahveci (C‑7/10 et C‑9/10, EU:C:2012:180, point 25) ; voir également les principes énoncés au point 35 des présentes conclusions.

( 40 ) Le premier pas dans cette direction a été l’arrêt du 5 octobre 1994, Eroglu (C‑355/93, EU:C:1994:369, point 21), concernant la possibilité donnée aux travailleurs turcs de proroger leurs permis de séjour. Voir également arrêt du 10 février 2000, Nazli (C‑340/97, EU:C:2000:77, points 56 et 57), concernant la portée de l’exception d’ordre public prévue à l’article 14, paragraphe 1, de la décision no 1/80. Dans le contexte de la libre prestation des services, voir arrêt du 11 mai 2000, Savas (C‑37/98, EU:C:2000:224, points 47 et 48), qui s’est appuyé sur l’article 53 CE pour interpréter l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel.

( 41 ) Règlement du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO 1968, L 257, p. 2). Voir arrêt du 19 juillet 2012, Dülger (C‑451/11, EU:C:2012:504, point 49 et jurisprudence citée).

( 42 ) Directive du Conseil du 25 février 1964 pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 1964, 56, p. 850). Voir arrêt du 4 octobre 2007, Polat (C‑349/06, EU:C:2007:581, points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée).

( 43 ) Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1). Voir arrêt du 9 décembre 2010, Toprak et Oguz (C‑300/09 et C‑301/09, EU:C:2010:756, points 56 à 58).

( 44 ) Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80). Au point 13 de cet arrêt, la Cour a jugé que les principes consacrés par les traités relatifs à la libre circulation des travailleurs impliquent également le droit pour les citoyens de l’Union de séjourner sur le territoire des autres États membres aux fins d’y rechercher un emploi.

( 45 ) Arrêt du 16 décembre 1992, Kus (C‑237/91, EU:C:1992:527, point 35). Depuis lors, il est de pratique courante de faire référence à la jurisprudence de la Cour en matière de libre circulation des travailleurs en vertu du droit de l’Union. Voir notamment arrêts du 10 février 2000, Nazli (C‑340/97, EU:C:2000:77, point 57), et du 11 novembre 2004, Cetinkaya (C‑467/02, EU:C:2004:708, points 44 et 45).

( 46 ) Voir notamment arrêt du 21 octobre 2003, Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 81), concernant l’interprétation de la clause de « standstill » de l’article 13 de la décision no 1/80, dans lequel la Cour s’est inspirée de sa jurisprudence relative à l’accord d’association avec la Grèce (arrêt du 23 mars 1983, Peskeloglou, 77/82, EU:C:1983:92). Voir également ordonnance du 25 juillet 2008, Real Sociedad de Fútbol et Kahveci (C‑152/08, EU:C:2008:450, points 21 et suiv.), dans laquelle la Cour fait référence à sa jurisprudence relative à l’accord d’association avec la Slovaquie et à l’accord de partenariat avec la Russie [accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République slovaque, d’autre part (JO 1994, L 359, p. 2) et accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part (JO 1997, L 327, p. 3)] et a considéré que les analogies étaient suffisamment évidentes pour statuer par voie d’ordonnance motivée. Toutefois, dans l’arrêt (sans lien avec l’affaire que je viens de citer) du 29 mars 2012, Kahveci (C‑7/10 et C‑9/10, EU:C:2012:180, point 34), la Cour a distingué entre la décision no 1/80, d’une part, et l’accord de coopération entre la Communauté économique européenne et le Royaume du Maroc (JO 1978, L 264, p. 2), d’autre part, en raison de la différence entre les objectifs poursuivis en matière sociale.

( 47 ) Arrêt du 24 septembre 2013, Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, point 44).

( 48 ) Voir, à cet égard, arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt (C‑434/93, EU:C:1995:168, points 40 et 41).

( 49 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).

( 50 ) Arrêt du 8 décembre 2011, Ziebell (C‑371/08, EU:C:2011:809, points 60 et suiv.).

( 51 ) Arrêt du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone (286/82 et 26/83, EU:C:1984:35).

( 52 ) Arrêt du 24 septembre 2013, Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583, points 59 et suiv.).

( 53 ) Voir, à cet égard, arrêt du 20 septembre 1990, Sevince (C‑192/89, EU:C:1990:322, points 15 et suiv.).

( 54 ) Dans le système établi par l’accord d’association, la création de nouveaux droits ou privilèges accordés aux ressortissants des parties contractantes relève de la compétence législative du conseil d’association (voir article 36 du protocole additionnel).

( 55 ) Voir, à cet égard, arrêt du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734, point 89 et jurisprudence citée).

( 56 ) Arrêt du 21 juillet 2011, Oguz (C‑186/10, EU:C:2011:509, point 22 et jurisprudence citée).

( 57 ) Voir arrêt du 20 septembre 2007, Tum et Dari (C‑16/05, EU:C:2007:530, point 58) (dans le contexte de la liberté d’établissement).

( 58 ) Arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt (C‑434/93, EU:C:1995:168).

( 59 ) Article 13 de la décision no 2/76.

( 60 ) Article 11 de la décision no 2/76 ; voir en outre cinquième considérant de cette décision.

( 61 ) Article 30 de la décision no 1/80.

( 62 ) Article 16 de la décision no 1/80.

( 63 ) Il peut y avoir des doutes quant au point de savoir si la décision no 2/76 s’est appliquée rétroactivement entre le 1er et le 20 décembre 1976 (comparez et opposez l’article 1er, paragraphe 2, et l’article 13 de cette décision). Heureusement, il n’est pas nécessaire de trancher ce point pour répondre à la question posée par la juridiction de renvoi.

( 64 ) L’article 16, paragraphe 2, de la décision no 1/80 prévoit l’adoption d’un nouvel instrument comportant des « solutions qui seront possibles à partir du 1er décembre 1983 ». Toutefois un tel instrument n’a pas été adopté et la décision no 1/80 ne comporte aucune « date de fin » pour la section 1 du chapitre II.

( 65 ) Ainsi que l’a fait remarquer la Commission lors de l’audience, c’est également la solution adoptée par la convention de Vienne sur le droit des traités (relatif aux conséquences de l’extinction d’un traité), l’extinction d’un traité « ne porte atteinte à aucun droit, aucune obligation ni aucune situation juridique des parties, créés par l’exécution du traité avant qu’il ait pris fin » (article 70, paragraphe 1, sous b). La ville de Stuttgart et le gouvernement allemand ont invoqué l’article 59 de la convention de Vienne sur le droit des traités (intitulé « Extinction d’un traité ou suspension de son application implicites du fait de la conclusion d’un traité postérieur »), mais je considère qu’aucune des conditions posées dans cet article n’est remplie en l’espèce. En particulier, rien n’indique que les parties aient eu l’intention de conférer un effet rétroactif à la décision no 1/80.

( 66 ) Arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt (C‑434/93, EU:C:1995:168, point 14).

( 67 ) Règlement (CE) no 539/2001 du Conseil, du 15 mars 2001, fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (JO 2001, L 81, p. 1), tel que modifié tout récemment par le règlement (UE) 2017/850 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2017, modifiant le règlement (CE) no 539/2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (Ukraine) (JO 2017, L 133, p. 1).

( 68 ) Arrêts du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247), et du 10 juillet 2014, Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066).

( 69 ) Arrêt du 30 septembre 1987, Demirel (12/86, EU:C:1987:400).

( 70 ) Conclusions de l’avocat général Darmon dans l’affaire Demirel (12/86, non publiées, EU:C:1987:232, points 27 et 28). Règlement no 15 relatif aux premières mesures pour la réalisation de la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO 1961, 57, p. 1073). Le règlement no 15 comportait également des dispositions relatives au regroupement familial pour les ressortissants des États membres qui avaient fait usage de leur droit à la libre circulation des travailleurs.

( 71 ) En vertu de l’article 36 du protocole additionnel, le conseil d’association dispose d’une compétence exclusive pour décider des modalités à cet effet.

( 72 ) Voir arrêt du 30 septembre 1987, Demirel (12/86, EU:C:1987:400, point 22).

( 73 ) Voir, à cet égard, arrêt du 30 septembre 1987, Demirel (12/86, EU:C:1987:400, points 23 et 24).

( 74 ) Arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, point 46).

( 75 ) Arrêt du 11 mai 2000, Savas (C‑37/98, EU:C:2000:224).

( 76 ) Arrêt du 17 septembre 2009, Sahin (C‑242/06, EU:C:2009:554).

( 77 ) Arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, point 33). Il semble que cette formule ait tout d’abord été ajoutée concernant l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel par l’arrêt du 11 mai 2000, Savas (C‑37/98, EU:C:2000:224, point 69). La jurisprudence ultérieure de la Cour a été constante à cet égard. Voir notamment arrêt du 29 mars 2017, Tekdemir (C‑652/15, EU:C:2017:239, point 25 et jurisprudence citée).

( 78 ) Le point 64 de l’arrêt Sahin a le contenu suivant : « l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel s’oppose à l’adoption, à compter de la date de l’entrée en vigueur dans l’État membre d’accueil de l’acte juridique dont cette disposition fait partie, de toutes nouvelles restrictions à l’exercice de la liberté d’établissement ou de la libre prestation des services, y compris celles portant sur les conditions de fond et/ou de procédure en matière de première admission sur le territoire de l’État membre concerné des ressortissants turcs se proposant d’y faire usage desdites libertés économiques (voir arrêts du 20 septembre 2007, Tum et Dari, C‑16/05, EU:C:2007:530, point 69, et du 19 février 2009, Soysal et Savatli, C‑228/06, EU:C:2009:101, points 47 et 49) ».

( 79 ) Arrêt du 21 octobre 2003, Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 117). Cette confusion a été maintenue par la jurisprudence ultérieure. Voir notamment arrêt du 29 mars 2017, Tekdemir (C‑652/15, EU:C:2017:239, point 25 et jurisprudence citée).

( 80 ) Voir points 34 à 37 des présentes conclusions.

( 81 ) Arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, points 45 et 46).

( 82 ) Arrêt du 10 juillet 2014, Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066). Bien qu’elle ait présenté une attestation de l’institut Goethe relative à un test de langue de niveau A 1, il apparaissait qu’elle était illettrée et qu’elle aurait passé le test en cochant au hasard les réponses d’un questionnaire à choix multiple et qu’elle aurait appris et reproduit par cœur trois phrases types. Voir points 17 à 23 de l’arrêt pour un exposé plus détaillé des faits à l’origine du renvoi préjudiciel.

( 83 ) Arrêt du 10 juillet 2014, Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066, point 36). Cet arrêt a suscité certaines critiques. Voir, notamment, Hailbronner, K., « The stand still clauses in the EU‑Turkey Association Agreement and their impact upon immigration law in the EU Member States », dans Rights of Third-Country Nationals under EU Association Agreements, Leiden, Boston, Brill Nijhoff, 2015, p. 186 à 201, en particulier p. 194 à 197.

( 84 ) Arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, point 40) qui cite l’arrêt du 10 juillet 2014, Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066, point 35).

( 85 ) Arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, points 41 et 42) qui cite l’arrêt du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, point 48).

( 86 ) Arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, points 44 et 45).

( 87 ) Arrêt du 24 septembre 2013, Demirkan (C‑221/11, EU:C:2013:583).

( 88 ) Arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, point 49) qui cite les arrêts du 17 avril 1997, Kadiman (C‑351/95, EU:C:1997:205, points 34 à 36) ; du 22 juin 2000, Eyüp (C‑65/98, EU:C:2000:336, point 26), et du 30 septembre 2004, Ayaz (C‑275/02, EU:C:2004:570, point 41).

( 89 ) Il est vrai que l’article 41, paragraphe 2, du protocole additionnel habilite le conseil d’association à fixer les modalités d’abolition progressive des restrictions existantes à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services. Il va de soi que l’abolition de restrictions existantes et la garantie, grâce à une clause de « standstill », que de nouvelles restrictions ne sont pas introduites sont deux choses différentes.

( 90 ) Arrêt du 30 septembre 1987, Demirel (12/86, EU:C:1987:400). Dans l’arrêt Bozkurt, la Cour a refusé de reconnaître le droit d’un travailleur turc victime d’une incapacité de travail totale et permanente de rester dans l’État membre où il travaillait, au motif qu’aucune disposition expresse de l’accord d’association n’accorde ce droit. Voir arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt (C‑434/93, EU:C:1995:168, point 40).

( 91 ) Voir règlement no 15 (articles 11 à 15) et règlement no 1612/68 (articles 10 à 12). Le cinquième considérant de ce dernier reconnaît que le droit de libre circulation exige que soient éliminés les obstacles en ce qui concerne le droit pour le travailleur de se faire rejoindre par sa famille.

( 92 ) Dans les arrêts du 19 juillet 2012, Dülger (C‑451/11, EU:C:2012:504, point 49), et du 30 septembre 2004, Ayaz (C‑275/02, EU:C:2004:570, point 45), la Cour a fait référence à l’article 10 du règlement no 1612/68 pour interpréter la notion de « membre de la famille » au sens de la décision no 1/80.

( *1 ) Ndt : traduction libre, car cet intitulé est manquant dans la version française du règlement no 1612/68.

( 93 ) Article 7, paragraphe 1, et article 11 de la décision no 1/80.

( 94 ) Article 7, paragraphe 1, premier et deuxièmes tirets, articles 9 et 13 de la décision no 1/80.

( 95 ) Arrêt du 18 juillet 2007, Derin (C‑325/05, EU:C:2007:442, point 64).

( 96 ) Arrêt du 21 janvier 2010, Bekleyen (C‑462/08, EU:C:2010:30, point 36) qui cite l’arrêt du 16 mars 2000, Ergat (C‑329/97, EU:C:2000:133, point 42).

( 97 ) Voir, à cet égard, arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, points 45 et 46).

( 98 ) Arrêt du 7 novembre 2013, Demir (C‑225/12, EU:C:2013:725, point 34). Antérieurement, dans l’arrêt du 21 octobre 2003, Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572, point 84), la Cour avait jugé que l’article 13 de la décision no 1/80 ne saurait profiter à un ressortissant turc que s’il a respecté les règles de l’État membre d’accueil en matière d’entrée, de séjour et, le cas échéant, d’emploi et si, partant, il se trouve légalement sur le territoire dudit État.

( 99 ) Arrêt du 21 octobre 2003, Abatay e.a. (C‑317/01 et C‑369/01, EU:C:2003:572).

( 100 ) Arrêt du 19 février 2009, Soysal et Savatli (C‑228/06, EU:C:2009:101).

( 101 ) Arrêt du 17 septembre 2009, Sahin (C‑242/06, EU:C:2009:554).

( 102 ) Voir deuxième et cinquième considérants de la décision no 2/76.

( 103 ) NdT : note non pertinente pour la version française.

( 104 ) Voir troisième considérant de la décision no 1/80.

( 105 ) Voir points 74 à 81 des présentes conclusions.

( 106 ) Directive du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12).

( 107 ) L’article 3, paragraphe 4, de la directive 2003/86 dispose expressément que celle-ci ne porte pas atteinte aux dispositions plus favorables, notamment « des accords bilatéraux […] entre la Communauté ou la Communauté et ses États membres, d’une part, et des pays tiers, d’autre part ». L’accord d’association et la décision no 1/80 sont manifestement de tels accords bilatéraux. Si les dispositions de cette dernière sont plus favorables, elles prévaudront de toute façon. Voir également mes conclusions dans l’affaire Pehlivan (C‑484/07, EU:C:2010:410, point 65).

( 108 ) Voir arrêts du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247), et du 29 mars 2017, Tekdemir (C‑652/15, EU:C:2017:239).

( 109 ) Arrêt du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, point 62 et jurisprudence citée). Voir également arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346, point 59) concernant les prestations sociales dont bénéficient les travailleurs turcs.

( 110 ) Voir mes conclusions dans l’affaire Pehlivan (C‑484/07, EU:C:2010:410, point 63).

( 111 ) Arrêts du 18 juillet 2007, Derin (C‑325/05, EU:C:2007:442, point 68), et du 16 juin 2011, Pehlivan (C‑484/07, EU:C:2011:395, point 65). Pour une analyse plus approfondie du raisonnement dans l’arrêt Derin, voir mes conclusions dans l’affaire Bozkurt (C‑303/08, EU:C:2010:413, point 50).

( 112 ) Arrêt du 17 septembre 2009, Sahin (C‑242/06, EU:C:2009:554, points 67 et suiv.). Cette approche a été confirmée par l’arrêt du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, points 55 et suiv.).

( 113 ) Voir, à cet égard, arrêt du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, point 57 et jurisprudence citée).

( 114 ) Arrêt du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, point 55 et jurisprudence citée).

( 115 ) Arrêt du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, point 75).

( 116 ) L’annexe I du règlement no 539/2001 établit une liste des pays dont les ressortissants doivent avoir un visa pour franchir les frontières extérieures des États membres. Cette liste inclut la Turquie.

La référence à la législation nationale à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/38 vise à couvrir la situation d’États membres qui n’appliquent pas ce règlement. Voir proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (présentée par la Commission conformément à l’article 250, paragraphe 2, du traité CE), COM(2003) 199 final.

( 117 ) Je fais référence à la directive 2004/38 uniquement afin d’évaluer la situation au regard de l’article 59 du protocole additionnel.

( 118 ) Voir, à cet égard, arrêt du 29 avril 2010, Commission/Pays-Bas (C‑92/07, EU:C:2010:228, point 71).

( 119 ) Voir point 36 des présentes conclusions.

( 120 ) Voir notamment arrêt du 11 janvier 2007, Lyyski (C‑40/05, EU:C:2007:10, point 38).

( 121 ) Voir, à cet égard, arrêt du 11 novembre 2004, Cetinkaya (C‑467/02, EU:C:2004:708, points 42 à 48).

( 122 ) Voir arrêt du 10 juillet 2014, Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066, point 37), dans le contexte de la liberté d’établissement. Cet arrêt suivait l’argumentation exposée dans l’arrêt du 7 novembre 2013, Demir (C‑225/12, EU:C:2013:725, points 40 et suiv.), concernant l’admission sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant turc souhaitant occuper un emploi rémunéré. Voir également arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, point 57).

( 123 ) Arrêt du 7 novembre 2013, Demir (C‑225/12, EU:C:2013:725, point 41).

( 124 ) Arrêt du 10 juillet 2014, Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066, point 38). Si la Cour n’a pas reconnu expressément ce motif de justification, elle est partie « du principe » que la prévention des mariages forcés pouvait constituer une raison impérieuse d’intérêt général.

( 125 ) Arrêt du 12 avril 2016, Genc (C‑561/14, EU:C:2016:247, point 56).

( 126 ) Arrêt du 29 mars 2017, Tekdemir (C‑652/15, EU:C:2017:239, point 39).

( 127 ) Conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Genc (C‑561/14, EU:C:2016:28, point 34).

( 128 ) Arrêt du 29 mars 2017, Tekdemir (C‑652/15, EU:C:2017:239, points 35 à 39).

( 129 ) Dans les affaires Tekdemir et Genc, les dispositions nationales en cause ne prévoyaient aucune exception et la Cour disposait des éléments nécessaires pour les juger disproportionnées. En l’espèce, en revanche, les dispositions nationales prévoient une exception dans certaines circonstances. Seule la juridiction nationale disposera des éléments nécessaires pour contrôler la légalité de la décision des autorités compétentes. Voir arrêt du 11 janvier 2007, Lyyski (C‑40/05, EU:C:2007:10, point 48).

( 130 ) Arrêt du 10 juillet 2014, Dogan (C‑138/13, EU:C:2014:2066, point 37).

( 131 ) Voir, à cet égard, arrêt du 29 mars 2017, Tekdemir (C‑652/15, EU:C:2017:239, point 41).

( 132 ) Voir, à cet égard, concernant l’obligation d’avoir un permis de séjour, arrêt du 29 mars 2017, Tekdemir (C‑652/15, EU:C:2017:239, points 42 et 43).

( 133 ) Du point de vue des faits, la situation de Mme Yön diffère de manière significative de celle du requérant dans l’affaire Tekdemir. Furkan Tekdemir était un nourrisson né en Allemagne à peine un mois avant la demande de permis de séjour déposée en son nom. Il séjournait régulièrement en Allemagne avec son père qui était un travailleur turc (voir arrêt du 29 mars 2017, Tekdemir, C‑652/15, EU:C:2017:239). En revanche, Mme Yön a résidé en Turquie (pour ce qui nous intéresse en l’espèce) de la date son mariage avec M. Yön (2004) à la date de son entrée aux Pays-Bas avec un visa Schengen délivré par un État membre (mars 2013).