ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

18 mai 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Code des douanes communautaire — Règlement (CEE) no 2913/92 — Article 94, paragraphe 1, et article 96 — Régime du transit communautaire externe — Responsabilité du principal obligé — Articles 203, 204 et article 206, paragraphe 1 — Naissance de la dette douanière — Soustraction à la surveillance douanière — Inexécution de l'une des obligations découlant de l’utilisation d'un régime douanier — Destruction totale ou perte irrémédiable de la marchandise pour une cause dépendant de la nature même de la marchandise ou par suite d’un cas fortuit ou de force majeure — Article 213 — Paiement de la dette douanière à titre solidaire — Directive 2006/112/CE — Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) — Article 2, paragraphe 1, ainsi que articles 70 et 71 — Fait générateur et exigibilité de la taxe — Articles 201, 202 et 205 — Personnes tenues d’acquitter la taxe — Constatation par le bureau de douane de destination d'un déficit de fret — Dispositif de déchargement inférieur du wagon-citerne incorrectement fermé ou endommagé»

Dans l’affaire C‑154/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l'Augstākās tiesas Administratīvo lietu departaments (Cour suprême, département des affaires administratives, Lettonie), par décision du 9 mars 2016, parvenue à la Cour le 15 mars 2016, dans la procédure

« Latvijas Dzelzceļš » VAS

contre

Valsts ieņēmumu dienests,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement letton, par Mmes G. Bambāne et D. Pelše ainsi que par M. I. Kalniņš, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme L. Grønfeldt ainsi que par MM. M. Wasmeier et A. Sauka, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l'article 94, paragraphe 1, des articles 96, 203 et 204, de l’article 206, paragraphe 1, ainsi que de l’article 213 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (JO 2005, L 117, p. 13) (ci-après le « code des douanes »), et de l'article 2, paragraphe 1, sous d), ainsi que des articles 70, 71, 201, 202 et 205 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Latvijas Dzelzceļš » VAS (ci-après « LDz »), société anonyme publique agissant en tant que principal obligé au sens du code des douanes, au Valsts ieņēmumu dienests (administration fiscale, Lettonie) (ci-après le « VID ») au sujet du paiement d'une dette douanière et de droits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’importation.

Le cadre juridique

Le droit de l'Union

Le code des douanes

3

Aux termes de l'article 4, points 9, 10, 12 à 14, 19 et 21 du code des douanes :

« Aux fins du présent code, on entend par :

[...]

9)

dette douanière : l'obligation pour une personne de payer les droits à l'importation (dette douanière à l'importation) [...] qui s'appliquent à des marchandises déterminées selon les dispositions communautaires en vigueur ;

10)

droits à l'importation :

les droits de douane et les taxes d'effet équivalent prévus à l'importation des marchandises,

[...]

[...]

12)

débiteur : toute personne tenue au paiement du montant de la dette douanière ;

13)

surveillance des autorités douanières : l'action menée au plan général par ces autorités en vue d’assurer le respect de la réglementation douanière et, le cas échéant, des autres dispositions applicables aux marchandises sous surveillance douanière ;

14)

contrôles douaniers : des actes spécifiques accomplis par les autorités douanières pour garantir l'application correcte de la réglementation douanière et d'autres dispositions législatives régissant l'entrée, la sortie, le transit, le transfert et la destination particulière des marchandises circulant entre le territoire douanier de la Communauté et les pays tiers ainsi que la présence de marchandises n'ayant pas le statut de marchandises communautaires ; ces actes peuvent comporter la vérification des marchandises, le contrôle des informations figurant dans la déclaration et de l'existence et de l'authenticité des documents électroniques ou écrits, l'examen de la comptabilité des entreprises et autres écritures, le contrôle des moyens de transport, le contrôle des bagages et des autres marchandises transportées par ou sur des personnes et l'exécution d'enquêtes administratives et d'autres actes similaires ;

[...]

19)

présentation en douane : communication aux autorités douanières, dans les formes requises, du fait de l’arrivée des marchandises au bureau de douane ou en tout autre lieu désigné ou agréé par les autorités douanières ;

[...]

21)

titulaire du régime : personne pour le compte de laquelle la déclaration en douane a été faite ou personne à qui les droits et les obligations de la personne précitée relatifs à un régime douanier ont été transférés ».

4

L'article 37 de ce code prévoit :

« 1.   Les marchandises qui sont introduites dans le territoire douanier de la Communauté sont, dès cette introduction, soumises à la surveillance douanière. Elles peuvent faire l'objet de contrôles douaniers conformément aux dispositions en vigueur.

2.   Elles restent sous cette surveillance aussi longtemps qu'il est nécessaire pour déterminer leur statut douanier et, s'agissant de marchandises non communautaires et sans préjudice de l'article 82 paragraphe 1, jusqu'à ce qu'elles, soit changent de statut douanier, soit sont introduites dans une zone franche ou un entrepôt franc, soit sont réexportées ou détruites conformément à l'article 182. »

5

L'article 38, paragraphe 1, sous a), dudit code énonce :

« Les marchandises qui sont introduites dans le territoire douanier de la Communauté doivent être conduites sans délai par la personne qui a procédé à cette introduction, en utilisant, le cas échéant, la voie déterminée par les autorités douanières et selon les modalités fixées par ces autorités :

a)

soit au bureau de douane désigné par les autorités douanières ou en tout autre lieu désigné ou agréé par ces autorités ».

6

L'article 40 du même code est libellé comme suit :

« Les marchandises qui entrent sur le territoire douanier de la Communauté sont présentées en douane par la personne qui les a introduites sur ce territoire ou, le cas échéant, par la personne qui prend en charge le transport des marchandises après que cette introduction a eu lieu [...] »

7

L'article 59, paragraphe 2, du code des douanes dispose :

« Les marchandises communautaires déclarées pour le régime de l’exportation, du perfectionnement passif, du transit ou de l’entrepôt douanier se trouvent sous surveillance douanière dès l’acceptation de la déclaration en douane et jusqu’au moment où elles sortent du territoire douanier de la Communauté ou sont détruites ou jusqu’au moment où la déclaration en douane est invalidée. »

8

L’article 91, paragraphe 1, sous a), de ce code prévoit :

« Le régime du transit externe permet la circulation d'un point à un autre du territoire douanier de la Communauté :

a)

de marchandises non communautaires sans que ces marchandises soient soumises aux droits à l'importation et aux autres impositions ni aux mesures de politique commerciale ».

9

Aux termes de l'article 92 dudit code :

« 1.   Le régime du transit externe prend fin et les obligations du titulaire du régime sont remplies lorsque les marchandises placées sous le régime et les documents requis sont présentés au bureau de douane de destination, conformément aux dispositions du régime concerné.

2.   Les autorités douanières apurent le régime du transit externe lorsqu’elles sont en mesure d’établir, sur la base de la comparaison des données disponibles au bureau de départ et de celles disponibles au bureau de douane de destination, que le régime a pris fin correctement. »

10

L'article 94, paragraphe 1, du même code énonce :

« Le principal obligé est tenu de fournir une garantie en vue d’assurer le paiement de la dette douanière et des autres impositions susceptibles de naître à l’égard de la marchandise. »

11

Aux termes de l'article 96 du code des douanes :

« 1.   Le principal obligé est le titulaire du régime du transit communautaire externe. Il est tenu :

a)

de présenter en douane les marchandises intactes au bureau de douane de destination, dans le délai prescrit et en ayant respecté les mesures d’identification prises par les autorités douanières ;

b)

de respecter les dispositions relatives au régime du transit communautaire.

2.   Sans préjudice des obligations du principal obligé visées au paragraphe 1, le transporteur ou le destinataire des marchandises qui accepte les marchandises en sachant qu'elles sont placées sous le régime du transit communautaire est également tenu de les présenter intactes au bureau de douane de destination dans le délai prescrit et en ayant respecté les mesures d’identification prises par les autorités douanières. »

12

L'article 202, paragraphe 1, sous a), dudit code énonce :

« Fait naître une dette douanière à l'importation :

a)

l'introduction irrégulière dans le territoire douanier de la Communauté d'une marchandise passible de droits à l'importation

[...] »

13

L'article 203 du même code prévoit :

« 1.   Fait naître une dette douanière à l'importation :

la soustraction d'une marchandise passible de droits à l'importation à la surveillance douanière.

2.   La dette douanière naît au moment de la soustraction de la marchandise à la surveillance douanière.

3.   Les débiteurs sont :

la personne qui a soustrait la marchandise à la surveillance douanière,

les personnes qui ont participé à cette soustraction en sachant ou en devant raisonnablement savoir qu'il s’agissait d’une soustraction de la marchandise à la surveillance douanière,

celles qui ont acquis ou détenu la marchandise en cause et qui savaient ou devaient raisonnablement savoir au moment où elles ont acquis ou reçu cette marchandise qu'il s’agissait d'une marchandise soustraite à la surveillance douanière

ainsi que

le cas échéant, la personne qui doit exécuter les obligations qu'entraîne le séjour en dépôt temporaire de la marchandise ou l'utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée. »

14

Aux termes de l'article 204 du code des douanes :

« 1.   Fait naître une dette douanière à l'importation :

a)

l'inexécution d'une des obligations qu'entraîne pour une marchandise passible de droits à l'importation son séjour en dépôt temporaire ou l'utilisation du régime douanier sous lequel elle a été placée

[...]

dans des cas autres que ceux visés à l'article 203, à moins qu'il ne soit établi que ces manquements sont restés sans conséquence réelle sur le fonctionnement correct du dépôt temporaire ou du régime douanier considéré.

2.   La dette douanière naît soit au moment où cesse d'être remplie l'obligation dont l'inexécution fait naître la dette douanière, soit au moment où la marchandise a été placée sous le régime douanier considéré lorsqu'il apparaît a posteriori que l'une des conditions fixées pour le placement de ladite marchandise sous ce régime ou pour l'octroi du droit à l'importation réduit ou nul en raison de l'utilisation de la marchandise à des fins particulières n'était pas réellement satisfaite.

3.   Le débiteur est la personne qui doit, selon le cas, soit exécuter les obligations qu'entraîne le séjour en dépôt temporaire d'une marchandise passible de droits à l'importation ou l'utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée, soit respecter les conditions fixées pour le placement de la marchandise sous ce régime. »

15

L'article 206, paragraphe 1, de ce code dispose :

« Aucune dette douanière à l'importation n'est réputée prendre naissance à l'égard d'une marchandise déterminée, par dérogation aux articles 202 et 204, paragraphe 1, sous a), lorsque l'intéressé apporte la preuve que l'inexécution des obligations qui découlent :

soit des dispositions des articles 38 à 41 et 177 deuxième tiret,

soit du séjour de la marchandise en question en dépôt temporaire,

soit de l'utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée,

résulte de la destruction totale ou de la perte irrémédiable de ladite marchandise pour une cause dépendant de la nature même de la marchandise ou par suite d'un cas fortuit ou de force majeure ou encore à la suite de l’autorisation des autorités douanières.

Au sens du présent paragraphe, une marchandise est irrémédiablement perdue lorsqu'elle est rendue inutilisable par quiconque. »

16

Aux termes de l'article 213 dudit code :

« Lorsqu'il y a plusieurs débiteurs pour une même dette douanière, ils sont tenus au paiement de cette dette à titre solidaire. »

Le règlement (CEE) no 2454/93

17

L’article 360, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 414/2009 de la Commission, du 30 avril 2009 (JO 2009, L 125, p. 6), dispose :

« Le transporteur est tenu d’annoter le document d’accompagnement transit – document d’accompagnement transit/sécurité et de le présenter avec l’envoi aux autorités douanières de l’État membre sur le territoire duquel se trouve le moyen de transport dans les cas suivants :

[...]

e)

à l’occasion de tout événement, incident ou accident susceptible d’avoir une influence sur le respect des obligations du principal obligé ou du transporteur. »

La directive TVA

18

Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la directive TVA :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

d)

les importations de biens. »

19

L'article 60 de cette directive énonce :

« L’importation de biens est effectuée dans l’État membre sur le territoire duquel le bien se trouve au moment où il est introduit dans la Communauté. »

20

L'article 61, premier alinéa, de ladite directive prévoit :

« Par dérogation à l’article 60, lorsqu’un bien qui n’est pas en libre pratique relève depuis son introduction dans la Communauté de l’un des régimes ou de l’une des situations visés à l’article 156 ou d’un régime d’admission temporaire en exonération totale de droits à l’importation ou de transit externe, l’importation de ce bien est effectuée dans l’État membre sur le territoire duquel le bien sort de ces régimes ou situations. »

21

Aux termes de l'article 70 de la même directive :

« Le fait générateur intervient et la taxe devient exigible au moment où l’importation de biens est effectuée. »

22

L'article 71 de la directive TVA dispose :

« 1.   Lorsque des biens relèvent depuis leur introduction dans la Communauté [...] d'un régime d'admission temporaire en exonération totale de droits à l'importation ou de transit externe, le fait générateur et l'exigibilité de la taxe n’interviennent qu'au moment où les biens sortent de ces régimes ou situations.

Toutefois, lorsque les biens importés sont soumis à des droits de douane, à des prélèvements agricoles ou à des taxes d'effet équivalent établies dans le cadre d'une politique commune, le fait générateur intervient et la taxe devient exigible au moment où interviennent le fait générateur et l'exigibilité de ces droits.

2.   Dans les cas où les biens importés ne sont soumis à aucun des droits visés au paragraphe 1, deuxième alinéa, les États membres appliquent les dispositions en vigueur en matière de droits de douane pour ce qui concerne le fait générateur et l'exigibilité de la taxe. »

23

Aux termes de l'article 201 de cette directive :

« À l’importation, la TVA est due par la ou les personnes désignées ou reconnues comme redevables par l’État membre d’importation. »

24

L’article 202 de ladite directive prévoit :

« La TVA est due par la personne qui fait sortir les biens des régimes ou situations énumérés aux articles 156, 157, 158, 160 et 161. »

25

L’article 205 de la même directive est libellé comme suit :

« Dans les situations visées aux articles 193 à 200 et aux articles 202, 203 et 204, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA. »

Le droit letton

26

L’article 2, paragraphe 2.2, de la likums par pievienotās vērtības nodokli (loi relative à la TVA), du 9 mars 1995 (Latvijas Vēstnesis, 1995, no 49), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012, prévoyait :

« Toute importation de marchandises est soumise à la taxe sauf si la présente loi en dispose autrement. »

27

L’article 12, paragraphe 2, de cette loi énonçait :

« Lors de l’importation de marchandises, la taxe est due par toute personne qui met les marchandises en libre pratique. La taxe sur les marchandises importées est exigible dès lors que les droits de douane le sont [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

28

Il ressort de la décision de renvoi que, le 25 février 2011, LDz, agissant en tant que principal obligé, a placé un groupe de wagons‑citernes sous le régime du transit communautaire externe, au sens de l'article 91 du code des douanes, en présentant une lettre de voiture ferroviaire. La marchandise en transit, à savoir du solvant, devait être acheminée par son transporteur, Baltijas Tranzīta Serviss, au bureau de douane de destination, en l'occurence le poste de contrôle douanier du port de Ventspils (Lettonie).

29

Pendant le transport de cette marchandise sur le territoire letton, une fuite à partir du dispositif de déchargement inférieur a été constatée sur l’un de ces wagons-citernes. Les 28 février et 1er mars 2011, des procès‑verbaux types, à savoir un procès-verbal de contrôle et un procès‑verbal constatant l’état technique de ce wagon-citerne, relatifs aux défauts de la citerne concernée et aux mesures prises pour éviter l’avarie, ont été établis. Le 1er mars 2011, il a été également consigné dans un procès-verbal de constatation d’avarie que 2448 kilogrammes (kg) de fret manquaient dans la citerne concernée.

30

Le 10 mars 2011, le bureau de douane de destination a constaté un déficit de fret de 2448 kg dû au fait que le dispositif de déchargement inférieur de l'un des wagons-citernes en question n’avait pas été correctement fermé ou avait été endommagé. En l'absence de remise au bureau de douane de destination d’un document relatif à la présentation du fret manquant et à la clôture régulière du régime du transit communautaire externe et en l’absence de preuves que le déficit de fret résultait d’un acte de l’expéditeur, le VID a adopté une décision par laquelle il a calculé la dette douanière de LDz pour un montant de 63,26 lats lettons (LVL) (environ 90,01 euros) et la dette de TVA de cette société pour un montant de 228,02 LVL (environ 324,44 euros). LDz a contesté cette décision. Le directeur général du VID a confirmé cette dernière par une décision du 16 septembre 2011.

31

LDz a alors saisi l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district, Lettonie) d'une demande d’annulation de cette dernière décision, en relevant que, en l’occurrence, plusieurs personnes pouvaient être redevables de la dette douanière en cause à titre solidaire, notamment les personnes responsables de l’exécution technique du transport et de l’établissement correct du procès-verbal de constatation d’avarie. En outre, LDz a fait valoir que le VID n’avait pas tenu compte du fait que le déficit de fret constaté découlait de la destruction totale ou de la perte irrémédiable de la marchandise concernée, pour une cause dépendant de la nature même de cette marchandise ou par suite d’un cas fortuit ou de force majeure.

32

Par un jugement du 6 août 2013, ladite juridiction a rejeté le recours de LDz.

33

Par un arrêt du 8 décembre 2014, l'Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie) a rejeté l’appel interjeté par LDz contre le jugement rendu en première instance.

34

Dans le cadre de l’examen du pourvoi en cassation introduit par LDz, l'Augstākās tiesas Administratīvo lietu departaments (Cour suprême, département des affaires administratives, Lettonie) émet, tout d'abord, des doutes quant à la question de savoir si c’est à bon droit que le VID et les juridictions de degré inférieur ont appliqué, en l’espèce, l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes, relatif à la soustraction d'une marchandise à la surveillance douanière. Cette juridiction indique à cet égard, d’une part, que le VID considère que le point 2.2 du « Manuel transit » de la direction générale « Fiscalité et union douanière » de la Commission (document de travail Taxud/2033/2008-LV Rev. 4), du 15 septembre 2009, s’applique dans tous les cas où un déficit de marchandises est constaté par le bureau de douane de destination, tandis que, d'autre part, LDz insiste sur des constats établissant, en l'occurence, une fuite du solvant hors de la citerne concernée pour une raison d’ordre technique, et mentionnant les actes visant à remédier à ce défaut.

35

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, il ne conviendrait pas plutôt d'appliquer l’article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes, lu en combinaison avec la dérogation prévue à l’article 206, paragraphe 1, de ce code, ce qui permettrait de ne pas calculer de dette douanière à l’importation si la destruction totale de la marchandise, excluant l’entrée de celle-ci dans le circuit économique de l’Union européenne, était établie.

36

Ensuite, cette juridiction rappelle que la question de l’exonération du paiement des droits à l’importation est liée à celle de l’exonération de la TVA. À cet égard, elle part du principe selon lequel, dès lors que l’application du code des douanes n’imposerait pas de calculer des droits de douane à l’importation pour des marchandises qui ont été détruites pendant qu’elles se trouvaient placées sous le régime du transit communautaire externe, et qui, de ce fait, n’ont pas pu intégrer le circuit économique de l’Union, la TVA ne devrait pas non plus être payée.

37

Enfin, ladite juridiction relève que, même s'il découle suffisamment clairement de l’article 94, paragraphe 1, et de l’article 96, paragraphe 1, du code des douanes que le principal obligé répond en tant que tel du paiement de la dette douanière et si la Cour a souligné, dans sa jurisprudence, l’importance de la responsabilité du principal obligé dans le cadre de la sauvegarde des intérêts financiers de l’Union et des États membres, des interrogations subsisteraient quant à la portée des dispositions du code des douanes prévoyant la responsabilité d’autres personnes, en ce qui concerne tant l’exécution des obligations résultant du régime du transit communautaire externe que le paiement de la dette douanière. En effet, tant en vertu de l'article 203 de ce code qu’en application de l’article 204 de celui-ci, le cercle des personnes dont la responsabilité est susceptible d’être engagée du fait de la fuite concernée pourrait excéder le seul principal obligé.

38

Dans ces conditions, l'Augstākās tiesas Administratīvo lietu departaments (Cour suprême, département des affaires administratives) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 203, paragraphe 1, du [code des douanes] doit‑il être interprété en ce sens qu’il s’applique dans chaque cas où le volume total de la marchandise n’a pas été présenté au bureau de douane de destination du régime du transit communautaire externe, y compris lorsque la destruction totale ou la perte irrémédiable de la marchandise est démontrée de manière satisfaisante ?

2)

Si la première question appelle une réponse négative, la preuve satisfaisante de la destruction totale de la marchandise et, partant, du fait qu’il est exclu que la marchandise entre dans le circuit économique de l’État membre pourrait-elle donner lieu à l’application de l’article 204, paragraphe 1, sous a), et de l’article 206 du [code des douanes], sans qu’une dette douanière relative au volume de la marchandise détruit sous le régime du transit communautaire externe soit calculée ?

3)

S’il faut interpréter l’article 203, paragraphe 1, l’article 204, paragraphe 1, sous a), et l’article 206 du [code des douanes] en ce sens qu’un droit à l’importation est calculé sur le volume de la marchandise détruit sous le régime du transit communautaire externe, convient-il d’interpréter l’article 2, paragraphe 1, sous d), ainsi que les articles 70 et 71 de la [directive TVA] en ce sens que, simultanément aux droits à l’importation, la [TVA] est également due, même s’il est exclu que la marchandise entre effectivement dans le circuit économique de l’État membre ?

4)

Faut-il interpréter l’article 96 du [code des douanes] en ce sens que le principal obligé est toujours redevable du paiement de la dette douanière auquel donne lieu le régime du transit communautaire externe, que le transporteur ait ou non respecté les obligations visées à l’article 96, paragraphe 2, dudit [code] ?

5)

Faut-il interpréter l’article 94, paragraphe 1, l’article 96, paragraphe 1, et l’article 213 du [code des douanes] en ce sens que le bureau de douane d’un État membre est tenu de mettre en cause la responsabilité solidaire de l’ensemble des personnes qui, parallèlement au principal obligé, doivent, dans un cas d’espèce, être considérées comme redevables de la dette douanière, conformément aux dispositions [de ce code] ?

6)

En cas de réponse affirmative à la question qui précède, et si la législation d’un État membre lie en principe l’obligation de payer la [TVA] afférente à l’importation d’un bien au régime de mise en libre pratique des marchandises, faut-il interpréter les articles 201, 202 et 205 de la [directive TVA] en ce sens que l’État membre a l’obligation de déclarer solidairement responsables du paiement de la [TVA] l’ensemble des personnes qui doivent, dans un cas d’espèce, être considérées comme redevables de la dette douanière conformément aux dispositions du [code des douanes] ?

7)

En cas de réponse affirmative à la cinquième et/ou à la sixième question, faut-il interpréter l’article 96, paragraphe 1, et l’article 213 du [code des douanes] ainsi que les articles 201, 202 et 205 de la [directive TVA] en ce sens que, si le bureau de douane, de manière erronée, n’a pas, aux fins du paiement de la dette douanière, mis en cause la responsabilité solidaire de l’une des personnes redevables conjointement avec le principal obligé, cela pourrait en soi justifier que ce dernier soit dispensé d’avoir à répondre de la dette douanière ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

39

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes doit être interprété en ce sens que cette disposition s’applique dans le cas où le volume total de la marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe n’a pas été présenté au bureau de douane de destination prévu dans le cadre de ce régime, en raison de la destruction totale ou de la perte irrémédiable d'une partie de cette marchandise, démontrée de manière satisfaisante.

40

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes, fait naître une dette douanière à l'importation la soustraction d'une marchandise passible de droits à l'importation à la surveillance douanière.

41

Conformément à la jurisprudence de la Cour, la notion de « soustraction à la surveillance douanière », figurant à l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes, doit être entendue comme comprenant tout acte ou omission qui a pour résultat d’empêcher, ne serait-ce que momentanément, l’autorité douanière compétente d’accéder à une marchandise sous surveillance douanière et d’effectuer les contrôles prévus à l’article 37, paragraphe 1, de ce code (arrêts du 1er février 2001, WandelD. , C‑66/99, EU:C:2001:69, point 47, ainsi que du 12 juin 2014, ZollagenturSEK , C‑75/13, EU:C:2014:1759, point 28 et jurisprudence citée).

42

Ainsi, constitue une soustraction d'une marchandise à la surveillance douanière, au sens de l’article 203, paragraphe 1, dudit code, tout retrait, non autorisé par l’autorité douanière compétente, d'une marchandise soumise à la surveillance douanière du lieu de dépôt agréé, tant non intentionnel qu’intentionnel, comme un vol (voir, en ce sens, arrêts du 1er février 2001, WandelD. , C‑66/99, EU:C:2001:69, points 48 et 50 ; du 12 février 2004, Hamann International, C‑337/01, EU:C:2004:90, point 36, ainsi que du 11 juillet 2013, Harry Winston, C‑273/12, EU:C:2013:466, points 30 et 33). De même, la Cour a jugé qu’une marchandise placée en dépôt temporaire doit être considérée comme soustraite à la surveillance douanière si elle est déclarée en régime de transit communautaire externe, mais qu’elle ne quitte pas le dépôt et n’est pas présentée au bureau de douane de destination, alors que les documents de transit ont été présentés à ce dernier (arrêt du 12 juin 2014, ZollagenturSEK , C‑75/13, EU:C:2014:1759, point 33).

43

En l'occurence, il ressort de la décision de renvoi que le bureau de douane de destination a constaté un déficit de fret, à savoir du solvant, de 2448 kg, en raison du fait que le dispositif de déchargement inférieur du wagon-citerne concerné n’avait pas été correctement fermé ou avait été endommagé. À cet égard, selon la juridiction de renvoi, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) n’a pas déterminé de manière plus précise les circonstances de cette perte du fret.

44

En tout état de cause, la juridiction de renvoi se place dans l'hypothèse d’une destruction totale ou d’une perte irrémédiable de la marchandise.

45

À cet égard, conformément à l'article 37, paragraphe 1, du code des douanes, une marchandise soumise à la surveillance douanière peut faire l’objet de contrôles douaniers.

46

De tels contrôles ont notamment pour objectif, conformément à l'article 4, point 14, de ce code, de garantir l'application correcte de la réglementation douanière et ils peuvent comporter, entre autres, la vérification des marchandises, des informations figurant dans les déclarations, de l'existence et de l'authenticité des documents ainsi que le contrôle des moyens de transport.

47

Or, conformément à la jurisprudence de la Cour citée aux points 41 et 42 du présent arrêt, la disparition d'une partie de la marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe peut, en principe, constituer une soustraction de celle-ci à la surveillance douanière, au sens de l’article 203, paragraphe 1, dudit code, dans la mesure où, dans ce cas de figure, les autorités douanières sont effectivement empêchées d’accéder à cette partie de la marchandise et d’effectuer les contrôles prévus à l’article 37, paragraphe 1, du même code.

48

Cependant, l’application de l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes est justifiée lorsque la disparition de la marchandise présente un risque que celle-ci soit intégrée, sans être dédouanée, dans le circuit économique de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 20 janvier 2005, Honeywell Aerospace, C‑300/03, EU:C:2005:43, point 20, ainsi que du 15 mai 2014, X, C‑480/12, EU:C:2014:329, points 35 et 36).

49

Or, tel n'est pas le cas de la disparition d'une marchandise en raison de sa destruction totale ou sa perte irrémédiable, cette dernière étant définie, en vertu de l'article 206, paragraphe 1, second alinéa, du code des douanes, comme l’impossibilité d'utiliser la marchandise par quiconque, en cas de fuite d'un liquide, tel que le solvant en cause au principal, hors d'une citerne lors du transport de celui-ci. En effet, une marchandise qui n’existe plus ou est inutilisable par quiconque ne saurait, en raison de ce seul fait, être intégrée dans le circuit économique de l’Union.

50

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 203, paragraphe 1, du code des douanes doit être interprété en ce sens que cette disposition ne s’applique pas dans le cas où le volume total de la marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe n’a pas été présenté au bureau de douane de destination prévu dans le cadre de ce régime, en raison de la destruction totale ou de la perte irrémédiable d'une partie de cette marchandise, démontrée de manière satisfaisante.

Sur la deuxième question

51

Par sa deuxième question, posée dans l’hypothèse d’une réponse négative à la première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 204, paragraphe 1, sous a), et l’article 206 du code des douanes doivent être interprétés en ce sens que ces dispositions trouvent à s’appliquer dans le cas où le volume total de la marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe n’a pas été présenté au bureau de douane de destination prévu dans le cadre de ce régime, en raison de la destruction totale ou de la perte irrémédiable d'une partie de cette marchandise, démontrée de manière satisfaisante.

52

À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que les articles 203 et 204 du code des douanes ont des champs d’application distincts. Il ressort du libellé de l'article 204 de ce code que cet article ne peut trouver à s'appliquer que dans les cas qui ne relèvent pas de l'article 203 dudit code, dont l’applicabilité aux faits en cause est examinée en premier lieu (arrêts du 12 février 2004, Hamann International, C‑337/01, EU:C:2004:90, points 28 à 30, ainsi que du 29 octobre 2015, B & S Global Transit Center, C‑319/14, EU:C:2015:734, points 25 à 27).

53

Or, conformément à la réponse apportée à la première question, l'article 203, paragraphe 1, du code des douanes n'ayant pas, en l’occurrence, vocation à s'appliquer, il convient de vérifier si la situation en cause au principal relève de l’article 204, paragraphe 1, sous a), de ce code.

54

En vertu de cette dernière disposition, fait naître une dette douanière à l’importation l’inexécution, dans des cas autres que ceux visés à l'article 203 du code des douanes, de l'une des obligations qu'entraîne pour une marchandise passible de droits à l'importation l'utilisation du régime douanier sous lequel elle a été placée.

55

S'agissant du régime du transit communautaire externe, fait partie de ces obligations, en vertu de l'article 96, paragraphe 1, sous a), de ce code, notamment la présentation en douane, au bureau de douane de destination, d'une marchandise intacte.

56

Il y a lieu de constater, à cet égard, que dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la présentation au bureau de douane de destination d’un volume de marchandise inférieur à celui déclaré sous le régime du transit communautaire externe au bureau de douane de départ, à la suite de la destruction totale ou de la perte irrémédiable d’une partie de celle-ci, ne saurait être considérée comme la présentation d'une marchandise intacte, au sens de l'article 96, paragraphe 1, sous a), dudit code.

57

Il s'ensuit qu'une telle présentation doit être qualifiée, au sens de l'article 204, paragraphe 1, sous a), du même code, d’inexécution d’une des obligations liées au régime du transit communautaire externe, ce qui fait naître, en principe, la dette douanière à l'importation pour la partie de la marchandise qui n’a pas été présentée au bureau de douane de destination.

58

Cependant, il convient de relever que l'article 206, paragraphe 1, du code des douanes prévoit que, par dérogation à l’article 204, paragraphe 1, sous a), de ce code, aucune dette douanière à l'importation n'est réputée prendre naissance à l'égard d'une marchandise déterminée, lorsque l'intéressé apporte la preuve que l'inexécution des obligations qui découlent de l'utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée résulte de la destruction totale ou de la perte irrémédiable de ladite marchandise pour une cause dépendant de la nature même de la marchandise ou par suite d'un cas fortuit ou de force majeure.

59

Par conséquent, il importe de vérifier si la fuite d'un liquide, tel qu’un solvant, hors d'une citerne, en raison du fait que le dispositif de déchargement inférieur du wagon-citerne concerné n’avait pas été correctement fermé ou avait été endommagé, peut être qualifiée de cas fortuit ou de force majeure.

60

À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle la notion de « force majeure » n’ayant pas un contenu identique dans les divers domaines d’application du droit de l’Union, sa signification doit être déterminée en fonction du cadre légal dans lequel elle est destinée à produire ses effets (arrêts du 18 décembre 2007, Société Pipeline Méditerranée et Rhône, C‑314/06, EU:C:2007:817, point 25, ainsi que du 14 juin 2012, CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 26).

61

Dans le contexte de la réglementation douanière, les notions de « force majeure » et de « cas fortuit » se caractérisent toutes deux par un élément objectif, relatif à l’existence de circonstances anormales et étrangères à l’opérateur, et un élément subjectif, tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2007, Société Pipeline Méditerranée et Rhône, C‑314/06, EU:C:2007:817, point 24 ; du 14 juin 2012, CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 28 ; ordonnance du 21 septembre 2012, /OHMINoscira, C‑69/12 P, non publiée, EU:C:2012:589, point 39 ; ordonnance du président de la Cour du 30 septembre 2014, /CommissionGęsina B. i W. Faktor, C‑138/14 P, non publiée, EU:C:2014:2256, point 19, ainsi que arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 192).

62

Par ailleurs, l'article 206, paragraphe 1, du code des douanes constituant une dérogation à la règle établie à l'article 204, paragraphe 1, sous a), de celui-ci, les notions de « force majeure » et de « cas fortuit », au sens de la première de ces dispositions, doivent être interprétées de manière stricte (voir, par analogie, arrêts du 14 juin 2012, CIVAD, C‑533/10, EU:C:2012:347, point 24 ; du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, points 190 et 191, ainsi que du 25 janvier 2017, Vilkas, C‑640/15, EU:C:2017:39, point 56).

63

Or, à la lumière des critères formulés au point 61 du présent arrêt, force est de constater qu'une fuite de solvant, telle que celle en cause au principal, dans l'hypothèse où elle a été provoquée par la fermeture incorrecte d'un dispositif de déchargement, doit être considérée non pas comme une circonstance anormale ou étrangère à l’opérateur actif dans le domaine du transport des substances liquides, mais plutôt comme la conséquence d'un manquement à la diligence normalement requise dans le cadre de l’activité de cet opérateur, de telle sorte que ni l’élément objectif ni l’élément subjectif, qui caractérisent les notions de « force majeure » et de « cas fortuit », visés audit point ne sont, en l’occurrence, réunis.

64

Quant à l'hypothèse de l’endommagement d'un dispositif de déchargement, il ne peut être exclu que cette circonstance soit de nature à satisfaire aux critères énoncés au point 61 du présent arrêt si elle s’avère anormale et étrangère à un tel opérateur et si ses conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées. Toutefois, c’est à la juridiction nationale qu’il appartient de vérifier si ces critères sont réunis. Dans le cadre de cette vérification, cette juridiction doit notamment prendre en compte le respect, par des opérateurs tels que le principal obligé et le transporteur, des règles et des exigences en vigueur en ce qui concerne l’état technique des citernes et la sécurité du transport de substances liquides telles qu'un solvant.

65

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l'article 204, paragraphe 1, sous a), du code des douanes doit être interprété en ce sens que, lorsque le volume total de la marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe n’a pas été présenté au bureau de douane de destination prévu dans le cadre de ce régime, en raison de la destruction totale ou de la perte irrémédiable d'une partie de cette marchandise, démontrée de manière satisfaisante, cette situation, constituant l’inexécution de l’une des obligations liées à ce régime, à savoir celle de présenter une marchandise intacte au bureau de douane de destination, fait naître, en principe, une dette douanière à l'importation pour la partie de la marchandise qui n’a pas été présentée à ce bureau. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si une circonstance telle que l’endommagement d'un dispositif de déchargement satisfait, en l'occurence, aux critères caractérisant les notions de « force majeure » et de « cas fortuit », au sens de l'article 206, paragraphe 1, du code des douanes, à savoir si elle s’avère anormale pour un opérateur actif dans le domaine du transport des substances liquides et étrangère à celui-ci, et si ses conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées. Dans le cadre de cette vérification, cette juridiction doit notamment prendre en compte le respect, par des opérateurs tels que le principal obligé et le transporteur, des règles et des exigences en vigueur en ce qui concerne l’état technique des citernes et la sécurité du transport de substances liquides telles qu'un solvant.

Sur la troisième question

66

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, sous d), ainsi que les articles 70 et 71 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que la TVA est due pour la partie totalement détruite ou irrémédiablement perdue d'une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe.

67

En vertu de l'article 2, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA, sont soumises à la TVA les importations de biens. L’article 70 de cette directive pose pour principe que le fait générateur intervient et la TVA devient exigible au moment où l’importation de biens est effectuée. Ainsi, l’article 71, paragraphe 1, de cette directive prévoit, à son premier alinéa, que, lorsque des biens relèvent, depuis leur introduction dans l’Union, du régime du transit communautaire externe, le fait générateur et l’exigibilité de la TVA n’interviennent qu’au moment où ces biens sortent de ce dernier régime (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Harry Winston, C‑273/12, EU:C:2013:466, point 40).

68

Il découle de ces dispositions que la destruction totale ou la perte irrémédiable d'une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe ne sont susceptibles de faire intervenir le fait générateur et l’exigibilité de la TVA que lorsqu'elles peuvent être assimilées à la sortie d'une telle marchandise de ce régime.

69

À cet égard, force est de constater que la TVA étant par nature une taxe sur la consommation, elle s’applique aux biens et aux services qui entrent dans le circuit économique de l’Union et peuvent faire l’objet d’une consommation (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2013, Plavoşin et Tulică, C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 35, ainsi que du 2 juin 2016, Distribution et DHL Hub LeipzigEurogate, C‑226/14 et C‑228/14, EU:C:2016:405, point 65).

70

Dès lors, la sortie d'une marchandise du régime du transit communautaire externe, faisant intervenir le fait générateur et l’exigibilité de la TVA, doit être comprise comme visant l’intégration de cette marchandise dans le circuit économique de l’Union, ce qui est exclu dans le cas d'une marchandise inexistante ou inutilisable par quiconque (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2010, Logistik ogDansk Transport , C‑230/08, EU:C:2010:231, points 93 et 96).

71

Par conséquent, dans la mesure où une marchandise totalement détruite ou irrémédiablement perdue pendant qu’elle se trouvait placée sous le régime du transit communautaire externe ne peut intégrer le circuit économique de l'Union et, partant, ne peut sortir de ce régime, elle ne peut être considérée comme étant « importée », au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA, ni être soumise à la TVA à ce titre.

72

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 2, paragraphe 1, sous d), ainsi que les articles 70 et 71 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que la TVA n'est pas due pour la partie totalement détruite ou irrémédiablement perdue d'une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe.

Sur la quatrième question

73

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées de l'article 96, paragraphe 1, sous a), et de l'article 204, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, du code des douanes doivent être interprétées en ce sens que le principal obligé est redevable du paiement de la dette douanière née à l’égard d'une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe, même si le transporteur n'a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 96, paragraphe 2, de ce code, notamment celle de présenter cette marchandise intacte au bureau de douane de destination, dans le délai prescrit.

74

Conformément aux dispositions combinées de l’article 96, paragraphe 1, sous a), et de l’article 204, paragraphe 1, sous a), dudit code, fait naître une dette douanière à l’importation le fait de ne pas présenter en douane, au bureau de douane de destination, intacte une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe. En vertu de l'article 204, paragraphe 3, du même code, le débiteur de la dette douanière est la personne qui doit exécuter les obligations qu'entraîne l'utilisation de ce régime.

75

Ainsi, en vertu de l'article 96, paragraphe 1, du code des douanes, il appartient au principal obligé de présenter en douane ladite marchandise intacte au bureau de douane de destination. Selon l'article 96, paragraphe 2, de ce code, sans préjudice des obligations du principal obligé, le transporteur de ladite marchandise est également tenu de présenter celle-ci intacte au bureau de douane de destination.

76

À cet égard, la Cour a déjà jugé que l’article 204 dudit code vise à assurer une application correcte de la réglementation douanière. En effet, en vertu de l’article 96, paragraphe 1, et de l’article 204, paragraphe 1, du même code, le principal obligé, en sa qualité de titulaire du régime du transit communautaire externe, est le débiteur de la dette douanière résultant de l’inobservation des dispositions relatives à ce régime. La responsabilité ainsi imputée au principal obligé vise à assurer une application diligente et uniforme des dispositions relatives à ce régime et le bon déroulement des opérations de transit, dans l’intérêt de la protection des intérêts financiers de l’Union et de ses États membres (arrêt du 15 juillet 2010, DSV Road, C‑234/09, EU:C:2010:435, point 30 et jurisprudence citée).

77

De même, cette responsabilité est indépendante de la bonne foi du principal obligé et du fait que l’infraction au régime du transit communautaire externe résulte d’un fait qui est étranger à celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2008, Münch & Militzer, C‑230/06, EU:C:2008:186, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

78

En outre, ladite responsabilité n'est pas remise en cause par le fait qu'elle s’étend, en vertu de l'article 96, paragraphe 2, du code des douanes, également à d'autres personnes, telles que le transporteur d'une marchandise, dans la mesure où les dispositions de ce code relatives au régime du transit communautaire externe ne prévoient aucune exonération à ce titre au profit du principal obligé. En effet, il découle du libellé de l'article 96, paragraphe 2, dudit code que l'obligation du transporteur d'une marchandise de présenter celle-ci intacte au bureau de douane de destination reste « [s]ans préjudice des obligations du principal obligé » à cet égard.

79

Il s'ensuit que le principal obligé est redevable du paiement de la dette douanière née à l’égard d'une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe, même si le transporteur n'a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 96, paragraphe 2, du même code.

80

Cela étant, cette conclusion n’implique pas nécessairement que le principal obligé est le seul redevable du paiement de cette dette douanière.

81

En effet, ainsi qu’il découle des points 74 et 75 du présent arrêt, si le transporteur a manqué à son obligation de présenter intacte une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe au bureau de douane de destination, il doit être également considéré, de ce fait, comme étant le débiteur de la dette douanière, ce qui implique que, en vertu de l’article 213 du code des douanes, il est, avec le principal obligé, tenu au paiement de cette dette à titre solidaire.

82

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que les dispositions combinées de l'article 96, paragraphe 1, sous a), et de l'article 204, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, du code des douanes doivent être interprétées en ce sens que le principal obligé est redevable du paiement de la dette douanière née à l’égard d'une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe, même si le transporteur n'a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 96, paragraphe 2, de ce code, notamment celle de présenter cette marchandise intacte au bureau de douane de destination, dans le délai prescrit.

Sur la cinquième question

83

Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 96, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, l’article 204, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, ainsi que l’article 213 du code des douanes doivent être interprétés en ce sens que l’autorité douanière d’un État membre a l’obligation d’engager la responsabilité solidaire du transporteur qui, parallèlement au principal obligé, doit être considéré comme redevable de la dette douanière.

84

À cet égard, il convient de relever que l’article 213 du code des douanes affirme le principe de solidarité en cas de pluralité de débiteurs pour une même dette douanière, sans qu'une règle plus précise relative à la mise en œuvre de cette solidarité soit prévue dans d’autres dispositions de ce code ni dans les dispositions d’application de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2011, .e.a Berel, C‑78/10, EU:C:2011:93, points 42 et 43).

85

Or, il découle de la nature même de la responsabilité solidaire que chaque débiteur est responsable du montant total de la dette et que le créancier reste, en principe, libre de demander le paiement de cette dette à un ou à plusieurs débiteurs de son choix.

86

Ainsi qu'il résulte des points 76 à 79 et 82 du présent arrêt, en vertu de l'article 96, paragraphe 1, sous a), et de l'article 204, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, du code des douanes, le principal obligé est redevable du paiement de la dette douanière née à l’égard d'une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe, même si le transporteur n'a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 96, paragraphe 2, du même code.

87

Il s'ensuit que le code des douanes, en consacrant cette responsabilité objective du principal obligé, établit un mécanisme juridique de base facilitant, notamment, le bon déroulement des opérations de transit, dans l’intérêt de la protection des intérêts financiers de l’Union et de ses États membres (arrêt du 15 juillet 2010, DSV Road, C‑234/09, EU:C:2010:435, point 30 et jurisprudence citée).

88

À cet égard, la Cour a précisé que le mécanisme de solidarité prévu à l'article 213 de ce code constitue un instrument juridique supplémentaire mis à la disposition des autorités nationales, afin de renforcer l’efficacité de leur action en matière de recouvrement de la dette douanière et de protection des ressources propres de l’Union (arrêt du 17 février 2011, .e.a Berel, C‑78/10, EU:C:2011:93, point 48).

89

Par conséquent, il y a lieu de constater que, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, l'autorité douanière d’un État membre est, certes, tenue d’engager la responsabilité du principal obligé. Cependant, il découle de la nature du mécanisme de solidarité visé au point 85 du présent arrêt que cette autorité a la faculté, mais non l’obligation, d’engager la responsabilité solidaire du transporteur.

90

Il convient de préciser, à cet égard, que le fait que l’autorité douanière d’un État membre ne demande pas, au titre de cette responsabilité solidaire, au transporteur de payer la dette douanière ne préjuge en rien du droit du principal obligé d’engager une action récursoire contre le transporteur.

91

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la cinquième question que l’article 96, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, l’article 204, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, ainsi que l’article 213 du code des douanes doivent être interprétés en ce sens que l’autorité douanière d’un État membre n'a pas l’obligation d'engager la responsabilité solidaire du transporteur qui, parallèlement au principal obligé, doit être considéré comme redevable de la dette douanière.

Sur les sixième et septième questions

92

Eu égard à la réponse apportée à la cinquième question, il n’y a pas lieu de répondre aux sixième et septième questions.

Sur les dépens

93

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 203, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, doit être interprété en ce sens que cette disposition ne s’applique pas dans le cas où le volume total de la marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe n’a pas été présenté au bureau de douane de destination prévu dans le cadre de ce régime, en raison de la destruction totale ou de la perte irrémédiable d'une partie de cette marchandise, démontrée de manière satisfaisante.

 

2)

L'article 204, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 648/2005, doit être interprété en ce sens que, lorsque le volume total de la marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe n’a pas été présenté au bureau de douane de destination prévu dans le cadre de ce régime, en raison de la destruction totale ou de la perte irrémédiable d'une partie de cette marchandise, démontrée de manière satisfaisante, cette situation, constituant l’inexécution de l’une des obligations liées à ce régime, à savoir celle de présenter une marchandise intacte au bureau de douane de destination, fait naître, en principe, une dette douanière à l'importation pour la partie de la marchandise qui n’a pas été présentée à ce bureau. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si une circonstance telle que l’endommagement d'un dispositif de déchargement satisfait, en l'occurence, aux critères caractérisant les notions de «force majeure » et de « cas fortuit », au sens de l'article 206, paragraphe 1, du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 648/2005, à savoir si elle s’avère anormale pour un opérateur actif dans le domaine du transport des substances liquides et étrangère à celui-ci, et si ses conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées. Dans le cadre de cette vérification, cette juridiction doit notamment prendre en compte le respect, par des opérateurs tels que le principal obligé et le transporteur, des règles et des exigences en vigueur en ce qui concerne l’état technique des citernes et la sécurité du transport de substances liquides telles qu'un solvant.

 

3)

L’article 2, paragraphe 1, sous d), ainsi que les articles 70 et 71 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que cette taxe n'est pas due pour la partie totalement détruite ou irrémédiablement perdue d'une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe.

 

4)

Les dispositions combinées de l'article 96, paragraphe 1, sous a), et de l'article 204, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 648/2005, doivent être interprétées en ce sens que le principal obligé est redevable du paiement de la dette douanière née à l’égard d'une marchandise placée sous le régime du transit communautaire externe, même si le transporteur n'a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 96, paragraphe 2, de ce règlement, notamment celle de présenter cette marchandise intacte au bureau de douane de destination, dans le délai prescrit.

 

5)

L’article 96, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, l’article 204, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, ainsi que l’article 213 du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 648/2005, doivent être interprétés en ce sens que l'autorité douanière d’un État membre n'a pas l’obligation d'engager la responsabilité solidaire du transporteur qui, parallèlement au principal obligé, doit être considéré comme redevable de la dette douanière.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le letton.