ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

4 mai 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Fiscalité — Taxe sur la valeur ajoutée — Directive 2006/112/CE — Article 148, sous d) — Exonération — Prestations de services effectuées pour les besoins directs des bateaux affectés à la navigation en haute mer et de leur cargaison — Levage de cargaison effectué par un sous-traitant pour le compte d’un intermédiaire»

Dans l’affaire C‑33/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême, Finlande), par décision du 15 janvier 2016, parvenue à la Cour le 20 janvier 2016, dans la procédure engagée par

A Oy

en présence de :

Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský (rapporteur), faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 octobre 2016,

considérant les observations présentées :

pour A Oy, par Mmes R. Nyrhinen et M. Pokkinen,

pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes E. Tsaousi et K. Nasopoulou, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et M. de Ree, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par Mme A. Kramarczyk-Szaładzińska et M. B. Majczyna, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme M. Owsiany-Hornung et M. P. Aalto, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 décembre 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 148, sous d), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige engagé par A Oy au sujet du bien-fondé d’un rescrit que la Keskusverolautakunta (Commission fiscale centrale, Finlande) a adopté et selon lequel les services de levage de cargaison sur un bateau ou à partir d’un bateau, réalisés par un sous-traitant qui les facture à l’entreprise contractante et non pas directement à l’armateur, ne peuvent pas bénéficier de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévue à l’article 148, sous d), de la directive 2006/112.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

La directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 91/680/CEE, du Conseil, du 16 décembre 1991 (JO 1991, L 376, p. 1) (ci-après la « sixième directive »), comportait un article 15 qui prévoyait :

« Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels :

1.

les livraisons de biens expédiés ou transportés, par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté ;

[...]

5.

les livraisons, transformations, réparations, entretien, affrètements et locations de bateaux de mer visés au point 4 sous a) et b), ainsi que les livraisons, locations, réparations et entretien des objets — y compris l’équipement de pêche — incorporés à ces bateaux ou servant à leur exploitation ;

[...]

8.

les prestations de services, autres que celles visées au point 5, effectuées pour les besoins directs des bateaux de mer y visés et de leur cargaison ;

[...] »

4

La sixième directive a été abrogée et remplacée par la directive 2006/112, entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

5

L’article 28 de la directive 2006/112 prévoit :

« Lorsqu’un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question. »

6

L’article 131 de la directive 2006/112 dispose :

« Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 [du titre IX] s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels. »

7

Le chapitre 7 du titre IX de cette directive est intitulé « Exonérations liées aux transports internationaux ». Il inclut l’article 148 de ladite directive qui énonce :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

a)

les livraisons de biens destinés à l’avitaillement des bateaux affectés à la navigation en haute mer et assurant un trafic rémunéré de voyageurs ou à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou de pêche, ainsi que des bateaux de sauvetage et d’assistance en mer et des bateaux affectés à la pêche côtière sauf, pour ces derniers, les provisions de bord ;

[...]

c)

les livraisons, transformations, réparations, entretien, affrètements et locations des bateaux visés au point a), ainsi que les livraisons, locations, réparations et l’entretien des objets, y compris l’équipement de pêche, incorporés à ces bateaux ou servant à leur exploitation ;

d)

les prestations de services, autres que celles visées au point c), effectuées pour les besoins directs des bateaux visés au point a) et de leur cargaison ;

[...] »

Le droit finlandais

8

L’article 71, point 3, de l’Arvonlisäverolaki 1501/1993 (loi 1501/1993 relative à la taxe sur la valeur ajoutée), du 30 décembre 1993, dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après l’« AVL »), prévoit :

« L’impôt n’est pas prélevé sur les ventes suivantes :

[...]

3)

la vente de services sur un navire ou dans un aéronef participant au trafic international aux personnes lors de leurs déplacements à l’étranger ainsi que la vente de services pour les besoins directs d’un tel navire ou de sa cargaison ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

A est une filiale de B Oy. Elle exerce ses activités dans deux ports où elle vend des prestations de chargement et de déchargement, d’entreposage, d’agence maritime et d’expédition.

10

Parmi les prestations fournies par A figure le levage de cargaison de bateaux affectés à la navigation en haute mer et assurant l’exercice d’une activité commerciale. En pratique, le levage est réalisé par un sous-traitant qui les facture à A, laquelle les refacture à son donneur d’ordre qui, selon les cas, peut être B, le détenteur des marchandises, le chargeur, l’entreprise de transit ou l’armateur. Les informations détaillées concernant le bateau et la cargaison concernés sont transmises au sous-traitant et mentionnées tant sur la facture reçue par A que sur celle émise par cette société.

11

A a formé une demande de rescrit fiscal auprès de la Commission fiscale centrale, aux fins de savoir si, en application de l’article 71, point 3, de l’AVL, les opérations de levage de cargaison réalisées en sous-traitance pour le compte de ses clients pouvaient être exonérées de la TVA.

12

Par décision du 1er octobre 2014, la Commission fiscale centrale a indiqué à A que les services de levage de cargaison ne doivent pas être considérés comme des services exonérés de TVA au sens de l’article 71, point 3, de l’AVL, transposant l’article 148, sous a), c) et d), de la directive 2006/112, car les prestations de services fournies à des bateaux opérant en trafic international ou à leur cargaison ne peuvent être exonérées de TVA que si elles interviennent au stade final de commercialisation des services en cause. Or, dans l’hypothèse envisagée dans la demande, les services de levage sont fournis à un stade antérieur.

13

A a formé un pourvoi contre cette décision devant le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême, Finlande) au motif que celle-ci méconnaît l’article 148, sous d), de la directive 2006/112, cette disposition devant être interprétée en ce sens que les prestations de services liées, par leur nature, aux besoins directs d’un bateau et de sa cargaison, telles que des services de levage de cargaison, doivent être exonérées de TVA, indépendamment de la personne qui vend ou qui achète ces prestations.

14

En défense, l’administration fiscale finlandaise s’est fondée notamment sur l’arrêt de la Cour du 14 septembre 2006, Elmeka (C‑181/04 à C‑183/04, EU:C:2006:563), pour soutenir que l’exonération de TVA prévue par ladite disposition ne s’applique qu’au stade final de commercialisation des services en cause.

15

La juridiction de renvoi estime cependant que ledit arrêt ne permet pas de répondre à la question de savoir si, lorsqu’il ressort de la nature même du service en cause que ce dernier est lié aux besoins directs de bateaux affectés à la navigation en haute mer et de leur cargaison, il demeure nécessaire, pour que l’exonération de TVA s’applique, que ce service soit facturé directement à l’armateur.

16

C’est dans ces conditions que le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Convient-il d’interpréter l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 en ce sens que les services de levage de cargaison sur un bateau ou à partir d’un bateau sont des prestations de services effectuées pour les besoins directs de la cargaison des bateaux visés au point a) du même article ?

2)

Considération prise des termes du point 24 de l’arrêt [du14 septembre 2006,Elmeka, C‑181/04 à C‑183/04, EU:C:2006:563] selon lesquels l’exonération prévue par la disposition en cause ne pouvait être étendue aux services fournis à un stade antérieur de commercialisation, convient-il d’interpréter l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 en ce sens qu’il s’applique aussi au service en cause, dans lequel la prestation fournie par un sous-traitant de [...] A [...] au cours d’une première phase d’opérations porte sur un service qui est matériellement en rapport direct avec la cargaison et que [...] A [...] refacture à l’entreprise de transit ou à l’entreprise de transport ?

3)

Considération prise des termes du point 24 [dudit arrêt], selon lesquels l’exonération prévue par la disposition en cause ne s’appliquait qu’aux prestations de services fournies à l’armateur, convient-il d’interpréter la règle de l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 en ce sens que cette exonération ne peut pas s’appliquer si le service est fourni au détenteur de la cargaison, tel que l’exportateur ou l’importateur du bien concerné ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

17

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les services de levage de cargaison sur ou vers un bateau ou à partir de celui-ci sont des services effectués pour les besoins directs de la cargaison des bateaux visés à l’article 148, sous a), de cette directive.

18

À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 148, sous d), de la directive 2006/112, sont exonérées de TVA les prestations de services, autres que celles visées au point c) de cet article, effectuées pour les besoins directs des bateaux visés au point a) dudit article et de leur cargaison.

19

Ainsi, il résulte du libellé dudit article 148, sous d), que, pour être l’un de ces « autres services », cette disposition exige, d’une part, que les services en cause soient réalisés pour les besoins directs d’un bateau et de sa cargaison et, d’autre part, que ce bateau soit l’un de ceux visés à l’article 148, sous a), de cette directive.

20

S’agissant de la seconde de ces deux conditions, la juridiction de renvoi semble considérer que, dans l’affaire au principal, celle-ci est remplie, ce qu’il lui appartient de vérifier.

21

En ce qui concerne la première condition, il convient de relever que l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 ne précise pas comment doit être comprise la notion de « besoins directs d’un bateau et de sa cargaison ». Dans ces conditions, il y a lieu d’interpréter cette notion au regard du contexte dans lequel cet article 148, sous d), s’insère.

22

À cet égard, il convient de relever que l’article 148, sous c), de la directive 2006/112, auquel l’article 148, sous d), de cette directive renvoie expressément, vise, à l’instar de ce dernier, à exonérer des services liés au transport maritime international et se réfère, pour désigner ces services, aux mêmes bateaux, à savoir ceux visés au point a) de ce même article. Ces deux dispositions étant ainsi similaires et complémentaires, il convient d’interpréter la notion de « besoins directs d’un bateau et de sa cargaison » en s’inspirant de l’économie des dispositions de l’article 148, sous c), de ladite directive.

23

Or, il convient de relever que l’article 148, sous c), de la directive 2006/112 exonère, notamment, les locations, les réparations et l’entretien dès lors que ces derniers portent sur un objet servant à l’exploitation d’un bateau relevant du point a) de cet article. En substance, cet article 148, sous c), érige donc en exigence l’existence d’un lien entre la prestation de services réalisée et l’exploitation du bateau concerné (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 1985, Berkholz, 168/84, EU:C:1985:299, point 21).

24

Les services de levages de cargaison satisfont à cette exigence. En effet, le transport de cargaison constitue une forme habituelle d’exploitation des bateaux affectés à la navigation en haute mer. Or, afin qu’une cargaison puisse être transportée et qu’un bateau puisse être ainsi exploité, il est nécessaire que ladite cargaison soit chargée à bord de ce bateau au port de départ, puis déchargée au port d’arrivée.

25

Dès lors, de tels services doivent être regardés comme répondant aux besoins directs de la cargaison d’un bateau visé à l’article 148, sous a), de la directive 2006/112 et, dans la mesure où ils sont indispensables à l’exploitation du bateau transportant cette cargaison, comme répondant également aux besoins directs de ce bateau.

26

Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que les services de levage de cargaison sur ou vers un bateau ou à partir de celui-ci sont des services effectués pour les besoins directs de la cargaison des bateaux visés à l’article 148, sous a), de cette directive.

Sur les deuxième et troisième questions

27

Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que sont uniquement exonérées les prestations portant sur la réalisation d’un levage de cargaison à bord ou à partir d’un bateau relevant de l’article 148, sous a), de cette directive qui interviennent au stade final de commercialisation d’un tel service, ou si sont également exonérées les prestations réalisées à un stade antérieur, telle une prestation fournie par un sous-traitant à un opérateur économique qui la refacture ensuite à une entreprise de transit ou à une entreprise de transport. La juridiction de renvoi demande également si ledit article 148, sous d), doit être interprété en ce sens que sont également exonérées les prestations de levage de cargaison fournies au détenteur de cette cargaison, tel que l’exportateur ou l’importateur de celle-ci.

28

En premier lieu, il convient de relever que l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 ne se réfère pas, au sujet des prestations de services qu’il vise, à un stade particulier de leur chaîne de commercialisation, ni ne mentionne de personne à qui ces prestations devraient être facturées. Par conséquent, le libellé de cette disposition, à lui seul, ne permet pas de considérer que seraient exclues du bénéfice de l’exonération qu’elle prévoit les prestations de services n’intervenant pas au stade final de commercialisation ou celles facturées à un intermédiaire.

29

Dans ces conditions, il convient d’examiner si une telle exclusion est susceptible de résulter du contexte dans lequel l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 s’insère.

30

À cet égard, conformément à l’article 131 de la directive 2006/112 qui reprend en des termes analogues la première phrase de l’article 15 de la sixième directive, l’exonération prévue à l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 doit pouvoir être mise en œuvre par les États membres d’une façon qui permette son application correcte et simple, ainsi que de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels.

31

Or, dans un tel contexte, la Cour a considéré, au point 24 de l’arrêt du 14 septembre 2006, Elmeka (C‑181/04 à C‑183/04, EU:C:2006:563), auquel se réfère la juridiction de renvoi, que l’exonération prévue à l’article 15, point 8, de la sixième directive, dont le libellé est repris à l’identique à l’article 148, sous d), de la directive 2006/112, ne s’applique qu’aux opérations intervenant au stade final de commercialisation du service en cause.

32

Toutefois, il convient de rappeler que, dans les affaires jointes très particulières ayant donné lieu à l’arrêt du 14 septembre 2006, Elmeka (C‑181/04 à C‑183/04, EU:C:2006:563), étaient en cause des prestations de transport de carburant effectuées pour le compte d’un donneur d’ordres qui vendait ensuite ce carburant à des armateurs. Ainsi, plusieurs opérations devaient être matériellement réalisées avant que l’utilisation de ces prestations de services pour les besoins visés à l’article 15, point 8, de la sixième directive ne soit acquise, une telle utilisation ne devenant certaine qu’une fois le carburant livré aux exploitants des bateaux qui l’utiliseront. Par conséquent, la Cour a constaté, dans cet arrêt, que l’extension de l’exonération prévue à des stades antérieurs de commercialisation de ce service aurait exigé la mise en place de mécanismes de contrôle et de surveillance en vue de s’assurer de la destination ultime dudit carburant. Or, ces mécanismes se seraient traduits par des contraintes qui auraient été inconciliables avec l’application correcte et simple des exonérations.

33

Une telle jurisprudence, adaptée aux particularités des affaires ayant donné lieu audit arrêt, qui concernaient des prestations de services susceptibles d’être détournées de leur finalité, ne saurait être transposée aux situations dans lesquelles, eu égard à sa nature, la finalité d’une prestation de services peut être tenue pour certaine dès que celle-ci est convenue. En effet, dans de telles situations, l’application correcte et simple de l’exonération prévue à l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 est assurée sans que la mise en place de mécanismes de contrôle et de surveillance s’impose.

34

Telle est la situation des services de levage de cargaison, tels que ceux en cause au principal. En effet, il ressort de la réponse à la première question que la vérification du point de savoir si ceux-ci satisfont aux conditions d’application de l’exonération prévue à l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 dépend uniquement du type de bateau sur ou vers lequel ou à partir duquel les levages doivent être effectués. Ainsi, l’utilisation qui est faite de ces services peut être tenue pour acquise dès leurs modalités d’exécution convenues.

35

Aucun autre élément particulier n’étant susceptible de justifier que l’application de l’exonération prévue à l’article 148, sous d), de ladite directive soit limitée au stade final de la chaîne de commercialisation des services en cause, il y a lieu de constater que cette exonération s’applique, s’agissant de services de levage de cargaison, tels que ceux en cause au principal, non seulement aux prestations intervenant au stade final de commercialisation de ces services, mais également à celles réalisées à un stade antérieur.

36

Une telle conclusion est par ailleurs corroborée par l’objectif poursuivi par l’article 148 de la directive 2006/112.

37

En effet, ainsi qu’il découle de l’intitulé du chapitre 7 du titre IX de cette directive, l’objectif poursuivi par ce dernier est d’encourager le transport international de marchandises ou de personnes. Or, interpréter l’exonération prévue à l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 comme ne s’appliquant qu’au dernier stade de la chaîne de commercialisation des services de levage irait à l’encontre d’un tel objectif, puisque, chaque intermédiaire de cette chaîne étant conduit à répercuter sur ses clients le coût de financement de l’avance de trésorerie découlant de l’acquittement de la TVA, cette interprétation entraînerait un renchérissement des prix pratiqués dans le transport international, sans pour autant qu’un tel renchérissement soit justifié par la nécessité de garantir l’application correcte et simple de cette exonération.

38

En deuxième lieu, s’agissant des prestations de levage de cargaison fournies à un opérateur économique, mais refacturées à un autre opérateur, tel qu’une entreprise de transit ou de transport, il est constant que, d’une part, tout opérateur économique est présumé agir en son nom propre. D’autre part, lorsqu’une personne accepte de régler, pour le compte d’autrui, la facture d’une prestation de services, celle-ci peut être considérée comme s’étant entremise dans la réalisation de cette prestation.

39

Or, en vertu de l’article 28 de la directive 2006/112, lorsqu’un assujetti, agissant en son nom propre, mais pour le compte d’autrui, s’entremet dans une prestation de services, il est réputé avoir reçu et fourni personnellement les services en question.

40

Il s’ensuit que, lorsqu’une prestation de levage de cargaison fournie à un opérateur économique est refacturée à une entreprise de transit ou de transport, il y a lieu de considérer, sauf à établir que cette entreprise n’a pas agi en son nom propre, qu’une nouvelle prestation de services a été réalisée, laquelle a eu pour effet de modifier le rang, dans la chaîne de commercialisation de ces services, de la prestation antérieurement fournie.

41

Toutefois, cette circonstance, en elle-même, ne saurait remettre en cause l’application, aux services de levage de cargaison, de l’exonération prévue à l’article 148, sous d), de la directive 2006/112. En effet, dès lors que, ainsi qu’il découle du point 35 du présent arrêt, l’exonération prévue par cette disposition s’applique à de tels services indépendamment du stade de la chaîne de commercialisation auquel la prestation en cause intervient, l’interposition d’une prestation supplémentaire dans cette chaîne est sans incidence sur l’application de ladite exonération.

42

En troisième lieu, en ce qui concerne l’applicabilité de l’exonération prévue à l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 aux prestations de levage qui sont fournies aux détenteurs des cargaisons concernées, dans la mesure où, ainsi qu’il vient d’être rappelé, celle-ci est susceptible de s’appliquer aux services de levage de cargaison indépendamment du stade de la chaîne de commercialisation auquel la prestation en cause intervient, de telles prestations peuvent être exonérées à condition de faire partie de cette chaîne de commercialisation.

43

Or, à cet égard, ainsi que la juridiction de renvoi le souligne, la Cour a jugé, au point 24 de l’arrêt du 14 septembre 2006, Elmeka (C‑181/04 à C‑183/04, EU:C:2006:563), que la chaîne de commercialisation du service qui était en cause dans les affaires ayant donné lieu à cet arrêt prenait fin lorsque ledit service était fourni à l’armateur du bateau concerné.

44

Cela étant, cette solution doit également être replacée dans son contexte. En effet, étaient en cause dans ces affaires des prestations de transport de carburant d’avitaillement. Étant donné que de telles prestations visaient à répondre aux besoins des bateaux concernés sans être directement corrélées aux cargaisons transportées, leur coût ne pouvait donc être répercuté, en tant que tel, sur les détenteurs de ces cargaisons.

45

En revanche, dans le cas de prestations de levage de cargaison, celles–ci étant directement corrélées aux cargaisons transportées et donc leur coût étant répercutable, en tant que tel, sur les détenteurs de ces cargaisons, la fourniture de ces prestations auxdits détenteurs doit être regardée comme faisant toujours partie de la chaîne de commercialisation desdites prestations. Il en résulte que de telles prestations peuvent être exonérées sur le fondement de l’article 148, sous d), de la directive 2006/112.

46

Dans ces conditions, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 148, sous d), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, d’une part, peuvent être exonérées non seulement les prestations portant sur la réalisation d’un levage de cargaison à bord ou à partir d’un bateau relevant de l’article 148, sous a), de cette directive qui interviennent au stade final de commercialisation d’un tel service, mais également les prestations réalisées à un stade antérieur, telle une prestation fournie par un sous-traitant à un opérateur économique qui la refacture ensuite à une entreprise de transit ou à une entreprise de transport, et, d’autre part, peuvent également être exonérées les prestations de levage de cargaison fournies au détenteur de cette cargaison, tel que l’exportateur ou l’importateur de celle-ci.

Sur les dépens

47

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 148, sous d), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que les services de levage de cargaison sur ou vers un bateau ou à partir de celui-ci sont des services effectués pour les besoins directs de la cargaison des bateaux visés à l’article 148, sous a), de cette directive.

 

2)

L’article 148, sous d), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, d’une part, peuvent être exonérées non seulement les prestations portant sur la réalisation d’un levage de cargaison à bord ou à partir d’un bateau relevant de l’article 148, sous a), de cette directive qui interviennent au stade final de commercialisation d’un tel service, mais également les prestations réalisées à un stade antérieur, telle une prestation fournie par un sous-traitant à un opérateur économique qui la refacture ensuite à une entreprise de transit ou à une entreprise de transport, et, d’autre part, peuvent également être exonérées les prestations de levage de cargaison fournies au détenteur de cette cargaison, tel que l’exportateur ou l’importateur de celle-ci.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le finnois