CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 27 février 2018 ( 1 )

Affaire C‑135/16

Georgsmarienhütte GmbH,

Stahlwerk Bous GmbH,

Schmiedag GmbH,

Harz Guss Zorge GmbH

contre

République fédérale d’Allemagne

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main (tribunal administratif de Francfort‑sur‑le‑Main, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel en appréciation de validité – Décision (UE) 2015/1585 de la Commission, du 25 novembre 2014, relative au régime d’aides SA.33995 (2013/C) (ex 2013/NN) – Aide accordée par l’Allemagne en faveur des énergies d’origine renouvelable – Plafonnement du prélèvement EEG en faveur des entreprises grosses consommatrices d’énergie – Recevabilité du renvoi préjudiciel – Application de la jurisprudence TWD – Notion d’“aide d’État” – Avantage – Caractère sélectif de l’aide – Transfert de ressources d’État – Flux financiers en opérateurs privés contrôlés par des pouvoirs publics »

1.

La législation allemande en vigueur depuis le 1er janvier 2012 a instauré un mécanisme de promotion de l’électricité provenant de sources renouvelables (ci‑après l’« électricité EEG »). Plus précisément, cette législation a établi un régime de soutien au profit des producteurs de ce type d’énergie, auxquels elle garantissait, par des tarifs réglementés et des primes de marché, la perception d’un prix plus élevé que celui de l’électricité vendue sur le marché.

2.

Un prélèvement (ci‑après le « prélèvement EEG ») a été approuvé afin de financer ce régime de soutien, prélèvement qui, en pratique, serait payé par les consommateurs finals. Les entreprises ferroviaires et celles consommant de grandes quantités d’électricité (ci‑après les « entreprises énergivores ») ( 2 ) étaient, en principe, également soumises au prélèvement EEG. Le législateur allemand a cependant décidé de diminuer le montant de leur prélèvement, cette mesure visant à contribuer à la diminution des coûts de ces entreprises et, par conséquent, à soutenir leur compétitivité.

3.

Le 25 novembre 2014, la Commission européenne a considéré que la réduction du prélèvement EEG accordée à ces entreprises constituait une aide d’État, qui n’était compatible avec le marché intérieur que si elle respectait certaines conditions détaillées à l’article 3 de la décision (UE) 2015/1585 de la Commission, du 25 novembre 2014, relative au régime d’aides SA.33995 (2013/C) (ex 2013/NN) [appliqué par l’Allemagne en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et des gros consommateurs d’énergie] ( 3 ).

4.

Les aides (sous leur forme de réduction du prélèvement EEG) qui ne respecteraient pas les conditions indiquées dans la décision 2015/1585 ont été déclarées incompatibles avec le marché intérieur. Tel était le cas de certaines entreprises du groupe Georgsmarienhütte GmbH, et les autorités allemandes leur ont immédiatement réclamé, en exécution de cette décision, le remboursement des montants respectivement perçus.

5.

Certaines entreprises obligées de rembourser le montant des aides ont contesté la décision des autorités allemandes devant la juridiction de renvoi, en soutenant que la décision 2015/1585 n’était pas valide. Le gouvernement allemand a quant à lui introduit devant le Tribunal un recours en annulation contre cette même décision (affaire T‑47/15), qui a été rejeté par un arrêt rendu le 10 mai 2016 ( 4 ).

6.

La juridiction de renvoi, réceptive aux arguments des entreprises qui se sont pourvues devant elle pour attaquer la décision 2015/1585, pose une question préjudicielle en appréciation de la validité de cette décision qui soulève de singulières difficultés, tant du point de vue procédural que sur le fond.

7.

En ce qui concerne l’approche procédurale, la Cour devra se prononcer sur l’applicabilité de la jurisprudence TWD Textilwerke Deggendorf ( 5 ) à une affaire telle que celle qui nous occupe, dans laquelle différentes entreprises choisissent de contester devant les juridictions nationales les décisions nationales de récupération des aides déclarées illégales par la Commission.

8.

La Cour devra notamment déterminer a) si elle privilégie le recours direct en annulation et juge irrecevables les renvois préjudiciels ayant un contenu similaire ; ou b) si, à l’inverse, elle accorde aux entreprises la faculté de porter leurs contestations devant les juridictions nationales en les invitant à poser une question préjudicielle en appréciation de la validité de la décision de la Commission déclarant l’aide illégale.

9.

Sur le fond, le litige s’inscrit dans la longue saga des affaires d’aides d’État dans le secteur de l’énergie. La réduction du prélèvement EEG pour certaines entreprises énergivores se situe au croisement des mesures analysées dans la jurisprudence PreussenElektra ( 6 ) et de celles analysées dans la jurisprudence Association Vent De Colère! e.a. ( 7 ). En l’espèce, la Cour devra trancher le débat sur le contrôle étatique plus ou moins important des fonds mobilisés par des opérateurs privés, envisagé en tant qu’élément constitutif de la notion d’« aide d’État ».

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union : la décision 2015/1585

10.

Conformément à l’article 1er de cette décision :

« L’aide d’État en faveur du soutien à la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine, y compris son mécanisme de financement, qui a été octroyée en vertu de la Erneuerbare-Energien-Gesetz de 2012 (ci‑après la “loi EEG de 2012”), illégalement appliquée par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, du traité, est compatible avec le marché intérieur sous réserve de l’exécution par l’Allemagne de l’engagement exposé à l’annexe I. »

11.

Aux termes de l’article 3 de la décision 2015/1585 :

« 1.   L’aide d’État consistant en des réductions du prélèvement destiné à financer le soutien apporté à l’électricité produite à partir de sources renouvelables (ci‑après le “prélèvement EEG”) au cours des années 2013 et 2014 en faveur des gros consommateurs d’énergie (Besondere Ausgleichsregelung, ci‑après la “BesAR”), illégalement appliquée par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, du traité, est compatible avec le marché intérieur pour autant qu’elle relève de l’une des quatre catégories exposées au présent paragraphe.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise qui relève d’un secteur mentionné à l’annexe 3 des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (ci‑après les “lignes directrices de 2014”), elle est compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté au moins 15 % des coûts supplémentaires encourus par les fournisseurs d’électricité en raison des obligations d’acheter de l’énergie produite à partir de sources renouvelables qui sont ensuite répercutés sur leurs clients. Si l’entreprise a acquitté moins de 15 % de ces coûts supplémentaires, l’aide d’État est néanmoins compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté un montant correspondant à au moins 4 % de sa valeur ajoutée brute ou, pour les entreprises présentant une électro-intensité d’au moins 20 %, à au moins 0,5 % de sa valeur ajoutée brute.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise qui ne relève pas d’un secteur mentionné à l’annexe 3 des lignes directrices de 2014 mais qui présentait une électro-intensité d’au moins 20 % en 2012 et relevait, cette année‑là, d’un secteur affichant une intensité des échanges d’au moins 4 % au niveau de l’Union, elle est compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté au moins 15 % des coûts supplémentaires encourus par les fournisseurs d’électricité en raison des obligations d’acheter de l’énergie produite à partir de sources renouvelables qui sont ensuite répercutés sur les consommateurs d’électricité. Si l’entreprise a acquitté moins de 15 % de ces coûts supplémentaires, l’aide d’État est néanmoins compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté un montant correspondant à au moins 4 % de sa valeur ajoutée brute ou, pour les entreprises présentant une électro-intensité d’au moins 20 %, à au moins 0,5 % de sa valeur ajoutée brute.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise éligible au bénéfice d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur sur la base du deuxième ou du troisième alinéa, mais lorsque le montant du prélèvement EEG payé par cette entreprise n’a pas atteint le niveau requis par ces alinéas, les parts suivantes de l’aide sont compatibles avec le marché intérieur :

a)

pour 2013, la part de l’aide qui excède 125 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013;

b)

pour 2014, la part de l’aide qui excède 150 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise non admissible au bénéfice d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur sur la base du deuxième ou du troisième alinéa, et lorsque l’entreprise a acquitté moins de 20 % des coûts supplémentaires du prélèvement sans réduction, les parts suivantes de l’aide sont compatibles avec le marché intérieur :

a)

pour 2013, la part de l’aide qui excède 125 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013 ;

b)

pour 2014, la part de l’aide qui excède 150 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013.

2.   Toute aide qui n’est pas couverte par le paragraphe 1 est incompatible avec le marché intérieur. »

12.

En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la décision 2015/1585 :

« L’Allemagne procède à la récupération auprès des bénéficiaires des aides incompatibles avec le marché intérieur visées à l’article 3, paragraphe 2, selon la méthode décrite à l’annexe III. »

13.

L’article 7 de la décision 2015/1585 impose à l’Allemagne la récupération immédiate et effective de l’aide incompatible avec le marché intérieur, récupération qu’elle devra mener à bien dans les quatre mois de la date de notification de la décision.

B. Le droit allemand : Gesetz zur Neuregelung des Rechtsrahmens für die Förderung der Stromerzeugung aus Erneuerbaren Energien ( 8 )

14.

L’article 40 de la loi EEG de 2012 dispose :

« Le Bundesamt für Wirtschaft und Ausfuhrkontrolle [Office fédéral de l’économie et du contrôle des exportations, ci‑après le “BAFA”] plafonne sur demande, concernant un point de fourniture, le prélèvement EEG, lequel est répercuté par les fournisseurs d’électricité sur des consommateurs finals qui sont des entreprises grosses consommatrices d’énergie du secteur productif, ou des entreprises ferroviaires, conformément aux articles 41 et 42. Le plafonnement a pour but de limiter les coûts énergétiques de ces entreprises et de préserver ainsi leur compétitivité internationale ou intermodale, pour autant que cela ne compromette pas la finalité de la présente loi et que le plafonnement soit compatible avec les intérêts de l’ensemble des consommateurs d’énergie. »

15.

L’article 41 de la loi EEG de 2012 est rédigé comme suit :

« (1)

. Dans le cas d’une entreprise du secteur productif, le plafonnement n’est accordé que pour autant qu’il est établi, et dans la mesure où il est établi, que :

1.

Au cours du dernier exercice clos :

a)

au moins un gigawatt/heure doit avoir acheté auprès d’un fournisseur d’électricité et consommé,

b)

la part des coûts d’électricité par rapport à la valeur ajoutée brute […] de l’entreprise doit avoir été au minimum de 14 pour cent,

c)

la part correspondante du prélèvement EEG doit avoir été transmise à l’entreprise.

2.

Une certification a été effectuée, afin de déterminer et d’évaluer la consommation d’énergie et les potentiels de réduction de cette consommation. Cela ne s’applique pas aux entreprises dont la consommation d’énergie est inférieure à 10 gigawatt/heure.

(2)

Le respect des conditions fixées au paragraphe (1), point 1, est prouvé par les contrats de fourniture d’électricité et les factures d’électricité pour le dernier exercice clos, ainsi que par une attestation d’un expert-comptable, d’un cabinet d’expertise comptable, d’un vérificateur des comptes assermenté ou d’un cabinet de vérification sur la base de la clôture des comptes du dernier exercice. […] Le respect des conditions fixées au paragraphe (1), point 2, est prouvé par le document établi par l’organisme de certification.

[…]

(3)

Pour les entreprises dont l’approvisionnement en électricité au sens du paragraphe (1), point 1, sous a),

1.

s’est élevé à au moins un gigawatt/heure, le prélèvement EEG relatif à l’électricité consommée au point de fourniture concerné au cours de la période de plafonnement

a)

n’est pas plafonné pour la partie inférieure ou égale à 1 gigawatt/heure,

b)

est plafonné, pour la partie comprise entre 1 et 10 gigawatt/heure, à 10 pour cent du prélèvement EEG déterminé par application de l’article 37, paragraphe 2,

c)

est plafonné, pour la partie comprise entre 10 et 100 gigawatt/heure, à un pour cent du prélèvement EEG déterminé par application de l’article 37, paragraphe 2,

d)

est plafonné, pour la partie supérieure à 100 gigawatt/heure, à 0,05 centime par kilowatt/heure ou

2.

[dont l’approvisionnement en électricité] s’est élevé à au moins 100 gigawatt/heure, et dont la part des coûts d’électricité par rapport à la valeur ajoutée brute a été supérieure à 20 pour cent, le prélèvement EEG déterminé par application de l’article 37, paragraphe 2, est plafonné à 0,05 centime par kilowatt/heure.

Les preuves sont apportées par application analogue du paragraphe 2.

(4)

Un point de fourniture est constitué par la somme de tous les appareils électriques d’une entreprise qui sont interdépendants d’un point de vue spatial et physique, qui se trouvent sur des terrains industriels refermés sur soi et qui sont reliés au réseau du gestionnaire de réseau par un ou plusieurs points de prélèvement. »

16.

L’article 43 de la loi EEG de 2012 dispose :

« (1)   La demande au sens de l’article 40, paragraphe 1, lu en combinaison avec les articles 41 ou 42, doit être présentée au plus tard le 30 juin de l’année en cours (délai de forclusion matérielle). La décision porte effet à l’égard du demandeur, du fournisseur d’électricité et du gestionnaire de réseau de transport responsable du réglage. Elle est effective au 1er janvier de l’année suivante et sa durée de validité est d’un an. Les effets créés par une décision antérieure ne sont pas pris en considération lors du calcul de la part des coûts d’électricité par rapport à la valeur ajoutée brute en vertu de l’article 41, paragraphe (1), point 1, sous b), et paragraphe (3).

[…]

(3)   Le droit du gestionnaire de réseau de transport responsable du réglage au paiement du prélèvement EEG à l’encontre des entreprises de fourniture d’électricité concernées est plafonné conformément à la décision du [BAFA]. Les gestionnaires de réseau de transport sont tenus de tenir compte de ce plafonnement dans le contexte de l’article 36. »

17.

Les modalités du prélèvement EEG ont été précisées, en particulier, par le Verordnung zur Weiterentwicklung des bundesweiten Ausgleichsmechanismus (règlement sur le mécanisme de compensation), du 17 juillet 2009 ( 9 ), tel que modifié par l’article 2 du Gesetz zur Änderung des Rechtsrahmens für Strom aus solarer Strahlungsenergie und zu weiteren Änderungen im Recht der erneuerbaren Energien (loi modifiant le cadre juridique applicable à l’énergie issue du rayonnement solaire et modifiant la loi sur les énergies renouvelables), du 17 août 2012 ( 10 ), ainsi que par le Verordnung zur Ausführung der Verordnung zur Weiterentwicklung des bundesweiten Ausgleichsmechanismus (règlement d’application du règlement sur le mécanisme de compensation), du 22 février 2010 ( 11 ), tel que modifié par le Zweite Verordnung zur Änderung der Ausgleichsmechanismus-Ausführungsverordnung (second règlement modifiant le règlement d’application sur le mécanisme de compensation), du 19 février 2013 ( 12 ).

II. Le litige au principal, les recours devant le Tribunal et les questions préjudicielles

18.

Le 18 décembre 2013, la Commission a notifié à l’Allemagne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en ce qui concerne la mesure en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et du prélèvement EEG réduit pour les gros consommateurs d’énergie ( 13 ).

19.

Neuf entreprises du groupe Georgsmarienhütte ont chacune introduit devant le Tribunal un recours en annulation contre cette décision (initiale) ( 14 ).

20.

Par des ordonnances rendues le 9 juin 2015, le Tribunal a :

clôturé cinq de ces recours ( 15 ), qui étaient sans objet dès lors que la Commission avait considéré, dans la décision 2015/1585, que les aides accordées par l’Allemagne aux entreprises requérantes concernées étaient compatibles avec le marché intérieur ;

clôturé, de même, les quatre autres recours ( 16 ), également pour défaut d’objet, dès lors que, d’après la décision 2015/1585, les entreprises requérantes avaient perçu des aides partiellement illégales qu’elles devaient restituer. Dans ces quatre ordonnances, le Tribunal a jugé irrecevables les demandes formées par les entreprises requérantes, tendant à adapter les conclusions afin de mettre en cause la légalité de la décision 2015/1585. Le Tribunal a rappelé à ces entreprises qu’elles avaient la possibilité d’introduire un recours en annulation contre ladite décision, ainsi qu’elles en avaient évoqué l’éventualité dans l’hypothèse où leur demande tendant à adapter les conclusions serait rejetée ( 17 ).

21.

Ces quatre entreprises du groupe Georgsmarienhütte, qui ont pour activité la production d’acier, de fonte et le travail de l’acier, n’ont pas formé de pourvoi devant la Cour contre les ordonnances du Tribunal du 9 juin 2015. À l’inverse d’autres entreprises se trouvant dans la même situation ( 18 ) et du gouvernement allemand ( 19 ) lui‑même, elles n’ont pas non plus introduit de recours en annulation contre la décision 2015/1585 devant cette juridiction.

22.

La stratégie procédurale des quatre entreprises du groupe Georgsmarienhütte a consisté à se pourvoir devant les juridictions allemandes pour attaquer les actes administratifs (allemands) qui, en application de la décision 2015/1585, les obligeaient à restituer le montant des aides jugé illégal.

23.

En 2012 et en 2013, il avait été convenu, par des décisions administratives visant ces quatre entreprises, de réduire leur prélèvement EEG au motif qu’elles étaient de grandes consommatrices d’énergie. Ces décisions ont été partiellement révoquées avec effet rétroactif par d’autres décisions prises le 25 novembre 2014 (c’est‑à‑dire le jour de l’adoption de la décision 2015/1585), les autorités allemandes réclamant simultanément aux entreprises le remboursement de la fraction des aides que la Commission jugeait illégale ( 20 ).

24.

Les parties requérantes au principal ont introduit une réclamation contre les décisions de retrait partiel devant le BAFA. N’y obtenant pas de réponse expresse, elles ont formé, en date du 26 mars 2015, un recours devant le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main (tribunal administratif de Francfort-sur-le-Main, Allemagne), qui a posé la question préjudicielle en appréciation de validité suivante :

« La décision que la Commission européenne a prise le 25 novembre 2014 dans la procédure ‟Aide d’État SA.33995 (2013/C) (ex 2013/NN) [régime introduit par l’Allemagne dans le but de promouvoir l’électricité d’origine renouvelable et les entreprises/consommateurs finals gros consommateurs d’énergie] C(2014) 8786 fin” est‑elle contraire au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dans la mesure où la Commission considère le plafonnement du prélèvement EEG comme une aide au sens de l’article 107 TFUE ? »

25.

Les entreprises du groupe Georgsmarienhütte, le gouvernement allemand et la Commission ont présenté des observations écrites et assisté à l’audience du 5 décembre 2017. L’affaire a été attribuée à la grande chambre de la Cour.

III. Sur la recevabilité de la question préjudicielle

26.

La Commission fait valoir que la question préjudicielle est irrecevable, pour deux motifs :

en premier lieu, il y a lieu d’appliquer la jurisprudence TWD, en vertu de laquelle la possibilité pour un justiciable de faire valoir devant la juridiction nationale l’invalidité d’un acte de l’Union présuppose que cette partie n’ait pas disposé du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre cet acte ;

en second lieu, il y a également lieu d’appliquer la jurisprudence Adiamix ( 21 ), en vertu de laquelle la juridiction de renvoi doit exposer, dans sa décision de renvoi, ses doutes quant à la validité de la norme du droit de l’Union, sans se limiter à une simple référence aux arguments invoqués devant elle par les parties au litige.

27.

Le gouvernement allemand et les entreprises du groupe Georgsmarienhütte contestent les arguments de la Commission et estiment au contraire que la question préjudicielle est recevable.

A. Application de l’exception TWD

28.

L’« exception TWD » réduit les possibilités de voir les parties au litige demander aux juridictions nationales de recourir à la voie préjudicielle pour mettre en doute la validité des actes de l’Union européenne. Avant d’examiner si la présente affaire en relève, il me semble nécessaire d’approfondir l’analyse de ses caractéristiques essentielles.

1.   Réflexion liminaire

29.

Dans le cadre d’un recours devant les juridictions d’un État membre, toute personne peut demander à celles‑ci de saisir la Cour afin qu’elle se prononce, à titre préjudiciel, sur « la validité des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union » lorsque ces actes ont servi de base aux décisions des autorités nationales visées par ledit recours.

30.

La mise en œuvre de la procédure préjudicielle est une compétence exclusive des juridictions nationales ( 22 ) qui ont le pouvoir de constater la validité d’un acte de l’Union, mais pas de déclarer son invalidité ( 23 ).

31.

Dans l’arrêt TWD, la Cour a jugé que « les […] exigences de sécurité juridique conduisent à exclure la possibilité, pour le bénéficiaire d’une aide, objet d’une décision de la Commission adoptée sur le fondement de l’article 93 du traité, qui aurait pu attaquer cette décision et qui a laissé s’écouler le délai impératif prévu à cet égard par l’article 173, troisième alinéa, du traité, de remettre en cause la légalité de celle-ci devant les juridictions nationales à l’occasion d’un recours dirigé contre les mesures d’exécution de cette décision, prises par les autorités nationales» ( 24 ).

32.

Depuis 1994, la Cour a confirmé à plusieurs reprises l’applicabilité de la jurisprudence TWD. La confirmation et la détermination les plus récentes de cette jurisprudence se retrouvent dans l’arrêt A e.a. ( 25 ), rendu par la grande chambre de la Cour, qui reprend, en substance, la jurisprudence dégagée par la Cour dans ses arrêts précédents.

33.

La jurisprudence TDW fixe dès lors une limite à la possibilité de mettre en cause la légalité des actes de l’Union européenne entraînant des effets de droit, et ce afin de garantir la sécurité juridique ( 26 ). Cette même limite s’applique aux États membres ( 27 ). La possibilité de contester les actes de l’Union européenne n’est ainsi pas fermée, mais l’exercice de ce droit est ramené à sa juste mesure : toute personne indiscutablement fondée à attaquer ces actes devra le faire dans le délai prévu (en principe, deux mois) et devant la juridiction compétente pour en déclarer la nullité (le Tribunal) ( 28 ).

34.

La portée de la jurisprudence TWD est dès lors limitée aux cas dans lesquels le recours en annulation du particulier devant le Tribunal aurait été manifestement recevable. Cette situation ne s’est jusqu’à présent produite qu’en de rares occasions ( 29 ), sans doute en raison des restrictions imposées par l’article 263 TFUE ( 30 ) à la qualité des particuliers ( 31 ) pour introduire des recours en annulation devant le Tribunal. Lorsque la qualité pour agir des particuliers n’est pas claire, évidente et manifeste, la Cour refuse d’appliquer l’exception TWD ( 32 ).

35.

Je souhaite également souligner que dans l’arrêt Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português ( 33 ), la Cour a rejeté l’argument tiré de ce que l’on pourrait qualifier d’exception TWD inversée. Dans cette affaire, l’État portugais n’a pas introduit de recours en annulation devant le Tribunal contre la décision 2011/346/UE ( 34 ), que deux organismes bancaires privés avaient bel et bien attaquée (sans succès) ( 35 ), mais il a ensuite invoqué, dans le cadre de la question préjudicielle soulevée dans le litige au principal, le caractère définitif de cette décision à son égard ainsi que l’exception TWD ( 36 ).

36.

L’exception TWD n’empêche pas les juridictions nationales d’exprimer à tout moment ses doutes sur la validité d’un acte de l’Union européenne, que ce soit d’office ou à la demande d’autres parties (n’ayant pas manifestement qualité pour introduire un recours en annulation) ( 37 ). La logique de l’exception se limite à éviter l’abus des voies de recours que le droit de l’Union met à disposition des parties au litige.

37.

Je le répète, comprise en ce sens, la jurisprudence TWD n’empêche pas le juge national de poser des questions préjudicielles lorsque lui‑même s’interroge sur la validité d’un acte de l’Union européenne dont il est appelé à juger les mesures nationales d’application ( 38 ). L’exception TDW n’a pas à entraver le mécanisme ordinaire de coopération du juge national avec la Cour par la voie préjudicielle.

38.

En résumé, l’exception TDW exige : i) un acte de l’Union européenne ; ii) l’absence de recours en annulation ; iii) la qualité manifeste et incontestable du particulier pour introduire devant le Tribunal un recours en annulation contre l’acte de l’Union, et iv) des mesures nationales d’exécution visées par une action juridictionnelle nationale dans le cadre de laquelle l’invalidité de l’acte de l’Union européenne est soulevée.

39.

Il me semble que, conçue sous cette forme et malgré les critiques qu’elle a déclenchées ( 39 ), l’exception TWD trouve pleinement son sens et je ne vois aucune raison de suggérer à la Cour d’y renoncer. Au contraire, il me semble qu’il s’agit d’une des jurisprudences dans lesquelles le principe stare decisis exprime tout son potentiel.

40.

Je suis d’avis que l’exception TWD répond à deux objectifs concordants :

d’une part, elle impose le recours en annulation (pour ceux jouissant d’une capacité manifeste à agir), dès lors qu’il est nécessaire de fixer une limite temporelle à la possibilité de mettre en cause la légalité des actes de l’Union européenne entraînant des effets de droit ( 40 ) et de sauvegarder la sécurité juridique ( 41 ) ;

d’autre part, elle structure un rapport logique entre le recours en annulation et le renvoi préjudiciel en appréciation de validité. Le premier est la voie procédurale idoine pour contester la légalité d’un acte de l’Union européenne, l’article 263 TFUE offrant la pleine protection juridictionnelle aux particuliers ayant qualité pour agir.

41.

Lors d’un recours direct, une procédure contradictoire comportant de larges possibilités de prendre des mesures d’instruction s’ouvre devant le Tribunal après que la partie requérante et l’organe, l’organisme ou l’institution de l’Union auteur de l’acte ont échangé les écrits de procédure. Ce mécanisme fournit les éléments de preuve pour la détermination précise des faits, tout en permettant par ailleurs l’intervention d’autres parties (par exemple les entreprises concurrentes n’ayant pas bénéficié de l’aide) ( 42 ).

42.

Les avantages du recours en annulation sont encore beaucoup plus clairement perceptibles dans les litiges en matière d’aides d’État, qui sont généralement d’une grande complexité factuelle et technique ( 43 ). La logique de l’exception TWD (dont il n’est pas anodin qu’elle ait été élaborée dans le cadre d’une affaire d’aides d’État), à savoir contraindre le particulier ayant manifestement qualité pour agir à employer ce type de recours, trouve toute sa raison d’être dans ces litiges. Les parties bénéficient ainsi de la garantie supplémentaire du double degré de juridiction, puisque l’arrêt du Tribunal peut faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour.

43.

J’ose par ailleurs dire que dans cette matière spécifique des aides d’État (ainsi que dans d’autres matières similaires auxquelles la Commission se réfère dans ses observations) ( 44 ), le renvoi préjudiciel peut créer plus de problèmes qu’il n’en résout. Lorsqu’il s’agit d’apprécier la validité d’une décision individuelle (et non de normes ayant une portée générale) comportant d’incontournables composantes techniques, dont l’examen requiert l’analyse complexe de faits et d’éléments de preuve, la procédure nationale se révèle insuffisante pour que le juge national définisse « avec suffisamment de précision » le résultat de cette analyse préalablement au renvoi, sans la présence de l’institution à l’origine de l’acte de l’Union européenne ( 45 ).

44.

L’on pourrait objecter que ces carences peuvent être palliées dans le cadre du renvoi préjudiciel devant la Cour. C’est sans doute le cas, mais au prix d’une transformation du rôle propre à celle‑ci, qui assumerait celui dévolu au Tribunal par l’architecture juridictionnelle de l’Union. Comme le rappelle à juste titre la Commission, l’objectif poursuivi lors de l’institution du Tribunal était de faire traiter par celui‑ci « les recours nécessitant un examen approfondi de faits complexes, l’institution d’un double degré de juridiction [étant] de nature à améliorer la protection juridictionnelle des justiciables ». Cette création aurait en outre permis « à la Cour de justice de concentrer son activité sur sa tâche essentielle, qui est d’assurer une interprétation uniforme du droit [de l’Union]» ( 46 ).

45.

Les critiques adressées à la jurisprudence TDW mettant l’accent sur le droit des particuliers à une protection juridictionnelle effective ne me semblent, de ce point de vue, pas convaincants. Les particuliers n’ont en réalité pas le droit d’obtenir que le juge pose une question préjudicielle, mais ils ont bel et bien celui de contester l’acte de l’Union européenne devant la Cour, c’est‑à‑dire devant le juge naturel que leur offre cette protection (et ce, je le répète, lorsqu’ils jouissent d’une incontestable qualité pour agir).

46.

Je ne partage pas non plus la thèse selon laquelle les parties auraient le libre choix de la stratégie procédurale, de sorte qu’elles pourraient choisir, dans le délai imparti par l’article 263 TFUE, entre : a) l’introduction d’un recours en annulation devant la Cour, et b) l’invocation de l’invalidité de l’acte devant les juridictions nationales, en les invitant à poser une question préjudicielle à la Cour.

47.

Je crois que cette faculté de choisir librement la juridiction n’est pas souhaitable et ne respecte pas la primauté du recours en annulation en tant que moyen idoine, repris à l’article 263 TFUE, pour juger de la validité des actes de l’Union européenne contestés par des parties requérantes jouissant d’une capacité manifeste pour agir. Ce choix favoriserait la multiplication de situations procéduralement complexes (comme celle qui nous occupe) qui dévoient le fonctionnement du système de recours prévu dans le droit de l’Union ( 47 ).

2.   L’importance du délai dans la jurisprudence TWD

48.

L’exception TDW n’est pas seulement destinée à empêcher le contournement du délai d’introduction des recours en annulation. J’insiste sur le fait qu’elle a également pour objectif de privilégier le recours en annulation par rapport au renvoi préjudiciel, en tant que voie ordinaire de contestation des actes de l’Union européenne lorsque le particulier a théoriquement la possibilité de recourir aux deux procédures.

49.

Dans cette optique, le moment où le particulier, plutôt que d’introduire un recours en annulation, saisit les juridictions nationales en leur suggérant de poser une question préjudicielle n’est pas le seul facteur pertinent. Dans les affaires TWD et Nachi Europe ( 48 ), les parties requérantes ont saisi les juridictions nationales après l’expiration du délai d’introduction d’un recours en annulation, ce qui est l’hypothèse habituelle d’application de la jurisprudence TDW. J’estime cependant que celle‑ci doit également s’appliquer lorsque le particulier saisit les juridictions nationales en mettant indirectement en doute la validité de l’acte de l’Union européenne pendant le délai dans lequel il aurait pu utiliser le recours en annulation devant le Tribunal pour contester ledit acte.

50.

Il ne serait pas logique que l’exception TDW soit tributaire du moment auquel les particuliers ayant qualité manifeste pour agir décident de saisir les juridictions nationales, ni de la célérité administrative plus ou moins importante des autorités nationales lorsqu’elles prennent leurs décisions d’application de l’acte de l’Union européenne. En revanche, l’élément déterminant est que ces particuliers aient omis d’introduire leur recours devant le Tribunal en sachant que cette juridiction était, conformément à l’article 263 TFUE, celle dont ils relevaient.

3.   Application de l’exception TDW à la présente affaire

51.

Georgsmarienhütte et les trois autres entreprises ont introduit un recours devant la juridiction de renvoi contre les décisions du BAFA du 3 décembre 2014 (par lesquelles la récupération des aides leur était réclamée) alors que leur réclamation devant cet organisme n’avait pas encore été tranchée. Elles ont utilisé les possibilités procédurales offertes par leur ordre juridique pour réagir au silence de l’administration, de sorte que leur recours juridictionnel a, pour ainsi dire, été anticipé à la date du 26 mars 2015, et c’est dans ce dernier qu’elles ont invoqué l’invalidité de la décision 2015/1585. Nous avons déjà expliqué qu’elles n’ont pas introduit de recours en annulation contre cette décision, même si elles avaient antérieurement contesté, devant le Tribunal, la décision d’ouverture de la procédure d’aides d’État (qui est naturellement l’étape préalable à la décision finale).

52.

Cette chronologie de faits (et d’omissions) impose de concentrer son attention sur deux facteurs : a) la capacité pour agir desdites entreprises, et b) l’incidence du délai pour attaquer la décision 2015/1585 devant le Tribunal.

a)   La capacité pour agir des entreprises requérantes au principal

53.

Georgsmarienhütte et les trois autres entreprises avaient‑elles manifestement la capacité d’introduire un recours en annulation contre la décision 2015/1585 ?

54.

Aux termes de son article 10, le destinataire de la décision 2015/1585 est la République fédérale d’Allemagne. Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre les actes dont elle n’est pas le destinataire que si ceux‑ci la concernent directement et individuellement. Il convient par conséquent de déterminer si les entreprises requérantes au principal ont ce statut.

55.

En premier lieu, il est de jurisprudence constante ( 49 ) que les entreprises requérantes au principal seront directement concernées par la décision 2015/1585 si celle‑ci produit directement des effets sur leur situation juridique et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à son destinataire (la République fédérale d’Allemagne), auquel il incombe de l’appliquer de manière purement automatique et sans qu’aucune autre norme intermédiaire ne soit requise.

56.

Or, les articles 6 et 7 de la décision 2015/1585 imposent à la République fédérale d’Allemagne de récupérer la fraction du prélèvement EEG impayé, qui est qualifiée d’aide illégale, dans les conditions que je viens d’exposer. Ces deux dispositions fixent la méthode de récupération (en renvoyant à l’annexe III) ainsi que le recouvrement des intérêts et leur méthode de calcul, et imposent à la République fédérale d’Allemagne une récupération immédiate et intégrale, devant intervenir dans les quatre mois à partir de la date de notification de la décision. L’État allemand n’a aucun pouvoir d’appréciation et la décision 2015/1585 produit ses effets sur les entreprises par sa simple application administrative par les autorités nationales.

57.

En deuxième lieu, il convient de déterminer si ces entreprises sont individuellement concernées par la décision 2015/1585 au sens de la jurisprudence de la Cour, en vertu de laquelle :

« les sujets autres que les destinataires d’une décision ne peuvent prétendre être concernés individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire» ( 50 ) ;

« lorsque la décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques et qu’il peut en être notamment ainsi lorsque la décision modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption» ( 51 ).

58.

En matière d’aides d’État, une entreprise ne saurait, en principe, attaquer une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime ( 52 ). Cependant, la Cour considère que :

« les bénéficiaires effectifs d’aides individuelles octroyées au titre d’un régime d’aides dont la Commission a ordonné la récupération sont, de ce fait, individuellement concernés au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE » ;

« l’injonction de récupération concerne déjà individuellement tous les bénéficiaires du régime en question en ce qu’ils sont exposés, dès le moment de l’adoption de la décision litigieuse, au risque que les avantages qu’ils ont perçus soient récupérés, et se trouvent ainsi affectés dans leur situation juridique. Ces bénéficiaires font, dès lors, partie d’un cercle restreint» ( 53 ).

59.

Une fois que la décision 2015/1585 avait déclaré les réductions du prélèvement EEG partiellement illégales, en tant qu’aides d’État, et qu’elle avait ordonné leur récupération (conformément à son article 6 et à son article 7), les quatre entreprises requérantes au principal, en leur qualité de bénéficiaires individuels desdites réductions que leur avait accordées le BAFA, devaient en rembourser le montant. Les autorités allemandes, qui ont agi avec une grande diligence, ont adopté les mesures de récupération corrélatives, qui trouvaient leur cause dans la décision 2015/1585. Par conséquent, ces quatre entreprises étaient individuellement concernées par cette décision au sens préalablement exposé, ce qui leur conférait manifestement la qualité pour l’attaquer devant le Tribunal.

60.

Ces entreprises ne pouvaient nourrir aucun doute à cet égard et la meilleure preuve en est qu’elles ont, en son temps, introduit des recours en annulation contre la décision par laquelle la Commission a ouvert la procédure de vérification de la légalité des aides. Elles ont par ailleurs tenté d’étendre leurs conclusions initiales afin que celles‑ci visent également la contestation de la décision définitive de la Commission ( 54 ) une fois celle‑ci adoptée. Paradoxalement, elles n’ont pas introduit par la suite de recours en annulation contre cette décision, comme le leur avait suggéré le Tribunal ( 55 ). Le reste des entreprises énergivores qui se trouvaient dans une situation similaire ont bel et bien introduit ces recours en annulation, qui sont encore pendants devant le Tribunal dans l’attente d’une décision définitive dans l’affaire pilote Allemagne/Commission.

61.

Dans ce contexte, j’estime qu’il y a lieu d’opposer l’exception TWD aux quatre entreprises qui n’ont pas introduit de recours en annulation contre la décision 2015/1585 devant le Tribunal alors qu’elles avaient clairement et manifestement qualité pour le faire.

b)   Le délai pour introduire un recours en annulation contre la décision 2015/1585

62.

Il a été établi lors de l’audience que « le texte complet et définitif » de la décision 2015/1585 a été mis à disposition des entreprises requérantes le 6 janvier 2015, dans le cadre de la procédure introduite devant le Tribunal contre l’ouverture de la procédure d’aides d’État ( 56 ).

63.

Dès lors que la publication (très tardive par rapport à sa date d’adoption) de la décision 2015/1585 n’était pas une condition de son efficacité et qu’il suffisait que les entreprises directement et individuellement concernées en aient une connaissance digne de foi, comme cela a été le cas en l’espèce, le délai pour attaquer ladite décision a commencé, pour ces entreprises et conformément aux informations vérifiées lors de l’audience ( 57 ), le 6 janvier 2015.

64.

Sur cette base, les entreprises en question avaient dépassé le délai impératif de deux mois (majoré de dix jours en raison de la distance) ( 58 ) tel que prévu à l’article 263 TFUE lorsqu’elles ont déposé, en date du 26 mars 2015, leur recours juridictionnel devant la juridiction de renvoi. Ce délai étant expiré, elles n’auraient pu « contourner le caractère définitif que revêt à [leur] égard» ( 59 ) la décision 2015/1585 par un recours devant les juridictions nationales contestant la validité de ladite décision.

65.

Conformément aux considérations que j’ai préalablement exposées, l’exception TWD serait applicable même si ce délai n’avait pas été dépassé. J’ai déjà évoqué l’extrême célérité dont ont fait preuve les autorités allemandes lorsqu’elles ont adopté les mesures nationales de récupération des aides le jour‑même de l’adoption de la décision, soit le 25 novembre 2014. Il ne me semble pas très logique d’admettre que l’exception TWD aurait été applicable à ces entreprises si elles s’étaient pourvues devant les juridictions allemandes plus de deux mois après avoir acquis une connaissance digne de foi de la décision 2015/1585 et ne l’aurait pas été si, compte tenu de la rapidité de l’intervention de l’administration nationale, elles avaient déposé leur recours devant ces juridictions avant l’expiration de ce délai.

66.

En résumé, j’estime que la jurisprudence établie dans l’arrêt TWD est applicable au présent renvoi préjudiciel et conclus dès lors à son irrecevabilité.

B. Application de la jurisprudence Adiamix

67.

La Commission invoque la jurisprudence Adiamix ( 60 ) à l’appui de sa deuxième exception d’irrecevabilité. D’après la Commission, la juridiction de renvoi n’a pas examiné de manière autonome ni expliqué les raisons pour lesquelles elle doute de la validité de la décision 2015/1585, puisqu’elle s’en est uniquement référée aux arguments des requérantes.

68.

La Cour a jugé qu’« [i]l est […] important que la juridiction nationale indique en particulier les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur la validité de certaines dispositions du droit de l’Union et expose les motifs d’invalidité qui, par voie de conséquence, lui paraissent pouvoir être retenus (voir, en ce sens, notamment, arrêts Greenpeace France e.a., C‑6/99, EU:C:2000:148, point 55, ainsi qu’ordonnance Adiamix, C‑368/12, EU:C:2013:257, point 22). Une telle exigence ressort également de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour ». ( 61 )

69.

En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour, les informations fournies dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais également à procurer aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Il incombe, en conséquence, à cette dernière de veiller à ce que cette possibilité soit préservée, compte tenu du fait que, en vertu de ladite disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées, accompagnées d’une traduction dans la langue officielle de chaque État membre, à l’exclusion du dossier national éventuellement transmis à la Cour par la juridiction de renvoi ( 62 ). Il s’ensuit que le fait, pour le juge national, de se référer aux observations des parties au principal, qui peuvent varier en fonction de leurs intérêts, n’est pas à même de sauvegarder la possibilité de présenter des observations adéquates dans les procédures préjudicielles dont disposent les gouvernements, les institutions de l’Union européenne et les autres intéressés ( 63 ).

70.

Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi n’exprime pas ses propres doutes sur la validité de la décision 2015/1585 et se limite à affirmer à cet égard ce qui suit :

« Les parties requérantes à la présente procédure ont émis des doutes quant à l’interprétation que fait la Commission du droit de l’Union (articles 107 et 108 TFUE) […]

Pour l’argumentation détaillée des parties requérantes, et dans le but d’éviter les redites, la juridiction de céans renvoie aux explications contenues dans la requête du 26 mars 2015 […]

Les [parties requérantes] ont présenté à ce sujet des doutes argumentés qui suffisent pour que la question soit soumise à la Cour en vue d’une décision préjudicielle […]

Le renvoi n’est donc pas soumis à la condition que la juridiction de céans partage les doutes exprimés par les parties requérantes quant à l’interprétation que fait la Commission des articles 107 et 108 TFUE. En tout état de cause, la juridiction de céans tient pour pertinents les doutes que [les parties requérantes] ont exprimés à propos de la décision de la Commission» ( 64 ).

71.

À la lecture de ce passage de la décision de renvoi, j’estime qu’une application stricte de la jurisprudence résumée aux points précédents aboutirait à l’irrecevabilité de la question préjudicielle, compte tenu des insuffisances en matière de motivation adéquate dont souffre ladite décision.

72.

Je reconnais cependant qu’en d’autres occasions, la Cour a appliqué cette jurisprudence avec plus de flexibilité, en tenant compte du fait que le mécanisme préjudiciel s’inspirait de la notion de « coopération judiciaire ». Dans cette optique, l’exception d’irrecevabilité pourrait être rejetée, étant donné que la décision de renvoi reprend, en tant que doutes, les arguments des parties relatifs à l’invalidité de la décision 2015/1585.

IV. Sur le fond

73.

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour jugerait qu’il y a lieu de déclarer le renvoi préjudiciel recevable, j’analyserai si la décision 2015/1585 est invalide en ce qu’elle qualifie le plafonnement du prélèvement EEG d’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE.

74.

L’article 107, paragraphe 1, TFUE, prévoit que sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

75.

Quatre conditions doivent donc être réunies pour constater l’incompatibilité de l’aide : a) elle doit être accordée par l’État ou au moyen de ressources d’État ; b) cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres ; c) elle doit conférer un avantage à son bénéficiaire, et d) elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence ( 65 ).

76.

Il ne semble pas être contesté que le plafonnement du prélèvement EEG en faveur des entreprises énergivores remplit les deuxième (affectation potentielle des échanges entre États membres) et quatrième (distorsion ou menace de distorsion de concurrence) conditions. Il existe à l’inverse une controverse pour les deux autres conditions, ce qui impose de vérifier si cette réduction implique un avantage sélectif pour les entreprises bénéficiaires et, surtout, de déterminer si la mesure est imputable à l’État et suppose l’utilisation de ressources d’État.

77.

Faute de considérations adéquates de la juridiction de renvoi sur certains des points clés litigieux (notamment sur les fonctions de contrôle et de supervision des autorités allemandes en ce qui concerne la gestion des fonds provenant du prélèvement EEG), il convient de s’en tenir à ce qu’indique à cet égard la décision 2015/1585, à moins qu’il ne soit clairement démontré que la Commission s’est trompée lors de sa rédaction.

A. Sur l’existence d’un avantage sélectif

78.

Dans ce contexte, constitue un avantage tout bénéfice économique qu’une entreprise n’aurait pas pu obtenir dans les conditions normales du marché, c’est‑à‑dire en l’absence d’intervention de l’État ( 66 ). Un avantage existe dès lors que la situation financière d’une entreprise s’améliore directement du fait de l’intervention de l’État, et non par le jeu du marché libre.

79.

La notion d’« aide d’État » comprend non seulement des prestations positives (par exemple, une subvention) mais également les mesures publiques qui dispensent une entreprise des charges qui grèvent normalement son budget ou allègent lesdites charges ( 67 ).

80.

J’estime que, en réduisant le prélèvement EEG exigible pour les entreprises grosses consommatrices d’énergie, les autorités allemandes ont accordé à ces dernières un indéniable avantage en termes économiques, puisqu’elles empêchent les gestionnaires de réseaux de transport (ci‑après les « GRT ») et les fournisseurs d’électricité de récupérer les coûts additionnels de l’électricité EEG consommée par ces entreprises, coûts que celles‑ci devraient supporter dans d’autres circonstances.

81.

L’article 40 de loi EEG de 2012 limite le montant du prélèvement EEG que les fournisseurs d’électricité peuvent répercuter sur les gros consommateurs d’énergie : sur demande préalable, le BAFA délivre un document administratif qui interdit au fournisseur d’électricité de répercuter la totalité du prélèvement EEG sur l’utilisateur final lorsque celui‑ci est une entreprise énergivore. L’article 41 de loi EEG de 2012 subordonne la réduction à certaines conditions que ces entreprises doivent remplir et qui sont principalement liées au volume de leur consommation d’énergie.

82.

Le gouvernement allemand reconnaît que le régime dérogatoire instauré par ces dispositions vise à limiter la surcharge économique résultant, pour les entreprises énergivores, du soutien à la production d’électricité EEG. Son objectif est donc de réduire l’une de ces charges qui grèvent normalement le budget de ces entreprises.

83.

Les parties requérantes au principal et le gouvernement allemand soutiennent cependant que le plafonnement du prélèvement EEG compense le désavantage concurrentiel de ces entreprises énergivores par rapport aux entreprises d’autres États membres plus qu’il ne leur confère un avantage.

84.

Cet argument n’empêche pas de qualifier la mesure d’avantage, ne serait‑ce que parce qu’il s’oppose à la jurisprudence de la Cour : la circonstance qu’un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d’autres États membres ne saurait enlever à ces mesures le caractère d’aides ( 68 ).

85.

La Commission a en outre fourni des données chiffrées ( 69 ) qui réfutent la prémisse factuelle sur laquelle repose cet argument : malgré le prélèvement EEG, il n’apparaît pas que les prix de l’électricité supportés en Allemagne par ces entreprises soient plus élevés que les prix de la moyenne des États membres. Le prétendu désavantage concurrentiel de ces entreprises ne serait dès lors pas démontré.

86.

Les requérantes au principal soutiennent également que, par « conditions normales de marché », il faudrait entendre les conditions existantes en l’absence totale de prélèvement EEG et non les conditions créées à la suite de son introduction. Si tel était le cas, l’avantage que représente pour ces entreprises la réduction du prélèvement EEG disparaîtrait, puisqu’il n’y aurait pas de prélèvement EEG susceptible d’être plafonné.

87.

Cet argument n’est pas convaincant non plus. Le prélèvement EEG est un mécanisme qui impose des charges à tous les acteurs du système électrique allemand, de sorte qu’afin de déterminer s’il y a un avantage, il faut également inclure dans les conditions normales de marché celles résultant de l’instauration du prélèvement EEG. La réduction de ce coût pour les entreprises énergivores implique un régime d’exception qui leur confère un avantage spécifique, en ce qu’il réduit le prix qu’elles devraient autrement payer pour l’électricité qu’elles consomment.

88.

Pour qu’il y ait aide d’État, il est par ailleurs indispensable que l’avantage accordé aux entreprises soit sélectif. Les parties requérantes au principal soutiennent que le plafonnement du prélèvement EEG ne remplit pas cette condition en ce qui les concerne, dès lors qu’il est objectivement justifié et nécessaire à la protection des droits fondamentaux.

89.

Cet argument n’est pas non plus défendable au regard de la jurisprudence de la Cour ( 70 ). Tout comme la Commission, je considère que le plafonnement du prélèvement EEG revêt un caractère sélectif, dès lors qu’il favorise seulement certaines entreprises consommatrices d’importantes quantités d’énergie dans le secteur manufacturier.

90.

Le caractère sélectif d’un avantage se détermine plus facilement dans le cas de mesures positives profitant à une ou plusieurs entreprises nommément identifiées. Il est, au contraire, plus difficilement appréciable lorsque les États membres adoptent des règles applicables à quiconque remplit certaines conditions, avec pour effet d’alléger ses charges économiques. Le plafonnement du prélèvement EEG pour les entreprises énergivores relève de cette (seconde) hypothèse.

91.

Dans ces cas, l’analyse du caractère sélectif est habituellement réalisée en trois étapes :

dans un premier temps, il convient de définir le système de référence ;

dans un deuxième temps, il y a lieu de déterminer si une mesure donnée constitue une dérogation à ce système dans la mesure où elle introduit des différenciations entre opérateurs économiques se trouvant, au regard des objectifs intrinsèques du système, dans une situation factuelle et juridique comparable. L’existence d’une dérogation sera l’élément clé qui permettra de déterminer si la mesure est a priori sélective ;

dans un troisième temps, si la mesure est une exception, il convient de vérifier si elle est justifiée par la nature ou l’économie générale du système de référence ( 71 ).

92.

Dans le système qu’instaure la loi EEG de 2012, le régime général veut que tous les consommateurs d’énergie électrique supportent le prélèvement EEG (en réalité, ce que prévoit cette loi, c’est la possibilité de répercuter ce prélèvement sur les consommateurs, ce qui, dans la pratique, est invariablement le cas).

93.

La réduction du prélèvement EEG pour certaines sociétés du secteur manufacturier, telles que les requérantes au principal, constitue une dérogation à ce régime général, qui ne profite qu’à ces sociétés et non à des entreprises consommatrices d’énergie dans d’autres secteurs de production. Le plafonnement du prélèvement EEG pour ces entreprises énergivores est, par conséquent, sélectif.

94.

Les requérantes au principal soutiennent que la réduction du prélèvement EEG qu’elles doivent payer contribue à la protection du climat et de l’environnement ainsi qu’au développement durable, et à garantir l’approvisionnement énergétique. Ces motifs d’intérêt général ne pourraient cependant être rattachés, tout au plus, qu’au régime général du prélèvement EEG, non à la réduction de ce prélèvement pour une catégorie spécifique d’opérateurs industriels. En outre, le fait de dispenser (partiellement) ces opérateurs de la charge générale qu’entraîne le prélèvement EEG encourage simultanément une consommation d’énergie plus élevée pour cette catégorie d’agents économiques et diminue les recettes disponibles pour financer les sources d’énergie renouvelables. Conformément à la jurisprudence de la Cour ( 72 ), il ne s’agit dès lors pas d’une raison justifiant la dérogation.

95.

La prétendue sauvegarde des droits fondamentaux invoquée par les entreprises requérantes ne justifie pas non plus la mesure. D’après elles, le paiement complet du prélèvement EEG entraînerait une telle augmentation de leurs coûts de production qu’il empêcherait le développement de leurs activités économiques, en violation de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garantit le droit à la liberté d’entreprise.

96.

Outre le fait qu’il s’agit d’un motif d’intérêt général externe et non inhérent au régime général du prélèvement EEG, ni les requérantes au principal ni le gouvernement allemand n’ont fourni de données précises démontrant que le paiement de ce prélèvement dans les conditions fixées par la décision 2015/1585 mettrait en péril leur existence. Cette absence de preuve suffit à vider leur argumentation de sa substance, sans qu’il soit nécessaire d’approfondir l’analyse des rapports entre la liberté d’entreprise et le contenu des mesures de réglementation sectorielle.

97.

Il ne faut enfin pas oublier que dans la décision 2015/1585, la Commission a admis que l’aide reprise dans la loi EEG de 2012 (à savoir la réduction des coûts découlant du soutien à l’EEG) pourrait être autorisée si « les critères d’admissibilité établis aux points 185, 186 et 187 des lignes directrices de 2014» ( 73 ) sont remplis et que cette réduction « est proportionnée conformément aux critères définis aux points 188 et 189 des lignes directrices de 2014» ( 74 ).

98.

Il est ainsi reconnu que si le prélèvement EEG mettait réellement en péril la position concurrentielle des entreprises faisant une utilisation intensive de l’énergie électrique, dans les limites établies par les lignes directrices de 2014, sa réduction serait compatible avec le marché intérieur. Il ne s’agit donc pas d’une interdiction absolue de réduire ce coût, mais d’une interdiction absolue de le réduire au‑delà de ce qu’autorisent ces lignes directrices. Il n’a pas été démontré, dans le cadre du renvoi préjudiciel, que les conditions imposées par la décision 2015/1585 ne respecteraient pas ce critère.

99.

En définitive, la diminution du prélèvement imposé par la loi EEG de 2012 confère un avantage sélectif aux entreprises bénéficiaires de ce régime dérogatoire par rapport au régime général applicable au reste des consommateurs.

B. Sur l’existence d’une intervention de l’État ou au moyen d’un transfert de ressources d’État

100.

Selon la jurisprudence de la Cour, pour que des avantages puissent être qualifiés d’« aides » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État ( 75 ). Ce sont deux conditions cumulatives ( 76 ) qui sont néanmoins généralement examinées conjointement lors de l’appréciation d’une mesure au regard de cette disposition.

101.

Le gouvernement allemand et les entreprises requérantes au principal estiment, en substance, que le plafonnement du prélèvement EEG dont bénéficient ces dernières n’est pas imputable à l’État et n’entraîne pas de transfert de ressources d’État.

1.   Imputabilité de la mesure à l’État

102.

Afin d’apprécier si une mesure est imputable à l’État, il convient, conformément à la jurisprudence de la Cour, de vérifier en premier lieu si les pouvoirs publics sont intervenus dans son adoption. C’est à l’évidence le cas lorsque les avantages sélectifs pour une catégorie d’entreprises ont été instaurés par une loi ( 77 ).

103.

Tant le prélèvement EEG que sa réduction en faveur de certaines entreprises énergivores du secteur manufacturier ont été instaurés par la loi EEG de 2012 (articles 40 à 44). La réduction n’est pas spontanément accordée à ces entreprises par les sociétés fournisseuses d’électricité, mais découle d’actes législatifs et réglementaires adoptés par l’État allemand qui réglementent son régime juridique. Il me semble dès lors incontestable que l’octroi de cet avantage est imputable à cet État.

2.   Transfert de ressources d’État en faveur de certaines entreprises

104.

En plus d’être imputable à l’État, la mesure doit impliquer le transfert de ressources d’État vers les entreprises bénéficiaires.

105.

La Cour a interprété de manière extensive la notion de « ressources d’État », qui recouvre non seulement les ressources du secteur public au sens strict mais également, dans certaines circonstances, celles de certains organismes privés.

106.

La réduction indirecte des recettes de l’État provoquée par l’adoption de réglementations ou de mesures nationales ne constitue pas un transfert de ressources d’État si elle est inhérente à ces dernières ( 78 ). C’est ainsi qu’une dérogation aux dispositions du droit du travail qui modifie le cadre des relations contractuelles entre des entreprises et leurs salariés ne constitue pas un transfert de ressources d’État, bien qu’elle puisse contribuer à réduire les charges sociales ou les impôts payables à l’État ( 79 ).

107.

Lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a ou non eu transfert de ressources d’État, les plus grandes difficultés apparaissent lorsque les États approuvent des mécanismes d’intervention dans la vie économique à la suite desquels certaines entreprises peuvent obtenir un avantage sélectif. Concrètement, la zone grise couvre les cas d’intervention de l’État qui, tout en allant au‑delà de l’adoption d’une simple réglementation générale du secteur, ne vont pas jusqu’à se traduire par un transfert direct de ressources. Le présent renvoi préjudiciel porte sur l’un de ces cas et, afin de le trancher, il convient, au préalable, de tenir compte de la jurisprudence complexe (et pas toujours linéaire) de la Cour en la matière.

a)   La jurisprudence la Cour en matière de transferts indirects de ressources d’État : de l’arrêt PreussenElektra à l’arrêt Association Vent De Colère! e.a.

108.

L’intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État comprend tant les aides qui sont accordées directement par l’État que celles qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État pour assurer la gestion de l’aide ( 80 ). Le droit de l’Union ne saurait admettre que la simple création d’institutions autonomes chargées de la distribution de ces aides permette de contourner les règles relatives aux aides d’État ( 81 ).

109.

Une mesure de l’autorité publique favorisant certaines entreprises ou certains produits ne perd pas son caractère d’avantage gratuit par le fait qu’elle serait partiellement ou totalement financée par des contributions imposées par l’autorité publique et prélevées sur les entreprises concernées ( 82 ).

110.

En effet, l’article 107, paragraphe 1, TFUE, englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l’État. Même si des sommes correspondant à la mesure d’aide ne sont pas de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État» ( 83 ).

111.

En ce qui concerne le secteur de l’électricité, la Cour a considéré, dans l’arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., que « des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État membre, gérés et répartis conformément à cette législation peuvent être considérés comme des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique» ( 84 ).

112.

Il ressort de cette jurisprudence que le niveau d’intervention et de contrôle des autorités publiques sur les ressources en cause est déterminant pour savoir si celles‑ci sont des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

113.

L’absence de contrôle des autorités publiques explique que la Cour n’a, par exemple, pas considéré comme des aides les cas dans lesquels les ressources des membres d’un organisme professionnel sont destinées au financement d’un objectif spécifique dans l’intérêt de ces membres, cet objectif aux visées purement commerciales étant déterminé par une organisation privée, l’État agissant, à l’égard de ces ressources, comme un simple véhicule pour conférer un caractère obligatoire aux cotisations introduites par les organisations commerciales. Les affaires Pearle ( 85 ) et Doux Élevage ( 86 ) en sont des exemples.

114.

L’absence de contrôle étatique sur les transferts de ressources explique également que la Cour ne considère pas comme des aides les réglementations donnant lieu à une redistribution financière d’une entité privée à une autre, sans intervention supplémentaire de l’État. En principe, il n’y a pas de transfert de ressources d’État si l’argent passe directement d’une entité privée à une autre, sans transiter par un organisme public ou privé désigné par l’État pour gérer le transfert ( 87 )

115.

Il n’y a pas non plus de transfert de ressources d’État lorsque les entreprises privées ne sont pas mandatées par l’État membre concerné pour gérer une ressource d’État, mais sont seulement tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres ( 88 ). Il s’agit là du postulat de l’arrêt PreussenElektra, en vertu duquel l’obligation, imposée par un État membre aux fournisseurs privés d’électricité, d’acheter à des prix minimaux fixés l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables n’entraîne aucun transfert direct ou indirect de ressources d’État aux entreprises productrices de ce type d’électricité, cette conclusion n’étant pas altérée par le fait que les revenus moins élevés des entreprises soumises à cette obligation causent probablement une diminution des recettes fiscales, étant donné que cette conséquence est inhérente à la mesure ( 89 ). Dans cette affaire, les entreprises concernées (c’est‑à‑dire les fournisseurs privés d’électricité) étaient soumises à une obligation d’achat d’un type spécifique d’électricité au moyen de leurs ressources financières propres, mais elles n’avaient pas été désignées par l’État pour gérer un régime d’aides.

116.

La Cour n’a pas non plus constaté de contrôle étatique (ni par conséquent de transfert de ressources d’État) dans le régime polonais qui imposait aux fournisseurs d’électricité de vendre une part d’électricité issue de la cogénération représentant 15 % de leurs ventes annuelles d’électricité aux utilisateurs finals ( 90 ).

117.

Cependant, le contrôle de l’État réapparaît et il y aura transfert de ressources d’État lorsque les sommes payées par les particuliers passeront par une entité publique ou privée désignée pour les orienter vers les bénéficiaires. C’était le cas dans l’affaire Essent Netwerk Noord, dans laquelle une entité privée avait été mandatée en vertu de la loi pour collecter, au nom de l’État, un supplément au prix (tarif) de l’électricité, à charge de l’orienter vers les bénéficiaires, sans être autorisée à utiliser son montant pour d’autres fins que celles prévues par la loi. Le montant global de ce supplément (que la Cour a qualifié de taxe) se trouvait sous contrôle public, ce qui était suffisant pour le qualifier de ressource d’État ( 91 ).

118.

La Cour a également constaté un contrôle de l’État dans l’affaire Vent De Colère! e.a., qui portait sur un mécanisme, financé par tous les consommateurs finals, qui compensait intégralement les surcoûts imposés à des entreprises en raison d’une obligation d’achat de l’électricité d’origine éolienne (à un prix supérieur à celui du marché). Il y avait intervention au moyen de ressources d’État, alors même que ce mécanisme était partiellement basé sur un transfert direct de ressources entre entités privées ( 92 ).

119.

L’ordonnance de la Cour dans l’affaire Elcogás, qui visait à déterminer si « les montants alloués à une entreprise privée productrice d’électricité qui sont financés par l’ensemble des utilisateurs finals d’électricité situés sur le territoire national [constituent une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État] », s’inscrit dans cette ligne jurisprudentielle ( 93 ).

120.

La réponse de la Cour fut que le mécanisme de compensation des surcoûts dont bénéficiait cette entreprise (financé au moyen du tarif final d’électricité appliqué à l’ensemble des consommateurs espagnols et aux utilisateurs des réseaux de transport et de distribution sur le territoire national.) devait être considéré comme une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, il était « sans incidence, d’une part, que les sommes destinées à compenser les surcoûts ne [provenaient] pas d’un supplément spécifique au tarif de l’électricité, et, d’autre part, que le mécanisme de financement en cause ne [relevait] pas, au sens strict, de la catégorie de l’impôt, du prélèvement fiscal et de la taxe parafiscale en droit national» ( 94 ).

121.

Ce contrôle public était également présent dans les revenus générés en vertu du régime danois afin d’indemniser la société publique (TV2 Reklame) pour sa gestion de l’aide que constitue le droit de commercialiser les espaces publicitaires de TV2, raison pour laquelle la Cour a qualifié ces revenus de ressources d’État ( 95 ).

b)   Le transfert de ressources d’État dans l’affaire qui nous occupe

122.

Le gouvernement allemand et les entreprises requérantes au principal soutiennent que le prélèvement EEG et son plafonnement en faveur de certaines entreprises énergivores sont des mécanismes instaurés par la loi, mais qui n’entraînent aucun transfert de ressources d’État et ne sont pas non plus soumis au contrôle des autorités allemandes. Selon eux, ce mécanisme relève de la jurisprudence PreussenElektra, étant donné que la loi EEG de 2012 n’a pas opéré de changements substantiels par rapport à la législation allemande de 1990, qui n’a pas été considérée comme une aide d’État par la Cour.

123.

Au contraire, la Commission soutient (tout comme dans la décision 2015/1585) qu’il y a eu un transfert de ressources en faveur des entreprises grosses consommatrices d’énergie, sous le contrôle des autorités allemandes. Selon elle, il s’agit d’un mécanisme de promotion des énergies renouvelables, différent de celui analysé dans l’arrêt PreussenElektra et plutôt assimilable aux mécanismes employés dans d’autres États membres (Belgique, France, Espagne, Autriche) que la Cour a qualifiés d’aides d’État, dès lors qu’ils impliquaient un transfert de ressources en faveur de certaines entreprises sous le contrôle des administrations concernées ( 96 ).

124.

L’analyse de la jurisprudence de la Cour en cette matière me pousse à partager la position de la Commission. Comme point de départ, je rappelle que les autorités allemandes ont instauré le prélèvement EEG, qui est perçu et administré par les GRT, afin de couvrir les coûts occasionnés par les tarifs réglementés et la prime de marché prévus par la loi EEG de 2012, qui garantissaient aux producteurs d’énergie verte (EEG) un prix supérieur à celui du marché. Par conséquent, le prélèvement EEG participe d’une politique de l’État allemand orientée vers le soutien aux producteurs d’électricité EEG, fixée par la loi EEG de 2012 et par ses normes complémentaires. La réduction de ce prélèvement en faveur de certaines entreprises énergivores du secteur manufacturier tentait d’atténuer l’impact du coût de ce soutien sur leurs budgets respectifs.

125.

Les principaux éléments révélant le contrôle des autorités allemandes sur les ressources générées par le prélèvement EEG (en ce compris sa réduction en faveur de certaines entreprises énergivores) et, par conséquent, la nature de « ressources d’État » de ces dernières, sont :

le caractère public de ces ressources ;

la gestion du prélèvement EEG par les GRT, en exécution d’une obligation légale, et

le contrôle administratif des autorités allemandes sur le prélèvement EEG ainsi que sur son plafonnement pour certaines entreprises énergivores.

1) Caractère public des recettes obtenues grâce au prélèvement EEG et à la réduction de son montant pour les entreprises énergivores

126.

Les producteurs d’électricité provenant de sources renouvelables sont assurés de son achat préférentiel et de la perception de son prix par les opérateurs de réseaux de distribution locale (au moyen des primes légalement prévues). Ceux‑ci transfèrent l’électricité provenant de sources renouvelables aux GRT, qui sont obligés de leur verser les primes qu’ils auraient payées. Le prélèvement EEG est calculé en fonction de la commercialisation de l’électricité à la bourse de l’électricité. Il est ensuite réparti de manière purement financière parmi les GRT, qui le répercutent sur les entreprises fournissant l’électricité aux consommateurs finals.

127.

La répercussion du prélèvement EEG dépend exclusivement des choix entrepreneuriaux des entreprises fournisseuses d’électricité, mais intervient de facto de manière systématique et s’avère cohérente avec l’objectif qui sous‑tend la loi EEG de 2012. Le plafonnement du prélèvement pour certaines entreprises énergivores est compensé par une augmentation corrélative pour le reste des consommateurs ( 97 ), c’est‑à‑dire pour ceux ne bénéficiant pas dudit plafonnement.

128.

Le gouvernement allemand et les entreprises requérantes au principal font valoir que le prélèvement EEG (et, donc, son plafonnement) induit uniquement la mobilisation de ressources privées entre des entreprises également privées, dont les relations sont soumises au droit civil, sur une base purement contractuelle. Il s’agirait d’un moyen de fixer, par la loi, le prix minimal de vente d’un produit par des entreprises privées.

129.

Je ne souscris pas à cet argument, car le prélèvement EEG n’est pas le résultat d’une simple initiative des GRT mais celui de l’application de la législation allemande, qui a identifié les bénéficiaires de l’avantage (les producteurs d’électricité EEG et certaines entreprises énergivores), les critères dits « de subsidiabilité » ainsi que l’importance de l’aide, et ce, afin de réunir les ressources financières pour couvrir les coûts du soutien à l’électricité EEG.

130.

Les GRT ne sont pas libres d’imposer le prélèvement EEG qu’ils souhaiteraient et les autorités allemandes supervisent sa méthode de calcul, sa perception et sa gestion ainsi que le plafonnement applicable aux entreprises énergivores, qui dépend d’un acte administratif préalable. Les dispositions qui réglementent ce prélèvement garantissent qu’il permette d’obtenir la couverture financière suffisante au paiement du soutien à l’électricité EEG, déduction en faveur des entreprises énergivores incluse. Ces dispositions n’autorisent pas la perception de recettes additionnelles allant au‑delà de la couverture de ces coûts et les GRT ne peuvent pas utiliser le prélèvement EEG pour financer un autre type d’activité.

131.

Le financement et le plafonnement du prélèvement EEG ont été conçus de manière à répercuter en cascade les coûts de soutien à la production d’électricité EEG sur les acteurs du marché allemand de l’électricité. Comme je l’ai déjà indiqué, la logique de ce système veut que :

les consommateurs finals d’électricité paient le prélèvement EEG, dont les effets sont atténués pour certaines entreprises énergivores ;

les producteurs d’électricité verte reçoivent le soutien financier correspondant, et

les entreprises locales de distribution, les GRT et les entreprises fournisseuses d’électricité se chargent de répercuter le montant du prélèvement EEG, toujours sous le contrôle des autorités allemandes.

132.

Le prélèvement EEG a donc la nature d’une ressource d’État servant à soutenir la production d’électricité verte, et non celle d’une simple ressource privée qu’entreprises et consommateurs peuvent négocier entre eux.

133.

Le fait qu’il n’existe pas, en Allemagne, d’organisme public spécifiquement conçu pour gérer ces ressources (cette fonction étant attribuée aux agents du marché électrique et spécialement, de manière collective, aux GRT) n’infirme pas cette conclusion. Comme je l’ai déjà rappelé, la Cour considère que pour qu’il y ait transfert de ressources d’État au sens de l’article 107 TFUE, il n’est pas nécessaire que ces ressources proviennent du budget ou du patrimoine de l’État ou qu’elles soient collectées, redistribuées et gérées par un organisme public.

134.

Pour que des ressources soient qualifiées de ressources d’État, il suffit qu’elles aient été apportées par des particuliers à d’autres particuliers afin de les faire parvenir aux bénéficiaires finals des aides, y compris sous la gestion d’entités distinctes de l’autorité publique, pour autant que le transfert de ressources économiques (en l’espèce, des consommateurs finals vers les entreprises productrices d’électricité verte) intervienne en vertu d’une obligation légale et sous contrôle administratif. C’est là le mécanisme d’aides prévu par la loi EEG de 2012, qui me semble assimilable aux mécanismes d’aide ayant donné lieu à la jurisprudence Association Vent De Colère! e.a. ( 98 ).

135.

La conception du régime d’aides appartenait au législateur allemand, de sorte que nous ne sommes pas dans un contexte comparable à celui de l’arrêt Doux Élevage ( 99 ). En outre, l’affectation de ces montants est fixée par le législateur lui‑même (soutien à la production d’énergie EEG) et les GRT ne décident pas de leur utilisation de manière discrétionnaire ( 100 ).

136.

Contrairement à ce qu’affirment le gouvernement allemand et les entreprises requérantes au principal, le contexte que nous analysons ici n’est pas assimilable à celui de l’arrêt PreussenElektra. Dans cette affaire, la Cour a considéré que la possibilité, prévue par la réglementation allemande, que les entreprises productrices d’électricité provenant de sources renouvelables vendent celle‑ci à un prix supérieur au prix du marché n’entraînait pas la mobilisation de ressources d’État. Les différences essentielles entre les deux affaires sont, à mon sens, les suivantes :

dans l’affaire PreussenElektra, les entreprises privées n’étaient pas mandatées par la loi pour gérer une ressource d’État, mais étaient tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres ( 101 ). À l’inverse, l’obligation de rémunération additionnelle des producteurs d’électricité EEG qui pèse sur les GRT n’est pas exécutée au moyen de ressources financières propres, mais au moyen du prélèvement EEG, dont le montant est exclusivement affecté au financement des régimes de soutien et de compensation instaurés par la loi EEG de 2012 ;

le système examiné dans l’affaire PreussenElektra ne comportait pas de mécanisme de compensation, alors qu’avec la loi EEG de 2012, l’État garantit aux opérateurs privés producteurs d’électricité verte la couverture intégrale des surcoûts qu’ils encourent et permet qu’ils soient intégralement supportés par les consommateurs ;

la loi EEG de 2012 instaure le prélèvement EEG (avec un plafonnement pour certaines entreprises énergivores du secteur manufacturier) en prévoyant sa répercussion en cascade, laquelle est assurée par les GRT de manière telle que son montant global est perçu par les producteurs d’électricité EEG et payé de facto par les consommateurs dans leurs factures. Cette circonstance était au contraire absente dans l’affaire PreussenElektra.

137.

Ces caractéristiques du système qui nous occupe empêchent de le qualifier de simple mécanisme de fixation du prix minimal de vente d’un produit (l’électricité EEG) entre entreprises privées au sens de l’arrêt PreussenElektra et de l’arrêt van Tiggele. Il s’agit, au contraire, d’un régime plus global de promotion des énergies renouvelables, dont les producteurs se voient garantir un flux de ressources d’État provenant, in fine, des consommateurs finals, ressources qui sont gérées de manière centralisée par les GRT sous le contrôle et la surveillance de trois autorités allemandes, à savoir la Bundesnetzagentur (agence fédérale des réseaux, Allemagne, ci‑après la « BNetzA »), le BAFA et la Umweltbundesamt (agence pour l’environnement, Allemagne). Je reviendrai ultérieurement sur ces missions.

2) L’obligation légale de gestion du prélèvement EEG et de sa réduction pour les entreprises énergivores imposée aux GRT

138.

En opposition à l’appréciation reprise dans la décision 2015/1585, le gouvernement allemand et les entreprises requérantes au principal réfutent que les GRT aient été collectivement désignés pour gérer une ressource d’État. Selon eux, les différents opérateurs concernés par la loi EEG de 2012, tout comme le reste des agents économiques, se limitent à liquider entre eux les ressources privées résultant des droits que leur reconnaît la législation. Ils se distingueraient par là des organismes publics ou privés dont l’intervention dans des mécanismes d’aide à l’électricité EEG a été analysée dans l’arrêt Association Vent De Colère! e.a.

139.

Je considère au contraire que les GRT étaient nécessairement tenus de gérer le prélèvement EEG (en ce compris sa réduction pour les entreprises énergivores) en vertu de l’obligation que leur impose la loi EEG de 2012, devenant ainsi le point central du fonctionnement du système de soutien à l’électricité EEG. Cela se déduit des missions prévues, notamment, aux articles 34 à 39 de la loi EEG de 2012 ( 102 ).

140.

Le prélèvement EEG se traduit par des ressources affectées à des fins préalablement et exclusivement définies par le législateur allemand, ressources dont l’encaissement requiert l’intervention de certains intermédiaires chargés de leur perception et de leur gestion. Ce sont des montants faisant l’objet d’une comptabilité séparée, qui ne sont pas versés au budget général des GRT et ne sont pas laissés à leur libre disposition. Les GRT se chargent justement, en vertu d’un mandat de l’État, de faciliter le flux financier des consommateurs finals vers les producteurs, dans le cadre d’une obligation qui leur a été imposée légalement. Ils ne liquident donc pas des ressources privées, mais administrent, sous la supervision de l’État, un prélèvement dont la nature relève du droit public.

3) Le contrôle des autorités allemandes sur le prélèvement EEG

141.

Le gouvernement allemand et les entreprises requérantes au principal soutiennent que les compétences des autorités publiques, en particulier de la BNetzA et du BAFA, sont trop réduites pour qu’elles puissent exercer un contrôle significatif sur le prélèvement EEG (et, par conséquent, sur son plafonnement en faveur des entreprises énergivores). Selon le gouvernement allemand, les dispositions de la loi EEG de 2012 relatives à la méthode de calcul du prélèvement, aux exigences de transparence et à la surveillance exercée par la BNetzA visent uniquement à empêcher l’enrichissement indu d’un des opérateurs privés dans le cadre du processus de paiement.

142.

Or, les autorités allemandes ne font pas que superviser la légalité des actions des opérateurs impliqués dans la perception du prélèvement EEG : si nécessaire, elles sanctionnent (BNetzA) ou vérifient également le droit d’une entreprise énergivore à bénéficier d’une réduction du prélèvement (BAFA). Le contrôle et la supervision administrative du prélèvement EEG sont, il me semble, incontestables.

143.

Concrètement, en vertu de l’article 61 de l’EEG de 2012 et dans le cadre de ses missions de surveillance, la BNetzA doit contrôler que les GRT commercialisent l’électricité EEG conformément aux dispositions de l’article 37 de cette loi et qu’ils déterminent, fixent, publient et facturent aux fournisseurs d’électricité le prélèvement EEG en respectant les prescriptions législatives et réglementaires. Par ailleurs, conformément à l’article 48 de l’EEG de 2012, la BNetzA se voit présenter, par les GRT, les données utilisées pour le mécanisme de compensation ( 103 ).

144.

La BNetzA est investie de pouvoirs d’exécution et de missions liées aux différents coûts et recettes que les GRT sont autorisés à inclure dans le calcul du prélèvement EEG. Cette agence peut adopter des décisions contraignantes pour corriger le niveau du prélèvement EEG et infliger des amendes aux opérateurs impliqués dans le système, et ce afin de respecter la loi EEG de 2012.

145.

L’intervention administrative est également importante en ce qui concerne les entreprises énergivores : ces entreprises doivent fournir au ministère compétent l’information indispensable pour qu’il puisse vérifier si les objectifs poursuivis dans le cadre de l’article 40 de la loi EEG de 2012 seront atteints. La BNetzA doit garantir que le prélèvement EEG ne sera réduit que pour les fournisseurs d’électricité remplissant les conditions fixées à l’article 39 de la loi EEG de 2012. En outre, le BAFA décide si les entreprises énergivores qui en ont fait la demande sont habilitées à ne verser qu’un prélèvement EEG plafonné, sa décision pouvant être attaquée devant les juridictions administratives allemandes, et non devant les juridictions civiles.

146.

À la lecture de cette énumération, non exhaustive, des pouvoirs de supervision et de contrôle des autorités allemandes sur les ressources perçues au titre du prélèvement EEG, je ne vois pas de raisons suffisantes pour soutenir que la décision 215/1585 ne serait pas valide en ce qu’elle affirme que ces ressources se trouvent sous le contrôle de ces autorités publiques.

147.

J’estime dès lors que le plafonnement du prélèvement EEG, tel qu’il a été appliqué aux entreprises allemandes, entraîne un transfert de ressources d’État en faveur de ces dernières au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

V. Conclusion

148.

À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de :

1)

Déclarer irrecevable la question préjudicielle posée par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main (tribunal administratif de Francfort‑sur‑le‑Main, Allemagne).

2)

À titre subsidiaire, dire pour droit que le présent renvoi préjudiciel n’a pas révélé d’élément permettant de constater l’invalidité de la décision (UE) 2015/1585 de la Commission, du 25 novembre 2014, relative au régime d’aides SA.33995 (2013/C) (ex 2013/NN) [appliqué par l’Allemagne en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et des gros consommateurs d’énergie], en ce qui concerne la réduction, en faveur de certaines entreprises grandes consommatrices d’énergie électrique, du prélèvement général instauré par la législation allemande.


( 1 ) Langue originale : l’espagnol.

( 2 ) J’ai employé ce néologisme, issue de la terminologie italienne, dans les conclusions de l’affaire IRCCS‑ Fondazione Santa Lucia (C‑189/15, EU:C:2016:287). Même si le régime italien visé par ce renvoi préjudiciel présentait des caractéristiques analogues à celles de la présente affaire, sa qualification en tant qu’aide d’État ne posait pas de problème.

( 3 ) JO 2015, L 250, p. 122.

( 4 ) Arrêt Allemagne/Commission (T‑47/15, EU:T:2016:281). Le gouvernement allemand a formé un pourvoi actuellement pendant devant la Cour (affaire C‑405/16 P, Allemagne/Commission).

( 5 ) Arrêt du 9 mars 1994 (C‑188/92, ci‑après l’« arrêt TWD , EU:C:1994:90).

( 6 ) Arrêt du 13 mars 2001 (C‑379/98, EU:C:2001:160).

( 7 ) Arrêt du 19 décembre 2013 (C‑262/12, EU:C:2013:851).

( 8 ) Loi portant nouvelle réglementation du cadre juridique de la promotion de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, du 28 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1634, ci‑après la « loi EEG de 2012 »).

( 9 ) BGBl. 2009 I, p. 2101.

( 10 ) BGBl. 2012 I, p. 1754.

( 11 ) BGBl. 2010 I, p. 134.

( 12 ) BGBl. 2013 I, p. 310.

( 13 ) Aide d’État – Allemagne – Aide d’État SA.33995 (2013/C) (ex 2013/NN) – Aide en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et prélèvement EEG réduit pour les gros consommateurs d’énergie – Invitation à présenter des observations en application de l’article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2014, C 37, p. 73).

( 14 ) Ordonnances du 9 juin 2015, Stahlwerk Bous/Commission (T‑172/14, non publiée, EU:T:2015:402) ; WeserWind/Commission (T‑173/14, non publiée, EU:T:2015:416) ; Dieckerhoff Guss/Commission (T‑174/14, non publiée, EU:T:2015:415) ; Walter Hundhausen/Commission (T‑175/14, non publiée, EU:T:2015:423) ; Georgsmarienhütte/Commission (T‑176/14, non publiée, EU:T:2015:414) ; Harz Guss Zorge/Commission (T‑177/14, non publiée, EU:T:2015:395) ; Friedrich Wilhelms-Hütte Eisenguss/Commission (T‑178/14, non publiée, EU:T:2015:409) ; Schmiedewerke Gröditz/Commission (T‑179/14, non publiée, EU:T:2015:401), et Schmiedag/Commission (T‑183/14, non publiée, EU:T:2015:396).

( 15 ) Ordonnances du 9 juin 2015, WeserWind/Commission, (T‑173/14, non publiée, EU:T:2015:416) ; Dieckerhoff Guss/Commission (T‑174/14, non publiée, EU:T:2015:415) ; Walter Hundhausen/Commission (T‑175/14, non publiée, EU:T:2015:423) ; Friedrich Wilhelms-Hütte Eisenguss/Commission (T‑178/14, non publiée, EU:T:2015:409), et Schmiedewerke Gröditz/Commission (T‑179/14, non publiée, EU:T:2015:401).

( 16 ) Ordonnances du 9 juin 2015, Stahlwerk Bous/Commission (T‑172/14, non publiée, EU:T:2015:402) ; Georgsmarienhütte/Commission (T‑176/14, non publiée, EU:T:2015:414) ; Harz Guss Zorge/Commission (T‑177/14, non publiée, EU:T:2015:395), et Schmiedag/Commission (T‑183/14, non publiée, EU:T:2015:396).

( 17 ) Ordonnance du 9 juin 2015, Georgsmarienhütte/Commission (T‑176/14, non publiée, EU:T:2015:414, point 24). Les trois autres ordonnances contiennent un point identique.

( 18 ) Affaires T‑103/15, T‑108/15, T‑109/15, T‑294/15, T‑319/15, T‑605/15, T‑737/15, T‑738/15 y T‑743/15.

( 19 ) Affaire T‑47/15, Allemagne/Commission.

( 20 ) Même si le gouvernement allemand avait contesté la décision 2015/1585 devant le Tribunal, le BAFA a estimé qu’il était obligé de l’exécuter, celle‑ci étant contraignante en vertu de l’article 288 TFUE, et que, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du Verwaltungsverfahrensgesetz (code de procédure administrative), une aide contraire au droit de l’Union accordée par un acte administratif devait être annulée sans que le principe de la confiance légitime trouve à s’appliquer.

( 21 ) Ordonnance du 18 avril 2013 (C‑368/12, non publiée, EU:C:2013:257, points 21 et 22).

( 22 ) Article 267 TFUE. Voir à cet égard arrêt du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 39 et jurisprudence citée).

( 23 ) Arrêt du 22 octobre 1987, Foto Frost (314/85, EU:C:1987:452, points 14 et 15). Voir également arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, points 27 et 30), et du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 95).

( 24 ) Arrêt TWD, point 17.

( 25 ) Arrêt du 14 mars 2017 (C‑158/14, EU:C:2017:202, point 70), qui cite l’arrêt TWD, point 18, ainsi que l’arrêt du 15 février 2001, Nachi Europe (C‑239/99, EU:C:2001:101). Aux termes du point 70 cet arrêt : « une demande de décision préjudicielle portant sur la validité d’un acte de l’Union ne peut être rejetée que dans l’hypothèse où, bien que le recours en annulation contre un acte de l’Union aurait été manifestement recevable, la personne physique ou morale susceptible d’introduire un tel recours s’est abstenue de le faire dans le délai imparti et invoque l’illégalité de cet acte dans le cadre d’une procédure nationale afin d’inciter la juridiction nationale à saisir la Cour de la demande de décision préjudicielle en question, portant sur la validité dudit acte, contournant ainsi le caractère définitif que revêt à son égard ledit acte après l’expiration du délai de recours ».

( 26 ) Arrêt TDW, point 16 : « les délais de recours visent à sauvegarder la sécurité juridique, en évitant la remise en cause indéfinie des actes communautaires entraînant des effets de droit ». Dans le même sens, voir arrêts du 30 janvier 1997, Wiljo (C‑178/95, EU:C:1997:46, point 19) et du 15 février 2001, Nachi Europe, (C‑239/99, EU:C:2001:101, point 29).

( 27 ) Arrêt du 22 octobre 2002, National Farmers’ Union (C‑241/01, EU:C:2002:604, point 36).

( 28 ) Arrêt TDW, point 18 : « admettre que, dans de telles circonstances, l’intéressé puisse s’opposer, devant la juridiction nationale, à l’exécution de la décision en se fondant sur l’illégalité de celle‑ci reviendrait à lui reconnaître la faculté de contourner le caractère définitif que revêt à son égard la décision après l’expiration des délais de recours ». À cet égard, voir également arrêts postérieurs du 15 février 2001, Nachi Europe (C‑239/99, EU:C:2001:101, point 30) ; du 27 novembre 2012, Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 41), et du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português (C‑667/13, EU:C:2015:151, points 28 et 30).

( 29 ) Arrêts TWD, points 17à 25 ; du 30 janvier 1997, Wiljo (C‑178/95, EU:C:1997:46, points 15 à 25) ; et du 15 février 2001, Nachi Europe (C‑239/99, EU:C:2001:101, points 29 à 40).

( 30 ) La formulation de l’article 263, paragraphe 4, TFUE, qui est due au traité de Lisbonne, a entendu renforcer la protection juridictionnelle des personnes physiques ou morales contre les actes de l’Union, en élargissant les conditions de recevabilité du recours en annulation aux actes réglementaires qui concernent directement les particuliers et ne comportent pas de mesures d’exécution. La Cour a cependant jugé que cet élargissement des conditions de recevabilité n’entraîne pas l’élimination de l’exception TWD. Voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2011, Comitato Venezia vuole vivere e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368), et du 14 mars 2017, A e.a. (C‑158/14, EU:C:2017:202), dont le point 69 indique que « cet élargissement des conditions de recevabilité du recours en annulation n’a pas pour contrepartie l’impossibilité de remettre en cause, devant une juridiction nationale, la validité d’un acte de l’Union dès lors que le recours en annulation qu’aurait introduit devant le Tribunal l’une des parties au litige devant cette juridiction n’aurait pas été manifestement recevable ».

( 31 ) Ces restrictions ne s’appliquent pas lorsque la partie requérante est un État membre, lequel a toujours qualité pour introduire un recours en annulation.

( 32 ) Voir en particulier arrêts du 23 février 2006, Atzeni e.a. (C‑346/03 et C‑529/03, EU:C:2006:130, points 30 à 34) ; du 8 mars 2007, Roquette Frères (C‑441/05, EU:C:2007:150, points 35 à 48) ; du 29 juin 2010, E et F (C‑550/09, EU:C:2010:382, points 37 à 52) ; du 18 septembre 2014, Valimar (C‑374/12, EU:C:2014:2231, points 24 à 38) ; du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português (C‑667/13, EU:C:2015:151, points 27 à 32) ; du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a. (C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2016:311, point 57), et du 14 mars 2017, A e.a. (C‑158/14, EU:C:2017:202, points 71 à 75).

( 33 ) Arrêt du 5 mars 2015, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português (C‑667/13, EU:C:2015:151). La Cour a jugé, au point 30 de cet arrêt, que l’exception TWD « ne s’applique qu’à l’égard d’une partie qui se prévaut de l’illégalité d’un acte de l’Union européenne devant une juridiction nationale alors qu’elle aurait pu – sans aucun doute – introduire un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE contre cet acte, mais a omis de le faire dans les délais impartis. Par conséquent, la circonstance que l’Estado português, qui ne conteste pas la légalité de la décision 2011/346 devant la juridiction nationale, n’a pas introduit un recours en annulation de cette décision devant le Tribunal est sans pertinence pour l’appréciation de la recevabilité des questions relatives à la validité de ladite décision ».

( 34 ) Décision de la Commission du 20 juillet 2010 concernant l’aide d’État C 33/09 (ex NN 57/09, ex CP 191/09) accordée par le Portugal sous la forme d’une garantie de l’État en faveur de BPP (JO 2011, L 159, p. 95).

( 35 ) Arrêt du 12 décembre 2014, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português/Commission (T‑487/11, EU:T:2014:1077).

( 36 ) Ce litige portait sur l’inscription de la créance de l’État portugais au passif de la liquidation de BPP à concurrence d’un montant de 24462921,24 euros, majoré des intérêts échus, représentant le montant de la récupération de l’aide prétendument illégale octroyée à BPP en garantissant un prêt d’un montant de 450 millions.

( 37 ) Arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C‑222/04, EU:C:2006:8). La Cour est arrivée à cette conclusion en constatant, aux points 72 et 74 de cet arrêt, que la question préjudicielle avait été soulevée d’office par la juridiction de renvoi, et non à la demande d’une quelconque partie au litige au principal ayant eu la possibilité d’introduire un recours en annulation contre décision en cause et qui ne l’aurait pas utilisée. L’avocat général Jacobs ajoutait, dans ses conclusions dans l’affaire Cassa di Risparmio di Firenze e.a. (C‑222/04, EU:C:2005:655, point 63), qu’il « n’est pas possible, en l’espèce, d’invoquer un éventuel abus de procédure à l’encontre d’une partie qui aurait pu attaquer la décision devant la juridiction communautaire et qui ne l’a pas fait, cas de figure autour duquel, à notre sens, s’articule l’arrêt TWD Textilwerke Deggendorf ».

( 38 ) Le juge national peut d’ailleurs appliquer lui‑même l’exception TWD pour ne pas poser la question. Dans son arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434, point 56), la Cour a jugé que « c’est à bon droit que la juridiction de renvoi a refusé de poser à la Cour une question concernant la validité de la décision 90/555, décision que Lucchini aurait pu attaquer dans un délai d’un mois à compter de la publication de cette dernière en vertu de l’article 33 du traité CECA, ce qu’elle n’a pas fait ».

( 39 ) Barav, A., « Déviation préjudicielle », Le renvoi préjudiciel dans le droit de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 217 à 282 ; Ritleng, D., « Pour une systématique des contentieux au profit d’une protection juridictionnelle effective », Mélanges en hommage à Guy Isaac : 50 ans de droit communautaire, Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 2005, tome 2, p. 735 ; Martínez Capdevila, C., « The action for annulment, the preliminary reference on validity and the plea of illegality: Complementary or alternative means ? », Yearbook of European Law, 2006, vol. 25, p. 451; Schwensfeier, R., « The TWD principle post-Lisbon », European Law Review, 2012, p. 156.

( 40 ) Arrêt du 15 février 2001, Nachi Europe (C‑239/99, EU:C:2001:101, point 29 et jurisprudence citée).

( 41 ) Arrêt TWD, point 16.

( 42 ) Dans l’ordonnance du 10 octobre 2017, Greenpeace Energy/Commission (C‑640/16 P, non publiée, EU:C:2017:752, points 61 à 63), la Cour a jugé qu’un particulier qui n’est pas directement et individuellement concerné par une décision de la Commission en matière d’aide d’État peut en contester la validité devant les juridictions nationales et inviter celles‑ci à utiliser la voie préjudicielle. Il convient d’en déduire que le renvoi préjudiciel en appréciation de validité revêt un caractère subsidiaire par rapport au recours en annulation et que ce dernier est la procédure indiquée pour que les particuliers directement et individuellement concernés attaquent les décisions de la Commission.

( 43 ) C’est ainsi que l’avait souligné l’avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire TWD Textilwerke Deggendorf (C‑188/92, non publiées, EU:C:1993:358, points 17 à 20).

( 44 ) La Commission prend comme exemples les décisions de politique commerciale (antidumping), les mesures restrictives, les actes en matière environnementale, chimique et médicale, ainsi que les actes adoptés dans le cadre des politiques agricole et de la pêche.

( 45 ) Dans ses recommandations à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2016, C 349, p. 1), la Cour précise qu’« il est nécessaire que la décision d’opérer un renvoi préjudiciel soit prise à un stade de la procédure où la juridiction de renvoi est en mesure de définir, avec suffisamment de précisions, le cadre juridique et factuel de l’affaire au principal, ainsi que les questions juridiques qu’elle soulève ».

( 46 ) Décision 88/591/CECA, CEE, Euratom, du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO 1988, L 319, p. 1), troisième et quatrième considérants.

( 47 ) La Cour doit trancher la même question de fond (à savoir, si le plafonnement du prélèvement EEG pour les entreprises énergivores constitue une aide d’État) dans deux litiges distincts ayant des caractéristiques procédurales différentes : a) dans le cadre du présent renvoi préjudiciel, et b) dans le cadre du pourvoi formé par la République fédérale d’Allemagne contre l’arrêt du Tribunal qui a confirmé la légalité de la décision de la Commission (affaire C‑405/16 P). Si, comme je le pense, Georgsmarienhütte et les trois autres entreprises avaient joui d’une capacité manifeste pour introduire le recours en annulation, la dualité des voies procédurales est dysfonctionnelle. L’exception TWD ferme la porte à ce dysfonctionnement et permet que la Cour se prononce sur la légalité de la décision 2015/1585 uniquement dans le cadre du pourvoi contre l’arrêt pilote du Tribunal (qui a sursis à statuer dans les autres recours en annulation jusqu’à ce que la Cour tranche la question par son arrêt sur pourvoi).

( 48 ) Arrêt du 15 février 2001, Nachi Europe (C‑239/99, EU:C:2001:101).

( 49 ) Arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C‑386/96 P, EU:C:1998:193, point 43), et du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 48).

( 50 ) Arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a. (C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2016:311, point 51), qui cite les arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 63).

( 51 ) Arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a. (C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2016:311, point 53), qui cite l’arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 59).

( 52 ) Arrêts du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission (C‑15/98 et C‑105/99, EU:C:2000:570, point 33), et du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 53).

( 53 ) Arrêts du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission (C‑15/98 et C‑105/99, EU:C:2000:570, point 34) ; du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 54), et du 9 juin 2011, Comitato  Venezia vuole vivere  e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 53 et 56).

( 54 ) Ordonnances du 9 juin 2015, Stahlwerk Bous/Commission (T‑172/14, non publiée, EU:T:2015:402) ; Georgsmarienhütte/Commission (T‑176/14, non publiée, EU:T:2015:414) ; Harz Guss Zorge/Commission (T‑177/14, non publiée, EU:T:2015:395), et Schmiedag/Commission (T‑183/14, non publiée, EU:T:2015:396).

( 55 ) Ordonnance du 9 juin 2015, Georgsmarienhütte/Commission (T‑176/14, non publiée, EU:T:2015:414, point 24). Les trois autres ordonnances contiennent un point identique.

( 56 ) Le 10 décembre 2014, le Tribunal a demandé à la Commission de produire le texte de la décision 2015/1585 afin que les entreprises requérantes en prennent connaissance, ce qui fut fait le 6 janvier 2015. Ce même jour, le Tribunal a demandé aux parties de se prononcer sur les conséquences de l’adoption de cette décision. Voir ordonnance du 9 juin 2015, Georgsmarienhütte/Commission (T‑176/14, non publiée, EU:T:2015:414, points 13 à 16).

( 57 ) Il a également été confirmé lors de l’audience que les entreprises requérantes ont pu avoir accès à une version non confidentielle rédigée en anglais de la décision 2015/1585, publiée en décembre 2014 sur le site web de la Commission.

( 58 ) Article 60 du règlement de procédure du Tribunal.

( 59 ) Arrêt TWD, point 18.

( 60 ) Ordonnance du 18 avril 2013 (C‑368/12, non publiée, EU:C:2013:257).

( 61 ) Arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a. (C‑547/14, EU:C:2016:325, point 48).

( 62 ) Voir arrêt du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine (C‑176/96, EU:C:2000:201, point 23) ; ordonnance du 18 avril 2013, Adiamix (C‑368/12, non publiée, EU:C:2013:257, point 24), et arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a. (C‑547/14, EU:C:2016:325, point 49).

( 63 ) Ordonnance du 18 avril 2013, Adiamix (C‑368/12, non publiée, EU:C:2013:257, point 25).

( 64 ) Décision de renvoi, page 11.

( 65 ) Arrêts du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C‑72/91 et C‑73/91, EU:C:1993:97, point 18) ; du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C‑345/02, EU:C:2004:448, point 33 ) ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, point 15) ; du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias (C‑690/13, EU:C:2015:235, point 17) ; du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 40) ; du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 38), et du 13 septembre 2017, ENEA (C‑329/15, EU:C:2017:671, point 17).

( 66 ) Arrêts du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C‑39/94, EU:C:1996:285, point 60) ; du 29 avril 1999, Espagne/Commission (C‑342/96, EU:C:1999:210, point 41) ; du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413, point 79) ; du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias (C‑690/13, EU:C:2015:235, point 20), et du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 65).

( 67 ) Arrêts du 15 mars 1994, Banco Exterior de España (C‑387/92, EU:C:1994:100, point 13) ; du 19 mai 1999, Italie/Commission (C‑6/97, EU:C:1999:251, point 15) ; du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission (C‑156/98, EU:C:2000:467, point 25) ; du 3 mars 2005, Heiser (C‑172/03, EU:C:2005:130, point 36), et du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania (C‑74/16, EU:C:2017:496, point 66).

( 68 ) Arrêt du 3 mars 2005, Heiser (C‑172/03, EU:C:2005:130, point 54 et jurisprudence citée).

( 69 ) Annexe III du document de la Commission intitulé « Energy Prices and Costs in Europe », SWD(2014) 20 final. Lorsque la décision 2015/1585 a été adoptée, les données d’Eurostat montraient qu’en Allemagne, les prix de l’électricité se situaient en huitième position sur l’échelle des prix les plus bas pour les clients industriels et étaient inférieurs à la moyenne de l’Union pour les consommateurs.

( 70 ) Arrêt du 16 avril 2015, Trapeza Eurobank Ergasias (C‑690/13, EU:C:2015:235, point 22 et jurisprudence citée).

( 71 ) Arrêts du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598, point 48) ; du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 62) ; du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, points 49 et suivants) ; du 18 juillet 2013, P (C‑6/12, EU:C:2013:525, point 19), et du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia (C‑522/13, EU:C:2014:2262, points 42 et 43).

( 72 ) Arrêts du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C‑88/03, EU:C:2006:511, point 81) ; du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757) ; du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, points 69 et 70) ; du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551), et du 18 juillet 2013, P (C‑6/12, EU:C:2013:525, points 27 et suivants).

( 73 ) Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014‑2020 (JO 2014, C 200, p. 1).

( 74 ) Considérant 215 de la décision 2015/1585.

( 75 ) Arrêts du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 24) ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, point 16), et du 13 septembre 2017, ENEA (C‑329/15, EU:C:2017:671, point 20).

( 76 ) Arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 24).

( 77 ) Arrêts du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, point 18), et du 13 septembre 2017, ENEA (C‑329/15, EU:C:2017:671, point 22), et ordonnance du 22 octobre 2014, Elcogás (C‑275/13, non publiée, EU:C:2014:2314, point 23).

( 78 ) Arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160, point 62).

( 79 ) Arrêts du 30 novembre 1993, Kirsammer-Hack (C‑189/91, EU:C:1993:907, points 17 et 18), et du 7 mai 1998, Viscido e.a. (C‑52/97 à C‑54/97, EU:C:1998:209, points 13 et 14).

( 80 ) Arrêts du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig (78/76, EU:C:1977:52, point 21) ; du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160, point 58), et du 13 septembre 2017, ENEA (C‑329/15, EU:C:2017:671, point 23).

( 81 ) Arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 23).

( 82 ) Arrêt du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig (78/76, EU:C:1977:52, point 22).

( 83 ) Arrêts du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37) ; du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413, point 70) ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, point 21), et du 13 septembre 2017, ENEA (C‑329/15, EU:C:2017:671, point 25).

( 84 ) Arrêts du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, point 25), et du 2 juillet 1974, Italie/Commission (173/73, EU:C:1974:71, point 35).

( 85 ) Arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C‑345/02, EU:C:2004:448, point 41). Dans cette affaire, relative au financement d’une campagne publicitaire en faveur des opticiens, les ressources destinées à payer cette publicité étaient collectées auprès d’entreprises privées par l’intermédiaire d’un organisme professionnel de droit public. La Cour a considéré qu’il ne s’agissait pas de « ressources d’État », étant donné que cet organisme « n’[avait] eu, à aucun moment, le pouvoir de disposer librement » des taxes, qui étaient « affectées obligatoirement au financement de [cette] campagne [publicitaire] ».

( 86 ) Arrêt du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE (C‑677/11, EU:C:2013:348, point 36). En l’espèce, aucune ressource d’État n’a été constatée dans cette affaire, relative à un décret qui étendait à l’ensemble des professionnels un accord conclu dans le cadre d’une organisation professionnelle (la filière agricole de la production et de l’élevage de dindes), fixant une cotisation destinée à financer des actions communes décidées par ladite organisation. Les autorités nationales ne pouvaient pas effectivement utiliser les ressources provenant des cotisations en cause pour soutenir certaines entreprises, l’organisation interprofessionnelle décidant elle‑même de leur affectation aux objectifs qu’elle déterminait. Ces ressources n’étaient pas constamment sous contrôle public, ni à la disposition des autorités étatiques.

( 87 ) Arrêt du 24 janvier 1978, van Tiggele (82/77, EU:C:1978:10, points 25 et 26).

( 88 ) Arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413, point 74) ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, point 35), et du 13 septembre 2017, ENEA (C‑329/15, EU:C:2017:671, point 26).

( 89 ) Arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160, points 59 à 62). Voir également arrêt du 5 mars 2009, UTECA (C‑222/07, EU:C:2009:124, points 43 à 47), en ce qui concerne les cotisations obligatoires imposées aux entreprises de radiodiffusion aux fins de la production cinématographique, qui n’entraînent pas de transfert de ressources d’État.

( 90 ) Arrêt du 13 septembre 2017, ENEA (C‑329/15, EU:C:2017:671, points 27 à 30). En l’espèce, l’autorité polonaise compétente approuvait les tarifs maximaux de vente d’électricité aux utilisateurs finals de telle sorte que la charge financière résultant de cette obligation d’achat ne pouvait pas être systématiquement répercutée sur eux par les entreprises. C’est pour cette raison que, dans certaines circonstances, les fournisseurs d’électricité acquéraient l’électricité issue de la cogénération à un prix supérieur à celui pratiqué dans le cadre de la vente aux utilisateurs finals ce qui induisait un surcoût à leur encontre. L’impossibilité d’une répercussion intégrale d’un tel surcoût sur l’utilisateur final, de son financement par une contribution obligatoire imposée par l’État membre ou encore d’un mécanisme de compensation intégrale a conduit la Cour à conclure que les entreprises d’approvisionnement n’étaient pas mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État, mais finançaient une obligation d’achat leur incombant au moyen de leurs ressources propres.

( 91 ) Arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413, points 69 à 75).

( 92 ) Arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, points 25 et 26).

( 93 ) Ordonnance du 22 octobre 2014, Elcogás (C‑275/13, non publiée, EU:C:2014:2314, point 20).

( 94 ) Ordonnance du 22 octobre 2014, Elcogás (C‑275/13, non publiée, EU:C:2014:2314, points 30 et 31). Cette dernière précision peut être pertinente pour couper court à l’objection (évoquée au considérant 116 de la décision 2015/1585) voulant que « le prélèvement EEG ne constituait pas une contribution spéciale (Sonderabgabe) au sens du droit constitutionnel allemand, le produit du prélèvement EEG n’étant pas affecté au budget de l’État et les fonds n’étant pas mis à la disposition des autorités publiques, même indirectement ».

( 95 ) Arrêt du 9 novembre 2017, Commission/TV2/Danmark (C‑656/15 P, EU:C:2017:836, points 59 et 63). Dans cette affaire, deux entreprises publiques (TV2 Reklame et le Fonds TV2) avaient été créées, contrôlées et mandatées par l’État danois afin de gérer les recettes provenant de la commercialisation des espaces publicitaires d’une autre entreprise publique (TV2/Danmark). Ces recettes, dont le ministère de la Culture pouvait décider qu’elles seraient consacrées à d’autres fins que leur transfert au Fonds TV2, se trouvaient toujours sous le contrôle et à la disposition de l’État.

( 96 ) Arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413), et du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851) ; ordonnance du 22 octobre 2014, Elcogás (C‑275/13, non publiée, EU:C:2014:2314), et arrêt du 11 décembre 2014, Autriche/Commission (T‑251/11, EU:T:2014:1060).

( 97 ) La Commission soutient ainsi, au considérant 54 de la décision 2015/1585, que « l’association allemande des consommateurs d’énergie (Bund der Energieverbraucher), à l’origine de la plainte déposée auprès de la Commission concernant la loi EEG de 2012, a fait valoir que les réductions du prélèvement EEG constituent effectivement une aide d’État […] en faveur des gros consommateurs d’énergie et qu’elles portent préjudice aux entreprises et consommateurs allemands qui doivent payer un prélèvement EEG plus élevé sans bénéficier de réductions semblables ».

( 98 ) Arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413, point 70), et du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, point 25), et ordonnance du 22 octobre 2014, Elcogás (C‑275/13, non publiée, EU:C:2014:2314, point 32).

( 99 ) Arrêt du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE (C‑677/11, EU:C:2013:348).

( 100 ) Arrêt du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium (C‑393/04 et C‑41/05, EU:C:2006:403, point 46 et jurisprudence citée).

( 101 ) Voir à cet égard arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851, point 35).

( 102 ) Aux termes du considérant 106 de la décision 2015/1585, les GRT doivent :

« –

acheter l’électricité EEG produite dans leur périmètre, soit directement auprès du producteur lorsque celui-ci est directement relié à la ligne de transport, soit auprès des gestionnaires de réseau de distribution (GRD), aux tarifs de rachat, ou payer la prime de marché. Par conséquent, l’électricité EEG ainsi que la charge financière du soutien prévu par la loi EEG de 2012 sont centralisées au niveau de chacun des quatre GRT,

appliquer le ‟privilège électricité verte” aux fournisseurs qui en font la demande et qui remplissent les conditions requises, énoncées à l’article 39, paragraphe 1, de la loi EEG de 2012,

se répartir la quantité d’électricité EEG, afin que chacun d’entre eux achète la même proportion d’électricité EEG,

vendre l’électricité EEG sur le marché au comptant selon les règles définies dans la loi EEG de 2012 et dans ses dispositions d’application; cette vente peut être réalisée en commun,

calculer ensemble le prélèvement EEG, qui doit être identique pour chaque kWh consommé en Allemagne, comme la différence entre les recettes générées par la vente d’électricité EEG et les dépenses liées à l’achat d’électricité EEG,

publier conjointement le prélèvement EEG dans un format spécifique sur un site web commun,

publier des informations agrégées sur l’électricité EEG,

comparer le prélèvement EEG prévu avec la valeur qu’il aurait réellement dû avoir au cours d’une année donnée et adapter le prélèvement pour l’année qui suit,

publier des prévisions pour plusieurs années à l’avance,

collecter le prélèvement EEG auprès des fournisseurs d’électricité,

(séparément) consigner tous les flux financiers (dépenses et recettes) liés à la loi EEG de 2012 dans des comptes bancaires distincts […] »

( 103 ) Aux termes du considérant 39 de la décision 2015/1585, la BNetzA a été chargée de vérifier que :

« –

GRT vendent sur le marché au comptant l’électricité pour laquelle des tarifs de rachat sont payés conformément aux règles applicables […],

les GRT déterminent, fixent et publient correctement le prélèvement EEG,

les GRT facturent correctement le prélèvement EEG aux fournisseurs d’électricité,

les gestionnaires de réseau facturent correctement les tarifs de rachat et les primes aux GRT,

[…] »