DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

8 mai 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale L’ECLAIREUR – Usage sérieux de la marque – Article 15, paragraphe 1, article 51, paragraphe 1, sous a), et article 76, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 207/2009 – Règle 22, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 2868/95 – Prétendue divergence par rapport à la partie C, section 6, des directives relatives à l’examen de l’EUIPO »

Dans l’affaire T‑680/15,

Les Éclaires GmbH, établie à Nuremberg (Allemagne), représentée par Me S. Bund, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

L’éclaireur International, établi à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me M. Decker, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 3 septembre 2015 (affaire R 2266/2014-1), relative à une procédure de déchéance entre Les Éclaires et L’éclaireur International,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz (rapporteur) et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 novembre 2015,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 mars 2016,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 octobre 2003, l’intervenante, L’éclaireur International, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal L’ECLAIREUR.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 4, 9, 14, 18, 20 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. En ce qui concerne la classe 25, qui est la seule visée par le présent litige, les produits correspondent à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 6/2005, du 7 février 2005. La marque a été enregistrée pour l’ensemble des produits visés le 23 août 2005, sous le numéro 3494028.

5        Le 1er août 2013, la requérante, Les Éclaires GmbH, a déposé une demande en déchéance de la marque en cause. Les motifs invoqués dans la demande étaient ceux visés à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, à savoir que la marque en cause n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits protégés, et ce pendant une période ininterrompue de cinq ans.

6        Le 12 août 2013, l’EUIPO a notifié à l’intervenante la demande en déchéance. Le 10 janvier 2014, l’intervenante a apporté un ensemble de preuves d’usage portant sur la marque en cause.

7        Par décision du 2 juillet 2014, la division d’annulation a révoqué les droits de l’intervenante à l’égard de l’ensemble des produits pour lesquels la marque avait été enregistrée le 23 août 2005.

8        Le 1er septembre 2014, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation. Le 6 novembre 2014, elle a présenté son mémoire exposant les motifs du recours ainsi que des « preuves complémentaires ».

9        Par décision du 3 septembre 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a partiellement annulé la décision de la division d’annulation, et ce « dans la mesure où elle a prononcé la déchéance de la marque [en cause] pour les ‘vêtements’ et les ‘chaussures’ relevant de la classe 25 ». Par conséquent, elle a conclu à ce que l’enregistrement de ladite marque soit maintenu pour ces produits. En substance, la chambre de recours a relevé que, de façon générale, les éléments de preuve d’usage étayaient l’utilisation de la marque en cause pour les « vêtements » et les « chaussures », mais non pour les autres produits relevant des classes 3, 4, 9, 14, 18, 20 et 25.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée « de sorte que [l’intervenante] soit déchue de l’intégralité de ses droits sur la marque [en cause] » ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation non fondé et le rejeter ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        en tout état de cause, condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante devant le Tribunal et devant l’EUIPO.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, trois moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 51, paragraphe 1, de ce même règlement. Le deuxième moyen est tiré de la « contradiction » entre la décision attaquée et la partie C, section 6, des directives relatives à l’examen pratiqué à l’EUIPO sur les marques de l’Union (ci-après les « directives de l’EUIPO ») ainsi que d’une violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. Le troisième moyen est tiré de la violation de la règle 22, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1).

14      Le Tribunal juge opportun d’examiner, dans un premier temps, le troisième moyen de la requérante et de procéder, dans un second temps, à l’analyse des premier et deuxième moyens, dans l’ordre indiqué.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de la règle 22, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95

15      La requérante se réfère, tout d’abord, à la règle 22, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95, en soutenant qu’il en ressort que, si les preuves produites conformément aux paragraphes 1 à 3 de cette disposition n’étaient pas rédigées dans la langue de procédure de l’opposition, l’EUIPO pouvait inviter l’opposant à fournir dans le délai imparti une traduction dans cette langue. La requérante avance que l’EUIPO a, conformément à la disposition précitée, toute latitude pour décider si l’opposant devait fournir une traduction des preuves de l’usage dans la langue de procédure. Selon elle, il appartenait à l’EUIPO d’évaluer, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, les intérêts des deux parties.

16      La requérante avance, plus particulièrement, que, étant donné que les factures présentées par l’intervenante devant l’EUIPO n’étaient pas émises dans la langue de procédure et que leur contenu n’a pas été interprété correctement par la chambre de recours, l’EUIPO aurait dû requérir une traduction de ces documents.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

18      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que, s’agissant des « preuves de l’usage », conformément à la règle 40, paragraphe 5, du règlement n° 2868/95, la règle applicable, mutatis mutandis, en l’espèce est la règle 22, paragraphe 6, de ce même règlement, qui prévoit, dans le contexte de l’application de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, que l’EUIPO « peut » inviter l’opposant à produire une traduction des preuves produites dans la langue de procédure [arrêt du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, points 54 et 55]. Ainsi, il ne s’agit pas d’appliquer la règle 19, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95 [voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2010, Epcos AG/OHMI – Epco Sistemas (EPCOS), T‑132/09, non publié, EU:T:2010:518, point 53], qui est plus stricte [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2016, Puma/EUIPO – Gemma Group (Représentation d’un félin bondissant), T‑159/15, EU:T:2016:457, points 23 à 25].

19      Il ressort de ce qui précède que, comme le soutient à juste titre l’EUIPO,conformément aux règles applicables, citées au point 18 ci-dessus, il y a non pas une obligation mais une possibilité d’inviter la partie présentant des preuves d’usage à apporter une traduction de celles-ci. Or, en premier lieu, il convient de relever, en l’espèce, à l’instar de l’EUIPO, que même les factures rédigées dans d’autres langues que l’anglais, qui sont les seuls documents spécifiquement visés par l’allégation de la requérante présentée devant le Tribunal, peuvent être comprises telles quelles, en ce qu’elles contiennent des informations portant sur les parties contractantes, sur la quantité et la nature des produits vendus ainsi que sur les prix payés. De surcroît, la compréhension de certaines desdites factures est encore facilitée par le fait que d’autres éléments de preuve, qui peuvent être lus en commun avec ces dernières, ont été présentés par l’intervenante devant l’EUIPO. Si certaines factures ne permettent pas de déterminer clairement quels étaient les produits qui en constituaient l’objet, cela n’est pas dû directement à leur absence de traduction. Par ailleurs, force est encore de constater qu’un nombre important des factures présentées était rédigé en anglais, c’est-à-dire dans la langue de procédure de l’opposition.

20      En second lieu, comme l’a avancé à bon droit l’EUIPO, il convient de relever que la requérante, dans une lettre du 18 mars 2014 adressée à l’EUIPO, a, d’une part, critiqué le fait que certains éléments de preuve de l’usage ont été produits dans d’autres langues que la langue de procédure, tout en affirmant, d’autre part, que la chambre de recours devait se prononcer sur la base des éléments de preuve tels que présentés, afin d’éviter tout retard supplémentaire dans la résolution de l’affaire.

21      À cet égard, il convient de relever que, alors même que cette dernière affirmation peut être comprise en ce sens que la requérante avait demandé à l’EUIPO de ne plus fixer de délais supplémentaires à l’intervenante pour présenter des éléments de preuve additionnels sur l’utilisation de la marque en cause, il en ressort également que la requérante visait à obtenir que l’EUIPO décide promptement sur la base des éléments déjà présentés, tels quels, c’est-à-dire sans qu’il soit procédé à leur traduction.

22      D’ailleurs, force est de constater que, durant la procédure administrative devant l’EUIPO, la requérante n’a pas demandé expressément une traduction des éléments de preuve en cause. Au contraire, il ressortait de plusieurs de ses allégations qu’elle avait compris leur contenu, même lorsqu’ils étaient présentés dans une autre langue que la langue de procédure. Il en fut ainsi, à titre d’exemple, lorsqu’elle a soutenu que certains extraits d’articles de la presse française ne faisaient que mettre en exergue les magasins dénommés « L’ECLAIREUR » et non l’utilisation de la marque en cause pour les produits visés par la demande de déchéance. Enfin, il convient de relever qu’une partie importante des éléments de preuve présentés ont été rédigés en anglais, c’est-à-dire dans la langue de procédure.

23      Dans ces circonstances, le principe du contradictoire et l’égalité des armes entre les parties dans une procédure inter partes ont été respectés. Il ne saurait pas non plus être considéré que l’absence de traduction de certains des éléments de preuve en cause ait affecté l’exercice des droits de la défense de la requérante, dans la mesure où elle a été en mesure de contester devant le Tribunal les documents en cause (voir, par analogie, arrêt du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, points 102 et suivants).

24      Partant, il convient de rejeter le troisième moyen.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 51, paragraphe 1, de ce même règlement

25      La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée n’est pas conforme à l’article 15, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 51, paragraphe 1, de ce même règlement, dès lors qu’aucun élément concret et objectif ne prouverait une utilisation effective et suffisante de la marque en cause pour des « vêtements » et des « chaussures ». Selon la requérante, l’intervenante n’a démontré aucune finalité commerciale dans l’utilisation de cette marque, qui ne serait, ainsi, ni effective ni suffisante.

26      Plus particulièrement, premièrement, la requérante avance que très peu d’articles de vêtement ou de chaussures sur lesquels la marque en cause a été apposée ont été présentés, notamment sous forme de photographies. Deuxièmement, les seules factures pouvant viser de tels articles dataient, selon la requérante, de février et de septembre 2013, et portaient sur un total de 75 jeans provenant de l’entreprise Snake & Dagger. Il n’aurait pas été démontré que les jeans faisant l’objet de ces factures étaient précisément ceux ressortant des photographies ni qu’ils avaient effectivement été vendus sur le marché ou qu’ils avaient fait l’objet d’un usage commercial. La requérante souligne que certaines factures se référaient à des « prototypes » et que c’était l’intervenante qui apparaissait comme étant l’acheteur. Aucune « facture client » n’aurait été produite en l’espèce. Selon la requérante, les autres factures produites démontraient tout au plus l’usage de la dénomination commerciale de l’intervenante. Troisièmement, la requérante souligne, de manière générale, les faibles quantités de produits ressortant des factures, qui, d’ailleurs, ne démontreraient aucun usage public envers l’extérieur. Selon elle, il manquait, en l’espèce, des données portant sur le chiffre d’affaires et sur le volume des ventes.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

28      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action de contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

29      En vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 2868/95, applicable aux procédures de déchéance en vertu de la règle 40, paragraphe 5, du même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

30      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 32 et jurisprudence citée, et du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 53 et jurisprudence citée].

31      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée, et du 4 juillet 2014, Construcción, Promociones e Instalaciones/OHMI – Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales (CPI COPISA INDUSTRIAL), T‑345/13, non publié, EU:T:2014:614, point 21 et jurisprudence citée].

32      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et des services visés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée].

33      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36 et jurisprudence citée]. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [voir arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 30 et jurisprudence citée].

34      À cet égard, s’agissant de l’article 5, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), la Cour a précisé qu’une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n’a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. En effet, une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société, tandis qu’un nom commercial ou une enseigne a pour objet de signaler un fonds de commerce. Dès lors, lorsque l’usage d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une enseigne se limite à identifier une société ou à signaler un fonds de commerce, il ne saurait être considéré comme étant fait « pour des produits ou des services » [voir arrêt du 13 avril 2011, Alder Capital/OHMI – Gimv Nederland (ALDER CAPITAL), T‑209/09, non publié, EU:T:2011:169, point 45 et jurisprudence citée].

35      En revanche, il y a usage « pour des produits » lorsqu’un tiers appose le signe constituant sa dénomination sociale, son nom commercial ou son enseigne sur les produits qu’il commercialise. En outre, même en l’absence d’apposition, il y a usage « pour des produits ou des services » au sens de ladite disposition lorsque le tiers utilise ledit signe de telle façon qu’il s’établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l’enseigne du tiers et les produits commercialisés ou les services fournis par le tiers (voir arrêt du 13 avril 2011, ALDER CAPITAL, T‑209/09, non publié, EU:T:2011:169, point 46 et jurisprudence citée).

36      Il convient de préciser que, en vertu des dispositions de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou de l’Union européenne comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée (voir arrêt du 13 avril 2011, ALDER CAPITAL, T‑209/09, non publié, EU:T:2011:169, point 49 et jurisprudence citée).

37      Enfin, la Cour a ajouté, au point 72 de l’arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI (C‑416/04 P, EU:C:2006:310), qu’il n’était pas possible de déterminer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée. Ainsi, lorsqu’il répond à une réelle justification commerciale, un usage même minime peut être suffisant pour établir l’existence d’un caractère sérieux.

38      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

39      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 5 et 7 de la décision attaquée et comme il a été rappelé aux points 6 et 8 ci-dessus, l’intervenante a fourni, durant la procédure administrative devant l’EUIPO, tout d’abord, auprès de la division d’annulation, des preuves d’usage de la marque en cause, divisées en plusieurs catégories, et, ensuite, auprès de la chambre de recours, des « preuves complémentaires ».

40      Les éléments de preuve d’usage fournis par l’intervenante devant la division d’annulation étaient les suivants :

–        divers emballages et supports publicitaires (annexe n° 1) :

–        des sacs en papier comportant le signe L’ECLAIREUR et le chiffre 30, qui occupaient une place prépondérante sur le flanc extérieur du sac ; selon l’intervenante, ledit chiffre constituait une référence au trentième anniversaire de son magasin ;

–        un échantillon d’un papier d’emballage en soie, comprenant la mention verbale « www.leclaireur.com » ;

–        un couvercle d’une boîte d’emballage noir, comportant le signe L’ECLAIREUR sur un côté du couvercle ;

–        diverses enveloppes et des cartes, y compris des cartes de remerciement, une enveloppe pour les factures, deux cartes modèles portant les adresses des magasins et deux étiquettes rouges ; tous ces articles comportaient le signe L’ECLAIREUR ;

–        un ruban blanc, sur lequel apparaissait le signe L’ECLAIREUR ;

–        des factures portant sur la période 2011-2013 (annexe n° 2) ; ces factures concernent des ventes réalisées auprès de clients dans différents pays de l’Union, mais également dans des pays qui n’en sont pas membres (dans l’ensemble, il s’agit approximativement d’une trentaine de pays, énumérés au point 5 de la décision attaquée, dont quatorze sont membres de l’Union) ; les produits référencés consistent principalement en des vêtements et des chaussures ;

–        des documents généraux complémentaires (annexe n° 3) ; ceux-ci incluent des coupures de presse, provenant de magazines de mode publiés en français qui, selon l’intervenante, dataient de décembre 2009 à juin 2010 ; sur certaines de ces coupures apparaît le signe L’ECLAIREUR ; il y a également des factures établies par des fournisseurs accompagnées de messages électroniques et de photos de vêtements et de chaussures ; les documents (qui incluent des factures et des messages électroniques portant sur les jeans de l’entreprise Snake & Dagger, avec des échantillons comportant le signe L’ECLAIREUR apposé directement sur le produit) datent de 2013 ;

–        plusieurs captures d’écran provenant du site Internet « www.leclaireur.com » et de la boutique en ligne « shop.leclaireur.com » (annexe n° 4) ; les photos présentent des robes, des bijoux, des bottes, des sandales, des sacs à main et d’autres produits tels que des étuis pour téléphone mobile, des cendriers et des bougies ;

–        divers documents scannés sur deux dispositifs de stockage de données : un CD, contenant, notamment, des coupures de presse en français pour la période 1980-2013, et une clé USB, contenant des coupures de presse en français portant sur la période allant d’avril à octobre 2013 (annexe n° 5).

41      Les éléments de preuve « complémentaires », fournis devant la chambre de recours, étaient les suivants :

–        une déclaration tenant lieu de serment, datée du 30 octobre 2014, de M. H., créateur de l’entreprise intervenante et de la marque L’ECLAIREUR ; la déclaration contient essentiellement des attestations portant sur la fabrication des produits dans le domaine de la mode pour l’éclaireur International et sous la marque L’ECLAIREUR, « depuis des années » jusqu’à la date de la déclaration ; M. H. y expliquait également le concept de collaboration avec des stylistes et des artistes, soulignant qu’il s’agissait d’un concept ayant vu le jour en 2008 ; mention était faite du lancement d’une collection propre à L’ECLAIREUR de chemises et de pull-overs ainsi que de diverses autres collections, incluant des vêtements pour hommes, des chaussures, des accessoires (tels que des écharpes), des bougies ou des bijoux ; il a été souligné que les produits étaient soit marqués uniquement du signe L’ECLAIREUR soit faisaient l’objet d’un partenariat, comme les chaussures fabriquées par l’entreprise Premiata et portant la marque L’ECLAIREUR made by PREMIATA ; un parrainage de jeunes stylistes par L’ECLAIREUR, ayant eu lieu en 2010, a été évoqué ainsi que, dans ce même contexte, la nouvelle tendance à marquer les produits en cause concomitamment par la marque L’ECLAIREUR et par la marque ou le nom desdits stylistes ; il a également été mentionné qu’au début des années 2013 le choix avait été fait d’avoir une équipe dans les locaux de l’entreprise, dédiée à la création de collections spécifiques et enrichies sous la marque L’ECLAIREUR ; enfin, des chiffres ont été présentés, tendant à démontrer que la fabrication des produits sous la marque en cause était en augmentation (ci-après la « déclaration tenant lieu de serment ») ;

–        un résumé des bons de commandes ; il s’agit de 163 pages de documents internes détaillant les achats effectués par L’ECLAIREUR (annexe A) ;

–        35 pages de photographies et de captures d’écran de vêtements et de chaussures issues de la boutique en ligne de l’intervenante, avec le signe L’ECLAIREUR imprimé sur certains des produits commercialisés (annexe B) ;

–        des « factures destinées aux clients entre 2009 et 2012 » ; sur ces 19 factures ou confirmations de commandes, il n’est aucunement fait état du signe L’ECLAIREUR ou de l’entreprise de l’intervenante (annexe C) ;

–        des factures de fournisseurs entre 2008 et 2013 ; il s’agit de 78 factures, dont certaines sont émises à l’ordre de L’ECLAIREUR (annexe D) ;

–        une copie de la brochure de quatre pages intitulée « Biographie de L’ECLAIREUR » (annexe E).

42      La chambre de recours a constaté, au point 14 de la décision attaquée, que, la marque en cause ayant été enregistrée le 23 août 2005, elle l’avait été plus de cinq ans avant la date de dépôt de la demande en déchéance, qui a eu lieu le 1er août 2013. Par suite, la période pertinente pour laquelle un usage sérieux devait être démontré a été fixée par la chambre de recours du 1er août 2008 au 31 juillet 2013 (ci-après la « période pertinente »).

43      À cet égard, en premier lieu, s’agissant des éléments portant sur la preuve de l’usage de la marque en cause apportés devant la division d’annulation, la chambre de recours a affirmé, au point 17 de la décision attaquée, que, alors même qu’ils constituaient un volume important, l’intervenante n’aurait cependant guère expliqué la relation spécifique entre ces documents et les faits particuliers qu’ils visaient à démontrer.

44      Au point 18 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que les documents en question démontraient que l’intervenante était active sur le segment supérieur du marché pour les produits du secteur de la mode, y compris, notamment, les vêtements et les chaussures. Elle s’est référée, à cet égard, aux factures présentées en tant qu’annexe n° 2 et aux coupures de presse jointes comme annexes nos 3 et 5. Il en ressortait, selon elle, que, pendant la période pertinente, l’intervenante avait vendu des produits à des consommateurs situés dans l’Union et en dehors via sa boutique en ligne. Les documents en cause suggéraient également, selon la chambre de recours, que le volume des ventes de vêtements et de chaussures pendant la période pertinente était « significatif », compte tenu du fait que « les produits vendus [étaient] des produits de luxe ».

45      Aux points 19 et 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté qu’il convenait de prendre en considération les caractéristiques spécifiques du marché pertinent des produits de luxe du secteur de la mode. Il ressortait, selon elle, des preuves produites que l’intervenante avait collaboré avec d’autres stylistes et marques de mode. La chambre de recours a considéré qu’il n’était pas improbable que les consommateurs de produits du secteur de la mode soient habitués à de telles collaborations et qu’ils puissent, dès lors, être prêts à considérer deux collaborateurs, à savoir la titulaire de la marque et le styliste en cause, comme étant « à l’origine » du produit. Ainsi, il serait raisonnable de supposer que, en présence de produits sur lesquels sont apposés les mots « l’éclaireur » précédés du nom du styliste, les consommateurs les associent également à l’intervenante, dès lors qu’il était monnaie courante de la part de détaillants d’offrir leur propre ligne de produits fabriqués spécifiquement pour eux par un tiers sous leur propre nom. De ce fait, le public serait habitué à trouver ces produits vendus sous la marque du détaillant. La chambre de recours s’est également référé aux factures, présentées à l’annexe n° 2, et au vaste assortiment de coupures de presse, jointes aux annexes nos 3 et 5, pour constater que la marque L’ECLAIREUR avait pour lieu d’usage, durant la période pertinente, le territoire de l’Union, avec un volume significatif de vêtements et de chaussures achetés par l’intervenante auprès des fournisseurs et vendus aux consommateurs.

46      Enfin, aux points 21 et 22 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, considérée dans son ensemble, la preuve de l’usage présentée devant la division d’annulation indiquait que l’intervenante avait essayé d’acquérir et de maintenir une position commerciale sur le marché pour les « vêtements » et les « chaussures » et non seulement, comme l’avait constaté la division d’annulation, pour des « services de commerce de détail ». Selon la chambre de recours, cet usage dépassait un usage symbolique, effectué dans le seul but de préserver les droits conférés par la marque. La chambre de recours a conclu que, bien que la preuve ne fût pas exhaustive, elle fournissait des indications suffisantes en ce qui concerne la durée, le lieu et l’importance de l’usage de la marque en cause pour les « vêtements » et les « chaussures ». Toutefois, concernant les autres produits visés par la marque en cause, la preuve était clairement insuffisante, selon la chambre de recours, pour démontrer son usage.

47      En second lieu, s’agissant des preuves de l’usage produites devant la chambre de recours, celle-ci a constaté, à titre liminaire, aux points 23 à 28 de la décision attaquée, qu’elle pouvait prendre en considérations des éléments de preuve « complémentaires » dans la mesure où ils venaient renforcer et clarifier ceux déjà produits devant la division d’annulation.

48      Ensuite, la chambre de recours a relevé que, dans la déclaration tenant lieu de serment, M. H. expliquait que des produits étaient soit marqués soit comarqués par la marque en cause. La chambre de recours a avancé que les photos et les captures d’écran provenant de la boutique en ligne de l’intervenante démontraient que ledit signe était imprimé directement sur certains vêtements et sur des chaussures. Elle a affirmé que les factures établies par les fournisseurs relativement aux années 2008 à 2013 contenaient des indications complémentaires selon lesquelles une quantité « significative » de vêtements et de chaussures a été achetée auprès des fournisseurs pendant la période pertinente.

49      Il y a lieu de relever, tout d’abord, que c’est à bon droit que la chambre de recours a fixé la période pertinente pour laquelle un usage sérieux de la marque en cause devait être démontré du 1er août 2008 au 31 juillet 2013 (voir point 42 ci-dessus). Cette constatation n’est d’ailleurs pas contestée par les parties.

50      Ensuite, à l’instar de ce que soutient l’EUIPO et comme cela a été admis par la requérante dans ses observations présentées durant la procédure administrative devant l’EUIPO, il convient de constater qu’il ressort des éléments de preuve produits que l’intervenante était active, même durant la période pertinente, sur le marché de l’Union en tant que « concept store » de vente au détail de produits de luxe proposant, dans des magasins sous l’enseigne L’ECLAIREUR, notamment des vêtements, des chaussures et certains autres articles de luxe ainsi que des objets d’art appliqué. À cet égard, il y a lieu de se référer notamment à l’annexe E, produite devant la chambre de recours, portant sur la « Biographie de L’ECLAIREUR », qui renvoie à la première galerie L’ECLAIREUR, fondée en 1980 aux Champs-Élysées à Paris (France), ainsi qu’aux autres magasins ou espaces de vente créés ensuite, à l’annexe B, produite devant la chambre de recours, portant sur des photos et captures d’écran de vêtements et de chaussures issues de la boutique en ligne de l’intervenante, à l’annexe n° 3, produite devant la division d’annulation, portant sur diverses coupures de presse provenant de magazines de mode faisant référence à « L’ECLAIREUR », aux éléments de preuve enregistrés sur le CD et sur la clé USB, présentés en tant qu’annexe n° 5 devant la division d’annulation, tels que de multiples articles de presse et des photos, aux éléments de preuve portant sur des listes de prix concernant des vêtements achetés par « L’Éclaireur »et, enfin, aux diverses factures présentées en tant qu’annexe n° 2, devant la division d’annulation, ou en tant qu’annexes C et D, devant la chambre de recours, qui visent, principalement, la vente de vêtements et de chaussures. Ces factures portent tant sur des ventes desdits produits auprès des clients que sur des achats auprès des fournisseurs, effectués notamment durant la période pertinente.

51      Il convient de relever que, alors même que la division d’annulation et la chambre de recours ont été unanimes dans leur constatation selon laquelle les éléments de preuve présentés permettaient de démontrer une activité importante, sous la marque en cause, pour des « services du commerce en détail » dans le domaine de la mode, seule la chambre de recours a évalué lesdits éléments comme étayant, également, l’usage sérieux de cette marque pour les vêtements et les chaussures, en tant que produits relevant de la classe 25.

52      Force est de constater que la critique de la requérante porte, en l’espèce, sur cette dernière appréciation de la chambre de recours. Il appartient ainsi au Tribunal d’apprécier, au vu des allégations de la requérante résumées aux points 25 et 26 ci-dessus, si c’est à juste titre que la décision attaquée a estimé que la marque en cause avait également été sérieusement utilisée, durant la période pertinente, pour les vêtements et les chaussures, en tant que produits relevant de la classe 25.

53      Sur ce point, il y a lieu de relever que, comme l’a constaté la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée et ainsi que le soutient l’EUIPO au point 30 de son mémoire en défense, il ressort effectivement des éléments de preuve présentés par l’intervenante devant l’EUIPO qu’en tant que titulaire de la marque en cause elle a collaboré, à de multiples reprises, avec divers stylistes et marques de mode. Comme il a été relevé au point précité de la décision attaquée, les consommateurs étaient ainsi confrontés à des produits dans le domaine du textile sur lesquels étaient apposées des marques spécifiques, composées à la fois du nom du styliste et de la marque l’Eclaireur. À titre d’exemple, il s’agissait de marques telles que Sylvia Toledano chez L’éclaireur, SWM chez l’Eclaireur, RDV chez L’éclaireur, Sarah Weinstock chez L’éclaireur, Rosa Maria chez L’éclaireur ou Maria Rudman chez l’Eclaireur, ou encore de la marque L’éclaireur by Premiata. D’autres éléments de preuve démontrent l’existence d’une telle collaboration dans le domaine des chaussures, par exemple avec l’architecte Z. Hadid. Enfin, certaines photographies présentées en tant qu’élément de preuve démontrent que, dans plusieurs cas, des vêtements et des chaussures étaient même directement produits sous la marque L’ECLAIREUR.

54      S’agissant des collaborations visées au point 53 ci-dessus, que ce soit avec des stylistes et d’autres artistes en début de carrière ou avec des professionnels déjà reconnus dans le domaine de l’art et de la mode, il convient de relever qu’il ressort des différents éléments de preuve apportés par l’intervenante, notamment des extraits d’articles de presse présentés dans l’annexe n° 3 et dans l’annexe B, que les produits ayant fait l’objet d’une telle coopération ont toujours été présentés de manière que la marque en cause y soit facilement identifiable, et ce même dans l’ensemble des situations où elle était précédée du nom du créateur concret chargé de l’article en question, qu’il s’agisse de vêtements, de chaussures ou de divers ajouts vestimentaires et d’autres articles de mode. Ainsi, la marque en cause a bien été utilisée publiquement et vers l’extérieur, conformément à la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, et elle permettait d’établir un lien avec les produits en cause, qu’il s’agisse de vêtements ou de chaussures, conformément à la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus.

55      De surcroît, il y a lieu de souligner que les publicités et les autres extraits d’articles de presse comportent, dans leur grande majorité, non seulement la photographie des produits en question, désignés par « [le nom du créateur] chez L’Éclaireur », mais encore une indication du prix de vente de l’article. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que les produits visés n’étaient pas présentés, sous la marque en cause, à des fins de commercialisation. Cet élément est particulièrement pertinent dans le contexte du nombre important d’articles ainsi présentés dans diverses publicités et journaux. Par ailleurs, à l’instar de ce que souligne la chambre de recours, notamment au point 19 de la décision attaquée, force est de constater que, effectivement, les prix des articles vestimentaires et des chaussures présentés sous la marque en cause ou sous la marque [le nom du créateur] chez L’Éclaireur sont relativement élevés, ce qui démontre que l’intervenante agissait dans le secteur des articles de mode ou même dans le secteur du luxe.

56      À cet égard, et aux fins d’apprécier à sa juste valeur cet élément factuel, il convient de souligner que, selon la jurisprudence, la chambre de recours peut prendre en considération, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure d’opposition, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus de sources généralement accessibles [arrêt du 22 juin 2004, Ruiz‑Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, EU:T:2004:189, points 29 et suivants], ou des faits concernant les modes habituels de commercialisation des produits assimilables à des faits notoires [voir arrêt du 23 septembre 2009, Phildar/OHMI – Commercial Jacinto Parera (FILDOR), T‑99/06, non publié, EU:T:2009:346, point 94 et jurisprudence citée]. Cette jurisprudence est applicable par analogie dans la présente affaire portant sur une demande de déchéance d’une marque.

57      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a affirmé, au point 19 de la décision attaquée, qu’il convenait de prendre en considération les caractéristiques spécifiques du marché pertinent des produits de mode de luxe, en ce inclus le fait qu’« il n’[était] pas improbable que les consommateurs […] soient habitués à [des collaborations telles que celle en l’espèce] et puissent, dès lors, être prêts à considérer les deux collaborateurs comme étant ‘à l’origine’ du produit ». Dans ces circonstances, c’est également à bon droit que la chambre de recours a considéré que les consommateurs associeraient également les produits en cause à l’intervenante, dans la mesure où il était courant que des détaillants offrent des produits fabriqués pour eux par un tiers sous leur propre nom. Comme le soutient l’EUIPO devant le Tribunal, les consommateurs sont conscients que le choix de produits par le détaillant constitue un gage de qualité. Il en est a fortiori ainsi dès lors qu’il s’agit d’un « concept store » comme en l’espèce.

58      S’il est, certes, vrai que certaines lignes particulières de produits étaient proposées dans des séries très limitées, comme les chaussures dessinées par l’architecte Z. Hadid ou les T-shirts proposés sous la marque Enza Costa pour L’ECLAIREUR,il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une conséquence logique du concept, habituel dans le secteur de la mode, visant à proposer aux consommateurs un produit de luxe, à prix élevé, souvent novateur et exclusif. Une telle approche doit être prise en considération, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 31 et 32 ci-dessus, dont il ressort qu’il convient de tenir compte de l’ensemble des éléments permettant d’établir la réalité de l’exploitation commerciale d’une marque, notamment dans le cadre de l’appréciation de la question de savoir si son titulaire visait à créer un réel débouché pour les produits protégés par cette dernière. De surcroît, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 30 ci-dessus, la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes.

59      S’agissant de la référence faite par la chambre de recours, au point 19 de la décision attaquée, à la collaboration de l’intervenante avec l’entreprise Snake & Dagger, critiquée par la requérante comme n’étant pas pertinente, en raison, premièrement, du fait que les factures ne démontraient pas que les ventes des jeans en question avaient été effectuées durant la période pertinente, deuxièmement, des volumes prétendument faibles desdites ventes, troisièmement, du fait qu’il n’était pas démontré que les jeans vendus étaient ceux présentés sur les photographies qui faisaient partie des éléments de preuve, quatrièmement, du fait que les produits étaient désignés comme étant des prototypes et, cinquièmement et enfin, du fait que seule l’intervenante et non pas des consommateurs finaux était mentionnée sur lesdites factures, et ce uniquement par l’intermédiaire de sa dénomination commerciale (voir point 26 ci-dessus), il convient de constater que les éléments de preuve portant sur cette collaboration sont pertinents en l’espèce, en particulier lorsqu’ils sont analysés dans le contexte général de l’ensemble des activités effectuées par l’intervenante sous la marque en cause. Dans un tel contexte, les relations commerciales entre l’intervenante et l’entreprise Snake & Dagger constituent un indice additionnel de l’usage sérieux de la marque en cause.

60      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’usage sérieux d’une marque doit avoir pour objet de créer ou de maintenir une part de marché pour les produits ou les services désignés par la marque, soit en les commercialisant effectivement, soit en en préparant la commercialisation imminente (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2003, C-40/01, Ansul, EU:C:2003:145, points 35 à 42, et ordonnance du 27 janvier 2004, C‑259/02, La Mer Technologie, EU:C:2004:50, points 19 et 21 et jurisprudence citée).

61      En l’espèce, il convient de constater qu’il ressort de l’échange des courriels effectué pendant la période pertinente que l’intervenante avait l’intention de commercialiser, sous la marque l’Eclaireurou sous cette marque mise en commun avec la marque Snake & Dagger, certains types de jeans, qui devaient être fabriqués par l’entreprise Snake & Dagger en tant que « prototypes ». Il ressort également de cet échange qu’un retard dans la production dû à certains imprévus a empêché l’entreprise Snake & Dagger de fournir l’intervenante aux dates initialement prévues. Ainsi, cet échange, qui a, d’ailleurs, commencé avant la date de la demande en déchéance, ne saurait être compris autrement qu’en tant que préparatif visant à commercialiser des jeans, c’est-à-dire dans le sens que l’intervenante avait lancé sa propre ligne de produits sous la marque en cause.

62      De surcroît, les factures provenant de l’entreprise Snake & Dagger confirment la réalité de la relation commerciale entre cette entreprise et l’intervenante, portant sur une quantité certes relativement limitée de jeans, à savoir 75 pièces. Bien qu’une des factures en cause, du 25 septembre 2013, soit postérieure à la période pertinente, elle démontre, lue conjointement avec les courriels visés au point 61 ci-dessus, la réalité de la préparation d’une commercialisation imminente des produits sous la marque en cause. En outre, contrairement aux allégations de la requérante, les photographies des jeans produits par Snake & Dagger pour l’intervenante, présentées comme éléments de preuve, s’insèrent dans la logique de la relation commerciale entre ces entreprises, telle qu’elle ressort des courriels en question. Dans ces circonstances, il convient d’effectuer un lien entre les produits mentionnés sur les factures et les jeans représentés sur les photographies, sur lesquels était apposée la marque l’Eclaireur. Enfin, s’agissant de l’absence de factures « clients », soulignée par la requérante, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’ensemble des éléments de preuve présentés devant l’EUIPO que l’intervenante opérait en tant que « concept store », c’est-à-dire en tant que détaillant dans le secteur du vêtement et des chaussures. Partant, les éléments susvisés permettent raisonnablement d’estimer qu’elle avait acheté les jeans en question afin de les revendre aux consommateurs finaux.

63      S’agissant de la quantité susvisée de jeans vendus par Snake & Dagger à l’intervenante, le Tribunal constate qu’elle ne saurait, à elle seule, être considérée comme suffisamment importante dans l’évaluation d’un usage sérieux de la marque en cause. Il convient, cependant, d’en tenir compte en tant qu’indice additionnel portant sur une utilisation de cette marque par l’intervenante dans le cadre d’un projet économique réel, dans le secteur de la mode, dont il n’appartient, conformément à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, ni à l’EUIPO ni au Tribunal d’apprécier la réussite commerciale. Il ressort de cette même jurisprudence qu’il ne convient pas non plus de réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes.

64      Ensuite, il y a lieu de constater que les éléments de preuve précédemment analysés sont corroborés par les autres éléments de preuve auxquels la chambre de recours a fait référence dans la décision attaquée.

65      Ainsi, en premier lieu, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a avancé, au point 20 de la décision attaquée, que les factures présentées à l’annexe n° 2 devant la division d’annulation suggéraient que le lieu de l’usage était notamment le territoire de l’Union et que le signe L’ECLAIREUR était utilisé pendant la période pertinente. À cet égard, il y a notamment lieu de souligner qu’il ressort desdites factures, dont la majorité est, d’ailleurs, rédigée en anglais, que les produits vendus étaient des vêtements ou des chaussures.

66      Bien qu’il ne soit pas indiqué, sur lesdites factures, que le signe L’ECLAIREUR était apposé sur ces produits ni que ces derniers étaient fabriqués par l’intervenante, il n’en demeure pas moins que la marque en cause était utilisée dans l’en-tête, en tant que référence à l’entreprise délivrant lesdits produits. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, dans les circonstances d’espèce, il convient de considérer qu’une telle utilisation crée un lien additionnel entre la marque en cause et les produits susvisés, conformément à la jurisprudence rappelée au point 35 ci-dessus. Sans qu’il soit possible de se prononcer, à partir de ces documents, même lus conjointement avec ceux auxquels référence est faite au point 67 ci-après, sur le fait de savoir si l’intervenante a acheté, sous la marque l’Eclaireur, un volume significatif de vêtements et de chaussures qu’elle aurait par la suite vendus aux consommateurs, il en ressort à tout le moins, à suffisance, que ses achats étaient effectués dans un volume permettant de discerner une finalité économique claire, à savoir une activité réelle sur le marché en cause, et ce durant la période pertinente. Cela est confirmé par la prise en compte des autres factures, présentées par l’intervenante devant la chambre de recours dans l’annexe D, dont certaines font explicitement référence aux achats de vêtements ou de chaussures par « l’Éclaireur ».

67      En deuxième lieu, ces éléments de preuve sont corroborés, comme l’a souligné la chambre de recours, par le vaste assortiment de coupures de presse, jointes aux annexes nos 3 et 4 présentées devant la division d’annulation, qui font référence aux magasins « L’Éclaireur » , ainsi que par des éléments additionnels comparables, faisant l’objet de l’enregistrement sur le CD et sur la clé USB, qui constituent l’annexe n° 5 présentée devant la division d’annulation. Ces derniers éléments de preuve contiennent tant des photographies de multiples boutiques « L’Éclaireur » proposant des vêtements et des chaussures que d’autres extraits de presse portant sur lesdites boutiques. Certaines captures d’écran visant les vêtements vendus par le biais de sites de vente sur Internet ont également été présentées devant l’EUIPO, comme celle provenant du site « www.FashionUnited.com » portant sur des T-shirts vendus sous la marque Enza Costa pour L’ECLAIREUR et datant du 2 août 2013, c’est-à-dire juste après la période pertinente. Ces captures d’écran constituent un indice additionnel d’un début de commercialisation sous la marque en cause, préparé déjà durant la période pertinente.

68      En troisième lieu, c’est à bon droit que la chambre de recours s’est référée, au point 27 de la décision attaquée, au fait que les photos et les captures d’écran provenant de la boutique en ligne « L’Éclaireur », composant l’annexe B, montraient que ce signe l’ECLAIREUR était imprimé directement sur certains vêtements et certaines chaussures. S’il est, certes, vrai, comme le soutient la requérante, que beaucoup de ces références ne sont pas datées, il convient de souligner que les factures, auxquelles la chambre de recours fait également référence audit point de la décision attaquée, présentées dans l’annexe D, avec, de surcroît, une correspondance par courriel, permettent d’établir que des vêtements et des chaussures étaient achetés par l’intervenante auprès de divers fournisseurs dans la période 2008-2013, et qu’ils étaient désignés par la marque en cause ou par cette marque utilisée en combinaison avec celle du producteur, telle l’entreprise Premiata. À cet égard, il ressort notamment d’une correspondance électronique entre l’intervenante et cette entreprise, datant de la fin juillet 2013, qu’un logo Premiata pour l’ECLAIREUR était envisagé avec, par la suite, au début du mois d’août 2013, une modification de celui-ci pour devenir l’ECLAIREUR made by PREMIATA. Il convient de relever que ce logo correspond à celui bien visible sur les chaussures dont des photos ont été présentées devant l’EUIPO. Ces éléments permettent, dans leur ensemble, de considérer que l’intervenante commercialisait, ou, pour certains d’entre eux, préparait une commercialisation imminente, des produits comarqués par la marque en cause.

69      En quatrième lieu, s’agissant de la référence faite par la chambre de recours aux éléments de preuve faisant l’objet de l’annexe n° 1, présentée par l’intervenante devant la division d’annulation, à savoir divers sacs en papier de plusieurs formats, des échantillons de papier d’emballage ou encore des couvercles, des boîtes pour chaussures, des enveloppes, des étiquettes, des cartes et un ruban blanc, sur lesquels la marque en cause est toujours apposée ou imprimée, il convient de relever que l’ensemble desdits éléments de preuve, qu’il s’agisse d’emballages ou d’autres articles promotionnels, constitue un indice additionnel dans le sens que la marque en cause était sérieusement utilisée dans le contexte de la mise en vente des vêtements et des chaussures.

70      À cet égard, d’une part, il y a lieu de constater qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 33 ci-dessus que l’appréciation globale de l’existence d’un usage sérieux doit tenir compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, les éléments visés au point 69 ci-dessus sont pertinents, bien qu’il ne s’agisse pas des produits en cause.

71      D’autre part, il ressort de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 2868/95, applicable aux procédures de déchéance en vertu de la règle 40, paragraphe 5, du même règlement (voir point 29 ci-dessus), que la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et peut inclure, notamment, des emballages et des étiquettes.

72      Enfin, en cinquième lieu, il convient de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé, au point 27 de la décision attaquée, que la déclaration tenant lieu de serment mettait en exergue que des produits étaient soit marqués soit comarqués sous la marque en cause. À cet égard, dans la mesure où l’allégation de la requérante selon laquelle l’intervenante n’a démontré aucune finalité commerciale dans l’utilisation de la marque en cause pourrait être comprise comme critiquant également la pertinence, la véracité ou la valeur probante de ladite déclaration, il y a lieu de rappeler que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Atlantic Multipower Germany/OHMI – Nutrichem Diät + Pharma (NOextreme), T‑186/14, non publié,EU:T:2015:754, point 25].

73      En l’espèce, il s’ensuit que la déclaration tenant lieu de serment ne saurait être écartée d’emblée pour la seule raison qu’elle a été faite par le créateur de l’entreprise intervenante ou en raison du fait que, datant du 30 octobre 2014, elle est postérieure à la période pertinente. Au contraire, force est de constater que cette déclaration contient des informations sensées qui sont corroborées par les données ressortant des autres éléments de preuve présentés par l’intervenante, tels que des extraits d’articles de presse (voir, notamment, les points 54, 55 et 67 ci-dessus), dont certains portent déjà sur l’année 2008 (voir l’article paru le 4 février 2008 sur le site Internet « www.dnrnews.com »), ainsi que par des documents démontrant une coopération concrète avec des entreprises créatrices de vêtements ou de chaussures, telles que les sociétés Snake & Dagger ou Officina Creativa.

74      Dans cette mesure, la déclaration tenant lieu de serment constitue un document dont le contenu est vraisemblable, permettant de situer dans un contexte précis les multiples éléments de preuve présentés par l’intervenante.

75      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que c’est à juste titre que la chambre de recours a affirmé que, sans être exhaustives, les preuves apportées par l’intervenante fournissaient des indications suffisantes en ce qui concerne la durée, le lieu et l’importance de l’usage de la marque en cause pour les vêtements et les chaussures relevant de la classe 25, et que, partant, cet usage devait être qualifié de sérieux.

76      Il convient donc de rejeter le premier moyen comme non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré de la « contradiction » entre la décision attaquée et la partie C, section 6, des directives de l’EUIPO ainsi que d’une violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

77      La requérante soutient que la décision attaquée contredit la partie C, section 6, des directives de l’EUIPO en plusieurs points portant sur le niveau de preuve devant être appliqué par l’EUIPO dans le contexte de l’analyse d’un usage sérieux d’une marque, en particulier dans la mesure où il ne suffit pas de présenter des éléments de preuve à première vue probants, mais des éléments qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque. Dans ces circonstances, la requérante prétend notamment que les factures présentées en l’espèce par l’intervenante ne proviennent pas d’un client et qu’aucune explication supplémentaire n’a été fournie s’agissant des vêtements sur lesquels portaient lesdites factures. La décision attaquée violerait également l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, dans la mesure où la chambre de recours ne s’est pas limitée, selon la requérante, aux faits présentés par l’intervenante, mais s’est livrée à une nouvelle interprétation de ceux-ci. La requérante soutient qu’il est interdit à l’EUIPO d’avancer des arguments en faveur de l’une des parties, en essayant d’identifier dans les pièces du dossier les informations susceptibles d’être considérées comme corroborant la preuve de l’usage.

78      La requérante prétend également, en se référant aux directives de l’EUIPO, premièrement, que les éléments de preuve produits par l’intervenante n’étaient pas suffisamment concrets et objectifs, deuxièmement, qu’aucune preuve n’a été fournie pour expliquer les chiffres des ventes peu élevés figurant sur les factures, troisièmement, qu’il manquait des éléments portant sur le chiffre d’affaires et sur le chiffre des ventes, quatrièmement, qu’aucune preuve d’utilisation de la marque en cause vers l’extérieur n’avait été apportée et enfin, cinquièmement, que les éléments de preuve portant sur l’usage n’étaient pas structurés.

79      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

80      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence, les directives de l’EUIPO ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 48).

81      Ensuite, s’agissant de la référence faite par la requérante à l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, il convient de rappeler que, conformément à celui-ci, « [a]u cours de la procédure, l’[EUIPO] procède à l’examen d’office des faits » ; toutefois, « dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties ».

82      À l’instar de ce que soutient l’EUIPO, il convient de considérer que l’allégation de la requérante, fondée sur la disposition de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, n’est pas claire. Il est uniquement possible de la comprendre comme critiquant la chambre de recours pour avoir, prétendument, procédé à une interprétation « au-delà » des faits tels qu’ils ressortent des éléments de preuve.

83      Or, force est de constater que la requérante n’a aucunement étayé son allégation, à part le fait d’invoquer le caractère flou des preuves fournies.

84      Sur ce point, le Tribunal relève, d’une part, que, comme il ressort de l’analyse portant sur le premier moyen de la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que, bien que la preuve ne fût pas exhaustive, elle permettait néanmoins de confirmer l’existence d’un usage sérieux de la marque en cause.

85      D’autre part, bien qu’il ressorte de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à certaines déductions à partir des éléments de preuve présentés par l’intervenante, cette approche est conforme à la jurisprudence, rappelée aux points 32 et 33 ci-dessus, dont il ressort que l’appréciation des faits doit être globale et qu’il convient de tenir compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, et ce dans leur interdépendance. Ainsi, il appartenait effectivement à la chambre de recours de situer les éléments de preuve dans le contexte du secteur économique concerné.

86      S’agissant des autres allégations de la requérante présentées dans le cadre du deuxième moyen, elles s’apparentent, en substance, à celles déjà rejetées lors de l’analyse de son premier moyen.

87      Enfin, concernant la critique de la requérante portant sur la présentation prétendument « désordonnée » des éléments de preuve, il suffit de relever que ceux-ci ont été subdivisés selon qu’il s’agissait de factures, d’extraits d’articles de presse, d’impression de pages Internet, de photographies ou encore d’autres preuves. De surcroît, la déclaration tenant lieu de serment, citée au point 41 ci-dessus, les a mis en relief.

88      Au vu de ce qui précède, il convient également de rejeter comme non fondé le deuxième moyen de la requérante et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

90      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

91      Par ailleurs, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante y compris aux dépens exposés devant l’EUIPO. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme des dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation. Partant, la demande de l’intervenante tendant à ce que la requérante, ayant succombé en ses conclusions, soit condamnée aux dépens relatifs à la procédure administrative devant l’EUIPO ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens indispensables exposés par l’intervenante aux fins de la procédure devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2016, Guccio Gucci/EUIPO – Guess ? IP Holder (Représentation de quatre G entrelacés), T‑753/15, non publié, EU:T:2016:604, point 56 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Les Éclaires GmbH est condamnée aux dépens, y compris aux dépens indispensables exposés par L’éclaireur International devant la chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.