ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

14 septembre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 1999/70/CE — Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée — Clauses 3 à 5 — Contrats de travail à durée déterminée successifs dans le secteur de la santé publique — Mesures visant à prévenir le recours abusif aux relations de travail à durée déterminée successives — Sanctions — Requalification de la relation de travail — Droit à une indemnité»

Dans l’affaire C‑16/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 4 de Madrid (tribunal administratif no 4 de Madrid, Espagne), par décision du 16 janvier 2015, parvenue à la Cour le 19 janvier 2015, dans la procédure

María Elena Pérez López

contre

Servicio Madrileño de Salud (Comunidad de Madrid),

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de chambre, M. A. Borg Barthet et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. M. Bobek,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour Mme Pérez López, par Me L. García Botella, abogado,

pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et J. Guillem Carrau, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des clauses 3 à 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme María Elena Pérez López au Servicio Madrileño de Salud, Comunidad de Madrid (service de santé de Madrid, Espagne) au sujet de la qualification juridique de sa relation de travail ayant pris la forme de nominations successives en qualité de membre du personnel statutaire occasionnel.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes de l’article 1er de la directive 1999/70, celle-ci vise « à mettre en œuvre l’accord-cadre [...], conclu [...] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ».

4

Les points 6, 7 et 8 des considérations générales de l’accord-cadre sont rédigés comme suit :

« 6.

considérant que les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail et contribuent à la qualité de vie des travailleurs concernés et à l’amélioration de la performance ;

7.

considérant que l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée basée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus ;

8.

considérant que les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs ».

5

Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet, d’une part, d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination et, d’autre part, d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

6

La clause 2 de l’accord-cadre, intitulée « Champ d’application », prévoit, à son point 1 :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »

7

La clause 3 de l’accord-cadre, intitulée « Définitions », dispose :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.

“travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.

“travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences [...] »

8

La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », prévoit, à son point 1 :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. »

9

La clause 5 de l’accord-cadre, intitulée « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive », dispose, à son point 1 :

« Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a)

des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b)

la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c)

le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. »

Le droit espagnol

10

L’article 9 de la Ley 55/2003 del Estatuto Marco del personal estatutario de los servicios de salud (loi 55/2003 relative au statut cadre du personnel statutaire des services de santé), du 16 décembre 2003 (BOE no 301, du 17 décembre 2003, p. 44742, ci-après le « statut-cadre »), prévoit :

« 1.   Pour des raisons de nécessité, d’urgence ou pour le développement de programmes de nature temporaire, conjoncturel ou extraordinaire, les services de santé peuvent nommer du personnel statutaire temporaire.

Les nominations de personnel statutaire temporaire peuvent avoir une nature de remplacement, de caractère occasionnel ou de substitution.

2.   La nomination de remplacement est utilisée pour pourvoir temporairement un poste vacant auprès des centres ou services de santé, lorsqu’il est nécessaire de s’occuper des fonctions correspondantes.

La cessation des fonctions du personnel statutaire de remplacement survient lors de l’incorporation d’un personnel statutaire fixe, par l’intermédiaire d’une procédure légale ou réglementairement prévue, au poste qui est pourvu, ainsi que lorsque ce poste est supprimé.

3.   La nomination de caractère occasionnel est utilisée dans les hypothèses suivantes :

a)

quand cette nomination concerne la prestation de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire ;

b)

lorsqu’elle est nécessaire pour garantir le fonctionnement permanent et continu des centres de santé ;

c)

pour la prestation de services complémentaires pour compenser la réduction du temps de travail ordinaire.

La cessation des fonctions du personnel statutaire occasionnel survient à la suite de la réalisation de la cause ou de l’arrivée à échéance du délai expressément déterminé dans la nomination, ainsi que lorsque les fonctions qui l’ont motivée à l’époque sont supprimées.

Si plus de deux nominations surviennent pour la prestation des mêmes services pour une période cumulée de 12 mois ou plus, sur une période de deux ans, il y a lieu d’examiner les causes de ces nominations pour déterminer, le cas échéant, s’il y a lieu de créer un poste structurel dans les équipes du centre.

[...] »

11

Aux termes de l’article 15, paragraphe 3, du texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores, aprobado por el Real Decreto Legislativo 1/1995 (texte refondu du statut des travailleurs, résultant du décret législatif royal 1/1995), du 24 mars 1995 (BOE no 75, du 29 mars 1995, p. 9654), dans sa version applicable à la date des faits au principal (ci-après le « statut des travailleurs »), « les contrats temporaires conclus en violation de la loi sont présumés conclus pour une durée indéterminée ».

12

Conformément à l’article 3 du Real Decreto 2720/1998 por el que se desarrolla el artículo 15 del Estatuto de los Trabajadores en materia de contratos de duración determinada (décret royal 2720/1998, portant exécution de l’article 15 du statut des travailleurs en matière de contrats à durée déterminée), du 18 décembre 1998 (BOE no 7, du 8 janvier 1999, p. 568), le contrat de travail occasionnel, compris dans le groupe des contrats à durée déterminée, est conçu pour répondre à un besoin conjoncturel.

13

L’article 49, paragraphe 1, sous c), du statut des travailleurs prévoit que, lorsque le contrat de travail prend fin, excepté dans les cas de contrats de interinidad et de contrats de formation, le travailleur a le droit de percevoir une indemnité d’un montant équivalent à la part proportionnelle du montant correspondant à la perception de douze jours de salaire par année de service.

Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

14

Mme Pérez López a été recrutée parmi le personnel statutaire occasionnel en tant qu’infirmière à l’hôpital universitaire de Madrid pour la période allant du 5 février au 31 juillet 2009. Conformément aux dispositions de l’article 9, paragraphe 3, du statut-cadre, la nomination indiquait comme cause justificative « la réalisation de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire » et l’emploi était décrit comme étant l’« exercice de son activité dans le présent hôpital pour garantir le service de santé ».

15

À l’issue de ce premier contrat de travail, la nomination de Mme Pérez López a été renouvelée à sept reprises, au moyen de contrats à durée déterminée de trois, six ou neuf mois, libellés à chaque fois de manière identique, de telle sorte que la prestation de travail de Mme Pérez López fut ininterrompue au cours de la période allant du 5 février 2009 au 31 mars 2013.

16

Lors du dernier des contrats de travail susvisés, correspondant à la période allant du 1er janvier 2013 au 31 mars 2013, la Consejería de Economia y Hacienda de la Comunidad de Madrid (ministère régional de l’Économie et des Finances de Madrid, Espagne) a émis l’arrêté du 28 janvier 2013 imposant, dans un objectif de réduction des dépenses publiques, la cessation de la relation de travail du personnel occasionnel à la date de la fin de nomination ainsi que la liquidation du solde correspondant à la période des services prestés, y compris dans le cas où, par la suite, une nouvelle nomination est déjà prévue en faveur du même travailleur.

17

En application dudit arrêté, Mme Peréz López a été informée, le 8 mars 2013, de la cessation des relations de travail la liant au service de santé de Madrid, avec effet au 31 mars 2013. Le 21 mars 2013, l’administration lui a cependant communiqué sa nouvelle nomination, identique aux précédentes et sans interruption par rapport à celles-ci, pour la période allant du 1er avril au 30 juin 2013.

18

Le 30 avril 2013, Mme Peréz López a formé un recours hiérarchique administratif contre ladite décision de cessation de la relation de travail ainsi que contre sa nouvelle nomination en qualité de personnel statutaire occasionnel. Une fois écoulé le délai légal pour considérer le recours hiérarchique comme étant rejeté en raison du silence de l’administration compétente, elle a introduit, le 13 septembre 2013, un recours juridictionnel devant le Juzgado de la Contencioso-Administrativo no 4 de Madrid (tribunal administratif no 4 de Madrid, Espagne), à l’appui duquel elle fait valoir, en substance, que ses nominations successives n’avaient pas pour objet de répondre à un besoin conjoncturel ou extraordinaire des services de santé, mais correspondaient, en réalité, à une activité permanente. Dès lors, la succession des contrats à durée déterminée conclus avec elle serait constitutive d’une violation de la loi et devrait conduire à la requalification de sa relation de travail.

19

Selon la juridiction de renvoi, la législation nationale en cause, et plus particulièrement l’article 9 du statut-cadre, ne contient pas de mesures limitant de manière effective l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs. En effet, bien qu’une durée maximale de la relation de travail du personnel occasionnel soit retenue, il reviendrait à l’administration d’apprécier librement les raisons justifiant l’utilisation de contrats à durée déterminée ainsi que l’opportunité de créer un poste permanent répondant aux besoins des services de santé. Or, dans l’hypothèse où un tel poste était créé, la situation de précarité des travailleurs serait maintenue, étant donné que l’administration aurait la possibilité de pourvoir à ces postes par l’engagement de personnel temporaire de remplacement, sans limitations quant à la durée ou au nombre de renouvellement des contrats de travail à durée déterminée de ces travailleurs.

20

La juridiction de renvoi fait également état de ses doutes en ce qui concerne la compatibilité des dispositions nationales en cause avec le principe de non-discrimination tel qu’énoncé à la clause 4 de l’accord-cadre. Elle relève que le personnel statutaire occasionnel des services de santé soumis au statut-cadre et les employés liés par un contrat de travail occasionnel, lequel est régi par le statut des travailleurs, constituent des relations de travail à durée déterminée comparables. Or, à la différence des dispositions applicables au personnel statutaire occasionnel, le statut des travailleurs non seulement reconnaîtrait aux travailleurs à durée déterminée le bénéfice d’une indemnité équivalente à douze jours de salaire pour chaque année de prestation de services ou fraction inférieure, mais encore inclurait une clause de garantie au profit de la stabilité de l’emploi consistant à présumer comme étant à durée indéterminée les contrats temporaires conclus en violation de la loi.

21

C’est dans ces conditions que le Juzgado de la Contencioso-Administrativo no 4 de Madrid (tribunal administratif no 4 de Madrid) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

« 1)

L’article 9, paragraphe 3, du statut-cadre est-il contraire à l’accord-cadre, et partant inapplicable, en ce qu’il favorise les abus découlant de l’utilisation de nominations successives comme personnel statutaire occasionnel, dans la mesure où:

a)

il ne fixe pas de durée maximale totale pour les nominations successives comme personnel statutaire occasionnel ni un nombre maximal de renouvellement de celles-ci ;

b)

il laisse à la libre appréciation de l’administration la décision de procéder à la création de postes structurels, lorsque plus de deux nominations surviennent pour la prestation des mêmes services pour une période cumulée de douze mois ou plus sur une période de deux ans ;

c)

il permet de procéder à des nominations de personnel statutaire occasionnel sans exiger la détermination expresse dans ces dernières de la cause objective concrète de la nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire qui les justifie.

2)

L’article 11, paragraphe 7, de l’arrêté du ministère régional de l’Économie et des Finances de Madrid, du 28 janvier 2013, en ce qu’il établit que, “à la date de la fin de nomination, en tout état de cause, il y a lieu de procéder à la cessation et à la liquidation du solde de tout compte correspondant à la période des services rendus, y compris dans les cas pour lesquels une nouvelle nomination survient ensuite en faveur du même titulaire”, indépendamment, par conséquent, de la réalisation de la cause objective concrète qui a justifié la nomination, ainsi que le prévoit la clause 3, paragraphe 1, de l’accord-cadre, est-il contraire à l’accord-cadre, et partant est-il inapplicable ?

3)

L’interprétation de l’article 9, paragraphe 3, troisième alinéa, du statut-cadre selon laquelle, lorsque plus de deux nominations surviennent pour la prestation des mêmes services pour une période cumulée de douze mois ou plus sur une période de deux ans, il convient de procéder à la création d’un poste de nature structurelle parmi les équipes du personnel du centre, la nomination de nature occasionnelle du travailleur employé revêtant alors un caractère de nomination de remplacement, est-elle conforme à l’objectif poursuivi par l’accord-cadre ?

4)

L’application de la même indemnité au personnel statutaire temporaire occasionnel que celle prévue pour les travailleurs employés par des contrats de travail occasionnels est-elle conforme au principe de non-discrimination reconnu dans l’accord-cadre, compte tenu de l’identité substantielle des deux situations, car il serait dépourvu de sens que des travailleurs ayant la même qualification, pour fournir des services dans la même entreprise (service de santé de Madrid), exerçant la même fonction et pour couvrir un besoin conjoncturel identique reçoivent un traitement différent au moment de l’extinction de leur relation de travail, en l’absence de raison apparente interdisant de comparer entre eux des contrats à durée déterminée pour éviter des situations discriminatoires ? »

22

La juridiction de renvoi a également demandé à la Cour de soumettre l’affaire à la procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Par ordonnance du président de la Cour du 24 avril 2015, cette demande a été rejetée.

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et troisième questions

23

Par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soit appliquée par les autorités de l’État membre concerné de telle sorte que le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs, dans le secteur public de la santé, est considéré comme justifié par des « raisons objectives » au sens de ladite clause au motif que ces contrats sont fondés sur des dispositions légales qui permettent le renouvellement pour assurer des prestations de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire et que l’administration dispose d’une marge d’appréciation dans la décision de la création de postes structurels mettant fin à l’engagement du personnel statutaire occasionnel.

Sur le champ d’application de l’accord-cadre

24

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il ressort du libellé même de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre que le champ d’application de ce dernier est conçu de manière large, dès lors qu’il vise de façon générale les « travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre ». En outre, la définition de la notion de « travailleurs à durée déterminée » au sens de l’accord-cadre, énoncée à la clause 3, point 1, de celui-ci, englobe l’ensemble des travailleurs, sans opérer de distinction selon la qualité publique ou privée de l’employeur auquel ils sont liés et quelle que soit la qualification de leur contrat en droit interne (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 56 ; du 13 mars 2014, Márquez Samohano, C‑190/13, EU:C:2014:146, point 38 ; du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, points 28 et 29, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 67).

25

Dans la mesure où l’accord-cadre n’exclut aucun secteur particulier, un travailleur tel que la requérante au principal, qui est employée en tant qu’infirmière faisant partie du personnel statutaire occasionnel du service de santé publique, relève du champ d’application de l’accord-cadre.

Sur l’interprétation de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre

26

S’agissant de l’interprétation de la clause 5 de l’accord-cadre, il convient de rappeler que cette clause a pour but de mettre en œuvre l’un des objectifs poursuivis par celui-ci, à savoir encadrer le recours successif aux contrats ou aux relations de travail à durée déterminée, considéré comme une source potentielle d’abus au détriment des travailleurs, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 63 ; du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 73 ; 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 25 ; du 13 mars 2014, Márquez Samohano, C‑190/13, EU:C:2014:146, point 41 ; du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 54, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 72).

27

En effet, comme cela résulte du deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre ainsi que des points 6 et 8 des considérations générales dudit accord-cadre, le bénéfice de la stabilité de l’emploi est conçu comme un élément majeur de la protection des travailleurs, alors que ce n’est que dans certaines circonstances que des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, EU:C:2006:443, point 62 ; du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 55, et du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 73).

28

Dès lors, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre impose aux États membres, en vue de prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures qu’elle énumère, lorsque leur droit interne ne comporte pas de mesures légales équivalentes. Les mesures ainsi énumérées au point 1, sous a) à c), de ladite clause, au nombre de trois, ont trait, respectivement, à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou de telles relations de travail, à la durée maximale totale de ces contrats ou de ces relations de travail successifs et au nombre de renouvellements de ceux-ci (voir, notamment, arrêts du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 74 ; du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 26 ; du 13 mars 2014, Márquez Samohano, C‑190/13, EU:C:2014:146, point 42, du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 56, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 74).

29

Les États membres disposent à cet égard d’une marge d’appréciation, dès lors qu’ils ont le choix de recourir à l’une ou à plusieurs des mesures énoncées au point 1, sous a) à c), de cette clause ou encore à des mesures légales existantes équivalentes, et ce tout en tenant compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs (arrêts du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 59 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 75).

30

Ce faisant, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre assigne aux États membres un objectif général, consistant en la prévention de tels abus, tout en leur laissant le choix des moyens pour y parvenir, pour autant qu’ils ne remettent pas en cause l’objectif ou l’effet utile de l’accord-cadre (arrêts du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 60, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 76).

31

En outre, lorsque, comme dans l’affaire au principal, le droit de l’Union ne prévoit pas de sanctions spécifiques dans l’hypothèse où des abus auraient néanmoins été constatés, il incombe aux autorités nationales d’adopter des mesures qui doivent revêtir un caractère non seulement proportionné, mais également suffisamment effectif et dissuasif pour garantir la pleine efficacité des normes prises en application de l’accord-cadre (arrêts du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 62 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 77).

32

Si, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, les modalités de mise en œuvre de telles normes relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, elles ne doivent cependant pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (arrêts du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 63 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 78).

33

Il s’ensuit que, lorsqu’un recours abusif à des contrats ou à des relations de travail à durée déterminée successifs a eu lieu, une mesure présentant des garanties effectives et équivalentes de protection des travailleurs doit pouvoir être appliquée pour sanctionner dûment cet abus et effacer les conséquences de la violation du droit de l’Union (arrêts du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 64 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 79).

34

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions du droit interne, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi ou, le cas échéant, aux juridictions nationales compétentes, lesquelles doivent déterminer si les exigences édictées par la clause 5 de l’accord-cadre sont satisfaites par les dispositions de la réglementation nationale applicable (arrêts du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 66 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 81).

35

Il incombe donc, en principe, à la juridiction de renvoi d’apprécier dans quelle mesure les conditions d’application ainsi que la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du droit interne en font une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs (arrêts du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 67 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 82).

36

Toutefois, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction de renvoi dans son appréciation (arrêts du 3 juillet 2014, Fiamingo e.a., C‑362/13, C‑363/13 et C‑407/13, EU:C:2014:2044, point 68 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 83).

37

C’est dans ce contexte qu’il y a lieu de vérifier si les dispositions de la réglementation nationale en cause au principal, qui permettent le renouvellement des contrats de travail à durée déterminée dans le domaine des services de santé, sont susceptibles de constituer des mesures énoncées à la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, et, plus précisément, des raisons objectives justifiant le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée.

38

S’agissant de l’existence d’une « raison objective », il ressort de la jurisprudence que cette notion doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter notamment de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêts du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 96 et jurisprudence citée ; du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 27, ainsi que du 13 mars 2014, Márquez Samohano, C‑190/13, EU:C:2014:146, point 45).

39

En revanche, une disposition nationale qui se bornerait à autoriser, de manière générale et abstraite, par une norme législative ou réglementaire, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs ne serait pas conforme aux exigences précisées au point précédent du présent arrêt (arrêts du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 97 et jurisprudence citée ; du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 28, ainsi que du 13 mars 2014, Márquez Samohano, C‑190/13, EU:C:2014:146, point 46).

40

En effet, une telle disposition purement formelle ne permet pas de dégager des critères objectifs et transparents afin de vérifier si le renouvellement de tels contrats répond effectivement à un besoin véritable, est de nature à atteindre l’objectif poursuivi et est nécessaire à cet effet. Cette disposition comporte donc un risque réel d’entraîner un recours abusif à ce type de contrats et n’est, dès lors, pas compatible avec l’objectif et l’effet utile de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, points 98 et 100 ainsi que jurisprudence citée ; du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 29, ainsi que du 13 mars 2014, Márquez Samohano, C‑190/13, EU:C:2014:146, point 47).

41

S’agissant de l’affaire en cause au principal, il convient de relever que la réglementation nationale pertinente détermine de manière précise les conditions dans lesquelles des contrats ou des relations de travail à durée déterminée successifs peuvent être conclus. En effet, le recours à de tels contrats est permis, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, du statut-cadre, selon les cas, lorsqu’il concerne la prestation de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire, lorsqu’il est nécessaire pour garantir le fonctionnement permanent et continu des centres de santé ou lorsqu’il s’agit de fournir des services complémentaires pour compenser la réduction du temps de travail ordinaire.

42

Cette disposition précise encore que, si plus de deux nominations surviennent pour la prestation des mêmes services pour une durée cumulée de douze mois ou plus, sur une période de deux ans, l’administration compétente examine les causes de ces nominations et décide de l’opportunité de créer un poste structurel additionnel.

43

Il en découle que la réglementation nationale en cause au principal n’édicte pas une autorisation générale et abstraite pour recourir à des contrats de travail à durée déterminée successifs, mais limite la conclusion de tels contrats aux fins de satisfaire, en substance, des besoins provisoires.

44

À cet égard, il importe de rappeler qu’un remplacement temporaire d’un travailleur en vue de satisfaire des besoins provisoires de l’employeur en termes de personnel peut, en principe, constituer une « raison objective » au sens de la clause 5, point 1, sous a), de cet accord-cadre (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, points 101 et 102 ; du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 30, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 91).

45

En effet, force est de constater que, dans une administration disposant d’un effectif important, tel le secteur de la santé publique, il est inévitable que des remplacements temporaires soient nécessaires en raison, notamment, de l’indisponibilité de membres du personnel bénéficiant de congés de maladie, de congés de maternité, de congés parentaux ou autres. Le remplacement temporaire de travailleurs dans ces circonstances est susceptible de constituer une raison objective au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre justifiant tant le caractère déterminé de la durée des contrats conclus avec le personnel de remplacement que le renouvellement de ces contrats en fonction de la survenance de nouveaux besoins, sous réserve du respect des exigences fixées par l’accord-cadre à cet égard (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 31, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 92).

46

En outre, il convient de relever que l’obligation d’organiser les services de santé de manière à assurer une adéquation constante entre le nombre de membres du personnel soignant et le nombre de patients incombe à l’administration publique et est tributaire d’une multitude de facteurs susceptibles de refléter un besoin particulier de flexibilité qui, conformément à la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt, est de nature, dans ce secteur spécifique, à objectivement justifier, au regard de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, le recours à des contrats de travail à durée déterminée successifs.

47

En revanche, il ne saurait être admis que des contrats de travail à durée déterminée puissent être renouvelés aux fins de l’accomplissement, de manière permanente et durable, de tâches dans les services de santé qui relèvent de l’activité normale du personnel hospitalier ordinaire (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2014, Márquez Samohano, C‑190/13, EU:C:2014:146, point 58).

48

En effet, le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée pour couvrir des besoins qui revêtent, en fait, un caractère non pas provisoire mais permanent et durable n’est pas justifié au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, dans la mesure où une telle utilisation des contrats ou des relations de travail à durée déterminée va directement à l’encontre de la prémisse sur laquelle se fonde cet accord-cadre, à savoir que les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, même si les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations et activités (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, points 36 et 37, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 100).

49

Le respect de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre exige ainsi qu’il soit vérifié concrètement que le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs vise à couvrir des besoins provisoires et qu’une disposition nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal n’est pas utilisée, en fait, pour satisfaire des besoins permanents et durables de l’employeur en matière de personnel (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 101).

50

À cet égard, il découle de la situation de la requérante au principal, telle que décrite dans la décision de renvoi, que les nominations successives de Mme Pérez López en vue de garantir des services de santé hospitaliers n’apparaissaient pas relever de simples besoins provisoires de l’employeur.

51

Ce constat se trouve corroboré par l’appréciation de la juridiction de renvoi qui qualifie la couverture des postes dans le secteur des services de santé au moyen de nominations de personnel statutaire temporaire de « mal endémique » et qui estime qu’environ 25 % des 50000 postes de personnel médical et de santé de la région madrilène sont occupés par du personnel engagé dans le cadre de nominations à caractère occasionnel d’une durée moyenne de cinq à six ans, mais dont certaines dépassent même quinze années de prestations ininterrompues de services.

52

Dans ces conditions, il convient de considérer que la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soit appliquée par les autorités de l’État membre concerné de telle sorte que le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs, dans le secteur public de la santé, est considéré comme justifié par des « raisons objectives » au sens de ladite clause au motif que ces contrats sont fondés sur des dispositions légales qui permettent le renouvellement pour assurer des prestations de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire, alors que, en réalité, lesdits besoins sont permanents et durables.

53

S’agissant, en outre, de la marge d’appréciation revenant à l’administration lorsqu’il s’agit de créer des postes structurels, il importe de rappeler que l’existence d’une telle modalité, permettant la création d’un poste fixe, à l’instar de celle consistant à convertir un contrat à durée déterminée en une relation de travail à durée indéterminée, est susceptible de constituer un recours efficace contre l’usage abusif de contrats temporaires (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, Angelidaki e.a., C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 170).

54

Or, même si une réglementation nationale permettant le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs pour remplacer du personnel dans l’attente du pourvoi des postes structurels créés est, en principe, susceptible d’être justifiée par une raison objective, l’application concrète de cette raison doit toutefois, eu égard aux particularités de l’activité concernée et aux conditions de son exercice, être conforme aux exigences de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2012, Kücük, C‑586/10, EU:C:2012:39, point 34 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13, C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 99).

55

En l’occurrence, il y a lieu de constater que la réglementation nationale en cause au principal ne comporte aucune obligation incombant à l’administration compétente de créer des postes structurels additionnels afin de mettre un terme à l’engagement du personnel statutaire occasionnel. En revanche, il ressort des constatations faites par la juridiction de renvoi que les postes structurels créés seraient pourvus par la nomination de personnel de remplacement « temporaire », sans qu’il existe à leur égard une limitation quant à la durée des contrats de remplacement ni quant au nombre de leurs renouvellements, de telle sorte que la situation de précarité des travailleurs se trouve, en réalité, pérennisée. Or, une telle législation est de nature à permettre, en violation de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée pour couvrir des besoins qui ont un caractère permanent et durable, alors qu’il ressort des constatations faites au point 52 du présent arrêt qu’il existe un déficit structurel de postes de personnel titulaire dans l’État membre concerné.

56

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et troisième questions posées que la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soit appliquée par les autorités de l’État membre concerné de telle sorte que :

le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs, dans le secteur public de la santé, est considéré comme justifié par des « raisons objectives » au sens de ladite clause au motif que ces contrats sont fondés sur des dispositions légales qui permettent le renouvellement pour assurer des prestations de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire, alors que, en réalité, lesdits besoins sont permanents et durables ;

il n’existe aucune obligation incombant à l’administration compétente de créer des postes structurels mettant fin à l’engagement du personnel statutaire occasionnel et qu’il lui est permis de pourvoir les postes structurels créés par l’embauche de personnel « temporaire », de telle sorte que la situation de précarité des travailleurs perdure, alors que l’État concerné connaît un déficit structurel de postes de personnel titulaire dans ce secteur.

Sur la deuxième question

57

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose que la relation contractuelle prenne fin à la date prévue par le contrat à durée déterminée et qu’il y ait paiement de solde de tout compte, sans préjudice d’une éventuelle nouvelle nomination.

58

À cet égard, il convient de rappeler que l’accord-cadre ne prescrit pas les conditions auxquelles il peut être fait usage des contrats de travail à durée indéterminée et n’a pas pour objet d’harmoniser l’ensemble des règles nationales relatives aux contrats de travail à durée déterminée. En effet, cet accord-cadre vise uniquement, en fixant des principes généraux et des prescriptions minimales, à établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination et à prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail ou de contrats de travail à durée déterminée successifs (arrêt du 18 octobre 2012, Valenza e.a., C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 63 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 7 mars 2013, Bertazzi e.a., C‑393/11, non publiée, EU:C:2013:143, point 48).

59

Il n’en demeure pas moins que le pouvoir reconnu aux États membres pour déterminer le contenu de leurs règles nationales relatives aux contrats de travail ne saurait aller jusqu’à leur permettre de remettre en cause l’objectif ou l’effet utile de l’accord-cadre (arrêt du 18 octobre 2012, Valenza e.a., C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 64 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 7 mars 2013, Bertazzi e.a., C‑393/11, non publiée, EU:C:2013:143, point 49).

60

Or, l’objectif poursuivi par la clause 5 de l’accord-cadre, qui consiste à encadrer les recours successif aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée, serait privé de tout contenu si le seul caractère nouveau d’une relation de travail au titre du droit national était susceptible de constituer une « raison objective » au sens de cette clause, de nature à autoriser un renouvellement d’un contrat de travail à durée déterminée.

61

Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question que la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas, en principe, à une législation nationale qui impose que la relation contractuelle prenne fin à la date prévue par le contrat à durée déterminée et qu’il y ait paiement du solde de tout compte, sans préjudice d’une éventuelle nouvelle nomination, pourvu que cette législation ne soit pas de nature à remettre en cause l’objectif ou l’effet utile de l’accord-cadre, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur la quatrième question

62

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui refuse toute indemnité de résiliation du contrat de travail au personnel statutaire occasionnel alors qu’une telle indemnité est pourtant allouée aux travailleurs comparables employés dans le cadre de contrats de travail occasionnels.

63

À cet égard, il importe de rappeler que la clause 4 de l’accord-cadre énonce, à son point 1, une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.

64

Selon une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 65 et jurisprudence citée).

65

À cet égard, il importe de préciser que le principe de non-discrimination a été mis en œuvre et concrétisé par l’accord-cadre uniquement en ce qui concerne les différences de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui se trouvent dans une situation comparable (ordonnances du 11 novembre 2010, Vino, C‑20/10, non publiée, EU:C:2010:677, point 56 ; du 22 juin 2011, Vino, C‑161/11, non publiée, EU:C:2011:420, point 28, et du 7 mars 2013, Rivas Montes, C‑178/12, non publiée, EU:C:2013:150, point 43).

66

En revanche, une éventuelle différence de traitement entre certaines catégories de personnel à durée déterminée, telle que celle dont fait état la juridiction de renvoi, qui est fondée non pas sur la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail, mais sur le caractère statutaire ou contractuel de celle-ci, ne relève pas du principe de non-discrimination consacré par cet accord-cadre (voir, en ce sens, ordonnances du 11 novembre 2010, Vino, C‑20/10, non publiée, EU:C:2010:677, point 57, et du 7 mars 2013, Rivas Montes, C‑178/12, non publiée, EU:C:2013:150, points 44 et 45).

67

Ce n’est que dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi devrait constater que des travailleurs engagés en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée et effectuant un travail comparable touchent une indemnité de résiliation du contrat de travail, alors qu’une telle indemnité est refusée au personnel statutaire occasionnel, que cette différence de traitement est susceptible de relever du principe de non-discrimination consacré à la clause 4 de l’accord-cadre (voir, en ce sens, arrêt du même jour, De Diego Porras, points 37 et 38).

68

Or, dans la mesure où aucun élément du dossier soumis à la Cour ne fait ressortir qu’il existerait, dans l’affaire au principal, une différence de traitement entre le personnel statutaire occasionnel et le personnel à durée indéterminée, la différence de traitement faisant l’objet de la quatrième question posée par la juridiction de renvoi ne relève pas du droit de l’Union (ordonnances du 11 novembre 2010, Vino, C‑20/10, non publiée, EU:C:2010:677, point 64 ; du 22 juin 2011, Vino, C‑161/11, non publiée, EU:C:2011:420, point 30, et du 7 mars 2013, Rivas Montes, C‑178/12, non publiée, EU:C:2013:150, point 52). Aussi, cette différence de traitement relève-t-elle uniquement du droit national, dont l’interprétation appartient exclusivement à la juridiction de renvoi (ordonnances du 22 juin 2011, Vino, C‑161/11, non publiée, EU:C:2011:420, point 35, et du 7 mars 2013, Rivas Montes, C‑178/12, non publiée, EU:C:2013:150, point 53).

69

Dans ces conditions, il convient de constater que la Cour est manifestement incompétente pour répondre à la quatrième question posée.

Sur les dépens

70

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

 

1)

La clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, soit appliquée par les autorités de l’État membre concerné de telle sorte que :

le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée successifs, dans le secteur public de la santé, est considéré comme justifié par des « raisons objectives » au sens de ladite clause au motif que ces contrats sont fondés sur des dispositions légales qui permettent le renouvellement pour assurer des prestations de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire, alors que, en réalité, lesdits besoins sont permanents et durables ;

il n’existe aucune obligation incombant à l’administration compétente de créer des postes structurels mettant fin à l’engagement du personnel statutaire occasionnel et qu’il lui est permis de pourvoir les postes structurels créés par l’embauche de personnel « temporaire », de telle sorte que la situation de précarité des travailleurs perdure, alors que l’État concerné connaît un déficit structurel de postes de personnel titulaire dans ce secteur.

 

2)

La clause 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée qui figure en annexe de la directive 1999/70 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas, en principe, à une législation nationale qui impose que la relation contractuelle prenne fin à la date prévue par le contrat à durée déterminée et qu’il y ait paiement du solde de tout compte, sans préjudice d’une éventuelle nouvelle nomination, pourvu que cette législation ne soit pas de nature à remettre en cause l’objectif ou l’effet utile de cet accord-cadre, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

3)

La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre à la quatrième question posée par le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo no 4 de Madrid (tribunal administratif no 4 de Madrid, Espagne).

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.