Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire T‑61/13,

Research and Production Company « Melt Water » UAB, établie à Klaipėda (Lituanie), représentée par M es  V. Viešūnaitė et J. Stucka, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M me  V. Melgar et M. J. Ivanauskas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 3 décembre 2012 (affaire R 1794/2012‑4), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif NUEVA comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, D. Gratsias et M me  M. Kancheva (rapporteur), juges,

greffier : M me  J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2013,

à la suite de l’audience du 9 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Antécédents du litige

1. Le 19 janvier 2012, la requérante, Research and Production Company « Melt Water » UAB, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif reproduit ci-après :

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3. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; eau minérale (non médicinale) ; eaux minérales [boissons], eau minérale ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; eau en bouteille, eau ; eau de source ; eau (potable) (en bouteille) ; eau potable (en bouteille) ; eaux gazeuses ; eaux minérales [boissons], eaux toniques [boissons non médicinales], sodas, eaux de table ; eau minérale (non médicinale), eaux plates ; eaux minérales ».

4. Par décision du 18 juillet 2012, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), ainsi que de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009, au motif que le signe en cause était descriptif et dépourvu de caractère distinctif.

5. Au dernier paragraphe de sa décision de refus d’enregistrement, l’examinateur a indiqué, en langue lituanienne, ce qui suit :

« Vous avez le droit de déposer un recours [en langue lituanienne : ‘apeliacija’] contre cette décision conformément à l’article 59 du règlement nº 207/2009. Conformément à l’article 60 du règlement nº 207/2009, le recours [en langue lituanienne : ‘pranešimas apie apeliaciją’] doit être déposé par écrit auprès de l’OHMI dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision et un mémoire écrit [en langue lituanienne : ‘rašytinis prašymas’] exposant les motifs du recours doit être déposé dans un délai de quatre mois à compter de cette même date. Le mémoire [en langue lituanienne : ‘prašymas’] n’est considéré comme déposé qu’après paiement de la taxe de recours de 800 euros. »

6. Le 28 juillet 2012, la requérante a reçu la notification de la décision de l’examinateur.

7. Le 25 septembre 2012, la requérante a formé un recours, au titre des articles 58 à 64 du règlement nº 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

8. Le 4 octobre 2012, l’OHMI a contacté la requérante par voie téléphonique, observant que la taxe de recours n’avait pas été payée. Par courrier du même jour, en réponse à cette observation, la requérante a expliqué à l’OHMI qu’il ressortait de la décision de l’examinateur et de l’article 60 du règlement nº 207/2009 que ladite taxe pouvait être versée jusqu’à la date de dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, c’est-à-dire dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision.

9. Le 5 octobre 2012, l’OHMI a adressé à la requérante une notification l’informant que la taxe de recours n’avait pas été acquittée dans le délai imparti, lequel avait, selon l’OHMI, expiré le 28 septembre 2012. La requérante, invitée à présenter ses observations, s’en est tenue à son courrier du 4 octobre 2012.

10. Le 9 octobre 2012, la requérante a déposé un mémoire exposant les motifs de son recours. Le 10 octobre 2012, l’OHMI a reçu le paiement de la taxe de recours, dont la requérante s’était acquittée la veille.

11. Par décision du 3 décembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a réputé non formé le recours de la requérante. Elle a, tout d’abord, estimé que le libellé de l’article 60 du règlement nº 207/2009 avait été repris correctement dans la décision de l’examinateur. Elle a ensuite indiqué que la phrase « [l]e recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours » au sein de cet article ne pouvait être liée qu’à la phrase précédente relative à la formation du recours, prévoyant un délai de deux mois, et non à la phrase suivante relative au dépôt du mémoire, prévoyant un délai de quatre mois. Elle a également relevé que la règle 49, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), énonçait que, si la taxe était payée après expiration du délai de recours prévu à l’article 60 du règlement nº 207/2009, le recours était réputé ne pas avoir été formé et la taxe de recours était remboursée au requérant. Or, en l’espèce, elle a constaté que la requérante avait payé la taxe de recours le 10 octobre 2012, après l’expiration du délai de deux mois prescrit pour former le recours et pour payer la taxe, survenue le 28 septembre 2012. Dès lors, elle a, en substance, réputé le recours non formé, en application de l’article 60 du règlement nº 207/2009, et ordonné le remboursement de ladite taxe au titre de la règle 49, paragraphe 3, du règlement nº 2868/95.

Conclusions des parties

12. La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– considérer son recours devant la chambre de recours comme formé ;

– condamner l’OHMI aux dépens.

13. L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

14. Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande que son recours devant la chambre de recours soit considéré comme formé et ainsi, en substance, que le Tribunal ordonne à la chambre de recours de déclarer ledit recours formé.

15. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement nº 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 20, et la jurisprudence citée].

16. Est donc irrecevable le chef de conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI de déclarer formé le recours introduit devant lui.

Sur le fond

17. À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 60 du règlement nº 207/2009. Elle considère, en substance, que son recours devant la chambre de recours a été formé, au motif qu’elle s’est acquittée de la taxe de recours dans le délai prescrit par ledit article dans sa version lituanienne, qui fait foi. Elle soutient que le libellé de cet article dans sa version lituanienne indique clairement et sans ambiguïté que le paiement de la taxe de recours est lié au dépôt du mémoire exposant les motifs du recours et prescrit à cet effet un délai de quatre mois, et non de deux mois comme pour le dépôt de l’acte de recours.

18. L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

19. L’article 60 du règlement nº 207/2009, intitulé « Délai et forme », est libellé comme suit :

« Le recours [contre les décisions de l’OHMI visées à l’article 58 du même règlement, notamment celles de l’examinateur ; en langue lituanienne : ‘pranešimas apie apeliaciją’] doit être formé par écrit auprès de l’[OHMI] dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision. Le recours [en langue lituanienne : ‘prašymas’] n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours. Un mémoire [en langue lituanienne : ‘rašytinis prašymas’] exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision. »

20. Selon une jurisprudence constante, inspirée de l’article 314 CE et de l’article 55 UE, toutes les versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union font également foi et doivent, par principe, se voir reconnaître la même valeur, laquelle ne saurait varier en fonction, notamment, de l’importance de la population des États membres qui pratique la langue en cause (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, EMU Tabac e.a., C‑296/95, Rec. p. I‑1605, point 36 ; du 20 novembre 2003, Kyocera, C‑152/01, Rec. p. I‑13821, point 32, et du Tribunal du 20 septembre 2012, Hongrie/Commission, T‑407/10, non publié au Recueil, point 39).

21. En l’espèce, il est constant que la version lituanienne de l’article 60 du règlement nº 207/2009 fait foi, au même titre que les autres versions de cette disposition dans les langues officielles de l’Union.

22. Quant au libellé de la version lituanienne de l’article 60 du règlement nº 207/2009, il y a lieu d’y relever, dans la première phrase, le terme « pranešimas », signifiant littéralement « déclaration », pour désigner l’acte de recours à déposer auprès de l’OHMI et, dans la troisième phrase, le terme « prašymas », signifiant littéralement « demande », pour désigner le mémoire exposant les motifs du recours. La deuxième phrase dudit libellé indique également que le mémoire (prašymas) n’est considéré comme déposé qu’après paiement de la taxe de recours.

23. Or, il convient d’observer que, dans la deuxième phrase de l’article 60 du règlement nº 207/2009, le terme « prašymas » apparaît ambigu. D’une part, comme l’allègue la requérante, il semble faire référence, non au terme différent utilisé dans la première phrase pour désigner l’acte de recours à déposer auprès de l’OHMI, mais au terme identique utilisé dans la troisième phrase pour désigner le mémoire exposant les motifs du recours, suggérant par-là que le délai prescrit pour le paiement de la taxe de recours est, comme pour le dépôt du mémoire, de quatre mois. D’autre part, ainsi que le soutient l’OHMI, sa position dans la deuxième phrase suggère qu’il est en lien avec la phrase précédente, concernant l’acte de recours à déposer auprès de l’OHMI dans un délai de deux mois, et non avec la phrase suivante, concernant le mémoire exposant les motifs du recours.

24. Il s’ensuit que, contrairement aux assertions de clarté formulées en sens opposés par les parties dans leurs écritures, la version lituanienne de l’article 60 du règlement nº 207/2009 n’est pas dépourvue d’ambiguïté et suscite des doutes quant à son interprétation et à son application.

25. Dès lors, il convient d’établir l’interprétation correcte et uniforme de l’article 60 du règlement nº 207/2009 et d’examiner les conséquences juridiques de l’application en l’espèce dudit article par l’OHMI.

26. Selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans une des versions linguistiques d’une disposition de droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une telle approche serait en effet incompatible avec l’exigence d’uniformité d’application du droit de l’Union (arrêts de la Cour du 12 novembre 1998, Institute of the Motor Industry, C‑149/97, Rec. p. I‑7053, point 16 ; du 3 avril 2008, Endendijk, C‑187/07, Rec. p. I‑2115, point 23, et du 9 octobre 2008, Sabatauskas e.a., C‑239/07, Rec. p. I‑7523, point 38).

27. D’une part, la nécessité d’une interprétation uniforme du droit de l’Union exclut de considérer un texte déterminé isolément, mais exige, en cas de doute, qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles [arrêt de la Cour du 12 juillet 1979, Koschniske, 9/79, Rec. p. 2717, point 6 ; voir également arrêts de la Cour du 17 octobre 1996, Lubella, C‑64/95, Rec. p. I‑5105, point 17, et la jurisprudence citée, et du Tribunal du 15 septembre 2011, Prinz Sobieski zu Schwarzenberg/OHMI – British-American Tobacco Polska (Romuald Prinz Sobieski zu Schwarzenberg), T‑271/09, non publié au Recueil, point 38, et la jurisprudence citée].

28. D’autre part, la nécessité d’une interprétation uniforme du droit de l’Union exige, en cas de divergences entre les différentes versions linguistiques d’une disposition, d’interpréter celle-ci en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. p. 1999, point 14 ; Kyocera, point 20 supra, point 33, et du 22 mars 2012, Génesis, C‑190/10, point 42, et la jurisprudence citée).

29. Or, d’une part, s’agissant des versions de l’article 60 du règlement nº 207/2009 établies dans les autres langues officielles de l’Union, en particulier les cinq langues de travail de l’OHMI, il y a lieu de relever que, dans les versions française, anglaise, allemande, italienne et espagnole, les termes « recours », « notice », « Beschwerde », « ricorso » et « recurso » utilisés dans la deuxième phrase dudit article font clairement référence au terme identique utilisé dans la première phrase pour désigner l’acte de recours à déposer auprès de l’OHMI dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision frappée de recours, et non au terme différent utilisé dans la troisième phrase pour désigner le mémoire exposant les motifs du recours dans un délai de quatre mois.

30. D’autre part, s’agissant de l’économie générale et de la finalité de la deuxième phrase de l’article 60 du règlement nº 207/2009, il convient de considérer qu’elle consiste à prévenir le dépôt de recours purement formels qui ne seraient pas suivis d’un mémoire exposant les motifs du recours, voire à décourager le dépôt de recours fantaisistes.

31. Par conséquent, il y a lieu d’interpréter l’article 60 du règlement nº 207/2009 de façon uniforme, en ce sens que le paiement de la taxe de recours est requis pour que le recours soit considéré comme formé, de sorte que ce paiement est lié au dépôt du recours et doit être effectué, tout comme celui-ci, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision frappée de recours. Le délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision s’applique uniquement au dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, et non au paiement de la taxe de recours.

32. De surcroît, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 13 de la décision attaquée, que cette interprétation uniforme est corroborée par la règle 49, paragraphe 3, du règlement nº 2868/95. Cette règle, dont le libellé est clair et dépourvu d’ambiguïté tant en lituanien que dans les autres langues mentionnées au point 29 ci-dessus, énonce que, si la taxe de recours est acquittée après expiration du délai de recours prévu à l’article 60 du règlement nº 207/2009, le recours est réputé ne pas avoir été formé et la taxe de recours est remboursée au requérant. Il y a lieu de considérer que l’expression « délai de recours » fait ici référence au délai de deux mois pour le dépôt du recours et non au délai de quatre mois pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours.

33. Quant à l’allégation de la requérante, formulée dans ses écritures, selon laquelle l’article 60 du règlement nº 207/2009 devait, afin d’assurer la sécurité juridique, être interprété de la façon la plus conforme à ses intérêts, il y a lieu d’observer, d’emblée, que, lors de l’audience, la requérante a précisé que cette allégation ne constituait pas un grief autonome, tiré de la violation du principe de sécurité juridique, mais était seulement formulée au soutien de son moyen unique, tiré de la violation dudit article, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

34. Or, il suffit de relever que c’est le principe de sécurité juridique lui-même, combiné au principe d’égalité et de non-discrimination, qui commandait à la chambre de recours d’interpréter l’article 60 du règlement nº 207/2009 de façon uniforme, conformément à l’interprétation rappelée au point 31 ci-dessus, et lui interdisait d’y déroger en faveur de la requérante. Ladite interprétation uniforme, étant fondée sur les versions de cet article établies dans les autres langues officielles de l’Union ainsi que sur son économie générale et sa finalité, est la seule qui soit conforme au principe de sécurité juridique. En effet, le respect des délais de procédure, notamment de recours, est d’ordre public et toute interprétation autre que cette interprétation uniforme serait susceptible de nuire à la sécurité juridique [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 19 septembre 2012, Video Research USA/OHMI (VR), T‑267/11, point 35, et ordonnance du Tribunal du 24 octobre 2013, Stromberg Menswear/OHMI – Leketoy Stormberg Inter (STORMBERG), T‑451/12, non publiée au Recueil, point 38].

35. C’est donc à bon droit que la chambre de recours, au point 12 de la décision attaquée, a interprété l’article 60 du règlement nº 207/2009 comme exigeant que la taxe de recours fût payée dans le délai de deux mois prescrit pour le dépôt du recours, afin que celui-ci fût considéré comme formé.

36. Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle l’examinateur de l’OHMI a, dans sa décision, expressément répété la version lituanienne de l’article 60 du règlement nº 207/2009 sans fournir d’explication supplémentaire, il convient de relever, d’emblée, que, dans la notification de sa décision de refus d’enregistrement (voir point 5 ci-dessus), l’examinateur de l’OHMI a repris l’ambiguïté dont est entachée la version lituanienne dudit article quant au délai de paiement de la taxe de recours, telle que constatée ci-dessus (voir points 22 à 24), sans attirer l’attention de la requérante sur cette ambiguïté, ni sur la divergence de cette version avec les autres versions linguistiques faisant foi. Au demeurant, l’OHMI, lors de l’audience, a reconnu l’existence de cette ambiguïté et de cette divergence, dont il a dit n’avoir pas été conscient jusqu’à la présente affaire, mais a soutenu que, en tout état de cause, la nécessité d’une interprétation uniforme de ladite disposition n’était pas remise en question.

37. Il y a donc lieu d’examiner si, en l’occurrence, la requérante peut invoquer la reprise par l’examinateur de l’OHMI de l’ambiguïté entachant la légalité de la version lituanienne de l’article 60 du règlement nº 207/2009 aux fins de déroger à l’interprétation uniforme dudit article et de justifier le non-paiement de la taxe de recours dans le délai prescrit.

38. Selon une jurisprudence constante, il ne peut être dérogé à l’application des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêt de la Cour du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, Rec. p. 3749, point 10). Que de telles circonstances soient qualifiées de cas fortuit ou de force majeure ou bien d’erreur excusable, elles comportent, en tout état de cause, un élément subjectif tenant à l’obligation, pour le justiciable de bonne foi, de faire preuve de toute la vigilance et de toute la diligence requises d’un opérateur normalement averti afin de surveiller le déroulement de la procédure et de respecter les délais prévus (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, Rec. p. I‑5619, points 31 et 32 ; du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C‑426/10 P, Rec. p. I‑8849, points 47 et 48, et ordonnance du Tribunal du 1 er  avril 2011, Doherty/Commission, T‑468/10, Rec. p. II‑1497, points 18, 19, 27 et 28, et la jurisprudence citée).

39. Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante n’a pas fait preuve de la vigilance et de la diligence requises aux fins de surveiller et de respecter le délai prescrit pour le paiement de la taxe de recours.

40. En effet, tout d’abord, il y a lieu de considérer qu’une demanderesse de marque communautaire normalement vigilante et diligente aurait dû confronter l’article 60 du règlement nº 207/2009 à la règle 49, paragraphe 3, du règlement nº 2868/95 (voir point 32 ci-dessus), dont le libellé est clair et dépourvu d’ambiguïté, tant en lituanien que dans les autres langues mentionnées au point 29 ci-dessus, et qui subordonne la formation du recours au paiement de la taxe y afférente dans le délai prescrit pour le dépôt du recours lui-même, indépendamment du délai octroyé par ledit article pour le dépôt ultérieur du mémoire exposant les motifs du recours. Au demeurant, la requérante a, lors de l’audience, confirmé avoir eu connaissance de ladite règle au moment du dépôt de son recours.

41. En outre, une demanderesse de marque communautaire normalement vigilante et diligente, ayant, tout comme la requérante, choisi l’anglais comme deuxième langue dans sa demande de marque communautaire, aurait du moins pu vérifier le libellé de l’article 60 du règlement nº 207/2009 dans sa version anglaise, aux termes duquel le « [l]e recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours » ([t]he notice shall be deemed to have been filed only when the fee for appeal has been paid). Ledit libellé en langue anglaise lie ainsi clairement le paiement de la taxe de recours (fee for appeal) à la formation du recours (notice of appeal), soumise à un délai de deux mois, et non au dépôt du mémoire exposant les motifs du recours (statement setting out the grounds of appeal), soumis à un délai de quatre mois.

42. Il résulte du défaut de vigilance et de diligence de la requérante que celle-ci ne saurait invoquer utilement aucun cas fortuit ou de force majeure, ni aucune erreur excusable, aux fins de justifier sa défaillance à s’acquitter de la taxe de recours dans le délai prescrit [voir, par analogie, ordonnance du Tribunal du 15 avril 2011, Longevity Health Products/OHMI – Biofarma (VITACHRON female), T‑96/11, non publiée au Recueil, point 19]. Au demeurant, la requérante n’a excipé d’aucun grief expressément pris du caractère fortuit ou excusable de cette défaillance.

43. Au surplus, et en tout état de cause, il convient d’observer que la requérante, après qu’elle a été informée par l’OHMI du non-paiement de la taxe de recours dans le délai prescrit et du risque que son recours fût en conséquence déclaré non formé, n’était pas dépourvue de recours devant l’OHMI lui-même. En effet, même à supposer que la requérante entendît faire valoir que, bien qu’ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, elle n’avait pas été en mesure de respecter le délai de paiement de la taxe de recours, elle avait à sa disposition la procédure de restitutio in integrum devant l’OHMI et aurait pu présenter une requête au titre de l’article 81 du règlement nº 207/2009 [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 mai 2011, Flaco-Geräte/OHMI – Delgado Sánchez (FLACO), T‑74/10, non publié au Recueil, point 26].

44. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir violé l’article 60 du règlement nº 207/2009 lorsqu’elle a, en application dudit article lu conjointement avec la règle 49, paragraphe 3, du règlement nº 2868/95, constaté que la taxe de recours avait été acquittée par la requérante après l’expiration du délai de deux mois prescrit pour son paiement et conclu que, faute d’avoir respecté ce délai, le recours de la requérante devait être réputé ne pas avoir été formé et que la taxe de recours devait être remboursée à la requérante.

45. Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique comme non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

46. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, in fine, du même règlement prévoit que le Tribunal peut répartir les dépens pour des motifs exceptionnels.

47. En l’espèce, il convient de mettre en balance, d’une part, la nécessité d’une interprétation uniforme de l’article 60 du règlement nº 207/2009 ainsi que le devoir de vigilance et de diligence incombant à la requérante et, d’autre part, l’ambiguïté dont est entachée la version lituanienne dudit article, telle que reprise par l’examinateur de l’OHMI dans la notification de sa décision de refus d’enregistrement.

48. Au regard de ces circonstances exceptionnelles au sens de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, in fine, du règlement de procédure, l’équité commande de faire supporter à l’OHMI ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 23 novembre 2011, Jones e.a./Commission, T‑320/07, non publié au Recueil, point 158, et ordonnance du Tribunal du 13 novembre 2012, ClientEarth e.a./Commission, T‑278/11, point 51).

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Research and Production Company « Melt Water » UAB.


ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

21 mai 2014 ( *1 )

«Marque communautaire — Demande de marque communautaire figurative NUEVA — Article 60 du règlement (CE) no 207/2009 — Non‑respect de l’obligation de paiement de la taxe de recours dans le délai — Ambiguïté dans une version linguistique — Interprétation uniforme — Cas fortuit ou de force majeure — Erreur excusable — Obligation de vigilance et de diligence»

Dans l’affaire T‑61/13,

Research and Production Company «Melt Water» UAB, établie à Klaipėda (Lituanie), représentée par Mes V. Viešūnaitė et J. Stucka, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar et M. J. Ivanauskas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 3 décembre 2012 (affaire R 1794/2012‑4), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif NUEVA comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, D. Gratsias et Mme M. Kancheva (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2013,

à la suite de l’audience du 9 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 19 janvier 2012, la requérante, Research and Production Company «Melt Water» UAB, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2

La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif reproduit ci-après :

Image

3

Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : «Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; eau minérale (non médicinale) ; eaux minérales [boissons], eau minérale ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; eau en bouteille, eau ; eau de source ; eau (potable) (en bouteille) ; eau potable (en bouteille) ; eaux gazeuses ; eaux minérales [boissons], eaux toniques [boissons non médicinales], sodas, eaux de table ; eau minérale (non médicinale), eaux plates ; eaux minérales».

4

Par décision du 18 juillet 2012, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), ainsi que de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, au motif que le signe en cause était descriptif et dépourvu de caractère distinctif.

5

Au dernier paragraphe de sa décision de refus d’enregistrement, l’examinateur a indiqué, en langue lituanienne, ce qui suit :

«Vous avez le droit de déposer un recours [en langue lituanienne : ‘apeliacija’] contre cette décision conformément à l’article 59 du règlement no 207/2009. Conformément à l’article 60 du règlement no 207/2009, le recours [en langue lituanienne : ‘pranešimas apie apeliaciją’] doit être déposé par écrit auprès de l’OHMI dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision et un mémoire écrit [en langue lituanienne : ‘rašytinis prašymas’] exposant les motifs du recours doit être déposé dans un délai de quatre mois à compter de cette même date. Le mémoire [en langue lituanienne : ‘prašymas’] n’est considéré comme déposé qu’après paiement de la taxe de recours de 800 euros.»

6

Le 28 juillet 2012, la requérante a reçu la notification de la décision de l’examinateur.

7

Le 25 septembre 2012, la requérante a formé un recours, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

8

Le 4 octobre 2012, l’OHMI a contacté la requérante par voie téléphonique, observant que la taxe de recours n’avait pas été payée. Par courrier du même jour, en réponse à cette observation, la requérante a expliqué à l’OHMI qu’il ressortait de la décision de l’examinateur et de l’article 60 du règlement no 207/2009 que ladite taxe pouvait être versée jusqu’à la date de dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, c’est-à-dire dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision.

9

Le 5 octobre 2012, l’OHMI a adressé à la requérante une notification l’informant que la taxe de recours n’avait pas été acquittée dans le délai imparti, lequel avait, selon l’OHMI, expiré le 28 septembre 2012. La requérante, invitée à présenter ses observations, s’en est tenue à son courrier du 4 octobre 2012.

10

Le 9 octobre 2012, la requérante a déposé un mémoire exposant les motifs de son recours. Le 10 octobre 2012, l’OHMI a reçu le paiement de la taxe de recours, dont la requérante s’était acquittée la veille.

11

Par décision du 3 décembre 2012 (ci-après la «décision attaquée»), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a réputé non formé le recours de la requérante. Elle a, tout d’abord, estimé que le libellé de l’article 60 du règlement no 207/2009 avait été repris correctement dans la décision de l’examinateur. Elle a ensuite indiqué que la phrase «[l]e recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours» au sein de cet article ne pouvait être liée qu’à la phrase précédente relative à la formation du recours, prévoyant un délai de deux mois, et non à la phrase suivante relative au dépôt du mémoire, prévoyant un délai de quatre mois. Elle a également relevé que la règle 49, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), énonçait que, si la taxe était payée après expiration du délai de recours prévu à l’article 60 du règlement no 207/2009, le recours était réputé ne pas avoir été formé et la taxe de recours était remboursée au requérant. Or, en l’espèce, elle a constaté que la requérante avait payé la taxe de recours le 10 octobre 2012, après l’expiration du délai de deux mois prescrit pour former le recours et pour payer la taxe, survenue le 28 septembre 2012. Dès lors, elle a, en substance, réputé le recours non formé, en application de l’article 60 du règlement no 207/2009, et ordonné le remboursement de ladite taxe au titre de la règle 49, paragraphe 3, du règlement no 2868/95.

Conclusions des parties

12

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

considérer son recours devant la chambre de recours comme formé ;

condamner l’OHMI aux dépens.

13

L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

14

Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande que son recours devant la chambre de recours soit considéré comme formé et ainsi, en substance, que le Tribunal ordonne à la chambre de recours de déclarer ledit recours formé.

15

À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T-443/05, Rec. p. II-2579, point 20, et la jurisprudence citée].

16

Est donc irrecevable le chef de conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI de déclarer formé le recours introduit devant lui.

Sur le fond

17

À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 60 du règlement no 207/2009. Elle considère, en substance, que son recours devant la chambre de recours a été formé, au motif qu’elle s’est acquittée de la taxe de recours dans le délai prescrit par ledit article dans sa version lituanienne, qui fait foi. Elle soutient que le libellé de cet article dans sa version lituanienne indique clairement et sans ambiguïté que le paiement de la taxe de recours est lié au dépôt du mémoire exposant les motifs du recours et prescrit à cet effet un délai de quatre mois, et non de deux mois comme pour le dépôt de l’acte de recours.

18

L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

19

L’article 60 du règlement no 207/2009, intitulé «Délai et forme», est libellé comme suit :

«Le recours [contre les décisions de l’OHMI visées à l’article 58 du même règlement, notamment celles de l’examinateur ; en langue lituanienne : ‘pranešimas apie apeliaciją’] doit être formé par écrit auprès de l’[OHMI] dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision. Le recours [en langue lituanienne : ‘prašymas’] n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours. Un mémoire [en langue lituanienne : ‘rašytinis prašymas’] exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision.»

20

Selon une jurisprudence constante, inspirée de l’article 314 CE et de l’article 55 UE, toutes les versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union font également foi et doivent, par principe, se voir reconnaître la même valeur, laquelle ne saurait varier en fonction, notamment, de l’importance de la population des États membres qui pratique la langue en cause (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, EMU Tabac e.a., C-296/95, Rec. p. I-1605, point 36 ; du 20 novembre 2003, Kyocera, C-152/01, Rec. p. I-13821, point 32, et du Tribunal du 20 septembre 2012, Hongrie/Commission, T‑407/10, non publié au Recueil, point 39).

21

En l’espèce, il est constant que la version lituanienne de l’article 60 du règlement no 207/2009 fait foi, au même titre que les autres versions de cette disposition dans les langues officielles de l’Union.

22

Quant au libellé de la version lituanienne de l’article 60 du règlement no 207/2009, il y a lieu d’y relever, dans la première phrase, le terme «pranešimas», signifiant littéralement «déclaration», pour désigner l’acte de recours à déposer auprès de l’OHMI et, dans la troisième phrase, le terme «prašymas», signifiant littéralement «demande», pour désigner le mémoire exposant les motifs du recours. La deuxième phrase dudit libellé indique également que le mémoire (prašymas) n’est considéré comme déposé qu’après paiement de la taxe de recours.

23

Or, il convient d’observer que, dans la deuxième phrase de l’article 60 du règlement no 207/2009, le terme «prašymas» apparaît ambigu. D’une part, comme l’allègue la requérante, il semble faire référence, non au terme différent utilisé dans la première phrase pour désigner l’acte de recours à déposer auprès de l’OHMI, mais au terme identique utilisé dans la troisième phrase pour désigner le mémoire exposant les motifs du recours, suggérant par-là que le délai prescrit pour le paiement de la taxe de recours est, comme pour le dépôt du mémoire, de quatre mois. D’autre part, ainsi que le soutient l’OHMI, sa position dans la deuxième phrase suggère qu’il est en lien avec la phrase précédente, concernant l’acte de recours à déposer auprès de l’OHMI dans un délai de deux mois, et non avec la phrase suivante, concernant le mémoire exposant les motifs du recours.

24

Il s’ensuit que, contrairement aux assertions de clarté formulées en sens opposés par les parties dans leurs écritures, la version lituanienne de l’article 60 du règlement no 207/2009 n’est pas dépourvue d’ambiguïté et suscite des doutes quant à son interprétation et à son application.

25

Dès lors, il convient d’établir l’interprétation correcte et uniforme de l’article 60 du règlement no 207/2009 et d’examiner les conséquences juridiques de l’application en l’espèce dudit article par l’OHMI.

26

Selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans une des versions linguistiques d’une disposition de droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une telle approche serait en effet incompatible avec l’exigence d’uniformité d’application du droit de l’Union (arrêts de la Cour du 12 novembre 1998, Institute of the Motor Industry, C-149/97, Rec. p. I-7053, point 16 ; du 3 avril 2008, Endendijk, C-187/07, Rec. p. I-2115, point 23, et du 9 octobre 2008, Sabatauskas e.a., C-239/07, Rec. p. I-7523, point 38).

27

D’une part, la nécessité d’une interprétation uniforme du droit de l’Union exclut de considérer un texte déterminé isolément, mais exige, en cas de doute, qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles [arrêt de la Cour du 12 juillet 1979, Koschniske, 9/79, Rec. p. 2717, point 6 ; voir également arrêts de la Cour du 17 octobre 1996, Lubella, C-64/95, Rec. p. I-5105, point 17, et la jurisprudence citée, et du Tribunal du 15 septembre 2011, Prinz Sobieski zu Schwarzenberg/OHMI – British-American Tobacco Polska (Romuald Prinz Sobieski zu Schwarzenberg), T‑271/09, non publié au Recueil, point 38, et la jurisprudence citée].

28

D’autre part, la nécessité d’une interprétation uniforme du droit de l’Union exige, en cas de divergences entre les différentes versions linguistiques d’une disposition, d’interpréter celle-ci en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. p. 1999, point 14 ; Kyocera, point 20 supra, point 33, et du 22 mars 2012, Génesis, C‑190/10, point 42, et la jurisprudence citée).

29

Or, d’une part, s’agissant des versions de l’article 60 du règlement no 207/2009 établies dans les autres langues officielles de l’Union, en particulier les cinq langues de travail de l’OHMI, il y a lieu de relever que, dans les versions française, anglaise, allemande, italienne et espagnole, les termes «recours», «notice», «Beschwerde», «ricorso» et «recurso» utilisés dans la deuxième phrase dudit article font clairement référence au terme identique utilisé dans la première phrase pour désigner l’acte de recours à déposer auprès de l’OHMI dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision frappée de recours, et non au terme différent utilisé dans la troisième phrase pour désigner le mémoire exposant les motifs du recours dans un délai de quatre mois.

30

D’autre part, s’agissant de l’économie générale et de la finalité de la deuxième phrase de l’article 60 du règlement no 207/2009, il convient de considérer qu’elle consiste à prévenir le dépôt de recours purement formels qui ne seraient pas suivis d’un mémoire exposant les motifs du recours, voire à décourager le dépôt de recours fantaisistes.

31

Par conséquent, il y a lieu d’interpréter l’article 60 du règlement no 207/2009 de façon uniforme, en ce sens que le paiement de la taxe de recours est requis pour que le recours soit considéré comme formé, de sorte que ce paiement est lié au dépôt du recours et doit être effectué, tout comme celui-ci, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision frappée de recours. Le délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision s’applique uniquement au dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, et non au paiement de la taxe de recours.

32

De surcroît, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 13 de la décision attaquée, que cette interprétation uniforme est corroborée par la règle 49, paragraphe 3, du règlement no 2868/95. Cette règle, dont le libellé est clair et dépourvu d’ambiguïté tant en lituanien que dans les autres langues mentionnées au point 29 ci-dessus, énonce que, si la taxe de recours est acquittée après expiration du délai de recours prévu à l’article 60 du règlement no 207/2009, le recours est réputé ne pas avoir été formé et la taxe de recours est remboursée au requérant. Il y a lieu de considérer que l’expression «délai de recours» fait ici référence au délai de deux mois pour le dépôt du recours et non au délai de quatre mois pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours.

33

Quant à l’allégation de la requérante, formulée dans ses écritures, selon laquelle l’article 60 du règlement no 207/2009 devait, afin d’assurer la sécurité juridique, être interprété de la façon la plus conforme à ses intérêts, il y a lieu d’observer, d’emblée, que, lors de l’audience, la requérante a précisé que cette allégation ne constituait pas un grief autonome, tiré de la violation du principe de sécurité juridique, mais était seulement formulée au soutien de son moyen unique, tiré de la violation dudit article, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

34

Or, il suffit de relever que c’est le principe de sécurité juridique lui-même, combiné au principe d’égalité et de non-discrimination, qui commandait à la chambre de recours d’interpréter l’article 60 du règlement no 207/2009 de façon uniforme, conformément à l’interprétation rappelée au point 31 ci-dessus, et lui interdisait d’y déroger en faveur de la requérante. Ladite interprétation uniforme, étant fondée sur les versions de cet article établies dans les autres langues officielles de l’Union ainsi que sur son économie générale et sa finalité, est la seule qui soit conforme au principe de sécurité juridique. En effet, le respect des délais de procédure, notamment de recours, est d’ordre public et toute interprétation autre que cette interprétation uniforme serait susceptible de nuire à la sécurité juridique [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 19 septembre 2012, Video Research USA/OHMI (VR), T‑267/11, point 35, et ordonnance du Tribunal du 24 octobre 2013, Stromberg Menswear/OHMI – Leketoy Stormberg Inter (STORMBERG), T‑451/12, non publiée au Recueil, point 38].

35

C’est donc à bon droit que la chambre de recours, au point 12 de la décision attaquée, a interprété l’article 60 du règlement no 207/2009 comme exigeant que la taxe de recours fût payée dans le délai de deux mois prescrit pour le dépôt du recours, afin que celui-ci fût considéré comme formé.

36

Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle l’examinateur de l’OHMI a, dans sa décision, expressément répété la version lituanienne de l’article 60 du règlement no 207/2009 sans fournir d’explication supplémentaire, il convient de relever, d’emblée, que, dans la notification de sa décision de refus d’enregistrement (voir point 5 ci-dessus), l’examinateur de l’OHMI a repris l’ambiguïté dont est entachée la version lituanienne dudit article quant au délai de paiement de la taxe de recours, telle que constatée ci-dessus (voir points 22 à 24), sans attirer l’attention de la requérante sur cette ambiguïté, ni sur la divergence de cette version avec les autres versions linguistiques faisant foi. Au demeurant, l’OHMI, lors de l’audience, a reconnu l’existence de cette ambiguïté et de cette divergence, dont il a dit n’avoir pas été conscient jusqu’à la présente affaire, mais a soutenu que, en tout état de cause, la nécessité d’une interprétation uniforme de ladite disposition n’était pas remise en question.

37

Il y a donc lieu d’examiner si, en l’occurrence, la requérante peut invoquer la reprise par l’examinateur de l’OHMI de l’ambiguïté entachant la légalité de la version lituanienne de l’article 60 du règlement no 207/2009 aux fins de déroger à l’interprétation uniforme dudit article et de justifier le non-paiement de la taxe de recours dans le délai prescrit.

38

Selon une jurisprudence constante, il ne peut être dérogé à l’application des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêt de la Cour du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, Rec. p. 3749, point 10). Que de telles circonstances soient qualifiées de cas fortuit ou de force majeure ou bien d’erreur excusable, elles comportent, en tout état de cause, un élément subjectif tenant à l’obligation, pour le justiciable de bonne foi, de faire preuve de toute la vigilance et de toute la diligence requises d’un opérateur normalement averti afin de surveiller le déroulement de la procédure et de respecter les délais prévus (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C-195/91 P, Rec. p. I-5619, points 31 et 32 ; du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C-426/10 P, Rec. p. I-8849, points 47 et 48, et ordonnance du Tribunal du 1er avril 2011, Doherty/Commission, T-468/10, Rec. p. II-1497, points 18, 19, 27 et 28, et la jurisprudence citée).

39

Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante n’a pas fait preuve de la vigilance et de la diligence requises aux fins de surveiller et de respecter le délai prescrit pour le paiement de la taxe de recours.

40

En effet, tout d’abord, il y a lieu de considérer qu’une demanderesse de marque communautaire normalement vigilante et diligente aurait dû confronter l’article 60 du règlement no 207/2009 à la règle 49, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 (voir point 32 ci-dessus), dont le libellé est clair et dépourvu d’ambiguïté, tant en lituanien que dans les autres langues mentionnées au point 29 ci-dessus, et qui subordonne la formation du recours au paiement de la taxe y afférente dans le délai prescrit pour le dépôt du recours lui-même, indépendamment du délai octroyé par ledit article pour le dépôt ultérieur du mémoire exposant les motifs du recours. Au demeurant, la requérante a, lors de l’audience, confirmé avoir eu connaissance de ladite règle au moment du dépôt de son recours.

41

En outre, une demanderesse de marque communautaire normalement vigilante et diligente, ayant, tout comme la requérante, choisi l’anglais comme deuxième langue dans sa demande de marque communautaire, aurait du moins pu vérifier le libellé de l’article 60 du règlement no 207/2009 dans sa version anglaise, aux termes duquel le «[l]e recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours» ([t]he notice shall be deemed to have been filed only when the fee for appeal has been paid). Ledit libellé en langue anglaise lie ainsi clairement le paiement de la taxe de recours (fee for appeal) à la formation du recours (notice of appeal), soumise à un délai de deux mois, et non au dépôt du mémoire exposant les motifs du recours (statement setting out the grounds of appeal), soumis à un délai de quatre mois.

42

Il résulte du défaut de vigilance et de diligence de la requérante que celle-ci ne saurait invoquer utilement aucun cas fortuit ou de force majeure, ni aucune erreur excusable, aux fins de justifier sa défaillance à s’acquitter de la taxe de recours dans le délai prescrit [voir, par analogie, ordonnance du Tribunal du 15 avril 2011, Longevity Health Products/OHMI – Biofarma (VITACHRON female), T‑96/11, non publiée au Recueil, point 19]. Au demeurant, la requérante n’a excipé d’aucun grief expressément pris du caractère fortuit ou excusable de cette défaillance.

43

Au surplus, et en tout état de cause, il convient d’observer que la requérante, après qu’elle a été informée par l’OHMI du non-paiement de la taxe de recours dans le délai prescrit et du risque que son recours fût en conséquence déclaré non formé, n’était pas dépourvue de recours devant l’OHMI lui-même. En effet, même à supposer que la requérante entendît faire valoir que, bien qu’ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, elle n’avait pas été en mesure de respecter le délai de paiement de la taxe de recours, elle avait à sa disposition la procédure de restitutio in integrum devant l’OHMI et aurait pu présenter une requête au titre de l’article 81 du règlement no 207/2009 [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 mai 2011, Flaco-Geräte/OHMI – Delgado Sánchez (FLACO), T‑74/10, non publié au Recueil, point 26].

44

Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir violé l’article 60 du règlement no 207/2009 lorsqu’elle a, en application dudit article lu conjointement avec la règle 49, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, constaté que la taxe de recours avait été acquittée par la requérante après l’expiration du délai de deux mois prescrit pour son paiement et conclu que, faute d’avoir respecté ce délai, le recours de la requérante devait être réputé ne pas avoir été formé et que la taxe de recours devait être remboursée à la requérante.

45

Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique comme non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

46

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, in fine, du même règlement prévoit que le Tribunal peut répartir les dépens pour des motifs exceptionnels.

47

En l’espèce, il convient de mettre en balance, d’une part, la nécessité d’une interprétation uniforme de l’article 60 du règlement no 207/2009 ainsi que le devoir de vigilance et de diligence incombant à la requérante et, d’autre part, l’ambiguïté dont est entachée la version lituanienne dudit article, telle que reprise par l’examinateur de l’OHMI dans la notification de sa décision de refus d’enregistrement.

48

Au regard de ces circonstances exceptionnelles au sens de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, in fine, du règlement de procédure, l’équité commande de faire supporter à l’OHMI ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 23 novembre 2011, Jones e.a./Commission, T‑320/07, non publié au Recueil, point 158, et ordonnance du Tribunal du 13 novembre 2012, ClientEarth e.a./Commission, T‑278/11, point 51).

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Research and Production Company «Melt Water» UAB.

 

Jaeger

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mai 2014.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.