PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentée le 13 juin 2014 ( 1 )

Procédure d’avis 2/13

engagée par la Commission européenne

«Conclusion d’accords internationaux par l’Union européenne — Adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) — Préservation des caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union — Maintien des compétences de l’Union et des attributions de ses institutions — Participation de l’Union aux organes créés par l’accord international — Reconnaissance de la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) — Protection juridictionnelle effective dans la politique étrangère et de sécurité commune (PESC)»

Table des matières

 

I – Introduction

 

II – Déroulement de la procédure d’adhésion

 

III – Demande d’avis présentée par la Commission

 

IV – Cadre juridique

 

V – Recevabilité de la demande d’avis

 

VI – Quant au fond

 

Remarque préliminaire

 

A – Le maintien des compétences de l’Union

 

1. L’adhésion n’amputerait pas les compétences de l’Union

 

2. L’adhésion n’élargira pas les compétences de l’Union

 

3. L’Union n’aura pas besoin de nouvelles compétences en raison de son adhésion

 

a) La procédure d’implication préalable

 

b) L’obligation de transposer certains arrêts de la Cour EDH

 

c) La protection juridictionnelle dans le domaine de la PESC

 

4. Résultat intermédiaire

 

B – Le maintien des attributions des institutions de l’Union

 

1. Les compétences de la Cour de justice de l’Union européenne

 

a) Le monopole de juridiction des juges de l’Union (article 344 TFUE)

 

b) Les compétences des juridictions de l’Union concernant l’interprétation du droit de l’Union et le contrôle de la validité des actes juridiques de l’Union

 

c) Les effets du protocole additionnel no 16 à la CEDH sur les compétences de la Cour

 

d) Résultat intermédiaire

 

2. Les compétences d’autres institutions de l’Union

 

a) Généralités

 

b) Le système institutionnel de l’Union de sanction des infractions au droit de la concurrence

 

i) Le rôle institutionnel de la Commission en tant qu’autorité de la concurrence

 

ii) Le principe «non bis in idem»

 

iii) Le principe de la durée raisonnable des procédures

 

iv) Conclusion

 

C – La préservation des caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union

 

1. La reconnaissance de la juridiction de la Cour EDH

 

a) Considérations générales

 

b) Dispositions particulières du projet d’accord visant à assurer l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union

 

i) Sur la détermination des responsabilités dans la relation entre l’Union et ses États membres (article 3, paragraphe 7, du projet d’accord)

 

ii) Sur l’appréciation du point de savoir si une implication préalable de la Cour de justice de l’Union européenne est requise

 

iii) Sur la différence de portée entre les compétences de la Cour EDH et les compétences de la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre de la PESC

 

c) Résultat intermédiaire

 

2. Le principe de l’effet direct et de la primauté du droit de l’Union

 

3. Les mécanismes de détermination du bon défendeur dans les procédures devant la Cour EDH

 

a) Garantie d’une surveillance efficace dans le système de contrôle de la CEDH

 

b) Garantie d’une défense efficace du droit de l’Union devant la Cour EDH

 

i) L’absence d’informations suffisantes sur les procédures pendantes devant la Cour EDH

 

ii) Le pouvoir de la Cour EDH d’exercer un contrôle de plausibilité lorsqu’elle est saisie d’une demande en codéfense

 

c) Conclusion

 

4. Résultat intermédiaire

 

D – Les dispositions nécessaires à la participation de l’Union aux instances de contrôle de la CEDH

 

1. La participation de l’Union à la Cour EDH

 

2. La participation de l’Union au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe

 

3. Résultat intermédiaire

 

E – La prise en considération de la situation particulière des États membres à l’égard de la CEDH

 

1. La situation particulière des États membres à l’égard des protocoles additionnels à la CEDH

 

2. La situation particulière des États membres à l’égard de l’article 15 de la CEDH

 

3. La situation particulière des États membres à l’égard des réserves de droit international qu’ils formuleraient à l’encontre de la CEDH

 

a) Le principe de la responsabilité conjointe du défendeur et du codéfendeur

 

b) La CEDH en tant que partie intégrante du droit de l’Union bénéficiant de la primauté de celui-ci

 

4. La situation particulière des États membres dans le cadre du mécanisme de codéfense

 

5. Résultat intermédiaire

 

Remarque finale

 

VII – Conclusion

I – Introduction

1.

L’adhésion envisagée de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH») ( 2 ) a pour objectif d’apporter plus d’efficacité et d’homogénéité dans la mise en œuvre des droits fondamentaux en Europe. Néanmoins, surtout, elle aura pour effet qu’en matière de respect de normes élémentaires dans le domaine des droits fondamentaux, l’Union elle-même se soumettra à un contrôle externe que de nombreuses voix appellent de leurs vœux depuis longtemps. Ce faisant, elle s’imposerait enfin les mêmes règles que celles dont elle ne cesse de réclamer la reconnaissance par ses États membres présents et futurs également.

2.

Ce projet d’adhésion à la CEDH est d’une importance exceptionnelle non seulement en raison du signal politique énorme qu’il envoie, mais également en raison de l’envergure constitutionnelle qui est la sienne. Depuis des décennies, il occupe les institutions européennes de manière récurrente et la Cour elle-même est pour la seconde fois saisie de questions relatives aux aspects juridiques qu’il comporte ( 3 ).

3.

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il résulte de l’article 6, paragraphe 2, TUE ( 4 ) que l’Union est non seulement investie de la compétence d’adhérer à la CEDH, mais également que ses États membres lui ont imposé l’obligation d’avancer dans cette voie. L’objectif d’une adhésion à la CEDH a depuis lors acquis rang constitutionnel en droit de l’Union.

4.

Néanmoins, comme si souvent, «le diable est dans le détail». À quelles conditions l’Union peut-elle adhérer à la CEDH et comment peut-on garantir qu’une telle adhésion ne porterait pas atteinte aux particularités du droit de l’Union, aux compétences de l’Union et aux attributions de ses institutions? Telles sont en substance les questions de droit auxquelles la Cour devra répondre à la demande de la Commission européenne dans la présente procédure d’avis. Il s’agira donc d’analyser en profondeur les «clauses en petits caractères» de l’adhésion envisagée en vue de contrôler la compatibilité de celle-ci avec les traités fondateurs de l’Union. Cet examen devra se fonder sur le «projet révisé d’accord d’adhésion» que les négociateurs ont soumis au comité directeur pour les droits de l’Homme à Strasbourg au mois de juin 2013 en sa qualité d’organe compétent du Conseil de l’Europe.

II – Déroulement de la procédure d’adhésion

5.

Donnant suite à une recommandation de la Commission du 17 mars 2010, le Conseil de l’Union européenne a, le 4 juin 2010, adopté une décision autorisant l’ouverture des négociations de l’accord d’adhésion de l’Union à la CEDH, désigné la Commission en tant que négociateur et indiqué les lignes directrices des négociations.

6.

Les négociations d’adhésion ont eu lieu dans le cadre institutionnel du Conseil de l’Union européenne de l’Europe, plus précisément au sein de deux groupes de travail successifs que le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe avait mandatés. Ont participé aux négociations en sus de la Commission, d’autres États membres intéressés du Conseil de l’Europe, dont certains font partie de l’Union et d’autres pas.

7.

En juin 2013, le rapport final sur les négociations a été présenté au Comité directeur pour les droits de l’homme du Conseil de l’Europe ( 5 ); outre le projet révisé d’accord d’adhésion ( 6 ), étaient annexés à ce rapport cinq projets d’instruments, à savoir un projet de déclaration de l’Union européenne à faire au moment de la signature de l’accord d’adhésion, un projet de règle à ajouter aux Règles du Comité des Ministres, un projet de mémorandum d’accord entre l’Union européenne et X ainsi qu’un projet de rapport explicatif de l’accord d’adhésion ( 7 ). Les négociateurs sont convenus que ces textes constituent un ensemble et qu’ils sont tous également nécessaires à l’adhésion de l’Union à la CEDH ( 8 ).

III – Demande d’avis présentée par la Commission

8.

Comme l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH présente une envergure constitutionnelle, la Commission, soucieuse de garantir la sécurité juridique, a, par demande du 4 juillet 2013, invité la Cour, conformément à l’article 218, paragraphe 11, TFUE, à formuler un avis sur la question suivante:

«Le projet d’accord portant adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est-il compatible avec les traités?»

9.

Outre le projet d’accord, sont également annexés à la demande d’avis de la Commission tous les autres projets d’instruments énumérés au point 7 plus haut. L’on regrettera que ces textes ne soient cependant disponibles qu’en langues française et anglaise.

10.

Des observations écrites sur la demande d’avis de la Commission ont été présentées à la Cour, qui a entendu les parties en audience les 5 et 6 mai. Outre la Commission, partie demanderesse, ont présenté des observations écrites le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ainsi que la République de Bulgarie, la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République portugaise, la Roumanie, la République slovaque, la République de Finlande, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. À l’exception de la République de Bulgarie et de la République de Pologne, ces parties ont présenté des observations lors de l’audience, à laquelle étaient en outre représentées le Royaume de Belgique et la République italienne.

IV – Cadre juridique

11.

Le cadre juridique de l’adhésion de l’Union à la CEDH est constitué par l’article 6 TUE, par le protocole no 8 sur le TUE et le TFUE (ci-après le «protocole no 8») ( 9 ) et par une déclaration sur l’article 6, paragraphe 2, TUE (ci‑après la «déclaration no 2») ( 10 ).

12.

L’article 6 TUE dispose ce qui suit:

«1.   L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités.

Les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités.

Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l’interprétation et l’application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions.

2.   L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités.

3.   Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux.»

13.

Le protocole no 8 est rédigé dans les termes suivants:

«Article premier

L’accord relatif à l’adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci‑après dénommée ‘Convention européenne’), prévue à l’article 6, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, doit refléter la nécessité de préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union, notamment en ce qui concerne:

a)

les modalités particulières de l’éventuelle participation de l’Union aux instances de contrôle de la Convention européenne;

b)

les mécanismes nécessaires pour garantir que les recours formés par des États non membres et les recours individuels soient dirigés correctement contre les États membres et/ou l’Union, selon le cas.

Article 2

L’accord visé à l’article 1er doit garantir que l’adhésion de l’Union n’affecte ni les compétences de l’Union ni les attributions de ses institutions. Il doit garantir qu’aucune de ses dispositions n’affecte la situation particulière des États membres à l’égard de la Convention européenne, et notamment de ses protocoles, des mesures prises par les États membres par dérogation à la Convention européenne, conformément à son article 15, et des réserves à la Convention européenne formulées par les États membres conformément à son article 57.

Article 3

Aucune disposition de l’accord visé à l’article 1er ne doit affecter l’article 344 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.»

14.

Dans la déclaration no 2, la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne a en outre précisé ce qui suit:

«La Conférence convient que l’adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales devrait s’effectuer selon des modalités permettant de préserver les spécificités de l’ordre juridique de l’Union. Dans ce contexte, la Conférence constate l’existence d’un dialogue régulier entre la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’Homme, dialogue qui pourra être renforcé lors de l’adhésion à cette Convention.»

15.

À titre complémentaire, l’on rappellera le principe énoncé à l’article 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la «Charte»):

«Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite Convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.»

V – Recevabilité de la demande d’avis

16.

Certaines parties qui ont déposé des observations ont émis des doutes ponctuels concernant la recevabilité de la demande d’avis. Leurs critiques portent sur les explications que la Commission a fournies à propos des mesures de mise en œuvre internes à l’Union qui sont envisagées en vue de l’adhésion de celle-ci à la CEDH. Alors que certaines parties regrettent qu’elle ait jugé utile de s’exprimer sur ce sujet, d’autres lui font grief de l’avoir fait de manière trop superficielle.

17.

Aux termes de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, un État membre, le Parlement, le Conseil ou la Commission peut recueillir l’avis de la Cour de justice sur la compatibilité avec les traités d’un accord international envisagé. La procédure d’avis a pour but de prévenir les complications qui résulteraient de contestations en justice relatives à la compatibilité avec le traité d’accords internationaux engageant l’Union ( 11 ).

18.

Aux termes de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, une demande d’avis est recevable lorsqu’elle porte sur un «accord envisagé», ce qui présuppose que la Cour dispose d’éléments suffisants sur le contenu même de cet accord ( 12 ).

19.

À la demande qu’elle a adressée à la Cour, la Commission a joint le texte complet du projet d’accord et ses documents annexes. Tout ce dossier permet de connaître clairement et sans équivoque les conditions auxquelles l’Union adhérerait à la CEDH, en particulier les modalités selon lesquelles l’Union envisage de se soumettre au mécanisme de contrôle juridictionnel institué par la CEDH ( 13 ). Ces éléments sont suffisants pour permettre à la Cour d’apprécier la compatibilité de l’adhésion envisagée à la CEDH avec les traités.

20.

Que la Commission n’ait pas fourni à la Cour de projets des mesures internes d’application de l’accord d’adhésion envisagé n’entame aucunement la recevabilité de sa demande d’avis. En effet, celle-ci a uniquement pour objet l’accord d’adhésion envisagé en tant que tel, mais pas les mesures d’application internes qui pourraient s’avérer nécessaires. Il n’est pas indispensable que la Cour dispose d’éléments concernant ceux-ci pour pouvoir comprendre le contenu et la portée du projet d’accord et de ses documents annexes.

21.

Le fait qu’actuellement, les parties à la procédure ne se sont encore accordées ni sur la forme juridique ni sur le contenu qu’il conviendra de donner aux mesures internes d’application n’empêche pas, lui non plus, la Cour de contrôler la compatibilité du projet d’accord avec les traités. En effet, si, dans le passé déjà, la Cour n’a pas exigé que les institutions concernées aient conclu un accord définitif en ce qui concerne le contenu concret de l’accord international envisagé ( 14 ), elle ne peut, a fortiori, pas subordonner aujourd’hui la recevabilité de la demande d’avis à la condition que ces institutions se soient entendues sur la configuration précise d’éventuelles mesures internes d’application dans l’Union.

22.

Si l’on s’instruit du principe de l’équilibre institutionnel qui impose à chacune des institutions d’exercer ses compétences dans le respect de celles des autres ( 15 ) (voir également article 13, paragraphe 2, TUE), il ne saurait d’ailleurs incomber à la Cour, dans le cadre de la présente procédure d’avis, de donner, à ce stade, aux institutions compétentes des indications complètes et détaillées concernant le contenu des mesures internes qu’il conviendra de prendre pour la mise en œuvre de l’accord d’adhésion envisagé.

23.

Si la Cour devait constater à l’occasion de l’examen du contenu du projet d’accord qu’il est absolument nécessaire d’adopter certaines mesures internes d’application dans l’Union en vue de son entrée en vigueur, il lui est loisible de le déclarer dans la réponse qu’elle donnera à la demande d’avis de la Commission et d’en faire une condition de la compatibilité de l’accord d’adhésion envisagé avec les traités.

24.

Tout bien considéré, la demande d’avis de la Commission est recevable sans qu’il faille tenir compte d’éventuelles divergences d’opinions entre les parties à la procédure concernant le contenu concret des mesures internes d’application dans l’Union qu’il faudrait encore adopter.

VI – Quant au fond

A – Remarque préliminaire

25.

L’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH créera une situation particulière, voire singulière, puisqu’une organisation internationale, supranationale, à savoir l’Union européenne, se soumettra au contrôle d’une autre organisation internationale, à savoir le Conseil de l’Europe, en matière de respect de normes élémentaires dans le domaine des droits fondamentaux. Cela aura pour conséquence que, dans des domaines régis par le droit de l’Union, ce ne seront plus désormais uniquement des juridictions nationales et des juridictions de l’Union qui seront appelées à veiller au respect des droits fondamentaux, mais également la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH).

26.

Afin d’aménager l’adhésion de l’Union à la CEDH d’une manière conforme au droit primaire de l’Union, les délégations appelées à la table des négociations ont intégré toute une série de réglementations dans le projet d’accord. Contrairement aux suppositions qui ont parfois été émises, il ne s’agit pas de réserver à l’Union un traitement préférentiel par rapport aux autres parties à la CEDH, mais bien de tenir compte, au moyen des réglementations envisagées, de la situation spécifique de l’Union et de ses États membres. Celle-ci a notamment pour particularité que les affaires relevant de l’Union mettent souvent en jeu un ensemble complexe d’actes et de compétences de l’Union et des États membres, lesquels, en particulier, sont généralement associés à la mise en œuvre du droit de l’Union.

27.

Il est évident qu’il faudra tenir compte de cette situation particulière et complexe, et adopter des dispositions appropriées en vue de la protection des droits fondamentaux. L’on soulignera en particulier trois innovations prévues par le projet d’accord en ce qui concerne la détermination de la responsabilité de l’Union, le mécanisme de codéfense et la procédure d’implication préalable de la Cour.

28.

À propos de la responsabilité de l’Union à l’égard d’éventuelles violations de la CEDH, l’article 1er, paragraphe 3, première phrase, du projet d’accord précise que l’adhésion de l’Union à la CEDH ne lui impose des obligations qu’en ce qui concerne des actes, mesures ou omissions de ses institutions, organes, organismes ou agences, ou de personnes agissant en leur nom. L’article 1er, paragraphe 3, deuxième phrase, du projet d’accord ajoute qu’aucune des dispositions de la CEDH ou de ses protocoles ne peut imposer à l’Union l’obligation d’accomplir un acte ou d’adopter une mesure pour lesquels elle n’aurait pas compétence en vertu du droit de l’Union. L’article 1er, paragraphe 4, première phrase, du projet d’accord dispose enfin, qu’un acte, une mesure ou une omission des organes d’un État membre ou de personnes agissant en son nom est imputé à cet État, même lorsque cet acte, cette mesure ou cette omission survient lorsque l’État met en œuvre le droit de l’Union, y compris les décisions prises sur la base du TUE et du TFUE. Conformément à l’article 1er, paragraphe 4, deuxième phrase, du projet d’accord, cela n’empêche pas qu’en pareil cas, l’Union puisse être responsable d’une violation de la CEDH en tant que codéfenderesse aux côtés du ou des États membres concernés.

29.

Le nouveau mécanisme de codéfense institué par l’article 3 du projet d’accord, mécanisme parfois également désigné comme étant le mécanisme du «défendeur additionnel», permet, dans certains cas, qu’aussi bien l’Union qu’un ou plusieurs de ses États membres puissent être défendeurs conjointement et donc parties à droits égaux dans une procédure devant la Cour EDH, même lorsque la plainte dont celle-ci a été saisie n’est dirigée que contre l’Union ou que contre un ou plusieurs de ses États membres. Conformément à l’article 1er, paragraphe 4, deuxième phrase, du projet d’accord, cela est notamment le cas lorsque l’acte, la mesure ou l’omission reproché à un organe d’un État membre survient à l’occasion de la mise en œuvre du droit de l’Union.

30.

La procédure d’implication préalable prévue à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord est étroitement liée au mécanisme de codéfense. Cette procédure, parfois désignée également comme étant la «procédure du contrôle interne préalable», doit, dans un litige qui a pris naissance devant une juridiction nationale avant d’aboutir devant la Cour EDH et n’a jamais fait l’objet d’une procédure préjudicielle en application de l’article 267 TFUE ( 16 ), permettre à notre Cour de statuer sur la compatibilité du droit de l’Union avec la CEDH avant que la Cour EDH adopte une décision dans cette affaire.

31.

La question de savoir si cette innovation et les autres que contient le projet d’accord sont de nature à garantir une adhésion de l’Union à la CEDH qui soit compatible avec les traités devra être examinée dans la présente procédure d’avis. À cette fin, il faudra passer au crible, l’une après l’autre, suivant la structure de la demande d’avis de la Commission, les différentes exigences juridiques auxquelles le droit primaire de l’Union subordonne l’accord d’adhésion. Aussi bien les règles de responsabilité de l’Union que le mécanisme de codéfense et la procédure d’implication préalable devront être abordés dans les contextes les plus divers. Il faudra examiner en particulier:

le point de savoir si les compétences de l’Union sont maintenues (section A) ( 17 ),

le point de savoir si les attributions des organes de l’Union demeurent intactes (section B) ( 18 ),

le point de savoir si les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union sont conservées (section C) ( 19 ),

le point de savoir si les dispositions nécessaires à la participation de l’Union aux instances de contrôle de la CEDH ont été prises (section D) ( 20 ) et

le point de savoir si la situation particulière des États membres à l’égard de la CEDH a dûment été prise en considération (section E) ( 21 ).

32.

Mériteront une attention particulière, dans ce contexte, la question de savoir si la reconnaissance de la juridiction de la CEDH est compatible avec l’autonomie du droit de l’Union ( 22 ) et celle de savoir si le contrôle juridictionnel que l’Union exerce dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune (PESC) est conforme aux exigences que les articles 6 et 13 de la CEDH posent en matière de protection juridictionnelle effective ( 23 ).

B – Le maintien des compétences de l’Union

33.

Conformément à l’article 6, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE, l’adhésion de l’Union à la CEDH ne peut pas modifier les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités.

34.

Cette disposition contient l’expression d’une préoccupation fondamentale des États membres qui apparaît comme un fil rouge à travers tout le traité de Lisbonne: l’amélioration de la protection des droits fondamentaux à l’échelle européenne, que ce soit au moyen de la Charte ou par l’adhésion à la CEDH, ne doit entraîner aucune distorsion dans le système de compétences délicatement équilibré sur lequel l’Union est fondée et qui caractérise sa relation avec les États membres ( 24 ).

35.

Enfin, l’article 6, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE a pour objet de garantir que l’adhésion de l’Union à la CEDH n’entraîne pas un contournement des procédures de modification des traités (article 48 TUE) et, par ce biais, une atteinte à la «charte constitutionnelle» de l’Union ( 25 ).

36.

La nécessité que tous les États membres de l’Union ratifient l’accord d’adhésion envisagé (article 218, paragraphe 8, deuxième alinéa, dernière proposition, TFUE) ne signifie aucunement que ces dispositions pourraient s’écarter du droit primaire de l’Union. Au contraire, l’Union ne peut conclure un accord international tel que l’accord d’adhésion envisagé que si et dans la mesure où celui-ci est compatible avec les traités. Dans le cas contraire, elle ne pourrait conclure cet accord qu’après une modification expresse des traités au niveau de l’Union ( 26 ). En aucun cas, les institutions de l’Union ne peuvent contrevenir tacitement au droit primaire («treaty override») ( 27 ), quand bien même les États membres lui prêteraient main-forte dans le cadre des négociations et de la ratification de l’accord international.

37.

Il résulte de ce qui précède qu’avant de rendre son avis, la Cour devra examiner si l’accord d’adhésion envisagé comporte une amputation des compétences de l’Union (voir section 1 ci-dessous) ou un élargissement de celles‑ci (voir section 2 plus loin) et enfreint ainsi le traité UE ou le traité FUE; elle devra également aborder la question de savoir si les obligations que l’Union contracterait en concluant l’accord d’adhésion imposeraient de lui conférer de nouvelles compétences (voir section 3 plus bas).

1. L’adhésion n’amputerait pas les compétences de l’Union

38.

L’article 6, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE impose de garantir que l’adhésion à la CEDH n’ampute pas les compétences de l’Union. L’article 2, première phrase, du protocole no 8 aux termes duquel l’accord doit garantir que l’adhésion de l’Union à la CEDH «n’affecte [pas]» les compétences de l’Union le souligne lui aussi.

39.

Rien dans le projet d’accord ni dans les documents annexes qui ont été fournis à la Cour dans le cadre de la présente procédure d’avis ne contient d’indices permettant de conclure qu’une adhésion de l’Union à la CEDH amputerait ses compétences. Les parties à la procédure n’ont, elles non plus, rien déclaré qui irait dans ce sens dans leurs observations.

40.

Il ne fait aucun doute que les obligations de droit international liant l’Union à la CEDH lui imposeraient des restrictions dans l’exercice de ses compétences. En tant qu’accord international conclu par l’Union, en effet, la CEDH sortira des effets obligatoires pour les institutions de l’Union dès l’instant où celle-ci y adhérera (article 216, paragraphe 2, TFUE).

41.

Pareilles restrictions à l’exercice de compétences participent de la nature même de toute réglementation garantissant des droits fondamentaux. En effet, la fonction la plus consubstantielle des droits fondamentaux est d’imposer des limites à l’action d’institutions aussi bien nationales qu’internationales afin de protéger les justiciables. L’obligation que l’article 6, paragraphe 2, première phrase, TUE fait à l’Union d’adhérer à la CEDH perdrait tout son sens si celle-ci n’avait pas le droit d’accepter les restrictions que cette CEDH imposerait à l’exercice de ses compétences.

42.

De toute façon, l’Union applique déjà, c’est-à-dire avant son adhésion officielle, les critères résultant de la CEDH pour la protection des droits fondamentaux, de sorte que, si l’on s’en tient strictement à leur contenu, les restrictions que l’adhésion imposerait aux institutions de l’Union dans l’exercice de leurs compétences sont déjà en vigueur depuis longtemps (voir, en particulier, article 6, paragraphe 3, TUE et article 52, paragraphe 3, première phrase, de la Charte) ( 28 ).

43.

En conclusion, il n’y a donc aucune raison de craindre que l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH entraîne une amputation de ses compétences au sens de l’article 6, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE et de l’article 2, première phrase, du protocole no 8.

2. L’adhésion n’élargira pas les compétences de l’Union

44.

Il convient ensuite d’examiner si, en tant que telle, l’adhésion envisagée à la CEDH est susceptible d’entraîner, sous une forme ou sous une autre, un élargissement des compétences de l’Union, ce que l’article 6, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE interdirait tout autant.

45.

L’interdiction d’élargir les compétences de l’Union qui est énoncée à l’article 6, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE a, en fin de compte, pour objet d’assurer le respect du principe d’attribution. Comme chacun sait, ce principe veut que l’Union n’agisse que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ceux-ci établissent (article 5, paragraphe 1, première phrase, et paragraphe 2, première phrase, TUE) et que toutes compétences non attribuées à l’Union dans les traités appartiennent aux États membres (article 4, paragraphe 1, TUE et article 5, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE).

46.

Dans le premier avis qu’elle a rendu sur l’adhésion à la CEDH, la Cour a déjà constaté qu’aucune disposition de ce qui était à l’époque le traité CE ne conférait aux institutions communautaires, de manière générale, le pouvoir d’édicter des règles en matière de droits de l’homme ou de conclure des conventions internationales dans ce domaine ( 29 ). Les modifications que le droit primaire de l’Union a subies par la suite jusqu’au traité de Lisbonne inclus n’y ont rien changé. L’Union ne dispose toujours pas d’une compétence générale en matière de droits fondamentaux et de droits de l’homme. Par conséquent, elle ne peut pas non plus acquérir une telle compétence en adhérant à la CEDH ( 30 ).

47.

Or, toute crainte que l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH entraîne pareil élargissement de ses compétences est en tout cas dénuée de fondement. De nombreuses formulations dans le projet d’accord et dans les documents qui lui sont annexés indiquent, au contraire, que les rédacteurs de ces textes étaient soucieux de dissiper ces réserves d’emblée.

48.

En particulier, tant l’article 1er, paragraphe 3, deuxième phrase, que l’article 1er, paragraphe 4, du projet d’accord garantissent qu’en cas d’adhésion de l’Union à la CEDH, la ligne de démarcation entre les compétences et responsabilités de l’Union et celles de ses États membres demeure telle qu’elle est tracée en droit primaire.

49.

D’une part, l’article 1er, paragraphe 3, deuxième phrase, du projet d’accord souligne qu’aucune des dispositions de la CEDH ou de ses protocoles ne peut imposer à l’Union l’obligation d’accomplir un acte ou d’adopter une mesure pour lesquels elle n’aurait pas compétence en vertu du droit de l’Union. Cette disposition garantit que son adhésion à la CEDH ne peut pas lui imposer d’entreprendre quoi que ce soit qui ne relèverait pas d’une compétence qui lui appartient en droit de l’Union.

50.

D’autre part, il résulte de l’article 1er, paragraphe 4, du projet d’accord qu’aucun acte, mesure ou omission des États membres ne peut être imputé à l’Union, même lorsqu’ils surviennent dans le cadre de la mise en œuvre du droit de l’Union par les États membres.

51.

D’aucuns soulèvent parfois la question de savoir si la participation de l’Union aux instances de contrôle de la CEDH telle qu’elle est prévue par le projet d’accord pourrait entraîner un élargissement des compétences de l’Union. Tel n’est cependant pas le cas. La participation de l’Union aux instances de contrôle de la CEDH n’a pas pour conséquence qu’elle devrait agir de quelque manière que ce soit en dehors des compétences que lui confèrent le traité UE et le traité FUE. Au contraire, le droit primaire de l’Union prévoit même expressément qu’elle prenne part aux travaux des organes strasbourgeois, qu’il s’agisse de participer à certaines décisions de l’Assemblée parlementaire et du Comité des Ministres ou de nommer des candidats au poste de juge à la Cour EDH [voir article 1er, sous a) du protocole no 8].

52.

En ce qui concerne, en particulier, le contrôle, par le Comité des Ministres, de l’exécution des arrêts définitifs de la Cour EDH (article 46, paragraphes 2 à 5, de la CEDH) et des termes des règlements amiables (article 39, paragraphe 4, de la CEDH), la participation de l’Union à ce comité ne peut pas se limiter aux cas qui la concernent elle-même ou ses États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Au contraire, un contrôle externe, tel que celui qu’a mis en place la CEDH, a précisément pour finalité que chaque partie contractante à la CEDH se charge de contrôler les cas qui relèvent du domaine de la responsabilité d’une ou de plusieurs autres parties contractantes. Une coopération globale de l’Union à ce système de surveillance mutuelle correspond à l’esprit de contrôle externe sur lequel la CEDH est fondée et relève donc directement de l’obligation d’adhésion à la CEDH que l’article 6, paragraphe 2, première phrase, TUE fait à l’Union.

53.

L’on observera enfin que l’accord d’adhésion envisagé n’anticipe pas non plus la question de savoir si et dans quelles circonstances l’Union possède la compétence d’adhérer à d’autres accords internationaux visant à protéger les droits fondamentaux et les droits de l’homme, y compris à des protocoles existants ou futurs à la CEDH. Si l’on considère la situation uniquement du point de vue du Conseil de l’Europe, en effet, la modification de l’article 59, paragraphe 2, de la CEDH ( 31 ) que prévoit le projet d’accord ouvre à l’Union, en droit international, la possibilité d’adhérer à d’autres protocoles additionnels de la CEDH que le premier et le sixième, auxquels elle est déjà censée adhérer. Pareille adhésion nécessite cependant l’adoption d’instruments d’adhésion distincts ( 32 ), pour la ratification desquels c’est, au plan interne de l’Union, une fois encore la procédure mise en place par l’article 218, paragraphe 8, deuxième alinéa, deuxième phrase, TFUE qui s’applique.

54.

L’on pourrait certes se demander si, conformément à ce qu’il est convenu d’appeler la «doctrine AETR» ( 33 ), l’Union deviendra exclusivement compétente à conclure d’autres accords internationaux dans le domaine des droits fondamentaux et des droits de l’homme dès l’instant où elle adhérera à la CEDH. En tout cas, la CEDH deviendra, du fait de l’adhésion, partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union ( 34 ). Il serait, en théorie, concevable de faire valoir qu’au moyen de son adhésion à la CEDH, l’Union obtiendra une nouvelle compétence externe exclusive conformément à la dernière possibilité prévue à l’article 216, paragraphe 1, TFUE lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 2, TFUE, compétence externe qui lui permettra de conclure des accords internationaux à l’avenir uniquement dans la mesure où de tels accords seraient susceptibles d’affecter les dispositions de la CEDH en tant que partie des «règles communes» en vigueur à l’intérieur de l’Union ou d’en altérer la portée. Toutefois, en tant que lex specialis, l’article 6, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE, aux termes duquel l’adhésion de l’Union à la CEDH ne modifie pas ses compétences telles qu’elles sont définies dans les traités, c’est-à-dire les compétences dont elle dispose avant l’adhésion, empêche, selon nous, un tel «effet AETR» de se produire.

55.

Nous concluons de tout ce qui précède que l’adhésion envisagée à la CEDH ne saurait en aucune façon entraîner un élargissement quel qu’il soit des compétences de l’Union.

3. L’Union n’aura pas besoin de nouvelles compétences en raison de son adhésion

56.

Il convient enfin de déterminer si l’adhésion de l’Union à la CEDH exige que les États membres lui transfèrent des compétences supplémentaires.

57.

En l’état actuel des choses, il est certain qu’on ne peut, une fois pour toutes, donner à cette question une réponse définitive et contraignante. En effet, rien ne permet d’exclure qu’à l’avenir, la Cour EDH interprète une disposition de la CEDH d’une manière qui exigerait une modification du droit primaire de l’Union.

58.

Un tel scenario n’est cependant guère vraisemblable car, d’une part, l’Union s’inspire d’ores et déjà des critères de protection des droits fondamentaux qui découlent de la CEDH (voir en particulier article 6, paragraphe 3, TUE et article 52, paragraphe 3, première phrase, de la Charte). D’autre part, l’article 1er, paragraphe 3, deuxième phrase, du projet d’accord précise que la CEDH ne peut imposer à l’Union des obligations dont le droit de l’Union ne lui confère pas le pouvoir de s’acquitter.

59.

Il n’en appartient pas moins à la Cour de garantir, dans l’avis qu’on lui demande, que, par l’adhésion à la CEDH qu’elle envisage, l’Union ne contracte pas sciemment des obligations de droit international dont il est d’ores et déjà manifeste qu’elle ne peut pas s’acquitter en raison de sa structure institutionnelle existante.

60.

Dans ce contexte, trois aspects de l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH méritent une analyse plus approfondie: premièrement, la procédure d’implication préalable [section a) ci‑dessous]; deuxièmement, l’obligation de transposer la jurisprudence de la Cour EDH constatant une violation de la CEDH [section b) plus bas] et, troisièmement, la problématique de la protection juridictionnelle dans le domaine de la PESC [section c) plus loin].

a) La procédure d’implication préalable

61.

La procédure d’implication préalable est prévue à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord. Cet article dispose qu’à certaines conditions, dans le cadre d’un recours pendant devant elle, la Cour EDH accorde à notre Cour la possibilité de se prononcer préalablement sur la compatibilité d’une disposition du droit de l’Union avec la CEDH.

62.

Sur le plan interne, cela signifie que l’Union doit disposer des compétences nécessaires à la mise en place d’une telle procédure d’implication préalable. S’il était établi que, sur le plan interne, elle ne dispose pas des bases juridiques lui permettant de le faire, elle serait empêchée de conclure l’accord d’adhésion.

63.

Dans le débat public sur l’adhésion de l’Union à la CEDH, des voix isolées ont exprimé des doutes quant à la possibilité d’instaurer la procédure d’implication préalable sans modifier d’abord les traités fondateurs de l’Union. Dans la présente procédure d’avis, la République de Pologne, notamment, a émis l’opinion qu’en l’état actuel du droit, créer une procédure d’implication préalable n’est pas compatible avec les traités.

64.

Il est exact que la procédure d’implication préalable ne fait pas partie des procédures juridictionnelles dont le traité UE et le traité FUE confient expressément la mise en œuvre à l’institution Cour de justice de l’Union européenne (article 19, paragraphe 1, première phrase, TUE). À elle seule, cette circonstance ne permet cependant pas de conclure qu’en son état actuel, le droit primaire s’opposerait à la création d’une procédure d’implication préalable.

65.

En effet, la Cour a reconnu qu’un accord international conclu avec des États tiers peut lui attribuer de nouvelles compétences juridictionnelles à condition que cette attribution ne dénature pas la fonction de la Cour telle qu’elle est conçue dans les traités UE et FUE ( 35 ).

66.

L’on peut déjà se demander si l’implication préalable prévue à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord est une nouvelle compétence de la Cour. En effet, il est parfaitement concevable que l’implication préalable de la Cour dans le cadre d’une procédure pendante devant la Cour EDH ne soit qu’une nouvelle modalité de l’exercice des compétences juridictionnelles que l’article 19, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 3, TUE confie déjà au juge de l’Union.

67.

Quand bien même l’on voudrait considérer que la procédure d’implication préalable créerait une nouvelle compétence de notre Cour, il ne s’agirait en tout cas pas d’une compétence susceptible de dénaturer l’essence de la mission que les traités lui ont confiée. Bien au contraire, la procédure d’implication préalable contribue à ce que la Cour puisse mieux s’acquitter de la mission dont elle est investie depuis toujours et à ce qu’elle conserve en outre le monopole du contrôle de légalité des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union ( 36 ).

68.

La mission de la Cour consiste, en substance, à assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités (article 19, paragraphe 1, deuxième phrase, TUE). Dans l’accomplissement de cette mission, il lui appartient en particulier d’interpréter le droit de l’Union [article 267, premier alinéa, sous a) et b), TFUE] et de contrôler la validité des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union [article 263, premier alinéa, TFUE et article 267, premier alinéa, sous b), TFUE].

69.

La procédure d’implication préalable de la Cour prévue à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord a été, pour l’essentiel, conçue en vue de la même fonction, à savoir l’interprétation du droit de l’Union et le contrôle de légalité des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.

70.

Il est certainement possible que le cadre procédural dans lequel la Cour exercera cette fonction en cas d’implication préalable sera différent de celui dans lequel elle opère en cas de recours en annulation ou de demande préjudicielle (articles 263 TFUE et 267 TFUE). Il pourrait notamment y avoir des différences en ce qui concerne la recevabilité à agir, le déroulement de la procédure, les éventuels délais à respecter et les effets de la décision de la Cour.

71.

À elles seules, de telles différences ne sont pas susceptibles de dénaturer l’essence des compétences de la Cour ni celles des autres institutions de l’Union éventuellement mêlées à la procédure d’implication préalable; en aucun cas, cette essence ne serait affectée dans une mesure telle qu’elle justifierait un rejet du projet d’accord pour incompatibilité avec les traités ( 37 ).

72.

Comme la Cour l’a elle-même souligné, une procédure d’implication préalable fait au contraire partie des conditions indispensables d’une adhésion de l’Union à la CEDH ( 38 ). La mise en place d’une telle procédure contribue à préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union ainsi que les compétences de la Cour (article 1er et article 2, première phrase, du protocole no 8) ( 39 ).

73.

Une telle procédure est donc un élément nécessaire des mesures que l’adhésion exigera et que l’article 6, paragraphe 2, première phrase, TUE et le protocole no 8 non seulement habilitent, mais obligent même l’Union à mettre en œuvre. L’article 1er, sous a), du protocole no 8 prévoit même expressément l’adoption de «modalités particulières de l’éventuelle participation de l’Union aux instances de contrôle» de la CEDH.

74.

L’aménagement concret de la procédure d’implication préalable au niveau interne de l’Union imposera de compléter le statut de la Cour, mais ce complément n’entraînera pas une «modification de la Constitution» et pourra dès lors être ajouté conformément à la procédure législative ordinaire (article 281, deuxième alinéa, TFUE) sans qu’il soit nécessaire d’engager une procédure de révision formelle des traités (article 48 TUE) ( 40 ).

75.

Une simple insertion des règles de procédure pertinentes dans la décision du Conseil autorisant l’accord d’adhésion envisagé ne serait pas suffisante, selon nous, parce qu’elle constituerait un contournement de la procédure législative ordinaire prévue à l’article 281, deuxième alinéa, TFUE et qu’en outre, les règles de procédure à adopter ne sortiraient pas les mêmes effets et n’auraient pas le même rang que les dispositions du statut.

76.

Ce n’est qu’une fois que les dispositions nécessaires, en particulier celles qui concernent la recevabilité à agir, le déroulement de la procédure et les effets de la décision de la Cour, auront été inscrites dans son statut que la procédure d’implication préalable sera tout à fait opérationnelle et pourra, conformément à l’article 19, paragraphe 3, sous c), TUE lu en combinaison avec l’article 281, premier alinéa, TFUE et l’article 51 TUE, être comprise «dans les autres cas prévus par les traités» sur lesquels la Cour a vocation à statuer.

b) L’obligation de transposer certains arrêts de la Cour EDH

77.

L’obligation qu’impose l’article 46, paragraphe 1, de la CEDH de transposer les arrêts de la Cour EDH constatant une violation de la CEDH par des institutions, organes ou organismes de l’Union n’exige pas, elle non plus, un transfert de nouvelles compétences à l’Union.

78.

Pareils arrêts de la Cour EDH sont des arrêts déclaratoires: la CEDH n’impose pas à ses parties contractantes la façon concrète dont elles doivent transposer les arrêts qui leur sont adressés, mais leur laisse une certaine marge d’appréciation à cette fin ( 41 ).

79.

Au niveau interne de l’Union, il devra généralement être remédié à toute violation de la CEDH constatée par la Cour EDH au moyen d’une annulation ou de la modification de l’acte juridique incriminé adopté par une institution de l’Union. Il ne fait aucun doute que l’Union dispose des compétences nécessaires à l’adoption d’un tel actus contrarius; il s’agit des mêmes compétences que celles sur la base desquelles elle a adopté cet acte juridique. Compétences auxquelles s’ajoute la compétence dans l’exercice de laquelle les juridictions de l’Union invalident des actes juridiques de l’Union aux conditions prévues par les traités (articles 263 TFUE et 267 TFUE).

80.

Il est en outre possible qu’un arrêt de la Cour EDH exige tout d’abord l’adoption d’un acte juridique de l’Union ou impose l’octroi d’une réparation. Les institutions de l’Union pourront s’acquitter de pareille obligation dans le cadre des compétences que leur confèrent les traités et cela posera d’autant moins de problèmes que l’article 1er, paragraphe 3, deuxième phrase, du projet d’accord précise que la CEDH n’impose à l’Union aucune obligation qui échapperait aux compétences que lui confient les traités.

81.

Dans l’hypothèse où une violation de la CEDH constatée par la Cour EDH serait le résultat d’une décision définitive d’une juridiction de l’Union, il pourrait, dans certains cas, s’avérer nécessaire de rouvrir la procédure au terme de laquelle cette décision a été adoptée. Il faudrait pour cela compléter l’article 44 du statut de la Cour ( 42 ), ce que l’article 281, deuxième alinéa, TFUE permet de faire sans qu’il y ait lieu de craindre une dénaturation des missions des juridictions de l’Union. Dans cette mesure-là, ce que nous avons dit plus haut à propos de la procédure d’implication préalable vaut mutatis mutandis ( 43 ).

c) La protection juridictionnelle dans le domaine de la PESC

82.

Bien plus controversée que les deux aspects analysés plus haut est la question de savoir si les compétences actuelles de l’Union, plus précisément les compétences de l’institution Cour de justice de l’Union européenne (article 19, paragraphe 1, première phrase, TUE), sont suffisantes pour garantir, dans la PESC, un niveau de protection juridictionnel conforme aux exigences des articles 6 et 13 de la CEDH ( 44 ).

83.

D’une part, en effet, l’adhésion à la CEDH aura sans aucun doute pour conséquence que l’Union devra respecter les garanties des droits fondamentaux résultant de la CEDH, et donc également l’obligation d’une protection juridictionnelle effective imposée par les articles 6 et 13 de celle-ci, dans tous ses domaines d’activité, y compris dans le domaine de la PESC ( 45 ). L’Union ne pourrait pas se soustraire elle-même à ces obligations, même en formulant une réserve lors de la signature de l’accord d’adhésion ou du dépôt de l’acte de ratification parce que l’article 57, paragraphe 1, deuxième phrase, de la CEDH interdit les «réserves à caractère général» ( 46 ) et, de surcroît, l’article 11 du projet d’accord n’autorise aucune réserve quelle qu’elle soit à l’égard de l’accord d’adhésion.

84.

D’autre part, au plan interne de l’Union, la Cour n’est, par principe, pas compétente en ce qui concerne les dispositions de droit primaire relatives à la PESC ni en ce qui concerne les actes juridiques pris sur la base de celle-ci (article 24, paragraphe 1, deuxième alinéa, sixième phrase, TUE et article 275, premier alinéa, TFUE). Ce n’est qu’à titre tout à fait exceptionnel que, conformément à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE, les juridictions de l’Union sont compétentes dans le domaine de la PESC; cette compétence comprend, d’une part, le contrôle du respect de ce qu’il est convenu d’appeler la clause d’intangibilité (article 40 TUE) et, d’autre part, les recours en annulation formés par des particuliers (article 263, quatrième alinéa, TFUE) contre des mesures restrictives que le Conseil a adoptées dans le cadre de la PESC.

85.

Compte tenu de la restriction des compétences des juridictions de l’Union que nous venons d’évoquer, la protection juridictionnelle garantie par l’ordre juridique de l’Union dans le domaine de la PESC peut-elle être considérée comme une protection juridictionnelle effective au sens des articles 6 et 13 de la CEDH? Ou bien l’Union contracterait-elle par son adhésion à la CEDH, telle qu’elle est prévue dans le projet d’accord, en ce qui concerne la protection juridique dans le domaine de la PESC, des obligations de droit international pour l’accomplissement desquelles ses institutions, à savoir la Cour de justice de l’Union européenne, n’ont pas les compétences nécessaires? Si la Cour devait constater que cette seconde proposition est correcte, cela n’empêcherait pas seulement l’Union d’adhérer à la CEDH, mais apparaîtrait aussi au grand jour, au plan interne de l’Union, une faille dans le système de protection juridictionnelle qui serait éminemment problématique dès aujourd’hui, ne serait-ce qu’en raison de l’obligation d’homogénéité imposée par l’article 52, paragraphe 3, première phrase, de la Charte.

86.

La Commission ( 47 ) propose de dissiper les réserves éventuelles concernant l’effectivité de la protection juridictionnelle des particuliers dans le domaine de la PESC par une interprétation particulièrement large de la deuxième possibilité prévue à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE. Elle voudrait que cette disposition soit comprise en ce sens que la Cour n’est pas uniquement compétente à statuer sur les recours en annulation formés par des particuliers contre des mesures restrictives, mais qu’elle peut, en outre, connaître également de recours en indemnité et répondre aux demandes préjudicielles présentées par des juridictions nationales dans le domaine de la PESC. Elle préconise en outre une application des possibilités de protection juridictionnelle des particuliers dans le domaine de la PESC qui comprenne non seulement les actes sortissant des effets juridiques au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE, mais également de simples actes matériels («Realakte»), c’est-à-dire des actes dépourvus d’effets juridiques.

87.

La Commission a ajouté au cours de l’audience que le contrôle du respect de l’article 40 TUE qui est prévu dans la première possibilité offerte à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE permettrait également aux juridictions de l’Union de veiller à une protection juridictionnelle appropriée dans le domaine de la PESC.

88.

À l’instar de nombreuses parties à la procédure ( 48 ), nous doutons fort que l’interprétation des deux possibilités offertes à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE préconisée par la Commission soit un moyen juridiquement praticable de garantir à toute personne une protection juridictionnelle effective au sens des articles 6 et 13 de la CEDH dans le domaine de la PESC.

89.

D’une part, l’interprétation de la Commission méconnaît la relation de règle à exception qui est à la base de l’article 275 TFUE. Elle pervertit en son contraire le principe de l’incompétence des juridictions de l’Union dans le domaine de la PESC tel qu’il est énoncé à l’article 24, paragraphe 1, deuxième alinéa, sixième phrase, TUE et à l’article 275, premier alinéa, TFUE. D’autre part, en admettant que la Cour soit compétente à connaître de procédures préjudicielles et de recours en indemnité dans le domaine de la PESC, cette interprétation heurte de front le libellé sans équivoque de la deuxième possibilité offerte à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE, qui ne prévoit la compétence de la Cour qu’en matière de recours en annulation formés par des particuliers conformément à l’article 263, paragraphe 4, TFUE contre des mesures restrictives, mais pas en matière de recours ayant un autre objet ou une autre nature et certainement pas en matière de demandes préjudicielles formées par des juridictions nationales en application de l’article 267 TFUE.

90.

La genèse de l’article 275 TFUE confirme qu’il ne faut pas se rallier à la thèse de la Commission ( 49 ). Cette disposition devait initialement figurer en tant qu’article III‑376 dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Pour l’essentiel, sa formulation trouve son origine dans les travaux de la Convention européenne, lesquels se sont à leur tour répercutés sur l’article III‑282 du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe ( 50 ). Comme l’indiquent les travaux de la Convention européenne, un aménagement plus généreux des compétences des juridictions de l’Union dans le domaine de la PESC a fait l’objet de discussions approfondies à l’époque, mais il s’est avéré que les propositions en ce sens n’étaient pas susceptibles de réunir un consensus ( 51 ). Finalement, la Convention ainsi que les deux conférences intergouvernementales sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe et sur le traité de Lisbonne, qui l’ont suivie, s’en sont tenues au modèle d’un aménagement largement intergouvernemental de la PESC dans lequel seules des compétences strictement définies devaient être confiées aux juridictions de l’Union.

91.

De surcroît, interpréter l’article 275 TFUE de la façon préconisée par la Commission élargirait les compétences de l’Union d’une manière incompatible avec l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, et paragraphe 2, deuxième phrase, TUE ou, plus précisément, étendrait les compétences juridictionnelles de l’institution qu’est la Cour de justice de l’Union européenne ( 52 ).

92.

La jurisprudence «Les Verts», «Kadi», «Gestoras Pro Amnistia» et «Segi» ( 53 ) citée par la Commission ne contient rien qui soit susceptible d’étayer la thèse qu’elle défend. Dans ces affaires, la Cour a, certes, souligné que l’Union est une communauté de droit; l’on dirait aujourd’hui une union de droit. Se fondant sur cette constatation essentielle, elle a rappelé que ni les États membres ni les institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes aux traités en tant que charte constitutionnelle de l’Union ( 54 ). En revanche, elle n’a en aucune façon déduit de cette constatation fondamentale qu’il faudrait reconnaître, pour ainsi dire praeter legem, de nouveaux recours ou procédures devant les juges de l’Union qui ne sont pas prévus par le droit primaire.

93.

Certes, la Cour s’est, dans ces arrêts, prononcée en faveur d’une interprétation du droit primaire permettant de garantir au mieux l’efficacité pratique des procédures expressément prévues dans les traités. Dans l’arrêt «Les Verts», par exemple, elle a reconnu que le recours en annulation prévu à l’article 173 du traité CEE pouvait également être dirigé contre les actes du Parlement destinés à produire des effets juridiques à l’égard de tiers ( 55 ). De manière similaire, dans les arrêts «Gestoras Pro Amnistía» et «Segi», elle a interprété le champ d’application de la procédure préjudicielle prévue à l’article 35, paragraphe 1, UE ( 56 ) pour ce qui était à l’époque le «troisième pilier» en ce sens que cette procédure peut être utilisée pour toutes les mesures du Conseil destinées à produire des effets juridiques à l’égard de tiers.

94.

Plus riche d’enseignements pour la problématique à étudier ici nous paraît toutefois le fait que, dans les arrêts «Gestoras Pro Amnistía» et «Segi», la Cour a expressément refusé de reconnaître, dans ce qui était à l’époque le «troisième pilier», des types de recours non expressément prévus dans le traité UE dans la version du traité d’Amsterdam. Elle a déclaré en particulier dans ce contexte qu’elle n’a aucune compétence pour connaître d’un quelconque recours en indemnité ( 57 ). Cette jurisprudence peut être transposée sans autre forme de procès à la question qui nous intéresse ici, à savoir la protection juridictionnelle dans l’ancien «deuxième pilier», c’est-à-dire dans le domaine de la PESC, dans lequel les compétences des juridictions de l’Union sont traditionnellement plus étroites encore ( 58 ).

95.

Il résulte de ce qui précède que l’interprétation de l’article 275 TFUE préconisée par la Commission ne saurait emporter la conviction. Abstraction faite du manque de pertinence des arguments avancés par la Commission, l’interprétation particulièrement large qu’elle propose de donner aux compétences des juridictions de l’Union n’est, par ailleurs, absolument pas nécessaire pour garantir une protection juridictionnelle effective aux particuliers dans le domaine de la PESC. En effet, la constatation, parfaitement correcte, que ni les États membres ni les institutions de l’Union n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes aux traités en tant que charte constitutionnelle de l’Union ne doit pas dans tous les cas forcément entraîner la conclusion que les juridictions de l’Union seraient compétentes.

96.

Comme l’indique l’article 19, paragraphe 1, TUE notamment, le système de protection juridictionnelle mis en place par les traités repose sur deux piliers, dont l’un s’appuie sur les juridictions de l’Union et l’autre sur les juridictions nationales ( 59 ). Lorsque, comme c’est régulièrement le cas dans le domaine de la PESC, il n’existe aucune possibilité de recours devant les juridictions de l’Union, les juridictions nationales sont et demeurent compétentes. Enfin, il s’agit là d’une conséquence du principe d’attribution, conformément auquel toutes les compétences que les traités n’ont pas conférées à l’Union demeurent dans le giron des États membres (article 4, paragraphe 1, TUE lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, première phrase, et paragraphe 2, TUE) ( 60 ).

97.

En outre, l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE oblige expressément les États membres à établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans le domaine de la PESC, qui est un domaine couvert par le droit de l’Union ( 61 ).

98.

De nombreux aspects de la PESC exigent une mise en œuvre par des instances des États membres (article 26, paragraphe 3, TUE, 42, paragraphe 3, TUE et 44, paragraphe 1, TUE). De toute façon, la voie vers les juridictions nationales est alors toute tracée pour le particulier lorsqu’il souhaite soumettre au contrôle juridictionnel des actes, mesures ou omissions relevant de la PESC qui l’affectent d’une manière ou d’une autre ( 62 ).

99.

Même lorsque la PESC est mise en œuvre par des institutions, organes ou autres organismes de l’Union d’une manière qui concerne directement et individuellement les particuliers, l’accès aux juridictions nationales ne leur est pas interdit, à moins qu’exceptionnellement, ils puissent s’adresser directement aux juridictions de l’Union en application de la deuxième possibilité offerte par l’article 275, deuxième alinéa, TFUE. En effet, dans la mesure où la Cour de justice de l’Union européenne ne puise aucune compétence dans les traités, même les litiges auxquels l’Union est elle-même partie n’échappent pas, conformément à l’article 274 TFUE, à la compétence des juridictions nationales. Eu égard à la règle énoncée à l’article 24, paragraphe 1, deuxième alinéa, sixième phrase, TUE et à l’article 275, premier alinéa, TFUE, tel pourrait être la situation normale dans le cadre de la PESC.

100.

Lorsque des juridictions nationales sont saisies de pareils litiges dans le cadre de la PESC, elles ont l’obligation d’appliquer le droit de l’Union. À cette occasion, elles auront, le cas échéant, à contrôler la compatibilité d’actes des institutions de l’Union intervenus dans le cadre de la PESC avec du droit de l’Union de rang supérieur et, lorsqu’elles constateront une incompatibilité, elles devront les laisser inappliqués dans ce litige concret ( 63 ). Comme nous l’avons déjà dit ( 64 ), en effet, et contrairement à ce qui se passe dans le domaine des politiques communautarisées, les traités ne prévoient précisément aucune compétence préjudicielle de la Cour dans le domaine de la PESC, comme l’indiquent l’article 24, paragraphe 1, deuxième alinéa, sixième phrase, TUE et l’article 275, premier alinéa, TFUE. Par conséquent, la Cour ne peut pas, dans le cadre de la PESC, revendiquer le monopole qui lui est par ailleurs reconnu sur le contrôle de la validité des actes des institutions, organes ou autres organismes de l’Union. Selon nous, sa jurisprudence constante, qui remonte à l’arrêt Foto‑Frost ( 65 ), ne peut donc pas être transposée à la PESC. Contrairement à ce qui se passe dans les domaines du droit de l’Union qui sont structurés de manière supranationale, la PESC ne comporte aucun principe général suivant lequel la validité des actes des institutions de l’Union ne pourrait être contrôlée que par les juridictions de l’Union.

101.

Il est sans doute regrettable du point de vue de l’intégration politique que, pour les questions relevant de la PESC, la Cour n’ait aucune compétence préjudicielle et ne dispose pas de son monopole de juridiction sur la validité des actes juridiques des institutions au sens de l’arrêt Foto‑Frost (EU:C:1987:452) parce que cette privation de compétence ne permet pas de garantir une interprétation et une application uniformes du droit de l’Union dans le cadre de la PESC. Tel est cependant la conséquence logique du choix opéré par le législateur de continuer à aménager la PESC essentiellement au niveau intergouvernemental et de limiter l’élément supranational inhérent à toute compétence de la Cour aux cas exceptionnels strictement délimités qui sont exhaustivement énumérés à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE.

102.

La protection juridictionnelle effective des particuliers requise par les articles 6 et 13 de la CEDH peut également être assurée sans que la Cour dispose d’une compétence préjudicielle ou d’un monopole de juridiction sur les actes juridiques des institutions.

103.

En résumé, l’on retiendra, en ce qui concerne la PESC, que l’Union peut adhérer à la CEDH, comme elle envisage de le faire, sans qu’il soit nécessaire de créer de nouvelles compétences pour la Cour de justice de l’Union européenne parce que, dans les questions relevant de la PESC, la protection juridictionnelle effective des particuliers est assurée en partie par les juridictions de l’Union (article 275, deuxième alinéa, TFUE) et en partie par les juridictions nationales (article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE et article 274 TFUE).

4. Résultat intermédiaire

104.

Il résulte de tout ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de craindre que le projet d’accord modifie les compétences de l’Union inscrites dans les traités. Par ailleurs, la mise en œuvre de l’accord d’adhésion envisagé au plan interne de l’Union ne nécessitera aucun transfert de nouvelles compétences à l’Union.

C – Le maintien des attributions des institutions de l’Union

105.

Il résulte en outre de l’article 2, première phrase, et de l’article 3 du protocole no 8 que l’adhésion à la CEDH ne peut pas affecter les attributions des institutions de l’Union. Il nous faudra examiner cette exigence essentiellement en ce qui concerne les compétences de la Cour de justice de l’Union européenne (article 19, paragraphe 1, première phrase, TUE) (section 1 ci-dessous). Afin d’être complète, nous aborderons ensuite brièvement les compétences des autres institutions de l’Union (section 2), examen au cours duquel le système de sanctions financières mis en place par le droit de l’Union dans le domaine du droit de la concurrence retiendra tout particulièrement notre attention [section 2, lettre b)].

1. Les compétences de la Cour de justice de l’Union européenne

106.

Le rôle de la Cour de justice de l’Union européenne, à qui il appartient d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités (article 19, paragraphe 1, TUE), est d’une importance capitale pour l’ordre juridique mis en place par les traités ( 66 ). En ce qui concerne l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH, deux aspects notamment méritent d’être examinés: d’une part, le monopole de juridiction des juges de l’Union [section a) ci-dessous] et, d’autre part, leurs compétences en matière d’interprétation du droit de l’Union et de contrôle de la validité des actes juridiques de l’Union [section b)]. Il faudra en outre analyser brièvement le protocole additionnel no 16 à la CEDH [section c)].

a) Le monopole de juridiction des juges de l’Union (article 344 TFUE)

107.

En adoptant l’article 344 TFUE, les États membres se sont engagés «à ne pas soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci». Conformément à une jurisprudence constante, cette disposition signifie que la Cour de justice de l’Union européenne est exclusivement compétente à trancher tous les différends juridiques opposant les États membres dans la mesure où ils concernent le droit de l’Union ( 67 ) (voir article 259 TFUE). La même chose doit valoir a fortiori pour les différends à caractère juridique opposant l’Union à un ou plusieurs de ses États membres également (voir en particulier article 258 TFUE, article 263, deuxième alinéa, TFUE, article 265, premier alinéa, TFUE et article 268 TFUE). En d’autres termes, les États membres ont, pour régler leurs différends à caractère juridique, accordé aux juges de l’Union un monopole de juridiction, dont l’ancrage en droit primaire se trouve à l’article 344 TFUE.

108.

Afin de protéger cette fonction fondamentale des juridictions de l’Union, l’article 3 du protocole no 8 dispose qu’aucune des dispositions de l’accord d’adhésion envisagé ne peut porter atteinte à l’article 344 TFUE.

109.

Dans ce contexte, la procédure que l’article 33 de la CEDH met en place pour les affaires interétatiques semble mériter une attention particulière ( 68 ), article 33 aux termes duquel toute Haute Partie contractante peut saisir la Cour EDH de tout manquement aux dispositions de la CEDH et de ses protocoles qu’elle croira pouvoir être imputé à une autre Haute Partie contractante ( 69 ). Cette disposition doit être interprétée en combinaison avec l’article 55 de la CEDH, aux termes duquel les Hautes Parties contractantes conviennent, en substance, de ne soumettre les différends nés de l’interprétation ou de l’application de la CEDH à aucun autre mode de règlement que ceux que celle-ci prévoit.

110.

Il existe manifestement un conflit entre l’obligation que l’article 344 TFUE fait aux États membres de confier leurs différends concernant le droit de l’Union exclusivement à notre Cour et l’obligation que l’article 55 de la CEDH fait aux parties contractantes de porter les différends qui les opposent à propos de celle-ci devant la Cour EDH. En effet, comme nous l’avons déjà dit, la CEDH deviendra, du fait de l’adhésion, partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union ( 70 ) (voir également article 216, paragraphe 2, TFUE). Contrairement à la position adoptée, à notre grande surprise, par la Commission, il est fort possible qu’après cette adhésion, des différends juridiques naissent, dans le champ d’application du droit de l’Union, entre les États membres de celle-ci ou entre des États membres et l’Union à propos de l’interprétation et de l’application de la CEDH.

111.

Si la procédure que l’article 33 de la CEDH prévoit pour les affaires interétatiques devait être engagée devant la Cour EDH pour régler un tel différend, cette façon de procéder violerait la compétence exclusive de notre Cour et, partant, l’article 344 TFUE.

112.

Ce problème a été parfaitement identifié au cours des négociations sur l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH. C’est pour le résoudre qu’a été inséré dans le projet d’accord l’article 5, aux termes duquel les procédures devant la Cour de justice de l’Union européenne «ne doivent pas être interprétées comme des modes de règlement des différends au sens de l’article 55 de la [CEDH]». Dans le rapport explicatif, cette disposition du projet est précisée en ce sens que «l’article 55 de la [CEDH] n’interdit pas l’application de la règle prévue par l’article 344 TFUE» ( 71 ).

113.

Dans l’interprétation qu’en donne le rapport explicatif, l’article 5 du projet d’accord résout donc le conflit qui pourrait surgir entre l’article 55 de la CEDH et l’article 344 TFUE en ce sens que l’Union et ses États membres peuvent continuer à porter devant les juridictions de l’Union les éventuels conflits qui pourraient les opposer à propos de l’interprétation et de l’application de la CEDH et qu’ils ne sont pas obligés d’engager devant la Cour EDH la procédure que l’article 33 de la CEDH prévoit pour les affaires interétatiques.

114.

Toutefois, rien dans le projet d’accord ou dans ses documents annexes n’exclut effectivement que des États membres de l’Union n’en cherchent pas moins pour autant à résoudre un litige qui les opposerait en droit de l’Union à propos de l’interprétation et de l’application de la CEDH en engageant la procédure prévue par l’article 33 de celle-ci pour les affaires interétatiques devant la Cour EDH bien que, conformément à l’article 55 de la CEDH lu en combinaison avec l’article 5 du projet d’accord, aucune obligation de droit international ne les y contraindrait.

115.

Si l’on voulait garantir que, dans les différends de droit de l’Union concernant la CEDH, les États membres de l’Union n’enfreignent ainsi la compétence exclusive de notre Cour en aucune circonstance, il faudrait inscrire dans l’accord d’adhésion envisagé, suivant l’exemple de l’article 282 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer ( 72 ), une règle qui aille au-delà de l’article 5 du projet d’accord et qui non seulement n’affecterait pas l’article 344 TFUE, mais lui accorderait la primauté sur l’article 33 de la CEDH. Toute procédure concernant une affaire interétatique qui serait néanmoins engagée devant la Cour EDH pourrait alors être tenue en échec par une exception d’irrecevabilité. De surcroît, avant de statuer sur une telle procédure opposant des États membres devant elle, la Cour EDH devrait être tenue, du moins dans les cas douteux, de donner à notre Cour, suivant la procédure de l’implication préalable, l’occasion de se prononcer sur la question de savoir si l’objet de la procédure est ou non un différend de droit de l’Union au sens de l’article 344 TFUE.

116.

Il ne nous paraît cependant pas absolument nécessaire d’adopter une réglementation aussi stricte, qui, de surcroît, ne correspond à aucune pratique usuelle dans les accords internationaux, pour garantir l’efficacité pratique de l’article 344 TFUE et préserver ainsi le monopole de juridiction de notre Cour.

117.

Qui plus est, si l’on voulait instaurer en l’espèce une réglementation expresse concernant l’irrecevabilité des procédures d’affaires interétatiques devant la Cour EDH et sur la primauté de l’article 344 TFUE comme condition préalable à la compatibilité de l’accord d’adhésion envisagé avec le droit primaire de l’Union, cela signifierait implicitement que de nombreux accords internationaux conclus par l’Union dans le passé sont entachés d’un vice parce qu’ils ne prévoient aucune clause de cette nature.

118.

Selon nous, la possibilité d’engager contre les États membres qui portent leurs différends de droit de l’Union devant d’autres instances internationales que la Cour de justice de l’Union européenne une procédure d’infraction (articles 258 TFUE à 260 TFUE) ( 73 ), procédure dans le cadre de laquelle des mesures conservatoires pourraient être adoptées en tant que de besoin (article 279 TFUE) ( 74 ), est suffisante pour garantir l’effet utile de l’article 344 TFUE.

119.

En résumé, nous considérons donc que le projet d’accord ne crée aucun problème juridique en ce qui concerne l’article 344 TFUE lu en combinaison avec l’article 3 du protocole no 8.

120.

Si la Cour devait néanmoins juger nécessaire de garantir davantage l’efficacité pratique de l’article 344 TFUE que ne le fait actuellement le projet d’accord, elle pourrait subordonner la compatibilité de l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH avec les traités à une déclaration que l’Union et ses États membres devraient faire à l’occasion de l’adhésion. Dans cette déclaration, l’Union et les États membres devraient manifester d’une manière contraignante en droit international à l’égard des autres parties contractantes à la CEDH leur engagement à ne pas saisir la Cour EDH de recours fondés sur l’article 33 CEDH pour d’éventuelles violations de la CEDH dans la mesure où l’objet du litige concerne le champ d’application du droit de l’Union ( 75 ).

b) Les compétences des juridictions de l’Union concernant l’interprétation du droit de l’Union et le contrôle de la validité des actes juridiques de l’Union

121.

Indépendamment du monopole de juridiction que leur accorde l’article 344 TFUE, les juges de l’Union assument, dans le système judiciaire de l’Union, la mission d’interpréter le droit de l’Union en dernière instance et de manière contraignante, ainsi que le monopole ( 76 ) du contrôle de la légalité des actes des institutions, organes et autres organismes de l’Union ( 77 ).

122.

En principe, l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH ne modifiera rien à cette situation. En effet, les arrêts de la Cour EDH constatant une violation de la CEDH ont une nature purement déclaratoire et laissent chaque fois à la partie contractante concernée une certaine marge d’appréciation pour leur exécution (article 46, paragraphe 1, de la CEDH) ( 78 ). En outre, dans ses arrêts, la Cour EDH ne se prononce pas sur l’interprétation contraignante ou sur la validité de règles juridiques des parties contractantes concernées ( 79 ). Elle se limite à interpréter la CEDH et à constater d’éventuelles atteintes aux droits fondamentaux qu’elle garantit.

123.

Dans ses arrêts, la Cour EDH ne peut cependant pas se dispenser d’examiner le droit interne des parties contractantes concernées dans la mesure où cela est nécessaire au jugement qu’elle doit porter sur la violation alléguée des droits fondamentaux garantis par la CEDH. Elle doit nécessairement fonder ses arrêts sur une interprétation déterminée du contenu et de la portée de règles de droit internes. C’est la seule manière pour elle, par exemple, de contrôler raisonnablement si les recours prévus dans l’ordre juridique interne sont conformes aux exigences du droit à un «recours effectif» (article 13 de la CEDH) ou si des ingérences dans certains droits fondamentaux de la CEDH sont «prévus par la loi» dans l’ordre juridique interne (articles 5, paragraphe 1, 8, paragraphe 2, 9, paragraphe 2, 10, paragraphe 2, et 11, paragraphe 2, de la CEDH) ( 80 ). C’est ainsi que, dans des décisions passées, elle s’est déjà penchée sur le droit de l’Union, y compris sur la jurisprudence que notre Cour a consacrée à celui-ci ( 81 ).

124.

C’est pour garantir qu’en pareilles occasions, les compétences des juridictions de l’Union sont respectées et qu’il est satisfait aux exigences du principe de subsidiarité à l’intérieur du système de contrôle de la CEDH que l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord prévoit la procédure d’implication préalable. Cet article exige que, lorsque l’Union est codéfenderesse dans une procédure pendante devant la Cour EDH et que la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas encore examiné la compatibilité d’une disposition du droit de l’Union avec la CEDH, la Cour EDH doit lui accorder le temps nécessaire à un tel examen.

125.

Comme la Cour l’a constaté elle-même dans son document de réflexion ( 82 ), une telle procédure d’implication préalable est foncièrement de nature à garantir les compétences des juridictions de l’Union dans la perspective de l’adhésion de celle-ci à la CDEH et elle est en outre nécessaire à cette fin.

126.

Il reste toutefois à examiner si les conditions de l’implication préalable qui sont énoncées à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord n’ont pas pris un tour trop restrictif qui pourrait menacer les compétences des juridictions de l’Union. Ces conditions sont au nombre de trois:

Le champ d’application de la procédure d’implication préalable est indissociablement lié au statut du codéfendeur, de sorte qu’une implication préalable de notre Cour n’est d’emblée envisageable que si l’Union est codéfenderesse devant la Cour EDH.

L’implication préalable est prévue uniquement pour le cas dans lequel notre Cour ne s’est pas encore prononcée sur la compatibilité de la disposition litigieuse du droit de l’Union avec la CEDH.

L’objet de l’implication préalable est la compatibilité du droit de l’Union avec les droits fondamentaux de la CEDH dont la violation est alléguée devant la Cour EDH.

127.

En ce qui concerne, premièrement, le rattachement du champ d’application de la procédure d’implication préalable au statut de codéfenderesse de l’Union, il nous paraît approprié pour assurer le respect des compétences des juridictions de l’Union. Certes, il résulte a contrario de ce rattachement qu’aucune implication préalable de notre Cour n’est possible lorsqu’un recours engagé devant la Cour EDH est dirigé contre l’Union elle-même en tant que défenderesse ou lorsque l’Union n’est pas partie à la procédure devant la Cour EDH, que ce soit en qualité de défenderesse ou en qualité de codéfenderesse. Ni dans l’un ni dans l’autre de ces deux derniers cas, l’impossibilité d’implication préalable ne comporte une menace pour les compétences des juridictions de l’Union.

128.

En effet, si l’Union elle-même est défenderesse, l’obligation d’épuiser tous les recours internes (article 35, paragraphe 1, de la CEDH) garantit déjà que le litige ne pourra pas atteindre la Cour EDH avant que les juridictions de l’Union aient eu l’occasion de se pencher, dans l’exercice de leurs compétences, sur l’interprétation et la validité de la disposition du droit de l’Union en cause. En revanche, si la Cour n’est ni défenderesse ni codéfenderesse, c’est-à-dire si elle n’est pas partie à la procédure pendante devant la Cour EDH, il n’y a de toute façon pas lieu de craindre qu’il soit porté atteinte aux compétences des juridictions de l’Union parce que l’arrêt que la Cour EDH devra prononcer ne sera pas opposable à l’Union, même s’il contient des explications concernant le droit de l’Union (voir article 46, paragraphe 1, de la CEDH).

129.

Deuxièmement, limiter l’implication préalable aux cas dans lesquels les juridictions de l’Union ne se sont pas encore prononcées sur la compatibilité de la disposition litigieuse du droit de l’Union avec la CEDH ne comporte pas davantage une menace pour leurs compétences. En effet, si les juridictions de l’Union ont déjà pris position dans une décision définitive sur la question juridique qui se pose concrètement et qui fera plus tard l’objet d’un recours devant la Cour EDH, elles auront déjà exercé leur compétence ( 83 ). Lorsqu’un pareil acte éclairé se présente, même les juridictions des États membres de l’Union statuant en dernière instance ne sont pas tenues de saisir la Cour. La même chose doit valoir pour la relation entre la Cour EDH et les juridictions de l’Union.

130.

Troisièmement, limiter l’objet de l’implication préalable aux questions de compatibilité (allemand: Vereinbarkeit; anglais: compatibility) du droit de l’Union avec les droits fondamentaux garantis par la CEDH dont la violation est alléguée dans la procédure devant la Cour EDH, limitation prévue à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord, en revanche, soulève un problème. En effet, comme nous l’avons dit plus haut ( 84 ), les compétences des juridictions de l’Union ne se limitent en aucune façon à l’examen de la validité de dispositions du droit de l’Union, mais s’étendent à leur interprétation également, ce qui est essentiel. C’est précisément lorsque se présentent des questions concernant les droits fondamentaux que cette compétence d’interprétation des juridictions de l’Union revêt une importance particulière parce que, dans la plupart des cas, il est déjà possible d’assurer au moyen d’une interprétation que la disposition litigieuse du droit de l’Union n’entre pas en conflit avec des droits fondamentaux ( 85 ). Cela vaut aussi bien pour les dispositions du droit primaire que pour celles du droit dérivé.

131.

Contrairement à ce que semble penser la Commission ( 86 ), limiter l’objet de l’implication préalable à des questions de pure légalité ou de simple validité serait méconnaître grossièrement les compétences des juridictions de l’Union, comme si la seule option dont disposait notre Cour était de choisir entre blanc et noir.

132.

Il faut se réjouir que la référence à l’«exam[en de] la compatibilité» qui figure à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord soit suffisamment ouverte en soi pour y inclure des questions d’interprétation du droit de l’Union et permettre une implication préalable de notre Cour en vue de garantir une interprétation des dispositions du droit de l’Union qui soit conforme à la CEDH.

133.

Toutefois, ainsi qu’il résulte du rapport explicatif, l’«exam[en de] la compatibilité» au sens de l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord signifie uniquement, dans le cas du droit dérivé de l’Union, que notre Cour statue sur la «validité» de dispositions juridiques figurant dans des actes des institutions, organes ou autres organismes de l’Union ( 87 ).

134.

Le fait que le rapport explicatif met sur le même pied les questions de «validité» du droit secondaire et celles de la «compatibilité» suscite des doutes considérables et oblige à se demander si le champ d’application matériel de l’implication préalable, tel qu’il est défini à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord, suffit vraiment pour assurer le respect des compétences des juridictions de l’Union. Certes, certaines parties à la procédure se sont employées à minimiser l’importance du rapport explicatif pour l’interprétation de l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord. Cette manière de voir ne saurait cependant convaincre dès lors que le rapport explicatif fait partie intégrante de l’ensemble d’instruments négocié pour l’adhésion de l’Union à la CEDH et que, conformément à la volonté de ses auteurs, il faut lui reconnaître la même importance qu’à l’accord lui-même ( 88 ).

135.

Les doutes évoqués plus haut à propos de la portée de la procédure d’implication ne peuvent, en fin de compte, être dissipés que par une mise au point au terme de laquelle l’examen de la compatibilité du droit de l’Union avec la CEDH, examen dont l’occasion doit être donnée à la Cour grâce à l’implication préalable prévue à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord, inclut les questions d’interprétation non seulement dans le cas du droit primaire, mais également dans le cas du droit dérivé. Une telle mise au point nous paraît indispensable pour garantir la sécurité juridique. C’est la raison pour laquelle, selon nous, la Cour ne devrait déclarer le projet d’accord compatible avec les traités qu’à la condition qu’une telle mise au point soit faite.

c) Les effets du protocole additionnel no 16 à la CEDH sur les compétences de la Cour

136.

Enfin, il convient d’évoquer brièvement le protocole additionnel no 16 à la CEDH. Ses éventuels effets sur les compétences de notre Cour ont été débattus, de façon sommaire, avec les parties au cours de l’audience en réponse à des questions posées par des membres de la Cour.

137.

Ce protocole additionnel no 16, qui, à ce jour ( 89 ), n’a été signé que par sept États membres de l’Union et n’a encore été ratifié par aucun d’eux, prévoit la mise en place d’une «procédure préjudicielle» facultative dans le système CEDH au moyen de laquelle certaines juridictions supérieures des parties contractantes à la CEDH pourraient inviter la Cour EDH à rendre un avis non contraignant sur l’interprétation de la CEDH.

138.

Il convient tout d’abord d’observer que le protocole additionnel no 16 en tant que tel ne relève pas de l’objet de la présente procédure d’avis parce qu’il ne fait pas partie des textes juridiques auxquels l’Union doit adhérer conformément au projet d’adhésion.

139.

L’on ne saurait cependant exclure que le protocole additionnel no 16 puisse indirectement restreindre le rôle de notre Cour, même s’il n’est pas ratifié par l’Union elle-même et que seuls quelques-uns de ses États membres y adhèrent. Comme nous l’avons déjà expliqué, en effet, la CEDH deviendra, du seul fait de l’adhésion de l’Union, partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, de sorte que notre Cour sera compétente à l’interpréter suivant la procédure préjudicielle (article 267 TFUE) ( 90 ). Son rôle dans l’interprétation de la CEDH à l’intérieur de l’Union pourrait cependant être menacé en raison du fait que les juridictions supérieures des États membres ayant ratifié le protocole additionnel no 16 à la CEDH pourraient être tentées, en application des dispositions de celui-ci, d’adresser leurs questions d’interprétation de la CEDH à la Cour EDH plutôt qu’à notre Cour.

140.

En définitive, ce phénomène n’est cependant pas une conséquence de l’adhésion de l’Union à la CEDH. Même en l’absence de l’adhésion envisagée, les juridictions des États membres ayant ratifié le protocole additionnel no 16 peuvent saisir la Cour EDH de question d’interprétation de la CEDH relatives à des droits fondamentaux au lieu de se tourner vers notre Cour pour lui poser des questions d’interprétation de la Charte, qui seraient identiques d’un point de vue matériel.

141.

Pour résoudre ce problème, il suffit de revenir à l’article 267, paragraphe 3, TFUE, qui impose aux juridictions des États membres dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours l’obligation de saisir notre Cour. L’article 267, paragraphe 3, TFUE a la primauté sur le droit national et, partant, sur un éventuel accord international que certains États membres de l’Union auraient ratifié, comme c’est le cas du protocole additionnel no 16 à la CEDH. Il en découle que, pour autant qu’elles aient à statuer sur un litige relevant du champ d’application du droit de l’Union, les juridictions des États membres statuant en dernière instance doivent adresser leurs questions sur les droits fondamentaux par priorité à notre Cour et se conformer à ses décisions par priorité.

d) Résultat intermédiaire

142.

En résumé, l’on retiendra que le projet d’accord n’affecte pas les compétences de la Cour de justice de l’Union européenne d’une manière qui serait incompatible avec l’article 2, première phrase, du protocole no 8 pour autant que le champ d’application de la procédure d’implication préalable soit précisé dans le sens que nous avons indiqué au point 135.

2. Les compétences d’autres institutions de l’Union

143.

En ce qui concerne les compétences d’autres institutions de l’Union, en particulier celles du Parlement, du Conseil européen, du Conseil et de la Commission, l’on ne voit guère dans quelle mesure elles pourraient être affectées par l’adhésion de l’Union à la CEDH. La procédure d’avis qui s’est déroulée devant la Cour n’a fait apparaître aucun indice d’une telle éventuelle restriction de ces compétences.

a) Généralités

144.

L’on observera d’une manière générale que l’adhésion de l’Union à la CEDH imposera à ces institutions de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales qu’elle garantit lorsqu’elles exerceront leurs compétences respectives. Comme nous l’avons déjà exposé par ailleurs ( 91 ), il s’agit toutefois là d’une conséquence nécessaire et intentionnelle de l’adhésion à la CEDH qui ne doit pas être confondue avec une atteinte à leurs compétences au sens de l’article 2, paragraphe 1, du protocole no 8.

145.

Dans la mesure où les institutions de l’Union qui ont participé à la procédure d’avis et les États membres s’affrontent sur la question de savoir qui, à l’avenir, déterminera la position que l’Union défendra dans les instances de la CEDH ou du Conseil de l’Europe et qui y représentera l’Union, il s’agit de problèmes qui devront être résolus au moment d’aménager concrètement les mesures à prendre au sein de l’Union pour transposer l’accord d’adhésion envisagé. En effet, toute atteinte aux compétences de l’une ou l’autre des institutions qui pourrait se produire dans ce contexte résulterait non pas de l’accord d’adhésion lui-même, mais uniquement des mesures de mise en œuvre. Les questions juridiques que cela soulève devront, en conséquence, être abordées dans de futurs litiges ( 92 ) et ne peuvent pas être incluses, fût-ce à titre conservatoire, dans l’objet de la présente procédure d’avis, dans laquelle elles auraient un caractère purement hypothétique.

b) Le système institutionnel de l’Union de sanction des infractions au droit de la concurrence

146.

Lors de l’audience, la Cour et les parties ont abordé brièvement la question de savoir si l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH nécessitera une modification des compétences actuelles des institutions de l’Union ou d’autres adaptations systémiques dans le domaine du droit de la concurrence, plus précisément en ce qui concerne l’imposition de sanctions financières en cas d’infraction aux articles 101 TFUE et 102 TFUE. Il s’agissait d’examiner, premièrement, le rôle institutionnel de la Commission en tant qu’autorité de la concurrence, deuxièmement, le principe «non bis in idem» et, troisièmement, le principe de la durée raisonnable de la procédure.

i) Le rôle institutionnel de la Commission en tant qu’autorité de la concurrence

147.

Lorsque les articles 101 TFUE et 102 TFUE sont appliqués au niveau de l’Union, la Commission exerce la fonction d’autorité de la concurrence et a le pouvoir d’infliger aux entreprises ou associations d’entreprises des sanctions financières assez sévères (amendes et astreintes) sans avoir à en référer préalablement à une quelconque juridiction ?article 103, paragraphe 2, sous a), TFUE, article 105 TFUE ainsi qu’articles 23 et 24 du règlement (CE) no 1/2003 ( 93 )?. Ce rôle institutionnel de la Commission ( 94 ) revêt, dans le système des traités fondateurs, une importance particulière étroitement liée à la mission fondamentale de garantir le fonctionnement du marché intérieur européen.

148.

D’aucuns prétendent qu’un système fondé sur l’application de sanctions administratives par une autorité soulèverait des problèmes au regard du droit à un procès équitable garanti à l’article 6 de la CEDH.

149.

Pareille objection est sans fondement en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour EDH. Comme celle-ci l’a précisé, en effet, les sanctions administratives, y compris celles qui sont infligées dans le domaine du droit de la concurrence, relèvent effectivement du champ d’application des garanties de procédure que l’article 6 de la CEDH institue en matière de droit pénal. En revanche, elles ne font pas partie du «noyau dur» de celui-ci et l’on pourrait même dire qu’elles n’ont qu’un caractère quasi pénal ( 95 ), ce qui a pour conséquence que les garanties de droit pénal énoncées à l’article 6 de la CEDH n’ont pas nécessairement vocation à s’appliquer dans toute leur rigueur ( 96 ).

150.

Le Cour EDH a reconnu en toutes lettres récemment qu’une autorité de la concurrence peut infliger des amendes pour sanctionner les infractions à l’interdiction des ententes pour autant que l’entreprise concernée puisse soumettre toute décision infligeant une amende au contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction (allemand: «vollumfängliche Prüfungsbefugnis»; anglais: «full jurisdiction»). Cette condition est remplie dans le système judiciaire de l’Union, comme le confirment tant la jurisprudence de notre Cour ( 97 ) que la jurisprudence de la Cour EDH ( 98 ).

151.

Par conséquent, l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH n’exige, dans le domaine de l’article 6 de la CEDH, aucune modification institutionnelle dans le système des sanctions financières réprimant des infractions au droit de la concurrence.

ii) Le principe «non bis in idem»

152.

L’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH n’exige aucune modification du système d’application des articles 101 TFUE et 102 TFUE non plus en ce qui concerne la règle de non-cumul des sanctions («non bis in idem») énoncée à l’article 4, paragraphe 1, du protocole additionnel no 7 à la CEDH. En effet, le projet d’accord ne s’étend pas à ce protocole. En adhérant à la CEDH, l’Union ne contractera donc aucune obligation de droit international relative au principe «non bis in idem». En ce qui concerne l’adhésion à la CEDH actuellement envisagée, il n’y aura donc aucune action à entreprendre en matière de «non bis in idem», même si, contrairement à la thèse que nous défendons ( 99 ), l’on devait considérer que la conception de ce principe juridique en droit de la concurrence de l’Union ne correspond actuellement pas (encore) complètement à celle sur laquelle la Cour EDH s’est fondée dans les affaires pénales.

iii) Le principe de la durée raisonnable des procédures

153.

En ce qui concerne enfin le principe de la durée raisonnable des procédures, qui peut lui aussi être déduit de l’article 6 de la CEDH, sa validité en droit de l’Union est reconnue d’une manière générale (voir articles 41, paragraphe 1, et 47, paragraphe 2, de la Charte) et notre Cour a déjà souvent été invitée à contrôler son respect, en particulier dans les affaires de concurrence.

154.

Le simple fait que, dans plusieurs cas particuliers, notre Cour ait dû constater que la Commission agissant en tant qu’autorité de la concurrence ( 100 ) ou le Tribunal intervenant en qualité d’instance de contrôle judiciaire de première instance ( 101 ) avaient enfreint ce principe ne permet pas, à lui seul, de conclure que l’adhésion envisagée à la CEDH imposera des modifications institutionnelles à l’intérieur de l’Union.

155.

Il nous paraît bien plus décisif que les institutions de l’Union prennent toutes les dispositions nécessaires pour prévenir d’éventuelles violations du principe de la durée raisonnable des procédures et prévoir des sanctions efficaces en cas d’une violation de celui-ci. Nous ne voyons aucun indice concret qui ferait apparaître que pareilles dispositions feraient défaut ( 102 ).

iv) Conclusion

156.

C’est la raison pour laquelle, en accord avec la Commission et le Conseil, nous concluons que l’Union pourra adhérer à la CEDH sans avoir à modifier les compétences actuelles de ses institutions ou à procéder à d’autres adaptations systémiques dans le domaine du droit de la concurrence.

D – La préservation des caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union

157.

Aux termes de l’article 1er du protocole no 8, l’accord d’adhésion doit en outre «refléter la nécessité de préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union». La première phrase de la déclaration no 2 exprime elle aussi la volonté fondamentale «de préserver les spécificités de l’ordre juridique de l’Union».

158.

Les caractéristiques spécifiques ou spécificités visées dans le protocole no 8 et dans la déclaration no 2 désignent deux choses en particulier: d’une part, l’adhésion de l’Union à la CEDH ne peut pas porter atteinte à l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union. D’autre part, cette adhésion doit se faire dans le respect des particularités de l’Union en tant que système à plusieurs niveaux.

159.

Il convient d’observer à propos de l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union que les traités fondateurs de l’Union ont mis en place un nouvel ordre juridique sui generis, en d’autres termes: un ordre juridique autonome. Depuis plus de 50 ans, sa protection est une des pierres d’angle de la jurisprudence de notre Cour ( 103 ) et elle est désormais universellement reconnue. Cette autonomie n’est pas seulement caractéristique de la relation du droit de l’Union au droit des États membres, mais doit en outre être respectée dans la relation avec des États tiers et des organisations internationales: lorsque l’Union conclut un accord international, il faut veiller à ce que cet accord ne porte pas atteinte à l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union ( 104 ).

160.

S’agissant des particularités de l’Union en tant que système à plusieurs niveaux, l’on retiendra principalement, dans le contexte qui nous intéresse ici, qu’à l’intérieur de celle-ci, les compétences et responsabilités sont réparties entre les instances nationales et les instances de l’Union conformément à de nombreuses dispositions du droit primaire et du droit dérivé.

161.

Dans l’exposé qui va suivre, nous examinerons si le projet d’accord rend justice aux caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union. Conformément à l’article 1er du protocole no 8, il faudra à cette occasion tenir compte notamment des trois aspects suivants:

la reconnaissance de la juridiction de la Cour EDH par l’Union (section 1) ( 105 ),

les principes de l’effet direct et de la primauté du droit de l’Union (section 2) ( 106 ) et

les mécanismes de détermination du bon défendeur dans les procédures devant la Cour EDH (section 3) ( 107 ).

1. La reconnaissance de la juridiction de la Cour EDH

162.

Nous examinerons en premier lieu si la reconnaissance envisagée de la juridiction de la Cour EDH par l’Union est susceptible de porter atteinte aux caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union (article 1er du protocole no 8). L’on ne manquera pas de s’étonner que, dans sa demande d’avis, la Commission n’ait pas consacré une seule syllabe à cette question, qui est pourtant d’une importance capitale pour l’appréciation juridique du projet d’accord. Lors de l’audience de la Cour, elle a été abondamment discutée avec les parties.

a) Considérations générales

163.

À aucun endroit, le projet d’accord ne précise expressément que l’Union sera soumise à la juridiction de la Cour EDH. Néanmoins ce projet implique nécessairement qu’à l’instar de toutes les autres parties contractantes à la CEDH, la Cour reconnaisse cette juridiction par l’effet de son adhésion à la CEDH ( 108 ).

164.

Comme de nombreuses parties à la procédure l’ont souligné, cet élément de contrôle juridictionnel externe du respect de normes élémentaires en matière de droits fondamentaux apportera le principal changement par rapport à la situation juridique actuelle et il est généralement considéré comme la véritable plus-value qu’apportera l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH ( 109 ). La reconnaissance de la juridiction de la Cour EDH par l’Union devrait être considérée non pas comme un simple geste de soumission ( 110 ), mais bien comme l’occasion d’intensifier le dialogue qu’en juridictions authentiquement européennes, notre Cour et la Cour EDH entretiennent d’ores et déjà (voir en ce sens également la deuxième phrase de la déclaration no 2). Idéalement, cette coopération entraînera un renforcement de la protection des droits fondamentaux en Europe et contribuera ainsi à la réalisation des valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union est fondée (article 2 TUE).

165.

Comme l’indique clairement l’article 1er, sous a), du protocole no 8 lorsqu’il se réfère aux «modalités particulières de l’éventuelle participation de l’Union aux instances de contrôle» de la CEDH, les auteurs du traité de Lisbonne ont posé en prémisse que l’Union reconnaîtrait la juridiction de la Cour EDH dans la mesure où l’accord d’adhésion comporte des dispositions visant à préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union.

166.

Dans le même sens, notre Cour a déjà dit pour droit qu’il n’est, en principe, pas incompatible avec le droit de l’Union qu’en concluant un accord de droit international, l’Union se soumette aux décisions d’une juridiction compétente à interpréter et à appliquer les dispositions de celui-ci ( 111 ).

167.

Comme la jurisprudence de la Cour EDH et celle des juridictions de l’Union concernant les questions de droits fondamentaux convergent d’ores et déjà largement, la reconnaissance formelle de la juridiction de la Cour EDH résultant de l’adhésion de l’Union à la CEDH ne devrait, dans l’immense majorité des cas, entraîner aucun problème pratique. Il y a cependant lieu de souligner que l’adhésion de l’Union à la CEDH doit nécessairement impliquer que l’Union est disposée à reconnaître également les décisions dans lesquelles la Cour EDH constate une incompatibilité du droit de l’Union avec la CEDH ou une violation de celle-ci par l’Union ( 112 ).

168.

Longuement débattue lors de l’audience fut la question de savoir si notre Cour devrait se réserver le droit de ne pas reconnaître les arrêts de la Cour EDH qui entrent en conflit avec l’identité constitutionnelle de l’Union, une sorte d’ordre public en droit de l’Union, ou que les juges de Strasbourg ont manifestement rendus en outrepassant leurs compétences, c’est-à-dire, ultra vires.

169.

En l’état actuel du droit, il n’y a, selon nous, aucune raison que notre Cour prononce une telle réserve juridictionnelle déduite de motifs constitutionnels.

170.

Certes, la jurisprudence de quelques cours constitutionnelles des États membres de l’Union contient pareilles réserves concernant la relation entre le droit de l’Union et le droit national ( 113 ). Il nous paraîtrait néanmoins peu convaincant d’appliquer la même méthode au rapport entre le droit de l’Union et la CEDH ainsi qu’aux relations entre notre Cour et la Cour EDH, que l’on considère ces réserves comme étant légitimes ou non. En effet, la CEDH ne crée aucun ordre juridique supranational comparable au droit de l’Union qui aurait par lui-même primauté sur les ordres juridiques internes des parties contractantes et qui sortirait des effets directs dans ceux-ci. De surcroît, lorsqu’elles transposent les arrêts de la Cour EDH, les parties à la CEDH conservent un pouvoir d’appréciation nettement plus étendu que celui dont les États membres de l’Union disposent en règle générale à l’égard de la jurisprudence des juridictions de l’Union.

171.

Néanmoins, si, contre toute attente, la compatibilité d’un arrêt de la Cour EDH avec les principes fondamentaux de l’ordre juridique de l’Union ou les caractéristiques structurelles de l’édifice institutionnel de l’Union devait susciter des doutes, il appartiendrait non seulement à la Cour, mais également aux organes politiques ainsi qu’aux États membres de l’Union de rechercher des solutions appropriées ( 114 ). La panoplie des solutions qui s’offriraient à eux irait d’une modification du droit de l’Union, droit primaire compris, au retrait de l’Union du système strasbourgeois (article 58 de la CEDH) ( 115 ).

b) Dispositions particulières du projet d’accord visant à assurer l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union

172.

Il résulte en particulier de la jurisprudence de notre Cour que, pour préserver l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union, il faut prévoir dans l’accord international que les compétences de l’Union et de ses institutions demeurent intactes et que la juridiction internationale ne donne aucune interprétation du droit de l’Union qui s’impose à l’Union et à ses institutions ( 116 ).

173.

Nous avons déjà abordé le premier de ces aspects, c’est-à-dire la conservation des compétences de l’Union et de ses institutions, dans les observations que nous avons consacrées à l’article 6, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE et à l’article 2, première phrase, du protocole no 8 ( 117 ). En revanche, il faut encore examiner, en ce qui concerne le deuxième aspect évoqué plus haut, si le projet d’accord garantit que la Cour EDH ne fournira pas, que ce soit directement ou indirectement, une interprétation du droit de l’Union qui s’imposerait à celle-ci et à ses institutions.

174.

Les dispositions de l’accord d’adhésion envisagé relatives à l’imputation des actes, mesures et omissions (article 1er, paragraphe 3, première phrase, et paragraphe 4, première phrase, du projet d’accord) ainsi que le mécanisme de codéfense et la procédure d’implication préalable qu’il prévoit (article 3 du projet d’accord) instaurent déjà, en principe, des règles de nature à garantir que la Cour EDH ne fournisse aucune interprétation du droit de l’Union qui s’imposerait aux institutions de l’Union ou à ses États membres. Quant à la réponse à donner à la question de savoir si ces règles seront suffisantes pour garantir une protection effective de l’autonomie du droit de l’Union, tout dépend de l’appréciation que l’on portera sur leur aménagement concret. À cet égard, le projet d’accord nous paraît soulever trois problèmes, que nous allons nous employer à décortiquer.

i) Sur la détermination des responsabilités dans la relation entre l’Union et ses États membres (article 3, paragraphe 7, du projet d’accord)

175.

Le premier problème qui se pose en ce qui concerne l’autonomie du droit de l’Union concerne la détermination des responsabilités dans le rapport entre l’Union et ses États membres lorsqu’ils sont conjointement parties à une procédure devant la Cour EDH en qualité de défendeur(s) ou de codéfendeurs(s) et que, dans son arrêt, cette juridiction constate une violation de la CEDH.

176.

Certes, l’article 3, paragraphe 7, première proposition, du projet d’accord pose en règle que le défendeur et le codéfendeur supportent conjointement la responsabilité d’une violation de la CEDH que la Cour EDH aurait constatée. Cette règle permet de libérer la Cour EDH de la nécessité de déterminer, en se servant du droit de l’Union, qui doit répondre de cette violation de la CEDH conformément à l’article 46, paragraphe 1, de celle-ci: l’Union ou bien son ou ses États membres. Dans l’écrasante majorité des cas, cette règle pourrait avoir pour effet que la Cour EDH ne doive pas fournir d’interprétation obligatoire des compétences et responsabilités de l’Union et de ses États membres prévues par le droit de l’Union ( 118 ).

177.

Néanmoins, l’article 3, paragraphe 7, deuxième proposition, du projet d’accord offre à la Cour EDH également la possibilité de dire pour droit que c’est soit le défendeur, soit le codéfendeur qui doit répondre seul de la violation de la CEDH qu’elle a constatée. Pour pouvoir le déterminer, il faut qu’elle délimite avec précision les compétences et responsabilités respectives du défendeur et du codéfendeur, ce qui implique qu’elle prenne, à tout le moins indirectement, position sur des dispositions du droit de l’Union.

178.

Certes, le projet d’accord limite la possibilité que l’article 3, paragraphe 7, deuxième proposition, offre à la Cour EDH de s’écarter du principe de la responsabilité conjointe aux cas dans lesquels défendeur et codéfendeur lui ont présenté des arguments en ce sens. Même si la formulation de cette clause comporte des zones d’ombre ( 119 ), il est probable qu’elle veuille dire que la Cour EDH ne peut s’écarter du principe de la responsabilité conjointe du défendeur et du codéfendeur qu’en conformité à des arguments concordants que ceux-ci auraient présentés.

179.

Le lien que l’article 3, paragraphe 7, deuxième proposition, du projet d’accord établit avec les arguments du défendeur et du codéfendeur ne change cependant rien au fait que, lorsqu’elle applique cette clause d’une manière qui s’impose aux institutions et aux États membres de l’Union, la Cour EDH prend position sur leurs compétences et responsabilités respectives telles qu’elles résultent du droit de l’Union. Elle n’a cependant pas vocation à le faire, même si les institutions ou les États membres de l’Union devaient lui donner leur accord à cette fin par des prises de position concordantes. Il résulte, en effet, du principe de l’autonomie du droit de l’Union que seule la Cour de justice de l’Union européenne peut être compétente à interpréter les dispositions du droit de celle-ci de manière contraignante. Par conséquent, l’article 3, paragraphe 7, deuxième proposition, du projet d’accord est incompatible avec le principe de l’autonomie du droit de l’Union.

ii) Sur l’appréciation du point de savoir si une implication préalable de la Cour de justice de l’Union européenne est requise

180.

Le deuxième problème qui se pose en ce qui concerne l’autonomie du droit de l’Union concerne l’appréciation de la nécessité d’engager une procédure d’implication préalable de notre Cour dans un cas concret.

181.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord, le temps nécessaire à l’examen de la compatibilité d’une disposition du droit de l’Union avec la CEDH doit être accordé à la Cour de justice de l’Union européenne selon la procédure de l’implication préalable dans la mesure où elle ne s’est pas encore prononcée sur cette compatibilité auparavant. Cela signifie que la question de savoir si la Cour a déjà statué sur la compatibilité de cette disposition du droit de l’Union avec la CEDH revêt, dans un cas concret, une importance décisive pour le déclenchement d’une procédure d’implication préalable.

182.

Certes, répondre à cette question ne soulèvera généralement pas de difficultés particulières parce que l’on pourra aisément déduire de la jurisprudence de notre Cour si, par le passé, elle s’est déjà prononcée sur la compatibilité d’une disposition du droit de l’Union avec la CEDH. Il est néanmoins possible que se présentent des cas limites dans lesquels, bien que la Cour ait déjà examiné la disposition du droit de l’Union en question, l’on ne puisse pas déterminer avec précision si elle s’est déjà exprimée à suffisance de droit sur sa compatibilité avec le droit fondamental garanti par la CEDH dont la violation est alléguée devant la Cour EDH ( 120 ) ni si elle a abordé cette compatibilité de manière tout à fait générale sous les mêmes aspects juridiques que ceux qui deviennent à présent pertinents devant la Cour EDH ( 121 ).

183.

Il serait incompatible avec l’autonomie du droit de l’Union de confier à la seule Cour EDH le soin de décider dans de tels cas limites également s’il est nécessaire d’engager une procédure d’implication préalable de notre Cour. En effet, celle-ci est la seule qui soit en mesure de fournir des indications fiables sur le point de savoir si elle s’est déjà prononcée sur la question concrète qui se pose à la Cour EDH concernant la compatibilité d’une certaine disposition du droit de l’Union avec un ou plusieurs droits fondamentaux garantis par la CEDH.

184.

Pour respecter le principe de l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union et préserver les compétences juridictionnelles de notre Cour, il faut donc garantir qu’en cas de doute, la Cour EDH engage toujours une procédure d’implication préalable conformément à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord. La Cour EDH ne pourra se dispenser d’impliquer préalablement notre Cour que lorsqu’il est manifeste que les juridictions de l’Union ont déjà traité la question de droit concrète soulevée par le recours pendant devant la Cour EDH ( 122 ). Il est, selon nous, indispensable de faire une mise au point en ce sens assortie d’effets obligatoires en droit international afin de garantir que le mécanisme de l’implication préalable ne porte pas atteinte à l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union.

iii) Sur la différence de portée entre les compétences de la Cour EDH et les compétences de la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre de la PESC

185.

Le troisième problème qui peut se poser en ce qui concerne l’autonomie du droit de l’Union concerne la protection des droits fondamentaux et le contrôle juridictionnel des actes que l’Union adopte dans le cadre de la PESC ( 123 ).

186.

Il ne fait aucun doute que, dans le cadre de la PESC, il existe un certain écart entre les compétences de la Cour de justice de l’Union européenne (article 19, paragraphe 1, première phrase, TUE) et celles de la Cour EDH. Le Conseil, notamment, l’a admis au cours de l’audience qui s’est tenue dans la présente procédure d’avis.

187.

C’est ainsi qu’après l’adhésion de l’Union à la CEDH, la Cour EDH aura pour mission de connaître des recours formés par les personnes et les États dans tous les domaines matériels du droit de l’Union, c’est-à-dire dans le domaine de la PESC également, et de constater, le cas échéant, les violations de la CEDH dont l’Union devra éventuellement répondre en qualité de défenderesse en l’application de l’article 1er, paragraphe 3, première phrase, du projet d’accord ou en qualité de codéfenderesse en application de l’article 1er, paragraphe 4, deuxième phrase, de ce projet ( 124 ).

188.

Comme nous l’avons déjà expliqué, les juridictions de l’Union, en revanche, ne disposent que de compétences restreintes dans le domaine de la PESC (article 24, paragraphe 1, deuxième alinéa, sixième phrase, TUE lu en combinaison avec l’article 275 TFUE) et c’est, pour l’essentiel, aux juridictions des États membres de l’Union qu’il appartient de veiller à garantir une protection juridictionnelle effective dans ce domaine (article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE lu en combinaison avec l’article 274 TFUE). Il va de soi que la procédure d’implication préalable (prévue à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord) ne peut intervenir, elle non plus, que dans la mesure où les traités fondateurs chargent la Cour de justice de l’Union européenne d’interpréter le droit de l’Union dans le domaine de la PESC et de contrôler la légalité des actes des institutions de l’Union; si tel n’était pas le cas, ses compétences seraient élargies d’une manière incompatible avec l’article 4, paragraphe 1, TUE, l’article 5, paragraphes 1, première phrase, et 2, TUE ainsi qu’article 6, paragraphe 2, deuxième phrase, TUE.

189.

Dans ces conditions, l’Union peut-elle reconnaître la juridiction de la Cour EDH? Est-il compatible avec l’autonomie du droit de l’Union que la Cour EDH puisse contrôler la compatibilité avec la CEDH des actes, mesures ou omissions des institutions de l’Union dans le cadre de la PESC alors que, si l’on fait abstraction des dérogations prévues à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE, les juridictions de l’Union ne sont pas, quant à elles, compétentes à le faire? Est-il acceptable que, dans le cadre de la PESC, l’Union doive, en droit international, répondre d’éventuelles violations de la CEDH en qualité de défenderesse ou de codéfenderesse alors que, dans le même temps, elle ne dispose pas, au plan interne, de juridiction propre, supranationale, qui serait compétente à sanctionner de telles violations et de contribuer à la mise en œuvre de la CEDH?

190.

Ces questions sont tout à fait inédites. Pour autant que nous puissions en juger, en effet, la problématique de l’autonomie du droit de l’Union en cas de conclusion d’accords internationaux ne s’est, jusqu’à présent, présentée que dans des cas où il y avait lieu de craindre que leur conclusion donne lieu à des conflits de compétence entre les juridictions de l’Union et une juridiction internationale, mais pas dans une situation où les compétences des juridictions de l’Union se situent en retrait par rapport à celles de la juridiction internationale.

191.

Selon nous, le principe de l’autonomie du droit de l’Union n’empêche pas celle-ci de reconnaître la juridiction d’une juridiction internationale dont les compétences dans un domaine déterminé, à savoir la PESC en l’espèce, sont plus étendues que celles de l’institution Cour de justice de l’Union européenne.

192.

Certes, le principe de l’autonomie du droit de l’Union exige, conformément à une jurisprudence constante, que, lorsqu’elle conclut des accords internationaux, l’Union veille à ce que ses compétences et celles de ses institutions demeurent inchangées et à ce qu’une juridiction internationale n’interprète pas le droit de l’Union d’une manière qui s’imposerait à elle et à ses institutions ( 125 ). Il ne s’agit cependant là, en définitive, que d’empêcher la naissance d’éventuels conflits entre la jurisprudence des juridictions de l’Union, d’une part, et la jurisprudence de la juridiction internationale, d’autre part, et de conserver la structure supranationale sui generis de l’Union ( 126 ).

193.

En revanche, il est d’emblée exclu que des conflits de jurisprudence se présentent ou que la structure supranationale de l’Union soit menacée dans la mesure où les auteurs des traités fondateurs de l’Union ont consciemment, dans un domaine déterminé, comme le domaine de la PESC en l’espèce, renoncé à une structure supranationale ainsi qu’à l’interprétation uniforme et autonome du droit de l’Union par une institution juridictionnelle propre de celle-ci. L’absence de dispositions suffisantes à l’intérieur de l’Union qui seraient à elles seules susceptibles de protéger l’autonomie du droit de l’Union ne saurait guère être invoquée pour s’opposer à la reconnaissance de la juridiction de l’institution juridictionnelle d’une organisation internationale. Par ailleurs, la reconnaissance d’une juridiction internationale n’affaiblit pas, mais renforce l’effectivité de la protection juridictionnelle des particuliers dans une telle situation.

194.

Tout ce qui précède est d’autant plus vrai dans le cas de l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH qu’à l’article 6, paragraphe 2, TUE, les auteurs du traité de Lisbonne ont confié aux institutions de l’Union la compétence et la mission de réaliser ce projet sans avoir auparavant pourvu la PESC d’une structure supranationale ni, en particulier, d’une compétence juridictionnelle globale des juridictions de l’Union. Les auteurs du traité de Lisbonne eux-mêmes n’ont donc, selon toute vraisemblance, discerné aucun antagonisme entre le pouvoir de juridiction extrêmement limité des juridictions de l’Union dans le domaine de la PESC, d’une part, et la reconnaissance de la juridiction de la Cour EDH consécutive à l’adhésion de l’Union à la CEDH, d’autre part.

195.

Comme nous l’avons déjà signalé précédemment, rien de tout cela ne fait obstacle à une application efficace de la CEDH ni à une protection juridictionnelle effective des particuliers dans le domaine de la PESC. Dans cette mesure-là, les auteurs du traité de Lisbonne se sont reposés sur les juridictions nationales en tant que deuxième pilier du système de protection juridictionnelle de l’Union. C’est à elles qu’il appartient de sanctionner les éventuelles infractions à la CEDH qui interviendraient dans le cadre de la PESC et de contribuer à la mise en œuvre de la CEDH (article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE lu en combinaison avec l’article 274 TFUE) à moins qu’à titre exceptionnel, les juridictions de l’Union ne soient compétentes conformément à l’article 275, deuxième alinéa, TUE ( 127 ).

c) Résultat intermédiaire

196.

Il n’est pas incompatible avec les traités que, par son adhésion à la CEDH, l’Union reconnaisse la juridiction de la Cour EDH, à condition d’inscrire dans le projet d’accord les précisions nécessaires en ce qui concerne l’appréciation de la nécessité d’impliquer préalablement notre Cour (article 3, paragraphe 6, du projet) et en ce qui concerne la constatation des responsabilités du défendeur et du codéfendeur (article 3, paragraphe 7, du projet). Le fait qu’en matière de PESC, la Cour EDH puisse être saisie de questions qui échappent à la compétence des juridictions de l’Union n’entame pas la compatibilité du projet d’accord avec les traités.

2. Le principe de l’effet direct et de la primauté du droit de l’Union

197.

La primauté du droit de l’Union sur le droit des États membres et l’effet direct de toute une série de dispositions du droit de l’Union font en outre partie des caractéristiques essentielles qui définissent l’ordre juridique de l’Union en tant qu’ordre juridique nouveau et autonome ( 128 ). C’est la raison pour laquelle il convient, en second lieu, d’examiner à propos de l’article 1er du protocole no 8 le point de savoir si l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH est de nature à porter atteinte à l’effet direct et à la primauté du droit de l’Union.

198.

En ce qui concerne, tout d’abord, l’effet direct du droit de l’Union, l’adhésion de celle-ci à la CEDH ne devrait pas poser de problème particulier. L’entrée en vigueur de l’accord d’adhésion envisagé aura pour effet d’intégrer la CEDH dans l’ordre juridique de l’Union ( 129 ). C’est en cette qualité qu’en général, la CEDH sortira elle aussi des effets directs à l’instar du droit de l’Union. En effet, le contenu des dispositions de la CEDH consacrant des droits fondamentaux classiques et énonçant des règles de procédure applicables aux recours individuels devant la Cour EDH est inconditionnel et suffisamment précis pour permettre aux citoyens de l’Union et, le cas échéant, aux entreprises de s’en prévaloir.

199.

Dans les situations régies par le droit de l’Union, la CEDH bénéficiera elle aussi de la primauté du droit de l’Union sur le droit national des États membres par l’effet de l’adhésion de l’Union et de l’article 216, paragraphe 2, TUE, aux termes duquel les accords internationaux conclus par celle-ci lient les États membres ( 130 ).

200.

Le rang que la CEDH occupera à l’avenir dans la hiérarchie des normes de l’ordre juridique de l’Union est cependant plus délicat à déterminer.

201.

D’une part, en effet, la CEDH prendra, en tant qu’accord international conclu par l’Union, place entre le droit primaire et le reste du droit dérivé: elle l’emportera donc sur ce dernier parce qu’elle lie les institutions de l’Union (article 216, paragraphe 2, TFUE). Dans le même temps, elle aura rang inférieur par rapport au droit primaire parce que l’accord d’adhésion envisagé a été négocié par la Commission et entériné par le Conseil, de sorte qu’en tant qu’acte d’institutions de l’Union, elle sera soumise au contrôle de légalité de la Cour (article 263, paragraphe 1, TFUE, article 267, paragraphe 1, TFUE et, au stade antérieur déjà, article 218, paragraphe 11, TFUE). Le fait que cet accord d’adhésion doive être approuvé par les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives (article 218, paragraphe 8, deuxième alinéa, dernière proposition, TFUE) ne change rien à l’affaire.

202.

D’autre part, conclure que les traités fondateurs pourraient désormais prétendre sans restriction «à une primauté» par rapport à la CEDH parce que cet accord international envisagé occupe un «rang intermédiaire» entre le droit primaire et le droit dérivé de l’Union ne rendrait pas justice à la signification particulière de la CEDH pour l’ordre juridique de l’Union.

203.

En effet, il ne faut pas oublier que l’obligation de respecter les normes de protection des droits fondamentaux imposées par la CEDH a rang constitutionnel dans l’Union. C’est ce qui résulte, d’une part, de l’article 6, paragraphe 3, TUE, aux termes duquel les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. D’autre part, la Charte, qui, quant à elle, a rang de droit primaire obligatoire (article 6, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième proposition, TUE), doit être interprétée et appliquée conformément au principe qu’en raison de l’obligation d’homogénéité énoncée à l’article 52, paragraphe 3, première phrase, de la Charte, la CEDH doit être considérée comme la norme minimale de protection des droits fondamentaux au niveau de l’Union.

204.

Il résulte de ce qui précède qu’un éventuel conflit entre un droit fondamental garanti par la CEDH et une disposition du droit primaire de l’Union ne peut être résolu par un simple renvoi au rang, inférieur d’un point de vue formel, de la CEDH par rapport aux traités fondateurs de l’Union ( 131 ). Il résulte, au contraire, de l’article 6, paragraphe 3, TUE et de l’article 52, paragraphe 3, première phrase, de la Charte qu’il y a lieu de tenir compte des droits fondamentaux garantis par la CEDH dans l’interprétation et l’application du droit primaire de l’Union et qu’il faut toujours s’employer à trouver un équilibre qui épargne à la fois ces droits fondamentaux et les dispositions concernées du droit primaire.

205.

L’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH ne changera rien de fondamental à cette obligation de rechercher un équilibre respectueux des uns et des autres, obligation qui résulte d’ores et déjà de l’article 6, paragraphe 3, TUE et de l’article 52, paragraphe 3, première phrase, de la Charte.

206.

Il est possible que la Cour EDH ne définira pas toujours l’équilibre entre les exigences de la protection des droits fondamentaux, d’une part, et les impératifs de l’intérêt général ou des intérêts économiques, d’autre part, exactement de la même manière que notre Cour l’a fait jusqu’à présent dans sa jurisprudence ( 132 ). Dans cette mesure-là, le fait que les institutions de l’Union seront liées par la jurisprudence de la Cour EDH en raison de l’adhésion imminente de l’Union à la CEDH pourrait parfaitement entraîner un glissement d’accent, par exemple, dans la relation entre les droits fondamentaux et les libertés fondamentales du marché intérieur européen. Cette éventuelle évolution serait toutefois une conséquence inéluctable de l’adhésion de l’Union à la CEDH et de la reconnaissance de la juridiction de la Cour EDH telles que les auteurs du traité de Lisbonne les ont posées en prémisse à l’article 6, paragraphe 2, première phrase, TUE et à l’article 1er, sous a), du protocole no 8 ( 133 ).

207.

En conclusion, l’adhésion de l’Union à la CEDH telle que prévue dans le projet d’accord ne menace donc ni l’effet direct du droit de l’Union ni sa primauté.

3. Les mécanismes de détermination du bon défendeur dans les procédures devant la Cour EDH

208.

Il convient enfin, en troisième lieu, d’aborder les exigences de l’article 1er, sous b), du protocole no 8. Cette disposition prévoit que les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union doivent être préservées «en ce qui concerne […] les mécanismes nécessaires pour garantir que les recours formés par des États non membres et les recours individuels soient dirigés correctement contre les États membres et/ou l’Union, selon le cas».

209.

Contrairement à ce qu’un examen superficiel de la version en langue allemande, notamment, de l’article 1er, sous b), du protocole no 8 pourrait laisser penser, il s’agit moins, dans ce contexte, de communiquer («übermitteln») des recours au sens propre, mais bien plutôt de déterminer correctement le défendeur responsable. D’autres versions linguistiques de cette disposition, notamment les versions en langues française et anglaise ( 134 ), montrent qu’il s’agit de garantir que les recours formés devant la Cour EDH soient, en fonction de la situation, correctement dirigés contre les États membres ou contre l’Union, ou contre les uns et l’autre, à savoir, pour dire les choses plus simplement, qu’ils soient dirigés contre le ou les bons défendeurs.

210.

Cette exigence qu’énonce l’article 1er, sous b), du protocole no 8 s’inscrit dans un contexte spécifique: il a notamment pour particularité que les affaires relevant de l’Union mettent souvent en jeu un ensemble complexe d’actes et de compétences de l’Union et des États membres, lesquels, en particulier, sont généralement associés à la mise en œuvre du droit de l’Union. Cela crée, pour le système de la CEDH, une situation mixte inhabituelle dans laquelle des règles sont énoncées par une ou plusieurs parties à la CEDH (par les États membres de l’Union en ce qui concerne le droit primaire de celle-ci et par les institutions de l’Union en ce qui concerne son droit dérivé), règles qui sont transposées par une ou plusieurs autres parties à la CEDH (parfois par l’Union elle-même, mais le plus souvent par des instances nationales) ( 135 ). Cette situation peut créer des difficultés lorsqu’il s’agit de déterminer le bon défendeur dans les procédures engagées devant la Cour EDH à propos du droit de l’Union.

211.

L’obligation d’instaurer les «mécanismes nécessaires» à la désignation du bon défendeur à laquelle l’article 1er, sous b), du protocole no 8 subordonne l’adhésion de l’Union à la CEDH doit être analysée dans ce contexte. Elle est basée sur deux objectifs: d’une part, de tels mécanismes permettront à la Cour EDH d’exercer son contrôle avec efficacité dans les procédures de recours individuel (article 34 de la CEDH) dans l’hypothèse où le droit de l’Union s’appliquerait aux particuliers d’une manière prétendument contraire à la CEDH; ils laissent également aux autres parties à la CEDH la possibilité de s’acquitter plus efficacement de leurs missions de contrôle au moyen de la procédure d’affaires interétatiques (article 33 de la CEDH) ( 136 ). D’autre part, ils donneront à l’Union et à ses États membres la garantie de pouvoir défendre effectivement le droit de l’Union contre d’éventuels griefs qui lui seraient faits de ne pas être conforme à la CEDH.

212.

C’est à la réalisation de ces deux objectifs que doivent contribuer les règles de l’accord d’adhésion concernant l’imputation des actes, mesures ou omissions de l’Union et de ses États membres (article 1er, paragraphes 3, première phrase, et 4, première phrase, de ce projet), règles complétées par le mécanisme de la codéfense (article 3 du projet).

a) Garantie d’une surveillance efficace dans le système de contrôle de la CEDH

213.

En ce qui concerne le premier des deux objectifs poursuivis par l’article 1er, sous b), du protocole no 8, c’est-à-dire la garantie d’une surveillance efficace dans le système de contrôle de la CEDH, les règles d’imputation énoncées dans le projet d’accord permettent de désigner avec certitude le défendeur contre lequel particuliers ou parties à la CEDH doivent diriger les recours par lesquels ils dénoncent une violation de celle-ci par le droit de l’Union ou résultant de l’application du droit de l’Union.

214.

Selon ces règles d’imputation, l’Union ne doit répondre que des actes, mesures ou omissions de ses institutions, organes, organismes ou agences, ou de personnes agissant au nom de ceux-ci (article 1er, paragraphe 3, première phrase, du projet d’accord), alors que seuls les États membres doivent répondre des actes, mesures ou omissions de leurs instances nationales, même lorsque celles-ci s’en sont rendues coupables en mettant en œuvre le droit de l’Union (article 1er, paragraphe 4, première phrase, du projet d’accord).

215.

Dans le même temps, le mécanisme de codéfense a pour objet d’assurer une exécution effective des arrêts par lesquels la Cour EDH constate une violation de la CEDH résultant du droit de l’Union ou commise à l’occasion de sa mise en œuvre (article 46, paragraphe 1, de la CEDH).

Conformément à l’article 3, paragraphe 2, du projet d’accord, l’Union est censée devenir partie à la cause en qualité de codéfenderesse lorsque, en fin de compte, le recours par lequel un requérant fait grief à des instances nationales d’avoir enfreint la CEDH met en cause la compatibilité du droit de l’Union avec celle-ci ( 137 ), en particulier lorsque l’instance nationale incriminée n’aurait pu éviter la violation alléguée de la CEDH qu’en se soustrayant à une obligation lui incombant en vertu du droit de l’Union.

Conformément à l’article 3, paragraphe 3, du projet d’accord, en revanche, les États membres sont censés assumer le rôle de codéfendeur lorsqu’en définitive, le recours par lequel le requérant fait grief à une institution, un organe ou un autre organisme de l’Union d’avoir enfreint la CEDH met en cause la compatibilité du traité UE, du traité FUE ou d’autres dispositions du droit primaire ( 138 ), en particulier lorsque le défendeur n’aurait pu éviter la violation alléguée de la CEDH qu’en se soustrayant à une obligation lui incombant en vertu du droit primaire de l’Union.

216.

Pour dire les choses simplement, le défendeur est chaque fois celui à qui l’acte, la mesure ou l’omission incriminé est reproché alors que le rôle de codéfendeur est endossé par celui qui a le pouvoir de modifier, s’il échet, les dispositions du droit de l’Union dont découle cet acte, cette mesure ou cette omission ( 139 ): dans le cas du droit dérivé, il s’agit de l’Union elle-même et, dans le cas du droit primaire, des États membres de l’Union.

217.

Le fait que le projet d’accord ne prévoit pour aucune partie à la CEDH l’obligation d’endosser le rôle de codéfendeur dans une procédure engagée devant la Cour EDH pourrait toutefois poser un problème ( 140 ). En effet, il est concevable, en théorie, qu’une partie à la CEDH, qu’il s’agisse de l’Union ou d’un État membre de l’Union, renonce à demander, de sa propre initiative, l’autorisation d’intervenir en qualité de codéfendeur ou décline l’invitation que la Cour EDH lui adresse d’intervenir au côté du défendeur en qualité de codéfendeur, même lorsque les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2 ou paragraphe 3, du projet d’accord sont remplies. Pareille situation entraînerait le risque qu’un arrêt par lequel la Cour EDH constate une violation de la CEDH imputable au droit de l’Union ne puisse être exécuté de manière fiable parce qu’il n’est pas opposable à celui à qui il appartient, le cas échéant, de modifier le droit de l’Union en raison du fait qu’il n’a pas été partie à la procédure en tant que codéfendeur.

218.

À première vue, la meilleure façon de résoudre ce problème serait de rendre obligatoire la participation en tant que codéfendeur dans une procédure engagée devant la Cour EDH tant pour l’Union que pour ses États membres dès l’instant où les conditions objectives énoncées à l’article 3, paragraphe 2 ou paragraphe 3, du projet d’accord sont remplies. Automatiser ainsi le mécanisme de codéfense, au moyen d’un appel en intervention forcée par la Cour EDH, par exemple, pourrait cependant entrer en conflit avec l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union ( 141 ) parce qu’alors, les instances internes de l’Union (que ce soit au niveau de celle-ci ou au niveau de ses États membres) n’auraient plus la maîtrise de décider sous leur propre responsabilité et en dernière instance si le droit de l’Union est mis en cause et s’il est nécessaire de le défendre devant la Cour EDH.

219.

Les négociateurs ont tenu compte de ces intérêts antagonistes en prévoyant qu’à l’occasion de la signature de l’accord d’adhésion, l’Union déposerait une déclaration unilatérale ( 142 ). Dans le projet de déclaration, l’Union s’engage notamment à veiller, lorsque les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de l’accord d’adhésion sont remplies, à demander à la Cour EDH de l’autoriser à intervenir en qualité de codéfenderesse ou à accepter les invitations que la Cour EDH lui adresserait en ce sens. Pareil engagement sauvegarderait l’autonomie du droit de l’Union, d’une part, et garantirait, d’autre part, que tous les arrêts de la Cour EDH dont l’exécution exigerait l’intervention d’institutions, organes ou autres organismes de l’Union seraient opposables à celle-ci en sa qualité de codéfenderesse.

220.

Il est vrai que le projet d’accord et ses documents annexes ne prévoient aucune déclaration comparable par laquelle les États membres de l’Union s’engageraient à intervenir en qualité de codéfendeurs dans l’hypothèse où la compatibilité du droit primaire de l’Union avec la CEDH serait mise en cause devant la Cour EDH. Du point de vue du droit de l’Union, cependant, un tel engagement des États membres n’est pas impérativement nécessaire parce que l’obligation de coopération loyale que leur fait l’article 4, paragraphe 3, TUE les oblige déjà à intervenir en qualité de codéfendeurs devant la Cour EDH dans toutes les procédures qui remplissent les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 3, du projet d’accord. Cela vaut a fortiori lorsqu’une institution de l’Union somme les États membres de demander à la Cour EDH de les autoriser à intervenir en tant que codéfendeurs.

b) Garantie d’une défense efficace du droit de l’Union devant la Cour EDH

221.

En ce qui concerne le second des deux objectifs poursuivis par l’article 1er, sous b), du protocole no 8, à savoir la garantie d’une défense efficace du droit de l’Union devant la Cour EDH, sa réalisation exige que l’Union et ses États membres soient effectivement mis en mesure d’intervenir dans toute procédure engagée devant la Cour EDH lorsqu’ils le jugent nécessaire.

i) L’absence d’informations suffisantes sur les procédures pendantes devant la Cour EDH

222.

Une défense efficace du droit de l’Union exige en premier lieu que celle-ci soit fidèlement informée de toute procédure engagée devant la Cour EDH contre un ou plusieurs de ses États membres dans laquelle elle serait susceptible d’intervenir en qualité de codéfenderesse en application de l’article 3, paragraphe 2, du projet d’accord. De la même manière, les États membres de l’Union doivent être avisés de toute procédure introduite devant la Cour EDH contre l’Union à laquelle ils pourraient s’associer en qualité de codéfendeurs en vertu de l’article 3, paragraphe 3, du projet d’accord.

223.

Il semble résulter du rapport explicatif sur le projet d’accord que les négociateurs ont considéré que le système actuel de publication de tous les recours introduits devant la Cour EDH et notifiés au défendeur concerné est susceptible d’assurer la diffusion des informations nécessaires ( 143 ).

224.

L’on observera à ce sujet que, contrairement à ce que la Commission a soutenu lors de l’audience, la Cour EDH n’assure actuellement aucune publication systématique des recours engagés devant elle, pas même lorsqu’ils ont déjà été notifiés au défendeur. En particulier, la Cour EDH ne dispose pas d’un organe de diffusion équivalent au Journal officiel de l’Union européenne dont dispose notre Cour, qui publie officiellement et régulièrement les communications désignant les affaires introduites devant elle et précisant l’objet du litige. Contrairement au site Internet de notre Cour, le serveur de la Cour EDH («HUDOC»), qui est librement accessible sur Internet, ne contient aucune compilation de toutes les affaires pendantes ou nouvellement introduites. Pour autant que l’on puisse en juger, il n’est, par ailleurs, pas prévu que la Cour EDH transmette automatiquement à l’Union toutes les requêtes qu’elle notifie à un ou plusieurs de ses États membres et, inversement, il n’est pas prévu de communiquer systématiquement aux États membres de l’Union toutes les requêtes qui sont notifiées à celle‑ci.

225.

Dans ces conditions, rien n’autorise à présent à considérer que le système de notification et de publication des recours pendants tel qu’il est pratiqué à la Cour EDH soit de nature à informer de manière fiable les codéfendeurs potentiels de l’existence de toutes les procédures pour lesquelles ils pourraient être amenés à demander à la Cour EDH de les autoriser à intervenir en application de l’article 3, paragraphe 5, première phrase, du projet d’accord.

226.

Certaines parties à la présente procédure estiment qu’en raison de l’obligation de coopération loyale que leur fait l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres et les institutions de l’Union sont tenus de s’informer réciproquement des requêtes qui leur sont notifiées par la Cour EDH, obligation qui devrait, le cas échéant, être encore concrétisée dans les mesures de transposition de l’accord d’adhésion qui devront être adoptées au niveau interne de l’Union.

227.

Nous ne partageons pas cette façon de voir les choses. La possibilité pour de potentiels codéfendeurs de faire valoir leurs droits procéduraux ne peut être subordonnée à la condition qu’ils soient indirectement avisés, par d’autres parties à la procédure, de l’existence d’un recours mettant en cause le droit de l’Union. Afin de garantir la pleine efficacité pratique des possibilités d’intervenir en qualité de codéfendeur que l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5, du projet d’accord offre à l’Union et à ses États membres et de leur permettre de défendre le droit de l’Union devant la Cour EDH dans les meilleures conditions possibles, il faut que la Cour EDH elle-même ait l’obligation d’aviser automatiquement l’Union de tous les recours qu’elle a notifiés à un ou plusieurs de ses États membres et, inversement, d’aviser systématiquement tous les États membres de l’Union dès qu’elle notifie une requête à l’Union. À l’âge de la communication électronique et de la gestion informatisée des dossiers, cette obligation ne peut pas être considérée comme une charge administrative excessive qui s’imposerait à la Cour EDH. Que l’on compare avec notre Cour, qui, elle aussi, fournit les informations importantes en pratique à tous ceux qui, le cas échéant, pourraient avoir le droit d’intervenir dans la procédure ( 144 ) plutôt que d’en laisser le soin au requérant ou au défendeur dans les procédures engagées devant elle.

228.

La possibilité que l’article 3, paragraphe 5, première phrase, du projet d’accord offre à la Cour EDH d’inviter une partie contractante à intervenir en qualité de codéfenderesse ne remédie pas à l’absence d’une information systématique de l’Union et de ses États membres lorsque, dans les procédures qui s’y prêtent, elle notifie une requête au défendeur principal. En effet, cette disposition n’oblige pas la Cour EDH à adresser systématiquement de telles invitations, mais lui laisse le pouvoir discrétionnaire de choisir les affaires dans lesquelles elle juge qu’il est nécessaire de le faire.

ii) Le pouvoir de la Cour EDH d’exercer un contrôle de plausibilité lorsqu’elle est saisie d’une demande en codéfense

229.

Une défense efficace du droit de l’Union implique en outre que l’Union puisse participer à toutes les procédures engagées devant la Cour EDH qui, selon elle, mettent en cause la compatibilité du droit de l’Union avec la CEDH. Il doit également être loisible aux États membres de l’Union de participer à toutes les procédures engagées devant la Cour EDH qui, selon eux, mettent en cause la compatibilité du droit de l’Union avec la CEDH.

230.

Il résulte cependant de l’article 3, paragraphe 5, troisième phrase, du projet d’accord que la Cour EDH doit pouvoir exercer un contrôle de plausibilité lorsque l’Union et ses États membres lui demandent l’autorisation d’intervenir en qualité de codéfendeurs. Elle disposera ainsi du pouvoir discrétionnaire d’autoriser ou non une codéfense. Si quelques-unes d’entre elles se sont employées à minimiser l’importance de ce pouvoir d’appréciation, les parties à la procédure étaient globalement bien loin de s’entendre sur son étendue ( 145 ). Ces divergences de vue font apparaître que le contrôle de plausibilité envisagé fait planer de grandes incertitudes sur les possibilités de participation de codéfendeurs potentiels.

231.

Nous estimons que cet examen préalable est de nature à compromettre la réalisation de l’objectif de l’article 1er, sous b), du protocole no 8, à savoir la défense efficace du droit de l’Union devant la Cour EDH. En effet, même s’il y a lieu de s’attendre à ce que la Cour EDH fasse généralement droit aux demandes de participation des codéfendeurs, rien ne permet d’exclure cependant que, dans certains cas, elle puisse considérer que les motifs invoqués à l’appui d’une telle demande ne sont pas plausibles. En pareille hypothèse, l’Union ou ses États membres ne pourraient pas participer à une procédure engagée devant la Cour EDH bien qu’ils jugent nécessaire de défendre le droit de l’Union au cours de celle-ci.

232.

Pareille situation ne serait d’ailleurs pas compatible avec l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union. Cette autonomie implique que l’Union ou ses États membres puissent, en toute indépendance et sans qu’aucune instance étrangère au système de l’Union ait le moindre droit de peser sur eux, décider si une affaire met en cause le droit de l’Union et si, par conséquent, ils estiment nécessaire d’y intervenir en qualité de codéfendeurs.

233.

La possibilité que l’article 36, paragraphe 2, de la CEDH offre aux parties à celle-ci de participer en tant que «tiers» aux procédures engagées devant la Cour EDH ne permet pas de remédier à cette lacune manifeste dans l’aménagement du mécanisme de codéfense tel qu’il est prévu dans le projet d’accord. En effet, l’autorisation de participer en qualité de tiers prévue par cette disposition n’est pas automatique, mais laissée à l’appréciation de la Cour EDH («peut»).

234.

Il peut s’avérer intéressant, dans ce contexte, d’établir une comparaison avec les règles de procédure en vigueur devant notre Cour. Ces règles confèrent aux institutions de l’Union qui participent à la procédure législative ainsi qu’aux États membres le droit d’intervenir dans toutes les procédures pendantes sans avoir à démontrer aucunement qu’ils ont un intérêt légitime à le faire et sans que ce droit soit limité par un pouvoir d’appréciation de quelque nature que ce soit ni par aucun contrôle préalable quelconque de la plausibilité de leurs motifs par la Cour ( 146 ). Ces règles sont le reflet de la responsabilité particulière que les institutions de l’Union et les États membres assument à l’égard de l’ordre juridique de celle-ci.

c) Conclusion

235.

Tel qu’il est prévu à l’article 3 du projet d’accord, le mécanisme de codéfense envisagé ne peut être considéré comme compatible avec l’article 1er, sous b), du protocole no 8 que moyennant la garantie que les codéfendeurs potentiels seront systématiquement et sans exception informés de l’existence de toutes les procédures dans lesquelles ils seraient susceptibles de présenter une demande d’intervention en qualité de codéfendeurs conformément à l’article 3, paragraphe 5, première phrase, du projet d’accord et que d’éventuelles demandes en ce sens ne seront soumises à aucun contrôle préalable par la Cour EDH en application de l’article 3, paragraphe 5, troisième phrase, de ce projet.

4. Résultat intermédiaire

236.

En résumé, l’on retiendra que le projet d’accord ne peut être jugé compatible avec les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union que si les modifications esquissées aux points 179, 184 et 235 y sont introduites.

E – Les dispositions nécessaires à la participation de l’Union aux instances de contrôle de la CEDH

237.

L’article 1er, sous a), du protocole no 8 exige en outre que l’accord d’adhésion envisagé reflète la nécessité de préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union «en ce qui concerne […] les modalités particulières de l’éventuelle participation de l’Union aux instances de contrôle» de la CEDH.

238.

En adhérant à la CEDH, l’Union participera aux deux instances de contrôle de la CEDH: à la Cour EDH, qui est l’organe de contrôle juridictionnel, et au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, qui est l’organe de contrôle politique.

1. La participation de l’Union à la Cour EDH

239.

En ce qui concerne tout d’abord la participation de l’Union à la Cour EDH, le mécanisme de codéfense et la procédure d’implication préalable, l’un et l’autre prévus à l’article 3 du projet d’accord, constituent des modalités particulières au sens de l’article 1er, sous a), du protocole no 8. Comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, ces modalités sont foncièrement de nature à préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union en cas d’adhésion de celle‑ci à la CEDH. Il suffira simplement d’y apporter quelques modifications, compléments et précisions ponctuels en ce qui concerne le fonctionnement de ces mécanismes ( 147 ).

240.

Que l’Union ait en outre le droit de participer à l’élection des juges de la Cour EDH par le truchement d’une délégation du Parlement à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (article 6 du projet d’accord et article 22 de la CEDH) va de soi. Il en est de même du droit de l’Union de proposer ses propres candidats à un poste de juge à la Cour EDH. Il ne sera pas nécessaire de prendre des mesures particulières pour préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union à cet égard. Pour se conformer à l’article 1er, sous a), du protocole no 8, il suffira, au contraire, qu’en sa qualité de partie à la CEDH investie des mêmes droits, l’Union participe, comme le prévoit le projet d’accord, à l’élection des juges de la Cour EDH et qu’en tant que membre à part entière de celle-ci, le juge désigné sur sa proposition prenne part à ses travaux de juridiction ( 148 ).

2. La participation de l’Union au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe

241.

En ce qui concerne ensuite la participation de l’Union aux travaux du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, l’article 7 du projet d’accord, lu en combinaison avec la «règle no 18» en projet ( 149 ), contient quelques règles particulières concernant les majorités requises pour l’adoption des décisions de ce Comité lorsque celui-ci s’acquitte de sa mission de contrôle de l’exécution des arrêts définitifs de la Cour EDH (article 46, paragraphes 2 à 5, de la CEDH) et de la mise en œuvre des règlements amiables (article 39, paragraphe 4, de la CEDH) dans les affaires où l’Union est partie.

242.

En particulier, le paragraphe 2 de la règle no 18 prévoit qu’un quart des voix des représentants ayant le droit de siéger au Comité des Ministres est suffisant pour adopter définitivement des décisions de saisir la Cour EDH. Une telle «hyperminorité» permet donc de saisir la Cour EDH de demandes d’interprétation de ses arrêts ou de recours en manquement.

243.

Ces règles particulières ont été adoptées parce qu’en raison du devoir de collaboration loyale que leur fait le droit de l’Union (article 4, paragraphe 3, TUE), l’Union et les États membres siégeant au Comité des Ministres voteront de manière coordonnée dans les affaires mettant en cause le droit de l’Union pour violation potentielle de la CEDH ( 150 ). Afin de permettre néanmoins un contrôle externe efficace des actes, mesures et omissions de l’Union et de ses États membres par le Comité des Ministres, les règles de vote ont dû être adaptées de manière à ce qu’à elle seule, l’Union ne puisse pas bloquer l’adoption d’une décision ( 151 ).

244.

Certes, ces règles particulières ont pour effet de conférer aux États membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas États membres de l’Union un poids considérable dans les travaux du Comité des Ministres lorsqu’il s’agit de contrôler que l’Union s’acquitte correctement des obligations que lui impose la CEDH. Elles peuvent avoir pour effet que, bien qu’ils soient en réalité majoritaires si l’on s’en tient aux seuls chiffres, l’Union et ses États membres soient «mis en minorité» dans les votes ayant pour objet le contrôle d’arrêts et de règlements amiables intervenus dans des affaires dans lesquelles l’Union est partie. Comme le Comité des Ministres est un organe politique, il ne peut pas non plus être exclu qu’en cas de division, les États membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’Union adoptent un vote qui ne tienne pas compte des particularités de l’Union et du droit de l’Union comme il conviendrait de le faire.

245.

Il est cependant consubstantiel d’un système de garantie collective assorti d’un contrôle externe effectif ( 152 ) que les États membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’Union puissent susciter de telles décisions contre la volonté de l’Union et de ses États membres lorsqu’ils estiment que l’Union ne s’est pas acquittée des obligations qui résultent pour elle d’un arrêt de la Cour EDH ou d’un règlement amiable auquel elle a souscrit. En l’absence des règles particulières en projet, l’Union et ses États membres disposeraient, dans les affaires qui les concernent, d’un droit de veto au Comité des Ministres, ce qui, en définitive, aurait des conséquences absurdes pour le système du contrôle externe.

246.

La menace que cela représente pour les particularités de l’Union et du droit de l’Union paraît néanmoins négligeable en ce que le Comité des Ministres ne statue pas lui-même définitivement sur le point de savoir si l’Union a correctement exécuté un arrêt dirigé contre elle ou un règlement amiable auquel elle aurait souscrit. En effet, une décision adoptée en Comité des Ministres pour d’éventuels motifs politiques aurait pour seule conséquence que la Cour EDH serait (à nouveau) saisie du contrôle juridique de l’affaire.

247.

En résumé, les règles gouvernant les travaux du Comité des Ministres semblent donc de nature à préserver des particularités de l’Union en ce qui concerne sa participation aux instances de contrôle de la CEDH. Elles n’appellent aucune réserve concernant leur compatibilité avec les traités.

3. Résultat intermédiaire

248.

Eu égard à tout ce qui précède (et sans préjudice des remarques que nous avons faites aux points 135, 179, 184 et 235 plus haut ni de celle que nous exposerons au point 265 plus bas), aucun élément n’indique donc que les règles de participation de l’Union aux instances de contrôle de la CEDH qui sont énoncées dans le projet d’accord soient susceptibles de porter atteinte aux particularités spécifiques de l’Union et du droit de l’Union ou d’être incompatibles par ailleurs avec les traités.

F – La prise en considération de la situation particulière des États membres à l’égard de la CEDH

249.

Enfin, l’article 2, deuxième phrase, du protocole no 8 exige qu’aucune des dispositions de l’accord d’adhésion envisagé n’affecte «la situation particulière des États membres» de l’Union à l’égard de la CEDH, et cela à trois points de vue en particulier:

premièrement, à l’égard des protocoles additionnels à la CEDH (section 1 ci-dessous);

deuxièmement, à l’égard d’éventuelles mesures d’urgence que les États membres adopteraient en application de l’article 15 de la CEDH (section 2 plus bas) et

troisièmement, à l’égard d’éventuelles réserves que les États membres de l’Union formuleraient en application de l’article 57 de la CEDH (section 3 plus loin).

250.

Outre ces trois aspects, il nous faudra aborder le risque qu’une adhésion de l’Union à la CEDH pourrait représenter pour la situation particulière des États membres à l’égard de la CEDH en ce qui concerne le mécanisme de codéfense (section 4 plus loin).

1. La situation particulière des États membres à l’égard des protocoles additionnels à la CEDH

251.

En ce qui concerne tout d’abord la situation particulière des États membres de l’Union à l’égard des protocoles additionnels à la CEDH, il ne faut pas oublier que tous les États membres n’ont pas nécessairement ratifié tous ces textes juridiques ( 153 ). C’est la raison pour laquelle l’article 2, deuxième phrase, du protocole no 8 a pour objet de garantir que l’adhésion de l’Union à la CEDH n’aura pas pour effet indirect que des États membres seraient liés par des protocoles additionnels à la CEDH auxquels ils ne sont pas (encore) parties eux‑mêmes.

252.

Or, l’accord d’adhésion envisagé n’entraînera, en tout état de cause, qu’une adhésion de l’Union aux protocoles additionnels no 1 et no 6 à la CEDH. Tous les États membres sont déjà parties à ces protocoles. Par conséquent, il n’existe pas de «situation particulière des États membres» que l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH pourrait affecter.

253.

Il n’y a pas de raison d’examiner dans le cadre de la présente procédure d’avis le point de savoir si une éventuelle adhésion ultérieure de l’Union à d’autres protocoles additionnels à la CEDH auxquels tous les États membres ne seraient pas parties serait compatible avec les règles de droit primaire qui figurent à l’article 2, deuxième phrase, du protocole no 8 parce qu’à l’heure actuelle, il s’agit d’une question purement hypothétique étrangère à la procédure d’adhésion actuelle. Indépendamment de cela, il appartient aux États membres eux-mêmes, eu égard à la règle de ratification particulière énoncée à l’article 218, paragraphe 8, deuxième alinéa, dernière phrase, TFUE, de veiller, lors de toute adhésion future de l’Union à un protocole additionnel à la CEDH, à la cohérence entre les obligations de droit international auxquelles l’Union souscrirait et leurs propres obligations.

254.

Nous ne voudrions pas manquer de rappeler qu’en ce qui concerne le fond, le droit de l’Union s’inspire depuis longtemps déjà des protocoles additionnels à la CEDH, même lorsque tous les États membres n’y sont pas parties. D’une part, de tels protocoles additionnels sont pris en considération dans le cadre de la Charte et des droits fondamentaux ( 154 ) et, d’autre part, ils peuvent jouer un rôle lorsqu’il s’agit de déterminer le contenu de principes généraux du droit de l’Union ( 155 ) (voir également article 6, paragraphe 3, TUE). Rien ne permet d’exclure que ces renvois que le droit de l’Union et les juridictions de l’Union font au contenu de protocoles additionnels à la CEDH puissent affecter la situation des États membres à l’égard de celle-ci, par exemple, en ce qui concerne les obligations qui leur incombent lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. Il ne s’agit cependant là que d’un phénomène qui se produit déjà en l’état actuel du droit de l’Union et non pas d’une conséquence de l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH.

255.

Par conséquent, l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH n’entraînerait aucune modification de la situation des États membres à l’égard des protocoles additionnels à la CEDH, modification que l’article 2, deuxième phrase, du protocole no 8 a pour objet d’empêcher.

2. La situation particulière des États membres à l’égard de l’article 15 de la CEDH

256.

La clause d’urgence énoncée à l’article 15 de la CEDH permet aux parties à celle-ci d’adopter, dans certaines limites, des «mesures» par lesquelles elles dérogeraient aux obligations que leur impose la CEDH «en cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation».

257.

L’adhésion de l’Union à la CEDH ne changera rien à cette possibilité qui est offerte aux États membres d’adopter des mesures d’urgence. Aucune disposition du projet d’accord ne restreint le pouvoir qu’ils ont de faire usage de l’article 15 de la CEDH. Le fait qu’à la suite de l’adhésion de l’Union à la CEDH, celle-ci fera partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et que, conformément à l’article 216, paragraphe 2, TFUE, elle bénéficiera de la primauté du droit de l’Union sur le droit national ( 156 ) n’affecte pas lui non plus l’application de mesures d’urgence par les États membres. En effet, à l’instar des autres dispositions de la CEDH, l’article 15 de celle-ci sera incorporé au droit de l’Union. Par ailleurs, le droit de l’Union contient lui-même, à l’article 347 TFUE, une clause d’urgence comparable à celle que comporte l’article 15 de la CEDH et qui permet aux États membres d’adopter, en substance, les mêmes mesures que celles qu’ils sont en droit d’adopter en application de la CEDH.

258.

Il n’existe donc aucune raison de craindre que l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH affecte de quelque manière que ce soit la situation particulière des États membres à l’égard de l’article 15 de la CEDH.

3. La situation particulière des États membres à l’égard des réserves de droit international qu’ils formuleraient à l’encontre de la CEDH

259.

Il faut encore examiner si le projet d’accord est susceptible d’affecter la situation particulière des États membres qui auraient formulé des réserves de droit international à l’encontre de l’une ou l’autre disposition de la CEDH, comme l’article 57 de la CEDH leur permet de le faire. Cette problématique peut être abordée sous deux angles distincts: d’une part, elle peut l’être par rapport au principe de la responsabilité conjointe du défendeur et du codéfendeur prévue par l’accord d’adhésion [section a) ci-dessous] et, d’autre part, sous l’angle de la primauté du droit de l’Union sur le droit national au bénéfice de laquelle l’adhésion de l’Union fera participer la CEDH [section b) plus bas].

a) Le principe de la responsabilité conjointe du défendeur et du codéfendeur

260.

Un des objectifs de la règle énoncée à l’article 2, deuxième phrase, du protocole no 8 est d’éviter qu’en raison de l’adhésion de l’Union à la CEDH, un État membre de l’Union puisse être condamné par la Cour EDH en raison d’une violation d’une disposition de la CEDH contre laquelle, précisément, il a, en sa qualité de partie à celle-ci, formulé une réserve de droit international.

261.

Contrairement à ce que semble penser la Commission, les règles qui figurent à l’article 1er, paragraphes 3 et 4, du projet d’accord ne permettent aucunement d’écarter le risque d’une telle condamnation par la Cour EDH.

262.

Certes, l’article 1er, paragraphe 3, de l’accord d’adhésion précise que l’adhésion de l’Union à la CEDH ne lui imposera des obligations qu’en ce qui concerne des actes, mesures ou omissions de ses institutions, organes, organismes ou agences, ou de personnes agissant en leur nom. L’article 1er, paragraphe 4, du projet d’accord ajoute que les actes, mesures ou omissions d’instances nationales ne peuvent être imputés qu’à l’État membre concerné, même lorsque cet acte, cette mesure ou cette omission survient lorsque l’État met en œuvre le droit de l’Union.

263.

Néanmoins, au nombre des éléments fondamentaux du projet d’accord figure le mécanisme de codéfense déjà évoqué à plusieurs reprises et, corrélativement, la règle de la responsabilité conjointe de l’Union et d’un ou plusieurs États membres lorsqu’une violation de la CEDH intervient à l’occasion de la mise en œuvre du droit de l’Union (article 3, paragraphe 7, du projet d’accord).

264.

Cette règle est susceptible de créer des situations dans lesquelles la Cour EDH condamnerait un ou plusieurs États membres intervenant en qualité de codéfendeur(s) (article 3, paragraphe 3, du projet d’accord) aux côtés de l’Union pour répondre d’une violation d’un droit fondamental garanti par la CEDH bien qu’en sa ou leur qualité de partie(s) à la CEDH, le ou les États membres concernés aient formulé une réserve de droit international à l’encontre de la disposition de la CEDH dont il s’agit. En pareil cas, l’adhésion de l’Union à la CEDH et la règle de la responsabilité conjointe qui viendrait à s’appliquer en raison de celle-ci pourraient avoir pour effet d’élargir la responsabilité des États membres concernés au-delà des obligations internationales auxquelles ils ont eux-mêmes souscrits en tant que parties à la CEDH.

265.

Cet aménagement du projet d’accord est en contradiction flagrante avec l’article 2, deuxième phrase, du protocole no 8 aux termes duquel l’adhésion de l’Union à la CEDH ne peut pas avoir pour effet d’affecter la situation particulière des États membres à l’égard de la CEDH. Dans ces conditions, l’Union ne peut conclure l’accord d’adhésion qui est envisagé que si l’on inscrit dûment dans celui-ci que le principe de la responsabilité conjointe du défendeur et du codéfendeur s’applique sans préjudice d’éventuelles réserves que les parties à la CEDH auraient formulées en application de l’article 57 de celle-ci.

b) La CEDH en tant que partie intégrante du droit de l’Union bénéficiant de la primauté de celui-ci

266.

En outre, il ne fait aucun doute qu’en comparaison avec la situation juridique actuelle, l’adhésion de l’Union entraînera pour les États membres un engagement plus fort à l’égard de la CEDH sur le plan interne de l’Union également. En effet, comme nous l’avons déjà rappelé à plusieurs reprises, cette adhésion aura pour effet que la CEDH deviendra partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et que, conformément à l’article 216, paragraphe 2, TFUE, elle bénéficiera de la primauté du droit de l’Union sur le droit national ( 157 ).

267.

Dans la majorité des cas, cela ne devrait certes guère avoir d’effets pratiques puisqu’indépendamment de l’adhésion de l’Union à la CEDH (article 6, paragraphe 2, TUE), le droit de l’Union garantit déjà de nombreux droits fondamentaux, qui offrent, que ce soit dans le cadre de la Charte (article 6, paragraphe 1, TUE) ou sous la forme de principes généraux du droit (article 6, paragraphe 3, TUE), un niveau de protection à tout le moins aussi élevé, voire supérieur à celui qu’assurent les droits consacrés par la CEDH. Tous les États membres sont de toute façon déjà tenus, sans restriction, de respecter ces droits fondamentaux inscrits dans le droit de l’Union lorsqu’ils mettent en œuvre celui-ci au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, qu’ils aient ou non, en leur qualité de parties à la CEDH, formulé des réserves internationales à l’encontre de dispositions comparables de la CEDH ou de ses protocoles additionnels.

268.

À supposer, néanmoins, qu’un droit déterminé ne soit reconnu que dans la seule CEDH et ne puisse pas en même temps être déduit de la Charte ou des principes généraux du droit de l’Union, même dans un cas aussi peu probable, l’article 216, paragraphe 2, TFUE obligerait les États membres à le respecter lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En pareil cas, un État membre pourrait donc, à l’avenir, se voir contraint par le droit de l’Union à respecter une disposition de la CEDH contre laquelle, en sa qualité de partie à celle-ci, il aurait éventuellement émis une réserve.

269.

Ces éventuels effets de l’article 216, paragraphe 2, TFUE sur la position juridique des États membres relèvent néanmoins d’une problématique qui concerne exclusivement le droit de l’Union et qui ne peut donc pas être traitée dans l’accord d’adhésion envisagé, car elle doit être résolue uniquement au plan interne de l’Union dans le cadre de l’autonomie du droit de celle-ci ( 158 ). Il suffit de constater aux fins de la présente procédure d’avis que l’article 2, paragraphe 2, du protocole no 8 n’exige en aucune façon d’inscrire dans le projet d’accord une règle à ce sujet en ce qui concerne les relations juridiques entre l’Union et ses États membres. Au contraire, pareille règle qui figurerait dans l’accord d’adhésion entrerait nécessairement en conflit avec l’autonomie du droit de l’Union.

4. La situation particulière des États membres dans le cadre du mécanisme de codéfense

270.

L’on observera en dernier lieu que l’énumération, à l’article 2, deuxième phrase, du protocole no 8, des aspects sous lesquels la situation particulière des États membres à l’égard de la CEDH doit être préservée n’est pas exhaustive (puisqu’elle est précédée du mot «notamment»). Il est donc possible que l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH soulève d’autres problèmes juridiques qui ne sont pas expressément mentionnés et qui, le cas échéant, pourraient avoir une incidence sur la situation particulière des États membres.

271.

Dans ce contexte, il nous semble indiqué de revenir brièvement au mécanisme de codéfense prévu à l’article 3 du projet d’accord.

272.

Comme nous l’avons déjà dit plus haut, la participation de l’Union ou de ses États membres aux procédures engagées devant la Cour EDH en qualité de codéfendeurs telle qu’elle est prévue par le projet d’accord n’est pas automatique ( 159 ). À supposer que, contre tout attente, l’Union n’intervienne pas en qualité de codéfenderesse dans une procédure de recours engagée contre un ou plusieurs de ses États membres bien que les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, du projet d’accord soient remplies, la Cour EDH ne pourrait pas l’y contraindre. Elle devrait se contenter d’imputer la responsabilité de la violation de la CEDH qu’elle serait amenée à constater au(x) seul(s) État(s) membre(s) défendeur(s) (article 46, paragraphe 1, de la CEDH), même s’il(s) s’en étai(en)t rendu(s) coupable(s) à l’occasion de la mise en œuvre du droit à l’Union.

273.

Ce risque résiduel pour les États membres d’avoir, le cas échéant, à répondre de violations de la CEDH imputables au droit de l’Union entraîne-t-il une atteinte à leur situation à l’égard de la CEDH au sens de l’article 2, deuxième phrase, du protocole no 8? Nous pensons que non.

274.

D’une part, les États membres sont d’ores et déjà confrontés à ce risque de condamnation, même si l’Union n’adhère pas à la CEDH. En effet, il est d’ores et déjà établi qu’en l’état actuel du droit, les États membres de l’Union ne peuvent pas se soustraire aux responsabilités de droit international qui leur incombent dans le cadre de la CEDH en transférant des droits souverains à l’Union. Il est d’ailleurs, d’ores et déjà, possible aujourd’hui de saisir la Cour EDH de recours dirigés contre les États membres de l’Union qui auraient pour objet de les entendre condamner pour des violations alléguées de la CEDH résultant du transfert de droits souverains à l’Union. La Cour EDH, quant à elle, examine ces recours, mais applique encore, jusqu’à ce jour, un critère de contrôle restreint, comme elle l’a fait dans sa jurisprudence Bosphorus ( 160 ). Quand bien même elle utiliserait, après l’adhésion de l’Union à la CEDH, un critère plus strict que celui sur lequel elle s’est fondée dans la jurisprudence Bosphorus, cela ne modifierait rien de fondamental à l’obligation qu’ont toujours eu les États membres de respecter la CEDH sans pouvoir se soustraire à cette contrainte en déléguant des pouvoirs souverains à des organismes internationaux.

275.

D’autre part, la déclaration unilatérale que l’Union envisage de faire et dont le texte fait partie des documents annexes du projet d’accord qui ont été transmis à la Cour fournit, si l’on tient compte en même temps de l’autonomie du droit de l’Union, une garantie appropriée que l’Union ne laisse pas ses États membres «dans l’embarras» devant la Cour EDH lorsque les conditions de l’article 3, paragraphe 2, du projet d’accord lui permettant d’intervenir en tant que codéfenderesse sont remplies.

276.

Il résulte de l’exposé qui précède que le fait que l’Union ne soit pas automatiquement appelée en intervention en qualité de codéfenderesse dans toutes les procédures mettant en cause le droit de l’Union qui sont dirigées contre ses États membres, mais qu’elle puisse décider de manière autonome d’y participer, n’entraîne aucune modification fondamentale de la situation des États membres à l’égard de la CEDH. A fortiori, l’adhésion de l’Union à la CEDH ne peut pas entraîner une détérioration de leur situation par rapport à celle qui était la leur avant cette adhésion.

5. Résultat intermédiaire

277.

En résumé, il n’y a donc aucune raison de craindre que le projet d’accord puisse affecter la situation particulière des États membres à l’égard de la CEDH au sens de l’article 2, deuxième phrase, du protocole no 8 à condition que la précision évoquée au point 265 plus haut y soit inscrite.

G – Remarque finale

278.

L’examen du projet d’accord à la lumière des critères juridiques énoncés à l’article 6, paragraphe 2, TUE et dans le protocole no 8 ainsi qu’à la lumière de la déclaration no 2 n’a fourni aucun élément qui puisse sérieusement mettre en cause la compatibilité de l’adhésion envisagée de l’Union à la CEDH avec les traités. Ce projet nécessite uniquement quelques modifications ou compléments relativement mineurs, qui pourront être apportés sans grande peine.

279.

Dans ces conditions, nous pensons qu’il ne serait pas très constructif de déclarer que, dans sa rédaction actuelle, le projet d’accord serait incompatible avec les traités. Au contraire, la Cour devrait poursuivre dans la ligne dont elle a jeté les bases dans son deuxième avis sur l’Espace économique européen ( 161 ) et dire pour droit que le projet d’accord est compatible avec les traités à condition qu’y soient inscrits les modifications, compléments et précisions que nous avons proposés.

VII – Conclusion

280.

Eu égard à l’exposé qui précède, nous proposons à la Cour de formuler son avis dans le sens suivant:

Le projet d’accord révisé portant adhésion de l’Union européenne à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), projet présenté à Strasbourg le 10 juin 2013, est compatible avec les traités à condition que soit garanti d’une manière obligatoire en droit international

qu’afin de pouvoir, le cas échéant, présenter des demandes d’intervention en qualité de codéfendeurs dans les procédures engagées devant la Cour EDH conformément à l’article 3, paragraphe 5, du projet d’accord, l’Union et ses États membres soient systématiquement et sans exception avisés de tous les recours introduits devant celle-ci dans la mesure où et aussitôt que les requêtes y afférentes sont notifiées au défendeur concerné;

que les demandes d’intervention en qualité de codéfendeurs, que l’Union et ses États membres introduiraient en application de l’article 3, paragraphe 5, du projet d’accord, ne soient soumises à aucune forme de contrôle de plausibilité par la Cour EDH;

que l’implication préalable de la Cour de justice de l’Union européenne prévue à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord s’étende à toutes les questions juridiques concernant l’interprétation conforme à la CEDH du droit primaire et du droit dérivé de l’Union;

que la Cour EDH ne puisse renoncer à engager la procédure d’implication préalable prévue à l’article 3, paragraphe 6, du projet d’accord que lorsqu’il est manifeste que la Cour de justice de l’Union européenne s’est déjà prononcée sur la question de droit concrète qui fait l’objet du recours pendant devant la Cour EDH;

que le principe de la responsabilité conjointe du défendeur et du codéfendeur prévue à l’article 3, paragraphe 7, du projet d’accord n’ait aucune incidence sur les éventuelles réserves que les parties contractantes auraient formulées conformément à l’article 57 de la CEDH et

que, pour le surplus, la Cour EDH ne puisse en aucune circonstance s’écarter du principe de la responsabilité du défendeur et du codéfendeur énoncé à l’article 3, paragraphe 7, du projet d’accord lorsqu’elle constate des violations de la CEDH.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Signée à Rome le 4 novembre 1950.

( 3 ) Lorsqu’elle s’est penchée pour la première fois sur cette question, la Cour, comme chacun sait, a constaté, le 28 mars 1996, que la Communauté européenne de l’époque ne disposait pas de la compétence qui lui aurait permis d’adhérer à la CEDH (avis 2/94, EU:C:1996:140, point 36 et dispositif).

( 4 ) Cette disposition reprend les orientations de sa devancière, à savoir l’article I‑9, paragraphe 2, du traité établissant une Constitution pour l’Europe, qui s’est soldé par un échec (traité signé à Rome le 29 octobre 2004, JO 2004, C 310, p. 1).

( 5 ) Rapport final au CDDH, doc. No 47+1(2013)008 rev2, présenté à Strasbourg le 10 juin 2013 (ci-après le «rapport final»).

( 6 ) Ci-après le «projet d’accord».

( 7 ) Ci-après le «rapport explicatif».

( 8 ) Point 9 du rapport final.

( 9 ) Protocole (no 8), relatif à l’article 6, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, sur l’adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

( 10 ) Déclaration no 2 annexée à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007.

( 11 ) Avis 2/94 (EU:C:1996:140, point 3), 1/08 (EU:C:2009:739, point 107) et 1/09 (EU:C:2011:123, point 47).

( 12 ) Avis 2/94 (EU:C:1996:140, points 20 à 22) et 1/09 (EU:C:2011:123, point 49).

( 13 ) Avis 2/94 (EU:C:1996:140, point 20).

( 14 ) Avis 1/09 (EU:C:2011:123, point 55).

( 15 ) Arrêts Parlement/Conseil (C‑70/88, EU:C:1990:217, point 22) et Parlement/Conseil (C‑133/06, EU:C:2008:257, point 57) ainsi qu’avis 1/09 (EU:C:2011:123, point 55).

( 16 ) Dans certains cas, cette situation pourrait être imputable à une violation de l’obligation de saisir la Cour à titre préjudiciel qui incombe aux juridictions de dernière instance en vertu de l’article 267, paragraphe 3, TFUE. Elle peut cependant tout aussi bien être la conséquence d’une des trois exceptions à cette obligation de saisine à titre préjudiciel que la Cour a reconnues dans sa jurisprudence «Cilfit» (voir essentiellement arrêt Cilfit e.a., 283/81, EU:C:1982:335).

( 17 ) Points 33 à 104 de la présente prise de position.

( 18 ) Points 105 à 156 de la présente prise de position.

( 19 ) Points 157 à 236 de la présente prise de position.

( 20 ) Points 237 à 248 de la présente prise de position.

( 21 ) Points 249 à 279 de la présente prise de position.

( 22 ) Voir points 162 à 196 et, en ce qui concerne plus particulièrement la PESC, points 185 à 194 de la présente prise de position.

( 23 ) Voir points 82 à 103 de la présente prise de position.

( 24 ) Voir article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE et article 51, paragraphe 2, de la Charte, dans lesquels est finalement repris le contenu de l’article I‑9, paragraphe 2, deuxième phrase, et de l’article II‑111, paragraphe 2, du traité établissant une Constitution pour l’Europe.

( 25 ) Voir, en ce sens, avis 2/94 (EU:C:1996:140, point 35, dernière phrase).

( 26 ) Ce principe s’exprime notamment à l’article 218, paragraphe 11, deuxième phrase, TFUE.

( 27 ) Voir, en ce sens, également, arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 285), aux termes duquel les obligations qu’impose un accord international ne sauraient avoir pour effet de porter atteinte aux principes constitutionnels des traités.

( 28 ) Bien auparavant déjà, la Cour a statué dans le même sens: voir, parmi de nombreux autres, arrêts Hauer (44/79, EU:C:1979:290, points 15 et 17), Johnston (222/84, EU:C:1986:206, point 18) et Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 283).

( 29 ) Avis 2/94 (EU:C:1996:140, point 27).

( 30 ) Point 2 de la résolution du Parlement européen du 19 mai 2010 sur les aspects institutionnels de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, doc. P7_TA(2010)0184 (2009/2241/INI) (ci-après la «résolution du Parlement de 2010»).

( 31 ) Voir article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, du projet d’accord.

( 32 ) Voir également point 17 du rapport explicatif.

( 33 ) La doctrine AETR remonte à l’arrêt Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32, points 15 à 19); un résumé plus récent figure notamment dans l’avis 1/03 (EU:C:2006:81, points 114 à 133).

( 34 ) Arrêts Haegeman (181/73, EU:C:1974:41, point 5), IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, point 36) ainsi que Air Transport Association of America e.a. (C‑366/10, EU:C:2011:864, point 73).

( 35 ) Avis 1/92 (EU:C:1992:189, point 32) et 1/09 (EU:C:2011:123, point 75).

( 36 ) Voir, dans le même sens, avis 1/00 (EU:C:2002:231, point 24).

( 37 ) Voir, en ce sens, avis 1/00 (EU:C:2002:231, point 14 lu en combinaison avec les points 18 et 23).

( 38 ) Document de réflexion de la Cour de justice de l’Union européenne sur certains aspects de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, document qui a été présenté le 5 mai 2010 et qui peut être consulté sur la page Internet de la Cour de justice de l’Union européenne à l’adresse http://curia.europa.eu/jcms/jcms/P_64268/ (consultée pour la dernière fois le 12 mai 2014), en particulier points 9, 11 et 12; voir, dans le même sens, Communication commune des présidents de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne, à la suite de la rencontre entre les deux juridictions en janvier 2011, communication publiée le 24 janvier 2011, qui peut être consultée sur la page Internet de la Cour de justice de l’Union européenne à l’adresse http://curia.europa.eu/jcms/jcms/P_64268/ (consultée pour la dernière fois le 12 mai 2014), en particulier point 2, dernier alinéa.

( 39 ) Voir points 121 à 135 et 180 à 184 de la présente prise de position.

( 40 ) Les nouvelles dispositions du statut de la Cour devraient, le cas échéant, être complétées par quelques règles de détail supplémentaires dans le règlement de procédure de la Cour.

( 41 ) Voir à ce sujet également point 11 de la déclaration des parties contractantes à la CEDH présentée à Brighton au mois d’avril 2012 à l’occasion de la conférence à haut niveau sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme («Déclaration de Brighton»), déclaration qui peut être consultée en français et en anglais sur la page Internet du Conseil de l’Europe à l’adresse http://hub.coe.int/de/20120419-brighton-declaration/ (visitée pour la dernière fois le 14 mai 2014).

( 42 ) Recommandation no R (2000) 2 du Comité des Ministres aux États membres sur le réexamen ou la réouverture de certaines affaires au niveau interne à la suite des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Les motifs de révision prévus à l’article 580, point 8, du code de procédure civile allemand et à l’article 359, point 6, du code de procédure pénale allemand, par exemple, pourraient servir de modèle.

( 43 ) Voir points 64 à 74 de la présente prise de position.

( 44 ) À propos de la question apparentée de savoir si les particularités de la PESC font obstacle à une reconnaissance de la juridiction de la Cour EDH par l’Union, voir points 185 à 195 de la présente prise de position.

( 45 ) Conformément au point 23 du rapport explicatif, la responsabilité de l’Union joue indépendamment du contexte dans lequel interviennent les actes, mesures ou omissions de ses institutions, organes ou autres organismes; elle inclut expressément les affaires concernant la PESC; voir à titre complémentaire article 3, paragraphe 2, du projet d’accord, qui inclut dans la responsabilité de l’Union des décisions qu’elle adopte sur la base du traité UE.

( 46 ) Les juges de Strasbourg vérifient de manière très approfondie pour chaque cas d’espèce si une réserve formulée par une partie contractante est licite et, en particulier, si elle est formulée de manière suffisamment précise; voir Cour eur. D. H., arrêt Grande Stevens e.a. c. Italie du 4 mars 2014 (recours nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et 18698/10, § 204 à 211).

( 47 ) Une minorité des États membres parties à la procédure d’avis s’est exprimée dans un sens analogue.

( 48 ) Tant dans leurs observations écrites qu’orales, la République française, le Royaume-Uni et le Conseil ont émis des opinions particulièrement tranchées contre la position défendue par la Commission.

( 49 ) D’une manière générale, sur la possibilité de tenir compte de la genèse des dispositions des traités aux fins de leur interprétation, voir arrêts Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 135), Commission/Parlement et Conseil (C‑427/12, EU:C:2014:170, point 36) et Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 50, 59 et 70) ainsi que point 32 des conclusions que nous avons présentées dans cette dernière affaire (EU:C:2013:21).

( 50 ) Adoptée par la Convention européenne le 13 juin 2003 et le 10 juillet 2003, soumis au président du Conseil européen réuni à Rome le 18 juillet 2003.

( 51 ) Secrétariat de la Convention européenne, rapport complémentaire sur la question du contrôle juridictionnel de la politique étrangère et de sécurité commune [CONV 689/1/03, du 16 avril 2003, point 5 et point 7, lettre c] et note de transmission du Praesidium sur les articles concernant la Cour de justice et le Tribunal (CONV 734/03, du 2 mai 2003; voir en particulier les explications sur le projet d’article 240a).

( 52 ) Voir à ce sujet arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:623, point 97) ainsi que points 112 et 113 de nos conclusions dans cette affaire (EU:C:2013:21).

( 53 ) Arrêts Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166), Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P, EU:C:2007:115), Segi e.a./Conseil (C‑355/04 P, EU:C:2007:116) ainsi que Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008: 461).

( 54 ) Arrêts Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166, point 23), Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P, EU:C:2007:115, point 51) ainsi que Segi e.a./Conseil (C‑355/04 P, EU:C:2007:116, point 51); dans le même sens, arrêts Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 281), E et F (C‑550/09, EU:C:2010:382, point 44), Pologne/Commission (C‑336/09 P, EU:C:2012:386, point 36) et Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 91).

( 55 ) Arrêt Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166, point 25).

( 56 ) Traité sur l’Union européenne dans la version du traité d’Amsterdam.

( 57 ) Arrêts Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P, EU:C:2007:115, points 46 à 48) et Segi e.a./Conseil (C‑355/04 P, EU:C:2007:116, points 46 à 48).

( 58 ) Voir, dans le même sens, bien que cela concerne la situation juridique qui prévalait avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, arrêts Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P, EU:C:2007:115, point 50) et Segi e.a./Conseil (C‑355/04 P, EU:C:2007:116, point 50).

( 59 ) Avis 1/09 (EU:C:2011:123, point 66) et arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 90).

( 60 ) Voir également, en ce sens, même si cela concerne la situation juridique qui prévalait avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les conclusions que l’avocat général Mengozzi a présentées dans l’affaire Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P et C‑355/04 P, EU:C:2006:667, en particulier points 99 et 104).

( 61 ) Voir déjà, dans le même sens, arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 41), Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P, EU:C:2007:115, point 56), Segi e.a./Conseil (C‑355/04 P, EU:C:2007:116, point 56) et Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 100 et 101).

( 62 ) C’est dans ce sens-là également que l’article 1er, paragraphe 4, première phrase, du projet d’accord prévoit que les actes, mesures ou omissions d’organes nationaux agissant en exécution du droit de l’Union sont imputables aux États membres.

( 63 ) Voir également, en ce sens, même si le contexte était quelque peu différent, points 121 à 132 des conclusions que l’avocat général Mengozzi a présentées dans l’affaire Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil (C‑354/04 P et C‑355/04 P, EU:C:2006:667).

( 64 ) Voir points 88 à 95 de la présente prise de position.

( 65 ) Arrêt Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, points 15 à 20).

( 66 ) Voir, en ce sens, avis 1/91 (EU:C:1991:490, point 46) et arrêt Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, point 169), dans lequel la Cour a évoqué, à propos de son rôle, les «fondements de la Communauté» et un «trait fondamental du système judiciaire de la Communauté»; voir, dans le même sens, arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 285 et 304).

( 67 ) Avis 1/91 (EU:C:1991:490, point 46) et arrêt Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, points 123 et 169).

( 68 ) L’article 4, paragraphe 2, du projet d’accord prévoit qu’après adhésion de l’Union à la CEDH, le titre de l’article 33 de la convention sera modifié pour devenir: «Affaires entre les Parties». Pour plus de simplicité, nous conserverons néanmoins l’appellation «Affaires interétatiques».

( 69 ) Ces procédures sont rares en pratique.

( 70 ) Arrêts Haegeman (181/73, EU:C:1974:41, point 5), IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, point 36) et Air Transport Association of America e.a. (C‑366/10, EU:C:2011:864, point 73).

( 71 ) Point 74, dernière phrase, du rapport explicatif.

( 72 ) Signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 (JO 1998, L 179, p. 1).

( 73 ) C’est ce qui s’est passé dans l’affaire Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345).

( 74 ) La Cour pourrait, par voie de mesures conservatoires, obliger l’État membre concerné à déclarer au cours de la procédure devant la Cour EDH qu’il n’a pas l’intention de poursuivre la procédure qu’il a engagée devant elle [article 37, sous a), de la CEDH]. Si la Cour devait par la suite rejeter le recours en manquement comme étant non fondé, il serait toujours loisible à la Cour EDH d’ordonner la réinscription de la requête interétatique au rôle (article 37, paragraphe 2, de la CEDH).

( 75 ) Voir en ce sens point 8 de la résolution du Parlement de 2010 (déjà citée à la note 30).

( 76 ) À propos de ce monopole, voir avis 1/00 (EU:C:2002:231, point 24) et arrêt Foto‑Frost (314/85, EU:C:1987:452, points 15 à 20).

( 77 ) Il en va autrement uniquement en ce qui concerne la PESC (voir, sur ce point, article 24, paragraphe 1, deuxième alinéa, sixième phrase, TUE et article 275 TFUE ainsi que les explications que nous avons exposées aux points 85 à 101 de la présente prise de position).

( 78 ) Voir point 78 de la présente prise de position.

( 79 ) Rapport explicatif, point 62, dernière phrase; voir en outre Cour eur. D. H., arrêt Kruslin c. France du 24 avril 1990 (recours no 11801/85, série A no 176‑A, § 29) et décision W c. Pays‑Bas du 20 janvier 2009 (recours no 20689/08).

( 80 ) Voir, notamment, Cour eur. D. H., arrêt Smirnov c. Russie du 7 juin 2007 (recours no 71362/01, Recueil des arrêts et décisions 2007‑VII, p. 45), ainsi qu’arrêts Harju c. Finlande du 15 février 2011 (recours no 56716/09, § 40 et 44) et Heino c. Finlande (recours no 56720/09, § 45).

( 81 ) Voir, notamment, Cour eur. D. H., arrêts Cantoni c. France du 15 novembre 1996 (recours no 17862/91, Recueil des arrêts et décisions 1996‑V), Matthews c. Royaume-Uni du 18 février 1999 (recours no 24833/94, Recueil des arrêts et décisions 1999‑I), Bosphorus c. Irlande du 30 juin 2005 (recours no 45036/98, Recueil des arrêts et décisions 2005‑VI) et M.S.S. c. Belgique et Grèce du 21 janvier 2011 (recours no 30696/09, Recueil des arrêts et décisions 2011) ainsi que décision Cooperatieve Producentenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij e.a. c. Pays-Bas du 20 janvier 2009 (recours no 13645/05).

( 82 ) Déjà cité à la note 38.

( 83 ) Sur la question de savoir qui est compétent à juger si les juridictions de l’Union ont déjà examiné la question de la compatibilité de la disposition litigieuse du droit de l’Union avec la CEDH, voir points 180 à 184 de la présente prise de position.

( 84 ) Point 121 de la présente prise de position.

( 85 ) Voir, en ce sens, parmi tant d’autres, arrêts Orkem/Commission (374/87, EU:C:1989:387, en particulier points 28 et 32 à 35), Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. (C‑305/05, EU:C:2007:383, en particulier point 28) et Promusicae (C‑275/06, EU:C:2008:54, en particulier point 68); dans un sens similaire, voir également arrêt N.S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, en particulier points 99, 100 et 106).

( 86 ) La Commission a soutenu obstinément lors de l’audience de la Cour qu’il serait tout à fait suffisant de limiter le champ d’application de l’implication préalable à des questions de validité en ce qui concerne les actes juridiques du droit dérivé de l’Union.

( 87 ) Rapport explicatif, point 66.

( 88 ) Point 9 du rapport final.

( 89 ) Situation au 6 mai 2014.

( 90 ) Arrêts Haegeman (181/73, EU:C:1974:41, point 6) et Brita (C‑386/08, EU:C:2010:91, point 39).

( 91 ) Voir points 40 à 42 de la présente prise de position.

( 92 ) Voir, à titre d’illustration, ordonnance Conseil/Commission (C‑73/13, EU:C:2013:299), où sont abordées des questions comparables, même si elles n’ont pas trait à la CEDH.

( 93 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1).

( 94 ) Observons, pour ne rien oublier, que la compétence d’application des articles 101 TFUE et 102 TFUE qui a été confiée à la Commission n’est pas une compétence exclusive. Dans la mesure où une mise en œuvre du droit de la concurrence est prévue au niveau national, de nombreux États membres ont également mis en place des autorités de la concurrence dont les missions et les compétences sont semblables à celles de la Commission.

( 95 ) Voir, sur ce point, nos conclusions dans les affaires ETI e.a. (C‑280/06, EU:C:2007:404, point 71), Toshiba Corporation e.a. (C‑17/10, EU:C:2011:552, point 48) et Schenker & Co e.a. (C‑681/11, EU:C:2013:126, point 40). Les juridictions de l’Union appliquent invariablement des principes de droit pénal dans le droit de la concurrence européen (voir, sur la présomption d’innocence, arrêt Hüls/Commission, C‑199/92 P, EU:C:1999:358, points 149 et 150, et, sur la règle de non-cumul des sanctions, «non bis in idem», arrêt Toshiba Corporation e.a., C‑17/10, EU:C:2012:72, point 94).

( 96 ) Cour eur. D. H., arrêt Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006 (recours no 73053/01, Recueil des arrêts et décisions 2006‑XIV, p. 43); dans le même sens, Cour eur. D. H., arrêt Menarini Diagnostics c. Italie du 27 septembre 2011 (recours no 43509/08, § 62); voir également Cour AELE, arrêt du 18 avril 2012, Posten Norge/Autorité de surveillance AELE (E‑15/10, Report of EFTA Court 2012, p. 246, points 87 et 88) ainsi qu’arrêt Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, points 33 à 35).

( 97 ) Arrêts Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, en particulier point 63), Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, en particulier point 67) et Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, en particulier points 33 à 38) ainsi que, à titre complémentaire, points 27 à 30 de nos conclusions dans cette dernière affaire (EU:C:2013:248).

( 98 ) Cour eur. D. H., arrêt Menarini Diagnostics c. Italie (déjà cité à la note 96, § 57 à 67) à propos d’un système national d’application du droit de la concurrence analogue à celui de l’Union.

( 99 ) Conclusions Toshiba Corporation e.a. (C‑17/10, EU:C:2011:552, points 111 à 124).

( 100 ) Arrêts Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission (C‑105/04 P, EU:C:2006:592, points 35 à 62) et Technische Unie/Commission (C‑113/04 P, EU:C:2006:593, points 40 à 72); voir en outre nos conclusions Solvay/Commission (C‑109/10 P, EU:C:2011:256, points 305 à 310) et Solvay/Commission (C‑110/10 P, EU:C:2011:257, points 146 à 151).

( 101 ) Arrêts Baustahlgewebe/Commisson (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, points 26 à 47), Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission (C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 183 à 188), Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768, points 97 à 102) et FLSmidth/Commission (C‑238/12 P, EU:C:2014:284, points 118 à 123).

( 102 ) Voir en particulier arrêts récents Gascogne Sack Deutschland/Commission (C‑40/12 P, EU:C:2013:768, points 89 à 96) et FLSmidth/Commission (C‑238/12 P, EU:C:2014:284, points 116 et 117).

( 103 ) Voir arrêts fondamentaux van Gend & Loos (26/62, EU:C:1963:1), Costa (6/64, EU:C:1964:66) et Internationale Handelgesellschaft (11/70, EU:C:1970:114, point 3) ainsi que, plus récemment, avis 1/09 (EU:C:2011:123, point 65).

( 104 ) Avis 1/91 (EU:C:1991:490, point 30), 1/92 (EU:C:1992:189, point 18), 1/00 (EU:C:2002:231, point 11) et 1/09 (EU:C:2011:123, point 67).

( 105 ) Points 162 à 196 de la présente prise de position.

( 106 ) Points 197 à 207 de la présente prise de position.

( 107 ) Points 208 à 235 de la présente prise de position.

( 108 ) Voir également point 26 du rapport explicatif, qui souligne que les décisions que la Cour EDH rendra pour résoudre des litiges entre personnes et États contractants auxquels l’Union est partie seront contraignantes à l’égard des institutions de l’Union, y compris notre Cour.

( 109 ) Voir point 1 de la présente prise de position.

( 110 ) Voir également à ce sujet la résolution du Parlement de 2010 (point 1, dernier tiret), dans lequel celui-ci déclare qu’une Cour n’est pas hiérarchiquement supérieure à l’autre, mais que l’une et l’autre ont des spécialités distinctes.

( 111 ) Avis 1/91 (EU:C:1991:490, points 40 et 70) et 1/09 (EU:C:2011:123, point 74).

( 112 ) Voir également, en ce sens, points 3 et 26 de la déclaration de Brighton.

( 113 ) Les plus célèbres pourraient bien être celles que la Cour constitutionnelle fédérale allemande a émises à ce sujet et qui pourraient être décrites grâce aux notions de «contrôle ultra vires» et «contrôle d’identité» (voir Bundesverfassungsgericht, arrêt BVerfGE 89, 155 sur le traité de Maastricht et BVerfGE 123, 267 sur le traité de Lisbonne) ainsi que la théorie des «controlimiti» élaborée par la Cour constitutionnelle italienne (essentiel sur ce point: Corte costituzionale, arrêt no 170 du 8 juin 1984, Granital).

( 114 ) Comme la Cour l’a expliqué dans l’arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 285), les obligations qu’impose un accord international ne sauraient avoir pour effet de porter atteinte aux principes constitutionnels inscrits dans les traités.

( 115 ) La Commission a elle aussi évoqué la possibilité d’un retrait au cours de l’audience de la Cour.

( 116 ) Avis 1/00 (EU:C:2002:231, points 11 à 13); voir également avis 1/91 (EU:C:1991:490, points 41 à 46 et 61 à 65) ainsi que 1/92 (EU:C:1992:189, points 32 et 41).

( 117 ) Voir points 33 à 104 et 105 à 156 de la présente prise de position.

( 118 ) Voir, en ce sens, point 62 du rapport explicatif également.

( 119 ) Le rapport explicatif ne contient aucune précision qui soit de nature à dissiper ces zones d’ombre. Le point 62 de celui-ci, en particulier, se réfère lui aussi uniquement aux arguments exposés par le défendeur et le ou les codéfendeurs.

( 120 ) L’on peut ainsi concevoir que notre Cour ait déjà examiné la compatibilité d’un acte juridique de l’Union avec un droit fondamental de la CEDH (par exemple, avec l’article 8 de celle-ci), mais pas sa compatibilité avec un autre droit fondamental (par exemple, article 6, paragraphe 1, de la CEDH), à propos de la violation duquel une procédure a été engagée devant la Cour EDH.

( 121 ) Par exemple, la Cour s’est déjà penchée à deux reprises, sous des angles totalement différents, sur la validité de la directive relative à la «conservation des données»: la première fois, elle ne l’avait examinée qu’à propos de sa base juridique et ce n’est que la deuxième fois qu’elle l’a passée au crible au regard de certains droits fondamentaux (voir, d’une part, arrêt Irlande/Parlement et Conseil, C‑301/06, EU:C:2009:68, et, d’autre part, arrêt Digital Rights Ireland et Seitlinger e.a., C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238).

( 122 ) En définitive, les problèmes qui se posent ici sont comparables à ceux qui sont liés aux situations dans lesquelles les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours sont libérées de leur obligation de saisir la Cour à titre préjudiciel conformément à l’article 267, paragraphe 3, TFUE (voir essentiellement arrêt Cilfit e.a., 283/81, EU:C:1982:335) et tout indique qu’ils devraient être résolus de manière analogue.

( 123 ) Sur la problématique apparentée que pose la question de savoir si les particularités de la PESC permettent de garantir une protection juridictionnelle effective dans ce domaine politique, voir points 82 à 103 de la présente prise de position.

( 124 ) Voir également le point 83 de la présente prise de position.

( 125 ) Voir point 172 de la présente prise de position.

( 126 ) Voir, en particulier, en ce qui concerne la création de l’Espace économique européen (EEE), avis 1/91 (EU:C:1991:490, points 34 et 35, 41 à 46 et 61 à 65) ainsi que 1/92 (EU:C:1992:189, points 32 et 41).

( 127 ) Voir points 96 à 103 de la présente prise de position.

( 128 ) Avis 1/91 (EU:C:1991:490, point 21) et 1/09 (EU:C:2011:123, point 65).

( 129 ) Arrêts Haegeman (181/73, EU:C:1974:41, point 5), IATA et ELFAA (C‑344/04, EU:C:2006:10, point 36) et Air Transport Association of America e.a. (C‑366/10, EU:C: 2011:864, point 73).

( 130 ) Sur la prise en considération de la situation particulière des États membres par rapport à la CEDH, prise en considération qui s’imposerait le cas échéant dans ce contexte, voir points 249 à 277 de la présente prise de position.

( 131 ) Voir, en ce sens, également arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 285 et 304), où la Cour a précisé que le principe suivant lequel tous les actes de l’Union doivent respecter les droits de l’homme fait partie des principes constitutionnels de celle-ci et que la protection des droits fondamentaux relève des fondements de l’Union.

( 132 ) Sur cette problématique, voir, à titre d’illustration, notamment arrêts Schmidberger (C‑112/00, EU:C:2003:333), Omega (C‑36/02, EU:C:2004:614), International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union, «Viking» (C‑438/05, EU:C:2007:772), Laval un Partneri (C‑341/05, EU:C:2007:809), Dynamic Medien (C‑244/06, EU:C:2008:85) et Digital Rights Ireland e.a. (C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238).

( 133 ) Sur la reconnaissance de la juridiction de la Cour EDH, voir également plus haut, en particulier, points 163 à 171 de la présente prise de position.

( 134 ) Anglais: «to ensure that proceedings by non-Member States and individual applications are correctly addressed to …» (mis en italique par nous).

( 135 ) Rapport explicatif, point 38.

( 136 ) Voir également point 39 du rapport explicatif, aux termes duquel le mécanisme de codéfense est un moyen d’«éviter toute lacune dans le système de la Convention liée à la participation, à la responsabilité et à l’opposabilité».

( 137 ) Voir, à titre d’illustration, Cour eur. D. H., arrêt Bosphorus c. Irlande, déjà cité à la note 81, et décision Cooperative Producentenorganisatie van de Nederlandse Kokkelvisserij e.a. c. Pays‑Bas, déjà citée à la note 81.

( 138 ) Ce problème s’est déjà posé auparavant; voir Cour eur. D. H., arrêt Matthews c. Royaume-Uni, déjà cité à la note 81.

( 139 ) Voir, en ce sens, point 56, dernière phrase, du rapport explicatif.

( 140 ) Point 53 du rapport explicatif.

( 141 ) Sur le principe de l’autonomie, voir, d’une manière générale, point 159 de la présente prise de position.

( 142 ) Annexe II au rapport final.

( 143 ) Rapport explicatif, point 52, dernière phrase.

( 144 ) C’est à cette fin qu’une communication concernant tout litige pendant devant les juridictions de l’Union est publiée sur le site Internet de notre Cour ainsi qu’au Journal officiel de l’Union européenne dès le début de la procédure.

( 145 ) Pour certaines parties à la procédure, l’article 3, paragraphe 5, troisième phrase, du projet d’accord permettrait uniquement à la Cour EDH de s’assurer que la demande est assortie de motifs tandis que, pour d’autres, elle pourrait également en examiner le fond et vérifier si les motifs invoqués sont fondés à première vue.

( 146 ) Sur la participation aux procédures préjudicielles, voir article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne; sur la participation aux procédures de recours direct et aux pourvois, voir article 40, paragraphe 1, de ce statut et article 131, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

( 147 ) Voir, en particulier, points 135, 179, 184 et 235 de la présente prise de position.

( 148 ) Point 77 du rapport explicatif.

( 149 ) Cette nouvelle règle de procédure, intitulée «Arrêts et règlements amiables dans les affaires auxquelles l’Union européenne est partie», doit être ajoutée aux «Règles du Comité des Ministres pour la surveillance de l’exécution des arrêts et des termes des règlements amiables» (annexe III du rapport final).

( 150 ) Point 82 du rapport explicatif.

( 151 ) Points 84 à 92 du rapport explicatif.

( 152 ) L’importance d’un contrôle effectif et équitable par le Comité des Ministres est également soulignée au point 27 de la déclaration de Brighton.

( 153 ) Les protocoles additionnels nos 4, 7, 12 et 13 à la CEDH n’ont pas encore été ratifiés par tous les États membres de l’Union.

( 154 ) Voir, en particulier, les explications sur les articles 19, 50 et 52 de la Charte (JO 2007, C 303, p. 17).

( 155 ) Voir, par exemple, sur le principe général de droit «non bis in idem», arrêts Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 59) et Showa Denko/Commission (C‑289/04 P, EU:C:2006:431, point 50).

( 156 ) Voir point 198 de la présente prise de position.

( 157 ) Voir point 198 de la présente prise de position.

( 158 ) Prendre position plus en détail sur cette problématique ferait éclater le cadre de la présente procédure d’avis. Nous pouvons tout juste indiquer à cet endroit qu’il est concevable, mais en aucune façon obligatoire, de tenir compte, au plan interne de l’Union, de l’idée juridique de base qui s’exprime à l’article 2, paragraphe 2, du protocole no 8 lorsqu’il s’agit d’interpréter et d’appliquer l’article 216, paragraphe 2, TFUE et, au besoin, de limiter ainsi l’engagement des États membres à l’égard de la CEDH ratifiée sans réserve par l’Union.

( 159 ) Voir points 217 à 219 de la présente prise de position.

( 160 ) Cour eur. D. H., arrêt Bosphorus c. Irlande, déjà cité à la note 81.

( 161 ) Avis 1/92 (EU:C:1992:189, point 1 du dispositif).