ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

2 juillet 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Agriculture — Politique agricole commune — Régime de paiement unique — Règlement (CE) no 1782/2003 — Article 44, paragraphe 2 — Règlement (CE) no 73/2009 — Article 34, paragraphe 2, sous a) — Notion d’‘hectare admissible au bénéfice de l’aide’ — Surfaces bordant les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt — Utilisation à des fins agricoles — Admissibilité — Récupération des aides agricoles indûment accordées»

Dans l’affaire C‑684/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vestre Landsret (Danemark), par décision du 16 décembre 2013, parvenue à la Cour le 23 décembre 2013, dans la procédure

Johannes Demmer

contre

Fødevareministeriets Klagecenter,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. S. Rodin, A. Borg Barthet (rapporteur), E. Levits et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour M. Demmer, par Me G. Lund, advokat,

pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning, en qualité d’agent, assisté de Me R. Holdgaard, advokat,

pour le gouvernement grec, par M. I. Chalkias et Mme O. Tsirkinidou, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. H. Kranenborg et Mme L. Grønfeldt, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 février 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 44, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001 (JO L 270, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 94, p. 70), des articles 34, paragraphe 2, sous a), et 137 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement no 1782/2003 (JO L 30, p. 16, et rectificatif JO 2010, L 43, p. 7), ainsi que de l’article 73, paragraphes 4 et 5, du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement no 1782/2003 (JO L 141, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 2184/2005 de la Commission, du 23 décembre 2005 (JO L 347, p. 61, ci-après le «règlement no 796/2004»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Demmer au Fødevareministeriets Klagecenter (centre des réclamations du ministère de l’Alimentation, ci-après le «Klagecenter»), au sujet de l’admissibilité au bénéfice de l’aide, au titre du régime de paiement unique, de surfaces utilisées pour la production de fourrage déshydraté et bordant les pistes d’atterrissage, les voies de circulation ainsi que les prolongements d’arrêt de la base aérienne de Skrydstrup (Danemark) et de l’aéroport d’Aalborg (Danemark).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1782/2003

3

Le considérant 21 du règlement no 1782/2003 énonçait:

«Les régimes de soutien relevant de la politique agricole commune fournissent une aide directe au revenu, notamment en vue d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole. Cet objectif est étroitement lié à la conservation des zones rurales [...]»

4

L’article 1er de ce règlement disposait:

«Le présent règlement établit:

[...]

une aide au revenu des agriculteurs (ci-après dénommée ‘le régime de paiement unique’),

[...]»

5

Aux termes de l’article 2, sous b) et c), dudit règlement, on entendait par:

«b)

‘exploitation’: l’ensemble des unités de production gérées par l’agriculteur et situées sur le territoire d’un même État membre;

c)

‘activité agricole’: la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles, ou le maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales, telles que définies à l’article 5».

6

L’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du même règlement prévoyait:

«Sans préjudice de l’article 48, tout agriculteur bénéficie d’un droit au paiement par hectare qui est calculé en divisant le montant de référence par le nombre moyen calculé sur trois ans de l’ensemble des hectares qui a donné droit, au cours de la période de référence, aux paiements directs dont la liste figure à l’annexe VI.»

7

L’article 44, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1782/2003 disposait:

«1.   Tout droit au paiement lié à un hectare admissible au bénéfice de l’aide donne droit au paiement du montant fixé par le droit.

2.   Par ‘hectare admissible au bénéfice de l’aide’, on entend toute superficie agricole de l’exploitation occupée par des terres arables et des pâturages permanents, à l’exclusion des superficies occupées par des cultures permanentes et des forêts ou affectées à une activité non agricole.»

Le règlement no 73/2009

8

Le règlement no 73/2009 a abrogé et remplacé le règlement no 1782/2003 à compter du 1er janvier 2009.

9

Le considérant 49 du règlement no 73/2009 énonçait:

«Lors de la première attribution de droits au paiement par les États membres, certaines erreurs se sont traduites par des paiements particulièrement élevés pour les agriculteurs. Cette irrégularité fait normalement l’objet d’une correction financière jusqu’à ce que des mesures correctives soient prises. Toutefois, compte tenu du temps écoulé depuis la première attribution des droits au paiement, les mesures nécessaires entraîneraient pour les États membres des contraintes juridiques et administratives disproportionnées. Il y a donc lieu, à des fins de sécurité juridique, de régulariser l’attribution de ces paiements.»

10

Aux termes de l’article 2 de ce règlement, on entendait par:

«[…]

b)

‘exploitation’, l’ensemble des unités de production gérées par un agriculteur et situées sur le territoire d’un même État membre;

c)

‘activité agricole’, la production, l’élevage ou la culture de produits agricoles, y compris la récolte, la traite, l’élevage et la détention d’animaux à des fins agricoles, ou le maintien des terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales au sens de l’article 6;

[...]

h)

‘surface agricole’, l’ensemble de la superficie des terres arables, des pâturages permanents ou des cultures permanentes.»

11

L’article 34 dudit règlement prévoyait:

«1.   L’aide au titre du régime de paiement unique est octroyée aux agriculteurs après activation d’un droit au paiement par hectare admissible. Les droits au paiement activés donnent droit au paiement des montants qu’ils fixent.

2.   Aux fins du présent règlement, on entend par ‘hectare admissible’:

a)

toute surface agricole de l’exploitation et les surfaces plantées de taillis à courte rotation (code NC ex 0602 90 41) utilisées aux fins d’une activité agricole ou, en cas d’utilisation également pour des activités autres qu’agricoles, essentiellement utilisées à des fins agricoles [...]

[...]

La Commission définit, conformément à la procédure visée à l’article 141, paragraphe 2, les modalités relatives à l’utilisation d’hectares admissibles pour des activités non agricoles.

Sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, les hectares admissibles remplissent les conditions d’admissibilité tout au long de l’année civile.»

12

L’article 137 du règlement no 73/2009 disposait:

«1.   Les droits au paiement attribués aux agriculteurs avant le 1er janvier 2009 sont réputés légaux et réguliers à partir du 1er janvier 2010.

2.   Le paragraphe 1 du présent article ne s’applique pas aux droits au paiement attribués aux agriculteurs sur la base de demandes présentant des erreurs matérielles, sauf si celles-ci ne pouvaient raisonnablement être décelées par l’agriculteur.

[...]»

Le règlement (CE) no 795/2004

13

Aux termes de l’article 2, sous a), du règlement (CE) no 795/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application du régime de paiement unique prévu par le règlement no 1782/2003 (JO L 141, p. 1), on entendait par «‘surface agricole’, l’ensemble de la superficie des terres arables, des pâturages permanents, et des cultures permanentes».

Le règlement (CE) no 370/2009

14

Le considérant 3 du règlement (CE) no 370/2009 de la Commission, du 6 mai 2009, modifiant le règlement no 795/2004 (JO L 114, p. 3), énonce:

«Les dispositions relatives à l’admissibilité qui figurent à l’article 3 ter du règlement [...] no 795/2004 sont obsolètes et il convient dès lors de les supprimer. Toutefois, l’article 34, paragraphe 2, point a), du règlement [...] no 73/2009 prévoit l’utilisation des hectares admissibles pour des activités autres qu’agricoles. Il y a lieu d’établir un cadre de critères pour l’ensemble des États membres.»

15

L’article 1er, point 3, du règlement no 370/2009 a ajouté au règlement no 795/2004 un article 3 quater ainsi libellé:

«Aux fins de l’application de l’article 34, paragraphe 2, point a), du règlement [...] no 73/2009, lorsqu’une surface agricole d’une exploitation est également utilisée pour des activités autres qu’agricoles, cette surface est considérée comme étant essentiellement utilisée à des fins agricoles si l’activité agricole peut être exercée sans être sensiblement gênée par l’intensité, la nature, la durée et le calendrier de l’activité non agricole.

Les États membres fixent les critères relatifs à la mise en œuvre du premier alinéa sur leur territoire.»

16

Conformément à son article 2, le règlement no 370/2009 s’est appliqué à compter du 1er janvier 2009.

Le règlement no 796/2004

17

Aux termes de l’article 2 du règlement no 796/2004:

«[...] on entend par:

1)

‘terres arables’: les terres labourées destinées à la production de cultures et les terres mises en jachère ou maintenues dans de bonnes conditions agricoles et environnementales [...]

[...]

2)

‘pâturages permanents’: les terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans ou davantage [...]

[...]»

18

L’article 12 de ce règlement disposait:

«1.   La demande unique contient toutes les informations nécessaires pour décider de l’éligibilité à l’aide, en particulier:

[...]

d)

les éléments permettant l’identification de toutes les parcelles agricoles de l’exploitation, leur superficie exprimée en hectares avec deux décimales, leur localisation et, le cas échéant, leur utilisation, ainsi qu’une mention précisant s’il s’agit d’une parcelle agricole irriguée;

[...]

f)

une déclaration de l’agriculteur attestant qu’il a pris connaissance des conditions d’octroi de l’aide concernée.

[...]

4.   Lors de la présentation du formulaire de demande, l’agriculteur corrige le formulaire préimprimé visé aux paragraphes 2 et 3 si des modifications sont intervenues, notamment des transferts de droits au paiement conformément à l’article 46 du règlement [...] no 1782/2003, ou si l’une des informations contenues dans les formulaires préimprimés est inexacte.

[...]»

19

L’article 24 du règlement no 796/2004 énonçait:

1.   Les contrôles administratifs visés à l’article 23 du règlement [...] no 1782/2003 ont pour objet de permettre la détection d’irrégularités, en particulier la détection automatisée par voie informatique, y compris les contrôles croisés:

[...]

c)

effectués entre les parcelles agricoles déclarées dans la demande unique et les parcelles de référence figurant dans le système d’identification des parcelles agricoles afin de vérifier l’éligibilité à l’aide pour les surfaces en tant que telles;

[...]»

20

L’article 73 dudit règlement prévoyait:

«1.   En cas de paiement indu, l’agriculteur concerné a l’obligation de rembourser les montants en cause majorés d’intérêts calculés comme prescrit au paragraphe 3.

[...]

4.   L’obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s’applique pas si le paiement a été effectué à la suite d’une erreur de l’autorité compétente ou d’une autre autorité, et si l’erreur ne pouvait raisonnablement être décelée par l’agriculteur.

Toutefois, lorsque l’erreur a trait à des éléments de fait pertinents pour le calcul de l’aide en question, le premier alinéa ne s’applique que si la décision de recouvrement n’a pas été communiquée dans les douze mois suivant le paiement.

5.   L’obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s’applique pas si plus de dix ans se sont écoulés entre le jour du paiement de l’aide et celui de la première notification au bénéficiaire, par l’autorité compétente, du caractère indu du paiement reçu.

Toutefois, la période visée au premier alinéa est limitée à quatre ans si le bénéficiaire a agi de bonne foi.

[...]»

21

L’article 73 bis du règlement no 796/2004 disposait:

«1.   Lorsque, après que des droits au paiement ont été alloués aux agriculteurs conformément au règlement [...] no 795/2004, il est établi que certains droits au paiement ont été alloués indûment, l’agriculteur concerné cède les droits indûment alloués à la réserve nationale visée à l’article 42 du règlement [...] no 1782/2003.

[...]

Les droits indûment alloués sont considérés comme n’ayant pas été attribués dès le départ.

[...]

4   Les montants indûment versés sont récupérés conformément à l’article 73.»

Le droit danois

22

Il ressort de la décision de renvoi que, au Danemark, les exigences applicables aux bandes de piste des aérodromes ont été fixées par le Trafikstyrelsen (Agence pour les transports terrestre, maritime et aérien) dans les règles relatives à l’aviation civile (Bestemmelser for Civil Luftfart).

23

La bande de piste y est définie comme étant une aire destinée à réduire les risques de dommages matériels dans le cas où un avion sortirait de la piste et à assurer la protection des avions qui survolent cette aire au cours des opérations de décollage ou d’atterrissage.

24

Selon la juridiction de renvoi, les dispositions concernant la mise en culture des bandes de piste figurent dans les règles relatives à l’aviation civile 3‑16, du 31 janvier 2005, concernant les mesures à prendre pour réduire le risque de collision entre les avions et les oiseaux ou les mammifères sur les aérodromes, lesquelles règles prévoient notamment:

«5.2.2.

Pour les superficies sans revêtement dur situées dans l’enceinte de l’aérodrome, qui s’étendent sur une largeur de 150 m autour des limites de la piste ou des pistes:

a)

La superficie doit être plantée d’herbe [...]

[...]

5.2.3.

Pour les superficies sans revêtement dur situées dans l’enceinte de l’aérodrome, qui sont situées entre 150 m et 300 m des limites de la piste ou des pistes:

a)

La superficie doit être utilisée pour la production d’herbe sauf si la végétation naturelle, par exemple de la bruyère, la rend suffisamment peu attrayante pour les oiseaux et les mammifères.

b)

La superficie ne peut être utilisée pour la culture de céréales qu’après consultation du conseiller [...]

5.2.4.

Les superficies sans revêtement dur situées dans l’enceinte de l’aérodrome, qui sont situées au-delà de 300 m des limites de la piste ou des pistes, ne peuvent faire l’objet d’une exploitation agricole qu’après consultation du conseiller.

[...]

6.4.1.

En ce qui concerne la mise en culture des superficies, les règles suivantes doivent être observées:

a)

L’herbe doit à tout moment être maintenue à une hauteur maximale de 20 cm sur les pistes et les voies de circulation dépourvues de gravier ou de revêtement dur [...]

b)

Dans les zones visées au point 5.2.2 qui se situent hors de celles visées sous a), on s’efforcera de maintenir à tout moment l’herbe à une hauteur de 20 cm à, au maximum, 40 cm [...]

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25

Les 21 décembre 1999 et 10 mai 2000, M. Demmer a conclu deux contrats de bail à ferme avec, respectivement, l’aéroport d’Aalborg et la base aérienne de Skrydstrup, ces contrats portant sur des surfaces situées dans l’enceinte de cet aéroport et de cette base aérienne.

26

Lesdits contrats prévoyaient que M. Demmer était, en tant que preneur, autorisé à faucher et à utiliser l’herbe qui poussait sur les surfaces en question, moyennant le paiement d’un fermage et dans le respect des conditions prévues aux mêmes contrats.

27

En vertu du contrat conclu avec l’aéroport d’Aalborg, M. Demmer était tenu d’informer le bailleur du moment où il souhaitait avoir accès aux surfaces affermées et les Forces armées pouvaient, sans aucune restriction, utiliser lesdites surfaces, ou permettre leur utilisation, en vue de toute forme d’entraînement militaire.

28

Ce contrat prévoyait, par ailleurs, que la fertilisation devait débuter au plus tôt au mois d’avril et que l’épandage devait pouvoir être interrompu immédiatement si sa poursuite était considérée comme présentant un risque pour la sécurité des vols.

29

En outre, le preneur était tenu de couper l’herbe avant que celle-ci n’atteigne une hauteur que le commandement militaire local estimait être de nature à gêner considérablement les entraînements militaires.

30

Enfin, ledit contrat stipulait que, à compter du 1er janvier 2005, le preneur était tenu d’exploiter les superficies concernées de manière à pouvoir prétendre à des droits au paiement.

31

Le contrat conclu avec la base aérienne de Skrydstrup stipulait que l’entretien des pelouses comprenait l’épandage d’engrais artificiels ainsi que le fauchage et le cylindrage de celles-ci.

32

M. Demmer était notamment tenu de faucher l’herbe jusqu’à une hauteur de 15 centimètres le long des pistes de décollage et des voies de circulation, à l’aide d’un matériel permettant un fauchage aussi proche que possible des équipements. Ce fauchage avait lieu, selon les besoins, à la demande du service de contrôle aérien et le dernier fauchage, aux mois d’octobre ou de novembre, devait être effectué à ras.

33

En ce qui concerne les zones entourant les bordures de pistes, l’herbe devait être fauchée selon les besoins, pour la première fois pendant la période allant du 1er mai au 15 juillet et, ultérieurement, selon les demandes éventuelles du service de contrôle aérien.

34

S’agissant des demandes de fauchage relatives aux pistes et aux bordures de pistes, le bailleur était tenu de respecter un préavis de cinq jours ouvrables. Le fauchage devait commencer à la date souhaitée et se poursuivre jusqu’à ce qu’il soit achevé, le preneur étant tenu d’enlever l’herbe coupée immédiatement après le fauchage.

35

Par ailleurs, le cylindrage, qui devait intervenir à chaque printemps, puis à la demande du service de contrôle aérien, devait être effectué sur des bandes de 30 mètres de large, de chaque côté de la piste principale et des pistes parallèles.

36

M. Demmer était autorisé à épandre de l’engrais artificiel dans la mesure nécessaire à l’exploitation de l’herbe fauchée, mais il ne lui était pas permis de le faire avant la fin du mois de mars. En revanche, l’utilisation de pesticides sur les superficies affermées était interdite.

37

Enfin, M. Demmer devait tenir compte des exigences liées aux opérations de vol et respecter les directives et les interdictions qui pouvaient être émises par le service de contrôle aérien ou par l’administration de la base aérienne.

38

Le 25 avril 2005, M. Demmer a introduit une demande de participation au régime de paiement unique en mentionnant des surfaces totales de 232,65 hectares et de 317 hectares en ce qui concerne, respectivement, la base aérienne de Skrydstrup et l’aéroport d’Aalborg.

39

Par une décision du 29 mai 2006, le Direktoratet for FødevareErhverv (Agence pour le secteur alimentaire) a alloué à M. Demmer des droits au paiement calculés sur la base des surfaces déclarées dans cette demande et un montant d’aide correspondant lui a été versé au titre de l’année 2005.

40

Entre-temps, M. Demmer avait, le 1er février 2006, transféré aux Forces armées les droits au paiement afférents aux surfaces situées dans l’enceinte de l’aéroport d’Aalborg.

41

Pendant la période correspondant aux années 2006 à 2009, M. Demmer a continué à percevoir une aide au titre du régime de paiement unique pour les surfaces situées dans l’enceinte de la base aérienne de Skrydstrup.

42

Par un courrier du 24 novembre 2008, M. Demmer a été informé du fait que, à la suite d’une révision du registre danois des parcelles agricoles, certaines des surfaces qu’il avait déclarées dans le cadre du régime de paiement unique avaient été réduites, voire radiées de ce registre, ce qui correspondait à une réduction de 166,48 hectares pour l’aéroport d’Aalborg et de 218,03 hectares pour la base aérienne de Skrydstrup, au motif que les bandes de piste ne sauraient être considérées comme des surfaces admissibles au bénéfice de l’aide concernée. M. Demmer a, par ailleurs, été informé du fait qu’un réexamen des demandes qu’il avait introduites au titre des années précédentes aurait lieu et que ses droits au paiement seraient recalculés en conséquence de ce réexamen.

43

Par une décision du 2 mai 2011, les droits au paiement de M. Demmer ont été réduits et il lui a été ordonné de rembourser le montant de l’aide qui lui avait été indûment versé. Par une décision spéciale portant la même date, les superficies déclarées par M. Demmer dans sa demande relative à l’année 2010 ont également été réduites, celles-ci passant de 319,43 hectares à 96,11 hectares.

44

M. Demmer a introduit des réclamations contre ces deux décisions auprès du Klagecenter, qui a confirmé celles-ci par des décisions des 15 mai et 12 juin 2012.

45

Le 13 novembre 2012, M. Demmer a introduit un recours contre ces deux dernières décisions.

46

Considérant que la solution du litige au principal dépend de l’interprétation du droit de l’Union, le Vestre Landsret (cour d’appel de la région Ouest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

a)

L’exigence selon laquelle les superficies agricoles ne doivent pas être ‘affectées à une activité non agricole’ (article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003) et celle selon laquelle les surfaces agricoles doivent être utilisées ‘aux fins d’une activité agricole ou [...] essentiellement utilisées à des fins agricoles’ [article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009] doivent-elles être interprétées en ce sens que l’octroi d’une aide est subordonné à la condition que l’utilisation première de la superficie soit une activité agricole?

b)

Dans l’affirmative, quels sont les paramètres à prendre en considération pour déterminer l’activité qui constitue l’objectif ‘premier’ d’une superficie lorsque celle-ci a, simultanément, plusieurs destinations différentes?

c)

Dans l’affirmative, cela signifie-t-il, le cas échéant, que, par leur nature et l’utilisation qui en est faite, les bandes de piste entourant les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt, qui, d’une part, font partie de tout aérodrome et sont soumises à des règles et à des restrictions particulières, telles que celles du cas d’espèce, régissant leur utilisation, mais qui, d’autre part, sont aussi exploitées en vue de récolter de l’herbe pour la production de pellets de végétaux, sont admissibles au bénéfice d’une aide en vertu des dispositions susmentionnées?

2)

L’exigence selon laquelle la superficie agricole doit faire partie de l’‘exploitation’ de l’agriculteur [article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009] doit-elle être interprétée en ce sens que des bandes de piste entourant les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt, qui, d’une part, font partie de tout aérodrome et sont soumises à des règles et à des restrictions particulières, telles que celles du cas d’espèce, régissant leur utilisation, mais qui, d’autre part, sont aussi exploitées en vue de récolter de l’herbe pour la production de pellets de végétaux, sont admissibles au bénéfice d’une aide en vertu des dispositions susmentionnées?

3)

Dans le cas où il conviendrait de répondre à la première question sous c), et/ou à la deuxième question par la négative, est-on – au motif que les superficies en cause, en plus d’être utilisées comme pâturages permanents pour la production d’herbe destinée à la fabrication de pellets de végétaux, constituent également des bandes de piste entourant, dans un aérodrome, les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt – en présence:

a)

d’erreurs qui auraient raisonnablement pu être décelées par l’agriculteur, au sens de l’article 137 du règlement no 73/2009, des droits au paiement ayant, ce nonobstant, été alloués pour lesdites superficies;

b)

d’une erreur qui aurait raisonnablement pu être décelée par l’agriculteur, au sens de l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004, des aides ayant, ce nonobstant, été payées pour lesdites superficies;

c)

d’un paiement indu à propos duquel le bénéficiaire ne peut pas être considéré comme ayant agi de bonne foi, au sens de l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004, des aides ayant, ce nonobstant, été payées pour lesdites superficies?

4)

Quel moment faut-il prendre en considération pour apprécier:

a)

s’il s’est produit des erreurs qui ont raisonnablement pu être décelées par l’agriculteur, au sens de l’article 137 du règlement no 73/2009;

b)

s’il s’est produit une erreur qui a raisonnablement pu être décelée par l’agriculteur, au sens de l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004;

c)

si le bénéficiaire de l’aide peut être considéré comme ayant agi de bonne foi, au sens de l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004?

5)

L’appréciation visée à la quatrième question, sous a) à c), doit-elle être effectuée pour chaque année concernée ou pour les paiements dans leur ensemble?»

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

47

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, dans quelle mesure des surfaces entourant les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt d’un aéroport peuvent être considérées comme étant des «hectares admissibles au bénéfice de l’aide», au sens des articles 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009.

48

À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003, est considérée comme «hectare admissible au bénéfice de l’aide» toute superficie agricole de l’exploitation occupée par des terres arables et des pâturages permanents, à l’exclusion des superficies occupées par des cultures permanentes et des forêts ou affectées à une activité non agricole.

49

Le règlement no 1782/2003 a été remplacé, à compter du 1er janvier 2009, par le règlement no 73/2009. En vertu de l’article 34, paragraphe 2, sous a), de ce dernier, toute surface agricole de l’exploitation utilisée aux fins d’une activité agricole ou, en cas d’utilisation également pour des activités autres qu’agricoles, essentiellement utilisées à des fins agricoles, doit être considérée comme «hectare admissible».

50

Compte tenu de la période pertinente des faits au principal, à savoir les années 2005 à 2009, ces deux règlements sont applicables ratione temporis. Cependant, il convient de relever qu’il existe une disparité entre le libellé de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et celui de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009.

51

En effet, tandis qu’il résulte sans ambiguïté du libellé de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009 qu’une surface agricole utilisée pour des activités non agricoles relève de la notion d’«hectare admissible» si elle est essentiellement utilisée à des fins agricoles, tel n’est pas le cas au regard de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003.

52

Toutefois, étant donné qu’il n’est pas inhabituel qu’une surface agricole soit utilisée tant pour des activités agricoles que pour des activités non agricoles et que rien dans les travaux préparatoires du règlement no 73/2009 n’indique une intention du législateur de modifier la notion de «surface admissible au bénéfice de l’aide», telle qu’elle a été définie dans le règlement no 1782/2003, l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009, lu à la lumière de l’article 3 quater du règlement no 795/2004, apparaît comme étant le résultat d’une volonté du législateur de l’Union de clarifier cette notion.

53

Dans ces conditions, il convient d’examiner les première et deuxième questions à la lumière de la notion d’«hectare admissible», telle qu’elle est définie à l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009 pour l’ensemble de la période allant de l’année 2005 à l’année 2009.

54

Partant, pour pouvoir être admissible au bénéfice de l’aide concernée, la surface en cause au principal doit être une surface agricole, faire partie de l’exploitation de l’agriculteur et être utilisée à des fins agricoles ou, en cas d’utilisation concurrente, être essentiellement utilisée à de telles fins.

55

En ce qui concerne, en premier lieu, la notion de «surface agricole», celle-ci est définie à l’article 2, sous h), du règlement no 73/2009 comme étant «l’ensemble de la superficie des terres arables, des pâturages permanents ou des cultures permanentes».

56

Dans le litige au principal, il est constant que les surfaces en cause étaient exploitées par M. Demmer en vue de récolter de l’herbe pour la production de pellets de végétaux. À cet égard, il convient de préciser que, dès lors qu’elles étaient utilisées comme «pâturages permanents», au sens de l’article 2, point 2, du règlement no 796/2004, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, lesdites surfaces doivent être qualifiées d’«agricoles». En effet, la qualification de «pâturages permanents», au sens de cette disposition et, par conséquent, celle de «surface agricole», dépend de l’affectation effective des terres en question (voir, en ce sens, arrêt Landkreis Bad Dürkheim, C‑61/09, EU:C:2010:606, point 37).

57

Il s’ensuit que la circonstance que le fauchage de l’herbe à proximité des pistes d’atterrissage et des prolongements d’arrêt répond également à des objectifs tenant à la sécurité du trafic aérien est dénuée de pertinence à cet égard. Il en va de même de la circonstance que, conformément à la réglementation applicable, les surfaces litigieuses visent, en tant que telles, à assurer la sécurité des avions au cours des opérations de décollage et d’atterrissage.

58

En deuxième lieu, pour pouvoir être «admissible au bénéfice de l’aide», au sens de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009, la surface agricole en cause au principal doit faire partie de l’exploitation de l’agriculteur concerné. À cet égard, la Cour a jugé que tel est le cas lorsque ce dernier dispose du pouvoir de gérer celle-ci aux fins de l’exercice d’une activité agricole, c’est-à-dire lorsque ce dernier dispose, en ce qui concerne cette surface, d’une autonomie suffisante aux fins de l’exercice de son activité agricole (arrêt Landkreis Bad Dürkheim, C‑61/09, EU:C:2010:606, points 58 et 62).

59

En l’espèce, les règles et les restrictions applicables à l’utilisation des bandes de piste entourant les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt découlent tant des dispositions nationales et internationales visant à assurer la sécurité du trafic aérien que des clauses des contrats en vertu desquels les surfaces en cause au principal ont été mises à la disposition de M. Demmer. Ces dispositions et clauses, qui concernent notamment la manière dont lesdites surfaces doivent être entretenues, les cultures qui peuvent y être pratiquées ainsi que la hauteur tolérée de l’herbe imposent incontestablement des restrictions considérables à la liberté de M. Demmer de disposer de celles-ci.

60

Néanmoins, tant que ces restrictions ne constituent pas pour l’agriculteur concerné une entrave à l’exercice de son activité agricole sur les surfaces exploitées, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il n’y a pas lieu de considérer que ces surfaces ne font pas partie de l’exploitation de celui-ci.

61

Dans les circonstances du litige au principal, il importe encore de rappeler que, si la notion de gestion n’implique pas l’existence, au profit de l’agriculteur, d’un pouvoir de disposition illimité sur la superficie concernée dans le cadre de l’utilisation de celle-ci à des fins agricoles, il importe néanmoins que l’agriculteur ne soit pas totalement soumis aux instructions du bailleur (voir, en ce sens, arrêt Landkreis Bad Dürkheim, C‑61/09, EU:C:2010:606, points 61 et 63).

62

Ainsi, l’agriculteur doit, notamment, disposer d’une certaine marge de manœuvre dans la conduite de son activité agricole sur les surfaces concernées et ne pas intervenir sur ces dernières exclusivement à la demande du bailleur, ce qu’il appartient également à la juridiction de renvoi d’apprécier, au regard de l’ensemble des circonstances du litige au principal.

63

En troisième lieu, il découle du point 54 du présent arrêt que, pour être admissibles au bénéfice de l’aide, en application de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009, les surfaces agricoles en cause au principal doivent être utilisées aux fins d’une activité agricole ou, en cas d’utilisation également pour des activités autres qu’agricoles, être essentiellement utilisées à de telles fins.

64

Dans l’affaire au principal, il est constant que l’activité exercée par M. Demmer sur les surfaces en cause, à savoir la récolte d’herbe pour la production de pellets de végétaux, constitue une activité agricole, au sens de l’article 2, sous c), du règlement no 1782/2003 et de l’article 2, sous c), du règlement no 73/2009.

65

En outre, il convient de préciser que, aux fins de l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009, il importe peu que l’exercice d’une telle activité sur les surfaces concernées réponde à des exigences légales ayant pour objectif d’assurer la sécurité du trafic aérien dans la zone aéroportuaire concernée (voir, en ce sens, arrêt Landkreis Bad Dürkheim, C‑61/09, EU:C:2010:606, point 47).

66

Selon la décision de renvoi, M. Demmer a accepté d’utiliser les surfaces en cause au principal, situées dans l’enceinte de la base aérienne de Skrydstrup, en tenant dûment compte des opérations de vol et, en vertu du contrat de bail conclu avec l’aéroport d’Aalborg, les Forces armées disposaient du droit d’utiliser les surfaces concernées, situées dans l’enceinte dudit aéroport, en vue d’organiser toute forme d’entraînement militaire.

67

Cependant, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 41 de ses conclusions, ni l’existence de ces clauses ni la situation desdites surfaces, en bordure des pistes d’atterrissage, des voies de circulation et des prolongements d’arrêt d’un aérodrome, ne sauraient constituer la preuve de l’exercice d’une activité non agricole sur ces mêmes surfaces.

68

Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que des activités non agricoles, telles que des exercices militaires ou des opérations de vol, ont effectivement été exercées sur lesdites surfaces.

69

Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi parviendrait à la conclusion que les surfaces en cause au principal ont fait l’objet d’une utilisation tant à des fins agricoles qu’à d’autres fins, il y a lieu de rappeler que, en application de l’article 3 quater du règlement no 795/2004, ces surfaces seraient considérées comme ayant été essentiellement utilisées à des fins agricoles, aux fins de l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009, si l’activité agricole concernée a pu y être exercée sans être sensiblement gênée par l’intensité, la nature, la durée et le calendrier de l’activité non agricole.

70

Dans le cadre de cette appréciation, il importe de tenir compte de l’ensemble des circonstances factuelles liées aux différentes utilisations dont faisaient l’objet les surfaces en cause au principal. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 52 de ses conclusions, il y a lieu de constater l’existence d’une gêne sensible pour l’activité agricole exercée sur lesdites surfaces, lorsque l’agriculteur concerné se heurte, dans l’exercice de celle-ci, à des difficultés ou à des obstacles réels et non dépourvus d’importance, dus à l’exercice, en parallèle, d’une activité d’une autre nature.

71

En outre, il importe, au regard de l’article 3 quater du règlement no 795/2004, que l’agriculteur soit en mesure d’exercer son activité agricole sur les surfaces concernées en dépit des restrictions qui découlent de l’exercice d’une activité non agricole sur les mêmes surfaces.

72

Dès lors, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si l’activité exercée par M. Demmer sur ces surfaces a effectivement pu l’être sans être sensiblement gênée par l’intensité, la nature, la durée et le calendrier de l’activité non agricole.

73

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 44, paragraphe 2, du règlement no 1782/2003 et l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009 doivent être interprétés en ce sens qu’une surface agricole constituée des bandes de piste entourant, dans un aérodrome, les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt, qui sont soumises à des règles et à des restrictions particulières, constitue une surface admissible au bénéfice de l’aide concernée à condition, d’une part, que l’agriculteur qui exploite cette surface dispose d’une autonomie suffisante dans l’utilisation de celle-ci, aux fins de l’exercice de son activité agricole, et, d’autre part, qu’il soit en mesure d’exercer cette activité sur ladite surface, en dépit des restrictions qui découlent de l’exercice d’une activité non agricole sur la même surface.

Sur les troisième à cinquième questions

74

Par ses troisième à cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi, dans la mesure où elle parviendrait à la conclusion que les surfaces en cause au principal ne sont pas admissibles au bénéfice de l’aide, au motif que l’agriculteur ne dispose d’aucune marge de manœuvre dans l’utilisation de ces surfaces aux fins de l’exercice de son activité agricole et/ou qu’il n’est pas en mesure d’exercer son activité agricole sur lesdites surfaces en raison des restrictions qui découlent de l’exercice d’une activité non agricole sur les mêmes surfaces, demande, en substance, si l’agriculteur concerné aurait raisonnablement pu déceler le caractère erroné de l’allocation des droits au paiement ainsi que du versement de l’aide correspondant.

75

À titre liminaire, il importe de rappeler que, en application de l’article 43 du règlement no 1782/2003, les droits au paiement octroyés aux agriculteurs ont, en principe, été déterminés sur la base du nombre moyen, calculé sur trois ans, de l’ensemble des hectares qui a donné droit, au cours de la période allant des années 2000 à 2002, aux paiements directs mentionnés à l’annexe VI de ce règlement. Partant, la circonstance que les surfaces ayant donné droit à de tels paiements directs ne constituent pas, dans le cadre du régime de paiement unique, des hectares admissibles au bénéfice de l’aide ne saurait, en tant que telle, permettre de justifier une remise en cause des droits au paiement attribués conformément à cet article 43.

76

Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi devrait néanmoins parvenir à la conclusion que les droits au paiement en cause au principal ont été alloués indûment à M. Demmer, il y aurait lieu de rappeler que, si l’article 73 bis du règlement no 796/2004 prévoit que de tels droits doivent être cédés à la réserve nationale, il résulte cependant de l’article 137, paragraphe 1, du règlement no 73/2009 que les droits au paiement indûment alloués avant le 1er janvier 2009 sont réputés légaux et réguliers à partir du 1er janvier 2010. Selon l’article 137, paragraphe 2, de ce règlement, cette disposition n’est toutefois pas applicable aux droits au paiement qui ont été attribués sur la base d’une demande présentant des erreurs matérielles, à moins qu’il s’agisse d’erreurs que l’agriculteur ne pouvait raisonnablement déceler.

77

En l’espèce, il ressort de la décision de renvoi que, dès le mois de novembre 2008, l’autorité compétente a informé M. Demmer du fait que les surfaces en cause au principal ne pouvaient être considérées comme étant admissibles au bénéfice de l’aide. À cette occasion, M. Demmer a également pris connaissance de l’intention de l’autorité compétente de procéder à un nouveau calcul des droits au paiement qui lui avaient été octroyés initialement.

78

Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 70 de ses conclusions, l’article 137 du règlement no 73/2009 est justifié par le principe de protection de la confiance légitime. Il s’ensuit que M. Demmer, dès lors qu’il a été informé, avant le 1er janvier 2010, du caractère indu de l’attribution des droits au paiement afférents auxdites surfaces, ne serait en tout état de cause pas fondé à se prévaloir de cette disposition aux fins d’obtenir une régularisation de ces droits.

79

Partant, M. Demmer serait tenu, en application de l’article 73 bis, paragraphe 1, du règlement no 796/2004, de céder à la réserve nationale les droits au paiement qui lui ont été indûment alloués, ceux-ci devant alors être considérés comme ne lui ayant jamais été attribués.

80

S’agissant, ensuite, des montants de l’aide indûment versés, ceux-ci doivent être remboursés, conformément à ce que prévoit l’article 73, paragraphe 1, du règlement no 796/2004. Ainsi qu’il découle de l’article 73 bis, paragraphe 4, de ce règlement, tel est également le cas des paiements qui se révèlent être indus car effectués sur la base de droits eux-mêmes indûment alloués à l’agriculteur concerné.

81

Néanmoins, en application de l’article 73, paragraphe 4, dudit règlement, l’agriculteur n’est pas, en principe, tenu de rembourser l’aide dont il a indûment bénéficié si celle-ci lui a été versée à la suite d’une erreur, de l’autorité compétente ou d’une autre autorité, qu’il ne pouvait raisonnablement déceler.

82

Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 70 de ses conclusions, cette exception est justifiée par le principe de protection de la confiance légitime.

83

En l’occurrence, il ressort de la réponse aux première et deuxième questions que l’erreur consisterait, le cas échéant, dans le fait que l’autorité compétente a versé à M. Demmer l’aide correspondant aux surfaces en cause au principal, alors que celles-ci n’étaient pas admissibles au bénéfice de cette aide, aux motifs qu’elles ne faisaient pas partie de son exploitation et/ou qu’elles n’étaient pas essentiellement utilisées à des fins agricoles.

84

En vue de déterminer le caractère décelable d’une telle erreur, il importe de tenir compte du fait que les agriculteurs sont censés, en tant que professionnels, exercer une attention particulière lors de l’introduction d’une demande d’aide et avoir pris connaissance des conditions d’octroi de cette dernière. C’est ce qui ressort, notamment, de l’article 12 du règlement no 796/2004, en vertu duquel il incombe à l’agriculteur de vérifier l’exactitude des informations figurant sur le formulaire préimprimé utilisé pour demander une aide en vertu du régime de paiement unique. Il ressort également de cet article que ce régime de paiement repose sur la prémisse selon laquelle les agriculteurs ont pris connaissance des conditions régissant l’octroi de l’aide au titre des régimes concernés.

85

En outre, il convient de relever que, dans la mesure où il prévoit une exception à l’obligation de rembourser les paiements indus, l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004 doit faire l’objet d’une interprétation stricte, et ce d’autant plus qu’une telle obligation vise à protéger les intérêts financiers de l’Union européenne.

86

Dans ces conditions, et en dépit des difficultés d’interprétation que peuvent susciter les dispositions pertinentes du droit de l’Union, il y a lieu de considérer qu’un agriculteur se trouvant dans la situation de M. Demmer aurait, en principe, raisonnablement pu déceler le caractère non éligible au bénéfice de l’aide des surfaces en cause au principal, dans la mesure où celles-ci, en tant qu’elles ne faisaient pas partie de son exploitation et/ou qu’elles n’étaient pas essentiellement utilisées à des fins agricoles, ne remplissaient pas les conditions prévues à l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement no 73/2009.

87

Dans le cadre de cette appréciation, il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de tenir compte de l’ensemble des circonstances du litige au principal et, notamment, de la question de savoir si, avant la révision du registre des parcelles agricoles qui a eu lieu au cours de l’année 2008, il existait, au Danemark, une pratique administrative consistant à reconnaître systématiquement le caractère admissible au bénéfice de l’aide concernée des superficies telles que celles en cause au principal. Dans ce cas, en effet, il y aurait lieu de présumer que M. Demmer n’aurait pas pu déceler l’erreur évoquée au point 83 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt Vonk Noordegraaf, C‑105/13, EU:C:2014:1126, point 50).

88

En revanche, le fait que les autorités compétentes ont procédé au versement de l’aide pour les surfaces en cause au principal ne saurait, en tant que tel et à lui seul, permettre d’exclure l’existence d’une erreur qui aurait raisonnablement pu être décelée par l’agriculteur concerné. En effet, les dispositions visées par la juridiction de renvoi dans ses questions, en particulier l’article 73 du règlement no 796/2004, concernent précisément des cas de figure dans lesquels un paiement indu a été effectué, de sorte que les agriculteurs sont supposés avoir connaissance de l’existence d’un risque de voir des corrections effectuées, y compris après que l’aide leur a été versée.

89

Par ailleurs, aux fins d’apprécier si une erreur à l’origine du versement de l’aide aurait raisonnablement pu être décelée par l’agriculteur concerné, il y a lieu, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004, de se placer au moment du paiement de l’aide.

90

En outre, dans la mesure où l’aide est versée pour une seule année à la fois et où les circonstances pertinentes relatives au caractère admissible au bénéfice de l’aide des surfaces concernées peuvent varier au cours du temps, l’appréciation effectuée au titre de l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004 doit l’être de manière séparée pour chacune des années concernées.

91

Enfin, il convient de rappeler que, conformément à ce que prévoit l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004, l’obligation de rembourser l’aide indûment versée est prescrite à l’issue d’un délai de dix ans à compter du jour du paiement. Toutefois, ce délai est réduit à quatre ans lorsque l’agriculteur a agi de bonne foi.

92

À cet égard, il convient de préciser que l’agriculteur concerné sera considéré comme ayant agi de bonne foi s’il était sincèrement convaincu que les surfaces concernées étaient admissibles au bénéfice de l’aide. Toutefois, pour la raison mentionnée au point 88 du présent arrêt, le fait que les autorités compétentes ont procédé au versement de l’aide pour ces surfaces ne saurait, en tant que tel et à lui seul, permettre d’établir la bonne foi de cet agriculteur.

93

En outre, étant donné que la prise en considération de la bonne foi de l’agriculteur vise à assurer le respect du principe de protection de la confiance légitime, cette bonne foi doit, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, exister au moment de l’introduction de la demande d’aide et persister pendant les quatre années suivant la date du versement de l’aide. Par conséquent, l’appréciation de l’existence de cette bonne foi, aux fins de l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004, doit être effectuée de manière séparée au titre de chacune des années concernées et la bonne foi de l’agriculteur concerné doit persister jusqu’à l’issue de la quatrième année suivant la date du paiement de l’aide.

94

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux troisième à cinquième questions de la manière suivante:

l’article 137 du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens qu’un agriculteur, qui a été informé, avant le 1er janvier 2010, du caractère indu de l’attribution qui lui a été faite de droits au paiement, n’est pas fondé à se prévaloir de cet article, aux fins d’obtenir une régularisation de ces droits;

l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004 doit être interprété en ce sens qu’un agriculteur doit être considéré comme ayant pu raisonnablement déceler le caractère non éligible au bénéfice de l’aide concernée de surfaces pour l’utilisation desquelles, aux fins de l’exercice de son activité agricole, il ne dispose d’aucune marge de manœuvre et/ou sur lesquelles il n’est pas en mesure d’exercer cette activité, en raison des restrictions qui découlent de l’exercice d’une activité non agricole sur les mêmes surfaces. Aux fins d’apprécier si l’erreur commise pouvait raisonnablement être décelée par cet agriculteur, il y a lieu de se placer au moment du paiement de l’aide. L’appréciation au titre de l’article 73, paragraphe 4, du règlement no 796/2004 doit être effectuée de manière séparée pour chacune des années concernées, et

l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004 doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, un agriculteur doit être considéré comme étant de bonne foi s’il était sincèrement convaincu que les surfaces concernées étaient admissibles au bénéfice de l’aide. L’appréciation de la bonne foi de cet agriculteur, aux fins de l’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004, doit être effectuée de manière séparée pour chacune des années concernées et cette bonne foi doit persister jusqu’à l’issue de la quatrième année suivant la date du paiement de l’aide.

Sur les dépens

95

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

 

1)

L’article 44, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) no 2019/93, (CE) no 1452/2001, (CE) no 1453/2001, (CE) no 1454/2001, (CE) no 1868/94, (CE) no 1251/1999, (CE) no 1254/1999, (CE) no 1673/2000, (CEE) no 2358/71 et (CE) no 2529/2001, et l’article 34, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement no 1782/2003, doivent être interprétés en ce sens qu’une surface agricole constituée des bandes de piste entourant, dans un aérodrome, les pistes d’atterrissage, les voies de circulation et les prolongements d’arrêt, qui sont soumises à des règles et à des restrictions particulières, constitue une surface admissible au bénéfice de l’aide concernée à condition, d’une part, que l’agriculteur qui exploite cette surface dispose d’une autonomie suffisante dans l’utilisation de celle-ci, aux fins de l’exercice de son activité agricole, et, d’autre part, qu’il soit en mesure d’exercer cette activité sur ladite surface, en dépit des restrictions qui découlent de l’exercice d’une activité non agricole sur la même surface.

 

2)

L’article 137 du règlement no 73/2009 doit être interprété en ce sens qu’un agriculteur, qui a été informé, avant le 1er janvier 2010, du caractère indu de l’attribution qui lui a été faite de droits au paiement, n’est pas fondé à se prévaloir de cet article, aux fins d’obtenir une régularisation de ces droits.

L’article 73, paragraphe 4, du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement no 1782/2003, tel que modifié par le règlement (CE) no 2184/2005 de la Commission, du 23 décembre 2005, doit être interprété en ce sens qu’un agriculteur doit être considéré comme ayant pu raisonnablement déceler le caractère non éligible au bénéfice de l’aide concernée de surfaces pour l’utilisation desquelles, aux fins de l’exercice de son activité agricole, il ne dispose d’aucune marge de manœuvre et/ou sur lesquelles il n’est pas en mesure d’exercer cette activité, en raison des restrictions qui découlent de l’exercice d’une activité non agricole sur les mêmes surfaces. Aux fins d’apprécier si l’erreur commise pouvait raisonnablement être décelée par cet agriculteur, il y a lieu de se placer au moment du paiement de l’aide. L’appréciation effectuée au titre de l’article 73, paragraphe 4, dudit règlement no 796/2004 doit l’être de manière séparée pour chacune des années concernées.

L’article 73, paragraphe 5, du règlement no 796/2004, tel que modifié par le règlement no 2184/2005, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, un agriculteur doit être considéré comme étant de bonne foi s’il était sincèrement convaincu que les surfaces concernées étaient admissibles au bénéfice de l’aide. L’appréciation de la bonne foi de cet agriculteur, aux fins de l’article 73, paragraphe 5, dudit règlement no 796/2004, doit être effectuée de manière séparée pour chacune des années concernées et cette bonne foi doit persister jusqu’à l’issue de la quatrième année suivant la date du paiement de l’aide.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le danois.