ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

7 mai 2015 ( *1 )

«Pourvoi — Marque communautaire — Règlement (CE) no 207/2009 — Article 7, paragraphe 1, sous b) — Motif absolu de refus — Absence de caractère distinctif — Signe tridimensionnel constitué par la forme d’une bouteille cylindrique»

Dans l’affaire C‑445/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 août 2013,

Voss of Norway ASA, établie à Oslo (Norvège), représentée par Mes F. Jacobacci et B. La Tella, avvocati,

partie requérante,

soutenue par:

International Trademark Association, établie à New York (États-Unis), représentée par Me T. De Haan, avocat, Mes F. Folmer et S. Klos, advocaten, ainsi que par M. S. Helmer, solicitor,

les autres parties à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

Nordic Spirit AB (publ),

partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, MM. A. Borg Barthet (rapporteur) et E. Levits, juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Voss of Norway ASA (ci-après «Voss») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Voss of Norway/OHMI – Nordic Spirit (Forme d’une bouteille cylindrique) (T‑178/11, EU:T:2013:272, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 12 janvier 2011 (affaire R 785/2010‑1), relative à une procédure de nullité entre Nordic Spirit AB (publ) (ci-après «Nordic Spirit») et Voss (ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 207/2009

2

Le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), entré en vigueur le 13 avril 2009, a abrogé et remplacé le règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1).

3

Aux termes de l’article 7 du règlement no 207/2009, intitulé «Motifs absolus de refus»:

«1.   Sont refusés à l’enregistrement:

[...]

b)

les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

[…]»

4

L’article 52 de ce règlement, intitulé «Causes de nullité absolue», dispose à son paragraphe 1:

«La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

a)

lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7;

[...]»

5

L’article 55, paragraphe 2, dudit règlement prévoit:

«La marque communautaire est réputée n’avoir pas eu, dès l’origine, les effets prévus au présent règlement, selon que la marque a été déclarée nulle en tout ou en partie.»

6

L’article 99 du même règlement dispose:

«1.   Les tribunaux des marques communautaires considèrent la marque communautaire comme valide, à moins que le défendeur n’en conteste la validité par une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité.

2.   La validité d’une marque communautaire ne peut être contestée par une action en constatation de non-contrefaçon.

3.   Dans les actions visées à l’article 96, points a) et c), l’exception de déchéance ou de nullité de la marque communautaire, présentée par une voie autre qu’une demande reconventionnelle, est recevable dans la mesure où le défendeur fait valoir que le titulaire de la marque communautaire pourrait être déchu de ses droits pour usage insuffisant ou que la marque pourrait être déclarée nulle en raison de l’existence d’un droit antérieur du défendeur.»

Le règlement (CE) no 2868/95

7

Aux termes de la règle 37 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 355/2009 de la Commission, du 31 mars 2009 (JO L 109, p. 3):

«Une demande en déchéance ou en nullité de la marque communautaire, introduite auprès de l’Office, en vertu de l’article [56 du règlement no 207/2009], contient les renseignements suivants:

[...]

b)

en ce qui concerne les causes invoquées dans la demande:

[...]

iv)

les faits, preuves et observations présentés à l’appui de la demande;

[...]»

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

8

Le 3 décembre 2004, Voss a obtenu, auprès de l’OHMI et en vertu du règlement no 40/94, l’enregistrement, sous le numéro 3156163, de la marque communautaire tridimensionnelle reproduite ci-dessous (ci-après la «marque contestée»):

Image

9

Les produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante:

Classe 32: Bières; boissons non alcooliques, eau;

Classe 33: Boissons alcooliques à l’exclusion de la bière.

10

Le 17 juillet 2008, Nordic Spirit a présenté une demande en nullité de la marque contestée, sur le fondement, d’une part, de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous a) à e), i) à iii), de ce règlement et, d’autre part, de l’article 51, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

11

Par une décision du 10 mars 2010, la division d’annulation de l’OHMI a rejeté cette demande en nullité dans son entièreté.

12

Elle a considéré, notamment, que la forme de la marque contestée n’est pas «courante» sur le marché des boissons et que, en raison du contraste entre le corps transparent et le capuchon, celle-ci se distingue, dans une large mesure, des bouteilles existantes et peut, à ce titre, faire office de marque.

13

Le 6 mai 2010, Nordic Spirit a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre cette décision de la division d’annulation.

14

Par la décision litigieuse, la première chambre de recours de l’OHMI (ci-après la «chambre de recours») a annulé ladite décision et a accueilli la demande en nullité.

15

Elle a considéré, en substance, que, eu égard à la jurisprudence selon laquelle les consommateurs attribuent, en premier lieu, une simple fonction de conditionnement aux bouteilles dans lesquelles des produits sont contenus [arrêt Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, EU:T:2006:84], il y avait lieu de considérer que les consommateurs liraient l’étiquette apposée sur la bouteille pour identifier l’origine du produit et distinguer celui-ci des autres produits.

16

La chambre de recours a, en outre, estimé que n’étaient étayées par aucun élément de preuve les assertions de la requérante selon lesquelles le consommateur moyen est capable de percevoir la forme de l’emballage des produits concernés comme une indication de leur origine commerciale, dans la mesure où cette forme présente des caractéristiques qui sont suffisantes pour retenir son attention.

17

Cette chambre a, par ailleurs, considéré qu’aucune preuve n’avait été produite par Voss pour établir que c’était à tort que Nordic Spirit faisait valoir que les bouteilles d’eau minérale ou contenant toute autre boisson comportent invariablement des éléments verbaux et figuratifs et que, pour cette raison, les consommateurs ont pour habitude d’identifier l’origine commerciale du produit concerné sur la base non pas du design de la bouteille, mais de ces éléments.

18

Enfin, ladite chambre a estimé que la forme de la bouteille en cause ne diverge pas significativement de la forme des autres contenants utilisés pour des boissons alcooliques ou non alcooliques dans l’Union européenne, mais qu’elle n’en est qu’une variante.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

19

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2011, Voss a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

20

À l’appui de ce recours, la requérante a invoqué quatre moyens.

21

Le premier de ceux-ci était tiré de la violation de l’article 75 du règlement no 207/2009, en ce que, en substance, la chambre de recours aurait fondé son raisonnement sur des éléments non portés à la connaissance de la requérante et sur lesquels elle n’aurait pas été en mesure de faire valoir son point de vue.

22

Le deuxième moyen était tiré de la violation de l’article 99 du règlement no 207/2009 et de la règle 37, sous b), iv), du règlement no 2868/95, en ce que la chambre de recours aurait indûment fait supporter à la requérante la charge de la preuve du caractère distinctif de la marque contestée, alors que celle-ci était enregistrée et jouissait, par conséquent, d’une présomption de validité.

23

Le troisième moyen était tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et d’une interprétation erronée de la jurisprudence relative au caractère distinctif des marques tridimensionnelles, en ce que, au test défini par la jurisprudence pour apprécier le caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle lorsqu’il s’agit du conditionnement d’un produit liquide et que cette marque est constituée par l’apparence du produit lui-même, test qui consiste à apprécier si la marque diverge de manière significative des normes et des habitudes du secteur concerné, la chambre de recours aurait substitué un autre test, fondé sur l’importance qu’il conviendrait d’accorder aux étiquettes ou aux autres pratiques de marquage en vigueur dans ledit secteur.

24

Enfin le quatrième moyen était tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et d’une dénaturation des preuves de l’existence d’une divergence significative par rapport aux normes ou aux habitudes du secteur des boissons, en ce que la chambre de recours aurait erronément conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée.

25

Lors de l’audience devant le Tribunal, la requérante a toutefois indiqué qu’elle renonçait à son premier moyen.

26

À titre liminaire, le Tribunal a constaté que la décision litigieuse repose sur un raisonnement comportant deux piliers distincts et indépendants l’un de l’autre.

27

Au point 27 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que, aux points 18 à 35 de la décision litigieuse, correspondant à la partie du raisonnement qu’il a qualifiée de «premier pilier», la chambre de recours a considéré, en substance, qu’il est un fait notoire que les boissons sont quasiment toujours vendues dans des bouteilles, des canettes ou d’autres emballages revêtus d’une étiquette ou d’un élément verbal ou graphique, que ce sont ces indications qui permettent au consommateur de différencier les produits sur le marché et que Voss n’avait présenté aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles il n’en irait pas ainsi.

28

Au point 28 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, aux points 36 à 41 de la décision litigieuse, correspondant à la partie du raisonnement qu’il a identifiée comme étant le «second pilier», la chambre de recours s’est livrée à une analyse autonome du caractère distinctif de la marque contestée pour en conclure, en substance, que la bouteille en cause ne se différencie pas de manière significative de la forme des autres bouteilles sur le marché des boissons alcooliques et non alcooliques et n’en est qu’une variante, et que, dès lors, elle ne diverge pas de manière significative des normes et des habitudes du secteur concerné.

29

Le Tribunal a précisé, au point 29 de l’arrêt attaqué, que, interrogées sur ce point lors de l’audience, les parties avaient confirmé que la décision attaquée repose sur un raisonnement comportant deux piliers distincts et indépendants. Il a en outre indiqué, au point 30 de l’arrêt attaqué, que Voss avait précisé, lors de l’audience, que son deuxième moyen n’était dirigé que contre le premier de ces piliers.

30

Le Tribunal a procédé à l’examen du troisième moyen, dans la mesure où il visait le second de ces piliers, ainsi que du quatrième moyen.

31

Le Tribunal a, en premier lieu, écarté le troisième moyen, en tant qu’il concernait ce second pilier.

32

En particulier, le Tribunal a, au point 55 de l’arrêt attaqué, jugé que la marque contestée est constituée d’une combinaison d’éléments dont chacun, étant susceptible d’être communément utilisé dans le commerce pour le conditionnement des produits visés dans la demande d’enregistrement, est dépourvu de caractère distinctif par rapport à ces produits.

33

En ce qui concerne la forme tridimensionnelle de la marque contestée, le Tribunal a considéré, au point 51 de l’arrêt attaqué, qu’il est un fait notoire que la grande majorité des bouteilles disponibles sur le marché présentent une partie cylindrique. Il en a déduit que, pour le consommateur moyen, il est naturel que les bouteilles de boissons alcooliques ou non alcooliques possèdent généralement une telle forme. Le Tribunal en a conclu que la forme d’un «cylindre parfait» de la bouteille en cause, en admettant même que cet élément présente une certaine originalité, ne saurait être considéré comme divergeant significativement des normes ou des habitudes du secteur concerné.

34

S’agissant du bouchon non transparent, le Tribunal a jugé, au point 52 de l’arrêt attaqué, que cet élément peut difficilement être considéré comme une divergence significative par rapport aux normes ou aux habitudes de ce secteur, dès lors qu’il est un fait notoire que de très nombreuses bouteilles sont fermées par un bouchon réalisé dans un matériau et dans une couleur différents de ceux du corps de la bouteille.

35

Quant au diamètre du bouchon, identique à celui de la bouteille, le Tribunal a jugé, au point 53 de l’arrêt attaqué, qu’il ne constitue qu’une variante des formes existantes et ne saurait être considéré comme divergeant significativement des normes ou des habitudes dudit secteur, à supposer même qu’il soit admis que cet élément présente une certaine originalité.

36

Au point 57 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le fait qu’une marque complexe n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif par rapport aux produits concernés permet, en règle générale, de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est dépourvue de caractère distinctif. Il a ajouté qu’une telle conclusion ne saurait être infirmée que dans l’hypothèse où des indices concrets, tels que, notamment, la manière dont ces différents éléments sont combinés, indiqueraient que ladite marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée.

37

Au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que de tels indices font défaut en l’espèce, étant donné que la manière dont les éléments composant le signe tridimensionnel pour lequel la marque contestée a été enregistrée sont combinés ne représente pas davantage que la somme des éléments dont cette marque est composée, à savoir une bouteille dotée d’un bouchon non transparent, à l’instar de la plupart des bouteilles destinées à contenir des boissons alcooliques ou non alcooliques sur le marché concerné.

38

Le Tribunal en a déduit, au point 59 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur en estimant que le consommateur moyen de l’Union percevrait la marque contestée, dans son ensemble, uniquement comme une variante de la forme des produits pour lesquels l’enregistrement de ladite marque est demandé.

39

Il a conclu, au point 60 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours, aux points 36 et suivants de la décision litigieuse, avait concrètement appliqué le test prévu par la jurisprudence pour apprécier le caractère distinctif des signes tridimensionnels, lequel suppose d’examiner le point de savoir si le signe en cause diverge de manière significative des normes et des habitudes du secteur concerné, lorsqu’il s’agit du conditionnement d’un produit liquide et que ce signe est constitué par l’apparence du produit lui-même.

40

En second lieu, le Tribunal a, aux points 62 à 91 de l’arrêt attaqué, écarté le quatrième moyen invoqué par Voss au soutien de son recours. Il a en effet estimé que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif et qu’elle ne se distingue pas réellement des formes de conditionnement du produit fréquemment utilisées dans le secteur des boissons, mais constitue plutôt une variante de ces formes.

41

Le Tribunal a également jugé que les arguments avancés par la requérante ne permettaient pas de remettre en cause cette conclusion.

42

S’agissant, notamment, de l’argument de Voss selon lequel la chambre de recours, en comparant une forme cylindrique avec la section d’un cylindre, a dénaturé les éléments de preuve figurant dans le dossier, étant donné qu’une section cylindrique est une aberration d’un point de vue mathématique, le Tribunal a estimé que rien ne permet de considérer que cette chambre a entendu, au point 37 de la décision litigieuse, donner à l’expression «section cylindrique» une signification mathématique, au sens de la «représentation d’une coupe d’une forme géométrique». Selon le Tribunal, c’est, au contraire, au sens «d’une des parties plus ou moins distinctes en lesquelles quelque chose est ou peut être divisé ou dont celle-ci est constituée» («any of the more or less distinct parts into which something is or may be divided or from which it is made up», Oxford Dictionary) que le mot «section» doit être compris.

43

Aux points 92 à 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté comme étant inopérants le deuxième moyen ainsi que le troisième moyen, dans la mesure où ce dernier était dirigé contre le premier pilier du raisonnement sur lequel repose la décision litigieuse.

44

Il a en effet jugé que, conformément à une jurisprudence constante, dès lors que le dispositif d’une décision de l’OHMI repose sur un raisonnement comportant plusieurs piliers, dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Or, selon le Tribunal, à supposer même que les moyens dirigés contre le premier pilier du raisonnement sur lequel repose la décision litigieuse soient fondés, ce fait n’aurait pas d’influence sur le dispositif de cette décision, dès lors que le second pilier de ce raisonnement n’est pas entaché d’illégalité.

45

À cet égard, le Tribunal a précisé, au point 95 de l’arrêt attaqué, que, «même à supposer que ce soit à tort que la chambre de recours ait considéré qu’il est un fait notoire que les boissons sont quasiment toujours vendues dans des bouteilles revêtues d’une étiquette ou d’un élément verbal ou graphique, que ce sont ces indications qui permettent au consommateur de différencier les produits sur le marché et que la requérante n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles il n’en irait pas ainsi, ces considérations demeureraient sans aucune incidence sur la conclusion constatant l’absence de caractère distinctif de la marque contestée fondée sur les appréciations jugées légales aux points 46 à 91 [de l’arrêt attaqué]».

46

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, le Tribunal a rejeté le recours introduit devant lui par Voss.

Les conclusions des parties devant la Cour

47

Voss demande à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué et

de condamner l’OHMI aux dépens.

48

L’OHMI demande à la Cour:

de rejeter le pourvoi et

de condamner Voss aux dépens.

49

L’International Trademark Association (ci-après l’«INTA»), qui a été autorisée à intervenir au soutien des conclusions de Voss par l’ordonnance du président de la Cour Voss of Norway/OHMI (C‑445/13 P, EU:C:2014:202), demande à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué et

de décider qu’elle supportera ses propres dépens.

Sur le pourvoi

50

Au soutien de son pourvoi, Voss soulève six moyens.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

51

Par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir omis d’examiner le deuxième moyen invoqué à l’appui de son recours de première instance et tiré de ce que la chambre de recours lui aurait indûment fait supporter la charge de la preuve du caractère distinctif de la marque contestée, alors que cette dernière était enregistrée et jouissait d’une présomption de validité.

52

Elle fait valoir, à cet égard, que le Tribunal a écarté ce deuxième moyen uniquement en raison du fait qu’il a, de manière arbitraire, considéré que ce moyen était dirigé contre le premier pilier du raisonnement sur lequel repose la décision litigieuse, alors que celui-ci était clairement dirigé contre le second pilier, tel qu’il a été défini au point 28 de l’arrêt attaqué.

53

L’OHMI conteste les affirmations de la requérante et conclut au rejet de ce premier moyen.

Appréciation de la Cour

54

En substance, Voss reproche au Tribunal d’avoir modifié les termes de la distinction, entre les deux piliers du raisonnement développé dans la décision litigieuse, convenue lors de l’audience devant le Tribunal.

55

Selon la requérante, aux points 27 et 28 de l’arrêt attaqué, le premier et le second piliers ont été définis de manière inversée par rapport à la définition qui en avait été faite lors de l’audience devant le Tribunal.

56

Par conséquent, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en omettant d’examiner le deuxième moyen invoqué par Voss à l’appui de son recours présenté en première instance et tiré de ce que la chambre de recours lui aurait indûment fait supporter la charge de la preuve du caractère distinctif de la marque contestée.

57

À cet égard, il convient de relever, ainsi qu’il résulte du procès-verbal de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal, notifié à la requérante par télécopie le 13 mars 2013, que celle-ci a admis, d’une part, que la décision litigieuse était fondée sur un raisonnement comportant deux piliers indépendants, le premier figurant aux points 18 à 35 de la décision litigieuse et le second aux points 36 à 41 de celle-ci, et, d’autre part, que son deuxième moyen n’était pas dirigé contre le raisonnement développé à ces points 36 à 41.

58

En outre, à supposer même que ce deuxième moyen invoqué devant le Tribunal ait été dirigé, comme le soutient la requérante, contre ledit second pilier, force est de constater que, ainsi qu’il ressort des points 28 et 50 de l’arrêt attaqué, la chambre de recours a, aux points 36 à 41 de la décision litigieuse, procédé à l’analyse du caractère distinctif de la marque contestée de manière autonome et n’a pas fait peser sur Voss la charge de la preuve de l’existence d’un tel caractère.

59

Il s’ensuit que le premier moyen invoqué par Voss au soutien de son pourvoi n’est pas fondé et doit, par conséquent, être écarté.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

60

Par son deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’article 99 du règlement no 207/2009 ainsi que la règle 37, sous b), iv), du règlement no 2868/95, en tant que, aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, il a renversé la charge de la preuve, qui pesait exclusivement sur Nordic Spirit en sa qualité de partie ayant présenté une procédure en nullité de la marque contestée, en lui imposant l’obligation de prouver le caractère distinctif de ladite marque, en dépit de l’absence de toute preuve fournie par Nordic Spirit au soutien de la prétendue absence de caractère distinctif de celle-ci.

61

Voss soutient, à cet égard, que la jurisprudence citée par le Tribunal au point 57 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le fait qu’une marque complexe n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif permet, en règle générale, de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est dépourvue de caractère distinctif, hormis dans l’hypothèse où «des indices concrets, tels que, notamment, la manière dont les différents éléments sont combinés, indiqueraient que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée», a trait à des demandes d’enregistrement de marques communautaires, et n’est pas applicable à des marques enregistrées qui, à l’instar de la marque contestée, bénéficieraient d’une présomption de validité.

62

L’INTA se fonde sur les articles 52, 55 et 99 du règlement no 207/2009, desquels il ressortirait que les marques communautaires enregistrées jouissent d’une présomption de validité, ainsi que sur la règle 37, sous b), iv), du règlement no 2868/95 pour soutenir que le Tribunal a renversé à tort la charge de la preuve du caractère distinctif du signe en cause.

63

Selon cette association, si une demande d’enregistrement de marque prospère, la marque obtenue est présumée valide, sauf preuve contraire, et il ne devrait pas être exigé du demandeur qu’il établisse à nouveau la validité de sa marque, à moins que des faits et des preuves démontrant le contraire aient été produits par la partie cherchant à prouver la nullité de cette marque.

64

Or, en l’espèce, l’auteur de la demande en nullité n’aurait produit aucun fait vérifiable ni fourni de preuves devant l’OHMI. L’INTA en déduit que le Tribunal a méconnu les règlements nos 207/2009 et 2868/95 en n’annulant pas la décision de la chambre de recours qui avait considéré que l’affirmation de Voss, selon laquelle les consommateurs sont en mesure de déterminer l’origine commerciale de produits en regardant la forme de leur emballage, n’était pas étayée par des preuves et n’était donc pas suffisante «pour garantir le respect des normes définies par la jurisprudence».

65

L’OHMI conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle l’appréciation à laquelle s’est livré le Tribunal conduirait à une répartition erronée de la charge de la preuve du caractère distinctif du signe en cause et soutient que, sauf disposition contraire expresse figurant dans le règlement no 207/2009, l’application de motifs absolus de refus est soumise au même critère, en ce qui concerne tant les marques dont l’enregistrement est demandé que celles qui sont déjà enregistrées.

Appréciation de la Cour

66

Dans la mesure où il reproche au Tribunal d’avoir, aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, renversé la charge de la preuve en imposant à la requérante l’obligation de prouver le caractère distinctif de la marque contestée, en dépit de l’absence de toute preuve fournie par Nordic Spirit au soutien de la prétendue absence de caractère distinctif de celle-ci, le deuxième moyen du pourvoi doit être écarté comme non fondé.

67

En effet, aux points 51 à 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a apprécié de manière autonome le point de savoir si la marque contestée est pourvue de caractère distinctif.

68

Après avoir considéré, à l’issue de l’examen séparé de chacun des éléments constitutifs de la marque contestée, que celle-ci est constituée d’une combinaison d’éléments dont chacun est dépourvu de caractère distinctif par rapport aux produits pour lesquels elle a été enregistrée, le Tribunal a, au point 57 de l’arrêt attaqué, indiqué que cette circonstance «permet, en règle générale, de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est dépourvue de caractère distinctif», à moins que «des indices concrets, tels que, notamment, la manière dont les différents éléments sont combinés, indiqueraient que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée».

69

Au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, «[e]n l’espèce, il n’apparaît pas qu’il existe de tels indices». Il a relevé, à cet égard, que «la marque contestée est caractérisée par la combinaison de forme tridimensionnelle d’une bouteille cylindrique transparente et d’un bouchon non transparent de même diamètre que la bouteille proprement dite [et que l]a manière dont ces éléments sont combinés en l’espèce ne représente pas davantage que la somme des éléments dont la marque contestée est composée, à savoir une bouteille dotée d’un bouchon non transparent, à l’instar de la plupart des bouteilles destinées à contenir des boissons alcooliques ou non alcooliques sur le marché[, u]ne telle forme [étant] en effet susceptible d’être communément utilisée, dans le commerce, pour le conditionnement des produits visés par l’enregistrement».

70

Le Tribunal a ainsi lui-même vérifié l’existence d’indices concrets qui indiqueraient que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée et n’a pas, contrairement à ce que soutiennent l’INTA et la requérante, fait peser sur cette dernière la charge de la preuve de l’existence de tels indices.

71

Dans ces conditions, force est de constater que l’argumentation de Voss et de l’INTA repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et qu’elle doit, en conséquence, être écartée.

72

Quant à l’argument invoqué par l’INTA, selon lequel en n’annulant pas la décision litigieuse, qui avait considéré que n’étaient étayées par aucun élément de preuve les assertions de la requérante selon lesquelles le consommateur moyen est capable de percevoir la forme de l’emballage des produits concernés comme une indication de leur origine commerciale, le Tribunal a méconnu les règlements nos 207/2009 et 2868/95, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort du point 12 de l’arrêt attaqué, que cette appréciation de la chambre de recours figure au point 31 de ladite décision.

73

Ainsi qu’il découle du point 27 de l’arrêt attaqué, ladite appréciation relève, par conséquent, du premier pilier du raisonnement sur lequel repose la décision litigieuse, tel que défini par le Tribunal. Or, ce dernier a, au point 96 de l’arrêt attaqué, écarté comme étant inopérants les moyens dirigés contre ledit pilier.

74

Partant, l’INTA n’est pas fondée à soutenir que le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse en tant que, par celle-ci, la chambre de recours avait jugé que les assertions de Voss, selon lesquelles le consommateur moyen est capable de percevoir la forme de l’emballage des produits concernés comme une indication de leur origine commerciale, n’étaient étayées par aucun élément de preuve.

75

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen du pourvoi comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

76

Par son troisième moyen, Voss soutient que le Tribunal a méconnu l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en jugeant que la forme de la bouteille en cause est dépourvue de caractère distinctif, sans avoir défini, au préalable, quelles sont les normes et les habitudes du secteur concerné.

77

L’INTA fait valoir, en outre, que le Tribunal ne pouvait légalement conclure que la bouteille de la requérante ne diverge pas de manière significative des normes ou des habitudes du secteur concerné, dans la mesure où il a jugé, au point 72 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était «pas établi qu’il existait sur le marché d’autres bouteilles semblables», qu’il pouvait être supposé que cette bouteille est «unique en son genre» et, au point 51 de cet arrêt, qu’elle «présente une certaine originalité».

78

De plus, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en opposant «simple variante» et «divergence significative» par rapport aux normes et aux habitudes applicables. À cet égard, l’INTA fait valoir que le Tribunal a outrepassé les limites fixées par la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le seul facteur déterminant consiste à savoir si une forme tridimensionnelle enregistrée en tant que marque s’écarte des formes qui sont habituellement ou normalement utilisées dans le secteur concerné, pour les produits pertinents, dans une mesure telle que les consommateurs sont capables d’y attacher une signification.

79

Enfin, l’INTA soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en comparant à des éléments de formes habituelles ou normales dans ledit secteur de simples éléments d’une forme plutôt que la forme enregistrée dans son ensemble.

80

L’OHMI conteste cette argumentation et soutient que ce troisième moyen doit être écarté comme non fondé.

Appréciation de la Cour

81

Selon une jurisprudence constante, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (arrêts Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31, et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI, C‑98/11 P, EU:C:2012:307, point 42).

82

En l’espèce, le Tribunal a apprécié, aux points 51 à 53 de l’arrêt attaqué, le caractère distinctif de la marque contestée par rapport aux normes et aux habitudes du secteur des boissons alcooliques et non alcooliques.

83

Au point 51 de cet arrêt, il a tout d’abord considéré, en ce qui concerne la forme tridimensionnelle de la marque contestée, «qu’il est un fait notoire que la grande majorité des bouteilles disponibles sur le marché présentent une partie cylindrique».

84

Au point 52 dudit arrêt, le Tribunal a ensuite jugé, s’agissant du bouchon non transparent, «qu’il est un fait notoire que de très nombreuses bouteilles sont fermées par un bouchon réalisé dans un matériau et dans une couleur différents de ceux du corps de la bouteille».

85

Enfin, au point 53 du même arrêt, le Tribunal a considéré que le diamètre du bouchon, identique à celui de la bouteille, «ne constitue qu’une variante des formes existantes et ne saurait être considéré comme divergeant significativement des normes ou des habitudes du secteur, même à supposer que l’on admette que cet élément présente une certaine originalité».

86

Ainsi, le Tribunal s’est livré à une analyse du caractère distinctif des éléments constitutifs du signe tridimensionnel en cause au regard des normes du secteur concerné en se fondant sur des faits notoires.

87

Partant, Voss et l’INTA ne sont pas fondées à soutenir que le Tribunal a omis de définir les normes et les habitudes du secteur des produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée.

88

S’agissant de l’argument de l’INTA, selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en opposant «simple variante» et «divergence significative» par rapport aux normes et aux habitudes applicables, au lieu de rechercher si la marque contestée s’écarte des formes qui sont habituellement ou normalement utilisées dans le secteur concerné dans une mesure telle que les consommateurs seront à même d’y attacher une signification, il convient de rappeler que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises (arrêt Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 42 et jurisprudence citée).

89

Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêt Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 43 et jurisprudence citée).

90

Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (arrêts Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 45). Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 46).

91

Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition (arrêts Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31, et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI, C‑98/11 P, EU:C:2012:307, point 42).

92

Il s’ensuit que, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une «variante» de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (arrêt Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 32).

93

En l’espèce, après avoir rappelé, aux points 37 à 44 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence applicable, le Tribunal a, aux points 51 à 58 de celui-ci, vérifié si la marque contestée diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné.

94

Il en a conclu, au point 59 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que le consommateur moyen de l’Union percevrait la marque contestée, dans son ensemble, uniquement comme une variante de la forme des produits pour lesquels l’enregistrement de ladite marque est demandé. Il a ensuite considéré, au point 62 de l’arrêt attaqué, que la marque contestée, telle qu’elle est perçue par le public pertinent, n’est pas susceptible d’individualiser les produits visés par ladite marque et de les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale.

95

Il découle des considérations qui précèdent que le Tribunal a correctement identifié et suivi les critères déterminés par la jurisprudence pertinente à cet égard.

96

En outre, dans la mesure où l’INTA reproche au Tribunal d’avoir jugé que la bouteille de la requérante ne diverge pas de manière significative des normes ou des habitudes du secteur concerné, il convient de constater que cette analyse relève du domaine des appréciations de nature factuelle.

97

À cet égard, il importe de rappeler que, conformément aux articles 256, paragraphe 1, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. En effet, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt Louis Vuitton Malletier/OHMI, C‑97/12 P, EU:C:2014:324, point 61).

98

Or, force est de constater que l’INTA n’a invoqué, au soutien de cette contestation, aucun argument de nature à démontrer que le Tribunal se serait livré à une dénaturation des éléments de preuve.

99

Quant à l’argument selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en comparant de simples éléments d’une forme à des éléments de formes habituelles ou normales dans le secteur concerné, au lieu de comparer la forme enregistrée dans son ensemble aux normes et aux habitudes de ce secteur, il y a lieu de l’examiner dans le cadre du quatrième moyen.

100

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le troisième moyen du pourvoi comme étant en partie non fondé et en partie irrecevable.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

101

Par son quatrième moyen, Voss reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en évaluant séparément, aux fins de l’appréciation du caractère distinctif de la marque contestée, chacun des éléments constitutifs du signe tridimensionnel en cause, sans toutefois procéder à l’examen de celui-ci dans son ensemble.

102

La requérante soutient que, après avoir examiné séparément les éléments composant ledit signe tridimensionnel dans cinq points de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à indiquer que la manière dont ces éléments sont combinés «ne représente pas davantage que la somme des éléments dont la marque contestée est composée», ce qui, selon Voss, ne constitue pas la vérification approfondie de l’impression d’ensemble produite par la marque exigée par la jurisprudence.

103

L’OHMI fait valoir que le Tribunal a correctement appliqué le droit et la jurisprudence en ce qui concerne la manière d’apprécier le caractère distinctif d’un signe tridimensionnel.

Appréciation de la Cour

104

Par ce moyen, la requérante allègue que, dans le cadre de son appréciation du caractère distinctif de la marque contestée, le Tribunal n’a pas analysé, comme il aurait dû le faire, l’impression d’ensemble que produit cette marque.

105

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Aussi, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit (voir, notamment, arrêt Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, EU:C:2005:422, point 22 et jurisprudence citée).

106

Cela ne saurait toutefois impliquer que l’autorité compétente, chargée de vérifier si la marque dont l’enregistrement est demandé peut être perçue par le public comme une indication d’origine, ne peut pas procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale effectuée par ladite autorité, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir, notamment, arrêt Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, EU:C:2005:422, point 23 et jurisprudence citée).

107

Au point 55 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, à l’issue de l’examen séparé de chacun des éléments constitutifs de la marque contestée, considéré que celle-ci «est constituée par une combinaison d’éléments dont chacun, étant susceptible d’être communément utilisé dans le commerce pour le conditionnement des produits visés dans la demande d’enregistrement, est dépourvu de caractère distinctif par rapport à ces produits». Il a poursuivi son analyse en vérifiant si ladite marque, considérée dans son ensemble, présente ou non un tel caractère.

108

C’est ainsi que le Tribunal a constaté, au point 58 de l’arrêt attaqué, que «la manière dont [la forme tridimensionnelle d’une bouteille cylindrique transparente et le bouchon non transparent de même diamètre que la bouteille proprement dite] sont combinés en l’espèce ne représente pas davantage que la somme des éléments dont la marque contestée est composée, à savoir une bouteille dotée d’un bouchon non transparent, à l’instar de la plupart des bouteilles destinées à contenir des boissons alcooliques ou non alcooliques sur le marché», qu’«[u]ne telle forme est en effet susceptible d’être communément utilisée, dans le commerce, pour le conditionnement des produits visés par l’enregistrement» et que, par conséquent, «la manière dont les éléments de la présente marque complexe sont combinés n’est pas non plus susceptible de conférer à celle-ci un caractère distinctif». Le Tribunal a conclu, au point 62 dudit arrêt, que «la marque contestée, telle qu’elle est perçue par le public pertinent, n’est pas apte à individualiser les produits visés par ladite marque et à les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale».

109

Il s’ensuit que le Tribunal a correctement fondé son appréciation du caractère distinctif de la marque contestée sur l’impression d’ensemble qui se dégage de la forme et de l’agencement des éléments constitutifs de cette marque, ainsi que l’exige la jurisprudence rappelée au point 105 du présent arrêt.

110

En outre, il ne saurait être reproché au Tribunal de n’avoir pas procédé à une analyse suffisamment approfondie de l’impression d’ensemble qui se dégage de la marque contestée, dans la mesure où la forme tridimensionnelle en cause est composée de deux éléments, à savoir une forme de base cylindrique et un bouchon non transparent de même diamètre que ledit cylindre, et où il est difficile d’imaginer d’autres possibilités de combiner ces éléments en une seule entité tridimensionnelle (voir, en ce sens, arrêt Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, EU:C:2005:422, point 29).

111

Partant, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen du pourvoi comme étant non fondé.

Sur le cinquième moyen

Argumentation des parties

112

Par son cinquième moyen, Voss soutient que le Tribunal, à l’instar de la chambre de recours, a dénaturé les éléments de preuve figurant dans le dossier en comparant le cylindre parfait du signe tridimensionnel en cause à une «section cylindrique» bidimensionnelle. Selon la requérante, une «section cylindrique» étant une aberration d’un point de vue mathématique, le Tribunal et la chambre de recours auraient en réalité entendu désigner, par cette expression, une «section circulaire». Ainsi, le Tribunal aurait comparé un signe tridimensionnel à une caractéristique bidimensionnelle propre à la majorité des bouteilles, de sorte que son appréciation relative aux normes et aux habitudes du secteur concerné serait erronée dans son ensemble.

113

L’OHMI soutient que ce moyen n’est pas fondé, dans la mesure où il repose sur une interprétation erronée de l’arrêt attaqué.

114

Selon cet office, le Tribunal a jugé non pas qu’une partie circulaire est le seul point commun de la grande majorité des bouteilles, mais que la majorité des bouteilles présentent une «partie», au sens du point 66 de l’arrêt attaqué, cylindrique, quand bien même d’autres parties ne sont pas cylindriques comme, par exemple, lorsque la bouteille se rétrécit en son sommet pour former un goulot ou présente une forme incurvée en son milieu.

115

En outre, contrairement à ce que prétend Voss, le Tribunal n’aurait pas limité l’analyse du signe tridimensionnel contesté à une comparaison de la forme de celui-ci avec une caractéristique bidimensionnelle.

Appréciation de la Cour

116

Force est de constater que l’argumentation de Voss, selon laquelle le Tribunal, au point 67 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a affirmé que la majorité des bouteilles disponibles sur le marché présentent une «section cylindrique», aurait entendu désigner, par cette expression, une «section circulaire», par nature bidimensionnelle, repose sur une lecture erronée de cet arrêt.

117

En effet, après avoir rappelé, au point 65 de l’arrêt attaqué, que «la chambre de recours a constaté, [au point 37 de la décision litigieuse], que ‘la grande majorité des bouteilles disponibles sur le marché [o]nt une section cylindrique’», le Tribunal a jugé, au point suivant de cet arrêt, que «[r]ien ne permet toutefois de considérer que la chambre de recours a entendu, dans le contexte de la décision litigieuse, donner à ces mots une signification mathématique, au sens de la ‘représentation d’une coupe d’une forme géométrique’ [et que c]’est, au contraire, au sens ‘d’une des parties plus ou moins distinctes en lesquelles quelque chose est ou peut être divisé ou dont celle-ci est constituée’ [‘any of the more or less distinct parts into which something is or may be divided or from which it is made up’, Oxford Dictionary] que ce mot doit être compris».

118

Le Tribunal a ainsi considéré que le terme «section» employé par la chambre de recours au point 37 de la décision litigieuse doit être compris comme signifiant «partie», la grande majorité des bouteilles ayant selon lui une partie cylindrique.

119

Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, le Tribunal n’a pas limité son analyse du signe tridimensionnel en cause à une comparaison de la forme de celui-ci avec une caractéristique bidimensionnelle.

120

Partant, il y a lieu d’écarter le cinquième moyen du pourvoi comme étant non fondé.

Sur le sixième moyen

Argumentation des parties

121

Voss reproche au Tribunal d’avoir jugé que, dès lors que la marque contestée est composée d’éléments dépourvus isolément de caractère distinctif, elle est dans son ensemble dépourvue d’un tel caractère. Selon la requérante, un tel raisonnement a pour conséquence de faire obstacle à ce que l’emballage d’un produit, à la fois dans son ensemble et en tant que combinaison des éléments le composant, puisse se voir reconnaître un caractère distinctif, ce qui irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par le règlement no 207/2009.

122

La requérante soutient, en outre, que le Tribunal a commis une erreur de droit en transposant aux marques tridimensionnelles le critère, développé par la Cour en ce qui concerne les marques verbales complexes, selon lequel «une combinaison d’éléments dépourvus chacun de caractère distinctif peut posséder ce caractère, à condition qu’elle représente davantage que la somme pure et simple des éléments qui la composent».

123

L’OHMI fait valoir que ce moyen doit être écarté comme étant non fondé.

Appréciation de la Cour

124

Il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé, au sujet d’un signe tridimensionnel, qu’un éventuel caractère distinctif peut être examiné, en partie, pour chacun de ses éléments pris séparément, mais doit, en tout état de cause, se fonder sur la perception globale de la marque par le public pertinent et non sur la présomption selon laquelle des éléments dépourvus isolément de caractère distinctif ne peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère. En effet, la seule circonstance que chacun de ces éléments, pris séparément, est dépourvu de caractère distinctif n’exclut pas que la combinaison qu’ils forment puisse présenter un caractère distinctif (ordonnance Timehouse/OHMI, C‑453/11 P, EU:C:2012:291, point 40).

125

En l’espèce, le Tribunal a certes jugé, au point 57 de l’arrêt attaqué, que «le fait qu’une marque complexe n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif par rapport aux produits concernés permet, en règle générale, de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est dépourvue de caractère distinctif».

126

Toutefois, il a immédiatement précisé que cette conclusion peut être infirmée en présence d’indices concrets, tels que, notamment, la manière dont les différents éléments sont combinés, indiquant que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée.

127

Il s’ensuit que, dans la mesure où Voss, par son sixième moyen, reproche au Tribunal d’avoir jugé que, dès lors que la marque contestée est composée d’éléments dépourvus isolément de caractère distinctif, elle est dans son ensemble dépourvue d’un tel caractère, ce moyen doit être écarté comme reposant sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

128

S’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle le Tribunal aurait commis une erreur de droit en appliquant à la marque contestée la jurisprudence selon laquelle une combinaison d’éléments dépourvus chacun de caractère distinctif peut posséder ce caractère, à condition qu’elle représente davantage que la somme pure et simple des éléments qui la composent, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte des points 107 à 109 du présent arrêt, le Tribunal a correctement fondé son appréciation du caractère distinctif de la marque contestée sur l’impression d’ensemble qui se dégage de la forme et de l’agencement des éléments constitutifs de ladite marque, ainsi que l’exige la jurisprudence rappelée aux points 105 et 124 du présent arrêt.

129

Dans ces conditions, il convient d’écarter le sixième moyen comme étant non fondé et, partant, de rejeter le pourvoi.

Sur les dépens

130

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. L’OHMI, ayant conclu à la condamnation de Voss et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

131

Conformément à l’article 140, paragraphe 3, dudit règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, la Cour peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées à l’article 140, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure supportera ses propres dépens. Par conséquent, il y a lieu de décider que l’INTA supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

Voss of Norway ASA est condamnée aux dépens.

 

3)

The International Trademark Association supporte ses propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.