ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

23 avril 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Agriculture — Règlement (CE) no 1/2005 — Protection des animaux pendant le transport — Voyage de longue durée d’un État membre vers un État tiers — Article 14, paragraphe 1 — Contrôle à effectuer en rapport avec le carnet de route par l’autorité compétente du lieu de départ avant des voyages de longue durée — Applicabilité de cette disposition en ce qui concerne la partie du voyage se déroulant en dehors du territoire de l’Union européenne — Applicabilité des normes fixées par ledit règlement à cette partie du voyage»

Dans l’affaire C‑424/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (Allemagne), par décision du 2 juillet 2013, parvenue à la Cour le 25 juillet 2013, dans la procédure

Zuchtvieh-Export GmbH

contre

Stadt Kempten,

en présence de:

Landesanwaltschaft Bayern,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas, E. Juhász et D. Šváby (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 juillet 2014,

considérant les observations présentées:

pour Zuchtvieh-Export GmbH, par Mes C. Winterhoff et A. Wolowski, Rechtsanwälte,

pour la Stadt Kempten, par Mme N. Briechle, en qualité d’agent,

pour le Landesanwaltschaft Bayern, par M. R. Käß, en qualité d’agent,

pour le gouvernement lituanien, par M. D. Kriaučiūnas et Mme V. Čepaitė, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. F. Erlbacher et H. Kranenborg ainsi que par Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 1/2005 du Conseil, du 22 décembre 2004, relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE et le règlement (CE) no 1255/97 (JO 2005, L 3, p. 1, et rectificatif JO 2011, L 336, p. 86).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Zuchtvieh-Export GmbH (ci-après «Zuchtvieh-Export») à la Stadt Kempten au sujet de la décision prise par cette dernière, en qualité d’autorité compétente du lieu de départ, de refuser le dédouanement d’un lot de bovins devant faire l’objet d’un transport par route de Kempten (Allemagne) à Andijan (Ouzbékistan).

Le cadre juridique

3

Le règlement no 1/2005 contient notamment les considérants suivants:

«(1)

Le protocole sur la protection et le bien-être des animaux annexé au traité [CE] dispose que, lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique communautaire dans les domaines de l’agriculture et des transports, la Communauté et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux.

[...]

(5)

Pour des raisons liées au bien-être des animaux, il convient que le transport de longue durée des animaux, y compris celui des animaux d’abattage, soit limité autant que possible.

[...]

(11)

Afin de garantir une application cohérente et efficace du présent règlement dans l’ensemble de la Communauté à la lumière du principe fondamental qui le sous-tend, à savoir que les animaux ne doivent pas être transportés dans des conditions telles qu’ils risquent d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles, il convient d’établir des dispositions détaillées concernant les besoins spécifiques apparaissant en relation avec les différents types de transport. Ces dispositions détaillées doivent être interprétées et appliquées conformément au principe susmentionné et actualisées en temps voulu lorsque, en particulier à la lumière de nouveaux avis scientifiques, elles ne semblent plus garantir le respect du principe susmentionné pour des espèces particulières ou des types particuliers de transport.

[...]»

4

L’article 1er du règlement no 1/2005, qui définit le champ d’application de ce règlement, dispose:

«1.   Le présent règlement s’applique au transport d’animaux vertébrés vivants à l’intérieur de la Communauté, y compris les contrôles spécifiques des lots entrant sur le territoire douanier de la Communauté ou quittant celui-ci auxquels doivent procéder les fonctionnaires compétents.

2.   Seuls les articles 3 et 27 s’appliquent aux cas suivants:

a)

le transport d’animaux effectué par les éleveurs avec leurs propres véhicules ou moyens de transport agricoles lorsque les conditions géographiques requièrent le transport en vue de la transhumance saisonnière de certains types d’animaux;

b)

[le] transport effectué par les éleveurs de leurs propres animaux, avec leurs propres moyens de transport, sur une distance inférieure à 50 km de leur exploitation.

[...]»

5

L’article 2 de ce règlement contient notamment les définitions suivantes:

«[...]

d)

‘poste d’inspection frontalier’: tout poste d’inspection désigné et agréé conformément à l’article 6 de la directive 91/496/CEE [du Conseil, du 15 juillet 1991, fixant les principes relatifs à l’organisation des contrôles vétérinaires pour les animaux en provenance des pays tiers introduits dans la Communauté et modifiant les directives 89/662/CEE, 90/425/CEE et 90/675/CEE (JO L 268, p. 56),] en vue d’opérer des contrôles vétérinaires sur les animaux en provenance de pays tiers à la frontière du territoire de la Communauté;

[...]

f)

‘autorité compétente’: l’autorité centrale d’un État membre compétente pour effectuer des contrôles du bien-être des animaux ou toute autorité à laquelle ladite autorité centrale a délégué cette compétence;

[...]

h)

‘postes de contrôle’: les postes de contrôle tels que visés dans le règlement (CE) no 1255/97 [du Conseil, du 25 juin 1997, concernant les critères communautaires requis aux points d’arrêt et adaptant le plan de marche visé à l’annexe de la directive 91/628/CEE (JO L 174, p. 1)];

i)

‘point de sortie’: un poste d’inspection frontalier ou tout autre endroit désigné par un État membre où des animaux quittent le territoire douanier de la Communauté;

j)

‘voyage’: l’ensemble de l’opération de transport, depuis le lieu de départ jusqu’au lieu de destination, y compris le déchargement, l’hébergement et le chargement aux points intermédiaires du voyage;

[...]

m)

‘voyage de longue durée’: un voyage dépassant huit heures à compter du moment où le premier animal du lot est déplacé;

[...]

s)

‘lieu de destination’: le lieu où un animal est déchargé d’un moyen de transport et:

i)

est hébergé pendant 48 heures au moins avant l’heure du départ, ou

ii)

est abattu;

t)

‘lieu de repos ou de transfert’: tout lieu d’arrêt au cours du voyage qui n’est pas un lieu de destination, y compris le lieu où les animaux ont changé de moyen de transport en étant ou non déchargés;

[...]

w)

‘transport’: les mouvements d’animaux effectués à l’aide d’un ou de plusieurs moyens de transport et les opérations annexes, y compris le chargement, le déchargement, le transfert et le repos, jusqu’à la fin du déchargement des animaux sur le lieu de destination;

[...]»

6

Aux termes de l’article 3 du règlement no 1/2005, intitulé «Conditions générales applicables au transport d’animaux»:

«Nul ne transporte ou ne fait transporter des animaux dans des conditions telles qu’ils risquent d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles.

Il convient en outre de respecter les conditions suivantes:

a)

toutes les dispositions nécessaires ont été prises préalablement afin de limiter au minimum la durée du voyage et de répondre aux besoins des animaux durant celui-ci;

b)

les animaux sont aptes à entreprendre le voyage prévu;

c)

les moyens de transport sont conçus, construits, entretenus et utilisés de façon à éviter des blessures et des souffrances aux animaux, et à assurer leur sécurité;

[...]

e)

le personnel manipulant les animaux possède la formation ou les compétences requises à cet effet et s’acquitte de ses tâches sans recourir à la violence ou à des méthodes susceptibles d’effrayer inutilement les animaux ou de leur infliger des blessures ou des souffrances inutiles;

f)

le transport est effectué sans retard jusqu’au lieu de destination et les conditions de bien-être des animaux sont régulièrement contrôlées et maintenues de façon appropriée;

g)

une surface au sol et une hauteur suffisantes sont prévues pour les animaux, compte tenu de leur taille et du voyage prévu;

h)

de l’eau, de la nourriture et des périodes de repos sont proposés aux animaux à intervalles réguliers et sont adaptés, en qualité et en quantité, à leur espèce et à leur taille.»

7

L’article 5 du règlement no 1/2005, intitulé «Obligations de planification concernant le transport des animaux», dispose:

«[...]

3.   Les organisateurs s’assurent, pour chaque voyage, que:

a)

le bien-être des animaux n’est pas compromis en raison d’une coordination insuffisante des différentes parties du voyage et qu’il est tenu compte des conditions météorologiques [...]

[...]

4.   Dans le cas de voyages de longue durée, entre États membres et en provenance et à destination de pays tiers, d’équidés domestiques autres que des équidés enregistrés et d’animaux domestiques des espèces bovine, ovine, caprine et porcine [(ci-après les ‘animaux concernés’)], les transporteurs et les organisateurs se conforment aux dispositions relatives au carnet de route qui figurent à l’annexe II.»

8

Aux termes de l’article 6, paragraphe 3 et 4, de ce règlement:

«3.   Les transporteurs transportent les animaux conformément aux spécifications techniques figurant à l’annexe I.

4.   Les transporteurs confient la manipulation des animaux à du personnel ayant suivi une formation relative aux dispositions pertinentes des annexes I et II.»

9

L’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1/2005 prévoit:

«Les détenteurs contrôlent tous les animaux arrivant à un lieu de transit ou à un lieu de destination et établissent s’ils sont ou ont été soumis à un voyage de longue durée entre États membres et en provenance et à destination d’États tiers. Dans le cas d’un voyage de longue durée [d’animaux concernés], les détenteurs se conforment aux dispositions relatives au carnet de route qui figurent à l’annexe II.»

10

L’article 14 de ce règlement est intitulé «Contrôles à effectuer et autres mesures en rapport avec le carnet de route à prendre par l’autorité compétente avant des voyages de longue durée». Son paragraphe 1 est ainsi rédigé:

«Dans le cas de voyages de longue durée, entre États membres et en provenance et à destination de pays tiers, [d’animaux concernés], l’autorité compétente du lieu de départ:

a)

procède à des contrôles appropriés pour vérifier que:

i)

les transporteurs mentionnés dans le carnet de route disposent des autorisations de transporteur correspondantes valables, des certificats d’agrément valables pour les moyens de transport devant être utilisés pour des voyages de longue durée et des certificats d’aptitude ou de compétence professionnelle valables pour les conducteurs et les convoyeurs;

ii)

le carnet de route présenté par l’organisateur est réaliste et permet de penser que le transport est conforme au présent règlement;

b)

exige, lorsque le résultat des contrôles visés au point a) n’est pas satisfaisant, que l’organisateur modifie les arrangements du voyage de longue durée prévu, de manière que celui-ci soit conforme au présent règlement;

c)

lorsque le résultat des contrôles visés au point a) est satisfaisant, cachette le carnet de route;

d)

communique dès que possible les modalités des voyages de longue durée prévus mentionnés dans le carnet de route à l’autorité compétente du lieu de destination, du point de sortie ou du poste de contrôle au moyen du système d’échange d’informations visé à l’article 20 de la directive 90/425/CEE [du Conseil, du 26 juin 1990, relative aux contrôles vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges intracommunautaires de certains animaux vivants et produits dans la perspective de la réalisation du marché intérieur (JO L 224, p. 29)].»

11

L’article 15, paragraphe 2, dudit règlement dispose:

«En cas de voyage de longue durée entre les États membres et des pays tiers, les contrôles au lieu de départ relatifs à l’aptitude au transport, telle qu’elle est définie à l’annexe I, chapitre I, sont exécutés avant le chargement dans le cadre des contrôles sanitaires prévus dans la législation vétérinaire communautaire correspondante, dans les délais prévus par cette législation.»

12

L’article 21 du règlement no 1/2005 est relatif aux «[c]ontrôles aux points de sortie et aux postes d’inspection frontaliers». Il est ainsi rédigé:

«1.   [...] [L]orsque les animaux sont présentés aux points de sortie ou aux postes d’inspection frontaliers, des vétérinaires officiels des États membres vérifient que les animaux sont transportés dans le respect des dispositions du présent règlement, et notamment:

a)

que les transporteurs ont présenté une copie d’une autorisation valable [...]

b)

que les conducteurs et les convoyeurs de véhicules routiers transportant des [animaux concernés] ou des volailles ont présenté un certificat d’aptitude ou de compétence professionnelle valable [...]

c)

que les animaux sont aptes à poursuivre leur voyage;

d)

que les moyens de transport par lesquels les animaux devront continuer leur voyage respectent les dispositions de l’annexe I, chapitre II et, le cas échéant, chapitre VI;

e)

qu’en cas d’exportation, les transporteurs ont apporté la preuve que le voyage entre le lieu de départ et le premier lieu de déchargement dans le pays de destination finale respecte tout accord international énoncé à l’annexe V applicable dans les pays tiers concernés;

f)

si des [animaux concernés] ont été ou doivent être transportés pendant de longues durées.

2.   Dans le cas de voyages de longue durée [d’animaux concernés], des vétérinaires officiels des points de sortie et des postes d’inspection frontaliers effectuent et répertorient les vérifications mentionnées à la section 3 ‘Lieu de destination’ du carnet de route [mentionné] à l’annexe II. Les données concernant ces contrôles et le contrôle visé au paragraphe 1 sont conservées par l’autorité compétente pendant une période minimale de trois ans à compter de la date desdits contrôles [...]

3.   Lorsque l’autorité compétente considère que les animaux ne sont pas aptes à achever leur voyage, ceux-ci sont déchargés, abreuvés et alimentés et peuvent se reposer.»

13

L’annexe I, chapitre V, du règlement no 1/2005 contient les normes relatives aux intervalles d’abreuvement et d’alimentation ainsi qu’aux durées de voyage et de repos. Conformément aux points 1.4, sous d), et 1.5 de ce chapitre, en ce qui concerne les bovins, les voyages de longue durée par route doivent comporter, après 14 heures de transport, un temps de repos d’au moins 1 heure durant lequel ils doivent être abreuvés et, si nécessaire, alimentés, après quoi le transport peut reprendre pour une durée maximale de 14 heures, à l’issue de laquelle les animaux doivent être déchargés, alimentés et abreuvés, et doivent bénéficier d’un temps de repos minimal de 24 heures.

14

L’annexe II de ce règlement contient les dispositions relatives au carnet de route, dont l’article 5, paragraphe 4, dudit règlement impose la tenue aux transporteurs et aux organisateurs en cas de voyages de longue durée d’animaux concernés entre les États membres ainsi qu’en provenance et à destination de pays tiers. Ce carnet comporte cinq sections relatives, respectivement, à la planification du voyage, au lieu de départ, au lieu de destination, à la déclaration du transporteur concernant, d’une part, l’itinéraire effectif, les points de repos, de transfert et de sortie, et, d’autre part, les animaux blessés ou morts durant le voyage, et aux éventuels rapports d’anomalie. Cette annexe comporte notamment les dispositions suivantes:

«[...]

3.

L’organisateur doit:

[...]

b)

veiller à ce que l’autorité compétente du lieu de départ reçoive, au plus tard deux jours ouvrables avant le moment du départ et dans les conditions définies par elles, une copie signée et dûment complétée de la section 1 du carnet de route, excepté pour ce qui est des numéros du certificat vétérinaire;

c)

suivre toutes les instructions données par l’autorité compétente en application de l’article 14, paragraphe 1;

d)

veiller à ce que le carnet de route soit cacheté ainsi que le prévoit l’article 14, paragraphe 1;

e)

veiller à ce que le carnet de route accompagne les animaux durant le voyage jusqu’au point de destination ou, en cas d’exportation vers un pays tiers, au moins jusqu’au point de sortie.

4.

Les détenteurs sur le lieu de départ et, lorsque le lieu de destination est situé sur le territoire de la Communauté, les détenteurs sur le lieu de destination doivent remplir et signer les sections pertinentes du carnet de route. Ils informent sans délai l’autorité compétente de leurs réserves éventuelles quant au respect des dispositions du présent règlement en utilisant le modèle fourni à la section 5.

[...]

7.

Si les animaux sont exportés vers un pays tiers, les transporteurs remettront le carnet de route au vétérinaire officiel au point de sortie.

En cas d’exportation, sous restitutions, de bovins vivants, il n’est pas nécessaire de remplir la section 3 du carnet de route si la législation agricole impose un rapport.

8.

Le transporteur mentionné à la section 3 du carnet de route doit garder:

a)

une copie du carnet de route rempli;

[...]

Les documents visés [...] sont mis à la disposition de l’autorité compétente qui a accordé l’autorisation au transporteur et, sur demande, à la disposition de l’autorité compétente du lieu de départ, dans un délai d’un mois à compter du moment où ils ont été remplis, et ils sont conservés par le transporteur pour une période d’au moins trois ans à compter de la date du contrôle.

Les documents visés au point a) sont renvoyés à l’autorité compétente du lieu de départ dans un délai d’un mois après la fin du voyage, à moins que les systèmes [de navigation] visés à l’article 6, paragraphe 9, n’aient été utilisés. [...]»

15

L’appendice de l’annexe II du règlement no 1/2005 comporte un modèle des différentes sections du carnet de route. La première de ces sections, intitulée «Planification», comporte un ensemble de rubriques, parmi lesquelles celles concernant la durée totale du voyage (rubrique 2), les lieu, pays, date et heure de départ (rubriques 3.1 à 3.3), les lieu et pays de destination ainsi que les date et heure d’arrivée (rubriques 4.1 à 4.3), les espèces et nombre d’animaux (rubriques 5.1 et 5.2), le poids total estimé du lot et l’espace total prévu pour ce dernier (rubriques 5.4 et 5.5), la liste des points de repos, le moment d’arrivée à ceux-ci et la durée du repos (rubriques 6.1 à 6.3) ainsi que la déclaration de l’organisateur du voyage selon laquelle il a pris les dispositions adéquates pour préserver le bien-être des animaux tout au long de ce voyage, conformément aux dispositions du règlement no 1/2005.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16

Zuchtvieh-Export a affrété deux camions pour effectuer le transport de 62 bovins de Kempten à Andijan via la Pologne, la Biélorussie, la Russie et le Kazakhstan, soit un trajet de l’ordre de 7000 km. Ce transport devait se dérouler du 23 avril au 2 mai 2012. Il s’agissait d’une exportation sans demande de restitution à l’exportation.

17

La section 1, rubrique 6, du carnet de route présenté dans le cadre de la demande de dédouanement mentionnait, comme seuls points de repos et de transfert pour la partie du voyage se déroulant sur le territoire des pays tiers concernés, les localités de Brest (Biélorussie) et de Karaganda (Kazakhstan), un repos de 24 heures étant programmé dans chacune de ces localités, la durée du voyage prévue entre celles‑ci étant de 146 heures. Il résulte de la décision de renvoi que, entre lesdites localités, des périodes de pause étaient prévues durant lesquelles les animaux auraient été nourris et abreuvés, sans toutefois être déchargés. La partie finale du voyage, entre Karaganda et Andijan, devait durer 29 heures supplémentaires.

18

Par décision du 30 janvier 2012, la Stadt Kempten a refusé le dédouanement du lot de bovins concerné, exigeant que la planification du voyage soit modifiée de telle manière que les dispositions du règlement no 1/2005 soient également respectées pour la partie du voyage se déroulant sur le territoire des pays tiers concernés, entre Brest et Andijan, ce qui n’aurait pas été le cas compte tenu des données de planification mentionnées à la section 1 dudit carnet de route.

19

Outre une demande en référé qui n’a pas abouti, Zuchtvieh-Export a introduit un recours au fond contre cette décision de la Stadt Kempten, dont le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (tribunal administratif supérieur de Bavière) est actuellement saisi en appel. Dans le cadre de ce recours, Zuchtvieh-Export demande notamment que soit constatée l’illégalité de ladite décision et qu’injonction soit faite à la Stadt Kempten de procéder au dédouanement du lot de bovins concerné.

20

La question centrale qui se pose dans l’affaire au principal est celle de savoir si, dans le cas d’un voyage de longue durée qui commence sur le territoire de l’Union européenne, mais se termine en dehors de ce territoire, le règlement no 1/2005 trouve à s’appliquer également à la partie de ce voyage qui se déroule sur le territoire d’un ou de plusieurs pays tiers. Cette question se pose essentiellement en rapport avec l’approbation ou le refus d’approbation du transport par l’autorité compétente du lieu de départ sur la base des données de planification du voyage reprises à la section 1 du carnet de route présenté à cette autorité, dans le cadre du contrôle prévu à l’article 14 du règlement no 1/2005.

21

La juridiction de renvoi considère qu’un ensemble de dispositions du règlement no 1/2005 confortent la thèse selon laquelle, dans un tel cas, l’autorité du lieu de départ ne peut approuver le transport en cachetant le carnet de route que s’il apparaît que les dispositions de ce règlement ont été respectées également en dehors du territoire de l’Union. Elle mentionne, à cet égard, les articles 1er, 3, 5 et 21, paragraphe 1, sous e), dudit règlement, mais se réfère surtout à l’appendice de l’annexe II de ce dernier, où figure le modèle des différentes sections du carnet de route, et spécialement à la section 1 de celui-ci, relative à la planification du voyage.

22

Cette juridiction fait état, d’une part, des rubriques 2 à 4 de cette section 1 (relatifs à la durée totale prévue, aux lieu et moment de départ, au lieu de destination et au moment d’arrivée), qui, combinés avec la définition de la notion de «voyage» figurant à l’article 2, sous j), du règlement no 1/2005, indiqueraient que des données doivent être fournies pour l’entièreté du voyage.

23

Elle relève, d’autre part, la déclaration faisant l’objet de la rubrique 7 de ladite section 1, selon laquelle l’organisateur a «pris les dispositions adéquates pour préserver le bien-être des animaux tout au long [du] voyage, conformément aux dispositions du règlement [no 1/2005]».

24

Ladite juridiction souligne également que, même en cas d’exportation, et bien que le transporteur doive remettre le carnet de route au vétérinaire officiel du point de sortie, conformément au point 7 de l’annexe II du règlement no 1/2005, il doit néanmoins en conserver une copie et renvoyer celle-ci à l’autorité compétente du lieu de départ, conformément au point 8 de cette annexe.

25

Dans l’hypothèse où il faudrait faire prévaloir la thèse selon laquelle un tel transport ne peut être approuvé que si le carnet de route fait apparaître que les dispositions du règlement no 1/2005 sont respectées également pour la partie du voyage devant se dérouler en dehors du territoire de l’Union, la juridiction de renvoi considère que l’organisateur du voyage ne peut pas se limiter à déclarer que les réglementations en vigueur dans les pays tiers concernés et, éventuellement, les conventions internationales applicables dans ces pays seront respectées. Encore faudrait-il que cela se traduise dans les mentions du carnet de route. Or, tel ne serait pas le cas en l’occurrence, la section 1 du carnet de route en cause au principal ne contenant aucune donnée réaliste, au sens dans lequel ce terme devrait être compris à l’article 14, paragraphe 1, sous a), ii), du règlement no 1/2005, dès lors qu’elle ne mentionne aucun point de repos pendant la partie du voyage comprise entre Brest et Karaganda ainsi qu’entre cette dernière localité et Andijan, lieu de destination finale. Par ailleurs, l’apposition du cachet de l’autorité du lieu de départ laisserait entendre que l’entièreté du voyage, jusqu’au lieu de destination finale, aurait été approuvée dans toutes ses modalités, ce qui serait inopportun également à l’égard des autorités des États tiers.

26

Selon la thèse inverse, soutenue par Zuchtvieh-Export, l’approbation de la planification du voyage dans le cadre des contrôles à opérer en vertu de l’article 14 du règlement no 1/2005 ne porterait que sur la partie du voyage à laquelle ce règlement est applicable ratione loci. Plusieurs dispositions de celui-ci, dont l’article 21, paragraphe 1, sous e), relatif aux contrôles aux points de sortie et aux postes d’inspection frontaliers, indiqueraient que le régime qu’il établit ne s’applique pas au-delà des frontières de l’Union.

27

Zuchtvieh-Export fait également valoir que l’applicabilité des normes du règlement no 1/2005 en dehors du territoire de l’Union, spécialement celles de l’annexe I, chapitre V, de celui-ci, relatives aux intervalles d’abreuvement et d’alimentation ainsi qu’aux durées de voyage et de repos, serait irréaliste et contreproductive. En effet, dans les pays tiers, il n’existerait que très peu d’étables hygiéniquement et techniquement sûres où décharger des animaux en transport en vue de les faire se reposer, de sorte que les risques de blessures et de contaminations croisées seraient importants. En effet, les normes établies par ce règlement seraient indissociables de la qualité des infrastructures prévues pour les transports d’animaux sur le territoire de l’Union, notamment les postes de contrôle, qui sont les lieux de repos, qui y sont implantés et que l’article 36 dudit règlement soumet à des exigences techniques et sanitaires.

28

Par ailleurs, le fait que les normes du règlement no 1/2005 ne seraient pas nécessairement applicables, d’un point de vue matériel, en toutes circonstances serait démontré par l’article 30, paragraphe 6, de celui-ci, qui prévoit la possibilité de dérogations pour les voyages de longue durée, afin de tenir compte de l’éloignement de certaines régions par rapport à la partie continentale du territoire de l’Union.

29

Il résulterait encore de l’intitulé de la rubrique 6 de la section 1 du modèle de carnet de route, intitulé «Liste des points de repos, de transfert ou de sortie prévus», que l’organisateur du voyage ne serait pas tenu de mentionner tous les points de repos. D’ailleurs, les réalités géographiques ne permettraient pas toujours de prévoir l’endroit où les pauses auront lieu.

30

En outre, lesdites normes pourraient être en contradiction avec les règles applicables dans les pays tiers concernés, comme celles qui seraient en vigueur en Russie, où la pratique constante des autorités consisterait à interdire le déchargement des animaux durant les temps de repos.

31

Enfin, le principe de territorialité irait dans le sens d’une applicabilité du règlement no 1/2005 limitée au territoire de l’Union.

32

À ces arguments, la Stadt Kempten et le Landesanwaltschaft Bayern rétorquent que l’indisponibilité de points de repos en dehors du territoire de l’Union ne décharge pas les transporteurs du respect des obligations que ce règlement leur impose à cet égard, que l’absence de déchargement des animaux pour les périodes de repos signifie que les compartiments de transport ne sont pas nettoyés et que ni l’abreuvement ni le contrôle individuel de tous les animaux ne sont garantis, voire possibles. Partant, eu égard au considérant 5 dudit règlement, selon lequel les voyages de longue durée devraient être limités autant que possible, il conviendrait de considérer que certains transports ne peuvent tout simplement pas être effectués en raison de l’impossibilité de respecter les normes applicables.

33

Dans ce contexte, le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1/2005 doit-il être interprété en ce sens que, en cas de voyages de longue durée d’animaux concernés, lorsque le lieu de départ est situé dans un État membre, mais que le lieu de destination est situé dans un pays tiers, l’autorité compétente du lieu de départ, en application de l’article 14, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, ne peut cacheter le carnet de route présenté par l’organisateur du voyage que si ce carnet satisfait aux conditions fixées à l’article 14, paragraphe 1, sous a), ii), dudit règlement pour l’ensemble du voyage, depuis le lieu de départ jusqu’au lieu de destination, c’est‑à‑dire également pour la partie du voyage entièrement située en dehors du territoire de l’Union?

2)

L’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1/2005 doit-il être interprété en ce sens que l’autorité du lieu de départ, compétente en vertu de cette disposition, peut obliger l’organisateur du voyage, en application de l’article 14, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, à modifier la planification du voyage de longue durée prévu de sorte que les dispositions dudit règlement soient respectées pour l’ensemble du voyage, depuis le lieu de départ jusqu’au lieu de destination, même lorsque certaines parties du voyage sont situées exclusivement dans des pays tiers?»

Sur les questions préjudicielles

34

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1/2005 doit être interprété en ce sens que, pour qu’un transport impliquant un voyage de longue durée d’animaux concernés qui débute sur le territoire de l’Union et se poursuit en dehors de ce territoire puisse être autorisé par l’autorité compétente du lieu de départ, l’organisateur du voyage doit présenter un carnet de route qui, eu égard aux arrangements de ce voyage tels qu’ils sont prévus, est réaliste et permet de penser que les dispositions de ce règlement seront respectées y compris pour la partie dudit voyage qui se déroulera sur le territoire de pays tiers, ladite autorité étant habilitée, si tel n’est pas le cas, à exiger que lesdits arrangements soient modifiés de sorte que le respect desdites dispositions soit assuré pour l’ensemble de ce voyage.

35

À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’il résulte, d’une part, du considérant 1 du règlement no 1/2005 que celui-ci est fondé sur le protocole (no 33) sur la protection et le bien-être des animaux, annexé au traité CE, en vertu duquel la Communauté et les États membres doivent tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique communautaire notamment dans les domaines de l’agriculture et des transports. Selon la jurisprudence, la protection du bien-être des animaux constitue un objectif légitime d’intérêt général dont l’importance s’est traduite, notamment, par l’adoption par les États membres de ce protocole (voir, en ce sens, arrêts Viamex Agrar Handel et ZVK, C‑37/06 et C‑58/06, EU:C:2008:18, point 22, ainsi que Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, C‑219/07, EU:C:2008:353, point 27). Audit protocole correspond désormais l’article 13 TFUE, disposition d’application générale du traité FUE, figurant dans la première partie de ce dernier, consacrée aux principes.

36

Par ailleurs, il résulte des considérants 5 et 11 de ce règlement que le législateur a entendu établir des dispositions détaillées fondées sur le principe selon lequel les animaux ne doivent pas être transportés dans des conditions telles qu’ils risquent d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles, en considérant que le bien-être des animaux implique que les transports de longue durée soient limités autant que possible.

37

Il convient de relever d’emblée qu’il découle de plusieurs dispositions du règlement no 1/2005 que celui-ci impose des obligations non seulement aux transports d’animaux vertébrés vivants qui se déroulent exclusivement sur le territoire de l’Union, mais également aux transports qui ont lieu au départ de ce territoire et à destination de pays tiers, tel le transport en cause au principal. Ces dispositions sont essentiellement, outre l’article 14 de ce règlement, les articles 1er, paragraphe 1, 2, sous i), 5, paragraphe 4, 8, paragraphe 2, 15, paragraphe 2, et 21 de celui-ci.

38

À cet égard, il convient de ne pas se limiter à une lecture isolée de la première partie de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1/2005, selon laquelle ce règlement s’applique aux transports d’animaux à l’intérieur de l’Union. Notamment, la seconde partie de cette disposition, visant les contrôles spécifiques des lots entrant sur le territoire douanier de l’Union ou quittant celui-ci, prend en considération la dimension extérieure à ce territoire que peuvent avoir de tels transports. Dans ce contexte, le règlement no 1/2005 donne, à son article 2, sous i), une définition des termes «point de sortie» visant l’endroit où des animaux quittent le territoire de l’Union.

39

En outre, les autres dispositions citées au point 37 du présent arrêt visent également des transports d’animaux au départ du territoire de l’Union et à destination de pays tiers. Notamment, les obligations que les articles 5, paragraphe 4, et 8, paragraphe 2, de ce règlement imposent aux organisateurs, aux transporteurs et aux détenteurs d’animaux se réfèrent explicitement non seulement aux voyages de longue durée entre les États membres, mais également à ceux à destination d’États tiers.

40

Il en va de même des contrôles à effectuer par l’autorité compétente en vertu des articles 14, paragraphe 1, 15, paragraphe 2, et 21, paragraphe 1, du règlement no 1/2005. En particulier, l’article 14 de ce règlement, relatif aux «[c]ontrôles à effectuer et autres mesures en rapport avec le carnet de route à prendre par l’autorité compétente avant des voyages de longue durée», trouve à s’appliquer, selon les termes même de son paragraphe 1, aux «voyages de longue durée entre États membres et en provenance et à destination de pays tiers».

41

Dans ses observations soumises à la Cour, la Commission européenne a estimé, en se fondant notamment sur l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 1/2005, que ce règlement soumet de tels transports, pour ce qui concerne la partie de ces transports se déroulant à l’extérieur de l’Union, à un contrôle spécifique qui ne porte que sur certaines exigences fondamentales dudit règlement, à savoir celles résultant de l’article 3 de celui-ci.

42

À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que les transports au départ du territoire de l’Union et à destination de pays tiers ne font pas partie des transports pour lesquels l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 1/2005 prévoit explicitement que seuls les articles 3 et 27 de ce règlement s’appliquent.

43

Ensuite, si l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 1/2005 prévoit, certes, un contrôle spécifique dans le cadre duquel les autorités compétentes sont chargées de vérifier, notamment, un certain nombre d’exigences spécifiques résultant de ce règlement, il n’en demeure pas moins que cette disposition oblige ces autorités à vérifier, en outre, «que les animaux sont transportés dans le respect des dispositions [dudit] règlement», sans limiter la portée de ce contrôle au respect de certaines dispositions de celui-ci.

44

En ce qui concerne plus particulièrement l’autorisation à obtenir de l’autorité compétente du lieu de départ, il convient de relever que les termes de l’article 14, paragraphe 1, sous a), ii), et sous b), du règlement no 1/2005, portant expressément sur des transports d’animaux au départ du territoire de l’Union et à destination de pays tiers, se réfèrent à la conformité avec ce règlement. À cet égard, aucune distinction entre les transports à l’intérieur de l’Union et ceux à destination d’États tiers n’est prévue.

45

Dans la même optique, les dispositions portant sur les obligations essentielles à respecter lors d’un voyage de longue durée, figurant aux articles 5, paragraphe 4, 6, paragraphes 3 et 4, et 8, paragraphe 2, du règlement no 1/2005, n’opèrent pas non plus de distinction selon qu’il s’agit d’un transport d’animaux se déroulant à l’intérieur de l’Union ou d’un transport à destination d’un État tiers. En effet, l’article 5, paragraphe 4, de ce règlement prévoit que les organisateurs et les transporteurs, dans le cas de «voyages de longue durée entre États membres et en provenance et à destination de pays tiers», sont soumis aux obligations relatives au carnet de route. Il en va de même des obligations de contrôle et de documentation en rapport avec le carnet de route qu’impose l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement aux détenteurs d’animaux en cas de voyage de longue durée.

46

S’agissant, enfin, de l’obligation des transporteurs, résultant de l’article 6, paragraphes 3 et 4, du règlement no 1/2005, de transporter les animaux conformément aux spécifications techniques figurant à l’annexe I de ce règlement et de confier la manipulation des animaux à du personnel formé aux dispositions pertinentes des annexes I et II dudit règlement, il y a lieu de constater que ces dispositions se réfèrent de manière générale aux transports d’animaux et n’opèrent aucune distinction en fonction du lieu de destination.

47

Ainsi, à son article 14, le règlement no 1/2005 ne soumet pas les transports d’animaux au départ du territoire de l’Union et à destination de pays tiers à un régime d’autorisation particulier, qui se distinguerait de celui applicable aux transports se déroulant à l’intérieur de l’Union.

48

En outre, il convient de rappeler que le litige au principal porte sur la question de savoir si toutes les indications prévues à l’annexe II de ce règlement, et en particulier celles relatives aux durées de voyage et de repos, doivent figurer dans le carnet de route soumis à l’autorité compétente du lieu de départ en ce qui concerne la partie du voyage de longue durée en cause au principal devant se dérouler sur le territoire de pays tiers.

49

En premier lieu, il importe de relever que l’article 5 dudit règlement, consacré à la planification des transports, prévoit à son paragraphe 4 qu’un carnet de route doit être établi conformément aux dispositions de l’annexe II de ce règlement pour tout voyage de longue durée d’animaux concernés, y compris à destination de pays tiers. À cet effet, le point 3, sous b), de cette annexe fait obligation à l’organisateur d’un voyage de longue durée de transmettre à l’autorité compétente du lieu de départ une copie dûment complétée de la section 1 du carnet de route, relative à la planification du voyage.

50

Les indications figurant à ladite section 1, relatives, notamment, aux points de repos, de transfert ou de sortie prévus (rubrique 6), doivent, ainsi qu’il résulte de la définition légale du terme «voyage» figurant à l’article 2, sous j), du règlement no 1/2005, couvrir l’ensemble de l’opération de transport prévue, depuis le lieu de départ jusqu’au lieu de destination. Dès lors, en cas de voyage de longue durée à destination de pays tiers, le carnet de route doit contenir de telles indications tant pour la partie de ce voyage se déroulant sur le territoire de l’Union que pour celle se déroulant sur le territoire de pays tiers.

51

En ce qui concerne, en second lieu, les exigences auxquelles ces indications doivent satisfaire, il ressort de l’article 14, paragraphe 1, sous a), ii), du règlement no 1/2005 que l’autorité compétente du lieu de départ est appelée à vérifier si le transport peut être considéré comme conforme à ce règlement. S’agissant des durées de voyage et de repos prévues, la planification du voyage résultant du carnet de route doit ainsi faire apparaître que le transport prévu respectera, notamment, les spécifications techniques relatives aux intervalles d’abreuvement, d’alimentation et aux durées de voyage et de repos précisées à l’annexe I, chapitre V, dudit règlement, que le transporteur est tenu de respecter en vertu de l’article 6, paragraphe 3, du même règlement.

52

À cet égard, il importe de relever que le carnet de route est soumis, selon les termes de l’article 14, paragraphe 1, sous a), ii), du règlement no 1/2005, à des «contrôles appropriés» de la part de l’autorité compétente du lieu de départ. Ces contrôles ont lieu avant la réalisation du voyage de longue durée au départ du territoire de l’Union et à destination d’un pays tiers, et ne portent donc que sur la question de savoir si le carnet de route présenté par l’organisateur est «réaliste» et «permet de penser» que le transport est conforme à ce règlement. Dans le cadre de son contrôle ex ante, ladite autorité dispose ainsi d’une certaine marge d’appréciation lui permettant de tenir compte de manière appropriée des incertitudes qu’implique un voyage de longue durée dont une partie se déroulera sur le territoire de pays tiers.

53

Or, ainsi que la Commission l’a indiqué lors de l’audience devant la Cour, la pratique relative à l’octroi des restitutions à l’exportation sur le fondement du règlement (UE) no 817/2010 de la Commission, du 16 septembre 2010, portant modalités d’application en vertu du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière de bien-être des animaux vivants de l’espèce bovine en cours de transport pour l’octroi de restitutions à l’exportation (JO L 245, p. 16), impliquant un contrôle ex post des exigences relatives aux intervalles d’abreuvement, d’alimentation et aux durées de voyage et de repos résultant du règlement no 1/2005, n’a pas révélé que les transports d’animaux au départ de l’Union et à destination de pays tiers rencontrent des difficultés systémiques quant au respect de ces exigences sur le territoire d’États tiers. Notamment, en ce qui concerne la situation sur le territoire de la Fédération de Russie, la Commission n’aurait pas connaissance d’une réglementation de cet État tiers ou de pratiques administratives des autorités compétentes de ce dernier interdisant le déchargement des animaux aux points de repos et de transfert sur ce territoire.

54

Dans l’hypothèse, néanmoins, où le droit ou les pratiques administratives d’un pays tiers devant être traversé s’opposeraient de manière vérifiable et définitive à ce que certaines spécifications techniques de ce règlement soient entièrement respectées, l’autorité compétente du lieu de départ est également habilitée, dans le cadre de sa marge d’appréciation, à accepter une planification réaliste d’un transport qui, eu égard notamment à l’aménagement des moyens de transport et aux arrangements de voyage prévus, permet de penser que le transport prévu assurera le bien-être des animaux à un niveau équivalent auxdites spécifications techniques.

55

En tout état de cause, ladite autorité est en droit, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1/2005, d’exiger, notamment, une modification de la planification du transport concerné assurant que celui-ci passera par suffisamment de points de repos et de transfert permettant de considérer que ce transport respectera lesdites exigences relatives aux intervalles d’abreuvement, d’alimentation et aux durées de voyage et de repos.

56

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1/2005 doit être interprété en ce sens que, pour qu’un transport impliquant un voyage de longue durée d’animaux concernés qui débute sur le territoire de l’Union et se poursuit en dehors de ce territoire puisse être autorisé par l’autorité compétente du lieu de départ, l’organisateur du voyage doit présenter un carnet de route qui, eu égard aux arrangements de ce voyage tels qu’ils sont prévus, est réaliste et permet de penser que les dispositions de ce règlement seront respectées, y compris pour la partie dudit voyage qui se déroulera sur le territoire de pays tiers, ladite autorité étant habilitée, si tel n’est pas le cas, à exiger que lesdits arrangements soient modifiés de sorte que le respect desdites dispositions soit assuré pour l’ensemble de ce voyage.

Sur les dépens

57

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

L’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2005 du Conseil, du 22 décembre 2004, relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes et modifiant les directives 64/432/CEE et 93/119/CE et le règlement (CE) no 1255/97, doit être interprété en ce sens que, pour qu’un transport impliquant un voyage de longue durée d’équidés domestiques autres que des équidés enregistrés et d’animaux domestiques des espèces bovine, ovine, caprine et porcine qui débute sur le territoire de l’Union européenne et se poursuit en dehors de ce territoire puisse être autorisé par l’autorité compétente du lieu de départ, l’organisateur du voyage doit présenter un carnet de route qui, eu égard aux arrangements de ce voyage tels qu’ils sont prévus, est réaliste et permet de penser que les dispositions de ce règlement seront respectées, y compris pour la partie dudit voyage qui se déroulera sur le territoire de pays tiers, ladite autorité étant habilitée, si tel n’est pas le cas, à exiger que lesdits arrangements soient modifiés de sorte que le respect desdites dispositions soit assuré pour l’ensemble de ce voyage.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.