ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

16 septembre 2015 ( *1 )

«Manquement d’État — Règlement (CE) no 883/2004 — Article 7 — Prestation de vieillesse — Prime de Noël — Clause de résidence»

Dans l’affaire C‑361/13,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 26 juin 2013,

Commission européenne, représentée par MM. A. Tokár, D. Martin et F. Schatz, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. S. Rodin, A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en refusant d’octroyer à des bénéficiaires résidant dans un État membre autre que la République slovaque la prime de Noël prévue par la loi no 592/2006 relative à l’octroi d’une prime de Noël à certains bénéficiaires de pensions et complétant certaines lois, telle que modifiée en dernier lieu (ci‑après la «loi no 592/2006»), la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 45 TFUE et 48 TFUE ainsi que 7 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1, et rectificatif JO L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO L 284, p. 43, ci‑après le «règlement no 883/2004»).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2

Le considérant 16 du règlement no 883/2004 énonce:

«À l’intérieur de la Communauté, il n’est en principe pas justifié de faire dépendre les droits en matière de sécurité sociale du lieu de résidence de l’intéressé. Toutefois, dans des cas spécifiques, notamment pour des prestations spéciales qui ont un lien avec l’environnement économique et social de l’intéressé, le lieu de résidence pourrait être pris en compte.»

3

Le considérant 37 de ce règlement est ainsi libellé:

«Selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice, les dispositions qui dérogent au principe selon lequel les prestations de sécurité sociale sont exportables doivent être interprétées de manière limitative. En d’autres termes, de telles dispositions ne peuvent s’appliquer qu’aux prestations qui répondent aux conditions précisées. Le chapitre 9 du titre III du présent règlement ne peut donc s’appliquer qu’aux prestations, énumérées à l’annexe X du présent règlement, qui sont à la fois spéciales et à caractère non contributif.»

4

L’article 1er, sous w), du règlement no 883/2004 dispose:

«Aux fins du présent règlement:

[...]

w)

le terme ‘pension’ comprend également les rentes, les prestations en capital qui peuvent y être substituées et les versements effectués à titre de remboursement de cotisations, ainsi que, sous réserve des dispositions du titre III, les majorations de revalorisation ou allocations supplémentaires».

5

L’article 3 dudit règlement, intitulé «Champ d’application matériel», prévoit:

«1.   Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

[...]

d)

les prestations de vieillesse;

[...]

2.   Sauf disposition contraire prévue à l’annexe XI, le présent règlement s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, soumis ou non à cotisations, ainsi qu’aux régimes relatifs aux obligations de l’employeur ou de l’armateur.

3.   Le présent règlement s’applique également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 70.

[...]

5.   Le présent règlement ne s’applique pas:

a)

à l’assistance sociale et médicale;

[...]»

6

Aux termes de l’article 7 du règlement no 883/2004, intitulé «Levée des clauses de résidence»:

«À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les prestations en espèces dues en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres ou du présent règlement ne peuvent faire l’objet d’aucune réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire ou les membres de sa famille résident dans un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice.»

Le droit slovaque

7

La loi no 592/2006 prévoit, à son article 1er:

«1)   Sauf disposition contraire de la présente loi, les bénéficiaires d’une pension de vieillesse, d’une pension anticipée de vieillesse, d’une pension d’invalidité, d’une pension sociale, d’une pension de veuve/veuf ou d’une pension d’orphelin en vertu d’une réglementation particulière qui ont droit au versement de ladite pension en décembre de l’année civile et qui résident sur le territoire de la République slovaque reçoivent de l’Assurance sociale une prime de Noël constituant une prestation sociale de l’État, pour autant que le montant de la pension versée en décembre de l’année civile n’excède pas 60 % du salaire mensuel moyen en République slovaque, tel que communiqué par l’Office national de la statistique pour l’année civile précédant celle du versement de la prime de Noël.

2)   Les bénéficiaires d’une pension de retraite du corps militaire et policier, d’une pension d’invalidité du corps militaire et policier, d’une pension de veuve/veuf du corps militaire et policier ou d’une pension d’orphelin du corps militaire et policier en vertu d’une réglementation particulière dont la pension était initialement classée parmi les pensions de vieillesse, pensions d’invalidité, pensions d’invalidité partielle, pensions pour années de service, pensions de veuve/veuf ou pensions d’orphelin, accordées en vertu de la réglementation générale en matière de sécurité sociale, qui étaient en application jusqu’au 30 avril 1998 et qui sont devenues des prestations de l’assurance du corps militaire et policier en vertu de la réglementation en vigueur depuis le 1er mai 1998, ou bien qui étaient en application jusqu’au 30 juin 2002 et qui sont devenues des prestations de l’assurance du corps militaire et policier en vertu d’une réglementation particulière, et les bénéficiaires d’une pension de veuve/veuf du corps militaire et policier ou d’une pension d’orphelin du corps militaire et policier reversées après le décès d’une personne titulaire d’une pension de vieillesse reclassée, d’une pension d’invalidité reclassée, d’une pension d’invalidité partielle reclassée ou d’une pension pour années de service reclassée qui ont droit au versement de ladite pension en décembre de l’année civile et résident sur le territoire de la République slovaque reçoivent du département de l’assurance sociale du ministère de l’Intérieur, du ministère de la justice, du Service du renseignement, du Bureau de la sûreté nationale, du ministère des transports, des postes et des télécommunications, du ministère des finances et de l’Office militaire de sécurité sociale (ci‑après les ‘autorités’) une prime de Noël constituant une prestation sociale de l’État, pour autant que le montant de la pension versée en décembre de l’année civile n’excède pas le montant calculé conformément au paragraphe 1.

[...]

5)   Les bénéficiaires d’une pension de vieillesse ou d’une pension d’invalidité qui perçoivent simultanément une pension sociale ne recevront qu’une fois la prime de Noël visée au paragraphe 1, pour autant que le total des montants de la pension de vieillesse et de la pension sociale, ou de la pension d’invalidité et de la pension sociale, versées en décembre de l’année civile n’excède pas le montant calculé conformément au paragraphe 1. Les bénéficiaires d’une pension de vieillesse, d’une pension anticipée de vieillesse, d’une pension d’invalidité, d’une pension sociale, d’une pension de retraite du corps militaire et policier ou d’une pension d’invalidité du corps militaire et policier visées aux paragraphes 1 à 3, qui perçoivent simultanément une pension de veuve/veuf, une pension d’orphelin, une pension de veuve/veuf du corps militaire et policier ou une pension d’orphelin du corps militaire et policier recevront la prime de Noël pour autant que le total des montants des pensions versées en décembre de l’année civile n’excède pas le montant calculé conformément au paragraphe 1. Si les bénéficiaires d’une pension visée aux paragraphes 1 à 3 perçoivent une pension simultanément de l’Assurance sociale et des autorités et pour autant que la somme de ces pensions versées en décembre de l’année civile n’excède pas le montant calculé conformément au paragraphe 1, la prime de Noël s’ajoute à la pension dont le montant est le plus élevé.

[...]

8)   Le montant de la prime de Noël

a)

est de 66,39 euros si le montant de la pension ou le total des montants des pensions est inférieur ou égal au revenu minimal de subsistance pour une personne majeure, en vertu de la réglementation particulière en vigueur [...],

b)

est calculé selon la formule en annexe si le montant de la pension ou le total des montants des pensions est supérieur au revenu minimal de subsistance pour une personne majeure, en vertu de la réglementation particulière en vigueur.»

8

La formule contenue à l’annexe de la loi no 592/2006 prévoit que, dans la mesure où le montant de la pension ou le total des montants des pensions dépasse le revenu minimal de subsistance pour une personne majeure, le montant de la prime de Noël est progressivement réduit.

La procédure précontentieuse

9

Après avoir reçu une plainte de plusieurs retraités slovaques et correspondu à ce sujet avec la République slovaque, la Commission a, le 28 février 2012, adressé à cet État membre une lettre de mise en demeure, en faisant valoir que la prime de Noël prévue par la loi no 592/2006 devait être considérée comme une «prestation» au sens du règlement no 883/2004. Par conséquent, conformément à l’article 7 de ce règlement, son versement ne pourrait pas être subordonné au lieu de résidence du bénéficiaire.

10

La République slovaque a répondu à la lettre de mise en demeure par une lettre datée du 17 avril 2012, en soutenant que la prime de Noël est une prestation sociale d’État spécifique présentant les caractéristiques des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 70 du règlement no 883/2004 et que, par conséquent, le droit régissant l’octroi de cette prime de Noël n’enfreint ni ledit règlement ni les articles 45 TFUE et 48 TFUE.

11

N’étant pas convaincue par l’argumentation de la République slovaque, la Commission a émis, le 22 novembre 2012, un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures requises pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception. La Commission a soutenu, dans cet avis, que la prime de Noël devait être considérée comme une «prestation de vieillesse» au sens du règlement no 883/2004 et non une «prestation spéciale en espèces à caractère non contributif» au sens de l’article 70, paragraphe 2, dudit règlement et que la République slovaque devait, dès lors, verser cette contribution également aux bénéficiaires ne résidant pas sur le territoire slovaque.

12

La République slovaque a répondu à cet avis motivé par une lettre datée du 16 janvier 2013, en faisant valoir que la prime de Noël constitue une prestation d’assistance sociale qui ne relève pas du champ d’application du règlement no 883/2004.

13

La Commission, n’étant pas convaincue par les arguments de la République slovaque, a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Sur la portée du recours

Argumentation des parties

14

La République slovaque fait valoir, tant dans son mémoire en défense que dans son mémoire en duplique, premièrement, que, dans la mesure où le recours de la Commission est fondé sur l’affirmation selon laquelle la prime de Noël est une «prestation de vieillesse» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement 883/2004, il ne peut viser le refus d’accorder ladite prime aux bénéficiaires des pensions couvrant d’autres risques que celui de perte de revenus en raison de l’âge, telles la pension d’invalidité, la pension de veuve/veuf, la pension d’orphelin ou la pension sociale, ne résidant pas en Slovaquie.

15

Par conséquent, la République slovaque considère que, par son recours, la Commission lui reproche uniquement le refus d’octroyer la prime de Noël aux bénéficiaires d’une pension de vieillesse, d’une pension anticipée de vieillesse ou d’une pension de retraite du corps militaire et policier ne résidant pas en Slovaquie.

16

À cet égard, la Commission ne présente pas d’observations.

17

Deuxièmement, la République slovaque fait valoir que le recours est irrecevable en ce qui concerne la violation alléguée des articles 45 TFUE et 48 TFUE, dans la mesure où la requête ne contient pas de motivation conforme à l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour s’agissant de la violation alléguée desdits articles.

18

À cet égard, la Commission indique dans son mémoire en réplique que les articles 45 TFUE et 48 TFUE ainsi que le règlement no 883/2004 forment un cadre juridique unique, idoine en l’espèce, et que, en ne versant pas la prime de Noël aux bénéficiaires résidant en dehors de son territoire, la République slovaque a enfreint à la fois le règlement no 883/2004, le principe de l’exportabilité des prestations énoncé à l’article 48 TFUE et le droit à la libre circulation des personnes au sein de l’Union consacré par l’article 45 TFUE.

Appréciation de la Cour

19

Il importe de relever, en premier lieu, que, afin d’apprécier les effets qui, compte tenu du cercle des bénéficiaires de la prime de Noël, découlent de l’affirmation de la Commission selon laquelle la prime de Noël est une prestation de vieillesse, il convient de procéder à la qualification de la prime de Noël au regard du règlement no 883/2004, et notamment de l’article 3, paragraphe 1, sous d), de celui‑ci, tel qu’interprété par la Cour.

20

Une telle appréciation constitue une question de fond et doit être effectuée lors de l’examen du bien‑fondé du recours.

21

En second lieu, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 120, sous c), du règlement de procédure et de la jurisprudence relative à cette disposition que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi que l’exposé sommaire des moyens, et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle‑même et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (voir, en ce sens, arrêts Commission/République tchèque, C‑343/08, EU:C:2010:14, point 26 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Espagne, C‑360/11, EU:C:2013:17, point 26).

22

Or, force est de constater que, si la Commission indique, dans sa requête, que l’article 7 du règlement no 883/2004, dont la violation est reprochée à la République slovaque, doit être interprété à la lumière de l’article 48 TFUE, la requête ne contient pas d’argumentation propre au soutien des griefs relatifs à la violation alléguée des articles 45 TFUE et 48 TFUE.

23

Dans ces conditions, les griefs relatifs à la violation des articles 45 TFUE et 48 TFUE doivent être considérés comme irrecevables et il convient d’apprécier le bien‑fondé du recours de la Commission uniquement au regard de l’article 7 du règlement no 883/2004.

Sur le fond

Argumentation des parties

24

La Commission affirme que la prime de Noël est une «prestation de vieillesse» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004 et doit, dès lors, être versée également aux bénéficiaires ne résidant pas en Slovaquie. En prévoyant que seuls les bénéficiaires résidant dans cet État membre peuvent percevoir cette prime, la République slovaque enfreindrait l’article 7 du règlement no 883/2004.

25

La Commission fait valoir que la prime de Noël remplit les deux conditions définies par la jurisprudence de la Cour permettant de considérer une prestation particulière comme une prestation de sécurité sociale relevant du champ d’application du règlement no 883/2004.

26

Ainsi, en premier lieu, la prime de Noël serait octroyée, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux bénéficiaires sur la base d’une situation légalement définie. En effet, la prime de Noël serait octroyée à toutes les personnes satisfaisant aux conditions prévues par la réglementation nationale, à savoir être titulaire d’un des types de pensions définis par la loi et percevoir, au titre des pensions versées au mois de décembre de l’année civile, un revenu dont le montant n’excède pas 60 % du salaire mensuel moyen en Slovaquie. Ces conditions seraient de nature générale et contraignante et n’admettraient ni de traitement individuel ni d’appréciation discrétionnaire de la part des autorités slovaques.

27

En second lieu, la prime de Noël se rapporterait aux catégories de risques visés à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004. Concrètement, l’article 3, paragraphe 1, sous d), de ce règlement désignerait les prestations de vieillesse comme relevant du champ d’application matériel du règlement no 883/2004. Celui‑ci correspondrait au champ d’application de la loi no 592/2006, qui prévoit que la prime de Noël est octroyée aux bénéficiaires d’une pension de vieillesse ou d’une pension anticipée de vieillesse, d’une pension d’invalidité, d’une pension de veuve/veuf ou d’une pension d’orphelin, ou encore d’une pension sociale.

28

En outre, la circonstance que la prime de Noël ne permette pas en tant que telle de couvrir les besoins de base du bénéficiaire ne s’opposerait pas à sa qualification en tant que «prestation de vieillesse», puisqu’elle prendrait la forme d’une «majoration du revenu des pensionnés» au sens de l’article 1er, sous w), du règlement no 883/2004.

29

La finalité de la prime de Noël serait l’augmentation du revenu des bénéficiaires d’une pension, ce qui confirmerait sa classification parmi les prestations de vieillesse visées à l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004 et parmi les prestations régies, notamment, par l’article 7 de ce règlement.

30

À cet égard, il serait indifférent que la prime de Noël ne soit pas financée de la même manière que la pension elle‑même, car une telle exigence serait contraire à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, affaiblirait considérablement l’effet utile dudit règlement et ne pourrait non plus être déduite de l’arrêt Noteboom (C‑101/04, EU:C:2005:51, point 27) puisque l’utilisation de la locution adverbiale «de plus» pour signaler le mode de financement approprié des prestations concernées indiquerait que cet élément n’a pas été indispensable à l’argumentation de la Cour.

31

La circonstance qu’il s’agissait, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Noteboom (C‑101/04, EU:C:2005:51), d’une prestation à caractère contributif versée à tous les titulaires de pension ne diminue pas la pertinence dudit arrêt pour la présente affaire. Le fait que la prime de Noël soit uniquement versée à un certain cercle de titulaires de pensions n’aurait de l’intérêt que si l’appartenance audit cercle dépendait d’une appréciation individuelle et discrétionnaire, ce qui n’est pas le cas, la prime étant versée à toutes les personnes qui remplissent les conditions fixées par la loi.

32

En tant que prestation de vieillesse, la prime de Noël serait, dès lors, visée à l’article 7 du règlement no 883/2004. Cet article, qui doit être interprété à la lumière de l’article 48 TFUE, impose aux États membres de veiller à ce que les prestations qui relèvent du champ d’application de ce règlement ne fassent l’objet d’aucune «réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire ou les membres de sa famille résident dans un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice». Il ressortirait dudit article que les exceptions à cette règle doivent être prévues par ledit règlement lui‑même. La République slovaque ne saurait donc refuser le versement d’une prime de Noël à des personnes résidant hors du territoire slovaque, puisque ni le règlement no 883/2004 ni aucune autre disposition du droit de l’Union ne lui en donneraient la possibilité.

33

Enfin, la Commission fait valoir que la prime de Noël ne constitue pas une «prestation spéciale en espèces à caractère non contributif» au sens de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, dans la mesure où il s’agit d’une «prestation» au sens de l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement.

34

La République slovaque s’accorde à affirmer, comme la Commission, que la prime de Noël n’est pas une «prestation spéciale en espèces à caractère non contributif», au sens des articles 3, paragraphe 3, et 70 du règlement no 883/2004.

35

Toutefois, contrairement à ce que soutient la Commission, selon cet État membre, la prime de Noël ne relève pas du règlement no 883/2004, parce qu’elle remplit les conditions nécessaires pour être qualifiée de «prestation d’aide sociale», expressément exclue du champ d’application du règlement no 883/2004.

36

En effet, la prime de Noël aurait pour objectif non pas de simplement augmenter les revenus des allocataires, mais bien d’adoucir la situation sociale difficile des allocataires à faible revenu, en opérant une différenciation selon le montant de leurs revenus. En tant que prestation sociale spéciale non systématique financée par des ressources prises sur le budget de l’État, cette prime constituerait un geste de solidarité de l’ensemble de la société à l’égard d’un groupe d’allocataires à faible revenu, afin de leur garantir un revenu minimal pendant une période au cours de laquelle ils peuvent personnellement ressentir le poids économique et social de leurs faibles revenus.

37

L’octroi et le calcul du montant de la prime de Noël tiendrait compte de la situation personnelle du bénéficiaire, puisque la prime ne serait octroyée qu’aux allocataires dont la somme des allocations ne dépasse pas 60 % du salaire mensuel moyen en Slovaquie, et son montant diminuerait progressivement dans la mesure où la somme de leurs prestations est supérieure au revenu minimal de subsistance pour une personne physique majeure dans cet État membre.

38

Compte tenu du caractère unique et du faible montant de cette prime, une prise en considération plus détaillée de la situation individuelle de chaque bénéficiaire, y compris la détermination du montant précis de son patrimoine et de ses autres revenus, représenterait une charge administrative disproportionnée pour l’assurance sociale qui verse la prime de Noël.

39

L’octroi et le montant de la prime de Noël seraient indépendants de périodes d’emploi, d’affiliation ou de cotisation des bénéficiaires. Or, les modalités de financement non contributives de la prime de Noël, bien qu’elles ne soient pas en elles‑mêmes déterminantes pour établir s’il est question ou non d’une prestation de sécurité sociale, envisagées ensemble avec la finalité et les conditions d’octroi confirmeraient le caractère de prestation d’aide sociale de cette prime.

40

Enfin, la prime de Noël ne remplirait aucune des deux conditions pour pouvoir être qualifiée de «prestation de sécurité sociale» relevant du règlement no 883/2004, dans la mesure où les bénéficiaires ne disposeraient d’aucun droit juridique à cette prime et où celle‑ci ne se rapporterait pas aux catégories de risques visés à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004.

41

S’agissant de ce dernier point, la République slovaque fait valoir que la prime de Noël n’est ni une «prestation de vieillesse» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004 ni une «pension» en tant que telle au sens de l’article 1er, sous w), de ce règlement. En effet, ne serait‑ce que compte tenu du faible montant et du caractère unique de cette prime, la finalité de celle‑ci ne serait pas de garantir des moyens suffisants pour couvrir les besoins de subsistance des personnes qui, après avoir atteint l’âge de la pension, ont quitté leur emploi.

42

La prime de Noël ne correspondrait non plus à aucune des autres prestations spécifiques mentionnées à l’article 1er, sous w), du règlement no 883/2004, qui doivent être qualifiées de «pensions» ni, notamment, à l’allocation supplémentaire, étant donné que la prime de Noël serait financée de manière non contributive, directement par l’État membre et de manière totalement indépendante de la perception de cotisations d’assurance sur d’autres prestations versées par l’office de sécurité sociale.

43

En tout état de cause, le refus du caractère exportable de la prestation en question ne serait pas arbitraire, mais découlerait des circonstances relatives à la situation spécifique en Slovaquie. Ces circonstances se refléteraient dans les conditions d’octroi de la prime de Noël et dans le calcul de son montant par l’intermédiaire des paramètres relatifs au salaire moyen et au revenu minimal de subsistance en Slovaquie. Le caractère exportable d’une telle prestation contredirait complètement son lien avec la situation sociale interne.

Appréciation de la Cour

44

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle‑ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir, notamment, arrêts, Commission/Pays‑Bas, 96/81, EU:C:1982:192, point 6; Commission/Espagne, C‑404/00, EU:C:2003:373, point 26; Commission/Italie, C‑135/05, EU:C:2007:250, point 26, et Commission/Grèce, C‑305/06, EU:C:2008:486, point 41).

45

En l’espèce, afin d’apprécier le bien‑fondé du présent recours, il convient de déterminer si la prime de Noël constitue une «prestation de sécurité sociale» au sens du règlement no 883/2004, à laquelle s’applique la levée des clauses de résidence prévue à l’article 7 de ce règlement.

46

Il convient de rappeler que la distinction entre les prestations relevant du champ d’application du règlement no 883/2004 et celles qui en sont exclues repose non pas sur le fait qu’une prestation est qualifiée ou non de «prestation de sécurité sociale» par une législation nationale, mais essentiellement sur les éléments constitutifs de chaque prestation, notamment ses finalités et ses conditions d’octroi (arrêt Molenaar, C‑160/96, EU:C:1998:84, point 19).

47

Selon une jurisprudence constante, une prestation peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale dans la mesure où elle est octroyée, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux bénéficiaires sur la base d’une situation légalement définie et où elle se rapporte à un des risques énumérés expressément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 (voir, notamment, arrêt da Silva Martins, C‑388/09, EU:C:2011:439, point 38 et la jurisprudence citée).

48

Il ressort des dispositions relatives à l’octroi de la prime de Noël, tout d’abord, que celle‑ci est octroyée aux titulaires de l’un des types de pension mentionnés à l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la loi no 592/2006, qui ont droit au versement de ladite pension au mois de décembre de l’année civile en cause, qui résident en Slovaquie et dont le montant des revenus de pensions légales est inférieur ou égal à 60 % du salaire mensuel moyen en Slovaquie pendant la période de référence.

49

Ensuite, l’article 1er, paragraphe 5, de la loi no 592/2006 établit les règles selon lesquelles les personnes bénéficiant de plusieurs pensions mentionnées aux paragraphes 1 à 3 de cet article 1er peuvent bénéficier de la prime de Noël.

50

Enfin, l’article 1er, paragraphe 8, de la loi no 592/2006 ainsi que l’annexe de cette loi établissent les règles selon lesquelles le montant de la prime est calculé.

51

Il s’ensuit, en ce qui concerne la première condition relative à l’octroi de la prestation en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, que l’octroi de la prime de Noël est soumis à des conditions énoncées de manière exhaustive à l’article 1er de la loi no 592/2006, sans que les autorités compétentes disposent d’une marge d’appréciation concernant cet octroi.

52

Certes, la prime de Noël est accordée ou refusée et son montant est calculé en tenant compte de celui des revenus de pensions du bénéficiaire. Toutefois, il s’agit d’un critère objectif et légalement défini qui ouvre le droit à cette prime sans que l’autorité compétente puisse tenir compte d’autres circonstances personnelles. L’octroi de la prime de Noël ne dépend donc pas de l’appréciation individuelle des besoins personnels du demandeur, caractéristique de l’assistance sociale (voir, en ce sens, arrêts Hughes, C‑78/91, EU:C:1992:331, point 17; Acciardi, C‑66/92, EU:C:1993:341, point 15, et De Cuyper, C‑406/04, EU:C:2006:491, point 23).

53

En ce qui concerne la seconde condition, il importe de rappeler que, selon la Commission, la prime de Noël doit être qualifiée de «prestation de vieillesse» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004 et prend la forme d’une «majoration du revenu des pensionnés» au sens de l’article 1er, sous w), de ce règlement.

54

Conformément à la jurisprudence citée au point 46 du présent arrêt, afin de déterminer si la prime de Noël peut être qualifiée de «prestation de vieillesse» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004, il convient donc d’apprécier les éléments constitutifs de cette prime, notamment sa finalité et ses conditions d’octroi.

55

À cet égard, il convient de noter que les prestations de vieillesse visées à l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004, sont caractérisées essentiellement par le fait qu’elles visent à assurer les moyens de subsistance de personnes qui, lorsqu’elles atteignent un certain âge, quittent leur emploi et ne sont plus obligées de se mettre à la disposition de l’administration de l’emploi (voir arrêt Valentini, 171/82, EU:C:1983:189, point 14).

56

En outre, la Cour a jugé que peut être qualifiée de «prestation de vieillesse» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004, versée comme allocation supplémentaire, notamment une allocation qui est versée exclusivement aux bénéficiaires d’une pension de retraite et/ou de survie, dont les sources de financement sont les mêmes que celles prévues pour le financement des pensions de retraite et de survie et qui accompagne la pension de retraite, en permettant aux bénéficiaires de subvenir à leurs besoins en leur garantissant un complément financier leur permettant éventuellement de partir en vacances (arrêt Noteboom, C‑101/04, EU:C:2005:51, points 25 à 29).

57

En l’espèce, il y a lieu de constater que la prime de Noël n’est pas versée exclusivement aux bénéficiaires d’une pension de vieillesse, d’une pension anticipée de vieillesse ou d’une pension de retraite du corps militaire et policier, mais le cercle de ses bénéficiaires inclut également les bénéficiaires d’autres types de pensions, notamment d’une pension d’invalidité, d’une pension sociale, d’une pension de veuve/veuf ou d’une pension d’orphelin.

58

Or, la Commission n’indique pas les raisons pour lesquelles, au vu du champ d’application personnel défini de manière aussi étendue, elle considère que la prime de Noël doit être qualifiée de «prestation de vieillesse» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004.

59

Il ressort du dossier soumis à la Cour que la finalité de la prime de Noël est de fournir un complément financier aux bénéficiaires de ces diverses pensions légales dont les revenus ne dépassent pas le seuil défini par la loi.

60

Pour autant que la prime de Noël est versée aux bénéficiaires des pensions de retraite ou des pensions assimilées aux pensions de retraite, cette prime a pour effet de compléter les moyens de subsistance des personnes ayant atteint un certain âge. Cela étant, on ne saurait toutefois considérer que la finalité de la prime de Noël dépend uniquement du type de pension qu’elle vise à compléter.

61

En effet, d’une part, ainsi que le fait valoir la République slovaque, le complément financier, versé sous la forme de la prime de Noël, a pour objectif d’adoucir la situation sociale difficile des allocataires à faible revenu pendant une période durant laquelle ils peuvent personnellement ressentir le poids économique et social de leurs faibles revenus. D’autre part, la finalité propre de la prime de Noël découle également des règles prévues à l’article 1er, paragraphe 5, de la loi no 592/2006 relatives à la perception de cette prime lorsque le bénéficiaire perçoit plusieurs pensions. Il ressort de cette disposition, en substance, que les bénéficiaires de plusieurs pensions légales ne recevront qu’une fois la prime de Noël et pour autant que le total des montants des pensions n’excède pas le seuil établi.

62

Par conséquent, il convient de considérer que la Commission n’a pas établi que les éléments constitutifs de la prime de Noël permettent de qualifier celle‑ci de «prestation de vieillesse» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004.

63

Partant, il convient de rejeter le recours de la Commission.

Sur les dépens

64

En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République slovaque ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle‑ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

La Commission européenne est condamnée aux dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le slovaque.