ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

12 février 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Tarif douanier commun — Classement tarifaire — Nomenclature combinée — Caméras thermiques à infrarouge»

Dans l’affaire C‑134/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le First-tier Tribunal (Tax Chamber) (Royaume-Uni), par décision du 7 mars 2013, parvenue à la Cour le 18 mars 2013, dans la procédure

Raytek GmbH,

Fluke Europe BV

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas, E. Juhász et D. Šváby (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 novembre 2014,

considérant les observations présentées:

pour Raytek GmbH et Fluke Europe BV, par M. I. Humby, consultant, et Mme V. Sloane, barrister,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme J. Beeko, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,

pour la Commission européenne, par MM. B.‑R. Killmann et L. Flynn, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur la validité du règlement (UE) no 314/2011 de la Commission, du 30 mars 2011, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO L 86, p. 57).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de recours formés par Raytek GmbH et Fluke Europe BV (ci-après, respectivement, «Raytek» et «Fluke») contre des décisions des Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (ci-après les «Commissioners») relatives au classement tarifaire de caméras thermiques à infrarouge.

Le cadre juridique

Le droit international

3

La convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le «SH»), conclue à Bruxelles le 14 juin 1983, et son protocole d’amendement du 24 juin 1986 (ci-après la «convention sur le SH») ont été approuvés au nom de la Communauté économique européenne par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO L 198, p. 1).

4

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la convention sur le SH, chaque partie contractante s’engage à ce que ses nomenclatures tarifaires et statistiques soient conformes au SH, à utiliser toutes les positions et sous-positions de celui‑ci, sans adjonction ni modification, ainsi que les codes y afférents et à suivre l’ordre de numérotation dudit système. La même disposition prévoit que chaque partie contractante s’engage également à appliquer les règles générales pour l’interprétation du SH (ci-après les «règles générales SH») ainsi que toutes les notes de sections, de chapitres et de sous-positions du SH, et à ne pas modifier la portée de ces derniers.

5

Le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes (OMD), institué par la convention internationale portant création dudit conseil, conclue à Bruxelles le 15 décembre 1950, approuve, dans les conditions fixées à l’article 8 de la convention sur le SH, les notes explicatives adoptées par le comité du SH, instance dont l’organisation est régie par l’article 6 de celle‑ci (ci-après les «notes explicatives du SH»).

6

Aux termes de la note explicative relative à la règle générale pour l’interprétation du SH 3:

«[...]

Règle 3 a)

[...]

IV)

Il n’est pas possible de poser des principes rigoureux permettant de déterminer si une position est plus spécifique qu’une autre à l’égard des marchandises présentées; on peut cependant dire à titre général:

a)

qu’une position qui désigne nommément un article particulier est plus spécifique qu’une position comprenant une famille d’articles: par exemple, les rasoirs et tondeuses à moteur électrique incorporé sont classés au no 85.10 et non au no 84.67 (outils à moteur électrique incorporé, pour emploi à la main) ou au no 85.09 (appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, pour usages domestiques).

b)

qu’on doit considérer comme plus spécifique la position qui identifie plus clairement et suivant une description plus précise et plus complète, la marchandise considérée.

On peut citer comme exemples de ce dernier type de marchandises:

1)

les tapis touffetés en matières textiles reconnaissables comme étant destinés aux voitures automobiles qui doivent être classés, non comme accessoires de véhicules automobiles au no 87.08, mais au no 57.03 où ils sont plus spécifiquement repris.

2)

les verres de sécurité, consistant en verres trempés ou formés de feuilles contrecollées, non encadrés, mis en forme, reconnaissables pour être utilisés comme pare-brise d’avions qui doivent être classés, non comme parties des appareils des nos 88.01 et 88.02 au no 88.03, mais au no 70.07 où ils sont plus spécifiquement repris.

V)

Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite, ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques même si l’une d’elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète. Dans ce cas, le classement des articles sera déterminé par application de la Règle 3 b) ou 3 c).

Règle 3 b)

VI)

Cette seconde méthode de classement (Règle 3 b) vise uniquement le cas:

1)

de produits mélangés;

2)

d’ouvrages composés de matières différentes;

3)

d’ouvrages constitués par l’assemblage d’articles différents;

4)

de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail.

Elle ne s’applique que si la Règle 3 a) est inopérante.

VII)

Dans ces diverses hypothèses, le classement des marchandises doit être fait d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu’il est possible d’opérer cette détermination.

VIII)

Le facteur qui détermine le caractère essentiel varie suivant le genre de marchandises. Il peut, par exemple, ressortir de la nature de la matière constitutive ou des articles qui les composent, de leur volume, leur quantité, leur poids ou leur valeur, de l’importance d’une des matières constitutives en vue de l’utilisation des marchandises.

[...]»

Le droit de l’Union

Le règlement (CEE) no 2658/87

7

La nomenclature combinée, constituant l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), telle que modifiée par le règlement (UE) no 861/2010 de la Commission, du 5 octobre 2010 (JO L 284, p. 1, ci-après la «NC»), comporte dans sa première partie, titre I, section A, un ensemble de règles générales pour l’interprétation de cette nomenclature (ci-après les «règles générales NC»). Cette section dispose:

«Le classement des marchandises dans la nomenclature combinée est effectué conformément aux principes ci-après.

1.

Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

[...]

3.

Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s’opère comme suit:

a)

La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d’une portée plus générale. Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques même si l’une d’elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète.

b)

Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l’assemblage d’articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la règle 3 a), sont classés d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu’il est possible d’opérer cette détermination.

c)

Dans le cas où les règles 3 a) et 3 b) ne permettent pas d’effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être valablement prises en considération.

[...]

6.

Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires.»

8

Dans la deuxième partie de la NC, intitulée «Tableau des droits», le chapitre 85 est relatif aux «Machines, appareils et matériels électriques et leurs parties; appareils d’enregistrement ou de reproduction du son, appareils d’enregistrement ou de reproduction des images et du son en télévision, et parties et accessoires de ces appareils». Incluse dans ce chapitre, la position 8525 est libellée comme suit:

«Appareils d’émission pour la radiodiffusion ou la télévision, même incorporant un appareil de réception ou un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son; caméras de télévision, appareils photographiques numériques et caméscopes».

9

La communication de la Commission européenne relative aux notes explicatives de la NC (2011/C 137/01) précise que cette position couvre les caméras thermographiques d’images infrarouges qui capturent les images à rayonnement thermique pour les convertir en images représentant des températures de surfaces ou d’objets individuels en différents degrés de gris ou en différentes couleurs, mais qui ne peuvent ni mesurer ni chiffrer les températures.

10

Le chapitre 90 de la NC, intitulé «Instruments et appareils d’optique, de photographie ou de cinématographie, de mesure, de contrôle ou de précision; instruments et appareils médico-chirurgicaux; parties et accessoires de ces instruments ou appareils», comporte notamment les positions 9025 et 9027.

11

La note 3 du chapitre 90 énonce que les dispositions des notes 3 et 4 de la section XVI s’appliquent également à ce chapitre. La note 3 de cette section est rédigée comme suit:

«Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d’espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu’un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l’ensemble.»

12

La position 9025 de la NC est libellée et structurée comme suit:

«9025

Densimètres, aréomètres, pèse-liquides et instruments flottants similaires, thermomètres, pyromètres, baromètres, hygromètres et psychromètres, enregistreurs ou non, même combinés entre eux:

 

‑ Thermomètres et pyromètres, non combinés à d’autres instruments:

9025 11

‑ ‑ à liquide, à lecture directe:

[...]

 

9025 19

‑ ‑ autres:

9025 19 20

‑ ‑ ‑ électroniques

9025 19 80

‑ ‑ ‑ autres

[...]

[...]»

13

Dans la version en langue française, la position 9027 de la NC est libellée et structurée comme suit:

«9027

Instruments et appareils pour analyses physiques ou chimiques (polarimètres, réfractomètres, spectromètres, analyseurs de gaz ou de fumées, par exemple); instruments et appareils pour essais de viscosité, de porosité, de dilatation, de tension superficielle ou similaires ou pour mesures calorimétriques, acoustiques ou photométriques (y compris les indicateurs de temps de pose); microtomes:

[...]

 

9027 30 00

‑ Spectromètres, spectrophotomètres et spectrographes utilisant les rayonnements optiques (UV, visibles, IR)

9027 50 00

‑ autres instruments et appareils utilisant les rayonnements optiques (UV, visibles, IR)

[...]

[...]»

14

Dans la version en langue anglaise de cette position, les termes «instruments or apparatus for measuring or checking of quantities of heat» correspondent aux termes «instruments et appareils [...] pour mesures calorimétriques» figurant dans la version en langue française de ladite position.

15

La note explicative du SH relative à la position 9027 énonce que sont exclus de cette dernière, notamment, les «densimètres, aréomètres, thermomètres, hygromètres et autres appareils du no 9025, même à usage de laboratoire».

16

Le taux des droits de douane à l’importation applicable à la sous-position tarifaire 9025 19 20 est de 3,2 %, alors que les appareils relevant de la sous-position 9027 50 00 bénéficient d’une exemption de droit.

Le règlement no 314/2011

17

Le règlement no 314/2011 est entré en vigueur le 21 avril 2011. Ce règlement classe les caméras thermiques à infrarouge sous le code NC 9025 19 20, en tant que thermomètres.

18

La description des appareils concernés contenue dans l’annexe dudit règlement est libellée comme suit:

«Appareil (appelé ‘caméra thermique à infrarouge’) destiné à capter des images de rayonnement infrarouge à l’aide d’un microbolomètre et à afficher ces images en couleurs représentant différentes températures mesurant approximativement 26 × 8 × 11 cm.

L’appareil comprend:

un objectif amovible,

un microbolomètre d’une résolution de 160 × 120 pixels, capable de mesurer des températures comprises dans une fourchette allant de – 20 °C à 250 °C,

un écran couleur à affichage à cristaux liquides (LCD) d’une résolution de 320 × 240 pixels dont la diagonale mesure environ 7 cm (2,5 pouces), et

une mémoire capable de stocker jusqu’à 200 images en format JPEG.

Le microbolomètre, capteur thermique utilisé comme détecteur dans la caméra, donne des images de 19200 pixels, chaque pixel représentant le résultat d’une mesure de température.

L’image s’affiche dans plusieurs couleurs, qui représentent les différentes températures mesurées, et comporte une échelle verticale indiquant les valeurs maximale et minimale de la plage de température choisie et la palette des couleurs correspondantes.

L’appareil peut également mesurer la température en un point précis et afficher le résultat sur une échelle de température.

L’appareil est utilisé à des fins de maintenance préventive, pour détecter des vices de construction, des défauts d’isolation ou des fuites thermiques.»

19

À ladite annexe, le classement des appareils concernés sous le code NC 9025 19 20 est motivé en ces termes:

«Le classement est déterminé par les règles générales [NC] 1 et 6 [...] et par le libellé des codes NC 9025, 9025 19 et 9025 19 20.

L’appareil étant capable de mesurer la température et de représenter les valeurs mesurées sous forme chiffrée, fonction couverte par la position 9025, le classement en tant que caméra dans la position 8525 est exclu (voir également les notes explicatives de la NC relatives à la position 8525).

L’appareil n’ayant pas pour finalité de mesurer ou de contrôler les quantités de chaleur, mais de détecter le niveau du rayonnement infrarouge (mesure de la température), le classement dans la position 9027 est exclu.

Compte tenu de ses caractéristiques, le produit doit donc être classé sous le code NC 9025 19 20 en tant que thermomètre.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

20

Raytek et Fluke importent au Royaume-Uni des caméras thermiques à infrarouge.

21

S’agissant des propriétés de ces caméras, la juridiction de renvoi précise que ces dernières se composent notamment d’un objectif imageur, qui collecte l’énergie à infrarouge rayonnée par la cible et la fait converger vers un détecteur d’infrarouges. La radiation infrarouge produit une réponse mesurable à partir du détecteur, qui est ensuite traitée électroniquement dans la caméra thermique pour produire un thermogramme, ou image infrarouge, dans laquelle les différentes nuances de couleurs correspondent à la répartition du rayonnement infrarouge à la surface de la cible. Cette juridiction ajoute que des mécanismes de contrôle, qui portent sur des variables telles que la plage de températures, la gamme et le niveau thermiques, la gamme de couleurs et la fusion d’images visible et infrarouge, permettent d’effectuer des ajustements électroniques afin de préciser l’image thermique affichée sur l’écran.

22

Quant à l’utilisation desdites caméras, la juridiction de renvoi indique qu’elles sont essentiellement destinées à détecter et à localiser des faux contacts électriques, des surchauffes provoquées par une surcharge électrique, des vices de construction, des défauts d’isolation ainsi que des fuites d’air et d’eau.

23

Par suite de la publication du règlement no 314/2011, les Commissioners ont informé Raytek et Fluke, par lettre du 14 avril 2011, que les renseignements tarifaires contraignants qui leur avaient été précédemment délivrés, concernant le classement tarifaire des appareils qu’elles importent dans la position 9027, avaient cessé d’être valides.

24

Dans le cadre des recours qu’elles ont introduits contre les décisions que constitueraient ces lettres, Raytek et Fluke contestent la validité du règlement no 314/2011 au regard de la portée effective respective des positions tarifaires 9025 19 20 et 9027 50 00.

25

Dans ce contexte, le First-tier Tribunal (Tax Chamber) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le règlement [no 314/2011] est-il valide en ce qu’il classe les caméras thermiques à infrarouge sous le code NC 9025 19 20?»

La procédure devant la Cour

26

Par décision du 14 janvier 2014, la Cour a attribué la présente affaire à la dixième chambre, a décidé que cette affaire serait jugée sans conclusions et a convoqué les parties à une audience qui s’est tenue le 6 mars 2014, à la suite de laquelle la procédure orale a été clôturée.

27

La dixième chambre a décidé, le 2 octobre 2014, de renvoyer l’affaire susmentionnée devant la Cour aux fins de sa réattribution à une formation de jugement plus importante, en application de l’article 60, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour. Par suite, la Cour a décidé de réattribuer la présente affaire à la cinquième chambre.

28

Par ordonnance du 4 novembre 2014, la Cour a ordonné la réouverture de la procédure orale et la convocation des parties à une nouvelle audience qui s’est tenue le 26 novembre 2014.

Sur la question préjudicielle

29

Afin de répondre à la question posée, il convient de relever que le Conseil de l’Union européenne a conféré, en ce qui concerne l’application de la NC, à la Commission, agissant en coopération avec les experts douaniers des États membres, un large pouvoir d’appréciation pour préciser le contenu des positions tarifaires entrant en ligne de compte pour le classement d’une marchandise déterminée. Toutefois, le pouvoir de la Commission d’arrêter des mesures visées à l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2658/87, comme le classement des marchandises, ne l’autorise pas à modifier le contenu des positions tarifaires qui ont été établies sur la base du SH, instauré par la convention sur le SH, dont l’Union européenne s’est engagée, en vertu de l’article 3 de cette dernière, à ne pas modifier la portée (voir, en ce sens, arrêts France/Commission, C‑267/94, EU:C:1995:453, points 19 et 20; Kawasaki Motors Europe, C‑15/05, EU:C:2006:259, point 35, ainsi que Dinter et Europol Frost‑Food, C‑522/07 et C‑65/08, EU:C:2009:663, point 32).

30

En l’occurrence, il y a donc lieu d’examiner si la Commission, en procédant au classement de marchandises telles que celles décrites dans la colonne 1 de l’annexe du règlement no 314/2011 dans la position 9025 19 de la NC au lieu de la position 9027 50 de celle-ci, a modifié le contenu de ces deux positions tarifaires.

31

À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de section ou de chapitre (arrêts Kawasaki Motors Europe, EU:C:2006:259, point 38; Dinter et Europol Frost-Food, EU:C:2009:663, point 29, ainsi que Premis Medical, C‑273/09, EU:C:2010:809, point 42).

32

Aux termes de la description qui en est donnée dans la colonne 1 de l’annexe du règlement no 314/2011, la marchandise sur laquelle porte ce règlement est un «appareil (appelé ‘caméra thermique à infrarouge’) destiné à capter des images de rayonnement infrarouge à l’aide d’un microbolomètre et à afficher ces images en couleurs représentant différentes températures». Ces images sont captées à l’aide d’un microbolomètre «capable de mesurer des températures comprises dans une fourchette allant de – 20 °C à 250 °C», «chaque pixel [de l’image produite] représentant le résultat d’une mesure de température», l’«image s’affich[ant] dans plusieurs couleurs qui représentent les différentes températures mesurées, et comport[ant] une échelle verticale indiquant [...] la palette des couleurs correspondantes». Enfin, l’«appareil peut également mesurer la température en un point précis et afficher le résultat sur une échelle de température».

33

Il ressort de cette description que les appareils visés par le règlement no 314/2011 captent le rayonnement infrarouge émis par la cible et construisent, à partir de ce rayonnement, une image de la cible dont les couleurs représentent des températures, lesquelles sont déduites du rayonnement infrarouge capté. Ils sont également capables de mesurer la température en un point précis de la cible, cette mesure étant elle aussi déduite du rayonnement infrarouge capté.

34

Il y a lieu de constater que, sur la base de cette description, la Commission a pu considérer, ainsi que cela est énoncé dans la motivation figurant à la colonne 3 de la même annexe, que, ledit «appareil étant capable de mesurer la température et de représenter les valeurs mesurées sous forme chiffrée, fonction couverte par la position 9025», et «n’ayant pas pour finalité de mesurer ou de contrôler les quantités de chaleur, mais de détecter le niveau du rayonnement infrarouge (mesure de la température)», il «doit être classé sous le code NC 9025 19 20 en tant que thermomètre», la sous-position concernée correspondant aux thermomètres et aux pyromètres électroniques, non combinés à d’autres instruments de la même position.

35

S’agissant de la position 9027 de la NC, qui selon les requérantes au principal aurait dû être retenue par la Commission aux fins du classement tarifaire en cause, il convient de relever qu’elle vise notamment les «instruments et appareils pour analyses physiques», la sous-position 9027 50 00 visant les «instruments et appareils utilisant les rayonnements optiques», dont le rayonnement infrarouge. Or, il convient de constater que les caractéristiques et propriétés objectives des appareils décrits à l’annexe du règlement no 314/2011 ne permettent pas leur classement dans cette position. En effet, ces appareils affichent le résultat d’une mesure de la température sans effectuer une autre analyse physique allant au-delà d’une simple mesure de la température, propriété plus spécifique déjà couverte par la position 9025 de la NC, qu’il y a donc lieu de retenir en vertu de la règle générale NC 3, sous a).

36

Par ailleurs, le classement desdits appareils dans la position 9025 est corroboré par les notes explicatives du SH concernant la position 9027 selon lesquelles sont exclus de cette dernière position, notamment, les «densimètres, aréomètres, thermomètres, hygromètres et autres appareils du 9025».

37

Il en résulte que, par le classement dans la sous-position 9025 19 20 de la NC des appareils décrits à l’annexe du règlement no 314/2011, la Commission n’a pas modifié le contenu des positions tarifaires 9025 19 et 9027 50. Partant, l’examen dudit règlement ne conduit pas à conclure à son invalidité.

38

Afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient toutefois de relever qu’il existe des indications, eu égard à la description des appareils en cause au principal telle qu’elle figure dans la décision de renvoi et est mentionnée au point 21 du présent arrêt, selon lesquelles ces appareils pourraient ne pas correspondre nécessairement à ceux visés par le règlement no 314/2011.

39

Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier la correspondance entre les caméras thermiques à infrarouge importées par Raytek et Fluke et les appareils décrits dans le règlement no 314/2011, et, plus particulièrement, si la collecte et la mesure du rayonnement infrarouge sur la surface d’une cible ainsi que l’affichage d’une image représentant la répartition de ce rayonnement peuvent constituer une fonction visée par la position 9027 de la NC, utilisant les rayonnements optiques, dont le rayonnement infrarouge, qui va au-delà d’une simple mesure de la température.

40

Dans ce cas, il conviendrait également de tenir compte du fait, admis par les requérantes au principal, que les appareils en cause au principal peuvent avoir comme autre fonction de mesurer des températures et peuvent, de ce fait, être utilisés comme thermomètre.

41

Dès lors, conformément à la note 3 de la section XVI de la NC, qui, en vertu de la règle générale NC 1, constitue une règle impérative pour le classement des marchandises, ces appareils devraient être classés, en tant que machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, suivant la fonction principale qui caractérise l’ensemble.

42

Il y a dès lors lieu de répondre à la question posée que l’examen de la question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement no 314/2011.

Sur les dépens

43

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

L’examen de la question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement (UE) no 314/2011 de la Commission, du 30 mars 2011, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.