CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 17 juillet 2014 ( 1 )

Affaire C‑364/13

International Stem Cell

contre

Comptroller General of Patents

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court) (Royaume-Uni)]

«Directive 98/44/CE — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Brevetabilité — Cellules souches — Activation parthénogénétique d’ovules humains non fécondés pour créer des cellules souches — Parthénotes — Liste des inventions exclues de la brevetabilité — Caractère non exhaustif de la liste — Exclusion des ‘utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales’ — Notion d’‘embryon humain’ — ‘De nature à déclencher le processus de développement d’un être humain’»

1. 

La présente procédure offre à la Cour l’occasion de se pencher une nouvelle fois sur la signification de la notion d’«embryons humains» au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques ( 2 ) (ci‑après la «directive»).

2. 

En fait, la question que la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court), a posée à la Cour dans la présente affaire est, à une différence près, identique à l’une des questions auxquelles la Cour a répondu il y a trois ans dans l’affaire Brüstle ( 3 ), sur renvoi préjudiciel du Bundesgerichtshof (Allemagne).

3. 

Dans cette affaire, le Bundesgerichtshof avait notamment demandé si «des ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer» relevaient de la notion d’«embryons humains» au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive. La Cour a répondu à cette question par l’affirmative. Face à cette réponse, la juridiction de renvoi pose uniquement, dans la présente affaire, la question de savoir si la décision rendue dans l’affaire Brüstle s’applique à ces ovules humains activés parthénogénétiquement, et ce même au regard de la caractéristique suivante: «qui, à la différence des ovules fécondés, contiennent uniquement des cellules pluripotentes et ne sont pas en mesure de se développer en êtres humains».

4. 

La juridiction de renvoi estime que, compte tenu du raisonnement tenu par la Cour dans l’affaire Brüstle, notamment au point 36 de l’arrêt ( 4 ), il n’est pas possible d’affirmer avec la certitude requise que la Cour donnerait la même réponse si elle examinait les précisions données dans la question posée dans la présente affaire.

5. 

Une analyse minutieuse de la logique sous-jacente à la réponse de la Cour dans l’affaire Brüstle me conduira à proposer une réponse «exclusive» à la question posée à la Cour, à savoir excluant les ovules humains non fécondés induits à se diviser et à se développer par voie de parthénogenèse de la notion d’«embryons humains» au regard des précisions données par la juridiction de renvoi.

I – Le cadre juridique

A – Le droit international

6.

L’article 27, paragraphes 1 et 2, de l’accord ADPIC, reproduit à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 ( 5 ), prévoit que:

«1.   Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle. Sous réserve des dispositions du paragraphe 4 de l’article 65, du paragraphe 8 de l’article 70 et du paragraphe 3 du présent article, des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au lieu d’origine de l’invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d’origine nationale.

2.   Les Membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par leur législation» ( 6 ).

7.

L’article 52, paragraphe 1, de la convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973 (convention sur le brevet européen, ci-après la «CBE») ( 7 ), à laquelle seuls les États membres sont parties, mais pas l’Union elle‑même, s’énonce comme suit:

«Les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle.»

8.

L’article 53, sous a), de la CBE prévoit que:

«Les brevets européens ne sont pas délivrés pour:

a)

les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, une telle contradiction ne pouvant être déduite du seul fait que l’exploitation est interdite, dans tous les États contractants ou dans plusieurs d’entre eux, par une disposition légale ou réglementaire».

9.

Le règlement d’exécution de la CBE a harmonisé cette dernière avec la directive ( 8 ). L’article 28, sous c), dudit règlement d’exécution prévoit que:

«Conformément à l’article 53 a), les brevets européens ne sont pas délivrés notamment pour les inventions biotechnologiques qui ont pour objet:

c)

des utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales».

B – Le droit de l’Union

10.

Les considérants 5, 16, 20, 21, 36 à 39, et 42 de la directive s’énoncent comme suit:

«(5)

[…] il existe des divergences, dans le domaine de la protection des inventions biotechnologiques, entre les législations et pratiques des différents États membres; […] de telles disparités sont de nature à créer des entraves aux échanges et à faire ainsi obstacle au fonctionnement du marché intérieur;

[…]

(16)

[…] le droit des brevets doit s’exercer dans le respect des principes fondamentaux garantissant la dignité et l’intégrité de l’Homme; […] il importe de réaffirmer le principe selon lequel le corps humain, dans toutes les phases de sa constitution et de son développement, cellules germinales comprises, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments ou d’un de ses produits, y compris la séquence ou séquence partielle d’un gène humain, ne sont pas brevetables; […] ces principes sont conformes aux critères de brevetabilité prévus par le droit des brevets, critères selon lesquels une simple découverte ne peut faire l’objet d’un brevet;

[…]

(20)

[…] en conséquence, […] il est nécessaire d’indiquer qu’une invention qui porte sur un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, et qui est susceptible d’application industrielle, n’est pas exclue de la brevetabilité, même si la structure de cet élément est identique à celle d’un élément naturel, étant entendu que les droits conférés par le brevet ne s’étendent pas au corps humain et à ses éléments dans leur environnement naturel;

(21)

[…] un tel élément isolé du corps humain ou autrement produit n’est pas exclu de la brevetabilité puisqu’il est, par exemple, le résultat de procédés techniques l’ayant identifié, purifié, caractérisé et multiplié en dehors du corps humain, techniques que seul l’être humain est capable de mettre en œuvre et que la nature est incapable d’accomplir par elle-même;

[…]

(36)

[…] l’accord ADPIC prévoit, pour les membres de l’Organisation mondiale du commerce, la possibilité d’exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par leur législation;

(37)

[…] la présente directive se doit d’insister sur le principe selon lequel des inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs doivent être exclues de la brevetabilité;

(38)

[…] il importe aussi de mentionner dans le dispositif de la présente directive une liste indicative des inventions exclues de la brevetabilité afin de donner aux juges et aux offices de brevets nationaux des orientations générales aux fins de l’interprétation de la référence à l’ordre public ou aux bonnes mœurs; […] cette liste ne saurait bien entendu prétendre à l’exhaustivité; […] les procédés dont l’application porte atteinte à la dignité humaine, comme par exemple les procédés de production d’êtres hybrides, issus de cellules germinales ou de cellules totipotentes humaines et animales, doivent, bien évidemment, être exclus eux aussi de la brevetabilité;

(39)

[…] l’ordre public et les bonnes mœurs correspondent notamment à des principes éthiques ou moraux reconnus dans un État membre, dont le respect s’impose tout particulièrement en matière de biotechnologie en raison de la portée potentielle des inventions dans ce domaine et de leur lien inhérent avec la matière vivante; […] ces principes éthiques ou moraux complètent les examens juridiques normaux de la législation sur les brevets, quel que soit le domaine technique de l’invention;

[…]

(42)

[…] en outre, […] les utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales doivent également être exclues de la brevetabilité; […] en tout état de cause, une telle exclusion ne concerne pas les inventions ayant un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s’appliquent à l’embryon humain et lui sont utiles».

11.

L’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive prévoit que:

«1.   Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables.

2.   Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d’un élément naturel.»

12.

L’article 6 de la directive s’énonce comme suit:

«1.   Les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs sont exclues de la brevetabilité, l’exploitation ne pouvant être considérée comme telle du seul fait qu’elle est interdite par une disposition légale ou réglementaire.

2.   Au titre du paragraphe 1 ne sont notamment pas brevetables:

a)

les procédés de clonage des êtres humains;

b)

les procédés de modification de l’identité génétique germinale de l’être humain;

c)

les utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales;

d)

les procédés de modification de l’identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l’homme ou l’animal, ainsi que les animaux issus de tels procédés.»

C – Le droit national

13.

Le paragraphe 3, sous d), de l’annexe A 2 de la loi britannique relative aux brevets de 1977 (Patents Act 1977), qui transpose l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive, s’énonce comme suit:

«Ne sont pas des inventions brevetables:

[…]

d)

les utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales».

II – Les faits et la procédure au principal

14.

International Stem Cell Corporation (ci-après «ISC») ( 9 ) a introduit deux demandes de brevets nationaux auprès du United Kingdom Intellectual Property Office (Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni): la demande GB0621068.6, intitulée «Activation parthénogénétique d’ovocytes pour la production de cellules souches embryonnaires humaines», relative à des méthodes de production de lignes de cellules souches humaines pluripotentes à partir d’ovocytes activés parthénogénétiquement et de lignes de cellules souches produites selon les méthodes visées, ainsi que la demande GB0621069.4, intitulée «Cornée synthétique issue de cellules souches rétiniennes», relative à des méthodes de production de cornée synthétique ou de tissu cornéen, comportant l’isolation de cellules souches pluripotentes à partir d’ovocytes activés parthénogénétiquement, et de cornée synthétique ou de tissu cornéen obtenus par ces méthodes.

15.

Au cours de la procédure relative à l’obtention du brevet, ISC s’est vu opposer l’objection selon laquelle les demandes n’étaient pas brevetables, car les inventions décrites constituaient des utilisations d’embryons humains non brevetables en vertu du critère défini par la Cour dans l’arrêt Brüstle (EU:C:2011:669). ISC a soutenu que la décision rendue dans l’affaire Brüstle ne s’appliquait pas, car les inventions en cause concernaient des ovocytes activés parthénogénétiquement qui n’étaient pas «de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain comme l’embryon créé par fécondation d’un ovule», en raison du phénomène d’empreinte génomique. Confrontée à des recherches suggérant la possibilité de surmonter l’obstacle de l’empreinte génomique chez les souris ayant pour résultat des souris parthénogénétiques nées vivantes, ISC a soutenu que ces recherches ne portaient pas sur la seule parthénogenèse, mais comportaient d’importantes manipulations génétiques. ISC a modifié ses demandes afin d’exclure de telles méthodes de manipulation (par exemple en introduisant le mot «pluripotentes» après les termes «lignes de cellules souches humaines» et en faisant référence à l’absence d’empreinte paternelle).

16.

Dans une décision du 16 août 2012, le conseiller-auditeur («Hearing Officer») du United Kingdom Intellectual Property Office agissant pour le Comptroller General of Patents a considéré que les inventions décrites dans les demandes de brevets concernaient des utilisations d’embryons humains tels que définis par la Cour dans son arrêt Brüstle (EU:C:2011:669), à savoir des organismes «de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain» et qu’il convenait par conséquent de les exclure de la brevetabilité au titre du paragraphe 3, sous d), de l’annexe A 2 de la loi britannique relative aux brevets de 1977 transposant l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive. Il a donc rejeté les demandes.

17.

ISC a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi.

18.

ISC a soutenu que le critère retenu par la Cour dans son arrêt Brüstle (EU:C:2011:669) visait à exclure de la brevetabilité les seuls organismes de nature à déclencher le processus de développement aboutissant à un être humain, comme l’illustrent la formulation du critère défini par la Cour et le traitement qu’elle réserve aux ovules fécondés et aux ovules non fécondés subissant un transfert de noyau d’une cellule somatique, et comme le corrobore la décision définitive du Bundesgerichtshof après la décision rendue par la Cour dans l’affaire Brüstle. Selon ISC, les ovocytes activés parthénogénétiquement ne devraient donc être exclus de la brevetabilité que dans la mesure où ils sont de nature à donner naissance à des cellules totipotentes.

19.

Le Comptroller General a considéré que la décision rendue par la Cour dans l’affaire Brüstle ne répondait pas clairement à la question de savoir si le terme «embryon humain» englobe les organismes de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain indépendamment de la question de savoir si ce processus pouvait être mené à son terme. Selon le Comptroller General, il existe également une incertitude sur le point de savoir si la Cour s’est fondée sur des arguments reflétant une compréhension inexacte du cadre technique tel qu’il se présente à ce jour.

20.

La juridiction de renvoi considère pour sa part que, si les ovocytes activés parthénogénétiquement en cause ne sont pas de nature à se développer en un être humain, ils ne devraient pas être qualifiés d’embryons humains. Si les cellules totipotentes doivent être exclues de la brevetabilité, tel n’est pas le cas des cellules pluripotentes. Selon la juridiction de renvoi, une autre interprétation ne réaliserait pas l’équilibre adéquat entre l’encouragement de la recherche biotechnologique par le biais du droit des brevets et le respect de la dignité et de l’intégrité de l’homme, que la directive a pour objet d’atteindre.

III – Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

21.

Compte tenu de ces considérations, la juridiction de renvoi, par ordonnance du 17 avril 2013, a sursis à statuer et a posé à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer, et qui, à la différence des ovules fécondés, contiennent uniquement des cellules pluripotentes et ne sont pas en mesure de se développer en êtres humains, sont-ils visés par l’expression ‘embryons humains’ à l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44?»

22.

ISC, les gouvernements français, polonais, portugais, suédois et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission européenne, ont déposé des observations écrites.

23.

Le 29 avril 2014, la Cour a tenu une audience au cours de laquelle ISC, les gouvernements français, suédois et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, ont formulé des observations.

IV – Appréciation

A – Remarques liminaires

24.

Avant de répondre à la question posée par la High Court et d’expliquer pourquoi, au regard de la décision rendue par la Cour dans l’affaire Brüstle et des précisions données par la juridiction de renvoi, je propose d’exclure de la notion d’«embryons humains» au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive, les ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer, je formulerai quelques remarques liminaires relatives, premièrement, au contexte scientifique de l’invention en cause dans la présente affaire, deuxièmement, au caractère non exhaustif de la liste figurant à l’article 6, paragraphe 2, de la directive et, troisièmement, à l’article 5 de la directive.

1. Le contexte scientifique décrit par la juridiction de renvoi et les parties

25.

La présente affaire porte sur des ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer, organismes que, par souci de simplicité, je désignerai à partir de maintenant par le terme «parthénotes» ( 10 ). Déterminer si les parthénotes constituent des embryons humains nécessite de brèves explications scientifiques, que je fonderai sur les informations fournies par la juridiction de renvoi et les parties à la procédure. Les précisions fournies par la juridiction de renvoi ont déjà mis en évidence que ces informations ne sont pas identiques à celles fournies dans l’affaire Brüstle, ce qui n’est pas la spécificité la moins importante de la présente affaire. Dans ses conclusions dans l’affaire Brüstle (C‑34/10, EU:C:2011:138), l’avocat général Bot a souligné à juste titre la difficulté de dire le droit avec un degré minimal de permanence dans des matières dépendant directement de l’état des connaissances scientifiques dans un domaine en rapide évolution ( 11 ).

26.

Le développement d’un être humain commence par la fécondation d’un ovule. Par division cellulaire, l’ovule fécondé se développe en ce que l’on appelle une «morula», une structure composée de 8 à 16 cellules. Environ cinq jours après la fécondation, l’organisme se transforme en «blastocyste» ( 12 ), une structure consistant en une masse cellulaire interne qui formera par la suite tous les tissus embryonnaires, entourée par une couche de cellules externe qui formera les tissus extra-embryonnaires comme le placenta.

27.

Les cellules souches embryonnaires humaines sont dérivées des embryons humains à ce stade précoce de leur développement. En général, les scientifiques distinguent entre les cellules «totipotentes», à savoir les cellules en mesure de se développer en tout type de cellule humaine, y compris en tissus extra-embryonnaires et en un être humain complet, et les cellules «pluripotentes», qui peuvent se développer en toutes cellules composant le corps, mais pas en tissus extra-embryonnaires et donc pas en être humain ( 13 ).

28.

La capacité des cellules souches embryonnaires humaines à créer divers tissus a suscité l’espoir de découvrir des thérapies pour de nombreuses maladies jusque-là incurables. Par conséquent, la recherche sur ces cellules a connu une croissance exponentielle depuis la création de la première ligne de cellules souches humaines en 1998. Sans surprise, d’importants intérêts économiques sont également en jeu. La recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines dérivées d’embryons pose cependant d’importants problèmes éthiques, ce qui conduit à rechercher des sources de substitution à de telles cellules ( 14 ).

29.

Des scientifiques ont trouvé des moyens d’enclencher le processus de division cellulaire habituellement lié aux embryons sans fécondation d’un ovule. L’une de ces méthodes est l’activation parthénogénétique d’un ovule, en cause dans la présente affaire, et dans le cadre de laquelle l’ovocyte non fécondé est «activé» par diverses techniques chimiques et électriques. Un tel ovocyte activé peut atteindre le stade de blastocyste. N’ayant jamais été fécondé, l’ovocyte contient seulement de l’ADN maternel et non paternel. Le processus de développement de l’ovule en un être en l’absence de fécondation est appelé «parthénogenèse» et l’organisme ainsi créé un «parthénote» ( 15 ).

30.

Alors que certaines espèces produisent des parthénotes qui se développent jusqu’à terme ( 16 ), l’ensemble des intervenants et la juridiction de renvoi dans le cadre de la présente affaire (contrairement aux intervenants et à la juridiction de renvoi dans l’affaire Brüstle) ont convenu que, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, un phénomène d’«empreinte génomique» empêche les parthénotes humains et des autres mammifères de se développer jusqu’à terme ( 17 ). L’empreinte génomique signifie que certains gènes ne sont exprimés qu’à partir de l’ADN paternel et d’autres qu’à partir de l’ADN maternel. S’agissant des humains, certains gènes participant au développement des tissus extra-embryonnaires, par exemple, sont uniquement exprimés à partir de l’ADN paternel. Donc, des parthénotes humains (portant uniquement de l’ADN maternel) ne sauraient, par exemple, développer un tissu extra-embryonnaire approprié. Les cellules de tels parthénotes ne sont par conséquent jamais totipotentes, dès lors que, même lors des toutes premières divisions cellulaires, elles ne sauraient se développer en des cellules extra-embryonnaires. Il est toutefois possible d’obtenir des cellules souches à partir de la structure semblable à un blastocyste ( 18 ). ISC considère que ces cellules constituent une bonne alternative aux cellules souches embryonnaires humaines dérivées d’embryons.

31.

La juridiction de renvoi et les intervenants conviennent que la manipulation génétique pourrait surmonter l’obstacle que constitue l’empreinte génomique, même si cela ne s’est pas encore vérifié s’agissant des êtres humains. Les gouvernements portugais et du Royaume-Uni ont par exemple indiqué à cet égard que la «complémentation tétraploïde» avait été utilisée avec succès sur des souris pour obtenir une descendance viable survivant jusqu’à l’âge adulte à partir de parthénotes initiaux ( 19 ). À l’audience, ISC n’a pas réfuté cette possibilité, mais a déclaré que la manipulation génétique requise pour atteindre cet objectif modifie la nature même du parthénote. La République française a relevé qu’en droit français la manipulation pertinente serait illégale. La juridiction de renvoi a indiqué que les revendications modifiées des brevets excluent l’éventualité d’une telle manipulation.

2. Le caractère non exhaustif de la liste figurant à l’article 6, paragraphe 2, de la directive

32.

Compte tenu de la description précitée d’un «parthénote» et avant d’analyser la question posée par la High Court, je considère qu’il est nécessaire d’examiner la signification et le champ d’application de la liste des interdictions de brevetabilité figurant à l’article 6, paragraphe 2, de la directive, dans laquelle figure l’exclusion qui fait l’objet du présent renvoi préjudiciel.

33.

Il ressort clairement du libellé de l’article 6, paragraphe 2, en soi que la liste des interdictions n’est pas exhaustive («ne sont notamment pas brevetables» ( 20 )), ce que souligne sans ambiguïté le considérant 38 de la directive («que cette liste ne saurait bien entendu prétendre à l’exhaustivité»). À l’audience, la Commission a souscrit à cette interprétation.

34.

Cela étant et en principe, le caractère non exhaustif de la liste limite les effets pratiques de la réponse à la question posée dans la présente affaire. En effet, la portée de la réponse de la Cour est considérablement différente selon que le droit de l’Union fournit une «réponse complète» à la question de la brevetabilité des parthénotes ou seulement une partie de la réponse à cette question. Être conscient de ce problème avant d’analyser la question posée à la Cour présente, selon moi, deux avantages. Premièrement, cette approche fournit à la Cour le contexte nécessaire de la question, ce qui permet d’identifier plus clairement les enjeux. Deuxièmement, elle permettra à la Cour de donner à la juridiction de renvoi une réponse plus exacte, ce qui pourrait éviter d’autres renvois.

35.

Évidemment, ce problème ne devrait pas être examiné si la Cour donnait à la High Court une réponse en quelque sorte «inclusive», confirmant intégralement sa décision rendue dans l’affaire Brüstle, à savoir que la directive interdit de breveter les utilisations de parthénotes humains à des fins industrielles ou commerciales dès lors qu’ils constituent des embryons humains au sens de la directive. C’est pourquoi, selon moi, l’arrêt Brüstle (EU:C:2011:669) n’avait pas besoin d’aborder ce problème.

36.

En revanche, si la Cour suit ma proposition et donne une réponse «exclusive» en ce sens que les parthénotes sont exclus de la notion d’embryons humains, ce qui est clairement la préférence exprimée par la juridiction de renvoi, on ne saurait faire l’économie de fournir davantage d’explications quant aux conséquences du caractère non exhaustif de la liste des interdictions.

37.

Selon moi, le caractère non exhaustif de la liste figurant à l’article 6, paragraphe 2, de la directive implique que l’exclusion d’un parthénote de la notion d’embryon humain figurant à l’article 6 paragraphe 2, sous c), de la directive n’empêche pas un État membre d’exclure les parthénotes de la brevetabilité en se fondant sur l’article 6, paragraphe 1, de la directive. Je tenterai de m’expliquer sur ce point de la façon la plus concise possible.

38.

La question posée relève indubitablement du domaine de la bioéthique. Cependant, cette circonstance ne l’exclut pas de la sphère juridique. En effet, on peut observer de nos jours l’émergence d’un «droit de la bioéthique», comme le montre la législation des États membres ( 21 ). De toute évidence, l’objectif n’a pas été de faire de la directive du «droit de la bioéthique» en tant que tel, même si elle contient certaines dispositions à cet égard. Au contraire, comme l’indiquent son intitulé et sa base juridique ( 22 ), la directive porte simplement sur la protection juridique des inventions biotechnologiques, à savoir par les brevets, et l’on peut supposer que la délibération publique au cours du processus d’élaboration s’est trouvée limitée en conséquence plutôt qu’elle n’a englobé tous les aspects pertinents liés au thème très complexe de la bioéthique comme cela aurait été le cas à défaut.

39.

Les inventions biotechnologiques qui font l’objet de la directive et de la protection juridique qu’elle prévoit par le biais des brevets ne se limitent pas à celles relevant du domaine de la biotechnologie humaine. Au contraire, elles incluent le domaine de la biotechnologie dans son sens le plus large, y compris la biotechnologie animale et végétale. Vu le caractère sensible de la matière, la directive laisse une place à des considérations éthiques et morales sous les catégories ordre public et bonnes mœurs ( 23 ), place qui revêt une importance exacerbée dès lors qu’il s’agit de biotechnologie relative à l’espèce homo sapiens.

40.

La disposition centrale à cet égard est sans aucun doute l’article 6 de la directive. Dans sa partie pertinente, l’article 6, paragraphe 1, énonce que: «Les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs sont exclues de la brevetabilité». L’article 6, paragraphe 2, poursuit en indiquant qu’«[a]u titre du paragraphe 1 ne sont notamment pas brevetables: […]» ( 24 ).

41.

Selon moi, et compte tenu des considérants, ces deux paragraphes doivent être interprétés conjointement. Une telle interprétation s’impose en raison de la phrase introductive de l’article 6, paragraphe 2, qui fait manifestement du deuxième paragraphe le complément du premier. Ainsi, quand l’article 6, paragraphe 2, exclut de la brevetabilité une liste d’inventions, il s’agit de montrer de manière illustrative et de préciser à l’intention des États membres des cas dans lesquels des inventions portent atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Comme l’indique le considérant 38, c’est là une «liste indicative des inventions exclues de la brevetabilité afin de donner aux juges et aux offices de brevets nationaux des orientations générales aux fins de l’interprétation de la référence à l’ordre public ou aux bonnes mœurs» ( 25 ).

42.

Il ne me semble donc pas que ces deux paragraphes de l’article 6 appartiennent à des mondes différents, le premier à celui de l’ordre public et le second à celui du droit. Au contraire, l’article 6, paragraphe 2, exprime en des termes juridiques un consensus minimal obtenu au niveau de l’Union entre tous les États membres concernant les inventions susceptibles de ne pas être considérées comme brevetables sur le fondement de considérations d’ordre public et de bonnes mœurs. L’article 6, paragraphe 2, est donc accessoire à l’article 6, paragraphe 1.

43.

Il s’ensuit que, dans le cadre de la tâche dévolue à chaque État membre de déterminer les inventions exclues de la brevetabilité au regard de considérations d’ordre public et de bonnes mœurs ( 26 ), la directive établit un noyau de non-brevetabilité, une sorte de «zone d’exclusion» commune à l’ensemble des États membres en tant qu’expression de ce qui doit en tout état de cause être considéré comme exclu de la brevetabilité. Par conséquent, si les parthénotes ne relèvent pas de la notion d’embryons humains au sens de la directive, il ne s’ensuit pas que les États membres ne pourraient pas interdire leur brevetabilité en se fondant sur d’autres considérations d’ordre public ou de bonnes mœurs tout en respectant le fait que la notion d’embryon humain ne s’étend pas aux parthénotes ( 27 ).

44.

Cette interprétation est conforme à la jurisprudence de la Cour qui énonce que l’article 6, paragraphe 1, de la directive laisse aux autorités administratives et aux juridictions des États membres une large marge de manœuvre et permet à cet égard de tenir compte du contexte social et culturel que connaît chaque État membre ( 28 ), alors que l’article 6, paragraphe 2, n’en laisse aucune en ce qui concerne la non‑brevetabilité des procédés et des utilisations qui y sont mentionnés ( 29 ), ses termes faisant l’objet d’une définition autonome en droit de l’Union.

45.

Les observations qui précèdent seraient suffisantes si ce n’était la particularité du cas des parthénotes, à savoir leur «ressemblance» externe avec les embryons humains. Cette proximité pourrait créer l’impression que toutes les objections à la brevetabilité des parthénotes doivent être formulées en des termes faisant référence à leur inclusion ou pas dans la notion d’embryon humain. En d’autres termes, le traitement des parthénotes du point de vue de l’ordre public ou des bonnes mœurs dépendrait seulement de la question de savoir s’ils relèvent ou non de la notion d’embryon humain. En d’autres termes encore, le fait que le droit de l’Union définisse de manière autonome la notion d’«embryon humain» dans la directive exclurait que les États membres aient la possibilité de tirer leurs propres conclusions quant à la brevetabilité des parthénotes en se fondant sur des considérations d’ordre public et de bonnes mœurs.

46.

Je ne pense pas que ce soit le cas.

47.

Certes, la Cour a indiqué que le terme «embryon humain» figurant dans la directive doit être interprété de manière autonome et «[compris] largement» ( 30 ), une décision sur laquelle je reviendrai ci‑après. Cette considération a conduit la Cour à assimiler à des embryons humains d’autres organismes créés par des moyens scientifiques et techniques ayant la même capacité de développement que les embryons humains ( 31 ).

48.

Les parthénotes pourraient ou non remplir cette condition, question que j’examinerai ci-après. Quelle que soit la position adoptée à cet égard, il ne saurait être exclu que, compte tenu de l’origine des parthénotes (des ovules humains) et de la technologie utilisée, un État membre considère, en raison des considérations exprimées à l’article 6, paragraphe 1, de la directive et tout à fait indépendamment des interdictions figurant à l’article 6, paragraphe 2, que les brevets sur les parthénotes sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

49.

Ainsi, lorsqu’on examine si les parthénotes sont des embryons humains au sens de la directive au regard des précisions apportées par la juridiction de renvoi, il ne faut pas oublier que cette question a trait à une interdiction de la brevetabilité qui relève d’une liste non exhaustive figurant à l’article 6, paragraphe 2, de la directive, qui se limite à illustrer les considérations exprimées à l’article 6, paragraphe 1.

3. L’article 5 de la directive

50.

Il convient de formuler une dernière remarque liminaire à propos de l’article 5 de la directive. À l’audience, la Cour a posé deux questions aux intervenants, dont la deuxième portait sur le point de savoir si un parthénote peut être qualifié de «corps humain» au stade initial de sa constitution et de son développement au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive ou, à défaut, d’«élément isolé du corps humain» au sens de son article 5, paragraphe 2. Selon moi, il est parfaitement possible de répondre à la question posée sans tenir compte du contenu de l’article 5 de la directive.

51.

Selon l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive, si le corps humain, aux différents stades de sa constitution, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments ne sont pas brevetables, un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique peut en revanche être breveté. La distinction rappelle un des principes fondamentaux du droit des brevets en vertu duquel seules les inventions sont brevetables et non les découvertes ( 32 ).

52.

Un parthénote n’est ni un corps humain à un stade de sa constitution et de son développement ni un de ses éléments. En revanche, les parthénotes sont produits par un procédé technique et, partant, l’article 5, paragraphe 1, de la directive ne s’oppose pas en soi à leur brevetabilité. Comme la Cour l’a décidé dans l’arrêt Pays-Bas/Parlement et Conseil, «peuvent faire l’objet d’une demande de brevet les inventions qui associent un élément naturel à un procédé technique permettant de l’isoler ou de le produire en vue d’une application industrielle» ( 33 ).

B – La question posée

53.

J’aborde à présent la question de savoir si les parthénotes sont des embryons humains au sens de la directive, notamment au regard des précisions données par la juridiction de renvoi et de l’arrêt Brüstle, dans le dispositif duquel la Cour a considéré que «[…] tout ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer [constitue un ‘embryon humain’]» ( 34 ).

54.

Avant d’entreprendre ma propre analyse, je vais cependant présenter la position des parties.

1. Position des parties

55.

Les parties à la procédure sont en désaccord sur le point de savoir si les parthénotes constituent des embryons humains.

56.

ISC, les gouvernements français, suédois et du Royaume-Uni ainsi que la Commission considèrent que les parthénotes ne sont pas des «embryons humains» au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive.

57.

ISC soutient que la directive encourage la recherche dans le domaine du génie génétique en stimulant les brevets tout en limitant la brevetabilité par respect pour la dignité humaine, notamment en excluant de la brevetabilité le corps humain ( 35 ) ainsi que l’utilisation de cellules humaines totipotentes ( 36 ). L’interprétation du terme «embryon humain» devrait atteindre un équilibre approprié entre ces deux considérations. Si la dignité humaine et l’intégrité de l’homme requièrent que des ovules humains fécondés soient considérés comme des embryons, un organisme qui n’est pas en mesure de se développer en un être humain ou à tout le moins de nature à déclencher le processus de développement qui aboutit à un être humain ne saurait être considéré comme un embryon. Dès lors qu’un ovule sans ADN paternel est en mesure de se développer jusqu’au stade de blastocyste, mais pas jusqu’à terme, dès lors que, en d’autres termes, les cellules d’un parthénote sont pluripotentes même lors des toutes premières divisions cellulaires et jamais totipotentes, ce qui exclut donc un développement à terme, les parthénotes ne sauraient être considérés comme des embryons humains. Ils diffèrent donc des ovules fécondés à tous les stades de leur développement. Selon ISC, seule la non-exclusion des parthénotes de la brevetabilité permet de réaliser un équilibre approprié entre la protection de la dignité humaine et la stimulation de la recherche par les brevets.

58.

Concernant la décision de la Cour dans l’affaire Brüstle, ISC soutient à titre principal que cette décision n’empêche pas de considérer que les parthénotes ne sont pas des embryons humains. Selon ISC, la référence faite par la Cour à un organisme «de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain» visait à rendre impératif l’examen de la question de savoir si des organismes sont de nature à déclencher le processus de développement aboutissant à un être humain, en laissant aux juridictions nationales le soin de déterminer si cette condition est remplie. ISC fonde sa thèse sur l’accent mis par la Cour sur le développement d’un être humain et sur le fait que la Cour a appliqué exactement le même raisonnement aux ovules fécondés et aux ovules non fécondés faisant l’objet d’un transfert nucléaire de cellules somatiques, qui sont, les uns et les autres, en mesure de se développer en êtres humains. Enfin, ISC relève que, dans l’affaire Brüstle, la juridiction de renvoi et les parties ont fourni des informations confuses sur la question de savoir si des parthénotes sont en mesure de se développer en êtres humains. S’il fallait interpréter différemment la décision de la Cour, à savoir en ce sens que les parthénotes sont des embryons humains en raison du parallélisme de leur développement (initial) avec celui des embryons, ISC considère qu’il serait justifié de s’écarter de l’arrêt Brüstle (EU:C:2011:669) étant donné que, dans la présente affaire, la juridiction de renvoi a expressément indiqué que les parthénotes et les ovules fécondés ne sont pas identiques à tous les stades de leur développement. ISC considère que la décision rendue par le Bundesgerichtshof dans l’affaire Brüstle à l’issue du renvoi préjudiciel corrobore sa thèse, la juridiction allemande ayant considéré que certains organismes non viables développés à partir d’ovocytes fécondés in vitro n’étaient pas des embryons en application de la décision de la Cour, dès lors qu’ils n’étaient pas de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain.

59.

Le Royaume-Uni soutient que la Cour devrait clarifier sa décision ambiguë reposant sur l’expression «de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain» rendue dans l’affaire Brüstle. Il indique que les observations présentées dans l’affaire Brüstle ne reflétaient pas fidèlement le cadre technique relatif aux parthénotes, que la recherche scientifique sur les parthénotes a progressé depuis et qu’à ce jour ils ne sauraient être considérés comme identiques aux embryons à tous les stades de leur développement. Le Royaume-Uni relève que, dans l’affaire Brüstle, aussi bien la Cour que l’avocat général ont admis que, dans un domaine technique encore en plein développement, les réponses pourraient changer au fur et à mesure des avancées technologiques. L’expression «de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain» devrait s’entendre comme incluant uniquement des processus de développement au moins susceptibles d’aller jusqu’à leur terme et d’engendrer un être humain viable, interprétation qui permettrait par ailleurs d’atteindre l’équilibre requis entre la stimulation voulue de l’industrie biotechnologique et la dignité et l’intégrité de l’homme ( 37 ). La République française et le Royaume de Suède adhèrent à une interprétation analogue de la formule utilisée par la Cour et considèrent que, dans l’état actuel de la science, la parthénogenèse ne saurait être considérée comme une technique de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain. La Commission adopte un point de vue analogue et soutient que la conclusion de la Cour aux termes de laquelle les parthénotes remplissent ces conditions et constituent des embryons humains reposait sur des observations écrites qui s’étaient révélées erronées au regard des évolutions scientifiques. La Commission invite la Cour à adopter des critères qui ne soient pas susceptibles de changer en fonction des développements rapides de la biotechnologie.

60.

La République portugaise souscrit également à cette interprétation de la formule utilisée par la Cour, mais souligne le risque de manipulation ultérieure d’un parthénote débouchant sur sa viabilité. Elle propose de répondre à la question par l’affirmative sauf s’il est démontré que les parthénotes ne sont pas en mesure de se développer en êtres humains par le biais de quelque manipulation additionnelle que ce soit. Il appartiendrait à la juridiction nationale de déterminer si la demande de brevet démontre de manière claire que cette possibilité n’existe pas ou si les revendications du brevet prévoient une renonciation au droit d’entreprendre de telles manipulations. Le Royaume-Uni rejette expressément la pertinence de la possibilité de telles manipulations futures en se fondant sur le raisonnement adopté par le Bundesgerichtshof dans sa décision définitive rendue dans l’affaire Brüstle, aux termes duquel l’élément déterminant est la capacité d’une cellule en soi, et non ses capacités après avoir été manipulée.

61.

La République de Pologne répondrait par contre à la question par l’affirmative. Elle soutient que c’est à juste titre que, dans l’intérêt de la sauvegarde de la dignité humaine, la Cour se fonde sur la capacité à déclencher le processus de développement d’un être humain. Même si, dans l’état actuel de nos connaissances, les parthénotes ne sont pas en mesure de se développer en êtres humains, ils connaissent initialement les mêmes stades de développement qu’un ovule fécondé, à savoir une division et une différenciation cellulaire, et constituent dès lors des embryons humains.

2. Analyse

a) L’arrêt Brüstle

62.

Dans son arrêt Brüstle ( 38 ), la Cour s’est attachée à définir le terme «embryons humains» au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive. Elle a jugé que «constituent un ‘embryon humain’ au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive tout ovule humain dès le stade de la fécondation, tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d’une cellule humaine mature a été implanté et tout ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer» ( 39 ). S’agissant des cellules obtenues au stade de blastocyste, la Cour a toutefois adopté une approche différente: «Il appartient au juge national de déterminer, à la lumière des développements de la science, si une cellule souche obtenue à partir d’un embryon humain au stade de blastocyste constitue un ‘embryon humain’ au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44» ( 40 ).

63.

Cette formulation semble inclure de manière claire et nette les parthénotes dans la définition d’«embryons humains». Cependant, le dispositif d’un arrêt doit être lu à la lumière des motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire ( 41 ).

64.

La question posée à la Cour dans l’affaire Brüstle l’a été dans le cadre d’une procédure relative à la validité d’un brevet allemand déposé par M. Brüstle et couvrant «des cellules précurseurs neurales isolées et purifiées, leur procédé de production à partir de cellules souches embryonnaires et leur utilisation pour la thérapie d’anomalies neurales» ( 42 ). Dans le cadre de sa question relative à la signification de la notion d’«embryons humains», le Bundesgerichtshof a expressément demandé si «des ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer» relèvent de ce terme ( 43 ), dès lors que le fascicule du brevet citait de tels ovules en tant que solution de substitution pour obtenir des cellules souches embryonnaires humaines.

65.

En s’appuyant sur le contexte et le but de la directive, à savoir sur les considérants 16 et 38, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 6, la Cour a considéré que la directive a entendu exclure toute possibilité de brevetabilité, dès lors que le respect dû à la dignité humaine pourrait être affecté, et conclu que la notion d’«embryon humain» au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive doit donc «être comprise largement» ( 44 ).

66.

La Cour a ensuite indiqué que, dans ce sens, «tout ovule humain doit, dès le stade de sa fécondation, être considéré comme un ‘embryon humain’ au sens et pour l’application de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive, dès lors que cette fécondation est de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain» ( 45 ).

67.

Ce critère, à savoir la question de savoir si un organisme est «de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain», est l’élément central du raisonnement de la Cour. Si un organisme a cette capacité «comme l’embryon créé par fécondation d’un ovule», il est l’équivalent fonctionnel d’un embryon et relève, par conséquent, de la notion d’«embryon humain» ( 46 ).

68.

La Cour poursuit son raisonnement en appliquant le critère aux parthénotes et aux ovules non fécondés après transfert de noyau d’une cellule somatique et considère que ces deux organismes sont de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain ( 47 ). S’agissant des cellules souches obtenues à partir d’un embryon humain au stade de blastocyste, la Cour laisse cependant au juge national le soin de déterminer si elles ont cette capacité et «relèvent, par conséquent, de la notion d’‘embryon humain’ au sens et pour l’application de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive» ( 48 ).

b) Mon interprétation de l’arrêt Brüstle

69.

Comment comprendre l’expression «de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain»? À première vue, elle pourrait sembler ambiguë: ou bien elle insiste sur le parallélisme entre les premières étapes du développement, c’est-à-dire sur le point de savoir si un organisme s’engage dans un processus de division et de différenciation cellulaire analogue à celui d’un ovule fécondé, ou bien elle souligne le fait que l’organisme a la capacité intrinsèque de se développer en un être humain.

70.

À y regarder de plus près cependant, l’arrêt montre que la Cour a entendu examiner si un ovule non fécondé a la capacité intrinsèque de se développer en un être humain.

71.

Selon moi, dans l’arrêt Brüstle (EU:C:2011:669), la Cour a établi une équivalence fonctionnelle entre ovules fécondés, ovules non fécondés subissant un transfert de noyau d’une cellule somatique et parthénotes. Bien que les parthénotes, ainsi qu’il est désormais établi, soient les seuls de ces trois organismes qui ne sont pas en mesure de se développer en êtres humains, la Cour traite des parthénotes et des ovules non fécondés subissant un transfert de noyau d’une cellule somatique dans un même point, sans indiquer aucune distinction entre eux et en affirmant au contraire que l’un et l’autre organismes «sont, ainsi qu’il ressort des observations écrites déposées devant la Cour, par l’effet de la technique utilisée pour les obtenir, de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain comme l’embryon créé par fécondation d’un ovule» ( 49 ). Si la Cour avait eu connaissance de la différence fondamentale entre parthénotes et ovules non fécondés subissant un transfert de noyau d’une cellule somatique et avait néanmoins entendu établir une équivalence fonctionnelle entre les uns et les autres, elle aurait assurément examiné cette différence.

72.

Il est dès lors raisonnable de supposer que les observations présentées lors de l’affaire Brüstle ont donné à la Cour l’impression que les trois organismes possédaient tous la capacité intrinsèque de se développer en un être humain. La Commission a souscrit à cette thèse dans ses observations dans la présente affaire, citant des exemples d’observations déposées dans l’affaire Brüstle qui auraient pu donner cette impression. Cette supposition est également corroborée par les conclusions de l’avocat général Bot, qui soutient que les parthénotes sont des embryons dans la mesure où, selon les observations écrites déposées devant la Cour, des cellules totipotentes «pourraient être obtenues à partir de ceux-ci, à savoir des cellules en mesure de se développer en un être humain» ( 50 ).

73.

D’après ma lecture du raisonnement de la Cour, le critère décisif qu’il faudrait prendre en compte pour déterminer si un ovule non fécondé est un embryon humain consiste dès lors à se demander si cet ovule non fécondé a la capacité intrinsèque de se développer en un être humain, c’est-à-dire s’il constitue réellement l’équivalent fonctionnel d’un ovule fécondé.

74.

Au regard de l’exposé des faits dépourvu d’ambiguïté effectué par la juridiction de renvoi et les parties à la présente procédure, il semble à présent clair qu’un parthénote ne dispose pas, en soi, de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain et qu’il ne constitue dès lors pas en tant que tel un «embryon humain» ( 51 ).

75.

Par conséquent, et sous la réserve que j’aborderai ci-dessous, la question posée par la High Court appelle une réponse négative, en ce sens que les ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer, comme le décrit la juridiction de renvoi, ne sont pas visés par l’expression «embryons humains» à l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive.

76.

La réserve en question porte sur l’éventualité décrite ci-dessus ( 52 ) dans laquelle un parthénote serait manipulé génétiquement de manière à ce qu’il puisse se développer jusqu’à terme et donc en un être humain. De telles manipulations ayant déjà été tentées avec succès sur des parthénotes mammifères non humains (à savoir des souris), on ne saurait exclure catégoriquement qu’elles soient également possibles à l’avenir concernant des parthénotes humains, même si ces manipulations seraient souvent illégales ( 53 ).

77.

Néanmoins, la simple possibilité d’une manipulation génétique ultérieure modifiant les caractéristiques fondamentales d’un parthénote ne modifie pas la nature de ce dernier avant la manipulation. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, un parthénote ne dispose pas, en soi, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, de la capacité de se développer en un être humain. Dès lors que le parthénote est manipulé de manière à acquérir effectivement cette capacité, il ne saurait plus être considéré comme un parthénote ni, partant, être breveté.

78.

Par conséquent, on ne saurait simplement répondre à la question de la High Court par la négative. La prudence impose au contraire de préciser que les parthénotes ne peuvent être exclus de la notion d’embryons que dans la mesure où ils n’ont pas été génétiquement modifiés de manière à obtenir la capacité de se développer en un être humain.

79.

Au regard des considérations qui précèdent, je propose de répondre à la question soumise par la juridiction de renvoi que les ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer ne sont pas visés par l’expression «embryons humains» à l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive pour autant qu’ils ne soient pas en mesure de se développer en un être humain et qu’ils n’aient pas été génétiquement manipulés pour acquérir cette capacité.

V – Conclusion

80.

Au regard des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court), de la manière suivante:

Les ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer ne sont pas visés par l’expression «embryons humains» à l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, pour autant qu’ils ne soient pas en mesure de se développer en êtres humains et qu’ils n’aient pas été génétiquement manipulés pour acquérir cette capacité.


( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) JO L 213, p. 13.

( 3 ) C‑34/10, EU:C:2011:669.

( 4 ) «[Doit] également se voir reconnaître cette qualification […] l’ovule humain non fécondé induit à se diviser et à se développer par voie de parthénogenèse. Même si [cet organisme] n’[a] pas fait l’objet, à proprement parler, d’une fécondation, [il est], ainsi qu’il ressort des observations écrites déposées devant la Cour, par l’effet de la technique utilisée pour les obtenir, de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain comme l’embryon créé par fécondation d’un ovule» [mise en italique par mes soins].

( 5 ) Décision relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1).

( 6 ) Notes en bas de page internes omises par mes soins.

( 7 ) Telle que modifiée.

( 8 ) Mellulis, K.-J., «Article 53», dans Ehlers, J., et Kinkeldey, U., (sous la direction de), Benkard – Europäisches Patentübereinkommen, Beck, Munich, 2e éd. 2012, point 39.

( 9 ) Les brevets ont initialement été déposés au nom d’une autre société, mais ont été attribués à ISC.

( 10 ) Non seulement le terme est communément utilisé (comme en témoigne son entrée au Shorter Oxford English Dictionary), mais il a même fait l’objet d’une définition légale, à savoir à l’article 2, sous d), de la loi fédérale suisse relative à la recherche sur les cellules souches embryonnaires (Bundesgesetz über die Forschung an embryonalen Stammzellen), AS 2005, 947, telle que modifiée.

( 11 ) Points 47 et 48.

( 12 ) Voir, également, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Brüstle (EU:C:2011:138, note 17).

( 13 ) Le législateur allemand a défini légalement ces termes. Voir article 3, paragraphes 1 et 4, de la loi relative à la garantie de la protection des embryons humains dans le cadre de l’importation et de l’utilisation de cellules souches embryonnaires humaines (Gesetz zur Sicherstellung des Embryonenschutzes im Zusammenhang mit Einfuhr und Verwendung menschlicher embryonaler Stammzellen, Stammzellgesetz, BGBl. I, p. 2277, telle que modifiée). Dans ses conclusions dans l’affaire Brüstle (EU:C:2011:138), l’avocat général Bot s’est fortement appuyé sur cette distinction.

( 14 ) Même lorsque de telles cellules ne sont pas dérivées d’embryons, elles sont communément appelées «cellules souches embryonnaires humaines», ce qui ne contribue pas à la clarté terminologique.

( 15 ) Voir également ma définition ci-dessus.

( 16 ) Voir Mittwoch, U., Parthenogenesis, Journal of Medical Genetics 1978 (15), p. 165.

( 17 ) La République française relève que les raisons précises de l’arrêt du développement du parthénote chez les mammifères ne font pas l’objet d’un consensus.

( 18 ) Alors que certains intervenants considèrent que ces cellules sont pluripotentes, le gouvernement français relève que les effets de l’empreinte génomique ne se limitent pas au tissu extra-embryonnaire, mais compromettent également une organogénèse correcte et que les cellules ne sauraient, par conséquent, être qualifiées de pluripotentes.

( 19 ) Chen, Z., et al., Birth of Parthenote Mice Directly from Parthenogenetic Embryonic Stem Cells, Stem Cells 2009 (27), 2136.

( 20 ) Mise en italique par mes soins. Le mot en italique correspond aux termes suivants dans d’autres versions linguistiques: «in particular» (anglais), «unter anderem» (allemand), «met name» (néerlandais).

( 21 ) Voir expressément en France la loi no 2011-814 relative à la bioéthique, du 7 juillet 2011 (JORF no 157 du 8 juillet 2011, p. 11826), telle que modifiée; d’autres États membres ont réglementé par la loi des aspects de la bioéthique comme c’est le cas au Royaume-Uni avec la loi de 1990 relative à la fécondation humaine et à l’embryologie (Human Fertilisation and Embryology Act 1990, 1990 c. 37), telle que modifiée, ou aux Pays-Bas avec la loi du 20 juin 2002 relative aux actes accomplis sur des gamètes et des embryons, dite «loi sur les embryons» (Wet van 20 juni 2002, houdende regels inzake handelingen met geslachtscellen en embryo’s, Embryowet, Stb. 2002, no 338), telle que modifiée, ou encore la loi allemande précitée. Voir Hennette-Vauchez, S., «1994‑2004: Dix ans de droit de la bioéthique», dans Hennette-Vauchez, S. (sous la direction de), Bioéthique, biodroit, biopolitique, LGDJ, Paris, 2006, p. 11.

( 22 ) Arrêt Pays-Bas/Parlement et Conseil (C‑377/98, EU:C:2001:523).

( 23 ) L’exclusion pour cause d’ordre public découle de l’article 27, paragraphe 2, de l’accord ADPIC (considérants 36 et 37 de la directive). Pour des détails concernant l’exclusion, voir Barton, T., Der «Ordre public» als Grenze der Biopatentierung, Erich Schmidt Verlag, Berlin, 2004.

( 24 ) Mise en italique par mes soins. Dans d’autres versions linguistiques, ces termes sont les suivants: «On the basis of paragraph 1» (anglais); «En virtud de lo dispuesto en el apartado 1» (espagnol) et «Im Sinne von Absatz 1» (allemand).

( 25 ) En anglais: «an illustrative list of inventions excluded from patentability so as to provide national courts and patent offices with a general guide to interpreting the reference to ordre public and morality»; en espagnol: «una lista orientativa de las invenciones no patentables, con objeto de proporcionar a los jueces y a las oficinas nacionales de patentes una guía para interpretar la referencia al orden público o a la moralidad» et en allemand: «eine informatorische Aufzählung der von der Patentierbarkeit ausgenommenen Erfindungen […], um so den nationalen Gerichten und Patentämtern allgemeine Leitlinien für die Auslegung der Bezugnahme auf die öffentliche Ordnung oder die guten Sitten zu geben» [mise en italique par mes soins].

( 26 ) Voir considérant 39 de la directive.

( 27 ) Un bon exemple d’une telle décision est le cas de la Confédération suisse, qui a inclus dans sa Constitution (article 119) une disposition relative à la technologie génétique impliquant des êtres humains, et qui interdit légalement à l’article 3, sous d), de la loi fédérale relative à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, AS 2005, 947, telle que modifiée, le développement de parthénotes, la dérivation de cellules souches à partir de parthénotes ou l’utilisation de telles cellules souches, et qui exclut la brevetabilité des procédés de parthénogenèse utilisant des cellules germinales humaines et des parthénotes créés par de tels procédés [article 2, sous c), de la loi fédérale sur les brevets sur les inventions (Bundesgesetz über die Erfindungspatente, AS 1955, 871, telle que modifiée]. La Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine (Suisse) a invoqué en faveur de cette interdiction non seulement l’argument tiré de la protection des embryons, mais également des préoccupations liées au don d’ovocytes, la parthénogenèse dépendant de leur disponibilité (La recherche sur les embryons et les fœtus humains, prise de position no 11/2006, Berne, p. 15).

( 28 ) Arrêts Pays-Bas/Parlement et Conseil (EU:C:2001:523, points 37 et 38); Commission/Italie (C‑456/03, EU:C:2005:388, point 78), et Brüstle (EU:C:2011:669, point 29).

( 29 ) Arrêts Commission/Italie (EU:C:2005:388, point 78) et Brüstle (EU:C:2011:669, point 29).

( 30 ) Arrêt Brüstle (EU:C:2011:669, points 26 et 34).

( 31 ) Ibidem (point 36).

( 32 ) Voir, également, considérant 16 et conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Pays-Bas/Parlement et Conseil (EU:C:2001:329, point 199).

( 33 ) EU:C:2001:523, point 72. Voir, également, considérants 20 et 21 et arrêt Commission/Italie (EU:C:2005:388, point 66).

( 34 ) EU:C:2011:669, dispositif.

( 35 ) Article 5, paragraphe 1, de la directive.

( 36 ) Considérant 38 de la directive.

( 37 ) Le Royaume-Uni a également proposé d’adopter la distinction entre cellules totipotentes et pluripotentes opérée dans les conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Brüstle (EU:C:2011:138).

( 38 ) EU:C:2011:669.

( 39 ) Ibidem, dispositif.

( 40 ) Ibidem.

( 41 ) Arrêts Bosch (135/77, EU:C:1978:75, point 4) et Asteris e.a./Commission (97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27).

( 42 ) Arrêt Brüstle (EU:C:2011:669, point 15).

( 43 ) Ibidem (point 23).

( 44 ) Ibidem (points 32 à 34).

( 45 ) Ibidem (point 35, mise en italique par mes soins).

( 46 ) Ibidem (point 36).

( 47 ) Ibidem.

( 48 ) Ibidem (point 37).

( 49 ) Point 36.

( 50 ) Conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Brüstle (EU:C:2011:138, point 91, mise en italique par mes soins).

( 51 ) Voir discussion dans Austriaco, N., «Complete Moles and Parthenotes Are Not Organisms», dans Suarez, A., et Huarte, J. (sous la direction de), Is this Cell a Human Being?, Springer, Heidelberg, 2011, p. 45.

( 52 ) Voir point 32 des présentes conclusions.

( 53 ) Le gouvernement français a relevé à l’audience que de telles manipulations sont illégales dans ce pays. Voir, également, à ce propos article 13 de la convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biotechnologie et de la médecine: convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, signée à Oviedo le 4 avril 1997, qui interdit certaines interventions ayant pour objet de modifier le génome humain. La convention du Conseil de l’Europe a été ratifiée par 29 États, dont un certain nombre d’États membres de l’Union européenne, mais pas par l’Union elle-même.