CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 22 mai 2014 ( 1 )

Affaire C‑127/13 P

Guido Strack

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Règlement (CE) no 1049/2001 — Accès aux documents des institutions — Protection des données à caractère personnel — Demande volumineuse»

Table des matières

 

I – Introduction

 

II – Le cadre juridique

 

III – Les faits et la procédure devant le Tribunal

 

IV – Les demandes

 

V – Appréciation juridique

 

A – Le premier moyen du pourvoi incident – L’existence d’une décision implicite de refus

 

1. Décision implicite de refus

 

2. Proposition de solution pour l’avenir

 

3. Motivation du Tribunal

 

4. Conclusion quant au premier moyen du pourvoi incident

 

B – Le second moyen du pourvoi incident – La non-existence d’un extrait de registre

 

1. L’«existence» d’un document inexistant

 

2. L’obligation d’établir un document

 

3. La portée des demandes en justice de M. Strack

 

C – Le premier moyen du pourvoi – La violation du droit au juge légal

 

D – Le deuxième moyen du pourvoi – Différents vices de procédure

 

1. Les première et cinquième branches du moyen – La procédure accélérée et la durée de la procédure

 

2. La deuxième branche du moyen – Le droit d’être entendu

 

3. La troisième branche du moyen – L’examen de l’ensemble des documents

 

4. La quatrième branche du moyen – Le caractère complet des décisions de la Commission

 

E – Le cinquième moyen du pourvoi – L’application de l’exception relative à la protection des données

 

1. La motivation de la décision de la Commission

 

2. L’examen individuel des documents

 

3. La légalité des suppressions

 

a) La mise en balance des intérêts

 

b) La nécessité d’une consultation des intéressés

 

c) Le consentement des intéressés à la divulgation

 

d) Les fonctionnaires signataires des décisions confirmatives

 

e) Les noms des fonctionnaires apparaissant dans les documents relatifs à l’affaire T‑110/04

 

f) Le codage des noms

 

4. Conclusion intermédiaire concernant le cinquième moyen du pourvoi

 

F – Le sixième moyen du pourvoi – Le traitement confidentiel des procédures antidumping

 

G – Le septième moyen du pourvoi – Indemnisation pour le traitement de la demande d’accès

 

VI – Sur les dépens

 

VII – Conclusion

I – Introduction

1.

Un droit général d’accès aux documents existe depuis plus de vingt ans en droit de l’Union et le règlement (CE) no 1049/2001 ( 2 ) s’applique depuis plus de dix ans. Toutefois, il existe un nombre étonnamment élevé de questions pratiques importantes qui n’ont toujours pas été résolues.

2.

En l’espèce, la Commission européenne se débat avec les délais prévus, alors que le demandeur critique leur non-respect et se plaint de la durée excessive pour obtenir une protection juridictionnelle. En outre, les deux pourvois portent notamment sur les questions de savoir si le règlement no 1049/2001 peut contraindre la Commission, dans certaines circonstances, à créer un document en vue de sa communication, si une procédure en cours devant le Tribunal peut être renvoyée à une autre chambre et à un autre juge rapporteur, dans quelle mesure la Commission doit prouver que certains documents demandés n’existent pas, et comment l’exception relative à la protection des données à caractère personnel doit être appliquée.

II – Le cadre juridique

3.

L’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), l’article 15, paragraphe 3, TFUE et l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 consacrent un droit d’accès aux documents des institutions.

4.

L’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 contient des dispositions relatives au champ d’application:

«Le présent règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne.»

5.

La notion de document est définie comme suit à l’article 3, sous a), du règlement no 1049/2001:

«tout contenu quel que soit son support (écrit sur support papier ou stocké sous forme électronique, enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) concernant une matière relative aux politiques, activités et décisions relevant de la compétence de l’institution».

6.

En l’espèce, les parties s’opposent notamment sur l’exception liée à la protection des données à caractère personnel qui est prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001:

«Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection:

a)

[…]

b)

de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.»

7.

Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 garantit la protection des intérêts commerciaux, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

8.

En outre, le traitement des demandes volumineuses est abordé à l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001:

«En cas de demande portant sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, l’institution concernée peut se concerter avec le demandeur de manière informelle afin de trouver un arrangement équitable.»

9.

Les articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001 règlent la procédure de traitement des demandes d’accès, et en particulier les délais. L’article 7 porte sur le traitement des demandes initiales:

«1.   Les demandes d’accès aux documents sont traitées avec promptitude. Un accusé de réception est envoyé au demandeur. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique au demandeur, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel et l’informe de son droit de présenter une demande confirmative conformément au paragraphe 2 du présent article.

2.   En cas de refus total ou partiel, le demandeur peut adresser, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse de l’institution, une demande confirmative tendant à ce que celle-ci révise sa position.

3.   À titre exceptionnel, par exemple lorsque la demande porte sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, le délai prévu au paragraphe 1 peut, moyennant information préalable du demandeur et motivation circonstanciée, être prolongé de quinze jours ouvrables.

4.   L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis habilite le demandeur à présenter une demande confirmative.»

10.

L’article 8 du règlement no 1049/2001 concerne le traitement des demandes confirmatives:

«1.   Les demandes confirmatives sont traitées avec promptitude. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel. Si elle refuse totalement ou partiellement l’accès, l’institution informe le demandeur des voies de recours dont il dispose, à savoir former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou présenter une plainte au médiateur, selon les conditions prévues respectivement aux articles 230 et 195 du traité CE.

2.   À titre exceptionnel, par exemple lorsque la demande porte sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, le délai prévu au paragraphe 1 peut, moyennant information préalable du demandeur et motivation circonstanciée, être prolongé de quinze jours ouvrables.

3.   L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative, et habilite le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou à présenter une plainte au médiateur, selon les dispositions pertinentes du traité CE.»

III – Les faits et la procédure devant le Tribunal

11.

Le 20 juin 2007, M. Strack a saisi la Commission d’une demande d’accès à:

tous les documents relatifs aux demandes confirmatives d’accès à des documents ayant été rejetées par la Commission depuis le 1er janvier 2005,

un extrait du registre établi par la Commission au titre de l’article 11 du règlement no 1049/2001 concernant les décisions de rejet de demandes confirmatives d’accès adoptées avant le 1er janvier 2005, et

tous les documents liés à l’affaire Sequeira Wandschneider/Commission (T‑110/04) ( 3 ).

12.

Le 25 juillet 2007, la Commission a informé M. Strack, par une décision datée de la veille, que sa demande avait été enregistrée le 3 juillet 2007. Ce courrier indique que l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) prendrait la décision en ce qui concerne une partie des documents visés par la première branche de la demande d’accès et que le secrétariat général lui transmettrait les autres documents concernés par cette première branche sous une forme anonyme, leur grand nombre rendant toutefois impossible ce travail d’anonymisation dans les délais prévus. La Commission informe également M. Strack du fait qu’elle ne peut pas donner suite à la deuxième branche de sa demande, car les décisions de rejet de demandes confirmatives d’accès antérieures au 1er janvier 2005 ne figurent pas au registre. La Commission a, dans un premier temps, refusé l’accès aux documents liés à l’affaire Sequeira Wandschneider/Commission (EU:T:2007:78) et, à la suite de la demande confirmative de M. Strack, elle a informé ce dernier du fait qu’elle ne pouvait pas respecter le délai pour la décision relative à cette demande.

13.

Le 12 octobre 2007, M. Strack a saisi le Tribunal d’un recours contre le rejet implicite de sa demande confirmative d’accès.

14.

Ensuite, le 23 octobre 2007, l’OLAF a rendu sa décision sur la branche de la demande le concernant et la Commission a rendu quatre décisions explicites, le 28 novembre 2007 (deux décisions), le 15 février 2008 et le 9 avril 2008. Ces décisions octroient l’accès à un grand nombre de documents, qui ont toutefois été partiellement occultés, afin de garantir la protection de données à caractère personnel ou aux fins de la protection d’intérêts commerciaux.

15.

Par son mémoire en réplique du 23 juillet 2008, M. Strack a étendu son recours à ces décisions.

16.

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a partiellement fait droit au recours. M. Strack a formé le présent pourvoi, qui a été suivi d’un pourvoi incident de la Commission.

IV – Les demandes

17.

M. Strack conclut désormais à ce que la Cour:

1)

annule l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne (quatrième chambre) du 15 janvier 2013 dans l’affaire Strack/Commission (T‑392/07, EU:T:2013:8), dans la mesure où les conclusions du requérant n’ont pas été accueillies, ou seulement partiellement;

2)

fasse droit aux conclusions formulées par le requérant dans cette affaire;

3)

rejette le pourvoi incident dans son intégralité; et

4)

condamne la Commission aux entiers dépens;

5)

à titre subsidiaire, annule également la décision par laquelle le président du Tribunal de l’Union européenne a attribué l’affaire Strack/Commission à la quatrième chambre du Tribunal.

18.

La Commission conclut à ce que la Cour:

1)

rejette le pourvoi dans son intégralité en tant que manifestement irrecevable et/ou non fondé;

2)

annule l’arrêt du Tribunal Strack/Commission (EU:T:2013:8), en ce qu’il annule la lettre de la Commission du 24 juillet 2007 informant le requérant qu’il n’existe pas d’extrait de registre relatif aux décisions confirmatives adoptées avant le 1er janvier 2005;

3)

annule cet arrêt en ce qu’il déclare recevable le recours dirigé à l’encontre des prétendues décisions implicites de refus d’accès aux documents relatifs à des demandes confirmatives (Commission et OLAF);

4)

condamne le requérant au pourvoi à l’ensemble des dépens de la procédure devant le Tribunal et la Cour.

V – Appréciation juridique

19.

Il convient, tout d’abord, d’examiner le premier moyen du pourvoi incident de la Commission, car il porte sur la recevabilité de parties du recours en première instance. Ensuite, nous examinerons consécutivement le second moyen du pourvoi incident de la Commission et cinq des neuf moyens du pourvoi de M. Strack.

20.

Nous ne traiterons toutefois pas en détail les troisième, quatrième, huitième et neuvième moyens du pourvoi de M. Strack, car nous estimons qu’ils sont manifestement dépourvus de fondement.

A – Le premier moyen du pourvoi incident – L’existence d’une décision implicite de refus

21.

La Commission soutient qu’elle n’a pas rejeté implicitement la demande d’accès aux décisions confirmatives de la Commission et de l’OLAF et qu’il n’existe donc pas d’acte attaquable, le recours étant en conséquence irrecevable à cet égard. Selon la Commission, le Tribunal a méconnu cet élément aux points 45 à 53 de l’arrêt attaqué, notamment aux points 51 et 52 de celui-ci, et ces points sont contradictoires, l’arrêt étant donc entaché d’un défaut de motivation.

1. Décision implicite de refus

22.

Le concept de refus implicite qui rend possible l’introduction d’un recours est prévu à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative et habilite le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution. Le refus implicite implique donc l’expiration du délai.

23.

Il convient de rechercher si le délai a expiré. Ce dernier est en principe fixé par les articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001. En vertu de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, l’institution prend sa décision et, le cas échéant, octroie l’accès au document dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande. Conformément à l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement, à titre exceptionnel, par exemple lorsque la demande porte sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, ce délai peut être prolongé de quinze jours ouvrables. L’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 prévoit que l’absence de réponse de l’institution dans le délai requis habilite le demandeur à présenter une demande confirmative. Conformément à l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, cette dernière doit également être traitée dans un délai de quinze jours ouvrables, qui peut aussi, à titre exceptionnel, être prolongé de quinze jours ouvrables supplémentaires en vertu du paragraphe 2 de ce même article.

24.

La Commission considère toutefois qu’elle est en droit, dans le cas de demandes particulièrement volumineuses, de s’écarter des délais prévus par le règlement no 1049/2001.

25.

À cet égard, elle invoque l’article 6, paragraphe 3, dudit règlement, qui permet à l’institution concernée de se concerter avec le demandeur de manière informelle afin de trouver un arrangement équitable en cas de demande portant sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents.

26.

La Commission fonde son argumentation sur le système mis en place par le règlement no 1049/2001. Comme il existe un délai de quinze jours ouvrables pour prendre une décision concernant un seul document, un délai plus étendu que la prolongation unique de quinze jours ouvrables devrait être ouvert pour le traitement des demandes très volumineuses.

27.

Cette argumentation ne peut toutefois être prise en considération que pour la branche de la demande sur laquelle le secrétariat général de la Commission a statué, mais pas en ce qui concerne la branche de la demande qui a été transmise à l’OLAF. Comme le souligne à juste titre M. Strack, ce n’est qu’après l’introduction du recours, le 23 octobre 2007, et donc longtemps après l’expiration de tous les délais prévus, qu’une réponse a été apportée par l’OLAF, qui n’a eu recours à aucune prolongation des délais.

28.

En outre, malgré les observations en ce sens exposées par le Tribunal au point 51 de l’arrêt attaqué, la Commission méconnaît le fait que la prolongation de quinze jours ouvrables prévue aux articles 7, paragraphe 3, et 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 est déjà expressément prévue pour les demandes d’accès portant sur un très grand nombre de documents. Notamment ces dispositions montrent que – contrairement à ce que prétend la Commission – le règlement ne vise pas seulement les demandes ayant pour objet des documents particuliers. Le système établi par le règlement ne conforte donc pas la position de la Commission.

29.

En outre, la Commission estime que la demande de M. Strack porte sur «un nombre manifestement disproportionné de documents».

30.

Contrairement à ce que laisse penser une première impression, cette argumentation n’a pas pour objectif de rejeter la demande dans son ensemble au motif de son caractère disproportionné, mais vise seulement à mettre en évidence la disproportion entre les délais de traitement prévus par le règlement no 1049/2001 et le nombre de documents demandés. Afin de protéger l’intérêt à une bonne administration, la Commission estime donc qu’elle n’était pas tenue de respecter ces délais. De plus, elle considère qu’il est abusif d’insister sur le respect des délais dans le cas d’une demande aussi volumineuse.

31.

Il convient cependant d’opposer à la Commission le fait que l’expiration des délais de réponse à la demande confirmative déclenche l’ouverture du délai d’introduction d’un recours, comme le Tribunal l’a constaté à bon droit aux points 47 et 52 de l’arrêt attaqué.

32.

En effet, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, les délais de recours au titre de l’article 263 TFUE sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge ( 4 ), car ils ont été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques ( 5 ). Cela vaut en particulier pour le rejet implicite d’une demande, qui est prévu non seulement en ce qui concerne l’accès aux documents, mais également, en particulier, en droit de la fonction publique de l’Union ( 6 ).

33.

À cet égard, la Cour a déjà jugé que l’annonce d’une décision explicite ultérieure ne saurait contrarier ni la fiction du rejet implicite ni l’ouverture du délai d’introduction d’un recours ( 7 ). Contrairement à ce que soutient la Commission, lorsqu’une demande a déjà été implicitement rejetée, une décision explicite ultérieure n’ouvre pas de nouveau délai de recours ( 8 ).

34.

Si la Commission fait patienter un demandeur, ce dernier s’expose donc au risque que son recours contre une décision explicite ultérieure soit rejeté, ledit recours ne visant qu’une décision itérative ( 9 ). Il doit même s’attendre à ce que la Commission invoque l’expiration du délai de recours contre le rejet implicite ( 10 ), alors qu’elle a auparavant eu recours à plusieurs reprises à des prolongations des délais de traitement ( 11 ).

35.

Même si la Commission renonçait à invoquer le caractère tardif de l’introduction du recours ou si l’invocation de cette exception lui était interdite en raison de son caractère déloyal (venire contra factum proprium), le recours ne serait pas nécessairement recevable. En effet, le juge peut examiner d’office le respect du délai de recours, celui-ci étant d’ordre public ( 12 ), même s’il semble que le Tribunal ne le fasse pas systématiquement dans les affaires relatives à l’accès aux documents ( 13 ).

36.

C’est pourquoi il n’est pas abusif qu’un demandeur refuse une prolongation des délais de traitement. En l’état actuel du droit de l’Union et de la jurisprudence pertinente, un demandeur prudent doit au contraire insister sur le respect des délais, à moins qu’il n’exclue dès le départ l’introduction d’un recours.

37.

Il convient toutefois de reconnaître en faveur de la Commission que le traitement de demandes volumineuses dans le délai imparti peut poser des difficultés considérables. Compte tenu des autres missions des institutions et des moyens dont elles disposent, il peut en effet être objectivement inopportun de détourner le personnel d’autres tâches afin de respecter les délais.

38.

Cependant, la Cour ne saurait répondre à ce problème en permettant rétroactivement à une institution d’empêcher la survenance d’une décision implicite et l’ouverture du délai de recours. Une telle dérogation au libellé de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 ne serait pas compatible avec les objectifs des délais de recours qui visent, comme nous l’avons déjà indiqué, à assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques ( 14 ).

39.

L’arrêt Internationaler Hilfsfonds/Commission ( 15 ), qui a été rendu après l’introduction du recours par M. Strack et qui va dans le sens d’une certaine flexibilité dans l’application des délais prévus par le règlement no 1049/2001, ne conduit pas à un autre résultat.

40.

En vertu de cet arrêt, dans le système réglementaire particulier du règlement no 1049/2001, aucune sécurité juridique ne résulte d’une décision définitive sur une demande d’accès. Au contraire, la décision peut à tout moment être remise en question par une nouvelle demande d’accès ( 16 ). Cela ne constitue toutefois pas un argument pour priver le demandeur, a posteriori et de manière inattendue, d’une possibilité de recours dont il jouit en vertu du libellé non équivoque de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.

41.

L’arrêt attaqué n’est donc entaché d’aucun vice juridique à cet égard. Il convient par conséquent de rejeter ce moyen du pourvoi incident.

2. Proposition de solution pour l’avenir

42.

Pour le cas où la Cour souhaiterait aller un peu plus loin et se mettre à la place du législateur afin de permettre, malgré tout, une prise en compte du principe de proportionnalité dans la fixation des délais de traitement, cela pourrait tout au plus se faire sous la forme d’indications pour l’avenir, qui apporteraient à la Commission et aux demandeurs concernés la nécessaire clarté juridique.

43.

À cet égard, il y a lieu de souscrire au point de vue de la Commission selon lequel l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 peut être interprété en ce sens que l’arrangement équitable qu’il prévoit à titre exceptionnel peut être accompagné d’une paralysie des délais de recours en raison de la prolongation des délais de traitement. Dans un tel cas de figure, les intéressés disposeraient ainsi du délai de recours.

44.

Cependant, l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 ne saurait habiliter les institutions à s’écarter librement et unilatéralement des délais prévus par le législateur. Comme le montre la mention d’une concertation informelle avec le demandeur qui figure dans cette disposition, l’arrangement équitable doit normalement être trouvé de manière consensuelle.

45.

En l’espèce, il n’existe aucun accord sur les délais et la Commission ne s’est pas non plus sérieusement efforcée de parvenir à une solution amiable. Elle s’est contentée d’annoncer qu’elle ne pourrait pas respecter les délais ( 17 ). Une telle annonce ne saurait suffire, ne serait-ce que parce qu’elle abandonne le cadre temporel précis du règlement no 1049/2001 sans pour autant le remplacer.

46.

L’institution devrait au contraire s’efforcer de garantir le principe de proportionnalité tout comme les objectifs du règlement no 1049/2001. Si le cadre temporel de ses articles 7 et 8 n’apparaît pas proportionné en raison des circonstances de l’espèce, l’institution doit proposer au demandeur un nouveau calendrier approprié.

47.

Par ailleurs, le demandeur a un droit à ce qu’un tel nouveau calendrier soit justifié en détail, car la prolongation des délais prévue aux articles 7, paragraphe 3, et 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 est déjà accompagnée d’une telle obligation de motivation. L’institution doit donc indiquer comment elle justifie le délai proposé.

48.

En outre, en l’espèce, il aurait peut-être été opportun de regrouper les documents demandés dans des envois moins volumineux et donc, en partie, moins tardifs, au lieu d’effectuer deux envois volumineux relatifs aux années 2005/2006 et 2007, qui n’ont eu lieu qu’en 2008.

49.

Enfin, l’institution doit s’engager, si possible de manière contraignante, à ne pas invoquer un dépassement des délais de recours résultant des délais de traitement et, au contraire, à soutenir le demandeur au moins sur cette question en cas de recours ultérieur devant les juridictions de l’Union.

50.

Si un demandeur rejette sans justification une telle proposition équitable, il serait envisageable que l’expiration des délais prévus n’entraîne pas un rejet implicite de la demande. Le critère de l’équité montre toutefois que l’on renoncerait alors totalement à la sécurité juridique résultant des délais clairs prévus par le règlement no 1049/2001. Il serait difficile de prévoir s’il peut être parti du principe d’un refus implicite ou non.

51.

Dans ces conditions, il convient donc de considérer une telle approche avec grand scepticisme. Il appartiendrait plutôt au législateur de l’Union de trouver une nouvelle réglementation appropriée. Dans ce contexte, nous observons à titre purement accessoire que, conformément à l’article 3 du règlement (CE) no 1367/2006 ( 18 ), les délais du règlement no 1049/2001 s’appliquent également à l’accès à des informations environnementales au sens de la convention d’Aahrus ( 19 ), qui n’est pas en cause en l’espèce. Cependant, l’article 4, paragraphe 2, de cette convention prévoit des délais encore plus courts que ceux expressément prévus par l’actuel règlement no 1049/2001, à savoir un délai d’un mois, porté au maximum à deux mois, pour une décision définitive de l’administration.

3. Motivation du Tribunal

52.

Enfin, dans la mesure où la Commission critique la motivation du Tribunal sur cette question, son argumentation se limite à contester la pertinence de la jurisprudence invoquée par le Tribunal. Toutefois, un défaut de motivation ne saurait résider dans le fait que le Tribunal comprend certains précédents jurisprudentiels autrement que la Commission ( 20 ).

4. Conclusion quant au premier moyen du pourvoi incident

53.

Le premier moyen du pourvoi incident doit donc être rejeté. La recevabilité du recours en première instance ne fait, par conséquent, pas de doute.

B – Le second moyen du pourvoi incident – La non-existence d’un extrait de registre

54.

Le second moyen du pourvoi incident porte sur la demande de M. Strack d’obtenir un extrait du registre tenu par la Commission conformément à l’article 11 du règlement no 1049/2001 concernant les décisions de rejet de demandes confirmatives d’accès adoptées avant le 1er janvier 2005.

55.

En vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, chaque institution rend accessible un registre de documents pour permettre aux citoyens de jouir de manière concrète des droits résultant dudit règlement. Il ressort de cette disposition que les références des documents sont inscrites au registre sans délai. Le paragraphe 2 de cet article prévoit que, pour chaque document, le registre contient un numéro de référence, le thème abordé et/ou une brève description du contenu du document, ainsi que la date à laquelle le document a été reçu ou élaboré et inscrit au registre.

56.

Cependant, par lettre du 24 juillet 2007, la Commission a informé M. Strack du fait que les décisions rejetant des demandes confirmatives d’accès n’avaient pas été consignées au registre.

57.

À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 102 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait procédé de manière arbitraire et imprévisible en omettant d’inclure dans le registre toutes les décisions de rejet total ou partiel relatives à des demandes confirmatives adoptées avant le 1er janvier 2005. Dès lors, le Tribunal a conclu que la Commission, en alléguant l’inexistence de cet extrait du registre, avait violé le droit du requérant d’accéder au registre, tel que prévu à l’article 2 du règlement no 1049/2001. Il a donc jugé qu’il convenait d’annuler la décision explicite de refus d’accès à un extrait du registre du 24 juillet 2007.

58.

En détail, la Commission reproche au Tribunal d’avoir constaté l’existence d’un document qui n’existe en réalité pas (voir sous 1), d’avoir déduit à tort du règlement l’existence d’une obligation d’établir des documents et de les divulguer (voir sous 2) et, finalement, d’avoir statué ultra petita (voir sous 3).

1. L’«existence» d’un document inexistant

59.

La Commission soutient que le Tribunal aurait constaté, au point 77 de l’arrêt attaqué, que l’extrait de registre demandé existait et se trouvait en sa possession. Cette argumentation – qui correspond manifestement à un grief implicite de dénaturation des faits – repose toutefois sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

60.

En effet, le Tribunal se contente d’infirmer le moyen de défense en vertu duquel un extrait de registre, s’il existe, ne constitue pas un document, avec pour conséquence que la demande de M. Strack à cet égard ne relève pas du règlement no 1049/2001. Le Tribunal ne constate l’existence effective de l’extrait ni à ce point ni à un autre endroit de l’arrêt attaqué.

61.

Cette branche du second moyen ne saurait donc être accueillie.

2. L’obligation d’établir un document

62.

La Commission critique également le fait que le Tribunal constate, au point 99 de l’arrêt attaqué, qu’il serait contraire à l’impératif de transparence dont découle le règlement no 1049/2001 que des institutions se prévalent de l’inexistence de documents pour échapper à l’application de ce règlement. Selon le Tribunal, l’exercice effectif du droit d’accès aux documents suppose que les institutions concernées procèdent, dans toute la mesure du possible et d’une manière non arbitraire et prévisible, à l’établissement et à la conservation de la documentation concernant leurs activités.

63.

Aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal effectue un rapprochement entre cette obligation de documentation et l’obligation d’inscription des décisions confirmatives de refus dans un registre, qui résulte de l’article 11 du règlement no 1049/2001. Il en déduit les constatations précitées du point 102 de son arrêt.

64.

La Commission oppose à cette approche le fait que le règlement no 1049/2001 ne prévoit pas d’obligation d’établir des documents.

65.

Ce point de vue repose sur la considération pertinente en vertu de laquelle le droit d’accès aux documents au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 concerne tous les documents détenus par une institution, (déjà) établis ou reçus par elle et en sa possession. À cet égard, un document est, en vertu de l’article 3, sous a), dudit règlement, tout contenu quel que soit son support. Les inscriptions inexistantes dans un registre ne constituent toutefois pas des contenus et elles ne peuvent pas être communiquées.

66.

Le Tribunal constate, certes à juste titre, que l’article 11 du règlement no 1049/2001 oblige les institutions à mettre en place un registre et à y inscrire les documents. Et la Commission ne conteste pas que l’obligation d’enregistrement des documents s’étend aux décisions confirmatives de rejet.

67.

Le règlement no 1049/2001 ne met toutefois pas directement l’obligation de l’article 11 en relation avec le droit d’accès aux documents prévu à son article 2, paragraphe 1. Il n’est donc pas possible d’imposer le respect de l’obligation d’enregistrement par la voie d’une demande d’accès à des documents. À cette fin, il conviendrait plutôt de faire appel au recours en carence de l’article 265 TFUE.

68.

Il convient donc de constater qu’aux points 99 à 102 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté à tort que le droit d’accès aux documents oblige la Commission à compléter le registre public en cas de demande d’accès, afin de pouvoir délivrer l’extrait de registre demandé.

69.

Néanmoins, la décision du Tribunal doit être maintenue, avec une autre motivation. Étant donné que, en raison de ses propres manquements, la Commission n’était pas en mesure de délivrer l’extrait du registre public demandé conformément à l’article 11 du règlement no 1049/2001, elle aurait au moins dû examiner la question de savoir si elle pouvait mettre à la disposition du demandeur les informations souhaitées sous la forme d’un ou de plusieurs autres documents. À cet égard, elle aurait pu penser à des extraits de registres internes ou aux éléments utilisés pour établir les rapports annuels sur l’application dudit règlement. Il ressort toutefois de la lettre du 24 juillet 2007 qu’un tel examen n’a pas été effectué. La décision résultant de cette lettre devait donc être annulée en raison du traitement incomplet de la partie de la demande correspondante.

70.

Par conséquent, cette branche du second moyen de la Commission ne saurait prospérer.

3. La portée des demandes en justice de M. Strack

71.

Enfin, la Commission soutient que le Tribunal aurait statué ultra petita sur deux points.

72.

Premièrement, elle estime que le Tribunal aurait jugé, au point 101, que la Commission devait obligatoirement inscrire au registre les décisions sur les demandes initiales. À cet égard, il ne s’agit toutefois pas d’une décision du Tribunal qui pourrait aller au-delà des demandes de M. Strack, mais simplement d’un élément de la motivation du Tribunal. Cette dernière n’est pas conditionnée par l’étendue des demandes.

73.

En revanche, en conformité avec la demande de M. Strack, la décision du Tribunal au point 102 de l’arrêt attaqué se limite à la constatation du fait que le refus d’accès à l’extrait du registre de toutes les décisions confirmatives de refus doit être annulé.

74.

À ce sujet, la Commission expose que M. Strack aurait demandé l’annulation d’un refus implicite d’accès à l’extrait du registre, alors que le Tribunal a, au-delà de cela, annulé un refus explicite.

75.

Sur le plan formel, il convient toutefois d’opposer à cette argumentation que M. Strack a demandé l’annulation des décisions adoptées par la Commission de manière expresse ou implicite, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. Cela inclut la décision explicite communiquée le 25 juillet 2007, que le Tribunal a annulée.

76.

En l’espèce, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la question de savoir si cette décision constituait effectivement un objet approprié de l’arrêt du Tribunal ou si le Tribunal aurait au contraire dû examiner la décision implicite ultérieure sur la demande confirmative. En effet, la Commission ne soulève aucun grief à ce sujet.

77.

Pour le cas où la Cour souhaiterait se saisir d’office de cette question, il convient d’observer que M. Strack a déjà déposé une première demande confirmative le 23 juillet 2007, après l’écoulement de plus de 20 jours ouvrables depuis sa demande initiale du 20 juin 2007. La lettre de la Commission datée du 24 juillet 2007 n’a été envoyée que le lendemain, c’est-à-dire deux jours après cette première demande confirmative. Dans cette lettre, la Commission a certes fait valoir une prolongation de délai pour la réponse à la demande initiale, mais elle n’a pas indiqué que cette prolongation était également nécessaire en ce qui concerne l’extrait de registre. En effet, elle a en même temps indiqué que le registre ne contenait pas les données demandées. Le Tribunal ne dénature donc pas cette lettre lorsqu’il l’interprète en ce sens que la Commission y a définitivement arrêté sa position concernant l’extrait de registre demandé, à titre de décision confirmative ( 21 ).

78.

Cette branche du second moyen doit donc également être rejetée.

C – Le premier moyen du pourvoi – La violation du droit au juge légal

79.

Par son premier moyen, M. Strack critique le fait que, le 13 octobre 2011, compte tenu du départ imminent du juge rapporteur, le président du Tribunal a réattribué l’affaire à une autre chambre, dans un souci de célérité et de bonne administration de la justice.

80.

Ce renvoi porterait atteinte au principe du juge légal, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH»), à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, à l’article 50, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice et aux articles 12 et 13 du règlement de procédure du Tribunal lus en combinaison avec les décisions portant sur l’attribution des affaires aux chambres et l’affectation des juges aux chambres.

81.

L’existence de garanties en matière de composition du tribunal représente la pierre angulaire du droit à un procès équitable, dont le juge de l’Union doit notamment vérifier le respect dès lors qu’une violation de ce droit est invoquée ( 22 ). En effet, conformément à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, qui lui est presque identique et qui doit être pris en compte dans le cadre de son interprétation ( 23 ), toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal établi (préalablement) ( 24 ) par la loi.

82.

À cet égard, la notion de loi couvre notamment la législation relative à l’établissement et à la compétence des organes judiciaires. En conséquence, si, au regard de cette législation, un tribunal n’est pas compétent pour connaître d’une affaire, il n’est alors pas le tribunal établi par la loi ( 25 ). Par ailleurs, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme, l’organisation du système judiciaire ne saurait être laissée à la discrétion des autorités judiciaires, ce qui n’exclut cependant pas de leur reconnaître un certain pouvoir d’interprétation de la législation nationale en la matière ( 26 ). Aucune exigence plus stricte, comme une réglementation qui détermine les juges compétents à l’avance, en fonction de critères abstraits ( 27 ), n’a pour le moment pu s’imposer dans le cadre du droit à une procédure équitable, conformément à l’article 47 de la Charte et à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

83.

Par conséquent, afin d’apprécier le présent moyen du pourvoi, c’est avant tout la question de savoir si la décision du président du Tribunal du 13 octobre 2011 était conforme aux dispositions relatives à l’attribution des affaires aux chambres du Tribunal qui importe ( 28 ).

84.

En vertu de l’article 50, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, le règlement de procédure du Tribunal détermine la composition des chambres et l’attribution des affaires à ces dernières. L’article 13, paragraphe 1, dudit règlement de procédure dispose que, dès le dépôt de la requête, le président du Tribunal attribue les affaires à une chambre. L’article 12 du règlement de procédure du Tribunal prévoit que le Tribunal fixe les critères selon lesquels les affaires sont réparties entre les chambres.

85.

Pour autant que l’on puisse en juger, à l’origine, le recours de M. Strack a fait l’objet d’une attribution à une chambre conformément aux critères en vigueur à l’époque ( 29 ), en fonction de l’ordre de l’enregistrement des affaires au greffe.

86.

En ce qui concerne la réattribution de l’affaire que critique le requérant, les critères avaient certes été fixés dans une communication plus récente ( 30 ), mais leur contenu restait le même.

87.

M. Strack expose à juste titre qu’aucune de ces dispositions ne prévoit expressément une réattribution d’affaires déjà attribuées par le président du Tribunal.

88.

Toutefois, ces critères d’attribution prévoient que le président du Tribunal peut déroger au mode de répartition prévu, notamment pour assurer une répartition équilibrée de la charge de travail. Certes, le lien avec les critères d’attribution en fonction de l’ordre de l’enregistrement plaide en faveur de l’interprétation selon laquelle cette faculté de dérogation se rapporte à l’attribution originelle des affaires. Néanmoins, le libellé de ces critères ne s’oppose pas à une application dans le cadre d’une réattribution ultérieure d’une affaire.

89.

Une telle réattribution peut même être absolument nécessaire après le renouvellement des juges et la modification de la composition des chambres ( 31 ).

90.

La réattribution peut également être justifiée par l’objectif d’une répartition équilibrée de la charge de travail. Elle ne présente pas seulement une nature organisationnelle, mais vise en particulier à traiter les affaires dans un délai raisonnable – en conformité avec l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et avec l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

91.

La présente affaire démontre que la réattribution a posteriori d’une affaire peut s’imposer pour ce motif. En 2011, le recours était déjà pendant depuis quatre ans et il convenait de s’attendre à des retards supplémentaires, en raison du départ imminent du juge rapporteur. La nouvelle chambre a en revanche pu faire avancer immédiatement la procédure.

92.

En conséquence, le pouvoir du président du Tribunal de déroger aux critères d’attribution doit être compris en ce sens qu’il peut donner à une affaire une attribution différente de son attribution originelle afin d’assurer une répartition équilibrée de la charge de travail.

93.

L’arrêt attaqué a donc été rendu par le tribunal compétent, de sorte que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté.

D – Le deuxième moyen du pourvoi – Différents vices de procédure

94.

Le deuxième moyen du pourvoi soulève des griefs relatifs à des vices de procédure, à savoir le rejet d’une demande de procédure accélérée, la limitation du droit d’être entendu, le refus d’examen des documents demandés par le Tribunal, la délimitation de l’objet de la demande et la durée excessive de la procédure.

1. Les première et cinquième branches du moyen – La procédure accélérée et la durée de la procédure

95.

Par la première branche de son moyen, M. Strack fait grief au Tribunal d’avoir rejeté sa demande de procédure accélérée sans justification. L’intérêt à ce traitement accéléré allant dans le même sens que le respect du droit à une durée raisonnable de la procédure, qui est invoqué dans la cinquième branche du moyen, nous examinerons ces deux griefs ensemble.

96.

En vertu de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. Le dépassement d’un délai de jugement raisonnable, en tant qu’irrégularité de procédure constitutive de la violation d’un droit fondamental, doit ouvrir à la partie concernée un recours effectif lui offrant un redressement approprié ( 32 ).

97.

Cependant, en l’absence de tout indice en ce sens que la durée excessive de la procédure devant le Tribunal aurait eu une incidence sur la solution du litige, le non-respect d’un délai de jugement raisonnable ne saurait conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué ( 33 ). Il doit également en aller ainsi lorsque la durée excessive de la procédure résulte du fait que la procédure n’a pas fait l’objet d’un traitement accéléré.

98.

M. Strack n’a pas indiqué en quoi la durée de la procédure aurait eu une incidence sur la solution du litige. Par conséquent, ces branches de son moyen ne sauraient être accueillies.

99.

Dans ces conditions, l’absence de justification du rejet de la demande de procédure accélérée n’est pas non plus en mesure de faire prospérer le pourvoi.

100.

Toutefois, dans ce contexte, M. Strack critique également le fait que, au point 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme irrecevable une demande en indemnité fondée sur la durée excessive de la procédure. Il invoque l’arrêt Baustahlgewebe/Commission ( 34 ) et nos conclusions dans l’affaire Solvay/Commission ( 35 ) au soutien du fait que la protection juridictionnelle effective voudrait qu’il soit déjà statué dans le cadre de la procédure excessivement longue, dans la mesure du possible, sur une éventuelle indemnité.

101.

Mais cette argumentation ne saurait davantage prospérer. En effet, entre-temps, la Cour a abandonné la jurisprudence Baustahlgewebe/Commission ( 36 ) et a établi qu’il appartient à une autre formation de jugement de statuer sur une demande d’indemnité en raison d’une procédure excessivement longue ( 37 ). C’est donc à bon droit que le Tribunal a constaté qu’il convenait de faire valoir le droit à indemnisation dans un recours séparé.

102.

Par conséquent, ces deux branches du deuxième moyen du pourvoi doivent être rejetées.

2. La deuxième branche du moyen – Le droit d’être entendu

103.

Par cette branche du deuxième moyen, M. Strack soutient qu’il ne se serait pas vu accorder à suffisance le droit d’être entendu. Le Tribunal ne lui aurait pas donné d’opportunité particulière de s’exprimer sur les documents dévoilés par l’OLAF, qu’il n’a obtenus qu’après le dépôt de son mémoire en réplique. Par ailleurs, le Tribunal n’aurait pas pris en compte son mémoire volumineux du 14 mai 2012, destiné à préparer l’audience. À l’occasion de cette dernière, il lui aurait seulement accordé un temps de parole de 30 minutes, au lieu des 60 minutes demandées, et il aurait rejeté une demande de soumettre un nouveau mémoire. Après cette audience, il aurait en outre rejeté un autre mémoire du 25 juin 2012, qui contenait notamment une demande de rectification du rapport d’audience.

Sur le droit d’être entendu en général

104.

Concernant cette branche du deuxième moyen, il convient d’observer que, pour satisfaire aux exigences liées au droit à un procès équitable, il importe que les parties aient connaissance et puissent débattre contradictoirement tant des éléments de fait que des éléments de droit qui sont décisifs pour l’issue de la procédure ( 38 ).

105.

Cela était en principe possible dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. M. Strack a pu s’exprimer en détail dans la requête, dans le mémoire en réplique et à l’occasion de l’audience. Le Tribunal lui a permis, dans son mémoire en réplique, de dépasser de manière considérable le nombre de pages prévu par les instructions pratiques aux parties et il lui a accordé le double du temps de parole prévu par ces instructions en ce qui concerne l’audience. En outre, le Tribunal a joint au dossier les mémoires supplémentaires déposés par M. Strack le 16 novembre 2011, le 25 janvier 2012 ainsi que le 1er avril 2012 et il les a communiqués à la Commission pour qu’elle présente ses observations.

106.

Les griefs relatifs aux documents de l’OLAF et à la rectification du rapport d’audience doivent toutefois faire l’objet d’un examen séparé.

Concernant les documents de l’OLAF

107.

La décision de l’OLAF du 23 octobre 2007 a été communiquée à M. Strack au plus tard le 30 mai 2008, en annexe B.1 au mémoire en réponse. Elle fait donc également l’objet de son mémoire en réplique.

108.

Conformément aux déclarations de M. Strack, que la Commission ne conteste pas, il n’a ensuite obtenu l’accès aux documents rendus anonymes que le 17 octobre 2008, après le dépôt de son mémoire en réplique. Cette situation est, semble-t-il, due au fait que la décision et les documents ont été communiqués par des courriers électroniques très volumineux, la capacité maximale de la boîte électronique de M. Strack ayant été dépassée dès le premier envoi. M. Strack a apparemment pris connaissance de cette circonstance par une lettre du Tribunal du 9 mars 2012, en annexe de laquelle figurait une copie d’un message d’erreur obtenu par la Commission à la suite d’une tentative de communication du 23 octobre 2007.

109.

M. Strack a certes déjà pu s’exprimer sur la décision du 23 octobre 2007 dans son mémoire en réplique du 20 août 2008 et c’est pourquoi il a étendu son recours à celle-ci. Cependant, comme il n’a obtenu les documents que le 17 octobre 2008, il n’a pas pu, dans son mémoire en réplique, prendre en compte ces documents et les suppressions effectuées. En outre, M. Strack invoque le fait que, à cet égard, il s’est vu refuser une prolongation appropriée de son temps de parole à l’occasion de l’audience.

110.

Ce grief s’inscrit dans une situation procédurale plutôt atypique, à savoir celle dans laquelle le Tribunal autorise a posteriori l’extension d’un recours en matière d’accès à des documents, qui portait d’abord sur un refus implicite d’accès et qui a ensuite été remplacé par une décision expresse.

111.

Si le Tribunal autorise une extension du recours, il doit alors offrir une possibilité appropriée de prise de position. La possibilité de s’exprimer à l’occasion de l’audience ne saurait remplacer entièrement un mémoire, car le droit de la procédure des juridictions de l’Union prévoit en tout cas une procédure écrite, qui est seulement complétée par l’audience. De plus, M. Strack n’a pas obtenu, à l’occasion de l’audience, le temps de parole qui lui semblait nécessaire.

112.

La Commission soutient que M. Strack serait lui-même responsable de la réduction de ses possibilités de s’exprimer, car il aurait également pu introduire un recours séparé contre la décision du 23 octobre 2007. L’extension de l’affaire T‑392/08 à cette décision se serait produite dans son intérêt exclusif.

113.

Cette argumentation est surprenante. Le fait qu’une extension du recours soit entrée en ligne de compte est entièrement dû au non‑respect, par la Commission, de sa propre obligation d’adopter une décision sur les demandes dans le délai imparti. De plus, la Commission a apparemment omis de s’assurer du fait que M. Strack obtienne rapidement la décision tardive du 23 octobre 2007 et les documents concernés par celle-ci. Il semble au contraire que la Commission a même ignoré un message d’erreur relatif à l’échec de la transmission. C’est donc la Commission qui est en premier lieu responsable du fait que M. Strack n’ait pas bénéficié de toutes les possibilités prévues de d’exprimer.

114.

Il convient par ailleurs d’observer que l’extension du recours s’est certes produite dans l’intérêt de M. Strack, mais que cet intérêt n’était pas exclusif, puisque cette extension s’est également produite aux fins d’alléger la charge de travail du Tribunal et de la partie adverse, à savoir la Commission en l’espèce. En effet, il est plus efficient pour l’ensemble des parties de suivre une procédure étendue plutôt que d’ouvrir une procédure particulière pour chaque nouvelle décision.

115.

Il convient néanmoins d’opposer à M. Strack le fait qu’il n’a lui‑même pas pris toutes les mesures opportunes pour garantir son droit à être entendu. Après avoir obtenu pour la première fois la décision de l’OLAF avec le mémoire en réponse du 23 octobre 2007, il aurait en effet dû prendre toutes les mesures raisonnables pour obtenir les documents manquants, afin de pouvoir les prendre en compte dans son mémoire en réplique. Il aurait en particulier dû attirer l’attention de la Commission sur l’échec de la transmission et, le cas échéant, demander au Tribunal une prolongation du délai pour le dépôt du mémoire en réplique.

116.

En effet, les mêmes considérations que celles relatives à la détermination du délai de recours après la prise de connaissance de la décision en cause doivent s’appliquer à cet égard. Dans cette situation, à défaut de publication et de notification, il appartient à celui qui a connaissance de l’existence d’un acte qui le concerne d’en demander le texte intégral dans un délai raisonnable ( 39 ).

117.

Cela est d’autant plus vrai que M. Strack partage la responsabilité des problèmes de transmission, puisqu’il a déposé une demande d’accès volumineuse, mais n’a fourni qu’une boîte de courrier électronique d’une taille limitée en vue de la réception des documents.

118.

M. Strack ne pouvait en aucune manière attendre plus de trois ans, et jusqu’à peu avant l’audience, pour faire valoir la nécessité de s’exprimer sur ces documents.

119.

En conséquence, malgré le comportement de la Commission, M. Strack doit se voir imputer la perte de la possibilité de prise de position écrite ainsi que la limitation de la possibilité de s’exprimer oralement sur les documents divulgués par l’OLAF.

Concernant le grief lié au procès-verbal d’audience

120.

M. Strack critique enfin le fait que, au point 27 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas statué sur le fond en ce qui concerne une demande de rectification du procès-verbal d’audience, mais a rejeté cette demande par une décision de ne pas rouvrir la procédure orale.

121.

Le règlement de procédure du Tribunal ne prévoit certes pas de demande de rectification du procès-verbal d’audience, mais les intéressés doivent en principe être en droit de soulever des objections à l’encontre des erreurs et des lacunes de ce document. En effet, conformément à l’article 63, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement de procédure du Tribunal, il s’agit d’un document authentique, qui est ainsi utilisé en tant que preuve de la teneur de l’audience ( 40 ).

122.

Cependant, le fait que le Tribunal n’ait pas examiné cette demande n’est pas, à lui seul, susceptible de remettre en cause l’arrêt attaqué. Il compromet plutôt la force probante du procès-verbal d’audience. En conséquence, le grief relatif au procès-verbal d’audience est inopérant et doit donc être rejeté.

Concernant le prétendu exposé tardif de la Commission en relation avec le règlement (CE) no 45/2001

123.

C’est enfin à tort que M. Strack fait grief au Tribunal d’avoir pris en compte l’argumentation de la Commission relative au règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO L 8, p. 1), à l’occasion de l’audience, malgré son caractère tardif. Les fondements de cette argumentation se trouvaient en effet déjà dans l’invocation de l’exception relative à la protection des données à caractère personnel prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001. En revanche, le fait que le règlement no 45/2001 présente une importance particulière à cet égard n’était pas encore aussi manifeste au moment de l’échange de mémoires qu’au moment de l’audience. En effet, cette importance découle surtout de l’arrêt Bavarian Lager/Commission ( 41 ), qui a été rendu entre‑temps.

3. La troisième branche du moyen – L’examen de l’ensemble des documents

124.

Par la troisième branche de son deuxième moyen, M. Strack critique le fait que, contrairement à sa demande, le Tribunal n’a pas examiné l’ensemble des documents en vue de déterminer si les suppressions effectuées étaient justifiées par l’exception relative à la protection des données à caractère personnel.

125.

La Cour a établi que le Tribunal est tenu d’examiner un document si la question de savoir si son contenu permet l’application de certaines exceptions fait débat ( 42 ). Les suppressions de données à caractère personnel en cause en l’espèce soulèvent toutefois la question de savoir si la protection de ces informations requiert un traitement confidentiel du nom et d’autres informations à caractère personnel de certains groupes de personnes. Afin d’y répondre, il n’est pas nécessaire d’examiner les documents en cause. Il suffit au contraire, en règle générale, de contrôler la motivation de la décision.

4. La quatrième branche du moyen – Le caractère complet des décisions de la Commission

126.

La quatrième branche du deuxième moyen porte sur la question de savoir si la Commission a entièrement répondu à la demande d’accès à l’ensemble des documents concernant les demandes confirmatives d’accès à des documents refusées par la Commission depuis le 1er janvier 2005. M. Strack critique le fait que, au point 139 de l’arrêt attaqué, le Tribunal rejette son argumentation selon laquelle la Commission n’aurait pas prouvé qu’elle lui a transmis l’intégralité des décisions de rejet de demandes confirmatives d’accès adoptées au cours de la période considérée.

127.

Ce grief porte sur l’appréciation, par le Tribunal, de l’argumentation des parties sur ce point.

128.

Il résulte des articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits ( 43 ).

129.

Toutefois, des griefs relatifs à la constatation des faits et à leur appréciation dans la décision attaquée sont recevables au stade du pourvoi lorsque le requérant allègue que le Tribunal a effectué des constatations dont l’inexactitude matérielle résulte des pièces du dossier ou qu’il a dénaturé les éléments de preuve qui lui ont été soumis ( 44 ).

130.

Une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée ( 45 ). Si – comme en l’espèce – le Tribunal tire des conclusions de certains éléments de fait, il convient de rechercher s’il n’a pas manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable des preuves ( 46 ).

131.

Tel est le cas en l’espèce.

132.

Dans le cadre de la procédure en première instance, M. Strack s’est fondé sur le fait que le nombre de documents qui lui ont été communiqués (315) est largement inférieur au chiffre indiqué dans les rapports publics en ce qui concerne les décisions entièrement ou partiellement confirmatives de rejet (575) ( 47 ).

133.

La Commission y oppose toutefois l’argument selon lequel les chiffres ne correspondent pas, parce que certaines décisions confirmatives portent sur plusieurs demandes confirmatives émanant de la même personne et d’autres demandes confirmatives n’ont pas encore fait l’objet d’une décision à la fin de l’année en cause.

134.

La Commission renonce néanmoins à fournir une ventilation exacte des chiffres, qui permettrait d’expliquer intégralement les divergences. Une telle ventilation aurait peut-être pris en compte les décisions confirmatives de l’OLAF, que les parties semblent jusqu’à maintenant avoir ignorées dans ce contexte. Pour autant que l’on puisse en juger, ces décisions confirmatives de l’OLAF n’ont pas été incluses dans le nombre de documents transmis, mais sont apparemment prises en compte dans les rapports de la Commission.

135.

La Commission ne se prononce pas non plus sur l’observation de M. Strack selon laquelle les documents qui lui ont été transmis ne contiendraient aucune décision confirmative portant sur plusieurs demandes.

136.

Si l’on se limite donc à l’argument selon lequel l’ensemble des demandes confirmatives n’avaient pas encore fait l’objet d’une décision à la fin de l’année, cela signifie que, à la fin de la période litigieuse de trois ans, plus de 250 demandes confirmatives étaient en suspens. Compte tenu des délais fixés par le règlement no 1049/2001, un tel retard semble peu plausible.

137.

L’argumentation de la Commission peut donc expliquer de petites différences, mais pas les divergences considérables relevées en l’espèce. En se ralliant malgré tout au point de vue de la Commission, le Tribunal a donc manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable des preuves.

138.

Cependant, contrairement au cas de figure d’une procédure au cours de laquelle l’existence de documents supplémentaires est établie ( 48 ), il n’est pas non plus possible, en l’espèce, de constater avec certitude que la réponse de la Commission était incomplète. Le Tribunal aurait néanmoins pu l’établir relativement facilement, s’il avait demandé à la Commission d’expliquer en détail la divergence entre les chiffres des rapports et le nombre des documents communiqués à M. Strack.

139.

Le Tribunal est certes seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Et le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de l’appréciation souveraine des faits qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve soumis au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations de ce dernier ressort des documents versés au dossier ( 49 ).

140.

Cependant, en l’espèce, l’insuffisance dans la collecte des preuves repose justement sur une dénaturation de celles-ci par une conclusion outrepassant manifestement les limites d’une appréciation raisonnable. La Cour peut donc exceptionnellement conclure à l’existence d’une erreur de droit en raison de l’omission de prendre les mesures d’instruction nécessaires.

141.

Cette branche du deuxième moyen doit donc être accueillie et l’arrêt attaqué doit être annulé dans la mesure où il rejette l’argumentation de M. Strack selon laquelle la Commission n’aurait pas pris de décision sur toutes les décisions confirmatives de rejet.

142.

L’affaire n’est pas en état d’être jugée sur ce point, car ni la question de la contribution des documents de l’OLAF, ni celle de l’existence et de l’importance des décisions confirmatives collectives, ni celle des décisions confirmatives en suspens à la fin de l’année 2007 ne sont suffisamment éclaircies ( 50 ). À cet égard et en conformité avec l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, l’affaire doit donc être renvoyée au Tribunal.

E – Le cinquième moyen du pourvoi – L’application de l’exception relative à la protection des données

143.

Le cinquième moyen du pourvoi concerne l’application de l’exception relative à la protection des données, à savoir la motivation de celle-ci (voir sous 1), l’examen individuel des suppressions (voir sous 2) et la légalité de la suppression des données à caractère personnel en ce qui concerne certains groupes de personnes (voir sous 3).

1. La motivation de la décision de la Commission

144.

M. Strack critique le fait que le Tribunal ait jugé suffisante la motivation de la décision de la Commission, bien qu’elle ne contienne aucune indication sur la consultation des personnes intéressées ou sur la demande, par ces dernières, d’un traitement confidentiel de leurs données. La Commission n’aurait pas non plus examiné la question des différents groupes de personnes concernés.

145.

Cette branche du cinquième moyen ne saurait toutefois être accueillie, car, aux points 120, 125 et 126 de son arrêt, le Tribunal a appliqué des exigences correctes à la motivation de la Commission. Une justification concise peut en effet suffire si elle fait apparaître les motifs de manière suffisamment claire.

146.

En ce qui concerne en particulier l’absence de mention d’une consultation des intéressés, elle constitue une indication suffisamment claire en ce sens qu’une telle consultation n’a pas eu lieu. La Commission n’avait pas non plus à examiner la question d’un défaut de motivation de la demande d’accès conformément à l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001, car aucun motif n’a été avancé à cet égard.

147.

Enfin, dans la mesure où, dans le cadre de cette branche de son moyen, M. Strack invoque le fait que le Tribunal n’aurait pas examiné à suffisance ses critiques à l’encontre des suppressions effectuées par l’OLAF, il suffit de remarquer que, dans son mémoire en réplique, M. Strack ne critique pas cette décision en détail, alors qu’il a pris connaissance de son existence et de sa motivation au plus tard avec le mémoire en défense ( 51 ).

2. L’examen individuel des documents

148.

Par la deuxième branche du cinquième moyen de son pourvoi, M. Strack critique le fait que, aux points 162 à 164 de son arrêt, le Tribunal aurait à tort reconnu que la Commission a effectué un examen individuel suffisant de la nécessité de traitement confidentiel des informations supprimées. À cet égard, il invoque en particulier le fait que l’ensemble des noms aurait été occulté de manière indifférenciée, sans que l’atteinte à la sphère privée soit effectivement examinée. Il ne s’agit cependant pas d’une preuve de l’absence d’examen individuel des documents, mais, tout au plus, de la position de la Commission quant à la portée de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001. Cette question fait toutefois l’objet de la troisième branche du cinquième moyen du pourvoi, que nous examinerons ci-dessous.

3. La légalité des suppressions

149.

Finalement, avec la troisième branche de son cinquième moyen, M. Strack conteste la reconnaissance, par le Tribunal, de l’application de l’exception relative à la protection des données à caractère personnel prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001.

150.

En vertu de ces dispositions, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel.

151.

La Commission a mis en œuvre cette exception en conformité avec l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 en occultant tous les noms et adresses figurant dans les documents communiqués.

152.

La Cour a déjà établi que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, lorsqu’une demande fondée sur ledit règlement vise à obtenir l’accès à des documents comprenant des données à caractère personnel, les dispositions du règlement no 45/2001 deviennent intégralement applicables. Cela implique notamment que le demandeur doit en règle générale établir la nécessité du transfert de ces données personnelles, conformément aux dispositions de l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001 ( 52 ).

a) La mise en balance des intérêts

153.

M. Strack observe, certes à juste titre, que les institutions peuvent être tenues de prendre en compte les motifs de transfert qui s’imposent, même en l’absence de justification correspondante du demandeur, mais, en l’espèce, aucun motif de cette nature n’est identifiable et M. Strack n’en a invoqué aucun.

154.

En outre, M. Strack développe une argumentation selon laquelle l’objectif du règlement no 1049/2001 de permettre l’accès aux documents justifierait un transfert des documents en vertu de l’article 8, sous a), du règlement no 45/2001, puisqu’un tel transfert relèverait de l’intérêt public. Toutefois, une telle interprétation de l’article 8, sous a), priverait la jurisprudence susmentionnée ( 53 ) relative à l’article 8, sous b), de tout effet.

155.

La question de savoir si les demandeurs fournissent des informations sensibles sur leur personne dans les demandes confirmatives n’est pas non plus pertinente. En effet, la protection des données à caractère personnel s’applique d’abord indépendamment de l’importance des données en cause.

b) La nécessité d’une consultation des intéressés

156.

M. Strack estime en outre que la Commission n’aurait pas dû occulter tous les noms et adresses et aurait dû demander aux intéressés s’ils consentaient à la communication de leurs données personnelles.

157.

À cet égard, le Tribunal a jugé notamment au point 178 de l’arrêt attaqué qu’une telle consultation n’était pas nécessaire, car il est manifeste que les données à caractère personnel doivent faire l’objet d’un traitement confidentiel, s’il n’existe pas d’intérêt supérieur à leur communication.

158.

Aucune erreur de droit n’entache cette constatation.

159.

En vertu de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001, une consultation des tiers dans le cas d’une demande d’accès aux documents transmis par ceux-ci aux institutions n’est nécessaire que s’il n’est pas clair si le document doit être divulgué ou non. Une éventuelle obligation de consultation en relation avec les documents établis par les institutions ne saurait en tout cas aller plus loin.

160.

M. Strack part manifestement du principe que la possibilité de communication de données à caractère personnel est douteuse tant que les intéressés n’ont pas décidé s’ils consentent à un tel transfert. Cela n’est toutefois pas exact.

161.

En effet, comme le transfert de données à caractère personnel constitue un traitement de données, il n’est autorisé qu’en présence de l’un des motifs de traitement énumérés à l’article 5 du règlement no 45/2001. Le consentement de l’intéressé est l’un de ces motifs. La communication est sinon, en principe, interdite.

162.

L’exigence d’une consultation des intéressés ne vise donc pas à déterminer la possibilité d’une communication, mais à mettre en place les conditions d’une telle communication. Or l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 n’impose pas une telle obligation aux institutions.

163.

Pour le même motif, l’argumentation de M. Strack selon laquelle, dans le cadre d’un traitement complet de sa demande d’accès ( 54 ), la Commission aurait de toute manière dû consulter les intéressés afin de pouvoir prendre une décision sur la communication de leurs demandes confirmatives d’accès ne saurait être accueillie. L’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 s’applique certes à l’accès à ces documents, mais les informations à caractère personnel qui y figurent ne soulèvent justement pas de doutes quant à la question de savoir si l’accès peut y être accordé. Il n’y a donc pas lieu de trancher la problématique de savoir si une éventuelle consultation devrait être réalisée en vue de demander aux intéressés une autorisation de communication des données.

c) Le consentement des intéressés à la divulgation

164.

M. Strack estime également que la Commission et le Tribunal auraient dû tenir compte de la question de savoir si les intéressés avaient consenti à l’avance à une communication de leurs données à caractère personnel en ce qui concerne leur demande confirmative d’accès. Cela découlerait même, dans au moins un cas, des documents qui lui ont été transmis. Dans ce document, le demandeur indique ce qui suit:

«In view of the public interest, I cannot treat this as confidential. My question was not confidential. The public interest in this issue must prevail» ( 55 ).

165.

Il semble toutefois hautement improbable que, au stade de la demande confirmative, les intéressés consentent déjà de manière abstraite et générale à une communication de leurs données. L’exemple apporté devrait plutôt être compris en ce sens que l’intéressé conteste le refus d’accès et non en ce sens qu’il consent à la divulgation de ses données personnelles.

166.

Par ailleurs, M. Strack ne saurait reprocher au Tribunal de ne pas avoir examiné cette argumentation, car il ne l’a exposée – le cas échéant – qu’à l’occasion de l’audience et donc tardivement.

d) Les fonctionnaires signataires des décisions confirmatives

167.

Dans la mesure où M. Strack demande la communication des noms des fonctionnaires qui ont signé des décisions confirmatives, il n’apparaît pas qu’il aurait déjà formulé cette demande devant le Tribunal. Celle-ci est donc irrecevable, conformément à l’article 170, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement de procédure, car le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Par ailleurs, la Commission observe que lesdits noms – à savoir ceux de la secrétaire générale de la Commission et du directeur de l’OLAF – étaient indiqués. Cela découle au moins indirectement de l’en-tête des exemples de décisions confirmatives déposés par M. Strack. Ce dernier n’a pas produit les pages comportant les signatures.

e) Les noms des fonctionnaires apparaissant dans les documents relatifs à l’affaire Sequeira Wandschneider/Commission (EU:T:2007:78)

168.

En ce qui concerne les noms de fonctionnaires qui ont été occultés dans les documents relatifs à l’affaire Sequeira Wandschneider/Commission, M. Strack demande une différenciation entre les fonctionnaires qui se voient reprocher des fautes et les autres fonctionnaires. Cependant, en ce qui concerne ces deux groupes de personnes, la communication des données à caractère personnel n’est en principe pas possible, pour des raisons de protection des données. Le fait que les noms des fonctionnaires auxquels sont reprochés des fautes puissent être particulièrement dignes de protection n’impose donc pas une différenciation.

f) Le codage des noms

169.

M. Strack invoque ensuite le fait que la Commission n’aurait pas dû occulter les noms dans les documents relatifs à l’affaire Sequeira Wandschneider/Commission, mais aurait dû les coder (de manière anonyme) afin d’améliorer la lisibilité de ces documents. Cela s’imposerait, ne serait-ce que parce le Tribunal a codé les noms dans cette affaire.

170.

À cet égard, le Tribunal a cependant établi à juste titre, aux points 202 à 208 de l’arrêt attaqué, qu’un codage intégral des noms figurant dans les documents de la Commission concernés par une demande volumineuse induirait une charge de travail disproportionnée. Par conséquent, cette argumentation de M. Strack ne saurait être accueillie.

4. Conclusion intermédiaire concernant le cinquième moyen du pourvoi

171.

Le cinquième moyen du pourvoi dont donc être intégralement rejeté.

F – Le sixième moyen du pourvoi – Le traitement confidentiel des procédures antidumping

172.

Le sixième moyen du pourvoi concerne la protection des intérêts commerciaux au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

173.

La Commission a en effet refusé l’accès à certains documents et à certaines informations en vue d’éviter l’identification d’entreprises impliquées dans des affaires antidumping traitées par le requérant dans l’affaire Sequeira Wandschneider/Commission (EU:T:2007:78).

174.

Le Tribunal a approuvé ce refus aux points 226 à 229 de l’arrêt attaqué, au motif qu’il s’agit en partie de secrets d’affaires et que la réputation des entreprises en cause doit, par ailleurs, être protégée. Aucun intérêt public supérieur à la communication de ces informations ne serait identifiable.

175.

M. Strack observe tout d’abord que les mesures antidumping sont publiées, les noms d’entreprises étant notamment mentionnés. Toutefois, rien n’indique que les informations dont la divulgation a été refusée concernaient des procédures qui ont abouti à une telle publication. Il n’est donc pas prouvé que l’intérêt à un traitement confidentiel serait devenu sans objet.

176.

En outre, on peut opposer à M. Strack l’existence d’un intérêt à ce que le nom de l’entreprise tout comme les griefs à son encontre fassent l’objet d’un traitement confidentiel, car lesdits griefs permettent de faire des déductions sur l’entreprise.

177.

M. Strack observe toutefois qu’il existe un intérêt public supérieur à l’étude des procédures antidumping, qui justifierait la communication de ces informations et qui devrait être examiné d’office par la Commission et le Tribunal.

178.

Il convient de souscrire à cet argument quant à son point de départ. La Cour a dit pour droit qu’il incombe à l’institution concernée de vérifier, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, s’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant néanmoins la divulgation du document concerné ( 56 ). À tout le moins les aspects qui s’imposent avec évidence dans le cas concret doivent donc être examinés d’office ( 57 ). Cependant, à ce stade, les arguments particuliers qu’il appartient au demandeur d’invoquer seront en général décisifs ( 58 ).

179.

Dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, la question d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 commise dans le cadre de la vérification de l’existence d’un intérêt public supérieur n’est donc a fortiori examinée que si elle a été soulevée par le requérant. Lorsque celui-ci ne critique pas l’absence totale de toute vérification, il lui appartient d’indiquer les aspects qui n’ont prétendument pas été appréciés de façon adéquate. Le Tribunal ne commet donc aucune erreur de droit en se concentrant sur l’argumentation du requérant ( 59 ).

180.

Au cours de la procédure devant le Tribunal, M. Strack n’a cependant pas invoqué la prise en compte insuffisante de l’intérêt particulier à la transparence des procédures antidumping ( 60 ). Aucune erreur de droit ne saurait donc être reprochée au Tribunal à cet égard.

181.

Dans la mesure où M. Strack critique le fait que les noms des fonctionnaires responsables de certaines procédures aient été occultés, cette question n’a manifestement pas fait l’objet de la procédure en première instance. Cette argumentation n’est donc pas recevable, car, conformément à l’article 170, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement de procédure, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal.

G – Le septième moyen du pourvoi – Indemnisation pour le traitement de la demande d’accès

182.

Le septième moyen du pourvoi porte sur la demande d’indemnisation du préjudice immatériel causé à M. Strack par la Commission, en conséquence du traitement de sa demande d’accès à des documents. Ce préjudice résiderait, d’une part, dans la détérioration de la santé mentale de M. Strack et, d’autre part, dans l’atteinte à son droit de participer à la consultation de la Commission sur la transparence et l’accès aux documents des institutions.

183.

Aux points 261 à 266 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a essentiellement constaté qu’il n’existait pas de preuve d’un lien de causalité suffisamment spécifique entre le comportement illégal allégué par le requérant et le préjudice qu’il invoque.

184.

Ces constatations sont globalement conformes aux critères applicables.

185.

En effet, les principes communs aux droits des États membres auxquels renvoie l’article 340, deuxième alinéa, TFUE ne sauraient être invoqués au soutien de l’existence d’une obligation incombant à l’Union de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, de comportements de ses organes. La condition relative au lien de causalité posée par cette disposition porte plutôt sur l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement des institutions et le dommage ( 61 ).

186.

Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal d’être parti du principe, aux points 263 et 264 de son arrêt, sans avoir épuisé l’ensemble des moyens de preuves apportés par M. Strack, que, compte tenu des nombreux différends l’opposant à la Commission et de sa coresponsabilité dans la présente affaire, un tel lien en relation avec une éventuelle détérioration de sa santé mentale ne pouvait pas être établi.

187.

Cependant, contrairement aux considérations exposées par le Tribunal au point 265 de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’entrave aux possibilités de participation à la consultation de la Commission, le fait que M. Strack puisse prendre part au débat sans disposer des documents (comme il l’a fait) est dénué de pertinence. Il a en effet été empêché de tirer des arguments de ces documents aux fins de ce débat.

188.

En revanche, l’argument développé à ce même point de l’arrêt, qui repose sur le fait que M. Strack a présenté la demande d’accès du 20 juin 2007 peu de temps avant la fin de la période de consultation, le 31 juillet 2007, est plus solide. M. Strack n’a en effet pas prouvé que, si le comportement de la Commission avait été régulier, il aurait obtenu les documents demandés à temps pour les utiliser dans le cadre de la consultation.

189.

Même si – à l’instar de M. Strack – on présumait que sa demande a été enregistrée trop tard et que la prolongation du délai de réponse de quinze jours supplémentaires était également tardive et donc inopérante, il est indéniable que la Commission était en principe en droit de recourir à la prolongation du délai en raison du caractère volumineux de la demande. Dans le cadre d’un recours régulier à la prolongation de délai, la Commission aurait ainsi dû répondre à la demande initiale au plus tôt le 31 juillet 2007. Une participation effective à la consultation sur le fondement des documents demandés n’aurait plus été possible à cette date.

190.

Le Tribunal pouvait donc à bon droit partir du principe qu’il n’existe pas de lien de causalité suffisamment direct entre les éventuels manquements de la Commission et les entraves aux possibilités de participation de M. Strack ( 62 ).

VI – Sur les dépens

191.

Comme l’affaire est renvoyée au Tribunal, la décision de ce dernier sur les dépens doit être annulée et il convient de réserver les dépens afférents à la présente procédure de pourvoi ( 63 ).

VII – Conclusion

192.

Je propose donc à la Cour de statuer comme suit:

1)

Le point 6 du dispositif de l’arrêt Strack/Commission (T‑392/07, EU:T:2013:8) est annulé dans la mesure où le Tribunal rejette le moyen de M. Guido Strack en vertu duquel la Commission européenne n’aurait pas pris de décision à l’égard de toutes les décisions confirmatives de rejet.

2)

La décision sur les dépens figurant au point 7 du dispositif de l’arrêt Strack/Commission est annulée.

3)

Le pourvoi et le pourvoi incident sont rejetés pour le reste.

4)

L’affaire est renvoyée au Tribunal de l’Union européenne afin qu’il statue sur le moyen mentionné au point 1 du dispositif de l’arrêt.

5)

Les dépens sont réservés.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

( 3 ) EU:T:2007:78.

( 4 ) Arrêt Coen (C‑246/95, EU:C:1997:33, point 21) et ordonnance Städter/BCE (C‑102/12 P, EU:C:2012:723, point 13).

( 5 ) Arrêts Moussis/Commission (227/83, EU:C:1984:276, point 12); Coen (EU:C:1997:33, point 21), et Transportes Evaristo Molina/Commission (C‑36/09 P, EU:C:2010:670, point 37).

( 6 ) Arrêts Müllers/CES (79/70, EU:C:1971:79, point 18) et Politi/ETF (C‑154/99 P, EU:C:2000:354, point 22).

( 7 ) Arrêt Müllers/CES (EU:C:1971:79, point 17).

( 8 ) Arrêt Müllers/CES (EU:C:1971:79, points 19 et suiv.) et, en ce qui concerne spécifiquement l’accès aux documents, ordonnance ClientEarth e.a./Commission (T‑278/11, EU:T:2012:593, point 45).

( 9 ) Ordonnance ClientEarth e.a./Commission (EU:T:2012:593, point 41).

( 10 ) Ibidem (point 26).

( 11 ) Ibidem (points 8 et 10 à 12).

( 12 ) Arrêts Müllers/CES (EU:C:1971:79, point 6); Transportes Evaristo Molina/Commission (EU:C:2010:670, point 33), et Gbagbo e.a./Conseil (C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, point 53). Voir également ordonnance ClientEarth e.a./Commission (EU:T:2012:593, point 30).

( 13 ) Voir, notamment, arrêt Stichting Greenpeace Nederland et PAN Europe/Commission (T‑545/11, EU:T:2013:523, points 4, 6 et 12 concernant la chronologie des faits).

( 14 ) Arrêts Moussis/Commission (EU:C:1984:276, point 12); Coen (EU:C:1997:33, point 21), et Transportes Evaristo Molina/Commission (EU:C:2010:670, point 37).

( 15 ) C‑362/08 P, EU:C:2010:40.

( 16 ) Ibidem (points 57 et suiv.).

( 17 ) Lettres du 24 juillet 2007 et du 7 septembre 2007.

( 18 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 264, p. 13).

( 19 ) Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2005, L 124, p. 4).

( 20 ) Arrêts Wunenburger/Commission (C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 80) et Gogos/Commission (C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 35).

( 21 ) Arrêt Internationaler Hilfsfonds/Commission (EU:C:2010:40, point 60).

( 22 ) Arrêts Chronopost et La Poste/UFEX e.a. (C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 46) et Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (C‑308/07 P, EU:C:2009:103, point 42).

( 23 ) Article 52, paragraphe 3, de la Charte ainsi que arrêts Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 44) et réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, points 42 et 43).

( 24 ) Cette mention figure seulement dans l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte.

( 25 ) Voir, en ce qui concerne l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, Cour EDH, Jorgic c. Allemagne (no 74613/01, § 64 et 65, CEDH 2007‑III).

( 26 ) Cour EDH, Coëme e.a. c. Belgique (nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 98, CEDH 2000‑VII); DMD Group c. Slovaquie (no 19334/03, § 60, 5 octobre 2010) et Oleksandr Volkov c. Ukraine (no 21722/11, § 150, CEDH 2013).

( 27 ) Comme le prévoient l’article 101 de la loi fondamentale allemande conformément à l’arrêt du Bundesverfassungsgericht (Allemagne) du 8 avril 1997 (1 PBvU 1/95, BVerfGE 95, 322, 327 et suiv.) et la recommandation de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), Rapport sur l’indépendance du système judiciaire, Partie I: l’indépendance des juges, du 16 mars 2010 [CDL-AD(2010)004, no 75].

( 28 ) Voir, en ce sens, ordonnance Marcuccio/Commission (C‑528/08 P, EU:C:2009:761, point 58).

( 29 ) Voir communication publiée au JO 2007, C 269, p. 42.

( 30 ) JO 2010, C 288, p. 5.

( 31 ) Arrêt Salzgitter/Commission (C‑182/99 P, EU:C:2003:526, points 28 et suiv.).

( 32 ) Arrêt Groupe Gascogne/Commission (C‑58/12 P, EU:C:2013:770, point 72) et Cour EDH, Kudla c. Pologne [GC] (no 30210/96, § 156 et 157, CEDH 2000‑XI).

( 33 ) Arrêts Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission (C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 190 et 196) et Groupe Gascogne/Commission (EU:C:2013:770, point 73).

( 34 ) C‑185/95 P, EU:C:1998:608.

( 35 ) C‑109/10 P, EU:C:2011:256.

( 36 ) Arrêt Groupe Gascogne/Commission (EU:C:2013:770, points 82 et 83).

( 37 ) Ibidem (point 90).

( 38 ) Arrêts Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 56) et réexamen M/EMEA (C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, point 41).

( 39 ) Arrêts Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie/Commission (C‑180/88, EU:C:1990:441, points 22, 29 et 30) et Windpark Groothusen/Commission (C‑48/96 P, EU:C:1998:223, point 80).

( 40 ) À titre d’illustration, voir arrêt réexamen M/EMEA (EU:C:2009:804, point 45) et ordonnances Iride et Iride Energia/Commission (C‑150/09 P, EU:C:2010:34, point 74) ainsi que Kronoply/Commission (C‑117/09 P, EU:C:2010:370, point 44).

( 41 ) C‑28/08 P, EU:C:2010:378, point 59.

( 42 ) Arrêt Jurašinović/Conseil (C‑576/12 P, EU:C:2013:777, point 27).

( 43 ) Arrêt Commission/Aalberts Industries e.a. (C‑287/11 P, EU:C:2013:445, point 47).

( 44 ) Arrêt PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 35).

( 45 ) Arrêts PKK et KNK/Conseil (EU:C:2007:32, point 37); Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 17), et Commission/Aalberts Industries e.a. (EU:C:2013:445, point 52).

( 46 ) Arrêts Activision Blizzard Germany/Commission (C‑260/09 P, EU:C:2011:62, point 57) et Commission/Aalberts Industries e.a. (EU:C:2013:445, point 52).

( 47 ) Selon le rapport de la Commission concernant l’application au cours de l’année 2007 du règlement no 1049/2001 [COM (2008) 630 final, p. 10].

( 48 ) Arrêt Williams/Commission (T‑42/05, EU:T:2008:325, point 68).

( 49 ) Arrêts Ismeri Europa/Cour des comptes (C‑315/99 P, EU:C:2001:391, point 19); Glencore et Compagnie Continentale/Commission (C‑24/01 P et C‑25/01 P, EU:C:2002:642, points 77 et 78), et Erste Group Bank e.a./Commission (C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 319).

( 50 ) Il convient cependant de conseiller aux parties de procéder comme suit: soit la Commission éclaircit cette problématique d’office en communiquant à M. Strack les chiffres correspondants – et, le cas échéant, les documents manquants –, soit M. Strack introduit une nouvelle demande d’accès aux documents qui manquent prétendument encore, qui permette à la Commission de prendre position compte tenu des considérations que nous venons d’exposer. Les parties pourraient alors déclarer éteint leur différend sur cette question – éventuellement avant même qu’il ne soit statué sur le présent pourvoi – et elles ne devraient pas de nouveau faire appel au Tribunal en l’absence de nécessité.

( 51 ) Voir ci-dessus, points 107 et suiv.

( 52 ) Arrêt Commission/Bavarian Lager (EU:C:2010:378, points 63 et 77).

( 53 ) Voir ci-dessus, point 152.

( 54 ) Comme le Tribunal l’a constaté au point 141 de l’arrêt attaqué, la demande de M. Strack ne portait pas seulement sur les décisions confirmatives, mais également sur les demandes confirmatives, ce que la Commission a ignoré.

( 55 ) Page 126 des annexes du pourvoi («Compte tenu de l’intérêt public, je ne peux pas traiter cela confidentiellement. Ma question n’était pas confidentielle. L’intérêt public à cette question doit prévaloir»).

( 56 ) Arrêt Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 49).

( 57 ) Voir arrêt Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 152) et, au sujet des avis juridiques dans le cadre de procédures législatives, arrêt Suède et Turco/Conseil (EU:C:2008:374, point 67).

( 58 ) Arrêt LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 94 et jurisprudence mentionnée).

( 59 ) Voir nos conclusions Suède/MyTravel et Commission (C‑506/08 P, EU:C:2011:107, point 105).

( 60 ) Voir points 71 à 73 du mémoire en réplique devant le Tribunal.

( 61 ) Arrêts Dumortier e.a./Conseil (64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1979:223, point 21); Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission (C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 53 et jurisprudence citée), et ordonnance Mauerhofer/Commission (C‑433/10 P, EU:C:2011:204, point 127).

( 62 ) Les arrêts Richez-Parise e.a./Commission (19/69, 20/69, 25/69 et 30/69, EU:C:1970:47, points 43 et 44); Odigitria/Conseil et Commission (T‑572/93, EU:T:1995:131, point 65), et Farrugia/Commission (T‑230/94, EU:T:1996:40, point 43) reposent sur des considérations similaires.

( 63 ) Voir article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure.