ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

11 juin 2014 ( *1 )

«Recours en annulation — Décision 2012/272/UE du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union, d’un accord-cadre de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et la République des Philippines — Choix de la base juridique — Articles 79 TFUE, 91 TFUE, 100 TFUE, 191 TFUE et 209 TFUE — Réadmission des ressortissants de pays tiers — Transports — Environnement — Coopération au développement»

Dans l’affaire C‑377/12,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 6 août 2012,

Commission européenne, représentée par Mme S. Bartelt ainsi que par MM. G. Valero Jordana et F. Erlbacher, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro et J.‑P. Hix, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par:

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, D. Hadroušek et E. Ruffer, en qualité d’agents,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. T. Henze, J. Möller et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

Irlande, représentée par Mme E. Creedon et M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de Mme A. Carroll, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg,

République hellénique, représentée par Mmes S. Chala et G. Papagianni, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

République d’Autriche, représentée par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par M. A. Robinson, puis par Mme E. Jenkinson et M. M. Holt, en qualité d’agents, assistés de M. J. Holmes, barrister,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, M. A. Tizzano, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič et M. Safjan, présidents de chambre, MM. A. Rosas, A. Ó Caoimh, A. Arabadjiev, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 octobre 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande l’annulation de la décision 2012/272/UE du Conseil, du 14 mai 2012, relative à la signature, au nom de l’Union, d’un accord-cadre de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République des Philippines, d’autre part (JO L 134, p. 3, ci-après la «décision attaquée»), dans la mesure où le Conseil de l’Union européenne y a ajouté les bases juridiques relatives à la réadmission des ressortissants des pays tiers (article 79, paragraphe 3, TFUE), aux transports (articles 91 TFUE et 100 TFUE) ainsi qu’à l’environnement (article 191, paragraphe 4, TFUE) .

La décision attaquée et l’accord-cadre

2

Le 25 novembre 2004, le Conseil a autorisé la Commission à négocier avec la République des Philippines un accord-cadre de partenariat et de coopération.

3

Le 6 septembre 2010, la Commission a adopté une proposition de décision du Conseil relative à la signature de l’accord-cadre de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République des Philippines, d’autre part (ci-après l’«accord-cadre»), ayant pour bases juridiques les articles 207 TFUE et 209 TFUE, relatifs, respectivement, à la politique commerciale commune et à la coopération au développement, en liaison avec l’article 218, paragraphe 5, TFUE.

4

Le 14 mai 2012, le Conseil a adopté à l’unanimité la décision attaquée autorisant la signature de l’accord-cadre, sous réserve de la conclusion de celui-ci. Outre les articles 207 TFUE et 209 TFUE, en liaison avec l’article 218, paragraphe 5, TFUE, le Conseil a retenu, comme bases juridiques, les articles 79, paragraphe 3, TFUE, 91 TFUE, 100 TFUE et 191, paragraphe 4, TFUE.

5

Les considérants 2 et 3 de cette décision énoncent ce qui suit:

«(2)

Les dispositions de [l’accord-cadre], qui relèvent de la troisième partie, titre V, du traité [FUE], lient le Royaume-Uni et l’Irlande en tant que parties contractantes distinctes et non en qualité d’États membres de l’Union européenne, à moins que l’Union européenne et le Royaume-Uni et/ou l’Irlande ne notifient conjointement à la République des Philippines que le Royaume-Uni et/ou l’Irlande sont liés en tant que membres de l’Union européenne, conformément au protocole no 21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice annexé au traité [UE] et au traité [FUE]. Si le Royaume-Uni et l’Irlande cessent d’être liés en tant que membres de l’Union européenne, conformément à l’article 4 bis du protocole no 21, l’Union européenne et le Royaume-Uni et/ou l’Irlande informent immédiatement la République des Philippines de toute modification de leur situation et, en pareil cas, ils restent liés par les dispositions de [l’accord-cadre] selon leur propre droit. Les mêmes dispositions s’appliquent au Danemark, conformément au protocole no 22 sur la position du Danemark annexé auxdits traités.

(3)

Si le Royaume-Uni et/ou l’Irlande n’ont pas procédé à la notification prévue à l’article 3 du protocole no 21, ils ne participent pas à l’adoption de la présente décision par le Conseil, dans la mesure où celle-ci comporte des dispositions relevant de la troisième partie, titre V, du traité [FUE]. Les mêmes dispositions s’appliquent au Danemark, conformément au protocole no 22.»

6

Dans le préambule de l’accord-cadre, tel que libellé dans un document du Conseil no 15616/10, du 21 janvier 2011, les parties contractantes affirment notamment l’importance particulière qu’elles attachent au caractère global de leurs relations mutuelles ainsi que leur désir de favoriser le développement socio-économique durable, l’éradication de la pauvreté et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Elles reconnaissent l’importance d’un renforcement des relations existantes entre elles, en vue d’améliorer la coopération, ainsi que leur volonté commune de consolider, d’approfondir et de diversifier leurs relations dans les domaines d’intérêt commun. Elles expriment leur engagement total dans la promotion du développement durable, y compris la protection de l’environnement et la coopération efficace en matière de lutte contre les changements climatiques. Elles reconnaissent en outre leur engagement à mener une coopération et un dialogue approfondis en faveur des migrations et du développement, en précisant que les dispositions de l’accord-cadre qui relèvent de la troisième partie, titre V, du traité FUE lient le Royaume de Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni en tant que parties distinctes ou en qualité d’États membres de l’Union.

7

L’article 1er de l’accord-cadre, intitulé «Principes généraux», prévoit à son paragraphe 3:

«Les parties confirment leur engagement à promouvoir le développement durable, à coopérer pour relever les défis du changement climatique et à contribuer à la réalisation des objectifs de développement adoptés au niveau international, notamment les objectifs du Millénaire pour le développement.»

8

L’article 2 de l’accord-cadre, définissant les objectifs de la coopération, énonce:

«Dans le but de renforcer leurs relations bilatérales, les parties s’engagent à un dialogue approfondi et à promouvoir davantage la coopération entre elles dans tous les secteurs d’intérêt commun conformément au présent [accord-cadre]. Leurs efforts visent notamment à:

[...]

g)

mettre en place une coopération en matière de migration et de travail maritime;

h)

mettre en place une coopération dans tous les autres domaines d’intérêt commun, en particulier l’emploi et les affaires sociales, la coopération au développement, la politique économique, les services financiers, la bonne gouvernance en matière de fiscalité, la politique industrielle et les PME, les technologies de l’information et de la communication (TIC), l’audiovisuel, les médias et les multimédias, la science et la technologie, les transports, le tourisme, l’éducation, la culture, le dialogue interculturel et interreligieux, l’énergie, l’environnement et les ressources naturelles, en ce compris les changements climatiques, l’agriculture, la pêche et le développement rural, le développement régional, la santé, les statistiques, la gestion des risques de catastrophe (GRC) et l’administration publique;

[...]»

9

L’article 26 de l’accord-cadre, intitulé «Coopération en matière de migration et de développement», prévoit:

«1.   Les parties réaffirment l’importance d’une gestion commune des flux migratoires entre leurs territoires. Afin de renforcer la coopération, les parties établissent un mécanisme de dialogue et de consultation approfondis sur toutes les questions de migration. Les questions de migration sont intégrées aux stratégies nationales/au cadre de développement national pour le développement socio-économique des pays d’origine, de transit et de destination des migrants.

2.   La coopération entre les parties se base sur une évaluation des besoins spécifiques menée en consultation mutuelle et d’un commun accord entre les parties et est mise en œuvre conformément aux législations de l’Union et nationales pertinentes en vigueur. Elle sera notamment axée sur:

[...]

e)

l’établissement d’une politique efficace et préventive de lutte contre la présence sur leur territoire d’un ressortissant de l’autre partie qui ne remplit pas ou plus les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence sur le territoire de la partie concernée, contre le trafic et la traite des êtres humains, en ce compris les moyens de lutter contre les réseaux de passeurs et de trafiquants d’êtres humains et de protéger les victimes de ces pratiques;

f)

le retour des personnes visées au paragraphe 2, point e), du présent article, dans des conditions humaines et dignes ainsi que la promotion de leur retour volontaire et durable dans les pays d’origine, et leur admission/réadmission conformément au paragraphe 3 du présent article. Le retour de ces personnes s’effectue dans le respect du droit des parties d’accorder des permis ou autorisations de séjour dans le cadre d’un séjour pour raisons de bienveillance ou humanitaires et du principe de non-refoulement.

[...]

h)

les questions de migration et de développement, en ce compris le développement des ressources humaines, la protection sociale, la maximisation des avantages de la migration, le sexe et le développement, le recrutement éthique et les migrations circulaires ainsi que l’intégration des migrants.

3.   Dans le cadre de la coopération en la matière et sans préjudice de la nécessité de protéger les victimes de la traite des êtres humains, les parties conviennent en outre des éléments suivants:

a)

les Philippines réadmettent tout ressortissant visé au paragraphe 2, point e) du présent article et présent sur le territoire d’un État membre sur demande de ce dernier, dans un délai raisonnable, dès que la nationalité a été établie et que les règles de procédure ont été respectées dans l’État membre;

b)

chaque État membre réadmet tout ressortissant visé au paragraphe 2, point e) du présent article et présent sur le territoire de la République des Philippines sur demande de celle-ci, dans un délai raisonnable, dès que la nationalité a été établie et que les règles de procédure ont été respectées dans la République des Philippines;

c)

les États membres et les Philippines fourniront à leurs ressortissants les documents nécessaires à ces fins. Toute demande d’admission ou de réadmission est transmise par l’État requérant à l’autorité compétente de l’État requis.

Si l’intéressé ne possède aucun document d’identité approprié ou d’autre preuve de sa nationalité, les Philippines ou l’État membre demandent immédiatement à la représentation consulaire ou diplomatique compétente d’établir la nationalité, le cas échéant au cours d’un entretien; et une fois qu’il a été établi que l’intéressé est un ressortissant des Philippines ou de l’État membre, les documents appropriés sont remis par les autorités compétentes des Philippines ou de l’État membre.

4.   Les parties conviennent de conclure, dans les plus brefs délais, un accord d’admission/de réadmission de leurs ressortissants, comprenant une disposition relative à la réadmission des ressortissants d’autres États et des apatrides.»

10

Aux termes de l’article 29 de l’accord-cadre, intitulé «Coopération au développement»:

«1.   La coopération au développement a pour principal objectif la promotion du développement durable, qui contribuera à réduire la pauvreté et à réaliser les objectifs de développement adoptés au niveau international, dont les objectifs du Millénaire pour le développement. Les parties instaurent un dialogue régulier relatif à la coopération au développement, dans le respect de leurs priorités et des domaines d’intérêt mutuel.

2.   Le dialogue relatif à la coopération au développement sera notamment axé sur:

a)

la promotion du développement social et humain;

b)

la réalisation d’une croissance économique globale et durable;

c)

la promotion de la durabilité environnementale et de la gestion raisonnée des ressources naturelles, notamment la promotion des meilleures pratiques;

d)

la réduction de l’impact des changements climatiques et la gestion de leurs conséquences;

e)

le renforcement des capacités afin de favoriser l’intégration à l’économie mondiale et au système du commerce international;

f)

la promotion de la réforme du secteur public, notamment dans le domaine de la gestion des finances publiques, afin d’améliorer la fourniture de services sociaux;

g)

l’élaboration de processus conformes aux principes de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, au programme d’action d’Accra et aux autres engagements internationaux pris pour améliorer la fourniture et l’efficacité de l’aide.»

11

Concernant la protection de l’environnement et des ressources naturelles, l’article 34 de l’accord-cadre est libellé comme suit:

«1.   Les parties conviennent que la coopération dans ce domaine promeut la sauvegarde et l’amélioration de l’environnement, dans un but de développement durable. L’application des conclusions du [Sommet mondial sur le développement durable qui s’est tenu à Johannesburg en 2002] et des accords multilatéraux sur l’environnement pertinents auxquels participent les deux parties est prise en compte dans toutes les activités entreprises par les parties en vertu du présent [accord-cadre].

2.   Les parties conviennent de la nécessité de préserver et de gérer de manière durable les ressources naturelles et la diversité biologique pour le bienfait de toutes les générations, conformément à leurs besoins de développement.

3.   Les parties conviennent de coopérer dans le but de renforcer le support mutuel aux politiques commerciales et environnementales, l’intégration des considérations environnementales dans tous les domaines de coopération.

4.   Les parties s’efforcent de poursuivre et de renforcer leur coopération dans les programmes régionaux relatifs à la protection de l’environnement en ce qui concerne:

a)

la sensibilisation aux questions environnementales et le renforcement de la participation locale à la protection de l’environnement et aux efforts en matière de développement durable, notamment la participation des populations autochtones/collectivités culturelles autochtones et des collectivités locales;

b)

le renforcement des capacités dans le domaine de l’adaptation au changement climatique, de l’atténuation de ses effets et de son efficacité énergétique;

c)

le renforcement des capacités de participation aux accords multilatéraux sur l’environnement et de mise en œuvre de ces accords, notamment, mais pas uniquement, ceux ayant trait à la biodiversité et la biosécurité;

d)

la promotion des technologies, des produits et des services respectueux de l’environnement, en ce compris par l’utilisation de mécanismes de réglementation et de marché;

e)

la valorisation des ressources naturelles, en ce compris la gouvernance des forêts et la lutte contre l’exploitation illégale et le commerce associé ainsi que la promotion des ressources naturelles durables et de la gestion forestière;

f)

la gestion efficace des parcs nationaux et des régions protégées ainsi que la désignation et la protection des zones de biodiversité et des écosystèmes fragiles, dans le respect des collectivités locales et autochtones vivant dans ces régions ou à proximité;

g)

la prévention des mouvements transfrontaliers clandestins de déchets solides et dangereux et d’autres types de déchets;

h)

la protection de l’environnement côtier et marin et la gestion efficace des ressources en eau;

i)

la protection et la conservation des sols, l’exploitation durable des terres ainsi que la réhabilitation des mines épuisées/abandonnées;

j)

la promotion du renforcement des capacités en matière de gestion des catastrophes et des risques;

k)

la promotion des modes de consommation et de production durables dans leurs économies.

5.   Les parties encouragent l’accès mutuel aux programmes qu’elles ont mis en place dans ce domaine, selon les modalités spécifiques prévues dans ces programmes.»

12

L’article 38 de l’accord-cadre, relatif aux transports, énonce:

«1.   Les parties s’efforcent de coopérer dans les secteurs appropriés de la politique des transports, en vue d’améliorer les perspectives d’investissement et la circulation des marchandises et des passagers, de promouvoir la sûreté et la sécurité maritime et aérienne, d’agir sur l’impact environnemental des transports et d’augmenter l’efficacité de leurs systèmes de transport.

2.   La coopération entre les parties dans ce domaine entend promouvoir:

a)

l’échange d’informations sur leurs politiques, réglementations et pratiques respectives en matière de transports, en particulier en ce qui concerne le transport rural, urbain, maritime et aérien, la logistique des transports et l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux de transports multimodaux ainsi que la gestion des routes, des chemins de fer, des ports et des aéroports;

b)

l’échange de vues quant au système européen de navigation par satellite (en particulier Galileo), en mettant l’accent sur les questions d’intérêt commun qui concernent la réglementation, le développement industriel et le développement du marché;

c)

la poursuite du dialogue relatif aux services de transport aérien afin d’assurer la sécurité juridique sans délai injustifié des accords bilatéraux existants dans le domaine des services aériens entre chaque État membre et les Philippines;

d)

la poursuite du dialogue relatif au renforcement des réseaux et des opérations d’infrastructure de transport aérien en vue d’une circulation rapide, efficace, durable, sûre et sécurisée des biens et des personnes, ainsi que la promotion de l’application du droit de la concurrence et de la régulation économique du secteur du transport aérien, dans le but de favoriser la convergence réglementaire et de doper les affaires; et l’examen des possibilités d’intensification des relations dans le domaine du transport aérien. Il convient de promouvoir davantage les projets de coopération en matière de transport aérien qui présentent un intérêt commun;

e)

le dialogue relatif aux services et aux politiques de transport maritime, notamment en vue de promouvoir le développement des transports maritimes, à savoir, mais pas uniquement:

i)

l’échange d’informations quant à la législation et aux réglementations relatives au transport maritime et aux ports;

ii)

la promotion d’un accès illimité aux marchés maritimes internationaux et des échanges sur une base commerciale, la non-introduction de clauses de partage de cargaisons, le traitement national et la clause de la nation la plus favorisée (NPF) pour les navires exploités par des ressortissants ou des sociétés de l’autre partie et les questions liées aux services de transport porte-à-porte dans lesquels interviennent les transports maritimes, dans le respect de la législation nationale des parties;

iii)

l’administration efficace des ports et l’efficacité des services de transport maritime; et

iv)

la promotion de la coopération d’intérêt commun en matière de transport maritime ainsi que les domaines du travail maritime, de l’éducation et de la formation visés à l’article 27;

f)

un dialogue relatif à la mise en œuvre efficace des normes de sécurité, de sûreté et de prévention de la pollution dans les transports, notamment en ce qui concerne le transport maritime, en particulier la lutte contre la piraterie, et le transport aérien, conformément aux normes et aux conventions internationales applicables auxquelles elles sont parties; ce dialogue comprend la coopération au sein des instances internationales concernées afin de garantir une meilleure application des réglementations internationales. À cette fin, les parties s’engagent à promouvoir la coopération et l’assistance techniques sur des questions relatives à la sûreté, la sécurité et l’environnement dans le domaine des transports, notamment, mais pas uniquement, en ce qui concerne l’éducation et la formation aux transports maritime et aérien, la recherche et le sauvetage et les enquêtes sur les accidents et incidents. Les parties se concentrent également sur la promotion des modes de transport respectueux de l’environnement.»

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

13

La Commission demande à la Cour d’annuler la décision attaquée, dans la mesure où le Conseil y a ajouté les bases juridiques relatives à la réadmission des ressortissants des pays tiers (article 79, paragraphe 3, TFUE), aux transports (articles 91 TFUE et 100 TFUE) ainsi qu’à l’environnement (article 191, paragraphe 4, TFUE), de maintenir les effets de cette décision et de condamner le Conseil aux dépens.

14

Le Conseil conclut au rejet du recours et à la condamnation de la Commission aux dépens.

15

Par ordonnances du président de la Cour, respectivement, des 29 novembre 2012, 18 décembre 2012 et 25 janvier 2013, l’Irlande, le Royaume-Uni, la République tchèque, la République fédérale d’Allemagne et la République hellénique, ainsi que la République d’Autriche ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

Sur le recours

Argumentation des parties

16

À l’appui de son recours, la Commission soulève un moyen unique selon lequel l’ajout, comme bases juridiques de la décision attaquée, des articles 79, paragraphe 3, TFUE, 91 TFUE, 100 TFUE et 191, paragraphe 4, TFUE n’était pas nécessaire et était illégal.

17

Elle expose qu’il n’est pas contesté que l’objectif de l’accord-cadre est de mettre en place un cadre de coopération et de développement, ainsi que cela découle en particulier de l’article 1er, paragraphe 3, de cet accord, et que la décision attaquée devait être fondée tant sur l’article 207 TFUE que sur l’article 209 TFUE, la partie de l’accord-cadre relative au commerce ne pouvant être considérée comme purement accessoire par rapport à celle portant sur la coopération au développement. En revanche, contrairement au Conseil, elle estime que les dispositions de l’accord-cadre ayant motivé l’ajout des articles 79, paragraphe 3, TFUE, 91 TFUE, 100 TFUE et 191, paragraphe 4, TFUE sont entièrement couvertes par l’article 209 TFUE.

18

Il résulterait, en effet, des articles 21 TUE, 208 TFUE et 209 TFUE ainsi que de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt Portugal/Conseil (C‑268/94, EU:C:1996:461, points 37 et 38), que la politique de coopération au développement est menée dans le cadre d’un large éventail d’objectifs politiques visant au développement du pays tiers concerné, de sorte que les accords de coopération au développement couvrent nécessairement un grand nombre de domaines spécifiques de coopération sans que leur nature d’accords de coopération au développement ne soit affectée.

19

Cette conception large de la coopération au développement se refléterait également dans le droit dérivé, comme le montrerait le grand nombre d’actions éligibles au financement de l’Union au titre de l’instrument de coopération au développement créé par le règlement (CE) no 1905/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, portant établissement d’un instrument de financement de la coopération au développement (JO L 378, p. 41). Elle apparaîtrait également dans la déclaration conjointe du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, du Parlement européen et de la Commission sur la politique de développement de l’Union européenne, intitulée «Le consensus européen» (JO 2006, C 46, p. 1, ci-après le «consensus européen»).

20

En l’occurrence, toutes les dispositions de l’accord-cadre, à l’exception de la partie concernant le commerce et l’investissement, contribueraient à favoriser la poursuite du développement des Philippines en tant que pays en développement et n’imposeraient pas d’obligations substantielles distinctes de celles liées à la coopération au développement. Elles s’inscriraient donc dans le cadre des objectifs de la politique de coopération au développement de l’Union et relèveraient de l’article 209 TFUE.

21

Il en serait ainsi de l’article 38 de l’accord-cadre relatif aux transports, dont les prévisions n’iraient pas au-delà d’un engagement, d’ordre général, de coopérer. Il en serait de même de l’article 26, paragraphes 3 et 4, de l’accord-cadre, relatif à la réadmission des ressortissants des parties contractantes, dont le paragraphe 3 ne prévoirait qu’une simple coopération dans ce domaine et ne ferait que reproduire les principes de base déjà posés par le droit international, le paragraphe 4 du même article prévoyant la conclusion d’un accord de réadmission à un stade ultérieur. Il en serait encore de même de l’article 34 de l’accord-cadre, portant sur la protection de l’environnement et des ressources naturelles, qui n’établirait que des principes généraux et des lignes directrices sur le rôle que devrait jouer la protection de l’environnement dans la coopération au développement de l’Union à l’égard des Philippines.

22

Par ailleurs, la Commission soutient que l’ajout par le Conseil de l’article 79, paragraphe 3, TFUE produit des effets juridiques injustifiés, sur le plan tant interne qu’externe. En effet, cet ajout entraînerait, en raison du protocole (no 21) et du protocole (no 22), à la fois l’application de règles de vote différentes et incompatibles, une modification du champ d’application territorial de la décision attaquée, une insécurité juridique quant à la détermination des dispositions de l’accord-cadre relevant de l’article 79, paragraphe 3, TFUE, une limitation des droits institutionnels du Parlement européen et de la Cour de justice ainsi qu’une incertitude en ce qui concerne le degré d’exercice de la compétence de l’Union au regard des articles 3, paragraphe 2, TFUE et 4, paragraphe 2, TFUE.

23

Quant à sa demande visant à la limitation des effets de l’annulation de la décision attaquée, la Commission fait valoir qu’il est justifié de maintenir les effets de cette dernière afin d’éviter toute conséquence négative sur les relations entre l’Union et la République des Philippines.

24

Le Conseil, soutenu par tous les États membres intervenants, s’oppose à l’argumentation de la Commission en faisant observer que les accords établissant un partenariat et une coopération avec les pays tiers conclus récemment visent à établir une relation globale couvrant une multitude de domaines de coopération. La nature et le contenu de tels accords auraient évolué en lien avec l’extension des compétences de l’Union et il ne pourrait être dégagé un domaine qui serait prépondérant par rapport aux autres.

25

Dans ces conditions, le choix des bases juridiques supposerait un examen de la nature des engagements pris. Un engagement concret ou substantiel nécessiterait l’ajout d’une base juridique correspondante. L’obligation la plus limitée pouvant aboutir à un développement important des relations extérieures avec le pays tiers partie à l’accord-cadre, ne pourrait être retenu le critère proposé par la Commission selon lequel une obligation doit être suffisamment étendue pour constituer un objectif distinct de ceux de la coopération au développement.

26

Il découlerait de l’arrêt Portugal/Conseil (EU:C:1996:461) que, lorsqu’une clause figurant dans un accord contient une réglementation des modalités concrètes de mise en œuvre de la coopération dans un domaine spécifique, cet accord doit être fondé sur la base juridique correspondante. Chaque domaine spécifique d’un accord de ce type devrait être envisagé séparément, indépendamment de l’existence éventuelle d’un programme d’aide au développement mené parallèlement dans ce domaine, en prenant en considération la nature juridique, contraignante et autonome des obligations contractées.

27

Le Conseil considère que le contenu de l’accord-cadre confirme son approche, les considérants et l’article 2 de celui-ci n’attribuant pas un rôle prépondérant à un domaine particulier, comme la coopération au développement, et sa structure confirmant qu’il s’agit de mettre en place une relation globale et pluridimensionnelle.

28

Concernant les transports, il conviendrait, au vu de l’avis 1/08 (EU:C:2009:739) rendu par la Cour à propos de la politique des transports et de la politique commerciale commune, de recourir aux bases juridiques prévues par le traité FUE qui concernent expressément les transports, en l’occurrence les articles 91 TFUE et 100 TFUE. Serait erroné l’argument de la Commission selon lequel les obligations prévues dans l’accord-cadre sont simplement liées au développement des Philippines sur les plans économique, social et environnemental. L’argument selon lequel les dispositions relatives aux transports sont conformes aux objectifs de la politique de l’Union en matière de coopération au développement ne suffirait pas, quant à lui, à démontrer que ces dispositions relèvent de cette politique.

29

S’agissant de la réadmission des ressortissants des parties contractantes, l’article 26, paragraphe 3, de l’accord-cadre énoncerait des engagements juridiques clairs, devant être fondés sur la base juridique prévue par le traité FUE, à savoir l’article 79, paragraphe 3, TFUE. Le fait de faire figurer dans un tel accord des obligations consacrées par le droit international aurait des conséquences juridiques directes, notamment en cas de non-respect de ces obligations. Il serait en outre indéniable que l’accord-cadre, en ce qu’il prévoit la conclusion, dans les plus brefs délais, d’un accord d’admission et de réadmission, contient une obligation de moyens qui constitue un levier important pour obtenir de la République des Philippines un résultat qu’il serait difficile d’atteindre isolément.

30

Quant à l’environnement, les programmes et les actions prévus par l’accord-cadre devraient être fondés sur l’article 191, paragraphe 4, TFUE, qui permet à l’Union de coopérer avec les pays tiers et précise que les modalités de cette coopération peuvent faire l’objet d’accords. L’article 34 de l’accord-cadre comporterait clairement, à son paragraphe 2, une obligation, dont le respect pourrait être imposé par la voie juridique.

31

Par ailleurs, le Conseil ne partage pas les préoccupations de la Commission à propos des effets de l’ajout de l’article 79, paragraphe 3, TFUE. Il rappelle que ce ne sont pas les procédures qui définissent la base juridique d’un acte, mais c’est la base juridique d’un acte qui détermine les procédures à suivre pour adopter ce dernier. Il observe que les États membres auxquels s’applique le protocole (no 21) peuvent exercer leur droit de participer à l’adoption des décisions du Conseil relatives à la signature et à la conclusion de l’accord-cadre et que, en ce qui concerne les relations avec la République des Philippines, à défaut de contracter des obligations en vertu du titre V de la troisième partie du traité FUE en qualité d’État membre de l’Union, les États membres intéressés peuvent le faire de manière bilatérale.

32

Le Conseil ajoute, en ce qui concerne la compatibilité des bases juridiques, que le commun accord des États membres était de toute manière nécessaire, ceux-ci étant aussi parties à l’accord-cadre, et que la jurisprudence est souple à cet égard lorsqu’un acte doit être fondé sur plusieurs bases juridiques prévoyant différentes règles de vote.

33

Enfin, le Conseil partage l’avis de la Commission quant à la nécessité de maintenir les effets de la décision attaquée si celle-ci était annulée.

Appréciation de la Cour

34

Selon une jurisprudence constante, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union, y compris celui adopté en vue de la conclusion d’un accord international, doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent, notamment, le but et le contenu de cet acte. Si l’examen d’un acte de l’Union démontre que ce dernier poursuit une double finalité ou qu’il a une double composante et si l’une de celles-ci est identifiable comme étant principale ou prépondérante, tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante. À titre exceptionnel, s’il est établi que l’acte poursuit plusieurs objectifs, qui sont liés d’une façon indissociable, sans que l’un soit second et indirect par rapport à l’autre, un tel acte doit être fondé sur les différentes bases juridiques correspondantes. Toutefois, le cumul de deux bases juridiques est exclu lorsque les procédures prévues par l’une ou l’autre base juridique sont incompatibles (voir, notamment, arrêt Parlement/Conseil, C‑130/10, EU:C:2012:472, points 42 à 45 et jurisprudence citée).

35

En l’occurrence, il y a lieu de déterminer si, parmi les dispositions de l’accord-cadre, celles relatives à la réadmission des ressortissants des parties contractantes, aux transports et à l’environnement relèvent également de la politique de coopération au développement ou si elles excèdent le cadre de cette politique et, partant, imposent de fonder la décision attaquée sur des bases juridiques complémentaires.

36

Selon l’article 208, paragraphe 1, TFUE, la politique de l’Union dans le domaine de la coopération au développement est menée dans le cadre des principes et des objectifs de l’action extérieure de l’Union tels qu’ils découlent de l’article 21 TUE. L’objectif principal de cette politique est la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté et l’Union doit tenir compte des objectifs de la coopération au développement dans la mise en œuvre des politiques qui sont susceptibles d’affecter les pays en développement. Pour la mise en œuvre de cette politique, l’article 209 TFUE, sur lequel est fondée, entre autres, la décision attaquée, prévoit notamment, à son paragraphe 2, que l’Union peut conclure avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes tout accord utile à la réalisation des objectifs visés à l’article 21 TUE et à l’article 208 TFUE.

37

Il en découle que la politique de l’Union dans le domaine de la coopération au développement ne se limite pas aux mesures visant directement l’éradication de la pauvreté, mais poursuit aussi les objectifs visés à l’article 21, paragraphe 2, TUE, tels que celui, énoncé à ce paragraphe 2, sous d), consistant à soutenir le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d’éradiquer la pauvreté.

38

Pour vérifier si certaines dispositions d’un accord de coopération conclu entre la Communauté européenne et un État tiers relevaient bien de la politique de coopération au développement, la Cour a considéré, aux points 37 et 38 de l’arrêt Portugal/Conseil (EU:C:1996:461) invoqué par la Commission, que, pour être qualifié d’accord de coopération au développement, un accord doit poursuivre les objectifs visés par cette politique, que ces objectifs sont larges en ce sens que les mesures nécessaires à leur poursuite doivent pouvoir concerner différentes matières spécifiques et qu’il en est ainsi notamment dans le cas d’un accord qui fixe le cadre de cette coopération. À cet égard, elle a ajouté qu’exiger qu’un accord de coopération au développement soit également fondé sur une autre disposition que celle relative à cette politique chaque fois qu’il affecterait une matière spécifique serait, en pratique, de nature à vider de leur substance la compétence et la procédure prévues par cette dernière disposition.

39

La Cour en a conclu, au point 39 de cet arrêt, qu’il convient de considérer que la présence, dans un accord de coopération au développement, de clauses concernant différentes matières spécifiques ne saurait modifier la qualification de cet accord qui doit être faite en considération de l’objet essentiel de celui-ci et non en fonction des clauses particulières, à condition que ces clauses ne comportent pas des obligations d’une telle portée dans les matières spécifiques visées que ces obligations constituent en réalité des objectifs distincts de ceux de la coopération au développement.

40

En examinant les dispositions dudit accord relatives aux matières spécifiques en cause, la Cour a constaté, au point 45 du même arrêt, qu’elles se bornaient à déterminer les domaines faisant l’objet de la coopération et à en préciser certains aspects et certaines actions, mais ne contenaient pas une réglementation des modalités concrètes de mise en œuvre de la coopération dans chaque domaine spécifique envisagé.

41

Les critères ainsi établis par la Cour aux points 39 et 45 de cet arrêt pour apprécier si des clauses d’un accord conclu avec un pays tiers relèvent de la coopération au développement ne sont pas, ainsi que cela ressort du mémoire en duplique et des débats lors de l’audience, remis en cause par le Conseil. Cependant, soutenu par les États membres intervenants, ce dernier estime que l’analyse effectuée par la Cour à propos de l’accord de coopération entre la Communauté européenne et la république de l’Inde relatif au partenariat et au développement (JO 1994, L 223, p. 24), entré en vigueur le 1er août 1994, n’est pas transposable à l’accord-cadre qui, en raison de l’évolution des accords de coopération conclus depuis lors entre l’Union et les pays tiers, caractérisée notamment par une extension, en lien avec celle des compétences de l’Union, des domaines couverts par ces accords et un renforcement des engagements contractés, serait d’une nature différente.

42

À cet égard, il convient toutefois d’observer, en premier lieu, que cette évolution, loin d’infirmer les appréciations effectuées par la Cour dans l’arrêt Portugal/Conseil (EU:C:1996:461) et rappelées au point 38 du présent arrêt, traduit au contraire un accroissement des objectifs de la coopération au développement et des matières concernées par celle-ci, reflétant la vision de l’Union pour le développement exposée dans le consensus européen. En effet, ainsi que le relève M. l’avocat général aux points 40 et 41 de ses conclusions et qu’il ressort notamment des points 5 et 7 du consensus européen, l’objectif principal de la coopération au développement est l’éradication de la pauvreté dans le contexte du développement durable, notamment en s’efforçant de réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement. La notion de développement durable inclut notamment des aspects environnementaux. L’éradication de la pauvreté ayant de multiples aspects, la réalisation de ces objectifs suppose, selon le point 12 du consensus européen, de mettre en œuvre toute une gamme d’activités de développement mentionnées audit point.

43

Cette conception large de la coopération au développement a notamment été concrétisée par l’adoption du règlement no 1905/2006 qui, pour soutenir la poursuite des mêmes objectifs, prévoit de mettre en œuvre l’aide de l’Union au moyen de programmes géographiques et thématiques comportant de nombreux aspects.

44

Cependant, une mesure, même si elle contribue au développement économique et social de pays en voie de développement, ne relève pas de la politique de coopération au développement si elle a pour objet principal la mise en œuvre d’une autre politique (voir, en ce sens, arrêt Commission/Conseil (C‑91/05, EU:C:2008:288, point 72).

45

En second lieu, il doit être constaté que le terme «développement», à la différence de l’accord de coopération conclu entre la Communauté européenne et la république de l’Inde relatif au partenariat et au développement, ne figure pas dans l’intitulé de l’accord-cadre. La coopération au développement n’y est mentionnée à l’article 2, sous h), qu’au titre de la «coopération dans tous les autres domaines d’intérêt commun», au même titre que les transports et l’environnement, tandis que la mise en place d’une coopération en matière de migration y figure, à l’article 2, sous g), comme un objectif distinct. Elle fait l’objet, en tant que telle, d’un seul article, à savoir l’article 29, parmi les 58 articles de l’accord-cadre.

46

Néanmoins, dans le préambule de l’accord-cadre est affirmée la volonté des parties contractantes de favoriser le développement socio-économique durable, l’éradication de la pauvreté et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. L’engagement de promouvoir le développement durable, de coopérer pour relever les défis du changement climatique et de contribuer à la réalisation des objectifs de développement adoptés au niveau international, notamment les objectifs du Millénaire pour le développement, fait partie des principes généraux énoncés à l’article 1er de l’accord-cadre. L’objectif d’un développement durable et d’une réduction de la pauvreté n’est pas seulement énoncé à l’article 29 dudit accord qui précise les axes du dialogue relatif à la coopération au développement, mais est également affirmé dans d’autres dispositions de celui-ci, notamment celles consacrées à l’emploi et aux affaires sociales, à l’agriculture, à la pêche et au développement rural ainsi qu’au développement régional.

47

De plus, il ressort de l’ensemble de l’accord-cadre que la coopération et le partenariat prévus par celui-ci tiennent compte particulièrement des besoins d’un pays en développement et, partant, contribuent à favoriser notamment la poursuite des objectifs visés aux articles 21, paragraphe 2, sous d), TUE et 208, paragraphe 1, TFUE.

48

Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient, aux fins de ce qui est énoncé au point 35 du présent arrêt, d’examiner si les dispositions de l’accord-cadre relatives à la réadmission des ressortissants des parties contractantes, aux transports et à l’environnement contribuent également à la poursuite des objectifs de la coopération au développement et, dans l’affirmative, si ces dispositions ne contiennent cependant pas des obligations d’une portée telle qu’elles constituent des objectifs distincts qui ne sont ni seconds ni indirects par rapport à ceux de la coopération au développement.

49

Concernant, en premier lieu, la contribution de ces dispositions à la poursuite des objectifs de la coopération au développement, il convient de constater que, ainsi que le relève M. l’avocat général aux points 48, 55 et 63 de ses conclusions, la migration, y compris la lutte contre l’immigration clandestine, les transports et l’environnement sont intégrés dans la politique de développement définie dans le consensus européen. Au point 12 de ce dernier, la migration de même que l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles font partie de la gamme d’activités de développement envisagées pour réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement et tenir compte des aspects économiques, sociaux et environnementaux de l’éradication de la pauvreté dans le cadre du développement durable. Les migrations y sont conçues, au point 38, comme devant être un facteur positif de développement contribuant à la réduction de la pauvreté et le développement, au point 40, comme étant la réponse la plus efficace à long terme aux migrations forcées et illégales. L’environnement et les transports y figurent, aux points 75 et 77, parmi les principaux domaines d’action de l’Union pour répondre aux besoins des pays partenaires.

50

De même, les migrations, les transports et l’environnement sont inscrits dans le règlement no 1905/2006 comme des domaines de coopération au développement pouvant bénéficier de l’aide de l’Union au moyen de programmes géographiques, notamment en faveur des pays de l’Asie, et, concernant l’environnement et les migrations, de programmes thématiques.

51

L’accord-cadre fait apparaître lui-même un lien entre la coopération qu’il vise à établir en matière de migration, de transports et d’environnement, d’une part, et les objectifs de la coopération au développement, d’autre part.

52

Ainsi, premièrement, l’article 26 de celui-ci, intitulé, d’ailleurs, «Coopération en matière de migration et de développement», indique que les questions de migration sont intégrées aux stratégies nationales pour le développement socio-économique des pays d’origine, de transit et de destination des migrants et que cette coopération sera notamment axée sur les questions de migration et de développement.

53

Deuxièmement, à l’article 34 de l’accord-cadre, les parties conviennent que la coopération dans le domaine de l’environnement et des ressources naturelles doit promouvoir la sauvegarde et l’amélioration de l’environnement dans un but de développement durable et renforcer l’intégration des considérations environnementales dans tous les domaines de coopération. De telles considérations sont ainsi contenues dans d’autres dispositions de l’accord-cadre et, en particulier, à l’article 29 sur la coopération au développement qui prévoit que le dialogue relatif à celle-ci sera notamment axé sur la promotion de la durabilité environnementale.

54

Troisièmement, l’article 38 de l’accord-cadre énonce que les parties s’efforcent de coopérer dans le domaine des transports en vue, notamment, d’agir sur leur impact environnemental et qu’elles entendent promouvoir, dans ce domaine, des échanges d’informations et un dialogue sur différents sujets, dont certains ont trait au développement.

55

Il résulte de ces constatations que les dispositions de l’accord-cadre relatives à la réadmission des ressortissants des parties contractantes, aux transports et à l’environnement, en cohérence avec le consensus européen, contribuent à la poursuite des objectifs de la coopération au développement.

56

S’agissant, en second lieu, de la portée des obligations énoncées dans ces dispositions, force est de constater que l’article 34 relatif à l’environnement et aux ressources naturelles et l’article 38 relatif aux transports se limitent à des déclarations des parties contractantes sur les buts que doit poursuivre leur coopération et les thèmes sur lesquels celle-ci devra porter, sans déterminer les modalités concrètes de mise en œuvre de cette coopération.

57

Quant à la réadmission des ressortissants des parties contractantes, l’article 26, paragraphe 3, de l’accord-cadre contient, à la différence des dispositions visées au point précédent du présent arrêt, des obligations précises. En effet, la République des Philippines et les États membres s’y engagent à réadmettre leurs ressortissants qui ne remplissent pas ou plus les conditions d’entrée ou de résidence sur le territoire de l’autre partie, sur demande de celle-ci et dans un délai raisonnable, dès que la nationalité de ces ressortissants a été établie et que les règles de procédure ont été respectées, ainsi qu’à fournir à leurs ressortissants les documents nécessaires à cette fin. Ils conviennent également de conclure, dans les plus brefs délais, un accord d’admission et de réadmission.

58

Si ledit article 26, paragraphe 3, contient, certes, des précisions concernant le traitement des demandes de réadmission, il demeure que, ainsi qu’il ressort du paragraphe 2, sous f), du même article, la réadmission de personnes en séjour irrégulier figure dans cet article comme l’un des axes sur lesquels la coopération en matière de migration et de développement devra porter, sans faire l’objet à ce stade de dispositions détaillées permettant de la mettre en œuvre, telles que celles contenues dans un accord de réadmission. Il ne peut dès lors être considéré que l’article 26 de l’accord-cadre contient une réglementation des modalités concrètes de la mise en œuvre de la coopération en matière de réadmission des ressortissants des parties contractantes, ce qui est conforté par l’engagement, au paragraphe 4 de cet article, de conclure à bref délai un accord de réadmission.

59

Il apparaît, par conséquent, que les dispositions de l’accord-cadre relatives à la réadmission des ressortissants des parties contractantes, aux transports et à l’environnement ne contiennent pas d’obligations d’une portée telle qu’il puisse être considéré qu’elles constituent des objectifs distincts de ceux de la coopération au développement, qui ne soient ni seconds ni indirects par rapport à ces derniers.

60

Il s’ensuit que c’est à tort que le Conseil a retenu, comme bases juridiques de la décision attaquée, les articles 79, paragraphe 3, TFUE, 91 TFUE, 100 TFUE et 191, paragraphe 4, TFUE.

61

Au vu des considérations qui précèdent, il convient d’annuler la décision attaquée dans la mesure où le Conseil y a ajouté les bases juridiques relatives à la réadmission des ressortissants des pays tiers, aux transports et à l’environnement.

62

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la Commission et du Conseil tendant au maintien des effets de la décision attaquée.

Sur les dépens

63

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Conseil aux dépens et celui-ci ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens.

64

Conformément à l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement, la République tchèque, la République fédérale d’Allemagne, l’Irlande, la République hellénique, la République d’Autriche et le Royaume-Uni supporteront leurs propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

 

1)

La décision 2012/272/UE du Conseil, du 14 mai 2012, relative à la signature, au nom de l’Union, d’un accord-cadre de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République des Philippines, d’autre part, est annulée dans la mesure où le Conseil de l’Union européenne y a ajouté les bases juridiques relatives à la réadmission des ressortissants des pays tiers, aux transports et à l’environnement.

 

2)

Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

 

3)

La République tchèque, la République fédérale d’Allemagne, l’Irlande, la République hellénique, la République d’Autriche ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.