ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

18 juillet 2013 ( *1 )

«Demande de décision préjudicielle — Agriculture — Organisation commune des marchés — Règlement (CEE) no 3665/87 — Restitutions à l’exportation — Détournement de la marchandise destinée à l’exportation — Obligation de remboursement par l’exportateur — Absence de communication, par les autorités compétentes, des informations relatives à la fiabilité du cocontractant, soupçonné de fraude — Cas de force majeure — Absence»

Dans l’affaire C‑99/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique), par décision du 9 février 2012, parvenue à la Cour le 24 février 2012, dans la procédure

Eurofit SA

contre

Bureau d’intervention et de restitution belge (BIRB),

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme M. Berger, président de chambre, MM. E. Levits et J.-J. Kasel (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour Eurofit SA, par Me S. Woog, avocate,

pour le gouvernement belge, par Mme M. Jacobs et M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents, assistés de Mes B. De Moor et V. van Steenkiste, avocats,

pour la Commission européenne, par MM. B. Burggraaf et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la notion de force majeure au sens du règlement (CEE) no 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2945/94 de la Commission, du 2 décembre 1994 (JO L 310, p. 57, ci-après le «règlement no 3665/87»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Eurofit SA (ci-après «Eurofit») au Bureau d’intervention et de restitution belge (BIRB) au sujet du remboursement de restitutions à l’exportation versées à cette société sur le fondement de documents falsifiés.

Le cadre juridique

3

Les premier et deuxième considérants du règlement no 2945/94 étaient libellés comme suit:

«considérant que la réglementation communautaire en vigueur prévoit l’octroi de restitutions à l’exportation sur la seule base de critères objectifs, notamment en ce qui concerne la quantité, la nature et les caractéristiques du produit exporté ainsi que la destination géographique de celui-ci; que, à la lumière des expériences acquises, la lutte contre les irrégularités, et surtout la fraude, au détriment du budget communautaire mérite d’être renforcée; que, à cet effet, il est nécessaire de prévoir la récupération des montants indûment versés ainsi que des sanctions de façon à inciter les exportateurs à respecter la réglementation communautaire;

considérant que, pour garantir le bon fonctionnement du système des restitutions à l’exportation, des sanctions doivent être appliquées quel que soit l’aspect subjectif de la faute; qu’il convient cependant de renoncer à l’application de sanctions dans certains cas, notamment d’erreur manifeste reconnue par l’autorité compétente, et de prévoir des sanctions plus lourdes s’il y a un acte intentionnel».

4

Le règlement no 3665/87 prévoyait la possibilité pour les opérateurs exportant des produits agricoles en dehors du territoire de l’Union européenne de bénéficier de restitutions à l’exportation.

5

L’article 5 du règlement no 3665/87 disposait:

«1.   Le paiement de la restitution différenciée ou non différenciée est subordonné, en sus de la condition que le produit ait quitté le territoire douanier de la Communauté, à la condition que le produit ait été, sauf s’il a péri en cours de transport par suite d’un cas de force majeure, importé dans un pays tiers et, le cas échéant, dans un pays tiers déterminé dans les douze mois suivant la date d’acceptation de la déclaration d’exportation:

[…]

3.   Lorsque le produit, après avoir quitté le territoire douanier de la Communauté, a péri en cours de transport par suite d’un cas de force majeure,

en cas de restitution différenciée, le montant de la partie de la restitution définie conformément aux dispositions de l’article 20 est payé,

en cas de restitution non différenciée, le montant total de la restitution est payé.»

6

L’article 11, paragraphe 1, du même règlement énonçait:

«Lorsqu’il est constaté que, en vue de l’octroi d’une restitution à l’exportation, un exportateur a demandé une restitution supérieure à la restitution applicable, la restitution due pour l’exportation en question est la restitution applicable au produit effectivement exporté, diminuée d’un montant correspondant:

a)

à la moitié de la différence entre la restitution demandée et la restitution applicable à l’exportation effectivement réalisée;

b)

au double de la différence entre la restitution demandée et la restitution applicable si l’exportateur a fourni intentionnellement des données fausses.

[…]

La sanction en question au point a) n’est pas applicable:

en cas de force majeure,

dans certains cas exceptionnels, caractérisés par des circonstances qui échappent au contrôle de l’exportateur, et qui apparaissent après l’acceptation, par les autorités compétentes, de la déclaration d’exportation ou de la déclaration de paiement, et à la condition que, dès qu’il constate ces circonstances et dans le délai prévu à l’article 47 paragraphe 2, l’exportateur en informe les autorités compétentes, à moins que celles-ci n’aient déjà constaté l’irrégularité de la restitution demandée,

en cas d’erreur manifeste sur la restitution demandée, reconnue par l’autorité compétente,

[…]

Lorsque la réduction visée aux points a) ou b) aboutit à un montant négatif, ce montant négatif est payé par l’exportateur.

[…]»

Le litige au principal et la question préjudicielle

7

Eurofit est une société de droit belge active dans le secteur de la transformation du lait et de l’exportation de produits laitiers dans des pays tiers.

8

Au mois de juillet 1996, Eurofit a procédé à l’exportation de beurre vers l’Albanie en passant par l’Italie. Le transport de la marchandise était prévu par camion jusqu’à Bari (Italie), la suite du transport étant effectuée par bateau jusqu’en Albanie.

9

L’intermédiaire italien chargé de l’exportation était la société italienne Di Fenza & Figli (ci-après «Di Fenza»). Le paiement de la marchandise devait être effectué avant la livraison et le montant de la restitution être couvert par une garantie bancaire.

10

La première livraison a donné lieu à des suspicions au sujet de la fiabilité de l’intermédiaire. En effet, la marchandise a été détournée vers Naples (Italie), le lieu d’entreposage n’était pas connu et il n’existait aucune liaison navale entre cette ville et l’Albanie.

11

Ayant pris contact avec les autorités consulaires belges à Naples, Eurofit a décidé de rapatrier le camion de marchandises tout en informant le BIRB de cette décision.

12

Après avoir été rassurée par ledit intermédiaire, Eurofit a fait partir un nouveau camion de 22 tonnes de beurre. Ce dernier est arrivé à Bari le 14 août 1996.

13

Le 10 septembre 1996, le BIRB a confirmé à Eurofit la réception du document T5 muni des cachets nécessaires émanant des autorités compétentes et a procédé au versement de la première restitution à l’exportation s’élevant à 1 521 670 BEF.

14

En outre, Eurofit s’est vu remettre par Di Fenza un document du ministère des Finances italien adressé au BIRB ainsi qu’un document de mise en circulation en Albanie de la marchandise exportée.

15

Eurofit a procédé à une deuxième livraison, le 26 septembre 1996, payée au comptant par Di Fenza. Néanmoins, le chèque émis en garantie de la restitution s’est avéré non provisionné.

16

Le 31 octobre 1996, le BIRB a confirmé la réception du document T5 afférent à cette deuxième livraison.

17

Eurofit a ainsi fait partir, au cours des mois de juillet à novembre 1996, un total de dix camions transportant chacun 22 tonnes de beurre.

18

Cette société a perçu, de la part du BIRB, pour la livraison des cinq premiers camions ainsi que pour celle du septième camion, des restitutions à l’exportation d’un montant de 9266133 BEF (229701,44 euros).

19

En revanche, le BIRB a bloqué les paiements afférents à la marchandise transportée par les sixième, neuvième et dixième camions.

20

S’agissant du huitième camion, qui avait été saisi par les autorités italiennes, Eurofit a déposé une plainte auprès des juridictions italiennes compétentes contre M. Di Fenza. En 2003, ce dernier a été pénalement condamné pour falsification des documents T1 et T5.

21

Il s’est avéré par la suite que l’ensemble des marchandises exportées n’avait vraisemblablement jamais quitté le territoire de l’Union et que les documents de transport envoyés au BIRB étaient des faux.

22

Le 10 mars 1998, le BIRB a réclamé à Eurofit le remboursement des restitutions indûment versées, majorées des sommes correspondant à la sanction prévue à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 3665/87. Par la suite, le BIRB a toutefois renoncé à réclamer le montant correspondant à cette même sanction.

23

Au mois de juillet 1999, Eurofit a proposé de rembourser au BIRB les restitutions qu’elle avait perçues, en précisant toutefois que ce paiement ne préjugeait pas de son droit à agir en justice contre ce dernier.

24

Au mois de septembre 2001, Eurofit a cité le BIRB devant la juridiction de renvoi afin d’obtenir la condamnation de ce dernier au remboursement desdites restitutions, s’élevant à un montant de 229701,43 euros, ainsi qu’au versement des restitutions dues pour les sixième, huitième, neuvième et dixième camions, d’un montant de 164299,79 euros. En outre, Eurofit a demandé à être libérée du paiement des pénalités pour non-utilisation des certificats d’exportation.

25

La demande d’Eurofit est fondée sur le principe de l’exception de force majeure au sens du règlement no 3665/87, notion qui se caractériserait par l’existence de circonstances étrangères à l’exportateur, anormales et imprévisibles, dont les conséquences ne peuvent pas être évitées malgré toutes les diligences déployées.

26

Si Eurofit admet que le seul fait des malversations commises par son cocontractant, à savoir Di Fenza, ne peut être constitutif d’un cas de force majeure, puisque le choix du cocontractant est considéré comme un risque relevant de la sphère de l’opérateur économique, elle fait valoir, en se fondant sur l’arrêt du 7 septembre 1999, De Haan (C-61/98, Rec. p. I-5003), que, dans le cas d’espèce, dès lors que les autorités nationales compétentes l’ont empêchée, en raison de leur attitude, de se faire une idée correcte des risques encourus dans l’opération concernée et ne l’ont pas dissuadée d’entamer ni de poursuivre ses exportations en cause, elle serait susceptible de bénéficier de l’exception de force majeure.

27

Le BIRB conteste l’existence de toute faute qui lui serait imputable et estime, au contraire, qu’Eurofit s’est abstenue de déployer toutes les diligences nécessaires pour éviter le préjudice subi. Pour ce qui est de l’arrêt De Haan, précité, le BIRB considère qu’il a été rendu dans le cadre d’une réglementation différente de celle applicable au litige au principal et qu’il n’est dès lors pas transposable aux dispositions du règlement no 3665/87.

28

S’agissant de l’argumentation du BIRB consistant à soutenir qu’il n’aurait commis aucune faute, la juridiction de renvoi observe que l’exception de force majeure soulevée par Eurofit n’est pas assimilable au concept de faute commise par les autorités nationales compétentes. En revanche, elle estime que le fait que ces dernières ont, le cas échéant, sciemment tenu Eurofit dans l’ignorance d’éléments concernant ses exportations ainsi que celui de ne pas avoir procédé à la vérification des documents douaniers, même si une telle abstention était justifiée par l’existence d’une enquête pénale en cours, semblent pertinents dans l’appréciation de la notion de force majeure, dans la mesure où l’évaluation par Eurofit de la fiabilité de son cocontractant s’en est trouvée faussée.

29

C’est dans ces conditions que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Lorsque les autorités compétentes s’abstiennent de fournir des informations demandées, ou communiquent délibérément des informations erronées à un opérateur économique, en faussant son appréciation quant à la fiabilité d’un cocontractant sur lequel pèse un soupçon de fraude, peut-on considérer qu’il s’agit d’un cas de force majeure au sens du règlement [no] 3665/87 portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles?»

Sur la question préjudicielle

30

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions du règlement no 3665/87 doivent être interprétées en ce sens que l’omission par les autorités nationales compétentes d’informer l’exportateur de l’existence d’un risque de fraude commis par le cocontractant de ce dernier constitue un cas de force majeure au sens de ce règlement.

31

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de force majeure doit être entendue dans le sens de circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (arrêts du 5 février 1987, Denkavit België, 145/85, Rec. p. 565, point 11; du 5 octobre 2006, Commission/Belgique, C-377/03, Rec. p. I-9733, point 95, ainsi que du 18 mars 2010, SGS Belgium e.a., C-218/09, Rec. p. I-2373, point 44).

32

La notion de force majeure n’ayant pas un contenu identique dans les divers domaines d’application du droit de l’Union, sa signification doit être déterminée en fonction du cadre légal dans lequel elle est destinée à produire ses effets (voir, notamment, arrêts du 7 décembre 1993, Huygen e.a., C-12/92, Rec. p. I-6381, point 30; du 13 octobre 1993, An Bord Bainne Co-operative et Compagnie Inter-Agra, C-124/92, Rec. p. I-5061, point 10, ainsi que SGS Belgium e.a., précité, point 45).

33

Pour ce qui est du règlement no 3665/87, il convient de relever que les articles 5 et 11 de celui-ci, relatifs aux conditions de paiement de la restitution ainsi qu’à la récupération des montants indûment versés et aux sanctions applicables, se réfèrent de manière explicite au cas de force majeure.

34

Ces dispositions sont appelées à préciser et à limiter les effets de la force majeure en matière de restitutions à l’exportation (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 1998, First City Trading e.a., C-263/97, Rec. p. I-5537, point 41).

35

En premier lieu, s’agissant de l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 3665/87, le paiement de la restitution est subordonné, outre la condition selon laquelle le produit doit avoir quitté le territoire douanier de l’Union, à la condition que le produit ait été importé dans le pays tiers d’exportation (voir, en ce sens, arrêts précités First City Trading e.a., point 27, ainsi que SGS Belgium e.a., point 40). En effet, la réglementation de l’Union telle qu’en vigueur à la date des faits au principal prévoit l’octroi de restitutions à l’exportation sur la seule base de critères objectifs, notamment en ce qui concerne la quantité, la nature et les caractéristiques du produit exporté ainsi que la destination géographique de celui-ci (arrêt du 11 juillet 2002, Käserei Champignon Hofmeister, C-210/00, Rec. p. I-6453, point 40).

36

Dérogeant à ce principe, l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 3665/87 prévoit que le paiement d’une restitution est néanmoins assuré lorsque le produit, après avoir quitté le territoire douanier de l’Union, a péri en cours de transport par suite d’un cas de force majeure, de sorte qu’il n’a pas pu être mis à la consommation dans le pays tiers d’exportation (arrêt SGS Belgium e.a., précité, point 43).

37

Dans la mesure où ledit article 5, paragraphe 3, constitue une exception au régime normal des restitutions à l’exportation, il doit être d’interprétation stricte. L’existence d’un cas de force majeure étant une condition sine qua non pour pouvoir prétendre à un paiement de restitutions pour des marchandises exportées qui n’ont pas été mises à la consommation dans le pays tiers d’exportation, il s’ensuit que cette notion doit être interprétée de telle sorte que le nombre de cas pouvant bénéficier d’un tel paiement reste limité (arrêt SGS Belgium e.a., précité, point 46, ainsi que, par analogie, arrêt du 20 novembre 2008, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading/Commission, C-38/07 P, Rec. p. I-8599, point 60).

38

En second lieu, s’agissant de l’article 11 du règlement no 3665/87, il découle des premier et deuxième considérants du règlement no 2945/94 que, à la lumière des expériences acquises, la lutte contre les irrégularités, et surtout contre la fraude opérée au détriment du budget de l’Union, mérite d’être renforcée et qu’il est, dès lors, nécessaire de prévoir la récupération des montants indûment versés ainsi que des sanctions, l’aspect subjectif de la faute commise étant dépourvu d’incidence à cet égard (voir, en ce sens, arrêt Käserei Champignon Hofmeister, précité, points 40 et 60). Ainsi, cet article 11 rend l’exportateur responsable, sous peine de sanctions, de l’exactitude de la déclaration, tenant précisément compte du rôle de celui-ci en tant que dernier intervenant dans la chaîne de production, de transformation et d’exportation des produits agricoles (voir, en ce sens, arrêt Käserei Champignon Hofmeister, précité, points 62 et 81).

39

Concernant la sanction applicable, l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement no 3665/87 dispose que, lorsqu’un exportateur a demandé une restitution supérieure à la restitution applicable au produit effectivement exporté, celle-ci sera diminuée soit du montant correspondant à la moitié de la différence entre la restitution demandée et celle applicable à l’exportation effectivement réalisée, soit d’un montant égal au double de la différence entre la restitution demandée et la restitution applicable lorsqu’il s’avère que l’exportateur a fourni intentionnellement des données fausses.

40

Dès lors, c’est uniquement le niveau de la sanction qui augmente s’il y a un acte intentionnel et la sanction prévue audit article 11, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), est applicable même lorsque l’exportateur n’a pas commis de faute. Dans cette dernière hypothèse, ce n’est que dans les cas limitativement énumérés au troisième alinéa dudit paragraphe 1 que la sanction prévue au premier alinéa de celui-ci n’est pas applicable (arrêt du 24 avril 2008, AOB Reuter, C-143/07, Rec. p. I-3171, point 17).

41

Parmi les exceptions énumérées à l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 3665/87 figurent notamment le cas de force majeure, certains cas exceptionnels caractérisées par des circonstances échappant au contrôle de l’exportateur ainsi que le cas d’erreur manifeste sur la restitution demandée, reconnue par l’autorité compétente.

42

Toutefois, il importe de rappeler que ces dispositions libèrent les exportateurs uniquement du paiement des pénalités, mais non pas du remboursement des restitutions perçues à l’avance (voir, en ce sens, arrêt First City Trading e.a., précité, point 46).

43

La Cour a jugé à cet égard qu’il ne saurait être ajouté à la liste exhaustive contenue à l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 3665/87 un nouveau cas d’exonération, tiré notamment de l’absence de comportement fautif de l’exportateur. En effet, même si la faute ou l’erreur commise par un cocontractant de ce dernier sont susceptibles de constituer une circonstance échappant au contrôle de l’exportateur, il n’en demeure pas moins qu’elles relèvent d’un risque commercial habituel et ne sauraient être considérées comme imprévisibles dans le cadre de transactions commerciales. L’exportateur est libre du choix de ses cocontractants et il lui appartient de prendre les précautions appropriées soit en incorporant des clauses en ce sens dans les contrats qu’il conclut avec ces derniers, soit en contractant une assurance spécifique (voir, en ce sens, arrêts précités Käserei Champignon Hofmeister, point 80 et jurisprudence citée, ainsi que AOB Reuter, point 36).

44

En l’occurrence, il y a lieu d’observer que les faits en cause dans l’affaire au principal ne sauraient constituer un cas de force majeure au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 3665/87.

45

En effet, la marchandise en question, qui n’a, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, vraisemblablement jamais quitté le territoire de l’Union, ne peut être considérée comme ayant péri au cours du transport au sens de l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 3665/87.

46

En outre, Eurofit ne saurait se prévaloir de l’exception de force majeure prévue à l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, premier tiret, du règlement no 3665/87. En effet, il est constant que le cocontractant d’Eurofit a été pénalement condamné pour falsification de documents dans le cadre des restitutions à l’exportation. Conformément à la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt, une telle circonstance relève du risque commercial habituel dans le cadre des transactions commerciales et ne saurait, dès lors, être considérée comme imprévisible dans les relations contractuelles liées à l’occasion d’une exportation bénéficiant d’une restitution.

47

Au demeurant, il importe de constater que, même si le comportement d’une administration douanière tel que celui reproché au BIRB dans l’affaire au principal, consistant à ne pas transmettre des informations à l’exportateur, voire à transmettre de manière délibérée des informations erronées, est susceptible d’être pris en considération dans l’appréciation de certains cas exceptionnels au sens de l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, deuxième tiret, du règlement no 3665/87, un tel comportement ne saurait toutefois dispenser l’exportateur concerné de son obligation de remboursement des restitutions indûment perçues (voir, par analogie, arrêt Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading/Commission, précité, point 65).

48

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt De Haan, précité. En effet, d’une part, la Cour a considéré, au point 32 de cet arrêt, que les besoins d’une enquête destinée à identifier et à appréhender les auteurs et complices d’une fraude perpétrée ou en préparation peuvent légitimement justifier l’omission délibérée d’informer, en tout ou en partie, l’opérateur économique concerné. D’autre part, la Cour a jugé, aux points 53 et 54 du même arrêt, que les besoins d’une telle enquête sont, en l’absence de toute manœuvre ou négligence imputable au redevable et pour des motifs d’équité, susceptibles de constituer une situation particulière au regard de la législation applicable aux faits en cause dans cette affaire, à savoir l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1430/79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation (JO L 175, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) no 3069/86 du Conseil, du 7 octobre 1986 (JO L 286, p. 1).

49

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’omission par les autorités douanières compétentes d’informer l’exportateur de l’existence d’un risque de fraude commise par le cocontractant de ce dernier ne constitue pas un cas de force majeure au sens des dispositions du règlement no 3665/87, et, notamment, de l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, premier tiret, de ce règlement. Si une telle omission est susceptible de constituer un cas exceptionnel au sens de l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, deuxième tiret, du règlement no 3665/87, elle ne saurait toutefois dispenser cet exportateur de son obligation de rembourser les restitutions à l’exportation indûment perçues, ce dernier étant uniquement exonéré du paiement des pénalités dues en vertu de ce même article 11.

Sur les dépens

50

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

 

L’omission par les autorités douanières compétentes d’informer l’exportateur de l’existence d’un risque de fraude commise par le cocontractant de ce dernier ne constitue pas un cas de force majeure au sens des dispositions du règlement (CEE) no 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles, tel que modifié par le règlement (CE) no 2945/94 de la Commission, du 2 décembre 1994, et, notamment, de l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, premier tiret, de ce règlement. Si une telle omission est susceptible de constituer un cas exceptionnel au sens de l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, deuxième tiret, du règlement no 3665/87, tel que modifié par le règlement no 2945/94, elle ne saurait toutefois dispenser cet exportateur de son obligation de rembourser les restitutions à l’exportation indûment perçues, ce dernier étant uniquement exonéré du paiement des pénalités dues en vertu de ce même article 11.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le français.