CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME VERICA TRSTENJAK

présentées le 15 mai 2012 ( 1 )

Affaire C‑40/11

Yoshikazu Iida

contre

Stadt Ulm

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg (Allemagne)]

«Article 6 TUE — Articles 20 TFUE et 21 TFUE — Articles 7, 24 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Articles 2, 3, 7, paragraphe 2, 10 et 12 de la directive 2004/38/CE — Article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales — Protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales — Enfant mineur, ressortissant d’un État membre, ayant déménagé avec sa mère vers un autre État membre — Droit de séjour, dans l’État d’origine de son enfant, d’un ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale — Champ d’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Mise en œuvre du droit de l’Union»

I – Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle porte sur la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure et dans quelles conditions les ressortissants de pays tiers peuvent prétendre, en vertu de la législation européenne, à un droit de séjour en raison des relations familiales et personnelles qui les unissent à un citoyen mineur de l’Union européenne. Le renvoi préjudiciel se rapporte ainsi à la problématique examinée dans les arrêts Ruiz Zambrano ( 2 ) et Dereci e.a. ( 3 ), c’est-à-dire à la question de savoir dans quelle mesure le droit de séjour d’un citoyen de l’Union s’étend aux ressortissants de pays tiers. À cet égard, la présente affaire présente pour particularité que le ressortissant du pays tiers ne demande pas le droit de séjour dans l’État membre dans lequel réside sa fille, citoyenne de l’Union.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

2.

L’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), intitulé «Respect de la vie privée et familiale», énonce:

«Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications.»

3.

L’article 24 de la Charte dispose, sous l’intitulé «Droits de l’enfant»:

«1.   Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. [...]

[...]

3.   Tout enfant a le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt.»

4.

L’article 51, paragraphe 1, première phrase, de la Charte est libellé comme suit:

«Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.»

2. La directive 2004/38/CE

5.

Le considérant 5 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ( 4 ), prévoit:

«Le droit de tous les citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres devrait, pour qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de liberté et de dignité, être également accordé aux membres de leur famille quelle que soit leur nationalité. [...]»

6.

L’article 1er de la directive 2004/38 détermine comme suit l’objet de la directive:

«La présente directive concerne:

a)

les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres;

[...]»

7.

L’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38 définit notamment comme «membre[s] de la famille [...] les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire». L’article 2, point 3, de la directive 2004/38 définit quant à lui l’«État membre d’accueil» comme l’État membre dans lequel se rend un citoyen de l’Union en vue d’exercer son droit de circuler et de séjourner librement.

8.

L’article 3 de la directive 2004/38, intitulé «Bénéficiaires», dispose:

«1.   La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent.

2.   Sans préjudice d’un droit personnel à la libre circulation et au séjour de l’intéressé, l’État membre d’accueil favorise, conformément à sa législation nationale, l’entrée et le séjour des personnes suivantes:

a)

tout autre membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, qui n’est pas couvert par la définition figurant à l’article 2, point 2), si, dans le pays de provenance, il est à charge ou fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal, ou lorsque, pour des raisons de santé graves, le citoyen de l’Union doit impérativement et personnellement s’occuper du membre de la famille concerné;

[...]»

9.

L’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38 prévoit:

«Le droit de séjour [...] s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union [...]»

10.

L’article 10 de la directive 2004/38 dispose, sous l’intitulé «Délivrance de la carte de séjour»:

«1.   Le droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre est constaté par la délivrance d’un document dénommé ‘Carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union’ au plus tard dans les six mois suivant le dépôt de la demande. [...]

2.   Pour la délivrance de la carte de séjour, les États membres demandent la présentation des documents suivants:

[...]

c)

l’attestation d’enregistrement ou, en l’absence d’un système d’enregistrement, une autre preuve du séjour dans l’État membre d’accueil du citoyen de l’Union qu’ils accompagnent ou rejoignent;

[...]»

11.

L’article 12 de la directive 2004/38 contient les dispositions suivantes sur le «[m]aintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de décès ou départ du citoyen de l’Union»:

«[...]

3.   Le départ du citoyen de l’Union ou son décès n’entraîne pas la perte du droit de séjour de ses enfants ou du parent qui a effectivement la garde des enfants, quelle que soit leur nationalité, pour autant que ceux-ci résident dans l’État membre d’accueil et soient inscrits dans un établissement scolaire pour y suivre un enseignement, jusqu’à la fin de leurs études.»

B – La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

12.

L’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), concerne le droit au respect de la vie privée et familiale et est libellé comme suit:

«1.   Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.   Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.»

C – Le droit allemand

1. L’AufenthG

13.

L’article 7 de la loi relative au séjour, au travail et à l’intégration des étrangers sur le territoire fédéral (Gesetz über den Aufenthalt, die Erwerbstätigkeit und die Integration von Ausländern im Bundesgebiet) ( 5 ) (ci-après l’«AufenthG») concerne le permis de séjour et énonce:

«1.   Le permis de séjour est un titre de séjour à durée limitée. Il est délivré aux fins de séjour mentionnées dans les sections suivantes. Dans le cas où cela apparaît justifié, un permis de séjour peut également être délivré pour un but non prévu dans la présente loi.

[...]»

14.

L’article 18, paragraphe 2, de l’AufenthG dispose:

«Un étranger peut obtenir un titre de séjour pour exercer un emploi [...]»

2. Le FreizügG/EU

15.

Aux termes de l’article 2 de la loi allemande sur la libre circulation des citoyens de l’Union (Gesetz über die allgemeine Freizügigkeit von Unionsbürgern) ( 6 ), du 30 juillet 2004 (ci-après le «FreizügG/EU»), les citoyens de l’Union qui jouissent de la liberté de circulation ont le droit d’entrer et de séjourner sur le territoire fédéral conformément aux dispositions de ladite loi, étant entendu que les membres de leur famille ne peuvent, en principe, prétendre à ce droit que «s’ils accompagnent ou rejoignent le citoyen de l’Union» (article 3, paragraphe 1, du FreizügG/EU) ou s’ils ont acquis un droit de séjour de longue durée à la suite d’un séjour légal de cinq ans (article 4a du FreizügG/EU).

16.

L’article 5 du FreizügG/EU énonce, sous l’intitulé «Attestations des droits de séjour communautaires, cartes de séjour»:

«[...]

2.   Dans les six mois suivant la communication des informations nécessaires, les membres de la famille qui bénéficient de la libre circulation sans être citoyens de l’Union se voient délivrer d’office une carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union, valable pendant cinq ans. [...]»

III – Les faits à l’origine du litige au principal

17.

Le requérant au principal est un ressortissant japonais marié à une ressortissante allemande depuis 1998. Leur fille est née en 2004 aux États-Unis et possède, outre la nationalité américaine, les nationalités allemande et japonaise.

18.

À la fin du mois de décembre 2005, cette famille a quitté les États-Unis pour s’installer à Ulm (Allemagne). Le 9 janvier 2006, le requérant au principal a obtenu un permis de séjour national en sa qualité de conjoint étranger d’une ressortissante allemande.

19.

Depuis le mois de février 2006, il travaille à temps plein à Ulm sur la base d’un contrat de travail à durée indéterminée et perçoit un revenu brut mensuel de 4850 euros.

20.

Après avoir accepté un emploi à Vienne (Autriche) au cours de l’été 2007, l’épouse dudit requérant a établi sa résidence principale dans cette ville en emmenant sa fille avec elle, tandis que le requérant au principal est resté à Ulm. Les deux parents exercent l’autorité parentale sur leur fille, celle-ci étant scolarisée à Vienne. Ledit requérant rend régulièrement visite à sa fille un week-end par mois et lui verse une pension alimentaire d’un montant de 300 euros par mois. De surcroît, cette enfant passe la plupart de ses vacances avec le requérant au principal.

21.

Au mois de juin 2008, l’épouse dudit requérant a déclaré au service allemand des étrangers (Ausländerbehörde) qu’elle vivait séparée du requérant depuis le 1er janvier 2008. Le permis de séjour accordé initialement au requérant en vertu de son lien marital avec une ressortissante allemande n’a pas pu être prolongé.

22.

Néanmoins, le requérant au principal a obtenu, en vertu de l’article 18 de l’AufenthG, un permis de séjour national en raison de l’activité rémunérée qu’il exerce, si bien qu’il séjourne actuellement légalement en Allemagne.

23.

Ledit requérant considère cependant qu’il peut également prétendre à un droit de séjour en vertu de la législation de l’Union étant donné qu’il exerce l’autorité parentale sur sa fille domiciliée en Autriche. Un tel droit lui permettrait alors d’obtenir une «carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union», telle que définie à l’article 10 de la directive 2004/38.

24.

Le 30 mai 2008, le requérant au principal a demandé la délivrance d’une telle carte, ce qui lui a été refusé. Cette demande fait désormais l’objet de la procédure d’appel devant le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg (Allemagne).

IV – Sur les questions préjudicielles

25.

C’est dans ce contexte que le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«A.

Questions concernant les articles 2, 3 et 7 de la directive 2004/38 [...]

1)

À la lumière, notamment, des articles 7 et 24 de la [Charte] et de l’article 8 de la [CEDH] et par interprétation extensive de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38, un ‘membre de la famille’ peut-il également être compris comme le parent d’un enfant qui bénéficie de la liberté de circulation en sa qualité de citoyen de l’Union [...], lorsque ledit parent, ressortissant d’un pays tiers et titulaire de l’autorité parentale, n’est pas à charge dudit enfant?

2)

Dans l’affirmative: à la lumière, notamment, des articles 7 et 24 de la [Charte] et de l’article 8 de la [CEDH] et par interprétation extensive de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, ladite directive s’applique-t-elle également à ce parent, lorsqu’il n’accompagne pas ou ne rejoint pas son enfant désormais établi dans un autre État membre, mais qu’il continue à résider dans l’État membre d’origine de l’enfant?

3)

Dans l’affirmative: à la lumière, notamment, des articles 7 et 24 de la [Charte] et de l’article 8 de la [CEDH], ce parent peut-il prétendre à un droit de séjour de plus de trois mois dans l’État membre d’origine de l’enfant, par interprétation extensive de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, à tout le moins tant qu’il dispose de l’autorité parentale et l’exerce effectivement?

B.

Questions concernant les dispositions combinées de l’article 6, paragraphe 1, TUE et de la [Charte]

1)

a)

La [Charte] a-t-elle vocation à s’appliquer en vertu de son article 51, paragraphe 1, première phrase, seconde branche de l’alternative, dès lors que l’objet du litige dépend d’une loi nationale (ou d’une partie d’une loi) qui a entre autres – mais pas seulement – transposé des directives de l’Union?

b)

Dans la négative: la [Charte] a-t-elle vocation à s’appliquer en vertu de son article 51, paragraphe 1, première phrase, seconde branche de l’alternative, du simple fait que le requérant [au principal] peut éventuellement prétendre à un droit de séjour en vertu de la législation de l’Union et qu’il pourrait par conséquent demander, conformément à l’article 5, paragraphe 2, première phrase, du [FreizügG/EU], une ‘carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union’, telle que prévue à l’article 10, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2004/38?

c)

Dans la négative: dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour dans l’affaire ERT (arrêt du 18 juin 1991, C-260/89, Rec. p. I-2925, points 41 à 45), la [Charte] a-t-elle vocation à s’appliquer en vertu de son article 51, paragraphe 1, première phrase, seconde branche de l’alternative, lorsqu’un État membre limite le droit de séjour du père d’une citoyenne de l’Union mineure qui séjourne la plupart du temps dans un autre État membre de l’Union avec sa mère en raison de l’activité professionnelle de cette dernière, alors que le père, ressortissant d’un pays tiers, exerce également l’autorité parentale?

2)

a)

Dans le cas où la [Charte] aurait vocation à s’appliquer: est-il possible de déduire directement de l’article 24, paragraphe 3, de la [Charte] un droit de séjour européen pour le père ressortissant d’un pays tiers, à tout le moins tant que celui-ci est titulaire de l’autorité parentale et qu’il l’exerce effectivement à l’égard de son enfant qui possède la citoyenneté de l’Union, et ce même si l’enfant séjourne la plupart du temps dans un autre État membre de l’Union [...]?

b)

Dans la négative: le droit de libre circulation dont l’enfant bénéficie en tant que citoyen de l’Union sur la base de l’article 45, paragraphe 1, de la [Charte], en combinaison, le cas échéant, avec l’article 24, paragraphe 3, de ladite [Charte], permet-il de déduire un droit de séjour européen pour le père ressortissant d’un pays tiers, à tout le moins tant que celui-ci est titulaire de l’autorité parentale et qu’il l’exerce effectivement à l’égard de son enfant, afin d’éviter notamment que le droit de libre circulation de l’enfant ne perde tout effet utile?

C.

Questions concernant l’article 6, paragraphe 3, TUE en combinaison avec les principes généraux du droit de l’Union

1)

Les droits fondamentaux ‘non écrits’ de l’Union [...], tels qu’élaborés dans la jurisprudence de la Cour depuis l’arrêt du 12 novembre 1969, Stauder (29/69, Rec. p. 419, point 7), jusqu’à, par exemple, l’arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C-144/04, Rec. p. I-9981, point 75), peuvent-ils s’appliquer dans leur intégralité, même si la [Charte] n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce; en d’autres termes, les droits fondamentaux qui conservent leur validité en tant que principes généraux du droit de l’Union [selon] l’article 6, paragraphe 3, TUE existent-ils de manière autonome et indépendante à côté des nouveaux droits fondamentaux de la [Charte] reconnus au paragraphe 1 dudit article?

2)

Dans l’affirmative: afin d’assurer un exercice effectif de l’autorité parentale, les principes généraux du droit de l’Union, à la lumière notamment du droit au respect de la vie familiale consacré à l’article 8 de la [CEDH], permettent-ils de déduire un droit de séjour européen pour le père d’une citoyenne de l’Union mineure qui séjourne la plupart du temps dans un autre État membre de l’Union avec sa mère en raison de l’activité professionnelle de cette dernière, alors que le père est ressortissant d’un pays tiers?

D.

Question concernant les dispositions combinées de l’article 21, paragraphe 1, TFUE et de l’article 8 de la [CEDH]

Dans le cas où l’article 6, paragraphe 1 ou 3, TUE ne permettrait pas au requérant [au principal] d’obtenir un droit de séjour européen: afin d’assurer un exercice effectif de l’autorité parentale dans le prolongement de l’arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C-200/02, Rec. p. I-9925, points 45 à 47), le droit de libre circulation d’une citoyenne de l’Union mineure qui séjourne la plupart du temps dans un autre État membre de l’Union avec sa mère en raison de l’activité professionnelle de cette dernière permet-il de déduire pour le père ressortissant d’un pays tiers un droit de séjour européen dans l’État membre d’origine de l’enfant, sur la base de l’article 21, paragraphe 1, TFUE et, le cas échéant, à la lumière de l’article 8 de la [CEDH]?

E.

Question concernant l’article 10 de la directive 2004/38 [...]

Dans le cas où un droit de séjour européen serait reconnu: un parent ressortissant d’un pays tiers, qui se trouve dans la situation du requérant [au principal], a-t-il le droit d’obtenir la délivrance d’une ‘carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union’, notamment sur la base de l’article 10, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2004/38?»

26.

Le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg concède cependant que «[t]outes les questions préjudicielles peuvent bien entendu être regroupées en une question unique»:

«Afin qu’un ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale en sa qualité de parent puisse maintenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec son enfant possédant la citoyenneté de l’Union, le droit de l’Union [...] octroie-t-il à ce parent le droit de demeurer dans l’État membre d’origine de l’enfant au moyen d’une ‘carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union’, lorsque l’enfant s’est établi dans un autre État membre suite à l’exercice de son droit de libre circulation [ ( 7 )]?»

V – Appréciation des questions préjudicielles

A – Ordre de traitement des questions

27.

J’examinerai les questions en partant de leur version résumée reproduite au point précédent, étant entendu que celle-ci doit être analysée à la lumière des différents aspects juridiques mentionnés au point 25 des présentes conclusions, pour autant que ceux-ci soient pertinents.

28.

En premier lieu, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, le requérant peut prétendre, en vertu des dispositions de l’Union, à un droit de séjour dans l’État membre d’origine de son enfant de nationalité allemande. En second lieu, la juridiction de renvoi cherche à déterminer si ce droit de séjour permet audit requérant de prétendre, sur le fondement du droit de l’Union, à la délivrance d’une «carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union».

B – Droit de séjour du ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale dans l’État membre d’origine d’un citoyen mineur de l’Union, lorsque ce dernier s’est installé dans un autre État membre

29.

Un droit de séjour du requérant au principal en Allemagne, au titre du droit de l’Union, pourrait résulter de la directive 2004/38 ou du droit primaire.

30.

Dans un premier temps, il convient d’examiner ci-après si un tel droit de séjour peut être fondé sur la directive 2004/38.

1. La directive 2004/38

31.

Afin de déterminer si un droit de séjour peut être fondé sur la directive 2004/38, il convient tout d’abord d’étudier le libellé, l’économie ainsi que l’esprit et la finalité de cette directive. J’examinerai ensuite si le résultat de cette interprétation littérale, systématique et téléologique est compatible avec les droits fondamentaux.

a) Interprétation littérale de la directive 2004/38

32.

Un droit de séjour du requérant au principal en Allemagne pourrait résulter de l’article 7, paragraphe 2, ou de l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38. Il convient en outre de tenir compte du considérant 5 de la directive 2004/38.

i) Dispositions combinées des articles 7, paragraphe 2, et 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38

33.

Lorsqu’un citoyen de l’Union se rend dans un autre État membre dont il ne possède pas la nationalité, les dispositions combinées des articles 7, paragraphe 2, et 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38 confèrent aux parents dudit citoyen un droit de séjour de plus de trois mois dans cet État, à condition qu’ils soient à la charge du citoyen. Ce droit de séjour n’est cependant accordé que pour autant que le membre de la famille en cause accompagne ou rejoigne effectivement le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.

34.

Les conditions susmentionnées ne sont pas remplies en l’espèce. Premièrement, le père, ressortissant d’un pays tiers, ne fait justement pas valoir un droit de séjour dans l’État membre d’accueil où sa fille s’est rendue (l’Autriche), mais dans l’État membre d’origine de sa fille (l’Allemagne). Deuxièmement, il ressort du libellé même de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38 que cette disposition n’est pas applicable, étant donné que le père japonais n’a ni accompagné ni rejoint sa fille dans l’État membre d’accueil. Troisièmement, la condition de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38 n’est pas remplie, puisque, en l’espèce, c’est non pas le père qui est à la charge du citoyen de l’Union, mais l’inverse ( 8 ).

ii) Article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38

35.

Il est vrai que l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38 accorde au «parent qui a effectivement la garde [d’un enfant]» un droit de séjour jusqu’à la fin des études dudit enfant, indépendamment de la nationalité de ce dernier. Il résulte cependant du libellé clair de cette disposition que celle-ci ne s’applique que dans le cas où le citoyen de l’Union quitte l’État membre d’accueil, et non, comme en l’espèce, son État membre d’origine. Cette disposition ne saurait donc fonder un quelconque droit de séjour en Allemagne pour un père japonais dont la fille allemande s’est rendue en Autriche.

iii) Considérant 5 de la directive 2004/38

36.

On pourrait penser, au premier regard, que le considérant 5 de la directive 2004/38 est rédigé de manière large et que, pris isolément, il semble accorder aux ressortissants de pays tiers un droit de séjour dans toute l’Union («sur le territoire des États membres»).

37.

Cependant, cette affirmation formulée dans le cadre d’un considérant peut uniquement être considérée comme un principe utile à l’interprétation de la directive 2004/38. Elle ne saurait faire échec à la liste limitative et aux conditions concrètes des droits de séjour prévus par ladite directive ni ne peut remplacer ceux-ci par un droit de séjour non soumis à conditions des membres de la famille à l’échelle de l’Union ( 9 ). Sinon, les articles 7, paragraphe 2, et 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38, entre autres, n’auraient plus aucun champ d’application propre.

38.

Par conséquent, on ne saurait déduire du considérant 5 de la directive 2004/38 un quelconque droit de séjour pour les ressortissants de pays tiers dans l’État membre d’origine de leur enfant.

iv) Conclusion intermédiaire

39.

L’interprétation littérale de la directive 2004/38 ne permet ainsi pas de justifier un droit de séjour pour le requérant au principal en Allemagne. Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ( 10 ).

40.

Étant donné que le libellé de la directive 2004/38 ne permet pas de justifier, au profit du ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale, un droit de séjour dans l’État membre d’origine du citoyen mineur de l’Union, il convient d’examiner si, compte tenu de son économie et de sa finalité, ladite directive est susceptible d’une «interprétation extensive» ( 11 ) au-delà de son libellé.

b) Interprétation systématique de la directive 2004/38

41.

Sur la question de savoir si, compte tenu de son économie, la directive 2004/38 permet, au-delà de son libellé, de fonder au profit d’un ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale un droit de séjour dans l’État membre d’origine de l’enfant désormais établi dans un autre État membre, la Commission européenne déclare à juste titre ( 12 ) que l’économie de la directive 2004/38 ne laisse aucune marge de manœuvre pour étendre le droit de séjour à des cas dans lesquels les membres de la famille, ressortissants d’un pays tiers, souhaitent séjourner dans l’État membre d’origine du citoyen de l’Union après le départ de ce dernier dans un autre État membre.

42.

En effet, le droit de séjour conféré par la directive 2004/38 aux membres de la famille ressortissants d’un pays tiers dépend du fait que le membre en cause ait accompagné ou rejoint le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil, comme cela est prévu à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38.

43.

Il est vrai que la Cour a déclaré que, dans l’intérêt de l’effet utile de la directive 2004/38, les termes «les membres de [la] famille [d’un citoyen de l’Union] qui l’accompagnent» ne devaient pas être interprétés de manière restrictive et qu’il importait peu que les personnes concernées soient entrées en même temps que le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil ( 13 ).

44.

Toutefois, l’approche réglementaire de la directive 2004/38, ainsi qu’il ressort clairement de son article 3, paragraphe 1, consiste à n’envisager en principe que les cas de figure dans lesquels le citoyen de l’Union et les membres de sa famille prétendent à un droit de séjour dans des États membres autres que celui dont le citoyen de l’Union possède la nationalité ( 14 ).

45.

Par conséquent, le droit de séjour des membres de la famille ressortissants d’un pays tiers dans l’État membre d’origine du citoyen de l’Union n’est en principe pas couvert par la directive 2004/38, y compris précisément dans le cas où le citoyen de l’Union quitte son État membre d’origine pour se rendre dans un État membre d’accueil sans être accompagné ou rejoint par le membre de sa famille.

46.

Le législateur de la directive 2004/38 n’a pas ignoré le problème du départ du citoyen de l’Union, mais l’a réglementé en détail à l’article 12 de cette directive. Toutefois, l’article 12, paragraphe 3, de ladite directive ne confère un droit de séjour aux membres de la famille ressortissants d’un pays tiers que dans l’État membre d’accueil, et non dans l’État membre d’origine du citoyen de l’Union. D’un point de vue pratique, cette disposition s’applique lorsqu’un citoyen de l’Union titulaire de l’autorité parentale décide de quitter l’État membre d’accueil dans lequel il s’est installé avec son conjoint et leurs enfants communs et que ledit conjoint, ressortissant d’un pays tiers, souhaite rester dans cet État avec ses enfants jusqu’à la fin de leurs études. En revanche, l’article 12 de la directive 2004/38 ne régit pas le cas dans lequel le ressortissant d’un pays tiers souhaite rester dans l’État membre d’origine du citoyen de l’Union après le départ de ce dernier, d’autant plus que l’on ne voit pas pourquoi le choix législatif fait à l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38 devrait être transposé par analogie à l’État membre d’origine, au-delà de l’objet normatif de la directive. En outre, même une application par analogie de l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2004/38 ne permettrait pas, en l’espèce, de déduire un droit de séjour pour le père, étant donné que cette disposition part manifestement du principe que le père ressortissant d’un pays tiers et son enfant vivent dans le même État membre – ce qui n’est plus le cas en l’espèce.

47.

En définitive, l’économie de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38 et celle de l’article 12, paragraphe 3, de celle-ci ont en commun que le droit de séjour du ressortissant d’un pays tiers dépend de celui du citoyen de l’Union, dans la mesure où ledit ressortissant doit d’abord avoir accompagné le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil, c’est-à-dire dans un État autre que l’État membre d’origine du citoyen. Cette condition n’est pas remplie en l’espèce, étant donné que la citoyenne de l’Union s’est rendue en Autriche seule avec sa mère.

48.

L’économie de la directive 2004/38 ne permet donc pas de fonder, au profit du ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale, un droit de séjour dans l’État membre d’origine du citoyen mineur de l’Union, lorsque ce dernier s’est établi dans un autre État membre.

49.

Il convient en outre de se demander si, au-delà de son économie, la directive 2004/38 peut, pour des considérations téléologiques, fonder, au profit d’un ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale, un droit de séjour dans l’État membre d’origine du citoyen mineur de l’Union, lorsque ce dernier s’est établi dans un autre État membre.

c) Interprétation téléologique de la directive 2004/38

50.

Comme je l’ai indiqué précédemment, la directive 2004/38 vise à régir le cas de figure dans lequel le citoyen de l’Union et les membres de sa famille prétendent à un droit de séjour dans des États membres autres que celui dont le citoyen de l’Union possède la nationalité. Compte tenu de son esprit et de sa finalité, une interprétation selon laquelle la directive 2004/38 couvrirait des situations telles que celles en cause au principal, c’est-à-dire des situations dans lesquelles un membre de la famille souhaite uniquement obtenir un droit de séjour dans l’État membre d’origine du citoyen de l’Union, alors que ce dernier a quitté cet État, ne saurait s’imposer.

51.

La juridiction de renvoi s’est toutefois demandé si une «interprétation extensive» de la directive 2004/38 pouvait être envisagée à la lumière des articles 7 et 24 de la Charte ( 15 ), qui consacrent le respect de la vie familiale et le droit des enfants à recevoir des soins et à entretenir régulièrement des relations personnelles avec leurs parents.

d) Interprétation conforme de la directive 2004/38 aux droits fondamentaux

52.

Il pourrait s’avérer nécessaire de faire évoluer les dispositions de la directive 2004/38 au moyen d’une interprétation conforme aux droits fondamentaux.

53.

En vertu de l’article 6 TUE, la Charte fait partie du droit primaire. Le droit dérivé de l’Union, dans lequel la directive 2004/38 s’inscrit, doit être interprété autant que possible de manière conforme au droit primaire et, partant, aux droits fondamentaux. Lorsqu’un acte juridique est susceptible de plus d’une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui n’entre pas en conflit avec les droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique de l’Union ( 16 ).

54.

En vertu de son article 51, la Charte doit être prise en compte lors de la mise en œuvre de la directive 2004/38. La question de l’application et de l’interprétation conforme d’un acte juridique ne peut cependant pas se poser au-delà du champ d’application dudit acte. Dès lors qu’il vient d’être établi que la directive 2004/38 ne couvrait pas le droit de séjour d’un ressortissant d’un pays tiers dans l’État membre d’origine du citoyen de l’Union, il n’est pas nécessaire d’en apprécier les dispositions au regard de la Charte ( 17 ).

55.

Il en va de même pour les dispositions de la CEDH ( 18 ) qui, comme la Charte, ne pourraient être prises en compte à des fins interprétatives que dans le cadre du champ d’application de la directive 2004/38. Comme cette directive réglemente uniquement certains droits de séjour dans des États membres autres que celui dont le citoyen de l’Union est ressortissant, il n’est pas nécessaire d’analyser ce point en détail.

56.

Dans ce contexte, il convient cependant encore de se demander si, pour d’autres raisons, les droits fondamentaux peuvent être appelés à s’appliquer directement, de manière, éventuellement, à conférer au requérant au principal un droit de séjour dans l’État membre d’origine de sa fille, indépendamment de la directive 2004/38. J’examinerai cette question aux points 75 et suivants des présentes conclusions.

57.

Il apparaît toutefois que les droits fondamentaux ne commandent pas de faire évoluer la directive 2004/38 de manière à fonder, au profit d’un ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale, un droit de séjour dans l’État membre d’origine du citoyen mineur de l’Union, lorsque ce dernier s’est établi dans un autre État membre.

e) Conclusion intermédiaire

58.

Il convient de conclure à titre intermédiaire que la directive 2004/38 ne permet pas de fonder, au profit d’un ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale, un droit de séjour dans l’État membre d’origine du citoyen mineur de l’Union, lorsque ce dernier s’est établi dans un autre État membre.

59.

Le droit dérivé ne permettant pas d’octroyer au requérant au principal le droit de séjour auquel il prétend au titre du droit de l’Union, il convient, dans un second temps, d’examiner le droit primaire.

2. Le droit primaire

60.

Le requérant au principal pourrait prétendre, à la lumière des droits fondamentaux garantis par les articles 6, paragraphe 1, TUE et 3 TUE, à un droit de séjour dans l’État membre d’origine de son enfant établie en Autriche, sur le fondement des articles 20 TFUE et 21 TFUE.

a) Reconnaissance d’un droit de séjour au profit du ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale de manière à ce que l’essentiel des droits conférés au mineur par son statut de citoyen de l’Union soient effectivement garantis

61.

En tant que ressortissant d’un pays tiers, le requérant au principal, titulaire de l’autorité parentale, ne peut pas directement invoquer le droit de libre circulation consacré aux articles 20 TFUE et 21 TFUE ni prétendre à un droit de séjour au titre de la citoyenneté de l’Union. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour que la qualité de citoyen de l’Union d’une personne peut également, dans certains cas, conduire à octroyer un droit de séjour au titre du droit de l’Union au membre de la famille ressortissant d’un pays tiers.

i) État de la jurisprudence de la Cour ( 19 )

62.

La reconnaissance d’un droit de séjour dérivé du droit primaire de l’Union au profit d’un parent ressortissant d’un pays tiers suppose, selon la jurisprudence de la Cour, que le refus du droit de séjour à un tel parent porte atteinte à l’exercice effectif de l’essentiel des droits dont jouit le citoyen de l’Union ( 20 ). C’est ainsi qu’un droit de séjour a été reconnu au parent ressortissant d’un pays tiers – au demeurant dans le même État membre que celui dans lequel le mineur séjournait – lorsqu’un «refus de séjour [aurait eu] pour conséquence [d’obliger les] enfants [...] [à] quitter le territoire de l’Union» ( 21 ) ou que le droit de séjour de l’enfant aurait autrement été privé «de tout effet utile» ( 22 ).

63.

Faisant référence au critère de l’«essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union», la Cour a de nouveau souligné, dans le récent arrêt Dereci e.a. ( 23 ), qu’un droit de séjour secondaire des ressortissants de pays tiers ne pouvait être en principe reconnu qu’à titre exceptionnel. À cet égard, la Cour a jugé que «le seul fait qu’il pourrait paraître souhaitable à un ressortissant d’un État membre, pour des raisons d’ordre économique ou afin de maintenir l’unité familiale sur le territoire de l’Union, que des membres de sa famille, qui ne disposent pas de la nationalité d’un État membre, puissent séjourner avec lui sur le territoire de l’Union, ne suffit pas en soi pour considérer que le citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un tel droit n’est pas accordé». En même temps, la Cour a déclaré que cela ne préjugeait pas «la question de savoir si, sur d’autres bases, notamment en vertu du droit relatif à la protection de la vie familiale, un droit de séjour ne saurait être refusé. Cette question doit cependant être abordée dans le cadre des dispositions relatives à la protection des droits fondamentaux et en fonction de leur applicabilité respective».

ii) Application des principes jurisprudentiels en l’espèce

64.

En l’espèce, il est difficile d’affirmer, au premier regard, que l’essentiel des droits conférés à la fille mineure par son statut de citoyenne de l’Union seront lésés si son père, ressortissant d’un pays tiers, n’obtient pas un droit de séjour en Allemagne au titre du droit de l’Union.

65.

Cette thèse est en effet mise en échec par le seul fait que la citoyenne de l’Union s’est rendue en Autriche avec sa mère et a donc pleinement exercé son droit de libre circulation, alors que son père ne s’est pas encore vu accorder, en Allemagne, un droit de séjour en vertu du droit de l’Union. Étant donné que l’effet utile de l’essentiel des droits conférés à la citoyenne de l’Union par le droit de l’Union n’est manifestement pas menacé en l’espèce, il convient, sur la base des principes jurisprudentiels, de dénier, dans un premier temps, au père un droit de séjour secondaire fondé sur la citoyenneté de l’Union ou sur la liberté de circulation dont jouit sa fille.

66.

Il convient cependant de tenir compte du fait qu’il est possible que le père, qui est à la fois ressortissant d’un pays tiers et titulaire de l’autorité parentale, exerce en commun avec la mère le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et qu’il peut par conséquent décider (conjointement avec la mère) de ce lieu de résidence. Il est concevable que, si le prolongement de son permis de séjour en Allemagne est menacé ou qu’un droit de séjour au titre du droit de l’Union lui est refusé, le requérant au principal envisage, en concertation avec la mère, de rétablir le domicile de l’enfant en Allemagne.

67.

Il est cependant difficile de reconnaître, dans ce cas de figure – pour l’instant hypothétique –, une atteinte concrète à l’essentiel des droits conférés à la fille par le droit de l’Union.

iii) Conclusion intermédiaire

68.

Il résulte des considérations précédentes, compte tenu de la ligne jurisprudentielle de la Cour, que, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, un droit de séjour dans l’État membre d’origine du citoyen mineur de l’Union ne peut pas être reconnu au profit du ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale.

69.

Dans sa jurisprudence, la Cour n’a cependant pas encore examiné en détail si, afin d’assurer une garantie effective des droits fondamentaux, le droit primaire permet, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, de fonder au profit d’un ressortissant d’un pays tiers un droit de séjour dans l’État membre d’origine du citoyen de l’Union.

b) Reconnaissance d’un droit de séjour au profit du ressortissant d’un pays tiers afin d’assurer une garantie effective des droits fondamentaux

70.

Dans l’arrêt Dereci e.a., la Cour a évoqué cette possibilité en déclarant que, «si la juridiction de renvoi considère, à la lumière des circonstances [...], que la situation des requérants au principal relève du droit de l’Union, elle devra examiner si le refus du droit de séjour de ces derniers porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l’article 7 de la [Charte]. En revanche, si elle considère que ladite situation ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, elle devra faire un tel examen à la lumière de l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH» ( 24 ).

71.

Il est vrai que ladite affaire Dereci e.a. portait sur le séjour commun d’un citoyen de l’Union et d’un ressortissant d’un pays tiers dans un seul et même État membre. Les déclarations susmentionnées dudit arrêt Dereci e.a. sont cependant formulées de manière si générale qu’elles semblent transposables en l’espèce, même si la présente affaire concerne deux États membres.

72.

Il convient d’examiner ce problème et de vérifier, tout d’abord, si la Charte a vocation à s’appliquer en l’espèce. Cela suppose que l’affaire au principal présente un lien avec la mise en œuvre du droit de l’Union, comme cela est requis par l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.

73.

Il ne suffit pas, en revanche, que l’affaire au principal présente un lien avec des dispositions purement nationales sans rapport avec le droit de l’Union ( 25 ). On peut cependant considérer qu’il existe un lien suffisant avec la mise en œuvre du droit de l’Union dès lors que, sans porter atteinte de manière aussi radicale à l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union, le refus du permis de séjour prévu par le droit de l’Union restreint tout de même, ne serait-ce que dans une moindre mesure, le droit de libre circulation dont jouit le citoyen mineur de l’Union.

74.

Une partie de la doctrine doute, en raison du libellé de l’article 51 de la Charte (celui-ci supposant une «mise en œuvre du droit de l’Union»), que la Charte soit applicable lorsque des libertés fondamentales sont restreintes ( 26 ). Ces doutes valent aussi pour le droit de libre circulation garanti à l’article 21 TFUE ( 27 ). Il est cependant possible de soutenir que, puisque les explications relatives à la Charte ( 28 ) font référence à la jurisprudence de la Cour selon laquelle les droits fondamentaux sont applicables aux mesures qui restreignent les libertés fondamentales ( 29 ), les droits fondamentaux garantis par cette Charte s’appliquent également en cas de restriction à la liberté de circulation prévue à l’article 21 TFUE.

i) Restriction à la liberté de circulation prévue à l’article 21 TFUE en tant qu’élément de rattachement justifiant l’application de la Charte

75.

La question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure la liberté de circulation prévue à l’article 21 TFUE est restreinte dépend en dernier ressort des circonstances de l’espèce, dont l’appréciation incombe à la juridiction de renvoi.

76.

Il ne saurait toutefois être exclu que le droit de séjour du père en Allemagne n’est pas garanti pour l’avenir et que cette situation pourrait dissuader sa fille mineure de continuer à exercer le droit de libre circulation dont elle jouit en tant que citoyenne de l’Union ( 30 ), si bien que ce droit serait restreint même en l’absence d’une atteinte à l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union au sens de la jurisprudence actuelle ( 31 ).

77.

Pour cela, la juridiction de renvoi devrait éventuellement procéder à un examen plus détaillé des faits. En effet, les actes du dossier ne permettent pas de déterminer dans quelle mesure le caractère incertain du droit de séjour du requérant au principal aura des conséquences sur la vie future de la mère et de l’enfant.

78.

Il semble toutefois plausible que la citoyenne de l’Union – à supposer que les relations entre elle et son père soient bonnes, comme cela ressort du dossier – pourrait d’autant plus être dissuadée de faire usage de son droit de libre circulation que le refus d’un droit de séjour en Allemagne au titre du droit de l’Union pourrait obliger son père, ressortissant d’un pays tiers, à établir son domicile dans un lieu éloigné. Il convient cependant d’apprécier la situation dans son ensemble et de considérer que, comme le gouvernement allemand l’indique ( 32 ), le ressortissant du pays tiers pourrait sans doute prétendre, en vertu du droit national, à une perpétuation de son titre de séjour national.

79.

S’il devait apparaître, en l’espèce, que le refus du droit de séjour prévu par le droit de l’Union produit un tel effet dissuasif et que la libre circulation du citoyen de l’Union est ainsi restreinte, les droits fondamentaux seraient alors applicables.

80.

Dans ce cadre, il convient de prendre dûment en compte les droits fondamentaux et de vérifier notamment si le ressortissant du pays tiers pourrait s’en prévaloir pour tout de même obtenir, en dernière analyse, la reconnaissance du droit de séjour prévu par le droit de l’Union.

ii) Possibilité d’un droit de séjour au titre des droits fondamentaux?

81.

Il résulte des considérations précédentes que la Charte a vocation à s’appliquer au sens de l’article 51, paragraphe 1, première phrase, de celle-ci dès lors que le refus du droit de séjour porte atteinte au droit de libre circulation dont jouit l’enfant en vertu de l’article 21 TFUE et que la mise en œuvre du droit de l’Union est ainsi en cause.

82.

Les droits fondamentaux pertinents en l’espèce sont, notamment, le droit de l’enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents (article 24, paragraphe 3, de la Charte) ainsi que le respect de la vie familiale (article 7 de la Charte).

83.

On peut cependant douter que le refus d’un droit de séjour porte atteinte à ces droits fondamentaux et cette question devra elle aussi être tranchée par la juridiction de renvoi à la lumière des circonstances de l’espèce ( 33 ).

84.

En effet, le refus du droit de séjour en Allemagne n’aurait pas nécessairement des répercussions sur la possibilité, pour le père, d’entretenir des contacts réguliers avec sa fille établie en Autriche. Au contraire, il est probable que l’article 24, paragraphe 3, de la Charte garantirait précisément au père la possibilité d’entretenir, en Autriche, des contacts avec son enfant suite à l’exercice, par ce dernier, du droit de libre circulation.

85.

S’il devait cependant s’avérer, en pratique, que des relations personnelles régulières ne sont pas possibles en raison du refus du droit de séjour, il pourrait être considéré que les droits fondamentaux font l’objet d’une ingérence dont la justification devrait être appréciée au regard du principe de proportionnalité. Dans ce cadre, il conviendrait notamment de considérer si le ressortissant du pays tiers exerce effectivement l’autorité parentale dont il est investi en sa qualité de père et s’il est disposé à satisfaire aux obligations qui lui incombent à ce titre.

86.

Si tel est le cas, le ressortissant du pays tiers pourrait peut-être prétendre, dans la ligne dudit arrêt Dereci e.a., à un droit de séjour fondé sur les droits fondamentaux et, plus particulièrement, sur les dispositions combinées des articles 24, paragraphe 3, et 7 de la Charte ( 34 ).

87.

Il convient en outre d’indiquer qu’une telle analyse résulte également de l’article 8 de la CEDH, celui-ci ayant aussi vocation à régir les relations entre un parent et un enfant qui ne vivent plus durablement sous le même toit ( 35 ). Selon l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, les droits de ladite Charte qui correspondent à des droits garantis par la CEDH ont le même sens et la même portée que ceux que leur confère la CEDH. L’article 52, paragraphe 3, de la Charte indique toutefois expressément que cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue ( 36 ).

c) Conclusion intermédiaire

88.

On retiendra, par conséquent, à titre de conclusion intermédiaire, que les articles 20 TFUE et 21 TFUE, à la lumière des droits fondamentaux garantis par les articles 6, paragraphe 1, TUE et 3 TUE ainsi que notamment des droits consacrés aux articles 7 et 24 de la Charte, peuvent fonder un droit de séjour dans l’État membre d’origine d’un citoyen mineur de l’Union au profit d’un ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale afin que l’enfant, qui s’est établi dans un autre État membre suite à l’exercice de son droit de libre circulation, et ledit parent puissent maintenir des relations personnelles et des contacts directs réguliers. Pour cela, il est nécessaire que le refus du droit de séjour produise un effet restrictif sur le droit de libre circulation de l’enfant et soit considéré, au regard des droits fondamentaux susmentionnés, comme une ingérence disproportionnée au regard des droits fondamentaux. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont remplies.

C – Droit à la délivrance d’une «carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union» en vertu du droit de l’Union

89.

Indépendamment du fait de savoir si le ressortissant du pays tiers peut en définitive, au regard des droits fondamentaux applicables, prétendre, en Allemagne, à un droit de séjour fondé sur le droit primaire, ledit ressortissant ne saurait se faire délivrer, sur le fondement du droit de l’Union, une «carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union».

90.

Les conditions de délivrance de cette carte sont indiquées de manière limitative à l’article 10 de la directive 2004/38 et sont spécialement adaptées au droit de séjour conféré par ladite directive aux ressortissants de pays tiers. C’est ainsi que cet article exige la production de l’attestation d’enregistrement du citoyen de l’Union que le ressortissant du pays tiers accompagne ou rejoint. Le requérant au principal n’est pas en mesure de présenter une telle attestation, étant donné qu’il n’a pas suivi sa fille en Autriche.

91.

Tout comme pour le droit matériel de séjour, la disposition en cause ne saurait s’appliquer au-delà du champ d’application de la directive 2004/38, si bien que la délivrance de la carte de séjour susmentionnée ne peut pas être demandée sur le fondement du droit de l’Union. Il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner, le cas échéant, si le droit national prévoit que ladite carte peut être délivrée pour tout droit de séjour en vertu du droit de l’Union, y compris au-delà du champ d’application de la directive 2004/38.

VI – Conclusion

92.

À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg:

Afin qu’un ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale en sa qualité de parent puisse maintenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec son enfant possédant la citoyenneté de l’Union, la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, n’octroie pas à ce parent le droit de demeurer dans l’État membre d’origine de l’enfant au moyen d’une «carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union», lorsque l’enfant s’est établi dans un autre État membre suite à l’exercice de son droit de libre circulation.

Les articles 20 TFUE et 21 TFUE, à la lumière des droits fondamentaux garantis par les articles 6, paragraphe 1, TUE et 3 TUE ainsi que notamment des droits consacrés aux articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, peuvent fonder un droit de séjour dans l’État membre d’origine d’un citoyen mineur de l’Union au profit d’un ressortissant d’un pays tiers exerçant l’autorité parentale en sa qualité de parent afin que l’enfant, qui s’est établi dans un autre État membre suite à l’exercice de son droit de libre circulation, et ledit parent puissent maintenir des relations personnelles et des contacts directs réguliers. Pour cela, il est nécessaire que le refus du droit de séjour produise un effet restrictif sur le droit de libre circulation de l’enfant et soit considéré, au regard desdits droits fondamentaux, comme une ingérence disproportionnée au regard des droits fondamentaux. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont remplies.

La délivrance d’une carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union ne peut pas être demandée en vertu du droit de l’Union pour constater ledit droit de séjour.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Arrêt du 8 mars 2011 (C-34/09, Rec. p. I-1177).

( 3 ) Arrêt du 15 novembre 2011 (C-256/11, Rec. p. I-11315).

( 4 ) JO L 158, p. 77, et rectificatif JO L 229, p. 35. La directive 2004/38 a été récemment modifiée par le règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO L 141, p. 1).

( 5 ) Dans sa version publiée le 25 février 2008 (BGBl. I, p. 162). Loi telle que modifiée par l’article 2, paragraphe 25, de la loi du 22 décembre 2011 (BGBl. I, p. 3044).

( 6 ) BGBl. I, p. 1950, spécialement p. 1986. Loi telle que modifiée par l’article 14 de la loi du 20 décembre 2011 (BGBl. I, p. 2854).

( 7 ) Voir p. 16 de la décision de renvoi.

( 8 ) S’agissant de la règle similaire contenue à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO L 180, p. 26), voir arrêt Zhu et Chen, précité.

( 9 ) Voir, à cet égard, Riesenhuber, K., «Die Auslegung», dans Riesenhuber, K., Europäische Methodenlehre, 2e éd., Walter de Gruyter, Berlin/New York, 2010, paragraphe 11, point 37 («les droits doivent toujours être déduits de la partie normative d’un acte juridique»).

( 10 ) Voir, notamment, arrêts du 18 mai 2000, KVS International (C-301/98, Rec. p. I-3583, point 21); du 23 novembre 2006, ZVK (C-300/05, Rec. p. I-11169, point 15), ainsi que du 29 janvier 2009, Petrosian (C-19/08, Rec. p. I-495, point 34). Sur les particularités des méthodes d’interprétation du droit de l’Union, voir Wendehorst, C., «Methodenlehre und Privatrecht in Europa», dans Jabloner, C., e.a., Vom praktischen Wert der Methode – Festschrift für Heinz Mayer zum 65. Geburtstag, Manzsche Verlags- und Universitätsbuchhandlung, Vienne, 2011, p. 827 et suiv. Sur les risques particuliers du multilinguisme dans le droit de l’Union, voir Müller, F., et Christensen, R., Juristische Methodik, vol. II, «Europarecht», 2e éd., Duncker & Humblot, Berlin, 2007, points 324 à 344.

( 11 ) Voir p. 16 de la décision de renvoi.

( 12 ) Point 45 des observations écrites de la Commission. Faute d’éléments concrets, il n’apparaît pas nécessaire d’examiner en détail la pertinence éventuelle de la directive 2004/38 en cas de retour ultérieur du citoyen de l’Union dans son État membre d’origine. Voir, pour un cas similaire, arrêt du 11 décembre 2007, Eind (C-291/05, Rec. p. I-10719).

( 13 ) Arrêt du 25 juillet 2008, Metock e.a. (C-127/08, Rec. p. I-6241, point 93), ainsi que ordonnance du 19 décembre 2008, Sahin (C-551/07, Rec. p. I-10453, point 28).

( 14 ) S’agissant de la notion de «bénéficiaires» au sens de la directive 2004/38, voir points 25 à 45 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 mai 2011, McCarthy (C-434/09, Rec. p. I-3375).

( 15 ) Si la juridiction de renvoi envisage une telle «interprétation extensive», elle ne la considère pas moins comme «difficilement défendable» (p. 16 de la décision de renvoi).

( 16 ) Voir, notamment, arrêts du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. (C-305/05, Rec. p. I-5305, point 28 et jurisprudence citée), ainsi que du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. (C-402/07 et C-432/07, Rec. p. I-10923, point 48). Sur la préséance des droits fondamentaux et l’interprétation conforme aux droits fondamentaux, voir Jarass, H. D., EU-Grundrechte, C. H. Beck, Munich, 2005, paragraphe 3, point 7.

( 17 ) Au point 31 de ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt McCarthy (précité à la note 14), l’avocat général Kokott indique que la directive 2004/38 est conforme au droit primaire; cette conformité au droit primaire et, plus particulièrement, aux droits fondamentaux est également mise en relief au trente et unième considérant de la directive.

( 18 ) Sur les rapports entre la CEDH et la Charte, voir mes conclusions dans l’affaire N. S. e.a. (arrêt du 21 décembre 2011, C-411/10 et C-493/10, Rec. p. I-13905, points 142 à 148).

( 19 ) Voir notamment, sur la libre prestation des services à la lumière du droit fondamental au respect de la vie familiale, arrêt du 11 juillet 2002, Carpenter (C-60/00, Rec. p. I-6279, point 46), ainsi que arrêts Zhu et Chen, précité; Ruiz Zambrano (précité à la note 2); McCarthy (précité à la note 14, point 57), ainsi que Dereci e.a. (précité à la note 3).

( 20 ) Voir, en ce sens, arrêt Ruiz Zambrano (précité à la note 2, point 42), selon lequel «des mesures nationales [ne doivent pas avoir] pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union».

( 21 ) Ibidem (point 44).

( 22 ) Arrêt Zhu et Chen, précité (point 45).

( 23 ) Précité à la note 3, points 65 à 69.

( 24 ) Précité à la note 3, point 72.

( 25 ) C’est ce que la juridiction de renvoi semble pourtant considérer à la première question de la partie B.

( 26 ) Voir, sur ce conflit doctrinal, Borowsky, M., dans Meyer, J., Charta der Grundrechte der Europäischen Union, 3e éd., Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 2011, article 51, points 29 à 31; Ehlers, D., Europäische Grundrechte und Grundfreiheiten, 3e éd., De Gruyter, Berlin, 2009, paragraphe 14, point 53, et Jarass, H. D., op. cit., paragraphe 4, point 15.

( 27 ) Sur la nature juridique de ce droit, voir arrêts du 2 octobre 2003, Garcia Avello (C-148/02, Rec. p. I-11613, point 24), ainsi que Zhu et Chen, précité (points 39 à 41). Voir, également, Seyr, S., et Rümke, H.-C., Das grenzüberschreitende Element in der Rechtsprechung des EuGH zur Unionsbürgerschaft – Zugleich eine Anmerkung zum Urteil in der Rechtssache Chen, EuR 2005, p. 667, spécialement p. 672 et suiv.; Calliess, C., Der Unionsbürger: Status – Dogmatik und Dynamik, EuR 2007, p. 7, spécialement p. 23 et suiv., ainsi que, en référence au considérant 2 de la directive 2004/38, Graf Vitzthum, N., Die Entdeckung der Heimat der Unionsbürger, EuR 2011, p. 550, spécialement p. 555 et note 29.

( 28 ) Voir, à cet égard, le point «Explication ad article 51 – Champ d’application», dans les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17).

( 29 ) Voir, notamment, arrêts du 26 juin 1997, Familiapress (C-368/95, Rec. p. I-3689, point 24); Carpenter (précité à la note 19, point 40), et du 25 mars 2004, Karner (C-71/02, Rec. p. I-3025, points 48 et suiv. ainsi que jurisprudence citée).

( 30 ) Sur la définition large de la notion de restriction, voir, notamment, arrêts du 18 juillet 2006, De Cuyper (C-406/04, Rec. p. I-6947, point 39), ainsi que du 26 octobre 2006, Tas-Hagen et Tas (C-192/05, Rec. p. I-10451, points 30 et suiv. et jurisprudence citée). À ce sujet, voir, également point 69 des conclusions du 27 mars 2012 de l’avocat général Bot dans l’affaire Rahman e.a. (C‑83/11), pendante devant la Cour.

( 31 ) Voir, à ce sujet, les observations écrites de la Commission (p. 21 et 22).

( 32 ) Voir, à ce sujet, les observations écrites de la République fédérale d’Allemagne (points 95 et suiv.).

( 33 ) Voir, en ce sens, point 78 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Rahman e.a. (précitées à la note 30), étant entendu que, dans cette affaire, les membres de la famille souhaitent obtenir un droit de séjour dans le même État membre que le citoyen de l’Union.

( 34 ) Sur la pertinence, pour le droit de séjour, du droit primaire, conjugué aux droits fondamentaux et aux droits de l’homme, voir points 74 et 79 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Rahman e.a. (précitées à la note 30).

( 35 ) Voir, à ce sujet, Karpenstein, U., et Mayer, F. C., EMRK, C. H. Beck, Munich, 2012, article 8, points 41 à 53 et jurisprudence citée, ainsi que Grabenwarter, C., Europäische Menschenrechtskonvention, 4e éd., C. H. Beck, Munich, 2009, paragraphe 22, points 16 à 18. De manière générale, voir également, sur la portée du droit garanti par l’article 8 de la CEDH, Cour eur. D. H., arrêts Gül c. Suisse du 19 février 1996 (Recueil des arrêts et décisions 1996-I, p. 174, § 38); Ahmut c. Pays-Bas du 28 novembre 1996 (Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2030, § 71), et Sen c. Pays-Bas du 21 décembre 2011 (Recueil des arrêts et décisions 2001-I, § 31).

( 36 ) Voir mes conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt N. S. e.a. (précitées à la note 18, points 143 et suiv.).