ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

21 septembre 2012 ( *1 )

«Marque communautaire — Procédure d’opposition — Demande de marque communautaire verbale WESTERN GOLD — Marques nationales, internationale et communautaire verbales antérieures WESERGOLD, Wesergold et WeserGold — Motifs relatifs de refus — Absence de risque de confusion — Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 — Caractère distinctif des marques antérieures»

Dans l’affaire T‑278/10,

Wesergold Getränkeindustrie GmbH & Co. KG, établie à Rinteln (Allemagne), représentée par Mes P. Goldenbaum, T. Melchert et I. Rohr, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. R. Pethke, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Lidl Stiftung & Co. KG, établie à Neckarsulm (Allemagne), représentée par Mes A. Marx et M. Schaeffer, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 24 mars 2010 (affaire R 770/2009-1), relative à une procédure d’opposition entre Wesergold Getränkeindustrie GmbH & Co. KG et Lidl Stiftung & Co. KG,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi (rapporteur), président, S. Frimodt Nielsen et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juin 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 12 novembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2010,

à la suite de l’audience du 27 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 23 août 2006, l’intervenante, Lidl Stiftung & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2

La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal WESTERN GOLD.

3

Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : «Spiritueux, notamment whisky».

4

La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 3/2007, du 22 janvier 2007.

5

Le 14 mars 2007, la requérante, Wesergold Getränkeindustrie GmbH & Co. KG, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement no 40/94 (devenu article 41 du règlement no 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6

L’opposition était fondée sur diverses marques antérieures.

7

La première marque antérieure invoquée était la marque communautaire verbale WeserGold, déposée le 3 janvier 2003 et enregistrée le 2 mars 2005 sous le numéro 2994739, désignant les produits relevant des classes 29, 31 et 32 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

Classe 29 : «Fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées comestibles, confitures, compotes ; produits laitiers, à savoir boissons à base de yaourt composées principalement de yaourt, mais également de jus de fruits ou de légumes» ;

Classe 31 : «Fruits frais» ;

Classe 32 : «Eaux minérales et gazeuses ; autres boissons non alcooliques, à savoir limonades, sodas et colas ; jus de fruits, boissons à base de fruits, jus de légumes et boissons à base de légumes ; sirops et autres préparations pour faire des boissons».

8

La deuxième marque antérieure invoquée était la marque allemande verbale WeserGold, déposée le 26 novembre 2002 et enregistrée le 27 février 2003 sous le numéro 30257995, désignant les produits relevant des classes 29, 31 et 32 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

Classe 29 : «Fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées comestibles, confitures, coulis ; produits laitiers, à savoir boissons à base de yaourt composées principalement de yaourt, mais également de jus de fruits ou de légumes» ;

Classe 31 : «Fruits frais» ;

Classe 32 : «Eaux minérales et gazeuses ; autres boissons non alcooliques, à savoir limonades, sodas et colas ; jus de fruits, boissons à base de fruits, jus de légumes et boissons à base de légumes ; sirops et autres préparations pour faire des boissons».

9

La troisième marque antérieure invoquée était la marque internationale verbale no 801149 Wesergold, déposée le 13 mars 2003, produisant ses effets en République tchèque, au Danemark, en Espagne, en France, en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Pologne, au Portugal, en Slovénie, en Suède, au Royaume-Uni et dans les pays du Benelux, désignant les produits relevant des classes 29, 31, 32 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

Classe 29 : «Fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées comestibles, confitures, coulis ; produits laitiers, à savoir boissons à base de yaourt composées principalement de yaourt, mais également de jus de fruits ou de légumes» ;

Classe 31 : «Fruits frais» ;

Classe 32 : «Eaux minérales et gazeuses ; autres boissons non alcooliques, à savoir limonades, sodas et colas ; jus de fruits, boissons à base de fruits, jus de légumes et boissons à base de légumes ; sirops et autres préparations pour faire des boissons».

10

La quatrième marque antérieure invoquée était la marque allemande verbale WESERGOLD, déposée le 12 juin 1970 et enregistrée le 16 février 1973 sous le numéro 902472, renouvelée le 13 juin 2000, désignant les produits relevant de la classe 32 et correspondant à la description suivante : «Cidres, limonades, eaux minérales, jus de légumes en tant que boissons, jus de fruits».

11

La cinquième marque antérieure invoquée était la marque polonaise verbale WESERGOLD, déposée le 26 juin 1996 et enregistrée le 11 mai 1999 sous le numéro 161413, désignant les produits relevant de la classe 32 et correspondant à la description suivante : «Eaux minérales et eaux de source ; eaux de table, boissons non alcooliques ; jus de fruits, nectars de fruits, sirops de fruits, jus de légumes, nectars de légumes, boissons rafraîchissantes, boissons à base de jus de fruits, limonades, boissons gazeuses, boissons minérales, thés glacés, eaux minérales aromatisées, eaux minérales avec jus de fruits ajoutés – toutes les boissons mentionnées également en tant que préparations diététiques à des fins non médicinales».

12

Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, point b), du règlement no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, point b), du règlement no 207/2009].

13

Le 11 juin 2009, la division d’opposition a fait droit à l’opposition et a rejeté la demande d’enregistrement de la marque communautaire. Pour des raisons d’économie de procédure, la division d’opposition a limité son examen de l’opposition à la marque communautaire verbale antérieure, pour laquelle une preuve d’usage sérieux n’était pas requise.

14

Le 13 juillet 2009, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

15

Par décision du 24 mars 2010 (ci-après la «décision attaquée»), la première chambre de recours de l’OHMI a fait droit au recours et a annulé la décision de la division d’opposition. Elle a considéré que le public pertinent se composait du grand public de l’Union européenne. Les produits couverts par la marque demandée, relevant de la classe 33, à savoir des «spiritueux, notamment [du] whisky», ne seraient pas semblables aux produits couverts par les marques antérieures relevant des classes 29 et 31 (voir points 20 et 21 de la décision attaquée). Il y aurait un faible degré de similitude entre les produits couverts par la marque demandée relevant de la classe 33 et ceux couverts par les marques antérieures relevant de la classe 32 (voir points 22 à 28 de la décision attaquée). Les signes en conflit présenteraient un degré moyen de similitude sur les plans visuel (voir point 33 de la décision attaquée) et phonétique (voir point 34 de la décision attaquée), mais ils seraient conceptuellement différents (voir points 35 à 37 de la décision attaquée). En ce qui concerne le caractère distinctif des marques antérieures, la chambre de recours a estimé, en substance, que celui-ci était légèrement inférieur à la moyenne en raison de la présence du terme «gold», qui aurait un caractère distinctif faible (voir points 38 à 40 de la décision attaquée). Enfin, elle a indiqué que la mise en balance de toutes les circonstances du cas d’espèce dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion aboutissait à une absence de risque de confusion entre les signes en conflit (voir points 41 à 47 de la décision attaquée).

Conclusions des parties

16

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’OHMI aux dépens.

17

L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

18

À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés de la violation, respectivement, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de l’article 64, de l’article 75, deuxième phrase, et, à titre subsidiaire, de l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009. Elle soutient, en substance, que les signes en conflit sont similaires visuellement, phonétiquement et conceptuellement, que les marques antérieures ont un caractère distinctif intrinsèque accru par l’usage et que les produits désignés par les signes en conflit sont similaires. Elle estime dès lors qu’il y a un risque de confusion entre les signes en conflit pour le public pertinent.

19

L’OHMI et l’intervenante contestent le bien-fondé des moyens soulevés par la requérante. Ils estiment qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les signes en conflit.

Observations liminaires

20

À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

21

Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Cette même jurisprudence a constaté que le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T-162/01, Rec. p. II-2821, points 30 à 33, et la jurisprudence qui y est citée].

22

Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licencing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p .II-43, point 42, et la jurisprudence qui y est citée].

Sur le public pertinent

23

La jurisprudence a constaté que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée qui, en principe, est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T-256/04, Rec. p. II-449, point 42, et la jurisprudence qui y est citée].

24

En l’espèce, au vu des produits en cause, il convient d’entériner la définition du public pertinent par la chambre de recours – qui n’a d’ailleurs pas été contestée par les parties – selon laquelle le public pertinent est constitué par le grand public.

25

La décision attaquée étant basée notamment sur une marque communautaire antérieure, le public pertinent est constitué du consommateur moyen de l’Union.

Sur la comparaison des produits

26

Comme cela a été reconnu par une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglès/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T-443/05, Rec. p. II-2579, point 37, et la jurisprudence qui y est citée].

27

Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits couverts par la marque demandée relevant de la classe 33 étaient différents de ceux visés par les marques antérieures relevant des classes 29 et 31 (voir points 20 et 21 de la décision attaquée). En outre, elle a considéré que les produits désignés par la marque demandée relevant de la classe 33 et ceux couverts par les marques antérieures relevant de la classe 32 ne présentaient qu’un faible degré de similitude (voir point 28 de la décision attaquée).

28

La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle il n’y a qu’une faible similitude entre les produits désignés par la marque demandée relevant de la classe 33 et ceux couverts par les marques antérieures relevant de la classe 32. Elle estime qu’il y a une similitude normale entre lesdits produits.

29

Ainsi, la requérante ne remet pas en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits couverts par la marque demandée relevant de la classe 33 sont différents de ceux visés par les marques antérieures relevant des classes 29 et 31, mais limite son grief à l’appréciation de celle-ci en ce qui concerne la similitude entre les produits relevant de la classe 33 visés par la marque demandée et ceux relevant de la classe 32 couverts par les marques antérieures.

30

S’agissant de cette dernière comparaison, la requérante estime, en premier lieu, que la circonstance que certains consommateurs sont attentifs à la distinction entre les boissons alcooliques et les boissons non alcooliques ne permet pas d’écarter la similitude existant par ailleurs entre les produits en question. Selon elle, la grande majorité des consommateurs ne font pas la différence selon que la boisson contient ou non de l’alcool, mais choisissent spontanément en fonction de leur envie du moment à partir d’une sélection de boissons qui leur est proposée notamment sur une carte de bar ou de restaurant. Elle s’oppose à l’invocation dans ce contexte de l’arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Coca-Cola/OHMI – San Polo (MEZZOPANE) (T-175/06, Rec. p. II-1055) dès lors que cette décision ne concernait pas les spiritueux, mais le vin.

31

À cet égard, il convient d’observer que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la nature même des produits diffère eu égard à la présence ou à l’absence d’alcool dans leur composition. La présence d’alcool dans une boisson ou non est perçue par le public pertinent comme une différence importante en ce qui concerne la nature des boissons en cause. Contrairement à ce qu’allègue la requérante, le grand public de l’Union est attentif et fait la différence entre des boissons contenant de l’alcool et des boissons sans alcool même lorsqu’il choisit une boisson en fonction de l’envie du moment. Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a indiqué dans la décision attaquée, en se référant à l’arrêt MEZZOPANE (point 30 supra, points 80 à 82), que les consommateurs moyens opèrent cette distinction lors de la comparaison entre les spiritueux de la marque demandée et les boissons non alcooliques des marques antérieures.

32

En deuxième lieu, la requérante allègue qu’il y a un recoupement considérable entre la destination et l’utilisation des produits couverts par les signes en conflit au motif que les spiritueux sont souvent mélangés à des boissons non alcooliques. Ainsi, ces boissons seraient parfois préconditionnées sous forme de mélange, comme dans le cas des «alcopops», ou encore bues ensemble sous la forme de cocktails et de long drinks.

33

À cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours pouvait considérer, sans commettre d’erreur, que les produits en cause se recoupaient partiellement en ce qui concerne leur destination et leur utilisation. En effet, la circonstance que les spiritueux sont souvent mélangés à des boissons non alcooliques, que ce soit de manière préconditionnée ou sous la forme de cocktails et de long drinks, ne permet pas de remettre en cause le fait que les spiritueux et notamment le whisky sont également souvent conditionnés et consommés tels quels.

34

En troisième lieu, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, en raison du processus de fabrication particulier des spiritueux qui diffère totalement de celui des boissons non alcooliques, le public pertinent ne part pas du principe que les spiritueux et les boissons non alcooliques sont fabriqués par la même entreprise. Elle estime que cette appréciation ne correspond pas à la réalité et invoque à l’appui de son argument des exemples de producteurs de jus de fruits et d’eaux-de-vie de fruits ainsi que des sites Internet.

35

À cet égard, il y a lieu d’observer tout d’abord que la requérante produit pour la première fois devant le Tribunal les preuves susmentionnées. Or, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter ces documents sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T-346/04, Rec. p. II-4891, point 19, et la jurisprudence qui y est citée]. En outre, la circonstance que, dans un certain nombre de cas, les producteurs d’eaux-de-vie ou d’autres spiritueux produisent également des boissons non alcooliques ne remet pas en cause l’appréciation selon laquelle le consommateur moyen ne part pas du principe que les spiritueux et les boissons non alcooliques émanent d’une même entreprise. En effet, au vu des modes de production, entièrement différents, la chambre de recours pouvait considérer que le public pertinent ne considérerait généralement pas que les boissons alcooliques et non alcooliques proviennent d’une même entreprise.

36

La requérante estime également que la similitude des produits ne dépend pas de la question de savoir si les produits en cause ont été fabriqués sur les mêmes sites de production, mais bien de la question de savoir si le public pertinent peut croire qu’ils proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées. Or, en l’espèce, il peut être déduit de la différence entre le processus de fabrication des spiritueux et celui des boissons non alcooliques invoquée par la chambre de recours que le public pertinent ne croira pas que les deux types de produits proviennent d’une même entreprise ou d’une entreprise liée.

37

En quatrième lieu, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les spiritueux sont des boissons consommées pour le plaisir alors que les boissons non alcooliques sont des boissons consommées pour apaiser la soif. Selon elle, de nombreuses boissons non alcooliques ne sont pas consommées pour apaiser la soif en raison de leur haute teneur en sucre, mais sont délibérément consommées pour leur goût et pour le plaisir.

38

À cet égard, il convient d’observer que le public pertinent ne percevra pas les spiritueux comme des boissons ayant vocation à désaltérer. En outre, même s’il est exact que de nombreuses boissons non alcooliques à haute teneur en sucre ne sont pas désaltérantes, le public pertinent les percevra néanmoins comme désaltérantes, en particulier lorsqu’elles sont servies fraîches. Au vu des effets de la consommation d’alcool sur la santé et les performances intellectuelles et physiques, le consommateur moyen ne consommera les spiritueux qu’occasionnellement pour le plaisir et pour leur goût. Les boissons non alcooliques sont, au contraire, généralement consommées pour apaiser la soif, en dépit du fait que le consommateur moyen peut les choisir en fonction de leur goût. En tout état de cause, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, pour le public pertinent, la présence ou l’absence d’alcool et la différence de goût entre les spiritueux et les boissons non alcooliques désignées par les marques antérieures primaient sur la destination et l’utilisation communes.

39

En cinquième lieu, la requérante estime que les produits en cause sont complémentaires en ce que les spiritueux sont consommés sous de nombreuses formes et essentiellement sous une forme mixte.

40

À cet égard, il convient de rappeler que des produits sont considérés comme complémentaires lorsqu’il existe un lien étroit entre ces produits en ce sens que l’achat de l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre (voir, en ce sens, arrêt MEZZOPANE, point 30 supra, point 67). Or, il ne peut être considéré que l’achat d’une boisson non alcoolique est indispensable à l’achat d’un spiritueux et vice versa. Il y a certes un lien entre les deux types de produits, mais il se limite au cas des boissons mixtes. Ce n’est que dans ces circonstances que l’acheteur de l’un de ces produits sera amené à acheter l’autre et vice versa. Toutefois, ainsi qu’il a été exposé au point 33 ci-dessus, les spiritueux et les boissons non alcooliques seront souvent consommés comme tels sans avoir été préalablement mélangés.

41

Au vu de l’ensemble des arguments qui précède, la chambre de recours pouvait, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer que les spiritueux visés par la marque demandée et les boissons non alcooliques visées par les marques antérieures ne présentaient qu’un faible degré de similitude.

42

Cette conclusion ne peut être remise en cause par l’invocation par la requérante de la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI (affaire R 83/2003-4). En effet, tel que cela a été reconnu par une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours de l’OHMI sont amenées à prendre, en vertu du règlement no 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C-412/05 P, Rec. p. I-3569, point 65, et arrêt ARTHUR ET FELICIE, point 35 supra, point 71).

Sur la comparaison des signes en conflit

Remarques liminaires

43

L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P, Rec. p. I-4529, point 35, et la jurisprudence qui y est citée).

44

À titre liminaire, il y a lieu de relever que la circonstance que les marques antérieures constituées du même terme «wesergold» sont écrites tantôt en majuscules, tantôt en minuscules, tantôt avec une majuscule au début et au milieu dudit terme, est sans incidence sur la comparaison des signes en cause. En effet, ainsi que cela a été constaté dans la jurisprudence, une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou d’associations de mots, écrits en caractères d’imprimerie dans une police normale, sans élément graphique spécifique. Par conséquent, la protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 mai 2008, Radio Regenbogen Hörfunk in Baden/OHMI (RadioCom), T‑254/06, non publié au Recueil, point 43, et la jurisprudence qui y est citée].

Sur la comparaison visuelle

45

La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en cause présentent un degré de similitude visuelle moyen. Elle allègue que le degré de similitude visuelle entre les signes en conflit est élevé au motif que l’utilisation d’une majuscule ne constitue pas un élément graphique, mais conduit à une division de la marque verbale en deux termes. Si tel n’était pas le cas, l’espace entre deux mots à l’intérieur d’une marque verbale n’aurait aucun sens et les marques constituées de deux mots ou plus devraient être regardées comme des marques à terme unique. À titre subsidiaire, elle soutient que tant la marque demandée que les marques antérieures devraient, selon l’approche susvisée, être considérées comme un terme unique. Par ailleurs, elle estime que les marques antérieures sont manifestement composées de deux éléments et que l’écriture séparée ou conjointe n’entraîne pas une prononciation différente. Les signes en conflit autoriseraient différentes manières de les prononcer dont aucune ne serait plus vraisemblable que l’autre et il ne pourrait être déduit de leur écriture des différences visuelles.

46

À cet égard, il y a lieu de confirmer, au regard de la jurisprudence reprise au point 44 ci-dessus, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’utilisation en alternance de minuscules et de majuscules au sein d’une des marques antérieures n’a aucune incidence sur la comparaison des signes dès lors que les marques antérieures sont des marques verbales. Ainsi, sur le plan visuel, il ne peut être fait état d’une division des marques antérieures en deux termes, comme l’avance la requérante, et il y a lieu de considérer que les marques antérieures sont composées d’un terme unique.

47

La circonstance que le terme unique des marques antérieures peut être perçu comme une contraction des termes «weser» et «gold» n’affecte pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée sera perçue visuellement comme comprenant deux mots alors que la marque antérieure n’en comprend qu’un seul. En outre, comme l’indique la chambre de recours, même si l’ordre des autres lettres est identique, la marque demandée se distingue des marques antérieures par les lettres «t» et «n». Au vu de ces éléments et de la circonstance que les signes en conflit contiennent les suites de lettres «w», «e» et «s» ainsi que «e» et «r», de même que l’élément «gold», c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré de similitude moyen sur le plan visuel.

Sur la comparaison phonétique

48

La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit présentent un degré moyen de similitude phonétique (voir point 34 de la décision attaquée). Elle allègue que la marque demandée et les marques antérieures présenteraient une forte similitude phonétique due à une identité du nombre de leurs syllabes, à une identité de leurs dernières syllabes, à une identité de leurs trois premières lettres et à une identité des neuf sonorités consécutives auxquelles donne lieu leur prononciation. Dans la marque demandée, la lettre «t» se confondrait avec la lettre précédente, à savoir la lettre «s», pour former le seul son [s] et la lettre «n» serait à peine audible.

49

À cet égard, il convient de relever que les signes en conflit contiennent tous les deux les suites de lettres «w», «e» et «s» ainsi que «e» et «r», de même que le terme «gold» dans le même ordre. Toutefois, en raison de la présence des lettres «t» et «n» dans la marque demandée WESTERN GOLD, cette dernière sera prononcée par le public pertinent d’une manière différente de celle des marques antérieures. Contrairement à l’allégation de la requérante, les lettres «n» et «t» sont audibles et entraînent des différences de rythme et de sonorité dans la prononciation de ladite marque, à tout le moins pour une partie du public pertinent, notamment pour le grand public anglais, espagnol, français et allemand. Ainsi, la dernière syllabe du premier mot de la marque demandée, à savoir la syllabe «stern», sera prononcée et perçue phonétiquement comme plus longue que la syllabe «ser» des marques antérieures. En outre, selon la langue du consommateur pertinent, la lettre «s» figurant dans la marque demandée est ou non prononcée de la même manière que la lettre «s» figurant dans les marques antérieures et prononcée comme [s] ou [z].

50

Partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que les signes en cause présentaient un degré moyen de similitude phonétique.

Sur la comparaison conceptuelle

51

Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient différents sur le plan conceptuel (voir point 37 de la décision attaquée).

52

La requérante conteste cette appréciation en alléguant que les signes en conflit sont conceptuellement similaires. L’expression «western gold» aurait un contenu incertain et insaisissable et laisserait ainsi place à des associations multiples mais abstraites qui ne seraient pas de nature à renforcer sa différence. L’élément «gold», figurant dans les deux marques, provoquerait une association positive qui est de nature à établir un lien inconscient entre les marques et entraînerait ainsi un rapprochement de leur sens.

53

À cet égard, il y a lieu de considérer que le terme «western» sera compris comme désignant le point cardinal «ouest» ou un genre cinématographique, puisque les films de western sont un genre cinématographique largement connu par le public pertinent. Les deux significations du mot «western» sont d’ailleurs fortement liées dès lors que le nom du genre cinématographique découle du lieu de l’action, qui se situait dans l’ouest des États-Unis. En outre, la chambre de recours a souligné, à juste titre, que beaucoup de consommateurs feraient le lien entre le whisky et les films susmentionnés, étant donné que souvent certains protagonistes de ces films consomment du whisky. Dès lors, le public pertinent attribuera une ou plusieurs significations précises au terme «western».

54

Le terme «weser», ainsi que l’indique à juste titre la chambre de recours, sera compris par une partie du public allemand comme une référence au nom du fleuve qui traverse notamment la ville de Brême (Allemagne). Pour le reste du public européen pertinent, ce terme sera perçu comme un terme de fantaisie.

55

Le terme «gold» des marques en cause sera compris comme une référence au métal précieux qu’est l’or, dont la couleur est proche de celle du whisky. De plus, le terme «gold» pourra être associé par le public pertinent à une qualité supérieure et de ce fait être compris comme un élément promotionnel. Pour la partie du public pertinent anglophone, dont les consommateurs anglais et irlandais, la marque demandée sera perçue comme signifiant «l’or de l’ouest». Toutefois, la présence commune du terme «gold» au sein des signes en conflit ne suffit pas à neutraliser les différences de signification entre les signes en cause eu égard à la différence de signification entre les termes «western» et «weser».

56

Partant, la chambre de recours pouvait considérer sans commettre d’erreur que les signes en cause étaient conceptuellement différents.

Appréciation intermédiaire

57

Concernant la comparaison des signes, il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a établi que les signes en conflit sont visuellement et phonétiquement similaires et conceptuellement différents.

58

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsque les marques sont phonétiquement et visuellement similaires, elles sont globalement similaires, sauf s’il y a des différences conceptuelles importantes. De telles différences sont susceptibles de neutraliser des ressemblances auditives et visuelles pour autant qu’au moins l’un des signes a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir directement (arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C-234/06 P, Rec. p. I-7333, point 34). Cela est applicable au cas d’espèce au vu de la différence conceptuelle entre les signes en conflit. Il en découle que les signes sont globalement différents, malgré leurs similitudes sur les plans visuel et phonétique.

59

Dès lors, il y a lieu d’examiner l’appréciation de la chambre de recours du caractère distinctif des marques antérieures, contestée par la requérante.

Sur le caractère distinctif des marques antérieures

Sur le caractère distinctif intrinsèque des marques antérieures

60

Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le caractère distinctif des marques antérieures était légèrement réduit par rapport au caractère distinctif moyen que leur avait reconnu la division d’opposition, au motif que l’élément «gold» serait perçu par le public pertinent comme une notion promotionnelle ou comme référence à la couleur dorée de certaines boissons (voir point 39 de la décision attaquée).

61

La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours en faisant valoir que toutes les boissons couvertes par les marques antérieures n’ont pas une couleur dorée et que les marques antérieures, prises dans leur ensemble, avaient au moins un caractère distinctif moyen indépendamment d’un caractère distinctif plus faible du terme «gold».

62

À cet égard, il convient de relever que, indépendamment du fait que certaines boissons couvertes par les marques antérieures n’ont pas de couleur dorée, le terme «gold» est un terme promotionnel communément utilisé pour désigner la qualité supérieure de produits et donc que ce terme a un caractère distinctif faible. De la sorte, cette partie des marques antérieures affaiblit le caractère distinctif intrinsèque de celles-ci. Il ressort d’une appréciation de l’impression d’ensemble de chacune des marques antérieures que la chambre de recours pouvait considérer sans commettre d’erreur que les marques antérieures jouissaient d’un caractère distinctif intrinsèque légèrement inférieur à la moyenne.

Sur le caractère distinctif accru par l’usage

63

S’agissant du caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle elle ne l’aurait pas invoqué. Elle renvoie à ce propos à son mémoire soumis à la division d’opposition le 10 mars 2008 et à son mémoire soumis à la chambre de recours le 22 décembre 2009, dans lequel elle a fait référence à son mémoire du 10 mars 2008. Elle estime qu’elle pouvait procéder à un tel renvoi devant la chambre de recours au motif que, comme la division d’opposition avait reconnu une force distinctive intrinsèque normale aux marques antérieures, elle n’a pas été contrainte de répéter ses écritures d’une manière explicite. Elle soutient ne pas avoir vu la nécessité d’envoyer des documents concernant l’usage de sa marque tant qu’elle pouvait supposer que l’objet de la procédure de recours était formé par la décision de la division d’opposition portant uniquement sur la marque communautaire antérieure et la marque demandée.

64

À cet égard, il convient de rappeler plusieurs éléments.

65

À la suite d’une requête du demandeur de marque au cours de la procédure devant la division d’opposition, la requérante a été priée, conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, d’apporter la preuve de l’usage sérieux de ses marques antérieures enregistrées depuis plus de cinq années à la date de l’opposition.

66

En réponse à cette demande, la requérante a joint à son mémoire du 10 mars 2008 des preuves afin de démontrer l’usage sérieux de ses marques antérieures. Dans ce mémoire, elle a également indiqué que «[l]a commercialisation de ces produits, vendus pratiquement tous dans l’Union européenne et la Suisse, [apportait la] preuve non seulement de l’usage sérieux de la marque fondant son opposition, mais aussi de son caractère distinctif accru par l’usage». En outre, elle a précisé qu’elle maintenait que «les produits [étaient] partiellement identiques et que les termes des marques [étaient] similaires, et que, de plus, les marques antérieures fondant l’opposition WESERGOLD [avaient] un caractère distinctif intrinsèque normal, considérablement accru par l’usage, de sorte qu’il y [avait] un risque de confusion entre les marques».

67

Dans sa décision du 11 juin 2009, la division d’opposition a fait droit à la requérante en indiquant qu’il y avait un risque de confusion entre les signes en conflit. Le demandeur de marque, intervenante dans la présente procédure, a introduit un recours devant la chambre de recours contre ladite décision de la division d’opposition. La requérante dans la présente procédure est intervenue dans la procédure devant la chambre de recours afin de défendre son opposition ainsi que la décision de la division d’opposition.

68

Dans son mémoire en défense du 22 décembre 2009 devant la chambre de recours, la requérante a renvoyé aux documents présentés dans la procédure d’opposition, dont le mémoire du 10 mars 2008.

69

Enfin, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que «l’opposante n’[avait] pas invoqué une augmentation du caractère distinctif des marques antérieures résultant de l’usage de ces dernières» (voir point 40 de la décision attaquée).

70

Ainsi qu’il ressort de ce qui précède, la requérante n’a pas expressément avancé d’arguments quant au caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures dans sa défense devant la chambre de recours. La requérante s’est limitée à renvoyer à ses écrits devant la division d’opposition. Toutefois, lesdits écrits contenaient une allégation étayée par des preuves selon laquelle les marques antérieures jouissaient d’un caractère distinctif accru par l’usage.

71

Or, aux termes de l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 à la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours et peut, ce faisant, «exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée», c’est-à-dire, en l’occurrence, se prononcer elle-même sur l’opposition en la rejetant ou en la déclarant fondée, confirmant ou infirmant en cela la décision attaquée. Il résulte ainsi de l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, que, par l’effet du recours dont elle est saisie, la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition, tant en droit qu’en fait [arrêts de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C-29/05 P, Rec. p. I-2213, point 57 ; du Tribunal du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI - LHS (UK) (KLEENCARE), T-308/01, Rec. p. II-3253, point 29, et du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T-504/09, Rec. p. II-8179, point 53].

72

Indépendamment du fait que la requérante a fait expressément référence, devant la chambre de recours, à ses écrits devant la division d’opposition, la chambre de recours était tenue d’examiner l’ensemble des arguments présentés à la division d’opposition. Ainsi, dans la mesure où la requérante a soulevé le caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures au cours de la procédure devant la division d’opposition, la chambre de recours ne pouvait pas considérer que la requérante n’avait pas invoqué une augmentation du caractère distinctif des marques antérieures résultant de l’usage de ces dernières.

73

Il s’ensuit que la chambre de recours a commis, en l’espèce, une erreur dans l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

74

Cette conclusion n’est pas remise en cause par les différents arguments de l’OHMI et de l’intervenante.

75

Ainsi, s’agissant de l’argument de l’OHMI selon lequel la requérante avait mentionné le caractère distinctif accru par l’usage uniquement dans une proposition subordonnée dans le cadre de la discussion sur la question de la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures et donc hors délai, il y a lieu d’observer ce qui suit.

76

Il ressort du dossier de l’OHMI que, dans une lettre du 8 janvier 2008, la division d’opposition a invité la requérante à prendre position sur la question de l’usage sérieux de la marque antérieure polonaise enregistrée sous le numéro 161413 et celui de la marque antérieure allemande enregistrée sous le numéro 902472. En particulier, il lui a été demandé de prendre position et d’apporter la preuve desdits usages dans un délai de deux mois à compter de cette lettre, à savoir pour le 9 mars 2008. Il y a en outre été précisé que le délai qui lui avait été donné pour soumettre des faits, des preuves ou des observations à l’appui de son opposition était également prorogé jusqu’au 9 mars 2008.

77

La requérante a répondu à cette lettre par son mémoire du 10 mars 2008 transmis par télécopie le même jour à l’OHMI. Comme indiqué au point 66 ci-dessus, dans ce mémoire la requérante a fourni des éléments de preuve au soutien de l’usage sérieux de ses marques antérieures et a allégué le caractère distinctif accru par l’usage de ses marques.

78

Contrairement à ce qu’allègue l’OHMI devant le Tribunal, la circonstance que la requérante a fait valoir le caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures dans sa réponse à la demande de preuve de l’usage sérieux de ses marques antérieures ne rend pas tardive son argumentation sur le caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures. En effet, dans sa lettre du 8 janvier 2008, la division d’opposition a expressément autorisé la requérante à soumettre des faits, des preuves ou des observations à l’appui de son opposition jusqu’au 9 mars 2008.

79

En outre, il ne peut être considéré que le mémoire de la requérante du 10 mars 2008 a été transmis à l’OHMI hors délai. En effet, en application de la règle 72 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), si un délai expire un jour où l’on ne peut déposer de documents auprès de l’OHMI, le délai est prorogé jusqu’au premier jour où les documents peuvent être déposés et où le courrier ordinaire est distribué. Cette règle prévoit que les jours où ne peuvent être déposés de documents auprès de l’OHMI sont fixés par le président de l’OHMI avant le début de chaque année civile. Or, pour l’année 2008, le président de l’OHMI a adopté le 17 décembre 2007 la décision EX-07-05 concernant les jours de fermeture de l’OHMI pour le dépôt de documents et ceux où le courrier ordinaire n’est pas distribué. Dans cette décision, la décision ADM-95-23 du président de l’OHMI, du 22 décembre 1995 (JO OHMI 1995, p. 487), est rappelée, dans laquelle il a été déterminé que l’OHMI n’est pas ouvert au public les samedis et dimanches. Le 9 mars 2008 étant un dimanche, le dépôt du mémoire de la requérante le 10 mars 2008 n’était pas hors délai. Cela a été reconnu par l’OHMI à l’audience.

80

En outre, en ce que l’OHMI avance l’absence d’invocation précise dans le mémoire en défense devant la chambre de recours du caractère distinctif accru par l’usage, il y a lieu d’observer que cette circonstance n’affecte pas l’obligation de la chambre de recours, lorsqu’elle se prononce elle-même sur l’opposition, de procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition, tant en droit qu’en fait. En effet, l’étendue de l’examen que la chambre de recours est tenue d’opérer à l’égard de la décision faisant l’objet du recours n’est pas, en principe, déterminée par les moyens invoqués par la partie ayant formé le recours (arrêt KLEENCARE, point 71 supra, point 29). À plus forte raison, l’étendue de l’examen de la chambre de recours n’est pas limitée par l’absence de précision de certains moyens de défense avancés devant la chambre de recours. Or, pour les motifs exposés aux points 76 et suivants ci-dessus, l’examen complet du fond de l’opposition impliquait l’analyse du caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures.

81

En ce que l’intervenante et l’OHMI estiment que l’argument de la requérante tiré du caractère distinctif accru par l’usage est non fondé et non étayé par des preuves adéquates, il y a lieu d’observer que telle n’est pas la motivation avancée par la chambre de recours dans la décision attaquée. Dès lors que la chambre de recours n’a pas porté, à tort, son appréciation sur les arguments et preuves du caractère distinctif accru par l’usage, il n’appartient pas au Tribunal de procéder à l’appréciation de ces mêmes arguments et preuves dans le cadre de la demande en annulation de la décision attaquée. En effet, dans le contexte d’une telle demande, le Tribunal ne saurait, dans l’exercice de son contrôle de légalité, se substituer à la chambre de recours sur une appréciation factuelle que celle-ci a omis d’effectuer. Or, dans le cadre d’un recours en annulation, comme en l’espèce, si le Tribunal conclut qu’une décision de la chambre de recours, mise en cause dans un recours formé devant lui, est entachée d’une illégalité, il doit l’annuler. Il ne peut pas rejeter le recours en substituant sa propre motivation à celle de l’instance compétente de l’OHMI, qui est l’auteur de l’acte attaqué [arrêt du Tribunal du 9 septembre 2010, Axis/OHMI – Etra Investigación y Desarrollo (ETRAX), T-70/08, Rec. p. II-4645, point 29].

82

Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à tort que la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait pas revendiqué un caractère distinctif accru des marques antérieures dû à leur usage. Cette erreur implique que la chambre de recours a omis d’examiner un facteur potentiellement pertinent dans l’appréciation globale de l’existence du risque de confusion entre la marque contestée et les marques antérieures [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 février 2012, Dosenbach-Ochsner/OHMI – Sisma (Représentation d’éléphants dans un rectangle), T‑424/10, points 55 et suivants, et la jurisprudence qui y est citée].

83

Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 62, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 40/94 [devenu article 64, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 207/2009], à la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Cette obligation d’examen du recours inclut la prise en compte du caractère distinctif acquis par l’usage, lorsque cet argument est allégué. Il n’est pas exclu que l’examen du bien-fondé des arguments et éléments de preuve présentés par la requérante au cours de la procédure devant l’OHMI quant au caractère distinctif acquis par l’usage eût amené la chambre de recours à adopter une décision ayant un contenu différent de celui de la décision attaquée. Par conséquent, en omettant de procéder à un tel examen, la chambre de recours a commis une violation des formes substantielles devant conduire à l’annulation de l’acte attaqué [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 juin 2008, Gabel Industria Tessile/OHMI – Creaciones Garel (GABEL), T-85/07, Rec. p. II-823, point 20].

84

Par conséquent, il convient d’accueillir le premier moyen de la requérante et, partant, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par la requérante.

Sur les dépens

85

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

86

L’OHMI et la partie intervenante ont succombé. Partant, d’une part, il y a lieu de condamner l’OHMI à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. D’autre part, il y a lieu de décider que la partie intervenante supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 24 mars 2010 (affaire R 770/2009-1) est annulée.

 

2)

L’OHMI supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Wesergold Getränkeindustrie GmbH & Co. KG.

 

3)

Lidl Stiftung & Co. KG supportera ses propres dépens.

 

Azizi

Frimodt Nielsen

Kancheva

Signatures

Table des matières

 

Antécédents du litige

 

Conclusions des parties

 

En droit

 

Observations liminaires

 

Sur le public pertinent

 

Sur la comparaison des produits

 

Sur la comparaison des signes en conflit

 

Remarques liminaires

 

Sur la comparaison visuelle

 

Sur la comparaison phonétique

 

Sur la comparaison conceptuelle

 

Appréciation intermédiaire

 

Sur le caractère distinctif des marques antérieures

 

Sur le caractère distinctif intrinsèque des marques antérieures

 

Sur le caractère distinctif accru par l’usage

 

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.