Affaire C-153/10

Staatssecretaris van Financiën

contre

Sony Supply Chain Solutions (Europe) BV, anciennement Sony Logistics Europe BV

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)

«Règlement (CEE) nº 2913/92 — Code des douanes communautaire — Articles 12, paragraphes 2 et 5, 217, paragraphe 1, et 243 — Règlement (CEE) nº 2454/93 — Dispositions d’application du règlement (CEE) nº 2913/92 — Articles 10 et 11 — Classement des marchandises — Renseignement tarifaire contraignant — Invocation par un opérateur autre que le titulaire pour la même marchandise — Instructions de l’administration nationale des douanes — Confiance légitime»

Sommaire de l'arrêt

1.        Tarif douanier commun — Classement des marchandises — Renseignement tarifaire contraignant

(Règlement du Conseil nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 82/97, art. 5, § 4, et 12, § 2; règlement de la Commission nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 12/97, art. 10 et 11)

2.        Tarif douanier commun — Classement des marchandises — Renseignement tarifaire contraignant — Contestation par une partie intéressée de la perception de droits de douane — Moyens de preuve

(Règlement du Conseil nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 82/97, art. 12, § 2 et 5, 217, § 1, et 243; règlement de la Commission nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 12/97, art. 11)

3.        Tarif douanier commun — Classement des marchandises — Renseignement tarifaire contraignant

(Règlement du Conseil nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 82/97, art. 12; règlement de la Commission nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 12/97, art. 10, § 1)

1.        L’article 12, paragraphe 2, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 82/97, ainsi que les articles 10 et 11 du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d’application du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 12/97, doivent être interprétés en ce sens que le déclarant en douane, qui établit des déclarations en douane en son nom propre et pour son propre compte, ne peut se prévaloir d’un renseignement tarifaire contraignant dont le titulaire est non pas lui-même, mais une société à laquelle il est lié et à la demande de laquelle il a effectué ces déclarations.

En effet, d'une part, l’article 5, paragraphe 4, second alinéa, dudit code précise que la personne qui ne déclare pas qu’elle agit au nom ou pour le compte d’une autre personne ou celle qui ne possède pas de pouvoir de représentation est réputée agir en son nom propre et pour son propre compte. Il en résulte que la représentation doit être expresse et ne se présume pas. D'autre part, la circonstance que deux sociétés font partie du même groupe ou que l'une d'entre elles est la représentante fiscale de l'autre dans l'État membre d'importation ne lui confère pas la qualité de représentant, au sens de cet article 5 du code des douanes.

(cf. points 31, 34-35, disp. 1)

2.        Les articles 12, paragraphes 2 et 5, et 217, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 82/97, ainsi que l’article 11 du règlement nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 12/97, lus en combinaison avec l’article 243 du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 82/97, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’une procédure relative à la perception de droits de douane, une partie intéressée peut contester cette perception en présentant, à titre de preuve, un renseignement tarifaire contraignant délivré pour les mêmes marchandises dans un autre État membre sans que ce renseignement tarifaire contraignant puisse produire les effets juridiques qui s’y rapportent. Il incombe cependant à la juridiction nationale de déterminer si les règles procédurales pertinentes de l’État membre concerné prévoient la possibilité de la production de tels moyens de preuve.

(cf. point 44, disp. 2)

3.        L’article 12 du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 82/97, et l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 12/97, doivent être interprétés en ce sens qu’une instruction nationale qui reconnaît aux autorités nationales la possibilité de se référer, en vue du classement tarifaire de marchandises déclarées, à un renseignement tarifaire contraignant délivré à un tiers pour ces mêmes marchandises, ne peut créer, dans le chef des importateurs, une confiance légitime à se prévaloir de cette instruction dès lors qu'en appliquant le droit de l'Union, ces autorités ont eu un comportement contraire à ce droit.

(cf. points 47, 49-50, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

7 avril 2011 (*)

«Règlement (CEE) n° 2913/92 – Code des douanes communautaire – Articles 12, paragraphes 2 et 5, 217, paragraphe 1, et 243 – Règlement (CEE) n° 2454/93 – Dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 – Articles 10 et 11 – Classement des marchandises – Renseignement tarifaire contraignant – Invocation par un opérateur autre que le titulaire pour la même marchandise – Instructions de l’administration nationale des douanes – Confiance légitime»

Dans l’affaire C‑153/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 12 mars 2010, parvenue à la Cour le 1er avril 2010, dans la procédure

Staatssecretaris van Financiën

contre

Sony Supply Chain Solutions (Europe) BV, anciennement Sony Logistics Europe BV,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, M. A. Rosas et Mme P. Lindh (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 février 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour Sony Supply Chain Solutions (Europe) BV, anciennement Sony Logistics Europe BV, par Me P. De Baere, advocaat,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. M. Wissels et B. Koopman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek et Mme K. Havlíčková, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et W. Roels, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12, paragraphes 2 et 5, 217, paragraphe 1, et 243 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 82/97 du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996 (JO 1997, L 17, p. 1 et – rectificatif – JO 1997, L 179, p. 11, ci-après le «code des douanes»), ainsi que des articles 10 et 11 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement n° 2913/92 (JO L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 12/97 de la Commission, du 18 décembre 1996 (JO 1997, L 9, p. 1, ci-après le «règlement d’application»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Staatssecretaris van Financiën à Sony Logitics Europe BV, devenue Sony Supply Chain Solutions (Europe) BV (ci-après «SLE»), à propos du paiement de droits de douane afférents à des consoles de jeux vidéos.

 Le cadre juridique

 Le code des douanes

3        L’article 4 du code des douanes est ainsi libellé:

«Aux fins du présent code, on entend par:

[...]

5)      décision: tout acte administratif concernant la réglementation douanière pris par une autorité douanière statuant sur un cas individuel, qui a des effets de droit sur une ou plusieurs personnes déterminées ou susceptibles d’être déterminées; ce terme couvre, entre autres, un renseignement contraignant au sens de l’article 12;

[...]»

4        L’article 5 de ce code énonce:

«1.      Dans les conditions prévues à l’article 64 paragraphe 2 et sous réserve des dispositions prises dans le cadre de l’article 243 paragraphe 2 [sous] b), toute personne peut se faire représenter auprès des autorités douanières pour l’accomplissement des actes et formalités prévus par la réglementation douanière.

2.      La représentation peut être:

–        directe, dans ce cas le représentant agit au nom et pour le compte d’autrui,

ou

–        indirecte, dans ce cas le représentant agit en son nom propre, mais pour le compte d’autrui.

[...]

4.      Le représentant doit déclarer agir pour la personne représentée, préciser s’il s’agit d’une représentation directe ou indirecte et posséder un pouvoir de représentation.

La personne qui ne déclare pas qu’elle agit au nom ou pour le compte d’une autre personne ou qui déclare agir au nom ou pour le compte d’une autre personne sans posséder un pouvoir de représentation est réputée agir en son nom propre et pour son propre compte.

[...]»

5        L’article 12 dudit code dispose:

«[...]

2.      Le renseignement tarifaire contraignant ou le renseignement contraignant en matière d’origine ne lie les autorités douanières vis-à-vis du titulaire que, respectivement, pour le classement tarifaire ou pour la détermination de l’origine d’une marchandise.

Le renseignement tarifaire contraignant ou le renseignement contraignant en matière d’origine ne lie les autorités douanières qu’à l’égard des marchandises pour lesquelles les formalités douanières sont accomplies postérieurement à la date de sa délivrance par lesdites autorités.

[...]

5.      Un renseignement contraignant cesse d’être valable lorsque:

a)      en matière tarifaire:

[...]

iii)      il est révoqué ou modifié conformément à l’article 9, et sous réserve que cette révocation ou modification soit notifiée au titulaire.

[...]

6.      Le titulaire d’un renseignement contraignant qui cesse d’être valable conformément au paragraphe 5, points a) ii) ou iii) ou b) ii) ou iii), peut continuer à s’en prévaloir pendant une période de six mois après la date de publication ou de notification, dès lors qu’il a conclu, sur la base du renseignement contraignant et avant l’adoption de la mesure en question, des contrats fermes et définitifs relatifs à l’achat ou à la vente des marchandises en cause. Toutefois, lorsqu’il s’agit de produits pour lesquels un certificat d’importation, d’exportation ou de préfixation est présenté lors de l’accomplissement des formalités douanières, la période pour laquelle le certificat en question reste valable se substitue à la période de six mois.

[...]»

6        L’article 64, paragraphe 1, du même code énonce:

«Sous réserve de l’article 5, la déclaration en douane peut être faite par toute personne en mesure de présenter ou de faire présenter au service des douanes compétent la marchandise en cause ainsi que tous les documents dont la production est nécessaire pour permettre l’application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel la marchandise est déclarée.»

7        L’article 217 du code des douanes précise:

«1.      Tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé ‘montant de droits’, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte).

Le premier alinéa ne s’applique pas dans les cas où:

[...]

b)      le montant des droits légalement dus est supérieur à celui déterminé sur la base d’un renseignement contraignant;

[...]»

8        L’article 243 de ce code est ainsi libellé:

«1.      Toute personne a le droit d’exercer un recours contre les décisions prises par les autorités douanières qui ont trait à l’application de la réglementation douanière et qui la concernent directement et individuellement.

A également le droit d’exercer un recours, la personne qui avait sollicité une décision relative à l’application de la réglementation douanière auprès des autorités douanières, mais qui n’a pas obtenu que celles-ci statuent sur cette demande dans le délai visé à l’article 6 paragraphe 2.

[...]

2.      Le droit de recours peut être exercé:

a)      dans une première phase, devant l’autorité douanière désignée à cet effet par les États membres;

b)      dans une seconde phase, devant une instance indépendante qui peut être une autorité judiciaire ou un organe spécialisé équivalent, conformément aux dispositions en vigueur dans les États membres.»

 Le règlement d’application

9        Aux termes de l’article 5 du règlement d’application, il est précisé:

«Au sens du présent titre, on entend par:

1)      renseignement contraignant: un renseignement tarifaire ou un renseignement en matière d’origine liant les administrations de tous les États membres de la Communauté, lorsque les conditions définies aux articles 6 et 7 sont remplies;

[...]»

10      L’article 10, paragraphes 1 et 2, sous a), de ce règlement est ainsi libellé:

«1.      Le renseignement contraignant ne peut être invoqué que par le titulaire, sans préjudice des articles 5 et 64 du code [des douanes].

2.      a)     En matière tarifaire: les autorités douanières peuvent exiger que le titulaire, au moment où il effectue les formalités douanières, indique aux autorités douanières qu’il est en possession d’un renseignement tarifaire contraignant pour les marchandises faisant l’objet d’un dédouanement.

[...]»

11      L’article 11 dudit règlement énonce:

«Un renseignement tarifaire contraignant qui a été délivré par les autorités douanières d’un État membre à partir du 1er janvier 1991 lie les autorités compétentes de tous les États membres dans les mêmes conditions.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Sony Computer Entertainment Europe Ltd. (ci-après «SCEE»), société établie au Royaume-Uni, est responsable de la commercialisation, de la vente et de la distribution d’appareils de jeux, d’unités périphériques et de logiciels dans l’ensemble de l’Union européenne. Parmi ces appareils de jeux figure la console dénommée Playstation 2 Computer Entertainment System (ci-après la «PS2»).

13      SCEE et SLE font partie du même groupe de sociétés, dans le cadre duquel SLE fournit des services logistiques aux autres entreprises du groupe. Le 1er avril 1997, SCEE et SLE ont conclu un accord qui prévoit que SLE assiste SCEE dans l’importation et l’entreposage des stocks européens d’appareils de jeux dont la PS2. SLE est chargée d’effectuer les déclarations en douane concernant lesdits appareils.

14      Entre le mois de novembre de l’année 2000 et le mois de mai de l’année 2001, SLE a importé des PS2 aux Pays-Bas et a effectué pour SCEE, mais en son nom propre et pour son propre compte, des déclarations en douane pour ces marchandises. Elle a indiqué que les PS2 devaient être classées dans la sous-position tarifaire 9504 10 00 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1, ci-après la «NC»), dans sa rédaction résultant du règlement (CE) n° 2204/1999 de la Commission, du 12 octobre 1999 (JO L 278, p. 1), en ce qui concerne les importations effectuées durant l’année 2000 et du règlement (CE) n° 2263/2000 de la Commission, du 13 octobre 2000 (JO L 264, p. 1), en ce qui concerne celles effectuées durant l’année 2001. La sous-position tarifaire 9504 10 00 entraînait le paiement de droits de douane d’un taux de 2,2 % durant l’année 2000 et d’un taux de 1,7 % durant l’année 2001. Les autorités douanières néerlandaises ont demandé à SLE le paiement des droits de douane correspondant auxdits taux.

15      SLE a alors introduit un recours contre cette demande en soutenant que les PS2 auraient en réalité dû être classées dans la sous-position tarifaire 8471 49 90 de la NC. Il y a lieu de préciser que les marchandises classées dans cette sous-position sont exemptes de droits de douane.

16      Dans le cadre de ce recours, SLE se fonde sur une procédure qui a opposé SCEE aux autorités douanières du Royaume-Uni. En effet, le 19 octobre 2000, celles-ci ont délivré à SCEE un renseignement tarifaire contraignant (ci-après un «RTC») portant sur la PS2 et classant celle-ci dans la sous-position tarifaire 9504 10 00 de la NC.

17      SCEE avait alors introduit un recours devant les juridictions du Royaume-Uni pour contester ce classement. À la suite de cette procédure, les autorités douanières du Royaume-Uni ont, le 12 juin 2001, délivré à SCEE un RTC modifié et classé la PS2 dans la sous-position tarifaire 8471 49 90 de la NC, avec effet au 19 octobre 2000.

18      Devant les autorités douanières néerlandaises, SLE a invoqué le RTC modifié délivré à SCEE.

19      Par décision du 11 décembre 2007, le Gerechtshof te Amsterdam a considéré que SLE pouvait se prévaloir, devant les autorités douanières néerlandaises, du RTC modifié délivré à SCEE par les autorités douanières du Royaume-Uni, même pour les déclarations en douane intervenues entre le 19 octobre 2000 et le 12 juin 2001. Cette juridiction a, en conséquence, décidé que les PS2 devaient être classées dans la sous-position tarifaire 8471 49 90 de la NC.

20      Le Staatssecretaris van Financiën a formé un pourvoi en cassation contre la décision du 11 décembre 2007 devant le Hoge Raad der Nederlanden.

21      Cette juridiction a des doutes quant à la valeur du RTC modifié entre le 19 octobre 2000 et le 12 juin 2001, quant à la possibilité pour SLE d’invoquer ce RTC et quant à la confiance légitime que l’importateur pouvait fonder sur le fait que les autorités douanières néerlandaises devaient, selon leurs propres règles, prendre en compte un RTC délivré à un tiers pour des marchandises identiques.

22      En conséquence, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Convient-il d’interpréter le droit communautaire et, plus particulièrement, les articles 12, paragraphes 2 et 5, et 217, paragraphe 1, du code des douanes [...], ainsi que l’article 11 de son règlement d’application [...], en combinaison avec l’article 243 du code [des douanes], en ce sens que, dans le contexte d’une procédure relative à des droits de douane perçus, une partie intéressée peut contester cette perception en présentant un renseignement tarifaire contraignant délivré pour les mêmes marchandises dans un autre État membre qui, à l’époque, est encore litigieux mais qui a été finalement modifié?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, le déclarant qui agit en son nom propre et pour son propre compte en établissant des déclarations en douane de mise en libre pratique peut-il, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, se prévaloir d’un renseignement tarifaire contraignant dont l’ayant droit n’est pas lui-même mais la société liée à la demande de laquelle il a effectué lesdites déclarations?

3)      En cas de réponse négative à la deuxième question, le droit communautaire s’oppose-t-il à ce que, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, une partie intéressée se prévale d’une instruction nationale dans laquelle les autorités nationales créent une confiance légitime quant à la possibilité de se référer, en vue du classement tarifaire de marchandises déclarées, à un renseignement tarifaire délivré à un tiers pour la même marchandise?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la deuxième question

23      Par sa deuxième question, qu’il convient de traiter en premier lieu, la juridiction de renvoi demande à la Cour si le code des douanes et le règlement d’application doivent être interprétés en ce sens que le déclarant en douane, qui établit des déclarations en douane en son nom propre et pour son propre compte, peut se prévaloir d’un RTC dont le titulaire est non pas lui-même, mais une société à laquelle il est lié et à la demande de laquelle il a effectué ces déclarations.

24      Il convient de rappeler de manière liminaire qu’un RTC a pour objectif de donner à l’opérateur économique une sécurité juridique lorsqu’un doute subsiste sur le classement d’une marchandise dans la nomenclature douanière existante (voir arrêt du 2 décembre 2010, Schenker, C‑199/09, non encore publié au Recueil, point 16), le protégeant ainsi vis-à-vis de toute modification ultérieure de la position prise par les autorités douanières concernant le classement de cette marchandise (voir arrêt du 29 janvier 1998, Lopex Export, C‑315/96, Rec. p. I‑317, point 28).

25      Il ressort des dispositions combinées de l’article 12, paragraphe 2, du code des douanes ainsi que des articles 10 et 11 du règlement d’application qu’un RTC ne peut être invoqué que par son titulaire vis-à-vis des autorités douanières qui l’ont délivré et vis-à-vis de celles des autres États membres.

26      À cet égard, la Cour a jugé qu’un RTC ne crée de droits qu’au profit de son titulaire (arrêt du 15 septembre 2005, Intermodal Transports, C‑495/03, Rec. p. I‑8151, point 27).

27      Cependant, l’article 10 du règlement d’application précise que le droit d’invoquer un RTC est réservé à son titulaire, sans préjudice des articles 5 et 64 du code des douanes. Ces derniers articles régissent la déclaration en douane lorsque celle-ci est effectuée par une personne autre que l’importateur. Il en résulte que la règle selon laquelle le RTC ne peut être invoqué que par son titulaire n’interdit pas à ce dernier de faire procéder à la déclaration en douane par un tiers.

28      L’article 64 du code des douanes, pour sa part, se borne à indiquer que la déclaration en douane par écrit peut être faite par toute personne en mesure de présenter ou de faire présenter aux autorités douanières la marchandise et les documents qui l’accompagnent, sous réserve des dispositions de l’article 5 du même code.

29      L’article 5 du code des douanes édicte les règles relatives à la représentation auprès des autorités douanières pour l’accomplissement des actes et des formalités prévus par la réglementation douanière. Le RTC obtenu par le représentant pourra ultérieurement être invoqué par l’opérateur pour le compte duquel le représentant a agi. De même, le représentant, agissant pour le compte du titulaire du RTC, pourra invoquer celui-ci vis-à-vis des autorités douanières d’États membres autres que celle qui l’a délivré.

30      Le code des douanes régit de manière exhaustive le droit de la représentation en douane. L’article 5, paragraphe 2, de ce code précise que cette dernière peut être directe ou indirecte. Lorsque la représentation est directe, le représentant agit au nom et pour le compte d’une autre personne. Lorsqu’elle est indirecte, il agit en son nom propre, mais pour le compte d’autrui. En outre, les États membres peuvent décider que, sur leur territoire, le représentant doit être un commissionnaire en douane.

31      Par ailleurs, l’article 5, paragraphe 4, second alinéa, dudit code précise que la personne qui ne déclare pas qu’elle agit au nom ou pour le compte d’une autre personne ou celle qui ne possède pas de pouvoir de représentation est réputée agir en son nom propre et pour son propre compte. Il en résulte que la représentation doit être expresse et ne se présume pas.

32      Or, il ressort tant de la décision de renvoi que des observations soumises à la Cour par SLE que cette dernière a importé les PS2 en son nom propre et pour son propre compte en raison du fait que, à l’époque de cette importation, soit entre le mois de novembre de l’année 2000 et le mois de mai de l’année 2001, le Royaume des Pays-Bas n’autorisait la représentation en douane que lorsque celle-ci était effectuée par des commissionnaires en douane.

33      Il en résulte que SLE n’ayant pas agi en tant que représentant de SCEE, elle ne pouvait se prévaloir, vis-à-vis des autorités douanières néerlandaises, d’un RTC dont SCEE était titulaire.

34      À cet égard, la circonstance que SCEE et SLE faisaient partie du même groupe de sociétés ou que la seconde était la représentante fiscale de la première aux Pays-Bas n’a pas conféré à SLE la qualité de représentant, au sens de l’article 5 du code des douanes.

35      Il résulte de ces considérations qu’il convient de répondre à la deuxième question posée que l’article 12, paragraphe 2, du code des douanes ainsi que les articles 10 et 11 du règlement d’application doivent être interprétés en ce sens que le déclarant en douane, qui établit des déclarations en douane en son nom propre et pour son propre compte, ne peut se prévaloir d’un RTC dont le titulaire est non pas lui-même, mais une société à laquelle il est lié et à la demande de laquelle il a effectué ces déclarations.

 Sur la première question

36      Par sa première question la juridiction de renvoi demande à la Cour si les articles 12, paragraphes 2 et 5, et 217, paragraphe 1, du code des douanes ainsi que l’article 11 du règlement d’application, lus en combinaison avec l’article 243 du code des douanes, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’une procédure relative à la perception de droits de douane, une partie intéressée peut contester cette perception en présentant un RTC délivré, pour les mêmes marchandises, dans un autre État membre. La juridiction de renvoi demande, en outre, s’il y a lieu de prendre en compte ce RTC alors que, à l’époque de l’importation, la validité de celui-ci était en cause et qu’il n’a finalement été modifié que postérieurement à cette importation.

37      Selon l’article 243 du code des douanes, toute personne a le droit d’exercer un recours contre les décisions prises par les autorités douanières qui ont trait à la réglementation douanière et qui la concernent directement et individuellement. Il résulte de l’article 4, point 5, du code des douanes qu’un RTC est une décision au sens de dudit article 243.

38      Le litige au principal est relatif au classement tarifaire d’une marchandise et au paiement subséquent de droits de douanes. À l’appui de ses prétentions, SLE invoque un RTC délivré à SCEE par les autorités douanières d’un autre État membre. Il apparaît, par conséquent, que ce litige s’analyse bien en un recours au sens de l’article 243 du code des douanes.

39      Ainsi qu’il ressort des points 33 et 35 du présent arrêt, une personne ne peut se prévaloir d’un RTC dont elle n’est pas titulaire, sauf si cette personne agit en qualité de représentant.

40      En application de l’article 12, paragraphe 2, du code des douanes et de l’article 11 du règlement d’application, un RTC ne lie les autorités douanières que lorsqu’il est invoqué par son titulaire ou le représentant de celui-ci. En dehors de cette hypothèse, l’instance, saisie en application de l’article 243, paragraphe 2, du code des douanes et devant laquelle un RTC est présenté ne peut faire produire à ce RTC les effets juridiques qui s’y rapportent.

41      Cependant, un RTC peut être invoqué à titre de preuve par une personne autre que son titulaire. En effet, en l’absence d’une réglementation de l’Union portant sur la notion de preuve, tous les moyens de preuve que les droits procéduraux des États membres admettent dans des procédures analogues à celle prévue à l’article 243 du code des douanes sont, en principe, recevables (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2000, Met-Trans et Sagpol, C‑310/98 et C‑406/98, Rec. p. I‑1797, point 29).

42      Par ailleurs, la Cour a jugé que la circonstance que les autorités douanières d’un autre État membre ont délivré à un tiers au litige dont est saisie une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne un RTC pour une marchandise déterminée, qui paraît traduire une interprétation différente des positions de la NC que celle que ladite juridiction estime devoir retenir à l’égard d’un produit similaire en cause dans ledit litige, doit, assurément, inciter cette juridiction à être particulièrement attentive dans son appréciation relative à une éventuelle absence de doute raisonnable quant à l’application correcte de la NC (voir arrêt Intermodal Transports, précité, point 34).

43      Il résulte de cette jurisprudence qu’un RTC délivré à un tiers peut être pris en considération à titre de preuve par une juridiction saisie d’un litige relatif au classement douanier d’une marchandise et au paiement subséquent des droits de douane.

44      Au vu de ces considérations, il convient de répondre à la première question posée que les articles 12, paragraphes 2 et 5, et 217, paragraphe 1, du code des douanes ainsi que l’article 11 du règlement d’application, lus en combinaison avec l’article 243 du code des douanes, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’une procédure relative à la perception de droits de douane, une partie intéressée peut contester cette perception en présentant, à titre de preuve, un RTC délivré pour les mêmes marchandises dans un autre État membre sans que ce RTC puisse produire les effets juridiques qui s’y rapportent. Il incombe cependant à la juridiction nationale de déterminer si les règles procédurales pertinentes de l’État membre concerné prévoient la possibilité de la production de tels moyens de preuve.

 Sur la troisième question

45      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si le code des douanes et le règlement d’application doivent être interprétés en ce sens qu’une instruction nationale qui reconnaît aux autorités nationales la possibilité de se référer, en vue du classement tarifaire de marchandises déclarées, à un RTC délivré à un tiers pour ces mêmes marchandises, a pu créer, dans le chef des importateurs, une confiance légitime à se prévaloir de cette instruction.

46      Il convient de préciser que, selon la décision de renvoi, à l’époque des importations en cause au principal, le manuel douanier néerlandais prévoyait que «seul un ayant droit peut se prévaloir d’un RTC [et que,] en tout état de cause, il faut que les marchandises présentées correspondent à tous points de vue à la description des marchandises dans le RTC. Si un importateur se réfère à un RTC en vigueur dont il n’est pas l’ayant droit, mais qu’il fait une déclaration portant exactement sur les mêmes marchandises que celles qui sont décrites dans le RTC, le classement doit correspondre à celui donné dans le RTC».

47      À cet égard, la Cour a jugé que le principe de protection de la confiance légitime ne peut être invoqué à l’encontre d’une disposition précise d’un texte de droit de l’Union et le comportement d’une autorité nationale chargée d’appliquer le droit de l’Union, qui est en contradiction avec ce dernier, ne saurait fonder, dans le chef d’un opérateur économique, une confiance légitime à bénéficier d’un traitement contraire au droit de l’Union (arrêts du 26 avril 1988, Krücken, 316/86, Rec. p. 2213, point 24; du 1er avril 1993, Lageder e.a., C‑31/91 à C‑44/91, Rec. p. I‑1761, point 35, ainsi que du 16 mars 2006, Emsland-Stärke, C‑94/05, Rec. p. I‑2619, point 31).

48      Or, l’article 12 du code des douanes réglemente avec précision les conditions de délivrance, la valeur juridique ainsi que la durée de validité des RTC. Par ailleurs, l’article 10, paragraphe 1, du règlement d’application énonce clairement que le RTC ne peut être invoqué que par son titulaire ou par le représentant agissant pour le compte de ce titulaire.

49      Il apparaît que les autorités douanières néerlandaises chargées d’appliquer le droit de l’Union conféraient à un RTC la même valeur juridique que celui-ci soit invoqué par un tiers ou par son titulaire. Ainsi, lesdites autorités, en appliquant le manuel douanier, ont eu un comportement en contradiction avec le droit de l’Union et ce comportement n’a pas pu créer une confiance légitime dans le chef des opérateurs économiques.

50      Il convient, par conséquent, de répondre à la troisième question posée que les articles 12 du code des douanes et 10, paragraphe 1, du règlement d’application doivent être interprétés en ce sens qu’une instruction nationale qui reconnaît aux autorités nationales la possibilité de se référer, en vue du classement tarifaire de marchandises déclarées, à un RTC délivré à un tiers pour ces mêmes marchandises, n’a pas pu créer, dans le chef des importateurs, une confiance légitime à se prévaloir de cette instruction.

 Sur les dépens

51      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 82/97 du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, ainsi que les articles 10 et 11 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement (CE) n° 12/97 de la Commission, du 18 décembre 1996, doivent être interprétés en ce sens que le déclarant en douane, qui établit des déclarations en douane en son nom propre et pour son propre compte, ne peut se prévaloir d’un renseignement tarifaire contraignant dont le titulaire est non pas lui-même, mais une société à laquelle il est lié et à la demande de laquelle il a effectué ces déclarations.

2)      Les articles 12, paragraphes 2 et 5, et 217, paragraphe 1, du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement n° 82/97, ainsi que l’article 11 du règlement n° 2454/93, tel que modifié par le règlement n° 12/97, lus en combinaison avec l’article 243 du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement n° 82/97, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’une procédure relative à la perception de droits de douane, une partie intéressée peut contester cette perception en présentant, à titre de preuve, un renseignement tarifaire contraignant délivré pour les mêmes marchandises dans un autre État membre sans que ce renseignement tarifaire contraignant puisse produire les effets juridiques qui s’y rapportent. Il incombe cependant à la juridiction nationale de déterminer si les règles procédurales pertinentes de l’État membre concerné prévoient la possibilité de la production de tels moyens de preuve.

3)      L’article 12 du règlement n° 2913/92, tel que modifié par le règlement n° 82/97, et l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2454/93, tel que modifié par le règlement n° 12/97, doivent être interprétés en ce sens qu’une instruction nationale qui reconnaît aux autorités nationales la possibilité de se référer, en vue du classement tarifaire de marchandises déclarées, à un renseignement tarifaire contraignant délivré à un tiers pour ces mêmes marchandises, n’a pas pu créer, dans le chef des importateurs, une confiance légitime à se prévaloir de cette instruction.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.