CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 19 avril 2012 ( 1 )

Affaire C‑416/10

Jozef Križan e.a.

contre

Slovenská inšpekcia životného prostredia

[demande de décision préjudicielle formée par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Slovaquie)]

«Environnement — Implantation d’une décharge — Demande de décision préjudicielle — Droit de saisir la Cour à titre préjudiciel après une décision d’une cour constitutionnelle nationale — Directive 2008/1/CE — Prévention et réduction intégrées de la pollution — Directive 1999/31/CE — Décharges — Participation du public — Accès à une décision sur le site d’implantation — Principe d’effectivité — Régularisation de vices de procédure — Directive 85/337/CEE — Processus d’évaluation des incidences sur l’environnement pour certains projets publics et privés — Caractère actuel des conclusions de l’évaluation environnementale — Compétence des juridictions nationales pour examiner d’office si les conclusions de l’évaluation environnementale restent d’actualité — Mesures provisoires dans les affaires relatives à l’environnement — Droit de propriété»

Table des matières

 

I – Introduction

 

II – Cadre juridique

 

A – Convention d’Aarhus

 

B – Droit de l’Union

 

1. Directive IPPC

 

2. Directive sur la mise en décharge des déchets

 

3. Directive sur l’accès du public à l’information en matière d’environnement

 

4. Directive EIE

 

C – Droit slovaque

 

III – Faits, procédure au principal et décision de renvoi

 

A – Concernant le site d’implantation

 

B – Concernant l’évaluation de l’impact sur l’environnement

 

C – Concernant l’autorisation intégrée de l’installation

 

D – Concernant la procédure juridictionnelle

 

E – Les questions posées par la Cour suprême

 

IV – Appréciation juridique

 

A – Sur la première question, concernant le droit pour la Cour suprême slovaque d’introduire une demande de décision préjudicielle

 

B – Sur la deuxième question, concernant l’accès à la décision fixant le site d’implantation dans le cadre de la procédure d’autorisation intégrée

 

1. Concernant la recevabilité de la deuxième question

 

2. Concernant la nécessité de donner accès à la décision sur le site d’implantation

 

a) Concernant la publication d’informations dans la procédure d’autorisation intégrée

 

b) Concernant la publication de la décision relative au site d’implantation

 

3. Concernant la protection de secrets d’affaires

 

4. Concernant la date de la divulgation

 

5. Réponse à la deuxième question

 

C – Sur la troisième question, concernant l’application de la directive EIE

 

1. Concernant la directive EIE

 

a) Concernant l’applicabilité de la directive EIE

 

b) Concernant les critères pour la prorogation de la validité de la décision relative aux incidences sur l’environnement

 

c) Concernant la participation du public à la décision relative au point de savoir si une ancienne évaluation environnementale est encore suffisante

 

d) Conclusion intermédiaire

 

2. Concernant l’admissibilité d’une dissociation des recours par rapport à diverses conditions d’octroi d’une autorisation

 

3. Concernant l’examen d’office de certaines questions juridiques

 

4. Réponse à la troisième question

 

D – Sur la quatrième question, concernant des mesures provisoires

 

E – Sur la cinquième question, concernant la portée de la protection du droit de propriété

 

V – Conclusion

I – Introduction

1.

Le Najvyšší súd Slovenskej republiky, qui est la Cour suprême slovaque, a saisi la Cour de plusieurs questions, soulevées dans un litige très complexe, relatif à l’autorisation d’installer une décharge.

2.

Il s’agit en particulier de déterminer si, dans le cadre de la participation du public à une procédure d’autorisation au titre de la directive relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution ( 2 ) (ci-après la «directive IPPC»), il faut produire une décision sur le site d’implantation d’une décharge, qui a été prise dans le cadre d’une procédure distincte de la procédure d’autorisation.

3.

D’autres questions se rapportent à l’application de la directive concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement de certains projets publics et privés ( 3 ) (ci-après la «directive EIE»), en ce qui concerne en particulier son champ d’application dans le temps, le caractère suffisamment actuel des conclusions de l’évaluation et la participation du public à la question de savoir si ces conclusions gardent un degré d’actualité suffisant.

4.

Ces questions de droit de l’environnement ont pour toile de fond des problèmes de mise en œuvre du principe d’effectivité lors de l’aménagement de procédures administratives et juridictionnelles internes.

5.

Ainsi, à propos de l’accès à la décision sur le site d’implantation, il se pose la question de savoir si le refus illégal initialement opposé à l’accès peut être régularisé dans le cadre de la procédure administrative.

6.

Concernant les vices susceptibles d’entacher l’évaluation des incidences sur l’environnement (ci-après l’«évaluation environnementale»), il faut déterminer si le droit de l’Union permet de prévoir une voie de recours distincte de celle dirigée contre l’autorisation intégrée de la décharge et si la juridiction nationale compétente pour le litige relatif à l’autorisation intégrée peut – voire doit – le cas échéant se saisir d’office de vices entachant l’évaluation environnementale.

7.

La juridiction de renvoi demande également si elle a le droit d’octroyer des mesures provisoires et si la mise en œuvre des deux directives précitées et de la convention d’Aarhus est conciliable avec le droit fondamental de propriété.

II – Cadre juridique

A – Convention d’Aarhus

8.

L’article 6 de la convention d’Aarhus ( 4 ), signée par la Communauté le 25 juin 1998 à Aarhus (Danemark) ( 5 ), prévoit une participation du public à la procédure d’autorisation de certaines activités.

9.

L’article 6, paragraphe 4, de cette convention réglemente la qualité de la participation du public:

«Chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence.»

10.

L’accès aux informations dans le cadre de la participation du public est régi par l’article 6, paragraphe 6, de la convention:

«Chaque partie demande aux autorités publiques compétentes de faire en sorte que le public concerné puisse consulter sur demande lorsque le droit interne l’exige, et gratuitement, dès qu’elles sont disponibles, toutes les informations présentant un intérêt pour le processus décisionnel visé dans le présent article qui peuvent être obtenues au moment de la procédure de participation du public, sans préjudice du droit des parties de refuser de divulguer certaines informations conformément aux paragraphes 3 et 4 de l’article 4.»

11.

L’article 9 de la convention est relatif aux voies de recours. En l’espèce, c’est son paragraphe 4 qui nous intéresse plus particulièrement:

«En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif. […]»

B – Droit de l’Union

1. Directive IPPC

12.

La procédure au principal concerne une décision du 18 août 2008. Dès le 18 février 2008, la directive 96/61/CE ( 6 ), dans sa version plusieurs fois modifiée, avait été codifiée, sans nouvelle période transitoire et sans modification au fond, par la directive IPPC, conformément à l’article 22 de cette dernière. C’est pourquoi nous nous référons dans la suite à la version de la directive IPPC qui résulte de la directive 2008/1.

13.

Le onzième considérant traite du rapport avec la directive EIE:

«La présente directive devrait s’appliquer sans préjudice de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Lorsque des informations ou des conclusions obtenues à la suite de l’application de cette dernière directive sont à prendre en considération pour l’octroi de l’autorisation, la présente directive ne devrait pas porter atteinte à la mise en œuvre de ladite directive.»

14.

Le vingt-quatrième considérant se rapporte à la participation du public:

«La participation effective du public à la prise de décisions devrait permettre à ce dernier de formuler des avis et des préoccupations pouvant être utiles pour les décisions en question et au décideur de tenir compte de ces avis et préoccupations, ce qui favorise le respect de l’obligation de rendre des comptes et la transparence du processus décisionnel et contribue à sensibiliser le public aux problèmes de l’environnement et à obtenir qu’il apporte son soutien aux décisions prises. En particulier, le public devrait avoir accès aux informations relatives à l’exploitation d’installations et à leur impact potentiel sur l’environnement et, avant toute décision, aux informations relatives aux demandes d’autorisation de nouvelles installations ou de modifications substantielles, et aux autorisations elles-mêmes, à leurs actualisations et aux données de contrôle y afférentes.»

15.

L’objectif de la directive IPPC est défini par son article 1er dans les termes suivants:

«La présente directive a pour objet la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des activités énumérées à l’annexe I. Elle prévoit les mesures visant à éviter et, lorsque cela s’avère impossible, à réduire les émissions des activités susvisées dans l’air, l’eau et le sol, y compris les mesures concernant les déchets, afin d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement considéré dans son ensemble, et cela sans préjudice de la directive 85/337/CEE et des autres dispositions communautaires en la matière.»

16.

Les exigences qui s’appliquent à une demande d’autorisation résultent de l’article 6 de la directive IPPC:

«1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires afin qu’une demande d’autorisation adressée à l’autorité compétente comprenne une description:

a)

de l’installation, ainsi que de ses activités;

[…]

d)

de l’état du site d’implantation de l’installation;

[…]

j)

des principales solutions de substitution, s’il en existe, étudiées par l’auteur de la demande d’autorisation, sous la forme d’un résumé.

Cette demande d’autorisation comprend également un résumé non technique des données énumérées aux points [ci-dessus].

2.   Lorsque des données, fournies conformément aux exigences prévues par la directive 85/337/CEE, […] ou d’autres informations fournies en application d’une quelconque autre législation, permettent de répondre à l’une des exigences prévues par le présent article, ces informations peuvent être reprises dans la demande d’autorisation ou jointes à celle-ci.»

17.

L’article 9 de la directive IPPC se réfère au contenu d’une autorisation:

«1.   Les États membres s’assurent que l’autorisation comprend toutes les mesures nécessaires pour remplir les conditions de l’autorisation, visées aux articles 3 et 10, afin d’assurer la protection de l’air, de l’eau et du sol et d’atteindre ainsi un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble.

2.   Dans le cas d’une nouvelle installation ou d’une modification substantielle où l’article 4 de la directive 85/337/CEE s’applique, toute information ou conclusion appropriée, obtenue à la suite de l’application des articles 5, 6 et 7 de ladite directive, est à prendre en considération pour l’octroi de l’autorisation.

[…]

4.   Sans préjudice de l’article 10, les valeurs limites d’émission, les paramètres et les mesures techniques équivalents visés au paragraphe 3 sont fondés sur les meilleures techniques disponibles, sans prescrire l’utilisation d’une technique ou d’une technologie spécifique, et en prenant en considération les caractéristiques techniques de l’installation concernée, son implantation géographique et les conditions locales de l’environnement. Dans tous les cas, les conditions d’autorisation prévoient des dispositions relatives à la minimisation de la pollution à longue distance ou transfrontalière et garantissent un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble.»

18.

L’article 15 de la directive IPPC est relatif à la participation du public:

«1.   Les États membres veillent à ce que soient données au public concerné, à un stade précoce, des possibilités effectives de participer au processus:

a)

de délivrance d’une autorisation pour de nouvelles installations;

b)

[…]

La procédure décrite à l’annexe V s’applique aux fins de cette participation.

2.   […]

3.   Les paragraphes 1 et 2 s’appliquent sous réserve des restrictions prévues à l’article 4, paragraphes 1, 2 et 4, de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement.»

19.

L’article 16 de la directive IPPC contient des dispositions particulières relatives aux voies de recours; il transpose l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus.

20.

L’annexe V précise les informations qui doivent être rendues accessibles au public:

«1.

À un stade précoce du processus décisionnel, ou au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies, les informations suivantes sont communiquées au public par des avis au public ou d’autres moyens appropriés tels que les moyens de communication électroniques lorsqu’ils sont disponibles:

a)

la demande d’autorisation ou, le cas échéant, la proposition d’actualisation d’une autorisation ou des conditions dont elle est assortie conformément à l’article 15, paragraphe 1, y compris les éléments visés à l’article 6, paragraphe 1;

[…]

c)

les coordonnées des autorités compétentes pour prendre la décision, de celles auprès desquelles peuvent être obtenus des renseignements pertinents, de celles auxquelles des observations ou des questions peuvent être adressées ainsi que des précisions sur les délais de transmission des observations ou des questions;

[…]

f)

l’indication de la date et du lieu où les renseignements pertinents seront mis à la disposition du public et des moyens par lesquels ils le seront;

[…]

2.

Les États membres veillent à ce que soient mis à la disposition du public concerné, dans des délais appropriés:

a)

conformément à la législation nationale, les principaux rapports et avis adressés à l’autorité ou aux autorités compétentes au moment où le public concerné a été informé conformément au point 1;

b)

conformément aux dispositions de la directive 2003/4/CE, les informations autres que celles visées au point 1 qui sont pertinentes pour la décision en vertu de l’article 8 et qui ne deviennent disponibles qu’après que le public concerné a été informé conformément au point 1.»

21.

La consultation du public est régie par les points 3 et 4 de l’annexe V:

«3.

Le public concerné est habilité à adresser des observations et des avis à l’autorité compétente avant qu’une décision ne soit prise.

4.

Les résultats des consultations tenues en vertu de la présente annexe doivent être dûment pris en compte lors de l’adoption d’une décision.»

2. Directive sur la mise en décharge des déchets

22.

La directive concernant la mise en décharge des déchets ( 7 ) (ci-après la «directive sur les décharges») réglemente l’implantation et l’exploitation de décharges de déchets.

23.

D’après son article 1er, paragraphe 2, la directive sur les décharges fixe les exigences techniques qui s’imposent aux décharges ressortissant à la directive IPPC:

«Pour ce qui est des caractéristiques techniques des décharges, la présente directive comporte, pour les décharges auxquelles s’applique la directive 96/61/CE, les exigences techniques nécessaires pour traduire dans les faits les exigences générales de ladite directive. Les exigences pertinentes de ladite directive sont réputées satisfaites si les exigences de la présente directive le sont.»

24.

L’article 7 de la directive sur les décharges décrit le contenu que doit avoir une demande d’autorisation. Une telle demande doit notamment inclure:

«d)

la description du site, y compris ses caractéristiques hydrogéologiques et géologiques».

25.

Les conditions d’autorisation résultent de l’article 8:

«Les États membres prennent des mesures pour que:

a)

une autorisation de décharge ne soit délivrée par l’autorité compétente que si les conditions suivantes sont réunies:

i)

sans préjudice de l’article 3, paragraphes 4 et 5, le projet de décharge est conforme à toutes les exigences pertinentes de la présente directive, y compris ses annexes;

ii)

[…]»

26.

L’annexe I de la directive sur les décharges précise les exigences qui s’appliquent à une décharge et en particulier à son site d’implantation:

«1.

Emplacement

1.1.

La détermination du site d’une décharge doit tenir compte d’exigences concernant:

a)

la distance entre les limites du site et les zones d’habitation ou de loisirs, les voies d’eau et plans d’eau ainsi que les sites agricoles ou urbains;

b)

l’existence d’eaux souterraines, d’eaux côtières ou de zones naturelles protégées dans la zone;

c)

la géologie et l’hydrogéologie de la zone;

d)

les risques d’inondations, d’affaissements, de glissements de terrain ou d’avalanches sur le site;

e)

la protection du patrimoine naturel ou culturel de la zone.

1.2.

La décharge ne peut être autorisée que si, vu les caractéristiques du site au regard des exigences mentionnées ci-dessus ou les mesures correctives envisagées, la décharge ne présente pas de risque grave pour l’environnement.»

3. Directive sur l’accès du public à l’information en matière d’environnement

27.

L’article 15, paragraphe 3, de la directive IPPC se réfère à la directive sur l’accès du public à l’information en matière d’environnement ( 8 ) (ci-après la «directive sur l’information environnementale»). L’article 4 régit les dérogations:

«1.   […]

2.   Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte:

[…]

d)

à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles, lorsque cette confidentialité est prévue par le droit national ou communautaire afin de protéger un intérêt économique légitime, y compris l’intérêt public lié à la préservation de la confidentialité des statistiques et du secret fiscal;

[…]

Les motifs de refus visés aux paragraphes 1 et 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte dans le cas d’espèce de l’intérêt que présenterait pour le public la divulgation de l’information. Dans chaque cas particulier, l’intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l’intérêt servi par le refus de divulguer. Les États membres ne peuvent, en vertu du paragraphe 2, points a), d), f), g) et h), prévoir qu’une demande soit rejetée lorsque elle concerne des informations relatives à des émissions dans l’environnement.

[…]

3.   […]

4.   Les informations environnementales détenues par des autorités publiques ou pour leur compte et ayant fait l’objet d’une demande sont mises partiellement à la disposition du demandeur lorsqu’il est possible de dissocier les informations relevant du champ d’application du paragraphe 1, points d) et e), ou du paragraphe 2, des autres informations demandées.»

4. Directive EIE

28.

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive EIE définit la notion d’autorisation comme suit:

«la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet.»

29.

L’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE énonce le principe fondamental de l’obligation d’effectuer une nouvelle évaluation environnementale:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.»

30.

L’article 10 bis de la directive EIE contient des dispositions spécifiques en matière de voies de recours, ce en quoi il transpose l’article 9, paragraphe 2, de la convention d’Aarhus.

C – Droit slovaque

31.

En Slovaquie, la directive IPPC a été mise en œuvre par la loi no 245/2003. La présente procédure touche plus particulièrement aux dispositions de son article 8, paragraphes 3 et 4, relatives au lien avec d’autres procédures administratives:

«3.   Dans le cas d’une autorisation intégrée d’exploitation requérant simultanément une autorisation de construction d’un nouvel ouvrage ou de modification d’un ouvrage existant, la procédure comporte également une procédure de permis de construire. Le service d’urbanisme a la qualité d’organe concerné dans la procédure d’autorisation intégrée (article 10, paragraphe 2).

4.   La procédure d’urbanisme, l’évaluation des incidences de l’installation sur l’environnement et la détermination des conditions pour la prévention des accidents industriels graves ne font pas partie de l’autorisation intégrée.»

32.

Il y a également lieu de se référer à l’article 11, paragraphe 2, sous g), de cette loi, qui prévoit que la demande d’autorisation doit être accompagnée, le cas échéant, d’une décision relative au site d’implantation:

«Sont joints en annexes à la demande:

[…]

la décision d’urbanisme s’il s’agit d’une nouvelle exploitation ou de l’extension d’une exploitation existante […]»

III – Faits, procédure au principal et décision de renvoi

33.

La procédure au principal concerne l’implantation d’une décharge de déchets dans la ville slovaque de Pezinok. Le terrain, qui était jadis occupé par une briqueterie, sert de décharge depuis des décennies. Il s’agit d’y implanter une nouvelle décharge, dans une ancienne fosse d’extraction d’argile.

34.

D’après le dossier, ce projet a fait l’objet de trois décisions, chacune fondée sur les précédentes et chacune adoptée dans le cadre d’une procédure administrative particulière. La ville et l’autorité régionale de planification urbaine ont fixé le site d’implantation, le ministère de l’Environnement a statué sur l’impact environnemental et l’inspection de l’environnement a finalement délivré une autorisation d’installation intégrée, dans le cadre d’une procédure se déroulant sur deux instances. La demande préjudicielle a été présentée dans le cadre du litige relatif à cette dernière décision.

A – Concernant le site d’implantation

35.

Le 26 juin 1997, par règlement général no 2/1997, la ville de Pezinok a adopté un plan d’urbanisme prévoyant notamment l’implantation d’une décharge de déchets dans l’ancienne fosse d’extraction d’argile, à proximité immédiate (environ 300 m) de la ville. Elle a cependant modifié ce plan en 2002 et, après qu’il eut été déclaré inconstitutionnel par la Cour constitutionnelle, elle a adopté en 2006 un nouveau plan; à chacune de ces étapes, elle a prévu qu’aucune décharge ne pouvait être implantée sur le site en question.

36.

Cependant, dès le 7 août 2002, la société Ekologická skládka as (ci-après «Ekologická skládka») avait demandé que soit fixé le site de la nouvelle décharge. La ville a rejeté cette demande le 30 novembre 2006, mais le service régional de l’urbanisme de Bratislava a modifié cette décision de rejet le 7 mai 2007 et a délivré une autorisation d’occupation des sols qui fixait le site d’implantation de la décharge.

37.

Dans le cadre de cette procédure administrative, des objections ont été soulevées par plusieurs habitants du voisinage (ci-après «Križan e.a.»), qui ont fait valoir en particulier une violation du plan d’urbanisme modifié de 2006 et la partialité des agents du service régional de l’urbanisme. Ils ont cependant été écartés de la procédure au motif que leurs droits n’étaient pas directement affectés à ce stade. La décision modificative n’a donc pas examiné leurs objections.

38.

Un recours introduit par la ville de Pezinok contre la décision modificative a été rejeté au motif qu’elle ne pouvait être à la fois l’organe administratif chargé de statuer en première instance et une partie à la procédure judiciaire ( 9 ). Križan e.a. font valoir qu’ils se sont pourvus avec succès contre leur exclusion de la procédure ( 10 ), mais que la décision relative au site d’implantation aurait depuis acquis un caractère définitif.

B – Concernant l’évaluation de l’impact sur l’environnement

39.

Sur demande présentée par la société Pezinské tehelne as le 16 décembre 1998, le ministère de l’Environnement a évalué les incidences du projet de décharge sur l’environnement et a rendu, le 26 juillet 1999, un avis définitif à ce sujet.

40.

Parallèlement à la procédure de fixation du site d’implantation, le ministère de l’Environnement a, sur demande de Pezinské tehelne as, adopté le 27 mars 2006 une décision prorogeant jusqu’au 1er février 2008 la validité de l’avis relatif aux incidences sur l’environnement.

C – Concernant l’autorisation intégrée de l’installation

41.

Après les deux procédures précitées, l’inspection slovaque de l’environnement a, sur demande d’Ekologická skládka du 25 septembre 2007, ouvert la procédure intégrée au titre de la loi no 245/2003, qui assure la transposition de la directive IPPC. Le 17 octobre 2007, l’inspection a publié la demande et a lancé la procédure de participation du public.

42.

Au cours de la première instance de la procédure administrative, Križan e.a. et la ville de Pezinok ont fait valoir que la demande était incomplète, faute d’inclure la décision sur le site d’implantation de l’installation, dont la loi exige qu’elle soit jointe en annexe. Sur demande de l’inspection de l’environnement, Ekologická skládka a certes produit la décision devenue définitive prise par le service régional de l’urbanisme sur le site d’implantation de l’installation, mais en invoquant le secret d’affaires, de sorte qu’il n’y a pas été donné accès.

43.

Le 22 janvier 2008, l’inspection de l’environnement a délivré l’autorisation intégrée pour l’implantation de la décharge et son exploitation.

44.

Križan e.a. et la ville de Pezinok ont introduit contre cette décision une réclamation sur laquelle il a également été statué par l’inspection de l’environnement. Ils ont fait valoir en particulier une violation du plan d’urbanisme et le fait que l’on ne leur avait pas communiqué la décision relative au site d’implantation de l’installation. D’autre part, la décharge projetée ne serait pas suffisamment éloignée des habitations et elle serait inconciliable avec une protection globale de l’environnement.

45.

Dans le cadre de cette procédure, l’inspection de l’environnement a publié la décision relative au site d’implantation en l’affichant dans ses locaux du 14 mars au 14 avril 2008. Par décision du 18 août 2008, elle a rejeté la réclamation. Concernant l’argument de la violation du plan d’urbanisme, elle a constaté qu’il aurait dû être invoqué dans la procédure sur la décision relative au site d’implantation.

D – Concernant la procédure juridictionnelle

46.

Contre la décision rendue par l’inspection de l’environnement en seconde instance le 18 août 2008, Križan e.a. et la ville de Pezinok ont saisi la cour régionale de Bratislava d’un recours, qui a été rejeté par arrêt du 4 décembre 2008.

47.

En appel, la Cour suprême de Slovaquie a en un premier temps, par ordonnance du 6 avril 2009, suspendu l’autorisation intégrée, avant de l’annuler par arrêt du 28 mai 2009. Elle a appuyé sa décision sur le caractère tardif de la publication de la décision relative au site d’implantation et sur la prorogation de la décision relative aux incidences du projet sur l’environnement.

48.

La société Ekologická skládka s’est pourvue contre ces décisions par recours constitutionnels devant la Cour constitutionnelle de Slovaquie. Par arrêt du 27 mai 2010, cette dernière a annulé l’ordonnance du 6 avril 2009 et l’arrêt du 28 mai 2009 et elle a renvoyé l’affaire devant la Cour suprême pour réexamen.

49.

À l’appui de sa décision, la Cour constitutionnelle a observé en particulier que l’arrêt de la Cour suprême n’a pas suffisamment considéré le point de savoir si la procédure de réclamation avait garanti une participation suffisante du public au sens de la procédure d’autorisation intégrée. Les règles de procédure n’y feraient pas obstacle.

50.

La Cour constitutionnelle a également critiqué les constatations faites à propos de la prorogation de la validité de la décision sur l’impact environnemental. Cette décision n’aurait pas été l’objet de la procédure, puisque les parties appelantes n’en auraient pas invoqué l’illégalité dans leur appel et qu’une procédure spécifique est prévue pour examiner les avis relatifs à l’évaluation des incidences sur l’environnement (EIE).

E – Les questions posées par la Cour suprême

51.

À la suite du renvoi par la Cour constitutionnelle, l’affaire est à nouveau devant la Cour suprême, qui a saisi la Cour de justice des questions suivantes:

«1)

Le droit [de l’Union] (concrètement, l’article 267 TFUE) permet-il, ou impose-t-il, à la juridiction suprême d’un État membre de saisir ‘d’office’ la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle également à un stade de la procédure judiciaire où la Cour constitutionnelle a cassé l’arrêt de la juridiction suprême, qui était fondé avant tout sur l’application du cadre communautaire relatif à la protection de l’environnement, en imposant l’obligation de s’en tenir aux avis juridiques de la Cour constitutionnelle fondés sur la violation des droits constitutionnels procéduraux et matériels de la personne participant à la procédure sans tenir compte de la portée communautaire de l’affaire examinée, c’est-à-dire lorsque la Cour constitutionnelle, siégeant en tant que juridiction de dernière instance, n’a pas conclu dans cette procédure à la nécessité de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle et a exclu à titre préjudiciel l’application du droit à un environnement adéquat et à sa protection dans l’affaire examinée?

2)

Peut-on parvenir à l’objectif fondamental de prévention intégrée défini notamment aux huitième, neuvième et vingt-troisième considérants ainsi qu’aux articles 1er et 15 de la directive [96/61] et, de manière générale, dans le cadre communautaire relatif à l’environnement, c’est-à-dire parvenir à une prévention et à une réduction de la pollution de l’environnement en associant également le public aux fins d’atteindre un niveau élevé de protection de l’environnement dans son ensemble, sans garantir au public concerné, au début de la procédure relative à la prévention intégrée, un accès à tous les documents pertinents (dispositions combinées des articles 6 et 15 de la directive [96/61]), et notamment à la décision d’implantation d’une construction – décharge de déchets, mais en présentant ensuite aux demandeurs, dans la procédure en première instance, le document manquant à la condition de ne pas le communiquer aux autres participants à la procédure au motif qu’il s’agit d’un secret d’affaires, alors que l’on peut raisonnablement supposer que la décision d’implantation d’une construction (surtout sa justification) influencera sensiblement les suggestions, observations et autres propositions déposées?

3)

Les objectifs de la directive [85/337] sont-ils atteints, notamment du point de vue du cadre communautaire relatif à l’environnement, concrètement du point de vue de la condition fixée à l’article 2, selon laquelle, avant l’octroi de l’autorisation, certains projets seront évalués en ce qui concerne leur incidence sur l’environnement, si l’avis initial du ministère de l’Environnement, adopté en 1999 et qui a mis un terme par le passé au processus [d’EIE), est prolongé après plusieurs années par une simple décision sans que l’on procède à nouveau à une EIE; en d’autres termes, peut-on affirmer qu’une décision adoptée une fois en application de la directive [85/337] a une validité illimitée?

4)

La condition découlant de manière générale de la directive [96/61] (notamment de son préambule et de ses articles 1er et 15 bis), à savoir que les États membres garantissent la prévention et la réduction de la pollution de l’environnement également en veillant à ce que le public dispose de recours administratif et judiciaire réguliers, équitables et rapides, en combinaison avec l’article 10 bis de la directive [85/337] et les articles 6 et 9, paragraphes 2 et 4, de la convention d’Aarhus, s’applique-t-elle à la possibilité pour le public de demander l’adoption d’une mesure administrative ou judiciaire de nature provisoire en application du droit interne (par exemple, ordonner la suspension du caractère exécutoire de la décision intégrée), qui permet temporairement, c’est-à-dire jusqu’à la décision au fond, d’arrêter la réalisation de l’exploitation demandée?

5)

Peut-on légitimement, par une décision de justice respectant les conditions de la directive [96/61], de la directive [85/337] ou de l’article 9, paragraphes 2 et 4, de la convention d’Aarhus, dans le cadre de l’application du droit du public, prévu dans lesdites dispositions, à une protection juridictionnelle équitable au sens de l’article 191, paragraphes 1 et 2, [TFUE] concernant la politique de l’Union européenne dans le domaine de l’environnement, porter atteinte au droit de propriété de l’exploitant sur son exploitation garanti, par exemple, par l’article 1er du [protocole additionnel], par exemple en annulant, dans une procédure judiciaire, l’autorisation intégrée valablement accordée au demandeur pour une nouvelle exploitation?»

52.

Des observations écrites ont été déposées par Križan e.a., par la ville de Pezinok, par l’inspection de l’environnement de Bratislava, par la société Ekologická skládka, par la République tchèque, par la République d’Autriche, par la République slovaque et par la Commission européenne. La procédure orale du 17 janvier 2012 s’est déroulée en présence des mêmes parties, avec en plus la République française, mais sans la société Ekologická skládka.

IV – Appréciation juridique

A – Sur la première question, concernant le droit pour la Cour suprême slovaque d’introduire une demande de décision préjudicielle

53.

La première question vise en substance à savoir si l’arrêt de la Cour constitutionnelle fait obstacle à l’introduction d’une demande de décision préjudicielle par la Cour suprême slovaque. En effet, le droit interne impose à la Cour suprême de statuer sur la procédure au principal de façon conforme à la décision de la Cour constitutionnelle. La première question vise en outre à savoir si la demande de décision préjudicielle peut être introduite d’office, c’est-à-dire sans qu’aucune partie ne l’ait sollicité.

54.

Pour ce qui est en revanche de la question, également évoquée dans la motivation de la décision de renvoi, de savoir si le droit de l’Union permet, voire exige, que la Cour suprême soulève certaines questions juridiques d’office, nous l’examinerons avec la troisième question ( 11 ). En effet, d’après la jurisprudence, la réglementation concernée peut elle-même revêtir une importance déterminante pour répondre à la question de savoir si elle doit être mise en cause d’office ( 12 ). Or, ce n’est que dans le cadre des points de droit abordés dans la troisième question préjudicielle que la Cour suprême évoque la possibilité de les soulever d’office.

55.

D’après la jurisprudence, ni les prescriptions de la Cour constitutionnelle ni l’absence de demande de la part des parties ne peuvent faire obstacle à ce que la Cour de justice soit saisie d’une demande de décision à titre préjudiciel.

56.

L’article 267 TFUE confère aux juridictions nationales un droit sans restrictions – c’est-à-dire qui peut être exercé d’office ou à la demande des parties ( 13 ) – de saisir la Cour à titre préjudiciel si elles estiment que le litige qui leur est soumis soulève des questions d’interprétation ou de validité de dispositions du droit de l’Union nécessitant une décision de leur part ( 14 ).

57.

Aux termes de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne est tenue de saisir la Cour lorsqu’elle est confrontée à des questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union. Un recours au sens de cette disposition doit pouvoir porter sur l’application correcte du droit de l’Union ( 15 ), puisque l’obligation de saisir la Cour qui s’impose aux juridictions de dernière instance vise à éviter que ne s’établisse dans un État membre une jurisprudence nationale ne concordant pas avec les règles du droit de l’Union ( 16 ).

58.

Nous partons du postulat que la Cour suprême de Slovaquie est – au moins dans la procédure au principal – une juridiction au sens de l’article 267, troisième alinéa, TFUE. Certes, ses décisions peuvent être révisées par la Cour constitutionnelle, mais cette dernière se borne à garantir le respect de la Constitution et n’est pas compétente pour contrôler le respect du droit de l’Union par les autorités et tribunaux nationaux ( 17 ).

59.

La Cour a constaté qu’une règle de droit national, en vertu de laquelle les juridictions ne statuant pas en dernière instance sont liées par des appréciations portées par la juridiction supérieure, ne saurait enlever à ces juridictions la faculté de la saisir de questions d’interprétation du droit de l’Union concerné par de telles appréciations en droit. La juridiction qui ne statue pas en dernière instance doit être libre, si elle considère que l’appréciation en droit faite au degré supérieur pourrait l’amener à rendre un jugement contraire au droit de l’Union, de saisir la Cour des questions qui la préoccupent ( 18 ).

60.

D’autre part, afin d’assurer la primauté du droit de l’Union, le fonctionnement dudit système de coopération nécessite que le juge national soit libre de saisir, à tout moment de la procédure qu’il juge approprié, et même à l’issue d’une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité, la Cour de justice de toute question préjudicielle qu’il juge nécessaire ( 19 ).

61.

Au demeurant, un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour lie le juge national pour la solution du litige au principal. Partant, le juge national qui a exercé la faculté que lui confère l’article 267, deuxième alinéa, TFUE est lié, pour la solution du litige au principal, par l’interprétation des dispositions en cause donnée par la Cour et doit, le cas échéant, écarter les appréciations de la juridiction supérieure s’il estime, eu égard à cette interprétation, que celles-ci ne sont pas conformes au droit de l’Union ( 20 ).

62.

Si les considérations ci-dessus ont été développées à propos de juridictions ne statuant pas en dernière instance, elles doivent s’appliquer à plus forte raison à des juridictions qui statuent en dernière instance sur des questions de droit de l’Union, tout en restant soumises au contrôle d’une Cour constitutionnelle en ce qui concerne le respect du droit constitutionnel national. En effet, si le droit constitutionnel national peut avoir la primauté sur le droit commun, il ne saurait former obstacle à l’application du droit de l’Union ( 21 ).

63.

Il convient donc de répondre à la première question que, en cas de doutes quant à l’application du droit de l’Union dans un litige en cours, l’article 267 TFUE impose à toute juridiction nationale dont la décision interprétant le droit de l’Union n’est susceptible d’aucun recours, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel, y compris d’office, sans qu’aucune partie ne l’ait demandé, même si la Cour constitutionnelle de l’État membre en question a déjà rendu une décision sur ce litige et a prescrit à la juridiction citée en premier lieu de le trancher dans le respect de son analyse du droit constitutionnel national.

B – Sur la deuxième question, concernant l’accès à la décision fixant le site d’implantation dans le cadre de la procédure d’autorisation intégrée

64.

La deuxième question concerne l’accès à la décision relative au site d’implantation de la décharge de déchets dans le cadre de la procédure d’autorisation intégrée.

65.

Au cours de la première instance devant l’autorité administrative, cette décision a tout d’abord été considérée comme un secret d’affaires et n’a donc pas été communiquée. Au cours de la seconde instance, elle a en revanche été rendue accessible au public. La juridiction de renvoi voudrait savoir si ce mode opératoire est compatible avec la directive IPPC.

66.

Il faut donc examiner si la décision relative au site d’implantation fait partie des informations qui doivent en principe être communiquées au public dans le cadre de la procédure d’autorisation intégrée (voir le point 2, ci-après); ensuite, il s’agira de déterminer dans quelle mesure la protection de secrets d’affaires justifie de déroger au principe de publicité (voir le point 3, ci-après) et finalement il faudra voir si la communication dans le cadre de la seconde instance devant l’autorité administrative satisfaisait aux exigences du droit de l’Union ou est arrivée trop tard (voir le point 4, ci-après). En un premier temps, il convient cependant de se pencher sur les doutes quant à la recevabilité de cette question (voir le point 1).

1. Concernant la recevabilité de la deuxième question

67.

Ekologická skládka fait valoir qu’en droit slovaque la décision relative au site d’implantation serait indépendante de l’autorisation intégrée d’une installation (article 8, paragraphe 4, de la loi no 245/2003). La décision sur le site d’implantation ne pourrait plus être contestée dans le cadre de la procédure d’autorisation intégrée. Aucune mesure de publicité n’était donc requise. Ekologická skládka va même jusqu’à en déduire que la deuxième question serait irrecevable, parce que dépourvue de pertinence pour l’issue de la procédure au principal.

68.

Il existe cependant une présomption de pertinence des questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées ( 22 ).

69.

La question de savoir si et à quelles conditions la décision relative au site d’implantation doit être communiquée dans le cadre de la procédure d’autorisation intégrée d’une installation est manifestement liée à un désaccord sur la validité de l’autorisation. En effet, une erreur en matière de publicité peut être constitutive d’un vice de procédure. La deuxième question de la juridiction de renvoi est donc recevable.

2. Concernant la nécessité de donner accès à la décision sur le site d’implantation

70.

La nature des informations auxquelles le public doit recevoir accès dans le cadre d’une procédure d’autorisation intégrée doit être déterminée sur la base des articles 15, paragraphe 1, et 6, ainsi que de l’annexe V de la directive IPPC.

a) Concernant la publication d’informations dans la procédure d’autorisation intégrée

71.

Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, sous a), de la directive IPPC, le public concerné doit recevoir, à un stade précoce, des possibilités effectives de participer au processus de délivrance d’une autorisation pour de nouvelles installations. La procédure décrite à l’annexe V s’applique aux fins de cette participation.

72.

L’annexe V, point 1, de la directive IPPC prévoit que le public est informé de certains faits à un stade précoce du processus décisionnel, ou au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies. Ces informations incluent en particulier la demande d’autorisation, y compris les éléments visés à l’article 6, paragraphe 1.

73.

L’annexe V, point 2, prévoit que certaines informations doivent être mises à la disposition du public concerné dans un délai approprié. Il s’agit premièrement des principaux rapports et avis dont l’autorité ou les autorités compétentes disposent au moment où le public concerné est informé conformément au point 1 [voir sous a)] et deuxièmement d’informations autres que celles visées au point 1 qui sont pertinentes pour la décision d’autorisation et qui ne deviennent disponibles qu’après que le public concerné a été informé conformément au point 1 [voir sous b)].

74.

Ces dispositions pourraient être interprétées de façon restrictive en ce sens que l’obligation de donner accès ne s’applique qu’aux informations visées à l’annexe V, point 2, de la directive IPPC, tandis que les informations ressortissant au point 1 seraient diffusées au moment de l’ouverture de la procédure d’autorisation au moyen de la publication d’un avis. Dans cette lecture, il resterait cependant possible de garder les originaux des documents correspondants, en particulier celui de la demande d’autorisation.

75.

Cependant, la thèse d’un accès plus étendu aux documents originaux semble déjà pouvoir se fonder sur la liste des informations qui doivent être rendues accessibles au public au titre de l’annexe V, point 1, sous c) et f). Ces dispositions prévoient en effet de communiquer auprès de quelles autorités, quand, où et de quelle façon il sera possible d’accéder aux informations pertinentes. Autrement dit, l’information du public ne s’arrête pas à ce qui est prévu au point 1, mais vise à permettre l’accès à des informations complémentaires revêtant une importance aux fins de la procédure d’autorisation.

76.

Il serait également contradictoire de pouvoir accéder aux informations pertinentes aux fins de l’autorisation qui n’ont été produites qu’ultérieurement au titre de l’annexe V, point 2, sous b), tandis que les informations disponibles dès le départ ne seraient pas accessibles.

77.

Par ailleurs, le fait de ne pas divulguer la demande d’autorisation et ses annexes restreindrait l’information du public par rapport à la version initiale de la directive IPPC, dont l’article 15, paragraphe 1, prévoyait expressément la possibilité pour le public d’accéder à la demande d’autorisation. Or, la modification de l’article 15, paragraphe 1, de la directive IPPC par la directive 2003/35 ( 23 ) ne visait pas à réduire la transparence, mais simplement, conformément aux dixième et onzième considérants de cette directive, à adapter le texte aux exigences plus étendues de la convention d’Aarhus.

78.

Cette convention ne prétend pas restreindre l’information du public, mais prévoit expressément dans son article 6, paragraphe 6, de lui permettre de consulter toute information ayant une importance pour les procédures de décision mentionnées dans cet article et qui sont disponibles au moment de la procédure de participation. Les dispositions de la directive IPPC relatives à l’information du public doivent, autant que possible, être interprétées en conformité avec les obligations de droit international public souscrites par l’Union dans le cadre de la convention d’Aarhus et qui sont transposées notamment par cette directive ( 24 ). C’est pourquoi elles doivent être interprétées en ce sens qu’il faut en principe donner accès à toutes les informations pertinentes pour la procédure d’autorisation intégrée.

b) Concernant la publication de la décision relative au site d’implantation

79.

D’après les considérations développées ci-dessus, la décision sur le site d’implantation aurait dû être accessible dans le cadre de la procédure d’autorisation intégrée si elle revêtait une pertinence aux fins de l’autorisation.

80.

Spontanément, on s’attendrait à ce qu’une procédure d’autorisation intégrée inclue la désignation du site d’implantation. En effet, le haut niveau de protection de l’environnement exigé notamment par les articles 1er et 9, paragraphe 1, de la directive IPPC serait certainement globalement mieux assuré si le site d’implantation d’une installation était choisi de manière à réduire le plus possible les effets défavorables pour l’environnement.

81.

La directive IPPC ne vise cependant pas l’autorisation d’une installation dans son ensemble, mais (uniquement) les mesures nécessaires pour protéger les différents milieux naturels, en particulier l’air, l’eau et le sol. Elle régit avant tout l’exploitation de l’installation et les meilleures techniques disponibles qui doivent être appliquées dans ce cadre. La décision relative au site d’implantation peut certes avoir un impact sur l’autorisation intégrée; ainsi, l’article 9, paragraphe 4, de la directive IPPC impose de tenir compte, dans le contexte des conditions d’autorisation, de l’implantation géographique de l’installation et des conditions locales de l’environnement. Il n’est cependant pas prévu que la procédure d’autorisation intégrée comporte également la fixation du site d’implantation ou la révision d’une décision fixant ce site. La décision sur le site d’implantation ne peut donc être contestée tout au plus qu’exceptionnellement et de façon indirecte, lorsque, au vu de la directive IPPC, l’installation ne peut être autorisée à cause de la situation sur le site d’implantation retenu.

82.

Les décharges de déchets sont cependant soumises à des dispositions particulières, figurant dans la directive sur les décharges. Pour les décharges ressortissant à la directive IPPC, la directive sur les décharges contient dans son article 1er, paragraphe 2, les «exigences techniques nécessaires» pour traduire dans les faits les exigences générales de la directive IPPC. Ces dernières sont réputées satisfaites si les exigences de la directive sur les décharges le sont.

83.

L’annexe I, point 1, de la directive sur les décharges régit le choix du site d’implantation d’une décharge. En particulier, il résulte de son point 1.1, sous a), qu’il faut tenir compte de la distance entre les limites du site et les zones d’habitation et de loisirs. D’après le point 1.2, la décharge ne peut être autorisée que si, au vu des caractéristiques du site, il n’y a pas lieu de s’attendre à ce que la décharge présente un risque grave pour l’environnement.

84.

Certes, on peut douter que les règles établies par la directive sur les décharges en matière de choix du site d’implantation concrétisent des «exigences techniques nécessaires» de la directive IPPC au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive sur les décharges; il reste cependant que l’autorisation d’une décharge doit de toute manière, en application de l’article 8, sous a), i), de la directive sur les décharges, respecter toutes les exigences de la directive. Partant, aucune autorisation intégrée ne peut être délivrée pour une décharge si les exigences en matière de choix du site d’implantation n’ont pas été respectées.

85.

Même en faisant abstraction, dans la procédure d’autorisation intégrée, des exigences de la directive sur les décharges en matière de site d’implantation, la décision fixant le site d’implantation resterait intéressante à d’autres égards. En effet, cette procédure exige de prendre en compte diverses circonstances dépendantes du site. Ainsi, pour ne parler que de la demande d’autorisation, l’article 7, sous d), de la directive sur les décharges prévoit qu’elle doit décrire le site, y compris ses caractéristiques hydrogéologiques et géologiques ( 25 ). Les exigences de protection du sol et de l’eau visées à l’annexe I, point 3, se réfèrent à ces caractéristiques du site. Une décision administrative sur le site d’une décharge devrait également tenir compte de ces points et contenir les informations correspondantes.

86.

Enfin, une décision prise en amont sur le site d’une décharge revêt encore un intérêt dans le cadre de la procédure d’autorisation intégrée en tant qu’elle fixe, du point de vue du droit interne, un cadre à l’autorisation intégrée.

87.

Une décision sur le site d’implantation fait donc en tout cas partie des informations pertinentes aux fins de la procédure d’autorisation intégrée. Il s’explique ainsi que l’article 11, paragraphe 2, sous g), de la loi slovaque no 245/2003 exige expressément qu’elle soit jointe à la demande d’autorisation. C’est pourquoi il faut, dans la procédure d’autorisation intégrée, toujours donner accès à une décision administrative prise en amont à propos du site d’installation.

3. Concernant la protection de secrets d’affaires

88.

L’accès à des informations peut cependant être refusé lorsque des intérêts dignes de protection s’opposent à la divulgation. D’après l’article 15, paragraphe 3, de la directive IPPC, les exigences de l’article 15, paragraphe 1, en matière de participation du public s’appliquent sous réserve des restrictions prévues à l’article 4, paragraphes 1, 2 et 4, de la directive sur l’information environnementale.

89.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive sur l’information environnementale, les États membres ont le droit de refuser l’accès à des informations si leur divulgation portait atteinte à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles, lorsque cette confidentialité est prévue par le droit national ou le droit de l’Union afin de protéger un intérêt économique légitime, y compris l’intérêt public lié à la préservation de la confidentialité des statistiques et du secret fiscal.

90.

Les motifs pour refuser l’accès doivent cependant être interprétés de façon restrictive, d’après l’article 4, paragraphe 2, de la directive sur l’information environnementale, en tenant compte de l’intérêt public que peut représenter la divulgation dans un cas d’espèce ( 26 ). Partant, même si des documents contiennent des secrets d’affaires, l’article 4, paragraphe 4, prévoit qu’il peut néanmoins être donné accès aux passages qui ne sont pas protégés à ce titre.

91.

Quant à savoir si la décision fixant le site d’implantation devait faire l’objet d’un traitement confidentiel au titre des secrets d’affaires, la Cour n’est pas en mesure de se prononcer définitivement à ce sujet, car la juridiction de renvoi n’a pas fourni de précisions sur un éventuel secret d’affaires. Cette question reste donc à la charge des juridictions nationales.

92.

Le fait que la décision sur le site d’implantation a été communiquée par l’autorité administrative de seconde instance permet cependant de présumer qu’elle ne contenait pas de secrets d’affaires. D’ailleurs, aucun élément n’a été présenté à ce stade, pas même par Ekologická skládka, pour corroborer la thèse que la décision contiendrait des informations dignes de protection. En revanche, il y a un intérêt public notable à des informations sur le site d’une décharge. Cet intérêt doit normalement avoir le pas sur l’intérêt à la protection d’informations concernant une entreprise.

93.

En conséquence, l’analyse qui suit part du postulat que la décision sur le site d’implantation ne peut être couverte par le secret d’affaires, ou en tout cas pas dans son intégralité.

4. Concernant la date de la divulgation

94.

Il faut donc examiner si la divulgation de la décision relative au site d’implantation dans le cadre de la procédure administrative de seconde instance satisfaisait aux exigences de la directive IPPC ou est arrivée trop tard.

95.

L’article 15, paragraphe 1, de la directive IPPC exige que le public concerné puisse participer à la procédure d’autorisation d’installations nouvelles à un stade précoce et de façon effective. L’article 6, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, que la directive vise à mettre en œuvre, est encore plus clair, dans la mesure où il prévoit que le public doit être impliqué dans la procédure à un stade précoce, où toutes les options sont encore ouvertes et où il est possible d’assurer sa participation effective.

96.

La divulgation d’informations ne suffit cependant pas. L’annexe V, point 3, de la directive IPPC permet au public concerné d’adresser des observations à l’administration compétente et d’exprimer des avis avant l’adoption d’une décision. D’après le point 4, les résultats des consultations doivent être dûment pris en compte lors de l’adoption de la décision. Cela correspond à l’article 6, paragraphes 7 et 8, de la convention d’Aarhus.

97.

Si, comme il y a lieu de le présumer, la décision fixant le site d’implantation ne ressortissait pas intégralement à la protection du secret d’affaires et devait donc être rendue accessible, il faut conclure que la procédure relative à la décision d’autorisation intégrée prise en première instance ne s’est pas déroulée conformément aux exigences de la directive IPPC. Le public n’a pas eu accès à la décision sur le site d’implantation et ne pouvait donc dire ni si elle serait respecté ni si elle répondait aux exigences de l’annexe I, point 1, de la directive sur les décharges.

98.

La juridiction de renvoi estime pour cette raison que la divulgation a eu lieu trop tard. Une participation suffisante du public n’aurait pas été garantie.

99.

La décision relative au site d’implantation a cependant été divulguée au cours de la procédure administrative de seconde instance et, après que la décision d’autorisation intégrée eut été modifiée dans le cadre de cette procédure, le public a eu 30 jours pour prendre position. La Cour constitutionnelle slovaque juge possible que cette divulgation ait régularisé le vice de procédure. Elle a souligné que, d’après les principes généraux de la procédure administrative slovaque, l’autorité saisie en seconde instance peut modifier l’ensemble de la décision administrative et est même tenue d’entendre le public de façon appropriée.

100.

Certes, ni la directive IPPC ni la directive sur les décharges ne contiennent de dispositions sur la régularisation de vices de procédure. Pourtant, le droit de l’Union admet le principe de la régularisation de vices de procédure ( 27 ) et la directive IPPC ainsi que celle sur les décharges ne peuvent être interprétées comme l’excluant. L’arrêt Wells corrobore cela pour le cas de l’absence totale d’évaluation environnementale, dans la mesure où il considère comme mesure apte à régulariser une violation de la directive EIE le fait de suspendre une autorisation déjà accordée afin d’effectuer a posteriori l’évaluation environnementale (omise) du projet, conformément à cette directive ( 28 ).

101.

En l’absence de règles fixées par le droit de l’Union en matière de régularisation de vices entachant la procédure d’autorisation intégrée de décharges de déchets, ce sont les dispositions nationales qui s’appliquent. Les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne doivent cependant pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l’équivalence) et elles ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) ( 29 ).

102.

L’application des dispositions nationales usuelles en matière de régularisation de vices de procédure satisfera au principe d’équivalence. Pour être conforme au principe d’effectivité, la mesure de régularisation doit mettre les intéressés dans la situation qui aurait été la leur s’il n’y avait pas eu de vice de procédure ( 30 ). En outre, elle ne doit cependant pas offrir aux intéressés l’occasion de contourner les règles de l’Union ou de se dispenser de les appliquer et elle doit demeurer exceptionnelle ( 31 ). Sinon, l’exercice par les intéressés de leurs droits serait rendu pratiquement impossible ou excessivement difficile.

103.

Le fait que l’organisme administratif statuant en seconde instance a donné accès aux informations initialement manquantes, qu’il a permis aux intéressés de présenter leurs observations et qu’il pouvait y réagir en modifiant la décision prise en première instance correspond donc à autant de conditions nécessaires, mais non suffisantes pour régulariser le vice de procédure.

104.

Une régularisation présuppose en effet que, à la date de la participation complémentaire du public, toutes les options soient encore disponibles. À défaut, l’accomplissement a posteriori d’une démarche de procédure initialement omise ne serait qu’un acte purement formel, qui ne pourrait remplir la fonction d’une participation du public.

105.

C’est aux juridictions nationales qu’il appartient de dire si, au moment de la participation complémentaire du public, toutes les options étaient encore ouvertes. Pour ce faire, elles pourraient par exemple déterminer les conséquences de l’élimination d’une instance de procédure administrative. Elles pourraient également prendre pour critère le point de savoir si, au moment de la régularisation, la décision de la première instance administrative était déjà en cours d’exécution, créant ainsi des faits accomplis, ou si l’organe administratif de seconde instance a examiné les objections éventuelles dans un esprit d’ouverture et d’objectivité. Comme il s’agissait du site d’implantation d’une décharge, il faudrait en particulier examiner les exigences que l’annexe I, point 1, de la directive sur les décharges impose en matière de choix de ces sites.

5. Réponse à la deuxième question

106.

En résumé, il convient de répondre à la deuxième question que, dans une procédure d’autorisation intégrée d’une décharge, l’article 15, paragraphe 1, et l’annexe V de la directive IPPC exigent que le public ait accès à une décision prise en amont de cette procédure et relative au site d’implantation, si aucune raison impérieuse, tenant par exemple à des secrets d’affaires, ne s’y oppose. Si l’accès à ce document est refusé en un premier temps sans justification suffisante, cette irrégularité peut être corrigée ultérieurement, dans le cadre de la procédure administrative et sur le fondement du droit national, à condition que l’accès accordé à ce stade ultérieur mette le public dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si l’accès avait été accordé dès le départ.

C – Sur la troisième question, concernant l’application de la directive EIE

107.

La troisième question vise à savoir s’il était licite de proroger en 2006, sans nouvel examen, la validité d’un avis initialement rendu en 1999 à propos des incidences du projet de décharge sur l’environnement.

108.

Ekologická skládka doute que cette question soit pertinente aux fins de la décision dans le litige au principal. La Cour constitutionnelle slovaque aurait en effet déjà constaté que d’éventuelles insuffisances dans l’évaluation environnementale n’entraient pas dans l’objet de la procédure au principal. Elles ne pourraient être examinées que dans le cadre d’une procédure ad hoc et elles n’auraient au demeurant pas été invoquées dans la procédure au principal.

109.

Ce grief se rattache au point dont nous avions reporté l’examen dans le cadre de la réponse à la première question, à savoir si le droit de l’Union permet, voire exige, qu’une juridiction nationale se saisisse de certaines questions environnementales d’office, alors que le droit national ne le prévoit pas ( 32 ). La troisième question doit donc être lue en combinaison avec la première question en ce sens qu’il s’agit de déterminer si la directive EIE permet de proroger l’effet d’un avis relatif aux incidences sur l’environnement sans nouvel examen de ces incidences (point 1, ci-dessous), si cette question doit être examinée en liaison avec l’autorisation intégrée, alors que le droit national prévoit une procédure particulière pour contester les insuffisances de l’évaluation environnementale (point 2, ci-dessous), et si le droit de l’Union permet ou exige de soulever cette question d’office (point 3, ci-dessous).

1. Concernant la directive EIE

a) Concernant l’applicabilité de la directive EIE

110.

Pour savoir si l’évaluation environnementale effectuée en 1999 pouvait être prorogée en 2006 sans nouvel examen de ces incidences, il faut d’abord vérifier si la directive EIE était applicable.

111.

La Cour a jugé que, dans les cas où une autorisation a été accordée après la date limite prévue pour la transposition de la directive EIE, alors que la procédure d’autorisation avait été formellement engagée avant cette date (projets dits de «pipeline»), la directive EIE ne requiert pas de vérification des incidences sur l’environnement ( 33 ).

112.

Aux termes de l’article 2 de l’acte d’adhésion ( 34 ), la directive EIE devait être mise en œuvre en Slovaquie à la date de l’adhésion, c’est-à-dire au 1er mai 2004.

113.

Dans une première approche, il serait possible de considérer la demande d’octroi de l’autorisation intégrée comme un lancement formel de la procédure d’autorisation. Cette demande ayant été présentée le 25 septembre 2007, la directive EIE serait applicable.

114.

Cependant, les informations résultant du dossier nous imposent également de vérifier si les trois procédures successives, à savoir l’évaluation environnementale, la fixation du site d’implantation et l’autorisation intégrée, forment une procédure d’autorisation unique au sens de la directive EIE ( 35 ). Dans l’affirmative, la demande présentée dès le 16 décembre 1998 en vue du lancement de l’évaluation environnementale devrait être considérée comme un engagement formel de la procédure d’autorisation au sens de la directive EIE. Dans ce cas, la directive EIE ne serait pas applicable.

115.

Cette thèse peut s’appuyer en particulier sur le fait que les incidences sur l’environnement ont été évaluées précisément en vue d’implanter la décharge. Le fait qu’en droit slovaque les incidences sur l’environnement sont évaluées séparément de la procédure d’autorisation proprement dite ne devrait pas étendre le champ d’application temporel de la directive EIE.

116.

Étant une procédure administrative formelle, la procédure d’évaluation environnementale se distingue des contacts informels en vue de préparer une demande d’autorisation, que la Cour n’a pas reconnus comme étant des actes d’engagement d’une procédure d’autorisation ( 36 ).

117.

L’hypothèse que la procédure d’autorisation est déclenchée par l’évaluation environnementale ne serait donc à écarter que si cette évaluation s’était rapportée à un autre projet, dont la réalisation n’a pratiquement pas été entamée ( 37 ). Le critère déterminant pour cela est de savoir si le projet de décharge s’est poursuivi de façon ininterrompue ou a été abandonné depuis ( 38 ).

118.

La ville de Pezinok a, dans l’intervalle, plusieurs fois modifié ses projets dans le sens du rejet de l’implantation d’une décharge, mais ces décisions prises au titre du droit slovaque ne semblent pas avoir abouti à l’arrêt du projet. Malgré une ressemblance superficielle, la présente affaire se distingue également de la situation qui a donné lieu à l’arrêt Gedeputeerde Staten van Noord-Holland, où une commune avait également modifié des projets de façon radicale et à plusieurs reprises. La Cour a finalement considéré la dernière mesure comme un projet nouveau ( 39 ). Cependant, la commune était elle-même demanderesse dans ces procédures et a par conséquent introduit à chaque fois de nouvelles procédures d’autorisation ( 40 ).

119.

En l’espèce, la demande a été déposée par Ekologická skládka, dont les observations indiquent une poursuite ininterrompue, puisque les retards ultérieurs par rapport à l’échéancier initial s’expliquent avant tout par l’opposition de la ville de Pezinok.

120.

Il est vrai que la demande d’engagement de la procédure d’évaluation environnementale a été présentée par une autre société, à savoir Pezinské tehelne as. Les deux sociétés semblent cependant être liées et Pezinské tehelne as soutient manifestement la mise en œuvre du projet, puisqu’elle a demandé la prorogation de la validité de l’évaluation environnementale, cependant que Ekologická skládka était déjà impliquée dans la procédure de fixation du site d’implantation. Les deux entreprises ont en outre présenté en commun la réclamation administrative qui a abouti à la décision sur le site d’implantation.

121.

D’ailleurs, même un changement complet de l’entreprise qui souhaite réaliser un projet ne permettrait pas nécessairement de conclure à un abandon provisoire du projet. En effet, il est parfaitement concevable que l’intérêt économique à un projet soit transféré d’une entreprise à une autre sans que le projet lui-même subisse de modification substantielle.

122.

Au bout du compte, ce sont les juridictions nationales qui devront évaluer si le projet a été poursuivi de façon ininterrompue ou abandonné avant d’être repris. Ce seul fait justifie de poursuivre l’examen de la présente question, en dépit des doutes quant à l’applicabilité ratione temporis de la directive EIE.

123.

Un intérêt de la juridiction de renvoi à ce qu’il soit répondu à cette question pourrait au demeurant également résulter de l’argument invoqué par plusieurs parties, selon lequel, dès avant son adhésion, la République slovaque avait aménagé et appliquait son droit interne en conformité avec la directive EIE. Partant, il serait logique qu’une évaluation environnementale conduite, en raison de sa date, sur la seule base du droit interne soit traitée très exactement comme une évaluation à laquelle la directive EIE est déjà applicable ( 41 ). L’arrêt Ynos ( 42 ) ne s’opposerait pas à ce que les juridictions internes procèdent de la sorte, puisque, si la procédure d’autorisation a été engagée avant l’adhésion, elle ne s’est achevée que bien après.

b) Concernant les critères pour la prorogation de la validité de la décision relative aux incidences sur l’environnement

124.

S’il s’avère que la directive EIE s’applique à l’autorisation du projet de décharge ou si le droit interne exige une application par analogie des prescriptions de la directive, il se posera la question de savoir s’il était compatible avec la directive de proroger en 2006 l’applicabilité de la décision prise en 1999 au sujet des incidences sur l’environnement.

125.

À cet égard, la juridiction nationale devrait d’abord examiner si l’évaluation conduite en 1999 répondait déjà à toutes les exigences de la directive EIE. En effet, même en cas de prorogation, une évaluation défaillante ne saurait se substituer à une évaluation au sens de la directive.

126.

La directive EIE ne dit pas expressément s’il est possible de proroger la validité d’une évaluation suffisante quant à son contenu. Le critère déterminant doit cependant être l’objectif de l’évaluation environnementale, tel qu’il est établi à l’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE. D’après cette disposition, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leur dimension ou de leur localisation, doivent être soumis à une évaluation environnementale, qui ne saurait se borner aux incidences qui se seraient vérifiées en cas de réalisation du projet à un moment quelconque dans le passé. Cette évaluation doit au contraire englober tous les effets réellement prévisibles à la date de l’autorisation.

127.

Cela résulte d’ailleurs également de l’annexe II, point 13, de la directive EIE, relative aux modifications de projets ( 43 ), étant entendu que cette notion de modification est d’interprétation large ( 44 ).

128.

Si les conditions environnementales ou le projet ont changé au point de rendre possible l’apparition d’autres conséquences environnementales de quelque importance, la procédure d’évaluation environnementale devra être complétée, voire répétée. Il pourra alors être nécessaire d’examiner si, à la date de l’autorisation, l’évaluation environnementale indique encore fidèlement quels effets sensibles le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement ( 45 ), il s’agit donc en quelque sorte de procéder à un contrôle de mise à jour, afin de déterminer s’il faut une évaluation complémentaire des incidences sur l’environnement.

129.

Il y a diverses circonstances dans la procédure au principal qui auraient pu avoir une importance pour un contrôle de mise à jour.

130.

Un premier élément découle de l’ordre chronologique des événements. En principe, l’évaluation environnementale doit déjà tenir compte de l’aménagement concret du projet, tel qu’il résulte de l’autorisation intégrée ( 46 ). Il ne serait pas surprenant que les incidences du projet sur l’environnement aient changé par rapport à ce qu’elles étaient à la date de l’évaluation. Ainsi, la directive sur les décharges n’a été adoptée que l’année de la décision relative aux incidences sur l’environnement, et pourtant ses exigences devaient être respectées dans le cadre de l’autorisation intégrée. Même à supposer que la République slovaque ait appliqué le droit de l’Union dès 1999, avant l’adhésion, il n’est pas évident a priori que l’évaluation environnementale ait déjà tenu compte des conséquences de la directive sur les décharges sur l’impact environnemental de la décharge.

131.

Par ailleurs, depuis l’évaluation environnementale, la ville de Pezinok a modifié ses plans. Aussi ne peut-on en particulier exclure que les incidences sur l’environnement du projet de décharge doivent faire l’objet d’une réévaluation pour tenir compte des utilisations nouvelles, non encore prises en compte, de terrains avoisinants. Ces utilisations peuvent être plus sensibles à l’impact d’une décharge ou renforcer les effets cumulatifs par rapport à l’évaluation initiale ( 47 ).

132.

Un renforcement des effets cumulatifs devrait cependant également résulter du fait que, contrairement à ce que postule l’évaluation des incidences environnementales, la décharge existante de Pezinok n’a pas été fermée en 2001, mais a poursuivi son activité au moins jusqu’au 31 octobre 2007, voire au-delà. Le niveau initial de pollution de la zone a pu s’en trouver augmenté.

c) Concernant la participation du public à la décision relative au point de savoir si une ancienne évaluation environnementale est encore suffisante

133.

D’après la motivation de la décision de renvoi, la juridiction a quo veut également savoir si le contrôle de mise à jour pouvait également être réalisé sur la seule base d’une demande de l’entité responsable du projet, sans aucune participation ultérieure du public.

134.

À cet égard, il faut rappeler que le contrôle de mise à jour vise à déterminer si une nouvelle participation du public est nécessaire. Il faut tenir compte dans ce contexte de l’intérêt à des procédures administratives efficaces et rapides et des droits du public. Une participation du public alourdirait la procédure, d’autant que, au cours de la procédure d’autorisation, il peut être plusieurs fois nécessaire de vérifier si, après les changements de circonstances, les conclusions de l’évaluation environnementale gardent une actualité suffisante.

135.

Même si la décision de mise à jour ne comporte aucune participation du public, ce dernier n’est pas dépourvu de toute protection. Cette décision est comparable à l’examen préalable du point de savoir si une évaluation est nécessaire pour des projets de moindre importance, énumérés à l’annexe II de la directive EIE. Lors de l’examen préalable, les autorités doivent veiller à ce qu’aucun projet susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, au sens de la directive, n’échappe à l’évaluation, sauf si le projet spécifique exclu de l’évaluation peut être considéré sur la base d’une appréciation globale comme non susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ( 48 ). Le public, comme d’ailleurs les autres autorités nationales concernées, doit pouvoir faire assurer le respect de cette obligation d’évaluation, le cas échéant par la voie juridictionnelle ( 49 ). L’efficacité du contrôle juridictionnel implique que l’autorité nationale compétente fasse connaître les motifs sur lesquels son refus est fondé au public et aux autorités administratives soit dans la décision elle-même, soit dans une communication ultérieure faite sur leur demande ( 50 ).

136.

Ces principes doivent également s’appliquer à un contrôle de mise à jour, puisque ce dernier vise aussi à identifier les incidences notables sur l’environnement qui n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation suffisante. Sous cette réserve, il appartient aux États membres de dire si et le cas échéant comment ils entendent faire participer le public à la décision de mise à jour ( 51 ).

d) Conclusion intermédiaire

137.

En somme, il y a lieu de constater que, si la directive EIE est applicable ratione temporis, une évaluation environnementale antérieure reste valide si, au moment de l’autorisation, elle reflète de façon adéquate les conséquences notables que le projet peut avoir sur l’environnement. L’examen du point de savoir si les conditions environnementales ou le projet ont changé au point que d’autres incidences négatives notables sont devenues possibles ne requiert pas forcément une participation du public.

2. Concernant l’admissibilité d’une dissociation des recours par rapport à diverses conditions d’octroi d’une autorisation

138.

Les considérations développées ci-dessus ne revêtent d’importance pour la procédure au principal que si les vices entachant l’évaluation environnementale peuvent être invoqués dans la procédure d’autorisation intégrée. Le droit slovaque semble l’exclure, puisque la Cour constitutionnelle slovaque renvoie à cet égard à une procédure de recours spécifique. Il convient donc de vérifier s’il est compatible avec le droit de l’Union que l’examen des vices éventuels entachant une évaluation environnementale antérieure soit écarté du procès relatif à l’autorisation intégrée de la décharge et renvoyé à une procédure juridictionnelle spécifique.

139.

La directive IPPC n’exige pas de réaliser l’évaluation environnementale dans le cadre de la procédure d’autorisation intégrée. Certes, son article 9, paragraphe 2, impose de prendre en compte les informations obtenues grâce à l’évaluation, mais son article 1er et son onzième considérant précisent bien qu’elle s’applique sans préjudice de la directive EIE. C’est pourquoi la directive IPPC permet en principe aux États membres d’appliquer les deux directives dans des procédures séparées et, par voie de conséquence, de dissocier le contrôle juridictionnel de ces procédures.

140.

Cependant, d’après le droit slovaque, l’autorisation intégrée de la décharge est à la fois une autorisation d’exploitation au sens de la directive IPPC et une autorisation d’implantation (article 8, paragraphe 3, de la loi slovaque no 245/2003). L’autorisation d’implanter est une autorisation au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive EIE, qui ne peut donc être délivrée qu’à l’issue d’une évaluation environnementale. Partant, le lien entre cette évaluation et l’autorisation intégrée résulte du droit slovaque, bien que celui de l’Union ne l’impose pas.

141.

D’après l’article 10 bis de la directive EIE, les membres du public concerné doivent pouvoir former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la directive EIE relatives à la participation du public. Le contrôle juridictionnel de l’autorisation d’implantation d’une décharge doit donc s’étendre à l’évaluation environnementale.

142.

La nécessité d’une procédure de recours n’exclut cependant pas forcément de soumettre certains éléments pertinents, par exemple l’évaluation environnementale, à des procédures de recours spécifiques.

143.

Le droit de l’Union ne règle en effet pas en détail la façon dont la procédure de recours doit être aménagée. Cette tâche incombe aux États membres. Les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne doivent simplement pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) ( 52 ).

144.

Il peut être justifié de créer des recours spécifiques contre certains faits. En particulier, les demandeurs peuvent gagner en sécurité juridique si certaines questions font d’emblée l’objet d’une solution définitive, avant d’engager d’importantes procédures ultérieures.

145.

Toutefois, de par la nature de l’évaluation environnementale, il n’est que partiellement possible de lui appliquer un traitement spécifique qui ne soit pas attaquable en droit. Elle doit en effet inclure les incidences sur l’environnement qui résultent du projet autorisé et de l’état de l’environnement au moment donné ( 53 ), ce qui exclut que les effets sur l’environnement puissent faire l’objet de constatations exhaustives et sans appel à un stade précoce de la procédure. Il doit au moins rester possible de faire valoir à un stade ultérieur les insuffisances de l’évaluation environnementale qui surviennent ou deviennent visibles à ce stade.

146.

De surcroît, les vices entachant des étapes de procédure dissociées doivent également être pris en compte lors d’étapes ultérieures. Ainsi, lorsqu’un litige mène à la constatation qu’une évaluation environnementale était viciée, le projet ne devra pas être autorisé définitivement ou exécuté pendant que dure ce litige ( 54 ). En même temps, la fragmentation de la protection juridictionnelle ne doit pas aboutir à écarter des recours intentés contre certaines démarches dissociées de la procédure par des personnes ou des organisations qui ont droit, en vertu de l’article 10 bis de la directive EIE, à un contrôle juridictionnel de la légalité d’une décision quant au fond ou à la procédure. Enfin, un tel système ne doit pas accroître de façon disproportionnée les moyens que le public devrait consacrer aux recours contre un projet.

147.

Un système interne de voies de recours qui ne répondrait pas à ces exigences ne serait pas compatible avec le principe d’effectivité, puisqu’il rendrait impossible ou en tout cas excessivement difficile la mise en œuvre des droits conférés par la législation environnementale de l’Union.

148.

Dans ce cas, l’efficacité pratique des directives concernées exigerait que, dans le cadre d’un litige portant sur des étapes de procédure ultérieures, on examine les erreurs commises dans les étapes antérieures ( 55 ). Cette exigence s’impose tout particulièrement si le comportement des autorités nationales, combiné avec les dispositions relatives aux voies de recours, a abouti à priver quelqu’un de toute possibilité de faire valoir ses droits devant les juridictions nationales ( 56 ), par exemple du fait que les autorités cachent les possibilités de recours.

149.

La Cour ne dispose pas d’informations suffisantes pour dire en l’espèce si l’aménagement des voies de recours en Slovaquie ou leur application dans les procédures au principal sont compatibles avec le principe d’effectivité. La décision de renvoi permet cependant d’en douter. La juridiction a quo révèle en effet des indices tendant à établir l’existence d’une collusion entre Ekologická skládka et les autorités compétentes:

Il a été soutenu que le chef du service auteur de la décision sur le site d’implantation était lui-même propriétaire de terrains dans la zone couverte par le projet et que, de surcroît, il était membre, avec ses sœurs, du conseil de surveillance d’Ekologická skládka ( 57 ).

Križan e.a. ont été écartés de la procédure relative au site d’implantation au motif que leurs droits n’étaient pas encore directement affectés à ce stade; pourtant, dans la procédure d’autorisation intégrée, on ne leur en a pas moins opposé le fait que la décision sur le site d’implantation était devenue définitive ( 58 ).

Au cours de la première instance de la procédure d’autorisation intégrée, la décision sur le site d’implantation a été tenue secrète, sans aucune raison apparente ( 59 ).

150.

L’examen concret de ces circonstances incombe aux juridictions nationales qui peuvent, dans le doute, recourir à la procédure préjudicielle pour obtenir des précisions sur l’application du principe d’effectivité dans certains cas de figure.

151.

En somme, le droit de l’Union permet que le contrôle des insuffisances d’une évaluation environnementale effectuée en amont soit écarté de la procédure de contrôle juridictionnel de l’autorisation intégrée d’installation d’une décharge pour faire l’objet d’une procédure de recours spécifique, à condition que cette dissociation ne rende pas le contrôle juridictionnel de l’autorisation intégrée pratiquement impossible ou excessivement difficile. Si l’aménagement ou l’application des voies de recours ne répond pas à ces exigences, l’efficacité pratique des directives concernées requiert que, dans le cadre d’un litige relatif à des étapes de procédure ultérieures, il soit procédé au contrôle des erreurs ayant entaché la mise en œuvre des étapes antérieures.

3. Concernant l’examen d’office de certaines questions juridiques

152.

Mais il y a une deuxième constatation de la Cour constitutionnelle slovaque qui pourrait faire obstacle à l’examen des vices éventuels de l’évaluation environnementale dans la procédure au principal. Cette juridiction a en effet observé que les intéressés n’avaient pas contesté la validité de l’évaluation environnementale. Elle en a déduit que la juridiction de renvoi avait statué ultra petita, en excédant ses compétences. C’est pourquoi la juridiction de renvoi veut savoir si le droit de l’Union lui permet de se saisir de cette question d’office.

153.

Là encore, faute de dispositions pertinentes dans le droit de l’Union, il y a en principe lieu d’appliquer l’autonomie de procédure des États membres, qui devra cependant être exercée dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité ( 60 ).

154.

La décision de renvoi n’indique pas dans quelle mesure des questions de droit interne peuvent être soulevées d’office. Il n’y a donc pas d’élément justifiant d’examiner si le principe d’équivalence impose de se saisir d’office des vices entachant l’évaluation environnementale. Sur ce point, la présente affaire se distingue de l’arrêt van der Weerd e.a., où la question était de savoir si les dispositions litigieuses du droit de l’Union correspondaient à des dispositions internes d’ordre public, dont le droit néerlandais permet l’examen d’office ( 61 ).

155.

Pour ce qui concerne le principe d’effectivité, chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux particuliers par l’ordre juridique de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s’il échet, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure ( 62 ). Il s’agit d’appréciations au cas par cas, portées en considération de l’ensemble du contexte factuel et juridique propre à chaque affaire, qui ne sauraient être transposées automatiquement dans des domaines différents de ceux dans le cadre desquels elles ont été émises ( 63 ).

156.

En principe, il y a lieu de considérer comme compatibles avec le principe d’effectivité les dispositions internes empêchant les juridictions nationales de relever d’office un moyen tiré de la violation de dispositions communautaires, lorsque l’examen de ce moyen les obligerait à renoncer à la passivité qui leur incombe, en sortant des limites du litige tel qu’il a été circonscrit par les parties et en se fondant sur d’autres faits et circonstances que ceux sur lesquels la partie qui a intérêt à l’application desdites dispositions a fondé sa demande ( 64 ).

157.

Une telle limitation du pouvoir du juge national peut se justifier par le principe selon lequel l’initiative d’un procès appartient aux parties et que, en conséquence, le juge ne saurait agir d’office que dans des cas exceptionnels, dans l’intérêt public. Ce principe protège les droits de la défense et assure le bon déroulement de la procédure, notamment, en la préservant des retards inhérents à l’appréciation des moyens nouveaux ( 65 ).

158.

Ces considérations ont été développées dans des procédures relatives à l’affiliation à un régime étatique d’assurance obligatoire ( 66 ) ou à la preuve d’une épizootie, pour justifier l’adoption de mesures à la charge de l’exploitation agricole concernée ( 67 ).

159.

Le cas le plus important dans lequel les tribunaux nationaux sont malgré tout tenus de soulever d’office une question de droit de l’Union concerne l’article 6, paragraphe 1, de la directive sur les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 68 ). Pour tenir compte de la position de faiblesse des consommateurs par rapport à leurs partenaires contractuels, cette disposition prévoit qu’une clause abusive ne lie pas le consommateur. Conformément à la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers. Pour en garantir l’efficacité, la Cour a statué que le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle ( 69 ).

160.

L’environnement aussi a besoin de protection et il y a un notable intérêt public à la bonne exécution de l’évaluation environnementale imposée par le droit de l’Union.

161.

Concernant l’impact de vices entachant une évaluation environnementale sur la validité d’autorisations, la directive EIE ne contient cependant pas de dispositions semblables à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13. Elle ne dit notamment pas que de tels vices affecteraient la validité d’une autorisation.

162.

Il n’y a pas lieu d’examiner ici si la renonciation complète à faire une évaluation environnementale imposée par le droit de l’Union doit le cas échéant être soulevée d’office. En tout cas, une telle évaluation constitue certainement une base importante pour contester un projet sur la base d’arguments tirés du droit de l’environnement.

163.

Nous ne croyons cependant pas nécessaire de toujours se saisir d’office des doutes relatifs au caractère actuel d’une évaluation environnementale. Lorsqu’une telle évaluation existe, elle devrait fournir aux requérants éventuels des éléments suffisants pour contester les lacunes qu’elle peut comporter. Ces lacunes peuvent aussi apparaître assez facilement avec le temps ou avec l’évolution des circonstances extérieures, sans avoir nécessairement d’impact supplémentaire notable sur l’environnement. Il faut songer que, pour qu’une évaluation complémentaire soit nécessaire, il suffit que de tels impacts supplémentaires soient possibles. Si le problème du caractère actuel de l’évaluation environnementale devait être soulevé d’office par les juges, cela créerait de lourds risques processuels, sans que l’environnement y gagne nécessairement. C’est pourquoi l’intérêt public à la prise en compte d’une évaluation environnementale qui soit à jour ne saurait avoir l’importance requise pour justifier un contrôle d’office. Il suffit que de tels doutes ne soient examinés qu’en présence de griefs expressément formulés.

164.

L’appréciation pourra se révéler différente pour d’autres aspects de droit de l’environnement. Ainsi, d’après les arguments présentés par Križan e.a., il serait intéressant de vérifier si l’ancienne décharge de Pezinok est exploitée de manière conforme à l’article 14 de la directive sur les décharges ( 70 ). Cette décharge est associée à de graves risques pour la santé. Rien ne permet cependant de dire que l’exploitation de l’ancienne décharge fasse l’objet de la procédure au principal.

165.

Concernant la nouvelle décharge, la juridiction de renvoi ne laisse pas entendre qu’il soit prévu de l’exploiter en violation des normes techniques applicables. Comparé à la poursuite de l’exploitation de l’ancienne décharge, elle pourrait même représenter une amélioration de la protection de l’environnement.

166.

Nous ne voyons donc aucun motif d’intérêt public spécifiquement tiré du droit environnemental de l’Union pour imposer à la juridiction de renvoi d’agir en dépit de dispositions nationales en se saisissant d’office de doutes éventuels quant au caractère actuel de l’évaluation environnementale.

167.

Le principe d’effectivité impose cependant que les questions juridiques relatives au droit de l’Union soient également soulevées d’office si les parties n’ont pas eu de véritable possibilité de soulever un moyen fondé sur les dispositions en cause devant une juridiction nationale ( 71 ).

168.

Si une violation du principe d’effectivité découlait réellement des éléments évoqués par la juridiction de renvoi pour affirmer une collusion entre Ekologická skládka et les autorités chargées de délivrer les autorisations ( 72 ), il faudrait également présumer que Križan e.a. n’avaient de fait pas la possibilité de faire valoir la prétendue absence de caractère actuel de l’évaluation environnementale devant les juridictions nationales. Dans cette hypothèse, la juridiction de renvoi serait tenue de soulever cette question d’office.

4. Réponse à la troisième question

169.

Il y a donc lieu de répondre la troisième question ce qui suit:

Lorsque la directive EIE est applicable ratione temporis, une évaluation passée des incidences d’un projet sur l’environnement peut servir de base à l’autorisation du projet si, au moment de l’autorisation, elle reflète de façon adéquate les conséquences majeures que le projet peut avoir sur l’environnement. L’examen du point de savoir si les conditions environnementales ou le projet ont changé au point que d’autres incidences négatives d’importance sont devenues possibles ne requiert pas forcément une participation du public.

Le droit de l’Union permet que le contrôle du caractère actuel d’une évaluation environnementale effectuée en amont soit écarté de la procédure de contrôle juridictionnel de l’autorisation intégrée d’installation d’une décharge pour faire l’objet d’une procédure de recours spécifique, à condition que cette dissociation des recours ne rende pas le contrôle juridictionnel de l’autorisation intégrée pratiquement impossible ou excessivement difficile. Si l’aménagement ou l’application des voies de recours ne répond pas à ces exigences, l’efficacité pratique des directives concernées requiert que, dans le cadre d’un litige relatif à des étapes de procédure ultérieures, il soit procédé au contrôle des erreurs ayant entaché la mise en œuvre des étapes antérieures.

Les juridictions nationales doivent soulever d’office la question du caractère actuel d’une évaluation environnementale si les parties n’ont de fait pas eu la possibilité de la soulever devant une juridiction nationale. Il y a lieu de présumer cela en particulier si l’aménagement ou l’application des voies de recours ne répond pas aux exigences du principe d’effectivité.

D – Sur la quatrième question, concernant des mesures provisoires

170.

La quatrième question vise à savoir si les voies de recours offertes au public par la directive IPPC et par la directive EIE englobent la possibilité de demander l’adoption d’une mesure administrative ou judiciaire de nature provisoire en application du droit interne (par exemple, ordonner la suspension du caractère exécutoire de la décision intégrée), qui permette temporairement, c’est-à-dire jusqu’à la décision au fond, d’arrêter la réalisation d’une exploitation projetée.

171.

Même s’il est vrai que ni la directive IPPC ni la directive EIE ne prévoient de mesures provisoires, il est de jurisprudence constante qu’un juge national saisi d’un litige régi par le droit de l’Union doit être en mesure d’accorder des mesures provisoires en vue de garantir la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir sur l’existence des droits invoqués sur le fondement du droit de l’Union ( 73 ).

172.

Cette obligation est l’expression du droit à un recours effectif reconnu par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et que les États membres doivent garantir en application de l’article 19, paragraphe 1, deuxième phrase, TUE.

173.

Au demeurant, l’article 9, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus, qui doit être pris en compte pour interpréter la directive IPPC et la directive EIE ( 74 ), exige également que les recours prévus par ces directives permettent l’adoption de mesures provisoires adaptées.

174.

D’après la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi a aussi des doutes quant au point de savoir si la partie touchée par la mesure provisoire doit être entendue avant l’adoption de cette mesure.

175.

À cet égard, il y a lieu de respecter le principe du procès équitable, qui englobe le droit à être entendu ( 75 ). Certes, les modalités concrètes du droit à être entendu peuvent varier en fonction de l’urgence qu’il peut y avoir à statuer, mais toute restriction à l’exercice de ce droit doit être dûment justifiée et entourée de garanties procédurales assurant aux personnes concernées une possibilité effective de contester les mesures adoptées dans l’urgence ( 76 ).

176.

C’est la raison pour laquelle, en cas d’urgence particulière à adopter une mesure provisoire, un tribunal peut en un premier temps renoncer à entendre l’ensemble des parties ( 77 ), mais il doit régulariser cette omission le plus vite possible ( 78 ) ou du moins faut-il que la mesure puisse être attaquée dans le cadre d’une procédure de recours accélérée, qui permette à toutes les parties d’être entendues.

177.

Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que les voies de recours offertes au public par la directive IPPC et la directive EIE englobent la possibilité de demander l’adoption d’une mesure administrative ou judiciaire de nature provisoire en application du droit interne, qui permette temporairement d’arrêter la réalisation d’un projet d’installation. En cas d’urgence particulière, il est possible de renoncer à l’audition de certaines des parties, pourvu qu’elles puissent se pourvoir contre la décision prise aussi vite que possible.

E – Sur la cinquième question, concernant la portée de la protection du droit de propriété

178.

La cinquième question vise à savoir si, lorsqu’elle respecte les conditions de la directive IPPC, de la directive EIE ou de l’article 9, paragraphes 2 et 4, de la convention d’Aarhus, l’annulation par décision de justice d’une autorisation valablement accordée pour une installation nouvelle peut constituer une atteinte illégale au droit de propriété de l’exploitant. La juridiction de renvoi veut, en particulier, savoir quel critère de proportionnalité il y a lieu d’appliquer dans la mise en balance de l’intérêt public à la protection de l’environnement, d’une part, et du droit privé à la protection de la propriété, d’autre part, lorsque la teneur de ce droit de propriété (en particulier sous le rapport de l’usage qui en est fait) porte inévitablement atteinte à l’environnement protégé par le droit de l’Union ou est nécessairement associée à une telle atteinte.

179.

Le droit de propriété est reconnu par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux et l’était auparavant déjà par une jurisprudence constante de la Cour. Il peut cependant faire l’objet de restrictions, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis ( 79 ).

180.

L’affaire au principal touche à deux aspects différents de la propriété. Il s’agit, d’une part, de la propriété sur le terrain affecté à la décharge, dont l’utilisation est restreinte par la réserve d’autorisation préalable, et, d’autre part, du droit éventuellement ouvert par cette autorisation d’installer et d’exploiter une décharge sur ce terrain.

181.

Le droit d’installer et d’exploiter une décharge ne peut cependant acquérir le statut de droit de propriété qu’à partir du jour où l’autorisation ne peut plus être contestée. Avant cela, il ne s’agira que d’une espérance d’installer et d’exploiter une décharge. Or, de simples espérances ne bénéficient d’aucune protection au titre du droit de propriété ( 80 ), en tout cas si leur réalisation est contestée ( 81 ).

182.

La condition d’autorisation préalable de la décharge restreint en revanche l’usage du droit de propriété sur les superficies en cause.

183.

En raison de cette condition, l’usage projeté est subordonné à l’issue de plusieurs procédures administratives. À cet égard, la directive EIE a pour tâche de garantir l’identification et la prise en compte dans la décision de tous les effets importants du projet sur l’environnement. Quant à la directive IPPC, elle vise à minimiser l’impact de l’installation sur l’environnement. Les deux directives ouvrent en outre largement la possibilité de contester en justice la validité de la décision sur le plan tant de la procédure que du fond.

184.

Ces réglementations peuvent empêcher la réalisation de certains projets et en retarder d’autres ou limiter l’étendue de leur mise en œuvre.

185.

Ces restrictions au droit de propriété peuvent cependant en principe être justifiées par l’intérêt général à un niveau élevé de protection de l’environnement ( 82 ), que l’article 191 TFUE et l’article 37 de la charte des droits fondamentaux érigent en objectif de l’Union ( 83 ).

186.

Il est donc compatible avec le droit fondamental à la propriété d’interdire qu’un terrain soit utilisé d’une façon affectant l’environnement dans une mesure excessive. Il faut également accepter que des projets susceptibles d’avoir un impact notable sur l’environnement fassent l’objet d’un examen méticuleux avant de pouvoir être réalisés. Rien ne permet de dire que les exigences de la directive EIE, de la directive IPPC ou de la convention d’Aarhus soient à cet égard disproportionnées.

187.

Enfin, le droit fondamental à un recours effectif, au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exige que le respect de prescriptions justifiées en matière de protection de l’environnement puisse faire l’objet d’un contrôle juridictionnel et que soient annulées, le cas échéant, les autorisations qui ont été délivrées en violation de ces prescriptions.

188.

En somme, si elle respecte les conditions de la directive IPPC, de la directive EIE ou de l’article 9, paragraphes 2 et 4, de la convention d’Aarhus, l’annulation par la justice d’une autorisation valablement accordée pour une installation nouvelle ne constitue pas une atteinte illégale au droit de propriété de l’exploitant.

V – Conclusion

189.

Nous proposons dès lors à la Cour de statuer comme suit:

«1)

En cas de doutes quant à l’application du droit de l’Union dans un litige en cours, l’article 267 TFUE impose à toute juridiction nationale dont la décision interprétant le droit de l’Union n’est susceptible d’aucun recours, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel, y compris d’office, sans qu’une partie l’ait demandé, même si la Cour constitutionnelle de l’État membre en question a déjà rendu une décision sur ce litige et a prescrit à la juridiction citée en premier lieu de le trancher dans le respect de son analyse du droit constitutionnel national.

2)

Dans une procédure d’autorisation intégrée d’une décharge, l’article 15, paragraphe 1, et l’annexe V de la directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, exigent que le public ait accès à une décision prise en amont de cette procédure et relative au site d’implantation, si aucune raison impérieuse, tenant par exemple à des secrets d’affaires, ne s’y oppose. Si l’accès à ce document est refusé en un premier temps sans justification suffisante, cette irrégularité peut être corrigée ultérieurement, dans le cadre de la procédure administrative et sur le fondement du droit national, à condition que l’accès accordé à ce stade ultérieur mette le public dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si l’accès avait été accordé dès le départ.

3)

Lorsque la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement de certains projets publics et privés, dans sa version modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, est applicable ratione temporis, une évaluation passée des incidences d’un projet sur l’environnement peut servir de base à l’autorisation du projet si, au moment de l’autorisation, elle reflète de façon adéquate les conséquences majeures que le projet peut avoir sur l’environnement. L’examen du point de savoir si les conditions environnementales ou le projet ont changé au point que d’autres incidences négatives d’importance sont devenues possibles ne requiert pas forcément une participation du public.

Le droit de l’Union permet que le contrôle du caractère actuel d’une évaluation environnementale effectuée en amont soit écarté de la procédure de contrôle juridictionnel de l’autorisation intégrée d’installation d’une décharge pour faire l’objet d’une procédure de recours spécifique, à condition que cette dissociation des recours ne rende pas le contrôle juridictionnel de l’autorisation intégrée pratiquement impossible ou excessivement difficile. Si l’aménagement ou l’application des voies de recours ne répond pas à ces exigences, l’efficacité pratique des directives concernées requiert que, dans le cadre d’un litige relatif à des étapes de procédure ultérieures, il soit procédé au contrôle des erreurs ayant entaché la mise en œuvre des étapes antérieures.

Les juridictions nationales doivent soulever d’office la question du caractère actuel d’une évaluation environnementale si les parties n’ont de fait pas eu la possibilité de la soulever devant une juridiction nationale. Il y a lieu de présumer cela en particulier si l’aménagement ou l’application des voies de recours ne répond pas aux exigences du principe d’effectivité.

4)

Les voies de recours offertes au public par la directive 2008/1 et la directive 85/337 englobent la possibilité de demander l’adoption d’une mesure administrative ou judiciaire de nature provisoire en application du droit interne, qui permette temporairement d’arrêter la réalisation d’un projet d’installation. En cas d’urgence particulière, il est possible de renoncer à l’audition de certaines des parties, pourvu qu’elles puissent aussi vite que possible se pourvoir contre la décision prise.

5)

Si elle respecte les conditions de la directive 2008/1, de la directive 85/337 ou de l’article 9, paragraphes 2 et 4, de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, l’annulation par la justice d’une autorisation valablement accordée pour une installation nouvelle ne constitue pas une atteinte illégale au droit de propriété de l’exploitant.»


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) Directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008 (version codifiée) (JO L 24, p. 8). Cette directive sera remplacée à compter du 7 janvier 2014 par la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO L 334, p. 17).

( 3 ) Directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985 (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement (JO L 156, p. 17). Cette directive a été codifiée et remplacée, à compter du 16 février 2012, par la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011 (JO 2012, L 26, p. 1).

( 4 ) Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2005, L 124, p. 4).

( 5 ) Adoptée par décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO L 124, p. 1).

( 6 ) Directive du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p. 26).

( 7 ) Directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999 (JO L 182, p. 1), dans la version modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003 (JO L 284, p. 1).

( 8 ) Directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (JO L 41, p. 26).

( 9 ) Décision de la Cour suprême slovaque du 14 septembre 2010 (1 Sžo 373/2009, annexe 15 des observations écrites d’Ekologická skládka du 15 décembre 2012, p. 82 et suiv.).

( 10 ) Ils se réfèrent aux décisions de la Cour suprême slovaque du 17 juin 2010 (Sžp 52/2009) et du 28 septembre 2011 (Sžp 3/2011).

( 11 ) Voir ci-après, sous D.3 (points 152 et suiv.).

( 12 ) C’est ainsi que les arrêts du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C-240/98 à C-244/98, Rec. p. I-4941, point 26); du 21 novembre 2002, Cofidis (C-473/00, Rec. p. I-10875, point 33), et du 26 octobre 2006, Mostaza Claro (C-168/05, Rec. p. I-10421, point 29), reposent sur le contenu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

( 13 ) Arrêt du 21 juillet 2011, Kelly (C-104/10, Rec. p. I-6813, point 61).

( 14 ) Arrêt du 5 octobre 2010, Elchinov (C-173/09, Rec. p. I-8889, point 26 et jurisprudence citée).

( 15 ) Voir arrêt du 4 juin 2002, Lyckeskog (C-99/00, Rec. p. I-4839, points 17 et 18).

( 16 ) Ibidem, point 14 et jurisprudence citée.

( 17 ) Voir arrêt prononcé par la Cour constitutionnelle slovaque le 27 mai 2010 (I. ÚS 223/09-131, annexe 9 de la décision de renvoi, point 16).

( 18 ) Arrêt Elchinov (précité à la note 14, point 27 et jurisprudence citée).

( 19 ) Arrêt du 22 juin 2010, Melki et Abdeli (C-188/10 et C-189/10, Rec. p. I-5665, point 52).

( 20 ) Arrêt Elchinov (précité à la note 14, points 29 et 30, et jurisprudence citée).

( 21 ) Arrêts du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft (11/70, Rec. p. 1125, point 3), et du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C-409/06, Rec. p. I-8015, point 61).

( 22 ) Arrêts du 7 septembre 1999, Beck et Bergdorf (C-355/97, Rec. p. I-4977, point 22); du 5 décembre 2006, Cipolla e.a. (C-94/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421, point 5); du 8 septembre 2009, Budějovický Budvar (C-478/07, Rec. p. I-7721, point 63), et du 1er décembre 2011, Painer (C-145/10, Rec. p. I-12533, point 59).

( 23 ) Précitée dans la note 3.

( 24 ) Arrêt du 12 mai 2011, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen (C-115/09, Rec. p. I-3673, point 41). Voir, sur un plan plus général, arrêts du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne (C-61/94, Rec. p. I-3989, point 52); du 14 juillet 1998, Bettati (C-341/95, Rec. p. I-4355, point 20); du 1er avril 2004, Bellio F.lli (C-286/02, Rec. p. I-3465, point 33); du 7 décembre 2006, SGAE (C-306/05, Rec. p. I-11519, point 35), et du 14 mai 2009, Internationaal Verhuis- en Transportbedrijf Jan de Lely (C-161/08, Rec. p. I-4075, point 38).

( 25 ) Voir article 6, paragraphe 1, sous d), de la directive IPPC; voir également point j), qui exige une description résumée des principales solutions de substitution, le cas échéant étudiées par l’auteur de la demande, et notamment des sites d’implantation alternatifs.

( 26 ) Arrêts du 16 décembre 2010, Stichting Natuur en Milieu e.a. (C-266/09, Rec. p. I-13119, point 52), et du 28 juillet 2011, Office of Communications (C-71/10, Rec. p. I-7205, point 22).

( 27 ) Voir arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission (C-109/10 P, Rec. p. I-10329, point 56), pour la régularisation de vices de procédure dans le cadre de procédures de la Commission en matière d’ententes; pour ce qui est du droit procédural douanier, voir arrêt du 16 janvier 1992, Marichal-Margrève (C-334/90, Rec. p. I-101, point 25).

( 28 ) Arrêt du 7 janvier 2004 (C-201/02, Rec. p. I-723, point 65). Voir cependant également arrêt du 3 juillet 2008, Commission/Irlande (C-215/06, Rec. p. I-4911, points 57 à 60).

( 29 ) Arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen (précité à la note 24, point 43).

( 30 ) Pour les procédures en matière d’ententes, voir arrêt Solvay/Commission (précité à la note 27).

( 31 ) Arrêt Commission/Irlande (précité à la note 28, point 57).

( 32 ) Voir point 54, ci-dessus.

( 33 ) Arrêts du 18 juin 1998, Gedeputeerde Staten van Noord-Holland (C-81/96, Rec. p. I-3923, point 23), et Wells (précité à la note 28, point 43).

( 34 ) JO 2003, L 236, p. 33.

( 35 ) Arrêts du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni (C-508/03, Rec. p. I-3969, point 102); du 17 mars 2011, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a. (C-275/09, Rec. p. I-1753, point 37), et du 18 octobre 2011, Boxus e.a. (C-128/09 à C-131/09, C-134/09 et C-135/09, Rec. p. I-9711, point 44).

( 36 ) Arrêt du 11 août 1995, Commission/Allemagne, dit «Großkrotzenburg» (C-431/92, Rec. p. I-2189, point 32).

( 37 ) Arrêt Gedeputeerde Staten van Noord-Holland (précité à la note 33, point 25).

( 38 ) Voir point 169 de nos conclusions du 13 octobre 2011 dans l’affaire Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a. (C‑43/10, pendante devant la Cour).

( 39 ) Arrêt précité à la note 33, point 25.

( 40 ) Point 47 des conclusions de l’avocat général Mischo présentées le 5 mars 1998 dans l’affaire Gedeputeerde Staten van Noord-Holland (précitée).

( 41 ) Arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi (C-297/88 et C-197/89, Rec. p. I-3763, points 37 et suiv.); du 17 juillet 1997, Giloy (C-130/95, Rec. p. I-4291, point 28), et du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves (C-48/07, Rec. p. I-10627, points 21 et suiv.).

( 42 ) Arrêt du 10 janvier 2006 (C-302/04, Rec. p. I-371, point 36).

( 43 ) Arrêt du 15 décembre 2011, Commission/Espagne, dit «M-501» (C‑560/08, disponible en français et en espagnol seulement, points 103 et suiv.).

( 44 ) Arrêt du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C-72/95, Rec. p. I-5403, point 39).

( 45 ) Arrêts Wells (précité à la note 28, point 47); du 4 mai 2006, Barker (C-290/03, Rec. p. I-3949, points 47 et suiv.), et Commission/Royaume-Uni (précité à la note 35, points 103 à 106), ainsi que point 140 de nos conclusions dans l’affaire Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a. (précitée à la note 38).

( 46 ) Voir point 128 ci-dessus.

( 47 ) Pour la prise en compte d’effets cumulatifs, voir arrêts du 24 novembre 2011, Commission/Espagne, dit «Ours brun espagnol» (C-404/09, Rec. p. I-11853, points 76 et suiv.), et M-501 (précité à la note 43, points 98 et suiv.).

( 48 ) Arrêt du 10 juin 2004, Commission/Italie, dit «Lotto zero», (C-87/02, Rec. p. I-5975, point 44).

( 49 ) Arrêt du 30 avril 2009, Mellor (C-75/08, Rec. p. I-3799, point 58).

( 50 ) Ibidem, point 59.

( 51 ) Arrêt du 21 février 2008, Tele2 Telecommunication (C-426/05, Rec. p. I-685, point 52).

( 52 ) Arrêts Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen (précité à la note 24, point 43) et Boxus e.a. (précité à la note 35, point 52).

( 53 ) Voir point 128 ci-dessus.

( 54 ) Voir arrêt du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne (C‑41/11, point 47), relatif à l’évaluation environnementale de plans et de programmes.

( 55 ) Arrêt Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a. (précité à la note 35, point 37).

( 56 ) Arrêts du 15 septembre 1998, Edis (C-231/96, Rec. p. I-4951, point 48); du 17 novembre 1998, Aprile (C-228/96, Rec. p. I-7141, point 43); du 27 février 2003, Santex (C-327/00, Rec. p. I-1877, points 57 et suiv.); du 15 avril 2010, Barth (C-542/08, Rec. p. I-3189, point 33), et du 8 septembre 2011, Q-Beef et Bosschaert (C-89/10 et C-96/10, Rec. p. I-7819, point 51).

( 57 ) Point 6 de la décision de renvoi.

( 58 ) Points 5, 6 et 49 de la décision de renvoi.

( 59 ) Voir nos développements sur la deuxième question, points 88 et suiv.

( 60 ) Arrêt du 7 juin 2007 (C-222/05 à C-225/05, Rec. p. I-4233, point 28 et jurisprudence mentionnée). Concernant les exigences générales de ces principes, voir points 101 et 143 ci-dessus.

( 61 ) Arrêt précité, points 29 et suiv.

( 62 ) Arrêts du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C-312/93, Rec. p. I-4599, point 14) et van Schijndel et van Veen (C-430/93 et C-431/93, Rec. p. I-4705, point 19), ainsi que van der Weerd e.a. (précité à la note 60, point 33).

( 63 ) Arrêt Cofidis (précité à la note 12, point 37).

( 64 ) Arrêts van Schijndel et van Veen (précité à la note 62, point 22) et van der Weerd e.a. (précité à la note 60, point 33).

( 65 ) Arrêts van Schijndel et van Veen (précité à la note 62, point 21) et van der Weerd e.a. (précité à la note 60, point 35).

( 66 ) Arrêt van Schijndel et van Veen, précité.

( 67 ) Arrêt van der Weerd e.a., précité.

( 68 ) Directive 93/13.

( 69 ) Outre ceux cités dans la note 12, voir arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM (C-243/08, Rec. p. I-4713, points 22 et suiv.), et du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones (C-40/08, Rec. p. I-9579, points 30 et suiv.).

( 70 ) Voir la procédure en cours dans l’affaire Commission/Slovaquie (C‑331/11, JO 2011, C 28, p. 4), à propos d’une décharge à Žilina – Považský Chlmec.

( 71 ) Voir arrêts van der Weerd e.a. (précité à la note 60, points 40 et suiv.) et Peterbroeck (précité à la note 62).

( 72 ) Voir point 149 ci-dessus.

( 73 ) Arrêts du 19 juin 1990, Factortame e.a. (C-213/89, Rec. p. I-2433, point 21); du 11 janvier 2001, Siples (C-226/99, Rec. p. I-277, point 19), et du 13 mars 2007, Unibet (C-432/05, Rec. p. I-2271, point 67).

( 74 ) Voir point 78 ci-dessus.

( 75 ) Arrêts du 28 mars 2000, Krombach (C-7/98, Rec. p. I-1935, point 27); du 2 mai 2006, Eurofood IFSC (C-341/04, Rec. p. I-3813, point 66), et du 2 avril 2009, Gambazzi (C-394/07, Rec. p. I-2563, point 28).

( 76 ) Arrêts Eurofood IFSC, précité à la note 75, et du 15 juillet 2010, Purrucker (C-256/09, Rec. p. I-7353, point 95). Voir aussi l’orientation nouvelle adoptée par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 15 octobre 2009 dans l’affaire Micallef c. Malte (requête no 17056/06), § 86.

( 77 ) Voir arrêt du 21 mai 1980, Denilauler (125/79, Rec. p. 1553, point 15).

( 78 ) À titre d’illustration, voir arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran (C-27/09 P, Rec. p. I-13427, point 61), relatif à l’adoption de mesures administratives. Voir, également, article 50, paragraphe 4, de l’accord ADPIC.

( 79 ) Arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil (C-548/09 P, Rec. p. I-11381, point 114 et jurisprudence citée; voir aussi article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la charte des droits fondamentaux.

( 80 ) Arrêts du 14 mai 1974, Nold/Commission (4/73, Rec. p. 491, point 14), et du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil (C-280/93, Rec. p. I-4973, points 79 et suiv.), ainsi que Cour eur. D. H. arrêt Pine Valley Developments Ltd e.a. c. Irlande du 29 novembre 1991 (requête no 12742/87), § 51.

( 81 ) Voir Cour eur. D. H. arrêt Anheuser-Busch Inc. c. Portugal du 11 janvier 2007 (requête no 73049/01), Recueil des arrêts et décisions 2007-I, § 64 et suiv.

( 82 ) Arrêts du 7 février 1985, ADBHU (240/83, Rec. p. 531, point 13), et du 9 mars 2010, ERG e.a. (C-379/08 et C-380/08, Rec. p. I-2007, point 81); voir aussi Cour eur. D. H. arrêts Depalle c. France du 29 mars 2010 (requête no 34044/02), avec référence à la jurisprudence Pine Valley Developments Ltd e.a. c. Irlande (précité dans la note 80), § 57, et Curmi c. Malte du 22 novembre 2011 (requête no 2243/10), § 44.

( 83 ) Voir, également, neuvième point du préambule du TUE et article 11 TFUE.